Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 46534

  1   Le lundi 9 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges, toutes les

  8   personnes présentes dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le

  9   Procureur contre Prlic et consorts. Merci, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce lundi, 9 novembre

 11   2009, je salue en premier MM. les accusés qui sont tous présents. Je salue

 12   Mmes et MM. les avocats. Je salue tous les membres du bureau du Procureur

 13   présents ainsi que les personnes qui nous assistent.

 14   Je vais donner la parole à M. le Greffier qui a trois numéros IC.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 16   Différentes parties ont soumis une liste de documents à être versée par le

 17   truchement du témoin Milan Gorjanc. La D4 aura le numéro IC 1093. La liste

 18   -- 1092, 1093 [comme interprété] pour les différentes équipes de la

 19   Défense. Je vous remercie, Messieurs les Juges.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. Je vais demander à M.

 21   l'Huissier d'aller chercher notre témoin, M. Beneta.

 22   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Pouvez-vous nous donner votre

 24   nom, prénom et date de naissance, s'il vous plaît.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Ivan Beneta, je suis né le 14

 26   mars 1955.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Quelle est votre profession ou qualité

 28   actuelle ?

Page 46535

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis officier d'active et j'ai un grade de

  2   général de brigade, et j'exerce les fonctions d'inspecteur principal

  3   adjoint pour la formation militaire en République de Croatie.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Général, est-ce que vous avez déjà témoigné

  5   devant un tribunal ou bien c'est la première fois que vous témoignez ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  9   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 10   LE TÉMOIN : IVAN BENETA [Assermenté]

 11   [Le témoin répond par l'interprète]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Mon Général. Vous pouvez vous asseoir.

 13   Quelques brèves informations de ma part. Comme vous le savez, vous allez

 14   devoir répondre à des questions que Me Alaburic va vous poser. Me Alaburic

 15   est l'avocate du général Petkovic. A l'issue de cette phase, les autres

 16   avocats qui représentent les autres accusés pourront également vous poser

 17   des questions. Les représentants du Procureur qui sont à votre droite vous

 18   poseront également des questions dans le cadre du contre-interrogatoire.

 19   Les quatre Juges qui sont devant vous pourront aussi vous poser des

 20   questions, notamment à partir des documents que nous avons sous les yeux.

 21   Essayez d'être précis dans vos réponses. Si vous ne comprenez pas une

 22   question, n'hésitez pas à demander à celui qui vous la pose de la

 23   reformuler.

 24   Par ailleurs, vous venez de prêter serment, ce qui veut dire que vous êtes

 25   maintenant témoin de la justice donc, vous n'avez plus de contact à avoir

 26   avec quiconque. Et comme votre audition va se prolonger pendant plusieurs

 27   jours, vous ne verrez donc personne à l'exception des membres de votre

 28   famille et évitez de donner des interviews ou de dire ce qui se passe à

Page 46536

  1   l'intérieur de la salle d'audience.

  2   Je voudrais également rajouter quelque chose que je n'indiquais au témoin

  3   jusqu'à présent parce que ça me paraissait tellement évident que ce n'était

  4   pas nécessaire. Mais la semaine dernière, Me Stewart a appelé l'attention

  5   des Juges sur une particularité, et je me dois de vous dire ceci.

  6   Quand un Juge vous pose une question, si vous, vous estimez que le

  7   Juge fait une erreur dans la question, et si vous n'êtes pas d'accord avec

  8   la prémisse de la question, n'hésitez pas à ce moment-là dire aux Juges :

  9   Je ne suis pas d'accord, vous avez fait une erreur. Donc ce n'est pas parce

 10   que le Juge se tromperait que vous devez donner le quitus au Juge. A titre

 11   d'exemple, si à partir d'un document où il y a marqué quatre véhicules, et

 12   que le Juge dise : "Dans ce document, il y a trois véhicules," là, vous

 13   dites : "Non, Monsieur le Juge, vous faites une erreur, c'est écrit quatre

 14   et pas trois." Donc n'hésitez pas, et je ne demande que ça pour que tout

 15   soit clair. Voilà. Donc vous répondez librement aux questions qui vous sont

 16   posées et essayez d'être vous-même précis dans les réponses que vous allez

 17   donner aux questions posées.

 18   Si par extraordinaire vous vous sentiez mal en cours d'audience, levez la

 19   main pour qu'on arrête parce qu'on ne sait jamais. Une audience, c'est très

 20   fatiguant et ceux qui n'ont pas l'habitude peuvent parfois éprouver des

 21   malaises. Donc levez la main et à ce moment-là on fera une courte pause.

 22   Voilà ce que je voulais vous dire afin que l'audience se déroule dans les

 23   meilleures conditions possibles.

 24   Maître Alaburic, je vous salue à nouveau et je vous cède la parole.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 26   bonjour. Bonjour confrères et consoeurs de l'Accusation, confrères et

 27   consoeurs de la Défense. Et Général Beneta, je vous dis bonjour; je dis

 28   bonjour à tous ceux qui nous assistent.

Page 46537

  1   Interrogatoire principal par Mme Alaburic :

  2   Q.  [interprétation] Général Beneta, d'abord, nous allons nous pencher sur

  3   votre CV, et ensuite au sujet de certaines parties de votre vie et de vos

  4   activités, nous allons élargir nos thèmes vers des sujets militaires que

  5   nous estimons pertinent pour la défense du général Petkovic dans cette

  6   affaire.

  7   Alors, vous nous avez dit votre date de naissance. Dites-nous où est-ce que

  8   vous êtes né.

  9   R.  Je suis né à Dubravica non loin de Skradin, municipalité de Sibenik en

 10   Dalmatie.

 11   Q.  Quel Etat est-ce ?

 12   R.  L'Etat, c'est la Croatie.

 13   Q.  Je vais maintenant donner quelques données sur votre formation.

 14   Ecoutez-moi bien, et si quelque chose n'est pas exact, rectifiez le tir, et

 15   si c'est exact, veuillez dire, oui.

 16   Alors, vous avez été diplômé à l'Académie militaire de l'armée de terre,

 17   que vous avez fréquentée pendant trois ans à Belgrade et pendant un an à

 18   Zadar. Vous êtes arrivé à presque la maîtrise en sociologie et pédagogie,

 19   mais vous n'avez pas eu celle-ci à la faculté. Après la guerre, vous avez

 20   fait l'école de guerre de l'armée croate, puis vous avez suivi des stages

 21   de formation pour ce qui est du fonctionnement d'état-major organisés par

 22   l'OTAN. Puis vous avez fait une école de management en matière de défense

 23   organisée en Angleterre. Et en ce moment-ci, vous êtes en train de faire

 24   votre troisième cycle à la Faculté de sciences politique de Zagreb. Et les

 25   études sont intitulées "Union européenne, droits politiques, et économie."

 26   Droit, politiques, et économie, disais-je, et vous êtes en train de rédiger

 27   votre thèse sur le thème du "Ministère de la Défense de la République de

 28   Croatie pour ce qui est de la transformation de l'Etat se dirigeant vers

Page 46538

  1   l'affiliation à l'Union européenne."

  2   Alors, Général, est-ce que j'ai bien consigné tous les éléments de votre

  3   cursus ?

  4   R.  Oui. Tout est exact.

  5   Q.  Quelques mots au sujet du service que vous avez effectué. Jusqu'en

  6   1991, vous avez été dans les rangs de la JNA en service à Zadar. Et

  7   d'abord, c'était à l'école secondaire de l'armée, vous y avez passé sept

  8   ans, puis vous avez été commandant à Bitnisa [phon]  dans une petite

  9   localité non loin de Zadar. Et en 1989, vous êtes de nouveau enseignant

 10   dans un centre de formation scolaire destiné à des officiers de réserve.

 11   J'ai dit que vous étiez enseignant en 1989. Je rectifie l'année pour ce qui

 12   est du compte rendu. J'ai dit 89, centre de formation scolaire destiné à

 13   des officiers de réserve.

 14   Ai-je bien indiqué quel était le début de votre carrière ?

 15   R.  Oui, exception faite que je tiens à mentionner que j'ai suivi une

 16   formation à l'école secondaire de l'armée. J'ai été chef de l'enseignement

 17   dans cette école.

 18   Q.  Bon, Général. Je vais maintenant vous demander de nous expliquer ce qui

 19   suit. Ce centre scolaire à l'intention des officiers de réserve, qu'était-

 20   ce donc ces officiers de la réserve ?

 21   R.  C'était l'une des formes de scolarisation qui a été développée au

 22   travers de ce concept de Défense populaire généralisée et d'autoprotection

 23   civile; et s'agissant duquel on y envoyait des hommes en âge de combattre,

 24   plutôt que de leur faire faire leur service militaire habituel, qui était

 25   obligatoire. Alors, ils faisaient un petit stage de formation pour devenir

 26   soldat, donc il y a tous ceux qui faisaient la formation de soldats, puis

 27   ensuite il y avait un programme de formation et d'éducation qui les rendait

 28   aptes à devenir officiers de réserve. Ce grade d'officier, ils l'obtenaient

Page 46539

  1   une fois que les bureaux territoriaux chargés de la défense les affectaient

  2   dans l'une quelconque des unités, et c'était le plus souvent des unités de

  3   réserve, et une fois qu'ils avaient effectué les premiers manœuvres ou

  4   exercices militaires, qu'ils obtenaient pour de bon un grade d'officier de

  5   réserve.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Avant que de continuer, je voudrais

  7   rectifier le compte rendu. Dans la page présente, ligne 9, ici il y a le

  8   mot "officiers." Il fallait ajouter l'adjectif "de réserve," "officiers de

  9   réserve."

 10   Q.  Alors Général, si vous vouliez parler à quelqu'un qui ne vient pas du

 11   territoire de l'ex-Yougoslavie et qui est étranger à ce concept de la

 12   Défense populaire généralisée, comment lui expliqueriez-vous la différence

 13   entre officier d'active et officier de réserve ? Comment le feriez-vous de

 14   la façon la plus simple qui soit ?

 15   R.  Un officier d'active, c'est quelqu'un de former au fil d'une carrière

 16   militaire, et c'est sa profession principale, il est payé pour. Un officier

 17   de réserve, une fois qu'il a fait son service militaire, où il était donc

 18   formé pendant le service, il retourne à la vie civile, dans le civil, mais

 19   conformément à ce concept de la Défense populaire généralisée et de

 20   l'autoprotection civile, ou plutôt, conformément au concept du peuple armé,

 21   aux côtés ou en plus du travail qu'il effectue dans une société dans le

 22   civil, il fait des exercices militaires, il a des manœuvres, il rejoint les

 23   rangs d'une unité qui est très souvent une unité de réserve également, et

 24   il prépare celle-ci pour des situations de guerre, et il se trouve être

 25   conscrit jusqu'à l'âge de 60 ans. 

 26   Q.  Vous nous avez dit, Général, si j'ai bien compris, qu'après cette école

 27   des officiers de réserve, il retourne à la vie civile ?

 28   R.  Oui.

Page 46540

  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, pour ce qui est de

  2   cette explication, je voudrais relever une erreur, ligne 22, page 6, où

  3   l'on a noté que le témoin aurait dit qu'il vit comme un civil, or il vit

  4   une vie de civil mais il reste officier de réserve.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation]

  7   Q.  Général, en application de ce concept de la Défense populaire

  8   généralisée, les hommes qui étaient aptes à combattre, avaient-ils des

  9   obligations à l'égard de l'armée, et si c'est le cas, étaient-ce des

 10   obligations de certains d'entre eux ou est-ce que tout un chacun avait des

 11   obligations déterminées ?

 12   R.  Pratiquement tous les hommes en âge de combattre avaient une

 13   affectation militaire qui était inscrite dans un document que l'on appelait

 14   le fichier ou le carton individuel, et les départements chargés de la

 15   défense avaient pour mission de déployer ces conscrits dans les rangs des

 16   différentes unités. Alors il se peut, qu'en matière d'affectation de

 17   guerre, c'étaient des réservistes que l'on était susceptible de mobiliser,

 18   ou alors l'on complétait les effectifs de guerre dans les unités qui

 19   avaient un noyau d'existant même en temps de paix. En sus, on pouvait les

 20   affecter à l'exercice de ce qu'on appelait obligation de travail, notamment

 21   lorsqu'il s'agissait d'intervenants qui avaient un métier intéressant en

 22   matière de défense du pays, et ces gens-là étaient activés en cas de

 23   guerre.

 24   Q.  Pouvez-vous nous dire, Mon Général, quel était le critère fondamental

 25   pour ce qui était de décider d'affecter un individu dans une unité

 26   militaire ou dans la protection civile, voire dans une entreprise où

 27   institution quelconque pour qu'il y effectue une obligation de travail ?

 28   Quel était le critère principal de cette affectation ?

Page 46541

  1   R.  Le critère principal c'étaient ses propres aptitudes, aux fins de

  2   l'exploiter au mieux ses connaissances, ses aptitudes.

  3   Q.  Mais en guise d'exemple, la semaine passée on a parlé d'un ingénieur en

  4   chimie, expert en matière d'explosifs, et si vous étiez, vous, à travailler

  5   dans un bureau du département de la Défense, quel serait le raisonnement

  6   que vous suivriez pour ce qui est d'affecter cet homme, ingénieur en chimie

  7   et expert en matière d'explosifs ?

  8   R.  Il pourrait être affecté en guise de personnel d'appoint dans une unité

  9   logistique, qui viendrait à être complété en cas de guerre. Donc en cas de

 10   guerre, ce serait un militaire qui poursuivrait sa propre carrière pendant

 11   la guerre. Il pourrait être activé s'il a fait des classes militaires

 12   pendant le service, mais il pourrait être utilisé notamment dans une unité

 13   à caractère logistique. En sus, il pourrait être utilisé dans une

 14   entreprise qui fabriquerait des explosifs, et ce, en application de

 15   l'obligation de travail qu'on pourrait lui imposer dans les circonstances

 16   appropriées. Donc il est affecté de la sorte pour le cas où il y aurait un

 17   état de guerre.

 18   Q.  Bon. Je pense que maintenant nous avons suffisamment expliqué ce

 19   concept de la Défense populaire généralisée, des officiers de réserve. Ma

 20   question suivante va porter sur vos activités dans ce centre scolaire de

 21   Zadar, de l'armée.

 22   Y avait-il dans ce centre scolaire Milivoj Petkovic, qui y travaillait à

 23   l'époque aussi ?

 24   M. LE JUGE MINDUA : Excusez-moi, Maître Alaburic.

 25   Juste une petite question, Monsieur le Témoin. L'officier de réserve

 26   qui reste conscrit jusqu'à l'âge de 60 ans, monte-t-il de grade pendant

 27   cette période, et cela en quel critère ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cet officier progresse pour ce qui est

Page 46542

  1   des grades. Il progresse le plus souvent en corrélation avec les exercices

  2   pratiques qui ont eu lieu avec cette unité dont il fait partie et dont il

  3   est également l'une des personnalités principales. Ça se fait une fois ou

  4   deux fois l'an. Cette progression se faisait un peu plus lentement que cela

  5   n'était le cas chez les officiers professionnels, mais il y avait un

  6   avancement.

  7   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation]

  9   Q.  Mon Général, j'étais en train de vous demander si dans un centre

 10   scolaire quelconque à Zadar à l'époque il y avait Milivoj Petkovic à être

 11   employé aussi ?

 12   R.  Oui. M. Petkovic a travaillé dans un centre scolaire voisin. Celui-là

 13   formait des officiers d'active et des officiers de réserve dans

 14   l'artillerie.

 15   Q.  Connaissiez-vous à l'époque M. Petkovic ?

 16   R.  Oui, je l'ai connu. Je ne peux pas dire qu'on était ami, mais je savais

 17   qu'il travaillait là-bas, que c'était l'un des officiers à être employé

 18   dans ce centre scolaire.

 19   Q.  Avez-vous reçu des informations, des qualificatifs pour ce qui est de

 20   la façon dont il faisait son travail ?

 21   R.  Non, rien de particulier, je n'ai notamment pas entendu parler de

 22   problèmes dans l'exercice de ses fonctions. Je pense que c'était un

 23   officier qui faisait bien son travail.

 24   Q.  Bon. Je vais vous réinterroger à son sujet lorsqu'on parlera de l'armée

 25   croate. Mais j'ai maintenant quelques questions à poser pour ce qui est de

 26   l'armée et de la politique.

 27   Est-ce que dans l'armée populaire yougoslave on avait une Ligue des

 28   Communistes d'organiser en son sein ?

Page 46543

  1   R.  Oui, dans l'armée populaire yougoslave, le seul parti qui pouvait

  2   exister était la Ligue des Communistes. Cette Ligue des Communistes était

  3   organisée depuis la base comme depuis les unités jusqu'au sommet même de

  4   l'armée qui se trouvait à Belgrade.

  5   Q.  Alors, Général, début 1990, lorsque dans toutes les républiques de

  6   l'ex-Yougoslavie il y a création d'autre partis politiques, et lorsque

  7   l'autorité civile met en place un système pluripartite alors que l'on

  8   prépare des premières élections pluripartites, qu'advient-il à ce moment-là

  9   de cette organisation de la Ligue des Communistes au sein de la JNA ?

 10   R.  L'on a conservé l'organisation de la Ligue des Communistes en son sein,

 11   bien que les temps aient déjà montré qu'il n'y avait aucune raison de

 12   perpétuer cet état des choses, et sur le terrain on arrivait à des

 13   situations absurdes.

 14   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner brièvement quelques exemples de

 15   situations absurdes ?

 16   R.  On n'avait pas apporté de réponses aux questions qui étaient celles de

 17   savoir "si on allait à recevoir dans les académies militaires rien que ceux

 18   qui étaient moralement appropriés ou proches de la Ligue des Communistes ?"

 19   Et un autre segment aussi, puisque les soldats qui faisaient leur service,

 20   il y en avait aussi qui faisaient partie des rangs de la Ligue des

 21   Communistes et ils faisaient partie des cellules de partis, alors que dira-

 22   t-on s'il y a 20 soldats qui viendraient à vouloir organiser une cellule du

 23   Parti libéral dans l'armée, allions-nous donc autoriser la chose ou pas ?

 24   Q.  Quelle était votre position à vous, Général ?

 25   R.  A l'époque, vers la fin de 1990, j'étais membre de l'organisation

 26   élémentaire de la Ligue des Communistes qui était celle des enseignants au

 27   sein de ce centre scolaire. Vers le mois de novembre de cette année, compte

 28   tenu de la situation telle que je viens de vous l'exposer à l'instant, j'ai

Page 46544

  1   demandé à ce que l'on mette à l'ordre du jour l'autosuppression de cette

  2   organisation du parti pour donner l'exemple pour ce qui est de ce qu'il

  3   convient le mieux de faire.

