Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 30 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 21.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  6   l'affaire, s'il vous plaît.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  8   toutes les personnes ici présentes.

  9   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci, Monsieur

 10   le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 12   En ce lundi 30 novembre 2009, je présente d'abord à tout le monde mes

 13   excuses pour ce retard qui ne nous est pas imputable mais qui est le fait

 14   de la Chambre Gotovina une fois de plus.

 15   Je salue MM. les accusés, je salue Mmes et MM. les avocats, je salue M.

 16   Scott et sa collaboratrice, et je salue toutes les personnes qui nous

 17   assistent.

 18   Je vais donner la parole à M. le Greffier qui a quatre numéros IC à nous

 19   donner.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

 21   Merci.

 22   Certaines parties ont déposé une liste de documents à verser par le

 23   truchement du Témoin 4D-80. La liste 4D deviendra la pièce IC 001130; D2 se

 24   sera la cote IC 0111131; D3 ce sera 1132; et la liste de l'Accusation

 25   portera le numéro IC 01133.

 26   Merci.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 28   Je vais lire une courte décision orale relative à une demande

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  1   d'autorisation de déposer une réplique.

  2   Le 29 novembre 2009, la Défense Praljak a déposé une demande d'autorisation

  3   de répliquer aux réponses de la Défense Stojic et de l'Accusation à sa

  4   demande d'admission d'éléments de preuve documentaires du 26 octobre 2009.

  5   La Défense Praljak demande également une prorogation du délai pour déposer

  6   sa réplique jusqu'au 18 décembre 2009.

  7   La Défense Praljak demande à pouvoir répondre à certains arguments qui

  8   selon elle auraient été soulevés de façon erronée par l'Accusation dans sa

  9   réponse. La Défense Praljak fait également valoir que la réplique lui

 10   permettra de corriger certaines erreurs qui se sont glissées dans sa

 11   requête du 26 octobre 2009.

 12   Au vu des arguments avancés par la Défense Praljak, la Chambre décide de

 13   l'autoriser à déposer une réplique; cependant, la Chambre estime qu'un

 14   délai jusqu'au 14 décembre 2009 est suffisant pour permettre à la Défense

 15   Praljak de préparer et déposer ladite réplique.

 16   Bien. Donc Maître Kovacic, vous avez jusqu'au 14 décembre.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons donc introduire le témoin.

 19   Je vais demander à M. l'Huissier d'aller chercher le témoin.

 20   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur le Témoin. Pouvez-vous me donner

 22   votre nom et prénom ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Filip Filipovic. 

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre date de naissance.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 1er mars 1946.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'elle est votre profession ou qualité actuelle ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis à la retraite et je fais du

 28   volontariat pour déminer les terrains.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous êtes à la retraite de l'armée, je

  2   suppose.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, retraité militaire. J'ai été officier de

  4   part ma profession avant.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Qu'elle a été votre dernier grade ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais général de division.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mon Général, avez-vous déjà témoigné devant un

  8   tribunal pour les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie; et si

  9   c'est le cas, devant quel tribunal ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, à ce Tribunal à La Haye, dans l'affaire

 11   Kordic et Cerkez.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous étiez le témoin de qui ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] De Kordic.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 16   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 17   LE TÉMOIN : FILIP FILIPOVIC [Assermenté]

 18   [Le témoin répond par l'interprète]

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, mon Général. Vous pouvez vous asseoir.

 20   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, mon Général, quelques éléments d'information.

 22   Comme vous avez déjà témoigné dans l'affaire Kordic, je sais que vous avez

 23   témoigné parce que j'ai toute votre audition sous les yeux puisqu'elle

 24   était publique. Vous savez comment ça se passe. Vous allez devoir répondre

 25   à des questions que Me Alaburic, que vous avez rencontrée, va vous poser.

 26   Me Alaburic vous présentera également des documents qui sont reliés dans

 27   deux classeurs que vous avez devant vous. Il y a le classeur numéro 1 et

 28   classeur numéro 2.

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  1   Lorsqu'elle vous présentera un document, elle indiquera le numéro du

  2   document et vous regarderez le document. Une fois qu'elle aura terminé ses

  3   questions qui vont prendre quatre heures, les avocats des autres accusés

  4   vous poseront donc, eux aussi, des questions dans le cadre de leur contre-

  5   interrogatoire. A l'issue de cette phase, le Procureur, qui se trouve à

  6   votre droite, qui est M. Scott, procédera à son contre-interrogatoire,

  7   étant précisé que vous avez déjà eu l'occasion de répondre à un contre-

  8   interrogatoire à l'époque dans l'affaire Kordic, ou c'était le célèbre M.

  9   Nice qui faisait office de Procureur.

 10   Les quatre Juges, qui sont devant vous, pourront vous poser des questions à

 11   tout moment. Ils vous poseront des questions pour approfondir un document,

 12   ou parce que votre réponse à la question posée appelle des questions de

 13   suivi, et puis peut-être aussi des questions qui sont utiles à la

 14   manifestation de la vérité.

 15   Comme vous avez été général, vous avez normalement un esprit de synthèse de

 16   ce fait, répondez de manière précise aux questions posées. Si vous ne

 17   comprenez pas le sens d'une question, n'hésitez pas à demander à celui, qui

 18   vous pose la question, de la reformuler. Même si c'est un Juge qui vous

 19   pose une question, et même si dans la question posée, vous découvrez qu'il

 20   y a une erreur, n'hésitez pas à dire à celui qui vous pose la question

 21   qu'il y a peut-être une erreur dans la question.

 22   Par ailleurs, nous faisons des pauses toutes les heures et demie, pause de

 23   20 minutes. Vous avez prêté serment, ce qui veut dire que vous êtes

 24   maintenant témoin de la justice; vous n'avez donc plus de contact à avoir

 25   avec quiconque pendant les jours qui vont suivre. Bien entendu, vous pouvez

 26   avoir des contacts avec votre famille mais pas avec la presse ni avec les

 27   avocats.

 28   Il est prévu que vous témoignerez également lundi et mardi prochain, en

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  1   fonction du planning. Donc vous avez dû prendre toutes vos dispositions

  2   pour être présent jusqu'au début de la semaine prochaine.

  3   Par ailleurs, si à un moment donné vous vous sentez pas bien ça peut

  4   arriver, ça arrive même aux Juges parfois, alors à ce moment-là, n'hésitez

  5   pas à lever la main pour vous demander qu'on arrête afin de vous permettre

  6   de vous reposer. On ne sait jamais, surtout avec le stress de l'audience on

  7   peut faire parfois des malaises. Mais jusqu'à présent, ça n'est jamais

  8   arrivé de la part d'un témoin.

  9   Voilà ce que je voulais vous dire. Bien entendu, la Chambre est à votre

 10   disposition si vous voulez lui poser des questions de toute nature en

 11   liaison avec votre audition.

 12   Sur ce, donc je donne la parole à Me Alaburic qui est prête puisqu'elle a

 13   le pupitre devant elle et je lui cède la parole.

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour aux

 15   Juges. Bonjour à mes confrères et consoeurs de l'Accusation, notamment M.

 16   Scott. Je salue également mes confrères et consoeurs de la Défense.

 17   Monsieur le Témoin, bonjour, et bonjour à tous et à toutes dans le

 18   prétoire.

 19   Interrogatoire principal par Mme Alaburic :

 20   Q.  [interprétation] Alors, Monsieur le Témoin, nous allons commencer par

 21   une brève biographie à vous et je vais vous demander si c'est à peu près il

 22   y a un an que vous avez été saisi par une demande de l'Accusation visant à

 23   vous interviewer avant que vous ne veniez à La Haye.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Qu'avez-vous répondu à cette demande ?

 26   R.  J'ai répondu par oui, par affirmative, mais j'ai dit que je ne voulais

 27   pas m'entretenir avec des employés quelconques; je voulais m'entretenir

 28   avec le Procureur si contact avec moi était si nécessaire que cela.

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  1   Q.  Vous souvenez-vous du nom que vous avez mentionné pour ce qui est du

  2   bureau du Procureur en acceptant d'entretien, une interview avec celui-ci ?

  3   R.  Je ne sais pas. Il se peut que j'aie eu à apprendre un nom par les

  4   médias. Maintenant je ne me souviens plus.

  5   Q.  Non, non, c'était notre confrère, M. Scott, mais comme M. Scott est

  6   aujourd'hui dans le prétoire, je crois bien qu'il se souviendra de votre

  7   demande et que c'est la raison pour laquelle il a demandé à être

  8   aujourd'hui présent dans le prétoire.

  9   Alors, Monsieur le Témoin, nous allons montrer aux Juges de la Chambre et à

 10   toutes les personnes ici présentes quelle est l'éducation que vous avez

 11   obtenue et quelle a été votre carrière professionnelle. Vous nous avez déjà

 12   dit que vous êtes né en 1946.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Vous êtes né à Travnik en Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  C'était l'ex-Yougoslavie de l'époque ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Très brièvement, maintenant je me propose de vous présenter les données

 19   telles que vous les avez présentées concernant votre éducation et carrière.

 20   Alors, je vous prie de prêter une oreille attentive et si quelque chose

 21   n'est pas exact, rectifiez le tir; et si c'est exact, confirmez.

 22   Alors pour ce qui est de votre cursus, vous avez fait l'Académie militaire

 23   à Belgrade, et ce, à partir -- donc vous avez fait vos études à partir de

 24   1966 jusqu'en 1970, puis vous avez fait une académie de commandement

 25   d'état-major entre 1960 et vous avez fini en 1979 à Belgrade. Veuillez nous

 26   dire, Général, si cela est bien exact ?

 27   R.  C'est exact.

 28   Q.  Vous avez commencé à travailler au sein de la JNA et vous étiez basé en

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  1   Slovénie et vous avez passé là-bas quatre ans, vous avez été commandant

  2   d'une batterie. Puis vous êtes allé à Doboj, c'est une localité en Bosnie-

  3   Herzégovine et vous y avez passé six ans pour être commandant d'une autre

  4   batterie. Puis vous avez passé quatre ans à être chef d'état-major d'un

  5   régiment. Ensuite vous êtes allé à Derventa ce qui se trouve également en

  6   Bosnie-Herzégovine, et vous avez passé quatre ans à chef d'état-major d'un

  7   régiment donc vous avez eu les mêmes fonctions. Puis vous êtes retourné à

  8   Doboj pour y passer deux ans et vous avez été commandant du régiment en

  9   question.

 10   A partir de 1990 jusqu'à avril 1992, vous êtes à Sarajevo, chef d'état-

 11   major de l'artillerie du 4e Corps de l'armée populaire yougoslave.

 12   Général, est-ce que tout ceci est exact ?

 13   R.  J'étais chef de l'artillerie du 4e Corps, commandant de l'artillerie du

 14   4e Corps.

 15   Q.  Bien. Alors maintenant les choses se présentent de la sorte par la

 16   suite. Le 8 avril 1992, vous quittez la JNA; le 10 avril, vous arrivez sur

 17   le secteur de Travnik et Vitez et vous passez là-bas un temps relativement

 18   court. Vous y êtes commandant de l'état-major régional pour la Bosnie et

 19   ensuite vous êtes commandant adjoint du HVO pour la zone opérationnelle de

 20   la Bosnie centrale.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- vous, parce que je pensais que Me

 22   Alaburic vous poserait la question et elle ne l'a pas posée. Quand vous

 23   avez quitté la JNA, quel grade aviez-vous dans la JNA ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais lieutenant-colonel et j'avais réuni

 25   toutes les conditions pour devenir colonel parce que j'avais fait un stage

 26   au niveau du régiment et tout ce qu'il fallait faire. Mais j'étais resté,

 27   je suis resté lieutenant-colonel.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation]

  2   Q.  Général, au mois de mai 1992, au mois de juin 1992, vous devenez

  3   commandant d'un Groupe tactique ou opérationnel pour Travnik, Novi Travnik

  4   et Vitez, zone opérationnelle de la Bosnie centrale. Puis au mois d'octobre

  5   1992, vous êtes nommé aux fonctions de commandant de la Brigade du HVO à

  6   Travnik. C'est à peu près jusqu'à avril 1993 que vous accomplissez ces

  7   trois fonctions, commandant adjoint de la zone opérationnelle, commandant

  8   du Groupe tactique ou opérationnel, et commandant de la brigade.

  9   En avril 1993, vous êtes nommé au sein du commandement conjoint de l'ABiH

 10   et du HVO et vous participez aux travaux des commissions chargées d'apaiser

 11   la situation de calmer le jeu et de faire cesser les conflits. Au mois de

 12   juin 1993, vous revenez sur le secteur de Vitez et vous y restez, vous

 13   restez dans cette enclave pour y combattre jusqu'à avril 1994 à peu près.

 14   En avril 1994, vous devenez commandant --

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Scott.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je n'avais

 17   pas l'intention d'intervenir. J'attendais que Me Alaburic termine sa

 18   question mais y a peut-être une erreur de traduction de compte rendu, c'est

 19   pour ça que je voulais intervenir. Ce que nous avons ici au compte rendu

 20   c'est en 1993, vous avez été nommé au commandant conjoint de l'ABiH et le

 21   HVO, et vous avez participé à plusieurs commissions, est-il dit.

 22   Est-ce que ce qu'on voulait dire ce n'était pas qu'il a été nommé à une

 23   Commission conjointe en Bosnie centrale à l'époque parce que je n'ai pas

 24   connaissance, et c'est ce que à moins que Me Alaburic n'ait des

 25   informations supplémentaires. Je ne pense pas qu'il y avait de commandement

 26   conjoint à l'époque.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- M. Scott a parfaitement raison

 28   puisque, dans l'affaire Kordic, ceci lui a été posé comme question et il

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  1   faisait partie d'une commission. Mais pouvez-vous lui poser la question

  2   pour que ça soit au transcript ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux répondre ?

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, M. le Témoin peut vous le

  5   dire mais nous avons des documents pour ce qui est d'un commandement

  6   conjoint, c'est le 4D 455, et il est question d'un commandement conjoint

  7   entre le HVO et l'ABiH et où il est procédé à la nomination de Mario

  8   Andric, Filip Filipovic et Zivko Totic. Dans cette partie pour ce qui est

  9   du commandement conjoint, nous nous proposons de prouver qu'il a bel et

 10   bien eu création d'un commandement conjoint, et les personnes susnommées au

 11   niveau de la Bosnie-Herzégovine était censée intervenir, puis au niveau des

 12   corps d'armée et des zones de rassemblement, donc je ne me suis pas

 13   trompée. C'est de façon sciante et délibérée que j'ai parlé "d'un

 14   commandement conjoint," mais on peut poser la question au témoin pour qu'il

 15   nous apporte un éclaircissement.

 16   Q.  Dites-nous, Général : qu'avez-vous été donc au printemps 1993 ?

 17   M. SCOTT : [interprétation] Avant que le témoin ne réponde, je voulais que

 18   le compte rendu soit clair et je suis conscient de la sincérité. Mais ce

 19   qui est montré ici, c'est l'interprétation qu'elle fait elle des événements

 20   de la façon dont elle interprète ces relations. Moi, j'ai travaillé dans le

 21   procès Kordic et j'ai déjà vu l'audition de ce témoin, et ce qui a été

 22   clairement décrit à l'époque c'est une commission conjointe qui a eu une

 23   existence de quelques semaines, quelques réunions, et après ça, n'avait

 24   rien à voir avec une fonction de commandement conjoint.

 25   Je comprends que Me Alaburic veut faire valoir sa cause, mais ici c'est

 26   vraiment un argument de droit qu'elle présentait, et je pense que tout ce

 27   qui a été dit auparavant ici concernait une commission conjointe qui n'a eu

 28   qu'une vie éphémère.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suppose que vous allez maintenant

  2   poser une question vraiment ouverte, Maître Alaburic, qui tiendra compte de

  3   votre objection.

  4   Mais j'aimerais signaler une petite différence mais qui n'est pas sans

  5   signification. Je pense qu'au compte rendu, il est dit qu'il avait été

  6   nommé au commandant conjoint de l'ABiH et du HVO.

  7   L'INTERPRÈTE : Oui, l'interprète dit, indique "commander." 

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je demande aux interprètes de ne pas

  9   se froisser; c'est ce que je vois qui est écrit. Donc il est écrit

 10   "command" et je crois que ça veut dire "commande."  

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci de ce rectificatif, Monsieur le Juge.

 12   J'ai voulu tenir compte de l'observation de M. Scott et j'ai constaté qu'on

 13   a consigné "commander" au lieu de commandement. Ce sont deux instances qui

 14   ne s'excluent pas l'une de l'autre mais on s'est efforcé de créer un

 15   "commandement conjoint." Il y avait également une commission conjointe qui

 16   était chargée d'inspecter le secteur de Jablanica et de Konjic, et

 17   d'entreprendre toute une série de mesures aux fins de régler la situation

 18   qui était très tendue à l'époque.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Laissez le témoin répondre parce que vous intervenez

 20   comme si c'est lui qui parle. M. Scott a fait une objection et il connaît

 21   parfaitement l'affaire Kordic, vous le savez bien. Donc demandez au témoin

 22   : faisait-il partie d'une commission ou du commandement conjoint, ou des

 23   deux à la fois ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai d'abord été membre d'une commission, et

 25   nous avons inspecté les positions pour résoudre les problèmes. Ensuite j'ai

 26   été nommé au sein d'un commandement conjoint et c'est en personne que je

 27   suis allé à Zenica pour voir où se trouvait le siège de ce commandement

 28   conjoint. J'ai rencontré Siber, Hadzihasanovic, Sefer, enfin je parle de

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  1   Zenica où devait se trouver le siège de ce commandement, et c'est en leur

  2   compagnie que je suis allé à Konjic, donc ce commandement conjoint a été

  3   nommé. On a œuvré en la faveur de sa création. Maintenant de parler pour ce

  4   qui est de parler de son fonctionnement, on peut y arriver -- on peut y

  5   venir tout à l'heure.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vous assure que

  7   le Général suit parfaitement bien ce que je vais présenter comme données

  8   relatives à sa carrière, et s'il y a quelque chose d'erroné, il me

  9   rectifiera. Si mon confrère, M. Scott, estime qu'il y a quelque chose

 10   d'erroné, il a toute la latitude au contre-interrogatoire d'y remédier.

 11   Q.  Alors, mon Général, on s'est arrêté au mois d'avril 1994, où vous avez

 12   été nommé commandant d'une zone de rassemblement à Vitez et M. Tihomir

 13   Blaskic part vers l'état-major principal du HVO, et vous restez à ces

 14   fonctions à peu près un an, et c'est en avril 1995 que vous allez vers la

 15   zone de rassemblement de Tomislavgrad vers le mois de mai 1995 déjà vous

 16   partez vers cet état-major conjoint de l'armée de la Fédération de Bosnie-

 17   Herzégovine. Au 31 janvier 2007, vous vous retirez du service actif et vous

 18   avez un grade de général major de l'ABiH.

 19   En 1998, vous avez été directeur d'un centre pour le nettoyage du

 20   territoire de la Bosnie-Herzégovine de ses mines et depuis 2002, vous êtes

 21   volontaire dans une association humanitaire de déminage qui s'appelle

 22   Provita.

 23   Alors, Général, est-ce que ces données telles que présentées sont exactes ? 

 24   R.  Exact.

 25   Q.  Dites-moi : au début lorsque vous étiez l'adjoint du commandement de la

 26   Zone opérationnelle de Bosnie centrale, qui a été le premier commandant

 27   dont vous avez été l'adjoint ?

 28   R.  Le premier commandant dont j'ai été l'adjoint était Zarko Tole.

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  1   Q.  Combien de jours a-t-il occupé cette fonction ?

  2   R.  Une dizaine de jours, avant d'être fait prisonnier par l'ARSK. Donc

  3   c'est M. Zulu, qui a été l'adjoint -- qui est arrivé à ce moment-là et il

  4   est resté à son poste très peu de temps, et ensuite est arrivé M. Blaskic;

  5   moi, j'étais le numéro 2 de Blaskic qui était le numéro 1.

  6   Q.  Dites-moi, je vous prie : pouvez-vous nous dire en quelques mots

  7   qu'elles ont été les actions de Zarko Tole en tant que commandant de la

  8   Zone opérationnelle de Bosnie centrale ? Qu'a-t-il fait à son arrivée dans

  9   son poste ?

 10   R.  Zarko Tole est arrivé à la mi-mai, et avant même de me rencontrer, il a

 11   fait le tour des municipalités, il a organisé des réunions, il développait

 12   les thèses du combat commun concernant les Croates et les Musulman. Moi je

 13   l'ai rencontré dans la municipalité de Travnik et comme nous nous

 14   connaissions officiellement depuis Derventa, il ne nous a pas fallu

 15   beaucoup de temps pour nous remettre à nouveau. Il m'a dit : tu est mon

 16   adjoint; nous nous rencontrerons demain à Gornji Vakuf plus précisément à

 17   Bugojno, et puis nous avons été ensemble à Bugojno pendant quelques jours,

 18   avant que l'armée de la Republika Srpska ne le fasse prisonnier.

 19   Q.  Dites-moi, Général : lorsqu'en qualité d'officier de la JNA, vous êtes

 20   arrivé dans la région de la Bosnie centrale, comment avez-vous été

 21   accueilli par la population locale ?

 22   R.  Je suis arrivé sur le territoire de la Bosnie centrale, dans la vallée

 23   de la Lasva - là où j'habitais - j'ai trouvé un certain nombre d'individus.

 24   Ceux qui me connaissaient étaient heureux de me voir arriver, car la

 25   défense serait améliorée par ma participation en tant qu'expert, et à Novi

 26   Travnik, je ne connaissais que quelques rares personnes. A Bugojno, je ne

 27   connaissais personne mais, en tout cas, à la réunion qui a été organisée

 28   avec la cellule de Crise de l'époque, il a été décidé que je devais exercer

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  1   mon commandement sur un territoire tout à fait immense, c'est-à-dire la

  2   Bosnie centrale, moins la Posavina. A l'époque, je ne connaissais vraiment

  3   que très peu de monde dans la région où j'étais né, mais j'y suis arrivé.

