Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 2 décembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est ouverte. Monsieur le Greffier,

  7   appelez le numéro de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

  9   toutes les personnes présentes.

 10   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mercredi 2 décembre 2009, je salue en premier M. le Témoin, le

 14   général Filipovic. Je salue MM. les accusés, je salue Mmes et MM. les

 15   avocats. Je salue M. Scott et tout le bureau du Procureur, ainsi que les

 16   personnes qui nous assistent.

 17   Je vais donner la parole à M. le Greffier qui a un numéro IC à nous donner.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Je

 19   vous remercie.

 20   L'équipe D2 a fourni sa réponse à l'objection de l'Accusation à sa demande

 21   de versement de documents par le truchement du témoin 4D-AB. Ce sera

 22   désormais la pièce IC01140. Merci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 24   Avant de donner la parole aux Défenses pour le contre-interrogatoire,

 25   un petit rappel de nature administrative.

 26   Demain, nous aurons donc une seule pause et nous terminerons à 18

 27   heures. Alors, peut-être on aura terminé. Si on n'a pas terminé, à ce

 28   moment-là, le témoin reviendra lundi.

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  1   Concernant la semaine prochaine, nous savons qu'il y a un témoin qui est

  2   prévu. Il est prévu que la Défense aura deux heures pour l'interrogatoire

  3   principal et les questions supplémentaires. Les autres Défenses auront une

  4   heure, et le Procureur aura deux heures.

  5   Etant précisé que la semaine prochaine nous avons trois jours, lundi,

  6   mardi, mercredi. Et jeudi, nous ne siégeons pas, car il y a l'assemblée

  7   plénière des Juges. Voilà ce que je voulais dire.

  8   LE TÉMOIN : FILIP FILIPOVIC [Reprise]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur le Témoin, vous entrez maintenant

 11   dans une phase nouvelle qui va être de répondre à des questions qui vont

 12   vous être posées par les autres Défenses. Après quoi, M. le Procureur

 13   Scott, qui est à votre droite, vous posera des questions. Je sais que vous

 14   avez déjà une connaissance approfondie du contre-interrogatoire, puisqu'en

 15   avril 2009 -- c'est-à-dire il y a près de 9 ans, vous avez subi le contre-

 16   interrogatoire mené par M. Nice à l'époque.

 17   Alors, pour éviter tout problème, quand une question vous est posée,

 18   vous écoutez bien la réponse et vous faites votre réponse en toute liberté.

 19   Si la question ne vous plait pas - ça peut arriver - à ce moment-là, vous

 20   répondez à la question posée. Et la plupart du temps, le Procureur essaie

 21   de vous faire dire "oui" ou "non." Et puis, s'il veut des réponses

 22   complémentaires, il vous le demandera, car c'est lui qui mène le contre-

 23   interrogatoire. Il se peut que les questions ne vous plaisent pas, mais

 24   pourquoi, parce que le Procureur défend sa cause et donc il pose des

 25   questions qui sont conformes à son intérêt, comme la Défense a posé des

 26   questions conformes à son intérêt. Vous pouvez être d'accord avec le

 27   Procureur, comme vous pouvez ne pas être d'accord. Mais si vous n'êtes pas

 28   d'accord, il ne faut pas se fâcher pour autant, parce que lui fait son

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  1   travail.

  2   Voilà, je voulais vous dire ça pour que vous compreniez bien dans

  3   quel système on est. Dans le système de votre pays, il est tout à fait

  4   différent. Quand les Juges posent des questions, ils les posent comme je

  5   l'ai fait à plusieurs reprises. Vous vous en êtes rendu compte. Je ne suis

  6   pas pour une thèse ou pour l'autre. Dans mes questions et dans les

  7   questions de mes collègues, nous, on englobe tout le panorama. Mais ici

  8   chaque partie voit les questions au travers de son propre intérêt, donc

  9   l'intérêt du Procureur peut ne pas être le vôtre, mais il faut que vous le

 10   compreniez. C'est le jeu procédural. Mais je pense que vous avez compris,

 11   car j'ai bien vérifié que dans l'affaire Kordic il n'y a pas eu d'incident.

 12   Vous avez répondu, donc très bien. Et je pense que ça se passera bien, mais

 13   je préférais le dire par avance.

 14   De ce fait, sans perdre de temps, je donne la parole à Me Nozica, qui

 15   est tout à fait prête, puisqu'elle a le pupitre, ses documents.

 16   Mme NOZICA : [interprétation] Merci.

 17   Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à tous dans le prétoire.

 18   Contre-interrogatoire par Mme Nozica :

 19   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Filipovic.

 20   Je souhaiterais simplement vérifier que les documents prévus pour

 21   l'audition de M. Filipovic sont bien entre les mains de Mme l'Huissière. Le

 22   témoin les a également. Très bien.

 23   Monsieur Filipovic, dans votre intérêt et dans l'intérêt de toutes les

 24   personnes présentes dans le prétoire, je tiens à signaler d'emblée qu'au

 25   cours de mon contre-interrogatoire, j'aborderai trois sujets. D'abord, les

 26   événements de janvier 1993, à savoir le moment où le corridor de Busovaca a

 27   été coupé, moment dont il a été question au cours de l'interrogatoire

 28   principal. Deuxième sujet, ce seront les événements du mois d'avril 1993 en

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  1   Bosnie centrale. Et mon troisième sujet concernera les événements survenus

  2   au mois de juin 1993 suite à la signature de l'accord conclu à Kiseljak.

  3   De façon à être rapide et efficace, je vous prierais de bien vouloir vous

  4   pencher sur les documents qui se trouvent dans mon premier classeur, car je

  5   pense que vous ne les avez pas encore vus, même s'il est possible que vous

  6   les ayez vus. Le premier de ces documents est le document 2D3068. Monsieur

  7   Filipovic, les documents sont rangés dans l'ordre dans le classeur, et je

  8   les aborderai l'un après l'autre.

  9   Ce document est signé par Ignjac Kostroman, Dario Kordic, Anto

 10   Valenta et Tihomir Blaskic. C'est un rapport qui date du 26 janvier 1993.

 11   Et on lit dans ce texte que :

 12   "L'agression ouverte et violente menée par les forces musulmanes se

 13   poursuit à partir de la direction de Zenica en direction de Busovaca,

 14   Vitez, Travnik, Novi Travnik et Kiseljak…"

 15   Monsieur Filipovic, les quelques documents qui viennent concerneront donc

 16   la coupure du corridor, et je tiens à signaler que vous avez localisé ces

 17   lieux sur la carte hier, et que ces cartes ont reçu des numéros IC 01137

 18   pour la première et 01138 pour la seconde.

 19   Il est indiqué que le but poursuivi était la neutralisation complète du

 20   peuple croate et des combattants croates sur le territoire de Bosnie

 21   centrale, que l'on mettait le feu aux villages croates, aux églises ainsi

 22   qu'aux monuments culturels de la culture croate.

 23   Dans ce texte, nous lisons les mots agression ouverte s'agissant de ce qui

 24   était en train de se passer de la part des forces les plus puissantes. Et

 25   nous arrivons au passage qui fera l'objet de mes questions. Cinq brigades

 26   de montagne ont été dirigées sur Busovaca et la ville est pilonnée de

 27   toutes parts. Les Moudjahidines, la Légion verte et d'autres forces

 28   extrémistes agissent dans le secteur et sont les premières à massacrer. A

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  1   l'époque, la Télévision de Sarajevo mène une violente campagne de

  2   propagande.

  3   Au paragraphe 2, nous lisons :

  4   "Nos forces sont très étirées et coupées les unes des autres dans certaines

  5   municipalités, car elles tiennent la ligne face aux Chetniks sur 70 % de sa

  6   longueur. En ce moment, on procède à une mobilisation générale qui a pour

  7   but de défendre la population croate contre les massacreurs. Jusqu'à

  8   présent, le village de Dusina a été complètement incendié, c'est un village

  9   mixte où seules les maisons croates ont été incendiées; ils massacrent les

 10   femmes, les enfants et les personnes âgées, et pour le moment, nous ne

 11   disposons d'aucun renseignement fiable quant au nombre des tués."

 12   Alors, trois demandes sont présentées ensuite dans le texte : d'abord, une

 13   demande d'aide immédiate aux mains d'œuvre et équipement, et ensuite, il

 14   est indiqué que la population a besoin d'information urgente au sujet du

 15   massacre qui a été commis dans la région de la Lasva; et au point B, une

 16   demande est présentée qui porte sur des aides en munition; et finalement

 17   nous lisons :

 18   "Il importe que vous sachiez que chacun des membres de notre population qui

 19   a été massacré et égorgé l'a été par les forces musulmanes."

 20   Alors, Monsieur Filipovic, connaissez-vous les éléments contenus dans ce

 21   rapport et pouvez-vous confirmer que le rapport concernant ce jour-là et la

 22   période ultérieure est exact et que les faits évoqués correspondent bien à

 23   la réalité ?

 24   R.  Je connaissais ces faits et je sais que la situation correspondait dans

 25   toute la région à ce qui est indiqué dans ce document, mais je sais aussi

 26   que l'accent était mis sur Busovaca. Ce rapport ne concerne pas finalement

 27   ce jour-là en particulier, car nous avons, bien sûr, une date dans ce

 28   document, mais ce rapport concerne, en réalité, les sept ou dix jours

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  1   écoulés avant la date de rédaction, et nous étions durement frappés pendant

  2   cette période et par le fait notamment que dans la vallée de la Lasva, nous

  3   ne pouvions plus traverser Busovaca, ce qui constituait donc un obstacle

  4   sur la route vers Ahmici. Ce qui est important pour Busovaca, c'est que la

  5   route menant à Kiseljak était coupée à Kacuni et Bilalovac. Donc nous

  6   voyons ici que quatre hommes ont signé ce document, Blaskic ayant déjà

  7   rendu compte de l'évolution des affrontements avant la date de ce rapport,

  8   et tout était fait pour donner à ce rapport un poids plus important,

  9   notamment grâce aux quatre signatures apposées.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, Maître.

 11   Ce serait utile de savoir quelle est la base, parce que ceci s'est

 12   poursuivi beaucoup hier. Peut-être Me Nozica pourrait nous indiquer quelle

 13   est la pertinence, si ce n'est que le tu quoque.

 14   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, je peux répondre à

 15   cette question.

 16   Ma consoeur a soumis au témoin un certain nombre de documents qui

 17   confirment cette thèse, et je considère que ces rapports qui provenaient du

 18   HVO étaient d'une extrême importance, car ma consoeur s'est avant tout

 19   fondé sur des documents de l'ABiH. Quant à moi, je souhaite vérifier si les

 20   rapports qui parvenaient en provenance du HVO étaient exacts. Cela étant,

 21   je n'ai pas l'intention de m'appuyer uniquement sur des rapports du HVO,

 22   mais également sur des rapports transmis par la communauté internationale

 23   et portant sur ces sujets. Et je me réfère au paragraphe 31 de l'acte

 24   d'accusation, je considère que les documents que je présente sont

 25   pertinents par rapport à ce point de l'accusation dans leur intégralité et,

 26   avant tout, qu'ils ont un lien avec l'interrogatoire principal.

 27   M. SCOTT : [interprétation] Avec tout le respect que je dois à Maître, bon,

 28   le fait que ce soit important, ce n'est pas une base. Il se peut que moi je

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  1   trouve certaines choses importantes, mais elles ne le sont pas pour les

  2   Juges. On n'a toujours pas justifié en quoi ceci est pertinent, si ce n'est

  3   à cause du tu quoque. Je maintiens donc mon objection.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre rendra une décision orale sur ces

  5   questions demain, en début d'audience certainement, qui résoudra le

  6   problème.

  7   Quoi qu'il en soit, continuez.

  8   De toute façon, Monsieur Scott, ce document au point 3, il peut être

  9   intéressant également sur le conflit armé international, sur votre thèse,

 10   sur le fait que la République de Croatie peut apporter de l'aide MTS,

 11   hommes, et cetera, donc le document est au cœur même de tous les débats.

 12   Continuez.

 13   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

 14   permettez, étant donné que je considère que ce que nous venons d'entendre

 15   est également une observation par rapport à la première partie de mon

 16   interrogatoire principal, je tiens à dire, comme Me Nozica vient de le

 17   dire, qu'au paragraphe 31 de l'acte d'accusation, Busovaca est évoqué de

 18   façon explicite. Il est dit dans un contexte ultérieur, dans le contexte de

 19   la suite de l'acte d'accusation : que le 15 janvier, date de l'expiration

 20   de l'ultimatum ou aux environs de cette date, le HVO a entrepris des

 21   actions militaires d'une grande violence destinées à exécuter l'ultimatum

 22   en attaquant et en faisant pression sur les Musulmans dans un certain

 23   nombre de localités, notamment à Novi Travnik, Gornji Vakuf et Busovaca.

 24   Par conséquent, ce que nous essayons de prouver ici en rapport avec

 25   Busovaca et la coupure du corridor est d'une importance extrême et

 26   directement lié au paragraphe 31 de l'acte d'accusation. Je vous remercie.

 27   Mme NOZICA : [interprétation] Merci.

 28   Q.  Monsieur Filipovic, document suivant, 2D3069.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Je n'aborde pas le fond du document. Je suis très

  2   étonné par le fait que ce document est signé par M. Blaskic, cosigné par

  3   trois hommes politiques majeurs, Kostroman, Valenta et Kordic, qu'il est

  4   envoyé en urgent, urgent, urgent à M. Tudjman, au commandant du HVO au

  5   poste avancé, au chef du département de la Défense et au chef d'état-major.

  6   J'ai l'impression, en lisant ce document, et vous allez me dire votre point

  7   de vue, que M. Blaskic contourne sa propre hiérarchie de sa chaîne de

  8   commandement, fait pression sur M. Tudjman pour que celui-ci agisse en

  9   envoyant des MTS, des soldats pour la vallée, pour la région de la Lasva.

 10   Moi, je serai à la place de M. Mate Boban, je serai à la place du chef

 11   d'état-major, je serai à la place du chef du département de la Défense, je

 12   serai à la place de M. Prlic, dans les secondes qui suivent, M. Blaskic est

 13   démis de ses fonctions parce qu'il ne respecte pas la voie hiérarchique.

 14   Comment vous expliquez que ceci a pu se faire à l'époque ? Comment se fait-

 15   il qu'un commandant tel M. Blaskic, se permette de saisir directement un

 16   chef d'Etat étranger, avec tous les problèmes politiques que ça peut poser,

 17   sans passer par sa chaîne de commandement ?

 18   C'est comme, je prends un exemple, imaginons aujourd'hui que le commandant

 19   américain McChrystal, qui est en Afghanistan, saisisse directement M.

 20   Brown, premier ministre anglais. Tout le monde trouverait ça aberrant. Or,

 21   comment ça a pu se passer chez vous ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ici, dans un certain

 23   sens, on hurle un appel à l'aide. Autrement dit, on appelle à l'aide de

 24   façon intensive. L'Herceg-Bosna ou Mate Boban ou Prlic n'avait pas la

 25   possibilité d'apporter cette aide en rendant compte par exemple des

 26   événements qui étaient en train de se produire. Il n'y avait pas de

 27   télévision, il n'y avait pas de journaliste, or Tudjman pouvait agir. Ça,

 28   c'est un point.

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  1   Deuxième point, il y a eu des précédents. Vous venez de parler du

  2   commandant américain en Afghanistan. Je me rappelle de mémoire que

  3   Eisenhower, par exemple, s'est adressé à Staline avec un certain nombre de

  4   questions, et les autres étaient enragés. Pourquoi est-ce qu'il s'adressait

  5   à Staline. Vous savez, tout dépend du contexte, quand c'est votre vie qui

  6   est en jeu, certaines choses changent.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Votre réponse est de dire : c'est le contexte, il y

  8   avait péril et donc il a saisi directement Tudjman. Très bien.

  9   Maître Nozica.

 10   Mme NOZICA : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Filipovic, encore une question.

 12   A ce moment-là, vous rappelez-vous où se trouvaient M. Boban et les

 13   dirigeants de la Communauté croate d'Herceg-Bosna; on parle du 6 [comme

 14   interprété] janvier, est-ce que vous vous rappelez s'ils étaient peut-être

 15   à Genève ?

 16   R.  Je ne sais pas. Je ne me rappelle pas en cet instant précis, peut-être

 17   que ceci était un motif, mais.

 18   Q.  Je vous ai prié de vous pencher tout à l'heure sur le document suivant,

 19   le document 2D3069.

 20   A l'instant, vous avez dit que M. Blaskic signait lui-même personnellement

 21   certains rapports et vous avez dit également que le corridor avait été

 22   coupé aux environs de Kacuni. Je vous prierais donc de vous pencher sur ce

 23   rapport qui date du même jour. On voit quels sont les destinataires de ce

 24   rapport. Nous n'avons pas besoin de nous appesantir sur ce point, et puis

 25   nous lisons les mots :

 26   "L'agression ouverte et violente préparée depuis longtemps contre les

 27   unités du HVO, qui a commencé par des actions offensives d'une extrêmement

 28   violence de la part des forces musulmanes, qui, le 24 janvier 1993, dans

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  1   l'après-midi, ont érigé un barrage routier dans une localité choisie à

  2   l'avance non loin de Busovaca, ont arrêté cinq véhicules (des chars des

  3   Nations Unies), des véhicules de patrouille régulière de la police

  4   militaire. Ils ont mis le feu à un lance-roquettes multiple en ouvrant le

  5   feu de façon très intensive à l'aide d'armes d'infanterie, blessant ainsi

  6   le commandant adjoint de la police militaire du HVO de Busovaca, M. Ivo

  7   Perovic, qui, après des tortures terribles et ayant été blessé à la jambe,

  8   a finalement été massacré."

  9   Il a eu la gorge tranchée, et plus loin, on indique qu'un chauffeur

 10   de taxi est venu à son aide et que lui aussi a été blessé à cette occasion.

 11   Un peu plus bas au paragraphe 3, nous lisons, "Pour l'exécution de

 12   cette mission assignée par l'ABiH, l'ennemi a retiré ses forces des champs

 13   de bataille de Visoko, Zavidovici, et a infiltré dans ces lieux des

 14   Moudjahidines." Et plus loin, nous trouvons les mots "nos forces", qui se

 15   réfèrent au HVO. Comme dans le document précédent, nous lisons que la ligne

 16   de front a été étirée face aux Chetniks. Il est fait mention de pertes

 17   humaines subies.

 18   Alors, vous avez dit que l'ABiH avait l'intention de placer des

 19   forces importantes face aux groupes qui venaient de Zenica, de Perin Han et

 20   de Dusina, ainsi que d'autres localités, dans le but d'isoler complètement

 21   Busovaca par rapport à Zenica et Han Bila en particulier, d'isoler

 22   également Kiseljak et de neutraliser le HVO dans la vallée de la Lasva.

 23   Alors, ce document présente un aspect purement militaire, même s'il est

 24   assimilable dans sa forme au document précédent. Ces deux documents datent

 25   du 26 janvier et l'un de ces documents a été reçu, comme on peut le voir à

 26   l'examen du cachet, à l'état-major principal à 8 heures 20 du matin, celui-

 27   ci étant arrivé à 3 heures 30.

 28   Pouvez-vous dire aux Juges si ces deux documents confirment ce que vous

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  1   venez de dire, à savoir que M. Blaskic a transmis des informations à la

  2   Communauté croate d'Herceg-Bosna et que dans le premier document que nous

  3   avons examiné, il s'agissait d'un véritable appel désespéré à l'aide ?

  4   R.  A la lecture de ce document, il n'y a pas le moindre doute que c'est la

  5   main de Blaskic qui l'a rédigé, même si je pense que les autres signataires

  6   ont également participé à sa rédaction. Mais dans ce document, qui est plus

  7   détaillé, nous trouvons confirmation des informations existant dans le

  8   document précédent, et ce, d'une façon tout à fait conforme à ce qui se

  9   passait réellement, et simplement, dans celui-ci, on trouve une

 10   appréciation peut-être plus fouillée, plus détaillée des forces musulmanes.