  4   Malgré l'opposition du chef de cette structure de base de la Ligue des

  5   Communistes, je veux parler de son président, la Ligue des Communistes a

  6   continué à exister. Nous avons voté à main levée, et ce vote à main levée a

  7   donné une majorité qui était favorable à ce que cette question soit placée

  8   à l'ordre du jour des discussions. Lorsque le débat en est arrivé à ce

  9   point, la majorité des membres les plus jeunes de l'état-major ont voté

 10   pour le démantèlement de cette structure. Etant donné que la proposition

 11   venait de moi, j'ai par la suite subi quelques problèmes dans les semaines

 12   et mois qui ont suivi.

 13   Q.  Général, dites-moi maintenant quelle est votre position en tant que

 14   soldat de métier. Estimez-vous qu'un soldat est tenu d'accomplir les tâches

 15   qui sont les siennes en toute conscience et indépendamment du fait qu'il

 16   peut appartenir à un parti politique ?

 17    R.  Oui. Je pense absolument que les soldats ont des missions à remplir

 18   qui doivent rester distinctes de son appartenance politique, c'est-à-dire

 19   du parti auquel il appartient éventuellement.

 20   Q.  Général, dites-nous, je vous prie, dans un pays bien organisé, qui est-

 21   ce qui dirige l'armée ?

 22   R.  L'armée est dirigée par le président de l'Etat, et dans certains

 23   aspects de cette direction par le parlement, ainsi que pour d'autres

 24   aspects de la direction par le gouvernement.

 25   Q.  Général, à votre avis un soldat de métier doit-il être obéi sans la

 26   moindre faille lorsqu'il donne un ordre ou une consigne, ou existe-t-il

 27   tout de même certaines limites à cette obéissance ?

 28   R.  Même si les futurs soldats sont formés au respect de l'obéissance en

Page 46545

  1   général, les situations concrètes sont bien précisées, situations dans

  2   lesquelles ces soldats ont tout de même le droit de ne pas exécuter un

  3   ordre.

  4   Q.  Veuillez nous dire, je vous prie, quelles sont ces situations.

  5   R.  Ces situations sont en rapport avec l'éventualité qu'un crime a été

  6   commis ou que les dispositions du droit international de la guerre ont été

  7   enfreintes.

  8   Q.  Très bien, Général. Revenons, si vous le voulez bien, à la description

  9   de votre vie et de votre carrière.

 10   En juillet 1991, vous aviez bien rejoint les rangs de l'armée croate,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Pouvez-vous nous dire, si vous le savez, quelle était la position du

 14   président de l'époque, le défunt Franjo Tudjman, par rapport aux officiers

 15   de la JNA ? Est-ce que ces officiers de l'ancienne JNA étaient bienvenus au

 16   sein de l'armée croate ou pas ?

 17   R.  Je pense qu'étant donné le caractère assez spécifique de la situation,

 18   puisque nous étions à la veille de la guerre ou dans les toutes premières

 19   phases de la guerre, le président Tudjman était conscient de la nécessité

 20   d'adjoindre à l'armée des militaires qui avaient certaine connaissance et

 21   une certaine expérience pour que ces personnes participent à la guerre, et

 22   je crois qu'il recherchait un certain équilibre entre le nombre de

 23   personnes répondant à la définition que je viens de donner et le nombre de

 24   personnes qui n'avaient peut-être pas les mêmes connaissances ou la même

 25   expérience mais dont la présence au sein de l'armée était tout de même

 26   indispensable pour d'autres raisons.

 27   Q.  Général, vous avez surtout participé à la défense de Zadar, n'est-ce

 28   pas, après quoi vous avez participé à la défense de l'intérieur du

Page 46546

  1   territoire dans la région de Split, et peu après encore, vous avez été

  2   engagé plus au sud, n'est-ce pas ? Est-ce que j'ai bien résumé la série de

  3   vos affectations ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Les fonctions que vous occupiez à l'époque étaient bien celles de chef

  6   d'état-major de la 4e Brigade des Gardes de l'armée croate, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourriez-vous nous expliquer quelles étaient les missions que vous avez

  9   remplies à l'état-major ?

 10   R.  Les missions dont j'étais chargé portaient sur la planification, de

 11   concert avec le commandant, donc planification des actions à mener, travail

 12   de supervision consistant à vérifier si les décisions du commandant avaient

 13   bien été appliquées, et j'avais également une partie de mon travail qui

 14   portait sur l'assistance professionnelle et technique qu'il fallait

 15   apporter pour veiller à ce que les missions et les tâches soient exécutées

 16   le mieux possible.

 17   Q.  En général, quel était le rapport entre le chef d'état-major d'une

 18   brigade et le commandant de la brigade ?

 19   R.  Le chef d'état-major d'une brigade est un professionnel qui veille à

 20   l'exécution des ordres du commandant, et il peut également remplacer le

 21   commandant en cas d'absence de ce commandant. Le chef d'état-major est

 22   également chargé de planifier au niveau de l'état-major qu'il dirige, donc

 23   d'étudier la situation en vigueur et de planifier, mettre en œuvre les

 24   idées du commandant par rapport à l'avenir.

 25   Q.  Lorsque vous dites qu'il pouvait remplacer le commandant, est-ce que

 26   cela signifie qu'il pouvait également exercer les fonctions de suppléant du

 27   commandant de brigade ?

 28   R.  Au cas où il n'existait pas en bonne et due forme un adjoint du

Page 46547

  1   commandant au sein de l'unité en question, dans un cas comme celui-ci,

  2   c'est le chef d'état-major qui remplissait les fonctions d'adjoint ou de

  3   suppléant du commandant.

  4   Q.  L'adjoint du commandant de brigade fait-il officiellement partie de la

  5   hiérarchie, de la filière de commandement ?

  6   R.  Non, car si nous nous penchons sur l'organigramme qui illustre la

  7   filière de commandement, nous voyons que le commandant est directement lié

  8   aux commandants des unités subalternes. Il y a aussi d'autre part l'état-

  9   major, l'adjoint ou le groupe constitué par les différents adjoints qui

 10   sont liés au commandant, mais hors de la filière de commandement.

 11   Q.  Général, il me semble que votre réponse n'a pas été consignée au compte

 12   rendu exactement comme vous l'avez prononcée, car il est écrit que le

 13   commandant est lié aux commandants des unités subordonnées ainsi qu'à

 14   l'état-major, et cetera. Donc peut-être serait-il préférable que vous nous

 15   décriviez une nouvelle fois la filière de commandement, la hiérarchie,

 16   comme vous venez de le faire de façon à ce que tout soit consigné

 17   correctement au compte rendu d'audience.

 18   R.  Le commandant, et ce, étant donné l'existence du principe de

 19   commandement unique, exerce son commandement sur les commandants des unités

 20   subordonnées. C'est cela qui constitue la filière de commandement. Mais il

 21   n'y a pas de place pour un quelconque adjoint du commandant ou pour un

 22   quelconque état-major dans cette filière de commandement, dans cette

 23   hiérarchie. Mais le commandant exerce également son commandement sur

 24   l'adjoint et sur l'état-major. Cela dit, l'adjoint du commandant et l'état-

 25   major ne donnent pas d'ordre aux unités subalternes.

 26   Q.  Bon. A présent, il me semble que les choses sont tout à fait claires.

 27   Si les Juges n'ont pas de questions à poser sur ce sujet, nous pouvons

 28   passer à autre chose.

Page 46548

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question d'ordre technique.

  2   D'après ce que vous dites, le chef d'état-major ou l'adjoint du

  3   commandant n'ont pas d'autorité sur la chaîne de commandement, car vous

  4   dites que c'est le commandant qui a autorité sur les unités inférieures. Et

  5   donc, le chef d'état-major ou l'adjoint au commandant n'est pas stricto

  6   sensu dans la chaîne de commandement. Très bien. Mais je vais vous prendre

  7   un cas d'école. Imaginons que le commandant a la grippe et qu'il est passé

  8   en réanimation, donc il est hors d'état de commander. Qui à ce moment-là va

  9   exercer le commandement sur les unités inférieures ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] En cas d'absence du commandant, c'est

 11   l'adjoint du commandant qui exerce le commandement sur les unités, voire le

 12   chef d'état-major, s'il n'y a pas d'adjoint au commandant nommé en place,

 13   mais ceci seulement si un supérieur du commandant dans la hiérarchie n'en

 14   n'a pas décidé autrement.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc vous dites que si le commandant est

 16   absent, à ce moment-là c'est l'adjoint qui prend le commandement.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation]

 20   Q.  Général, peut-être serait-il bon à présent de définir très précisément

 21   le mot "absent," de façon à éviter un quelconque malentendu. Si le

 22   commandant n'est pas à son poste de commandement mais qu'il se trouve

 23   ailleurs, est-ce que cela signifie qu'il est absent ? Quel est le sens

 24   exact à donner au mot "absent" s'agissant du commandant ?

 25   R.  Le mot "absent", dans le sens où nous l'entendons, implique que le

 26   commandant n'est pas en capacité d'exercer son commandement sur les unités.

 27   Lorsque j'ai utilisé le mot absent, je n'avais pas en tête l'idée que le

 28   commandant ne se trouvait pas au poste de commandement mais dans un lieu où

Page 46549

  1   les actions se déroulaient, voire qu'il serait allé voir quelqu'un d'autre

  2   dans un autre lieu. Ces circonstances-là ne justifient pas que le

  3   commandement soit transféré du commandant à l'adjoint ou au chef d'état-

  4   major.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, je vais prendre un autre exemple, hypothèse

  6   d'école toujours. Imaginons que le commandant est à l'étranger parce qu'il

  7   participe à une négociation internationale et donc, il doit être à

  8   l'étranger. Qui à ce moment-là sur le terrain exerce le commandement ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] La pratique convenable dans une telle

 10   situation consisterait à ce que le commandant ait défini très précisément

 11   qu'elles sont les domaines, les formes de commandement qu'il transfère sur

 12   son adjoint par autorisation précise.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Et doit-il, dans cette hypothèse, y avoir un ordre

 14   écrit ou bien un ordre verbal suffit où le commandant dit à son adjoint :

 15   "Voilà, je vais être à Genève au mois de janvier, donc vous prenez ma

 16   succession," ou bien il faut un ordre écrit très précis ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Il faut un ordre écrit, car beaucoup de choses

 18   dépendent, entre autres, de la solde à laquelle cette personne a droit.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Et dans l'hypothèse où il n'y a pas d'ordre écrit,

 20   qu'est-ce que vous dites ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans un cas comme celui-là, ma seule

 22   conclusion peut consister à dire qu'apparemment le commandant est parti

 23   quelque part sans réussir à accomplir la partie du travail qu'il avait à

 24   accomplir. L'adjoint peut se trouver dans une situation assez déplaisante

 25   au cas où il aurait à prendre des décisions draconiennes. S'acquitter des

 26   affaires courantes et exercer le commandement au quotidien sur la base de

 27   décisions prises antérieurement, ça, cela composerait un champ d'action

 28   dans lequel l'adjoint peut se mouvoir sans trop de difficulté, mais tout ce

Page 46550

  1   qui sort de cela poserait certainement des problèmes.

  2   M. LE JUGE MINDUA : Monsieur le Témoin, cette question de la chaîne de

  3   commandement est assurément très, très importante, et je voudrais juste

  4   avoir une précision. Le commandant transmet-il ses ordres, comme l'a dit le

  5   Président, toujours par écrit ou peut-il le faire verbalement ? Je vais

  6   poser la deuxième question immédiatement. S'il peut transmettre ses ordres

  7   verbalement, qu'en serait-il des grandes unités comme les brigades ou les

  8   divisions ? Ou n'y a-t-il pas risque que le commandant adjoint ou les

  9   membres de l'état-major puissent aussi donner des ordres verbaux,

 10   prétextant que les ordres viennent du commandant ? Et pour terminer, les

 11   soldats qui vont exécuter ces ordres, ont-ils un moyen de vérifier que les

 12   ordres oraux proviennent effectivement du commandant qui est en tête de la

 13   chaîne de commandement ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément de cela que je parlais

 15   lorsque j'ai dit que l'ordre devrait être écrit s'agissant du transfert de

 16   responsabilité entre le commandant et le commandant adjoint, car il ne

 17   s'agit pas uniquement dans ce cas-là, du rapport qui existe entre le

 18   commandant et son adjoint. Il s'agit du fait que l'adjoint est, par cet

 19   ordre écrit, autorisé à faire exécuter les ordres que le commandant

 20   souhaite voir exécuter, car le commandant lui aussi, lorsqu'il écrit un

 21   ordre destiné aux subordonnés, va faire figurer en en-tête de cet ordre ou

 22   du document dont il est l'auteur, il va écrire :

 23   "Sur la base de l'article tel et tel du règlement général afférant au

 24   commandement."

 25   Et ensuite, sera indiquée la décision qu'il a prise de se faire

 26   remplacer dans son travail par le commandant adjoint. Et ensuite, on trouve

 27   les mots "Je donne l'ordre suivant."

 28   Donc les choses sont tout à fait claires pour les subordonnés, ils

Page 46551

  1   savent qu'il n'exerce plus ses fonctions de commandant.

  2   M. LE JUGE MINDUA : Et si par fraude, un chef d'état-major ou un membre de

  3   l'état-major donnait un ordre verbal aux unités, celles-ci, les unités,

  4   peuvent-elles exercer cet ordre ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Les unités doivent exécuter cet ordre, et le

  6   commandant de l'unité, s'il a le moindre doute, peut demander une

  7   vérification des attributions de l'homme qui a donné l'ordre, notamment

  8   lorsqu'il est question d'ordres qui ne sont pas liés à la réalisation de

  9   tâches qui auraient déjà été données antérieurement.

 10   M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, Monsieur le Témoin. Vous avez

 11   parfaitement répondu à ma question.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation]

 13   Q.  Revenons à la description de votre carrière, Général, et peu à peu nous

 14   en arriverons à parler de la Bosnie-Herzégovine. Le 4 juin 1992, vous

 15   devenez commandant de la 116e Brigade de l'armée croate, stationnée à

 16   Metkovic.

 17   Vous assurez la défense, tout d'abord, de la partie orientale de

 18   l'Herzégovine. Plus particulièrement, vous défendez la rive orientale de la

 19   Neretva, après quoi vous participez à la libération de Stolac. Au mois

 20   d'août 1992, vous vous retirez de Stolac. Vous réorganisez votre brigade,

 21   et au mois de septembre 1992, vous reprenez le commandement de l'unité

 22   stationnée à Popovo Polje dans un territoire qui longe la frontière croate

 23   vers Dubrovnik.

 24   Est-ce que j'ai bien résumé votre carrière, Général ?

 25   R.  Oui, mais je dois ajouter que l'unité que je commandais était

 26   stationnée dans la région de Zavala et que c'était toujours la 116e Brigade

 27   dont les effectifs avaient été réduits en raison d'une démobilisation

 28   partielle.

Page 46552

  1   Q.  Très bien. Nous reviendrons sur les détails, mais pour le moment

  2   j'aimerais que nous en terminions de votre carrière.

  3   Au mois de mars 1993, vous quittez le territoire de la Bosnie-Herzégovine

  4   pour vous rendre au commandement de la région militaire de Split, n'est-ce

  5   pas, Général ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vous prierais maintenant de bien vouloir préciser à notre intention

  8   le sens exact à donner aux mots "région militaire". Quel était le nom de

  9   cette division territoriale de l'armée croate par le passé ?

 10   R.  Cela s'appelait une zone opérationnelle.

 11   Q.  Donc les expressions zone opérationnelle et région militaire sont des

 12   synonymes, n'est-ce pas, leur sens est le même, identique; c'est bien cela

 13   ?

 14   R.  Exact.

 15   Q.  Pourriez-vous, Général, nous expliquer à présent à quoi correspond une

 16   zone de responsabilité, et nous dire si on peut dire de la région militaire

 17   de Split que le commandant de cette région militaire avait une zone de

 18   responsabilité ?

 19   R.  La zone opérationnelle est un concept qui définit la forme d'un

 20   territoire où se mènent des combats. C'est donc une zone d'opération. Cette

 21   zone, lorsqu'un commandant se voit confier ses missions, cette zone est

 22   définie à partir d'un critère territorial, c'est-à-dire qu'on définit très

 23   précisément la frontière gauche et la frontière droite de cette zone, et on

 24   définit le territoire couvert par cette zone aussi bien en profondeur sur

 25   le territoire tenu par l'ennemi que sur la partie du territoire tenue par

 26   le commandant.

 27   Est-ce que vous m'avez demandé ce que voulait dire également "région

 28   militaire" ?

Page 46553

  1   Q.  Non, la zone opérationnelle. Est-ce que l'intégralité de la zone

  2   opérationnelle correspond à la zone de responsabilité du commandant de

  3   cette zone, autrement dit de cette région militaire ?

  4   M. LAWS : [interprétation] Avant la réponse, j'aimerais juste faire une

  5   petite intervention. Tout d'abord, je souhaite à tous un bon après-midi.

  6   Nous avons parlé du CV de ce témoin depuis une heure maintenant, or la

  7   seule chose qui est portée sur les deux résumés donnés à l'Accusation c'est

  8   un fait non contesté qui a eu lieu à Stolac en 1992. Nous avons déjà parlé

  9   de la Défense populaire de Zadar, du rôle de Milivoj Petkovic qu'il a joué

 10   là, nous avons parlé de la Ligue des Communistes, la JNA, les travaux du

 11   chef d'état-major et les chaînes de commandement, et maintenant nous allons

 12   parler des régions militaires. J'ai été assez patient jusqu'à présent, mais

 13   il me semble qu'il s'agit de points marginaux dont vous n'avez pas besoin

 14   d'être averti, certes, mais je tiens quand même à dire que j'ai demandé un

 15   résumé supplémentaire de ce témoin, mais on nous a absolument pas parlé

 16   dans ce résumé supplémentaire de tous ces points qui ont été abordés depuis

 17   une heure par Mme Alaburic. Donc je vais soulever une objection si l'on

 18   continue à poser des questions, pour entrer dans les détails de tout cela,

 19   des détails qui -- si ça porte sur des points essentiels en l'espèce,

 20   l'Accusation jusqu'à présent n'a pas été préparée puisque ce n'est pas dans

 21   le résumé. J'aimerais vraiment que l'on en revienne aux points qui sont

 22   abordés dans les résumés et uniquement dans les résumés qui nous ont été

 23   donnés. Je vous remercie.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 25   avec votre permission je vais répondre à mon confrère.