  4   J'ai réussi à créer les conditions préalables pour mettre en place une

  5   armée parce que je connaissais les dangers qui menaçaient.

  6   Q.  Y a-t-il eu quelque méfiance en raison du fait que vous veniez de la

  7   JNA ?

  8   R.  Ça, ça a été dit à plusieurs reprises parce que j'étais arrivé dans

  9   cette région après avoir quitté la JNA relativement tard, à un moment où la

 10   JNA avait déjà commis un certain nombre d'actes négatifs; donc, j'étais

 11   déjà taxé de traite, mais une fois que j'ai commencé à inspecter les lignes

 12   et que j'ai fait le tour de tous les fronts, les soldats ont commencé à me

 13   manifester davantage de respect.

 14   Q.  Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez pris votre retraite en tant

 15   qu'officier de l'ABiH; c'est bien ça, de la Fédération ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Dites-nous : êtes-vous arrivé dans les rangs de l'armée de la

 18   Fédération en tant qu'officier du HVO ou par d'autres voies ?

 19   R.  En tant qu'officier du HVO.

 20   Q.  Est-ce que le temps que vous aviez passé au sein du HVO a été pris en

 21   compte pour la totalité de votre durée de service au sein de l'armée de la

 22   Fédération ?

 23   R.  Oui, comme tout le monde, le temps qu'on passe à la guerre est

 24   multiplié par deux.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, c'est une question que je n'ai

 26   jamais posé jusqu'à présent. J'aurais pu la poser, puis l'occasion ne

 27   m'avait pas été donnée.

 28   Vous étiez dans le HVO, et ensuite vous avez rejoint la Fédération de la

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  1   Bosnie-Herzégovine où vous avez eu une fonction officielle. Nous avons vu

  2   d'autres éminentes personnalités du HVO qui sont devenus officiels de la

  3   Fédération de Bosnie-Herzégovine, ne serait-ce que M. Prlic qui a été

  4   ministre des affaires étrangères ? Quand vous, vous avez intégré la

  5   Fédération, est-ce que le climat était accueillant ou très difficile ?

  6   Comment vous avez été intégré dans la Fédération ? Tout ceci semblait

  7   naturel ou il y avait des réticences levées ? Quelle a été votre impression

  8   ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] La question n'est pas très claire, mais je

 10   vais m'efforcer d'y répondre.

 11   En arrivant sur le territoire de Travnik et de Vitez, tout le monde m'a

 12   accueilli, les Musulmans et les Croates, et plus tard, la Défense

 13   territoriale et le HVO, ils m'ont tous accueilli en qualité de commandant,

 14   eu égard aux combats ou plutôt plus précisément aux aspects très techniques

 15   du combat, c'est-à-dire la répartition des forces, la définition de la

 16   ligne de défense, même les Moudjahidines, au mois de mai, m'ont accepté

 17   comme commandant, quand je suis arrivé là-haut, sur leurs positions.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que ma question n'était pas claire et

 19   je vois bien que la réponse -- vous êtes sur un autre terrain. Moi, ma

 20   question, elle a trait uniquement à votre arrivée dans la fonction au sein

 21   de la Fédération, après le conflit. C'est ça que je veux savoir. Après les

 22   accords de Dayton, Washington, et cetera, quand on a créé une armée de la

 23   Fédération, dans cette armée, il y avait d'anciens membres de l'ABiH,

 24   d'anciens membres du HVO et moi, ce que je veux connaître, c'est le climat;

 25   comment ça s'est passé. Est-ce que ça s'est bien passé ? Etait-ce d'anciens

 26   camarades qui se retrouvaient, alors même que sur le terrain, ils avaient

 27   été ennemis ? C'est ça que je veux savoir, pas ce qui s'est passé à

 28   Travnik.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez précisé la période 1994, c'est la

  2   date de l'accord de Washington. Je suis, à ce moment-là, l'adjoint du

  3   commandant de la zone d'incorporation qui correspond au territoire couvert

  4   par un corps d'armée. Entre 1992 et 1994, je collabore, mais je m'oppose

  5   aussi. Si la question est posée uniquement du point de vue du temps,

  6   s'agissant du général Alagic, la première année de la guerre, j'ai très

  7   bien collaboré avec lui. La deuxième année de la guerre, nous avons eu une

  8   opposition féroce. Et juste au moment de la signature des accords, nous

  9   étions de nouveau en excellents termes. Voilà l'évolution.

 10   Quand je suis arrivé à l'état-major de la Fédération de Bosnie-Herzégovine,

 11   au commandement conjoint, j'étais déjà commandant, c'était en 1995 et nous

 12   avons eu une collaboration excellente, 1995 est une année de réussite pour

 13   notre Fédération liée à la fin de la guerre. Donc, les rapports étaient

 14   excellents.

 15   Il faudrait que la question me soit posée d'une façon plus précise.

 16   Comment est-ce que je me sentais ? Voilà, je vous ai décrit quels étaient

 17   les rapports et leur évolution et comment je me sentais en fonction des

 18   moments.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Prlic.

 20   L'ACCUSE PRLIC : [interprétation] Une correction. Au compte rendu

 21   d'audience, vous avez dit, Monsieur le Président, que j'étais ministre des

 22   Affaires étrangères de la Fédération. Je tiens à dire simplement que je

 23   n'ai pas été ministre des Affaires étrangères de la Fédération, mais de la

 24   Bosnie-Herzégovine et que j'ai été ministre de la Défense de la Fédération

 25   entre 1994 et 1996. Il y avait simplement une petite erreur au compte

 26   rendu. Je tenais à la corriger.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Alaburic, vous pouvez continuer.

 28   Mme ALABURIC : [interprétation]

Page 47407

  1   Q.  Général, je vais, à présent, vous soumettre quelques documents qui vont

  2   nous permettre rapidement de voir qu'à partir de la mi-1992, le HVO était

  3   considéré comme faisant partie intégrante des forces armées de la Bosnie-

  4   Herzégovine et ensuite, nous verrons quelle a été l'évolution de tout cela

  5   en rapport avec les accords de Dayton et de Washington. Je vous demanderais

  6   d'ailleurs de bien vouloir m'écouter, car je vais résumer brièvement ces

  7   documents.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

  9   M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé d'interrompre Mme Alaburic et le

 10   témoin, mais je tiens à dire, au compte rendu - et je continuerai à faire

 11   des objections au cours de l'interrogatoire principal quand il y aura - ce

 12   qui est des caractérisations.

 13   Mme Alaburic dit, par exemple :

 14   "Je vais vous montrer plusieurs documents. Nous allons les regarder

 15   brièvement pour savoir comment à partir du milieu de l'année mi-1992, le

 16   HVO était vu - vu, je répète - comme une partie intégrale des forces de la

 17   Défense de Bosnie-Herzégovine. Ensuite, nous verrons comment elle a été --

 18   quels ont été les actes de loi qui ont été passés par le biais de l'accord

 19   de Washington et l'accord de Dayton."

 20   Je pense que ce n'est pas correct. Les questions ne devraient pas se poser

 21   ainsi.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Maître Alaburic, ce que vous auriez dû faire,

 23   il fallait dire : je vais vous présenter toute une série de documents. Vous

 24   lui présentez, et puis après, vous concluez en lui disant : d'après les

 25   commentaires faits à partir des documents, est-ce que vous voulez dire que

 26   le HVO était membre des forces armées de la République de Bosnie-

 27   Herzégovine ? Voilà. C'est-à-dire vous mettez la charrue avant les bœufs et

 28   M. Scott a raison au point de vue procédural.

Page 47408

  1   Bien, continuez.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je considérais que

  3   je faciliterais le travail de chacun dans le prétoire, si j'annonçais les

  4   sujets abordés. Maintenant, je vais simplement me contenter d'aller d'un

  5   sujet à l'autre et si quelqu'un a du mal à suivre, nous verrons.

  6   Q.  Général, le premier document au sujet duquel j'aimerais vous poser

  7   quelques questions est la pièce P 339. C'est un accord relatif à l'amitié

  8   et la coopération entre la Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie.

  9   Général, contentez-vous de m'écouter -- contentez-vous de m'écouter.

 10   Lorsque je voudrais que vous vous penchiez sur le document, je vous le

 11   dirais.

 12   Cet accord a été signé à Zagreb, par Franjo Tudjman et Alija Izetbegovic,

 13   le 21 juillet 1992. Au point 6 de cet accord, nous lisons, je cite :

 14   "L'élément armé du Conseil croate de Défense fait partie intégrante

 15   des forces armées unies de la République de Bosnie-Herzégovine. Le Conseil

 16   croate de Défense aura ses représentants au sein du commandement conjoint

 17   des forces armées de la Bosnie-Herzégovine."

 18   Voici ma question : Général, vous considériez-vous comme faisant

 19   partie des forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine et quel est

 20   le pays que vous considériez être en train de défendre ?

 21   R.  Avant toute chose, je dois dire que j'ai participé et défendu la

 22   Bosnie-Herzégovine. J'ai défendu moi-même, ma famille, mes proches, la

 23   communauté plus large à laquelle j'appartenais ainsi que la Bosnie-

 24   Herzégovine. Je ne vois pas pourquoi vous me posez cette question.

 25   Q.  J'aurais grand plaisir, Général, à vous expliquer pourquoi je

 26   vous ai posé cette question, mais je crains que mon collègue, M. Scott,

 27   n'ait quelques objections à faire à ce sujet.

 28   Passons au document suivant, si vous voulez bien. Il s'agit du

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  1   document 4D 410.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : On vient de voir un premier document que nous

  3   avons déjà vu à de multiples reprises, les Juges connaissent ce document de

  4   A à Z. Ce document, comme vient de vous poser la question Me Alaburic, au

  5   point 6, indique que les forces armées sont composées du HVO qui est une

  6   composante intégrale des forces armées de la République de Bosnie-

  7   Herzégovine. Ce texte a été signé par le président de la présidence, le 21

  8   juillet 1992.

  9   Alors, ma question est peut-être de nature juridique et va peut-être

 10   dépasser votre champ de compétence. Nous savons qu'il y a eu une décision

 11   de la cour constitutionnelle de la République de Bosnie-Herzégovine qui a

 12   déclaré illégal, en quelque sorte, les forces armées dites du HVO. Alors,

 13   ce que je ne comprends pas, c'est que d'un côté, on a un document qui est

 14   un accord international, qui pouvait être ratifié par le parlement de la

 15   Bosnie-Herzégovine et que si ce texte est contraire à la constitution, la

 16   constitution devait être changée parce qu'il y a une hiérarchie des normes

 17   juridiques. Or, malgré cela, la cour constitutionnelle avait déclaré le

 18   HVO, composante forces armées, illégal.

 19   Vous qui étiez sur le terrain à l'époque, est-ce que vous étiez au

 20   courant de la décision de la cour constitutionnelle et étiez-vous au

 21   courant de cet accord signé entre Tudjman et Izetbegovic ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant des accords et de toute cette

 23   politique d'état au plus haut niveau, je n'en ai eu connaissance que plus

 24   tard. Mais tous ces documents, tous ces textes, et cetera, n'avaient aucune

 25   signification pour moi puisque, moi, tous les jours, je passais plusieurs

 26   heures par jour sous les balles. Donc, il faut bien comprendre -- je ne

 27   sais pas comment m'exprimer sur le plan juridique, mais ce que je faisais -

 28   je le répète - c'est défendre la Bosnie-Herzégovine parce qu'à cette

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  1   époque-là, la Bosnie-Herzégovine avait été reconnue comme état sur le plan

  2   international. Ecoutez, l'ABiH ou plus précisément, ce qui s'appelait

  3   encore, à l'époque, la Défense territoriale, ainsi que le HVO, ainsi que

  4   l'armée de la Republika Srpska étaient légitimes ou pas légitimes parce

  5   qu'elles oeuvraient à la défense de leur peuple à juste titre ou à tort.

  6   Mais il faut bien comprendre que la première, la deuxième et la troisième

  7   des parties au conflit étaient plongées dans le conflit. La Défense

  8   territoriale et le HVO faisaient la guerre ensemble et les décisions de la

  9   présidence, les accords, et cetera, ont peut-être une importance

 10   aujourd'hui, mais à l'époque, ils n'étaient pas importants. Moi, je n'ai

 11   jamais considéré que je n'étais pas légitime ou que je représentais une

 12   para armée, une armée paramilitaire.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation] 

 14   Mme ALABURIC : [interprétation]

 15   Q.  Document suivant, 4D 410. Il s'agit d'un décret qui porte modification

 16   du décret précédent de la République de Bosnie-Herzégovine. Ce décret a été

 17   approuvé par la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine et signé

 18   par Alija Izetbegovic. Au point 1 de ce décret, nous lisons que : 

 19   "Les éléments constituant l'armée sont les Unités du Conseil croate

 20   de Défense, tout comme les autres formations armées placées sous le

 21   commandement unifié de l'armée."

 22   Général, est-il arrivé, à quelque réunion que ce soit, au HVO, que

 23   quelqu'un vous ait empêché de parler ou vous ait restreint dans vos

 24   capacités de travail parce que vous étiez membre du Conseil croate de

 25   Défense ?

 26   R.  Personne n'a même imaginé, étant donné que j'étais commandant au sein

 27   du Conseil croate la Défense, qu'il pouvait m'empêcher d'exercer les

 28   fonctions qui étaient les miennes à ce moment-là. Il a été dit, ici ou là,

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  1   que les uns et les autres étaient des paramilitaires, si bien que chacun se

  2   taxait d'être paramilitaire. Si j'étais à côté de certains représentants de

  3   la Défense, je pouvais entendre ce terme, mais cela n'avait rien à voir

  4   avec les niveaux supérieurs et la réalité des faits liés à l'emploi d'un

  5   adjectif péjoratif comme celui-là.

  6   Q.  Le document suivant est la pièce P 1329. C'est une déclaration commune

  7   qui date du 27 janvier 1993, déclaration signée à Genève par Alija

  8   Izetbegovic et Mate Boban. Au point 1 de cette déclaration, il est indiqué

  9   que les conflits opposant l'ABiH et le HVO doivent cesser. Au paragraphe 2,

 10   il est indiqué qu'il importe sans délai de mettre en place un commandement

 11   conjoint au plus haut niveau.

 12   Général, est-ce qu'à ce moment-là ou plus tard, vous auriez vu une

 13   déclaration d'Alija Izetbegovic indiquant que le HVO n'était plus une armée

 14   légitime du peuple croate de Bosnie-Herzégovine ou de qui que ce soit qui

 15   souhaitait entrer dans les rangs de l'armée ?

 16   R.  Non, je n'ai jamais vu ça.

 17   Q.  Document suivant, c'est la pièce P 1988. C'est un accord signé le 23

 18   avril 1993, à Zenica, par Sefer Halilovic et Milivoj Petkovic. Au

 19   paragraphe 1 de cet accord, nous lisons :

 20   "L'ABiH et le HVO sont toutes deux des forces militaires légales de

 21   la République de Bosnie-Herzégovine et doivent jouir d'un traitement

 22   équivalent."

 23   Ce document était signé en présence du général Morillon et de Jean-Pierre

 24   Thébault. Alors dites-nous, Général : à cette époque-là, est-ce que vous

 25   aviez déjà rencontré Sefer Halilovic et Milivoj Petkovic ?

 26   R.  Je pense que le 20 déjà, et en tout cas, je suis certain que, le 21 et

 27   le 22, il y a eu une réunion avec la FORPRONU à la base de la FORPRONU de

 28   Vitez, mais Morillon n'était pas présent.

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  1   Q.  Sefer Halilovic, a-t-il assisté à cette réunion ?

  2   R.  Sefer Halilovic, oui, Dzemal Merdan, et d'autres représentants de la

  3   Défense territoriale, et puis il y avait Petkovic, moi-même, Blaskic et

  4   d'autres qui représentaient le HVO. C'était le colonel Stewart ou le

  5   colonel Williams qui dirigeait les débats.

  6   Q.  Dites-nous : les représentants de l'ABiH ont-ils essayé de s'entendre

  7   avec vous les représentants du HVO sur un point particulier, ou bien sont-

  8   ils arrivés à Vitez en tant qu'armée illégitime et illégale pour vous

  9   désarmer et vous arrêter ?

 10   R.  Les problèmes, qui se posaient sur le territoire de la Bosnie-

 11   Herzégovine à ce moment-là, ont été résolus. Je veux parler des problèmes

 12   qui affectaient la vallée de la Lasva, Zenica, et cetera.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Document suivant. Il s'agit de la pièce P

 14   2078.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce document P 1988, la Chambre le connaît parce

 16   qu'on l'a également vu à plusieurs reprises. La date peut sembler

 17   importante, c'est le 20 avril 1993, c'est-à-dire quatre jours après Ahmici.

 18   Quand ce document est signé entre l'ABiH et le HVO, en présence de la

 19   communauté internationale, le général Morillon, oh, combien connu, et

 20   l'ambassadeur Thébault qui représente la Communauté européenne, ce

 21   document, est-ce que vous vous le connaissiez à l'époque ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est certain, c'est que, le 21 ou le 22, je

 23   le connaissais déjà, ou plus précisément, il y avait eu cette réunion de

 24   Vitez où sur le fond ce qu'il fallait faire c'était travailler à

 25   l'élaboration, à la rédaction de ce document avec les responsables

 26   techniques.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous nous dites, le 21 et le 22, je le

 28   connaissais. Quand on voit le paragraphe numéro 1, n'est-ce pas une

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  1   reconnaissance de la communauté internationale du HVO militaire ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la réalité à partir du mois d'avril

  3   1992. Si ce qui est écrit ici dans ce document est le début d'une

  4   reconnaissance --

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous, vous n'étiez pas présent le 20 avril dans le

  6   cadre des négociations, mais en général, des généraux ont des staffs, des

  7   juristes auprès d'eux, et que s'il y a le mot légal que l'on voit dans le

  8   texte même, si le général Morillon n'a pas fait d'études de droit, ce que

  9   j'ignore, ça a un sens. Donc pour vous, qui était membre du HVO, à

 10   l'époque, est-ce que vous estimiez être dans une armée légale ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Sans aucun doute.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation]

 13   Q.  Mon Général, étant donné que nous sommes revenus vers ce document,

 14   Accord de Zenica du 20 avril, alors si vous avez ce document sous les yeux,

 15   il s'agit du P 1988. Je vous convie à vous pencher sur le point 3 de ce

 16   document. Il y est dit :

 17   "Il a été créé un centre opérationnel conjoint à Vitez, au niveau du 3e

 18   Corps de l'ABiH, et du HVO, zone opérationnel de Bosnie centrale, en tant

 19   qu'embryon de l'établissement d'un commandement conjoint qui devrait être

 20   formé enfin dans les jours à venir."

 21   Alors, Général, était-ce bien la raison de la réunion qui s'est tenue à

 22   Vitez ?

 23   R.  La raison de cette réunion à Vitez a constitué une continuité de la

 24   réunion de Vitez, Zenica, enfin, c'est ainsi que ça s'est passé, c'est du

 25   moins c'est la façon dont j'ai compris la chose. Mis à part ceci, mis à

 26   part ce commandement conjoint, on avait des problèmes de conflits tout au

 27   large du territoire. Je ne pense pas que la réunion ait été convoquée pour

 28   ce qui est du commandement conjoint mais pour ce qui est de la

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  1   problématique s'agissant du territoire où nous nous trouvions les uns et

  2   les autres.

  3   Q.  On y arrivera parce qu'on parlera de la Bosnie centrale, d'Ahmici, et

  4   du mois d'avril 1993.

  5   Alors document suivant, 2078, P 2078. J'ai dit 2078. C'est bon.

  6   Alors il s'agit d'une déclaration conjointe de Mate Boban et d'Alija

  7   Izetbegovic, signée à Zagreb, tôt le matin le 25 avril 1993. Au paragraphe

  8   3, il est dit que l'armija de Bosnie-Herzégovine et le HVO sont des unités

  9   légales avec qui il convient d'établir un commandement conjoint de ces

 10   forces composé de représentants des deux états-majors, et dans ce document,

 11   on fait référence à l'avenant numéro 1.

 12   Penchons-nous tout de suite sur cet avenant. C'est le document d'après, P

 13   2091, 2091. Il s'agit d'un avenant militaire signé par Sefer Halilovic et

 14   Milivoj Petkovic, et là, il est dit :

 15   "L'ABiH et le HVO garderont leurs identités respectives à part et

 16   l'organisation de leur commandement respectif." 

 17   Au paragraphe 2, il est question de la création d'un commandement

 18   conjoint qui répondra de ses activités pour ce qui est du contrôle des

 19   opérations au sein des régions militaires.

 20   Au point 3, on parle d'un commandement conjoint qui serait composé de

 21   deux commandants suprêmes, le commandant Halilovic et le commandant

 22   Petkovic, qui se réuniraient donc régulièrement. Le reste je le mets de

 23   côté parce que c'est inutile pour ce qui nous intéresse.

 24   Alors de votre souvenir, Général, est-ce que l'ABiH et le HVO

 25   devaient-ils continuer à fonctionner en tant qu'identités distinctes pour

 26   avoir un commandement conjoint au final aux fins de la coordination des

 27   activités ?

 28   R.  C'est exact.

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  1   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, excusez-

  2   moi, je perds la voix. J'ai, comme on dit en anglais, une grenouille dans

  3   la gorge, j'ai un chat dans la gorge.

  4   Le témoin a déjà répondu mais je veux faire objection, une fois de plus,

  5   face à la question posée : "est-ce que ça s'est passé comme cela," a-t-il

  6   demandé ? Est-ce que ça veut dire, -- est-ce que c'est ce que dit le

  7   document ? On peut lire le document, ou est-ce que c'est comme ça que les

  8   choses se sont passées en réalité ? Pour le moment, on ne tient pas

  9   exactement quelle signification donnée à cette question quand on dit :

 10   "Est-ce que ça s'est passé comme ça ?" Bien sûr, c'est ce que dit le

 11   document, mais ceci ne nous aide pas vraiment.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je ne demande jamais

 13   au témoin : est-ce que ce document comporte tel texte ou pas, parce qu'on

 14   peut tous le lire. Mon intention était celle de demander au témoin si, dans

 15   la réalité, ça s'est bel et bien passé ainsi, à savoir que l'ABiH et le HVO

 16   ont gardé leurs identités respectives à part, avec tentative de mettre en

 17   place un commandement conjoint aux fins de la coordination des activités.

