Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 24 septembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Coric est absent]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 13.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   toutes les personnes présentes dans le prétoire et à l'extérieur. Il s'agit

 10   de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci,

 11   Messieurs les Juges.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : En ce jeudi, 24 septembre 2009, je salue en premier,

 13   MM. les accusés, Mmes et MM. les avocats. Je salue tous les éminents

 14   représentants du bureau du Procureur, et je salue également toutes les

 15   personnes qui nous assistent.

 16   J'ai deux décisions orales à lire. Mais avant cela, je donne la parole à M.

 17   le Greffier qui a des numéros IC.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. La Défense Petkovic a remis sa

 19   réponse aux objections de l'Accusation, documents versés par le truchement

 20   de Slobodan Praljak. Ce document aura le numéro IC 1048. L'Accusation a

 21   remis ses objections à la liste de documents versés au dossier par D3, D1,

 22   et D4 par truchement du témoin Jurcevic. Ce document aura le numéro IC

 23   1049. Le 3D a remis sa liste de documents à être versés par le truchement

 24   du témoin Arbutina Alojz, qui aura le numéro IC 1050. Merci, Monsieur le

 25   Juge.

 26   L'INTERPRÈTE : Microphone, Monsieur le Juge, s'il vous plaît.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi. J'avais oublié à nouveau.

 28   C'est une décision orale relative au témoignage du témoin expert Milan

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  1   Gorjanc. A l'appui d'une requête enregistrée le 2 septembre 2009, les

  2   Défenses Praljak et Petkovic ont communiqué aux parties et à la Chambre le

  3   rapport d'expert de leur témoin commun, M. Milan Gorjanc. Les deux Défenses

  4   ont indiqué que d'un accord commun, le témoin Milan Gorjanc témoignerait

  5   lors de la présentation des moyens de la Défense Petkovic. Le calendrier

  6   déposé par la Défense Petkovic indique que ce témoin devrait normalement

  7   comparaître le 2 novembre 2009.

  8   La Chambre tient à rappeler à la Défense Praljak qu'à cette date,

  9   elle aura épuisé le temps qui lui a été alloué pour la présentation de ses

 10   moyens. De ce fait, elle ne sera pas en mesure de mener l'interrogatoire

 11   principal du témoin Milan Gorjanc. Seule la Défense Petkovic pourra mener

 12   cet interrogatoire principal.

 13   En outre et à toutes fins utiles, la Chambre rappelle que la Défense

 14   Praljak ne pourra bien évidemment pas mener un éventuel contre-

 15   interrogatoire de ce témoin dans la mesure où il s'agit d'un de ses

 16   témoins. Donc quand ce témoin expert viendra, ça sera Me Alaburic qui

 17   mènera l'interrogatoire principal. 

 18   Deuxième décision orale, qui porte sur l'attribution du temps pour la

 19   comparution du témoin Zrinko Tokic du 28 septembre au 1er octobre 2009.

 20   D'après un courriel adressé en date du 23 septembre 2009, à la

 21   juriste de la Chambre et en copie aux autres équipes de la Défense, la

 22   Chambre comprend que les Défenses Petkovic et Praljak sollicitent de mener

 23   chacune et consécutivement un interrogatoire principal de respectivement

 24   une heure 15 minutes et de 45 minutes. Il en ressort également que les

 25   Défenses Petkovic et Praljak s'accordent pour déduire le temps de

 26   l'interrogatoire principal et de l'interrogatoire supplémentaire utilisé

 27   par la Défense Praljak du temps global pour la présentation de la cause de

 28   la Défense Petkovic.

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  1   La Chambre décide par conséquent d'accorder une heure et 15 minutes à

  2   la Défense Petkovic pour mener l'interrogatoire principal et l'éventuel

  3   interrogatoire supplémentaire du témoin et décide d'accorder 45 minutes à

  4   la Défense Praljak pour mener ensuite l'interrogatoire principal et

  5   l'éventuel interrogatoire supplémentaire du témoin. La Chambre précise que

  6   le temps de 45 minutes alloué ainsi à la Défense Praljak sera déduit du

  7   temps global alloué à la Défense Petkovic. En l'absence de demandes

  8   spécifiques de la part des parties et au vu des sujets abordés par le

  9   témoin, la Chambre décide d'accorder une heure à l'ensemble des autres

 10   équipes de la Défense pour mener leur contre-interrogatoire et deux heures

 11   à l'Accusation.

 12   La Chambre précise que les Défenses Praljak et Petkovic ne mèneront

 13   pas de contre-interrogatoire du témoin.

 14   En résumé, la Chambre a décidé que la Défense Petkovic aurait une

 15   heure 15 minutes et la Défense Praljak 45 minutes. Les 45 minutes de la

 16   Défense Praljak seront déduites du temps de la Défense Petkovic. Bien

 17   entendu, les deux Défenses Petkovic et Praljak ne feront pas de contre-

 18   interrogatoire. Les autres avocats auront une heure et le Procureur deux

 19   heures.

 20   Je crois que c'est clair pour tout le monde.

 21   Par ailleurs, M. Stringer nous a envoyé un courrier nous disant qu'il sera

 22   en mesure de procéder au contre-interrogatoire de l'expert Gorjanc dès le

 23   26 octobre 2009.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 25   les Juges. Bonjour à tous et à toutes dans le prétoire. A l'occasion de

 26   cette session publique, je tiens à remercier mes confrères de l'Accusation

 27   pour l'effort complémentaire investi pour ce qui concerne l'audition de ce

 28   témoin expert le colonel Gorjanc et cela a permis à la Défense Petkovic

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  1   d'entamer l'audition d'un premier témoin, un expert M. Gorjanc.

  2   J'ai contacté M. Gorjanc aujourd'hui et j'ai demandé à ce que l'on

  3   commence une semaine avant, et il a été d'accord pour venir à quelque

  4   moment que ce soit au mois d'octobre. Donc nous allons démarrer le 26

  5   octobre notre présentation des éléments à décharge, et nous allons préparer

  6   un nouvel ordre de comparution de nos témoins pour que vous sachiez qui

  7   est-ce qui comparaîtra jusqu'à la fin du mois de novembre pour ce qui est

  8   des témoins qui comparaîtront dans ce prétoire. Merci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Alaburic.

 10   Et je remercie aussi M. Stringer d'avoir fait très vite sa réponse,

 11   ce qui permet à tout le monde de travailler dans d'excellentes conditions.

 12   Il restera simplement un problème résiduel, c'est de savoir si le

 13   témoin 3DA viendra ou ne viendra pas. S'il vient, il viendra donc dans la

 14   semaine précédant le 26 octobre. S'il ne vient pas, il y a donc toute

 15   chance que nous n'aurons pas de témoin cette semaine.

 16   Voilà. Mais on attendra que la Défense Praljak nous dise exactement

 17   ce qu'elle décidera avec le témoin 3DA.

 18   Monsieur Stringer.

 19   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 20   vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les équipes de la Défense

 21   et toutes les autres personnes présentes.

 22   Pour ce qui est du calendrier, je souhaite indiquer deux choses aux Juges

 23   de la Chambre. Le délai de 30 jours de l'Accusation pour le dépôt de son

 24   écriture sur le rapport d'expert de M. Gorjanc est mardi prochain. Donc

 25   lorsque nous déposerons cela mardi, nous allons également préciser aux

 26   Juges de la Chambre combien de temps nous aimerions avoir pour le contre-

 27   interrogatoire, et vous aurez ceci mardi au plus tard. Egalement, un des

 28   témoins avant M. Gorjanc, un des témoins qui reste pour la Défense Praljak

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  1   - je ne vais pas citer son nom, je crois que cela relève du domaine public

  2   mais je n'en suis pas tout à fait certain, je ne veux pas vous donner le

  3   nom - je pense que nous l'aurons soit aujourd'hui un peu plus tard dans la

  4   journée ou à la première heure demain matin, je pensais envoyer une lettre

  5   aux Juges de la Chambre pour indiquer et préciser de combien de temps

  6   l'Accusation aurait besoin pour ce témoin-là. C'est un témoin 92 ter. Et je

  7   crois que pour l'interrogatoire principal, il est précisé qu'il y aura une

  8   heure, et l'Accusation souhaiterait avoir deux heures parce qu'il y a la

  9   déclaration 92 ter. Je crois que vous l'obtiendrez aujourd'hui ou demain.

 10   Cela vous sera communiqué.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous allons donc procéder à l'introduction

 12   dans la salle d'audience de M. Skender. Je rappelle, pour mémoire, que la

 13   Défense de M. Praljak aura une heure, les autres auront 45 minutes et le

 14   Procureur aura une heure 30. Donc l'idéal ce serait qu'on termine

 15   aujourd'hui l'interrogatoire principal et le contre-interrogatoire, et que

 16   lundi le Procureur fasse son contre-interrogatoire.

 17   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous me donner votre nom,

 19   prénom, et date de naissance, s'il vous plaît ?

 20   LE TÉMOIN : Je m'appelle Zvonimir Skender. Je suis né 18 juillet 1939 à

 21   Zagreb en Croatie.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre nationalité ou quelles sont vos

 23   nationalités ?

 24   LE TÉMOIN : J'ai deux nationalités; nationalité française et croate.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre fonction ou qualité actuellement ?

 26   Etes-vous retraité ou avez-vous un emploi ?

 27   LE TÉMOIN : Je suis à la retraite.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes à la retraite de l'armée croate et de

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  1   l'armée française ?

  2   LE TÉMOIN : Je suis à la retraite dans l'armée française et à la Croatie.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Quels ont été vos derniers grades dans ces deux

  4   armées ?

  5   LE TÉMOIN : Je suis lieutenant-colonel dans l'armée française et général de

  6   division dans l'armée croate.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, est-ce que vous avez déjà témoigné

  8   devant un Tribunal sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie

  9   ou bien c'est la première fois que vous témoignez ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois [en français] que je

 11   suis témoin dans une affaire pour la Croatie.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment que M. l'huissier

 13   vous vous présenter.

 14   LE TÉMOIN : Je déclare solennellement que je dirai la vérité, rien que la

 15   vérité, toute la vérité.

 16   LE TÉMOIN : ZVONIMIR SKENDER [Assermenté]

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Mon Général. Vous pouvez vous asseoir.

 18   Alors, Mon Général, quelques éléments d'explication sur la façon dont va se

 19   dérouler cette audience. Vous êtes cité à la demande du général Praljak.

 20   Vous allez donc répondre à des questions qui vont vous être posées par son

 21   avocat, Me Pinter, que vous avez dû rencontrer ce matin ou hier. A l'issue

 22   de cette phase, les autres avocats des autres accusés, qui sont situés à

 23   votre gauche, pourront également vous poser des questions dans le cadre du

 24   contre-interrogatoire. Le cas échéant, le général Praljak pourra également

 25   vous poser des questions de nature militaire dans le cadre du temps qui lui

 26   a été alloué. Les quatre Juges qui sont devant vous pourront à tout moment

 27   intervenir pour vous poser des questions, et le Procureur, qui se trouve à

 28   votre droite, interviendra certainement lundi dans le cadre du contre-

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  1   interrogatoire.

  2   Malheureusement, si vous étiez venu hier, on aurait pu tenir l'audience

  3   hier et aujourd'hui, ce qui vous aurait libéré. Malheureusement, venant de

  4   cette lointaine île qui est la Corse, vous n'avez pu venir à temps; ce qui

  5   expliquera que malheureusement, vous allez devoir rester ce week-end ici

  6   même.

  7   Essayez d'être très précis dans les réponses que vous allez apporter aux

  8   questions. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à

  9   demander à celui qui vous pose la question de la reformuler, même si c'est

 10   un Juge qui pose la question, si vous ne la comprenez pas, demandez-lui à

 11   ce moment-là de vous reposer la question.

 12   Car tout ce que vous allez dire est consigné sur l'écran que vous voyez.

 13   Car nous sommes dans une procédure orale, d'où l'importance de vos propos.

 14   Et pendant ce laps de temps, la Défense du général Praljak vous présentera

 15   des documents que vous avez devant vous, et lors du contre-interrogatoire

 16   du Procureur, il se peut également que des documents vous soient présentés.

 17   Aujourd'hui nous ferons une pause d'environ une heure et demie, une

 18   pause de 20 minutes, et puis nous reprendrons l'audience et nous

 19   terminerons aujourd'hui à 18 heures, et la semaine prochaine, c'est-à-dire

 20   lundi, nous commencerons à 14 heures 15 et l'audience se terminant lundi à

 21   19 heures.

 22   Voilà les quelques informations que je vous livre afin que cette audience

 23   puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles et que vous

 24   puissiez apporter un concours utile à la manifestation de la vérité.

 25   Par ailleurs, Mon Général, comme il va se pouvoir qu'à compter de vendredi

 26   et samedi vous restez là, les ordres de la Chambre sont que vous n'avez

 27   aucun contact avec les médias et, par ailleurs, avec quiconque. Vous ne

 28   devez pas dire, voilà les questions qu'on m'a posées, voilà comment ça se

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  1   passe. Vous ne dites rien.

  2   Par ailleurs, autre consigne, vous avez prêté serment donc maintenant vous

  3   êtes le témoin de la justice, vous n'avez plus à partir de ce moment aucun

  4   contact avec les avocats du général Praljak. Voilà ce que je voulais vous

  5   dire.

  6   Maître Pinter, je vous cède volontiers la parole pour l'interrogatoire

  7   principal.

  8   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,

  9   Messieurs les Juges, bonjour à mes confrères et consoeurs. Bonjour à tous

 10   et à toutes dans le prétoire, et particulièrement bonjour aux interprètes,

 11   qui pâtissent de ma rapidité à chaque fois, mais je vais m'efforcer de ne

 12   pas leur donner trop de fil à retordre.

 13   Interrogatoire principal par Mme Pinter :

 14   Q.  [interprétation] Alors, Général, est-ce que vous voulez que nous

 15   parlions en croate ou est-ce que vous voulez me répondre en français, à

 16   vous de décider, parce que cela risque, si vous parlez un peu de croate et

 17   un peu de français, de leur donner du fil à retordre davantage. Peut-être

 18   pourriez-vous enlever vos écouteurs pendant que je vous interroge, et s'il

 19   y a d'autres questions posées par les Juges, vous allez me comprendre si je

 20   vous pose la question en croate et si le Président, qui parle français,

 21   vous parle français, vous pourrez le comprendre aussi. Mais à vous de

 22   décider quelle langue vous allez parler.