 26   Je considère que l'une des règles de base si le témoin nous dit qu'il

 27   était chef de l'état-major d'une brigade, que l'on demande ce que cela

 28   implique, quelles étaient ses fonctions, ses missions et son rôle au sein

Page 46554

  1   de la chaîne de commandement. Si ses réponses sont bien appréciées par la

  2   Chambre de première instance, ceci nous permettra de déterminer la position

  3   de chaque autre chef d'état-major au sein de la chaîne de commandement.

  4   Ensuite s'il dit qu'il avait travaillé dans une école des officiers

  5   de réserve, nous devrions clarifier cette notion d'autant qu'il en a été

  6   question déjà par le passé, et ceci ne devrait pas poser de problème. Nous

  7   allons traiter de cela avec tous nos autres témoins, car il s'agit là des

  8   questions cruciales pour la défense de M. Petkovic. Ce que le témoin est en

  9   train de nous expliquer, c'est le fonctionnement du mécanisme entier de la

 10   défense par le biais des notions de base.

 11   Le sujet de la zone de responsabilité correspond à un thème qui était

 12   prononcé par tout le monde dans ce prétoire à un nombre de reprises, et

 13   maintenant enfin, nous avons un témoin habilité de nous expliquer ce qu'est

 14   une zone de responsabilité aussi en fonction des critères de l'OTAN. Quels

 15   sont les critères, par exemple, de l'OTAN qui définissent ou ne définissent

 16   pas une région comme zone de responsabilité.

 17   Donc avec votre permission, c'est la dernière question à ce sujet que

 18   je poserais au général Beneta, et ensuite nous allons traiter de la

 19   question des soldats croates sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 20   Mais veuillez, s'il vous plaît, permettre au témoin de nous dire ce qu'est

 21   une zone de responsabilité et quel est le lien entre le terme zone de

 22   responsabilité et les opérations militaires concrètes.

 23   M. LAWS : [interprétation] Puis-je répondre brièvement, s'il vous plaît,

 24   pour dire simplement que personne ne conteste que ce monsieur est bien

 25   placé pour dire certaines choses qui pourraient être importantes. Mon

 26   objection n'invoque pas cela. Mon objection consiste à dire que si c'est

 27   important, il aurait fallu fournir les éléments à l'Accusation au

 28   préalable, comme l'indique du reste le Règlement de procédure et de preuve

Page 46555

  1   et les règles édictées par cette Chambre.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'ai informé

  3   mes collègues de l'Accusation et de toutes les autres Défenses des faits

  4   qui vont être présentés par ce témoin, relatifs à l'acte d'accusation.

  5   Maintenant, l'on définit simplement les catégories de la guerre, car

  6   lorsque le témoin nous dira où il était en Bosnie-Herzégovine avec la 116e

  7   Brigade, nous allons traiter de sa zone de responsabilité. Je pensais qu'il

  8   était judicieux de clarifier ce terme dès cette introduction. Nous pouvons

  9   le clarifier par la suite aussi, mais avec votre permission je souhaite le

 10   faire maintenant.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Alaburic, je ne souhaite pas

 12   aborder la question de savoir si c'était une bonne idée ou pas, mais vous

 13   nous avez indiqué ce sur quoi le témoin allait faire sa déposition. Les

 14   questions qui portent sur les zones de responsabilité sont des domaines qui

 15   ont été abordés dans le détail avec un autre expert militaire qui a

 16   témoigné pendant les deux derniers quinze jours. Je crois que l'objection

 17   est tout à fait justifiée et devrait être retenue. Donc, veuillez aborder

 18   les questions que vous avez prévues d'aborder.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Bien.

 20   Q.  Général Beneta, veuillez nous dire, s'il vous plaît, la chose

 21   suivante, lorsque, avec la 116e Brigade, vous avez repris les positions

 22   auprès de Popovo Polje, c'est-à-dire près de la frontière entre la

 23   République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine, quelle était votre zone de

 24   responsabilité ?

 25   R.  Ma zone de responsabilité était une partie de la ligne de front,

 26   limitée du côté gauche et du côté droit. En ce qui concerne ma profondeur,

 27   il s'agissait de la zone dans laquelle je déployais mes forces, et en ce

 28   qui concerne la profondeur du côté de l'ennemi, ceci correspondait aux

Page 46556

  1   limites de mes possibles actions.

  2   Q.  Je vous remercie. Lorsque nous montrerons les cartes, vous pourrez nous

  3   l'illustrer. Terminons pour ce qui est de votre biographie.

  4   En été 1993, vous avez de nouveau été engagé pendant environ un mois

  5   dans le cadre d'une action du HVO en Herzégovine, et suite à cela vous

  6   retournez dans la région militaire de Split, où vous reprenez les fonctions

  7   du commandant du Groupe opérationnel de Sibenik pendant 22 mois; est-ce

  8   exact ?

  9   R.  C'est exact.

 10   Q.  Et maintenant pour terminer, vous étiez à la tête de la défense

 11   antiaérienne dans la marine croate, ensuite l'adjoint du chef du Groupe

 12   opérationnel de l'armée croate chargée de la modernisation. Ensuite, vous

 13   étiez commandant du centre chargé des opérations internationales. Ensuite,

 14   vous étiez commandant de l'école de guerre. En ce moment, comme vous l'avez

 15   déjà indiqué à la Chambre de première instance, en répondant à la question

 16   du Président Antonetti, à présent vous exercez les fonctions de l'adjoint

 17   du chef inspecteur dans l'inspectorat de la Défense; est-ce exact ?

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Bien. Nous allons maintenant aborder un autre sujet concernant le

 20   "Départ des soldats de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine."

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Je souhaite que l'on présente au témoin la

 22   série de documents qui a été préparée.

 23   Q.  Je crois que vous avez le document sous les yeux. Si tel est le cas,

 24   veuillez vous pencher sur le document et ensuite nous allons entamer notre

 25   discussion à ce sujet-là.

 26   Veuillez vous pencher sur le document 3D443, s'il vous plaît. L'avez-vous

 27   trouvé, Général ?

 28   Il s'agit là d'une lettre signée par Petar Stipetic.

Page 46557

  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Le document présenté sous forme

  2   électronique n'est pas le bon.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ne s'agit-il pas de 3D443 ?

  4   Mme ALABURIC : [interprétation]

  5   Q.  C'est exact. C'est moi qui me suis mal prononcée. Il s'agit de 3D443.

  6   C'est une lettre adressée par le général Petar Stipetic, en date du 8 avril

  7   1992.

  8   Je vais vous poser des questions bien concrètes, et dites-nous la chose

  9   suivante. Sur la base du contenu de ce document, pouvez-vous nous dire à

 10   qui cette lettre a été envoyée ?

 11   R.  Cette lettre a été envoyée à la zone opérationnelle de Split.

 12   Q.  A cette époque-là, étiez-vous dans cette zone opérationnelle ?

 13   R.  Oui, à l'époque j'étais le chef de l'état-major de la 4e Brigade des

 14   Gardes dans cette zone opérationnelle.

 15   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer le début de cette lettre, où il

 16   est dit : "Référence : votre document." Qu'est-ce que cela veut dire ?

 17   R.  Ça veut dire que quelqu'un de la zone opérationnelle, donc le

 18   commandant de la zone opérationnelle, avait envoyé un document à l'état-

 19   major principal, en posant une question, et ici, en réponse, la réponse est

 20   fournie à la question posée.

 21   Q.  Sur la base du contenu de ce document qui entérine le départ des

 22   volontaires de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine, que pouvez-vous

 23   conclure pour ce qui est du contenu de la première lettre contenant la

 24   question qui a été envoyée à l'état-major principal ?

 25   R.  Le contenu de la lettre concernerait un résumé des demandes émanant des

 26   unités, dont la mienne, la 4e Brigade des Gardes, puisque nous avons

 27   demandé qu'une position soit adoptée d'urgence concernant la situation que

 28   nous rencontrions à ce moment-là au sein de nos unités, à savoir, une

Page 46558

  1   partie des combattants qui faisaient partie de mon unité, et je crois que

  2   c'était le cas des autres aussi, de la plupart des autres, c'étaient de

  3   jeunes hommes qui vivaient en Croatie ou en Herzégovine, dans les deux cas,

  4   il s'agissait des jeunes hommes originaires de l'Herzégovine qui s'étaient

  5   joints aux rangs de ceux qui défendaient la Croatie contre l'agresseur

  6   serbe et la JNA. Lorsque les circonstances ont visiblement changé là où

  7   leurs parents vivaient, ils exerçaient une forte pression en demandant

  8   d'être autorisé à se rendre en Bosnie-Herzégovine.

  9   Q.  Dites-nous, Général, si l'on n'avait pas permis à ces hommes, ces

 10   soldats de se rendre en Bosnie-Herzégovine, qu'est-ce qu'il se serait

 11   produit ?

 12   R.  Je crois qu'ils seraient partis même sans autorisation.

 13   Q.  Dites-nous, est-ce que d'une certaine manière, ou plutôt si tous vos

 14   soldats originaires de la Bosnie-Herzégovine à ce moment-là, début avril

 15   1992 étaient partis défendre leurs lieux d'origine, qu'elle aurait été la

 16   situation au sein des unités de l'armée croate ?

 17   R.  Nous aurions eu un nombre nettement diminué de troupes sans aucune

 18   possibilité de recompléter les unités dans une période relativement brève.

 19   Q.  Peut-on préciser la période ? S'agit-il du mois d'avril 1992, car nous

 20   avons une erreur dans le compte rendu d'audience.

 21   R.  Oui. Il est question du mois d'avril 1992.

 22   Q.  Pourriez-vous nous expliquer maintenant si vraiment les unités de

 23   l'armée croate risquaient de se faire diminuer ainsi en raison du départ

 24   des soldats d'origine de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que vous aviez un

 25   intérêt de coordonner et d'organiser ces départs de manière différente ?

 26   R.  Oui. Il était dans notre intérêt que ceci se déroule de manière

 27   organisée pour plusieurs raisons. Je vais les expliquer ?

 28   Q.  Dites-nous qu'elles étaient les raisons ?

Page 46559

  1   R.  A ce moment-là, depuis huit mois déjà, nous avions mené des opérations

  2   de guerre. Nous avions construit ce qu'il était très difficile de

  3   construire, à savoir une collectivité ferme militaire qui a été formée

  4   pendant la guerre. Si l'on allait laisser partir ces hommes de manière non

  5   organisée, ceci impliquait que ces jeunes hommes allaient tous partir dans

  6   leur place d'origine et qu'ils auraient essayé de s'organiser eux-mêmes

  7   afin d'opposer une sorte de résistance ou afin de sauver leurs parents,

  8   quelque chose comme cela. Et s'ils étaient partis ainsi, en faisant

  9   désertion, nous aurions eu un problème de statut par la suite. La situation

 10   en Bosnie-Herzégovine n'était pas vraiment prévisible à cette époque-là, et

 11   nous n'aurions pas pu les réintégrer dans l'unité au bout d'un mois ou un

 12   peu plus si nécessaire. Et mis à part cela, s'agissant de ceux qui avaient

 13   leurs familles en Croatie, des femmes et des enfants, ces familles auraient

 14   été privées de leurs soldes.

 15   Q.  Bien, Général. Examinons maintenant le document suivant. Il s'agit du

 16   document P 153. Il s'agit encore une fois d'une lettre envoyée par le

 17   général Petar Stipetic. Pouvez-vous nous dire à qui ce document a-t-il été

 18   adressé ?

 19   R.  A l'adjoint de la zone opérationnelle de Rijeka.

 20   Q.  Ici dans le premier paragraphe, l'on mentionne à la fois les Croates et

 21   les Musulmans qui souhaitent partir en tant que volontaires afin de

 22   défendre la Bosnie-Herzégovine.

 23   Général, dites-nous s'il vous plaît, d'après votre propre expérience, est-

 24   ce que vous traitiez de la même manière les soldats croates et les soldats

 25   musulmans qui souhaitaient partir en Bosnie-Herzégovine, ou bien est-ce que

 26   vous faisiez une distinction entre les deux ?

 27   R.  Dans mon unité, j'avais environ 20 à 30 % de Croates originaires de la

 28   Bosnie-Herzégovine, et j'avais des Musulmans aussi, Musulmans qui avaient

Page 46560

  1   vécu soit en Croatie, soit venant de la région de la Bosnie-Herzégovine, et

  2   je ne faisais aucune distinction pour ce qui est de ma position à l'égard

  3   de cette approbation.

  4   Q.  Examinons le document suivant traitant du même sujet. Il s'agit de

  5   3D299.

  6   Il s'agit d'un document émanant du colonel Hasan Efendic émanant d'un

  7   bureau de la République de Bosnie-Herzégovine, ceci a été envoyé au

  8   ministère de la Défense de la Croatie.

  9   Il y est demandé de permettre d'engager trois officiers dont les noms sont

 10   énoncés, officiers de l'armée croate, afin de participer à la défense de la

 11   Bosnie-Herzégovine, même s'il est difficile de tirer des conclusions sur la

 12   base des noms de personnes concernant l'appartenance ethnique des

 13   personnes, que nous diriez-vous sur la base des noms, qu'elle serait

 14   l'appartenance ethnique de ces personnes à votre avis ?

 15   R.  Ces trois personnes sont pratiquement certainement d'appartenance

 16   ethnique musulmane.

 17   Q.  Dans le dernier paragraphe, il est dit que :

 18   "On demande de régler le statut de ces officiers de la même manière que

 19   jusqu'à présent, en les gelant et en leur permettant d'être réengagé au

 20   sein de l'armée croate après que la mission aura été accomplie."

 21   Dites-nous, Général, si vous deviez interpréter ces propos-là, qu'auriez-

 22   vous dit sur la base du fait que les soldats originaires enfin les soldats

 23   d'origine musulmane demandaient eux aussi permission de partir afin de

 24   participer à la défense de la Bosnie-Herzégovine ?

 25   R.  Compte tenu de la date, il s'agissait d'une période, d'un moment où la

 26   Croatie permettait depuis plusieurs mois déjà le départ des hommes en

 27   Bosnie-Herzégovine, puisque visiblement ils y étaient nécessaire, l'on

 28   avait besoin d'eux là-bas, et visiblement ce document fait référence à

Page 46561

  1   cette pratique et demande que les mêmes conditions s'appliquent, à savoir

  2   que le statut au sein de l'armée croate reste, afin de permettre à ces

  3   personnes de poursuivre leur carrière au sein de l'armée croate, une fois

  4   la mission accomplie. 

  5   Q.  Pour terminer, Général, au cours de cette période en 1992, est-ce que

  6   vous avez eu des connaissances ou des observations vous indiquant qu'il y

  7   aurait une discrimination vis-à-vis des soldats musulmans au sein de

  8   l'armée croate qui souhaitaient rejoindre les rangs de la Défense

  9   territoriale et plus tard de l'ABiH ?

 10   R.  Absolument pas. J'avais un adjoint ou plutôt le chef du génie militaire

 11   au sein de la brigade qui avait demandé, au bout de huit mois passés dans

 12   mon unité, de partir à Sarajevo. Il a reçu la permission. Il n'a même pas

 13   demandé que l'on gèle son statut, il a simplement dit qu'il allait passer

 14   du côté de l'ABiH, et il a obtenu permission avec tous les certificats

 15   concernant son statut au sein de l'armée croate jusqu'à ce moment-là. Donc

 16   il est parti avec toutes les autorisations nécessaires, il n'y a pas eu de

 17   problème.

 18   Q.  Bien. Nous allons traiter maintenant d'un autre sujet --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je reste sur ce document. Ce document est daté du 4

 20   janvier 1993. La date est importante. Il est signé par le colonel Hasan

 21   Efendic. Si je ne m'abuse, le colonel Hasan Efendic a été le commandant de

 22   la Défense territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine avant d'être

 23   remplacé par Halilovic. Est-ce bien le même à votre connaissance ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne suis pas au courant des détails

 25   liés à leurs fonctions. Je ne suivais pas cela de près, donc je ne sais

 26   pas.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne savez pas. Bien. Ce document établit que la

 28   République de Bosnie-Herzégovine avait un bureau à Zagreb, dont on a

Page 46562

  1   l'adresse, Savska Cesta, numéro 41, un numéro de téléphone. Et ce document

  2   établit qu'il y a une demande d'assistance formée auprès du ministère de la

  3   Défense croate pour que celui-ci détache trois personnes qui vont garder

  4   leur statut au sein de l'armée croate.

  5   A votre connaissance, fin 1992, début janvier 1993, l'armée croate

  6   fournissait-elle à la demande de la République de Bosnie-Herzégovine des

  7   soldats et des officiers, ou bien, à votre connaissance, fin 1992, début

  8   1993 - il y a une erreur au transcript, j'avais dit fin 1992 et début 1993

  9   - est-ce que l'armée croate en réalité envoyait des soldats et des

 10   officiers uniquement pour renforcer le HVO contre l'ABiH ? Quelle est pour

 11   vous la situation ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] A cette époque-là, j'étais engagé aussi avec

 13  la 4e Brigade des Gardes, et par la suite aussi avec la 116e Brigade dans la

 14   région de l'Herzégovine orientale. Donc avec mon unité, j'ai été sur le

 15   territoire de la République de Bosnie-Herzégovine. En profondeur, je suis

 16   allé d'après mes estimations jusqu'à environ 20 à 25 kilomètres.

 17   Je continue. Je suppose que vous souhaitez savoir à quoi ressemblait la

 18   situation, non pas dans cette zone --

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne comprends pas qu'il y ait des erreurs. Vous

 20   avez dit 20 à 25 kilomètres. Et là, il y a "20 à 25 mètres." Il faut faire

 21   plus attention. Tout ce que dit un témoin c'est important. C'est 20 à 25

 22   kilomètre ou 20 à 25 mètres ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Kilomètres.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut faire très attention. Bien. Alors continuez.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suppose que votre question ne porte pas

 26   dans l'essentiel à cela mais qu'elle concerne la question de savoir si l'on

 27   permettait aux membres de l'armée croate de partir plus en profondeur de

 28   manière organisée ou individuelle sans égard au maintien de la ligne de

Page 46563

  1   front dans cette partie frontalière avec la Croatie. Oui, je sais qu'il y a

  2   eu un certain nombre de départs, c'est-à-dire que l'on laissait les

  3   personnes partir suite aux pressions exercées par ces personnes-là, car les

  4   personnes en question nous présentaient des arguments, et je ne sais pas si

  5   j'ai eu tort ou pas, à vous de juger, mais je considérais que je n'avais

  6   pas d'autres issues que de laisser partir ces personnes-là. Parfois même de

  7   manière organisée, car je considérais qu'ils avaient plus de chance de

  8   survivre ainsi et aussi de nous aider à résoudre la situation. Je vous

  9   parle sur la base de mon expérience.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que vous développez alors qu'il y a des

 11   points essentiels qui doivent apparaître.