 18   En d'autres termes, est-ce qu'on a essayé de réaliser ce qui est consigné

 19   dans ce document. Je m'excuse si je n'ai pas été suffisamment claire et

 20   Monsieur le Témoin --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous le savez, le Procureur peut avoir une

 22   grenouille dans la gorge, et pour éviter qu'il ait une grenouille dans la

 23   gorge parce qu'il peut s'étouffer, faites en sorte de poser les questions

 24   de manière classique. Le dernier document, vous avez vu qu'il y a un

 25   paragraphe 3 qui dit que ce commandement conjoint doit être localisé à

 26   Travnik. Comme, lui, il connaît Travnik, vous aviez qu'à lui dire : est-ce

 27   qu'il s'est passé quelque chose à Travnik ? Il va dire : "oui," "non," et

 28   cetera. A ce moment-là, vous concluez en lui demandant : vous avez vu ce

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  1   document, est-ce que ce document a été mis en oeuvre ? Il répond : "oui,"

  2   "non." Voilà, et on évite des objections.

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai estimé qu'en ma

  4   qualité de conseil de la Défense du général Milivoj Petkovic, j'ai le droit

  5   de créer ma façon d'interroger au direct, au principal. Donc je ne suis pas

  6   en train de poser des questions au sujet du commandement conjoint au

  7   témoin, parce que si vous vous penchez sur le classeur que je vous ai fait

  8   parvenir, ce sera l'une des parties suivantes dont je m'occuperais de façon

  9   organisée en présentant plusieurs documents. Mon sujet, en ce moment-ci, ce

 10   n'est que le HVO en sa qualité d'armée légale.

 11   Etant donné que je n'ai pas eu la possibilité de dire quelle a été la

 12   totalité de cet interrogatoire, je me dois de vous laisser vous débrouiller

 13   tout seul dans les documents que je suis en train de présenter. Mais en ce

 14   moment je les montre au témoin rien que du point de vue du HVO en sa

 15   qualité d'armée légale et de composante des forces armées de la Bosnie-

 16   Herzégovine.

 17   Alors s'il y avait autre chose, quelque chose que ce soit

 18   d'intéressante; ça ne m'intéresse en ce moment parce que je représenterais

 19   les mêmes documents lorsque nous allons parler d'autres sujets pour ce qui

 20   est des segments de mon interrogatoire au principal. Je vous assure que je

 21   me propose de couvrir la totalité des sujets que la Défense du général

 22   Petkovic estime nécessaire mais que nous estimons substantiels. Par

 23   conséquent, nous allons nous entretenir sur le sujet des commandements

 24   conjoints par la suite.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, je vous demanderais maintenant de vous concentrer

 26   sur le document suivant, 4D 1611. Il s'agit d'un ordre émanant d'Alija

 27   Izetbegovic.

 28   Je crois qu'au niveau des canaux, ça ne se passe pas très bien.

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  1   Un ordre d'Alija Izetbegovic, daté du mois de juin 1993, où il est

  2   donné ordre d'interrompre tout conflit entre l'ABiH et les Unités du HVO,

  3   et au paragraphe 2, il est dit :

  4   "… sont tenus responsables de l'exécution de cet ordre le commandant

  5   de l'ABiH, Rasim Delic, et le commandant de l'état-major du HVO, Milivoj

  6   Petkovic."

  7   Alors, Général, dites-nous maintenant : en votre qualité de soldat

  8   professionnel de carrière, le président de la présidence de la République

  9   de Bosnie-Herzégovine donne-t-il ici un ordre à l'intention du chef d'état-

 10   major du HVO Milivoj Petkovic ?

 11   R.  Oui, l'ordre se rapporte aux deux segments de l'armée et

 12   individuellement à l'un et à l'autre, à Delic et à Petkovic.

 13   Q.  Document suivant, 1D 2664.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : -- je me permets de revenir sur ce document parce

 15   que de mémoire je crois c'est le premier document que l'on voit rédigé de

 16   cette façon. Le document est intitulé : "République de Bosnie-Herzégovine,"

 17   jusqu'à présent, il y a rien à dire. Mais après on voit : "Communauté

 18   croate d'Herceg-Bosna," et on voit "HVO."

 19   Donc on pourrait penser que c'est un document estampillé HVO à 100 %.

 20   Mais ce document il est apparemment signé par Izetbegovic, bien qu'on n'ait

 21   pas la signature; dans le document B/C/S, on n'a pas la signature.

 22   Bon, ceci étant dit, si ce document est vrai, le président de la

 23   présidence signe un document estampillé "Communauté croate d'Herceg-

 24   Bosna/HVO." A moins que M. Izetbegovic ne sait pas lire ou est inculte,

 25   s'il signe ce document, ça veut dire que, pour lui, le HVO a une existence.

 26   Alors qu'est-ce que vous en pensez ? Quand vous voyez ce document signé par

 27   M. Izetbegovic, alors que c'est un document 100 % HVO, qu'est-ce que vous

 28   pouvez en tirer vous comme conclusion ?

Page 47419

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Cet en-tête est indiscutable à partir du

  2   premier jour, c'est le sigle du HVO, en Bosnie-Herzégovine, il y a

  3   l'inscription République de Bosnie-Herzégovine, je le souligne, République

  4   de Bosnie-Herzégovine, Communauté croate d'Herceg-Bosna, Conseil croate de

  5   la Défense, et puis on parle de la zone opérationnelle et que sais-je

  6   d'autre. La plupart des documents porte cet en-tête.

  7   Alors je ne pense pas que ce document sous cette forme ait été signé

  8   par Alija Izetbegovic, mais je pense que ça a été communiqué ou transmis

  9   vers les unités du HVO, voire vers ceux qui sont concernés pour ce qui est

 10   cette forme-ci; de là, à savoir si la signature est originale ou pas à

 11   l'époque ce n'était pas pertinent.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, en tout cas - si je me trompe la Défense

 13   le dira - mais c'est la première fois que je vois un document du HVO alors

 14   qu'on a 8 600 documents, c'est la première fois où il y a un document où il

 15   y a la mention d'Izetbegovic comme signataire d'un document de la

 16   Communauté croate d'Herceg-Bosna. Il y en peut-être d'autres, mais c'est le

 17   premier que je vois. Par contre, vous avez dit vous-même, que ce document

 18   mais tout le monde le constate n'a pas la signature d'Izetbegovic, mais

 19   vous à l'époque quand vous étiez en fonction, est-ce que ce document vous a

 20   été communiqué, parce que je vois que ce document est adressé à toutes les

 21   zones opérationnelles ? Alors est-ce que vous avez eu connaissance de ce

 22   document ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il a certainement été au sein de la zone

 24   opérationnelle de Bosnie centrale. Le dilemme ne se pose pas. Alors pour ce

 25   qui est de l'arrivée des documents depuis la zone opérationnelle, pour ce

 26   qui est de savoir où est-ce que c'est allé encore, ça je ne pourrais vous

 27   le garantir --

 28   L'INTERPRÈTE : Les interprètes ont un bruit dans leurs écouteurs, ils

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  1   n'entendent pas le témoin.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce document, il y a quatre points

  3   fondamentaux : le premier c'est la cessation des hostilités; le deuxième,

  4   c'est la nomination de Delic et de Petkovic; le troisième point, c'est le

  5   rôle joué par la FORPRONU; mais le quatrième point, que je vois, c'est que

  6   la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, qui était censée

  7   avoir une triple composition, est unanime, ce qui veut dire que la

  8   présidence de la République de Bosnie-Herzégovine était d'accord avec tout

  9   le texte. Qu'en dites-vous ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Si on se penche sur la période de temps

 11   concerné, ceci arrive après la réunion de Kiseljak, où j'ai été présent, ou

 12   j'ai pris part, et c'est là qu'on a appris qu'à la place de Sefer, c'était

 13   Delic qui était le commandant de l'ABiH. Suite à cette réunion, en terme

 14   simple, se trouve que la question n'est pas suffisamment concrète pour que

 15   je puisse aller dans le concret.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, dans ma question, je m'étais en exergue

 17   -- qui avait quatre points et le quatrième notamment, parce qu'on a

 18   toujours dit que M. Izetbegovic gouvernait tout seul; mais là, on voit

 19   qu'il agit, en tant que président de la présidence, puisqu'on mentionne que

 20   la présidence est d'accord avec le texte. Vous, vous étiez sur le terrain

 21   peut-être que tout ça vous passait au-dessus de la tête. Mais je suis un

 22   peu étonné que vous me dites, moi, ce document, il est parti à la Zone

 23   opérationnelle, je voulais savoir si vous en aviez eu connaissance. Mais

 24   vous semblez dire que vous ne le connaissiez pas et là je suis un peu

 25   troublé parce qu'un document de cette importance, il est quand même

 26   extraordinaire que vous, sur le terrain, vous ne le connaissiez pas.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Les zones opérationnelles, le document y

 28   est parvenu. Il y avait possibilité de le faire parvenir par des moyens

Page 47421

  1   techniques dans la zone opérationnelle. Vers les unités subalternes, non,

  2   très souvent, non.

  3   De là à savoir si ce document en tant que tel, je l'avais vu, j'ai eu

  4   l'occasion de l'étudier ou pas, parce que quand vous m'avez demandé si ça

  5   se rapportait à Petkovic, j'ai dit, dans le concret, oui. Mais est-ce que

  6   j'ai vu en personne ce document et si c'est bien ce que vous me demandez,

  7   moi, je n'y aurais trouvé rien d'étrange. Je peux confirmer de l'avoir vu à

  8   la Zone de rassemblement à Vitez.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais vous n'auriez pas trouvé étrange qu'un document

 10   du HVO soit signé par Izetbegovic ? Parce que c'est quelque chose

 11   d'extraordinaire.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais cela ne pouvait pas nous parvenir

 13   autrement, en tant que document.

 14   Mme ALABURIC : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mon Général, Témoin, je n'ai pas

 16   tout à fait compris votre dernière réponse. Il est aisé d'imaginer que la

 17   présidence de Bosnie-Herzégovine prenne une décision, qui est couchée sur

 18   papier, signée par le président de la présidence, pour être ensuite envoyée

 19   aux destinataires, y compris au commandement du HVO. Vous, vous avez dit

 20   que le document n'aurait pas pu vous parvenir autrement que sous l'en-tête

 21   du HVO. Alors, je me demande ceci : pourquoi est-ce que mon hypothèse est

 22   tout à fait erronée ou hors de question ? Comment est-il exclu qu'un tel

 23   ordre soit transmis à toutes les zones opérationnelles sous l'en-tête de la

 24   République de Bosnie-Herzégovine ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas de possibilité technique pour

 26   qu'un document arrive à la zone opérationnelle. Il pourrait être apporté

 27   par Sefer ou par Delic, désormais ou par l'un de leurs hommes, dans la

 28   forme établie à Sarajevo même ou encore, cela pouvait-il arriver de l'état-

Page 47422

  1   major principal. Techniquement, il n'y avait pas moyen que ça nous

  2   parvienne autrement. C'est ce que j'ai dit. 

  3   M. SCOTT : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi. Je suis toujours en

  5   train d'essayer de comprendre, Monsieur Scott, si vous me permettez de

  6   poursuivre.

  7   Est-ce que vous dites, Monsieur le Témoin, même si le président de la

  8   présidence de Bosnie-Herzégovine avait l'autorité sur le HVO, il n'avait la

  9   possibilité que de s'adresser à qui ? Parce que vous semblez dire au

 10   commandement Suprême, mais pas la Zone opérationnelle ? C'est ce que vous

 11   dites ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je vous le répète.

 13   Sur un plan ethnique, le 10e MPC du Bataillon britannique me

 14   transporte d'une zone à l'autre parce que autrement, il n'y avait pas de

 15   moyen de passer; ça, c'est le 10 juin. Donc, un document du 13 juin,

 16   quelques jours après seulement, ne pouvait techniquement pas nous parvenir

 17   autrement que de la façon que je vous ai indiqué.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais de quelle façon technique la

 19   quintessence de ce document vous est-elle parvenue à vous, à une Zone

 20   opérationnelle ? Est-ce qu'on vous en a donné la teneur par téléphone, par

 21   télex, par télécopie, par communication par satellite ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas, sur le plan technique, mais ça

 23   devait être une combinaison de tout ce que vous avez énuméré parce qu'il

 24   n'y avait pas autre chose à l'époque, pas de portables.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dernière question technique. Le

 26   document dit que la décision a été prise alors que la présidence était au

 27   complet. Il semblerait que le membre croate de la présidence a aussi marqué

 28   son accord. Est-ce que c'est vrai ? Le savez-vous? Est-ce que vous auriez

Page 47423

  1   d'autres sources susceptibles de confirmer l'accord donné par le membre

  2   croate de la présidence ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas disposer de ces

  4   informations. Je sais qu'il y avait là-bas deux représentants croates ou

  5   plutôt, des représentants du peuple croate qui étaient au nombre de  deux

  6   au sein de la présidence.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  8   Je vous en prie, Monsieur Scott.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, grâce aux questions de mon

 10   collègue, je crois avoir compris ce qui s'est passé.

 11   Le 13 juin, à Genève, M. Izetbegovic donne son accord sur les quatre points

 12   que nous avons. Quelqu'un de Genève, de la présidence, le fait savoir à

 13   l'état-major à Mostar, et à l'état-major à Mostar, on envoie aux zones

 14   opérationnelles cet ordre reprenant les quatre points qu'on a dû leur

 15   communiquer par téléphone ou par fax et au lieu de signer "Général

 16   Petkovic, commandant de l'état-major," on signe président de la présidence,

 17   ce qui explique le document.

 18   Qu'est-ce que vous en pensez ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'est la seule solution

 20   raisonnable. Ça devait forcément arriver à la zone opérationnelle depuis

 21   Mostar parce que je ça ne pouvait pas arriver de Mostar si ce n'est -- à

 22   moins d'avoir été apporté.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Peut-être que M. Scott va nous éclairer.

 24   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, une fois de plus, Monsieur le

 25   Président.

 26   Merci, Monsieur le Président, vous venez de le dire et c'est ce que

 27   j'essayais d'apporter comme précision. Je pense que, grâce à vos

 28   commentaires, ceci nous -- quand on voit l'objet, c'est "livraison remise

Page 47424

  1   du texte de." Donc, comme vous avez dit, quelqu'un au HVO,  apparemment,

  2   transmet ce qui lui a été rapporté comme étant les dires d'Izetbegovic. Ce

  3   n'est pas un ordre donné au HVO. Apparemment, on a Izetbegovic qui dit :

  4   "J'ai ordonné la cessation des hostilités entre l'armée de Bosnie-

  5   Herzégovine et le HVO." Je pense que vous avez effectivement visé dans le

  6   mille.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je m'apprêtais à le

  8   tirer au clair, mais ce n'est plus nécessaire.

  9   Q.  Général, tirons encore un peu plus au clair. Quand vous dites que ça ne

 10   pouvait pas arriver jusqu'à vous, ce papier et vous nous dites que vous

 11   avez été transportés par des véhicules de la FORPRONU - ici, nous sommes à

 12   parler du 14 juin 1993 - alors, Général, est-ce que Travnik est tombé entre

 13   les mains de l'ABiH, à ce moment-là ?

 14   R.  Oui.

 15   L'INTERPRÈTE : Un intervenant est en train de parler. L'interprète ne sait

 16   pas où et n'entend pas bien.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation]

 18   Q.  Dites-nous, Général : en juin 1993 et dans d'autres secteurs de la

 19   Bosnie-Herzégovine, y avait-il une guerre à faire rage entre l'ABiH et le

 20   HVO ?

 21   R.  C'est là qu'il y a eu les combats les plus intenses.

 22   Q.  Document suivant, 1D 2664, en page 1, il s'agit d'un PV d'une session

 23   de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, datée du 29 juin

 24   1993. En ce moment-ci, ce qui m'intéresse, c'est un débat sur le fait de

 25   savoir si le commandant de l'état-major du commandement Suprême de l'ABiH,

 26   M. Rasim Delic, peut oui ou non être membre de la présidence de Bosnie-

 27   Herzégovine. J'indique, à cet effet, deux parties de ce compte rendu.

 28   Ecoutez ce que je vais vous dire;

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  1   En page 1, il est dit :

  2   "Nous reconnaissons le HVO en sa qualité de partie intégrante des forces

  3   armées."

  4   Puis on débat sur le fait de savoir si Rasim Delic, en sa qualité de

  5   commandant de seulement l'une des composantes des forces armées, peut

  6   siéger ou pas au sein de la présidence de la Bosnie-Herzégovine.

  7   Puis, en page 8 de ce même PV, c'est la page 8 version croate et version

  8   anglaise, il est dit ce qui suit -- Alija Izetbegovic dit :

  9   "Pour nous, M. Delic est membre de la présidence jusqu'à preuve du

 10   contraire."

 11   En réplique, M. Mile Akmadzic, qui était le Croate de la présidence de

 12   Bosnie-Herzégovine, dit :

 13   "Constatez que, pour moi, à mes yeux, M. Delic n'est pas membre de la

 14   présidence, à moins qu'à ses côtés, on ne mette aussi M. Petkovic."

 15   Alors, Général, de votre avis, conformément aux documents que nous avons

 16   eus l'occasion de voir, si le numéro 1 ou les hommes au sommet de l'armée

 17   qui défend la Bosnie-Herzégovine doivent siéger au sein de la présidence,

 18   de votre avis, est-ce qu'on devait avoir forcément les représentants de

 19   l'ABiH et du HVO, ou est-ce qu'Alija Izetbegovic a raison, il peut y siéger

 20   jusqu'à preuve du contraire ? Quelle est votre opinion ?

 21   R.  De mon avis, ni l'un ni l'autre ne devaient faire partie de la

 22   présidence de Bosnie-Herzégovine parce que ce n'était pas leur place.

 23   Assister, oui, mais non être membres, c'est blasphémer, c'est de la

 24   blasphémie.

 25   Ensuite, ces jours-là, bien que nous ayons signé des accords, l'armée

 26   s'entraînait à la sévérité vis-à-vis du HVO. Il y avait des manœuvres d'en

 27   cours où l'adversaire envisagé, potentiel, imaginaire était justement le

 28   HVO. Il y a eu le plus de victimes parmi les Croates justement sur ces

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  1   secteurs-là. Alors, pour que Delic fasse partie des membres de la

  2   présidence, pendant les journées où cette politique-là est mise en œuvre,

  3   là, mon Dieu --

  4   Q.  Terminez votre phrase.

  5   R.  Il est absolument exclu de voir Delic faire partie de la présidence de

  6   Bosnie-Herzégovine et s'il y est, il ne peut pas être là-bas sans que Mile

  7   Petkovic y soit aussi.

  8   Q.  Penchons-nous sur le document suivant, 4D 1300. Il s'agit d'une

  9   concertation pour ce qui est de l'organisation de cet état-major conjoint

 10   de l'armée de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et c'est à la date du 26

 11   mars 1994 que c'est signé par Rasim Delic et Ante Roso. Il est dit, entre

 12   autres, que cet état-major conjoint serait constitué de dix individus, cinq

 13   de chaque côté. Au point 3, il est adopté l'organigramme existant et les

 14   modalités de commandement à l'égard des Unités de l'ABiH et du HVO. Pendant

 15   la durée de la période transitoire, en attendant la création d'une armée

 16   fédérale entre l'armée de la Fédération et l'autre partie.

 17   Général, au printemps 1994, étiez-vous mis au courant de la création de

 18   cette armée conjointe de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ?

 19   R.  Ça, c'est la période après Washington; là, les combats sont interrompus

 20   et il y a réalisation des dispositions des accords de Washington et il y a

 21   une armée conjointe de la Fédération. Après les conflits les plus intenses,

 22   Fikret Muslimovic est venu passer la nuit au sein du commandement de Vitez.

 23   Q.  Fikret Muslimovic, c'était un haut officier de l'ABiH chargé de la

 24   sécurité, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui, pour moi, c'est une image. Je n'ai peut-être pas eu à mentionner

 26   son nom, mais de moi, c'était, après Delic, le plus capable des officiers

 27   de l'ABiH, d'après ce que j'ai connu comme officier. Il était même du temps

 28   de la JNA. On a fait notre service ensemble. Fikret Muslimovic, c'était un

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  1   adjoint d'Aca Vasiljevic, d'Alexandre Vasiljevic. Ils étaient responsables

  2   de la Drava jusqu'à l'Adriatique, depuis la Drina jusqu'à la Una. Fikret

  3   Muslimovic, c'était quelqu'un de très, très capable.

  4   Q.  Dernier document, Mon Général, dans cette partie de mes questions, 4D

  5   826.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je reviens au document précédent

  7   qui fait plusieurs pages. Donc, le temps que je vois tout ça, j'ai laissé

  8   poser la question par Me Alaburic. Les documents, c'est la 207e Réunion de

  9   la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine.

 10   A la page 21 du document, il y a Izetbegovic qui répond à Boras, Boras qui

 11   est Croate et Izetbegovic parle du fait qu'à Lisbonne, rien n'avait été

 12   signé. Il dit que les négociations avaient été interrompues. Il évoque que

 13   Sarajevo n'est pas détruit par la présidence ou par les négociations, mais

 14   par ceux qui tirent à partir des collines. Donc, là, ils visent les Serbes.

 15   Mais il rajoute : Ils détruisent la ville et puis, il parle de Mostar et

 16   maintenant, Mostar qui est détruit à partir des deux côtés.

 17   Comment vous interprétez cette phrase, quand il dit que Mostar est détruit

 18   maintenant, quand il dit, maintenant, c'est à la date de la réunion, nous

 19   sommes le 29 juin 1993. Quand il dit : "C'est détruit à partir des deux

 20   côtés," qu'est-ce qu'il veut dire ? Est-ce qu'il veut dire côtés musulman

 21   et croate ou croate et serbe ? Comment vous interprétez cette phrase de M.

