Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 16 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  8   Bonjour à tous dans le prétoire.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, Le Procureur contre Prlic et

 10   consorts.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   En ce lundi, 16 novembre 2009, je salue en premier tous les accusés.

 13   Je salue Mmes et MM. les avocats. Je salue les membres éminents du bureau

 14   du Procureur, et je salue toutes les personnes qui nous assistent.

 15   Je vais d'abord donner la parole à M. le Greffier qui a plusieurs numéros

 16   IC à nous donner.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je vous remercie.

 18   L'équipe 4D a soumis ses objections à la liste de documents présentés

 19   par l'Accusation par le truchement du témoin Milan Gorjanc, et cette liste

 20   recevra la cote IC 1104. L'équipe 4D a aussi présenté sa réponse aux

 21   objections de l'Accusation concernant sa liste de documents présentés par

 22   le truchement de Milan Gorjanc et cette liste recevra la cote IC 1105.

 23   Un certain nombre de parties ont soumis plusieurs listes des documents

 24   devant être présentés par le truchement du témoin Beneta. La liste de

 25   l'équipe 4D recevra la cote IC 1106. La liste 3D recevra la cote IC 1107,

 26   et la liste présentée par l'Accusation recevra la cote IC 1108.

 27   Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. La Chambre voudrait

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  1   demander l'avis de l'Accusation sur la demande d'ajout formée in extremis

  2   par la Défense Petkovic qui a reçu un document du témoin lors du

  3   "proofing". Il s'agit d'un rapport adressé, au mois de mai, au président de

  4   la Communauté croate de l'Herceg-Bosna. C'est un rapport conjoint du

  5   président de la municipalité de Stolac, M. Andjelko Markovic et du

  6   commandant de la brigade de Stolac, Bozo Pavlovic. Ce document qui,

  7   apparemment, est pertinent puisque c'est un rapport sur les relations entre

  8   les Musulmans et les Croates à Stolac, document qui a été remis il y a

  9   quelques heures à la Défense du général Petkovic.

 10   Y a-t-il de la part de l'Accusation une objection à l'ajout de cette pièce

 11   ?

 12   M. KRUGER : [interprétation] Merci. Bonjour à tous dans ce prétoire.

 13   L'Accusation n'a aucune objection à soulever à propos de l'ajout de ce

 14   document.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre ajoute ce document à la liste 65

 16   ter.

 17   Nous allons introduire le témoin.

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur.

 20   Pouvez-vous me donner votre nom, prénom, et date de naissance, s'il

 21   vous plaît.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Bozo Pavlovic, né le 24 octobre 1966,

 23   à Stolac.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre profession ou qualité actuelle ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis colonel à la retraite.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Mon Colonel, déjà témoigné devant un

 27   tribunal, ou c'est la première fois que vous témoignez ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que je témoigne

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  1   aujourd'hui.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   LE TÉMOIN : BOZO PAVLOVIC [Assermenté]

  6   [Le témoin répond par l'interprète]

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci. Vous pouvez vous asseoir.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce que je vais vous dire, je pense que Me

 10   Alaburic vous l'a déjà dit.

 11   Vous allez répondre à des questions que Me Alaburic va vous poser.

 12   Elle vous présentera également des documents qui sont dans un classeur que

 13   vous devez avoir, et vous verrez les documents également s'afficher devant

 14   l'écran qui est devant vous. A l'issue de cette phase, les autres avocats

 15   qui représentent les autres accusés pourront aussi vous poser des

 16   questions, s'ils le jugent utile, et M. le Procureur qui est à votre

 17   droite, qui est M. Kruger, procèdera à votre contre-interrogatoire

 18   certainement. Les quatre Juges qui sont devant vous vous poseront également

 19   des questions à partir des documents.

 20   Essayez d'être précis dans les réponses que vous donnerez aux questions

 21   posées. Si vous ne comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à

 22   demander à celui qui pose la question de la reformuler.

 23   Je tiens également à appeler votre attention sur le fait que lorsqu'un Juge

 24   vous pose une question ou vous avez le sentiment que le Juge vous pose une

 25   question, vous avez toute liberté pour répondre comme vous voulez à la

 26   question posée par le Juge. Ne vous sentez pas lié par le fait que c'est un

 27   Juge qui vous pose la question. Le Juge vous pose une question pour

 28   élucider certains points, pour avoir confirmation d'autres points, et

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  1   cetera. Si vous estimez que dans la question posée par le Juge, il y a une

  2   erreur, n'hésitez pas à le dire, et vous avez toute liberté pour répondre à

  3   la question du Juge.

  4   Voilà ce que je voulais vous dire pour que ça se passe le mieux possible.

  5   Par ailleurs, vous avez prêté serment tout à l'heure, ce qui veut dire que

  6   maintenant vous êtes le témoin de la justice et vous n'aurez plus aucun

  7   contact avec la Défense du général Petkovic pendant les jours qui vont

  8   suivre.

  9   De ce fait, je vous invite également à ne pas rendre compte de ce qui se

 10   passe à l'intérieur de la salle d'audience, notamment aux médias, si un

 11   journaliste voulait avoir votre sentiment, puisque maintenant vous êtes

 12   sous serment et votre témoignage, ce sera quand nous aurons fini. Voilà ce

 13   que je voulais vous dire.

 14   Sur ce, Maître Alaburic, je vous salue à nouveau et je vous donne la

 15   parole.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour à

 17   vous. Bonjour, chers confrères, bonjour, Monsieur le Procureur, et bonjour

 18   à mes consoeurs et confrères de la Défense, bonjour, Monsieur le Témoin et

 19   toutes les personnes qui sont avec nous aujourd'hui dans le prétoire.

 20   Interrogatoire principal par Mme Alaburic :

 21   Q.  [interprétation] Monsieur Pavlovic, nous allons très brièvement

 22   examiner certaines des données issues de votre parcours personnel afin de

 23   compléter les informations dont dispose la Chambre au sujet de votre

 24   formation et de votre carrière. Vous nous avez dit quand et où vous êtes

 25   né. Par conséquent, nous pouvons passer maintenant à votre parcours

 26   scolaire.

 27   Je vais donner lecture de certaines informations à ce sujet. Ecoutez-moi

 28   attentivement et s'il y a la moindre inexactitude, veuillez me corriger.

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  1   S'il n'y en a pas, veuillez confirmer.

  2   Votre parcours scolaire, vous avez achevé vos études secondaires à Stolac,

  3   spécialisation en mécanique. Après quoi, vous vous êtes spécialisé pour

  4   devenir technicien en système d'armes aéronautiques, suite à quoi vous avez

  5   achevé l'école d'officiers, une école d'officiers de Zagreb où vous avez

  6   atteint le niveau du bataillon, et vous avez ensuite achevé également vos

  7   études dans une école de commandement à Zagreb, n'est-ce pas ?

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   Q.  Alors, votre carrière se décline ensuite comme suit : Vous avez été

 10   employé par la JNA pendant trois ans, vous aviez le grade de caporal. Vous

 11   étiez, à l'époque, technicien au sein d'une escadrille des forces

 12   aériennes. Vous avez été cantonné pendant deux ans à Zadar, puis ensuite,

 13   un an à Mostar. Au mois de septembre 1991, vous partez, vous quittez la JNA

 14   et ensuite, jusqu'au mois d'avril 1992, vous possédez votre propre

 15   entreprise artisanale et vous participez aux préparatifs visant à assurer

 16   la défense de la Bosnie-Herzégovine. En avril 1992, vous rejoignez le

 17   quartier général du HVO de la municipalité de Mostar, et vous participez à

 18   la libération de Mostar des forces conjointes de la JNA et de l'armée de la

 19   Republika Srpska.

 20   Vous arrivez ensuite à Stolac à la date du 1er juillet 1992, en qualité de

 21   commandant du quartier général municipal du HVO et ultérieurement, cette

 22   structure deviendra un poste de commandement avancé. Vous y restez jusqu'au

 23   3 juillet 1993. Jusqu'à la date du 20 juillet 1993, vous intervenez dans la

 24   zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est, et à cette date que je

 25   viens de citer, vous êtes nommé commandant de la 3e Brigade du HVO. Vous

 26   restez à ce poste jusqu'au 4 octobre 1993, date à laquelle un nouveau

 27   commandant est nommé pour cette même 3e Brigade, vous effectuez la

 28   passation de pouvoir dix jours plus tard, le 14 octobre.

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  1   Au sein de ce quartier général de la 3e Brigade du HVO, vous êtes présent

  2   jusqu'au mois de juin 1994, moment auquel vous quittez cette structure afin

  3   d'aller vous former à Zagreb. Vous revenez ensuite au mois de janvier 1995,

  4   vous revenez au sein du district militaire de Mostar où vous restez

  5   jusqu'au mois de février 1996. A ce moment-là, vous partez pour aller

  6   travailler à Sarajevo, et ce, au sein du ministère de la Défense de la

  7   Fédération de Bosnie-Herzégovine; vous y travaillez jusqu'au mois de mars

  8   2001. Et en mars 2001, vous quittez le ministère pour revenir à vos

  9   affaires privées, et vous partez à la retraite au mois de décembre 2006

 10   avec le grade de colonel des forces armées de la Bosnie-Herzégovine.

 11   Alors, Monsieur Pavlovic, est-ce que ces informations dont je viens de

 12   donner lecture sont exactes ?

 13   R.  Oui, absolument.

 14   Q.  Compte tenu du fait que vous avez été employé par le ministère de la

 15   Défense de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, je voudrais que vous

 16   puissiez nous dire en quoi consistaient les forces armées de cette

 17   fédération à l'époque où vous travailliez au ministère ?

 18   R.  Les forces armées de la Fédération de Bosnie-Herzégovine étaient

 19   constituées de deux composantes; d'une part le HVO, et d'autre part l'ABiH.

 20   Q.  Merci. Alors, le premier sujet sur lequel nous allons nous pencher est

 21   la situation prévalant à Stolac à partir du moment de votre arrivée et

 22   jusqu'à approximativement le printemps 1993 --

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite question de suivi.

 24   Vous êtes parti à la retraite en décembre 2006 avec le grade de

 25   colonel des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. Pouvez-vous me dire,

 26   dans le calcul de votre pension militaire, est-ce qu'on a pris en compte le

 27   temps que vous avez passé dans le HVO pendant les années 1993, 1994 ? Est-

 28   ce que le temps que vous avez passé dans le HVO a été pris en compte comme

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  1   durée de votre service militaire ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

  4   M. KARNAVAS : [interprétation] Nous n'avons pas la traduction de la

  5   réponse.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Il a dit "Da", il n'y a pas la -- en anglais, "yes".

  8   Bien. Merci.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation]

 10   Q.  Je vais maintenant poser une question supplémentaire, Monsieur le

 11   Témoin. Le Président vous a posé une question concernant votre intervention

 12   au sein du HVO en 1993 et 1994. Mais a-t-on reconnu également votre année

 13   passée au HVO en 1992 ?

 14   R.  Oui, et cela a compté double.

 15   Q.  Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit lorsque vous dites que

 16   cela a compté double ?

 17   R.  Si j'ai bien compris, lorsque cette décision a été prise me concernant,

 18   tout le temps que j'ai passé d'abord au sein du HVO et ensuite au sein des

 19   forces armées de la Fédération a été pris en compte. Donc, au sein du HVO

 20   c'était jusqu'à la signature des accords de Dayton, et cette durée de

 21   service comptait double.

 22   Q.  Est-ce que la même règle valait également pour les soldats et officiers

 23   de l'ABiH ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Très bien. Alors, nous avons examiné la loi qui stipule cela, nous

 26   avons pu l'examiner dans ce prétoire, si bien que cela vient étayer ce que

 27   vous dites. Alors, revenons à Stolac en 1992, et veuillez ouvrir le premier

 28   jeu de documents qui se trouve face à vous, s'il vous plaît. Le premier

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  1   d'entre eux porte le numéro 4D01483. Je corrige le numéro. 4D01483.

  2   Il s'agit d'une carte, Monsieur le Témoin, carte qui a été préparée et

  3   tracée par notre expert militaire. Cette carte montre les plans

  4   d'intervention qui étaient ceux de la JNA dans certaines parties de la

  5   Bosnie-Herzégovine et de la Croatie. Ces plans ont été élaborés au mois de

  6   mai 1991. Alors, pouvez-vous nous dire si vous aviez quelque connaissance

  7   que ce soit concernant l'existence de tels plans de la JNA à l'époque, donc

  8   en 1991 ?

  9   R.  Oui, je disposais d'éléments. Les éléments dont je disposais

 10   correspondaient à ce que nous voyons ici, parce qu'on voit ici clairement

 11   les axes selon lesquels ils comptaient opérer une percée. Je parle de la

 12   JNA et des forces serbes. Ces dernières avaient pour mission d'opérer une

 13   percée jusqu'à l'Adriatique et, ce faisant, de couper la partie sud de la

 14   République de Croatie, notamment Dubrovnik, du reste. Elles avaient

 15   également pour mission d'occuper certaines parties de la Bosnie-

 16   Herzégovine. Je me suis trouvé sur le territoire de Mostar, et pour ce qui

 17   est des actes qui ont été commis à l'époque par la VRS, soutenue par

 18   certaines unités de la JNA, je dirais que cela correspond plus ou moins aux

 19   axes d'attaque qui figurent sur cette carte.

 20   Q.  Quand vous dites "à l'époque", Monsieur Pavlovic, est-ce que vous vous

 21   référez à l'année 1991, ou bien pensez-vous à une autre année ?

 22   R.  Je me réfère à 1991 et au début 1992.

 23   Q.  Alors, si vous essayez de vous remémorer les événements du début du

 24   printemps 1991, est-ce que vous pourriez nous dire si vous avez quelque

 25   élément que ce soit de connaissance concernant les activités des forces

 26   serbes de Bosnie en direction de Kupres, de Livno, et en ce qui concerne

 27   également la partie qui s'étendait au nord de là où vous vous trouviez ?

 28   R.  Oui. Dans la zone de Kupres se trouvait déployé le gros des forces

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  1   serbes. Ces dernières disposaient d'unités blindées puissantes, ainsi que

  2   d'unités d'infanterie, et étaient soutenues par leur aviation. Ces éléments

  3   d'efforçaient d'opérer une percée en direction de Split. A Kupres, des

  4   forces étaient également déployées, qui étaient arrivées en provenance de

  5   Mostar, si bien que nous avons tous pu les voir au moment où elles

  6   traversaient, elles passaient en longues colonnes.

  7   Q.  Si jamais les Serbes --

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La dernière réponse que vous avez

  9   telle qu'elle est au compte rendu en anglais est peut-être erronée, car en

 10   effet, il est écrit qu'il y avait un grand nombre de forces à Kupres, et

 11   elles sont arrivées là-bas en venant de Mostar. Or, lorsque je regarde la

 12   carte, ça me paraît très improbable.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, ces forces sont arrivées

 14   également en provenance de Mostar. Entre autres, à l'automne 1991 une unité

 15   a été arrêtée sur l'axe Mostar-Siroki Brijeg dans la localité de Polak.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je comprends bien, mais lorsque l'on

 17   lit la phrase, on a l'impression qu'elles sont arrivées à Mostar en venant

 18   de Kupres. Mais vous êtes en train de dire en fait que depuis Mostar, elles

 19   sont allées vers la mer; c'est cela ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces forces sont arrivées de différentes

 21   directions, y compris de Mostar, pour se rendre à Kupres. C'est ce que je

 22   voulais dire. D'autres unités ont attaqué en direction de la mer, dans les

 23   zones situées au sud de Mostar.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien, je vous remercie.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, si vous le souhaitez,

 26   peut-être pourrions-nous essayer d'utiliser la carte qui s'affiche à

 27   l'écran afin de préciser ces mouvements des forces de la JNA dont parle le

 28   témoin, parce que ce dernier a évoqué certains mouvements qui ont eu lieu à

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  1   la fin de 1991, d'autres qui ont eu lieu au printemps de 1992, et peut-être

  2   y a-t-il ici une certaine confusion. Toutefois, si vous souhaitez que l'on

  3   précise cela, peut-être que le témoin peut nous montrer quels mouvements

  4   ont eu lieu fin 1991 et quels sont les mouvements qui ont eu lieu au

  5   printemps 1992 à Kupres, à Livno et vers Split.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il est vrai que sur cette carte,

  7   nous voyons la situation en mai 1991, et je ne pense pas que l'on puisse

  8   l'utiliser pour poser des questions à propos des événements ultérieurs.

  9   Vous n'avez qu'à continuer votre interrogatoire.

 10   Je m'excuse de vous avoir interrompu.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Juge.

 12   Q.  Alors, la question que je souhaitais poser ensuite était la suivante.

 13   Est-ce que les événements sur le terrain au début du printemps 1992

 14   correspondaient précisément à ce que nous voyons figurer sur cette carte, à

 15   savoir les plans de la JNA tels qu'ils ont été conçus en 1991 ? Donc,

 16   Monsieur le Témoin, peut-être pouvez-vous nous dire ce qu'il en était de

 17   ces événements du printemps 1992, dans leurs grandes lignes.

 18   R.  Je l'ai déjà dit, au printemps 1992 les unités de la JNA ont occupé des

 19   positions autour de la ville de Mostar. Elles ont notamment pris des

 20   positions de côtes élevées.

 21   Q.  Je voudrais vous interrompre, parce que je ne souhaite pas que nous

 22   entrions dans les détails, Monsieur Pavlovic. Est-ce que vous pourriez nous

 23   dire si, dans leurs grandes lignes, les événements qui se sont déroulés au

 24   début du printemps 1992 correspondaient à ce que nous voyons figurer sur

 25   cette carte; oui ou non ?

 26   R.  Oui, cela correspond, je l'ai déjà dit.

 27   Q.  Monsieur Pavlovic, pouvez-vous nous dire, à cette époque-là, et je vous

 28   rappelle que je parle du début du printemps 1992, qui était prêt et apte à

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  1   défendre la Bosnie-Herzégovine contre cette agression ou action offensive,

  2   quel que soit le mot que nous préférons utiliser, qui était le fait de la

  3   JNA et des Serbes de Bosnie-Herzégovine ?

  4   R.  A cette époque-là, la résistance opposée à ces forces ne pouvait venir

  5   que de l'armée croate et des unités du Conseil croate de défense qui

  6   s'étaient organisées jusqu'à ce moment-là dans le plus grand secret.

  7   Q.  Dites-moi, dans le cadre de cette organisation des unités, les

  8   Musulmans qui vivaient sur ces territoires ont-ils également participé à

  9   ces préparatifs en vue de la défense de la Bosnie-Herzégovine ?

 10   R.  Au début du printemps 1992, le Conseil croate de défense s'est créé à

 11   partir des unités qui étaient en train de se préparer dans le secret. Sur

 12   le terrain, nous collaborions les uns avec les autres, nous nous préparions

 13   à assurer la défense. Nous faisions des rondes communes et, dans une

 14   certaine mesure, nous sommes même parvenus dans certains secteurs à arrêter

 15   l'avancée des forces dont je parle.