 11   En effet, nous voyons les mots "cinq brigades" et c'est compréhensible

 12   étant donné la longueur de la zone couverte.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On voit ici "RIR" en début de liste,

 14   dans la liste des destinataires. Pourriez-vous nous déchiffrer ce sigle ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] "Urgent, urgent, urgent. RIR." Oui. Cela

 16   qualifie sans doute la méthode de transmission, mais je ne sais pas. Je ne

 17   sais pas.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 19   Vous avez déjà parlé de signatures. Or, ce document n'est pas signé.

 20   En tout cas, sur mon exemplaire, je ne trouve pas de signature. Est-ce que

 21   vous, vous avez trouvé une signature ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas non plus de signature sur mon

 23   exemplaire, mais je peux confirmer l'authenticité de ce document et dire

 24   que c'est Blaskic qui est l'auteur de ce document.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 26   Mme NOZICA : [interprétation] Il est clair, n'est-ce pas, Monsieur le

 27   Témoin, que ce document est parvenu par transmission par paquet.

 28   Q.  Vous avez dit avoir reconnu la signature, mais parliez-vous, en fait,

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  1   du style ?

  2   R.  Le style, la façon de procéder.

  3   Q.  Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur le document suivant,

  4   2D3067. Il s'agit de ce rapport consolidé de M. Petkovic daté du 27 janvier

  5   1993.

  6   Et j'aimerais que nous nous penchions sur le paragraphe 2, qui

  7   concerne la Bosnie centrale, dans ce document. Vous l'avez trouvé ? En page

  8   2 de la version croate, paragraphe 2, "Bosnie centrale".

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Examinons ce rapport qui présente la situation à 16 heures. Nous lisons

 11   : "Les Chetniks". Ce n'est pas très important. "Les Musulmans" ont lancé

 12   une forte offensive aux premières heures de la matinée à partir de la Lasva

 13   à Dusina. D'après les estimations faites, Busovaca est attaquée par environ

 14   8 500 soldats ennemis, et on a également constaté des déplacements de chars

 15   depuis Kakanj vers Zenica.

 16   Et puis, nous avons un autre rapport présentant la situation à 20 heures

 17   20. Et en page suivante, vous voyez la partie du rapport rédigée à minuit,

 18   où nous lisons -- et vous vous rappelez que vous avez indiqué un certain

 19   nombre de lieux dans la carte qui porte le numéro IC01137, suite aux

 20   questions posées par ma consoeur, Me Alaburic, hier.

 21   Donc, nous lisons dans ce document :

 22   "La situation dans la zone de responsabilité de Zdrinski à 11 heures se

 23   présente comme suit. Suite à une agression violente des forces musulmanes

 24   en provenance de Kacuni et dans la direction de Lugovi, dans les heures de

 25   l'après-midi, un front a été créé sur l'itinéraire Kuber (hauteur de

 26   Saracevac, cote trigonométrique 957) en direction de Putis, Grablje,

 27   Merdani, Dusina, Nezidovici, Kamun, Pridolci, Luske Staje, Busovaca, le

 28   point K [comme interprété] et Rovna.

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  1   "Durant la journée, les forces musulmanes ont fait venir des forces

  2   fraîches en provenance de Zenica dans le but de renforcer le corridor

  3   Lasva-Dusine-Kacuni et en passant par Lugova, d'assurer la jonction afin de

  4   rendre impraticable le corridor Kiseljak-Busovaca à toute personne qui

  5   souhaiterait l'emprunter."

  6   Monsieur Filipovic, est-ce que ceci confirme ce blocus dont vous avez parlé

  7   comme datant de ces journées-là à Busovaca, en Bosnie centrale ?

  8   R.  Absolument. Ici, si mes souvenirs sont bons, c'est la première fois que

  9   l'on mentionne à la fois les Chetniks et les Musulmans. Jusqu'à ce moment-

 10   là, Busovaca n'était pas du tout une zone de guerre, mais tout d'un coup,

 11   maintenant, on crée un cercle autour de Busovaca, et s'agissant du HVO,

 12   l'on ne pouvait pas passer de Busovaca ni vers Kiseljak ni vers Vitez. Et

 13   comme je l'ai dit, pendant 15 jours au moins, Busovaca était coupée du

 14   reste du monde et luttait seule alors qu'elle était encerclée.

 15   Q.  Je vous demanderais maintenant d'examiner le document qui est un

 16   rapport du régiment de Cheshire. Il s'agit de P1349, en date du 20 [comme

 17   interprété] janvier. Il est écrit que ceci porte sur la période entre le 9

 18   et le 29 janvier, mais il y a une date qui nous intéresse particulièrement.

 19   Ici, il est écrit qu'un officier de liaison du régiment de Cheshire a rendu

 20   visite au commandant Nikola Jazinovic, qui était le commandant du HVO à

 21   Busovaca. Le connaissez-vous ?

 22   R.  Oui. Niko Jazinovic était le commandant de l'unité située à Busovaca.

 23   Q.  Ensuite, dans le rapport, il est écrit qu'en lui parlant, et vous voyez

 24   aux points A et B de la première page, vous pouvez voir que le HVO a trouvé

 25   deux télécopies qui ont été envoyées et interceptées. L'un deux a

 26   prétendument été signé par le commandant du 3e Corps d'armée, en date du 16

 27   janvier, où l'on demande des renforts et des munitions pour les forces de

 28   l'ABiH à Kacuni, et dans l'autre télécopie du 28 janvier, il est écrit que

Page 47587

  1   tous les prisonniers du HVO allaient être amenés à Zenica et que l'ABiH

  2   allait recueillir et enterrer tous les cadavres des Croates des villages de

  3   Nezirovici et Gusti Grab.

  4   C'est ce qui est écrit par le commandant Jazenovic lorsqu'il

  5   s'adresse au commandant du Bataillon de Cheshire. Il est dit que l'ABiH a

  6   attaqué et détruit des villages tels que les villages énumérés. Ensuite,

  7   Jazenovic dit que l'ABiH a tué 12 personnes à Dusine et a capturé encore 30

  8   autres personnes et, qu'à la fois, les deux églises catholiques à Dusine

  9   ont été détruites. Ensuite, l'auteur du document décrit ce qu'ils ont

 10   trouvé dans le village de Prosje, et puis Jazenovic dit que le but du HVO

 11   était de continuer la défense active de la ligne de front autour de

 12   Busovaca. Un peu plus loin, il est écrit que Jazenovic a dit qu'il y avait

 13   un nombre d'incidents qui se sont déroulés "la semaine dernière", c'est-à-

 14   dire le 23 janvier. Seize soldats du HVO étaient partis à une mission de

 15   reconnaissance, ils étaient commandés par un dénommé Vlado Kriste. Et

 16   ensuite, ils ont été capturés à Kacuni.

 17   Ensuite, il fait référence au 24 janvier lorsqu'un policier militaire

 18   du HVO, Mile Rasic, a été tué pendant les négociations.

 19   Veuillez examiner la page suivante, la page 4. En anglais, il s'agira de la

 20   page 0027-4361. Il est question de la situation qui prévaut à Vitez. Et au

 21   point 3, point qui se réfère à Vitez, il est écrit :

 22   "Nous avons reçu des munitions d'infanterie produites au Moyen-Orient. Une

 23   source a indiqué que ces munitions arrivaient dans la partie musulmane de

 24   Vitez par le biais de l'aide en nourriture musulmane…"

 25   Mais pour être clair, ce n'est plus M. Jazenovic qui parle, mais

 26   d'après le texte, ça fait partie du rapport du régiment Cheshire.

 27   Ensuite, s'agissant de Visoko, nous avons un paragraphe important, où

 28   il est dit :

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  1   "Nous avons reçu une information indiquant que les membres de la

  2   Brigade de Visoko de l'ABiH avaient participé à l'explosion d'un pont qui a

  3   coupé l'axe de communication entre Kacuni et Kiseljak."

  4   Il dit qu'il n'est plus possible de traverser ce pont.

  5   Ensuite, veuillez vous pencher sur la page 7 de la version que vous avez

  6   devant vous. Et en anglais, il s'agit de la page 0027-4363, s'agissant de

  7   Travnik. Pourquoi est-ce que je dis qu'il s'agit là certainement d'un

  8   document qui est le rapport du régiment Cheshire ? C'est le document que

  9   nous avons reçu de la part de l'Accusation. Est-ce que vous avez trouvé la

 10   page 7 ?

 11   R.  Je viens de trouver la version dans ma langue maternelle.

 12   Q.  Excusez-moi. Vous avez toujours la version de votre langue. Page 7 :

 13   "Les corps de deux membres britanniques qui ont été tués au sud de

 14   Travnik il y a deux jours ont été renvoyés à Zenica."

 15   Aujourd'hui, le 23 février 1993 -- il est fait référence à ces hommes

 16   qui ont été tués dans le fief des Musulmans. Il est dit que le 5 février,

 17   un médecin légiste a fait une expertise et il a constaté les marques sur

 18   les cadavres.

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Il faut que vous reliez ces faits

 20   d'une manière ou d'une autre aux crimes qui sont allégués dans l'acte

 21   d'accusation. Donc je ne vois aucune référence ou aucun lien avec le

 22   meurtre des soldats britanniques. Donc je pense que c'est un petit peu tiré

 23   par les cheveux.

 24   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, je ne pense pas que ceci

 25   soit exagéré. J'ai mentionné ce détail, car l'on mentionne la date du 5

 26   février 1993 dans ce document.

 27   Pour éviter toute confusion, j'indique que la date de l'ensemble du

 28   document - et je souhaite le constater pour que rien ne reste contestable -

Page 47589

  1   la date de ce document est le 29 janvier 1993. Compte tenu du fait que la

  2   partie portant sur le meurtre de ces deux hommes comporte la date du 5

  3   février, l'on peut conclure qu'il s'agit là d'un rapport collectif. Je

  4   souhaitais attirer votre attention là-dessus pour que par la suite il n'y

  5   ait pas de dilemme concernant le type du document.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous conseille d'en venir aux

  7   faits. Rapprochez-vous des faits allégués dans l'acte d'accusation. Vous me

  8   parlez de la date, mais je trouve cela assez étrange. Pensez-vous que ce

  9   document --

 10   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais réessayer de vous

 11   expliquer.

 12   L'ensemble du document, sauf le dernier paragraphe, se réfère aux

 13   événements qui se sont déroulés avant le 29 janvier. Or, la dernière

 14   partie, point 4, Travnik, se réfère aux événements qui se sont déroulés, je

 15   cite : "Aujourd'hui, le 5 février 1993," et l'on peut avoir l'impression

 16   que l'ensemble du document avait été créé le 5 février 1993. Afin d'éviter

 17   toute confusion, j'ai montré cela au témoin, et je me suis penchée

 18   particulièrement sur ce point-là en raison de cette différence dans les

 19   dates.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je ne voudrais pas que vous me

 21   compreniez mal. Je ne dis pas que vous êtes en train de poser des questions

 22   directrices, mais je pense que ce document est contradictoire, c'est tout.

 23   Il est assez contradictoire. Donc ni moi ni le témoin ne peut expliquer

 24   pourquoi il y a toutes ces contradictions.

 25   Mais veuillez poursuivre.

 26   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, nous allons essayer de le

 27   faire par le biais du témoin.

 28   Q.  Monsieur Filipovic, vous avez entendu toutes les informations qui

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  1   ressortent du document que je vous ai cité, les informations fournies par

  2   M. Jazenovic, les informations concernant les attaques de l'ABiH, le

  3   village de Dusina, les informations concernant Vitez, les événements qui se

  4   sont déroulés à Vitez que je vous ai lus, à Visoko, le fait qu'à Visoko ils

  5   avaient fait sauter un pont, et cetera, s'agissant des informations

  6   relatives à la Bosnie centrale, fin janvier 1993.

  7   Est-ce que vous pouvez confirmer que ces événements se sont réellement

  8   déroulés ?

  9   R.  Tout d'abord, Nikola Jazenovic était le commandant de la Brigade de

 10   Busovaca. Il n'était pas originaire de Busovaca, mais de Zepa. Mais c'est

 11   un homme stable et un homme de qualité, donc c'était l'une des meilleurs

 12   dont on disposait pour ce qui est de la zone de responsabilité ou la zone

 13   opérationnelle qui était la nôtre. Dans ce document, nous avons une

 14   énumération des événements relatés par lui au Bataillon de Cheshire, et

 15   moi-même, je sais que c'était le cas, que c'était exact.

 16   En ce qui concerne les événements qui se sont produits au sud-est de

 17   Travnik, il s'agit de la région de la rivière de Bila, où il y avait un

 18   front des Moudjahidines et où Sefer avait créé la Ligue patriotique, donc à

 19   Han Bila, mais lorsqu'il donne les toponymes et lorsqu'il énumère les

 20   villages, il fait référence à tous les événements pertinents s'agissant de

 21   cette époque.

 22   Q.  Merci. Nous avons terminé --

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. Mais j'aimerais

 24   vraiment savoir quel est le lien entre le meurtre de ces soldats

 25   britanniques et notre affaire. Jusqu'à présent, vous n'avez pas répondu à

 26   cette question.

 27   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, la réponse à votre question

 28   est que ce document du Bataillon de Cheshire est un document qui confirme

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  1   entièrement tout ce qui a été montré par le biais de documents de l'ABiH et

  2   du HVO concernant les événements qui se sont déroulés en Bosnie centrale

  3   pendant les jours qui ont précédé ce document.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pourriez-vous nous dire où l'on a

  5   mentionné précédemment le meurtre de ces deux britanniques ? Ce qui ne

  6   signifie pas pour autant que ce soit pertinent d'ailleurs. Je pense que

  7   vraiment vous parlez là d'un détail qui va bien au-delà de tout ce que vous

  8   pouvez argumenter en faveur de votre cause, qui semble être que les

  9   Musulmans auraient quelque chose à voir avec notre affaire. Là, je pense

 10   que c'est vraiment tirer par les cheveux.

 11   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Juge, j'explique pour la

 12   quatrième fois.

 13   Ceci est sans pertinence, et j'ai simplement montré cela en raison de

 14   la date. Je n'ai pas du tout demandé au témoin de nous confirmer ces

 15   événements-là, mais les événements qui ont précédé.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Vous lui avez demandé de confirmer

 17   ces événements, et il l'a fait d'ailleurs.

 18   Très bien. Restons-en là. Vous ne m'avez absolument pas convaincu que

 19   tout ceci est pertinent, mais nous ne sommes pas là pour perdre du temps.

 20   Donc poursuivez, puisque je n'arrive pas à vous convaincre visiblement.

 21   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons perdu

 22   suffisamment de temps, donc je vais poser une autre question pour préciser

 23   ce qui fait l'objet de votre question.

 24   Q.  Monsieur le Témoin, lorsque vous dites que vous connaissez les

 25   localités mentionnées dans ce document et la situation qui fait l'objet de

 26   ce document, est-ce que vous avez exclu soi-disant l'événement s'agissant

 27   de ces deux employés d'organisation humanitaire ? Puisque je ne vous ai pas

 28   posé de question à ce sujet-là.

Page 47592

  1   R.  J'ai inclus cela, car tous ces événements étaient liés dans ces régions

  2   limitée et plus vaste.

  3   Q.  Bien. Nous allons maintenant examiner le document P 9008. Il s'agit de

  4   votre déclaration. Nous devons accélérer les choses un peu. La déclaration

  5   porte la date du 10. Et il est écrit : "Commandant Filip Filipovic,

  6   retraité." Nous avons des informations personnelles, une liste de sujets

  7   différents. Le document a été rédigé le 10 avril 2000.

  8   Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de quoi il est question dans

  9   ce document ?

 10   R.  Ça devrait être un document qui a été rédigé dans le cadre de la

 11   préparation pour un procès qui se déroulait devant ce Tribunal à La Haye.

 12   Q.  Dans quelle affaire ?

 13   R.  Dans l'affaire Kordic.

 14   Q.  Est-ce que les données qui sont contenues correspondent aux données que

 15   vous avez fournies ?

 16   R.  Oui, je pense que c'est le cas de toutes les données. Je pense qu'il

 17   s'agit des pages qui ont été envoyées dans l'affaire Kordic par le biais de

 18   Me Naumovski.

 19   Q.  Je vais maintenant attirer votre attention sur un certain nombre de

 20   points de ce document, par exemple, le point 29 - l'avez-vous trouvé ? -

 21   qui porte sur la distribution des armes au début du conflit contre les

 22   Serbes. Ensuite, les points 34, 35 et 36, qui se réfèrent à la 7e Brigade

 23   musulmane dont vous avez parlé ici, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Vous en avez parlé de manière pratiquement identique. Ensuite, le point

 26   44, qui porte sur la célébration de Pâques, dont vous avez parlé également.

 27   Donc ce document confirme les affirmations que vous avez faites ici

 28   aujourd'hui. Cela étant dit, parfois on vous a posé des questions qu'on ne

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  1   vous a pas posées ici aujourd'hui ou vice versa.

  2   Je souhaite que l'on parle maintenant du mois d'avril 1993. Nous allons

  3   sauter maintenant un document, et je vous invite à examiner le document

  4   2D1468.

  5   R.  86 ou 68 ?

  6   Q.  Vous avez raison, c'est 86. Il s'agit d'un communiqué de presse qui

  7   émane du bureau d'information de la Bosnie centrale, et il y est dit :

  8   "Hier, les terroristes, les Moudjahidines de Novi Travnik, ont enlevé

  9   Miro Jerkovic, le chauffeur, Sliskovic Vlado, Sdravko Kovacevic [comme

 10   interprété], Ivica Kambic, les officiers du HVO, les rebelles ont conduit

 11   les membres du HVO vers Rostovo."

 12   Donc la date du document est le 14 avril 1993. Il y est dit dans le

 13   paragraphe suivant :

 14   "Hier, les membres de l'armée musulmane ont essayé de mener à bien un autre

 15   acte terroriste contre Kruscica, Vitez."

 16   Ensuite, le paragraphe suivant :

 17   "Le public a déjà été informé du meurtre sournois de Mirak,

 18   Stjepica…"

 19   Ensuite, il est question des attaques contre les membres de la Brigade

 20   Kostomanic, et puis comme c'est un point de communiqué de presse, il y est

 21   dit en bas : "Le message du HVO est clair. Nous ne souhaitons pas un

 22   conflit avec l'armée musulmane. Nous souhaitons la mise en œuvre du plan

 23   Vance-Owen, qui a été signé par notre président, Mate Boban, et le

 24   président musulman, Alija Izetbegovic. Nous souhaitons la paix, et si

 25   l'agression contre la Bosnie-Herzégovine se poursuit, nous souhaitons avoir

 26   un front commun contre l'agresseur, les Chetniks. Cependant, c'est un

 27   devoir sacré du HVO de protéger ses soldats et tous les Croates qui vivent

 28   dans les provinces croates, et le HVO peut le faire.

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  1   "C'est la raison pour laquelle nous faisons appel à l'ABiH afin

  2   qu'elle traite immédiatement de ces terroristes et extrémistes, sinon le

  3   HVO le fera tout seul entièrement."

  4   Monsieur Filipovic, dites-moi, tout d'abord, est-ce que vous vous

  5   souvenez de ce communiqué de presse, et est-ce que ceci reflète également

  6   les positions qui étaient celles du HVO en Bosnie centrale à l'égard du

  7   conflit avec les Musulmans ?

  8   R.  Nous y retrouvons nos propres styles, et ceci a été envoyé par le biais

  9   de Jadranko Topic. Ceci est exact. A la fin, nous avons souligné que

 10   c'était la faute des Moudjahidines pour que les Musulmans ne considèrent

 11   pas que nous étions à l'encontre de tous, car finalement nous étions plus

 12   faibles. Donc s'agissant du style, j'étais un peu derrière cela.

 13   Q.  Monsieur Filipovic, vous vous exprimez de manière un peu vague. Vous

 14   voulez dire que ceci a été inspiré par votre style ?

 15   R.  Oui, je ne sais plus si c'est moi qui l'ai dicté ou pas, mais c'était

 16   mon style.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez épuisé les 30 minutes, mais vous pouvez

 18   disposer encore d'un temps supplémentaire dans la mesure où les deux heures

 19   n'ont pas été entièrement occupées.

 20   Monsieur le Témoin, avant de redonner la parole à Me Nozica, une petite

 21   question.