 12   Quand vous êtes 20 à 25 kilomètres en profondeur, c'est quelle date

 13   exactement ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parle de la période allant du début,

 15   première moitié de 1992 jusqu'à pratiquement jusqu'à la fin de la guerre

 16   lorsqu'il est question du front sud, sachant que cette profondeur s'est

 17   réduite à une profondeur de 2 à 4 kilomètres à certains endroits.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites "jusqu'à la fin de la guerre," quelle

 19   date ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Jusqu'à la fin de 1995, je parle du mois de

 21   septembre, octobre.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous nous dites sous la foi du serment, que

 23   votre unité était en profondeur sur le territoire de la République de

 24   Bosnie-Herzégovine. Vous nous dites sous la foi du serment, vous étiez 20 à

 25   25 kilomètres et ça s'est réduit jusqu'à 4 kilomètres.

 26   Alors, ma question est la suivante : Quand vous avez eu l'ordre d'aller là-

 27   bas, d'aller dans un autre pays qui n'est pas la République de Croatie,

 28   qu'est-ce qu'on vous a dit ? Vous allez là-bas pour faire face aux Serbes,

Page 46564

  1   ou bien pour attaquer les Musulmans ? Quel était l'ordre militaire précis

  2   que vous aviez pour vous trouver dans un pays étranger en profondeur ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] L'ordre était celui de défendre le territoire

  4   de la République de Croatie, et d'après les cartes géographiques qui font

  5   partie intégrante des ordres, il apparaissait avec évidence que l'intention

  6   était celle d'occuper des positions partant desquelles il est possible de

  7   manœuvrer suffisamment en profondeur pour défendre un territoire

  8   relativement étroit du territoire de la Croatie se trouvant entre la

  9   frontière de l'Etat et le littoral.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous le

 11   permettez, je voudrais dire ce qui suit. Tout ceci, on l'a dessiné sur des

 12   cartes, on va vous le montrer. On va vous montrer des documents et on

 13   s'efforcera de vous expliquer les raisons et la légitimité de cette façon

 14   de penser.

 15   Mais je crois que l'heure est venue de faire la pause.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, l'heure est venue. Donc on va faire

 17   20 minutes de pause.

 18   --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.

 19   --- L'audience est reprise à 16 heures 12.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 21   Mon Général, avant de donner la parole à Me Alaburic, j'aurais une question

 22   de suivi. Vous nous dites que vous étiez à 20, 25 kilomètres en profondeur.

 23   Dans la zone où vous étiez, est-ce que dans cette surface il y avait des

 24   civils ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Sur ce territoire, il y avait des civils

 26   aussi.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Il y avait des civils qui n'avaient pas la

 28   nationalité croate. C'étaient des civils de la République de Bosnie-

Page 46565

  1   Herzégovine.

  2   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, peut-être le savez-vous ou ne le savez-vous

  4   pas. Si vous le savez, tant mieux, ça sera plus simple; si vous ne le savez

  5   pas, je vais vous l'apprendre. Il y a un règlement de La Haye qui date du

  6   début du XXe siècle, de 1907, l'article 42 de ce Règlement dit ceci, je

  7   vais le citer lentement : 

  8   "Un territoire est considéré comme occupé lorsqu'il est placé de fait sous

  9   l'autorité de l'armée ennemie. L'occupation ne s'étend qu'au territoire où

 10   cette autorité est établie et en mesure de s'exercer."

 11   Est-ce que quand vous, vous occupiez en profondeur ces 20 ou 25 kilomètres,

 12   vous aviez le sentiment d'exercer l'autorité ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans une partie, en ma qualité de commandant

 14   d'unités, je me suis trouvé dans des situations où j'étais censé trancher

 15   des questions que l'on pourrait qualifier d'être liées à l'autorité ou au

 16   pouvoir, tout en m'efforçant de faire en sorte de laisser la chose ou de

 17   confier la chose le plus tôt possible aux autorités civiles, si

 18   l'organisation était perturbée.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je continue ma question. Il y a un

 20   autre article de ce règlement de 1907, l'article 43, que je vais vous lire

 21   :

 22   "L'autorité du pouvoir légal ayant passé de fait entre les mains de

 23   l'occupant, celui-ci prendra toutes les mesures qui dépendent de lui en vue

 24   de rétablir et d'assurer autant qu'il est possible l'ordre et la vie

 25   publique en respectant, sauf empêchement absolu, les lois en vigueur dans

 26   le pays."

 27   Donc quand vous, vous étiez en profondeur, est-ce que vous avez pris des

 28   mesures pour rétablir l'ordre et la vie publique dans cette zone ?

Page 46566

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je termine. Comme vous le savez, des

  3   officiers de l'armée allemande ont été jugés par des tribunaux américains

  4   et il y a un célèbre arrêt, US contre Paul, qui dit ceci, je vais en citer

  5   un petit bout, et vous allez comprendre :

  6   "Le droit de la guerre impose à tout officier militaire occupant une

  7   position de commandement l'obligation positive de prendre toutes les

  8   mesures qui sont en son pouvoir et appropriées aux circonstances afin de

  9   contrôler ceux qui sont sous son commandement ainsi que prévenir les actes

 10   susceptibles d'entraîner les violations du droit de la guerre."

 11   Alors vous-même, quand vous étiez en territoire étranger, en profondeur,

 12   est-ce que vous avez pris des mesures à l'égard de vos propres soldats pour

 13   que ceux-ci ne commettent pas des actes contraires au droit de la guerre ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pour toutes situations prévisibles, j'ai

 15   entrepris ce type de mesures, et je n'ai pas eu besoin de prendre des

 16   mesures à titre complémentaire parce que je n'ai pas eu de cas de

 17   violations disciplinaires de nature à faire souffrir qui que ce soit, et

 18   encore moins les civils.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vos réponses sont précises. Je vais

 20   terminer par une simple question. Quand vous, vous occupiez ce territoire

 21   de 20, 25 kilomètres, est-ce que dans cette zone il y a eu des combats ?

 22   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vous pose cette question de savoir

 24   s'il y a eu des combats parce que, quand la Belgique a été occupée par

 25   l'Allemagne, les zones de responsabilité ont été divisées en trois : les

 26   zones où il y avait des combats et là, l'autorité était l'autorité

 27   militaire à 100 %; puis une seconde zone qui était une zone de réserve, où

 28   l'autorité s'exerçait conjointement avec l'autorité militaire et des

Page 46567

  1   autorités civiles; et puis, une troisième zone qui était le reste de la

  2   Belgique, où là, c'était une autorité civile occupante qui gérait tous ces

  3   problèmes. Donc moi, c'est pour ça que je vous demande dans votre zone, y

  4   avait-il des combats, vous m'avez dit oui. Et, dans cette zone où il y

  5   avait des combats, est-ce que vous estimez à votre niveau que vous étiez le

  6   seul responsable à l'exclusion d'une autorité civile autre que la vôtre ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Mes opérations et mes activités de combat,

  8   celles que j'ai eues à entreprendre là-bas, se sont déroulées en

  9   coopération avec la population locale, et je n'ai pas eu la totalité des

 10   éléments d'une autorité d'occupation, et je n'ai d'ailleurs pas eu à

 11   exercer ce type d'autorité.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Maître Alaburic.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois vous dire

 14   que vous venez de toucher absolument la totalité des sujets que je voulais

 15   aborder à l'occasion de mon interrogatoire principal. Alors, je vais

 16   demander aux Juges de nous faire confiance. Nos témoins, nous allons les

 17   interroger en application des conventions de La Haye, régissant les

 18   principes d'occupation et nous allons nous efforcer, de façon honorable et

 19   franche, d'indiquer la totalité des circonstances que nous trouvons

 20   pertinentes.

 21   Et avant que je n'entame une autre ligne de questions, je voudrais

 22   intervenir au niveau du compte rendu d'audience. La question de M. le Juge

 23   Antonetti, page 29, elle s'est rapportée au fait de voir la Croatie envoyer

 24   des soldats et des officiers en Bosnie-Herzégovine. Le témoin a commencé à

 25   répondre à la page 29, lignes 12, 13 et 14, mais on n'a pas consigné une

 26   partie de sa réponse, à savoir que la Croatie, s'agissant de ces soldats et

 27   de ces officiers, avait donné une approbation pour ce qui est d'aller en

 28   Bosnie-Herzégovine. Alors, nous allons réaménager le compte rendu, mais je

Page 46568

  1   crois qu'il était important de le dire pour bien comprendre le contexte.

  2   Q.  Alors M. le Juge Antonetti vous a fait parcourir tous les sujets

  3   cruciaux, mais en recourant aux documents et aux cartes, nous allons

  4   essayer de démontrer ce que vous venez de nous indiquer.

  5   Alors, Monsieur Beneta, nous avons eu un expert militaire en matière de

  6   défense, pour ce qui est de la Défense de M. Praljak et M. Petkovic, et

  7   dans son expertise, 4D1731, il nous a indiqué que dans certaines

  8   circonstances, un état a le droit d'entrer sur le territoire d'un autre

  9   état, si l'état en question est attaqué à partir du territoire de cet autre

 10   état.

 11   Alors, dans la filière de ce principe, je vais vous poser une

 12   question concrète. Supposons que la République de Croatie est ciblée depuis

 13   le territoire de la Bosnie-Herzégovine, par exemple depuis les environs de

 14   Trebinje - il s'agit de l'armée de la Republika Srpska, nous allons définir

 15   les choses de façon précise pour avoir plus de facilité de compréhension -

 16   et celle-ci s'attaque à la République de Croatie.

 17   Alors dites-nous, en application d'une chose normale, à quoi doit-on

 18   s'attendre de la part de la République de Croatie pour que soient

 19   interrompues les attaques depuis le territoire de la Bosnie-Herzégovine

 20   vers le territoire de la Croatie ?

 21   R.  Il convient de faire justement ce que j'ai eu comme mission par voie de

 22   conséquence, à savoir repousser toute menace et l'étouffer dans la racine,

 23   c'est-à-dire entrer dans le territoire depuis lequel on attaque jusqu'au

 24   point où l'on peut s'assurer que les attaques ne se feraient plus. Donc il

 25   s'agit d'éliminer les sources du danger, ou l'origine du péril.

 26   Q.  Général, veuillez nous indiquer ce qui suit : en application du droit

 27   international, du moins tel que présenté dans les manuels de l'armée

 28   populaire yougoslave, que considère-t-on être le théâtre des combats ?

Page 46569

  1   R.  Le théâtre des combats, c'est le territoire entier couvert par les

  2   parties belligérantes. Donc ce sont les territoires de l'état A et de

  3   l'état B, si l'état A et l'état B sont en guerre.

  4   Q.  Si maintenant nous prenions le territoire de la Bosnie-Herzégovine, des

  5   environs de Trebinje, à partir desquels on attaque depuis la Bosnie-

  6   Herzégovine pour le définir comme étant théâtre de combat, serait-il juste

  7   de dire que le territoire de la République de Croatie, qui est le

  8   territoire attaqué ainsi que le territoire de la Bosnie-Herzégovine à

  9   partir duquel on attaque, doit-il être considéré oui ou non comme étant un

 10   théâtre de combat unique ?

 11   R.  Oui, parce que le territoire de la Bosnie-Herzégovine et celui de la

 12   République de Croatie constitue un théâtre de combat.

 13   Q.  Bon. Penchons-nous sur le tout premier document que vous avez dans le

 14   4D1483. Il s'agit d'une carte avec présentation des plannings de l'armée

 15   populaire yougoslave, datée de mai 1991. C'est M. Milan Gorjanc qui a

 16   établi cette carte, l'expert militaire. Et on voit là que le plan était à

 17   partir du nord en passant par Livno et allait en direction de Split; et

 18   dans le secteur de Split, coupait le territoire de la République de Croatie

 19   pour isoler complètement les territoires plus au sud par rapport à Split.

 20   Le plan était aussi d'aller du côté sud pour emprunter l'axe Stolac et le

 21   reste de l'Herzégovine pour aller vers la mer, et faire en sorte que se

 22   rejoignent les forces de la JNA depuis le nord et depuis le sud pour isoler

 23   complètement la Bosnie-Herzégovine par rapport à la République de Croatie.

 24   Alors, Général Beneta, ma question est la suivante : Avez-vous eu des

 25   informations disant que l'armée populaire yougoslave, mi-1991, avait eu des

 26   plans d'activité de combat de cette nature pour ce qui est de cette partie-

 27   là de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie ?

 28   R.  Oui. J'ai eu ces informations, car l'un de mes assistants, l'actuel

Page 46570

  1   général Mirko Sundov, avait travaillé au sein de la Défense territoriale

  2   avant le début de la guerre, et il parlé de ce plan comme étant le plan S2,

  3   établi avec pour motif qui est le suivant, dans le cas où il y aurait eu

  4   attaque de la Yougoslavie à partir de là. Mais il est clair que là, il

  5   s'agit d'un plan militaire visant à accéder aux territoires de la

  6   République de Croatie.

  7   Q.  Si on retourne maintenant au mois d'avril 1992, date à laquelle

  8   beaucoup de soldats de la République de Croatie, originaires de la

  9   République de Bosnie-Herzégovine voulaient aller là-bas pour défendre leur

 10   pays d'origine, est-ce que les activités déployées par l'armée de la

 11   Republika Srpska se sont déroulées de façon très similaires à ce qu'on a

 12   montré pour la partie nord de cette carte, donc pour ce qui s'est de ces

 13   axes Kupres, Livno ?

 14   R.  Pour ce qui est de cette partie plus haut, je n'y ai pas participé en

 15   personne. Ce que je sais, cependant, c'est qu'il y a eu des manœuvres des

 16   effectifs de la JNA qui ont eu lieu aux fins de concentrer les effectifs

 17   dans le secteur de Kupres. Et on s'est efforcé de faire en sorte qu'il y

 18   ait le plus possible d'effectifs à acheminer vers ce secteur dans l'attente

 19   de ce qui se passerait.

 20   Q.  Maintenant je voudrais que vous vous penchiez sur le 4D1351 --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, j'ai la carte sous les yeux, comme tout le

 22   monde, et on peut la voir. Me Alaburic nous a dit que c'est une carte qui

 23   était un plan d'intervention, mai 1991. Et puis elle vous a demandé si, en

 24   avril 1992, la Republika Srpska avait le même plan. Vous avez dit que vous

 25   n'en savez rien, mais que j'ai cru comprendre que ça aurait été normal que

 26   la Republika Srpska fasse la même action Kupres, Livno.

 27   Alors, quand je vois cette carte, j'ai écouté tout à l'heure ce que vous

 28   avez dit sur le champ de bataille unique en disant République de Croatie et

Page 46571

  1   Bosnie-Herzégovine, c'est un champ de bataille. Est-ce à dire à ce moment-

  2   là que pour la République de Croatie puisse se défendre, elle était dans

  3   l'obligation militaire - j'insiste sur le mot - de pénétrer dans la

  4   République de Bosnie-Herzégovine en profondeur, sinon, elle allait être en

  5   difficulté et peut-être, comme on le voit sur la carte, être prise en

  6   tenailles ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais attirer l'attention des Juges sur

  8   le fait qu'une partie de ce planning, on en a pris connaissance au travers

  9   des étapes de la JNA, à savoir la flèche qui est en bas au sud montrant la

 10   localité de Slano, ça, c'est déjà produit au mois d'octobre 1991, et ce

 11   n'est que par la suite que les forces croates qui étaient en état d'être

 12   mises sur pied sont devenues à même de grandir et de stopper la percée.

 13   L'intervention des unités où j'étais chef d'état-major, voire commandant

 14   d'une brigade, ça s'est produit après qu'il y ait eu occupation du sud de

 15   la Croatie du point de vue de la réalisation de ce plan, en particulier du

 16   fait que l'on avait coupé Dubrovnik. Et moi, je me suis trouvé dans une

 17   situation où le sud de la Croatie était occupé, exception faite de la ville

 18   de Dubrovnik même, qui s'est défendue jusqu'à dans ces banlieues.

 19   Pour ce qui est de la partie nord dans le secteur de Kupres, il y a

 20   tout un corps d'armée et on pouvait le voir, on ne pouvait pas dissimuler

 21   autrement, on a pu voir le déplacement d'une brigade blindée en direction

 22   de Kupres, qui plus haut, n'avait aucune installation d'hébergement sous

 23   forme de caserne. Mais c'est ad hoc qu'on a transféré ces effectifs pour

 24   créer des conditions propices à la conduite de quelque chose de tout à fait

 25   similaire au planning qui est celui de la JNA, et ce, avant le début même

 26   de la guerre en tant que telle.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Pour terminer, en vous écoutant, si les forces

 28   serbes étaient arrivées jusqu'à Split, doit-on en déduire que sur le plan

Page 46572

  1   militaire la République de Croatie aurait été alors là en péril ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Cela signifierait l'occupation, et là, je vais

  3   faire une estimation grossière, 12 ou 15 à 20 % du territoire de la

  4   République de Croatie. On avait eu une situation analogue en Slavonie dans

  5   le secteur de Vukovar, en particulier. Tout ceci mettait en péril l'intérêt

  6   national principal de la République de Croatie, à savoir son intégrité

  7   territoriale et sa souveraineté.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation]

  9   Q.  Veuillez nous indiquer à présent, Mon Général, ce qui suit. Quelle

 10   était la seule façon de procéder pour la Croatie aux fins de libérer cette

 11   partie sud occupée, les environs de Dubrovnik et plus au sud encore, aux

 12   fins de se protéger vis-à-vis d'une agression éventuelle pour ce qui est du

 13   territoire allant de Split et vers le sud de Split ? Alors, comment

 14   pouvait-on faire pour protéger la République de Croatie ?

 15   R.  La seule façon possible était celui de l'intervention militaire. Et je

 16   dois souligner que dans ce secteur plus bas, donc plus bas que Ston et

 17   Slano en allant vers le sud, cette intervention militaire était telle à la

 18   limite de l'impossible, si l'on ne devait se restreindre qu'aux territoires

 19   qui se trouvent entre le littoral d'une part et la frontière de l'Etat

 20   d'autre part.

 21   Q.  Mon Général, quelle est la largeur de ce territoire ?

 22   R.  Dans cette partie-là du territoire, la largeur est de 5 kilomètres,

 23   mais en moyenne; enfin, il y a des fois 15 kilomètres mais des fois 800

 24   mètres seulement.

 25   Q.  Dites-moi, Général, s'agit-il d'un territoire montagneux ou d'un

 26   territoire plat ?

 27   R.  Il s'agit d'un territoire vallonné ou montagneux qui n'a qu'un seul axe

 28   de communication, une seule route dont toute la surface se trouve sur le

Page 46573

  1   territoire de la République de Croatie, plus une route couverte de macadam

  2   et qui passe par la montagne dont une partie se trouve sur le territoire de

  3   la République de Croatie et l'autre sur le territoire de la Bosnie-

  4   Herzégovine.

  5   Q.  Si je vous ai bien compris, la Croatie n'avait pas d'autre moyen de se

  6   défendre que d'ordonner à son armée de pénétrer sur le territoire de la

  7   Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas, c'est bien ça ?