 16   Q.  Avez-vous à l'époque participé personnellement à certaines actions de

 17   libération ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Pouvez-vous nous dire lesquelles ?

 20   R.  J'ai participé à l'opération de libération de la ville de Mostar.

 21   Q.  Bon. Etant donné qu'il en a beaucoup été question dans ce prétoire,

 22   nous n'allons pas traiter de ce sujet dans l'immédiat, mais parlons de

 23   Stolac.

 24   Dites-nous, Monsieur Pavlovic, à quel moment arrivez-vous à Stolac ?

 25   R.  J'arrive à Stolac le 1er juillet 1992.

 26   Q.  Stolac était-il déjà libéré à ce moment-là ?

 27   R.  Oui, la ville de Stolac était libérée à ce moment-là.

 28   Q.  Pouvez-vous nous dire qui a libéré Stolac ?

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  1   R.  Les forces qui ont libéré Stolac étaient celles de la 116e Brigade de

  2   l'armée croate, dont le gros était composé par le bataillon de Stolac qui

  3   opérait dans le secteur de Stolac.

  4   Q.  Vous n'avez pas été témoin oculaire de cela, mais vous avez sans doute

  5   entendu parler des gens qui l'ont été. Pour la libération de Stolac, y a-t-

  6   il eu des combats, ou bien les Serbes et l'armée serbe, face à une absence

  7   complète de résistance, se sont-elles contentées de sortir de Stolac, y

  8   compris les municipalités ?

  9   R.  Des combats très durs ont été menés pour la défense de Stolac, très

 10   comparables aux combats menés pour la défense de Mostar, en tout cas

 11   d'après ce que m'en ont dit des gens que j'ai rencontrés plus tard et qui

 12   ont agi dans cette région.

 13   Q.  Monsieur Pavlovic, ce bataillon de Stolac, au moment où vous arriviez à

 14   Stolac -- d'ailleurs, quelles étaient vos fonctions le 1er juillet à votre

 15   arrivée à Stolac ?

 16   R.  Le 1er juillet, j'étais affecté au poste de commandant de l'état-major

 17   municipal de Stolac.

 18   Q.  C'était l'état-major du HVO; c'est bien cela ?

 19   R.  Oui, du HVO.

 20   Q.  Qu'est-ce qui caractérisait le bataillon de Stolac ? Est-ce que les

 21   effectifs étaient suffisants, est-ce que les hommes étaient prêts à agir, à

 22   participer à des combats ? Dans quel état était ce bataillon ?

 23   R.  A mon arrivée, j'ai trouvé des unités dont les hommes avaient déjà

 24   opérés sans relève pendant un temps assez long. Ils étaient fatigués, ils

 25   étaient usés par les combats. Ils tenaient des positions faisant

 26   directement face aux Serbes. Dans certains endroits, ces positions étaient

 27   à l'entrée même de Stolac, et il y avait aussi des positions dans les

 28   villages qui se trouvent au nord-ouest de Stolac.

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  1   Q.  Qui était votre supérieur direct à ce moment-là ?

  2   R.  A ce moment-là, mon supérieur direct était le commandant de la 116e

  3   Brigade de l'armée croate, le colonel Beneta.

  4   Q.  Avez-vous à ce moment-là commencé à lancer des actions destinées à

  5   restructurer le bataillon de Stolac ?

  6   R.  Oui. A mon arrivée à Stolac, j'ai reçu pour mission de renforcer les

  7   positions devant la ville de Stolac, donc de les consolider et de les

  8   lancer dans une défense active. Grâce aux forces que j'ai trouvées sur

  9   place, je ne pouvais pas remplir cette mission. Donc, en accord avec mes

 10   supérieurs, nous avons décidé de mobiliser d'autres soldats pour étoffer

 11   les effectifs de ces unités, et dans les 15 jours suivants, nous sommes

 12   déjà parvenus à obtenir une certaine amélioration de la situation en

 13   mobilisant un nombre de soldats égal à nos capacités en matière d'armement

 14   disponible et d'équipement disponible.

 15   Q.  Ce complément de mobilisation, l'avez-vous accompli en lançant des

 16   convocations secrètes ou des convocations publiques ? Est-ce que c'était

 17   une convocation générale ? Pouvez-vous nous décrire les modalités de cette

 18   action ?

 19   R.  A mon arrivée à Stolac, il existait déjà une cellule de Crise qui était

 20   parvenue à s'organiser. Et au sein de cette cellule de Crise fonctionnait

 21   un département chargé de la mobilisation, car les personnes qui

 22   travaillaient auparavant, avant l'agression serbe au sein du département

 23   chargé de la mobilisation, avaient caché les documents officiels relatifs à

 24   la mobilisation et les livrets militaires vierges, donc nous n'avions plus

 25   d'éléments d'information quant à la situation officielle des soldats et

 26   quant à la spécialité de ces soldats. Nous avons lancé une convocation

 27   générale, et un grand nombre de soldats s'est fait connaître suite à cette

 28   convocation générale. Il s'en est présenté même un nombre supérieur à celui

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  1   que nous étions en mesure d'accepter.

  2   Q.  Etant donné que les expressions utilisées dans la présente affaire,

  3   Monsieur Pavlovic, sont très importantes pour nous, pouvez-vous nous donner

  4   la structure ethnique de ces hommes qui se sont fait connaître suite à

  5   votre initiative ?

  6   R.  Pratiquement tous les Croates aptes à porter les armes s'étaient portés

  7   volontaires et avaient déjà été mobilisés à ce moment-là. Donc suite à

  8   notre appel général, ceux qui se sont fait connaître étaient à 90 %,

  9   dirais-je, sans trop de risque de me tromper, d'appartenance ethnique

 10   musulmane, donc des conscrits musulmans.

 11   Q.  Cela donnerait quel nombre, dans l'absolu ?

 12   R.  Je crois pouvoir dire que 400 hommes, à peu près, se sont fait

 13   connaître.

 14   Q.  Dites-nous rapidement ce que vous avez fait de ces hommes qui ont

 15   répondu à l'appel de mobilisation.

 16   R.  Nous avons dressé la liste de leurs noms. Nous avons confirmé leurs

 17   spécialités dans les rangs de l'ancienne armée, et pour certains, nous les

 18   avons équipés immédiatement et nous avons commencé à entraîner deux

 19   bataillons selon les principes en vigueur. Ces principes, nous les avons

 20   respectés, parce que le 1er Bataillon avait déjà une expérience assez

 21   importante du combat, même dans le cadre d'assauts, de sorte qu'à partir de

 22   ce premier bataillon de Stolac, nous avons détaché un groupe d'une

 23   trentaine d'hommes auquel nous avons adjoint un nouveau groupe de 30 hommes

 24   qui venaient d'être mobilisés tout récemment au sein de notre armée. Et

 25   nous avons continué à agir de même jusqu'au moment où nous sommes parvenus

 26   à mettre en place deux unités dont les effectifs étaient pour chacun ceux

 27   d'un bataillon.

 28   Q.  Ces deux bataillons, quelle était leur composition ethnique, si vous

Page 46797

  1   pouvez nous le dire ?

  2   R.  La composition était d'environ 50:50, à peu près.

  3   Q.  Les effectifs de commandement, quelle était leur structure ethnique ?

  4   R.  En décidant de la mise en place des structures de commandement, cette

  5   répartition a aussi été prise en compte, mais nous nous étions entendus sur

  6   le fait qu'au départ il fallait tout de même que nous prenions en compte

  7   l'expérience de combat des soldats du premier bataillon, car ils en avaient

  8   une. Mais dans un grand nombre de postes de commandement, et notamment

  9   s'agissant des postes de commandant des blindés et de l'artillerie, nous

 10   avons, à ces postes, mis des hommes d'appartenance ethnique musulmane.

 11   Q.  Monsieur Pavlovic, dans le cadre de cette mise en place commune d'une

 12   armée mixte composée de Croates et de Musulmans, est-ce que vous avez

 13   bénéficié de l'appui de vos supérieurs, ou est-ce que vous avez décidé

 14   d'agir ainsi de votre propre chef ?

 15   R.  Au moment où je me suis vu assigner la mission, et c'est mon supérieur

 16   qui m'a donné cette mission de prendre le contrôle l'état-major municipal

 17   de Stolac, j'ai reçu un certain nombre de consignes, et au nombre de ces

 18   consignes, il y en avait une qui était importante et qui consistait à

 19   renforcer la défense en y intégrant toute la population de la ville de

 20   Stolac, quelle que soit son appartenance ethnique. D'ailleurs, l'ordre que

 21   j'ai reçu du colonel Beneta allait tout à fait dans ce sens, car il n'avait

 22   absolument rien contre l'intégration de ces habitants au sein des unités.

 23   Q.  Quelle a été votre attitude face à ces ordres ? Est-ce que vous les

 24   avez approuvés ou est-ce que vous avez pensé qu'ils étaient erronés ?

 25   R.  Si j'avais pensé qu'ils étaient erronés, je n'y aurais pas obéi, je ne

 26   les aurais pas mis en œuvre.

 27   Q.  Pouvez-vous nous dire quelle a été la réaction de la population croate

 28   qui était rentrée à Stolac avant cette date ? Est-ce que ces habitants

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  1   étaient d'accord pour la création d'une armée mixte ou est-ce qu'ils s'y

  2   sont opposés, ces habitants croates ?

  3   R.  Il y a eu certaines oppositions par rapport au fait d'intégrer au sein

  4   du Conseil croate de défense des soldats d'appartenance ethnique musulmane.

  5   Q.  Pouvez-vous nous dire quels sont les motifs vraisemblables de cette

  6   opposition ?

  7   R.  Les motifs vraisemblables de cette opposition résidaient dans le fait

  8   que très peu de temps avant de quitter Stolac, en raison de l'attaque serbe

  9   très importante, la population musulmane n'était pas partie en même temps

 10   que la population croate, car je rappelle que dans la période antérieure,

 11   la préparation de la défense de la ville de Stolac s'était menée

 12   conjointement.

 13   Q.  Mais la population musulmane, quand elle est restée à Stolac sous

 14   occupation serbe, a-t-elle collaboré avec les Serbes pour mettre en place

 15   des pouvoirs locaux ou pas ?

 16   R.  Selon les renseignements dont nous disposions, la population musulmane

 17   avait collaboré avec l'agresseur, et selon un des renseignements que nous

 18   avons reçu, nous aurions appris qu'un de leurs dirigeants politiques avait

 19   signé un acte d'allégeance vis-à-vis des Serbes d'Herzégovine. Le chef de

 20   la police, par exemple, et tous les services de police fonctionnaient comme

 21   si rien ne s'était passé, et une situation similaire pouvait s'observer

 22   dans les autres services municipaux.

 23   Q.  Vous rappelez-vous qui était le chef de la police de Stolac ?

 24   R.  Oui, je me rappelle.

 25   Q.  Qui était-ce ?

 26   R.  Le chef de la police était M. Mehmed Dizdar.

 27   Q.  Dites-moi quelle a été la réaction de la population musulmane par

 28   rapport à ce projet de création d'une armée mixte croato-musulmane à

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  1   Stolac, cette population musulmane a-t-elle opposé une réaction négative à

  2   cela ?

  3   R.  A ce moment-là, et je vous parle de ce que j'ai vécu, rien ne m'a

  4   permis de remarquer que les habitants musulmans et les conscrits musulmans

  5   de Stolac, qui se sont fait connaître auprès de nous publiquement, rien ne

  6   m'a permis de penser qu'ils auraient la moindre réticence par rapport au

  7   Conseil croate de défense ou par rapport au peuple croate. J'ai même

  8   constaté leur enthousiasme par rapport au fait qu'ils pouvaient pousser un

  9   ouf de soulagement par rapport aux pressions exercées par l'occupant serbe,

 10   pressions qu'ils avaient vécues durant l'occupation. A partir de ce moment-

 11   là, ils ont commencé à se sentir comme des citoyens libres.

 12   Q.  Monsieur Pavlovic, à ce moment-là, auriez-vous appris qu'un seul

 13   citoyen habitant à Stolac et d'appartenance ethnique musulmane qui aurait

 14   voulu rentrer à Stolac se serait vu opposer des obstacles, ou n'aurait pas

 15   pu rentrer, ou aurait été empêché d'une façon ou d'une autre de rentrer ?

 16   R.  Non, au contraire. Chaque fois que nous pouvions aider au retour des

 17   réfugiés, nous l'avons fait. La seule chose que nous n'avons pas permise,

 18   c'est qu'il y avait des cas où nos soldats tenaient les premières lignes

 19   dans certains hameaux, et dans ces endroits-là les civils auraient pu être

 20   victimes de pilonnages intensifs ou de tirs de la part des unités serbes.

 21   Q.  Mais cet exemple que vous venez de donner, concernait-il aussi bien les

 22   Musulmans que les Croates, ou y avait-il une discrimination entres les

 23   deux, dans l'application de cette mesure ?

 24   R.  Cette règle à ce moment-là était valable pour tous.

 25   Q.  Bon. Dites-nous, Monsieur Pavlovic -- j'aimerais que votre nom de

 26   famille soit consigné correctement au compte rendu d'audience. Bien.

 27   Le nom de Mirsad Mahmutcehajic vous dit-il quelque chose ?

 28   R.  Oui.

Page 46800

  1   Q.  Dites-nous, était-il lui aussi un habitant de Stolac ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Etait-il d'appartenance ethnique musulmane ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Quelle a été son attitude par rapport à la création du HVO en tant

  6   qu'armée mixte des Croates et des Musulmans ?

  7   R.  Au début, durant les premiers jours suivant mon arrivée, j'ai eu

  8   l'occasion de rencontrer ce monsieur, que je ne connaissais pas avant, il

  9   m'a même été proposé d'accepter que cet homme reçoive un poste au sein du

 10   département chargé de la logistique de notre unité. Et il avait, si j'ai

 11   bien compris la chose, accepté cette proposition.

 12   Q.  Que voulez-vous dire, qu'il lui a été proposé à un poste au sein du

 13   service de logistique ?

 14   R.  Certains de mes associés m'ont demandé et m'ont même conseillé

 15   d'accepter le fait que cet homme pouvait travailler au sein de notre

 16   secteur de la logistique, car selon les renseignements dont il disposait,

 17   cet homme avait de très bons contacts et connaissait très bien les voies

 18   qui permettaient de s'approvisionner en équipement et en armement, et que

 19   d'ailleurs c'était une mission qu'il accomplissait déjà par le passé.

 20   Q.  Dites-moi, M. Mahmutcehajic, a-t-il à quelque moment que ce soit

 21   commandé à quelque moment que ce soit dans l'intérêt du HVO et de la

 22   défense de Stolac ?

 23   R.  Il m'a demandé à deux reprises de lui délivrer un certain nombre

 24   d'attestations et de certificats qui lui étaient nécessaires, en me disant

 25   qu'il souhaitait se rendre à Zagreb, où il avait des amis à lui grâce

 26   auxquels il lui serait possible d'acquérir, de commander ce qui lui était

 27   le plus nécessaire. Et à ce moment-là, ce qui nous était le plus

 28   nécessaire, c'étaient des armes antichars et, de façon plus générale, des

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  1   armes antiblindées, donc je lui ai accordé cette autorisation. Mais il n'a

  2   jamais rien rapporté de ces voyages pour notre département de la

  3   logistique.

  4   Q.  Auriez-vous à quelque moment que ce soit reçu des informations

  5   indiquant que M. Mahmutcehajic était mécontent vis-à-vis de cette

  6   organisation qui prenait place à Stolac ?

  7   R.  A aucun moment jusqu'à cette période. Mais un jour, alors que moi-même

  8   et mon second, M. Edin Obradovic, inspections les premières lignes de

  9   défense, nous étions sur le chemin du retour, et dans le cadre de notre

 10   conversation, lui m'a appris qu'il y avait quelques problèmes parmi les

 11   Musulmans de Stolac, et que ces problèmes étaient dus et créés par,

 12   précisément, ce M. Mirsad Mahmutcehajic.

 13   J'ai demandé à mon second de me préciser les choses, mais il a éludé

 14   en ajoutant que ce qui serait le mieux, ce serait que je rencontre M.

 15   Cehajic [phon]. J'ai dit que cela ne me posait aucun problème, et j'ai

 16   demandé où l'on pouvait trouver ce M. Cehajic ? Mon second m'a appris qu'il

 17   habitait quelque part à Stolac, dans le quartier d'Uzinovici, et que nous

 18   pourrions le trouver là-bas. J'ai demandé : Quand ? Il a répondu : Quand

 19   vous voulez. Nous avons donc  immédiatement pris la direction de ce

 20   quartier pour essayer de le trouver.

 21   Q.  Je me permets de vous interrompre un instant. Pourriez-vous maintenant

 22   peut-être parler un peu moins du moment pendant lequel vous étiez à sa

 23   recherche et, par contre, de nous dire ce qui s'est passé quand vous l'avez

 24   trouvé ?

 25   R.  Puis-je vous donner une réponse ?

 26   Q.  Je vous en prie, allez-y.

 27   R.  Nous sommes arrivés à Uzinovici, à un endroit qui s'appelait Palma, et

 28   nous y avons rencontré deux, trois personnes qui nous ont dit que lui se

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  1   trouvait dans la rue en face de la mosquée. Donc, nous avons pris le chemin

  2   de la mosquée, et devant la mosquée nous avons vu deux gardes. Alors que

  3   nous nous approchions, ces deux gardes ont reconnu M. Obradovic.

  4   Q.  Bien, "Obradovic" est le nom bien consigné au compte rendu d'audience.

  5   Dites-moi, quelle était l'appartenance ethnique d'Edin Obradovic, votre

  6   second ?

  7   R.  Edin Obradovic était d'appartenance ethnique musulmane.

  8   Q.  Vous étiez en train de parler des gardiens, n'est-ce pas ?

  9   R.  Ces gardes connaissaient sans doute Edin parce qu'ils l'ont salué en

 10   disant "Meharaba," c'est une expression musulmane pour saluer quelqu'un.

 11   Moi, ils ne me connaissaient pas. Ils ont sans doute pensé que j'étais le

 12   chauffeur d'Edin car nous n'arborions aucun insigne particulier en dehors

 13   de l'insigne du "Conseil croate de défense", à ce niveau-là. Ils nous ont

 14   dit que M. Mahmutcehajic était à l'intérieur de la mosquée. Nous sommes

 15   entrés dans la mosquée, nous l'avons salué, mais dès que nous sommes

 16   entrés, lui est sorti de la mosquée et a commencé à proférer des jurons à

 17   l'intention des gardes en leur disant : Est-ce que vous savez qui vous avez

 18   laissé entrer ? Les gardes ont répondu qu'ils avaient laissé entrer Edo.

 19   Mais Cehajic a dit : Comment Edo ? Vous avez laissé entrer Pavlovic. Vous

 20   savez bien qui c'est ?