 22   Je regarde ce document, 2D1486, et je vois écrit noir sur blanc que

 23   ces Moudjahidines semblent être un fauteur de conflit entre l'ABiH et le

 24   HVO, c'est-à-dire que s'ils n'étaient pas là, il n'y aurait pas tous ces

 25   problèmes. Et le document montre qu'ils ont fait des actes contre Jerkovic,

 26   qui plus est, un attentat contre Kraljevic, et donc il est dit qu'ils sont

 27   fauteurs de monter en puissance d'un conflit entre l'ABiH et le HVO.

 28   Alors moi ça m'intéresse parce que j'essaie de comprendre si la thèse du

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  1   Procureur est bonne, si la thèse de la Défense est bonne, et si, le cas

  2   échéant, il n'y a pas d'autre raison au conflit entre le HVO et l'ABiH.

  3   Alors, vous qui étiez un acteur du terrain, est-ce que la formule qui est

  4   employée restitue bien la réalité ? La réalité pourrait être la suivante,

  5   comme le dit le document, il y a un plan Vance-Owen, on en pense ce que

  6   l'on veut, mais il existe. On dit que Mate Boban et Izetbegovic désirent la

  7   paix, tous les deux, mais voilà que ces Moudjahidines jouent un rôle. Alors

  8   qu'est-ce que vous en pensez ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est certain que les Moudjahidines n'étaient

 10   pas la cause du conflit. Ils étaient partie intégrante de l'ensemble de la

 11   situation qui prévalait dans la région, mais ils étaient autre chose par

 12   rapport à la civilisation, à l'histoire et à la situation qui prévalait là-

 13   bas. C'est tout ce que j'ai à dire concernant les Moudjahidines, car

 14   réellement parlant, ils étaient au nombre de 1 000, 1 500 personnes, mais

 15   le problème c'est que leurs troupes grandissaient car les gens du cru

 16   rejoignaient leur rang.

 17   Mais en ce qui concerne le conflit dans la vallée de la Lasva, à mon

 18   avis, les causes en étaient surtout les questions non résolues de la survie

 19   de la population dans cette région, surtout en raison du fait qu'un grand

 20   nombre de réfugiés étaient venus, ensuite le fait que les gens se sont

 21   installés dans des villages alors qu'ils n'y avaient jamais vécu

 22   auparavant, donc il y a plusieurs causes de conflit.

 23   Toute cette guerre était une guerre de division, de partage, de sorte

 24   que chaque camp essayait de trouver un moyen de s'identifier, se retrouver

 25   dans cette guerre.

 26   Par exemple, les Serbes se sont emparés de mon patrimoine à Vlasic,

 27   en 1992, par exemple, c'est une partie du territoire où les gens vivaient

 28   depuis des centaines d'années. Tout d'un coup, il y a un grand nombre de

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  1   réfugiés qui sont venus dans cette région.

  2   Donc je ne rejetterai pas toute la culpabilité sur les Moudjahidines,

  3   même s'ils ont été responsables de bien des choses dans cette région.

  4   Mme NOZICA : [interprétation] Merci.

  5   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-

  6   moi.

  7   Mais afin d'éviter tout malentendu, j'ai déjà indiqué hier que la

  8   Défense n'allait probablement pas procéder au contre-interrogatoire, compte

  9   tenu de la situation. Cependant, tout à l'heure, la Défense de M. Stojic a

 10   montré la déclaration P09008, déclaration de ce témoin fournie dans

 11   l'affaire Kordic. Compte tenu de son contenu et si elle est versée au

 12   dossier, il est dans notre intérêt de mener à bien un contre-

 13   interrogatoire. Je souhaite indiquer à la Chambre que mon contre-

 14   interrogatoire va être bref, probablement plus bref que les 24 minutes

 15   auxquelles j'ai droit.

 16   Merci.

 17   Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, je vais tenir

 18   compte de cela. J'en ai informé Mme Pinter aussi, je vais terminer d'ici 10

 19   minutes. Il me reste seulement deux minutes, car je ne veux léser personne.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Est-ce que je peux réagir

 21   rapidement, Maître Tomic.

 22   Bien sûr, vous ne pouvez pas faire dépendre votre contre-interrogatoire de

 23   la question de savoir si le document sera versé ou pas, parce que c'est une

 24   décision que la Chambre va prendre plus tard.

 25   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Juge, j'en suis tout à

 26   fait consciente, mais c'est la raison pour laquelle j'indique que c'est

 27   dans l'intérêt du travail que je souhaite contre-interroger. Je ne sais pas

 28   ce que la Chambre décidera, il est possible que la Chambre accepte le

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  1   versement de deux paragraphes ou du texte entier, je n'en sais rien. Merci.

  2   M. SCOTT : [interprétation] Comme nous sommes dans ce sujet, Monsieur le

  3   Président, Messieurs les Juges, il serait utile que nous fassions part de

  4   nos inquiétudes.

  5   Il n'est pas correct, pas du tout correct, si c'est bien l'intention

  6   du conseil, que de demander le versement. On essaie de transformer ce

  7   témoin en témoin 92 ter. C'est la seule conclusion que je peux tirer. Si

  8   c'est vrai, ceci aura un effet considérable sur notre capacité à mener un

  9   contre-interrogatoire. Parce que maintenant, on a déjà eu tout ce temps

 10   qu'a utilisé Me Alaburic, alors que bon nombre des sujets abordés ici n'ont

 11   jamais été abordés à l'audience. Nous sommes au troisième jour de

 12   l'audition du témoin, et maintenant apparemment on va voir 18 ou 14 pages

 13   qui vont faire partie de la déclaration du témoin, et c'est impossible

 14   d'être à la hauteur de la tâche en si peu de temps.

 15   Donc objection au versement de ce document, mais si la Chambre a

 16   l'intention d'autoriser ce versement, on demandera au témoin de revenir

 17   lorsque l'Accusation aura eu le temps de se préparer adéquatement à son

 18   contre-interrogatoire sur 14 pages supplémentaires.

 19   Parce que si on voulait faire de ce témoin un témoin 92 ter, il

 20   aurait fallu le dire et on aurait adapté la procédure.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

 22   Président.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous m'étonnez par ce que vous dites. Vous dites il

 24   faudra faire revenir ce témoin pour que l'Accusation puisse le contre-

 25   interroger. Je ne sais pas comment vous travaillez, mais le B.A-BA, pour

 26   préparer l'audition de ce témoin, c'était de lire ce qu'il avait dit dans

 27   Kordic.

 28   Votre collègue, M. Nice, et les avocats de M. Kordic, quand ils lui

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  1   ont posé des questions, ils lui ont posé des questions à partir de ce

  2   document, et ils ont suivi tous les paragraphes.

  3   Moi, tout à l'heure, quand j'ai vu ce document, j'ai vu le paragraphe 40 et

  4   je me suis dit, tiens, M. Coric a peut-être quelque chose à dire.

  5   Bien. Il ne faut pas des heures, des journées, des mois pour comprendre un

  6   document, surtout après quatre ans de procès. Donc vous avez les

  7   compétences nécessaires de faire face à tout sujet, et si ce n'est pas le

  8   cas, ça pose problème.

  9   Donc de toute façon, pour le moment, on n'était pas sur tout le

 10   document, Me Nozica n'a posé que quelques questions sur ce document, et

 11   c'est l'avocat de M. Coric qui veut intervenir sur le paragraphe 40. Voilà,

 12   c'est tout, on n'en est que là.

 13   M. SCOTT : [interprétation] Non, je vais commencer par la fin.

 14   Ce n'est pas tout à fait correct. Le conseil n'a pas posé une seule

 15   question au témoin, si ce n'est pour lui demander si c'était bien sa

 16   déclaration. Et c'est le genre de déclaration [comme interprété] qu'on pose

 17   au départ d'une procédure 92 ter. Il n'y a pas eu une seule question sur la

 18   teneur du texte.

 19   Je comprends et j'apprécie vos compliments à mon égard, mais quoi qu'il en

 20   soit, il y a une procédure, il y a des règles à suivre, et chaque fois

 21   qu'on viole une règle du Règlement, on ne peut pas toujours dire, mais tant

 22   pis, vous aurez à voir ce que vous ferez. Non, non, il y a une procédure à

 23   suivre lorsqu'on veut faire verser un document en application du 92 ter. Ce

 24   n'est pas le cas ici.

 25   Je peux vous dire que j'ai passé ces dix derniers jours plus d'heures

 26   que n'importe qui ici, jours et nuits à préparer ceci.

 27   Maintenant j'ai vu l'interrogatoire principal que Me Alaburic a

 28   terminé hier, il y a des sujets qu'elle n'a pas abordés. Il y en a certains

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  1   que j'ai notés, bon, je n'ai pas approfondi puisqu'elle ne les avait pas

  2   abordés.

  3   Oui, oui. J'ai confiance, je suis confiant, mais je m'oppose à une

  4   procédure par laquelle nous devons faire face à ce genre de choses. Ce

  5   n'est pas juste. Ce n'est pas permissible, à mon avis.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est au transcript.

  7   Maître Alaburic.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le

  9   permettez, j'aimerais dire quelques mots.

 10   Car dès que ma consoeur, Me Nozica, a montré ce témoin [comme

 11   interprété] en déclarant que c'était la déclaration du témoin, je

 12   souhaitais dire qu'il ne s'agissait pas d'une déclaration du témoin. Ce

 13   document, qui a été établi par le conseil de M. Kordic et qui aurait dû

 14   être le fondement de l'audition de ce témoin dans l'affaire Kordic.

 15   C'est un fait que le texte anglais de ce document a été signé après

 16   vérification par ce témoin, mais il ne s'agit pas d'une déclaration

 17   préliminaire de ce témoin. Il s'agit de phrases qui ont été écrites par le

 18   conseil de la Défense de M. Kordic. Donc, d'une certaine façon, je voudrais

 19   venir au secours de M. le Procureur, M. Scott, s'agissant de ce document.

 20   Et puis, un autre point que j'aimerais dire, c'est que je trouve très

 21   contestable le fait qu'un membre d'une équipe de Défense contre-interroge

 22   parce qu'une autre équipe de Défense s'est concentré sur un point

 23   particulier du document soumis au témoin. Si vous le permettez, je dirais

 24   que dans ce prétoire, il serait préférable de ne pas autoriser ce genre de

 25   procédure.

 26   Et puis troisièmement, même si nous supposons que ce document, qui

 27   vient de M. Kordic et de l'affaire qui lui a été intentée, soit versé au

 28   dossier de la présente affaire, eh bien, des éléments qui ont fait l'objet

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  1   de discussion avec le témoin et qui se retrouvent dans des documents ne

  2   suffisent pas pour un versement. Je tiens à indiquer que Me Nozica a mis

  3   l'accent sur des éléments d'un document qui concernent le paragraphe 29,

  4   puis les paragraphe 34 à 36 de l'acte d'accusation, ainsi que le paragraphe

  5   44. Donc, ce paragraphe 40 n'a jamais été évoqué ici.

  6   Et le fait de lier ce document à la police militaire en Bosnie

  7   centrale peut être intéressant si la Chambre l'autorise. Nous traiterons de

  8   cette question au cours de nos questions supplémentaires, dans ce cas. Mais

  9   si, en effet, il s'agit d'une nouvelle question, comme le dit M. Scott, il

 10   faut que nous en tenions compte dans la préparation de nos interrogatoires.

 11   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Peut-être ai-je été mal comprise,

 12   mais je ne joue à aucun jeu dans ce prétoire, et ce principe qui consiste à

 13   autoriser des contre-interrogatoires sur les sujets ouverts par les

 14   Défenses, ce sont des événements qui ont déjà eu lieu à plusieurs reprises

 15   dans ce prétoire. Parfois, le Procureur a déjà la parole et ensuite, la

 16   parole est rendue au conseil de Défense. Ce n'est donc pas quelque chose de

 17   nouveau ou d'inédit. Je n'ai pas l'intention d'ouvrir le sujet de la police

 18   militaire ici. Si, en ce moment, la Chambre me garantissait et qu'une

 19   décision était rendue indiquant que ce document ne sera pas versé au

 20   dossier en tant qu'élément de preuve, autrement dit, que les paragraphes 40

 21   et 41 de ce document ne seront pas versés au dossier, je n'aurais pas de

 22   contre-interrogatoire et je n'aurais rien contre. Mais en ce moment même,

 23   je ne bénéficie pas de cette garantie. C'est donc mon devoir et mon

 24   obligation de contre-interroger dans l'intérêt de M. Coric.

 25   Mme NOZICA : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que je peux interrompre

 26   tout le monde. Monsieur le Président, excusez-moi. Excusez-moi, Monsieur le

 27   Président. Une chose à dire, simplement. Excusez-moi, Monsieur le

 28   Président. Je vais demander immédiatement que l'on interrompe cette

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  1   discussion inutile. Je ne demanderai pas le versement au dossier de ce

  2   document. Je n'en demanderai pas le versement, mais je suis étonnée de voir

  3   le Procureur réagir par rapport à un document qui vient de lui. C'est un

  4   document du Procureur. Mais je n'en demanderai pas le versement. Ce

  5   document, je ne m'en suis servi que pour rappeler au témoin les sujets que

  6   j'ai l'intention de lui soumettre.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci de votre collaboration. Vous résolvez le

  8   problème.

  9   Continuez.

 10   Mme NOZICA : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Filipovic, il y a une quinzaine de minutes, nous parlions,

 12   dans le cadre de l'examen du document 2D1486 [comme interprété], nous

 13   parlions de ce communiqué destiné à l'opinion - vous n'avez pas besoin de

 14   chercher ce document - et à la fin de ce communiqué, nous lisons :

 15   "Nous prions l'ABiH, en raison de cela, de régler elle-même ses comptes

 16   avec ses terroristes et ses extrémistes; si cela n'est pas fait, le HVO le

 17   fera."

 18   Nous ne parlons pas des Moudjahidines, ici, que nous nous comprenions bien,

 19   mais nous avons bien discuté du fait que parmi les membres de l'ABiH, il y

 20   en avait qui soutenaient le conflit ouvert avec le HVO et d'autres qui

 21   souhaitaient une solution pacifique. Est-ce que ceci correspond bien à

 22   votre expérience ?

 23   R.  C'est exact.

 24   Mme NOZICA : [interprétation] Je dois faire une intervention.

 25   Il y a longtemps déjà que j'ai été avertie du fait qu'en page 12, ligne 20

 26   du compte rendu d'audience, le numéro du document était faux. Donc le bon

 27   numéro du document mentionné dans cette partie du compte rendu est 2D3067.

 28   Q.  Donc, sur le sujet que nous venons d'aborder, je vous demande

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  1   maintenant de vous pencher sur le document 2D686, document suivant dans

  2   votre classeur. C'est un document signé par M. Stjepan Siber, adjoint du

  3   commandant à l'état-major du commandement Suprême des forces armées. Donc

  4   nous parlons bien ici de l'ABiH. Vous le savez, Monsieur, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Ce document est adressé au président de la présidence, Alija

  7   Izetbegovic, au commandant de l'état-major du commandement Suprême de

  8   l'armija, et je vais maintenant vous rappeler, même si ce n'est pas

  9   indispensable, parce que peut-être que vous vous en souvenez, ce document a

 10   été rédigé après l'accord conclu à Kiseljak le 10 juin, accord qui a été

 11   soumis au témoin par Mme Alaburic en tant que pièce P2726. Vous avez dit

 12   qu'à ce moment-là, il y avait eu également remplacement du commandant de

 13   l'état-major du commandement Suprême de l'ABiH, n'est-ce pas ? C'était à

 14   peu près à ce moment-là ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Dans ce document-ci, M. Siber envoie un message qui porte sur la

 17   situation de Zenica à cette époque-là. Vous avez vous-même déclaré que ce

 18   rapport n'avait jamais été respecté et qu'en réalité, l'ABiH avait débuté

 19   les vrais affrontements après la conclusion de cet accord, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Au paragraphe 2 de ce document, nous lisons que le 26 mai [comme

 22   interprété], il y a eu discussion avec les autorités municipales de Zenica

 23   et en particulier avec Zaderovic Zenif [phon], qui a dit à Karadzic et à

 24   Franjic, devant lui, qu'en tant que citoyen, il était très déçu par le 3e

 25   Corps d'armée puisque les dirigeants de plus haut rang du 3e Corps d'armée

 26   étaient mêlés à des pillages. Il déclare que certains officiers procèdent à

 27   la liquidation de personnes après des pillages.

 28   Au paragraphe 2 de ce document, nous lisons que le 23 juin, une réunion a

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  1   eu lieu avec Hodzic, président du gouvernement régional de Zenica, et nous

  2   lisons :

  3   "Merdan est le principal organisateur des unités religieuses de Cuvalic et

  4   de Puric."

  5   Et nous arrivons maintenant au passage qui m'intéresse le plus. Je cite :

  6   "Zenica et les unités du 3e Corps d'armée sont dirigées par des criminels

  7   confirmés qui ne souhaitent pas, parce que cela irait à l'encontre de leurs

  8   intérêts, vaincre les Chetniks, mais veulent lancer des affrontements avec

  9   le HVO qui, eux, vont dans leurs intérêts."

 10   Le dernier document évoquait l'exécution de 50 civils. Dernier paragraphe

 11   du document, exécution de 50 civils par les Moudjahidines en date du 26

 12   février.

 13   Finalement, nous voyons que M. Siber, dans ce document, propose qu'au

 14   lieu de Merdan, un autre homme soit placé au poste concerné --

 15   M. SCOTT : [interprétation] Excusez-moi, on va même plus loin maintenant.

 16   On lit tout un document et il n'y a même pas de question. Quelquefois on

 17   fait semblant de poser une question à la fin d'une longue lecture, mais

 18   maintenant on ne fait même plus ça. On se contente de lire le document, et

 19   puis on passe à la lecture du second.

 20   Franchement, je ne vois aucune pertinence dans tout ceci. Je sais que

 21   vous avez dit qu'on aurait une décision demain, mais maintenant -- si ce

 22   n'est pas du tu quoque, Me Nozica doit dire à la Chambre pourquoi c'est

 23   pertinent par rapport à quelque chose de l'acte d'accusation.

 24   Le fait de --

 25   Permettez-moi de terminer.

 26   Le fait que Busovaca est mentionné dans l'acte d'accusation ne

 27   veut pas dire pour autant que tout ce qui mentionne Busovaca est pertinent.

 28   Ça fait une heure déjà maintenant qu'on lit des documents.

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  1   Vraiment, c'est inouï. Pourtant ça fait 30 ans que j'exerce mon

  2   métier. Jamais je n'ai vu quelque chose de ce goût-là. Alors, quelle

  3   pourrait être la valeur de tout ceci ?

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ferez mieux de faire comme moi. Regardez ce qui

  5   se passe dans les autres procès et comment vos collègues procèdent. Parfois

  6   ils lisent des documents pendant longtemps, puis après ils posent une

  7   question. C'est ce qu'elle fait, elle. Elle lit le document, qu'il ne

  8   connaît peut-être pas ou qu'il connaît, et elle va lui poser une question.

  9   Et nous sommes tous suspendus à la question. Et j'attends la question.

 10   Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, effectivement.

 11   Je n'ai pas eu la possibilité, je ne l'ai pas demandée d'ailleurs.

 12   J'aurais pu rencontrer le témoin si je l'avais demandé, mais je n'ai pas pu

 13   le rencontrer. Donc je ne savais pas quels seraient tous les sujets

 14   abordés.

 15   Q.  Et j'en arrive finalement à ma question. Est-ce qu'à la lecture

 16   de ce document, il ressort que l'adjoint du commandant de l'état-major du

 17   commandement Suprême, M. Siber, confirme effectivement ce que vous avez dit

 18   au principal, à savoir que l'ABiH hébergeait en son sein des extrémistes,

 19   comme on les appelle dans ce document, qui veulent à tout prix un

 20   affrontement ouvert avec le

 21   HVO ? Et nous voyons qu'ici la période concernée est celle du mois de mai

 22   et du mois de juin.

 23   R.  Siber, pour moi, était de la partie adverse, mais je l'embrasserais

 24   pour la rédaction de ce document, à savoir que je connais les hommes dont

 25   les noms figurent dans ce document; Merdan, Vran, Haracic. Et je sais

 26   également quels sont les événements qui ont eu lieu aux environs de cette

 27   date-là, à savoir un crime terrible à Bikosi et - comment ça s'appelle déjà

 28   - entre Han Bila et Guca Gora. Je ne me souviens plus du nom de la

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  1   localité.