 23   R.  Je vais parler en français.

 24   Q.  Parfait. Alors, je vous demande d'enlever vos écouteurs, parce que

 25   sinon, l'interprétation risque de vous gêner. Alors --

 26   Mme PINTER : [aucune interprétation]

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, en fait, le témoin a

 28   enlevé ses écouteurs, et dans ce cas-là, il ne peut pas entendre ce que

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  1   disent d'autres intervenants dans une autre langue.

  2   Mme PINTER : [interprétation] Quel est le numéro du canal français ?

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Je crois que sur le canal 3, on entend le

  4   "floor", c'est-à-dire la langue qui est parlée dans le prétoire. Peut-être

  5   pourrait-il passer sur le canal 3, il n'y aura pas de problème.

  6   Mme PINTER : [interprétation]

  7   Q.  Alors, Général, vous allez recevoir maintenant des documents.

  8   Mme PINTER : [interprétation Je vais demander à M. l'Huissier de remettre

  9   les documents qu'il faut au général.

 10   Q.  Général, on vient de me prévenir qu'il faut que vous remettiez vos

 11   écouteurs et que vous vous placiez sur le canal numéro 3.

 12   Alors on vient de vous remettre des documents. Je vais vous demander de

 13   vous référer au tout premier des documents, on y a mis 3D03710. Vous

 14   reconnaissez probablement ce document ?

 15   R.  Oui, je le reconnais. C'est moi qui l'ai rédigé.

 16   Q.  Il s'agit de la déclaration que vous avez faite auprès de la Défense du

 17   général Praljak. Vous l'avez faite au meilleur de vos connaissances et de

 18   votre souvenir, et vous l'avez fait conformément à la vérité.

 19   R.  [hors micro]

 20   Q.  Attendez un peu la fin de ma question afin que les interprètes aient le

 21   temps de traduire.

 22   Cette déclaration, vous l'avez signée, n'est-ce pas ?

 23   R.  Exact.

 24   Q.  La première partie de cette déclaration se rapporte à votre formation

 25   militaire, entraînement et expérience militaire. Je vais vous demander à

 26   cet effet d'indiquer aux Juges de la Chambre, en bref, parce que la

 27   déclaration en parle, où est-ce que vous avez acquis votre formation et

 28   votre expérience et au fil de quelle période de temps ?

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  1   R.  J'ai fait mon instruction militaire en Algérie, à la Légion étrangère.

  2   Je me suis engagé le 10 avril 1959. L'instruction de base a duré quatre

  3   mois. Puis, je suis arrivé dans une unité combattant à la Légion. Au bout

  4   de quelques mois, je suis reparti en instruction à nouveau de quatre mois

  5   pour obtenir le grade de caporal. Puis, au bout d'un an environ, je suis

  6   reparti à nouveau à l'instruction, toujours en Algérie, pour obtenir le

  7   grade de sergent. J'ai revenu dans l'unité combattante jusqu'à la fin de la

  8   guerre de l'Algérie, et je suis rentré en France, plus précisément en

  9   Corse, le 28 juin 1962.

 10   Q.  Mon Général, vous n'avez pas à entrer dans le moindre détail de votre

 11   parcours. Les détails figurent dans la déclaration.

 12   Ce qui m'intéresse, c'est jusqu'à quand vous êtes resté dans l'armée

 13   française, et quel est le grade que vous avez eu à la sortie de cette armée

 14   française ?

 15   R.  Je suis parti à la retraite de l'armée française 17 juillet 1989 avec

 16   le grade de lieutenant-colonel.

 17   Q.  Alors, votre expérience militaire et vos connaissances militaires me

 18   permettent de vous poser des questions sur ce que c'est que la filière de

 19   commandement ?

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, avant d'aborder les questions sur la

 21   filière de commandement, nous savons, car vous venez de le dire, vous avez

 22   terminé dans l'armée française comme lieutenant-colonel. Si j'ai bien

 23   compris, quand vous vous êtes engagé le 10 avril 1959, vous aviez la

 24   nationalité croate. Dans la Légion étrangère, vous avez acquis la

 25   nationalité française comme on le dit dans la Légion étrangère, par le sang

 26   versé. Vous êtes devenu Français à quelle date exactement ?

 27   LE TÉMOIN : Je suis devenu Français autour du mois de juin 1965.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez terminé comme lieutenant-colonel.

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  1   Pouvez-vous me confirmer que c'est un parcours exceptionnel que vous avez

  2   accompli dans l'armée française, commençant comme simple soldat et

  3   terminant dans la Légion étrangère, lieutenant-colonel. Ça doit être assez

  4   exceptionnel, oui ou non ?

  5   LE TÉMOIN : Votre Honneur, c'est un parcours exceptionnel, oui.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui voulait dire que vous étiez un officier

  7   d'élite dans un corps d'élite ?

  8   LE TÉMOIN : On peut le dire, oui.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Pinter.

 10   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Avec tout le respect que je vous dois, je me dois de vous dire parce

 12   que je suis en train d'écouter les interprètes, lorsque M. le Juge ou les

 13   Juges posent une question, attendez un peu avant de répondre parce qu'il y

 14   a chevauchement.

 15   Ma question portait sur cette filière ou chaîne de commandement. Qu'est-ce

 16   que cela veut dire cette "filière de commandement," quelles sont les

 17   nécessités primordiales pour que la chaîne fonctionne comme il faut ou de

 18   façon irréprochable ?

 19   R.  La chaîne de commandement c'est une ligne d'immunité quelconque dont un

 20   ordre va vers en bas ce qu'on appelle, c'est-à-dire jusqu'au dernier

 21   échelon de simple soldat. Pour que ça fonctionne, il faut bien entendu

 22   avoir le personnel, qu'ils ont appris de donner les ordres et de les

 23   exécuter.

 24   Q.  Peut-on alors dire que pour le fonctionnement de celle-ci, il faut

 25   qu'il y ait une filière du bas vers le haut et du haut vers le bas ?

 26   R.  Oui, c'est ce qu'on peut dire.

 27   Q.  D'après votre déclaration, vous êtes arrivé en République de Croatie,

 28   j'aimerais que vous indiquiez aux Juges de la Chambre quand et pourquoi ?

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  1   R.  J'arrive en Croatie au mois de juin 1993. Il y a un officier de l'armée

  2   croate que j'ai connu à la Légion qui m'a contacté et m'a demandé si je

  3   voudrais bien venir donner un coup de main aux Croates pour leur défense du

  4   pays.

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  Lorsque j'arrive à Zagreb, je ne connais personne sauf cet officier et

  7   commandant d'un bataillon qui me prend dans son quartier. M. LE JUGE

  8   ANTONETTI : Mon Général, quand au mois de juin, vous recevez un appel de

  9   cet officier qui vous demande de venir, sous la foi du serment, vous me

 10   dites que de vous-même vous avez été en Croatie. Personne au niveau de la

 11   France ne vous a dit : "On a besoin de vous là-bas, allez-y," service

 12   secret, l'armée française ? Est-ce qu'il y a eu une intervention de l'Etat

 13   français ou d'un service de l'Etat qui vous a dit il faut aller là-bas ou

 14   bien c'est une démarche personnelle que vous avez effectuée ?

 15   LE TÉMOIN : C'est une démarche personnelle.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Et comment s'appelait cet officier qui vous a

 17   contacté ?

 18   LE TÉMOIN : Filipovic.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Et à l'époque vous étiez en Corse, à Calvi, dans la

 20   région ?

 21   LE TÉMOIN : J'habite à côté, au centre Corse.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 23   Mme PINTER : [interprétation]

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé sur le cinquième

 26   canal c'est déjà la deuxième question de Me Pinter qui n'a pas été

 27   traduite.

 28   Mme PINTER : [interprétation]

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  1   Q.  Général, est-ce qu'après que vous êtes arrivé en Croatie, vous y restez

  2   ou vous repartez ailleurs ?

  3   Ma question, Général était donc celle que je viens de poser, répondez, s'il

  4   vous plaît.

  5   R.  Pas en Croatie. Je pars pour la Bosnie-Herzégovine.

  6   Q.  Donc où exactement ?

  7   R.  A Citluk.

  8   Q.  Alors, pour gagner un peu de temps - car votre déclaration est assez

  9   dense - pouvez-vous nous dire quelle situation vous avez trouvé du point de

 10   vue exclusivement militaire de l'organisation militaire, quelle situation

 11   avez-vous trouvé à Citluk au HVO ?

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, l'avocate va très vite alors même qu'il y a

 13   des étapes à franchir. Filipovic vous dit : "On a besoin de vous," et vous

 14   partez à Citluk en République de Bosnie-Herzégovine.

 15   Est-ce qu'à ce moment-là vous signez un contrat avec l'armée croate

 16   ou bien êtes-vous un volontaire avec un statut indéterminé qui bénévolement

 17   va donner un coup de main à Citluk ? Dans quelle situation précise êtes-

 18   vous ? Ou bien, et je termine, êtes-vous recruté comme mercenaire, entre

 19   guillemets ?

 20   LE TÉMOIN : Non, je ne suis pas recruté comme mercenaire. J'arrive en

 21   Croatie ne connaissant personne, et je me retrouve dans cette caserne avec

 22   Filipovic. C'est l'époque où Bugojno en Bosnie-Herzégovine tombe, et

 23   quelqu'un du ministre de la Défense me demande si j'étais volontaire de

 24   partir en Bosnie-Herzégovine.

 25   Je n'ai signé aucun contrat avec l'armée croate, mais j'ai décidé

 26   comme volontaire d'aller aider les Croates de Bosnie-Herzégovine.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous-même, vous aviez des attaches familiales avec

 28   la Bosnie-Herzégovine ou pas ? Votre famille est originaire de la Croatie

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  1   ou de la Bosnie-Herzégovine ?

  2   LE TÉMOIN : Je n'ai aucun lien en Bosnie-Herzégovine. Ma famille est de

  3   Zagreb. Ce qui me reste de ma famille.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors pourquoi aller à Citluk, pourquoi allez en

  5   Bosnie-Herzégovine ? Qu'est-ce qui va vous motiver pour y aller ?

  6   LE TÉMOIN : Je suis motivé par le problème de la population croate, n'ayant

  7   aucune arrière pensée de séparation ou je ne sais pas quelle idée, des

  8   Croates d'un côté et de l'autre.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Pinter.

 10   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Général, ma question était la suivante : quelle situation trouvez-vous

 12   à Citluk au moment de votre arrivée pour ce qui concerne le HVO, la branche

 13   militaire donc ?

 14   R.  Lorsque j'arrive à Citluk après un long voyage terrestre, en passant

 15   par l'île de Pag, on me pose la question en quoi je pourrais aider le HVO.

 16   Q.  Qui vous pose la question ?

 17   R.  C'était à l'époque le colonel, il me semble, Martic ou quelque chose

 18   comme ça. Pas Martic, non, Matic.

 19   Q.  Matic ?

 20   R.  [interprétation] Oui, Matic, c'est exact. [en français] N'ayant aucune

 21   place de commandement, le colonel Matic me demande de faire le tour, genre

 22   d'une inspection du front et de lui rendre compte.

 23   Q.  Et qu'avez-vous constaté ?

 24   R.  J'ai trouvé sur le terrain une situation catastrophique, les unités mal

 25   équipées, encore moins bien instruites. Ils sont tous des volontaires,

 26   commandés par les gens sans instruction militaire.

 27   Q.  Vous avez dit qu'ils étaient volontaires. Est-ce que vous pourriez

 28   décrire comment se présentait une unité militaire typique lorsque vous

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  1   passez en revue le front et que vous les rencontriez ?

  2   R.  -- brigades ou par régiments. C'était les simples gens des villages ou

  3   des petites villes. Ils étaient intégrés dans ces unités et ils allaient

  4   sur le front par roulement, généralement d'un tiers.

  5   Q.  Y avait-il des difficultés avec l'envoi des hommes sur la ligne de

  6   front ou bien cela était-il bien organisé et les hommes répondaient

  7   correctement à l'appel qui leur aurait été envoyé, si bien qu'il était

  8   possible de disposer de soldats sans rencontrer de difficulté sur

  9   l'ensemble du théâtre des opérations ?

 10   R.  -- une idée de ces gens-là dans les unités combattantes a été très

 11   mauvaise. Il y avait des gros absentéismes, et surtout si le front était

 12   éloigné de leurs villages. Ces gens-là n'aimaient pas aller se battre loin.

 13   Q.  Avez-vous eu l'occasion de voir également comment la discipline était

 14   observée, de quelle nature était la discipline dans les forces armées ?

 15   R.  Il n'y avait pratiquement pas la discipline. Il y avait de petits

 16   groupes commandés par les petits chefs de manière qu'il était difficile aux

 17   commandants des unités de les commander.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. Mon Général, ces soldats du HVO : taux

 19   d'absentéisme important, ils étaient éloignés de leurs villages, pas de

 20   discipline, pas de formation militaire. Par rapport à ce que vous avez

 21   connu lors de la guerre d'Algérie et par rapport aux Fellaghas, est-ce

 22   qu'il y avait une différence de nature entre ceux que vous avez combattus

 23   en Algérie qui étaient des civils mais encadrés militairement, ou bien les

 24   gens du HVO étaient en réalité des civils à qui on avait remis une arme et

 25   un uniforme sans l'encadrement militaire ? Est-ce que vous pouvez nous

 26   préciser cela ?

 27   LE TÉMOIN : C'étaient des civils à qui on a donné les armements et très peu

 28   de commandement, c'est-à-dire les hommes qui les commandaient. En

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  1   l'Algérie, l'armée française a été organisée, instruite sans aucun problème

  2   de commandement et de rendre compte de là-haut. Tout ceci n'a pas existé

  3   dans le HVO.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez. J'ai mon collègue qui va vous poser une

  5   question.

  6   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, je voudrais revenir à la question

  7   de soldats volontaires du HVO. Vous avez dit que vous avez rencontré là-bas

  8   dans le HVO des soldats volontaires et des petits chefs. Alors pour vous,

  9   "volontaires", c'est péjoratif ou bien c'est un compliment ? Parce que

 10   vous-même, dans la Légion étrangère, vous êtes des volontaires dans la

 11   Légion étrangère.

 12   LE TÉMOIN : Pour votre première question, les volontaires dans le HVO

 13   étaient des civils qui étaient sur les feuilles, simplement sur les

 14   feuilles de l'organisation militaire, et les volontaires à la Légion

 15   étrangère sont devenus les soldats professionnels.