 21   Pendant ce temps qu'il lui a fallu à lui pour sortir de la mosquée,

 22   M. Obradovic et moi-même avons eu le temps de circuler à l'intérieur de la

 23   mosquée et j'ai trouvé dans la mosquée, j'ai vu quelque chose qui m'a

 24   surpris. En effet, il y avait là des caisses que j'ai comptées rapidement,

 25   et j'ai constaté qu'il y avait plus de 200 fusils automatiques entreposés

 26   dans la mosquée. Il y avait deux mitrailleuses, trois mortiers de calibre

 27   82-millimètres, six mortiers de calibre 60-millimètres qu'on appelait les

 28   mortiers des partisans. Il y avait un mortier de 120, de grandes quantités

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  1   de munitions, obus, grenades, et autres matériels militaires et de grandes

  2   quantités de vivres; farine, huile, et autres produits de première

  3   nécessité.

  4   Q.  Monsieur Pavlovic, qu'avez-vous dit à M. Mahmutcehajic quand il est

  5   rentré dans la mosquée, quand il est revenu ?

  6   R.  Je lui ai d'abord demandé si toutes ces armes étaient bien celles qu'il

  7   était allé chercher à Zagreb après m'avoir demandé des autorisations pour

  8   se rendre à Zagreb; il m'a fourni un certain nombre de réponses. Je n'ai

  9   pas le souvenir exact de ces réponses, mais à ce moment-là j'ai exigé de

 10   lui qu'avant la fin de ce jour-là il transfère le mortier de 120

 11   millimètres sur les positions assurant la défense de Stolac, car à ce

 12   moment-là, pour toute la défense de la ville, nous n'avions qu'un seul

 13   mortier de calibre 120 alors qu'à l'intérieur de la mosquée, il y avait ce

 14   mortier de calibre 120 qui ne servait à rien.

 15   Q.  Avez-vous eu une négociation au sujet de ce mortier ?

 16   R.  J'ai exigé qu'il mette à notre disposition l'ensemble de ce matériel,

 17   de ces armes pour la défense de la ville. Cependant, il a opposé une âpre

 18   résistance, une opposition au terme de laquelle il a déclaré qu'il allait

 19   distribuer ces armes à qui il l'entendait. Je lui ai dit que le processus

 20   d'attribution des armes était bien connu et que l'identité de ceux qui

 21   étaient en mesure d'utiliser ces armes était également bien connue.

 22   Q.  Je voudrais juste vous interrompre quelques instants pour que nous ne

 23   reprenions pas l'ensemble de la conversation que vous avez eue avec lui.

 24   Quelle en a été l'issue, quelle a été l'issue de l'accord auquel vous êtes

 25   parvenu ? Avez-vous finalement reçu une partie de ces armes ?

 26   R.  Je ne voulais rien prendre de force afin de ne pas compromettre les

 27   rapports entre les Croates et les Musulmans qui avaient tendance à

 28   s'améliorer à l'époque. Mais j'ai exigé de lui que ce même jour il dispose

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  1   ce mortier de 120 millimètres sur la ligne de défense de Stolac, ce qu'il a

  2   accepté.

  3   Q.  Toutes ces armes que vous avez vues, sont-elles ensuite restées dans la

  4   mosquée, ou avez-vous des éléments vous indiquant la destination où elles

  5   ont pu être envoyées ?

  6   R.  A notre connaissance, ces armes sont restées dans la mosquée, mais ont

  7   été ensuite transférées très rapidement ailleurs.

  8   Q.  Est-ce que c'est vous qui avez procédé à ce transfert ou est-ce

  9   quelqu'un d'autre ?

 10   R.  Non, nous ne l'avons pas fait.

 11   Q.  Maintenant, Monsieur Pavlovic, je vais vous informer de la façon dont

 12   un témoin qui a déposé dans ce prétoire et qui était un témoin protégé -

 13   par conséquent, je ne peux pas vous donner son nom - a décrit cette même

 14   rencontre dans la mosquée. Il s'agit du témoin qui porte le pseudonyme CU,

 15   et sa déposition est consignée aux pages 12 470 et 12 471 du compte rendu

 16   d'audience. Ce témoin a déclaré qu'au mois de juillet 1992, dans la mosquée

 17   d'Uzinovic, à Stolac, il y a eu une réunion entre Mirsad Mahmutcehajic,

 18   Pavlovic et Edin Obradovic. Il a dit que dans la cour de la mosquée se

 19   trouvaient 27 fusils automatiques et qu'un détachement avait été constitué,

 20   si bien que les armes ont été emportées par Pavlovic et Edin Obradovic.

 21   Pourriez-vous nous dire, Monsieur Pavlovic, si une telle description des

 22   événements dont nous parlons est exacte ou non ?

 23   R.  C'est tout à fait inexact. Devant la mosquée ne se trouvaient que deux

 24   gardes armés.

 25   Q.  Très bien. Voyons, pour poursuivre, les changements qui interviennent

 26   dans l'organisation de la défense à Stolac.

 27   La semaine dernière, nous avons entendu le général Beneta dans ce

 28   prétoire. Il nous a dit qu'à la mi-juillet, il s'était retiré de Stolac.

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  1   Est-ce que cela a bien été le cas, Monsieur le Témoin ? Est-ce que M.

  2   Beneta a bien quitté Stolac à la mi-juillet 1992 ?

  3   R.  Oui. Il était alors colonel, et il a remis les positions qui avaient

  4   été les siennes jusqu'alors et il a quitté Stolac.

  5   Q.  Est-ce qu'à ce moment-là l'état-major municipal du HVO de Stolac a

  6   procédé à une forme de réorganisation ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Comment cela s'est-il fait ?

  9   R.  L'état-major du HVO de Stolac, après le départ de la 116e Brigade et du

 10   Groupe tactique numéro 2, avait déjà constitué deux bataillons, disposait

 11   d'unités qui étaient rattachées à l'état-major, et a réussi à établir et à

 12   fortifier des lignes de défense afin de sécuriser la ville, d'assurer sa

 13   sécurité.

 14   Q.  Est-ce que ces deux bataillons du HVO -- est-ce que vous pourriez nous

 15   dire à quelle brigade appartenaient ces deux bataillons de Stolac ?

 16   R.  Ces deux bataillons, après le départ de la 116e Brigade, sont tombés

 17   sous le commandement de la 1ère Brigade de Stolac.

 18   Q.  Est-ce que ces bataillons avaient leurs propres commandants ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous, vous n'étiez pas commandant de bataillon ?

 21   R.  Non, en effet.

 22   Q.  Pourriez-vous nous dire qui assurait la coordination entre ces deux

 23   bataillons sur le territoire de la municipalité de Stolac ?

 24   R.  En étant transféré de la 116e Brigade à la 1ère Brigade, l'état-major

 25   municipal du HVO de Stolac est devenu un poste de commandement avancé. Ce

 26   dernier avait pour mission d'assurer la coordination entre les unités se

 27   trouvant sur le territoire de la municipalité de Stolac.

 28   Q.  Y avait-il pour le commandant de la 1ère Brigade du HVO la possibilité

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  1   de communiquer directement avec les commandants des bataillons de Stolac ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que cela s'est effectivement produit ? A-t-on vu, à un certain

  4   moment, le commandant de la 1ère Brigade du HVO communiquer -- en contact

  5   directement avec les commandant de bataillons ?

  6   R.  Dans certains cas, oui.

  7   Q.  Monsieur Pavlovic, nous parlons toujours du mois de juillet. Est-ce que

  8   vous pourriez nous dire ce que font les Serbes à ce moment-là ? Est-ce

  9   qu'ils se sont entièrement retirés ? Est-ce qu'ils ont renoncé à Stolac ?

 10   Est-ce que c'est la paix qui règne à Stolac, sans la moindre opération de

 11   combat, ou la situation est-elle quelque peu différente ?

 12   R.  A cette époque après mon arrivée, les Serbes procèdent également à une

 13   réorganisation très importante et à la fortification de leurs positions.

 14   Parallèlement, ils s'acquittent également quotidiennement des tâches qui

 15   relèvent de la défense active, à savoir qu'ils entreprennent des opérations

 16   de reconnaissance, ils pilonnent nos positions, et ils se préparent à mener

 17   une contre-attaque contre nos positions.

 18   Q.  Pouvez-vous nous dire si cette contre-attaque a finalement bien eu lieu

 19   ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Quand ?

 22   R.  Cela s'est produit à l'Assomption, le 15 août.

 23   Q.  De quelle année ?

 24   R.  En 1992.

 25   Q.  Pourriez-vous brièvement nous décrire cette attaque, tout simplement

 26   pour que les Juges de la Chambre puissent se faire une idée de l'ampleur de

 27   cette attaque ? Est-ce qu'il s'agissait d'une simple escarmouche ou y a-t-

 28   il eu des blessés, des morts, et des combats plutôt intenses ?

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  1   R.  Je peux vous dire que cette attaque était peut-être même plus intense

  2   que l'attaque que nous avions lancée contre les Serbes et au cours de

  3   laquelle nous avions opéré une percée à travers leurs positions et pris des

  4   côtes autour de Mostar, ainsi que la ville de Stolac. Il y a eu 4 000 à 4

  5   500 obus qui sont tombés, obus ennemis qui ont été tirés dans notre

  6   direction. Nous avons été attaqués à partir de plusieurs directions et,

  7   selon l'un de ces axes, ils ont été en mesure d'opérer une percée à travers

  8   nos lignes de défense, alors qu'ailleurs nous avons réussi à maintenir nos

  9   positions défensives. Il y a eu trois attaques distinctes. La première a eu

 10   lieu à 6 heures du matin, et c'était la plus intense et la plus violente.

 11   La deuxième attaque s'est produite à 10 heures ou plutôt, à 9 heures 30;

 12   c'était également une attaque d'une intensité comparable, quasiment égale à

 13   celle de l'attaque de 6 heures du matin. La troisième attaque s'est

 14   produite vers 14 heures. Elle était nettement moins intense.

 15   Je voudrais ici souligner le fait que ce jour-là, les forces aériennes

 16   serbes sont également intervenues. Il y a eu de nombreuses victimes, de

 17   part et d'autre. De notre côté, il y a eu trois morts. Il s'agit des

 18   soldats Papac, Zukanovic, et Obradovic. Il y a eu une dizaine de blessés

 19   plus ou moins graves, et quant aux forces serbes, elles ont connu des

 20   pertes beaucoup plus importantes.

 21   Q.  Voyons ce qu'on peut lire à ce sujet, au sujet de ces pertes dans un

 22   document.

 23   Je voudrais qu'on puisse passer à huis clos partiel parce que le document

 24   que je souhaite présenter est un document sous pli scellé.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 27   partiel, Messieurs les Juges.

 28   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 46808-46809 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  5  (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   Mme ALABURIC : [interprétation]

  8   Q.  Veuillez vous reporter maintenant au document suivant, Monsieur

  9   Pavlovic. C'est le 2D01295, il s'agit d'un ordre. Est-ce que pendant le

 10   récolement vous avez pu voir ces documents, les examiner ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pouvez-vous nous dire de quel type d'ordre il s'agit ?

 13   R.  Il s'agit d'un ordre qui est donné aux fins d'assurer la défense. Il

 14   est signé par le général Petkovic.

 15   Q.  Est-ce que cet ordre a le moindre rapport avec l'opération Bura ?

 16   R.  Oui, il est lié à l'opération Bura, et il nous montre quelles sont les

 17   unités que l'on charge de différentes missions afin que soient renforcées

 18   et fortifiées les positions existantes dans le cadre de l'opération Bura et

 19   des missions également visant à empêcher des attaques ou contre-attaques de

 20   l'ennemi.

 21   Q.  Est-ce que cette défense avait été conçue comme étant une défense

 22   conjointe assurée par le HVO et par l'ABiH ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Alors, Monsieur Pavlovic, vous avez déjà dit qu'au moment de votre

 25   arrivée à Stolac le 1er juillet 1992, une cellule de Crise avait été

 26   constituée. Est-ce que vous pourriez nous dire qui était le président de

 27   cette cellule de Crise ?

 28   R.  C'était M. Zeljko Raguz.

Page 46811

  1   Q.  Quelle était sa fonction avant la guerre ?

  2   R.  Il était le président de la municipalité de Stolac.

  3   Q.  Et est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la composition

  4   ethnique de cette cellule de Crise ?

  5   R.  Il me semble que cela se répartissait pour moitié de chaque côté, 50/50

  6   au sein de la cellule de Crise.

  7   Q.  Très bien. Alors, je voudrais, Monsieur Pavlovic, je voudrais que nous

  8   passions très rapidement sur certains documents que je considère comme

  9   étant importants pour ce qui est de votre intervention pendant cette

 10   période dans la municipalité de Stolac et qui ont trait à la coopération

 11   entre les Croates et les Musulmans.

 12   Alors, reportez-vous, pour commencer, au document P 00314, s'il vous plaît.

 13   Il s'agit d'un document qui émane de vous et qui concerne la nomination du

 14   commandant du 2e Bataillon. Alors, dites-nous à quel groupe ethnique

 15   appartient ce commandant ?

 16   R.  M. Muharem Dizdar est un Musulman.

 17   Q.  Si nous pouvons juste corriger le nom au compte rendu d'audience. C'est

 18   Muharem Dizdar.

 19   L'INTERPRÈTE : La cabine française a ajouté : Nomination d'adjoint du

 20   commandant également.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation]

 22   Q.  Son adjoint, Ilija Markovic, appartient à quel groupe ethnique ?

 23   R.  Il est Croate.

 24   Q.  Voyons le document suivant, le 4D00914, 4D00914. Il s'agit d'un rapport

 25   que vous avez rédigé au mois de juillet 1992, et au troisième paragraphe,

 26   on y constate que le commandement d'état-major travaille de façon accélérée

 27   à la constitution d'unités croato-musulmanes. Est-ce que cela correspond à

 28   ce que vous nous avez précisément décrit au titre des tentatives de ce

Page 46812

  1   processus visant à constituer des unités mixtes croato-musulmanes ?

  2   R.  Oui, nous en trouvons ici la confirmation.

  3   Q.  Alors, à la toute fin, en troisième page du document, il est dit, je

  4   cite que :

  5   "Ce sont principalement des Musulmans à 90 % qui se sont fait

  6   connaître, ont répondu à l'appel à la mobilisation."

  7   Est-ce que cela correspond à ce que vous nous avez dit, à savoir que

  8   les Musulmans ont répondu de façon très importante à cet appel à la

  9   mobilisation que vous aviez lancé ?

 10   R.  Oui, cela en constitue la confirmation.

 11   Q.  Alors, passez au 4D00908 maintenant, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Une petite curiosité.

 13   Dans le dernier document, 4D914, c'est un rapport que vous avez, vous,

 14   rédigé. Alors, vous dites qu'on a établi quatre compagnies mixtes et une

 15   compagnie purement musulmane. En lisant ça, je me suis demandé pourquoi

 16   vous n'avez pas créé une compagnie purement croate; il y avait une raison ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vais apporter une

 18   explication de ce document.

 19   Je vous ai dit au début qu'à l'époque le bataillon de Stolac qui était à

 20   100 % croate a constitué la base à partir de laquelle on a constitué deux

 21   bataillons. Nous avons reçu et accepté tous ceux qui disposaient d'une arme

 22   et qui avaient leurs propres armes. Et pour ce qui est des autres, nous les

 23   avons armés dans la mesure de nos possibilités. A ce moment-là, le village

 24   de Prenj, qui appartient à la municipalité de Stolac, disposait d'une

 25   compagnie qui avait été constituée de façon illégale pendant l'occupation

 26   serbe. On l'a mise à notre disposition dans le cadre de la mobilisation.

 27   Ici nous avons la date du 12 juillet, et à cette époque-là, nous n'avions

 28   pas encore fini de constituer ces deux bataillons. C'est pour cela que ce

Page 46813

  1   bataillon est encore à 100 % Musulman, et au cours des jours suivants, on a

  2   opéré un mélange, on a constitué des structures mixtes, si bien que nous

  3   n'avions plus une seule unité qui aurait été ethniquement pure.

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Voyons le document suivant, s'il vous

  5   plaît, le 4D908. Il s'agit d'une lettre de M. Pizovic, le commandant de la

  6   Brigade de Bregava.

  7   Q.  Alors, dites-nous, s'il vous plaît, de quelle armée il s'agit ici ?

  8   R.  Il s'agit de l'ABiH.

  9   Q.  Nous voyons dans ce document qu'un commandant de l'ABiH s'adresse au

 10   commandant de la 1ère Brigade d'Herzégovine du HVO, et demande qu'on lui

 11   attribue une zone de responsabilité et un cantonnement pour son unité.

 12   Alors, est-ce que j'ai bien interprété ce document ? Est-ce que c'est bien

 13   de cela qu'il s'agit d'une requête envoyée au commandant de brigade du HVO

 14   ?

 15   R.  Oui. C'était habituel à l'époque.

 16   Q.  Lorsque vous dites ça, vous voulez dire qu'il était habituel que l'on

 17   attribue des zones de responsabilité dans la défense conjointe contre les

 18   Serbes, n'est-ce pas ?

 19   R.  En effet.

 20   Q.  Document suivant, le 4D00932. Nous avons ici M. Mahmutcehajic, qui

 21   s'adresse à M. Nedeljko Obradovic. Alors, pourriez-vous nous dire quelle

 22   est la fonction assurée par ce Obradovic à qui s'adresse Mahmutcehajic ?

 23   R.  C'est le commandant de la Brigade Knez Domagoj, la 1ère Brigade

 24   d'Herzégovine.

 25   Q.  Alors, si l'on lit le premier paragraphe de cette courte lettre, on

 26   voit que ce que l'on attend du commandant du HVO, c'est qu'il attribue un

 27   détachement de la Brigade de Bregava afin de renforcer les capacités de

 28   défense de la ville de Stolac. Alors, en vous fondant sur votre expérience,

Page 46814

  1   est-ce que l'on peut considérer que ce document fournit une preuve de la

  2   coopération entre les deux armées ?

  3   R.  En effet, exactement.

  4   Q.  Alors, passez au document suivant, s'il vous plaît, qui est le 4D00624

  5   --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On le regardera après, parce que c'est l'heure de

  7   faire la pause. C'est 4 heures moins le quart. On va faire 20 minutes de

  8   pause.

  9   --- L'audience est suspendue à 15 heures 44.

 10   --- L'audience est reprise à 16 heures 06.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation]

 13   Q.  Monsieur Pavlovic, nous allons peut-être sauter quelques documents qui

 14   sont dans le dossier parce que le temps passe vraiment très vite, donc

 15   j'aimerais que nous examinions maintenant le document 4D1521, qui n'est pas

 16   le suivant dans le dossier, mais celui qui suit le suivant.

 17   Il y a une petite erreur dans la date au premier paragraphe de

 18   l'ordre. Ce n'est pas le mois de "décembre" qu'il faut lire, mais le mois

 19   de "janvier." D'ailleurs, ceci est confirmé par le reste du texte.

 20   Monsieur Pavlovic, dites-nous, je vous prie, dans la partie inférieure de

 21   ce document, nous voyons un cachet. Pouvez-vous nous dire quel est le sens

 22   à donner à ce cachet ?

 23   R.  C'est le cachet de réception apposé par l'unité.

 24   Q.  Dites-nous de quelle unité vous parlez.

 25   R.  Je parle de la Brigade Bregava de Bosnie-Herzégovine.

 26   Q.  Donc, ce tampon signifie que la brigade a reçu ce document du

 27   commandant du HVO ?