  2   Moi, je suis arrivé en date du 10 dans le territoire dont il est question

  3   ici et je me suis bien rendu compte de l'importance de la tension et de

  4   l'importance des provocations favorables à un affrontement ouvert dont

  5   Siber parle dans ce document. Donc ceci est pertinent par rapport à

  6   l'époque, par rapport aux événements, par rapport à la réalité de ce qui

  7   s'est passé sur le territoire de la Bosnie centrale.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, dans l'affaire Kordic, M. Nice, Procureur,

  9   vous avait demandé pourquoi vous n'aviez pas rejoint l'ABiH, armée de la

 10   République de Bosnie-Herzégovine, en vous citant le cas du colonel Siber,

 11   le même qui est ici. Et vous avez répondu que vous aviez préféré prendre

 12   une autre solution. Donc je vous rappelle cela.

 13   Quand on lit ce document, qui est un document qui a été déjà utilisé par

 14   l'Accusation comme pièce à charge ailleurs - c'est un document connu - nous

 15   avons un Croate de l'ABiH qui, dans ce document, met en cause le 3e Corps

 16   et son commandement, il liste tous les crimes commis par les Moudjahidines

 17   qui, d'après lui, relèvent de Merdan, et il demande, c'est clair et net, le

 18   changement de commandement. Nous avons donc un document qui montre qu'au

 19   sein de l'ABiH il y a des dissensions. S'il y a donc des dissensions de

 20   nature militaire, c'est qu'il y a également des problèmes politiques entre

 21   les factions.

 22   A votre connaissance, car nous savons que le HVO écoutait l'ABiH, les

 23   communications téléphoniques. Nous avons un témoin qui nous l'a dit avant.

 24   A votre connaissance, quand l'ABiH faisait une action militaire contre

 25   vous, ils étaient tous du même avis, ou bien c'étaient des factions qui

 26   décidaient de faire une offensive pour tel ou tel problème, ou bien c'était

 27   un plan d'ensemble contre le HVO ? Alors, qu'est-ce que vous en pensez,

 28   parce que ce document peut éclairer une partie du conflit, même si le

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  1   Procureur estime que ce n'est pas pertinent, mais c'est son point de vue.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous êtes tout à fait

  3   sur les rails, mais je vais vous dire qu'à chaque instant je me suis

  4   considéré comme membre des forces de la Bosnie-Herzégovine, et rien

  5   d'autre, qu'on l'appelle "armée de Bosnie-Herzégovine" ou qu'on l'appelle

  6   "armée de la Republika Srpska" ou quelque autre nom qu'on lui donne.

  7   J'étais membre de la Bosnie-Herzégovine, j'en fais partie aujourd'hui et

  8   j'en ferai partie demain. Personne n'avait le droit, à mes yeux, de placer

  9   les choses dans un autre contexte que dans celui de la nécessité de

 10   défendre la Bosnie-Herzégovine. Aucune thèse ne pouvait être avancée.

 11   Et je tiens à ce que les choses soient claires, j'étais membre de la

 12   Bosnie-Herzégovine. Jusqu'à la guerre, j'étais membre de la Yougoslavie,

 13   maintenant je suis membre de la Bosnie-Herzégovine, et personne n'a le

 14   droit de me placer ailleurs que là. Ça, c'est un point.

 15   Puis, deuxième point, il est vrai qu'il existait ce que j'appellerais des

 16   forces normales et des forces plus radicales. Très concrètement, dans la

 17   période dont nous parlons et à laquelle se réfère ce document, je vais vous

 18   dire : les Musulmans de Travnik, parce que l'enclave était assez importante

 19   en taille là, à partir du 10, date de mon arrivée, les Musulmans de Travnik

 20   ne se sont pas lancés contre nous, je tiens à être précis. Pas un seul

 21   Musulman de Travnik n'a agi contre nous, et il y en avait 30 000 à Travnik

 22   à l'époque. Ceux qui sont morts en combattant contre nous, c'étaient des

 23   Musulmans de la Krajina, des Moudjahidines, des membres musulmans d'autres

 24   régions. Mais des Musulmans de Travnik, pratiquement pas un seul n'est

 25   tombé dans les combats contre nous. Je vous dis ça, parce que j'essaie de

 26   vous donner une image claire de la situation.

 27   Parce que nous parlons des Moudjahidines, mais je parlerais plutôt de

 28   radicalisation en Bosnie-Herzégovine, selon les propos d'Alija Izetbegovic

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  1   d'une part, selon les consignes d'un autre dirigeant d'autre part, mais

  2   certains défendaient une Bosnie-Herzégovine qui n'était pas celle dans

  3   laquelle je voulais vivre et me battre.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous dites qu'au sein de l'ABiH il y avait une

  5   forme de radicalisation ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai dit avant-hier, je crois. Au

  7   mois de juin 1992 déjà, il y a eu un remplacement de tous les cadres

  8   responsables dans la vallée de la Lasva, au niveau des états-majors

  9   municipaux de la Défense territoriale et jusqu'au niveau supérieur des

 10   commandements. Je crois que j'ai parlé de Lendo en particulier. Et à

 11   Travnik, j'ai vu tout d'un coup arriver Alagic et d'autres hommes. Et sauf

 12   le respect que je vous dois, tous les hommes dont je cite les noms étaient

 13   des hommes qui, sur le plan professionnel, défendaient les intérêts de leur

 14   peuple, mais ce n'est pas une politique, un genre de vie ou une

 15   civilisation à laquelle j'étais habitué, pour ma part, moi qui suis né et

 16   ait vécu toute ma vie dans cette région.

 17    Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, j'en terminerai avec

 18   le dernier document que je souhaite montrer au témoin, qui porte

 19   précisément sur les sujets qui ont fait l'objet de vos questions.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Une correction, je vous prie, Monsieur le

 21   Président, ligne 17 de la page affichée à l'instant du compte rendu

 22   d'audience. Le témoin a dit ce n'était pas une politique. Il manque le mot

 23   "not" en anglais.

 24   Monsieur le Témoin, pourriez-vous revenir sur la fin de votre dernière

 25   déclaration, la page actuelle du compte rendu, ligne 17. Est-ce que vous

 26   avez dit que c'était la politique ou que ce n'était pas la politique ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais des Musulmans, et ce qui était en

 28   train de se passer à ce moment-là n'était pas la politique qui avait cours

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  1   pendant ma jeunesse et toute la période précédente de ma vie.

  2   Mme NOZICA : [interprétation]

  3   Q.  Donc, Monsieur Filipovic, étant donné les questions qui viennent de

  4   vous être posées par M. le Président le Juge Antonetti aujourd'hui et que

  5   vous avez abordées également hier après-midi dans votre déposition, et je

  6   parle là du cadre politique qui se développait dans cette région à

  7   l'époque, donc je ne suis plus sur les questions militaires. Mais pour

  8   parler de cet aspect politique, j'aimerais que vous vous penchiez sur le

  9   document 2D3066.

 10   Il est question de : "Un comportement qualifié de négatif et d'action

 11   qualifiée de négative de la part des membres de la 7e Brigade de Montagne

 12   relevant du 3e Corps d'armée." C'est le président de la présidence,

 13   également chef d'état-major du commandement Suprême des forces armées, qui

 14   s'exprime. Ce document date du 10 mars 1993, c'est-à-dire trois mois avant

 15   les événements décrits par M. Siber, et il est signé par le chef de la

 16   direction de la sécurité, Fikret Muslimovic.Est-ce que c'était bien le

 17   poste qu'il occupait à cette époque-là au sein de l'ABiH ?

 18   R.  Oui, Fikret Muslimovic faisait partie de la sécurité de l'ABiH, tout en

 19   haut au sommet, là où les décisions sont prises.

 20   Q.  Voilà ce qu'il écrit au président de la présidence. Il

 21   dit :

 22   "Dans le cadre du 3e Corps d'armée agit également la 7e Brigade

 23   musulmane, qui a son commandement à Zenica. S'agissant de l'unité des

 24   Bérets verts de cette formation, elle est en rapport avec toute une série

 25   d'actes négatifs qui mettent en cause la dignité et l'intégrité de notre

 26   combat libérateur."

 27   Il est dit dans ce document que les membres de cette unité, depuis sa

 28   création, ne cessent de procéder à des perquisitions dans les appartements

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  1   et les maisons, qu'ils s'opposent à la police de l'ABiH et à des membres

  2   des unités du HVO.

  3   Et c'est le dernier paragraphe qui est le plus important, ici nous

  4   parlons de la politique. Je cite :

  5   "Il est manifeste qu'eu égard au comportement des membres des Bérets

  6   verts, le commandement de la 7e Brigade n'exerce pas un quelconque contrôle

  7   et n'en a pas connaissance, ce qui a provoqué des conséquences graves en

  8   matière d'organisation militaire. Nombreux sont ceux qui pensent que

  9   derrière des actions de ce genre se profile la direction du SDA de Zenica

 10   étant donné que ceci prouve que le président de la présidence, M. Alija

 11   Izetbegovic, ne fait que parler d'un état appartenant aux citoyens civils

 12   alors qu'il veut, en fait, créer un état islamique."

 13   C'est Fikret Muslimovic qui a écrit cela au mois de mars. Est-ce que

 14   ceci confirme ce que vous avez dit il y a un instant dans la réponse que

 15   vous avez faite à M. le Juge Antonetti ?

 16   R.  Peut-être que je l'ai dit, peut-être pas. Fikret Muslimovic était l'un

 17   des cadres les plus valables qu'ils avaient, comparable à Delic, à mon

 18   avis. J'ai eu avec lui toutes sortes de rixes verbales et d'autres

 19   oppositions, mais ce qu'il fait ici, c'est décrire la situation au sein du

 20   3e Corps d'armée. Plus tard en 1994, Alagic s'est plaint à moi en disant

 21   que le 3e Corps était quelque chose de différent par rapport aux autres

 22   unités de l'ABiH. Le 3e Corps, Zenica, Han Bila, et cetera. C'était, encore

 23   une fois -- enfin, je ne vais pas le redire. En tout cas, on voit là que

 24   finalement c'est Alija qui vient inspecter les troupes, et d'autres

 25   dirigeants viennent inspecter les troupes, et ce qui apparaît avec cette

 26   unité, c'est comme un volcan qui se met en éruption. Le résultat de cela

 27   est que 25 000 de mes concitoyens à Travnik n'ont pas pu continuer à vivre

 28   à Travnik. Ils y vivaient pourtant depuis leur naissance.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Je dois corriger encore une fois le compte

  2   rendu d'audience.

  3   Page 38, lignes 19 et 20, le témoin a dit qu'il connaissait Fikret

  4   Muslimovic comme l'un des cadres les plus importants, et puis il a

  5   poursuivi en disant qu'à son avis, Rasim Delic - c'était le premier nom

  6   qu'il a prononcé et qui ne figure pas au compte rendu - était le numéro 1

  7   et que le numéro 2 était Fikret Muslimovic. Voilà, il y avait juste une

  8   erreur au compte rendu. Merci de cette correction.

  9   Mme NOZICA : [interprétation]

 10   Q.  Voici ma dernière question, Monsieur --

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais il me semble qu'il

 12   y a une autre erreur. Prenez la ligne 21 :

 13   "Alagic se plaint auprès de moi, il m'a dit que le 3e Corps avait

 14   reçu les soldes ou des dons, ce qui n'avait pas été le cas du 3e Corps."

 15   On répète deux fois 3e Corps. Ça, c'est un peu contradictoire, non ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est le 3e qui l'a eu, et non pas le 7e.

 17   Maintenant, Alagic était le commandant du 7e Corps d'armée.

 18   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 19   Mme NOZICA : [interprétation] Merci de cette clarification.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant que Me Nozica pose sa dernière question. 

 21   Le document que je découvre, je ne le connaissais pas. Il est

 22   extraordinaire, il porte plus d'un titre. Le 10 mars 1993.

 23   Le numéro 2 après Delic, semble-t-il, d'après ce que vous dites, met

 24   en cause la 7e Brigade, mais met en cause directement M. Izetbegovic, le

 25   président de la présidence, à qui d'ailleurs il envoie ce document, où il

 26   accuse Izetbegovic de vouloir constituer, en réalité, un état islamique, ce

 27   qui est contraire à la constitution de la République de Bosnie-Herzégovine.

 28   Donc c'est un document également de nature politique.Ça vous étonne

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  1   ou pas que quelqu'un que vous connaissez, mais qui était de l'autre camp

  2   met en cause directement Izetbegovic ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Peut-être il s'agit d'une erreur de

  4   traduction, car ici il est dit clairement que ce qu'il affirme en parlant

  5   de la situation au sein du 3e Corps d'armée contribue à ce que les parties

  6   adversaires disaient au sujet du fait Izetbegovic crée un état musulman.

  7   Donc il dit que ces événements au sein du 3e Corps d'armée vont dans le

  8   même sens que lorsque les forces des adversaires disent qu'Alija

  9   Izetbegovic était en train de créer un état islamique. Donc il n'accuse pas

 10   Alija Izetbegovic, mais il dit simplement qu'avec les événements qui se

 11   déroulent au sein du 3e Corps d'armée, ça va réellement se passer ainsi.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je comprends ce que vous dites.

 13   Mais si au sein de l'ABiH il y a une chaîne de commandement qui

 14   serait la suivante : Izetbegovic-Merdan-7e Brigade. Est-ce que votre

 15   réponse est toujours valable ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Non. La chaîne de commandement, c'est Alija

 17   Izetbegovic-Delic Mahmuljin, qui était le commandant du 3e Corps d'armée.

 18   Donc, Izetbegovic-Delic -- non. Ici, c'est le mois de mars, donc c'est

 19   Sefer. Donc Alija-Sefer-Majhmulin, qui était le commandant du 3e Corps

 20   d'armée, ou peut-être Hadzihasanovic, et Merdan, c'était l'un des adjoints,

 21   un agent opérationnel, je dirais, au sein du 3e Corps d'armée, mais il est

 22   toujours sur le terrain. Il faisait partie de la commission chargée des

 23   négociations, peut-être aussi du commandement conjoint, et au fond, il

 24   coordonnait le travail de la 7e Brigade musulmane de l'El Moudjahid, et

 25   ainsi de suite.

 26   Mme NOZICA : [interprétation] Merci.

 27   Q.  Je posais ma dernière question, mais puisque le témoin a répondu à

 28   votre question, je vais juste relire une partie de la réponse au témoin.

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  1   Dans le document, il n'est pas question du 3e Corps d'armée. Il est dit que

  2   les opinions sont répandues, comme dit le Président Antonetti, c'est une

  3   évaluation politique, une opinion répandue est que derrière ces activités

  4   se trouve la direction du SDA à Zenica et que ceci constitue une preuve que

  5   le président de la présidence, M. Alija Izetbegovic, ne cesse de parler de

  6   l'Etat civil alors qu'il est en train de créer un Etat islamique.

  7   Voici ma question : est-ce que les Croates, dans la région dans

  8   laquelle vous étiez en 1993, avaient cette même impression, c'est-à-dire

  9   que M. Izetbegovic, officiellement, prônait un Etat civil publiquement,

 10   lors des réunions et tout ça, et qu'en réalité, il créait un Etat islamique

 11   ?

 12   R.  S'agissant des Croates, ceci ne fait aucun doute. C'est ce qu'il

 13   faisait de jure. Mais ici, il est question de Bérets verts. Hier ou avant-

 14   hier, on m'a posé une question à leur sujet --

 15   Q.  Bien. Je ne vais pas revenir là-dessus. Pardon, la réponse n'a pas été

 16   consignée au compte rendu d'audience. Attendons. Votre réponse n'a pas été

 17   consignée au compte rendu d'audience. Je vous ai posé la question de savoir

 18   si à l'époque, en 1993, pendant cette période et par la suite aussi, est-ce

 19   que les Croates avaient eux aussi l'impression que M. Izetbegovic créait un

 20   Etat islamique, alors que lors des négociations, il parlait d'un Etat civil

 21   ?

 22   R.  J'ai déjà répondu. J'ai déjà dit --

 23   M. SCOTT : [interprétation] Veuillez m'excuser. De quels Croates parlons-

 24   nous ? On est en train de demander à ce témoin de parler au nom de tous les

 25   Croates de Bosnie-Herzégovine. Je ne pense pas qu'il soit compétent pour le

 26   faire.

 27   Mme NOZICA : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai posé la question

 28   de savoir si les Croates dans la région qui était la sienne, en Bosnie

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  1   centrale, et j'ai répété la question en raison du fait que la réponse n'a

  2   pas été consignée au compte rendu d'audience.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Reposez la question au témoin.

  4   Monsieur le Témoin, vous avez bien compris ou vous voulez qu'elle vous la

  5   repose ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà répondu, mais on a dit que ceci n'a

  7   pas été consigné au compte rendu d'audience. Mais je vais répéter.

  8   Tous les Croates de la Bosnie-Herzégovine, y compris moi-même, nous

  9   avons considéré qu'Alija était en train de créer un Etat de Bosnie-

 10   Herzégovine islamique et vert, alors qu'il parlait d'une Bosnie-Herzégovine

 11   multiethnique, laïque, et cetera. Que voulez-vous penser d'un Etat - et là,

 12   il s'agit d'une période après les événements de Busovaca et autres -

 13   comment est-ce qu'on peut considérer que c'est un Etat multiethnique et

 14   laïc avec tout cela, donc, nous en avons déjà parlé.

 15   Mme NOZICA : [interprétation] Merci, Monsieur Filipovic.

 16   J'ai terminé mon interrogatoire principal.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Et puis, après la pause, c'est la Défense du général

 18   Praljak qui terminera.

 19   --- L'audience est suspendue à 15 heures 55.

 20   --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Défense de M. Praljak.

 22   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   La Défense du général Praljak demande votre permission afin que ce

 24   soit le général Praljak qui commence le contre-interrogatoire. Il s'agit de

 25   questions purement militaires portant sur les réunions entre le général et

 26   le témoin.

 27   Mais avant le début du contre-interrogatoire, je souhaite simplement

 28   indiquer quel est le lien entre le contre-interrogatoire du général Praljak

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  1   et de moi-même avec l'interrogatoire principal et l'acte d'accusation.

  2   Le contre-interrogatoire portera sur les paragraphes 33, 34 de l'acte

  3   d'accusation; le paragraphe 37, dernière phrase; et le paragraphe 39(A).

  4   Pour ce qui est du lien avec l'interrogatoire principal, il s'agit là d'un

  5   document P1988 qui figure à la page 21 du compte rendu d'audience du 30

  6   novembre de cette année. Ensuite, la page 47 418, ligne 10, il s'agit d'une

  7   page du compte rendu d'audience de la déposition de ce témoin au cours de

  8   ces deux dernières journées. Ensuite, la page 47 462 et par la suite,

  9   ensuite la page 47 468 à 47 470 du 30 novembre de cette année, et encore

 10   une fois le document P1988.

 11   Maintenant, avec votre permission, le général Praljak posera d'abord des

 12   questions militaires, et ensuite, c'est moi qui vais enchaîner.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

 14   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

 15   Messieurs les Juges. Je vous remercie.

 16   Contre-interrogatoire par l'accusé Praljak :

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Général Filipovic. Je vais

 18   essayer de faire en sorte que mes questions soient claires, aussi claires

 19   et exactes qu'une montre suisse. Donc veuillez me répondre de manière

 20   affirmative ou négative ou bien dites-moi si vous n'êtes pas au courant des

 21   faits qui font l'objet de ma question.

 22   Voici ma première question. Vous avez dit qu'au mois de mai 1992, 50 cars

 23   sont arrivés à Travnik avec environ 1 500 soldats musulmans. Voici ma

 24   question : de quel Etat sont-ils venus à Travnik?

 25   R.  Ils sont venus de la Croatie. Ils n'ont pas pu venir d'un autre pays.

 26   Q.  Est-ce que vous savez, s'agissant des cars qui les ont transportés,

 27   est-ce que leurs plaques d'immatriculation étaient surtout croates ou

 28   bosniaques ?

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  1   R.  Exclusivement croates.