 16   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Alors là, nous avons parlé de volontaires.

 17   Maintenant, parlons des petits chefs. Vous savez très bien que l'armée

 18   fonctionne grâce à la discipline, et la discipline, c'est le problème de la

 19   sanction. Sans châtiment, sans punition, il n'y a pas de discipline et

 20   donc, il n'y a pas d'armée.

 21   Alors, les petits chefs dont vous avez parlé, est-ce qu'ils ne

 22   punissaient pas sévèrement leurs soldats volontaires ?

 23   LE TÉMOIN : Non, parce que justement, ces petits chefs, ils imposaient leur

 24   volonté aux petits groupes, et les commandements des unités étaient

 25   quasiment dans l'impossibilité d'agir parce qu'en agissant sévèrement, on

 26   perdrait certain nombre de ces volontaires, et la situation a été telle que

 27   chaque homme comptait.

 28   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, vous nous avez dit que vous aviez

  2   inspecté le front et que pour vous, la situation était catastrophique. Est-

  3   ce que vous avez fait un rapport écrit sur l'état de la situation ou bien

  4   vous vous êtes contenté de donner votre analyse d'expert à ceux qui vous

  5   l'ont demandé de manière verbale ?

  6   LE TÉMOIN : J'ai écrit plusieurs de ces rapports vers l'état-major.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Où vous avez dressé un bilan accablant de la

  8   situation.

  9   LE TÉMOIN : Affirmatif.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, voyant cette situation, pourquoi vous êtes

 11   resté ?

 12   LE TÉMOIN : C'était un motif de plus d'aider ces gens de rester sur leurs

 13   terres et de leur transmettre, si on peut dire, mes connaissances

 14   militaires.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 16   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Et juste à

 17   titre informatif, nous disposons des rapports du général Skender, mais

 18   c'est par erreur de ma part qu'ils n'ont pas été insérés dans notre liste

 19   65 ter, et c'est pourquoi ils n'ont pas été préparés pour les fins de cet

 20   interrogatoire. L'un de ces rapports, cependant, a déjà fait l'objet d'une

 21   utilisation, et je peux indiquer son numéro, mais on ne les a pas inclus

 22   car, par erreur de ma part, ils n'ont pas été ajoutés à notre liste 65 ter.

 23   Q.  Général, je vais m'appuyer sur votre déclaration et la partie où vous

 24   décrivez la façon dont les informations remontaient vers le haut et

 25   également, le flux descendant des informations. Vous dites que la situation

 26   était particulièrement difficile, tant du point de vue du contrôle que de

 27   l'envoi de rapports. Vous dites cela en page 3D42-5273 du texte croate; en

 28   version anglaise, c'est en page 3D42-5281.

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  1   Alors, je voudrais maintenant vous demander ce qui se passe lorsque vous

  2   trouvez une situation aussi mauvaise que celle que vous avez décrite. Donc,

  3   compte tenu de votre expérience lors de votre présence sur place, pourriez-

  4   vous nous dire si les commandants ont, de façon consciente, négligé le fait

  5   que cette situation était particulièrement mauvaise du point de vue du

  6   fonctionnement de la chaîne de commandement et du flux des informations;

  7   est-ce qu'il y a une autre raison à cela ?

  8   R.  -- ces affaires, mais quand un ordre a été donné vers en bas, si on

  9   peut dire, il était difficile ou alors quasiment impossible d'être sûr que

 10   cet ordre est arrivé à la destination, et encore moins sûr s'il n'a pas été

 11   changé au cours de transmission de cet ordre.

 12   Je voulais dire que quand un commandant d'unité a dit quelque chose,

 13   un commandement, pour être sûr qu'il était bien compris, il fallait qu'il

 14   aille interroger directement le dernier destinataire. Et c'est là la

 15   surprise : l'ordre donné, dans la plupart du temps, pas toujours, mais la

 16   plupart du temps, n'était plus le même. Pourquoi ? Parce que tout

 17   simplement, toute la chaîne de commandement était mal instruite. Chacun

 18   interprétait à sa manière cet ordre. Puis, il n'y avait quasiment aucun

 19   contredit en retour, de manière que le commandement ne savait pas si ce qui

 20   était ordonné était fait.

 21   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre.

 22   Le général a parlé de la difficulté de donner des ordres. Il a aussi fait

 23   référence aux règles qui devaient être suivies, et à la première page de sa

 24   déclaration écrite, deuxième paragraphe, il est fait référence aux

 25   conventions de Genève au pluriel, et à la fin de ce deuxième paragraphe, il

 26   est écrit, et je cite :

 27   "Même dans le cadre d'un environnement où la discipline est sévère, il

 28   n'est pas nécessaire d'exécuter des ordres si ceci ne respecte pas la

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  1   convention de Genève sur les droits de l'homme." La convention de Genève

  2   sur les droits de l'homme.

  3   Les conventions ici est au singulier. Et il y a d'autres références

  4   faites à la convention de Genève dans le texte. J'aimerais demander la

  5   chose suivante au Général -- c'est un problème de traduction mais pourquoi

  6   fait-on référence à la convention de Genève sur les droits de l'homme ?

  7   J'aimerais savoir de quelle convention il parle exactement ? Pouvez-vous

  8   nous parler des conventions de

  9   Genève ? Je ne vous demande pas de nous parler des conventions de Genève en

 10   détail mais dans des grandes lignes. Pourriez-vous nous faire part d'un ou

 11   deux de ces fameux articles de la convention à laquelle vous faites

 12   référence ?

 13   LE TÉMOIN : Je ne parle pas anglais, et je n'ai pas eu la traduction en

 14   français.

 15   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] C'est fort dommage, je ne souhaite

 16   pas consacrer trop de temps à cette question. Je vais résumer ce que je

 17   souhaite vous dire et vous indiquer quelle est la teneur de ma question :

 18   dans votre déclaration, vous faites référence aux conventions de Genève et

 19   vous faites également allusion à la convention de Genève sur les droits de

 20   l'homme, mais en tant que soldat qui a été formé dans la Légion étrangère,

 21   et compte tenu du fait que vous avez assumé les responsabilités en Bosnie-

 22   Herzégovine, quelles sont les conventions que vous connaissez lorsque vous

 23   parlez des conventions de Genève concrètement parlant ? D'après vous, que

 24   font ces règles contenues dans les conventions de Genève. Merci.

 25   LE TÉMOIN : Bien sûr il y a beaucoup de règles dans la convention de

 26   Genève. Mais les principales à cette époque qu'il a fallu appliquer sur le

 27   terrain c'est de ne pas brutaliser ou tuer ou employer les prisonniers de

 28   guerre de l'adversaire.

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  1   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, sans aborder la question juridique des

  3   conventions de Genève, quand vous avez intégré la Légion étrangère, vous

  4   avez signé ce qu'on appelle le code d'honneur de légionnaire. Est-ce que

  5   vous me confirmez qu'au moment de votre recrutement, il y a eu un code

  6   d'honneur de légionnaire que vous avez signé et accepté ?

  7   LE TÉMOIN : Affirmatif.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous rappelez que dans le code d'honneur

  9   des légionnaires au septièmement de ce code de l'honneur, il y a la mention

 10   suivante que je vais vous citer :

 11   "Au combat tu agis sans passion et sans haine. Tu respectes les ennemis

 12   vaincus. Tu n'abandonnes jamais ni les morts ni les blessés, ni les armes."

 13   Alors dans ce chapitre 7, il y a cette phrase : "Tu respectes les ennemis

 14   vaincus."

 15   Comment vous en tant qu'officier de haut rang, vous avez intégré dans

 16   l'exercice de votre fonction militaire à Citluk et ailleurs ce principe de

 17   respecter les ennemis vaincus ?

 18   LE TÉMOIN : C'est un point dans le code d'honneur de légionnaire, c'est

 19   très exact. C'est exactement ça. Quand je suis arrivé en Bosnie-

 20   Herzégovine, je prônais à tout le monde avec qui j'ai eu contact de ne pas

 21   toucher aux prisonniers, encore moins de les assassiner, car pas seulement

 22   ils seront fautifs pour l'assassinat, mais suite à cet assassinat ils

 23   n'auront plus jamais la vie tranquille.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, vous avez fait passer ce

 25   message de ne pas commettre de crimes.

 26   Est-ce que vous avez également à l'égard de ceux que vous aviez sous

 27   vos ordres rappelé qu'il y avait des conventions de Genève sur les

 28   prisonniers de guerre, sur un comportement que l'on doit avoir ? Est-ce que

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  1   vous avez transmis l'esprit et les textes des conventions de Genève ?

  2   LE TÉMOIN : Affirmatif. A chaque fois lorsque m'a été donnée l'occasion.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter.

  4   Mme PINTER : [interprétation]

  5   Q.  Général, avez-vous des informations disant que d'autres commandants ont

  6   fait de même, auraient prévenu de la nécessité des façons de se comporter

  7   vis-à-vis des prisonniers et des civils, et cetera, ou n'avez-vous pas eu

  8   de contacts de ce type ?

  9   R.  Je ne sais pas, mais ce que je sais est que j'avais entre les mains un

 10   petit livre, je ne sais pas signé par qui, et qui expliquait les

 11   conventions de Genève. Ça a été édité par le HVO.

 12   Q.  Publié par le HVO. Merci.

 13   Je voudrais vous demander à présent d'ouvrir un document ou de vous

 14   référer au 3D00796. Nous allons revenir à la situation telle qu'elle se

 15   présentait sur le territoire de l'Herzégovine où vous avez été vous-même.

 16   Il s'agit d'un document daté du 26 octobre 1993.

 17   Général, c'est un document qu'on vous a montré. Je vous l'ai montré

 18   hier, notamment, n'est-ce pas ?

 19   R.  Si je peux avoir le numéro de ce document, s'il vous plaît.

 20   Q.  3D00796. C'est le tout premier document après votre déclaration à vous.

 21   R.  76. O.K.

 22   Q.  Vous l'avez vu, ce document ? Vous l'avez hier.

 23   R.  Affirmatif.

 24   Q.  Auriez-vous des réserves à émettre vis-à-vis de ce document ou estimez-

 25   vous que ce qui est dit est tout à fait exact ?

 26   R.  C'est le document 5D76 ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous avez du mal à vous

 28   retrouver dans les documents. Dans le classeur que vous a remis Me Pinter,

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  1   vous avez de petits onglets jaunes, et dans le classeur, c'est le deuxième

  2   onglet, qui est daté du 26 octobre.

  3   LE TÉMOIN : Oui, j'ai lu ce document.

  4   Je dois dire que je n'ai pas assisté à cette réunion pour le motif

  5   que je me trouvais en France pour quelques jours, mais lisant ce document,

  6   je le trouve tout à fait correct et nécessaire pour demander certaines

  7   choses au ministre de la Défense.

  8   Mme PINTER : [interprétation]

  9   Q.  Mis à part le ministre de la Défense, y a-t-il quelqu'un d'autre ?

 10   R.  Et aux autorités civiles et politiques d'élaborer des lois qui

 11   autoriseraient cette proposition-là.

 12   Q.  Fort bien. Alors, pouvons-nous tirer de ce document la conclusion

 13   disant que la composante militaire du HVO avait eu des problèmes liés à la

 14   mobilisation, ou alors, la mobilisation était quelque chose à ne pas avoir

 15   été le problème primordial, puisque l'équipement ou le matériel distribué

 16   aux unités était bon ? Pouvons-nous tirer la conclusion de dire qu'il n'y

 17   avait pas de déserteurs et qu'il n'y avait pas de problèmes de ce côté-là,

 18   ou alors, y avait-il eu des déserteurs et y avait-il eu ce problème-là ?

 19   Pouvons-nous tirer la conclusion qui serait celle d'affirmer que toutes les

 20   composantes faisaient leur travail comme il se devait ?

 21   R.  Pas du tout. Il y avait énormément de déserteurs et d'absentéisme. Je

 22   pouvais m'assurer personnellement de ceci en passant en contrôle toutes les

 23   brigades du sud du HVO sur leurs listes de présences militaires et

 24   présences sur le terrain, il y avait des énormes différences.

 25   Sur les listes, par exemple, autour de 7 700 hommes, mais en réalité,

 26   il y avait autour de 1 100. Donc cette différence ne pouvait venir que de

 27   désertion ou d'absentéisme.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, dans votre déclaration écrite, il y a

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  1   un petit trou que j'aimerais que vous combliez. Vous dites dans votre

  2   déclaration que vous êtes devenu commandant de la zone opérationnelle de

  3   Tomislavgrad en décembre 1993. Le document que nous avons est du mois

  4   d'octobre. Alors, avant de prendre le commandement de la zone

  5   opérationnelle, pouvez-vous nous dire depuis le mois de juin 1993 quelles

  6   ont été les fonctions exactes au sein du HVO que vous avez accomplies avant

  7   le 1er décembre 1993 ?

  8   LE TÉMOIN : Je n'avais aucun commandement. J'ai été dans le HVO à titre

  9   d'une espèce d'instructeur, sauf dans le cas urgent qui a été créé par

 10   l'offensive des Musulmans le 15 août 1993. On m'a demandé de prendre le

 11   commandement et, si possible, de regagner le terrain perdu par le HVO. Ça

 12   n'a duré que quelques jours puis, à nouveau, je n'avais plus de

 13   commandement jusqu'autour du 20 décembre 1993, où j'ai pris le commandement

 14   de la région militaire de Tomislavgrad.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Le 15 août, dans cette opération militaire, c'était

 16   où exactement ?

 17   LE TÉMOIN : C'était au sud de Mostar, autour de la rivière Neretva et Buna.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que de juin à décembre, vous aviez eu

 19   l'occasion de rencontrer le commandant du HVO, qui a été d'abord le général

 20   Petkovic, et ensuite a été remplacé par le général Praljak ? Avez-vous eu

 21   des contacts avec ces deux généraux ?

 22   LE TÉMOIN : Je n'ai pas eu de contact avec le général Petkovic, car il

 23   était quasiment en permanence dans les contacts internationaux. Le général

 24   Praljak, je l'ai vu pour la première fois simplement en passant à Prozor.

 25   Ça n'a duré que quelques instants, nous ne nous sommes même pas présentés.

 26   Par contre, je l'ai rencontré sur le terrain de combat dans cette zone

 27   Neretva-Buna.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous faisiez office d'instructeur, qu'est-ce

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  1   qu'on disait dans le HVO sur le commandant ? C'était qui le commandant ? Le

  2   général Petkovic, le général Praljak, X, Y ? Qu'est-ce qu'on disait ?