 28   R.  Exactement.

Page 46815

  1   Q.  Pouvez-vous nous dire quels étaient ces ordres, les ordres qui étaient

  2   donnés à la Brigade de Bregava à ce moment-là ?

  3   R.  La brigade reçoit l'ordre d'occuper les positions qui lui sont

  4   indiquées.

  5   Q.  J'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur le document suivant,

  6   le document 4D1553. C'est un ordre du chef de l'état-major principal qui

  7   dit, dans le début du texte datant du mois de janvier 1993, je cite :

  8   "En rapport avec une conférence organisée à Genève, et compte tenu

  9   des actions potentielles de l'ennemi sur le front de Stolac, j'émets

 10   l'ordre suivant :"

 11   Monsieur Pavlovic, pouvez-vous nous dire qui était l'ennemi sur le front de

 12   Stolac à ce moment-là ?

 13   R.  C'étaient les unités serbes.

 14   Q.  Il est question d'une soixantaine d'hommes dans ce texte. Est-ce que

 15   cette unité composée de 70 hommes est effectivement arrivée sur le

 16   territoire de Stolac en janvier 1993 ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Quelle était la mission assignée à cette unité ?

 19   R.  Cette unité était une unité de réserve que nous avions la possibilité

 20   de déployer selon les axes qui nous convenaient.

 21   Q.  Document suivant, 4D1026. C'est un rapport de combat qui vient de M.

 22   Bajro Pizovic, commandant de la Brigade Bregava. Au milieu du document à

 23   peu près, Pizovic déclare, je cite :

 24   "Nos forces ont répliqué avec force à l'attaque des Chetniks, en même temps

 25   que les unités du HVO."

 26   D'après ce document, est-ce que le HVO et l'ABiH à ce moment-là, en février

 27   1993, tenaient les positions ensemble ?

 28   R.  Oui, nous tenions les positions ensemble.

Page 46816

  1   Q.  Nous allons sauter le document suivant, et je vous demanderais de vous

  2   pencher sur le document 4D1048. Dites-moi, je vous prie, d'après

  3   l'introduction de cet ordre qui vient toujours du chef de l'état-major

  4   principal, document datant de février 1993, qui est l'ennemi désigné à ce

  5   moment-là ?

  6   R.  Les forces serbes.

  7   Q.  Au paragraphe 3 de ce document, le chef de l'état-major principal

  8   ordonne, en raison du même danger, que les unités de l'ABiH en soient

  9   également informées afin de pouvoir, elles aussi, renforcer leurs lignes de

 10   défense. Alors, cet exemple, à vos yeux, Monsieur, est-il un exemple de

 11   coordination au sein de l'armée ou pas ?

 12   R.  Oui, il l'est.

 13   Q.  Penchez-vous, je vous prie, sur le document suivant : 4D478. Ce

 14   document se compose, en fait, de deux documents. Il y a une requête

 15   adressée par Bajro Pizovic, le commandant de la Brigade de Bregava, à la

 16   zone opérationnelle du HVO, requête dans laquelle il demande un soutien

 17   d'artillerie. Et à cette requête -- je vous demande une seconde, car on

 18   m'informe de la nécessité d'apporter une correction au compte rendu

 19   d'audience. J'essaie de comprendre exactement ce qu'il en est. Bon. Tout va

 20   bien.

 21   Nous avons la réponse de M. Lasic à cette requête.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, je n'étais pas trop

 23   sûr. Je m'étais trompé quant à la cote du document, mais ça semble bien

 24   être celui-là. Parce que vous étiez à l'examen du 478, et vous avez sauté

 25   le 1048; c'est ça ? 

 26   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, oui, j'ai sauté un document.

 27   D'ailleurs, je vais en sauter un certain nombre, parce que j'avais deux

 28   versions d'utilisation des documents possibles, une optimiste et l'autre un

Page 46817

  1   peu moins optimiste.

  2   Q.  Dans le dernier paragraphe de la réponse de Miljenko Lasic, il est

  3   question d'artillerie de longue portée. Pouvez-vous nous expliquer la

  4   teneur de cette réponse ?

  5   R.  Oui, je peux l'expliquer.

  6   Q.  Allez-y.

  7   R.  L'artillerie de longue portée était sous le contrôle de la zone

  8   opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine, et toutes les unités commandées

  9   par le commandant responsable de cette zone avaient le droit de demander

 10   l'appui de ces canons en cas de nécessité, de cette artillerie de longue

 11   portée. C'était également le cas de la Brigade Bregava. Quant à

 12   l'artillerie dont vous disposiez, qui était la vôtre, vous pouviez

 13   l'utiliser pour viser des cibles qui étaient devant vous, en face de vous.

 14   Q.  Eu égard à cette artillerie de longue portée, est-ce que vous-même, vos

 15   unités et la Brigade Bregava, est-ce que vous étiez tous sur un pied

 16   d'égalité s'agissant de la possibilité d'utiliser ces canons à longue

 17   portée ?

 18   R.  Oui, toutes les unités étaient sur un pied d'égalité s'agissant de la

 19   possibilité d'utiliser cette artillerie.

 20   Q.  Bien. Nous allons sauter maintenant encore un document. Je vous

 21   demanderais de vous pencher --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment, s'il vous plaît.

 23   Nous regardons ces deux documents, j'essaie de comprendre. Le 6

 24   février, le commandant de la Brigade Bregava demande le soutien de

 25   l'artillerie, mais il le demande au HVO. Et le 7 juillet, le HVO lui répond

 26   en donnant, en quelque sorte, son accord. D'autant tiré de l'examen de ces

 27   deux documents, car vous, vous étiez sur le terrain, et mieux que quiconque

 28   vous savez ce qui se passait, qu'il y avait, au mois de février 1993, entre

Page 46818

  1   le HVO et l'ABiH, une coordination dans l'action militaire contre les

  2   Serbes ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, si j'ai bien compris

  4   votre question, vous avez indiqué que la réponse avait été envoyée le 7

  5   juillet, si la traduction était bonne.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Février. C'est une erreur. J'ai dit "7 février."

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] A la lecture de ce document, on peut constater

  8   que la coordination existant à l'époque était bonne, car à cette époque-là

  9   les unités du Conseil croate de défense et celles de l'ABiH tenaient la

 10   zone de responsabilité qui leur avait été assignée, épaule contre épaule,

 11   et défendaient la ligne de défense dont elles avaient la charge.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Nous allons sauter un document.

 13   Q.  Je vous demanderais de vous pencher sur le document 4D476, 476 qui est

 14   un rapport émanant de l'organe chargé de la sécurité du 4e Corps de l'ABiH,

 15   et dans les conclusions que l'on trouve dans ce document, c'est indiqué au

 16   paragraphe 8, je cite :

 17   "Les rapports entre l'armée et le HVO à Rotimlje sont très bons."

 18   Monsieur Pavlovic, pouvez-vous confirmer à notre attention cette

 19   affirmation ou l'infirmer ?

 20   R.  Cette affirmation est absolument exacte.

 21   Q.  Est-ce que Rotimlje était sur le territoire de la municipalité de

 22   Stolac ?

 23   R.  Oui, Rotimlje était sur le territoire de la municipalité de Stolac.

 24   Elle dépendait de cette municipalité.

 25   Q.  Vos unités, étaient-elles responsables de la défense de Rotimlje ?

 26   R.  Mes unités n'étaient pas chargées de la défense de Rotimlje, mais j'ai

 27   eu l'occasion de me rendre souvent à Rotimlje dans cette période, parce que

 28   ma maison se trouve à Rotimlje. D'ailleurs, encore aujourd'hui je vis à

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  1   Rotimlje.

  2   Q.  Vos parents habitaient-ils à Rotimlje à l'époque ?

  3   R.  Pas à ce moment-là, non, mais il m'arrivait très souvent de prendre la

  4   voiture pour aller voir ma maison, mes terres, rendre visite aux voisins et

  5   aux amis, donc j'ai été en mesure de me convaincre de la réalité du fait

  6   qu'à Rotimlje il n'y avait absolument aucun problème.

  7   Q.  Dernier document dans cette partie de mon interrogatoire. Je vous

  8   demanderais de vous pencher sur le document 4D475. Nous l'avons déjà vu

  9   dans ce prétoire à plusieurs reprises. C'est un ordre portant sur la

 10   défense, élaboré par le commandant de la zone opérationnelle du sud-est de

 11   l'Herzégovine en février 1993. Et au point 3, on voit une série de tâches

 12   qui sont assignées à la Brigade de Bregava. Alors, Monsieur Pavlovic, est-

 13   ce que la ligne de défense qui est indiquée dans ce paragraphe correspond

 14   bien à celle qui était tenue par la Brigade Bregava à l'époque ?

 15   R.  Oui, c'était le territoire de Rudina.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] On m'indique la nécessité d'apporter une

 17   correction à la page 37, ligne 4 du compte rendu d'audience, où il importe

 18   de lire "order" en anglais, et pas "request," puisqu'il s'agit d'un ordre

 19   et pas d'une requête. Bien. Q.  Nous pouvons maintenant aborder de nouveaux

 20   sujets, à savoir les rapports existant entre les Musulmans et les Croates

 21   dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine au moment où ces rapports se

 22   compliquent légèrement. Nous démarrerons avec l'examen des documents, et

 23   ensuite, nous essaierons de voir de quelle façon les relations entre les

 24   Musulmans et les Croates sont devenues plus complexes.

 25   Premier document, 4D929. Il s'agit d'un rapport de Mehmed Dizdar qui date

 26   du début janvier 1993. Monsieur Pavlovic, pouvez-vous me dire si vous avez

 27   bien lu ce document dans la période de préparation à votre audition ?

 28   R.  Je l'ai bien lu.

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  1   Q.  Je m'apprête à présent à en résumer la teneur. Je ne peux pas en donner

  2   lecture, car véritablement, c'est un document assez long. Mais en tout cas,

  3   à la lecture de ce document, il apparaît clairement que les personnes

  4   suivantes s'efforcent d'établir des contacts avec des policiers

  5   d'appartenance ethnique musulmane pour les persuader de rejoindre les rangs

  6   de l'ABiH en quittant les rangs de la police qui, à cette époque-là, était

  7   une police mixte, croato-musulmane. Ces personnes sont : Mehmed Dizdar,

  8   l'auteur du document, puis Mirsad Mahmutcehajic, et puis Esad Suta -- je

  9   répète, Esad Suta, Alija Rizanbegovic [phon], et les membres de la cellule

 10   de Crise.

 11   Alors, dites-nous, Monsieur Pavlovic, est-ce qu'à ce moment-là vous saviez

 12   que ces personnalités qui occupaient des fonctions déterminées dans un

 13   parti politique ou en d'autres lieux, est-ce que vous saviez qu'elles

 14   s'efforçaient d'exercer une influence sur les Musulmans dans les rangs de

 15   la police qui souhaitaient coopérer avec les Croates ?

 16   R.  Oui, je l'ai su. J'en étais informé.

 17   Q.  Veuillez me dire qui était la principale source d'informations de ce

 18   genre vous concernant ?

 19   R.  Dans ce cas particulier, il s'agissait des personnes sur lesquelles ces

 20   personnalités essayaient d'exercer une influence, donc des policiers du

 21   poste de police de Stolac.

 22   Q.  C'était donc des policiers d'appartenance ethnique musulmane; c'est

 23   bien ça ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Je vous demanderais de vous pencher sur le document suivant, qui est le

 26   document 4D1603. 1603. Voici ce qui m'intéresse, Monsieur Pavlovic. Ce

 27   document a déjà été analysé à plusieurs reprises dans ce prétoire. Mais

 28   pourriez-vous, je vous prie, analyser à notre intention le sens à accorder

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  1   au cachet qui se trouve en bas du texte, au bas de la première page ?

  2   R.  Le cachet de réception; c'est bien ça ?

  3   Q.  Oui.

  4   R.  C'est le cachet de réception par la Brigade Bregava de Stolac, qui

  5   indique donc que la Brigade de Bregava a reçu ce document.

  6   Q.  Bien. Nous en avons terminé sur ce point.

  7   Penchons-nous sur le document suivant, qui est le 4D1027. C'est un

  8   document émanant du service de sécurité de la 1ère Brigade du HVO dans

  9   lequel il est indiqué que le commandant de la Brigade de Bregava est arrivé

 10   à Gubavica sans l'avoir annoncé, a établi un poste de contrôle à Pijesci,

 11   et qu'il a le projet d'arriver jusqu'au mont Bivolje. Alors, dites-moi, je

 12   vous prie, est-ce que l'arrivée de la Brigade Bregava dans ces lieux était

 13   le résultat d'une action individuelle, d'une décision individuelle ou est-

 14   ce que cette arrivée s'est faite suite au consentement du commandant du QG

 15   ?

 16   R.  Cette venue s'est faite sur décision individuelle.

 17   Q.  Dites-moi, est-ce que vous avez été informé du fait que la brigade, de

 18   sa propre initiative, est arrivée dans ces différents lieux ?

 19   R.  Oui, je l'ai su.

 20   Q.  Et au sein du HVO, dans cette région, comment avez-vous vécu l'arrivée

 21   de la brigade, qui n'était pas annoncée, dans ces différents lieux ? Est-ce

 22   que cela vous a paru normal ?

 23   R.  Non, c'était un acte qui frisait la provocation.

 24   Q.  Penchons-nous sur le document suivant, 4D428. Et eu égard à ce

 25   document, Monsieur Pavlovic, j'aimerais que nous discutions de deux

 26   passages. Ce document est un rapport relatif à la situation du point de vue

 27   du moral des troupes au combat au sein des unités armées. Il émane du

 28   commandement du 4e Corps d'armée. Alors, pourriez-vous me dire, Monsieur

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  1   Pavlovic, puisque nous lisons dans ce document, je cite :

  2   "Dégradation des relations dans la région correspondant à la

  3   municipalité de Konjic qui a eu une influence sur le moral des soldats."

  4   L'Accusation s'est souvent efforcée dans ce prétoire de prouver que

  5   nous ne pouvions pas comprendre les événements de Mostar, à moins de savoir

  6   ce qui s'était passé dans les secteurs de Jablanica et Konjic, que tous les

  7   événements étaient liés les uns aux autres et que les relations entre les

  8   hommes avaient une influence importante sur le déroulement des événements,

  9   le climat qui régnait, la façon dont les diverses parties comprenaient les

 10   événements. Donc, pourriez-vous nous donner une idée de la situation et

 11   nous dire si cette interdépendance rend bien compte de la situation qui

 12   prévalait à l'époque ?

 13   R.  Oui, dans ce secteur, tout était très interconnecté. Tout événement qui

 14   pouvait avoir un impact du point de vue de la dégradation des relations

 15   entre le HVO et l'ABiH ou, plus précisément, eu égard à la dégradation des

 16   relations entre les Croates et les Musulmans, pouvait avoir un effet

 17   important sur l'ensemble des unités présentes dans le secteur et, bien

 18   entendu, sur la population.

 19   Q.  Est-ce que sur le plan de l'organisation structurelle, les territoires

 20   de Konjic, Jablanica et Mostar étaient regroupés dans une seule et unique

 21   zone de responsabilité et, donc, dépendaient d'un seul et unique corps

 22   d'armée ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le paragraphe

 25   suivant, le paragraphe 2, où nous lisons que :

 26   "Pour certains soldats qui considèrent que le travail était achevé

 27   avec la signature du plan Vance-Owen, un problème se pose, car ils estiment

 28   qu'à partir de ce moment-là il est indispensable de mettre en place un

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  1   certain nombre de mesures pour activer le moral au combat de ces soldats."

  2   En votre qualité de soldat, pourriez-vous nous expliquer quelles pouvaient

  3   être les mesures susceptibles d'être activées de façon à élever le niveau

  4   du moral des troupes ?

  5   R.  Ce sont des mesures destinées à élever le moral des troupes, autrement

  6   dit, la mise en place d'un certain nombre de situations, le fait d'attaquer

  7   certains territoires sans préavis, le fait d'ouvrir le feu sans

  8   autorisation, ce genre de choses.

  9   Q.  Document suivant, il s'agit de la pièce P1809, 1809. En fait, il s'agit

 10   d'un ordre qui émane du commandant de la Brigade Bregava en date du 5 avril

 11   1993, et à la lecture de ce document, nous constatons que le commandement

 12   se trouvait dans le village de Gubavica. Pouvez-vous nous dire si le

 13   commandement était bien sis en ce lieu-là après accord avec le HVO ou pas ?

 14   R.  Non. Le commandement de la Brigade Bregava était stationné dans le camp

 15   du sud et le poste de commandement avancé ainsi que le poste de

 16   commandement de l'unité qui tenait la position en question se trouvaient

 17   dans le village de Rotimlje, et plus précisément dans le hameau de

 18   Zajtezovina, si je ne me trompe.

 19   Q.  Mais, ce que vous venez de nous dire, est-ce que c'est de cette façon

 20   que les choses auraient dû se passer, et est-ce que cela s'est fait avec le

 21   consentement du HVO ? Est-ce bien ainsi que les choses se sont passées ?

 22   R.  La zone de responsabilité que je viens d'évoquer est celle qui leur

 23   avait été affectée avec l'accord du HVO, mais dans la réalité, la situation

 24   est telle qu'ils sont arrivés dans le secteur de Gubavica sans préavis et

 25   qu'ils ont pris le contrôle de la caserne de l'ancienne JNA là-bas.

 26   Q.  Ce document ordonne d'élever le niveau d'alerte et de préparation au

 27   combat dans toutes les unités de la brigade. Est-ce que vous saviez à ce

 28   moment-là que le niveau d'aptitude au combat était élevé, le niveau

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  1   d'alerte était renforcé ?

  2   R.  Oui, nous le savions.

  3   Q.  Comment l'avez-vous appris ?

  4   R.  Par voie de renseignements que nous recueillions de diverses façons.

  5   Q.  Y avait-il aussi davantage de déplacements sur le terrain, comme c'est

  6   le cas en général quand on élève le niveau d'alerte ?

  7   R.  Oui. Au moment où l'on met les soldats en alerte sur les positions,

  8   très normalement, on répartit les soldats sur les différents secteurs sur

  9   le terrain selon les diverses tâches qui leur ont été assignées.

 10   Q.  Je voudrais maintenant que nous nous penchions sur le document 4D568

 11   qui, à nos yeux, en tout cas, est un document très important. Il émane de

 12   la direction de la sécurité de l'état-major du commandement Suprême des

 13   forces armées, et nous lisons dans la dernière partie de ce document qu'il

 14   est réaliste de s'attendre à une dégradation importante des rapports

 15   mutuels et même à un affrontement entre l'ABiH et le HVO. Et je cite

 16   maintenant la dernière phrase de ce document :

 17   "Il est tout à fait urgent de pacifier au maximum la situation en pacifiant

 18   les Musulmans qui se trouvent au sein du HVO, et d'exercer sur eux une

 19   influence pour qu'ils quittent le HVO afin de rejoindre les rangs de

 20   l'ABiH."