  2   Q.  Est-ce que vous savez quelle était la dernière ville en Croatie dans

  3   laquelle ils se sont regroupés avant d'aller à Travnik ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Est-ce que vous savez quelle était la route qu'ils avaient prise pour

  6   aller à Travnik ?

  7   R.  Je sais qu'à ce moment-là ils pouvaient venir de Prozor, Makljen,

  8   Gornji Vakuf, Novi Travnik, et Travnik.

  9   Q.  En passant par la montagne de Vran ?

 10   R.  Et jusqu'à Tomislav Grad, oui, Vran.

 11   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Témoin, s'il vous plaît, veuillez

 12   attendre la fin de la question du général, car vos questions et vos

 13   réponses se chevauchent, et le compte rendu d'audience ne peut pas refléter

 14   vos réponses. 

 15   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] 

 16   Q.  Est-ce que ces soldats étaient vêtus d'uniforme militaire et est-ce

 17   qu'ils ont été armés ?

 18   R.  Ils portaient les uniformes, ils étaient armés, ils étaient déjà une

 19   unité.

 20   Q.  Peut-on conclure que c'est en Croatie qu'ils ont reçu les armes, qu'ils

 21   sont devenus une unité et qu'ils ont reçu ces armes, et ce, pendant la

 22   période pendant laquelle l'embargo sur les armes était en vigueur, embargo

 23   imposé par les Nations Unies ?

 24   R.  C'est exact.

 25   Q.  Voici une autre question : est-ce que vous savez si qui que ce soit de

 26   Sarajevo, que ce soit le gouvernement, un ministre ou quelqu'un d'autre,

 27   aurait donné de l'argent pour ces armes, pour ces uniformes, pour les cars,

 28   pour les pelleteuses qui ont créé la route du salut ? Est-ce que vous, en

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  1   tant que soldat du HVO, ou qui que ce soit d'autre, est-ce que vous avez

  2   reçu de l'argent ou des uniformes ou des armes quoi que ce soit de

  3   semblable du gouvernement de Sarajevo ?

  4   R.  Le gouvernement de Sarajevo n'était absolument pas impliqué dans cette

  5   arrivée des unités à Travnik.

  6   Q.  Et vous, en tant que le HVO de la Bosnie centrale, à quelque moment que

  7   ce soit, est-ce que vous avez reçu de la part du gouvernement central une

  8   solde ou des uniformes, des chaussures, des armes ou quoi que ce soit ?

  9   R.  Jamais, rien.

 10   Q.  Hier nous avons vu un document portant sur le type d'armes possédées

 11   par l'ABiH. Ma question est la suivante : est-ce que l'ABiH ou le HVO en

 12   Bosnie-Herzégovine contrôlait une quelconque usine qui fabriquait des

 13   fusils, des fusils automatiques, des fusils mitrailleuses, des canons

 14   antiaériens à deux, trois ou quatre canons, les Bofors, les ZIS, les Weber

 15   [phon], les canons ou les obusiers de 105, 122, 130 ou 135-millimètres, des

 16   Zolja, des Maljutka, des Osa, des RPG, et ainsi de suite ? Est-ce que ceci

 17   a pu être fabriqué où que ce soit en Bosnie-Herzégovine ?

 18   R.  On ne pouvait rien fabriquer en Bosnie-Herzégovine, sauf dans l'usine

 19   de Bratstvo qui, à Novi Travnik, produisait les pièces de gros calibre.

 20   Q.  Si le canon existait déjà, est-ce que --

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Désolé. Me Pinter vous a gentiment

 22   demandé d'attendre la fin de la question avant de répondre, et il faut vous

 23   permettiez aussi aux interprètes de terminer l'interprétation. Jusqu'à

 24   présent vous n'arrêtez pas de parler l'un en même temps que l'autre.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc lorsque j'ai dit Bratstvo et les gros

 26   calibres, c'est ce qui avait été produit auparavant. En 1992 et 1993, ceci

 27   n'était plus possible. Je ne sais pas s'agissant de 1994.

 28   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

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  1   Q.  Monsieur Filipovic, les pièces fabriquées à Bratstvo auparavant,

  2   comment est-ce que ceci a été divisé entre le HVO et l'ABiH ?

  3   R.  J'ai l'impression d'avoir déjà expliqué cela. Mais l'essentiel réside

  4   dans le fait qu'il fallait arriver à une communauté d'esprit dans la région

  5   s'agissant de ces armes, car elles étaient nombreuses. Donc j'ai parlé avec

  6   les Musulmans et avec les Croates, là je parle des acteurs importants

  7   politiques et militaires, par exemple, Genjac, Tamburic, et ainsi de suite.

  8   Un tiers de ces armes est allé au front sud, conformément à un accord, car

  9   les Croates et les Musulmans luttaient les uns aux côtés des autres là-bas.

 10   Un tiers est allé à Visoko, entièrement pour les besoins de l'ABiH, car ils

 11   avaient un dépôt d'armes là-bas. Et moi, j'ai gardé un tiers dans la région

 12   dans laquelle j'ai été accueilli comme commandant, et nous allions partager

 13   cela moitié-moitié avec les Musulmans. Et c'est ce que nous avons

 14   effectivement fait.

 15   Q.  Donc le troisième tiers, vous l'avez partagé avec l'ABiH dans la partie

 16   dans laquelle vous vous trouviez; est-ce exact ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Voici ma question : si s'agissant des armes que vous avez déjà vues et

 19   dont l'ABiH disposait, si ces armes-là ne pouvaient pas être fabriquées

 20   mais qu'on pouvait les saisir auprès des Serbes ou peut-être ça existait

 21   déjà auparavant ou peut-être ça pouvait provenir de la Croatie ? Quelle

 22   serait la bonne réponse parmi ces trois options ?

 23   R.  En partie, toutes les trois, mais je dirais qu'à 90 % de probabilité

 24   c'était la troisième réponse.

 25   Q.  Donc 90 % de ces armes sont arrivées de la Croatie; c'est bien ce que

 26   vous répondez ?

 27   R.  Oui, c'est ma réponse.

 28   Q.  Est-ce que l'ABiH avait des communications par la radio satellite ou

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  1   autre ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que ces appareils sophistiqués étaient produits en Bosnie-

  4   Herzégovine ou bien est-ce que, encore une fois, ceci était obtenu par le

  5   biais de la Croatie ?

  6   R.  Ceci n'a pas été produit en Bosnie-Herzégovine, mais ceci provenait de

  7   l'espace de la Croatie.

  8   Q.  Bien. Monsieur Filipovic, en 1993, c'est la chute de Jajce -- ou

  9   plutôt, 1992. Est-ce que peu après la chute de Jajce, vous m'avez vu à Novi

 10   Travnik ? Est-ce que nous avons fait connaissance l'un de l'autre ?

 11   R.  A Novi Travnik. Travnik, oui.

 12   Q.  Dites-moi la chose suivante : le HVO de Travnik, est-ce qu'il est resté

 13   dans la région de Travnik ou de Bugojno ? Là, je parle du HVO de Jajce,

 14   donc je parle des forces du HVO de Jajce. Après la défaite, est-ce qu'elles

 15   restent à Travnik ou bien est-ce qu'elles vont vers la Croatie ?

 16   R.  Compte tenu du fait que des combats violents se déroulaient jusqu'à ce

 17   moment-là à Jajce, il y avait 100 kilomètres de front et environ 4 000

 18   troupes, dont la moitié étaient le HVO, et la moitié, l'ABiH. Ces 4 000

 19   soldats sont arrivés dans la région de Travnik. S'agissant du HVO, malgré

 20   tous nos efforts, ils ont poursuivi leur chemin en prenant la route du

 21   salut, et les soldats de l'ABiH sont restés dans la région de Travnik et en

 22   partie de Zenica aussi.

 23   Q.  Est-ce que la même chose concernait les Croates et les Musulmans aussi

 24   ? Est-ce qu'il est exact de dire que les Croates de Jajce partaient vers la

 25   Croatie, alors que les Musulmans restaient à Bugojno, Travnik, Zenica, et

 26   ainsi de suite ?

 27   R.  Les soldats ne seraient pas partis si la population était restée. Donc

 28   les soldats sont partis en raison du départ de la population, alors que le

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  1   peuple musulman est resté dans la région.

  2   Q.  Tout à l'heure, vous avez parlé du fait que ceci a déstabilisé

  3   l'équilibre ethnique qui existait auparavant et que ceci était à la source

  4   de toute une série de problèmes. Est-ce qu'il est exact de dire que les

  5   réfugiés qui étaient chassés par les Serbes, d'une certaine manière, en

  6   Bosnie centrale ont ajouté de l'huile sur le feu dans une situation déjà

  7   difficile ?

  8   R.  Déjà auparavant nous avions eu un problème avec un grand nombre de

  9   réfugiés. Mais lorsque les réfugiés de Jajce sont venus, vous savez, il

 10   s'agissait de l'ensemble de la municipalité de plus de 20 000, et ceci a

 11   marqué un coup de grâce pour ce qui est des relations interethniques dans

 12   la région de la vallée de la Lasva.

 13   Q.  Donc nous avons devant nous maintenant la thèse de l'Accusation, qui

 14   affirme que Praljak y est allé probablement afin que nous puissions nous

 15   emparer de cette région, chasser les Musulmans et annexer le tout à la

 16   Croatie. Voici ma question : logiquement parlant, comment est-ce qu'il

 17   aurait été possible pour nous de laisser partir toute une brigade, que l'on

 18   laisse partir tous nos soldats, que l'on invite la partie adverse à rester,

 19   et le tout afin que nous puissions attaquer et chasser les Musulmans ? Est-

 20   ce que vous trouvez cela logique ?

 21   R.  Excusez-moi, il ne s'agissait pas seulement de la chute de Jajce, mais

 22   aussi de Karaula, Hamandjici [phon] et d'autres agglomérations qui

 23   faisaient partie de la région de Travnik et qui étaient défendues

 24   entièrement par l'ABiH ou par la Défense territoriale, alors que les lignes

 25   de front du HVO ont été tenues par le HVO et ont pu arrêter l'avancée des

 26   Serbes. Et lorsque vous êtes venu, vous vous êtes rendu personnellement

 27   avec moi à deux élévations importantes, ce qui nous a permis de constater

 28   que le HVO était encore solide pour ce qui est de la défense de cette

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  1   partie de la Bosnie centrale.

  2   Q.  Monsieur Filipovic, dites-nous, est-ce que j'ai réalisé une

  3   coopération, est-ce que j'ai pu aider plus l'ABiH ? Est-ce que Travnik a

  4   été bombardée par les Serbes; et si oui, dans quelle mesure ? Racontez aux

  5   Juges à quoi ressemblait la situation. Que faisions-nous et qu'est-ce que

  6   je faisais là-bas ? Brièvement, s'il vous plaît. Est-ce que nous avons

  7   réussi à sauver Travnik ?

  8   R.  Travnik, là c'était au moins la Défense territoriale ou l'ABiH à

  9   Travnik, était pratiquement en pleine décomposition en raison du fait que

 10   justement un tiers de la population avait été expulsée de la municipalité

 11   de Travnik. En plus, il y avait l'incapacité des unités à Hamandjici,

 12   Karaula, Softici, et ainsi de suite. Ceci a provoqué un mouvement de

 13   panique, et le HVO trouvait cette situation difficile également, car

 14   c'était un choc.

 15   Moi personnellement, j'étais étonné de voir que le lendemain de la

 16   chute de Jajce, Alija Izetbegovic a déclaré que c'était le HVO qui était

 17   coupable de la chute de Jajce, alors que ce sont des propos blasphèmes.

 18   Pour moi, la chute de Jajce a été l'événement le plus dur pendant la

 19   guerre, car s'agissant de la défense de Jajce et de l'ensemble de cette

 20   région, je m'étais investi entièrement. J'ai même été blessé

 21   personnellement. Et la chute de Jajce a remis en cause la défense de

 22   Travnik, alors que jusqu'à ce moment-là ceci ne posait aucun doute.

 23   Q.  J'étais volontaire, haut officier de l'armée croate, adjoint du

 24   ministre. Quel haut officiel de l'ABiH allait sur les collines avec moi,

 25   forçait les gens à creuser les tranchées, courait à droite et à gauche avec

 26   vous pour organiser la défense ? Qui, parmi les rangs de l'ABiH, y était

 27   avec moi ?

 28   R.  Personne, aucun.

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  1   Q.  Il y avait trois Bataillons de Lendo, et pourquoi est-ce qu'ils n'ont

  2   rien fait pour élargir le couloir vers Jajce ? Qui était Lendo ? Est-ce

  3   qu'il avait trois bataillons dans la réserve ? Pourquoi il n'avait pas

  4   attaqué Komer [phon] auparavant afin d'élargir le couloir vers Jajce ?

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Peut-on corriger le compte rendu

  6   d'audience, s'il vous plaît. A la ligne 9, il est indiqué que l'on demande

  7   au sujet des "trois Bataillons de Valenta." Or, il s'agissait de Lendo.

  8   Donc pour éviter toute confusion ultérieure, il faudrait rectifier cela.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit, il y a un manque

 10   d'organisation à Travnik et aussi à Novi Travnik, donc Novi Travnik

 11   n'aurait pas dû subir les conséquences de la chute de Jajce. Les bataillons

 12   dont vous parlez auraient dû être actifs. Je ne sais pas pourquoi ils ne

 13   l'étaient pas. Mais leur position était très favorable car nous contrôlions

 14   Mravinjac, et entre Mravinjac et Komer, c'est une distance à vol d'oiseau

 15   de 3 à 4 kilomètres. Or, c'est un col stratégique entre la vallée de la

 16   Lasva et la vallée de Vrabac.

 17   Q.  Est-ce que vous savez par hasard où se trouvait la famille de Lendo

 18   pendant que ces combats-là se déroulaient ?

 19   R.  Je ne sais pas. Je sais que les Lendo sont une grande famille et je ne

 20   sais pas exactement où se trouvait sa famille.

 21   Q.  Bien. Et dites-moi, s'il vous plaît, aussi pendant que nous organisions

 22   tout cela, combien d'obus étaient utilisés par l'armée de la Republika

 23   Srpska pour pilonner Travnik ?

 24   R.  L'armée de la Republika Srpska avait des positions autour de Travnik,

 25   et Travnik était à la portée non seulement de l'artillerie à longue portée

 26   mais aussi à courte portée. Et il y avait environ 100 obus qui tombaient

 27   par jour.

 28   Q.  Bien. Voici ce que je souhaitais savoir au sujet de Travnik. Est-ce que

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  1   nous avons évacué les réfugiés, est-ce que nous leur avons fourni les

  2   premiers soins, et est-ce que je suis resté sur le terrain suite à cela ?

  3   Et pour autant que vous le sachiez, que pouvez-vous dire de l'énergie que

  4   je déployais afin de travailler pour obtenir un rapprochement entre le HVO

  5   et l'ABiH ?

  6   R.  Je ne pouvais pas suivre toutes vos activités, mais d'après ce que je

  7   sais, vous avez fait toute ce que vous pouvez par rapport à la défense de

  8   la Bosnie centrale. Votre influence était énorme.

  9   Q.  Elle était négative ou positive ?

 10   R.  A mon avis, il n'y a aucun doute que c'était un engagement positif à

 11   l'égard de la défense.

 12   Q.  Veuillez examiner le document 4D01611.

 13   Hier, la question a été posée de savoir où était la signature du

 14   général Izetbegovic.

 15   Mme PINTER : [interprétation] Général, excusez-moi. Le numéro est 4D01611.

 16   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Bien.

 17   Q.  Est-ce que le 14 juin, Monsieur Filipovic, Travnik était déjà tombée ?

 18   Il est question du mois de juin 1993.

 19   R.  Le 10, je suis parti de Kiseljak, le 11, j'ai mené les luttes les plus

 20   intensives pour stabiliser la ligne de front et pour empêcher la percée de

 21   la partie adverse.

 22   Q.  Dites-moi, est-ce que vous m'avez revu dans la ville de Travnik fin

 23   mars début avril 1993 ?

 24   R.  Oui, et d'ailleurs, j'ai été étonné de voir que vous vous déplaciez

 25   normalement à Travnik sans escorte ni rien. Et concrètement parlant, je

 26   vous ai trouvé une fois devant un café tout seul, alors qu'il n'y avait

 27   personne dans ce café. Ceci était différent de la pratique habituelle

 28   appliquée par tous nos commandants et tous les autres qui étaient actifs

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  1   dans le domaine à l'époque.

  2   Q.  C'est exact. Et c'est ce que je pense moi aussi. Mais dites-moi, à

  3   Travnik, quelle était la proportion entre les soldats du HVO et ceux de

  4   l'ABiH, de la 17e, 7e Brigade, et ainsi de suite ? Quelle était donc la

  5   proportion entre les soldats du HVO et de l'ABiH à Travnik au début de

  6   l'année 1993 ?

  7   R.  C'était environ 5 sur 1, et en faveur de l'ABiH.

  8   Q.  Et quelle était la proportion entre la population croate et musulmane

  9   bosniaque à ce moment-là ?

 10   R.  D'après le recensement de 1991, ceci était encore une fois favorable

 11   aux Musulmans, mais je pense que là la proportion était de 3 sur 1.

 12   Q.  Bien. Regardons le document maintenant. Il est écrit, n'est-ce pas, que

 13   ce texte a été communiqué, donc il s'agit d'un ordre de Genève. S'il était

 14   arrivé par paquet, est-ce qu'il pouvait être signé ? Vous vous souvenez des

 15   documents que vous receviez de Blaskic par paquet. Ces documents ne

 16   pouvaient pas être signés, n'est-ce pas ?

 17   R.  Techniquement, non, ce n'est pas possible.

 18   Q.  Bien. Au point 4, il est dit --

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi.

 20   Monsieur le Témoin, vous avez dit techniquement il n'était pas

 21   possible d'apposer une signature. Or -- attendez, j'ai le mauvais le

 22   document. Je m'excuse. Je m'excuse. Non, non, c'était le bon document après

 23   tout, 4D01611.

 24   Ici, on voit l'en-tête de la Communauté croate d'Herceg-Bosna, à

 25   gauche vous avez une mention manuscrite. Pourriez-vous m'expliquer comment

 26   il se fait qu'il soit possible ici d'apposer une mention manuscrite, des

 27   chiffres à la main, mais qui ne soit pas possible d'apposer une signature ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons reçu cela par le biais de l'état-

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  1   major principal du HVO, et ceci a été fait pour que l'on reçoive ce

  2   document plus rapidement. Et pour moi, il n'y a rien de contestable là-

  3   dedans.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Sans doute ne me suis-je pas bien

  5   exprimé.

  6   On vous a demandé comment il se faisait que ce document que nous avons ici

  7   photocopié a pu être transmis, on a laissé entendre que ça avait été envoyé

  8   par commutation paquet. On vous a demandé aussi s'il était possible de

  9   transmettre ainsi, selon ces modalités, un document et sa signature. Vous

 10   avez dit que non, ce n'était pas faisable. Je suppose que tout le reste est

 11   exact.

 12   Je suis surpris de voir qu'ici sur ce document il y a un numéro

 13   d'enregistrement apposé à la main dans le coin supérieur gauche, alors si

 14   on peut mettre des chiffres, pourquoi pas aussi des lettres sous forme de

 15   signature. Pourriez-vous m'expliquer.

 16   L'ACCUSÉ PRALJAK : [aucune interprétation]

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, je m'adresse au témoin,

 18   Monsieur Praljak.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, s'agissant de l'aspect

 20   technique, vous souhaitez que ma réponse soit claire et exacte. Si vous

 21   considérez qu'Alija Izetbegovic n'avait pas rédigé et envoyé ce document,

 22   ça c'est une chose. Et quant à la manière dont nous l'avons reçu ou la

 23   question de savoir si ceci existe, c'est de cela que je parle. Donc

 24   s'agissant de la technique de l'envoie des documents, je ne sais pas

 25   exactement comment ça se passait. Il y avait des communications par paquet

 26   et parfois on apportait les documents et ainsi de suite.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Mais ce n'est pas ce que vous avez

 28   dit quand on vous a posé la question. Vous avez fourni une réponse très

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  1   claire alors que vous n'étiez pas au courant, n'est-ce pas ?