  3   LE TÉMOIN : Je peux dire simplement que le général Praljak a été très aimé

  4   de ses hommes là-bas. Le général Petkovic --

  5   L'INTERPRÈTE : Veuillez répéter votre réponse, s'il vous plaît. Merci.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Répétez votre réponse parce que les interprètes

  7   n'ont pas pu traduire.

  8   LE TÉMOIN : Je disais que le général Praljak était très aimé de ses hommes.

  9   Général Petkovic, un peu moins, malgré que c'était mon ami, car les gens à

 10   l'époque n'aimaient pas les officiers venant de l'armée yougoslave.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous étiez sur le terrain, Mon Général. De la

 12   place où vous étiez, aviez-vous le sentiment que le commandant suprême

 13   était Mate Boban, ou le ministre à la Défense ou le commandant du HVO, ou

 14   personne ?

 15   LE TÉMOIN : J'avais l'impression, et je suis presque sûr, que pour passer

 16   par Mate Boban. Mais je ne peux affirmer 100 % cela, car je n'ai aucune

 17   preuve de cela.

 18   Mme PINTER : [interprétation]

 19   Q.  Puisqu'on vient de mentionner le général Praljak, mis à part la

 20   rencontre de Prozor et celle du mois d'août 1993, y en a-t-il eu d'autres

 21   avant que de devenir commandant vous-même de cette zone opérationnelle de

 22   Tomislavgrad ?

 23   R.  J'ai eu des contacts avec le général Praljak lors de mon commandement

 24   de la région Tomislavgrad.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, il y a un gros problème. Le problème

 26   est le suivant : vous venez de nous dire que vous avez pris le commandement

 27   de la région militaire de Tomislavgrad au mois de décembre. Le général

 28   Praljak a quitté ses fonctions au mois de novembre, il est parti à Zagreb.

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  1   Alors comment vous expliquez cette discordance dans le temps ?

  2   LE TÉMOIN : Quand j'avais contact avec le général Praljak au mois de

  3   janvier 1994, il n'était plus le chef du HVO. Mais vu les gros problèmes

  4   qui se sont déroulés à cette époque-là à Prozor, je lui ai demandé de venir

  5   aider à résoudre ce problème grave, étant donné qu'il connaissait les

  6   hommes là-bas et les hommes le connaissaient, et ils l'estimaient. Il a

  7   accepté de venir, car à l'époque il était à Bosnie-Herzégovine, et nous

  8   avons résolu ce grave problème.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, ce que nous savions jusqu'à présent :

 10   le général Praljak quitte sa fonction de commandant du HVO début novembre,

 11   8 novembre. Il part à Zagreb, et apparemment il va avoir une période de

 12   traversée du désert pendant quelques temps avant de réapparaître dans

 13   l'entourage immédiat du président Tudjman comme conseiller militaire. Nous

 14   avons vu les éléments de preuve, des documents qui montrent qu'il

 15   réapparaît après. Mais au mois de janvier 1994, il n'est plus rien

 16   administrativement par rapport au HVO.

 17   Alors vous dites qu'il est revenu nous aider. Mais il est revenu en

 18   civil, en tenue militaire, en tenue de général de l'armée croate, comment

 19   il est arrivé ?

 20   LE TÉMOIN : Il est arrivé, dans mon souvenir, en civil.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc si je comprends bien, il est venu donner un

 22   coup de main pour résoudre un problème.

 23   LE TÉMOIN : Affirmatif, à titre privé.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Et est-ce un fonctionnement militaire, ce type de

 25   situation ?

 26   LE TÉMOIN : Non, mais la situation a exigé de calmer ces esprits des gens

 27   impliqués dans ces problèmes.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et votre hiérarchie était au courant, la

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  1   hiérarchie du HVO ?

  2   LE TÉMOIN : Je ne sais pas. Je pense que oui, mais je ne sais pas.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

  4   Mme PINTER : [interprétation]

  5   Q.  Puisqu'on en parle justement, Général, pouvez-vous décrire le type de

  6   situation dont il s'agissait, donc cette situation où on a convié le

  7   général Praljak à venir en aide. J'aimerais que vous nous placiez, enfin

  8   nous vous donniez une précision dans le temps.

  9   R.  Il s'agit des graves incidents, il me semble fin janvier - je pourrais

 10   vérifier les dates - où en ville de Prozor entre les gens ivres est arrivé

 11   deux meurtres.

 12   Q.  Lorsque nous parlons des membres du HVO, c'est-à-dire de Croates ou

 13   est-ce qu'il s'agit plutôt d'incidents avec la participation de Croates et

 14   de Musulmans ?

 15   R.  Non, il s'agit de l'incident entre Croates de la HVO. Je vais préciser.

 16   Il s'agit des militaires de la Brigade Rama et des militaires d'une brigade

 17   de Bugojno. Deux hommes de la Brigade Rama ont été tués dans un bar, ce qui

 18   a provoqué le retrait d'un très grand nombre de militaires de Rama de

 19   premières lignes de défense, et ils se dirigeaient vers Prozor. De l'autre

 20   côté, les militaires de la Brigade de Bugojno ont fait de même.

 21   Les militaires de la Brigade de Rama ont encerclé le commandement de la

 22   zone ou plutôt de mon commandement. Avant cela, j'ai arrêté et mis à l'abri

 23   l'homme qui était soupçonné d'avoir tué ces deux hommes.

 24   Il était clair que s'il arrivait des conflits entre les deux

 25   brigades, ça entraînerait les pertes de toute cette zone. La Brigade Rama,

 26   c'est-à-dire les militaires de Rama, on exigeait que je leur donne ce

 27   militaire de Bugojno, ce que j'ai refusé, sachant parfaitement si je fais

 28   cela, je signerais la mort de ce type-là.

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  1   Vu la gravité de cette situation, nous avons fait -- ou plutôt j'ai

  2   fait l'appel au général Praljak, à la police militaire et à un juge

  3   militaire de Livno, de plus, à quelques personnalités civiles de la

  4   politique.

  5   La situation s'est calmée qu'après avoir donné l'assurance aux

  6   militaires de la Brigade Rama, que cet homme sera jugé selon nos lois et ce

  7   fût cela.

  8   Il a fallu un gros 48 heures pour que la situation se calme un peu.

  9   Q.  Est-ce que le général Praljak a rencontré du succès également dans ces

 10   tentatives d'apaisement de la situation ?

 11   R.  Affirmatif. Le général Praljak a été le plus important dans le

 12   calmement de cette situation étant donné, je répète, que les hommes l'ont

 13   connu, et lui il connaissait ces hommes-là.

 14   Q.  Vous avez mentionné le fait que vous avez vu le général Praljak à

 15   Prozor et également au sud de Mostar au mois d'août. Mais est-ce que vous

 16   avez eu également l'occasion de le rencontrer à l'état-major quand vous

 17   êtes arrivé ? Vous étiez à Citluk, vous étiez donc à l'état-major.

 18   R.  Non. Je ne l'ai jamais rencontré à l'état-major. J'étais tous les jours

 19   sur le terrain. Et quand je venais à l'état-major, il n'était pas. Je

 20   supposais qu'il faisait autant, qu'il était sur le terrain.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, nous avons entendu beaucoup de témoins,

 22   et nous avons entendu le général Praljak qui était assis à votre place il y

 23   a quelques jours.

 24   Nous avons compris qu'il y avait au niveau du HVO l'état-major

 25   principal et des commandants de zones opérationnelles, dont vous, vous avez

 26   été en décembre commandant donc à Tomislavgrad.

 27   Ce que je voudrais savoir, parce que vous êtes le premier du niveau

 28   inférieur au commandant du HVO que nous voyons devant nous, est-ce qu'en

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  1   permanence la règle des trois C; contrôle, commandement, communication,

  2   est-ce que cette règle était toujours en vigueur avec l'état-major, et

  3   notamment il y avait une permanence constante avec l'officier de permanence

  4   de l'état-major et l'officier de permanence des zones opérationnelles ?

  5   Est-ce que la communication était permanente ? Parce que vous venez de nous

  6   dire : "Quand je suis allé à l'état-major, il n'était pas là." Bon, très

  7   bien, mais je présume qu'il devait y avoir un officier de permanence, et

  8   dans votre zone opérationnelle, il y avait aussi un officier de permanence,

  9   je suppose.

 10   Est-ce que ça fonctionnait comme ça ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Affirmatif. Chaque état-major ou la

 12   région militaire dans leurs états-majors avait la permanence, et ils

 13   étaient en contact permanent.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc la communication entre l'état-major et la

 15   zone opérationnelle était assurée 24 heures sur 24.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Affirmatif.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Il est peut-être l'heure de faire notre pause.

 18   Il est 4 heures moins dix. Nous allons faire 20 minutes de pause. On

 19   reprendra aux environs de 4 heures 10, 4 heures et quart, et nous irons

 20   après jusqu'à 18 heures.

 21   --- L'audience est suspendue à 15 heures 53.

 22   --- L'audience est reprise à 14 heures 15.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 24   Mme PINTER : [interprétation]

 25   Q.  Général, à la question posée par M. le Juge Antonetti concernant la

 26   communication entre les zones opérationnelles et l'état-major et consistant

 27   à savoir si cette communication était assurée et permanente, vous avez

 28   répondu par l'affirmative, n'est-ce pas ?

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  1   R.  Affirmatif.

  2   Q.  Et dans cette communication, aucun problème n'a été rencontré, ni des

  3   zones opérationnelles vers l'état-major ni en sens inverse, n'est-ce pas ?

  4   R.  Dans mes connaissances, non.

  5   Q.  Très bien, merci. Alors je vous prie maintenant de vous reporter à un

  6   autre document, et comme le Président vous l'a indiqué, vous avez des

  7   onglets jaunes et le numéro est le 3D01098.

  8   L'avez-vous trouvé ? D01098. Il porte la date du 11 septembre 1993,

  9   et quelqu'un signe pour le général Praljak. L'avez-vous

 10   trouvé ?

 11   R.  98. Affirmatif. Le 11 septembre 1993.

 12   Q.  Alors, Général, conformément à votre expérience militaire, est-il

 13   habituel que le commandant de l'état-major indique la mention "urgent," à

 14   remettre de façon urgente ?

 15   R.  Non, ce n'est pas une habitude, étant donné quand un commandant donne

 16   l'ordre, normalement, l'ordre est exécuté. Et dans ce document, je vois

 17   qu'il demande d'urgence de lui répondre pourquoi cet ordre n'a pas été

 18   exécuté. Donc ça prouve, une fois de plus, que dans la ligne de

 19   commandement vers en bas n'a pas fonctionné.

 20   Q.  Merci. Général --

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : Monsieur le Témoin, vous dites que cela montre que la

 22   chaîne de commandement n'a pas joué. Cela présupposerait, si je comprends

 23   bien, qu'il y a eu une communication qui n'a pas été transmise. Mais n'est-

 24   il pas également possible que le commandement de Livno ait simplement omis

 25   de répondre, qu'il ne s'agisse d'un problème de communication mais de

 26   discipline plutôt ?

 27   LE TÉMOIN : Je ne peux pas être affirmatif que cette communication a été

 28   transmise. Mais je pense plutôt que cet ordre n'a pas été exécuté et qu'il

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  1   n'a pas donné lieu à une réponse ou un compte rendu pourquoi ça n'a pas été

  2   exécuté.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : Merci. Je vois que vous êtes d'accord avec mon

  4   observation, qui nous dit qu'il y a plusieurs possibilités. Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, dans le HVO, vous êtes le premier

  6   commandant de zone opérationnelle qui vient, parce que nous n'avons eu

  7   personne de votre niveau, d'où l'intérêt de votre présence, ce qui me

  8   permet de vous poser des questions d'ordre technique.

  9   Partant de ce document qui émane du général Praljak, qui commande le HVO,

 10   quand ce document arrive à la zone opérationnelle, est-ce que le commandant

 11   de la zone opérationnelle va lire lui-même le document, est-ce qu'il va le

 12   lire, quitte à l'annoter et à donner des instructions, ou bien ça arrive à

 13   son adjoint ou à quelqu'un d'autre et le commandant de la zone

 14   opérationnelle peut ne pas voir ce type de document ?

 15   Ou bien la règle militaire, c'est que tous les ordres émanant du chef

 16   doivent être lus par le subordonné ?

 17   LE TÉMOIN : Ce document a dû être lu par le commandant de la région

 18   militaire. En tout cas, il était destinataire, car la Brigade de Livno est

 19   sous le commandement de la région militaire de Tomislavgrad. Je ne sais pas

 20   pourquoi le commandant de la région n'a pas réagi avant de la réaction du

 21   général Praljak, car c'est lui le premier qui a dû réagir.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je prends un cas d'école. Le commandant de la

 23   zone militaire n'est pas à son bureau, parce qu'il est sur le front. Il est

 24   allé voir une unité. Arrive un ordre urgent émanant de Mate Boban, du

 25   ministre à la Défense, du commandant du HV, adressé personnellement au

 26   commandant de la zone opérationnelle. L'officier de permanence, que doit-il

 27   faire à ce moment-là ?

 28   LE TÉMOIN : L'officier de permanence doit consigner premièrement cet ordre

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  1   dans le cahier de permanence, puis contacter le commandant de la région

  2   militaire à qui elle était adressée d'une manière ou d'une autre pour que

  3   le commandant en région puisse en prendre connaissance et réagir.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question d'ordre technique. Le

  5   commandant de la région militaire, prenons votre cas, en décembre, vous

  6   arrivez le matin à votre bureau, est-ce que vous allez regarder le cahier

  7   de permanence pour savoir tout ce qui s'est passé dans la nuit ? Est-ce que

  8   vous allez faire cela ?

  9   LE TÉMOIN : Affirmatif, car j'ai été éduqué comme ça.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 11   Maître Pinter.

 12   Mme PINTER : [interprétation]

 13   Q.  En vous fondant sur votre expérience personnelle lorsque vous étiez

 14   conseiller, lorsque vous avez procédé à des contrôles avant d'être

 15   officiellement nommé au sein du HVO en votre qualité de commandant de zone

 16   opérationnelle, donc avant cela, est-ce que vous avez eu l'occasion de

 17   remarquer la façon dont se comportaient les commandants de zones

 18   opérationnelles ? Est-ce que vous avez vu s'ils tenaient compte de ces

 19   cahiers de permanence ? Est-ce qu'ils les consultaient ? Avez-vous des

 20   éléments précis à cet égard ? Si vous n'en avez pas, ne vous livrez pas à

 21   des conjectures.