  8   R.  C'est exactement ça.

  9   Q.  Je vous prierais maintenant de vous pencher sur la carte 4D1351. Vous

 10   devriez l'avoir sur votre écran.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Et je demanderais que l'on remettre au

 12   témoin un marqueur ou un stylet.

 13   Q.  Général, cette carte, si tout va bien, montre le déploiement des forces

 14   du HVO, puis le déploiement des forces de l'armée croate qui s'opposaient à

 15   l'armée de la Republika Srpska et à l'armée populaire yougoslave, et ce, en

 16   date du 30 avril 1992.

 17   Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la préparation de votre

 18   témoignage, nous avons regardé cette carte. Donc vous la connaissez. Alors

 19   Général, veuillez me dire pour commencer si, d'après ce que vous savez,

 20   cette carte correspond bien à la réalité du déploiement des unités de

 21   l'armée croate ce jour-là dans le territoire ?

 22   R.  Excusez-moi, quelle est la date que vous avez citée ?

 23   Q.  Le 30 avril 1992.

 24   R.  Oui, cette carte rend bien compte de ce déploiement.

 25   Q.  Pourriez-vous, sur cette carte à présent, annoter l'endroit exact où se

 26   trouvait votre commandement. Si je ne m'abuse, vous faisiez encore partie

 27   de la 4e Brigade des Gardes à ce moment-là, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui. Le commandement de la brigade était stationné à Hutovo que

Page 46574

  1   j'indique sur la carte.

  2   Q.  Veuillez apposer le chiffre 1 à côté de votre annotation, je vous prie.

  3   R.  [Le témoin s'exécute]

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Vous avez inscrit le numéro 1 à côté de la

  5   localité dont le nom est Hutovo qui abritait le poste de commandement de la

  6   4e Brigade des Gardes, ce jour-là, dont le témoin était le commandant. Je

  7   demanderais qu'un numéro IC soit donné à cette carte.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Numéro IC, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte annotée du document 4D 1351

 10   recevra la cote IC 1096. Je vous remercie.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci bien. A présent, je prierais M.

 12   l'Huissier de bien vouloir remettre la carte que j'ai entre les mains au

 13   témoin avant de la placer sur le rétroprojecteur.

 14   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, le témoin a élaboré cette carte

 15   à votre intention pendant la préparation de sa déposition. Nous avons agi

 16   ainsi pour raccourcir le taux des débats dans le prétoire. Cette carte est

 17   identique à celle que nous examinions il y a un instant, et à présent nous

 18   allons voir quels ont été les combats qui se sont déroulés dans ce

 19   territoire jusqu'à la mi-1992.

 20   Q.  Général, vous voyez les lettres A, B et C qui désignent certains

 21   territoires sur cette carte.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Apparemment nous avons un problème avec le

 23   rétroprojecteur. Dans ces conditions, nous allons poursuivre et si le

 24   problème se règle, nous reviendrons sur ce sujet plus tard.

 25   Q.  Bien. Les Juges de la Chambre ont cette carte sous les yeux et

 26   d'ailleurs le rétroprojecteur a peut-être commencé à fonctionner entre-

 27   temps; Général, je vous pose la question suivante : Que souhaitiez-vous

 28   indiquer par cette carte ? Quel est le sens à donner aux lettres A, B et C

Page 46575

  1   ?

  2   R.  La lettre A au sud désigne le territoire que les 4e et 1ère Brigades de

  3   l'armée de Croatie ont libéré fin mai, début juin --

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Alaburic, nous n'avons pas la

  5   carte. Nous ne la voyons pas, je pense. Donc, il est très difficile de

  6   suivre.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Dans ces conditions, nous allons revenir

  8   sur ce sujet plus tard, après réparation du rétroprojecteur. Mais en tout

  9   cas, ce que je souhaitais indiquer à l'intention des Juges, c'est que cette

 10   carte montre les territoires qui ont été libérés au sud des territoires de

 11   la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine dans une partie; puis dans une autre

 12   partie de la carte, on voit les territoires libérés à l'issue de

 13   l'opération menée par le témoin à Stolac. C'est un territoire qui couvre 25

 14   kilomètres en profondeur.

 15   Mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard et j'espère que le

 16   rétroprojecteur sera réparé.

 17   Q.  Général, la dernière opération qui est désignée sur cette carte est

 18   l'opération qui a permis la libération de Stolac. Général, quand vous

 19   parliez d'un territoire dont la superficie couvrait 20 à 25 kilomètres en

 20   profondeur et dans laquelle étaient engagées les forces de l'armée de

 21   Croatie, pensiez-vous à ces opérations précisément, à savoir les opérations

 22   qui ont permis la libération de Visoravan et Bravka Dubrovnik [phon] et

 23   Stolac ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que vous avez mené ces opérations en coopération avec la Défense

 26   territoriale ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le document suivant

Page 46576

  1   qui est la pièce P 339. Il s'agit d'un accord d'amitié et de coordination

  2   signé par Alija Izetbegovic et Franjo Tudjman le 21 juillet 1991. Général,

  3   est-ce que cette date est ultérieure à toutes les opérations de libération

  4   dont nous venons de parler ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Revenons à présent à la carte que nous pouvons voir maintenant sur le

  7   rétroprojecteur.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Remontons un peu la carte sur l'écran pour

  9   la voir entièrement.

 10   Q.  Dites-moi, Général, vous avez désigné un territoire à la lettre A,

 11   l'initiale A.

 12   R.  Le territoire que vous voyez ici et le territoire qui se trouve là ont

 13   été libérés à l'issue de la même opération par les forces de l'armée de

 14   Croatie qui faisaient mouvement vers Dubrovnik. Cette libération a eu lieu

 15   dans la période allant du 28, 29 mai au 4 juin 1992.

 16   Q.  Très bien. Qu'en est-il du territoire désigné par l'initiale B ?

 17   R.  Le territoire désigné par B est un territoire qui a été libéré aux

 18   environs du 6 juin 1992, à un jour près, donc très peu de temps après la

 19   libération des territoires désignés par la lettre A. Cette libération s'est

 20   faite également dans le cadre d'une coopération entre les forces de l'armée

 21   de Croatie et le HVO.

 22   Q.  Les soldats musulmans et les habitants, la population musulmane, ont-

 23   ils coopéré avec vous ou pas ?

 24   R.  Dans le territoire désigné par A, il n'y avait guère de population

 25   musulmane. Dans le territoire désigné par B, je ne saurais répondre

 26   personnellement à votre question car je ne suis pas intervenu dans ces

 27   opérations-là.

 28   Q.  Veuillez nous dire maintenant ce qu'il en est du territoire désigné par

Page 46577

  1   C.

  2   R.  Ce qui s'est passé, les combats qui ont eu lieu dans le territoire

  3   désigné par C, c'est moi qui les ai dirigés. Je l'ai fait grâce à un

  4   bataillon qui était composé d'habitants de Stolac et de la région, en tout

  5   cas de représentants de la population locale. 

  6   Q.  Quelle était leur appartenance ethnique ?

  7   R.  Ces personnes étaient principalement d'appartenance ethnique croate car

  8   lorsque les Serbes ont pénétré dans les territoires où ils habitaient,

  9   notamment à Stolac et Domanovici, toutes ces personnes ont été expulsées et

 10   ont fini par constituer une formation militaire dont les effectifs étaient

 11   ceux d'un bataillon. Ce bataillon était désormais prêt à se battre pour la

 12   libération des localités où tous ces hommes habitaient afin de les libérer.

 13   Q.  Est-ce que des habitants de Stolac d'appartenance ethnique musulmane

 14   ont rejoint ce bataillon ?

 15   R.  L'opération s'est menée dans les conditions suivantes : au cours de la

 16   nuit du 11 juin 1992, 200 hommes ont reçu l'autorisation de pénétrer dans

 17   Stolac grâce à l'aide de la population musulmane qui était restée à Stolac

 18   et qui était désormais sous occupation serbe.

 19   Q.  Nous allons revenir sur les détails plus tard. Pour le moment, ce qui

 20   m'importe, c'est de parler des opérations menées conjointement par les

 21   Croates et les Musulmans.

 22   Sur le territoire désigné par C, ce territoire a bien été libéré

 23   également en juin 1992, n'est-ce pas, Général ?

 24   R.  Oui, entre le 13 et le 15 juin, à peu près.

 25   Q.  Je demande que vous inscriviez la date sur la carte et que vous la

 26   signiez, et je demande un numéro IC.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur l'Huissier, pourrions-nous avoir un numéro,

Page 46578

  1   s'il vous plaît.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Messieurs les Juges. La deuxième

  3   version annotée aura la cote numéro IC 1097. Merci, Messieurs les Juges.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation]

  5   Q.  Général, nous allons maintenant revenir sur la pièce P 339 dont j'avais

  6   parlé tout à l'heure, cet accord d'amitié et de coopération signé par

  7   Izetbegovic et Tudjman le 21 juillet 1992.

  8   Autrement dit, à peu près un mois après toutes les opérations de

  9   libération dont nous venons de parler. C'est le point 8 de ce document qui

 10   m'intéresse et que j'aimerais que nous examinions ensemble, Général. Au

 11   point 8, il est constaté que l'agression des forces armées serbes et

 12   monténégrines se poursuit contre la République de Bosnie-Herzégovine, mais

 13   également en grande partie contre la République de Croatie, dans les

 14   territoires de la République de Croatie qui sont frontaliers avec la

 15   Bosnie-Herzégovine.

 16   Voici ma question à présent, Général : A ce moment-là, est-ce que les

 17   autorités qui étaient sous la direction d'Izetbegovic avaient la

 18   possibilité d'intervenir dans les zones à partir desquelles la République

 19   de Croatie était attaquée ?

 20   R.  Non. Dans cette période, et notamment lorsqu'on analyse tous les

 21   événements de cette période, on constate qu'ils n'en avaient pas le pouvoir

 22   à ce moment-là.

 23   Q.  Dites-moi, à ce moment-là, y a-t-il eu quelque opposition que ce soit

 24   portant sur des combats menés conjointement par la République de Croatie,

 25   le HVO, la Défense territoriale qui existait encore en Bosnie-Herzégovine,

 26   sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ?

 27   R.  Non. Il n'y a eu aucune opposition à de telles interventions.

 28   Q.  Dites-moi, Général, du côté du gouvernement d'Alija Izetbegovic, la

Page 46579

  1   population musulmane dans ces régions ou de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

  2   y a-t-il eu quiconque qui ait considéré l'armée de Croatie à ce moment-là

  3   comme un agresseur ?

  4   R.  Je peux dire que non, bien au contraire. La seule chose dont je me

  5   souviens c'est de l'excellente coopération qui a eu lieu de la part de la

  6   population musulmane comme de la part des autorités au pouvoir appartenant

  7   aux deux groupes ethniques.

  8   Q.  Document 4D 1240. Il s'agit d'une directive venant de l'état-major du

  9   commandement Suprême des forces armées de la Bosnie-Herzégovine, signée par

 10   Sefer Halilovic.

 11   Ce qui nous intéresse en cet instant dans ce document, Général, c'est le

 12   paragraphe III, dans lequel sont définis les voisins, à savoir les forces

 13   armées de la République de Croatie. Et ensuite, il est écrit que :

 14   "Ces forces armées ont mené des actions offensives en vue de libérer

 15   le territoire de certains secteurs en Croatie grâce à leurs forces qui

 16   étaient engagées principalement dans les régions de Dubrovnik et qui ont

 17   fait jonction avec nos forces dans la zone de Trebinje et Stolac en

 18   particulier." C'est là que le texte qui m'intéresse s'arrête.

 19   Général, je voudrais vous demander votre commentaire sur les

 20   effectifs dépendant de l'état-major du commandement Suprême de l'ABiH.

 21   R.  Pour l'essentiel, ce qui est dit dans ce passage de texte est exact,

 22   même si je relèverais peut-être personnellement, dire de façon un peu plus

 23   précise. Dans ce paragraphe, on met l'accent sur un point un peu différent,

 24   à savoir quand on lit ce paragraphe, on comprend que le vecteur principal

 25   de ces actions était l'ABiH, alors qu'en fait je dirais que c'était

 26   davantage l'armée de Croatie qui a fait un travail plus important.

 27   Q.  Mais il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'une action conjointe

 28   entre les Croates et les Musulmans, n'est-ce pas ?

Page 46580

  1   R.  Absolument pas contesté.

  2   Q.  Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur le document 4D 1353.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai remarqué un paragraphe qui peut être

  4   intéressant. C'est à la page 4, III. Voilà. Il y est écrit au III que :

  5   "Les forces armées de la République de Croatie conduisent des

  6   opérations offensives pour libérer leur territoire …"

  7   Mon Général, ce document qui émane du commandement Suprême des forces

  8   armées à Sarajevo semble reconnaître que la République de Croatie conduit

  9   une opération militaire pour libérer son territoire. C'est écrit, oui ou

 10   non ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exactement ce qui est écrit,

 12   Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Puis, on voit qu'il y a une référence aux

 14   villes de Trebinje et Stolac, puis la question du secteur de Dubrovnik.

 15   Maître Alaburic.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation]

 17   Q.  Général, le Président M. le Juge Antonetti vient d'appeler votre

 18   attention sur un certain nombre de localités, si nous voulions définir ces

 19   localités d'après leur situation dans la guerre ou d'après leur situation

 20   militaire, pourrait-on parler non seulement d'un théâtre d'opérations

 21   unique, mais même d'un champ de bataille unique ?

 22   R.  Oui. C'est ce qui a été décrété comme étant le théâtre de guerre

 23   méridional par le commandement croate et ce territoire couvre toutes ces

 24   zones.

 25   Q.  Penchons-nous à présent sur le document annoncé tout à l'heure, à

 26   savoir 4D 1353. C'est une carte qui a été élaborée sur la base de ce que

 27   l'on peut lire dans le document signé par Sefer Halilovic, dont nous venons

 28   de discuter. C'est le général Petkovic qui est à l'origine de l'élaboration

Page 46581

  1   de cette carte.

  2   Général, je vous prierais à présent de bien vouloir, grâce au stylet,

  3   comme tout à l'heure et donc, sur l'écran, de nous indiquer sur cette carte

  4   ce qu'il en est de la situation à ce moment-là, à savoir au mois de

  5   septembre 1992, où se trouvait votre armée, à savoir les unités de l'armée

  6   de la République de Croatie à ce moment-là ?

  7   R.  Septembre 1992, à ce moment-là, l'armée de Croatie se trouvait dans ce

  8   territoire-ci.

  9   Q.  Très bien. Pouvez-vous apposer les initiales HV et votre signature.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Je demande un numéro IC pour cette carte.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro IC pour la carte.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. La version

 14   annotée du document 4D 1353 aura la cote IC 1098. Merci, Monsieur le Juge.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation]

 16   Q.  Général, nous allons maintenant nous pencher sur deux documents. Nous

 17   sautons un document dans le dossier et nous en examinons deux qui indiquent

 18   quel était le sort que vivait votre unité à ce moment-là. D'abord, la pièce

 19   P 326 qui est un ordre émis le 13 juillet 1992 et signé par Janko Bobetko

 20   adressé au TG-2, "Colonel Beneta."

 21   Quel est le contenu de cet ordre, Général ?

 22   R.  Dans cet ordre, il m'était ordonné de remettre les positions de la

 23   défense au Conseil croate de Défense, les positions entourant Stolac. En

 24   réalité, je devais transférer entre les mains du Conseil croate de Défense,

 25   y compris l'unité qui occupait ces positions de défense autour de Stolac.

 26   Q.  Suite à la question de M. le Juge Antonetti, nous avons vu qu'en

 27   partant du principe que vous seriez entré à Stolac en tant que représentant

 28   des forces d'occupation, au sens juridique du terme, étant donné vos

Page 46582

  1   attributions de commandant, pouvez-vous nous dire dans ces conditions dans

  2   le même ordre d'idée ce qu'il est advenu de vos attributions de commandant,

  3   une fois que ce transfert a été effectué ?

  4   R.  Je n'ai plus eu aucune de ces attributions. J'ai transféré entre les

  5   mains de la 1ère Brigade du HVO les positions que nous occupions

  6   précédemment ainsi que l'unité qui occupait ces positions.

  7   Q.  Très bien. Document suivant, 4D 1406. C'est un ordre émanant de Milivoj

  8   Petkovic qui date du 1er août 1992 et dans cet ordre, au paragraphe 1, nous

  9   lisons qu'avant le 7 août 1992, les secteurs de défense correspondant aux

 10   116e et 114e Brigades de l'armée de Croatie seront reprises par les unités

 11   de Grude, de Ljubuski et de Citluk.

 12   Que s'est-il passé suite à cet ordre ?

 13   R.  Oui, en effet, je connais cet ordre et en exécution de cet ordre, j'ai

 14   remis également le secteur que je tenais au sud de Stolac qui est indiqué

 15   sur la première carte par le "A" au nord. Ce territoire, je l'ai remis

 16   aussi entre les mains du HVO et ce, jusqu'à Slano, donc, tous les

 17   territoires à gauche et à droite de Zalava, quand on se dirige vers Popovo

 18   Polje. C'est également un secteur que j'ai remis à la responsabilité du

 19   HVO.

 20   Q.  Vous venez de parler de Slano. Cette localité se trouve sur le

 21   territoire de quel état ?

 22   R.  C'est une localité voisine de la mer qui se trouve sur le territoire de

 23   Croatie.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation]  Je demanderais maintenant à M. l'Huissier

 25   de montrer au témoin une autre avant de la placer sur le rétroprojecteur.

 26   J'espère qu'il fonctionnera cette fois-ci.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous nous dites que vous avez remis au HVO

 28   l'étendue de vos pouvoirs. Très bien. Le document est explicite. Mais la

Page 46583

  1   zone que vous occupez, c'est une partie de la République de Bosnie-

  2   Herzégovine. Pourquoi vous ne remettez pas votre autorité dans les mains de

  3   l'ABiH ? Pourquoi dans les mains du HVO ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation]  A cette époque-là, dans ce secteur, il n'y

  5   avait absolument aucune présence de l'ABiH. Seules étaient présentes, là-

  6   bas, les forces du Conseil croate de Défense.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : -- hypothèse d'école. Si l'ABiH avait été présente,

  8   je dis bien "si," qu'auriez-vous fait ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je, avant de vous

 10   répondre, vous relater une situation vécue par moi; après quoi, j'aimerais

 11   vous répondre.