 22   Izetbegovic qui dit que :

 23   "Mostar est maintenant détruit des deux côtés" ?

 24   Qu'est-ce qu'il veut dire ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Il pensait sans doute à la partie serbe et à

 26   la partie croate parce qu'ils ont détruit Mostar -- enfin, ce sont les

 27   Serbes qui ont détruit Mostar jusqu'au mois de juin 1992. Durant la guerre

 28   entre la TO et le HVO, tous les deux l'ont détruit; donc, finalement, les

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  1   trois parties ont détruit Mostar. Mais Izetbegovic, à ce moment-là, pensait

  2   sans doute aux deux parties constituées par les Serbes et les Croates.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous dites qu'Izetbegovic pense aux deux

  4   parties, Serbes et Croates.

  5   Nous sommes au mois de juin, ça veut dire qu'en juin 1993, les Serbes

  6   continuent à tirer sur Mostar; oui ou non ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] De temps en temps, oui. Ce n'était pas pour

  8   soutenir les combats, c'était une balle qui était tirée ici ou là. Les

  9   calibres importants pleuvaient sur Mostar, à ce moment-là, et seuls les

 10   Serbes pouvaient détenir des armes de ce calibre-là.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, écoutez bien ma question, et avant de

 12   répondre, réfléchissez bien.

 13   Vous venez de dire que de temps en temps les Serbes tiraient sur Mostar.

 14   Alors je prends une victime hypothétique, qui est touchée par un éclat

 15   d'obus, c'est une hypothèse. Comment peut-on déterminer que l'éclat d'obus

 16   vient du HVO ou des Serbes ? Est-ce que vous avez une réponse militaire ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Si j'avais été présent sur place, j'aurais su

 18   d'après la nature de l'explosive, du projectile ou de la trajectoire,

 19   j'aurais su répondre. Si j'avais vu un cratère, j'aurai su aussi à peu près

 20   d'où pouvait provenir le projectile, mais un régiment normal ne pouvait pas

 21   savoir d'où cela provenait.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation]

 24   Q.  Encore un document; après, nous pourrons faire la pause. 4D826. C'est

 25   une loi relative à la défense de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Le

 26   seul article qui nous intéresse dans ce texte, c'est l'article 37,

 27   paragraphe 2, où nous lisons, je cite :

 28   "L'armée de la Fédération se compose des Unités de l'ABiH et du Conseil

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  1   croate de Défense, et englobe le niveau des corps d'armée ainsi que des

  2   régions militaires qui en font partie en temps de paix et en temps de

  3   guerre."

  4   Alors cette définition, Général, indique-t-elle que le HVO était

  5   entièrement une partie intégrante de l'ABiH ?

  6   R.  Ce document vient du journal officiel de 1996, donc il n'y a absolument

  7   pas le moindre doute, l'armée de la Fédération se composait de deux

  8   éléments. A ce moment-là, il y avait un état-major conjoint, et la plupart

  9   des actions qui étaient engagées étaient des actions menées par une seule

 10   et même armée.

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci.

 12   Monsieur le Président, je pense que nous pourrons faire la pause.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause de 20 minutes.

 14   --- L'audience est suspendue à 15 heures 53.

 15   --- L'audience est reprise à 16 heures 18.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Maître Alaburic, vous avez la parole.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation]

 18   Q.  Général, nous allons maintenant aborder le sujet suivant, et je vous

 19   demande à cette fin de vous pencher sur le document P 280, qui est un

 20   ordre, signé par Mate Boban et le général Roso, et qui date du 27 juin

 21   1992. Il concerne la nomination de Tihomir Blaskic au poste de commandant

 22   de l'état-major principal du HVO, et par ce document, il reçoit également

 23   un certain nombre d'autorisations, comme nous le voyons dans le texte, qui

 24   lui permettent d'organiser totalement l'ensemble des opérations menées en

 25   Bosnie centrale.

 26   Alors en fonction de cet ordre, Général, enfin il n'était pas général à

 27   l'époque il était colonel en fonction de cet ordre le colonel Blaskic,

 28   Tihomir Blaskic était également habilité à nommer à leur poste et à

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  1   révoquer de leur fonction les commandants et les commandants des unités

  2   militaires.

  3   Général, à l'époque, est-ce que vous saviez si les commandants des autres

  4   zones opérationnelles du HVO avaient les mêmes habilitations ?

  5   R.  Je ne sais pas si c'était le cas au moment où ce document a été rédigé,

  6   mais il était logique que cette habilitation soit accordée à Tihomir

  7   Blaskic, étant donné la relation étroite qu'il avait avec le territoire

  8   placé sous son commandement et la connaissance qu'il avait des personnes

  9   concernées puisque les deux sont liés.

 10   Q.  Vous avez dit quelque chose qui, à mon avis, n'est pas entrée au compte

 11   rendu d'audience, mais est-ce que c'était logique, à votre avis, également

 12   en raison des distances qui séparent les différents territoires de Bosnie-

 13   Herzégovine et de l'isolement de certains ?

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] C'est ce qu'il a dit, c'est le compte rendu

 15   qui s'est trompé.

 16   M. SCOTT : [interprétation] Mais tout ce que je peux faire, c'est réagir à

 17   ce que j'entends dans mes oreilles ou est-ce que je peux lire, mais je n'ai

 18   pas du tout entendu le témoin dire ça. A première vue, dans le document, il

 19   n'y a rien qui dit qu'on parle ici de la désignation ou du fait de mettre à

 20   pied des commandants. Sauf le respect que je dois à Me Alaburic, qui est

 21   une excellente collègue, ici on donne une réponse, quand on demande

 22   d'interpréter un document qui ne dit rien de la sorte. Tout ce qu'il dit

 23   c'est que ce document, il est tout à fait responsable pour toute la

 24   circulation. On ne parle du tout de la nomination ni de la mise à pied de

 25   commandant, c'est ce que dit Me Alaburic, d'où mon objection, Monsieur le

 26   Président.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si, après quatre ans

 28   de travail, nous devons discuter de chose aussi banale que la nomination et

Page 47432

  1   les limogeages effectués par Tihomir Blaskic en Bosnie-Herzégovine, alors

  2   je ne sais vraiment pas pourquoi nous avons travaillé aussi longtemps.

  3   Q.  Mais, Général, d'après ce que vous savez, dites-moi : est-ce que

  4   Tihomir Blaskic, en sa qualité de commandant de la Zone opérationnelle de

  5   Bosnie centrale, nommait à leur poste et limogeait les commandants qui

  6   agissaient dans cette région ?

  7   R.  Point 2 du document, il est écrit, "effectue les nominations à leur

  8   poste de commandant de la Bosnie centrale." Donc pour ce qui me concerne,

  9   les choses sont claires à mes yeux. D'ailleurs, dans la pratique, oui, je

 10   vous dis qu'il nommait bien à leur poste les commandants de Bosnie

 11   centrale.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Si mon collègue, M. Scott, souhaite me

 13   présenter ses excuses, je les accepte à l'avance.

 14   Q.  Penchons-nous maintenant --

 15   M. SCOTT : [interprétation] Désolé, Monsieur le Président. Je fais toujours

 16   valoir que le document ne le dit pas ce que semble indiquer Me Alaburic.

 17   Peut-être qu'elle le voudrait bien, mais le document ne le dit pas.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, on a un document sous les yeux,

 19   qui nomme M. Blaskic commandant de l'état-major de la Bosnie centrale. Ce

 20   document est signé par M. Boban. Mais ce qui m'étonne c'est qu'on voit

 21   également M. Roso, qui est le chef de l'état-major qui signe également ce

 22   document. Alors vous, qui avez été sur place, est-ce à dire que M. Mate

 23   Boban nommait les principaux responsables au niveau Zone opérationnelle,

 24   commandant du HVO; et, parfois, il les nommait à partir d'un document

 25   rédigé par l'état-major, qui lui préparait l'ordre de nomination comme on

 26   le voit d'ailleurs, puisque vous voyez que ce document a le numéro 396, et

 27   à ce moment-là, Mate Boban signe, mais comme c'est un document qui est

 28   préparé par l'état-major, le chef de l'état-major signe aussi. Alors est-ce

Page 47433

  1   la raison pourquoi M. Rozo joue un rôle dans la nomination ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est exact que les propositions -- enfin,

  3   les nominations arrivaient entre les mains de Boban à partir de l'état-

  4   major principal. Pourquoi ici on voit la signature de Roso aussi, je ne

  5   sais pas. Il aurait été possible qu'il se trouve uniquement dans le texte

  6   la signature de Boban. Mais, en tout cas, la seule signature de Roso, ça,

  7   ça n'aurait pas été possible. Donc les raisons techniques exactes, je ne

  8   les connais pas, mais la signature de Mate Boban donnait la légitimité à

  9   l'ensemble de ce texte, parce que c'est ce que c'était l'Unité principale

 10   du HVO en Bosnie-Herzégovine, donc au niveau d'un territoire égal à celui

 11   couvert par un corps d'armée.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Regardez le coin supérieur gauche du

 13   document, on voit état-major; l'origine ce n'est pas, semble-t-il, la

 14   présidence mais l'état-major principal. Est-il possible que le chef de

 15   l'état-major principal, le général Roso, ait rédigé ceci, en tant que

 16   proposition, peut-être après avoir eu une conversation téléphonique, puis

 17   il l'aurait envoyé à Mate Boban pour signature, et que M. Mate Boban signe

 18   pour cautionner le document, pour -- est-ce que ça aurait pu se passer

 19   comme ça ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que le premier à signer a été

 21   Boban, et ensuite, étant donné la ligne de commandement, la ligne de

 22   commandement va de l'état-major principal vers la Zone opérationnelle.

 23   Mais, moi, je ne vois rien de contestable dans tout cela.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, non, je ne voulais pas ici de

 25   polémique, j'essaie simplement de déterminer la vérité. Nous verrons si

 26   c'est important après.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 28   nous abordons ici des observations liminaires relatives à la Bosnie

Page 47434

  1   centrale, afin d'examiner un certain nombre d'événements avant de traiter

  2   plus en détail du problème d'Ahmici, le 16 avril.

  3   Q.  A cette fin, Général, je vous demande de vous pencher sur la pièce P

  4   661, à présent, qui est un document nommant à leur poste les commandants

  5   des zones opérationnelles. Ces nominations sont faites le 28 octobre 1992,

  6   par le président de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, Mate Boban.

  7   Au point 3 de ce document, nous voyons la nomination du commandant de la

  8   Zone opérationnel de Bosnie centrale, à savoir Tihomir Blaskic.

  9   Alors ma question, Général, est la suivante, si vous vous rappelez à peu

 10   près à quel moment le HVO a été organisé de cette façon avec création des

 11   Zones opérationnelles; pouvez-vous nous le dire ?

 12   R.  Je crois que c'est à peu près à ce moment-là qu'il y a eu

 13   réorganisation parce que les unités étaient les mêmes, ainsi que les

 14   structures de commandement, mais elles ont désormais porté des noms

 15   différents.

 16   Q.  Penchons-nous maintenant sur le document suivant, la pièce P 554, qui

 17   est un ordre de Tihomir Blaskic, portant sur l'organisation des unités

 18   opérant dans la Zone opérationnelle de Bosnie centrale.

 19   Alors, Général, est-ce que vous avez eu connaissance de cet ordre nommant

 20   des faits ?

 21   R.  Cette décision finalement, c'est moi qui l'ai initiée, parce que la

 22   zone était énorme -- la Zone d'opération était énorme, et donc pour

 23   permettre un commandement plus efficace, j'ai proposé une division en

 24   quatre Zones opérationnelles -- ou plutôt, en Groupes tactiques au sein de

 25   la Zone opérationnelle. Ces divisions étaient sur le plan géographique,

 26   soumises à peu près au même critère. La vallée de Vrabac de la Lasva vers

 27   Zenica, puis la vallée de la Lasva avec Zepce, et cetera, et ensuite la

 28   Zone de Lepenica. Voilà c'est à peu près selon les critères que ces zones -

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  1   - ou plutôt, ces Groupes tactiques ont été créés. D'ailleurs un groupe

  2   tactique recouvrait à peu près six municipalités. Moi, j'étais le

  3   commandant de l'un de ces groupes tactiques qui allait de Jajce jusqu'à

  4   Zenica compris. En dehors de ma fonction régulière et constante, qui était

  5   celle d'être  l'adjoint du commandant de la zone opérationnelle au niveau

  6   de territoire couvert par le corps d'armée.

  7   Q.  Général, lorsque vous dites que vous avez commandé un Groupe tactique,

  8   et vous avez dit "lequel," est-ce que c'est bien le Groupe tactique que

  9   l'on trouve mentionner au paragraphe 1, petit (b) de cet ordre ?

 10   R.  Oui, mais dans le texte ici, on ne parle pas du territoire Dobratici de

 11   la municipalité actuelle de qui recouvrait Kotor Varos et Skender Vakuf et

 12   l'ensemble de ces municipalités constituait donc une entité de très grande

 13   taille.

 14   Q.  Penchons-nous maintenant sur la pièce P 658.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Le dernier document, est-ce que, dans la chaîne de

 16   commandement, on a, à ce moment-là, Mate Boban qui est le président en

 17   premier; ensuite on a le commandant du HVO, en l'espèce le général

 18   Petkovic; après le commandant de la Zone opérationnelle, Tihomir Blaskic,

 19   et puis après dans votre zone à vous, le commandant du Groupe tactique,

 20   vous; et puis en dessous le commandant des brigades qui sont dans le Groupe

 21   tactique ? Est-ce la chaîne de commandement ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, exact.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais

 25   simplement appeler l'attention de chacun sur la dénomination correspondant

 26   à la fonction à assumer par Milivoj Petkovic. Page 44, ligne 12, en anglais

 27   au compte rendu. Nous lisons, "commander of the HVO," alors que la fonction

 28   exacte est celle de chef de l'état-major principal. Pour la Défense du

Page 47436

  1   général Petkovic, il est très important de parler toujours comme il se doit

  2   de chef de l'état-major principal.

  3   Q.  Alors, Général, penchons-nous maintenant sur le document suivant la

  4   pièce P 658.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous allez peut-être m'éclairer. Quelle distinction

  6   faites-vous, vous, entre commandant du HVO et chef de l'état-major

  7   principal ? Est-ce que c'est deux fonctions différentes ? Si oui, qui est

  8   le commandant du HVO ? Sinon, qu'est-ce que vous pouvez nous dire ? Parce

  9   qu'apparemment, l'avocate fait une distinction, alors, moi, je voudrais

 10   être au clair.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Selon les périodes de temps considérées, il y

 12   a eu des moments où il existait et un commandant du HVO et un chef de

 13   l'état-major principal. Mais dans la plus grande partie des périodes

 14   concernées par les activités, il y avait le commandant de l'état-major

 15   principal qui dans le poste était entre celui de président et les unités

 16   finalement. Donc si le commandant n'était pas nommé comme commandant du HVO

 17   le chef de l'état-major principal supportait en grande partie, même en

 18   majeure partie, la responsabilité du commandant. Sauf si dans certains

 19   secteurs les choses se passaient différemment. Mais, moi, ce que je vous

 20   dis cela correspond à la zone où j'ai travaillé où la chaîne de

 21   commandement était Blaskic, Petkovic, ou Roso, ou qui que ce soit qui était

 22   le chef de l'état-major principal, et tout en haut, il y avait Mate Boban.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Le 7 octobre 1992, c'est la date du document. Qui

 24   est le commandant du HVO ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la Zone opérationnelle, c'est-à-dire au

 26   niveau du corps d'armée, c'était Blaskic.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand, moi, je pose la question, c'est le commandant

 28   du HVO militaire, c'est-à-dire celui qui commande le HVO militaire ? C'est-

Page 47437

  1   à-dire celui qui commande toutes les Zones opérationnelles ? Alors c'est

  2   qui ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Quand on parle de HVO, on parle du volet

  4   politique, du volet militaire et de toutes les autres dimensions du HVO.

  5   Mais si l'on parle du volet militaire, c'est-à-dire des unités militaires,

  6   c'était le commandant Blaskic, mais il n'était pas commandant de tous les

  7   autres aspects de la vie quotidienne dans la zone où il exerçait son

  8   commandement sur le plan militaire.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, là, je suis totalement perdu. Ça fait

 10   presque quatre ans que je suis à 150 % dans ce dossier, et là, j'apprends

 11   quelque chose de tout à fait nouveau. Alors peut-être qu'il y a une

 12   mauvaise traduction, je ne sais pas. Vous venez de dire - parce que je vous

 13   ai bien posé la question - au mois d'octobre, qui est le commandant du HVO

 14   ? Je vous ai précisé celui qui commande les différentes Zones

 15   opérationnelles, et vous me dites que, pour vous, c'est Blaskic. Alors, là,

 16   je ne comprends plus.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous parlons du document où il est question

 18   des Groupes tactiques, et dans le cadre du corps d'armée, c'est-à-dire de

 19   la Zone opérationnelle, c'est Blaskic qui était le commandant.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, je comprends. Il est commandant du HVO dans la

 21   Zone opérationnelle. Là, je suis d'accord avec vous. Mais, moi, ce que je

 22   voulais savoir, c'est quel est le commandant du HVO de toutes les Zones

 23   opérationnelles, de toutes les zones.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Mate Boban.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, là, c'est précis. Vous me dites le

 26   commandant du HVO c'est Mate Boban; ensuite il y a un chef d'état-major qui

 27   est le général Petkovic; puis il y a des commandants de Zones

 28   opérationnelles dont en Bosnie centrale, Blaskic; puis il y a des

Page 47438

  1   commandants de Groupes tactiques dont vous-même pour le deuxième.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait Ivo Lozancic à Zepce, et ce Groupe

  3   tactique regroupait Zepce, Zavidovici, Teslic, et Maglaj. A Lepenica,

  4   c'était Rajic, qui était commandant. Ce groupe recouvrait Kiseljak,

  5   Kresevo, Fojnica, Vares, Kakanj, et le 4e Groupe tactique recouvrait

  6   Bugojno, Kupres, Gornji Vakuf, Prozor, Jablanica, et Konjic.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Filipovic, je suis peut-

  9   être pas très rapide à la détende, je suis peut-être un peu en dessous de

 10   mes moyens. Mais enfin la lumière n'a toujours pas été faite parce qu'à un

 11   moment donné, le Président de la Chambre nous a présenté une chaîne de

 12   commandement qui commençait par Boban au sommet, puis passait par au chef

 13   d'état-major et au chef des Zones opérationnelles. Et Blaskic était un de

 14   ces commandants de zones opérationnelles, au-dessus de lui, il y avait

 15   Boban, dites-vous. Mais d'après la chaîne de commandement, son supérieur

 16   immédiatement Blaskic, c'était Petkovic chef d'état-major principal, alors

 17   qu'est-ce qui est vrai ? Quelle est la bonne chaîne de commandement ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Boban c'était le commandant suprême et il y a

 19   un état-major principal qui sert ses intérêts. Le chef de l'état-major

 20   exécute les ordres, requêtes de Boban, et c'est vers la Zone opérationnelle

 21   qu'il nous transmet ceci sous forme d'ordre pour ce qui est donc de ce

 22   qu'il nous convient de faire.

 23   Alors, vous me demandez précisément la chaîne de commandement définie de

 24   quelque façon que ce soit. Moi, je vous dis comment j'ai perçu les choses.

 25   Je savais que mon premier supérieur c'était Blaskic; j'en étais l'adjoint,

 26   et son chef à lui, celui qui pouvait lui donner des ordres et à qui il

 27   présentait des rapports, c'était le chef d'état-major. Parfois il y avait

 28   un lien direct entre eux, entre lui et Boban, et d'ailleurs c'était la

Page 47439

  1   pratique tout le temps. 

  2   A un moment donné, le chef d'état-major était l'homme numéro 3, pour ce qui

  3   est de la hiérarchie militaire au sein du HVO parce qu'il y avait le

  4   commandant, le commandant adjoint et le chef d'état-major. Mais ça s'est

  5   fait pendant une période de temps relativement courte.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Vous avez

  7   maintenant répondu clairement à ma question. Merci.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation]

  9   Q.  Merci, mon Général, je n'ai pas de questions complémentaires pour ce

 10   qui est du descriptif que vous venez de faire. Moi, je suis juste

 11   intervenue pour ce qui est du nom de la fonction.

 12   Penchons-nous maintenant sur le P 658. C'est un rapport collectif pour le

 13   26 juin -- octobre 1992, et on dit pour Jajce que les Chetniks attaquent

 14   avec tous les moyens disponibles et ils pilonnent, journalièrement [phon],

 15   avec 2 à 3 000 projectiles par jour, ce qui fait que tout brûle. Alors

 16   comme nous sommes en train de débattre dans ce prétoire pour le fait de

 17   savoir si les Serbes et les Croates se sont battus du tout en Bosnie-

 18   Herzégovine, à l'époque, c'est-à-dire en 1992, bien, je vous demande que

 19   vous nous l'indiquiez.

 20   Y a-t-il eu des combats quel qu'ils soient contre les Serbes, contre

 21   l'armée des Serbes de Bosnie-Herzégovine en 1992 et plus tard ?

 22   R.  Alors pour ce qui est de ce point relatif à Jajce, c'est une blessure

 23   qui ne s'est pas guérie me concernant, J'ai investi beaucoup d'efforts,

 24   notamment pendant la période avant la chute de Jajce. Pour ce qui est de la

 25   lutte contre les Serbes, si je vous ai bien compris, l'ARSK, pendant toute

 26   l'année 1992 et l'année 1993 jusqu'au mois de juin 1992, a été le seul

 27   ennemi, donc cet VRS était le seul ennemi. Lorsque nous avons perdu, nous,

 28   en Bosnie centrale, un contact direct avec la VRS; le seul ennemi c'était

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  1   l'ABiH pour ce qui est de nos conflits à nous. Jajce, il y avait 100

  2   kilomètres de front parce que ça s'était étiré par rapport à la vallée de

  3   la Lasva, et pendant tout le temps, il y a eu des combats.