 22   R.  Non, je n'ai pas les détails si les commandants en région agissaient

 23   comme moi, car je n'étais pas présent lors de leur arrivée au commandement

 24   régional.

 25   Q.  Avez-vous connaissance, Général, de la chose suivante : le général

 26   Praljak était basé à l'état-major principal du HVO à partir, disons, du

 27   mois de juillet 1993, lorsque vous étiez sur le territoire de

 28   l'Herzégovine. Donc savez-vous s'il était à l'état-major ou s'il était

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  1   plutôt à Zagreb ou alors sur le théâtre des opérations ou encore, quatrième

  2   possibilité, à un autre endroit ? Est-ce que vous avez quelque élément que

  3   ce soit pouvant expliquer que vous ne l'ayez pas rencontré ?

  4   R.  J'ai déclaré que j'ai rencontré le général Praljak deux fois sur le

  5   terrain : une fois, tout à fait en passant, à Prozor, fin juillet; et

  6   deuxième fois, mi-août lors des opérations de reprise du terrain perdu par

  7   le HVO entre Neretva et Buna. Dans d'autres temps, je ne savais pas où il

  8   se trouvait.

  9   Q.  Etait-il normal que le général Praljak, en tant que commandant d'état-

 10   major principal du HVO, se trouve sur la ligne de front ?

 11   R.  Non. Mais si vous voulez savoir exactement ce qui se passe, il fallait

 12   procéder ainsi. Comme j'ai déjà dit auparavant que pour savoir exactement

 13   de quoi s'agit-il, il fallait se trouver sur le terrain. Ça prouve qu'une

 14   formation vers le haut, ç'a mal ou très mal fonctionné.

 15   Q.  Dans ce prétoire, nous avons eu l'occasion d'entendre que le général

 16   Praljak avait passé l'essentiel de son temps entre les mois de juillet et

 17   d'octobre 1993 sur la ligne de front. Vous estimez donc que c'était la

 18   seule façon possible pour lui de procéder ou bien aurait-il dû procéder de

 19   façon différente pour garantir le respect des trois C, le commandement, le

 20   contrôle et l'information ?

 21   R.  Ce qui est de ma connaissance, le général Praljak aime les contacts

 22   directs humains, et il a toujours voulu montrer aux hommes sur le terrain

 23   qu'il était là avec eux.

 24   Q.  Comment cela se traduit-il auprès des soldats ? Quelle influence cela

 25   a-t-il sur eux, si vous le savez ?

 26   R.  Moralement, excellent. Les hommes sur le terrain aiment voir leur chef

 27   dans le même, si on peut le dire, bourbier.

 28   Q.  En vous fondant sur votre vécu personnel en Herzégovine, est-ce que

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  1   cela représentait la seule méthode possible pour avoir une vue d'ensemble

  2   de la situation ou bien y avait-il également d'autres moyens ? Etait-ce,

  3   autrement dit, uniquement parce que le général Praljak ressentait ce besoin

  4   d'être en contact direct avec ses hommes ou bien était-ce parce qu'il était

  5   nécessaire de procéder ainsi ?

  6   R.  Le général Praljak aimait ce contact, mais également c'était une

  7   nécessité. Le moral n'était pas à très haut niveau. Et chaque fois,

  8   lorsqu'un chef a pu venir voir ses hommes et obtenir le renseignement

  9   direct, il pouvait, dans cette manière-là, se faire une idée de ce qui se

 10   passe.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : Vous permettez, Maître.

 12   Ce que vous nous racontez n'est pas nouveau pour nous. Nous l'avons

 13   entendu déjà. Ce que j'aimerais savoir, c'est la relation entre cet

 14   engagement dans le terrain, qui certainement a toutes les valeurs que vous

 15   venez de mettre en évidence, et d'autre part, les tâches qui incombent à un

 16   chef et qui sont, en quelque sorte, placées dans le quartier général.

 17   Savez-vous si et comment le général Praljak a maintenu le contact avec le

 18   quartier général alors qu'il était dans la campagne au front ?

 19   LE TÉMOIN : Non, mais je suppose que le front n'a jamais été trop loin. Il

 20   fallait relativement peu de temps pour rejoindre son état-major où,

 21   certainement, il y a eu des réunions.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : Merci. C'est un peu une spéculation, ce que vous

 23   racontez, n'est-ce pas ?

 24   LE TÉMOIN : Non, car les lignes de front, par exemple, de Neretva et Buna,

 25   ont été à quelques kilomètres de l'état-major de Citluk.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : Ce n'est pas là où je vois de la spéculation. Mais

 27   dans votre réponse, vous avez dit : "Je suppose que le front n'était pas

 28   loin." Là, vous avez donné une précision, et ensuite, vous avez dit :

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  1   "Probablement, il y a eu des réunions au quartier général." Ce

  2   "probablement" indique que ce n'est pas quelque chose dont vous avez une

  3   connaissance positive, mais vous supposez qu'il en était ainsi.

  4   LE TÉMOIN : Exact. C'est pour ça j'ai dit "probablement", étant donné que

  5   je ne suis pas sûr qu'il y avait ces réunions.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : Merci, Monsieur.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, dans le même ordre d'idée, sur ce

  8   problème de communication, si j'ai bien compris, au mois d'août, vers le 15

  9   août, vous allez prêter votre concours à cette opération militaire sur le

 10   front Neretva-Buna. Et j'ai cru comprendre que vous avez vu le général

 11   Praljak. Quand vous voyez le général Praljak, qui est le commandant -- au

 12   mois d'août, il n'est pas le commandant du HVO, puisqu'il ne le -- enfin,

 13   il l'est depuis le mois de juillet. Donc, c'est le numéro un du HVO.

 14   Quand vous le voyez, est-ce qu'il a avec lui un officier d'intendance

 15   qui porte un poste radio, ce qui permet d'assurer la liaison avec le

 16   quartier général, ou bien il arrive avec un véhicule qui, lui, est équipé

 17   d'un poste radio, de telle façon qu'il n'y a pas de discontinuité dans la

 18   chaîne de commandement ? Dans votre souvenir, vous vous rappelez de cela ou

 19   pas ?

 20   LE TÉMOIN : Je me rappelle très bien de cela. C'était la nuit, et il est

 21   arrivé seul. Son véhicule n'était pas trop loin, mais je ne sais pas s'il y

 22   avait la liaison radio.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, dans une armée digne de ce nom, est-il

 24   envisageable que le commandant, le numéro un, puisse aller sur la ligne de

 25   front, au combat, sans qu'il y ait tout un support logistique pour qu'il

 26   puisse continuer à contrôler toutes les zones qui sont sous son autorité,

 27   ou bien ce fait peut-il être caractéristique d'une forme d'amateurisme ?

 28   LE TÉMOIN : Dans toutes le forces armées, ce n'est absolument pas possible

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  1   qu'un commandant perde la liaison avec son état-major; ou alors, c'est très

  2   grave. Mais dans la contexture des combats menés dans ces zones-là, ce

  3   n'était pas trop important, d'un côté, car il y avait la permanence et le

  4   commandant en second qui pouvait toujours travailler à sa place. De l'autre

  5   côté, je pense que le général Praljak, comme tout le monde le sait, n'a pas

  6   une instruction militaire. Il a agi de manière, pour ne pas dire amateur,

  7   non, mais vouloir voir tout ce qui se passe sur le terrain pour peu de

  8   temps.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : Continuons dans la même lignée. Est-ce que vous avez

 10   une idée du degré d'information qu'avait le général Praljak de ce qui se

 11   passait en général à d'autres endroits que là où il se trouvait dans le

 12   moment ? Est-ce qu'il gardait une vue d'ensemble ?

 13   LE TÉMOIN : Je ne sais pas.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : Merci.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question dans la suite. Alors, avant de

 16   répondre, réfléchissez bien au sens de ma question.

 17   Nous savons que vous avez été sur le terrain, vous, dès le mois de

 18   juin 1993. Nous savons que vous avez exercé le commandement d'une région

 19   militaire à compter du mois de décembre. Nous savons, car vous nous l'avez

 20   dit, que vous avez participé à des opérations militaires, des opérations de

 21   combat, ne serait-ce qu'au mois d'août.

 22   Alors, voilà ma question, qui est très, très importante : au niveau

 23   où vous étiez, vous, aviez-vous le sentiment, la certitude que tout ce qui

 24   se passait sur le terrain militaire était, sur le plan militaire, contrôlé

 25   de Zagreb ?

 26   LE TÉMOIN : Non, car les opérations qui se passaient dans la région étaient

 27   bien locales. Maintenant, que Zagreb ait été prévenu de cela, probablement,

 28   mais je ne peux pas donner confirmation formelle.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Question de suivi : pendant l'exercice de votre

  2   commandement, au niveau de votre quartier général à vous, est-ce qu'un

  3   jour, vous avez eu un appel de Zagreb par téléphone, par radio, par tout

  4   autre moyen, vous demandant de faire rapport de tel problème, de telle

  5   situation ? Est-ce que ça vous est arrivé ? Je rappelle que vous êtes sous

  6   serment.

  7   LE TÉMOIN : Ça ne m'est jamais arrivé.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous en êtes absolument sûr ?

  9   LE TÉMOIN : Absolument sûr.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, Maître Pinter.

 11   Mme PINTER : [interprétation]

 12   Q.  Général, est-ce que l'on peut considérer que le HVO, tel que vous

 13   l'avez trouvé au moment de votre arrivée, et ce, jusqu'à la fin de votre

 14   présence sur le terrain, constituait une armée organisée ?

 15   R.  C'était une armée organisée, mais mal organisée. Il y avait la

 16   mobilisation pour monter sur la ligne de front; elle était mal faite car

 17   les hommes avaient un absentéisme énorme. Les instructions se voyaient de

 18   loin qui étaient très faiblement faites. Ça s'est amélioré au fur et à

 19   mesure tout doucement mais on était loin d'une armée professionnelle et

 20   efficace.

 21   Q.  Pouvez-vous nous dire si cela était le résultat d'une volonté délibérée

 22   de ne pas organiser les choses, ou bien y avait-il peut-être d'autres

 23   raisons expliquant que la situation ait été telle que vous venez de la

 24   décrire ?

 25   R.  Non, ce n'était pas délibéré. Il faut savoir que pour avoir une armée

 26   bien organisée et bien entraînée, quelques mois même quelques années ne

 27   suffisent pas. Il faut de longues années, avec d'énorme travail pour

 28   obtenir un ensemble cohérent.

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  1   Q.  Et quel rôle a pu jouer le fait que tout cela se soit passé pendant la

  2   guerre pour ce qui est de la mise en place de cette organisation, de cette

  3   armée ?

  4   R.  Ça n'a pu qu'empirer le processus, car il fallait mettre les jalons de

  5   cette nouvelle armée tout en se battant, ce qui est un programme très

  6   lourd, en tout cas pour le HVO.

  7   Q.  Dans votre déclaration, il est question d'un événement après que vous

  8   soyez devenu commandant de cette zone de rassemblement de Tomislavgrad.

  9   Alors, pouvez-vous nous dire quand est-ce que vous êtes devenu commandant

 10   de cette zone opérationnelle de Tomislavgrad ?

 11   R.  Si je me rappelle bien, j'ai pris le commandement le 20 décembre 1993.

 12   Q.  Le général m'a envoyé un message disant qu'il avait aussi des questions

 13   de nature militaire bien sûr. Il est strictement lié donc à tout ce qui

 14   touche au militaire. Mais avant que le général ne prenne la parole, j'ai

 15   seulement une question encore à vous poser.

 16   Pouvez-vous nous décrire la situation qui est celle où vous avez été fait

 17   prisonnier vous-même, et l'événement relatif à Banja Luka qui est évoqué

 18   dans vos déclarations ? 

 19   R.  Affirmatif. Cet événement s'est passé au tout début janvier, je crois,

 20   au 12 janvier 1994.

 21   Je me trouvais dans le réfectoire en train de manger. Dans le réfectoire,

 22   il y avait une centaine d'hommes militaires. A un moment donné, dans le

 23   réfectoire est rentré un homme armé. Dès qu'il est rentré, il s'est mis à

 24   tirer avec le fusil d'assaut sur le plafond en demandant qui est Skender.

 25   Vu la situation dangereuse, et ne sachant pas de quoi s'agit-il, je lui ai

 26   répondu : "C'est moi." Il était très excité et il a recommencé de tirer.

 27   Il m'a fait prisonnier tout simplement et il m'a amené au commandement de

 28   la Brigade Rama. Il a oublié de me prendre mon pistolet, de manière que je

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  1   pouvais le tuer quand je voulais. Mais ne sachant toujours pas de quoi

  2   s'agit-il, je préférais d'attendre pour voir.

  3   Une fois arrivée au commandement de la Brigade Rama, on m'avait dit : "De

  4   quoi s'agit-il ? Cet homme a été, suite à un rixe en ville, désarmé et

  5   quelqu'un lui a pris son pistolet." Dans la foulée, quelqu'un lui a dit que

  6   c'est un ordre du colonel Skender.

  7   Entre ce temps-là, le commandant de brigade Rama est arrivé. Il a emmené ce

  8   type-là visiblement sous l'emprise de la drogue pour le calmer dans une

  9   autre pièce que je ne sais pas où.

 10   Puis je suis retourné à mon commandement où j'ai continué de travailler.

 11   Maintenant, je réfléchis : que dois-je faire ? Il était hors question

 12   --

 13   M. LAWS : [interprétation] Avant de perdre l'élément pertinent qui nous

 14   intéresse avant que le général ne continue à dire autre chose, à la ligne

 15   23 et en se faisant, on lui demande : "Tu es Skender," je crois que "Qui

 16   est Skender." Je voulais simplement préciser.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez.

 18   LE TÉMOIN : En ce moment-là, il était hors question de passer dessus. Mais

 19   il était également pour moi la question, qu'est-ce qui va se passer si

 20   j'envoie ce type tout de suite en prison. La situation, elle était de telle

 21   gravité dans cette zone, que chaque homme comptait.