 12   Au moment où j'étais en train de planifier l'opération destinée à libérer

 13   Stolac, des gens d'appartenance ethnique musulmane qui étaient restés à

 14   Stolac sous occupation serbe m'ont apporté leur aide et au moment où nous

 15   étions en train d'établir notre défense, les Musulmans ont rejoint le

 16   Conseil croate de Défense et ont défendu leur foyer. A un certain moment,

 17   Mahmutcehajic, je connais son nom, a manifesté le désir de créer une unité

 18   de l'ABiH à Stolac. Je lui ai facilité les choses à cette fin et j'ai

 19   demandé qu'il prenne en charge une partie du front, une partie

 20   correspondant aux effectifs humains composant l'unité qu'il s'apprêtait à

 21   créer parce que je pensais que c'était juste.

 22   Trois ou quatre jours plus tard, une trentaine de jeunes gens en

 23   majorité musulmane sont arrivés dans le secteur de commandement que j'étais

 24   en train de mettre en place pour demander à être versés dans les rangs de

 25   cette unité que j'avais déployée sur les lignes de défense. Ils m'ont dit

 26   qu'ils ne voulaient pas qu'une formation militaire soit créée par volonté

 27   d'un individu et qu'ils se retrouvent sans armes, sans équipement, sans

 28   uniformes, sans rien. Après les avoir entendus, j'ai convoqué l'homme dont

Page 46584

  1   j'ai parlé tout à l'heure et je lui ai demandé s'il exprimait toujours le

  2   même désir qu'au départ ou s'il acceptait, lui aussi, de rejoindre les

  3   forces qui assuraient la défense. Il a accepté de le faire et il est devenu

  4   commandant adjoint chargé de la logistique dans le secteur de Stolac.

  5   Personne n'aurait pu être plus heureux que moi si des forces

  6   s'étaient constituées, des forces de l'ABiH à cet endroit, des forces bien

  7   équipées, avec des effectifs suffisants pour se joindre à la défense parce

  8   que mes hommes mourraient tous les jours.

  9   Mais cette idée n'a pas réussi pas parce que je n'ai pas fait ce

 10   qu'il fallait, mais parce que chacun souhaitait que l'armée qui s'occupe de

 11   ce secteur soit la mieux formée, la plus entraînée et la mieux habillée et

 12   la mieux équipée possible.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation]

 14   Q.  Merci, Général. Maintenant, nous pouvons nous pencher sur la

 15   carte qui est sur le rétroprojecteur.

 16   Dites-nous, Général, est-ce que c'est vous qui avez dessiné cette

 17   carte, annoté cette carte pendant les préparations ces derniers jours ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges ce que représente cette carte ?

 20   R.  Oui. La carte reflète la situation qui prévalait au mois de septembre

 21   1992 et par la suite. Je l'ai divisée en deux parties ici. La première

 22   partie, avec ces lignes, montre la région dans laquelle une unité de

 23   l'armée croate avait encore ses positions. Très peu de temps après, au bout

 24   d'un mois environ, cette unité-là aussi a remis cette zone de

 25   responsabilité à une unité du HVO. Je pense qu'il s'agissait du Bataillon

 26   Ravno, alors que l'unité de la HV s'est retirée dans cette partie avec les

 27   lignes croisées. Ici, j'ai simplement marqué les parties frontalières qui

 28   font partie de la Bosnie-Herzégovine. On longeait la frontière suivant les

Page 46585

  1   endroits d'importance stratégique des deux côtés et la défense se déroulait

  2   pratiquement sans grand changement de cette manière-là jusqu'à la fin de la

  3   guerre.

  4   Q.  Dites-nous, Général, la frontière entre la République de Croatie et la

  5   Bosnie-Herzégovine est représentée par cette ligne noire, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Pourriez-vous nous dire également qu'elle est la largeur de ce

  8   territoire en ce qui concerne le début de cette partie avec les lignes

  9   croisées ?

 10   R.  De Slano, il fallait prendre une route en macadam pour monter une

 11   colline. Il s'agit d'une distance d'environ un kilomètre et c'est là que la

 12   frontière se trouve. Ensuite, nous avons un périmètre entre 4 kilomètres à

 13   800 mètres jusqu'à Dubrovnik.

 14   Q.  Général, est-ce que vous pouvez répéter quel était le périmètre -- mais

 15   je vois que l'erreur a été corrigée dans le compte rendu d'audience. Donc,

 16   c'est 800 mètres.

 17   Dites-nous, s'il vous plaît, le territoire dont vous parlez se trouve entre

 18   la mer et la frontière avec la Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  Oui, je parle du territoire entre la mer et la frontière avec la

 20   Bosnie-Herzégovine; or, les positions des forces croates étaient soit un

 21   peu plus retirées au sud vers le territoire croate ou un peu plus avancées

 22   d'une distance de 1 à 1,5 kilomètres. Ça dépendait de la topographie plus

 23   que de la frontière physique car les soldats suivent leurs propres règles

 24   d'action et ne peuvent pas prendre des positions dans une dépression,

 25   simplement en raison du fait que la frontière la traverse.

 26   Q.  Peut-on définir pour les Juges, Général, la largeur de cette région à

 27   l'intérieur du territoire bosniaque ? Quel est l'endroit le plus étroit et

 28   quel est l'endroit le plus large ?

Page 46586

  1   R.  L'endroit le plus large serait justement de Slano vers Zavala, autour

  2   de 8 kilomètres, alors que la partie étroite serait de 100 mètres environ

  3   de la frontière. Puis, il y avait des parties qu'on ne voit pas sur la

  4   carte, des parties où la ligne de front allait à l'intérieur du territoire

  5   croate, mais la raison en était liée à la topographie.

  6   Q.  [aucune interprétation]

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Une question technique parce que je n'ai pas l'acte

  9   d'accusation de Strugar sous les yeux quand il a bombardé Dubrovnik. Là, ce

 10   que vous avez mentionné, c'était avant ou après le bombardement de

 11   Dubrovnik ?

 12   Vous avez compris ma question ? La carte que nous voyons où on voit

 13   Dubrovnik avec la ligne de front, je veux savoir si c'est avant ou après le

 14   bombardement de Dubrovnik.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le bombardement de

 16   Dubrovnik a duré pendant une période un peu plus longue. Par conséquent, je

 17   ne pourrais pas vous donner la date exacte. Ici, nous voyons la situation

 18   après que les forces croates ont débloqué Dubrovnik, levé le blocus de

 19   Dubrovnik. Nous voyons à partir de Slano ou plutôt à partir de Ston, une

 20   percée a été effectuée vers Slano ensuite vers Dubrovnik et ensuite, au

 21   bout d'un certain temps, les conditions ont été réunies afin de pouvoir

 22   reprendre les positions sans combat plus loin dans le sud avec un petit

 23   accrochage et nous avons ici la situation suite à tout cela. C'est la

 24   situation lors de laquelle les forces croates sont arrivées jusqu'à

 25   l'endroit appelé Potovo Polje et ont pu contrôler, de manière efficace non

 26   pas seulement, les forces d'infanterie et les repousser, mais aussi

 27   contrôler l'artillerie de l'ennemi et l'empêcher de tirer sur Dubrovnik.

 28   Or, ils ont continué à le faire en utilisant les calibres les plus gros,

Page 46587

  1   mais nous n'avons pas riposté de manière offensive.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez répondu à la question que

  3   j'allais vous poser : Si l'armée croate n'avait pas été positionnée telle

  4   qu'on la voit là, au-dessus de Dubrovnik, à ce moment-là, les forces serbes

  5   auraient été à proximité de Dubrovnik et auraient pu mettre en péril

  6   Dubrovnik. Vous avez dit que c'est la raison pour laquelle ils ont utilisé

  7   de l'artillerie, mais de calibre plus important, pour bombarder Dubrovnik.

  8   C'est ça que vous nous avez dit ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Ils ont continué l'artillerie lourde pour

 10   pilonner Dubrovnik avant d'avoir libéré cette région, même en tirant

 11   directement sur Dubrovnik car ils voyaient Dubrovnik. Ils utilisaient aussi

 12   des calibres de moindre importance et ils ont réduit leurs tirs au gros

 13   calibre seulement lorsque nous les avons repoussés plus loin de Dubrovnik

 14   et d'autres zones urbaines de la région.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien - parce que c'est la première

 16   fois que je m'intéresse à la situation de Dubrovnik - si l'armée croate

 17   n'avait pas été là, à ce moment-là, Dubrovnik aurait été en péril parce que

 18   les forces serbes auraient envahi le territoire de la République de Bosnie-

 19   Herzégovine où il n'y avait pas l'ABiH et auraient pu, à ce moment-là, plus

 20   facilement bombarder et attaquer Dubrovnik d'où la nécessité de la présence

 21   de l'armée croate dans cette zone. Est-ce que c'est cela que vous voulez

 22   nous dire ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est justement

 24   l'essentiel de l'ensemble de la situation militaire. Non pas de ce que je

 25   suis en train de dire, mais de la situation qui prévalait sur le terrain.

 26   Dubrovnik était suspendu à un fil, littéralement. Le seul lien que nous

 27   avions avec Dubrovnik, qui était une vieille ville croate, un monument de

 28   la culture, c'était la nuit, par la mer, en utilisant des petits bateaux

Page 46588

  1   rapides, qui étaient plus rapides que les bateaux de la JNA qui bloquaient

  2   Dubrovnik, même du côté de la mer.

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre,

  4   Madame Alaburic, mais j'ai une petite question à poser, une question de

  5   suivi. Nous avons ici sous les yeux une carte qui date du mois d'août 1992.

  6   J'aimerais savoir - je ne connais pas très bien la situation de Dubrovnik -

  7   la chose suivante. Lorsque le siège de Dubrovnik a été levé grâce à l'armée

  8   croate, était-ce avant août 1992 ou était-ce après août 1992 que le siège

  9   de Dubrovnik a été levé ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] L'opération offensive sur le front sud visant

 11   à libérer Dubrovnik a commencé le 30 ou le 31 mai 1992. Elle a duré trois à

 12   quatre jours, et une percée a été effectuée à travers les positions de

 13   l'ennemi des deux côtés de la frontière que j'ai indiquée déjà, donc à

 14   partir de la côte jusqu'à Popovo Polje, et dans cette partie-là, les forces

 15   de l'adversaire ont été arrêtées en raison des actions en partie de l'armée

 16   croate et aussi de la communauté internationale. Au bout de quelques mois

 17   d'âpres négociations, à une date que je ne saurais pas vous indiquer

 18   exactement, un accord a été signé sur un bateau des forces internationales

 19   entre le général Bobetko et les forces serbes, les forces serbes

 20   s'engageant de quitter l'ensemble de la zone jusqu'à Prevlaka, mais cet

 21   accord est resté vague, puisque l'on mentionnait le retrait des forces de

 22   la JNA. Cependant, s'agissant des forces de la Republika Srpska, du côté de

 23   la Bosnie-Herzégovine, il était possible que ces forces-là fassent

 24   irruption soudainement sur ce même territoire, ce qui respecterait les

 25   termes de l'accord, mais la Croatie n'aurait pas été libérée.

 26   C'est la raison pour laquelle, suite à la signature de l'accord, les

 27   forces croates ont utilisé leurs bateaux pour procéder à une descente dans

 28   cette zone afin de prendre les forces de la Republika Srpska de court, et

Page 46589

  1   afin de pouvoir maintenir le contrôle de ce territoire-là, et ceci est

  2   resté le cas jusqu'à la fin de la guerre.

  3   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Il faut donner un numéro IC à la carte.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. La carte annotée par le

  6   témoin recevra la cote IC 1099. Je vous remercie.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation]

  8   Q.  Afin de pouvoir comprendre la carte, peut-on clarifier quelque chose.

  9   Vous savez, nous, parfois, lorsqu'on dessine une frontière, l'on suppose

 10   que tout le monde sait ce que c'est. La ligne noire que vous avez dressée

 11   correspond à la frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Peut-

 12   être que nous pourrons replacer la carte à l'écran.

 13   Mon confrère Me Stewart m'a expliqué que ceci n'était pas tout à fait

 14   clair.

 15   Mme ALABURIC : [interprétation] Peut-on afficher de nouveau la carte

 16   à l'écran. Je m'adresse à l'Huissier, et je demanderais à mon confrère Me

 17   Stewart de suivre afin de voir si tout est clair de nouveau.

 18   Q.  Général, pourriez-vous apposer avec le chiffre 1, le territoire de la

 19   République de Croatie.

 20   R.  [Le témoin s'exécute]

 21   Q.  Peut-on trouver un marker un peu plus épais pour nous permettre de

 22   mieux voir.

 23   R.  [Le témoin s'exécute]

 24   Q.  Le chiffre 1 correspond au territoire de la République de Croatie.

 25   Maintenant, s'il vous plaît, écrivez en majuscules, BiH, pour que l'on

 26   comprenne ce qui correspond au territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 27   R.  [Le témoin s'exécute]

 28   Q.  Merci. Veuillez nous indiquer maintenant le territoire qui était

Page 46590

  1   contrôlé par les autorités serbes, y compris par l'armée de la Republika

  2   Srpska.

  3   R.  [Le témoin s'exécute]

  4   Q.  Maintenant nous voyons bien toutes les couleurs, ceci correspond à la

  5   ligne rouge ?

  6   R.  La région à l'est et de la ligne interrompue rouge est contrôlée par

  7   les forces de la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine.

  8   Q.  Veuillez écrire le chiffre 2 sur ce territoire contrôlé par l'armée de

  9   la Republika Srpska.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Maintenant, nous allons traiter de la partie de la Bosnie-Herzégovine

 12   contrôlée par les autorités musulmanes et croates.

 13   R.  Les autorités musulmanes et croates contrôlent cette partie-là de la

 14   Bosnie-Herzégovine, et je vais y apposer le chiffre 3.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, mais je regarde la

 16   carte, Monsieur le Témoin, et il me semble que le H de l'Herzégovine, vous

 17   l'avez dessiné sur un territoire qui est contrôlé par les Serbes. Le H de

 18   la BiH se trouve maintenant sur un territoire qui est contrôlé par les

 19   Serbes, sur la carte que vous venez  d'annoter.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Nous avons voulu indiquer que c'est l'Etat

 21   de la Bosnie-Herzégovine, et peu importe qui contrôle les régions

 22   différentes. Ensuite, le chiffre 2 correspond aux Serbes, et le chiffre 3

 23   correspond aux Croates et aux Musulmans. Je pense que c'est clair

 24   maintenant. 

 25   Q.  Oui, merci beaucoup, Général.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. J'ai bien compris.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Il n'y a aucun problème. Maintenant

 28   s'agissant du même sujet, nous avons un autre document. Nous pouvons le

Page 46591

  1   traiter avant la pause, je pense. Il s'agit de 4D475. C'est un document que

  2   nous avons déjà vu dans ce prétoire. Il s'agit d'un ordre de Miljenko

  3   Lasic, commandant de la zone opérationnelle du HVO pour l'Herzégovine

  4   orientale. Ici, au point 3, Général, c'est à la page 3 dans votre texte, il

  5   décrit ses voisins, et dit :

  6   "Au sud de nous, la défense est organisée par la 116e Brigade de l'armée

  7   croate."

  8   Dites-nous, Général, est-ce que ceci définit ainsi de manière générale la

  9   position de votre brigade, et est-ce que ceci correspond justement à ce que

 10   vous avez dessiné sur la carte tout à l'heure ?

 11   R.  Oui, en bref, ceci correspond à cette situation-là, mais il ne faut pas

 12   se confondre lorsqu'il dit "au sud" et "à droite," car ceci correspond en

 13   fait à mes positions qui étaient au sud-est, donc c'est ça qu'il voulait

 14   dire, le sud-est plutôt qu'à droite.

 15   Q.  Bien, c'est clair maintenant. Vous, Général, si nous nous

 16   souvenons de votre biographie, vous y êtes resté jusqu'à mars 1993 sur ces

 17   mêmes positions, et ensuite vous retourniez en Croatie; est-ce exact ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pour autant que vous le sachez, est-ce que cette brigade ou l'armée

 20   croate est restée justement sur ce territoire jusqu'à la fin de la guerre ?

 21   R.  Oui, l'armée croate y est restée. Il n'y a pas eu de grand changement

 22   mis à part ce que j'ai déjà expliqué s'agissant de la manière dont

 23   l'ensemble de l'armée croate est arrivé au sud.

 24   Q.  Merci, Général.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Nous allons maintenant traiter de la

 26   question suivante liée à la libération de Stolac. Peut-être le moment est

 27   opportun pour prendre une pause.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien, vous avez raison. C'est l'heure de la

Page 46592

  1   pause. Donc on va faire 20 minutes de pause.

  2   --- L'audience est suspendue à 17 heures 32.

  3   --- L'audience est reprise à 17 heures 54.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise. Maître Stewart, vous

  5   avez la parole.

  6   M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  7   L'Accusation a présenté une liste avec un seul élément, liste de pièces qui

  8   ont été versées par le truchement du témoin expert Gorjanc. Nous avons

  9   présenté notre liste IC de façon normale, en demandant un numéro; il y en

 10   avait seulement un peu plus que d'habitude, et j'en ai parlé avec M.

 11   Stringer. Mais nous aimerions avoir un peu plus de temps, avoir jusqu'à

 12   jeudi pour répondre aux demandes. Si nous pouvons avoir donc une extension

 13   de délai.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre vous donne jusqu'à jeudi.

 15   Maître Alaburic.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Général, maintenant nous allons traiter du sujet concernant la

 18   libération de Stolac, même si vous avez mentionné déjà ce sujet. Mais

 19   maintenant, nous allons traiter de manière systématique les points

 20   importants du point de vue de la Défense du général Petkovic.

 21   Dites-nous la chose suivante, s'il vous plaît. L'Accusation nous a suggéré

 22   dans cette affaire à plusieurs reprises qu'il n'y a pas vraiment eu de

 23   combats pour Stolac, que les Serbes avaient tout simplement quitté Stolac

 24   en marchant de leur propre gré et que finalement, il s'agissait d'un accord

 25   passé entre les Serbes et les Croates.

 26   Vous qui étiez témoin oculaire, pouvez-vous nous dire ce qui s'est

 27   passé pour ce qui est de la libération de Stolac ? Est-ce qu'il y a eu des

 28   combats ?

Page 46593

  1   R.  Des combats se sont déroulés pour Stolac. De mon côté, j'ai eu trois

  2   soldats morts et plusieurs dizaines de blessés. Le commandant de la défense

  3   de Stolac a été tué lui aussi. C'était un commandant du côté de la VRS.

  4   Cette personne a été tuée de même que l'un de ses officiers de l'état-

  5   major, alors que trois autres membres de l'état-major ont été capturés.