  2   L'ACCUSÉ PRALJAK : [aucune interprétation]

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] On ordonne une cessation immédiate des

  4   hostilités entre les unités, et cetera, et cetera. Donc, pour moi, il est

  5   tout à fait logique que ceci a été écrit et a été transmis. Je ne sais pas

  6   ce qu'on veut dire ici.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] On ne parle pas de ce qui est écrit

  8   dans le document. On parle d'un fait, sans autre question, sans "si" et

  9   "quand". Quand on envoie ceci par commutation au paquet, est-ce qu'il est

 10   possible ou pas d'envoyer ceci avec une signature ? C'était la question.

 11   Mais moi, ce que je vous dis, c'est qu'il y a quand même quelque chose qui

 12   avait été écrit à la main. Peut-être que ça n'a pas été envoyé par paquet.

 13   Moi, je trouve ça tout à fait plausible, mais sinon, je n'ai pas

 14   d'explication. Ce n'est pas possible de concilier cela avec ce que vous

 15   dites.

 16   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Je vous en prie, je vous en prie.

 17   Excusez-moi.

 18   Q.  Monsieur le Témoin, lisez --

 19   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Praljak, c'est moi qui pose

 20   des questions au témoin maintenant et je n'ai toujours pas de réponse à ma

 21   question. Si vous voulez poursuivre, faites-le, mais je m'arrêterai là et

 22   je conclurai que je n'aurai pas reçu de réponse satisfaisante. Vous pouvez

 23   poursuivre.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis --

 25   L'INTERPRÈTE : Monsieur Praljak, hors micro, n'est pas entendu par les

 26   interprètes.

 27   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

 28   Q.  Pour autant qu'on le souhaite, parce qu'ici, nous lisons : "Complément

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  1   à un ordre transmis." Donc quelqu'un a reçu un ordre, et le mot utilisé en

  2   B/C/S est "Naredba" et pas "Zapovjed" [phon], qui serait le mot utilisé par

  3   Petkovic. Petkovic aurait utilisé le mot "Zapovjed", n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Or, ici, nous lisons le mot "Naredba".

  6   R.  Oui. Sur le plan de la langue, il y a une différence.

  7   Q.  Bien. Alors, reprenons les choses au début. Quelqu'un a conclu quelque

  8   chose à Genève. A qui l'a-t-il --

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je vais dans la ligne des

 10   questions de mon collègue, qui n'a pas eu de réponse, et moi non plus, et

 11   ça me trouble.

 12   Il y a trois possibilités, peut-être quatre, mais au moins trois.

 13   Première possibilité : le document que nous avons est un faux. Il a été

 14   fabriqué pour les besoins de la cause, postérieurement au conflit, archivé

 15   dans les archives nationales croates pour donner l'impression que M.

 16   Izetbegovic était la main dans la main avec le HVO. Ça, c'est une première

 17   hypothèse.

 18   Deuxième hypothèse : il y a une transmission par paquet, on envoie le

 19   document par paquet, mais celui qui envoie le document ne met pas les

 20   chiffres "02/2" et cetera. Il ne le met pas parce qu'il est pressé et il

 21   oublie.

 22   Donc ça part et parce que par paquet, il ne peut pas y avoir une

 23   mention manuscrite. Et puis, ultérieurement, l'officier ou le soldat qui

 24   fait partir le document constate qu'il avait oublié d'enregistrer ce

 25   document et à ce moment-là, il va marquer de sa propre main, "02-2/1-01-

 26   1058/93". Et puis, à la fin du conflit, on ramasse toutes les archives et

 27   c'est ce document qui est archivé aux archives nationales.

 28   Voilà donc pour moi les explications, parce que comme le dit mon

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  1   collègue, il ne peut pas y avoir un document envoyé par paquet avec une

  2   mention manuscrite, parce que ça voudrait dire qu'à ce moment-là, on

  3   pourrait faire une signature aussi. Or, tous ceux qui ont quelques

  4   connaissances savent qu'à ce moment-là, ça se passe de manière électronique

  5   et ça part immédiatement.

  6   Mais mon collègue va rajouter quelque chose.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui. Après avoir réexaminé la

  8   question, ma conclusion et mon hypothèse est la suivante : il y a deux

  9   étapes dans cette transmission. La première étape, c'est le tronçon Genève

 10   jusqu'à l'état-major général. Ça, c'est une communication par paquet. Là,

 11   le document est reçu. Il est alors copié sur ce papier qu'on a ici avec une

 12   en-tête, et c'est à ce moment-là qu'on met la signature à la main. C'est

 13   une forme, si vous voulez, révisée, qui est distribuée. C'est sous cette

 14   forme-là que le document est distribué. Est-ce que c'est possible ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà comment ça s'est passé. Je vais entrer

 16   dans le détail du document.

 17   L'état-major principal du HVO transmet le texte de l'ordre émanant de

 18   la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine à Genève, et ce texte,

 19   cette "Naredba", cet ordre est diffusé auprès de toutes les autres zones

 20   opérationnelles, donc pas seulement auprès de la zone opérationnelle de

 21   Bosnie centrale, mais auprès de toutes les zones opérationnelles. Il est

 22   possible que ce texte ait été transmis par la poste à tout le monde sauf à

 23   nous au sein de la zone opérationnelle de Bosnie centrale à Vitez, parce

 24   qu'à ce moment-là, nous étions totalement coupés du reste du monde. Il est

 25   possible aussi que ce document soit arrivé un mois plus tard, au moment où

 26   un hélicoptère a atterri, après sept à 15 jours. Donc, à ce moment-là, la

 27   poste pouvait arriver de nouveau. Donc, voilà, sur le plan technique, ce

 28   qui a pu se passer. Nous avons perdu beaucoup de temps. Je ne vois pas le

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  1   moindre motif pour perdre tant de temps, mais vous êtes dans cette affaire

  2   depuis plus longtemps, donc vous pouvez le comprendre, peut-être.

  3   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] C'est nous qui sommes responsables

  4   du temps, pas vous. Ne vous en faites pas. Ce n'est pas votre souci.

  5   Continuez, Monsieur Praljak.

  6   L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

  7   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

  8   Q.  Voyons un peu comment fonctionne l'armée. J'envoie une "zapovjed", un

  9   ordre, à Tihomir Blaskic, disons. Que fait Blaskic ? Est-ce qu'il prend cet

 10   ordre, il est saisi, il y appose un numéro de référence et il émet son

 11   propre ordre, éventuellement, qui est diffusé auprès de la hiérarchique

 12   subalterne, ou bien est-ce qu'il se contente de renvoyer mon ordre ?

 13   Qu'est-ce qui se fait dans l'armée ?

 14   R.  Blaskic doit envoyer son ordre à lui à ses subordonnés.

 15   Q.  Mais bon, Blaskic envoie son ordre au niveau inférieur. Et Petkovic,

 16   que fait-il alors ?

 17   R.  Conformément à ce que j'ai dit, il rédige son propre ordre à cette fin.

 18   Q.  Est-ce qu'il doit y apposer un numéro de référence ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Donc l'état-major principal émet un ordre destiné à ses unités, ordre

 21   reçu à l'origine du président de la présidence, et il transmet l'original

 22   de cet ordre. Est-ce que c'est ainsi que les choses se passent ?

 23   R.  Elles n'auraient pas pu se passer autrement.

 24   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans ce cas-là, Monsieur le Témoin,

 25   est-ce que le général Petkovic n'aurait pas signé en sa qualité de chef

 26   d'état-major plutôt que d'envoyer un document disant "signé" ou "pas signé"

 27   -- oui, "signé : président de la présidence de la République de Bosnie-

 28   Herzégovine, Alija Izetbegovic", si maintenant c'est Petkovic qui donne cet

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  1   ordre ? Et d'ailleurs, nous avons vu plusieurs ordres de ce genre qui

  2   avaient été transmis. D'abord, ils étaient venus de Mate Boban, après quoi

  3   ils sont allés de l'état-major principal à la zone opérationnelle, et le

  4   chef de l'état-major le remet en tant qu'en son ordre. Donc je suis tout à

  5   fait d'accord avec la façon dont vous nous avez présenté les choses.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, au paragraphe 2, nous voyons que :

  7   "L'ordre a été traité, et les commandants responsables sont pour

  8   l'exécution de cet ordre : le commandant Rasim Delic, et le commandant de

  9   l'état-major général du HVO, Milivoj Petkovic également."

 10   Donc il indique ceci pour dire de façon claire quel est le niveau

 11   hiérarchique, qui est responsable. Il n'introduit pas Milivoj Petkovic,

 12   enfin il n'introduit rien.

 13   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

 14   Q.  Mais il respecte le protocole.

 15   R.  Du point de vue de la teneur du texte, il n'ajoute rien, c'est ça que

 16   je voulais dire.

 17   Q.  Ce document tel que vous le voyez, est-ce qu'il a été reçu à l'état-

 18   major principal avec un numéro de référence, un numéro d'ordre ?

 19   R.  Ceci est exact.

 20   Q.  C'est bien ça. Est-ce que cet ordre au paragraphe 2 concerne aussi bien

 21   le commandant de l'ABiH Delic que le commandant de l'état-major principal,

 22   Milivoj Petkovic ? Vous voyez que l'on parle de "Komandant" et de

 23   "Zapovjednik". Ce sont deux mots différents utilisés dans les deux armées

 24   pour désigner un commandant d'une part, dans l'ABiH, et d'autre part, en

 25   croate pour le HVO; est-ce que c'est exact ?

 26   R.  Exact.

 27   Q.  Bien sûr, les deux sont écrits.

 28   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Combien nous reste-t-il de temps ?

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  1   Q.  Penchez-vous rapidement sur le document 1D03151.

  2   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, mais j'aimerais avoir

  3   la réponse à la question que vous avez posée. Il vous reste combien de

  4   temps ?

  5   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez utilisé 25 minutes déjà.

  7   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation]

  8   Q.  Alors, nous avons encore du temps. 1D03151. Ceci est-il une sorte de

  9   loi, comme le dirait l'armée populaire yougoslave, à savoir un "règlement

 10   applicable par les brigades" qui décrit comment il convient de se comporter

 11   de la part des différentes brigades; est-ce exact ?

 12   R.  Le règlement des brigades était la bible au sein de la JNA.

 13   Q.  Merci. Page 201 : "Structure de la zone de défense des brigades." Vous

 14   connaissez sûrement par cœur les pages qui se suivent, n'est-ce pas ?

 15   R.  J'ai déjà dit que c'était la bible.

 16   Q.  Répondez à ma question. Connaissiez-vous cette bible ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Et ici, il est question de ce dont il faut s'occuper quand on est

 19   commandant de brigade en profondeur du territoire. Voici ma question

 20   fondamentale : est-il question de problèmes militaires ou est-ce que cela

 21   aurait un rapport avec des problèmes civils ?

 22   R.  Ici, il est exclusivement question de problèmes militaires. Il s'agit

 23   de coordination d'affaires militaires qui ont une influence sur la défense

 24   dirigée par ce commandant.

 25   Q.  Ici, on parle d'une véritable brigade avec des effectifs complets, et

 26   cetera. Veuillez dire aux Juges de la Chambre de combien de chars dispose

 27   une brigade de blindé, par exemple ?

 28   R.  Le Bataillon 40, 120 chars sans parler des autres blindés.

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  1   Q.  Il faut à ces chars des munitions, du carburant, un atelier de

  2   réparation, et tout cela est prévu quelque part dans les arrières, n'est-ce

  3   pas ?

  4   R.  Exact, il existe des bases logistiques.

  5   Q.  Et puis vous assurez la sécurité des camions, des dortoirs, et cetera.

  6   Tous les éléments liés à cette brigade, la sécurité en est assurée par

  7   l'armée, n'est-ce pas ?

  8   R.  Exact.

  9   Q.  Je ne vais pas vous lire tout ce qu'il y a encore dans ce livre, mais

 10   enfin dites-moi ce qui suit : quel rapport effectif y a-t-il entre une

 11   brigade décrite comme elle est dans ce document, une brigade comme dans une

 12   armée moderne, et ce que vous aviez au sein du HVO ? Votre brigade du HVO,

 13   qu'est-ce qu'elle possédait dans les arrières ?

 14   R.  Je comparerais cela à une mer gelée. Le front serait la superficie d'un

 15   océan gelé, et ensuite, en profondeur, il n'y a plus de glace. Il n'y a

 16   plus rien. Donc fondamentalement, cela représenterait les hommes qui

 17   séjournent à leurs domiciles.

 18   Q.  Donc ce que vous voulez dire aux Juges de la Chambre est très clair,

 19   nous n'avions pas d'arrière; c'est bien ça ? Nous avions à peine une ligne,

 20   un front ?

 21   R.  Nous n'avions une profondeur de front que de 2 kilomètres. Et à

 22   l'arrière de cela, il n'y avait pas d'arrières pour ces unités.

 23   Q.  Mais est-ce que la profondeur était même inférieure à 2 kilomètres ?

 24   R.  Oui, moins de 2 kilomètres.

 25   M. LE JUGE PRANDLER : [interprétation] Ecoutez, respectez les règles ici.

 26   Attendez que chacun ait terminé.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous avons donné quelques minutes de

 28   plus à Me Alaburic, et maintenant vous avez quelques minutes de plus. Vu

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  1   que les circonstances sont assez exceptionnelles, nous n'allons pas avoir

  2   notre rigueur coutumière.

  3   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Ceci sera ma dernière question,

  4   Monsieur le Juge.

  5   Q.  Donc une profondeur maximum de 2 kilomètres, est-ce que c'était bien le

  6   maximum ? Est-ce que souvent la profondeur de la ligne était inférieure à

  7   cela ?

  8   R.  C'était la ligne des tranchées. Mais comme je suis statisticien, je dis

  9   que la ligne varie, donc jusqu'à 2 kilomètres, et quelquefois 5 mètres

 10   finalement.

 11   L'ACCUSÉ PRALJAK : [interprétation] Monsieur Filipovic, je vous remercie

 12   d'être venu. Je vous remercie de m'avoir répondu.

 13   Je présente encore une fois toutes mes excuses pour les chevauchements, car

 14   malheureusement cela nous a vraiment blessés, et nous pouvons pas ne pas

 15   perdre un peu les nerfs lorsque nous discutons de ces questions. Encore une

 16   fois, toutes mes excuses aux interprètes, aux Juges de la Chambre et à tous

 17   les autres. Merci beaucoup.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Trois questions de suivi. Avec le texte que nous

 19   avons sous les yeux, on va vraiment devenir des spécialistes de la JNA,

 20   parce qu'on rentre dans le détail, mais le détail est important.

 21   Si je comprends bien, d'après les textes de la JNA, mais comme il y

 22   avait des officiers de la JNA au HVO, à l'ABiH et à la Republika Srpska,

 23   tout le monde devait travailler à peu près de la même façon. Et en plus,

 24   vous, vous étiez lieutenant-colonel de la JNA, donc un officier supérieur

 25   qui a une très grande connaissance des problèmes militaires, d'où l'intérêt

 26   des questions que l'on vous pose.

 27   D'après les documents de la JNA, la zone de défense doit faire normalement

 28   20 kilomètres au maximum. Mais comme le dit le document, c'est la brigade

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  1   qui occupe ce positionnement en profondeur, 20 kilomètres. Le document dit

  2   concernant la zone de défense du bataillon, que du bataillon ce n'est que

  3   de quelques kilomètres, 2 à 3 kilomètres. Sur ce, le général Praljak vous

  4   pose des questions sur le nombre de tanks d'une brigade, et vous dites les

  5   brigades du HVO, en réalité, en n'avait pas les moyens, et la zone de

  6   défense, ce n'était pas 20 kilomètres, mais c'était au maximum 2

  7   kilomètres.

  8   C'est bien ce que vous nous dites ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a une largeur de la zone, et dans le cas

 10   qui nous intéresse, je l'ai d'ailleurs déjà dit, la Brigade de Jajce

 11   couvrait une ligne qui s'étirait sur 100 kilomètres. Mais en ce qui nous

 12   concerne, eu égard à la brigade, nous avions en moyenne une largeur de 10

 13   kilomètres. Quant à la profondeur de la ligne de défense, elle était de 2

 14   kilomètres au maximum.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez été très précis. Tout le monde a ça

 16   maintenant en tête.

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Une correction, Monsieur le Président.

 18   Ligne 18, il est écrit que le témoin aurait dit : "but the zone was 2

 19   kilometers." Or, le témoin a dit que c'était la profondeur qui était de 2

 20   kilomètres. Il n'a pas dit que la zone était de 2 kilomètres, mais que la

 21   profondeur était au maximum de 2 kilomètres.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Coric.

 23   L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Je vous prierais de me permettre de poser

 24   une question militaire au général, étant donné le sujet dont nous sommes en

 25   train de discuter. Vous m'y autorisez ? Ce sera très court.

 26   Général, nous discutons ici de la zone des combats. Permettez-moi de dire

 27   que je connais assez bien le territoire de la Bosnie qui était sous le

 28   contrôle du HVO. Conviendrez-vous avec moi que toute la superficie de la

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  1   Bosnie centrale, et n'oublions pas que vous avez dit qu'il y avait 800

  2   mètres entre les différentes lignes de front et que tout le secteur était

  3   un secteur où se déroulaient des combats, une zone de combat. Conviendrez-

  4   vous avec moi que ce que je dis est exact; et si ce n'est pas le cas,

  5   pourriez-vous nous dire quelle était la zone de Bosnie centrale qui ne

  6   faisait pas partie de la zone de combat ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de définir la zone de combat dans

  8   son intégralité, je dirais qu'elle était définie par la portée possible des

  9   armes de l'ennemi. Or, ce n'est pas une définition correcte de la zone de

 10   combat. Il y avait tout de même des espaces qui ne faisaient pas partie de

 11   la zone de combat, ou en tout cas qui n'étaient pas accessibles par les

 12   armes de l'ennemi dans les profondeurs, mais je peux convenir avec vous que

 13   sur ces deux kilomètres, l'étendue des combats était beaucoup plus

 14   importante.

 15   L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Général, je suis d'accord avec vous. Je

 16   crois que nous parlons de la même chose. Quelle est donc la superficie de

 17   la Bosnie centrale que l'ABiH ne pouvait pas atteindre par ces canons ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] L'ABiH pouvait tout atteindre avec un fusil.

 19   L'ACCUSÉ CORIC : [interprétation] Merci beaucoup. J'en ai terminé. J'espère

 20   que votre réponse a bien été consignée au compte rendu.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une deuxième question. C'est concernant Jajce.

 22   J'ai écouté ce que vous avez dit avec grande attention. On comprend que

 23   l'ABiH et le HVO se replient sur Travnik. Vous avez cité le nombre

 24   considérable de soldats présents, et vous nous avez dit que les soldats du

 25   HVO sont partis et ont laissé les Musulmans en place. Vous avez dit, pour

 26   vous, ça a été un facteur capital; le fait que les Musulmans sont restés à

 27   Travnik, ça a changé les choses. En vous entendant dire cela, je me suis

 28   posé la question de savoir si le HVO était resté, est-ce que ça aurait

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  1   changé la situation de Travnik ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Après la chute de Jajce, si les Croates

  3   étaient restés à Travnik, la situation serait restée identique à celle qui

  4   a précédé à la chute de Jajce. Donc la situation aurait été identique à

  5   celle qui présidait avant ce moment-là. Mais il y a eu la chute. Cela

  6   étant, les Croates ne pouvaient pas rester à Travnik, car à ce moment-là,

  7   je crois que des millions, un million en tout cas, sinon un demi-million de

  8   Musulmans étaient à Travnik. Ils n'avaient rien. Ils savaient comment se

  9   débrouiller pour vivre à Travnik éventuellement, mais ils savaient aussi

 10   comment ils auraient pu vivre s'ils étaient partis pour la Croatie ou

 11   ailleurs.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. J'ai été très étonné par une

 13   question que vous a posée le général Praljak, et vous avez dit que chaque

 14   jour tombaient à Travnik 100 obus, 100. Je suis allé à Travnik, et je n'ai

 15   pas eu l'impression que Travnik était une ville détruite comme Vukovar ou

 16   Stari Grad. Alors, si les obus tombent, ça détruit des maisons. Vous êtes

 17   bien certain qu'il y a 100 obus qui tombaient, et ça détruisait des maisons

 18   ? Parce que je ne les ai pas vus.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] La ville est détruite si on y met un pied.