  4   Q.  Dites-nous, Général : quand vous dites qu'en Bosnie centrale, vous avez

  5   perdu le contact avec les territoires passés sous le contrôle de la VRS,

  6   est-ce la période où il y a eu création de cette enclave croate en Bosnie

  7   centrale, ou est-ce que vous aviez quelque chose d'autre à l'esprit ?

  8   R.  J'ai parlé de toute l'année 1992 et de l'année 1993 jusqu'au mois de

  9   juin, compris, le seul ennemi c'est la VRS.

 10   Q.  Bien. Au paragraphe 6 de ce rapport, et ce rapport de Travnik, on dit :

 11   partant de l'ordre, enfin je précise que ce rapport vient de la Bosnie

 12   centrale et c'est un rapport de Tihomir Blaskic, et il dit que :

 13   "Partant de l'ordre du commandant suprême numéro 396, daté du 27 juin 1992,

 14   article 2, au paragraphe 2, j'ai procédé au démantèlement de tout ce qui

 15   constituait l'état-major et j'ai nommé aux fonctions de commandement, le

 16   colonel Filip Filipovic."

 17   Alors je précise une chose, Général, avant que de poser une question. C'est

 18   le document dont il est question, c'est le document dont nous avons déjà

 19   discuté, le P 280. C'est donc le document à partir duquel le colonel

 20   Blaskic a fait -- a révoqué des fonctions et nommé d'autres personnes à

 21   leurs places. Alors est-ce que ça s'est passé lorsque vous avez été nommé

 22   commandant de la brigade à Travnik ?

 23   R.  Oui, c'est la période où on a tué le commandant de la brigade à

 24   Travnik. Il a été tué par les forces musulmanes, et il y a eu en partie une

 25   espèce d'éparpillement de la brigade, et j'ai pris sous mes ordres la

 26   Brigade de Travnik pour ce qui est du commandement.

 27   Q.  Général, dites-nous : qui est-ce qui se trouvait à la tête de ces

 28   forces musulmanes à l'époque ?

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  1   R.  L'Alpha et l'Omega c'était le colonel Alagic -- Mehmed Alagic.

  2   Q.  Veuillez nous dire, Général : comment avez-vous coopéré avec Mehmed

  3   Alagic ? Avez-vous coopéré du tout ?

  4   R.  Pendant la première année de la guerre, on a coopéré; dans la deuxième

  5   année, on s'est battu de façon féroce; et après les accords de Washington,

  6   on a coopéré à nouveau. Je précise que Mehmed Alagic c'était quelqu'un de

  7   correct, en tant qu'allié, et en tant qu'adversaire, à tout points de vue.

  8   C'était un négociateur très dur mais une fois -- une chose arrêtée, on

  9   pouvait être sûr que c'était arrêté et que ce serait mis en œuvre.

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  9   Alors, Général, est-ce que vous pouvez commenter cette déclaration portant

 10   sur votre bonne coopération avec Filipovic et Alagic ? Il s'agit d'un

 11   observateur international -- enfin, de la communauté internationale en

 12   Bosnie-Herzégovine, c'est lui qui a fait ces observations-là ?

 13   R.  Ces observations sont faites de façon tout à fait professionnelle --

 14   Q.  Général, je m'excuse. Je rectifie le compte rendu, page 8, la question

 15   que j'ai citée se rapportait -- était adressée au colonel Filipovic, non

 16   pas au colonel Alagic. Page 51, ligne 8, et c'est question de Filipovic.

 17   Alors, Général, dites-nous maintenant : la déclaration disant que vous

 18   collaboriez bien, est-ce que vous pouvez commenter ?

 19   R.  C'est une opinion disais-je tout à fait professionnelle et réaliste

 20   datant de l'époque. Peut-être est-ce un peu tiré par les cheveux que de

 21   dire que je faisais savoir que je n'étais pas appuyé ou soutenu par mes

 22   supérieurs. J'ai eu une coopération toujours correcte avec Blaskic, Ce qui

 23   fait que je ne sais pas en réalité à quoi cela peut bien se rapporter.

 24   Q.  Est-ce que vous pouvez nous expliquer, Général, votre départ vers un

 25   autre site, cette partie finale de la déclaration du témoin dont je vous ai

 26   donné lecture, à quoi cela se rapporte-t-il ? Est-ce que vous vous en

 27   souvenez ?

 28   R.  Ça peut se rapporter à mon départ de Travnik. Moi, je suis allé faire

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  1   partie de cette commission qu'on a déjà mentionnée, et en ma qualité de

  2   membre du commandement conjoint, ça ne devrait donc pas être constitué une

  3   insinuation pour ce qui est des raisons pour lesquelles je suis parti.

  4   C'était logique.

  5   Q.  Bon. Penchons-nous sur le 4D 1700. Il s'agit d'un ordre destiné à la

  6   défense, Zone opérationnelle de Bosnie centrale, rédigé par Tihomir

  7   Blaskic.

  8   Général, veuillez nous dire si vous avez eu connaissance de ce document

  9   auparavant ?

 10   R.  Je pense avoir participé à sa rédaction, parce que c'est un document

 11   qui regroupe pas mal de choses pour une période donnée et un secteur donné.

 12   Q.  Ce document ne porte pas de date pour ce qui est de sa création, sa

 13   rédaction. Est-ce que vous pourriez, partant de certains segments de son

 14   contenu, nous déterminer la période à laquelle il a été rédigé ?

 15   R.  D'après les noms d'unités qui sont constituées et à partir du moment où

 16   ça a fait son apparition 2e Brigade de Zenica et Jure Francetic, et Brigade

 17   de Travnik, il s'agirait donc d'une période que je localiserais vers mi-

 18   mars 1993.

 19   Q.  A plusieurs endroits dans ce document, par exemple, au paragraphe 2,

 20   point 5.1. Tihomir Blaskic envisage d'organiser la défense de la Bosnie

 21   centrale en coordination avec les effectifs de l'ABiH. Ma question pour

 22   vous, Général, s'énonce comme suit : est-ce que vous avez vous aussi

 23   planifié la défense des territoires dont vous aviez la charge du point de

 24   vue donc de ces préparatifs en matière de défense et d'activités de combat

 25   s'agissant de la coopération à mettre en place avec l'ABiH ?

 26   R.  On a coopéré tout le temps nous autres avec l'ABiH, et on a gardé

 27   ensemble une ligne de la défense. Donc la question ne se pose pas de savoir

 28   s'il y avait eu une coopération d'envisagée avec les unités de l'ABiH.

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  1   Q.  Je vous renvoie maintenant au document suivant, 4D 389. Il s'agit d'un

  2   ordre émanant du chef d'état-major principal du HVO, M. Milivoj Petkovic,

  3   daté de décembre 1992, et dans sa partie introductive, il est dit, Général,

  4   que par mise sur écoute des conversations entre Chetniks, le HVO a appris

  5   que l'armée de la Republika Srpska estimerait qu'il ne reste que très peu

  6   de temps jusqu'à la fin de la guerre, et que dans les cinq ou six jours à

  7   venir on s'efforcerait de faire quelque chose.

  8   A vous de nous dire, Général, à ce moment, donc fin décembre 1992,

  9   est-ce que s'agissant du territoire où vous avez procédé à des activités

 10   liées à la défense il y a eu danger en provenance de l'armée de la

 11   Republika Srpska ?

 12   R.  Ces dangers nous menaçaient tout le temps pendant la guerre qui s'est

 13   conduite jusque-là. Probablement est-ce lié aux préparatifs des fêtes de

 14   Noël, enfin je suppose. Mais au vu de la date il s'agit de ne pas voir la

 15   tension faiblir. Mais cette défense, ces lignes de défense faces aux

 16   Chetniks étaient solides tout le temps.

 17   Q.  Point 5 de l'ordre. On donne instruction de relever l'aptitude au

 18   combat et on dit pour la réalisation du présent ordre procéder à une

 19   coordination pleine et entière des activités avec les unités de l'ABiH.

 20   Est-ce que vous pouvez commenter cette partie-là de l'ordre, Général ?

 21   R.  Je ne sais pas ce qu'il y a à commenter, c'était sous-entendu. Ici une

 22   fois de plus, on met l'accent sur une nécessité de coordonner les activités

 23   avec l'ABiH. Ne pas oublier donc l'alliée, le voisin d'à côté.

 24   Q.  Document suivant, 4D 830. 830. Ce qui m'intéresse c'est la partie

 25   finale du document. C'est donc la dernière page. C'est court, Général. Vous

 26   pouvez m'écouter.

 27   Il s'agit d'un rapport du chef d'état-major principal pour l'année 1992.

 28   Dans la partie finale, il est dit :

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  1   "Les forces du HVO en dépit de bon nombre de problèmes et de

  2   difficultés ont gardé sous leur contrôle 70 % environ du territoire libéré

  3   en Bosnie-Herzégovine."

  4   Ma question pour vous, Général, est la suivante : de mémoire, quelle est la

  5   partie de la ligne de front face à l'armée de la Republika Srpska qui était

  6   tenue par les unités du HVO ?

  7   R.  En tout état de cause, c'était plus de la moitié. Il faudrait prendre

  8   un étalon de mesure pour mesurer sur les cartes, mais je crois ce que je

  9   vous ai dit est exact.

 10   Q.  Phrase suivante qui se lit comme suit :

 11   "En créant ses propres forces armées sur le territoire de la HZ HB le

 12   peuple croate s'est défendu et la majeure partie des Musulmans."

 13   Ma question pour vous, Général, est la suivante : lorsque vous avez défendu

 14   la Bosnie-Herzégovine en Bosnie centrale, est-ce que vous n'avez défendu

 15   que le peuple croate, ou pas ?

 16   R.  Je vous l'ai déjà dit, j'ai défendu moi-même, ma famille, ma communauté

 17   au sens restreint, ma communauté au sens large du terme, et la Bosnie-

 18   Herzégovine tout entière. En défendant ce territoire, j'ai défendu la

 19   totalité de ceux qui s'y trouvaient et sous-entendu aussi des Serbes et des

 20   Musulmans qui s'y trouvaient. Pendant les deux ou trois mois de la guerre

 21   il est vrai que nous avons pu défendre la totalité de ces gens. A partir du

 22   mois de juin la Défense territoriale de l'ABiH a pris son propre fardeau en

 23   charge et ce n'est qu'à partir donc du mois de juin 1992 qu'ils sont sur un

 24   pied d'égalité du point de vue de leur participation au combat et des

 25   effectifs présents sur la ligne de front.

 26   Q.  Sur ce territoire où vous avez été présent Busovaca, Travnik, Novi

 27   Travnik, Vitez, à peu près du point de vue des échelles, des proportions,

 28   population croate, population musulmane, est-ce qu'il y en avait qui était

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  1   plus nombreux, considérablement plus nombreux que les autres ?

  2   R.  Dans la vallée de la Lasva, il y avait un peu plus de Musulmans mais en

  3   substance c'était plus ou moins la même chose sur pied d'égalité.

  4   Q.  Général, dites-nous : dans la vallée de La Lasva, à un moment donné, y

  5   a-t-il eu des réfugiés à y arriver -- à y débarquer ?

  6   R.  Ils sont débarqués dès les premiers jours, les réfugiés. La majeure

  7   partie de ces réfugiés sont arrivés au mois de mai, juin, et même en

  8   automne. Les Serbes délivraient les Musulmans et il y avait un peu de

  9   Croates aussi, 4 ou 5 % d'entre eux, mais c'était massif pour ce qui est de

 10   milliers de personnes qui descendaient depuis la ligne tenue par les Serbes

 11   vers notre partie à nous, notre côté à nous. C'est ce qui arrivait, c'est-

 12   à-dire que ces réfugiés c'était le malheur personnifié, il fallait les

 13   aider ces gens-là pour qu'ils puissent se débrouiller -- donc du moins ne

 14   serait-ce qu'au début.

 15   Q.  De quelle période êtes-vous en train de parler ?

 16   R.  Je parle de 1992.

 17   Q.  Vous nous dites : qu'ils arrivaient peu de Croates, 4 à 5 %. Alors si

 18   vous avez des informations, veuillez nous les communiquer. Ces Croates

 19   venus desdites parties de la Bosnie-Herzégovine qui étaient placés sous le

 20   contrôle de la VRS, allaient-ils vers d'autres régions en Bosnie-

 21   Herzégovine, voire vers d'autres pays ?

 22   R.  Bien, c'est logique. La partie occidentale de la Republika Srpska,

 23   c'est-à-dire le territoire contrôlé par l'ARSK pour ces gens-là ces

 24   Croates, il était plus facile de les faire passer de l'autre côté de la

 25   Save et de les faire passer vers la Croatie. C'est du moins ainsi que j'ai

 26   compris la chose.

 27   Q.  Pourriez-vous nous dire à peu près quel était le chiffre total de ces

 28   réfugiés qui jusqu'à la fin 1992 est arrivé dans cette vallée de La Lasva ?

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  1   R.  C'est des dizaines de milliers de gens. Le chiffre minimum que je suis

  2   en train d'envisager à présent c'est 20 000 personnes.

  3   Q.  D'après les pourcentages que vous nous avez donnés, c'était à peu près

  4   entièrement de la population musulmane, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, des réfugiés de groupe ethnique musulman.

  6   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose, Général, pour ce qui

  7   est de cette première moitié de 1992, s'agissant des arrivés de militaires

  8   sur les territoires de la vallée de La Lasva, est-ce qu'ils venaient ces

  9   militaires, quand est-ce qu'ils venaient ? A quel groupe ethnique

 10   appartenaient-ils ?

 11   R.  Je vous ai déjà dit que dans la vallée de La Lasva, j'ai été accepté

 12   comme commandant par tous et toutes, par tout un chacun, du moins pour ce

 13   qui est des activités de combat. Il y a d'abord eu arrivée des étrangers,

 14   c'était les Moudjahidines, mais eux, c'était quand même en nombre

 15   insignifiant. Vers le début du mois de mai, 50 autocars sont arrivés, et il

 16  y a eu création d'une unité qui s'appelait la 1ère Brigade de la Krajina. Il

 17   s'installe à la caserne de Travnik. Jusque-là, j'avais une espèce

 18   d'équilibre plus ou moins normale avec les Musulmans, donc HVO, Défense

 19   territoriale, ABiH, en d'autres termes, mais avec l'arrivée des réfugiés et

 20   de ceux qui n'étaient pas des réfugiés mais qui sont quand même venus sur

 21   ce territoire, l'équilibre se perd, notamment à Travnik ou la région de

 22   Travnik.

 23   Alors au début de leur arrivée, je me félicitais des renforts que je

 24   pouvais réunir, assembler face à l'ennemi, mais avec l'arrivée des réfugiés

 25   qui n'avaient rien du tout et qui avaient besoin de tout, et qui

 26   s'installaient sur des territoires comme, par exemple, des lieux saints

 27   croates, l'église, le monastère et le lycée de Travnik, c'était un très

 28   grand immeuble construit du temps austro-hongrois où on pouvait accueillir

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  1   un nombre très important de personnes.

  2   Q.  Général, Général, tirons quelques éléments au clair.

  3   M. SCOTT : [interprétation] Je suis désolé mais, pour la question suivante,

  4   j'aimerais avoir une date, s'il vous plaît, parce que je sais à présent que

  5   ce n'est pas exactement qu'elle est la date.

  6   Mme ALABURIC : [interprétation]

  7   Q.  Je vous ai interrompu justement, mon Général, parce que ça faisait un

  8   moment que vous parliez et on sait même un peu perdu dans le temps. Je

  9   voulais que vous précisiez tout ce que vous venez de nous décrire; ça se

 10   passe en quelle année ?

 11   R.  Ça se passe au début de la guerre. Donc les premiers mois de 1992, je

 12   parle d'avril, mai, juin et il y a eu arrivée des réfugiés qui c'est

 13   poursuivi en automne. La chose a culminé avec l'arrivée de tous ceux qui

 14   étaient de Jajce et qui sont venus, et ce début novembre 1992.

 15   Q.  Vous avez parlé de la Brigade de la Krajina, et vous avez dit que des

 16   membres de cette brigade sont arrivés à bord de 50 autocars. Alors, si je

 17   fais bien le calcul, ça nous ferait quelques

 18   2 000 soldats; est-ce que mes calculs sont bons ?

 19   R.  C'est le maximum. Il faut compter le matériel et les capacités

 20   d'hébergement. Disons qu'au plus, 1 500 individus, et eux, je vous précise,

 21   ils sont venus du territoire de la République de Croatie où, moi, au début,

 22   je n'ai rien trouvé de mal à cela, s'agissant de la défense.

 23   Q.  Mais est-ce que vous pouvez préciser le moment de l'arrivée de cette

 24   Brigade de la Krajina, une fois de plus, Général ?

 25   R.  Ça se passe vers le 15 mai 1992.

 26   Q.  Veuillez nous indiquer à quel groupe ethnique appartenait ces soldats

 27   de la Brigade de la Krajina ?

 28   R.  Ce n'était que des Musulmans.

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  1   Q.  Général, si du point de vue de l'armée territoriale, de l'armée apte à

  2   manœuvrer, si vous compariez le HVO, le vôtre et cette Brigade de la

  3   Krajina, que sauriez-vous nous dire au sujet du HVO, et que sauriez-vous

  4   nous dire au sujet de cette Brigade de la Krajina ?

  5   R.  J'avais des Domobrani et ils sont logés chez eux, ils vivent chez eux.

  6   Quand c'est leur tour, ils vont à la ligne de front. Donc sur la ligne de

  7   front, j'ai à peu près 20 % de mes effectifs selon les cas et je n'ai

  8   aucune unité manœuvrable pour pouvoir donc intervenir en cas de besoin. Ce

  9   n'est que par la suite qu'il y aura création de Pelotons d'intervention.

 10   Alors cette Brigade de la Krajina, étant donné qu'elle était purement

 11   militaire et qu'elle s'est installée dans des casernes, enfin dans la

 12   caserne, cette unité susceptible de pouvoir manœuvrer c'est la seule qu'on

 13   ait sur le territoire.

 14   Q.  Général, quand vous nous dites que les Pelotons d'intervention ne sont

 15   créés que plus tard, ces Pelotons d'intervention sont-ils venus d'ailleurs,

 16   de l'extérieur de la Bosnie centrale, ou est-ce que vous avez créé ces

 17   Pelotons d'intervention à partir de vos effectifs à vous ?

 18   R.  De mes effectifs à moi uniquement. Ce sont des éléments de mise en

 19   place d'une armée. On a besoin de soldats à qui on peut donner des ordres

 20   et qui sont utilisables. Ce n'est pas seulement un soldat qui va être

 21   stationné dans une tranchée sur la ligne de front.

 22   Q.  Dites-moi, Général : cette Brigade de Krajina, quand elle est arrivée

 23   dans la vallée de La Lasva, est-ce qu'elle s'est associée au HVO ou à

 24   l'ABiH ou éventuellement était-elle une unité autonome dans ce territoire ?

 25   R.  Dans les premiers moments, c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée d'Alagic et

 26   de Krstic dans ce secteur, parce que ces deux hommes ne sont pas arrivés en

 27   même temps que la brigade, c'était une formation qui était encore non

 28   identifiée -- enfin, elle formait des hommes, mais du point de vue de la

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  1   ligne très ferme de la chaîne de commandement de l'ABiH, elle n'était pas

  2   encore tout à fait bien identifiée, et c'est seulement plus tard qu'elle

  3   est devenue une partie intégrante de la Défense territoriale, et donc plus

  4   tard de l'ABiH. J'emploie toujours les deux dénominations parce que je ne

  5   connais pas la date exacte à laquelle la Défense territoriale s'est

  6   transformée en ABiH.

  7   Q.  Vous avez dit, Général, que c'était l'élément central, l'élément dur de

  8   la chaîne de commandement de l'ABiH; est-ce que vous pourriez nous en dire

  9   plus sur ce point ?

 10   R.  Quand je suis arrivé dans le secteur, prenons l'exemple de la vallée de

 11   la Lasva, j'avais quatre municipalités, quatre cellules de Crise

 12   municipales et quatre QG municipaux qui découlaient des dispositions en

 13   vigueur au temps de l'ex-Yougoslavie. S'agissant de la division des

 14   pouvoirs dans ces quatre municipalités, le président de la municipalité

 15   était un Musulman; le président du conseil exécutif, un Croate; le

 16   secrétaire à la Défense était un Croate; et le commandant de la Défense

 17   territoriale était un Musulman. Donc voilà, je me suis retrouvé avec quatre

 18   commandants des états-majors de la défense musulmane qui étaient musulmans.

 19   C'était un peu bizarre pour moi, mais enfin, j'ai tout à fait admis cela.

 20   J'ai coopéré avec eux, et comme je l'ai déjà dit, j'ai été bien accueilli

 21   en tant que commandant de l'ensemble. Mes ordres étaient respectés sur le

 22   front. Et puis, il y avait un moment où je me suis rendu compte que ces

 23   quatre hommes avaient été limogés de leurs fonctions.

 24   Q.  Avant que vous ne poursuiviez, dites-nous quand ils ont été limogés.

 25   R.  Au mois de juin 1992. En juin 1992, arrivent un grand nombre

 26   d'officiers musulmans dans la vallée de la Lasva, et au sein des

 27   municipalités, les présidents des municipalités sont remplacés à leur

 28   poste. Par exemple, à Travnik, c'était Tamburic, qui est remplacé par

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  1   Hodzic. A Novi Travnik, le commandant c'était -- je ne me rappelle pas  son

  2   nom à l'instant, mais en tout en cas il a été remplacé par Lendo, et

  3   cetera. Donc je me rends compte qu'il se passe quelque chose, et je ne m'en

  4   rends pas compte uniquement en voyant quelles sont les personnalités

  5   concernées, mais en voyant quelle est l'évolution des actions entreprises

  6   dans le secteur.

  7   Q.  Général, dites-nous : en quoi cela constitue un changement par rapport

  8   à la ligne dur ?