 21   Monsieur Pavlovic, est-ce qu'au sein du HVO à l'époque vous aviez

 22   connaissance de cette politique mise en place par l'ABiH eu égard aux

 23   soldats musulmans qui faisaient partie du HVO ?

 24   R.  Oui, oui, nous étions au courant.

 25   Q.  Très bien. Alors, nous allons maintenant nous pencher sur le document

 26   suivant, le document 4D1715, qui est un rapport spécial datant de décembre

 27   1993 relatif à la Brigade de Bregava. Il a été établi par le secteur chargé

 28   de la sécurité de l'ABiH. C'est donc un élément important en terme de

Page 46825

  1   renseignements. Et ce qui nous intéresse, c'est ce qui figure en dernière

  2   page de ce document, page 3 de la version croate qui, je suppose, est

  3   également la dernière page de la version anglaise, troisième paragraphe à

  4   partir du bas. Il est écrit à ce niveau du texte, je cite, que :

  5    "Le HVO, le 22 avril 1993, a attaqué le commandement de Bregava qui se

  6   déplaçait vers Stolac avec la brigade de la police et qui est tombé dans

  7   une embuscade dans le secteur d'Osanici. Vingt membres du commandement, à

  8   l'exception de Smajo Cerkez, y ont été arrêtés, fait prisonniers et emmenés

  9   dans un camp, tout comme les autres membres de la brigade de Bregava."

 10   Connaissez-vous la situation qui est décrite ici concernant le secteur

 11   d'Osanici et cette situation dans laquelle se sont trouvés le commandant et

 12   tous ces hommes faits prisonniers ?

 13   R.  Oui, et j'ajouterais même que la description de la situation faite ici

 14   n'est que partiellement exacte, car la réalité n'a pas concerné la capture

 15   de 20 hommes, mais uniquement de trois.

 16   Q.  Pourriez-vous nous donner les noms de ces trois hommes ?

 17   R.  Il s'agit de M. Pizovic, M. Sijercic, et M. Zujo.

 18   Q.  Je vous demanderais de bien vouloir répéter ces noms propres de façon à

 19   ne pas avoir de corrections à apporter ultérieurement au compte rendu

 20   d'audience. Donc Bajro Pizovic, c'est bien cela ?

 21   R.  Oui, ainsi que Dzemil Sijercic et Meho Zujo.

 22   Q.  Bon, le compte rendu sera corrigé ultérieurement. Mais dites-moi, je

 23   vous prie, au cours de cette action de découverte et de capture des membres

 24   du commandement de Bregava, est-ce que vos soldats ont agi dans le cadre de

 25   cette action ?

 26   R.  En partie, oui.

 27   Q.  [aucune interprétation]

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, je suis

Page 46826

  1   impressionné du fait que vous vous souveniez, autant de temps après, de

  2   tous ces noms. Est-ce que vous les connaissiez, vous avez gardé dans vos

  3   souvenirs ces noms, ou bien est-ce qu'on vous a ravivé des souvenirs

  4   récemment ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] L'un d'entre eux est mon voisin le plus

  6   proche. Je le connais personnellement. En fait, en tout cas, l'un d'entre

  7   eux. Je connaissais, je connaissais ces hommes.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Mme ALABURIC : [interprétation]

 10   Q.  Alors, Monsieur Pavlovic, ce premier nom que nous avons mentionné, nous

 11   l'avons vu dans de nombreux documents, il s'agissait du commandant de la

 12   Brigade Bregava, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  En dehors de vos propres hommes, qui a participé à cette opération

 15   visant à retrouver et à capturer les hommes du commandement de la Brigade

 16   de Bregava ?

 17   R.  La police civile y a participé, ainsi qu'un détachement de la police

 18   militaire.

 19   Q.  Est-ce que vous savez qui a capturé ces hommes exactement, concrètement

 20   ?

 21   R.  C'est la police civile qui a procédé à leur arrestation.

 22   Q.  Alors, je vais vous poser maintenant une question concernant le

 23   paragraphe qui est juste au-dessus. On y décrit la façon dont certains

 24   membres de l'ABiH sont partis. Il est dit, je cite, que :

 25   "Une partie des hommes, environ 15 d'entre eux, sont partis en direction de

 26   Blagaj, alors qu'une autre partie est partie en direction de Sevac Njive,

 27   de Pocitelj et de Domanovici, afin d'agir de façon indépendante. Et

 28   ensuite, le 13 juillet 1993, à l'occasion d'une action de l'ABiH dirigée

Page 46827

  1   contre le plateau de la Dubrava, ils se sont joints à la 42e Brigade de

  2   chasseurs de l'ABiH."

  3   Alors, Monsieur Pavlovic, est-ce que vous êtes au courant de cette action

  4   du 13 juillet, et quel était son objet ?

  5   R.  J'ai entendu dire par mes collègues quel était l'objet de cette

  6   opération, mais à l'époque j'étais loin de cette zone, si bien que je ne

  7   peux pas vous dire quoi que ce soit de certain à ce sujet.

  8   Q.  Alors, selon les dires de vos collègues, est-ce que l'ABiH s'est

  9   effectivement livrée à des opérations de combat sur le plateau de la

 10   Dubrava à cette date du 13 juillet 1993 ?

 11   R.  Pour autant que je le sache, c'est pendant la nuit du 12 au 13 juillet

 12   1993 qu'ils ont agi suivant plusieurs axes. Et au moyen de plusieurs

 13   groupes, ils ont fait irruption dans les arrières, à l'arrière des

 14   positions du HVO et ils ont fait intervenir, activer un certain nombre

 15   d'unités qui s'étaient tenues en retrait, afin d'attaquer à revers les

 16   positions du HVO. Il y a eu des nombreuses victimes civiles également dans

 17   le cadre de cette opération.

 18   Q.  Avez-vous connaissance que le HVO à ce moment-là ait préparé des

 19   opérations de libération concernant le territoire s'étendant au sud de

 20   Mostar ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Savez-vous comment s'appelait cette opération ?

 23   R.  Je pense qu'elle s'appelait "l'opération Jug", "l'opération Sud."

 24   Q.  Aviez-vous vu reçu des informations concernant cette opération de la

 25   part de vos collègues de la zone opérationnelle ou de vos collaborateurs de

 26   l'époque ?

 27   R.  Oui, mais c'étaient des informations assez superficielles et, en

 28   définitive, je n'ai pas du tout participé à cela. Je ne peux pas vous dire

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  1   quoi que ce soit de façon certaine.

  2   Q.  Je vais vous interroger concernant le général Petkovic. Est-ce que vous

  3   avez connaissance que le général Petkovic ait participé de quelque façon à

  4   la planification, à la mise en œuvre ou au suivi de la mise en œuvre de

  5   cette opération ?

  6   R.  Pour autant que je le sache, non.

  7   Q.  Je voudrais maintenant attirer votre attention, Monsieur Pavlovic, sur

  8   un règlement, une règle dont a parlé le témoin CR dans ce prétoire. Cela se

  9   trouve en page 11 941 du compte rendu d'audience. Le témoin nous a dit

 10   qu'une règle prévaut dans les rangs de l'armée qui est la suivante, à

 11   savoir que lorsqu'un soldat d'une unité donnée entre dans la zone de

 12   responsabilité d'une autre unité, il doit se faire connaître. A votre

 13   connaissance, est-ce que cette règle existe bien ?

 14   R.  Oui. Pour ce qui me concerne, je l'ai toujours respectée.

 15   Q.  Voyons, à présent, quelques documents qui ont trait à ce sujet précis

 16   afin que nous puissions voir la façon dont la Brigade de Bregava respectait

 17   ou non ce règlement ou cette règle. Le premier document est P 01736. Il

 18   s'agit d'un ordre émis par le chef de l'état-major du HVO, daté du 27 mars

 19   1993. Au point numéro 2, il est dit, je cite :

 20   "Il est interdit de pénétrer dans la zone de responsabilité d'autres unités

 21   sans avoir obtenu au préalable l'approbation du commandant de ladite unité

 22   et du commandement qui lui est hiérarchiquement supérieur."

 23   Monsieur Pavlovic, s'agit-il ici de la règle que nous venons juste

 24   d'évoquer ?

 25   R.  Oui, exactement.

 26   Q.  Je vois que cet ordre est adressé à un commandant de zone

 27   opérationnelle. Cela signifierait que cette règle vaut pour les unités

 28   appartenant à la même armée, n'est-ce pas ?

Page 46829

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Voyons le document suivant, qui est le 4D00474. Il s'agit d'un ordre

  3   émanant du commandant de votre zone opérationnelle. Le contenu est le même

  4   au point 2. Au point 2, nous trouvons le contenu. Dites-nous si cet ordre

  5   vous est parvenu, Monsieur Pavlovic ?

  6   R.  En effet, mais par l'intermédiaire du commandement de la brigade. 

  7   Q.  Voyons à présent le suivant, document 5D03046. Ce document émane de

  8   vous et, dans la partie introductive, vous dites également que le but est

  9   de prévenir les incidents dans la zone de responsabilité du poste de

 10   commandement avancé Stolac. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit

 11   brièvement ?

 12   R.  Oui, bien sûr. Il s'agit ici d'un accord entre la 1ère Brigade

 13   d'Herzégovine, Brigade du HVO d'une part et la Brigade de Bregava d'autre

 14   part, accord au terme duquel tout mouvement à travers les zones de

 15   responsabilité, à partir des zones de responsabilité doive faire l'objet

 16   d'une annonce préalable et qu'il n'y aurait aucune difficulté concernant ce

 17   type d'activité à condition qu'on en soit préalablement informé. Cela

 18   signifie qu'aucun de mes hommes n'était censé quitter ses positions et se

 19   dissimuler ou se retirer dans la zone contrôlée par la Brigade de Bregava,

 20   par exemple. Si cela se produisait, il serait de mon devoir d'en informer

 21   le commandant de la Brigade de Bregava, de lui envoyer une requête, et lui,

 22   aurait pour devoir en réponse de m'envoyer une requête à moi et de déployer

 23   sa propre police militaire afin que ces soldats ayant enfreint la règle

 24   soient capturés et qu'ils puissent être escortés jusqu'à un point de

 25   contact.

 26   Si, à l'inverse, c'était un soldat de la Brigade de Bregava qui se

 27   comportait de cette manière, c'est le commandant de la Brigade de Bregava

 28   qui m'enverrait une requête pour que je déploie ma propre police militaire

Page 46830

  1   afin de capturer cet homme, de l'escorter jusqu'à un point de contact afin

  2   qu'il n'y ait pas de problème entre les différentes zones de

  3   responsabilité.

  4   Q.  Merci. Passons au document suivant. Le P 1913, il s'agit d'une requête

  5  émanant du commandant de la 1ère Brigade concernant l'entrée dans la zone de

  6   responsabilité qui s'est faite sans permission. Le second document que je

  7   voudrais que nous examinions est le P 1900, et c'est un ordre assez

  8   similaire. Ce qui nous intéresse est la chose suivante : Monsieur Pavlovic,

  9   est-ce que vous étiez informé uniquement de ces requêtes et de ces ordres

 10   qui émanaient du commandant de votre brigade ?

 11   R.  Oui, j'étais mis au courant, parce qu'il y avait quotidiennement des

 12   situations de ce type-là, donc, j'étais au courant.

 13   Q.  Je vois que ces documents ont été envoyés également à M. Pizovic, le

 14   commandant de la Brigade de Bregava ou plutôt, à la Brigade de Bregava,

 15   n'est-ce pas ?

 16   R.  En effet.

 17   Q.  Voyons maintenant ce que M. Pizovic a répondu au commandant de la

 18   Brigade du HVO.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document P 1913 que vous connaissez, on voit très

 20   bien la situation, quand un soldat de l'ABiH porte un insigne, il peut être

 21   arrêté et détenu pendant 15 jours, mais alors, qu'est-ce qui se passe le

 22   16e jour ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 16e jour, il est relâché, libéré.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez connu des situations, des

 25   exemples où vous avez arrêté un soldat de l'ABiH, qui a été détenu 15 jours

 26   et relâché le 16e jour ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'arrive pas maintenant à me rappeler tous

 28   les détails, mais il me semble qu'ils ont été relâchés en conformité à

Page 46831

  1   cette disposition qui figure ici.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Pavlovic, est-ce que vos bataillons ou est-ce que dans le

  4   territoire de la municipalité de Stolac il n'y a jamais eu un membre de

  5   l'ABiH qui ait été arrêté parce qu'il portait les insignes de l'ABiH ?

  6   Avez-vous jamais été en présence d'une telle situation ?

  7   R.  Non, ils n'étaient pas arrêtés pour avoir porté les insignes de

  8   l'armija, de l'ABiH, mais éventuellement pour avoir enfreint l'accord qui

  9   avait été passé, pour avoir pénétré dans la zone de responsabilité sans

 10   avoir obtenu l'autorisation nécessaire. S'il était en permission, il devait

 11   obtenir une attestation montrant qu'il était en permission, et à défaut de

 12   posséder cette attestation, il se faisait arrêter.

 13   Q.  Alors, s'il n'y a pas d'autres questions, je voudrais que nous passions

 14   au document suivant, qui est le 4D473. La partie finale du point 2

 15   m'intéresse. C'est une partie de la réponse que je voudrais vous demander

 16   d'expliquer. Le commandant de la Brigade de Bregava répond au commandant de

 17   la 1ère Brigade du HVO suite à ces avertissements qui ont été adressés

 18   concernant des entrées sans permission dans la zone de responsabilité, je

 19   cite :

 20   "Vous savez bien qu'il y a un grand nombre de soldats issus des rangs des

 21   Musulmans qui se trouvent dans la zone de responsabilité de votre brigade.

 22   Ils sont des Musulmans qui appartiennent à ce peuple. Par conséquent, il ne

 23   serait pas bon de compromettre l'organisation et la structure hiérarchique

 24   de vos unités."

 25   Monsieur Pavlovic, pourriez-vous expliciter cela à notre attention et nous

 26   dire si vous étiez au courant à l'époque, et comment vous avez perçu cela ?

 27   R.  On voit dans cet extrait, que le commandant de la Brigade de Bregava a

 28   la possibilité, à tout instant, de faire intervenir une partie des

Page 46832

  1   effectifs, à savoir une partie des soldats du HVO qui sont d'appartenance

  2   ethnique musulmane. Il a la possibilité d'invoquer l'existence de ces

  3   hommes.

  4   Q.  Je voudrais que nous résumions ce que nous avons vu. Nous avons vu dans

  5   ces documents qu'en avril 1993, certains hommes étaient détenus. Je

  6   voudrais vous demander qui étaient ces hommes qui étaient détenus, sur la

  7   base des documents que nous avons examinés ?

  8   R.  Il s'agissait d'hommes, de personnes qui étaient issues des rangs de

  9   certaines unités et qui n'avaient pas accompli les missions qui leur

 10   avaient été attribuées, mais avaient agi de leur propre initiative et hors

 11   de la zone de responsabilité de leur unité. Ils étaient des membres de

 12   l'ABiH, des hommes de l'ABiH.

 13   Q.  Est-ce qu'à votre connaissance, Monsieur Pavlovic, à l'époque, c'est-à-

 14   dire en avril 1993, dans votre zone de responsabilité, il y a eu la moindre

 15   arrestation qui aurait été l'arrestation d'une personne qui n'aurait pas

 16   été membre de l'ABiH ?

 17   R.  Non, pas à ma connaissance.

 18   Q.  Avez-vous quelque information que ce soit indiquant qu'il y ait eu en

 19   avril 1993, et ce, dans le territoire de la municipalité de Stolac, la

 20   moindre assignation à résidence ?

 21   R.  Non, absolument pas, c'était impossible.

 22   Q.  Avez-vous jamais entendu parler de cette installation nommée Begovina

 23   dans le territoire de la municipalité de Stolac ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce qu'il s'agissait d'un bâtiment ou d'une installation qui était

 26   proche de la ligne de front ou était-il plutôt au centre de Stolac ?

 27   R.  C'était situé à l'avant de nos lignes. C'était vraiment les premières

 28   positions de notre défense, et nos bunkers étaient à 50 mètres, au moins,

Page 46833

  1   de cette installation.

  2   Q.  Quand ces bunkers ont-ils été installés à cet endroit ?

  3   R.  Immédiatement après la libération de Stolac des forces de l'agresseur

  4   serbe.

  5   Q.  A la mi-1992, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, au mois de juin.

  7   Q.  Je vais maintenant vous montrer un certain nombre de documents et,

  8   après que je vous les aurai montrés, nous allons essayer d'en tirer un

  9   certain nombre de conclusions. Le premier d'entre eux est le 4D00033. Il

 10   émane de la 42e Brigade de Brcko de l'ABiH. Monsieur Pavlovic, est-ce qu'il

 11   ne s'agit pas plutôt ici de la Brigade de Bregava ?

 12   R.  Oui. On peut le voir au cachet.

 13   Q.  Très bien. A l'alinéa 3 en partant du bas, il est dit qu'il faut, je

 14   cite : "En appeler à tous les Musulmans qui sont membres du HVO afin qu'ils

 15   prennent fait et cause pour leur propre peuple."

 16   Le document suivant est le 4D0034. C'est également l'organe de la sécurité

 17   chargé de la sécurité de la 42e Brigade de Brcko et, deux jours plus tard,

 18   ce même organe dit que : "Il faut établir une coopération avec nos

 19   combattants au sein du HVO et leur démontrer la gravité de la situation."

 20   Le troisième document est le 4D35. Dans la partie finale du point 3 de ce

 21   document, il est dit que l'organe chargé du moral des troupes, l'IPD et

 22   l'organe chargé des questions religieuses élaborera un plan d'information

 23   destiné aux Musulmans se trouvant dans les rangs du HVO à Capljina et

 24   Stolac. Ce document est signé par Bajro Pizovic le 18 avril 1993.

 25   Le quatrième document est le 4D00036, qui émane d'Arif Pasalic, le

 26   commandant du 4e Corps d'armée de l'ABiH, et il est daté du 2 mai 1993. Au

 27   point numéro 3, alinéa numéro 2, il est dit, je cite :

 28   "Une liaison a été établie avec nos hommes au sein du HVO."

Page 46834

  1   Il est dit que pour cette raison, les hommes du HVO de Capljina

  2   auront pour mission de prendre les villages de --

  3   L'INTERPRÈTE : [inaudible]

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] -- avec pour objectif d'empêcher l'arrivée

  5   de renforts en provenance de Matkovic [phon].

  6   Oui, excusez-moi. Je n'écoute pas les interprètes parce que je suis sur le

  7   canal numéro 6. Merci à mes confrères qui ont attiré mon attention sur

  8   cela. Nous décrivions le document et j'ai dit qu'au point numéro 3, alinéa

  9   numéro 2, il y a la chose suivante, Arif Pasalic constate la chose

 10   suivante, il fait état qu'une jonction a été établie avec "nos hommes au

 11   sein du HVO."