 20   Quant aux pièces d'artillerie, le nombre d'obus nécessaires n'est pas

 21   important. Jajce, pour nous, n'est pas un espace très vaste. Il n'y a pas

 22   besoin de beaucoup d'obus. Cent obus, pour nous, ce n'est pas énorme. Bien

 23   sûr, les civils voient pleuvoir ces obus. Je ne sais pas si vous avez

 24   remarqué des impacts sur des bâtiments ou si vous avez vu des réparations,

 25   mais ce que j'ai dit, c'est qu'il y avait une partie de la ville qui avait

 26   été touchée, et je parle de la période où M. Praljak se trouvait là-bas.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous dites une partie de la ville a été touchée

 28   et il y a des impacts sur les murs. Ça, c'est vrai, vous avez raison. Il

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  1   suffit d'aller à Travnik pour voir des impacts. Mais les maisons, elles

  2   n'ont pas été rasées.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Elles ne sont pas forcément rasées. Par

  4   exemple, de mes yeux, j'ai vu les combattants du HVO recevoir sur la tête

  5   au moins une centaine d'obus lourds en une heure et demie.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : C'est clair.

  7   Maître Pinter.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] J'ai une autre question à propos de

  9   ces tirs d'artillerie.

 10   Il y a, bien sûr, différentes façons d'utiliser l'artillerie. Il y a

 11   des grenades qui explosent lorsqu'elles frappent le sol et c'est là

 12   qu'elles détruisent ou alors il y a d'autres qui explosent dans l'air avant

 13   de toucher le sol. Et ensuite, il y a des shrapnels qui retombent et qui

 14   sont très dangereux pour toute cible qui n'est pas dure. Donc vous dites

 15   qu'il y avait une centaine d'obus, mais étaient-ce des obus type grenade ou

 16   est-ce que c'étaient des obus type explosion dans l'espace ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous appelions ça des essais de visée quand on

 18   lance un obus pour voir où il y va atterrir. Il y en a eu aussi des tirs de

 19   ce genre, des tirs d'essai, je dirais 10 à 15 % par rapport au total.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Pinter, avant la pause. Vous pouvez terminer,

 22   oui.

 23   Mme PINTER : [interprétation] Je ferai tout ce que je pourrai pour en

 24   terminer avant la pause.

 25   Contre-interrogatoire par Mme Pinter :

 26   Q.  [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez sous les yeux une série

 27   de documents sur lesquels il est écrit "3D". Faute de temps, je sauterai

 28   les autres documents, mais je tiens beaucoup à ce que nous discutions du

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  1   3D01731.

  2   Et je vous demanderais d'abord si vous connaissez Davor Kolenda.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous êtes proche de lui, par exemple, est-ce que vous pouvez

  5   reconnaître, à la fin de la page, si c'est sa signature qui y figure ? Ou

  6   bien est-ce que vous n'êtes pas suffisamment en contact pour pouvoir

  7   vérifier cela ?

  8   R.  C'est mon neveu, donc je le sais.

  9   Q.  Donc vous pouvez confirmer que c'est bien sa signature ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Ma question suivante est de savoir : tout d'abord, je souhaite que l'on

 12   parcoure cette déclaration ensemble. Davor Kolenda était à Travnik en 1992-

 13   1993, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui, avec toute sa famille, avec mes parents aussi et les siens.

 15   Q.  Est-ce qu'il exerçait certaines fonctions ?

 16   R.  Pendant le dernier mois ou deux, il était l'un des employés du

 17   gouvernement civil au niveau de l'état-major municipal.

 18   Q.  Dans sa déclaration, il est indiqué qu'il a été arrêté par l'ABiH vers

 19   le 20 avril 1993. Est-ce que vous avez des connaissances correspondant à

 20   cela ?

 21   R.  Oui. Lorsqu'il allait de Manjac vers Kalibunar.

 22   Q.  Est-ce que le nom de Ivo Fistic vous dit quelque chose ?

 23   R.  Ivo Fistic était l'un de ses collègues, lui aussi, mais lui a été

 24   emmené à Orasac ou Han Bila, et il y est resté en détention pendant des

 25   mois.

 26   Q.  Nous sommes toujours en train de parler de l'année 1993, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Avez-vous des connaissances indiquant que Davor Kolenda aurait mené des

Page 47640

  1   négociations concernant le retrait des civils, des Croates ?

  2   R.  Oui. Quelques jours avant le départ de la population, il est allé au

  3   mont Vlasic. Il a eu une réunion avec Slobodan, qui était son témoin de

  4   mariage, et les Serbes ont respecté le fait que les gens avaient traversé

  5   le territoire de la Republika Srpska pour partir, mais --

  6   Q.  On parle de quelle population ?

  7   R.  Des gens de Travnik, les miens sont partis, sauf mes parents, qui sont

  8   restés à Travnik. Donc au cours des dix mois qui ont suivi, pendant toute

  9   cette période, mes parents y sont restés.

 10   Q.  1993. Lorsque vous dites la population qui a traversé le mont Vlasic;

 11   c'était les Croates ?

 12   R.  Oui, les Croates.

 13   Q.  Pourquoi est-ce qu'ils partaient ?

 14   R.  Au cours de toute cette période, nous avons parlé des pressions, des

 15   actions de faible intensité, des drapeaux, des uniformes, du comportement,

 16   du fait que l'on procédait aux arrestations et ensuite aux libérations. Sur

 17   la carte, nous avons montré quatre points de rupture de communication, mais

 18   il y a eu beaucoup plus de ruptures de communication. Donc il s'agissait de

 19   tirs. En fait, je parlais tout à l'heure des coupures de routes. Et puis,

 20   s'agissant des tirs, je ne sais pas si vous pouvez imaginer lorsque les

 21   balles sifflent tout autour.

 22   Q.  Vous parlez des activités de combat ?

 23   R.  Oui, des activités de combat.

 24   Q.  Bien. Est-ce que vous étiez au courant d'un ordre donné par le colonel

 25   Blaskic concernant le transfert des soldats de Nova Bila en prenant la

 26   route passant par des villages de Jankovici, Tacici [phon], Jasvici [phon]

 27   et Guca Gora, à la page 5 ?

 28   Mme PINTER : [interprétation] Je vais répéter ma question.

Page 47641

  1   Q.  Est-ce que vous étiez au courant de l'ordre de Blaskic portant sur

  2   l'évacuation à Nova Bila s'agissant de la population et de l'armée ?

  3   R.  C'est Leutar qui m'a remplacé à mon poste de commandant de la brigade

  4   lorsqu'à Ovcarevo les gens se sont regroupés, il a essayé de les dissuader.

  5   Donc c'était un endroit qui était à deux heures des Serbes, et il est

  6   arrivé dans un véhicule de la FORPRONU, et il a vu à quoi la situation

  7   ressemblait. Et ensuite, il est rentré au commandement, au siège, il a

  8   soumis un rapport au sujet de la situation. Et je suppose que Blaskic a

  9   donné cet ordre car il se disait que si les gens veulent partir, il n'était

 10   pas possible de les empêcher, et il a dit qu'alors, la Brigade de Travnik

 11   devait être transférée par le mont Vlasic et s'agissant de la zone qui

 12   n'était toujours pas contrôlée par l'ABiH - au moins, à son avis - il

 13   fallait la déplacer vers la partie inférieure de la municipalité de Travnik

 14   et Vitez.

 15   Q.  Est-ce que les gens qui s'étaient regroupés devant l'église à Ovcarevo,

 16   est-ce qu'il a pu les persuader d'aller à Sarajevo [comme interprété] ?

 17   R.  Pour moi, c'est une question absurde. Je dois dire non.

 18   Q.  Je devais vous poser cette question.

 19   R.  Bien.

 20   Q.  Une seule question encore. Est-ce que vous savez que Kolenda était à

 21   Manjaca ?

 22   R.  Kolenda était à Manjaca avec 800 à 900 personnes pendant environ 15

 23   jours, je pense.

 24   Q.  Et comment est-ce qu'il est arrivé là-bas ?

 25   R.  Tous les hommes aptes à combattre ont été transportés à Manjaca de cet

 26   endroit, et dans notre région, déjà à cette époque-là et par la suite

 27   aussi, Manjaca était un synonyme des souffrances et de l'impossibilité de

 28   vivre comme un être humain dans ce camp.

Page 47642

  1   M. KOVACIC : [interprétation] Il y a un problème au compte rendu, pour

  2   éviter toute erreur par la suite, il faudrait le corriger. C'est à la ligne

  3   12 qui se trouve ici, page 71. Ma consoeur a demandé si qui que ce soit

  4   avait essayé de persuader les gens d'aller en Herzégovine et au compte

  5   rendu il est écrit "à Sarajevo".

  6   Mme PINTER : [interprétation] Je n'ai pas posé la question au sujet de

  7   Sarajevo, car c'est l'Herzégovine qui est mentionnée dans l'acte

  8   d'accusation.

  9   Q.  Je voulais vous demander la chose suivante d'après la déclaration dont

 10   nous sommes en train de parler et par le biais de mes questions, je pose

 11   des questions portant sur ce qui figure dans la déclaration - et je le dis

 12   aussi pour le compte rendu d'audience, pour qu'il soit reflété que l'on

 13   parcoure la déclaration - il est dit que 454 soldats et 50 policiers, au

 14   total 504 soldats sont allés à Manjaca et qu'il s'agissait des conscrits

 15   militaires âgés de 15 à 55 ans. Est-ce que Davor Kolenda vous a dit quelque

 16   chose au sujet de l'âge des personnes qui ont été amenées à Manjaca ?

 17   R.  J'ai déjà parlé du fait que c'était les hommes aptes à combattre à

 18   partir de 18 ans et peut-être même jusqu'à 60, 65.

 19   Q.  Et 15 ans ?

 20   R.  Ça dépendait. Si la personne avait une pièce d'identité prouvant cela,

 21   il était considéré comme un mineur. Mais vous savez, les Serbes ne

 22   sélectionnaient pas les gens suivant le critère de l'âge, s'ils avaient 15

 23   ans ou 18 ans. S'ils étaient aptes à combattre, ils étaient amenés là-bas

 24   et voilà.

 25   Q.  Il est écrit ici : 

 26   "Le 18 juin 1993, en coopération avec le curé de Borovice nous avons

 27   eu une réunion avec la population locale, nous leur avons demandé de ne pas

 28   fuir leurs foyers. Nous leur avons promis de les défendre, et il y avait

Page 47643

  1   beaucoup de réfugiés de Vares, de Kraljeva Sutjeska déjà."

  2   Est-ce que vous avez des informations concernant cette déclaration --

  3   contenues dans cette déclaration ? Est-ce que vous savez où se trouve

  4   Borovice ?

  5   R.  Oui, c'est un village important dans la municipalité de Vares. Ils sont

  6   venus dans la municipalité de Vares et ils ont été déployés pour mener des

  7   activités de défense là-bas. Mais pendant cette période, l'intensité des

  8   attaques de l'ABiH était telle -- et surtout en raison de Kakanj et des

  9   réfugiés de Kakanj, ils n'ont pas pu le faire surtout Brgule [phon].

 10   Q.  Bien. Nous en avons terminé pour ce qui est de ce document. J'ai besoin

 11   de moins d'une minute pour que l'on se penche sur le document dont le

 12   numéro est 3D03792. Il concerne directement le document P1988. Nous l'avons

 13   mentionné lorsque nous avons parlé du commandement conjoint. Il y est écrit

 14   "Colonel Filip Filipovic." Est-ce que vous étiez l'auteur de ce document ?

 15   Est-ce que vous savez quoi que ce soit au sujet de ce document ?

 16   R.  [aucune réponse verbale]

 17   Q.  C'est un document du 21 juin 1993. Il est question du commandement

 18   conjoint avec les acteurs internationaux et ils demandent à ce que vous

 19   leur fournissiez une réponse ferme.

 20   R.  J'étais encore membre du commandement conjoint et je pense que ceci

 21   concernait aussi des réunions avec les représentants de la communauté

 22   internationale. Donc ceci a la forme d'une question, on demande ce que l'on

 23   est en train de faire. Mais je répète, c'était une période d'attaques

 24   intenses, de conflits intenses.

 25   Q.  C'est votre document ?

 26   R.  Oui, c'est mon document. Je vois aussi d'après la manière dont ceci a

 27   été écrit, il est écrit que l'auteur était F.F. et que c'était

 28   dactylographié par K.B. J'essaie de me rappeler qui a dactylographié cela

Page 47644

  1   car les autres ne l'indiquaient pas ainsi.

  2   Q.  Mais il est écrit "Filip Filipovic". C'est vous ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et il en découle qu'à ce moment-là, encore le 21 juin 1993, vous étiez

  5   encore membre du commandement conjoint ?

  6   R.  Oui, ça n'a pas encore été aboli.

  7   Q.  A ce moment-là, est-ce que Travnik était déjà tombée ?

  8   R.  Oui.

  9   Mme PINTER : [interprétation] Merci, j'ai terminé le contre-interrogatoire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, nous allons faire dans quelques instants la

 11   pause, mais j'aurais une question à vous poser que je voulais vous poser

 12   déjà hier. Comme on a un petit peu de temps avant la pause, je vais vous la

 13   poser.

 14   Hier, nous avons vu la vidéo où il y avait la rencontre Petkovic,

 15   Halilovic, et tout le monde, vous-même vous étiez là, puis nous avons vu

 16   l'Espagnol qui présidait. En réfléchissant cette nuit, je me suis demandé,

 17   dans ce type de réunion où vous étiez face à face, HVO/ABiH, vous étiez

 18   armés ou désarmés ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] S'il y avait des armes, c'étaient des armes de

 20   type pistolet. Mais moi je pense que personnellement je n'en avais pas,

 21   pour autant que je le sache, personne n'en avait. Et je suppose que les

 22   gens de l'escorte de l'ABiH en avaient.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. La tente qu'on a vue, c'était des Espagnols qui

 24   l'avait installée ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est là que se trouvait la base provisoire du

 26   Bataillon espagnol. C'était leur tente.

 27   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Observation au compte rendu.

 28   Page 74, ligne 3, le "21" qui devrait être devant le mois de juin

Page 47645

  1   1993 a été perdu, donc il faudrait que ça soit le 21 juin 1993.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors nous allons faire la pause de 20

  3   minutes, après quoi M. Scott commencera le contre-interrogatoire.

  4   --- L'audience est suspendue à 17 heures 36.

  5   --- L'audience est reprise à 17 heures 57.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est donc reprise.

  7   Monsieur Scott, vous avez la parole.

  8   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Bonsoir, Messieurs les Juges. Bonsoir à tous et à toutes.

 10   Contre-interrogatoire par M. Scott :

 11   Q.  [interprétation] Bonsoir, Monsieur Filipovic. Commençons ce soir tout

 12   du moins de façon assez chronologique. Vous étiez colonel le 10 avril 1992

 13   lorsque vous avez quitté la JNA, n'est-ce pas ?

 14   R.  Lieutenant-colonel, mais cette année-là j'aurais dû être promu au grade

 15   de colonel.

 16   Q.  Et pourquoi avoir quitté la JNA à cette date ?

 17   R.  Parce que la JNA n'était plus la JNA. Elle était devenue autre chose.

 18   Je vais vous donner un exemple.

 19   Il y avait un homme avec lequel j'avais été de service depuis 20 ans,

 20   c'était un Yougoslave, autrement dit, il a adhéré à la ligue des

 21   Yougoslaves, fraternité, unité, et cetera, et tout d'un coup, je me suis

 22   rendu compte qu'il était entré dans l'armée de la Republika Srpska.

 23   Q.  Je ne sais pas si ceci nous aide véritablement. Mais sans me raconter

 24   d'histoire, quelles ont été vos raisons pour quitter la JNA vers la mi-

 25   avril 1992 ?

 26   R.  J'aurais quitté la JNA même en 1991, mais ce qui m'a fait me décider,

 27   c'est ce moment où j'ai vu une colonne composée de plus d'une centaine

 28   d'hommes en uniforme qui chantaient : "Nous allons massacrer les Croates,

Page 47646

  1   envoyez-nous de la salade." Et comme j'avais un poste important au sein du

  2   commandement, je savais qui attaquait Vukovar. Et tout d'un coup, on voit

  3   arriver une colonne de Chetniks, ce qui ne peut pas être dépourvu de

  4   signification. Et à ce moment-là, je me suis rendu compte que je n'avais

  5   plus ma place au sein de la JNA. Mais pour des raisons personnelles, parce

  6   que ma femme a eu un cancer, donc pour ces raisons-là, j'ai dû attendre

  7   jusqu'au mois d'avril.

  8   Q.  Certaines de ces choses vous sembleront assez évidentes, mais ici nous

  9   devons constituer un dossier et nous assurer que ce dossier est le plus

 10   clair possible.

 11   Quand vous dites, j'ai vu des colonnes quitter Vukovar, à votre avis,

 12   quelles étaient les forces militaires qui avaient attaqué Vukovar et

 13   provoqué ces problèmes que vous avez évoqués rapidement ?

 14   R.  A Vukovar allaient ceux qui étaient les meilleurs de la JNA à cette

 15   époque-là, la 1ère Division des Gardes, le Corps de Blindés de Novi Sad.

 16   J'ai su aussi que de Backa Palanka la Brigade d'artillerie était allée à

 17   Vukovar. Donc ce que la JNA avait de plus fort est allé à Vukovar, ainsi

 18   que les cadres, les officiers, les meilleurs de la JNA. Tout d'un coup, on

 19   voit cette colonne de Chetniks, et il ne pouvait plus s'agir de la JNA.

 20   Donc, pour moi, il ne s'agissait plus de la JNA, armée populaire

 21   yougoslave, mais de quelque chose qui était devenu autre chose.

 22   Q.  Quand vous dites quelque chose de différent, est-ce que vous voulez

 23   dire que pour vous c'était devenu une armée serbe ? C'est ça que vous

 24   vouliez dire ?

 25   R.  Oui, que cette armée était tombée sous l'influence --

 26   Q.  Pour vous, la JNA, en tout cas à partir de la mi-avril 1992, si pas

 27   plus tôt, est-ce qu'à partir de cette date-là, la JNA était devenue

 28   l'ennemie du peuple croate, en tout cas de la Croatie ?

Page 47647

  1   R.  L'ennemi du peuple croate.

  2   Q.  Vous êtes arrivé le 12 avril 1992 dans la vallée de la Lasva. Pendant

  3   quelques semaines, vous avez pensé que vous étiez --

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Compte tenu des questions posées par le Procureur,

  5   je dois mentionner au transcript qu'en ce qui me concerne, je ne pourrai

  6   pas poser des questions sur ces aspects dans la mesure où je suis, par

  7   ailleurs, saisi de cette affaire de Vukovar dans le cadre d'un autre

  8   procès. Donc je ne pourrai pas poser des questions. Il faut que ce soit au

  9   transcript. Merci.

 10   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Vous êtes donc arrivé dans la vallée de la Lasva. Pendant un certain

 12   temps, vous avez été le commandant croate le plus haut gradé, disons, de la

 13   région. Vous saviez ou vous avez appris que M. Petkovic avait quitté la

 14   JNA, avait rejoint la HV et était allé en Bosnie-Herzégovine vers la même

 15   époque ?

 16   R.  Je ne sais pas exactement quand il est arrivé. Ce que je sais, c'est

 17   quand moi, je suis arrivé là-bas.

 18   Q.  Veuillez examiner la pièce P 00163. Ça doit se trouver dans le

 19   classeur.

 20   Je ne sais pas si vous l'avez déjà reçue -- oui, merci, Monsieur

 21   l'Huissier, de le remettre au témoin.

 22   P 00163, ordre du nom de Janko Bobetko, date le 16 avril 1993 [comme

 23   interprété], donc vraiment très proche de la date à laquelle vous dites

 24   être arrivé dans la vallée de la Lasva, et cet ordre nomme plusieurs

 25   personnes au commandement du poste de commandement avancé de Grude, dont M.

 26   Petkovic, mais aussi M. Bruno Stojic. Dites-nous, à votre arrivée dans la

 27   vallée de la Lasva, quand avez-vous appris qu'il y avait un poste de

 28   commandement avancé à Grude, et quand avez-vous appris que c'était M.