  9   R.  Bien, le changement a résidé en ce que les hommes nouvellement mis en

 10   place n'acceptaient plus mes propositions. Si j'avais quelque chose à dire,

 11   je devais aller au sein des différents commandements pour l'annoncer, et

 12   ensuite l'action en question pouvait éventuellement être acceptée en tant

 13   que telle. Il y avait des démonstrations de force qui se faisaient par voie

 14   de déplacement des unités d'un hameau à un autre. Un grand nombre d'hommes

 15   organisaient et se déplaçaient d'un point à un autre; avant, cela

 16   n'existait pas, et puis, dans certains lieux, il y a eu apparition soudaine

 17   d'un grand nombre de drapeaux de couleur verte. Enfin, tout simplement, on

 18   sentait qu'il se passait quelque chose.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé, Madame Alaburic,

 20   mais j'ai une question à poser au témoin, M. Filipovic, à propos de la page

 21   60, ligne 9. Vous avez dit que quatre commandants de l'état-major de la

 22   Défense territoriale étaient des Musulmans, et vous avez ajouté "ce qui me

 23   paraissait un peu étrange". J'aimerais savoir pourquoi, d'après vous,

 24   c'était si étrange; pouvez-vous nous l'expliquer, et dans quelle mesure

 25   était-ce étrange ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] A l'issue des élections de 1990, ce sont les

 27   SDA et le HDZ très concrètement qui l'ont emporté. A ce moment-là, ils ont

 28   créé un gouvernement avec échange de leurs principales personnalités. Alors

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  1   si c'est bien le but qui était poursuivi, ils auraient dû les répartir de

  2   façon plus intelligente. Ça n'aurait pas dû se passer qu'il y en ait quatre

  3   au même poste qui soient de la même appartenance ethnique. En Bosnie, ça

  4   n'était jamais arrivé. En Bosnie, on réfléchissait toujours sur la base de

  5   nomination avec un poste revenant aux Croates, un poste aux Serbes, un

  6   poste aux Musulmans. Donc c'est ça que j'ai trouvé un peu bizarre, que tous

  7   les quatre soient musulmans.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Très bien. Mais vous avez parlé de

  9   plusieurs rôles clé, et si je me souviens bien, il y avait certains postes

 10   qui n'étaient tenus que par des Croates, n'est-ce pas?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Présidents des municipalités, Musulmans;

 12   présidents des conseils exécutifs, Croates; secrétaires à la Défense au

 13   niveau municipal, c'étaient des Croates; et commandants des états-majors de

 14   la Défense territoriale, donc au niveau de l'armée, Musulmans. Si on

 15   regarde ça en gros, on trouve que la répartition est assez bonne, mais dès

 16   que la question de la défense est abordée plus en détail, alors ça m'a

 17   frappé de voir que j'aurais à coopérer avec les quatre commandants des

 18   états-majors et que tous les quatre étaient musulmans. Voilà ce que je

 19   voulais dire quand j'ai dit, un peu bizarre.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie de votre

 21   explication.

 22   A vous, Madame Alaburic, et je vous présente mes excuses.

 23   Mme ALABURIC : [interprétation]

 24   Q.  Général, dites-moi : avez-vous éprouvé un problème quelconque à

 25   coopérer avec quelqu'un parce que son appartenance ethnique était

 26   musulmane, et est-ce que c'était important à vos yeux ?

 27   R.   Je vous dis bien que ce n'est pas ça qui était important, et que j'ai

 28   coopéré avec eux, et qu'ils m'ont bien accepté, mais la personne, qui vit

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  1   depuis longtemps, qui est né en Bosnie, doit toujours tenir compte de la

  2   répartition tripartite du peuple bosniaque. Depuis que j'étais tout petit,

  3   quand je travaillais au foin, je savais que quand je traversais des

  4   villages musulmans, je verrais des hommes qui avaient une barbe assez

  5   longue, et au cou des chevaux, s'il y avait une espèce de cloche de bronze,

  6   je mettais les silencieux sur les cloches quand je traversais un village

  7   musulman pour tenir compte et respecter la sensibilité des Musulmans.

  8   Q.  Général, quand vous dites "bronze," ce sont bien des cloches en bronze,

  9   n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui, des cloches qui sont faites du même matériel que les cloches des

 11   églises.

 12   Q.  D'accord. Nous avons bien compris, pour notre part, l'exemple que vous

 13   avez donné à titre d'illustration, mais je ne suis pas sûr que tout le

 14   monde ici ait bien compris l'image que vous avez développée à l'instant. Je

 15   ne crois pas que tout le monde dans le prétoire ait pu comprendre ce que

 16   vous avez au sujet de mettre le silencieux sur la cloche en traversant les

 17   villages musulmans. Pourquoi ?

 18   R.  Parce qu'on risquait de gêner les habitants de ce village. Donc je le

 19   faisais par respect pour les personnes, pour montrer que je comprenais que

 20   le milieu que j'étais en train de traverser était un milieu différent et

 21   qu'il fallait que je me comporte d'une façon différente.

 22   Q.  Bon. Général, parlons une nouvelle fois de ces personnes qui affluaient

 23   dans la vallée de la Lasva. Dites-moi, est-ce que cela s'est passé aussi à

 24   la suite de la chute de Jajce ? Est-ce que des afflux de nouveaux arrivants

 25   ont eu lieu dans la vallée de la Lasva, à ce moment ?

 26   R.  Jajce, à ce moment-là, a mené le combat le plus intense des combats qui

 27   ont eu lieu en Bosnie centrale. Le front à cette époque-là s'étendait sur

 28   une centaine de kilomètres. J'ai apporté mon aide à la défense à ce moment-

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  1   là en m'occupant d'un endroit qui était un sentier forestier. Au moment où

  2   Jajce est tombé, 2 000 bon combattants croates, à peu près, et 2 000 bons

  3   combattants musulmans se sont trouvés tout d'un coup dans le secteur de

  4   Travnik, mais les Croates, eux, ont poursuivi leur chemin vers la Croatie

  5   et plus loin encore dans le monde. Quant aux Musulmans, ils sont restés sur

  6   le secteur où je me trouvais. C'est à ce moment-là que j'ai compris sur le

  7   fond que j'avais perdu l'équilibre dont je bénéficias dans ce secteur parce

  8   que je me suis rendu compte automatiquement que j'étais devenu plus faible,

  9   qu'il me manquait à peu près 4 000 personnes pour que l'équilibre soit

 10   rétabli, parce que tant qu'il y avait équilibre, c'était 50/50 à peu près,

 11   mais, là, j'ai perdu 4 000 bons combattants.

 12   Q.  Bien. Nous sommes toujours en 1992. Dites-nous, je vous prie : est-ce

 13   qu'en 1992 vous aviez prévu une quelconque action offensive contre l'ABiH ?

 14   R.  Pendant toute cette période, je n'étais absolument pas en mesure de

 15   planifier ou même de réaliser une attaque contre l'ABiH, pas parce qu'il

 16   n'y avait pas un moment de temps à autre où j'aurais voulu le faire en

 17   raison de l'irritation que je ressentais, mais en raison du fait d'abord

 18   que je ne disposais pas des forces nécessaires, donc le résultat de cela

 19   aurait été une contre-attaque de la part de l'ennemi qui était de l'autre

 20   côté de la ligne en face de moi, mais aussi depuis l'intérieur. Donc il

 21   n'était pas question de lancer des combats de ce genre, mais ce qui était

 22   envisageable, c'était de faire ce que nous avons fait d'ailleurs dans cette

 23   période pour faire face aux menaces présentes et assurer la défense. La

 24   défense, quand je dis "défense," je pense bien à défendre tous ceux qui ont

 25   existé autour de moi tout au long de ma vie, c'est-à-dire toute la

 26   population de la vallée de la Lasva dans le secteur sous ma responsabilité.

 27   Q.  Général, dites-nous, je vous prie : en 1993, la situation a changé ?

 28   R.  Oui, du point de vue de la vallée de la Lasva et de mon Groupe

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  1   tactique, à Zepce, la problématique n'était plus la même. A Kiseljak et à

  2   Bugojno, la problématique n'était plus la même. Donc au niveau de ces deux

  3   ou trois Groupes tactiques, la problématique n'était plus la même.

  4   Pourriez-vous répéter votre question ?

  5   Q.  Oui, j'ai l'impression que vous continuez à répondre à ma question

  6   précédente. Ce que je vous ai demandé à l'instant c'est : dans la vallée de

  7   la Lasva, est-ce que la situation, du point de vue de la possibilité

  8   d'attaquer l'ABiH, s'est modifiée en 1993 ? Est-ce qu'en 1993, vous avez

  9   prévu des attaques contre l'ABiH ?

 10   R.  Non. En 1992, ce n'était pas prévu, et cela n'a pas été prévu jusqu'au

 11   mois de juin 1993, moment où finalement nous nous sommes retrouvés avec un

 12   seul ennemi en face de nous, à savoir l'ABiH.

 13   Q.  Durant ce mois de juin 1993, Général, est-ce vous qui avez lancé

 14   l'attaque contre l'ABiH ?

 15   R.  Je vous parle d'un moment où il n'y avait plus aucune coopération

 16   possible, aucun accord, aucune négociation possible en dehors de l'échange

 17   des morts et des blessés. Voilà la période dont je suis en train de vous

 18   parler. Avant ce moment-là, la coopération existait, les pourparlers, les

 19   accords existaient, le fait d'éviter les affrontements existait.

 20   Q.  Général, si nous devions définir, et c'est très difficile en raison des

 21   divers incidents de dire qui a commencé, mais enfin, si nous étions obligés

 22   de définir celui qui a attaqué le premier et si l'on devait définir

 23   l'identité de ceux qui ont commencé à s'emparer de territoire, nous dirions

 24   que c'était qui, l'ABiH ou le HVO ?

 25   R.  Si nous parlons de succès, je signale que le HVO n'a remporté de succès

 26   nulle part, donc ce n'est pas le HVO qui a attaqué. Si quelqu'un a remporté

 27   des succès, c'est l'ABiH, et c'est elle qui attaquait. Parce que vous

 28   savez, une brigade, quand elle attaque, elle a un objectif. Je vous parle

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  1   de ce qui se passait avant 1993. Ce qui se passait, c'était des combats de

  2   faible intensité jusqu'à ce moment-là, avec un incident ici et un autre

  3   incident là, une résolution ou une absence de résolution de ces incidents,

  4   et puis les gens se mettent à fuir parce qu'ils sont en danger à l'endroit

  5   où ils se trouvent. Alors toute cette série d'actions de faible intensité

  6   peut nous donner la réponse à la question de savoir qui est à l'initiative

  7   des attaques, selon le succès obtenu.

  8   Q.  Au compte rendu, il est question de "transport de population". Nous

  9   allons nous occuper de cette question très en détail. Mais, Général, dites-

 10   nous, je vous prie : est-ce qu'à l'instant, vous avez prononcé le mot

 11   "transport des populations," ou est-ce que vous avez dit que la population

 12   quittait les lieux où se menaient les combats ? Car, selon le libellé

 13   utilisé, les conclusions peuvent être différentes.

 14   R.  Quand les Serbes font passer à travers une ligne de front 1 000 ou

 15   2 000 hommes, je ne sais pas si cela peut être qualifié de transport. Je ne

 16   sais pas comment vous répondre. Vous me parlez du document que nous sommes

 17   en train d'examiner maintenant ?

 18   Q.  Non, je ne vous parle d'aucun document, Général. J'essaie simplement

 19   d'analyser ce que vous venez de dire à l'instant en le comparant à ce qui

 20   est consigné au compte rendu d'audience en anglais. Or, au compte rendu

 21   d'audience en anglais, quelque chose a été consigné que vous n'avez pas

 22   dit. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé ma question

 23   supplémentaire.

 24   Page 65, ligne 10 du compte rendu, nous voyons les mots anglais

 25   "transport of population." Or, le témoin n'a, à aucun moment, prononcé le

 26   mot de "transport" de population. Voilà, je demande la correction du compte

 27   rendu. Seulement à l'écran, c'est la ligne 10.Général, nous allons nous

 28   occuper en détail de ce qui s'est passé au mois de juin 1993, donc je fais

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  1   une halte à ce moment dans le temps. Si je vous ai bien compris, vous

  2   n'avez jamais prévu la moindre action offensive contre l'ABiH, n'est-ce pas

  3   ? Je vous ai bien compris ? C'était bien ça ?

  4   R.  Tout à fait exact.

  5   Q.  Est-ce que vous avez reçu de Tihomir --

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, nous avions un document tout à

  7   l'heure, le 4D 830. C'est un document qui est daté du mois de février 1993,

  8   mais qui fait un rapport sur toute la situation du 14 avril 1992 au 31

  9   décembre 1992. Ce document est signé par le général Petkovic.

 10   En regardant ce document, je me suis polarisé sur les brigades. Je les ai

 11   comptées. Il y en a 26. Je découvre qu'il y a, d'après ce document, 45 000

 12   personnes dans les Unités du HVO; c'est écrit. Il y a 955 membres qui

 13   seraient donc des professionnels, et il y aurait 85 officiers, 91 sous

 14   officiers, et 670 soldats professionnels. C'est la situation que décrit le

 15   général Petkovic. Quand je vois ces chiffres, je les répercute dans les 26

 16   brigades, et grosso modo, mais tout ça est grosso modo, il devrait y avoir,

 17   au niveau d'une brigade, 2 000 hommes de troupe, et les 85 officiers, si je

 18   divise par 26, j'aurais à peu près entre 3 et 4 officiers professionnels

 19   par brigade, autant de sous officiers, et qu'en réalité, le HVO, il y a un

 20   petit noyau de mille professionnels.

 21   Le Procureur avance une thèse selon laquelle le HVO avait un plan, qui

 22   était l'épuration ethnique, et je me demande : si, dans le cadre de ce

 23   plan, la logistique, est-ce qu'elle pourrait être menée avec mille

 24   professionnels ?

 25   Alors vous qui étiez sur place, c'est toujours la question que je pose au

 26   témoin, puisque par définition les témoins que nous avons actuellement sont

 27   des témoins qui étaient sur place, et vous, compte tenu de votre grade,

 28   vous êtes susceptible de répondre à cette question. Le HVO, avec les unités

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  1   qu'il avait, le nombre très faible d'officiers, de sous-officiers, et de

  2   soldats professionnels, est-ce que vous pouviez mener des actions

  3   d'envergure contre les Musulmans ou contre l'ABiH, compte tenu de vos

  4   effectifs ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait un nombre insuffisant de

  6   professionnels dans les unités du HVO; c'était flagrant. Dans la vallée de

  7   la Lasva, je n'avais même pas trois ou quatre professionnels alors que

  8   j'avais 5 ou 6 000 soldats combattants. Nous avions des officiers de

  9   réserve qui venaient de la Défense territoriale, mais leur nombre était

 10   très faible par rapport à ce qu'il aurait dû être en fonction de la

 11   population qui était présente là-bas. Donc c'était frappant de voir à quel

 12   point il y avait pénurie de personnes susceptibles de planifier de façon

 13   intelligente ce genre d'action.

 14   Quand vous parlez des "brigades," oui, c'est exact, nous les appelions

 15   comme ça. Nous les appelions des brigades, mais ces brigades n'étaient que

 16   théoriquement en mesure de tenir une ligne de front, une ligne de défense.

 17   Ce qui était rassurant, c'est que les Serbes non plus n'avaient pas toute

 18   possibilité d'attaquer étant donné l'importance géographique trop grande de

 19   la ligne de front. Parce que, sinon, ce que nous appelions des brigades, se

 20   seraient trouvées battus à plate couture très rapidement sur le plan

 21   militaire. Donc dans des conditions comme celles-là, planifier une attaque,

 22   parce qu'une attaque ne peut être menée que par une brigade toute entière

 23   ou éventuellement, dans une phase ultérieure, par une section

 24   d'intervention. Donc plus tard, nous avons créé des sections

 25   d'intervention. Mais partir en attaque dans ces conditions, cela aurait été

 26   de la folie.

 27   Au sein de l'armée du HVO, c'est seulement vers la fin de 1994 que

 28   nous pouvions dire que nous disposions d'une véritable armée. Parce qu'à

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  1   cette époque-là, on parlait de Brigade de Gardes, mais la véritable

  2   puissance de cette pseudo armée était celle - qu'est-ce que je pourrais

  3   dire - d'un bataillon.

  4   J'espère avoir répondu à votre question.

  5   M. KOVACIC : [interprétation] Monsieur le Président, une correction

  6   immédiate au compte rendu, s'il vous plaît, car, sinon, la phrase consignée

  7   n'a aucun sens.

  8   Page 67, ligne 17, qui est toujours à l'écran actuellement, la phrase

  9   commence à la ligne 16, le témoin a dit :

 10   "Dans la vallée de la Lasva, je n'avais que trois ou quatre soldats,"

 11   d'après ce qui est écrit au compte rendu.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Professionnels.

 13   M. KOVACIC : [interprétation] Oui, vous voyez, le témoin vient de le dire,

 14   "des soldats de métier;" sinon, si on enlève le mot de "métier

 15   professionnels," la phrase n'a pas de sens.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, en répondant à mes questions, vous dites ce

 17   n'est qu'en 1994 que le HVO avait une véritable armée, mais pas avant. Je

 18   vais affiner ma question de tout à l'heure.

 19   Nous avons vu des documents, des plans où le HVO et l'ABiH étaient face à

 20   des lignes avec les Serbes, et donc étaient positionnés face aux Serbes.

 21   Mais hors ces lignes de front, il y avait sur le terrain le HVO et l'ABiH.

 22   En voyant ces cartes, je me pose la question de savoir, parce que je n'ai

 23   pas la répartition HVO sur les lignes de front face aux Serbes, et HVO en

 24   Herceg-Bosna, capable de mener des actions contre l'ABiH. Mais les forces

 25   du HVO qui étaient dans l'Herceg-Bosna et qui n'étaient pas sur la ligne de

 26   front, étaient-elles en mesure de mener des actions contre l'ABiH pour

 27   l'aboutissement de leur plan ?

 28   Etant précisé qu'un témoin qui était à votre place il y a quelques

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  1   semaines avait dit que pour gagner, quand on fait une action, il faut qu'on

  2   soit dans un rapport de force de trois à un, trois contre un, pour gagner;

  3   sinon, on ne fait pas d'action offensive. Alors, ma question est la

  4   suivante : avec les effectifs du HVO qui n'étaient pas face aux Serbes,

  5   étiez-vous en mesure de gagner dans des actions offensives contre l'ABiH ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répéter. Nous n'avions pas une unité

  7   qui nous eut permis d'attaquer même l'ennemi serbe. Nous n'avons jamais

  8   attaqué, pas que nous n'en n'avions pas envie, parce que nous avions

  9   beaucoup perdu, mais nous ne pouvions pas. Régulièrement, à Travnik là-

 10   haut, je voyais un Serbe là dans ma prairie qui n'était jamais là par le

 11   passé. J'aurais eu le plus grand plaisir à le chasser de là, mais je

 12   n'avais pas l'armée nécessaire pour le faire. Je n'avais pas l'armée, et je

 13   ne préparais d'ailleurs pas mon armée à se battre contre les Musulmans.

 14   Mais quand quelqu'un est attaqué, évidemment une souris devient un lion, et

 15   la souris devient capable de se battre, mais individuellement, pas

 16   nécessairement en tant qu'armée, et ça, je parle de ceux qui se battent sur

 17   les arrières, en profondeur.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous dites, en reprenant votre formule,

 19   que lorsqu'on est attaqué une souris peut devenir un lion. La conclusion du

 20   document signé par le général Petkovic semble dire que les forces du HVO

 21   sont capables de se défendre. C'est ce qu'il dit. Donc si je comprends

 22   bien, vous étiez en mesure de vous défendre, mais pas en mesure d'attaquer

 23   ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà dit que, par rapport aux forces des

 25   Serbes, puisque le territoire était gigantesque et que les Serbes

 26   d'ailleurs n'avaient pas non plus l'armée qu'ils auraient souhaité avoir,

 27   avec cette répartition, avec cet armement, étant donné la structure de nos

 28   formations militaires, nous pouvions réussir à nous défendre; ça c'est

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  1   exact. Mais attaquer, en dehors de toutes petites actions de diversion,

  2   nous ne pouvions pas attaquer, donc nous ne pouvions pas attaquer l'ennemi

  3   serbe, et encore moins, dans la profondeur de notre terrain, là, où nous

  4   étions en sous nombre du point de vue de l'armement et du point de vue du

  5   nombre de professionnels parmi les soldats et parmi les officiers. Nous

  6   étions trois à quatre fois plus faibles que les autres de ce point de vue.

  7   Mme ALABURIC : [interprétation]

  8   Q.  Nous avons un peu de mal à comprendre les concepts dont vous parlez.

  9   Quand vous parlez de ceux qui étaient dans "la profondeur" de votre

 10   terrain, que vous auriez peut-être pu attaquer,  mais qui étaient trois

 11   fois plus fort que vous, qui était-ce ? Nous avons du mal à comprendre.

 12   R.  Je parle de la ligne de défense qui couvre, quoi, un kilomètre ou deux.

 13   Je parle de la profondeur du terrain où il y avait la population, les

 14   soldats, leurs domiciles, et cetera. Maintenant, enfin, peut-être que c'est

 15   clair pour moi et que ce n'est pas clair pour vous, mais tout ce qui se

 16   trouve "en profondeur" du terrain, c'est ce qui dépasse la ligne de défense

 17   même.

 18   Q.  Nous avons donc la ligne de front. De l'autre côté de la ligne de

 19   front, il y a les Serbes, et de ce côté-ci de la ligne de front, il y a les

 20   Musulmans et les Croates; est-ce que j'ai bien défini la ligne de front ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que cela signifie, Général, que les Croates et les Musulmans

 23   étaient ensemble derrière la ligne de front dans la profondeur du terrain ?

 24   Est-ce qu'ils y étaient ensemble ?

 25   R.  Oui, ils étaient ensemble, à ce moment-là, et toute la vie se menait

 26   conjointement. 