 12   Ensuite, il constate que les effectifs qui se trouvent au sein du HVO

 13   de Capljina ont pour mission de prendre le contrôle du village de Tasovcici

 14   et de prendre le contrôle du pont de Capljina. Plus loin, on trouve

 15   définies les missions qui sont celles de prendre la ville de Stolac au

 16   moyen de nos hommes, je cite, "qui sont dans les rangs du HVO" et ainsi de

 17   suite, pour ne pas donner lecture de l'ensemble du document, puisque nous

 18   l'avons déjà vu de nombreuses fois dans ce prétoire.

 19   Le cinquième document sur ce même thème est le 2D00300. Il s'agit d'un

 20   procès-verbal. C'est un document en croate. Au deuxième alinéa, on

 21   constate, je cite, que "des pressions sont exercées sur les Musulmans se

 22   trouvant dans les unités du --

 23   M. KRUGER : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, mais je

 24   m'excuse auprès de mon collègue pour l'avoir interrompu. Mais je tiens à

 25   faire remarquer que jusqu'à présent nous avons vu les documents 4D34, 35 et

 26   36, sans qu'on lui pose la moindre question, donc je me demande si c'est

 27   correct comme façon de procéder.

 28   Merci, Monsieur le Président.

Page 46835

  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai annoncé cela.

  2   Pour ce qui concerne cette série de documents, il s'agit de documents qui

  3   ont déjà le statut de pièces à conviction, par conséquent il n'est pas

  4   nécessaire que le témoin se réfère à chacun d'entre eux, puisque j'ai dit

  5   que j'allais poser une question à la fin de la présentation de toute cette

  6   série de documents, et celui-ci que nous avons sous les yeux maintenant est

  7   le dernier de cette série. Alors, si nous pouvons juste nous remémorer le

  8   contenu de ce document.

  9   Donc, on constate que, je cite : "Des pressions sont exercées sur les

 10   Musulmans se trouvant dans les rangs du HVO et du MUP afin que ces derniers

 11   quittent, Musulmans, des unités et que, dans le cas contraire, on les

 12   menace de les liquider physiquement ou d'incendier leurs maisons."

 13   Q.  Alors, Monsieur Pavlovic, si nous nous fondons sur ce document, je

 14   voudrais maintenant vous poser quelques questions. Est-ce qu'à l'époque

 15   vous étiez au courant de l'existence d'une politique de l'ABiH visant à

 16   établir une jonction avec les Musulmans issus des rangs du HVO afin

 17   d'établir des actions en coopération avec eux ?

 18   R.  Oui, j'étais au courant.

 19   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quelles étaient les sources dont

 20   vous disposiez ?

 21   R.  La source la plus sûre des éléments dont nous disposions, c'était nos

 22   propres soldats du HVO et nos policiers qui avaient subi des pressions et

 23   qui s'en sont plaints. Ils s'en sont plaints auprès de nous parce qu'ils ne

 24   souhaitaient pas abandonner leurs unités. Quant aux autres sources, il

 25   s'agissait de la collecte de sources du renseignement, de conversations

 26   interceptées, et ainsi de suite.

 27   Q.  Très bien. Monsieur Pavlovic, est-ce que ces éléments qui vous sont

 28   parvenus ont exercé une influence sur vous au sens où vous auriez changé

Page 46836

  1   d'attitude, vous auriez revu et corrigé le rapport que vous aviez à ceux de

  2   vos hommes qui appartenaient au groupe ethnique musulman ?

  3   R.  Non, parce que si quelqu'un souhaite rester dans les rangs de mon

  4   unité, je ne vois pas pourquoi je devrais changer mon attitude à son égard,

  5   ou s'il s'agit de quelqu'un qui est venu se plaindre ainsi auprès de moi.

  6   Q.  Pouvez-vous nous dire s'il y a eu la moindre mesure prise à l'encontre

  7   de ceux de vos hommes qui appartenaient au groupe ethnique musulman ?

  8   R.  Non, il n'y a eu aucunes mesures spéciales prises, mis à part le fait

  9   d'apprendre qui avait été à l'origine de tels événements, quels membres

 10   précis du HVO avaient été à l'origine de tels comportements et, dans ce

 11   cas-là, nous revoyions la façon dont cette unité était déployée et nous

 12   procédions à son renforcement.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Très bien. Passons maintenant au document

 14   suivant, mais je voudrais que nous puissions passer à huis clos partiel

 15   parce que l'on m'informe qu'il s'agit d'un document sous pli scellé.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 17   partiel. Je vous remercie.

 18   [Audience à huis clos partiel]

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

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 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5   [Audience publique]

  6   Mme ALABURIC : [interprétation]

  7   Q.  Veuillez maintenant vous reporter au document P 10258, s'il vous plaît.

  8   Il s'agit d'une lettre adressée par Alija Izetbegovic à Franjo Tudjman. La

  9   mention manuscrite en haut nous indique que c'est à la date du "22 mai

 10   1993". Et Alija Izetbegovic dit que des informations lui sont parvenues

 11   selon lesquelles hier, donc le 21 mai 1993, conformément à un ordre de

 12   Boban, on a commencé à procéder à une opération de nettoyage ethnique

 13   particulièrement intense de la population musulmane de Stolac.

 14   Etiez-vous au courant de cette lettre, Monsieur Pavlovic ?

 15   R.  J'ai appris son existence du président Boban.

 16   Q.  Très bien. Reportez-vous au 4D2000, qui est le suivant.

 17   Monsieur Pavlovic, est-ce que vous reconnaissez ce document ?

 18   R.  Oui. J'en suis le signataire.

 19   Q.  Est-ce que vous l'avez remis lors du récolement d'aujourd'hui ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce M. Boban vous a demandé des précisions quant aux événements se

 22   déroulant à Stolac suite à cette plainte émise par M. Izetbegovic

 23   concernant un nettoyage ethnique ?

 24   R.  Oui, le président m'a demandé des informations concernant ce qui se

 25   passait à Stolac. Est-ce que je peux en donner la description ?

 26   Q.  Oui, mais de façon très brève, s'il vous plaît.

 27   R.  J'ai été appelé par téléphone par le cabinet du président qui m'a mis

 28   en relation avec lui. Ce dernier m'a demandé quels étaient les problèmes

Page 46838

  1   qui se présentaient à Stolac. Et moi, sachant qu'il n'y avait aucun

  2   problème à l'époque, je lui ai répondu --

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je pense que le président ici c'est

  4   Boban, n'est-ce pas ? Je veux juste m'en assurer c'est bien Boban ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne sais pas ce que

  7   vous avez voulu dire exactement, parce que la première lettre était une

  8   lettre du président Alija Izetbegovic au président Tudjman, et celle-ci

  9   maintenant est --

 10   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans l'intervalle, le témoin nous a

 11   répondu. Merci.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Le cabinet du président m'a appelé au

 13   téléphone, m'a mis en relation avec le président. Ce dernier m'a demandé -

 14   il était en colère - quels étaient les problèmes qui se présentaient à

 15   Stolac, et je lui ai dit qu'il n'y avait aucun problème. Au terme d'une

 16   conversation assez courte, j'ai réussi à l'en persuader. Il m'a demandé si

 17   je pouvais quitter le poste de commandement, et je lui ai répondu que

 18   c'était possible, pourquoi pas ? Et il m'a demandé de préparer un rapport

 19   concernant les événements de Stolac et de me rendre auprès de lui, si

 20   possible.

 21   Puisque je savais ce dont il s'agissait, et puisque je l'en avais

 22   informé verbalement il s'agissait de civils, de réfugiés civils et

 23   d'expulsions de civils, nous avons rédigé de façon conjointe ce rapport, M.

 24   Markovic, le président du HVO, et moi-même, et nous avons remis ce rapport

 25   à M. Boban, tous les deux, en main propre. C'est alors que le président

 26   Boban m'a montré cette lettre de M. Izetbegovic.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation]

 28   Q.  Monsieur Pavlovic, est-ce que vous pouvez nous dire, et vous êtes sous

Page 46839

  1   serment, donc pouvez-vous nous dire sous serment si à Stolac, pendant ces

  2   différents mois, et si l'on met de côté l'arrestation et la détention de

  3   membres de la Brigade de Bregava, s'il y a eu la moindre autre arrestation,

  4   expulsion ou crime commis contre des Musulmans ou quoi que ce soit d'autre

  5   qui aurait pu être considéré comme du nettoyage ethnique ?

  6   R.  Non, rien de tel.

  7   Q.  Je vous remercie.

  8   Nous allons maintenant aborder un nouveau sujet qui va sans doute

  9   être considéré comme le plus intéressant par les Juges de la Chambre. Ce

 10   sujet, c'est la journée du 30 juin 1993, lorsqu'un changement tout à fait

 11   spectaculaire dans les rapports entre Croates et Musulmans s'est produit.

 12   Pour commencer, Monsieur Pavlovic, pourriez-vous nous dire, je vous

 13   prie, si vous savez ce qui s'est passé le 30 juin 1993 dans votre zone

 14   opérationnelle, à savoir le sud-est de l'Herzégovine ?

 15   R.  Oui, je le sais.

 16   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé ?

 17   R.  Ce qui s'est passé, c'est qu'une situation tragique s'est créée que je

 18   ne parviens toujours pas à comprendre aujourd'hui, à savoir que des

 19   combattants qui se battaient sur les positions depuis déjà plus d'un an

 20   sont arrivés dans le dos de leurs anciens camarades, les ont attaqués, les

 21   ont fait prisonniers, et avec l'aide de l'ABiH dans le secteur de Bijelo

 22   Polje, ont expulsé la population civile croate de ses foyers.

 23   Q.  Lorsque vous pensez à des "soldats qui se battaient ensemble", vous

 24   pensez à qui exactement ?

 25   R.  Je pense aux soldats du HVO d'appartenance ethnique musulmane.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire en quel lieu ce que vous venez de décrire s'est

 27   produit ?

 28   R.  Cela s'est produit dans le nord de la municipalité de Mostar, donc dans

Page 46840

  1   le secteur qui va du camp au nord de Mostar jusqu'à une distance de 25

  2   kilomètres, à peu près, au nord de Mostar, à l'extérieur de la ville.

  3   Q.  Bien. Cet événement, tel qu'il vous a été décrit, si vous aviez essayé

  4   de le comparer à un autre événement survenu dans la guerre qui faisait rage

  5   en Bosnie-Herzégovine, que diriez-vous à l'issue d'une telle comparaison ?

  6   Est-ce qu'il a existé où que ce soit un événement comparable ?

  7   R.  Je n'ai pas entendu parler d'un événement comparable d'un bout à

  8   l'autre de la Bosnie-Herzégovine, pas plus qu'à l'extérieur.

  9   Q.  Le général Praljak, lorsqu'il a témoigné dans ce prétoire, a évoqué cet

 10   événement, a dit qu'après cet événement a commencé une guerre totale entre

 11   les Croates et les Musulmans dans cette région de la Bosnie-Herzégovine,

 12   c'est-à-dire sur le territoire de cette zone opérationnelle. Est-ce que

 13   vous seriez d'accord avec cette description du général Praljak, ou est-ce

 14   que vous auriez peut-être un commentaire un peu différent à faire ou une

 15   appréciation différente à formuler ?

 16   R.  Oui, oui, je suis entièrement d'accord avec lui.

 17   Q.  Monsieur Pavlovic, dites-nous, je vous prie, selon ce que vous saviez,

 18   quel était le pourcentage approximatif de soldats musulmans que l'on

 19   trouvait au sein des unités du HVO sur le territoire de cette zone

 20   opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine ? Pouvez-vous répondre pour vos

 21   bataillons, en tout cas.

 22   R.  Je peux vous donner des chiffres à peu près exacts pour mes bataillons,

 23   et je crois que la situation était assez comparable dans les autres unités.

 24   Chez moi, il est certain qu'il y avait 50 % de Musulmans au sein des unités

 25   sous mes ordres, au moins 50 %.

 26   Q.  Pouvez-vous nous dire ce qui se serait passé si les soldats musulmans

 27   qui faisaient partie de vos unités s'étaient mis à se comporter comme l'ont

 28   fait les soldats musulmans du HVO au nord de Mostar, autrement dit, s'ils

Page 46841

  1   avaient trahi tous leurs camarades et avaient rejoint les rangs de l'ABiH,

  2   que ce serait-il passé s'agissant des lignes tenues par les défenseurs du

  3   HVO ?

  4   M. KRUGER : [interprétation] Monsieur le Président, objection. Je soulève

  5   une objection, Monsieur le Président, à propos de cette question. En effet,

  6   c'est une question qui demande de faire des hypothèses.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez

  8   de répondre.

  9   Si un civil était présent ici, je serais tout à fait d'accord avec

 10   mon collègue de l'Accusation, et d'ailleurs je n'aurais même pas besoin

 11   d'être d'accord avec lui, car dans de telles circonstances je ne poserais

 12   pas la question que j'ai posée, mais étant face à un commandant du HVO, et

 13   si nous souhaitons apprécier les raisons qui ont poussé à prendre des

 14   mesures destinées à augmenter le niveau de sécurité, je considère que le

 15   témoin, dans une telle situation, était dans l'obligation de se poser la

 16   question de savoir si ces soldats musulmans représentaient un danger ou

 17   pas.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, posez votre question, mais en

 19   termes de conséquences militaires.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Pavlovic, je vais maintenant vous poser une question, et je

 22   m'adresse à vous en votre qualité de soldat membre du commandement qui,

 23   suite à cette trahison des soldats musulmans du HVO tout près de votre zone

 24   opérationnelle, avait dans les rangs des unités sous ces ordres un grand

 25   nombre de soldats musulmans. Etant donné ce que les soldats musulmans,

 26   membres des unités du HVO dans la région septentrionale de Mostar, ont

 27   fait, que ce serait-il passé si vos soldats musulmans avaient agi de même

 28   sur vos lignes de défense ?

Page 46842

  1   R.  Nos lignes de défense auraient été mises en danger, et je pense

  2   qu'elles auraient dû être abandonnées.

  3   Q.  Dites-moi, quand vous dites "abandonnées", qu'est-ce que cela veut dire

  4   exactement ? Soyez très précis, je vous prie. Le HVO aurait-il continué à

  5   avoir la possibilité de tenir ces lignes ou pas ?

  6   R.  Non, il ne l'aurait pas eue.

  7   Q.  Pour l'armée serbe, qui avait ses positions non loin des vôtres,

  8   qu'est-ce que ce genre de chose aurait pu signifier ?

  9   R.  Cela aurait signifié que les forces serbes auraient pu se balader en

 10   ville avec des effectifs très restreints, autrement dit, s'emparer de tout

 11   le territoire autour de Stolac et même au-delà.

 12   Q.  Est-ce que d'après votre appréciation en tant que commandant militaire,

 13   un tel risque constituait un problème sur le plan de la sécurité ?

 14   R.  Absolument, cela constitue un problème de ce point de vue.

 15   Q.  Dites-nous, je vous prie, en tant que commandant militaire dans une

 16   situation de ce genre, considérez-vous qu'il vous aurait fallu prendre des

 17   mesures déterminées afin d'empêcher que ne se crée une situation dans

 18   laquelle vous pouviez perdre le contrôle des lignes de défense que vous

 19   teniez ?

 20   R.  Bien sûr, des mesures devaient être prises.

 21   Q.  D'accord. Alors, voyons maintenant d'un peu plus près ce qui a été

 22   tenté.

 23   D'ailleurs, je vais peut-être vous poser encore une question. Merci à

 24   mes confrères et consoeurs qui viennent de m'en informer.

 25   Nous parlons du danger qui est apparu à Stolac en raison de

 26   l'éventualité d'une trahison des soldats musulmans de vos unités, et

 27   rappelons-nous cet ordre d'Arif Pasalic du 2 mai 1993, que nous avons

 28   examiné il y a un instant, où au nombre de missions qui sont assignées,

Page 46843

  1   nous lisons, je cite, "prendre Stolac en coopération avec nos hommes du

  2   HVO." Alors, si l'on relie ces deux situations, je vous demande comment, en

  3   votre qualité de commandant militaire responsable de Stolac, vous auriez

  4   apprécié la situation. Est-ce qu'à vos yeux, un danger menaçait ou ne

  5   menaçait pas Stolac à ce moment-là ?

  6   R.  Un danger menaçait Stolac, absolument, car si un conflit interne

  7   éclatait, l'ennemi pouvait prendre Stolac sans grande difficulté,

  8   pratiquement comme il le souhaitait, dans les conditions dans lesquelles il

  9   le souhaitait.

 10   Q.  Penchons-nous maintenant sur le document 3019. C'est un ordre qui vient

 11   du chef de l'état-major principal du HVO. Je corrige le numéro consigné au

 12   compte rendu d'audience. P3019. P3019. 3019. Bien. Alors, c'est un ordre

 13   qui vient du chef de l'état-major principal du HVO, le général Petkovic, et

 14   qui date du 30 juin 1993. Je vous dis d'emblée que cet ordre porte sur le

 15   désarmement et l'isolement des soldats d'appartenance ethnique musulmane au

 16   sein du HVO.

 17   Penchons-nous sur la deuxième page de ce document. Cet ordre est

 18   adressé à la zone opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine. Et voyons

 19   ensuite quels sont les destinataires qui suivent.

 20   L'énumération des destinataires précis de cet ordre, qui sont-ils,

 21   Monsieur Pavlovic, si vous le voyez dans le texte ?

 22   R.  Ce document était adressé aux commandants des 2e et 3e Brigades du HVO.

 23   Q.  Et vous, vous apparteniez à quel brigade ?

 24   R.  A la 1ère Brigade.

 25   Q.  Qu'est-ce que nous avons dit tout à l'heure, qui commandait cette 1ère

 26   Brigade ?

 27   R.  Le colonel Nedeljko Obradovic.

 28   Q.  Si nous concluons que le commandant de la zone opérationnelle n'a pas

Page 46844

  1   adressé cet ordre à la 1ère Brigade, voici ma question : Est-ce que cet

  2   ordre-ci est tout de même parvenu entre vos mains d'une façon ou d'une

  3   autre, puisque vous faisiez partie du poste de commandement avancé de la

  4   1ère Brigade du HVO ?

  5   R.  Oui, des éléments de cet ordre sont parvenus jusqu'à moi.

  6   Q.  Pour commencer, je vous demande à présent si cet ordre, ce document est

  7   parvenu jusqu'à vous ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  D'accord. Nous allons maintenant analyser ce document, après quoi nous

 10   nous efforcerons de voir dans quelles conditions vous avez reçu un ordre

 11   relatif au désarmement.

 12   Je vous prierais de vous pencher sur le paragraphe 10 de ce document.

 13   Dans ce paragraphe 10, nous lisons, je cite :

 14   "Avec toutes les forces présentes dans votre zone, établir une

 15   coopération étroite et agir (groupes antiterroristes, police et police

 16   militaire, en dehors de vos structures)."