 22   Si j'enfermais ce type-là, il aura à coup sûr une vingtaine de ses

 23   camarades qui quitteraient la ligne de front, ou alors pour éviter de cela,

 24   je ne fais que différer sa comparution devant un tribunal militaire. Et

 25   d'après ce que j'ai su après, ça s'est passé exactement comme ça. Il a

 26   passé au tribunal militaire quelque temps après mon départ vers Zagreb.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, ce que vous venez de nous dire en

 28   partant de cet exemple, le général Praljak nous a tenu le même discours, à

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  1   savoir que dans une situation militaire donnée, le commandement doit

  2   apprécier les avantages et les inconvénients et que, parfois, nonobstant le

  3   fait qu'il y a eu un incident, un crime, voire un événement grave, il faut

  4   à ce moment-là prendre en compte la situation militaire générale, ne pas

  5   agir immédiatement et attendre le bon moment d'agir. C'est ceci que vous

  6   voulez nous dire ?

  7   LE TÉMOIN : Exactement, Votre Honneur. Il fallait analyser la situation et

  8   prendre une décision qui fera le moins de mal au maintien de cette zone.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, votre réponse me permet d'embrayer sur la

 10   question que je voulais vous poser dès le départ, et je rappelle que vous

 11   êtes, dans la hiérarchique du HVO, quelqu'un qui était sous le commandant

 12   du HVO, puisque vous êtes le premier qui commandait une zone

 13   opérationnelle. Je parle d'un cas théorique. C'est pas que je veux vous

 14   mettre en difficulté, mais je prends un cas théorique. Quand le commandant

 15   d'une zone opérationnelle constate que ses soldats ont commis un crime, par

 16   exemple, ont brûlé une maison, ont volé des civils, ont violé une femme, et

 17   cetera, quand il constate cette situation, qu'est-ce qu'il doit faire ?

 18   LE TÉMOIN : Eh bien, dans le cas de situation de ce genre-là, le commandant

 19   militaire doit passer tout simplement ces affaires ou cette affaire entre

 20   les mains de la police militaire, qui continue les investigations pour

 21   essayer d'éclaircir ou de trouver les coupables. Si ça se passe derrière le

 22   front, c'est la police militaire qui travaille avec la police civile.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre zone, est-ce que vous avez été confronté

 24   à ce type de problème ?

 25   LE TÉMOIN : Oui. Quand j'étais entouré par la Brigade de Rama, c'est-à-dire

 26   pas moi mais mon commandement, j'ai appelé la police militaire, qui est

 27   intervenue relativement rapidement, qui, à leur tour, a encerclé la Brigade

 28   de Rama. La police militaire a fait avancer le travail d'éclaircir qui et

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  1   quoi a fait cela et ils ont été amenés de renforcer les effectifs dans

  2   cette zone de la police militaire de manière d'empêcher les choses

  3   similaires. C'a été une très bonne chose, étant donné qu'on a vu

  4   l'amélioration de la situation dans tous les domaines.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous citez le cas de la Brigade de Rama. Nous avons

  6   eu des documents rédigés par le SIS qui indiquaient qu'au niveau de la

  7   Brigade de Rama, à un moment donné, la police militaire était elle-même

  8   corrompue. Ils se livraient eux-mêmes à des exactions. Dans cette

  9   situation, que doit faire le commandant de la brigade et le commandant de

 10   la zone opérationnelle ?

 11   LE TÉMOIN : Il faut savoir qu'à cette époque, il existait deux sortes de

 12   police militaire; une qui était police militaire de la brigade, c'est-à-

 13   dire les militaires de la brigade, et la police militaire, si on peut dire,

 14   la vraie, qui venait de l'extérieur. Le commandant, s'il a su les excès qui

 15   se produisaient dans la région, a toujours appelé la police militaire, la

 16   vraie, si on peut dire. Les gens de la police militaire de brigade, on le

 17   savait, et très bien remarqué par le SIS, étaient les premiers qui

 18   faisaient les faux pas. Par la suite, la vraie police militaire a pris les

 19   affaires et a été réorganisée. Je ne sais pas quelle date exactement, mais

 20   les polices militaires de la brigade sont disparues.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Le général Praljak nous a exposé la situation

 22   suivante : ayant connaissance de crimes commis par ses soldats, ayant

 23   connaissance de la ligne de front, pour sauvegarder la ligne de front qui

 24   nécessitait de ne pas arrêter les soldats fautifs, il préférerait laisser

 25   les choses en l'état car, en arrêtant les soldats fautifs, il dégarnissait

 26   la ligne de front, ce qui aurait permis à l'ennemi de faire une percée et,

 27   à ce moment-là, d'occuper le terrain militairement et qu'entre deux maux,

 28   assurer la discipline militaire par l'arrestation des soldats fautifs mais

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  1   également assurer le maintien de la ligne de front, il préférerait, lui,

  2   assurer le maintien de la ligne de front.

  3   Alors, vous, en tant que professionnel, qu'est-ce que vous en pensez ?

  4   LE TÉMOIN : Dans une armée organisée, moi, j'arrêterais cet homme qui a

  5   commis une sorte de crime. Maintenant, mon avis moi-même a été amené

  6   d'analyser la situation et de repousser l'arrestation et le tribunal aux

  7   individus de manière à préserver l'urgence du front et simplement déplacer

  8   l'arrestation et la traduction devant un tribunal qui statuerait de

  9   l'affaire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Concernant la Défense Praljak, il reste cinq

 11   minutes, alors -- mon collègue va vous poser une question.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : En rapport avec la situation que vous avez discutée,

 13   j'aimerais avoir votre opinion quant au champ de responsabilité d'un

 14   commandant. Est-ce que --

 15   L'INTERPRÈTE : Microphone, Monsieur le Juge Trechsel, s'il vous plaît.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : Voilà. Donc je parlais du domaine de responsabilité

 17   d'un commandant.

 18   Est-ce que le commandant militaire est responsable de ce qui se passe

 19   sur une surface qui est la zone qu'il commande ou est-ce que sa

 20   responsabilité est limitée à une petite partie du terrain, c'est-à-dire

 21   immédiatement là où court le front ?

 22   J'espère que je me suis exprimé clairement. Sinon, je vous invite à

 23   me demander des précisions.

 24   LE TÉMOIN : Le commandant militaire est responsable dans sa zone de combat,

 25   du front. Toutes les situations qui pourront arriver derrière, c'est-à-dire

 26   en ville ou dans les villages, incombent de la police militaire et de

 27   l'autorité civile.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : Sur les cartes militaires, souvent on encercle du

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  1   terrain qui relève du commandement d'une unité militaire. Est-ce que vous

  2   voulez dire que le commandant de cette zone ne doit s'occuper que du front

  3   et n'a aucune responsabilité pour les

  4   arrières ?

  5   LE TÉMOIN : Le commandant militaire n'est responsable que pour le front,

  6   car, je répète, derrière, la responsabilité incombe à la police militaire

  7   et aux civils.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : Vous avez dit tout à l'heure, Général, que si vous

  9   étiez commandant et que des crimes ont été commis par des militaires, vous

 10   les feriez arrêter, vous, le commandant. Je vois là une contradiction. Si

 11   cela ne regarde pas le commandant, pourquoi s'occuperait-il d'un tel état

 12   de fait ? Il laisserait faire la police militaire. Or, ça ne semble pas

 13   être votre propre avis.

 14   LE TÉMOIN : Quand je dis que j'arrêterais les militaires qui ont commis un

 15   crime, ça veut dire que ces militaires sont montés vers la ligne ou revenus

 16   vers la ligne de leur habitation. Tant qu'ils ne sont pas complètement

 17   rentrés à la maison, il incombe au commandant d'assurer bon [inaudible].

 18   Une fois arrivés à leurs maisons, même s'ils sont armés, c'est la police

 19   militaire et la police civile qui prennent l'affaire en main.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : Je vais rester là, mais je vous dis que je ne trouve

 21   pas votre réponse très cohérente.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, vous nous avez dit que vous avez exercé

 23   votre fonction militaire en Algérie. J'essaie de faire une comparaison pour

 24   bien comprendre ce que vous venez de dire compte tenu de l'imprécision qui

 25   vient d'être relevée.

 26   Quand vous étiez en Algérie dans une opération militaire et qu'il se

 27   passait des infractions par des soldats français, était-ce le commandant

 28   qui les arrêtait ou bien ce soin d'arrestation était laissé à la police

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  1   militaire - en l'espèce, ça devait être la gendarmerie - et les autorités

  2   civiles ?

  3   LE TÉMOIN : Lors de la guerre en Algérie, c'était plus précisément le

  4   maintien d'ordre, et dans toutes les unités sur le terrain, il y avait les

  5   gendarmes, qui ont l'autorisation d'agir vers les militaires, tant vers les

  6   civils. Et en cas qu'on ait trouvé ou fait prisonnier - comme on appelait,

  7   à l'époque, hors la loi ou un civil tout court - c'est les gendarmes qui se

  8   sont occupés, c'est-à-dire la police militaire, qui s'occupaient de ce

  9   type-là.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans le dossier que nous, les quatre Juges, aurons à

 11   juger et à délibérer, cette question de savoir ce que doit faire un

 12   commandant militaire est importante.

 13   Partant d'une situation où, vous nous l'avez expliquée, il y a une

 14   ligne de front, il y a des soldats du HVO sur la ligne de front, mais dans

 15   une zone où il y a des civils, et ces civils sont victimes de délit ou de

 16   crime. Imaginons qu'on a des civils qui sont à 4 ou 5 kilomètres de la

 17   ligne de front et que des soldats qui se rendent sur les lignes de front en

 18   profitent pour dévaliser les civils. Le commandant militaire qui apprend

 19   cela, est-ce que c'est de sa responsabilité d'arrêter et de poursuivre les

 20   militaires ou bien doit-il informer la police militaire - la vraie, comme

 21   vous dites - pour qu'ils fassent une enquête ? Doit-il informer le

 22   procureur civil ou la police civile de la localité ? Doit-il informer le

 23   procureur militaire qui saisira le juge d'instruction, le cas échéant ?

 24   Qu'est-ce que le commandant militaire doit faire ?

 25   LE TÉMOIN : Le commandant militaire va appeler la police militaire, émettre

 26   ces affaires pour l'éclaircissement à la police militaire qui, par la

 27   suite, mettront l'affaire, si c'est nécessaire, dans les mains civiles.

 28   Est-ce que ça aboutit ou non, ce qu'on parle, toutes les recherches

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  1   criminelles, on ne le sait pas, mais les commandants amènent les affaires à

  2   la police militaire.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Dans la situation que vous avez

  4   vécue puisque vous avez été sur le terrain, quand il y avait un civil, un

  5   civil musulman, pour être précis, ou serbe, qui était victime des

  6   agissements de vos propres soldats, que deviez-vous faire ?

  7   LE TÉMOIN : Je devais d'abord agir directement pour arrêter ces actes-là et

  8   appeler la police militaire pour leur donner cette affaire entre les mains.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la règle ?

 10   LE TÉMOIN : C'est la règle.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Et si un commandant militaire ne fait pas cela ?

 12   LE TÉMOIN : Eh bien, il est, dans ce cas, fautif étant donné qu'il n'a pas

 13   appelé les polices qui sont en charge de régler ce problème-là. Il a caché

 14   quelque chose.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Et dans la situation où un commandant militaire sait

 16   qu'il y a eu la commission d'une infraction, mais il pense ou il a quelque

 17   certitude que le SIS ou la police militaire s'en occupe, est-ce qu'à ce

 18   moment-là ce commandant militaire ne fait rien, les mains dans les poches,

 19   et continue à vaquer à ses occupations ou bien, même s'il a des

 20   présomptions comme quoi le SIS ou la police militaire ou la police civile

 21   fait quelque chose, est-ce qu'il ne doit pas contrôler qu'il y a quelque

 22   chose qui est en train d'être fait ?

 23   LE TÉMOIN : Il faudra contrôler, bien sûr, la suite d'événements, car ce

 24   sont tout de même ses soldats qui ont commis cela.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc le commandant militaire doit contrôler la

 26   suite.

 27   LE TÉMOIN : Au moins, il doit se tenir au courant des suites de l'affaire.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour moi, vos réponses sont claires. Je ne vois pas

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  1   ce que je pourrais vous demander de plus.

  2   Je rappelle à la Défense Praljak qu'il vous reste cinq minutes.

  3   Alors, Général Praljak, vous avez cinq minutes pour poser vos questions au

  4   général Skender.

  5   Interrogatoire principal par M. Praljak :

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Général Skender.

  7   R.  Bonjour.

  8   Q.  Quelques questions seulement. A partir du moment où vous êtes arrivé

  9   dans l'Herzégovine et jusqu'au moment où je suis parti de là-bas, auriez-

 10   vous participé à la réalisation d'un plan offensif quel qu'il soit vis-à-

 11   vis de l'ABiH, vis-à-vis de l'armée de la Republika Srpska, ou pensez-vous

 12   que nous avons tout le temps été dans la défensive ?

 13   R.  De ma connaissance, nous avons tout le temps été en défensive, au moins

 14   de ce qui s'agit du front sud. Les seules coopérations offensives ont été

 15   planifiées au mois de janvier 1994.

 16   Q.  Je vous remercie. Deuxième question de ma part : est-ce qu'ayant

 17   déambulé sur le terrain, et pour autant que je le sache, vous l'avez fait

 18   tout le temps, avez-vous à quelque moment que ce soit vu, de vos yeux à

 19   vous, un soldat passer sous vos ordres, exception faite de la violence dont

 20   vous avez fait l'objet, mais est-ce que vous auriez vu de vos yeux, pas été

 21   informé, auriez-vous quelqu'un violer, tuer, incendier ou faire quoi que ce

 22   soit d'autre en enfreignant l'une quelconque des règles internationales du

 23   droit de la guerre ?

 24   R.  Négatif.

 25   Q.  Pouvons-nous alors tirer une conclusion, qui est celle d'avancer que

 26   l'information venait d'ailleurs ? Certaines sources disaient que d'aucuns

 27   auraient fait ceci ou des rapports auraient communiqué cela.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé, mais la question n'est pas

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  1   correctement posée. Vous devez d'abord vous assurer que ce type

  2   d'information existait, ensuite vous demanderez quelle était leur source.

  3   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur le Juge Trechsel, nous savons

  4   que de telles informations nous parvenaient, mais bon. Q.  Cela venait à

  5   nous, en somme, de façon variée. A combien de reprises avez-vous

  6   officiellement reçu des rapports disant que tel et tel soldat, à tel et tel

  7   endroit, à tel moment, aurait commis une violation du droit international

  8   de la guerre, avec des explications afférentes ? Donc quand est-ce que vous

  9   avez reçu un papier en main, pendant toute la durée du temps que vous avez

 10   passé là-bas ?