  6   Il y a eu des combats s'agissant de chaque position à Stolac et

  7   autour de Stolac, et je dois dire que je suis étonné d'entendre une telle

  8   interprétation. Nous avons commencé l'opération lorsque l'organe de

  9   renseignement de la 116e Brigade avait convenu d'héberger un nombre de mes

 10   combattants et les cacher avant l'attaque auprès de la population musulmane

 11   de Stolac. Je ne m'y attendais pas, mais ce qui s'est passé c'est que les

 12   représentants musulmans des autorités qui anticipaient l'attaque ont envoyé

 13   un nombre important de civils de mon côté de la ligne de confrontation,

 14   donc nous avons demandé auprès de notre commandement d'organiser et de nous

 15   fournir les autocars pour pouvoir transporter cette population qui avait

 16   fui Stolac pour qu'elle soit en dehors de ma zone de responsabilité et hors

 17   de la portée de l'artillerie.

 18   Ensuite, le lendemain après-midi, l'attaque a été lancée. Elle a

 19   échouée et a été renouvelée le surlendemain au matin, cette fois-ci avec

 20   succès. Et c'est à ce moment-là que les pertes que j'ai mentionnées ont

 21   survenu. Et tout a été réglé avant midi, tout sauf une position à l'est de

 22   Stolac, position pour laquelle je n'avais pas suffisamment de forces,

 23   suffisamment de troupes. Et à ce moment-là, l'unité du HVO, commandée par

 24   Dragan Curcic, m'est venue à l'aide et c'est lui qui a capturé cette

 25   colline qui représentait un véritable risque pour la ville de Stolac. Et

 26   lorsque mes commandants sont entrés à Stolac afin de faire un constat de la

 27   situation, un haut officier du commandement de la zone d'opération a failli

 28   être tué.

Page 46594

  1   Donc je ne suis pas du tout d'accord avec la remarque selon laquelle

  2   les Serbes étaient partis de leur propre gré. Et si l'on sait que le

  3   commandant de la défense de Stolac a été tué lors de cette opération, ceci

  4   corrobore mon point de vue.

  5   Q.  Donc, Général, avec votre armée vous êtes entré à Stolac. Est-ce

  6   qu'à ce moment-là l'autorité civile fonctionne, celle qui, jusqu'au moment

  7   de l'attaque, avait veillé à la vie de la population civile à Stolac ?

  8   R.  Non. Lorsque nous sommes entrés dans Stolac, j'ai déjà dit que la

  9   première attaque n'était pas couronnée de succès, donc la deuxième vague de

 10   gens qui ont fui Stolac a fait son apparition après cette première soirée,

 11   parce qu'il était devenu clair qu'il y aurait une fois de plus une attaque

 12   déterminée de la JNA. Donc j'ai accueilli une autre vague de réfugiés, et

 13   les Serbes, eux, avaient déjà quitté les lieux avec l'armée et la

 14   population au bout de deux journées de combat. Elle s'en était allée avec

 15   l'armée, cette population serbe, je veux dire. A Stolac, ils étaient

 16   minoritaires, mais toujours est-il que nous n'avons trouvé presque

 17   personne. Donc il fallait créer les conditions requises pour le retour des

 18   gens à Stolac.

 19   Q.  Nous avons certaines difficultés avec le compte rendu. Général, je vais

 20   vous demander de répéter la partie relative à cette deuxième vague de

 21   réfugiés. Que s'est-il passé donc après cette première attaque infructueuse

 22   ?

 23   R.  Après cette première attaque infructueuse, les représentants de

 24   l'autorité locale musulmane ont organisé les gens, les civils pour qu'ils

 25   s'en aillent de Stolac en passant par le champ de bataille vers la partie

 26   que je contrôlais moi. Et cette deuxième vague, nous l'avons transportée à

 27   bord d'autocars vers les arrières pour la sortir de la zone de combat.

 28   Le lendemain matin -- ça, c'était passé la nuit. Et le matin, on a

Page 46595

  1   lancé une attaque une fois de plus mais cette fois-ci, ça a été couronné de

  2   succès. Nous avons maîtrisé la totalité des postes cruciaux autour de

  3   Stolac, exception faite d'une seule position, et c'est vers midi que j'ai

  4   bénéficié d'une aide de quelqu'un qui a lancé l'attaque pour prendre

  5   position de cet emplacement. C'est un détachement Bozan dont le commandant

  6   était un dénommé Dragan Curcic, et ceci a mis en place les conditions

  7   nécessaires pour défendre avec succès les positions de défense et pour

  8   résister à la contre-attaque dont les préparatifs étaient en cours.

  9   Donc Stolac était une ville vide, et autour de Stolac, les effectifs

 10   de l'armée croate et du Conseil croate de la Défense avaient leurs

 11   positions. La création ou la mise en place d'une autorité civile --

 12   Q.  Non. Je voulais justement vous poser une question au sujet de la mise

 13   en place de cette autorité civile. Vous entrez à Stolac, il n'y a personne.

 14   La seule force organisée, c'est l'armée et c'est vous le numéro un dans

 15   cette armée. Alors, Général, est-ce que vous entreprenez quelque mesure que

 16   ce soit aux fins de faire mettre en place une autorité civile dans Stolac ?

 17   R.  Cela a été un effort conjoint de la part des autres et de la part de

 18   moi-même, parce que tout laissait entendre que les gens voulaient revenir à

 19   Stolac et dans la banlieue, parce qu'ils avaient des biens immobiliers là.

 20   Et d'autre part, il y avait le souhait des gens qui avaient été parties

 21   intégrantes des autorités musulmanes ou croates au niveau local, ils

 22   voulaient s'organiser pour faire revenir Stolac à une vie normale.

 23   Q.  Est-ce que vous vous souvenez à peu près du temps qui s'est écoulé

 24   entre votre entrée à Stolac et la création d'une instance quelconque de

 25   l'autorité civile ?

 26   R.  Plusieurs jours encore, il y a eu des tirs d'artillerie entre les

 27   parties belligérantes. Ça s'est fait de façon intense. Et en parallèle, il

 28   y a eu des négociations avec la partie serbe pour ce qui est de rendre les

Page 46596

  1   corps des personnes tuées, et on avait échangé les dépouilles de part et

  2   d'autre. Et les conditions requises pour une vie civile n'étaient pas

  3   encore là, mais au bout de sept jours à peu près, après cette attaque

  4   couronnée de succès, je veux dire, il y a eu emploi de la part des civils

  5   de cette réunion et de ma part aussi, des initiatives de ce type pour

  6   mettre en place les conditions requises aux fins d'un retour des civils. Et

  7   c'est vers la fin du mois de juin, voire vers le 1er juillet, que l'on a

  8   organisé une réunion entre représentants des communautés musulmanes et

  9   croates respectivement, où j'ai présenté la situation sécuritaire du point

 10   de vue militaire. Et j'ai également avancé des revendications pour qu'eux

 11   aussi assument leurs responsabilités, parce qu'il y avait des pressions

 12   croissantes de la part de la population aux fins d'un retour, et il fallait

 13   rendre possible le retour de cette population.

 14   Q.  Général, je me propose maintenant de vous montrer la teneur du

 15   témoignage d'un témoin de l'Accusation.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Comme c'était un témoin protégé, je

 17   voudrais que nous passions à huis clos partiel.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 20   partiel.

 21   [Audience à huis clos partiel]

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 46597

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Page 46597 expurgée. Audience à huis clos partiel.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

Page 46598

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11   [Audience publique]

 12   Mme ALABURIC : [interprétation]

 13  Q.  Général, est-il exact de dire que lors de cette réunion, le 1er juillet,

 14   il a déjà été convenu de créer une cellule de Crise qui serait constituée à

 15   50 % de Croates et à 50 % de Musulmans et que cela, cette instance se

 16   chargeait des tâches civiles ?

 17   R.  C'est exact. Je crois bien que le témoin a précisément décrit la

 18   réunion que j'ai évoquée moi-même.

 19   Q.  Le nom de Zeljko Raguz, pour ce qui est de la présidence de cette

 20   cellule de Crise, est-ce qu'il vous dit quelque chose ?

 21   R.  Oui, ça me dit quelque chose. Il était président de la cellule de

 22   Crise, lui.

 23   Q.  Fin 1992, en tant que titulaire de l'autorité civile à Stolac, on

 24   mentionne M. Andjelko Markovic. Dites-nous, avez-vous des informations à ce

 25   sujet ou est-ce que ça s'est passé bien après votre séjour à Stolac ?

 26   R.  Quand j'ai quitté ce territoire, début août et ça, ça s'est passé après

 27   mon départ et là, je n'ai pas d'information à vous fournir.

 28   Q.  Général, je voudrais maintenant vous demander d'essayer d'expliquer à

Page 46599

  1   l'intention des Juges s'il y a eu création d'une unité militaire à partir

  2   de gens du cru à Stolac et si oui, que s'est-il passé ? Avez-vous eu un

  3   rôle à jouer à cet effet ?

  4   R.  Oui. En entrant à Stolac, j'avais placé un bataillon pour la défense de

  5   Stolac. Ce bataillon était constitué pour un pourcentage important de

  6   Croates de la région. Ils ont fait une formation et ils ont lancé cette

  7   attaque et ils l'ont fait en coopération avec les responsables musulmans

  8   locaux. Au travers des entretiens que j'ai eus ce jour-là, j'ai proposé,

  9   parce qu'à ce moment-là ça m'avait semblé plutôt logique comme chose à

 10   faire, j'ai proposé aux autorités musulmanes du coin de faire en sorte que

 11   la population musulmane jeune prenne part à la défense aux côtés des hommes

 12   du groupe ethnique croate.

 13   Ils ont accepté cela. Ils ont convié les hommes jeunes à venir à un

 14   endroit qu'on avait convenu pour être à l'abri notamment des observateurs

 15   du côté serbe et on s'est réunis dans le canyon de la rivière Bregava. On a

 16   rassemblé là-bas un peu plus de 400 hommes. Le bataillon qui existait

 17   jusque-là, je l'ai subdivisé en deux segments, et dans chaque groupe de dix

 18   hommes, dans chaque section de dix hommes, j'avais partagé en deux. Il y

 19   avait cinq des nôtres et cinq hommes du groupe ethnique musulman avec et

 20   ainsi j'ai créé deux bataillons comptant 400 hommes chacun et à peu près 50

 21   % des effectifs était du groupe ethnique croate, voire du groupe ethnique

 22   musulman.

 23   Q.  Général, dites-nous, les cadres de commandement, qu'en a-il été ?

 24   R.  Avec l'acceptation de cette direction locale musulmane, j'ai mis deux

 25   Croates parce qu'ils avaient déjà une expérience en matière de combat. Mais

 26   ce même jour, au poste de commandant adjoint d'un bataillon, on a nommé un

 27   certain Edin Obradovic qui avait déjà un peu d'expérience. Il avait des

 28   connaissances militaires puisqu'il se trouvait être officier dans les rangs

Page 46600

  1   de l'ex-JNA. On a trouvé quelques autres hommes à posséder des

  2   connaissances militaires et on les a placés à des fonctions au sein de ces

  3   deux bataillons nouvellement créés.

  4   Q.  Général, veuillez nous indiquer ce qui suit : comment ont donc réagi

  5   les soldats croates, les soldats du groupe ethnique croate, pour ce qui est

  6   de vos efforts visant à intégrer des gens du groupe ethnique musulman dans

  7   ces unités militaires ?

  8   R.  La plupart de ces hommes l'ont accepté. Il y a eu des gens qui ont

  9   maugréé et il y en a eu quelques-uns qui étaient tout à fait contre. J'ai

 10   réussi à convaincre la plupart de ceux-là, du point de vue militaire, du

 11   point de vue humain, du point de vue moral des choses que cela était la

 12   seule bonne solution. Les deux qui ne voulaient en aucune façon rester dans

 13   les rangs dans ces unités, je leur ai dit d'enlever leurs uniformes, je les

 14   ai renvoyés du bataillon et ils n'en ont plus fait partie.

 15   Q.  Ces deux que vous avez renvoyés, ils étaient contre donc, contre la

 16   création d'une armée conjointe entre Musulmans et Croates, n'est-ce pas ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  Général, dites-moi, je vous prie, à cette époque-là, c'est-à-dire vers

 19   la fin du mois de juin, après que toutes ces actions étaient terminées, y

 20   a-t-il eu une réunion entre les commandants destinée à vous permettre à

 21   tous d'échanger vos expériences ?

 22   R.  Oui. Une réunion a eu lieu à Grude, si je ne me trompe, une réunion de

 23   haut niveau. Je ne suis pas sûr que c'était à Grude, mais je crois. Mate

 24   Boban assistait à cette réunion ainsi que plusieurs autres représentants du

 25   gouvernement de la Communauté croate d'Herceg-Bosna; y assistait également

 26   M. Petkovic et je ne me rappelle plus qui d'autre. Mais en tout cas, les

 27   noms que je viens de mentionner, il est certain qu'ils y ont assisté.

 28   Q.  M. Petkovic a-t-il prononcé une quelconque allocution à cette réunion ?

Page 46601

  1   R.  Oui, M. Petkovic a fait le bilan de la situation du point de vue

  2   militaire et il a parlé très ouvertement des problèmes auxquels il s'était

  3   trouvé confronté. J'ai même été assez surpris de l'entendre parler de

  4   certains de ces problèmes. En tout cas, ce que je peux dire, c'est qu'il

  5   s'est exprimé avec beaucoup de compréhension et je l'ai attentivement

  6   écouté.

  7   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le document suivant

  8   qui est la pièce P --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je reviens sur ce que vous avez

 10   dit parce que c'est important. Vous nous avez expliqué qu'il y a eu des

 11   combats à Stolac et qu'au mois d'août 1992, les Musulmans avaient été mis,

 12   pour les protéger, dans des bus pour leur faire quitter la ville et

 13   qu'ensuite, vous avez pris le contrôle de la ville parce que les Serbes

 14   avaient été défaits. Donc, au moment où vous mettez les pieds dans Stolac,

 15   il n'y a plus de Serbes, il n'y a plus de Musulmans; il n'y a que les

 16   soldats que vous dirigez. Etait-ce bien cela la situation ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions les seuls présents dans ce

 18   territoire. Il n'y avait pas de civils là-bas. La ville était déserte. Qui

 19   aurait-on pu diriger dans une ville déserte ?

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Au recensement de 1991, la ville de Stolac -- je dis

 21   la ville, je ne parle pas de la municipalité, il y avait plus de 5 000

 22   habitants. Quand vous rentrez dans Stolac, il n'y a plus de civils

 23   musulmans. Est-ce qu'à ce moment-là, des Croates du HVO vous auraient dit :

 24   Il ne faut pas qu'ils reviennent, les Musulmans, il n'y a qu'à mettre une

 25   municipalité uniquement avec des Croates et constituer une brigade croate.

 26   Est-ce qu'on vous a tenu ce discours ou on ne vous a rien dit et c'est vous

 27   tout seul qui avez décidé de constituer ces deux bataillons, l'un croate,

 28   l'autre musulman ?

Page 46602

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si quelqu'un m'avait

  2   dit cela avant ou à ce moment-là, il est tout à fait clair que je n'aurais

  3   pas exécuté l'ordre ou la suggestion en question parce que ce que j'ai fait

  4   là-bas, je suis obligé maintenant de mettre l'accent sur ce que j'ai fait,

  5   je n'ai pas créé un bataillon croate d'un côté, un bataillon musulman de

  6   l'autre. Ce que j'ai créé, c'était une armée conjointe et ces bataillons,

  7   les deux bataillons étaient constitués à raison de 50 % dans la hiérarchie

  8   pyramidale qui est celle d'une armée normale, c'est-à-dire groupe,

  9   compagnie, section et bataillon. A tous ces niveaux hiérarchiques, les

 10   effectifs étaient composés à 50 % de Musulmans, à 50 % de Croates. Le

 11   commandement, je l'ai appelé commandement du secteur de Stolac, il a reçu

 12   un nom.

 13   Et puis, encore un point qu'il faut que je mette en exergue. A ce

 14   moment-là, j'ai déjà parlé de la tentative que j'avais faite de créer les

 15   choses conjointement avec l'ABiH, ma proposition a été bien comprise, mais

 16   la tentative a échoué, les gens qui étaient concernés par cette première

 17   tentative infructueuse ont eux aussi été intégrés dans ces bataillons de

 18   Stolac.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : A votre niveau, qu'avez-vous fait pour faire

 20   revenir la population musulmane qui était partie en bus. Est-ce que vous

 21   avez demandé à ce qu'ils reviennent ? Qu'est-ce que vous avez fait ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Dès que les combats se sont calmés, j'ai

 23   demandé à ce qu'une cellule de Crise soit mise en place car c'était

 24   l'expression qui était la plus facile d'utiliser dans les circonstances de

 25   l'époque, étant donné que les gens, en entendant cette expression, savaient

 26   exactement ce qu'elle voulait dire et quelles seraient leurs attributions.

 27   J'ai demandé la mise en place d'une cellule de Crise et la communauté

 28   ethnique croate, d'une part, la communauté bosnienne, d'autre part, dans ce

Page 46603

  1   territoire, ont accepté la proposition avec composition numérique

  2   proportionnelle à 50 % pour chacune des deux communautés.

  3   C'est ce qui a été fait et très rapidement, c'est cette cellule de

  4   Crise qui a pris en main le pouvoir civil, qui a organisé le retour des

  5   civils, qui a organisé la protection des biens immobiliers, les transports,

  6   réglé les problèmes sanitaires, réglé les problèmes de santé et fait

  7   revenir la vie quotidienne à une situation relativement normale.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- à propos, vous avez dit tout à

  9   l'heure que vous aviez capturé des Serbes. Qu'est-ce qu'ils sont devenus

 10   ces Serbes ? Vous les avez mis en prison ? Ils ont été échangés ? Qu'est-ce

 11   qu'ils sont devenus ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Mon obligation en tant que commandant

 13   consistait à remettre les prisonniers entre les mains de la police

 14   militaire et une fois que ceci avait été fait, mes obligations n'allaient

 15   pas plus loin. Je ne peux vraiment pas vous dire quel a été leur sort par

 16   la suite. Je ne le sais vraiment pas.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous les avez remis dans les mains de la police

 18   militaire. La police militaire du HVO ou la police militaire de l'armée

 19   croate ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agissait de la

 21   police militaire de l'armée de Croatie parce que le HVO, à ce moment-là,

 22   dans ce territoire n'avait pas une police militaire active.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Les hommes politiques croates dans la cellule de

 24   Crise, est-ce qu'ils étaient réticents de voir des Musulmans avec eux ou

 25   ils étaient très contents et ils trouvaient ça normal qu'il y ait 50 % d'un

 26   côté, 50 % de l'autre ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Les gens qui avaient été pris en compte pour

 28   faire partie de cette cellule de Crise avaient tous une personnalité telle

Page 46604

  1   qu'on estimait qu'ils allaient accepter. Mais par ailleurs, il s'agissait

  2   de personnes qui avaient une certaine autorité sur la population locale.