 17   Pouvez-vous nous expliquer, Monsieur Pavlovic, s'il ressort de ce libellé

 18   que cette action de désarmement sera accomplie sur la base d'une

 19   collaboration entre quatre groupes : premièrement, les unités du HVO qui

 20   font partie de la zone opérationnelle; deuxièmement, les groupes

 21   antiterroristes; troisièmement, la police; et quatrièmement, la police

 22   militaire ? Si vous aviez lu ce paragraphe 10, est-ce que vous l'auriez

 23   interprété comme signifiant ce que je viens de dire ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Pourriez-vous répondre un peu plus haut, je vous prie ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  D'après ce que vous saviez, Monsieur Pavlovic, le chef de l'état-major

 28   principal avait-il compétence pour donner des ordres à la police civile ?

Page 46845

  1   R.  Non.

  2   Q.  Pourriez-vous parler un peu plus fort ?

  3   R.  Non. C'était ma réponse. Je me rapproche des micros.

  4   Q.  D'après votre appréciation, est-ce que le chef de l'état-major

  5   principal avait compétence pour donner des ordres à la police militaire ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Veuillez maintenant nous apporter votre concours, Monsieur Pavlovic,

  8   pour nous aider à mieux comprendre. Si à une action participent ensemble

  9   les unités du HVO commandées par le chef de l'état-major principal et

 10   certaines unités armées qui ne sont pas sous le commandement du chef de

 11   l'état-major principal, qui, à ce moment-là en Herceg-Bosna, était la

 12   personne qui aurait pu prendre une décision portant sur l'action conjointe

 13   de toutes ces formations armées ?

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Si vous le permettez, Maître

 15   Alaburic, j'aimerais demander des réponses complémentaires à propos de ce

 16   que vous avez posé précédemment. J'aimerais tout d'abord savoir si le chef

 17   de l'état-major général était compétent et avait le droit de donner des

 18   ordres aux troupes, aux brigades, aux zones opérationnelles, et cetera.

 19   Est-ce qu'il était en droit de leur donner des ordres ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 23   je considérais que ceci était tout à fait évident, puisque cet ordre vient

 24   du commandement de la zone opérationnelle.

 25   Q.  Donc, je vais répéter ma question. Voici ma question, Monsieur le

 26   Témoin. Compte tenu de votre façon de comprendre la situation en Herceg-

 27   Bosna à l'époque, si nous sommes en présence d'une action à laquelle

 28   participent ensemble des unités militaires auxquelles les ordres sont

Page 46846

  1   donnés par le chef de l'état-major principal --

  2   Il y avait une correction apportée au compte rendu; c'est chose faite.

  3   Donc, je répète encore une fois ma question. Si à une action participent

  4   ensemble des unités militaires qui reçoivent leurs ordres du chef d'état-

  5   major principal, ainsi que des formations armées auxquelles le chef de

  6   l'état-major principal ne peut pas donner des ordres car ces unités ne font

  7   pas partie de sa chaîne de commandement, ne dépendent pas de sa chaîne de

  8   commandement, qui était à cette époque-là en Herceg-Bosna la personne qui

  9   avait compétence pour donner des ordres à toutes ces unités ?

 10   R.  Un tel ordre pouvait être donné par le commandant suprême.

 11   Q.  J'aimerais maintenant que nous nous efforcions d'interpréter le

 12   paragraphe 8 de cet ordre. Au paragraphe 8, nous lisons, je cite :

 13   "Dans les unités où vous avez toujours des soldats d'appartenance

 14   ethnique musulmane, les désarmer et les isoler."

 15   Alors, Monsieur Pavlovic, d'après votre façon de comprendre les choses, le

 16   mot "isoler" concerne-t-il une arrestation ou une quelconque autre mesure ?

 17   R.  Ma façon de comprendre le mot "isoler" à l'époque, comme je le

 18   comprends encore aujourd'hui, consiste à penser qu'un groupe déterminé doit

 19   être désarmé et emmené sur le territoire où ce groupe sera davantage en

 20   sécurité, et où il n'aura pas la possibilité d'agir.

 21   Q.  Veuillez lire le paragraphe suivant dans lequel nous lisons, je cite :

 22   "Dans les lieux à l'intérieur de la zone de responsabilité où il y a une

 23   population musulmane, isoler tous les hommes aptes à porter les armes."

 24   Alors, d'après votre façon de traduire cette phrase, est-ce que cela veut

 25   dire que les Musulmans en âge de porter les armes devaient être isolés à

 26   l'endroit où ils se trouvaient ou est-ce que cela signifie qu'il convenait

 27   de faire autre chose ?

 28   R.  Ce passage peut se traduire de deux façons, mais dans les endroits où

Page 46847

  1   ils visaient il était impossible de les isoler.

  2   Q.  Pourquoi ?

  3   R.  Pour des motifs de sécurité. D'abord, parce que ces endroits étaient

  4   tout près des premières lignes, donc à tout moment, il existait un risque

  5   d'action de la part de l'artillerie ennemie. Et puis deuxièmement, si ces

  6   hommes avaient dû être isolés à l'endroit où ils se trouvaient, il y a

  7   avait risque de tentative d'attaque de la part des autres groupes que nous

  8   avons déjà cités, et donc, ces hommes auraient risqué leur vie.

  9   Q.  Dans la suite de la phrase, nous lisons que :

 10    "Les femmes et les enfants doivent être laissés dans leurs maisons et

 11   appartements."

 12   Alors, je vous demande si l'ordre indiquant que la population civile

 13   devait être protégée, qu'il ne fallait en aucun cas lui faire du mal est

 14   parvenu jusqu'à vous ?

 15   R.  Oui.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous repassions à

 17   huis clos partiel, car j'ai l'intention de soumettre au témoin un document

 18   protégé et citer la déclaration d'un témoin protégé.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je reste sur ce document, avant. J'ai une question à

 20   poser sur le document P3019.

 21   Mon Colonel, j'ai écouté les questions avec attention ainsi que vos

 22   réponses, tout en regardant ce document que nous connaissons parce que nous

 23   l'avons déjà vu. Je vais vous dire mon étonnement.

 24   C'est un document qui est daté du 30 juin, donc la date est

 25   importante. Mais ce document, il n'y a pas marqué "urgent", et vous

 26   remarquerez que ce n'est pas un document crypté. Ce document est envoyé au

 27   commandant de la zone sud-est, Miljenko Lasic, qui lui, va se contenter

 28   d'informer la 2e Brigade et la 3e Brigade de la teneur du document. On

Page 46848

  1   regarde l'ordre, et puis qu'est-ce qu'on constate ? Les points 1, 2, 3, 4,

  2   5, 6, 7 sont des points de nature technique. On demande de renforcer des

  3   lignes, on fait référence aux points trigonométriques, et cetera. Et puis,

  4   au point 8, on aborde la question essentielle, qui est le désarmement des

  5   soldats musulmans. Alors, je me dis pourquoi mettre au point 8 alors que

  6   c'est une mesure qui était urgente et nécessaire ? Et pourquoi noyer ce

  7   point 8 dans des dispositions de nature technique ? Alors, vous avez une

  8   explication à m'indiquer ou vous n'en savez rien ?

  9   Bien entendu, quand le général Petkovic témoignera, je lui poserai la

 10   question, puisque c'est lui qui a signé. Mais comme ça se fera dans

 11   plusieurs semaines, autant que je vous pose tout de suite la question à

 12   vous.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à cette question, le

 14   général Petkovic sera sans doute celui qui apportera la meilleure réponse.

 15   Mais pour ma part, je vous répondrai ce qui suit : je pense qu'à ce moment-

 16   là, ce qui était le plus urgent était d'établir des lignes de défense, car

 17   les forces continuaient à attaquer. Et donc, dans ces circonstances, ce qui

 18   était le plus urgent, c'était de renforcer les lignes de défense, de les

 19   consolider afin de se protéger contre de nouvelles attaques par la suite.

 20   Et c'est seulement après qu'arrivaient les autres activités qu'il importait

 21   d'engager.

 22   Et à la lecture de cet ordre, entre les paragraphes 1 et 10, du point

 23   1 au point 10 - une telle lecture ne prend que quelques minutes à peine -

 24   et le commandant qui reçoit cet ordre va apprécier lui-même ce qui, à son

 25   avis, doit être fait le plus en urgence. Il est possible que pour une

 26   unité, ce qui soit considéré comme le plus urgent est d'établir une ligne

 27   de défense. Pensons à une unité qui a déjà vécu une attaque, par exemple.

 28   Et il est possible aussi que pour un autre commandant, qui n'a pas encore

Page 46849

  1   subi d'attaque dans cette zone, le paragraphe 8 vienne au premier rang des

  2   urgences.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous peut-

  4   être accepter que nous fassions la pause maintenant, car le document

  5   suivant va faire l'objet d'un document assez long.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause de 20 minutes.

  7   --- L'audience est suspendue à 17 heures 38.

  8   --- L'audience est reprise à 18 heures 00.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Maître Alaburic, d'après les calculs, il vous

 10   reste 35 minutes.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président.

 12   Je demande que nous passions à huis clos partiel, je vous prie, car

 13   nous allons traiter d'un document protégé.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 15   partiel, Monsieur le Président. Merci.

 16   [Audience à huis clos partiel]

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  5   [Audience publique]

  6   Mme ALABURIC : [interprétation]

  7   Q.  Monsieur le Témoin, saviez-vous que des discussions de ce genre avaient

  8   lieu parmi les membres de la 1ère Brigade du HVO et que de telles

  9   supputations étaient formulées ?

 10   R.  Il y avait peut-être des supputations, mais je ne saurais confirmer qui

 11   est à l'origine de cet ordre.

 12   Q.  Très bien. Voyons d'un peu plus près ce qui s'est passé à Stolac, chez

 13   vous, en rapport avec cet ordre. Le commandant des bataillons du HVO de

 14   Stolac --

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Maître, mais c'est une

 16   réponse assez maigre. Vous dites qu'il y a eu comme ça des rumeurs ou des

 17   suppositions. Pourriez-vous être plus précis ? A quoi faites-vous référence

 18   ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je comprends ici, c'est que selon la

 20   déclaration de ce témoin, ce dernier pensait très précisément à cet

 21   individu qui y est mentionné en tant qu'auteur de cet ordre, ce que je ne

 22   peux pas confirmer parce que je ne suis pas au courant.

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] D'accord. Merci. Mais est-ce que

 24   c'était vraiment là le sens de la question ? Est-ce que c'était de savoir

 25   si M. Markovic était celui qui avait donné l'ordre ou s'il y avait eu des

 26   discussions à propos de l'ordre en tant que tel ? J'avais l'impression que

 27   vous, Maître Alaburic, vous faisiez référence au contenu de l'ordre et

 28   vous, Monsieur le Témoin, si vous avez des doutes uniquement sur le fait de

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  1   savoir si c'était M. Markovic ou pas qui avait donné cet ordre, est-ce que

  2   cela veut dire que vous n'avez pas entendu parler de réactions qu'il y

  3   aurait eues à cet ordre ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je sais qui a rédigé des

  5   ordres à mon intention. Quant aux spéculations, tout un chacun peut s'y

  6   livrer.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Mon Colonel, sur un plan général, entre soldats -

  9   puisque nous savons que ces unités, il y avait parfois des Croates et des

 10   Musulmans côte à côte, face à un ennemi commun qui était les Serbes - en

 11   règle générale, il y a un sentiment militaire entre les soldats, ils se

 12   serrent les coudes entre eux. Ils vivent des événements en commun. Quand le

 13   30 juin, ces soldats apprennent qu'ils doivent désarmer leurs frères

 14   d'armes, les Musulmans en l'espèce, à votre connaissance, est-ce qu'il y a

 15   eu des discussions entre soldats sur le problème ou ils ont trouvé ça tout

 16   à fait normal ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, si je vous ai bien compris,

 18   vous posez la question de savoir s'il y a eu des discussions, des débats

 19   entre soldats, mais les soldats, lorsqu'on leur a confié la mission de

 20   procéder au désarmement d'une unité ou des unités, ils n'avaient absolument

 21   pas le temps d'en discuter avec qui que ce soit. Tout cela s'est produit

 22   pendant une période de temps très courte.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord. Bien.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Pavlovic, pourriez-vous nous dire de qui vous avez reçu

 26   l'ordre de procéder au désarmement des soldats musulmans présents au sein

 27   de vos bataillons à Stolac ?

 28   R.  J'en ai reçu l'ordre de la part de mon commandant de brigade.

Page 46852

  1   Q.  Comment s'appelait-il ?

  2   R.  M. Nedjeljko Obradovic.

  3   Q.  S'agissait-il d'un ordre verbal ou d'un ordre écrit ?

  4   R.  C'était un ordre donné oralement.

  5   Q.  Quand, comment et où vous a-t-on donné cet ordre, cet ordre verbal ?

  6   R.  Cet ordre m'a été donné à Domanovici, le poste de commandement de la

  7   brigade.

  8   Q.  A quel moment était-ce ? A quelle date ?

  9   R.  C'était dans la soirée, me semble-t-il, du 30 juin.

 10   Q.  Vous êtes-vous réunis seul à seul avec le commandant Obradovic ou y

 11   avait-il d'autres personnes présentes ?

 12   R.  Il me semble qu'il y a eu un assez court briefing auprès du commandant

 13   Obradovic.

 14   Q.  Lors de cette réunion, avez-vous évoqué la situation à Bijelo Polje et

 15   dans les environs au nord et à l'est de Mostar après cette trahison qui

 16   avait été celle des soldats musulmans du HVO ?

 17   R.  Oui, mon commandant m'a mis au courant de cela. Il nous a tous mis au

 18   courant de ces événements, et nous a chargés de cette mission. A ce moment-

 19   là, les soldats n'étaient pas vraiment au courant de ce qui se passait

 20   parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'informations disponibles qui

 21   circulaient à ce sujet.

 22   Q.  Toujours concernant cette même réunion, est-ce que vous tous, les

 23   commandants, avez conclu que cet événement, cette trahison de la part des

 24   soldats musulmans représentait un risque en matière de sécurité, qu'il y

 25   avait un risque de voir cela peut-être se reproduire ou cela a-t-il été

 26   perçu comme un événement assez anodin ?

 27   R.  Une fois que nous avons appris ce qui s'était passé, nous avons conclu

 28   et nous pouvions nous attendre, à vrai dire, à ce que dans les jours qui

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  1   suivaient, voire dans les heures qui suivaient, cela pourrait très bien se

  2   produire aussi bien dans nos propres unités à nous.

  3   Q.  A quel moment, suite à cette réunion, si vous y revenez, revenez-vous à

  4   Stolac ?

  5   R.  Oui, j'y reviens.

  6   Q.  Est-ce que vous rencontrez certains de vos collaborateurs ?

  7   R.  Pas le soir même, mais le lendemain, oui.

  8   Q.  Qui rencontrez-vous ?

  9   R.  Si je puis me permettre, ce soir-là, le même soir, je donne l'ordre

 10   d'augmenter le niveau d'alerte, et le lendemain j'ai une réunion avec mes

 11   commandants de bataillon, avec les commandants des 4e et 5e Bataillons.

 12   Q.  Quelle a été la première réaction de ces commandants des bataillons de

 13   Stolac ?

 14   R.  Comme vous pouvez l'imaginer, lorsqu'on vous confie une mission aussi

 15   délicate, ces hommes se sont montrés incrédules dans un premier temps,

 16   parce qu'ils ne savaient pas ce qui s'était passé. Donc, lorsque je les ai

 17   mis au courant, ils ont fait preuve d'une grande incrédulité. Toutefois,

 18   lorsque j'ai précisé et détaillé ce qui pouvait très bien leur arriver à

 19   eux au sein de leur propre unité, et lorsque je leur ai dévoilé les plans

 20   qui étaient ceux de l'ennemi dans un avenir proche, ils ont effectivement

 21   reconnu que cet ordre devait être exécuté.

 22   Q.  Je vais d'abord procéder à une correction du compte rendu d'audience.

 23   En ligne 20, il est indiqué "les soldats de Stolac," mais moi je parlais

 24   des bataillons de Stolac. Nous parlons à présent de deux bataillons du HVO

 25   à Stolac.

 26   Alors, Monsieur Pavlovic, ce qui m'intéresse davantage à cette étape,

 27   c'est la toute première réaction de ces commandants de bataillon, avant que

 28   vous ne leur ayez expliqué de quoi il retournait, lorsque vous avez dit

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  1   qu'ils se sont montrés incrédules. Alors, je voudrais que vous décriviez

  2   très précisément à l'attention de Juges de la Chambre quelle a été la

  3   réaction de ces commandants.

  4   R.  La première réaction des commandants a été la suivante, ils

  5   n'arrivaient pas à comprendre qu'il faille désarmer et mettre en isolement

  6   quelqu'un avec qui ils avaient passé une année entière sur la ligne de

  7   front. Et, je l'ai appris plus tard, ils ont constaté le même phénomène à

  8   des échelons inférieurs. En fait, ils ont posé des questions en essayant de

  9   savoir s'il était possible d'entreprendre quoi que ce soit d'autre pour

 10   éviter un tel désarmement.

 11   Q.  Alors, si je vous comprends bien, Monsieur Pavlovic, les soldats

 12   croates du HVO n'étaient pas tous enchantés d'avoir maintenant à

 13   entreprendre quelque chose contre leurs camarades musulmans; est-ce que je

 14   vous ai bien compris si je dis cela ?

 15   R.  Oui. Il y a même eu des comportements qui étaient plutôt touchants, des

 16   scènes qui étaient plutôt touchantes.

 17   Q.  Très bien. Ensuite, vous avez expliqué de quoi il s'agissait. Vous avez

 18   expliqué les raisons à vos commandants de bataillon.

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et quelle a été leur conclusion suite à cela, est-ce qu'ils ont

 21   considéré qu'il était justifié de prendre les mesures qui avaient été

 22   décidées ? Cela n'était-il pas justifié ? Quelle était leur position ?

 23   R.  Une fois que nous avons analysé en détail la situation, ils ont convenu

 24   entièrement que l'ordre était nécessaire, et ils ont accepté de l'exécuter.

 25   Q.  Lorsque vous dites que cette réunion a eu lieu le lendemain, nous

 26   parlons en fait du 1er juillet 1993, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Quelle était l'organisation qui avait été décidée pour cette opération

Page 46855

  1   de désarmement des Musulmans dans votre zone de responsabilité ?

  2   R.  Ce jour-là, nous avons reçu des renforts en provenance de deux

  3   compagnies.

  4   Q.  J'en profite pour vous demander qui vous a accordé ces renforts.

  5   R.  Du commandement de la brigade. Donc, c'était en provenance de deux

  6   compagnies que sont venus ces renforts. Il s'agissait de deux compagnies.

  7   Ensuite, nous avons élaboré un plan pour décider de la façon dont il

  8   convenait de faire intervenir ces deux compagnies.

  9   Q.  Mais dites-nous d'abord d'où sont venues ces deux compagnies qui sont

 10   venues vous prêter main-forte ?

 11   R.  L'une de ces compagnies appartenait à notre brigade, alors que l'autre

 12   venait de la Brigade de Ljubuski.

 13   Q.  La compagnie qui était originaire de votre propre brigade, de quelle

 14   localité était-elle originaire ?