 27   Q.  M. le Président Antonetti vient de vous interroger au sujet de la

 28   capacité qu'avait le HVO de lancer une action offensive, que ce soit contre

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  1   les Serbes ou contre l'armée musulmane. Vous avez dit que vous n'étiez pas

  2   capable de lancer une action offensive contre les Serbes, vous avez

  3   expliqué pourquoi. Mais dites-moi : le HVO était-il capable, dans la vallée

  4   de la Lasva, de mener à bien une action offensive contre l'ABiH, en

  5   expulsant la population et en nettoyant de ces Musulmans la Bosnie centrale

  6   de façon à se doter d'un territoire ethniquement pur ?

  7   R.  J'ai dit qu'il y avait absence de capacité, et à cet égard, j'ai parlé

  8   de l'ennemi auquel nous nous confrontions tous les jours. Mais, moi, je ne

  9   réfléchissais pas à une quelconque attaque contre les Musulmans, donc cela

 10   fait, je ne sais combien de temps que je ne comprends pas ce que vous me

 11   demandez. Je ne pouvais pas réfléchir à cela, à l'intérieur dans la

 12   profondeur du terrain, les gens vivaient ensemble. Ils mourraient de faim

 13   ensemble, ils se défendaient ensemble. Donc ce n'était pas possible, sauf

 14   celui qui aurait eu une unité manoeuvrable, lui, il aurait pu attaquer.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- de poser une question de suivi,

 16   parce que vous êtes le premier témoin qui a été assez clair de mon point de

 17   vue sur une donnée qui peut être essentielle.

 18   En vous écoutant bien, vous nous avez dit qu'il y a une ligne de front;

 19   bien, on a tout ça en tête, et derrière la ligne de front, il y a les

 20   Serbes. Sur la ligne de front, il y a le HVO et l'ABiH. Or, vous avez dit

 21   qu'il y a une ligne de défense qui fait un à deux kilomètres, donc on voit

 22   la ligne de front, c'est dommage qu'on n'ait pas pensé à mettre une carte,

 23   parce que je vous aurais fait dessiner sur la carte tout cela.

 24   Bien, il y a une ligne de défense qui fait un à deux kilomètres, et puis il

 25   y a la profondeur. Vous avez dit, dans la profondeur, il y a eu des soldats

 26   qui rentrent chez eux, qui vont aux travaux des champs, qui se reposent et

 27   qui reviennent sur la ligne de front.

 28   Me Alaburic a posé une question sur la profondeur, cette notion de

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  1   profondeur dans cette zone dite de profondeur, il y a l'ABiH et le HVO;

  2   c'est bien ça ? Est-ce que c'est cela que vous nous dites ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] La ligne de défense a une profondeur de

  4   deux kilomètres, mais elle est longue de 100 kilomètres. C'est la

  5   profondeur de la ligne qui est de deux kilomètres. Tout le reste, c'est la

  6   population, les voisins, et cetera. Moi, quand je parlais de deux

  7   kilomètres, je parlais de la profondeur du front.

  8    Donc sur ces deux kilomètres de profondeur, il y avait toutes les

  9   unités, celles de l'ABiH et celles du HVO. La majorité d'entre elles, 90 %

 10   d'entre elles étaient constituées d'hommes qui rentraient chez eux, sauf

 11   s'il y avait des réfugiés, donc qui n'avaient pas de maison, ceux de la

 12   Brigade de Krajina, ceux de l'Unité El Moudjahid, dans la 7e Brigade

 13   musulmane pour partie, eux, ils étaient logés dans les casernes de Travnik

 14   ou de Zenica. Mais tous les autres hommes rentraient chez eux, à leur

 15   domicile.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous apportez une précision. Vous dites

 17   qu'il y a la ligne de front, il y a la ligne de défense où il y a une

 18   profondeur de deux kilomètres, que dans cette ligne de défense, c'est là la

 19   précision que vous donnez, il y a l'ABiH et le HVO, et puis après, il y a

 20   tout le reste où il y a les maisons, les soldats qui vont dans leur maison,

 21   les civils, et cetera. Enfin, vous ne l'avez pas dit les civils, mais on

 22   peut en conclure que les civils se trouvent également là. Puis vous dites

 23   également qu'il y a des unités telles que la Brigade de la Krajina, les

 24   Moudjahidines ou la 7e Brigade musulmane, qui, eux, ont leur caserne.

 25   Est-ce que j'ai bien synthétisé ce que vous avez dit ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est des notions importantes parce que parfois on a

 28   du mal à s'y repérer. Je crois que vous êtes un des premiers témoins qui

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  1   est assez clair sur ces questions.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que l'heure

  3   est venue de faire la pause.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire 20 minutes de pause.

  5   --- L'audience est suspendue à 17 heures 45.

  6   --- L'audience est reprise à 18 heures 07.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation]

  9   Q.  Général, passons à Novi Travnik, octobre 1992. Octobre, j'ai dit. Alors

 10   pour ceux qui sont au courant de l'acte d'accusation, il s'agit du

 11   paragraphe numéro 28.

 12   Général, dites-nous : est-ce qu'à Novi Travnik, il y a eu une usine

 13   importante ?

 14   R.  A Novi Travnik, il y a eu une usine importante pour la Yougoslavie,

 15   pour la Bosnie-Herzégovine aussi. C'est là que l'on fabriquait les gros

 16   calibres d'obus, de grenades de char, et de canons, et ça s'appelait

 17   Bratstvo.

 18   Q.  Général, au début de la guerre en Bosnie-Herzégovine qui est-ce qui a

 19   eu accès à cette usine ?

 20   R.  Avaient un accès des Croates et les Musulmans. Il n'y a pas de village

 21   serbe autour. La JNA, en février 1992, a essayé de sortir de cette usine

 22   Bratstvo des produits finis; cependant, et grâce en particulier à la

 23   population croate, qui s'est interposée et elle a empêché à ce que ces

 24   armes soient acheminées vers la Croatie, et c'est resté dans les meurs de

 25   l'usine Bratstvo. Alors, moi, je crois comprendre l'importance de cette

 26   usine et j'ai -- enfin, je comprenais l'importance de cette usine et je me

 27   suis essayé de disperser les produits finis. D'abord, j'ai cherché à savoir

 28   combien d'armes il y avait, je me suis renseigné auprès des directeurs, et

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  1   parmi les Musulmans et les Croates qui étaient censés pouvoir décider de la

  2   chose, j'ai essayé de faire disperser et éparpiller un peu ce matériel, et

  3   ça ne pouvait pas se faire sans que les uns et les autres soient consultés.

  4   Donc on avait convenu un tiers vers le champ de théâtre de bataille au sud

  5   parce qu'il y a eu des combats là-bas, et il y avait des Croates et des

  6   Musulmans qui se battaient côte à côte là-bas. Puis pour la TO, pour

  7   l'ABiH, un tiers pour donc le territoire entier de la Bosnie-Herzégovine,

  8   et un tiers pour moi, s'agissant du territoire où je me trouvais, et ce

  9   dernier tiers était

 10   censé être partagé à moitié/moitié à 50 % 50 %. Donc pour comprendre

 11   l'importance de cette usine Bratstvo, il fallait résoudre le problème,

 12   c'est-à-dire chercher des moyens de s'armer, d'armer la population.

 13   Q.  Quand vous dites un tiers restant pour les besoins locaux et où c'était

 14   partagé à 50 % 50 %, entre qui et qui ?

 15   R.  Le HVO et la TO de l'époque, qui était une forme d'organisation du

 16   peuple.

 17   Q.  Est-ce que s'agissant de cette usine, il y a eu des événements au mois

 18   de juin 1992 ?

 19   R.  Au mois de juin, nous avons qualifié cela de tout premier conflit où il

 20   y a eu des morts et des blessés ça s'est passé entre Croates et Musulmans,

 21   donc le HVO et l'ABiH. Pour ce qui est de savoir qui est-ce qui

 22   contrôlerait l'usine, et en substance, les Musulmans ont réussi à éliminer

 23   le HVO, c'est-à-dire les Croates, les éloigner de l'usine, et les Croates

 24   n'ont plus eu accès. Il est resté une position à partir de laquelle on

 25   pouvait voir l'usine, mais nous ne pouvions nous en approcher.

 26   Q.  Comment ça s'appelait ce site à partir duquel on pouvait voir l'usine ?

 27   R.  Nous, on appelait cela le poste relais; c'était -- il y avait une

 28   petite antenne de rediffusion pour la télévision locale, c'est une côte en

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  1   surélévation par rapport au reste.

  2   Q.  Penchons-nous maintenant sur plusieurs documents relatifs à la

  3   situation à Novi Travnik octobre 1992. Alors le premier document, Général,

  4   c'est le 4D 895, 895, il s'agit d'un rapport collectif pour la journée du

  5   19 octobre, au paragraphe 3, on voit qu'il est question de la Zone

  6   opérationnelle de Bosnie centrale, et le rapport émane de Novi Travnik. Il

  7   est dit, je cite :

  8   "Dans les heures de la soirée du 18 octobre 1992, il y a eu détérioration

  9   subites des relations entre Musulmans et Croate, le HVO et l'ABiH, qui ont

 10   connu une escalade allant jusqu'à des conflits ouverts à l'occasion de quoi

 11   un membre de l'ABiH a perdu la vie et un membre du HVO a été blessé par

 12   fusil à lunette."

 13   Pour vous, la question est la suivante : est-ce que ce descriptif des

 14   événements de Novi Travnik, à ce jour, est exact, d'après ce que vous en

 15   savez ?

 16   R.  C'est exact. Mais je tiens à préciser que l'incident, ou les conflits

 17   sont survenus justement au niveau de ce poste de rediffusion, ce répétiteur

 18   parce que des éléments de l'ABiH ont essayé de s'emparer de cette côte, qui

 19   topographiquement était importante, pour écarter complètement le HVO d'un

 20   contrôle quelconque donc il était question pour eux de nous interdire un

 21   droit de vue sur l'usine. Il y avait donc trois ou quatre soldats sur ce

 22   site, et ils ont réussi au début conservé. Préservé les positions, et c'est

 23   ce qui a donné lieu donc à un blessé et un mort.

 24   Q.  Penchons-nous sur le document suivant, 4D 896. Alors pour vous, page 4,

 25   Général, c'est au 2e Zone opérationnelle de la Bosnie centrale, le rapport

 26   émanant de Vitez, à 15 heures 45 minutes, pour la journée du 20 octobre

 27   1992. Entre autres, il est dit ce qui suit :

 28   "La partie adverse, la TO, propose de donner d'urgence des ordres pour un

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  1   cessez-le-feu et entamer des négociations, or notre position est la

  2   suivante cessation des hostilités avec livraison ou remise entre nos mains

  3   du commandant de la TO, Refik Lendo."

  4   Je vous demande votre autorisation.

  5   Puis plus loin, on dit que : 

  6   "Ivica Stojak, qui avait été blessé, grièvement blessé, est décédé."

  7   Alors pour ce qui est de ces cessez-le-feu avec remise de Refik Lendo entre

  8   nos mains, est-ce que vous saviez que c'était là une condition imposée par

  9   le HVO pour procéder à un cessez-le-feu ?

 10   R.  Je vous ai dit jusqu'à présent quelle a été la situation au niveau de

 11   ce répétiteur, et de la soirée du 18, le 19, il y a eu des combats

 12   intenses. Il y a des Groupes de combat, des unités qui interviennent, et

 13   j'organise la défense, je renforce la position là-bas, et j'étais en

 14   personne là-bas pendant toute la journée des combats. Mais les combats ne

 15   se situent pas seulement à cet endroit-là, ne se limitent pas à cet

 16   endroit-là. Ça se propage vers le terrain en profondeur, et à bon nombre

 17   d'endroits il y a des situations ou des incidents qui surviennent. C'est

 18   critique, et l'une et l'autre partie s'adresse aux instances supérieures.

 19   L'ABiH a compris que son objectif n'a pas été réalisé, et il faudrait

 20   maintenant négocier, donc ils insistent sur la nécessité de procéder à des

 21   négociations. Mais, nous, on accepte, mais le coupable pour toute cette

 22   situation et pour une dizaine de morts, c'est Refik Lendo et celui qu'on

 23   veut, et j'ai décidé de faire en sorte que les enterrements soient fait la

 24   nuit, et pendant des mois, les enterrements n'ont eu lieu que la nuit parce

 25   que tous ces territoires-là, qui étaient tenus par les Croates, ont dû

 26   faire cela parce qu'on pouvait être vu par les Musulmans.

 27   Q.  Alors il y a une rectification, il y a eu une erreur au niveau du nom,

 28   c'est "Ivica Stojak," qu'il fallait entendre et non pas "Stojic." C'est

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  1   ligne 4, page 77.

  2   Alors, Général, Ivica Stojak, c'est celui qui a été votre prédécesseur aux

  3   fonctions de l'état-major de cette Brigade de Travnik ?

  4   R.  Oui. J'ai déjà dit que le conflit s'est propagé. Ivica Stojak se fait

  5   tuer à un poste qui se trouve à la sortie de Travnik, et il se trouve être

  6   le tout premier des commandants à Travnik. Il a tout le temps été

  7   commandant là-bas ce n'était pas à l'époque une brigade c'était un QG

  8   municipal, par la suite c'est devenu une brigade; et c'est à cause de sa

  9   mort et de la situation créée, que j'ai dû aller là-bas pour prendre en

 10   charge les fonctions de commandant.

 11   Q.  Non, nous n'avions pas dit son nom, et c'est la raison pour laquelle je

 12   suis revenue pour préciser, Général.

 13   Alors s'agissant de ce rapport, il est question de la situation à Novi

 14   Travnik, et il est dit :

 15   "Les forces musulmanes ne permettent pas à nos ambulances un transport des

 16   blessés vers l'hôpital, ce qui fait que la plupart des victimes est décédée

 17   jusqu'avant l'hôpital, avant d'arriver à l'hôpital, et des fois on leur

 18   mettait dans la bouche des grenades à main et on provoquait à des barrages

 19   routiers."

 20   Alors, Général, est-ce que cette partie-là du rapport, d'après ce que vous

 21   en savez, est exacte ?

 22   R.  C'est exact. A Travnik, il y avait un hôpital pour tous les

 23   combattants, c'était destiné aussi à la population, mais on s'appuyait sur

 24   cet hôpital nous autres aussi, et entre Jajce et Busovaca et Vitez, c'était

 25   l'hôpital de référence. Pour ce qui est des conflits, des combats au niveau

 26   du répétiteur, l'une des conséquences c'est la mort de Stojak, c'était la

 27   plus grande des pertes, mais nos blessés n'avaient pas où allé pour se

 28   faire soigner, et c'est là qu'on décide de créer un hôpital qui va devenir

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  1   une notion de référence, et c'est l'hôpital de Nova Bila.

  2   Q.  Avant que de vous poser la question suivante, Général, votre première

  3   partie -- la première partie de votre réponse n'a pas été consignée. Je

  4   vais répéter.

  5   L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce qu'ils ne parlent pas en même

  6   temps. On ne peut pas faire un travail correct si les deux parlent en même

  7   temps.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation]

  9   Q.  Est-ce que ce rapport a été exact ?

 10   R.  [aucune interprétation]

 11   Q.  Alors, Général, est-ce que vous avez entendu parler de cet incident où

 12   un malade s'est vu mettre une grenade à main dans la bouche ?

 13   R.  Je ne sais pas si ça a été exact, mais, moi, on m'a mis un canon, le

 14   bout d'un canon dans la bouche. Mais, moi, j'ai parlé de la chose en tant

 15   qu'incident. Mais maintenant c'est une dimension nouvelle, parce qu'au

 16   travers des barrages routiers, les ambulances passaient, quelle que

 17   ambulance que ce soit, enfin à qui cela appartienne, peu importe, et là, on

 18   ne pouvait plus passer. La première fois où il y a une ambulance, on ne

 19   pouvait plus passer.

 20   Q.  Penchons-nous sur le document suivant, 4D 897. Il s'agit de la Zone

 21   opérationnelle de la Bosnie centrale, Vitez, rapport relatif à la journée

 22   du 21 octobre, à 21 heures. On parle de la situation sur le champ de

 23   bataille à Novi Travnik, et on dit ce qui suit : les forces musulmanes

 24   continuent à tirer à l'artillerie de façon intense en direction de la ville

 25   avec des obusiers de 122 millimètres. Or, Général, d'après ce que vous en

 26   savez, est-ce exact ou pas ?

 27   R.  C'est tout à fait exact. Parce que l'usine Bratstvo fabriquait ce type

 28   d'armes et la répartition dont j'ai parlé tout à l'heure, parmi ceux qui

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  1   avaient ces pièces, on savait exactement qui est-ce qui s'en servait des

  2   différents types d'armes. Donc ceci est exact.

  3   Q.  Dans le rapport on dit également que l'ennemi a procédé au désarmement

  4   des Unités du HVO dans les villages comportant une population croate

  5   insignifiante, dans les villages de Kopila, Torine, et ainsi de suite. Je

  6   ne vais pas tout énumérer ici. D'après vous, Général, ces affirmations

  7   relatives au désarmement; est-ce exact ou pas ?

  8   R.  C'est exact. Devant l'ancien hôtel de Novi Travnik, j'ai rencontré

  9   personnellement de ces réfugiés venus du village Senkovici. Ce village de

 10   Senkovici avait une population mixte. Sur la route entre Novi Travnik et

 11   Bugojno, dans toute cette opération, il y a eu nettoyage de trois ou quatre

 12   villages, mais c'est surtout Senkovici. A mes yeux, Senkovici c'était le

 13   village le plus important.

 14   Q.  Dans la suite de ce rapport, s'agissant des Unités du HVO au

 15   cinquièmement, il est dit :

 16   "A Vitez, il y a un barrage routier au village de Ahmici."

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous venez de

 18   dire que Senkovici était important pour ce que vous recherchiez. Quelles

 19   étaient vos finalités, pourquoi est-ce que ce village était important à cet

 20   égard, essentiel ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est important parce que je devais avoir une

 22   communication, de la communication avec le HVO de Bugojno, et une partie en

 23   l'occurrence la TO ou l'ABiH ne pouvait pas la contrôler, parce que l'autre

 24   voie de communication était contrôlée par la 7e Brigade musulmane, le El

 25   Moudjahid à Rostovo. Donc toute communication avec Bugojno venait à être

 26   coupée par leurs unités.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que vous vous souvenez,

 28   Monsieur Filipovic, si Senkovici avait à majorité une population croate --

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  1   ou plutôt, musulmane ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était un village mixte. Je pense qu'il y

  3   avait une majorité musulmane. Mais une grande population croate s'y

  4   trouvait. Dans les hameaux de ce village, il y avait dans certaines parties

  5   des Musulmans et dans d'autres des Croate. Mais je crois que c'était

  6   majoritairement musulman.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] La composition ethnique, est-ce que

  8   c'est un facteur que vous avez pris en compte, lorsque vous avez fait le

  9   poids de la situation sur les normes tactiques ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Au début de la guerre, j'avais des cartes, et

 11   à chaque fois que j'allais quelque part, je soulignais les villages et

 12   j'indiquais la population qui s'y trouvait. En rouge, Serbes; en bleu,

 13   Croates; en vert, les Musulmans. En Bosnie, c'était très important que de

 14   savoir qui se trouvait où et, pour moi, à mes yeux, c'était important et je

 15   sais que c'était la seule voie qui me restait, et elle venait d'être

 16   coupée.

 17   M. KOVACIC : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, ça fait

 18   quelques minutes que nous ne recevons plus le compte rendu sur nos écrans.

 19   On a le LiveNote mais pas le compte rendu.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Le technicien va venir, mais on peut continuer quand

 21   même.

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître Alaburic, je pense que le

 23   témoin était encore en train de répondre, à ma question. Je ne vois pas

 24   pourquoi on ne pourrait pas le laisser terminer.

 25   Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous aviez une carte où vous avez

 26   indiqué par des couleurs les composantes ethniques, par exemple, rouge pour

 27   les Serbes, et cetera. Vous avez dit que c'était important pour vous, parce

 28   que c'était la seule route qui menait à Bugojno et qui était maintenant

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  1   interrompue. Je vous avais demandé ceci : est-ce que vous aviez tenu compte

  2   dans votre planification tactique des opérations de cette dimension de la

  3   composition ethnique ? Vous aviez commencé à répondre, mais j'aimerais que

  4   vous poursuiviez.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit qu'au début de la guerre, j'ai dû --

  6   c'était un grand territoire, donc il fallait que je sache Senkovici,

  7   c'était probablement souligné en bleu et en vert. Mais d'un point de vue

  8   tactique, j'ai eu des difficultés de communication même avant, s'agissant

  9   de Bugojno, et si les Croates de Senkovici venaient à s'en aller, je ne

 10   pouvais même plus envisager la possibilité de passer par là. Donc pour moi,

 11   la chose la meilleure à faire, c'était d'avoir des Croates dans tout ce

 12   secteur. Or, ce n'était pas le cas. Je ne sais pas du point de vue tactique

 13   quand est-ce que ça s'est passé, mais je savais, j'ai su que je n'avais

 14   plus à ma disposition cette voie de communication.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Quand je dis "technique" j'entends

 16   ceci. Face à une situation où vous êtes commandant, en tant que tel, vous

 17   devez prendre une décision. Vous procédez à une analyse. Vous analysez la

 18   situation de l'ennemi, votre propre mission, la configuration du terrain,

 19   les conditions climatiques, météorologiques, vous connaissez ça mieux que

 20   moi. Mais quand vous voyez la configuration du terrain, la composante

 21   ethnique d'une ville, est-ce que c'est un élément que vous allez aussi

 22   prendre en considération ? Dans l'affirmative, est-ce que c'est un élément

 23   important ou est-ce seulement dans un cas extrême que cet élément va vous

 24   pousser à prendre une décision plutôt qu'une autre ? Pendant toute cette

 25   période-là, cela a été important pour moi. Or, lorsqu'il y a rupture de

 26   telle ou telle autre chose, ça devient déterminant. Si c'était moi qui

 27   avais attaqué, j'aurais essayé d'écarter toute possibilité de voir au

 28   village de Senkovici, un poste de placer aux fins d'interdire le passage et

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  1   c'est ce qu'a fait la partie musulmane justement. Or, comme il y a eu

  2   conflit et que le conflit s'est propagé, fait tâches d'huile, donc ils ont

  3   cherché à prévenir tout péril pour eux à Senkovici et Torine, et cetera.