 11   R.  Jamais.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de suivi, Mon Général. Il me semble,

 13   sauf erreur de ma part - mais si je me trompe, n'hésitez pas à dire que

 14   j'ai fait une erreur et je vous en remercie par avance - mais il me semble

 15   que vos ex-camarades de la Légion étrangère étaient à Vares. Est-ce vrai,

 16   est-ce faux ?

 17   LE TÉMOIN : Je ne sais pas s'ils étaient à Vares. Par contre, je sais

 18   qu'ils étaient dans l'armée croate, justement sous le commandement de

 19   Filipovic.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais je parle des légionnaires qui faisaient

 21   partie de l'UNPROFOR, des forces des Nations Unies. Aviez-vous des contacts

 22   avec la force des Nations Unies ? Est-ce que vous aviez des contacts avec

 23   eux ?

 24   LE TÉMOIN : Affirmatif.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Et, comme le disait tout à l'heure le général

 26   Praljak, est-ce que ces gens-là vous disaient : "On a appris qu'il se passe

 27   tel problème, telle exaction, tel crime." Peut-être du ouï-dire, mais est-

 28   ce qu'ils vous posaient la question ? Et à ce moment-là, que disiez-vous ?

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  1   LE TÉMOIN : Non, ils ne me posaient jamais cette question-là. Mais, par

  2   exemple, pendant le combat offensif de janvier 1994, j'ai eu la visite d'un

  3   capitaine, ami que je connaissais quand on était lieutenants ensemble, qui

  4   m'a demandé s'il pouvait visiter la zone de combat de Hare. Je lui ai

  5   répondu oui, et je lui ai même fourni l'escorte pour qu'il voie cette place

  6   où il y avait les combats.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

  8   Monsieur Praljak.

  9   M. PRALJAK : [interprétation]

 10   Q.  Partant de ce que vous venez de dire, Général Skender, peut-on conclure

 11   si du temps où vous étiez au HVO, on vous a communiqué des informations de

 12   ce type, exception faite des deux fois où vous étiez, une fois avec moi et

 13   une autre fois où on vous a exactement fourni des renseignements précis

 14   concernant le moment et l'endroit où quelqu'un aurait commis une

 15   infraction, enfin quelque chose de contraire aux règles et au droit de la

 16   guerre ? Donc où vous auriez eu entre les mains un rapport de ce type et où

 17   vous auriez dit: Il convient de se comporter une telle et telle façon. Donc

 18   est-ce que vous avez eu un document entre les mains qui vous aurait

 19   contraint à vous conformer aux règles du service militaire ?

 20   R.  Je n'ai jamais eu aucun document écrit avec ces effets-là.

 21   Q.  Alors je pense à un document que, au moment où vous avez été commandant

 22   de zone opérationnelle, un document qui vous aurait été remis par vos

 23   subordonnés. Est-ce que vous avez jamais reçu de leur part un document de

 24   cette nature ?

 25   R.  Jamais.

 26   Q.  Pour finir, Général, compte tenu de la situation dans son ensemble, et

 27   vous la connaissez très bien, dites-nous si, indépendamment de ma

 28   connaissance en matière militaire dans la situation telle qu'elle

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  1   prévalait, mon commandement, à partir du quartier général, aurait-il

  2   apporté quelque valeur ajoutée que ce soit dans notre défense contre

  3   l'offensive musulmane ou bien était-il nécessaire d'être sur le terrain,

  4   d'être sur place afin d'empêcher une défaite ?

  5   R.  Je pense que, vu que vous étiez sur le terrain, ça a amélioré

  6   l'efficacité, nos efforts, à l'attaque ou à la défense.

  7   Q.  Et juste pour finir, vraiment, quand vous étiez commandant de zone

  8   opérationnelle, vous disposiez d'un véhicule. Est-ce qu'au sein de ce

  9   véhicule ou par quelque autre moyen que ce soit, vous disposiez d'une

 10   liaison radio, d'un poste radio qui vous permettait d'être directement en

 11   liaison avec vos officiers sur le terrain ou bien lorsque nous nous

 12   occupions du problème de Rama pendant ces 48 heures, est-ce que vous avez

 13   reçu quelque information que ce soit sur ce qui se passait sur le front de

 14   Livno, face à la VRS ?

 15   R.  Négatif. Chaque fois lorsque j'étais sur le terrain avec mon véhicule

 16   tout-terrain, je n'avais pas de liaison tant que je ne suis pas arrivé dans

 17   un endroit où ça pouvait être établi, soit fil-air [phon], soit par le

 18   poste radio portatif qu'on avait. Mais on sait que la limite était courte

 19   de ce poste radio.

 20   Q.  C'était des appareils Motorola que l'on pouvait intercepter très

 21   facilement. Est-ce que vous souvenez si c'était des appareils Motorola ?

 22   R.  Affirmatif. Affirmatif. C'était les Motorola qui n'étaient même pas

 23   chiffrés.

 24   Q.  C'est exact. Merci, Général Skender, d'être venu, et merci d'avoir

 25   répondu à mes questions.

 26   Merci, Messieurs les Juges.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, je pense qu'il y a

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  1   une erreur dans le compte rendu. Il est écrit à la ligne 16 de la page 56,

  2   il s'agissait de Motorolas mais codés. J'avais cru comprendre que le témoin

  3   vous disait le contraire que c'était des Motorolas mais qu'ils n'étaient

  4   pas codés que tout le monde pouvait écouter en fait, peut-être que je me

  5   suis trompé.

  6   LE TÉMOIN : Non, Votre Honneur, vous ne vous êtes pas trompé car il

  7   existait deux types de Motorolas, "scramblés," c'est-à-dire chiffrés et les

  8   normaux. Mais tout le monde n'en n'avait pas les Motorolas chiffrés.

  9   M. LE JUGE TRECHSEL : Merci.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica.

 11   Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 12   Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

 13   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Skender.

 14   Mme NOZICA : [interprétation] Oui, merci. Je vous prie de bien vouloir

 15   remettre le document.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, nous nous sommes rencontrés à l'occasion de la

 17   préparation de votre déposition, n'est-ce pas ? Nous avons discuté sur les

 18   sujets dont traitent les documents que je vais maintenant vous présenter.

 19   Je voudrais cependant revenir sur une question posée par le général Praljak

 20   concernant la nature des informations qui vous parvenaient du terrain, car

 21   je peux conclure justement que les seules informations écrites que vous

 22   receviez de façon systématique ont été reçues par vous à partir

 23   approximativement de la date du 20 décembre 1993, lorsque vous êtes devenu

 24   officiellement commandant de la zone opérationnelle de Tomislavgrad, n'est-

 25   ce pas ? Est-ce que c'est bien à cette période-là que vous vous référiez ?

 26   R.  Affirmatif. Parce qu'avant cette période-là je n'avais aucun pouvoir de

 27   commandement et personne ne s'adressait à moi.

 28   Q.  Monsieur Skender, veuillez vous reporter dans la liasse de couleur rose

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  1   au premier document qui est devant vous. Il s'agit d'un rapport émanant de

  2   vous. Je pense que vous le reconnaîtrez. Ce rapport porte la cote 2D3045.

  3   R.  O.K.

  4   Q.  Alors je vais vous dire très brièvement de quoi il s'agit. C'est un

  5   rapport portant sur la préparation au combat -- pour la région militaire de

  6   Tomislavgrad. En première page, il y a votre signature; la date est celle

  7   du 24 février 1994. Et cette étude dans ce rapport est remise à l'état-

  8   major du HVO à Posusje à remettre en mains propres au commandant.

  9   Alors, votre signature figure en première page. Je vous ai montré ce

 10   rapport, Général Skender, lors du récolement. Pouvez-vous nous confirmer

 11   qu'il s'agit là bien d'un rapport qui a été rédigé par vous -- ou pour

 12   commencer, pouvez-vous nous dire si c'est bien vous qui l'avez signé ?

 13   R.  Affirmatif. C'est moi qui ai signé, mais il était rédigé par les

 14   officiers responsables de chacun de son domaine.

 15   Q.  Monsieur Skender, s'agissait-il de vos propres assistants en charge des

 16   différents domaines ressortissant de la zone opérationnelle au sein de

 17   cette dernière, pour être tout à fait concret, au sein de la région

 18   militaire de Tomislavgrad ?

 19   R.  Affirmatif. C'était les officiers de mon état-major de région militaire

 20   Tomislavgrad.

 21   Q.  Pas mal d'années se sont écoulées, Monsieur Skender, depuis la date à

 22   laquelle ce rapport a été rédigé. Vous avez eu l'occasion de le parcourir

 23   en détail également lorsque nous avons procédé au récolement hier. Pouvez-

 24   vous vous souvenir et pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, pour

 25   ce qui concerne la situation dont il est question dans ce rapport, est-ce

 26   que vous en aviez une vision d'ensemble et est-ce que vous pouvez nous

 27   confirmer que la situation était bien telle qu'elle est présentée dans ce

 28   rapport ?

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  1   R.  Affirmatif. La situation était belle, elle est belle et bien telle

  2   qu'elle était présentée dans ce rapport.

  3   Q.  Monsieur Skender, je vais m'efforcer de passer en revue aussi

  4   rapidement que possible ce rapport en essayant de confirmer certaines

  5   parties de votre déclaration et certaines des réponses que vous avez

  6   données aujourd'hui lors de votre interrogatoire principal. Je voudrais que

  7   vous vous reportiez à la page 2 du rapport dans la version croate. C'est la

  8   page qui porte le numéro 2. Le numéro de la page figure en haut de la page.

  9   Pour tous ceux qui utilisent la traduction anglaise, je les prie de se

 10   reporter au numéro de page figurant en haut.

 11   Il est dit ici au numéro 1 du rapport :

 12   "Instructions et capacités à tous les échelons du commandement et du

 13   contrôle ne se trouvent pas être au niveau requis pour une conduite

 14   efficace à des activités de combat. Les raisons en sont dans l'ensemble

 15   connues. En raison du manque de cadre correctement formé, on a nommé de

 16   simples soldats au poste de commandement figurant dans l'organigramme,

 17   qu'il s'agisse des postes à la tête des brigades, des régions militaires ou

 18   des sections.

 19   "Il y a peu d'anciens officiers de la JNA et d'officiers réservistes

 20   au poste de commandement."

 21   Alors, Monsieur Skender, est-ce que cette partie de votre rapport reflète

 22   bien la situation qui prévalait au mois de février, date en 1994, donc au

 23   moment où vous écrivez ce rapport, la situation qui prévalait pour ce qui

 24   est du commandement du HVO ?

 25   R.  Je ne pourrais pas dire que c'était le commandement du HVO, mais en

 26   tout cas c'était les carences des officiers qui commandaient, y compris

 27   même les brigades dans ma zone. Il y avait des gens qui n'avaient aucune

 28   instruction militaire, mais ils ont eu la nomination simplement parce qu'il

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  1   n'y avait pas d'autres volontaires.

  2   Q.  Monsieur Skender, vous confirmez que c'est ainsi que les choses se

  3   présentaient dans la zone où vous étiez commandant, donc dans la région

  4   militaire de Tomislavgrad, mais je voudrais vous poser une question portant

  5   sur la période précédente. Lorsque vous parcouriez le territoire de la HZ

  6   HB, est-ce que vous avez eu l'expérience de situations similaires dans les

  7   autres zones où vous vous êtes trouvé ? Je pense à la HZ HB, où vous étiez

  8   présent dès le mois juillet 1993. Est-ce que vous avez retrouvé ailleurs le

  9   même type de situation ?

 10   R.  Ailleurs, c'était la même situation, sinon pas pire.

 11   Q.  Monsieur Skender, sur cette même page, je voudrais que l'on se reporte

 12   à la partie qui est juste au-dessus de la section intitulée "Conclusion."

 13   C'est le quatrième point en remontant vers le haut, à partir de la

 14   conclusion. Je ne vais pas tout reprendre. Alors vous citez ici certains

 15   des problèmes fondamentaux qui affectent le commandement de la région

 16   militaire, et vous faites état du caractère incomplet des unités qui

 17   viennent sur la ligne de front. Vous dites que les unités ne sont pas

 18   équipées des armes ni des munitions ni même de leur tenue d'hiver, et

 19   qu'elle ne bénéficie pas non plus du soutien d'artillerie et de

 20   l'équipement de communication dont elles ont besoin.

 21   Alors en page 17, lignes 3 à 6, vous avez dit que la situation était

 22   catastrophique et que les unités n'étaient pas suffisamment

 23   approvisionnées.

 24   Mais je voudrais que vous expliquiez pour les Juges de la Chambre ce que

 25   signifie cet acronyme de BK, qu'est-ce que c'est

 26   "1BK" ? Que ce ne soit pas moi qui donne des explications. Pourquoi la

 27   formulation est telle, celle qui figure ici ? Vous avez indiqué que ces

 28   unités venaient parfois "sans même un seul BK." Pouvez-vous expliquer cela

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  1   aux Juges ?

  2   R.  BK, c'est la dotation de cartouches par homme. Chaque homme doit avoir

  3   un certain nombre de cartouches pour son fusil d'assaut. S'il n'en a pas,

  4   on doit l'approvisionner, ce qui est un problème étant donné qu'il arrive

  5   sur le front et monte directement au front. S'il arrive sans munitions, je

  6   pense qu'on voit le problème.

  7   Q.  Monsieur Skender, êtes-vous en position de dire aux Juges de la Chambre

  8   s'il existait, au sein des armées où vous vous êtes trouvé ou bien en

  9   général dans les armées, s'il existe des normes à cet égard, à savoir

 10   combien faut-il de ces dotations en cartouches lorsqu'on se prépare à

 11   s'engager dans des opérations militaires actives, donc des actions

 12   offensives ? Est-ce qu'il y a une différence en terme de dotation lorsque

 13   l'on envisage une action défensive par rapport à ce qui est nécessaire pour

 14   une action offensive ?

 15   R.  Dans chaque armée il y a une dotation par arme. Dans l'armée française,

 16   par exemple, c'est 100 cartouches par fusil d'assaut. Maintenant, quand on

 17   va dans les offensives ou même dans les défensives, on peut donner à chaque

 18   homme une barre de dotation supplémentaire de ces munitions de façon

 19   d'assurer la continuité de combat, car principal problème est logistique

 20   une fois que le combat engagé. Si les soldats n'ont plus de cartouches, il

 21   leur faut un temps, certain temps, souvent trop tard, qu'ils

 22   s'approvisionnent en cartouches.