  3   J'insiste que du côté musulman également, il y avait tout l'éventail des

  4   façons de voir et des points de vue, mais là encore les personnes qui

  5   étaient recherchées pour la cellule de Crise étaient les personnes qui

  6   pourraient avoir de la compréhension par rapport à cette proposition. A

  7   l'issue de la réunion dont nous avons parlé, ma conclusion consistait à

  8   penser que nous avions fait du bon travail, que les personnes choisies pour

  9   la cellule de Crise étaient les meilleures possibles et que cette

 10   initiative avait de bonnes chances de bien fonctionner.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation]

 12   Q.  Dites, Mon Général, selon ce que vous savez, est-ce qu'à ce moment-là

 13   les réfugiés croates et musulmans de Stolac sont revenus à Stolac ou pas ?

 14   R.  Oui. Pendant la durée de mon séjour là-bas, une dizaine de jours plus

 15   tard, à un ou deux jours près, j'ai commencé à voir arriver les premiers

 16   groupes assez importants sur le plan numérique, composés de civils revenant

 17   à Stolac et dans les localités environnantes. Lorsque je dis groupes, je

 18   parle de groupes composés aussi bien de Musulmans que de Croates;

 19   d'ailleurs les Musulmans qui sont revenus étaient mêmes plus nombreux que

 20   les Croates car ils étaient partis plus tard et n'avaient pas réussi à

 21   trouver leur place en Croatie, alors que les Croates étaient émigrés depuis

 22   plus longtemps et pour toutes sortes de raisons, il leur a fallu un peu

 23   plus longtemps pour se décider à revenir.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, on va passer à huis clos parce

 25   que je dois dire quelque chose.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, nous sommes

 27   actuellement à huis clos partiel.

 28   [Audience à huis clos partiel]

Page 46605

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12   [Audience publique]

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic.

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

 15   simplement dire que je me suis comportée comme nous l'avons toujours fait

 16   lorsque nous souhaitions citer le nom d'un témoin protégé, c'est-à-dire

 17   demander un huis clos partiel, et nous pouvons prononcer aussi bien le

 18   prénom que le nom de famille. Mais si nous tenions à rester en audience

 19   publique, alors nous ne prononcions que les initiales des prénoms et noms.

 20   Voilà. Si j'ai fait une erreur, j'en suis désolée.

 21   Q.  Nous étions en train de parler du retour de réfugiés. Vous nous avez

 22   dit que les Musulmans étaient rentrés en plus grand nombre que les Croates,

 23   et arrive maintenant ma question suivante.

 24   Est-ce que dans cette période vous avez jamais pensé que qui que ce soit,

 25   je veux parler de membres de l'armée croate ou de la cellule de Crise,

 26   aurait pu prendre quelque initiative que ce soit pour empêcher le retour de

 27   tous les réfugiés qui souhaitaient rentrer ?

 28   R.  Non. Ce genre de réflexion ou ce genre d'action, je n'en ai pas été

Page 46606

  1   témoin. Les retours dont je parlais se sont déroulés dans une dynamique

  2   déterminée et qui dépendait avant tout de la décision prise par ces

  3   personnes de rentrer, mais il n'y a pas eu quelque réflexion négative par

  4   rapport au retour de toutes ces personnes.

  5   Q.  Très bien. Reparlons maintenant de la réunion que nous évoquions tout à

  6   l'heure pendant laquelle vous avez déclaré que le général Petkovic, qui

  7   n'était pas encore général à l'époque, avait prononcé une allocution.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] A cette fin, j'aimerais que nous nous

  9   penchions sur la pièce P 279.

 10   Q.  Ce document, Général, nous a été présenté comme un discours d'ouverture

 11   prononcé par le général Petkovic. Nous ne savons pas à quelle réunion

 12   exactement, et nous ne savons pas si les mots qui sont écrits noir sur

 13   blanc dans ce document auront été prononcés à haute voix à quelque moment

 14   que ce soit. C'est la raison, Général, pour laquelle je vous interroge au

 15   sujet de vos souvenirs. Est-ce qu'à la réunion dont vous parliez tout à

 16   l'heure le général Petkovic a lu ce discours ou pas ?

 17   R.  Le général Petkovic s'est exprimé, et il a parlé en regardant le

 18   public. D'après moi, il a parlé en cherchant ses mots dans son âme. Il a

 19   parlé à cœur complètement ouvert et a dit ce que je pensais moi-même, à

 20   savoir que sur ce territoire de Bosnie-Herzégovine où j'étais avec mon

 21   unité de l'armée croate, les problèmes qu'il a décrits, les problèmes

 22   auxquels lui-même a été confronté, dont il a parlé pendant cette

 23   allocution, moi, j'avais vécu les mêmes.

 24   Q.  Général Beneta, à cette réunion qui s'est tenue en juin 1992, était-il

 25   clairement établi qui était l'ennemi, est-ce que c'était une chose

 26   clairement comprise ?

 27   R.  Oui, c'était clair.

 28   Q.  Qui était l'ennemi ?

Page 46607

  1   R.  L'ennemi, c'était l'armée populaire yougoslave ainsi que les forces

  2   armées de la Republika Srpska.

  3   Q.  Dites-nous, Général --

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Puis-je poser une question, s'il

  5   vous plaît, surtout en ce qui concerne ceci.

  6   M. Petkovic énonce les tâches en quatre points. Le premier point

  7   consiste à placer sous le contrôle les zones restantes des municipalités

  8   croates, et au point 4, d'établir le contrôle croate sur toutes les

  9   municipalités.

 10   Je ne vois pas en quoi ceci ait un lien avec l'ennemi serbe. Est-ce

 11   que cela ne semble pas indiquer qu'il y avait un problème également avec

 12   les Musulmans, les non-Croates de façon générale ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais pas d'où vous

 14   tirez cette conclusion quand on dit, comme cela figure dans ce texte :

 15   "Mettre sous son contrôle les territoires restants dans les

 16   municipalités croates."

 17   A l'époque comme aujourd'hui, encore j'ai compris cette phrase comme

 18   désignant les zones habitées par des Croates en pourcentage absolument

 19   important. Je ne pense pas que ce qu'il avait à l'esprit c'était de parler

 20   d'une majorité absolue de Croates dirigés contre autrui.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation]

 23   Q.  Général, en ce moment une question qui est importante pour nous est la

 24   suivante : ce qui est écrit dans ce document a-t-il été prononcé à haute

 25   voix lors de cette réunion ? C'est la question que je vous pose. Mais si

 26   j'ai bien compris ce que vous avez dit tout à l'heure, le général Petkovic

 27   n'a pas lu un texte lorsqu'il s'est exprimé à cette réunion. Il a regardé

 28   le public et a parlé, a dit certaines choses, si je vous ai bien compris.

Page 46608

  1   Vous ai-je bien compris ?

  2   R.  Oui. Je ne peux pas vous dire quel est le pourcentage de ce qui est

  3   écrit ici qui a été prononcé, mais ce que je peux vous dire c'est qu'il a

  4   parlé les yeux fixés sur nous, et qu'à plusieurs reprises j'ai même hoché

  5   du chef car j'avais l'impression qu'il devinait mes pensées au moment où il

  6   parlait. Maintenant, ce qu'il a dit est-ce que ça correspond, oui ou non,

  7   au texte que nous avons ici, je ne saurais pas répondre à cette question.

  8   Q.  Général, est-ce que de façon implicite ou explicite, ou de quelque

  9   façon que ce soit, il a été suggéré à cette réunion que les Musulmans

 10   étaient aussi les ennemis des Croates ou que les Musulmans pourraient

 11   devenir un jour les ennemis des Croates ?

 12   R.  Non. Ceci n'a pas été prononcé lors de cette réunion. Si tel avait été

 13   le cas, ceci serait allé à l'encontre de la situation sur le terrain, car

 14   justement ces jours-ci j'avais formé les forces conjointes des Musulmans et

 15   des Croates à Stolac.

 16   Q.  Général, dites-nous, s'il vous plaît, à qui avez-vous remis vos

 17   obligations militaires à Stolac avant votre départ ?

 18   R.  Pour ce qui est du secteur Stolac avec sa zone de responsabilité et les

 19   forces qui défendent cette zone, je l'ai remis à la 1ère Brigade du HVO.

 20   Q.  Bien, Général. Notre témoin suivant enchaînera sur ce sujet concernant

 21   Stolac, et maintenant nous allons passer au dernier sujet, opération Sud.

 22   C'est le dernier sujet.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Général, je reste sur ce document où le 26 juin 1992

 24   - c'est donc avant la prise de Stolac par vous-même - le général Petkovic

 25   fait, semble-t-il, un discours.

 26   Dans ce document, à aucun moment il est indiqué que l'ennemi, ce sont

 27   les Musulmans. En revanche, il y a une phrase un peu troublante.

 28   C'est le point 4 où il dit qu'il faut établir la règle croate sur les

Page 46609

  1   municipalités, les municipalités qui ne sont pas sous le contrôle du HVO, à

  2   savoir Mostar et Stolac.

  3   Alors, qu'est-ce que ça veut dire d'établir la règle croate sur ces

  4   municipalités ? Qu'est-ce qu'il avait en ligne de mire ou dans l'esprit en

  5   disant cela ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais

  7   quelles sont les phrases auxquelles vous faites référence ?

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Aux paragraphes 1, 2, 3, 4, regardez au paragraphe

  9   4, il y a après 1, 2, 3, 4. Moi c'est le 4.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Le point où il est dit :

 11   "Etablir l'autorité croate dans toutes les municipalités."

 12   Ceci se déroulait dans la pratique, conformément à la manière que

 13   j'ai déjà expliquée, c'est-à-dire ceci a eu lieu une semaine après que ceci

 14   a été formulé. Le 1er juillet, un état-major conjoint des Croates et des

 15   Musulmans a été créé à Stolac, et ceci a eu lieu, entre autres, sur mon

 16   initiative. Moi, à l'époque, je comprenais ces mots comme l'établissement

 17   de l'autorité. Et cette autorité à Stolac s'appuyait dans tous les segments

 18   de son fonctionnement à la République de Croatie, non pas parce que ceci

 19   aurait été une décision politique, mais car il n'y avait pas d'autres

 20   moyens. C'était les seules voies de passage des camions transportant les

 21   médicaments, les vivres ou quoi que ce soit d'autre dont la population

 22   avait besoin. Donc, c'est ainsi que j'ai compris ces phrases-là et c'est

 23   ainsi que je les ai mises en œuvre sur le terrain. Et à mon avis, je ne me

 24   suis pas trompé en ce qui concerne l'interprétation de ce texte.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Merci.

 26   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui est de

 27   ce document, je souhaite simplement que l'on constate pour le compte rendu

 28   d'audience que l'Accusation n'a pas versé une seule preuve indiquant que

Page 46610

  1   cette allocution d'introduction qui figure dans ce document aurait jamais

  2   été prononcée lors d'une quelconque rencontre. Et le général Petkovic, qui

  3   a signé le document, peut certainement expliquer la signification de toutes

  4   les parties de ce texte, suite à vos questions.

  5   Q.  Maintenant nous allons passer à l'opération Sud. Dites-nous tout

  6   d'abord à quel moment cette opération a eu lieu ?

  7   R.  L'opération Sud a eu lieu à la mi-juillet 1993.

  8   Q.  Dites-nous, s'agissait-il réellement d'une opération conformément à ce

  9   qui a été défini dans le cadre de la doctrine de la JNA, car nous avons

 10   entendu dire qu'il y avait une différence entre cette opération-là et

 11   l'opération selon les critères de l'OTAN ?

 12   R.  Oui, il existe de telles différences, et ces actions ne peuvent pas

 13   être considérées comme une opération selon la doctrine qui était en place

 14   déjà à l'époque, mais plutôt comme une bataille puisqu'un petit nombre de

 15   forces y a participé. Donc d'après la définition en vigueur à l'époque

 16   concernant l'opération, il ne s'agissait pas d'une opération mais d'une

 17   bataille seulement.

 18   Q.  Dites-nous, Général, où étiez-vous à ce moment-là en juillet 1993 ?

 19   R.  A partir du mois de mars de cette année-là, j'ai été transféré au

 20   commandement de la Région militaire de Split, et à l'époque, j'exerçais les

 21   fonctions du chef de la défense antiaérienne au sein de ce commandement. Et

 22   tous les jours, j'étais actif dans le cadre de la défense du pont suspendu

 23   près de Zadar, car ce pont constituait le seul lien entre le sud et le nord

 24   de la Croatie à l'époque.

 25   Q.  Dites-nous, Général, qui vous a engagé dans le cadre de l'opération Sud

 26   ?

 27   R.  C'était M. Dzanko qui m'a demandé d'y aller avec lui. A l'époque, il

 28   avait le grade du colonel au sein de l'armée croate et il était l'adjoint

Page 46611

  1   du commandant de la région militaire.

  2   Q.  Nous n'avons pas le verbe dans le compte rendu d'audience. Qu'est-ce

  3   qu'il a fait, M. Dzanko, il vous a demandé, il vous a ordonné de participer

  4   ?

  5   R.  Il m'a ordonné de participer.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez répéter votre réponse, Général ? 

  7   R.  Le colonel Dzanko est venu à mon poste d'observation et il m'a demandé

  8   si j'étais prêt à aller avec lui dans la région de l'Herzégovine du sud-

  9   est, car une opération allait avoir lieu là-bas. J'aurais pu refuser ou

 10   bien accepter d'y aller avec lui. Je l'ai accepté.

 11   Q.  Nous avons répété cela, car d'après le compte rendu d'audience, "Dzanko

 12   vous a ordonné de se faire."

 13   Et si vous aviez refusé d'exécuter cet ordre, est-ce que vous auriez

 14   subi des conséquences nuisibles ?

 15   R.  Non, je n'aurais pas subi de conséquences nuisibles si j'avais refusé à

 16   exécuter cet ordre.

 17   Q.  Dites-nous, qui avait défini votre mission dans le cadre de ces

 18   opérations ?

 19   R.  Ma mission était définie par M. Dzanko lors d'une action de

 20   reconnaissance que nous avons menée à bien dans la région dans laquelle

 21   l'opération allait se dérouler.

 22   Q.  Dites-nous, s'il vous plaît, de quelle manière est-ce que Dzanko avait

 23   défini votre mission ?

 24   R.  Dans l'introduction, lorsqu'il m'a exposé la situation sur le plan

 25   militaire, il m'a dit que les forces musulmanes se préparaient pour une

 26   attaque dans la direction de la vallée de Neretva. Là, il est question de

 27   la delta de la Neretva. Donc c'est un territoire croate où l'on sort au

 28   niveau de Ploce, une ville qui se trouve à la côte. Il a dit qu'il fallait

Page 46612

  1   planifier une opération offensive dans laquelle allaient participer la 1ere

  2   et la 3e Brigade du HVO dans cette région au sud de Mostar.

  3   Q.  Dites-nous, est-ce qu'une partie de l'unité spéciale du HVO Ludvig

  4   Pavlovic était censée participer à cette opération ?

  5   R.  Oui, cette unité-là aussi était censée y participer.

  6   Q.  Dites-nous, quelle était la région qu'il fallait libérer par le biais

  7   de cette action ?

  8   R.  D'après les termes de la mission, il fallait faire en sorte que

  9   l'espace allant de la banlieue sud de Mostar jusqu'à Buna, partie contrôlée

 10   par les forces musulmanes, soit coupé. Et ainsi il fallait couper les

 11   forces qui étaient plus au sud, dans cette même région, dans la région de

 12   Blagaj, ainsi les forçant à se rendre.

 13   Q.  Général, d'après les plans, à quel moment est-ce que l'opération était

 14   censée commencer ?

 15   R.  Elle était censée commencer le 13 juillet.

 16   Q.  Et l'opération a-t-elle commencé ce jour-là ?

 17   R.  Non, elle n'a pas commencé, car au cours de la nuit du 12 au 13, donc

 18   la nuit à la veille de l'opération qui avait été planifiée pour l'aube du

 19   13, il s'est passé la chose suivante : des forces importantes des membres

 20   de l'ABiH sont passées à travers les positions de déploiement de la 1ere et

 21   de la 3e Brigade du HVO et ils ont attaqué leur --

 22   Q.  Excusez-moi, Général. Veuillez répéter la partie où vous avez dit que

 23   les forces de l'ABiH avaient effectué une percée à travers ?

 24   R.  Enfin, pas une percée, mais ils s'étaient infiltrés sans combat en

 25   profitant de la nuit. Elles ont traversé les lignes de déploiement des

 26   défenseurs à l'insu des défenseurs.

 27   Q.  Lorsque vous dites "les défenseurs", vous parlez de qui ?

 28   R.  Je parle des forces de la 1ere et de la 3e Brigade du HVO.

Page 46613

  1   Q.  Bien. Donc ces forces se sont infiltrées. Que s'est-il passé ensuite ?

  2   R.  Des combats ont éclaté en arrière de ces brigades, et il y a eu des

  3   morts et des blessés des deux côtés. Ceci a duré cette nuit-là, le

  4   lendemain et la nuit d'après. C'est seulement le lendemain que l'on a pu

  5   avoir les premiers rapports et procéder aux premières analyses. Du point de

  6   vue militaire, la situation était extrêmement complexe.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, mes questions

  8   suivantes portent sur les dépositions des témoins de l'Accusation

  9   concernant ces actions de sabotage, puis je présenterai quelques documents

 10   à ce sujet. Tout ceci fait partie d'un ensemble. Il est vrai qu'il est 6

 11   heures 50, mais je pense qu'avec votre permission, il serait plus judicieux

 12   d'aborder ce sujet demain. Merci.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors au point de vue du temps, il doit vous

 14   rester une demi-heure, quelque chose comme cela. Le greffier va vérifier

 15   puisque vous aviez trois heures au départ. J'ai dit il doit rester une

 16   demi-heure, pas 13 minutes.

 17   Monsieur le Témoin, comme vous le savez, vous reviendrez demain matin,

 18   parce que nous sommes d'audience le matin. Donc vous serez là pour

 19   l'audience qui débutera à 9 heures du matin, prenez note de cela.

 20   Bien, Maître Alaburic, le greffier me dit que vous avez utilisé deux heures

 21   et 24 minutes, donc il vous reste 36 minutes. C'est que j'avais dit.

 22   Sur ce, je souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée et à demain

 23   matin.

 24   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 10 novembre

 25   2009, à 9 heures 00.

 26  

 27  

 28