  4   Or, pour moi, Senkovici, c'était important parce que c'était sur la voie de

  5   passage.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  7   Poursuivez, Maître Alaburic.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'excuse, je n'avais

  9   pas du tout l'intention d'empêcher quelques réponses que ce soit. Je

 10   n'avais pas compris qu'il y aurait d'autres questions.

 11   Q.  Je reviens au rapport 4D 897. Nous sommes en train de parler de la

 12   partie où il est fait état du village d'Ahmici et il y est dit :

 13   "A Vitez, il y a eu un barrage routier. Au village d'Ahmici sur la

 14   route nationale Busovaca Vitez, elle est complètement brisée et les forces

 15   musulmanes sont chassées du village et complètement démantelées, et il y a

 16   eu de la part des forces musulmanes restitution d'armes sur leurs propres

 17   initiatives à eux."

 18   Alors ma question, Général, est la suivante : on affirme que le village

 19   d'Ahmici se trouve sur la route nationale reliant Busovaca à Vitez; est-ce

 20   que cela est exact ?

 21   R.  Comme je connais le terrain dans le détail, Ahmici ça se trouve à un

 22   kilomètre et demi de cette voie -- routière et il y a là-bas une mosquée,

 23   et cetera, mais au cours des questions années avant la guerre, il y a eu

 24   pas mal de maisons de construite et le village est descendu vers la voie de

 25   communication. Mais d'après la façon dont je comprends les choses, il

 26   s'agit d'un territoire qui s'appelle Santici, c'est un village croate. Or,

 27   Ahmici c'est un village musulman, et les nouvelles maisons construites

 28   fournissaient la possibilité de déboucher sur la voie de communication,

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  1   disons qu'on a construit à 10 ou 15 mètres de la route. Or, Ahmici ou

  2   Santici, c'est deux points sensibles entre Busovaca et Vitez pour ce qui

  3   est donc du point de vue des Croates.

  4   Q.  Général, veuillez répéter, je vous prie, votre dernière phrase.

  5   R.  Ahmici c'est un poste, il en va de même pour Santici, ce sont deux

  6   postes sensibles pour couper la voie de communication qui est vitale entre

  7   Busovaca et Vitez.

  8   Il y en a d'autres pour d'autres routes mais sur cette route-là, c'est ces

  9   deux endroits qui le sont.

 10   Q.  On n'a pas consigné au compte rendu le nom d'Ahmici, c'est pour cela

 11   que je vous ai demandé de répéter. Alors, Général, au niveau d'Ahmici et

 12   Santici, quelle est la largeur du territoire qui en 1992 et en 1993 a été

 13   placée sous le contrôle des forces croates ?

 14   R.  Il va s'avérer par la suite qu'il s'agit d'une largeur de 800 mètres.

 15   En termes topographiques, c'est la vallée de la Lasva. Quand il n'y a pas

 16   de conflits, alors cette largeur est plus grande encore. Mais je répète que

 17   là où il n'y a que des Croates et rien que des Croates, là la largeur n'est

 18   que de 800 mètres.

 19   Q.  Général, si vous vous appeliez Mehmed Alagic et si vous aviez pour

 20   mission de couper la voie de communication entre Busovaca et Vitez, où le

 21   feriez-vous ?

 22   R.  Si j'étais dans la peau de Mehmed Alagic, le seul endroit où on

 23   pourrait le faire avec succès, sans grandes unités, donc sans effectifs

 24   nombreux, c'est justement le site d'Ahmici et de Santici.

 25   Q.  Ok. Alors dans la continuation de ce rapport, je voudrais que vous nous

 26   commentiez brièvement, Général, le paragraphe 8, où il est dit que le HVO a

 27   eu les pertes suivantes : 10 morts, 32 blessés parmi les combattants et

 28   cinq disparus. Dans la suite, il est dit qu'il n'y a plus besoin d'avoir

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  1   une aide en effectifs telle que demandée auparavant auprès de l'état-major

  2   principal du HVO, et on dit que les effectifs que vous avez envoyés et qui

  3   sont arrivés jusqu'à Prozor peuvent être gardés là temporairement où

  4   renvoyer.

  5   D'après vous, Général, est-ce qu'à cette époque - et le rapport est daté du

  6   21 octobre - est-ce que la situation s'est calmée donc vous n'avez plus

  7   besoin d'aide venue d'ailleurs, et est-ce que ceci est exact, d'après vos

  8   informations ?

  9   R.  Au bout de deux jours de combat intensif, compte tenu des pertes, et je

 10   ne suis pas sûr que l'on ait mentionné toutes les pertes qu'on a eues, mais

 11   compte tenu du fait que l'on avait compris que toutes les défenses venaient

 12   à être brisées entre Jajce, Travnik et Zenica, du moins pour ce qui est des

 13   Serbes, et c'était Jajce qui était sous un point d'interrogation, la partie

 14   musulmane et la nôtre se sont efforcées d'assainir les séquelles du conflit

 15   pour autant que faire se pouvait. Donc les données des renseignements sont

 16   exactes pour l'époque.

 17   Ecoutez, on avait demandé de l'aide au début des conflits parce que,

 18   quand on a compris que ce n'était pas un incident isolé mais un grand

 19   conflit, on a demandé de l'aide. Lorsque la partie musulmane n'a pas réussi

 20   à réaliser ses objectifs, du moins pour ce qui est du répétiteur, et c'est

 21   le cas pour ce qui est du secteur Bugojno-Travnik, voire on a estimé qu'on

 22   n'avait plus besoin d'aide.

 23   Q.  Général, le document suivant, P 644. Il s'agit d'un ordre de cessez-le-

 24   feu, daté du 24 octobre 1992, et ces données par le chef de l'état-major du

 25   HVO, c'est envoyé aussi à Travnik.

 26   Alors, Général, dites-nous : est-ce que vous avez reçu l'ordre disant de

 27   procéder à un cessez-le-feu ?

 28   R.  L'ordre est bel et bien arrivé sous cette forme. Si j'étais dans la

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  1   zone de responsabilité et si j'étais à Novi Travnik, c'est venu de la part

  2   de Blaskic pour ce qui est de la Brigade de Travnik, mais ça m'est parvenu,

  3   c'est arrivé jusqu'à moi.

  4   Q.  Dites-moi : sur le territoire, est-ce qu'il y a eu cessation

  5   d'hostilités même avant l'arrivée de cet ordre ?

  6   R.  Après un grand conflit et des incidents et ces conflits où il y a eu

  7   tant de morts, il a fallu des jours pour assainir la situation. C'était

  8   notamment très sensible à Travnik parce qu'il y eu la mort de Stojak.  

  9   Q.  Bien. Regardons ce que vous avez dit et confrontons-le à ce qu'on

 10   trouve dans le document suivant qui est le document 4D 1179, un rapport

 11   consolidé relatif à la journée du 25 émanant de la Zone opérationnelle. On

 12   y rend compte du fait que l'ordre relatif au cessez-le-feu a bien été reçu.

 13   C'est celui que nous avions sous les yeux il y a un instant. On peut le

 14   constater à la lecture des numéros de référence, et cetera, et on lit

 15   également dans ce document que les forces musulmanes, malgré l'ordre donné

 16   par le chef de l'état-major principal de la Défense territoriale, le 24

 17   octobre a ouvert le feu à l'aide de mortiers qui visaient la ville et qui

 18   visaient également des installations de Streliste à porter de tirs et que

 19   ces tirs ont duré 30 minutes et ont été assez nourris. Donc est-ce que ce

 20   rapport est exact s'agissant de ce qui s'est passé à Novi Travnik ce jour-

 21   là le 24 octobre ?

 22   R.  Je ne suis pas sûr que je me trouvais à Novi Travnik, à ce moment-là

 23   mais, sinon, j'aurais été au courant de cela dans le détail. Ceci ne

 24   recouvre pas les endroits qui étaient vises par mes hommes parce que, comme

 25   je l'ai dit il y a un instant, il aurait fallu pour apaiser la situation

 26   plusieurs jours, et les choses se sont prolongées pendant plusieurs

 27   journées. On pouvait émettre des ordres mais il fallait du temps pour que

 28   la situation s'apaise étant donné le nombre de gens qui avaient trouvé la

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  1   mort, qui avaient été tués et qui avaient vu mourir leurs proches, et

  2   cetera, et cetera.

  3   Q.  Très bien, Général. Passons maintenant à Busovaca - janvier 1993, c'est

  4   la date qui nous intéresse - et à ce sujet, nous nous pencherons sur le

  5   document 4D 392.

  6   C'est une évaluation de la situation sur le plan de la sécurité qui

  7   émane de l'état-major des forces armées de Bosnie-Herzégovine. C'est le

  8   dernier paragraphe qui nous intéresse et il se lit comme suit, je cite :

  9   "L'instance chargée de la sécurité au sein du 3e Corps d'armée est

 10   d'avis que les forces de l'ABiH dans ce secteur au cas où il y aurait un

 11   affrontement grave pourrait avec succès s'opposer aux forces du HVO pour

 12   peu que l'ABiH parvienne à couper les voies de communication, et en tout

 13   cas, la route Busovaca, Kiseljak, Fojnica. Je répète donc pour peu que

 14   l'ABiH parvienne à couper les voies de communication, Busovaca, Kiseljak,

 15   Fojnica, dans les localités de Lugovi et Kacuni, ainsi que la route

 16   Busovaca à Vitez, Busovaca-Vitez, et la route Vitez-Travnik dans la

 17   localité de Mecave, et que des munitions et des obus soient amenés en temps

 18   utile dans ces lieux."

 19   Alors, j'aimerais que l'on regarde la carte qui se trouve au prétoire

 20   électronique sous le numéro 4D 2014.

 21   Général, je vous prierais sur cette carte de nous montrer qu'elles étaient

 22   les endroits qui étaient prévus pour couper les voies de communication

 23   présentes dans la vallée de La Lasva.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Je demanderais l'aide de M. l'Huissier pour

 25   qu'il remette un stylet au témoin afin que ce dernier puisse faire des

 26   annotations sur la carte.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette carte nous pose un petit problème

 28   technique. Il va falloir que j'imprime une copie sur support papier pour

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  1   que le témoin puisse l'annoter.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Si ceci est indispensable, je pense qu'il

  3   serait peut-être préférable que je remette au témoin la carte que j'ai

  4   entre les mains mais elle est déjà annotée enfin je pensais que la carte

  5   serait accessible facilement dans le prétoire électronique.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous aussi, nous aimerions avoir

  7   cette copie, et ça ne se trouve pas dans le classeur.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, cette carte n'est pas

  9   dans le classeur parce que ce serait une carte en IC, et je pensais que

 10   l'exercice serait possible grâce au prétoire électronique, en effet le

 11   témoin n'a rien préparé pour cette carte.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Maître, est-ce que vous pourriez

 13   laisser ceci de côté jusqu'à demain matin; d'ici là, vous pourriez préparer

 14   des cartes pour toutes les personnes qui souhaitent la voir. Je suis sûr

 15   que les Juges aimeraient la voir d'ici demain matin.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Juge, c'est une proposition

 17   très utile comme toujours. Je vous remercie.

 18   Q.  Donc, Général, nous allons laisser cette carte de côté pour le moment.

 19   Je ne sais pas pourquoi le prétoire électronique ne fonctionne pas.

 20   R.  Permettez-moi ? Permettez-moi parce que là je vois une voie de

 21   communication Busovaca, mais enfin nous l'avons déjà dit.

 22   Q.  Nous y reviendrons lorsque nous pourrons nous appuyer sur la carte car

 23   il n'a pas été dit à quel endroit l'itinéraire Busovaca-Vitez a été coupé.

 24   Donc nous y reviendrons plus tard.

 25   Je voudrais que nous nous penchions maintenant sur la pièce P 1200.

 26   Ce document est une estimation de la situation qui est celle du commandant

 27   du 3e Corps d'armée, Enver Hadzihasanovic.

 28   Je vous demanderais, Général, de vous pencher sur le paragraphe 4 où

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  1   nous trouvons "les voies d'évacuation et d'approvisionnement." Ce

  2   paragraphe se lit comme suit, et je cite :

  3   "Selon nos estimations personnelles, toutes les routes peuvent être

  4   mises sous le contrôle de l'ABiH, sauf la route Vitez-Travnik car, dans

  5   tout son itinéraire, cette route longe des endroits impossibles à contrôler

  6   pour l'ABiH."

  7   Alors dites-nous, je vous prie, Général : pourquoi l'ABiH n'aurait

  8   pas été en mesure de contrôler cette portion de la route ?

  9   R.  Dans le document précédent, j'aimerais souligner qu'à partir du

 10   commandement Suprême de l'ABiH, or ce document-ci vient du 3e Corps

 11   d'armée, si on prend Travnik de façon circonscrite, et ils pouvait

 12   contrôler tout sauf ce secteur entre Vitrez et Travnik, parce qu'à la

 13   limite orientale, on trouve ce secteur de la route. Mais du point de vue de

 14   la route Vitez-Travnik jusqu'à l'entrée de Travnik, il était impossible à

 15   l'ABiH de confirmer son contrôle en raison de la composition de la

 16   population; et même du point de vue militaire, il fallait mener des

 17   opérations de défense dans ce secteur.

 18   Q.  Expliquez, je vous prie, la composition ethnique dont vous parlez qui

 19   empêche l'ABiH de contrôler cette voie de communication ?

 20   R.  Depuis son point jusqu'à Ahmici et Vitez, il n'y avait pas un seul

 21   village musulman. Il n'y avait même pas de hameaux le long de la route qui

 22   eut été Musulmans et à partir duquel il aurait été possible d'organiser le

 23   cessez-le-feu dans ces conditions, parce que le risque c'était que la

 24   guerre ouverte éclate partout. Parce que jusque-là, s'il existait ne

 25   serait-ce qu'un seul hameau représentant un groupe ethnique, toute la

 26   population relevant de ce groupe ethnique s'accordait le droit de se battre

 27   pour ce hameau, mais si un hameau de ce genre n'existe pas, alors il n'y

 28   avait aucune justification pour qui que ce soit de se battre. Je vais vous

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  1   donner l'exemple de la Serbie et de la Slovénie, puisqu'il n'y a pas de

  2   Serbes en Slovénie, les Serbes ont autorisé la Slovénie à se séparer sans

  3   problème de la Yougoslavie. En tout cas, voilà, moi, c'est comme ça que je

  4   vois les choses.

  5   Q.  Laissons de côté la Slovénie un instant, Général, et revenons sur Enver

  6   Hadzihasanovic et de ce document. Vous nous dites, par conséquent, que ce

  7   qui est écrit ici signifie qu'il y avait des villages croates le long de

  8   cette route et que c'est la raison pour laquelle l'ABiH n'était pas en

  9   mesure de prendre le contrôle de cette route; c'est bien ce que vous venez

 10   de dire ?

 11   R.  C'est ce que je voulais dire et je vous prie de m'excuser pour mes

 12   escapades en dehors du sujet. Je ne me rends pas toujours compte du temps

 13   qui passe.

 14   Q.  Général, selon ce que vous saviez, Enver Hadzihasanovic et les autres

 15   Musulmans -- et les autres commandants musulmans tenaient-ils également

 16   compte de l'appartenance ethnique de la population des villages, quels

 17   étaient les villages croates, quels étaient les villages musulmans, quels

 18   étaient les villages mixes ?

 19   R.  Ceci est absolument indubitable. D'ailleurs tout habitant de Sarajevo

 20   ou de Loncarevic aurait pu tirer les mêmes conclusions.

 21   Q.  Mais dites-moi : suite à la question de M. le Juge Trechsel, est-ce que

 22   la composition ethnique des villages était un --

 23   qu'en tant qu'élément à prendre en compte quant à la possibilité de prendre

 24   le contrôle d'une route ou d'un secteur ou d'un territoire en s'appuyant

 25   sur la population locale, est-ce que c'était une doctrine de défense qui

 26   était appliquée de façon générale ?

 27   R.  Oui, j'ai déjà dit que c'était un élément important de réflexion quand

 28   on se donne un but déterminé il faut qu'on dispose d'une unité aux

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  1   effectifs suffisants pour procéder à une attaque. Donc la composition

  2   ethnique de la population présente dans le lieu visé est un facteur tout à

  3   fait important dans une telle réflexion.

  4   Q.  Document suivant, Général, le document 4D 1207, 4D 1207. Ce document

  5   est un rapport qui émane de l'état-major chargé de la défense de la

  6   municipalité de Zenica. Donc nous parlons ici de la partie musulmane, et on

  7   lit dans ce document, je cite :

  8   "Dans le village de Dusina, des combats ont opposé les membres de l'ABiH et

  9   des Unités du HVO durant la matinée du 26 janvier 1993. Trois membres du

 10   HVO ont été tués au cours de ces combats, trois ont été blessés, et cinq ou

 11   six faits prisonniers."

 12   Alors d'après ce que vous saviez, Général, ce qui est dit ici au sujet des

 13   combats qui ont été menés dans le village de Dusina ce matin-là; est-il

 14   exact ?

 15   R.  A mon avis, il est exact qu'ils ont liquidé le HVO ou, en tout cas, les

 16   Croates du village de Dusina. Maintenant des combats, moi, je ne suis pas

 17   au courant qu'il y ait eu des combats, et les hommes faits prisonniers ont

 18   également perdu la vie par la suite.

 19   Q.  Dites-moi : lorsque vous dites que ces prisonniers sont morts, pouvez-

 20   vous nous dire quelle a été la cause de leur mort ? Enfin, en anglais, ça

 21   n'a pas été traduit tout à fait comme je l'ai dit ? Mais je répète ma

 22   question : quelle a été la cause de leur mort ?

 23   R.  Ils ont été liquidés par la suite, ils ont été tués.

 24   Q.  Général, dites-nous : qui a tué ces hommes, ces membres du HVO ?

 25   R.  Pour autant que je le sache, à Busovaca, c'était -- je ne me souviens

 26   plus du numéro de la brigade, mais enfin c'était, en tout cas, des éléments

 27   de la 7e Brigade musulmane qui l'on fait.

 28   Q.  Document suivant, 4D 1210. Dans ce document, qui est un communiqué

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  1   destiné à l'opinion publique qui émane du 3e Corps et de son centre de

  2   presse, la situation est décrite d'une façon un peu différente. Dans le

  3   rapport militaire, il était écrit que les forces du HVO avaient été

  4   battues, alors que, dans ce communiqué destiné à l'opinion, il est écrit

  5   que les forces du HVO sont encerclées -- ou plutôt, je me corrige. Il est

  6   écrit que les habitants des villages de Dusina, de Gornja Visnjica et de

  7   Brdo sont désormais encerclés par les forces du HVO.

  8   Alors, Général, quand vous comparez, le rapport militaire d'il y a un

  9   instant, et ce communiqué de presse, que diriez-vous ? Est-ce qu'à votre

 10   avis, le communiqué de presse est une façon exacte d'informer la

 11   population, ou est-ce que peut-être il y aurait quelques distorsions ?

 12   R.  Non, c'est de la propagande, on inverse la situation. Trois villages

 13   ont été nettoyés dans ce secteur - je répète, trois villages - et dix

 14   membres du HVO ont été tués; pas alors qu'ils participaient à des combats,

 15   ou à une défense quelconque, mais ils ont simplement été liquidés.

 16   Maintenant, à l'intention de leur opinion publique, on dit qu'ils étaient

 17   encerclés par le HVO, et cetera; autrement dit, les Croates se seraient

 18   tués eux-mêmes, enfin c'est la guerre de propagande.

 19   Q.  Paragraphe suivant où il est question de règlement de compte entre des

 20   membres du HVO, et le nom de Zvonko Rajic est écrit dans le texte, on parle

 21   également de six autres extrémistes comme ils sont qualifiés dans ce

 22   communiqué. Alors d'après ce que vous saviez, est-ce que ces hommes ont

 23   trouvé la mort en raison d'un règlement de compte entre eux ou est-ce que

 24   c'est l'ABiH qui les a liquidés ?

 25   R.  Ils ont été liquidés, et il fallait ensuite justifier ce qui finalement

 26   était un crime, parce qu'il n'y a pas eu uniquement le fait qu'ils ont été

 27   tués, il y a aussi le fait que les habitants croates de trois villages ont

 28   été expulsés de chez eux. Alors maintenant on reconstruit l'histoire en

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  1   disant qu'il y a eu règlement de compte entre eux. Comment des frères,

  2   trois frères sont cités ici et la sœur de ces trois frères est venue me

  3   voir, ensuite pour m'en dire plus donc j'ai appris quelques détails

  4   complémentaires ultérieurement. C'est un crime pure et simple, mais cette

  5   reconstruction -- cette reconstitution ultérieure au fait est intéressante.

  6   Règlement de compte mutuel. On ne peut pas imputer cette action à qui que

  7   ce soit donc on parle de règlement de compte mutuel entre plusieurs unités

  8   du HVO.

  9   Q.  Nous allons sauter le document suivant, Général, que vous avez dans

 10   votre classeur, parce qu'il nous faudra aussi des illustrations, donc nous

 11   le reprendrons demain.

 12   Nous nous penchons tout de suite sur le document 4D 1206.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Alaburic, le mieux c'est de poursuivre

 14   demain. Je vous indique que vous avez déjà utilisé deux heures et dix

 15   minutes. Donc il vous reste une heure et 50 minutes. Il y a beaucoup de

 16   documents. Donc sélectionnez les documents.

 17   Alors, Monsieur le Témoin, je vous rappelle les consignes que je vous ai

 18   données. Pas de communication avec quiconque sur la teneur de l'audience.

 19   Nous sommes donc d'après-midi, ce qui voudra dire que demain vous

 20   reviendrez à 14 heures 15. J'espère que nous pourrons commencer à 14 heures

 21   15 et que nous n'attendrons pas, comme malheureusement nous avons

 22   l'habitude depuis quelque temps.

 23   Je souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée, et je vous dis donc à

 24   demain.

 25   [Le témoin quitte la barre]

 26   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le mardi 1er décembre

 27   2009, à 14 heures 15.

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