 23   Q.  Oui, c'est la raison pour laquelle je vous ai interrogé quant à ces

 24   normes éventuelles. On voit dans votre rapport que parfois les soldats

 25   arrivaient sans la moindre dotation en munitions. Vous étiez à ce point

 26   dépourvu d'armes, que même cela pouvait

 27   arriver ?

 28   R.  Affirmatif, souvent les soldats arrivaient sans munitions, mais en

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  1   armes. Ça ne peut que refléter, à nouveau, un extrêmement mauvais

  2   commandement de cette unité, le chef qui n'a pas vérifié que le soldat a

  3   tout ce qu'il faut, c'est-à-dire les habits et surtout les munitions. S'il

  4   arrive au front sans rien, donc le chef est responsable, malheureusement.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, je vais profiter de cette question pour

  6   poser une question de suivi qui est excessivement importante pour vous et

  7   pour moi.

  8   Là, vous venez d'expliquer que les soldats arrivaient avec un fusil,

  9   mais ils n'avaient pas de munitions, et cetera. Alors je pars de là pour

 10   vous poser la question suivante : quand vous avez exercé votre

 11   commandement, quand il y a eu des actions offensives, voire des actions

 12   défensives mais qui étaient préparées parce que vous saviez que les autres

 13   allaient attaquer, est-ce que, automatiquement, ça passe par un ordre écrit

 14   qui va être adressé à toute la chaîne pour dire tel jour, telle heure,

 15   telle zone, on attaque, il faut ci, il faut ça, et cetera ?

 16   Est-ce que dans chaque action, il doit y avoir parallèlement un ordre

 17   écrit ?

 18   LE TÉMOIN : Affirmatif. Il faut un ordre écrit, étant donné qu'un

 19   recomplètement des munitions ne peut se faire sans ordre écrit.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est la règle militaire partout dans le monde

 21   entier, mais est-ce qu'elle s'appliquait au HVO ?

 22   LE TÉMOIN : Il est vrai que dans le HVO beaucoup de choses se sont passées

 23   simplement de bouche-à-bouche.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors y a-t-il eu des actions militaires de bouche-

 25   à-bouche ?

 26   LE TÉMOIN : Non, ç'a toujours été écrit.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Nozica, il nous reste 15 minutes avant la

 28   fin.

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  1   Mme NOZICA : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si jamais je ne

  2   finis pas aujourd'hui, je finirais lundi.

  3   Je souhaiterais juste apporter au compte rendu d'audience une correction

  4   qui m'a été signalée par Me Alaburic. En ligne 17 de la page 61, il est

  5   indiqué "standard issue," "problème standard" pour la notion de dotation

  6   dont nous parlons depuis déjà quelque temps. Donc, c'est "combat set", en

  7   anglais, qu'il faudrait voir dans le compte rendu.

  8   Q.  Alors, Monsieur Skender, vous avez dit que c'était un des problèmes

  9   majeurs qui pouvaient se présenter si on manquait d'armes, lorsque les

 10   forces armées se déplacent sur le front, sur le théâtre des opérations.

 11   Vous avez dit que c'était un problème dont la vérification et la solution

 12   incombaient au commandant. Alors, avez-vous des indications, avez-vous

 13   connaissance qu'il ait existé suffisamment de munitions et de dotations en

 14   armes et en cartouches, dotations complètes, est-ce qu'au sein de la

 15   logistique du HVO, au sein de la HZ HB, ces ressources étaient suffisantes

 16   pour que chaque commandant puisse recevoir la quantité d'armes et de

 17   munitions qui lui était nécessaire ?

 18   R.  Le HVO avait suffisamment de munitions pour les fusils d'assaut. Si les

 19   hommes arrivaient au front sans munitions, c'est qu'ils les laissaient à la

 20   maison, et le chef direct n'a pas vérifié cela. Il y avait très peu de

 21   contrôle quand les hommes quittaient la zone de combat, avec combien de

 22   munitions ils partaient, et encore moins quand ils arrivaient dans la zone,

 23   avec combien de munitions ils arrivaient.

 24   Q.  Très bien. Nous allons voir ce qu'il en est vraiment dans les

 25   documents, est-ce que c'est bien conforme à ce que vous nous décrivez. Mais

 26   nous allons maintenant poursuivre dans la logique du rapport. Reportez-

 27   vous, s'il vous plaît, à la page 4 de ce dernier. Vous avez le numéro de

 28   page 4 qui est en haut, en croate.

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  1   Reportez-vous au dernier paragraphe. Il y est dit :

  2   "L'effectif moyen des hommes dans les unités ne dépasse pas 30 %, et

  3   ce, dans toutes les unités."

  4   Alors, pouvez-vous confirmer que c'est bien la situation telle

  5   qu'elle se présentait à l'époque sur le territoire de la région militaire

  6   de Tomislavgrad ?

  7   R.  Il ne s'agit pas du nombre des hommes, mais on parle de [inaudible], ça

  8   veut dire, c'est la spécialité. Ça veut dire qu'il n'y a que 30 % des

  9   hommes qui avaient la spécialité nécessaire dans les unités.

 10   Q.  Oui, moi aussi, je pensais à cela. Pouvez-vous passer à la page

 11   suivante, la page 5, afin de voir quelle était la situation générale des

 12   effectifs au sein des unités. Nous avons ici un tableau où l'on nous donne

 13   la proportion des officiers, et cetera. On nous indique un pourcentage,

 14   d'abord, dans la première colonne en fonction de l'organigramme, et dans la

 15   seconde colonne, sur le terrain, dans la réalité. Pouvez-vous nous

 16   expliquer, Général, ce que cela signifie, en fait ?

 17   R.  Dans toutes les armées, il existe un TD, ça veut dire une dotation des

 18   officiers, de sous-officiers et les militaires qui forment une unité. Ça,

 19   c'est la théorie. Par la suite, on a la réalité, c'est-à-dire l'unité, elle

 20   est complétée par tant d'officiers, par tant de sous-officiers et par tant

 21   de soldats. Et puis, dans la dernière colonne, ça vous donne le pourcentage

 22   complètement de ces unités.

 23   Q.  Je voudrais que nous passions maintenant au chapitre 5, soutien

 24   logistique. Il s'agit des points qui sont en bas de la page. Il y est dit

 25   que dès qu'il se met à pleuvoir, les activités logistiques s'arrêtent.

 26   Et il y a une autre observation qui est faite ici. Il est dit qu'il

 27   est absolument impossible de subsister dans des conditions où il y a un tel

 28   ratio entre les structures civiles et le commandement de la région

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  1   militaire. Le comportement des structures en question par rapport au

  2   commandement de la région militaire est tout à fait inadmissible.

  3   Alors, pouvez-vous expliquer de quoi il s'agit ? Est-ce que la

  4   logistique était dotée de façon inadéquate, et de quelle attitude s'agit-il

  5   ici contre laquelle on se plaint ?

  6   R.  Il faut savoir que tous les commandements, y compris, par exemple, les

  7   miens, ont été installés dans des endroits civils. Les miens étaient dans

  8   une ancienne usine. Et souvent, ils étaient extrêmement vieux. Il fallait

  9   faire des travaux d'envergure pour réparer quelque chose comme ils le

 10   demandent. Effectivement, la logistique a été dans un endroit de cette

 11   usine où, dès qu'il se mettait à pleuvoir, il pleuvait. Donc, ils étaient

 12   dans un endroit inadéquat pour travailler dans les bonnes conditions. Si on

 13   voulait réparer, ça coûtait trop cher, et comme l'Etat n'avait pas de

 14   l'argent, on ne réparait pas.

 15   Q.  Mais pourquoi, Monsieur Skender, trouve-t-on ici cette formulation :

 16   "Les relations entre les structure civiles dans leurs rapports avec le

 17   commandement de la région militaire sont tout à fait inadmissibles."

 18   Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie vraiment ? Pourquoi est-ce

 19   qu'on a dit que cela était insupportable ?

 20   R.  Affirmatif, parce que chaque fois, lorsque les militaires venaient

 21   quelque part s'y installer, nous, on dérangeait, primo; et secundo, il est

 22   vrai que les militaires ont dévasté beaucoup de matériel et les maisons.

 23   Donc, les civils n'étaient pas trop contents.

 24   Q.  Alors, passons maintenant, s'il vous plaît, à la page 7 de votre

 25   rapport. Vous y parlez de l'approvisionnement, vous y parlez donc de

 26   l'économat. Quand vous parlez de l'approvisionnement en vivres, vous dites

 27   que les vivres venaient de Grude. Mais, je voudrais juste que vous nous

 28   indiquiez ce qu'est cet acronyme, SLOB, à Grude. Qu'est-ce que cela

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  1   signifie ?

  2   R.  Effectivement, le Grude, c'était le centre logistique du HVO.

  3   Q.  Donc, il est dit ici que les vivres sont de bonne qualité et présentent

  4   une diversité suffisante mais qu'ils sont insuffisants en terme de quantité

  5   et qu'on ne fournit qu'environ 80 % des besoins des soldats et que cela

  6   entraîne des problèmes dans la distribution, la répartition. Est-ce que

  7   vous vous souvenez de cela ?

  8   R.  Bien entendu, je me souviens, car même moi-même et mon commandement,

  9   souvent, on n'avait pas suffisamment à magner.

 10   Q.  L'avant-dernier paragraphe de cette partie qui traite de l'économat,

 11   nous dit qu'il est nécessaire de façon urgente de se procurer des lits afin

 12   de pouvoir garantir les espaces nécessaires pour l'hébergement, il est dit

 13   également qu'on manque de moyens pour couvrir certaines obligations, de

 14   moyens financiers; cela signifie en fait qu'il n'y avait pas suffisamment

 15   de lits pour héberger l'ensemble des soldats; c'est cela ?

 16   R.  C'est exact. Il manquait de logements, particulièrement des lits, car

 17   il y avait un très grand nombre d'unités qui n'ont pas été logées

 18   adéquatement. J'ai demandé un renforcement en lits. C'est une nécessité

 19   minimale pour un soldat quand il n'est pas sur le front.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : Je m'excuse. Je suis un peu surpris quant à la

 21   question des lits parce qu'on nous a expliqué à plusieurs fois et

 22   longuement que les soldats du HVO normalement n'étaient pas casés dans une

 23   caserne mais rentraient chez eux quand ils n'étaient pas sur le front. Et

 24   chez eux, on peut assumer qu'ils avaient des lits. Alors vous parlez d'une

 25   situation qui semble avoir été différente.

 26   LE TÉMOIN : Affirmatif, Votre Honneur. Les unités il faut regarder les

 27   contextes de l'endroit où nous nous trouvons.

 28   Nous nous trouvions dans une position derrière une montagne, où est-

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  1   ce qu'il n'y a rien que Prozor et les forêts. Les unités qui arrivaient au

  2   front avaient toujours un certain nombre de soldats qui étaient en réserve,

  3   n'étant pas au front donc il fallait les loger, ils n'étaient pas à la

  4   maison. Ils n'étaient pas dans les casernes car elles n'existaient pas. Il

  5   fallait trouver les endroits comme dans mon cas l'usine, et cetera, pour

  6   loger ces gens-là de passage.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : Merci.

  8   Mme NOZICA : [interprétation]

  9   Q.  Merci, Monsieur le Juge. Monsieur Skender, passez maintenant au

 10   document suivant, s'il vous plaît, qui porte la cote P 1077. C'est le

 11   suivant dans la même liasse. Contentez-vous juste de prendre l'intercalaire

 12   suivant, l'onglet suivant, P 1077. L'avez-vous trouvé ? C'est un document

 13   signé par Bruno Stojic, il s'agit d'une nomination. Pouvez-vous commenter

 14   ce document, Monsieur Skender, dans la perspective qui est celle de votre

 15   rapport précédent, vous parlez au début du rapport du fait qu'il n'y avait

 16   pas de spécialistes dûment formés pour occuper les postes prévus à

 17   l'organigramme, si bien qu'on y a placé de simples soldats. C'est ce que

 18   vous avez dit dans le début de votre rapport. Alors pouvez-vous commenter

 19   cette nomination à la lumière de cette affirmation ?

 20   R.  Ça ne confirme que ce que j'ai dit, que les gens ont eu les nominations

 21   au poste de commandement sans aucune connaissance militaire qui va avec ce

 22   commandement. Ça pouvait se faire soit par la liaison politique peut-être,

 23   je ne sais pas. Mais ça prouve surtout qu'il y avait là un caporal, qui

 24   était nommé commandant de brigade.

 25   Q.  Or, Monsieur Skender, il s'agit d'un sous-commandant ici et non pas

 26   d'un commandant, commandant adjoint donc.

 27   R.  Affirmatif, oui, c'est le commandant adjoint.

 28   Q.  J'estime que c'est très important, je vais le répéter mais je me réfère

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  1   véritablement à ce que vous-même vous dites dans votre rapport. Vous ne

  2   parlez pas de relations à titre privé ou de pistons. Vous dites que les

  3   raisons sont bien connues, qu'il n'y a pas de cadres ou de militaires

  4   dûment instruits, et que c'est là la raison pour laquelle on nomme de

  5   simples soldats à des postes de commandement, y compris au sein des

  6   commandements des brigades et des régions militaires et cela malgré le fait

  7   qu'ils ne disposent pas des qualifications requises qui devraient être

  8   accompagnées à un tel poste. Comme nous voyons ici par exemple, on a nommé

  9   un caporal de réserve à un poste de colonel.

 10   Est-ce que j'ai raison de dire cela ?

 11   R.  Oui, affirmatif. Il était nommé comme un colonel commandant en second.

 12   Le problème est de toute évidence de deux manières possibles, soit qu'il

 13   est arrivé à sa place par les pistons soit qu'il n'avait pas de volontaires

 14   pour prendre cette place, ce qui était malheureusement souvent le cas. Donc

 15   on nommait quelqu'un qui était choisi par les gens de la brigade sous la

 16   référence copain, il parlait bien, il était costaud, et cetera.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Témoin on va arrêter là. Me Nozica

 18   continuera lundi et puis lundi Me Alaburic terminera le contre-

 19   interrogatoire et après quoi le Procureur lundi fera son contre-

 20   interrogatoire.

 21   Voilà, nous nous retrouverons, Monsieur, lundi à 14 heures 15. D'ici là, je

 22   souhaite une bonne fin de soirée à tout le monde.

 23   --- L'audience est levée à 18 heures 00 et reprendra le lundi 28 septembre

 24   2009, à 14 heures 15.

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