 15   R.  De Neum.

 16   Q.  Très bien. Je vous prie de poursuivre maintenant.

 17   R.  Donc nous avons conçu un plan. Nous nous sommes partagés les

 18   différentes positions, et nous y avons envoyé des détachements issus de ces

 19   deux compagnies. Nous avons fait en sorte qu'ils soient accompagnés par des

 20   gens du cru, des policiers qui les ont emmenés jusqu'à ces positions où ils

 21   se sont fait connaître des commandants des unités en question, qui se

 22   trouvaient donc à ce moment-là sur la ligne de front, et c'est en

 23   coopération avec ces mêmes commandants -- ou plutôt, ce sont ces

 24   commandants qui ont expliqué à leurs propres soldats ce qui s'était passé.

 25   Ils leur ont expliqué qu'ils devaient déposer et rendre leurs armes, et

 26   qu'ils devaient temporairement quitter les positions en question. Et c'est

 27   au moyen des soldats qui étaient venus en renfort que nous avons recomplété

 28   les positions laissées vides par les soldats appartenant au groupe ethnique

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  1   musulman.

  2   Q.  Est-ce que les soldats appartenant au groupe ethnique musulman ont bien

  3   remis et déposé leurs armes ?

  4   R.  Oui, sans qu'il y ait eu le moindre incident de ce fait. Ils étaient

  5   conscients de la portée de ce qui s'était passé.

  6   Q.  Qu'avez-vous ensuite fait de ces hommes du HVO appartenant au groupe

  7   ethnique musulman qui ont rendu leurs armes et quitté leurs positions ?

  8   R.  C'est par les mêmes véhicules au moyen desquels nous avions emmené les

  9   hommes de ces deux compagnies venues en renfort que nous avons acheminé ces

 10   soldats appartenant au groupe ethnique musulman jusqu'à l'usine Armatura

 11   [phon] de Stolac et au-delà, nous les avons ensuite transférés jusqu'à la

 12   caserne de Capljina et de Grabovina.

 13   Q.  Lorsque vous dites "Grabovina", vous voulez dire que c'était une

 14   caserne du HVO à Capljina ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que ces soldats du HVO appartenant au groupe ethnique musulman

 17   ont passé la nuit dans cette usine à Stolac, ou bien ont-ils été transférés

 18   dans cette caserne de Capljina le même jour que celui de leur arrivée ?

 19   R.  Je n'ai pas connaissance qu'ils y aient passé la nuit, pour aucun

 20   d'entre eux.

 21   Q.  Qui vous a dit que ces soldats désarmés du HVO devaient être transférés

 22   à la caserne de Capljina ?

 23   R.  Je vous ai déjà dit que ces hommes ne pouvaient pas rester dans le

 24   territoire de la municipalité de Stolac, parce qu'un seul obus de l'ennemi

 25   aurait pu tuer nombre d'entre eux. J'ai demandé au commandement de la

 26   brigade qu'il nous attribue une localité où nous pourrions mettre ces

 27   hommes en isolement, et il nous a dit de les transférer à la caserne de

 28   Capljina.

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  1   Q.  Après que ces soldats musulmans du HVO aient été emmenés à Capljina,

  2   avez-vous eu encore quelque contact que ce soit avec ces hommes ?

  3   R.  Non, plus aucun contact.

  4   Q.  Monsieur Pavlovic, si vous essayez de vous remémorer ce qui s'est passé

  5   quelques jours avant cet événement, est-ce que vous aviez remarqué le

  6   moindre signe, la moindre indication, selon lequel, à Mostar, à Capljina, à

  7   Stolac ou dans toute autre localité de votre connaissance, il y ait eu

  8   quiconque qui aurait planifié la moindre action visant à arrêter et à

  9   mettre en isolement un nombre significatif de Musulmans ? Y avait-il quoi

 10   que ce soit indiquant des préparatifs à cet effet dans quelque partie que

 11   ce soit de la Bosnie-Herzégovine que vous connaissiez ?

 12   R.  Non. Au moment d'ailleurs où nous avons reçu cet ordre indiquant que

 13   nous devions procéder ainsi, je pense que c'était le moment le plus

 14   difficile de ma vie entière, et j'ai eu énormément de difficultés à

 15   exécuter cet ordre parce que lorsque vous passez un an avec des hommes sur

 16   le front, il est extrêmement difficile de prendre une telle décision visant

 17   à les mettre en isolement. Je côtoie aujourd'hui encore certains de ces

 18   hommes, et je ne rencontre aucune difficulté avec eux.

 19   Q.  Compte tenu du fait que vous avez évoqué ces événements même après la

 20   guerre avec certaines des personnes concernées, vous avez lu un certain

 21   nombre d'ouvrages à ce sujet, est-ce que vous avez connaissance de la

 22   moindre circonstance ou de la moindre situation que vous pourriez indiquer

 23   aux Juges de la Chambre comme étant symptomatique de l'existence au sein du

 24   HVO de la moindre visée, avant le 30 juin 1993, qui aurait eu pour but

 25   d'arrêter, de mettre en isolement un nombre aussi important de soldats

 26   musulmans, de conscrits appartenant au groupe ethnique musulman ?

 27   R.  Non, personne n'avait seulement envisagé cela, et je n'ai jamais

 28   entendu personne pas même plaisanter à ce sujet. Nous avions de bonnes

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  1   relations. Il n'y avait pas le moindre besoin de penser à une telle chose.

  2   Q.  Merci pour ces explications.

  3   Je voudrais maintenant que nous passions à des documents qui nous

  4   montreront ce qu'il est advenu de votre brigade.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Me Alaburic vous a posé toute une

  6   série de questions qui étaient intéressantes parce qu'elles ont permis de

  7   comprendre l'étonnement que vous avez eu et les problèmes de conscience

  8   posés par le désarmement des soldats musulmans le 30 juin dans l'après-

  9   midi. Mais j'ai un petit problème qui est le suivant : tout à l'heure, nous

 10   avons vu un document qui vous a été présenté, le P 3185. C'est l'ordre du

 11   juge d'instruction, Dragan Budimir, d'arrêter Arif Pasalic, et notamment

 12   les membres de la Brigade Bregava.

 13   En regardant ce document, je découvre que le juge d'instruction qui

 14   va vouloir arrêter toutes ces personnes, elles sont dix, avait été saisi

 15   par le procureur militaire régional de Mostar, le 16 juin 1993; je dis bien

 16   le 16 juin. C'est-à-dire qu'au moins, il y avait quelqu'un qui, 15 jours

 17   avant le 30 juin, savait qu'il y avait un danger, le procureur militaire.

 18   Alors, comment se fait-il que le procureur militaire, lui, sait qu'il y a

 19   un problème et que vous, 15 jours après, vous découvrez le problème ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pour autant que je

 21   puisse le voir en me fondant sur ce document, pour autant que je puisse

 22   l'interpréter, il me semble que cela ne concerne que des membres de l'ABiH,

 23   et personne d'autre, parce que les personnes qui sont énumérées dans ce

 24   document sont des membres de l'ABiH, de l'Armée de Bosnie-Herzégovine.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [interprétation] Oui, mais ce document qui concerne

 26   les membres de l'ABiH, c'est parce que justement, il y avait un plan de

 27   l'ABiH contre le HVO. D'ailleurs, le document que vous avez vu tout à

 28   l'heure, le 4D36, qui est un document interne au 4e Corps, qui est en date

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  1   du 2 mai 1993, indique bien qu'il y avait un plan de prise de Stolac par

  2   les membres musulmans du HVO. C'est écrit noir sur blanc. C'est que

  3   certains savaient qu'il y avait un danger, mais vous, en tant que

  4   commandant de votre unité, vous n'avez pas perçu le danger ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je me souvienne, nous étions au

  6   courant, comme je l'ai déjà dit, de l'existence de ce type de danger, mais

  7   nous avons pris toute une série de mesures et nous avons agi afin de

  8   prévenir ces risques.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 10   Mme ALABURIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Pavlovic, si je me rappelle bien, vous avez évoqué un certain

 12   nombre de mesures de surveillance plus étroite et de renforcement de

 13   certaines unités dans le contexte de ce plan qui était celui de l'ABiH

 14   d'entreprendre des opérations en jonction avec des soldats musulmans du

 15   HVO, n'est-ce pas ?

 16   R.  Oui. Nous avons perçu l'existence d'un tel risque et nous avons procédé

 17   à un renforcement ou plutôt, c'est ce que nous faisions lorsque nous

 18   percevions l'existence d'un tel risque.

 19   Q.  Lorsque vous étiez dans une situation dans laquelle vous estimiez qu'il

 20   y avait un certain danger et que vous connaissiez l'existence de certains

 21   plans, c'est une situation, une première situation, mais c'en est une

 22   autre, n'est-ce pas, lorsqu'il y a effectivement eu une trahison de la part

 23   des soldats musulmans du HVO et lorsqu'il y a eu perte de contrôle par le

 24   HVO sur un certain territoire en raison de cette trahison et, je pense que

 25   là, c'est une seconde situation et qu'il y a une différence, n'est-ce pas,

 26   entre les deux, une différence essentielle ?

 27   R.  En effet.

 28   Q.  L'opération de désarmement concernait également les conscrits

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  1   appartenant au groupe ethnique musulman, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que vous pourriez nous expliquer la façon dont vous avez traité

  4   les conscrits ? Que représentaient-ils pour vous ?

  5   R.  Les conscrits étaient considérés comme un effectif de réserve d'une

  6   armée donnée et on les traitait en tant que tels.

  7   Q.  Est-ce que les conscrits musulmans étaient, à vos yeux, un effectif de

  8   réserve de l'ABiH ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Voyons maintenant ce qui s'est passé dans votre brigade après qu'elle

 11   s'est retrouvée privée d'un grand nombre de ses soldats appartenant au

 12   groupe ethnique musulman, ces derniers s'étant retrouvés mis en isolement.

 13   En chiffres absolus, dans les deux bataillons dont vous disposiez, combien

 14   y avait-il de soldats musulmans ?

 15   R.  Environ 600, peut-être un peu plus, mais c'était environ 600.

 16   Q.  Au sein de la 1ère brigade du HVO, qu'en était-il ?

 17   R.  Je ne dispose pas de données précises. Je crois que cela allait peut-

 18   être même jusqu'à 2 000 soldats.

 19   Q.  D'après ce que vous savez de la structure en question et de ces hommes

 20   qui ont été mis en isolement, est-ce que vous pourriez nous dire

 21   approximativement quel était le pourcentage de ceux qui étaient des soldats

 22   du HVO et quel était le pourcentage des autres, qui étaient Musulmans, mais

 23   qui n'étaient pas des soldats du HVO ?

 24   R.  Je n'ai pas de données précises. Je pense que dans le territoire de la

 25   municipalité de Stolac, c'était encore une fois 50/50.

 26   Q.  Nous parlons d'un rapport de 50 % contre 50 %, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Prenons maintenant le document suivant qui est le P 3149, co-signé par

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  1   le chef d'état-major principal et le chef du département de la Défense. On

  2   y ordonne, le 3 juillet 1993, une restructuration de la Brigade du Knez

  3   Domagoj. Est-ce qu'il y a bien eu cette restructuration ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Passons au document suivant, le P 3151. Dans cet ordre, au point 1,

  6   nous voyons que le commandant de la 1ère Brigade essaie de déterminer quels

  7   sont les soldats musulmans qui peuvent, malgré tout, rester au sein des

  8   unités car on peut compter sur leur loyauté. Cependant, ce qui m'intéresse

  9   à cette étape, c'est le point 2(b) où il est dit, je cite : "On met fin à

 10   l'existence du poste de commandement avancé de Stolac." Est-ce que de par

 11   cet ordre, il a été mis fin, Monsieur Pavlovic, il a été mis un terme à

 12   votre fonction au poste que vous occupiez jusqu'alors ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Est-ce qu'un soldat du HVO perd son statut de soldat du HVO s'il est

 15   arrêté et mis en isolement pour raisons disciplinaires ou pour quelque

 16   autre raison ?

 17   R.  Non, il ne perd pas son statut de ce fait.

 18   Q.  A votre connaissance, dans quelles conditions un soldat du HVO peut-il

 19   perdre ce statut de soldat du HVO ?

 20   R.  Ce statut, il peut le perdre en cas de démobilisation de son unité, on

 21   n'a plus besoin de lui ou lorsqu'il abandonne, lorsqu'il quitte son unité

 22   de sa propre initiative. Je ne me rappelle plus le troisième cas -- ou

 23   plutôt, je n'en ai pas connaissance.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Pouvons-nous passer de nouveau à huis clos

 25   partiel, s'il vous plaît. Nous allons aborder des documents sous pli

 26   scellé.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

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  1   partiel, Messieurs les Juges.

  2   [Audience à huis clos partiel]

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 13  Pages 46863-46865 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  7   [Audience publique]

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, en audience publique.

  9   Monsieur le Témoin, regardez bien la carte. Pouvez-vous me confirmer

 10   que vous connaissiez bien à l'époque Mostar et ses environs ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux confirmer que je connaissais très bien

 12   Mostar et ses environs.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous connaissez très bien Mostar et ses

 14   environs. Je vous demande de regarder sur la carte le point 2, qui est au

 15   niveau de Rastani. Connaissiez-vous Rastani ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Rastani, oui.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : On voit mal sur la carte, mais on a vu d'autres

 18   cartes. Il y a une route qui longe la rivière qui passe devant cette

 19   localité Rastani. Nous savons, parce qu'il y a un témoin qui est déjà venu,

 20   que Rastani a été occupé à un moment donné par le HVO au mois d'août 1993.

 21   Nous avons appris par des questions qui avaient été posées par Mme le

 22   Procureur à l'époque, que cette route était sous le feu du HVO, ce qui

 23   pouvait poser un problème de circulation.

 24   Comme vous connaissiez bien l'endroit, est-ce que les Musulmans de

 25   Mostar est avaient une autre route ou d'autres chemins pour éviter les tirs

 26   du HVO positionné à Rastani ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Cette carte est de petites dimensions, donc on

 28   a du mal à voir tous les détails. Mais d'après ce que je sais, dans la

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  1   localité de Vrapcici, qui est la localité voisine - à la sortie de Mostar -

  2   on peut y arriver en utilisant la route qui part du quartier de Zalik.

  3   C'est un quartier de la ville. Quant à la route M-17 à l'époque, elle était

  4   soumise au feu, soumise aux tirs.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Vous nous dites la route M-17 était

  6   soumise aux tirs. Très bien. Mais pouvait-on emprunter une autre route non

  7   soumise au feu du HVO ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je viens de dire précisément, Monsieur le

  9   Président, que je pense qu'il existe une route qui part du quartier de

 10   Zalik et qui va vers Vrapcici.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes affirmatif ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cette deuxième route.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me dire, quand vous étiez dans les

 14   environs de Mostar, vous y avez été de quels mois à quels mois exactement ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans les environs de Mostar -- d'ailleurs,

 16  dans Mostar même, j'y étais depuis le mois de mars 1992 jusqu'au 1er juillet

 17   1992, et du 20 juillet 1993 au début août -- plutôt même, à la mi-1994.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous étiez à Mostar du 20 juillet 1993 jusqu'à

 19   la mi-1994. Dans votre souvenir - ma question est importante - est-ce que

 20   les Musulmans qui habitaient Mostar est pouvaient, à partir du 20 juillet

 21   1993 jusqu'à la mi-1994, quitter Mostar est, en prenant bien entendu des

 22   précautions, sans être soumis à un tir du HVO ?

 23    LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense -- en fait,

 24   je suis convaincu qu'ils pouvaient sortir de Mostar est sans être soumis

 25   aux tirs du HVO.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : A votre connaissance, est-ce qu'il y a des Musulmans

 27   qui étaient à Mostar est qui ont quitté Mostar est de leur plein gré, sans

 28   être tués sur la route qui menait vers Jablanica ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils pouvaient partir pour Jablanica de leur

  2   propre gré, sans mourir sur la route, parce qu'ils disposaient d'une route

  3   ouverte entre Mostar et Jablanica.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Juste avant qu'on termine, il reste encore quelques

  5   minutes, tout à l'heure, en répondant à Me Alaburic, vous avez dit, mais

  6   vous n'avez pas approfondi, que le 4e Corps et la VRS, sur la ligne de

  7   front entre les deux, se livraient, j'ai cru comprendre, à des trafics

  8   genre nourriture, vente d'armes de petit calibre, et cetera. Ce que vous

  9   dites, et vous sembliez assez sûr de vous quand vous avez dit cela, est-ce

 10   que le cas échéant, à votre connaissance, il y a des Musulmans de Mostar

 11   est qui auraient quitté Mostar est en passant au travers des lignes tenues

 12   par la VRS parce que les officiers de la VRS avaient été corrompus,

 13   achetés, ou bien ils avaient payé une dîme pour traverser ces territoires ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas allé là-bas en personne, donc

 15   je ne peux pas affirmer avec 100 % de certitude que des cas de ce genre ont

 16   existé. Mais les éléments d'informations qui me sont parvenus par les

 17   services de Renseignements confirment cela. Nous avons même un

 18   renseignement de cette époque qui indique qu'une réunion a été organisée au

 19   niveau du corps d'armée, c'est-à-dire au niveau le plus élevé. Il nous

 20   arrivait très fréquemment de trouver un obus qui n'avait pas explosé et qui

 21   était de fabrication serbe, et ce, de fabrication récente. Donc, ces

 22   éléments d'information très nombreux qui nous provenaient des services de

 23   Renseignements nous indiquaient que des événements de ce genre avaient bel

 24   et bien lieu.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question, puis on va arrêter là.

 26   A votre connaissance, est-ce que l'artillerie serbe tirait sur

 27   Mostar, Mostar ouest ou Mostar est ? Avez-vous connaissance que de temps en

 28   temps ou souvent l'artillerie de la VRS pouvait tirer soit sur le HVO à

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  1   Mostar ouest soit sur l'ABiH à Mostar est ? Vous voyez, ma question

  2   concerne tout le monde.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons des éléments d'information

  4   indiquant qu'ils tiraient des obus sur nos positions et qu'ils étaient

  5   guidés par des membres de l'ABiH, mais à la place que j'occupe ici

  6   aujourd'hui, je ne peux pas l'affirmer avec 100 % de certitude.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous dites que parfois la VRS tirait sur

  8   Mostar ouest, mais que c'étaient des tirs guidés par des membres de l'ABiH.

  9   Mais ça, vous le savez par les services de Renseignements, par des

 10   prisonniers de l'ABiH, par des documents ou par radio trottoir Mostar ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dispose de ces renseignements qui nous ont

 12   été fournis par nos responsables du renseignement, donc des services de

 13   Renseignements, nos responsables du renseignement chargés de suivre ce

 14   genre de chose.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 16   Il est 19 heures. Demain on va reprendre avec les autres avocats.

 17   Nous sommes d'après-midi cette semaine.

 18   Monsieur le Témoin, vous reviendrez pour l'audience qui débutera à 14

 19   heures 15. Et je vous renouvelle mes conseils formulés en début d'audience,

 20   d'ici là, bien entendu, vous n'avez aucun contact avec quiconque. Je vous

 21   remercie, et à demain, 14 heures 15.

 22   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 17 novembre

 23   2009, à 14 heures 15.

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