Page 47648

  1   Petkovic qui en avait la charge ?

  2   R.  C'était à peu près à la mi-avril 1992, donc quelques jours après mon

  3   arrivée sur place.

  4   Q.  Vous avez, juste avant ce document, une autre pièce,

  5   P 00162. Revenez en arrière d'une pièce, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Scott. Mais

  7   finalement, vous n'avez pas eu de réponse à votre question.

  8   Monsieur le Témoin, on vous a demandé si vous aviez appris que ce poste de

  9   commandement avait été créé. Vous dites que vous êtes arrivé plus tôt, mais

 10   est-ce que vous saviez qu'il existait ce poste de commandement avancé à

 11   Grude ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pouvais pas le savoir.

 13   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 14   Poursuivez, Monsieur Scott.

 15   M. SCOTT : [interprétation]

 16   Q.  Mais vous êtes arrivé sur zone. Vous essayiez d'établir une espèce de

 17   force armée dans la zone. Quand avez-vous appris qu'il y avait d'autres

 18   personnes qui essayaient de faire pareil, peut-être à un niveau supérieur

 19   au vôtre; qu'il y avait des gens à Grude, à Mostar ou ailleurs ? De façon

 20   générale, quand est-ce que vous avez appris cela ?

 21   R.  Je l'ai déjà dit, c'étaient cinq, six ou sept jours après mon arrivée

 22   sur place.

 23   Q.  Donc vers le 18 ou le 19 avril 1992, vous avez appris qu'il y avait une

 24   organisation à Grude et que M. Petkovic y participait; c'est bien cela ?

 25   R.  Je ne sais pas si j'étais au courant pour Petkovic, mais ce que je

 26   savais, c'est qu'il existait un commandement avec lequel j'étais censé

 27   établir un contact.

 28   Q.  Vous répondez en partie à ma question. Je vous demandais quand. A un

Page 47649

  1   moment donné, je le suppose, vu la nature de votre participation -- vous

  2   avez dit que vous étiez participant de ces événements à un très haut

  3   niveau, que vous avez été le numéro 1 des commandants pendant très peu de

  4   temps, puis vous avez été l'adjoint de Blaskic quelques semaines plus tard.

  5   Mais vous avez dû apprendre qu'il y avait ces gens au poste de

  6   commandement. Quand avez-vous appris que c'était M. Petkovic qui avait la

  7   responsabilité du commandement de ce poste de commandement avancé ?

  8   R.  A peu près durant le troisième tiers du mois d'avril, je suis allé à

  9   Grude, si je me souviens bien, pour établir un contact avec le commandement

 10   dont j'ai parlé, et là-bas j'ai fait la connaissance de Milivoj Petkovic.

 11   Q.  Par rapport à la pièce P 00162 que je vous ai présentée il y a quelques

 12   instants, pouvez-vous confirmer ceci : lorsque vous êtes arrivé ce jour-là,

 13   que vous venez de relater, à Grude, comme le dit le paragraphe 2 du

 14   document, vous avez effectivement constaté que c'était M. Petkovic qui

 15   était le commandant, qui avait la responsabilité du poste de commandement

 16   avancé ?

 17   R.  Je suis arrivé à Grude un jour, parce qu'il y a eu le bombardement de

 18   Grude. Ils se sont installés dans la cave de l'hôtel. Dans la cave, il n'y

 19   avait pas de lumière. Il y avait des bougies --

 20   Q.  Excusez-moi de vous interrompre. Essayez de travailler avec moi.

 21   Essayez de rester le plus succinct possible dans vos réponses. Je ne veux

 22   pas parler de pilonnage. Je vous ai demandé ceci : quand avez-vous appris

 23   que c'était M. Petkovic qui était le commandant responsable ? Alors, est-ce

 24   que vous avez appris cela, oui ou non ? Moi, je n'ai pas besoin de savoir

 25   si elle avait été pilonnée. Lorsque vous êtes allé ce jour-là à Grude,

 26   avez-vous appris que c'était M. Petkovic qui était commandant du poste de

 27   commandement avancé; répondez par oui ou par non ?

 28   R.  Non. J'ai discuté avec un certain nombre de personnes, et entre autres

Page 47650

  1   avec Petkovic dans cette cave sans éclairage électrique avec des bougies.

  2   Q.  Quand avez-vous appris qu'il était le commandant ?

  3   R.  Je crois que ça devait être au mois de mai ou au mois de juin que j'ai

  4   su qu'il était commandant.

  5   Q.  Regardez le paragraphe 6 de la pièce P00162. Est-ce qu'à un moment

  6   donné, vous avez appris que M. Bruno Stojic était aussi actif au poste de

  7   commandement avancé et qu'il était chargé du soutien logistique ?

  8   R.  J'ai discuté avec Petkovic, Roso, Bender et Jozo Maric. Il n'y avait

  9   pas de Stojic, à ce moment-là en tout cas.

 10   Q.  Je vais répéter ma question. Est-ce qu'à un moment donné vous avez

 11   appris que M. Bruno Stojic participait au commandement avancé en tant que

 12   personne responsable du soutien logistique ?

 13   R.  Non, non.

 14   Q.  Avez-vous fini par comprendre que MM. Petkovic et Stojic notamment

 15   avaient été placés à ces postes par le général Bobetko ?

 16   R.  Non, je n'ai pas la moindre idée de Bobetko.

 17   Q.  Mais il y avait d'autres officiers qui avaient quitté la JNA pour

 18   rejoindre les forces croates. Vous le saviez -- est-ce que c'était M.

 19   Petkovic en personne ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Et M. Blaskic ?

 22   R.  Oui, Blaskic était en Slovénie déjà il avait quitté la JNA depuis cinq

 23   ou six mois.

 24   Q.  Et M. Siljeg avant il était dans la JNA ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  M. Ivica Rajic aussi ?

 27   R.  Ivica Rajic est arrivé à peu près au mois de juin 1992 en provenance de

 28   la JNA.

Page 47651

  1   Q.  En répondant aux questions de Me Alaburic, vous avez dit que parfois

  2   vous aviez constaté qu'il y avait peut-être un certain manque de confiance

  3   envers vous, on ne vous faisait pas confiance parce que vous veniez de la

  4   JNA. Mais est-ce qu'il n'y avait pas un nombre considérable d'officiers

  5   croates qui venaient de la JNA ?

  6   Mme ALABURIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président, en raison

  7   d'un manque de précision dans la question. Vraiment je ne comprends pas ce

  8   que veut dire "substantial number", "un nombre substantiel", étant donné

  9   que mon collègue de l'Accusation n'a énuméré que trois ou quatre personnes.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Ne pinaillez pas. Bien sûr, "substantiel" c'est

 11   cinq, dix, 100, on ne sait pas, mais le témoin est assez intelligent pour

 12   de lui-même rectifier le tir en cas de nécessité.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc tous les noms que vous avez énumérés,

 14   cela concerne le HVO. Moi, je parlais de la région de la vallée de la

 15   Lasva, et là il y en a trois ou quatre.

 16   M. SCOTT : [interprétation]

 17   Q.  Mais quand vous dites "trois ou quatre", voulez-vous dire qu'il y avait

 18   trois ou quatre anciens officiers de la JNA dans la vallée de la Lasva du

 19   côté croate ?

 20   R.  Exact. Je peux vous citer les noms.

 21   Q.  Oui, soyez bref, s'il vous plaît.

 22   R.  Le lieutenant-colonel Lovrinovic, le lieutenant-colonel Jazbinski, et

 23   c'est tout -- et moi.

 24   Q.  Colonel Blaskic aussi et M. Rajic ?

 25   R.  Non, non. Ça c'est Kiseljak. C'est deux-là étaient à Kiseljak. Ce n'est

 26   pas la vallée de la Lasva.

 27   Q.  D'accord. A votre connaissance, est-ce que vous ou M. Petkovic, ou

 28   encore M. Siljeg ou M. Blaskic, ou Rajic, ou tout autre ancien officier de

Page 47652

  1   la JNA, est-ce que vous avez été accusés ou poursuivis pour trahison, ou

  2   quelque chose qui équivaudrait à de la trahison, pour avoir quitté la JNA

  3   et pour avoir rejoint le camp opposé ?

  4   R.  Pour autant que je le sache, non,

  5   Q.  Et vous seriez d'accord pour dire que les Musulmans avaient tout autant

  6   le droit de quitter la JNA pour rejoindre les forces armées de la Bosnie-

  7   Herzégovine et autant de droit que vous ou Petkovic ou Blaskic qui avez

  8   quitté la JNA aussi ?

  9   R.  Tous avaient ce droit, tous.

 10   Q.  Et dans la même veine, plus tard, pour les mêmes raisons que celles que

 11   vous aviez vous et d'autres qui vous ont poussé à quitter la JNA parce que

 12   vous avez pensé que la JNA était l'ennemi du peuple croate, vous êtes

 13   d'accord pour dire que les Musulmans aussi avaient le droit de quitter le

 14   HVO et de rejoindre leur peuple à eux, pour le dire de cette façon-là,

 15   quand ils ont décidé eux que le HVO était devenu l'ennemi de leur peuple ?

 16   R.  C'est exact, mais je tiens à dire que les premiers à quitter la JNA ont

 17   été les Serbes, et en grand nombre s'agissant du commandement dont je

 18   faisais partie, donc pas seulement --

 19   Q.  Merci, vous avez répondu à ma question. Mais n'est-ce pas ce que vous

 20   avez d'ailleurs déclaré à l'époque, vous avez pensé que les Musulmans

 21   voulaient quitter le HVO pour rejoindre la TO, la Défense territoriale, qui

 22   est devenue plus tard l'armija ou armée de la Bosnie-Herzégovine ou ABiH,

 23   et n'avez-vous pas dit que ces hommes avaient le droit de le faire ? Et

 24   est-ce que c'est bien ce que vous confirmez aujourd'hui, vous confirmez les

 25   dires qui étaient les vôtres dans le procès Kordic ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Lorsque vous êtes arrivé dans la vallée de la Lasva -- et j'essaie de

 28   situer ceci dans le temps. Lundi, vous avez parlé du début de la guerre et

Page 47653

  1   vous l'avez situé en mai ou en juin 1992; c'est exact ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Si je vous ai bien compris et quand j'ai lu le résumé de ce que m'a

  4   remis Me Alaburic, quand vous êtes arrivé le 12 avril 1992, comment dire,

  5   est-ce que vous avez estimé que la situation était disons assez

  6   désorganisée, assez confuse ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  A votre arrivée, avez-vous constaté qu'il y avait des forces croates

  9   déjà toutes prêtes n'attendant que votre commandement, ou bien est-ce que

 10   tout était encore à ses balbutiements, on commençait à créer une force

 11   armée mais en partant pratiquement de zéro ?

 12   R.  J'ai déjà dit que ce que j'ai trouvé sur place c'était des individus

 13   armés. Leur organisation ne ressemblait ni de près ni de loin à quelque

 14   chose qu'on aurait pu appeler une armée. La seule chose qu'ils avaient

 15   c'était la volonté et le désir de participer à la défense, autrement dit se

 16   défendre.

 17   Q.  Au fur et à mesure, au fil du temps, au fil des événements d'avril et

 18   de mai 1992, est-ce que les Croates et les Musulmans n'ont pas fait, à bien

 19   des égards, la même chose, en même temps pour développer leurs forces

 20   armées, pour les organiser ?

 21   R.  Exact.

 22   Q.  En fait, les officiers-clés de part et d'autre, quand je parle "de part

 23   et d'autre", je veux dire les Croates et les Musulmans de Bosnie, c'étaient

 24   effectivement d'anciens ou plusieurs officiers de la JNA ? Parce qu'il y

 25   avait plusieurs officiers de la JNA qui avaient rejoint les forces armées

 26   musulmanes, non ?

 27   R.  Exact.

 28   Q.  Et au fil du temps, il y a eu de plus en plus de soldats et d'officiers

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  1   de carrière de la JNA qui ont rejoint les forces armées musulmanes comme

  2   les forces armées croates en avril, mai, juin 1992 ?

  3   R.  Mais pas les forces croates. Personne n'est allé rejoindre le HVO et

  4   les forces croates. Ils sont allés rejoindre la Défense territoriale,

  5   c'est-à-dire l'ABiH.

  6   Q.  Excusez-moi. J'ai voulu dire qu'en fait il y avait plus de soldats et

  7   d'officiers de carrière de la JNA qui ont rejoint les forces armées

  8   musulmanes; est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Et est-on aussi en droit de dire que lorsque arrive le mois de mai ou

 11   de juin 1992, les forces armées musulmanes, qu'on les appelle ABiH ou TO ou

 12   Défense territoriale, pour ce qui est du nombre d'effectifs, il y en avait

 13   plus que du côté croate, n'est-ce pas ?

 14   R.  D'après le nombre oui, plus grand.

 15   Q.  Et les forces musulmanes armées comptaient plus d'officiers de

 16   l'ancienne armée de carrière de la JNA parmi son corps d'officiers, n'est-

 17   ce pas ?

 18   R.  Oui, plusieurs fois plus grand.

 19   Q.  Vous l'avez déjà dit plusieurs fois, c'est vers le 15 mai 1992, une

 20   fois vous avez dit, 1 500, une fois 2 000, c'est à ce moment-là que donc 1

 21   500 ou 2 000 soldats musulmans sont arrivés dans la zone de Travnik; est-ce

 22   exact ?

 23   R.  Oui, c'est l'unité qui est arrivée. La différence entre avant et après

 24   c'est que l'unité constituée de 1 500 hommes est arrivée à la mi-mai. Ces

 25   hommes avaient des armes, des commandants, donc c'est une unité qui est

 26   arrivée en bonne et due forme.

 27   Q.  Lundi, et là je vous demande une confirmation de ce que j'ai bien

 28   compris ce que vous avez dit lundi. A partir de juin 1992, la Défense

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  1   territoriale ou l'ABiH se trouvait à un stade de développement tel qu'elle

  2   pouvait assumer sa part du fardeau et des responsabilités, elle était sur

  3   un pied d'égalité et ses forces étaient capables de combattre et de tenir

  4   les lignes de défense. Maintenez-vous ce que vous avez dit lundi ?

  5   R.  Exact.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je pensais que le Procureur

  7   resterait sur le sujet, puis il est parti ailleurs.

  8   Il y a quelque chose qui me pose un gros problème. C'est le document

  9   qu'on a vu au départ, qui met le colonel Petkovic, comme le cas échéant

 10   suppléant de Bobetko, et qui donne une tâche à M. Coric. Le document qu'on

 11   a vu est un document de l'armée croate. Il n'y a aucun doute.

 12   Donc, au mois d'avril 1992, on a un document qui nous dit qu'il y a deux

 13   personnes, Petkovic et Coric, qui remplissent une fonction dans ce poste de

 14   commandement avancé qui est établi à Grude. Le document est daté du 16

 15   avril.

 16   Vous vous rappelez qu'hier, je vous avais posé la question de savoir,

 17   d'après vous, à quelle date le général Petkovic était chef d'état-major. Je

 18   ne savais pas que le Procureur allait mettre ce document dans son classeur,

 19   parce que je me posais la question, mais quand le général Petkovic est en

 20   fonction, vous nous avez dit, en répondant à M. Scott, que vous avez

 21   rencontré le général Petkovic et vous avez parlé de la situation. Mais

 22   quand vous l'avez rencontré, est-ce qu'il vous a dit qu'en l'absence de

 23   Bobetko, il serait l'officier responsable dans l'armée croate ? S'il vous

 24   avait dit cela, quelle impression auriez-vous eue si le général Petkovic

 25   vous dit, Voilà, j'ai une double casquette, je suis dans le front sud dans

 26   l'armée croate, mais en même temps j'ai des responsabilités au HVO comme

 27   chef d'état-major ? Parce que ce document pose un problème. On ne peut pas

 28   le contourner, ce problème. Moi, j'essaie de comprendre ce document.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Ici, on cite Bobetko, et je rappelle que je ne

  2   savais rien de Bobetko et je ne savais rien de ce sud. Enfin, je parle du

  3   premier moment où j'ai rencontré Petkovic, Roso et Bender, comme je l'ai

  4   dit tout à l'heure. Donc à ce moment-là, je n'avais pas le moindre intérêt

  5   pour toute cette organisation. Je n'avais pas non plus là-bas de

  6   commandement standard ou quoi que ce soit de ce genre. J'avais des hommes à

  7   partir desquels je devais créer un commandement, et cetera. Donc je ne peux

  8   pas répondre précisément à une question dans laquelle il m'est demandé

  9   quand j'ai appris est-ce que c'était un poste de commandement avancé ou en

 10   tout cas quand l'état-major principal a été créé, et quand j'ai appris que

 11   Petkovic était à la tête de l'état-major principal.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne pouvez pas répondre. Je ne vais pas

 13   insister, mais juste une question de suivi.

 14   Dans ce document, il semble qu'il faut coordonner les activités de combat

 15   dans le front sud. C'est ce qu'il y a en en-tête du document. Alors quand

 16   je vois cette phrase, je me pose la question suivante : n'y a-t-il pas une

 17   situation où l'armée croate est présente parce que son territoire est

 18   menacé, donc ils estiment qu'il faut qu'ils aient un poste de commandement

 19   avancé jusqu'à Grude. Mais en même temps, ils ont un "accord", entre

 20   guillemets, avec le HVO pour que le HVO, la main dans la main avec l'armée

 21   croate, coopère contre l'ennemi commun qui est les Serbes. Et que dans le

 22   cas de cette coordination, il pourrait y avoir à ce moment-là deux entités,

 23   l'armée croate et le HVO, et comme il y a une coordination, il y a un chef

 24   qui est a priori Bobetko, mais que si jamais il est absent, c'est l'autre

 25   qui le remplace, à savoir Petkovic. Est-ce qu'en termes militaires, ça

 26   pourrait être le cas ou pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce secteur de l'Herzégovine et de la Croatie

 28   était un secteur unifié sur le plan géographique, mais il était unifié

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  1   également sur le plan de qui était l'ennemi. Parce qu'à ce moment-là, les

  2   Serbes étaient à l'ouest de Mostar à une dizaine de kilomètres, ils

  3   tenaient toute la ville de Mostar plus une partie à l'ouest de Mostar.

  4   Donc, l'action conjointe ou coordonnée visant à ce que l'ennemi,

  5   l'agresseur -- parce qu'il y avait l'ancienne JNA qui était en train de se

  6   transformer en armée serbe, il fallait l'écarter. Il ne pouvait pas sinon y

  7   avoir de coordination entre les forces armées de l'un et de l'autre

  8   secteurs, autrement dit, d'un secteur appartenant à un Etat et d'un autre

  9   secteur appartenant à un autre Etat.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, pour vous, il pouvait y avoir

 11   une coordination entre l'armée croate et le HVO contre les Serbes ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, je vous redonne la parole, mais ce

 14   document posait quand même problème et il fallait essayer d'y voir clair.

 15   Mais de toute façon, on y verra clair quand M. Petkovic témoignera, puisque

 16   ce document reviendra évidemment.

 17   M. SCOTT : [interprétation] Nous le reverrons en effet très certainement.

 18   Avant de reprendre, il y a une petite erreur au compte rendu.

 19   Quelques personnes dans le prétoire l'ont remarqué. Il est fait référence à

 20   Petkovic et Coric, mais je pense que c'était Petkovic et Stojic, et non pas

 21   Coric.

 22   Q.  Passons donc à autre chose, et soyez concis, s'il vous plaît. J'espère

 23   que vous avez compris que le temps est précieux dans ces débats. Donc,

 24   d'après vous, quelles sont les compétences que doit avoir un bon officier ?

 25   R.  La compétence -- tout d'abord, a le caractère professionnel lui

 26   permettant de s'acquitter du travail de l'officier, ensuite, l'honnêteté,

 27   la loyauté, la fermeté.

 28   Q.  Qu'en est-il des informations, enfin, de la connaissance qu'il doit

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  1   avoir de la situation ?

  2   R.  Pour moi, c'est le côté professionnel, les compétences.

  3   Q.  Au cours de votre carrière militaire, j'aimerais savoir si vous vous

  4   considériez comme étant un officier compétent ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Très bien. Maintenant, nous allons passer à la période où vous avez

  7   commandé la Brigade de Travnik, c'est-à-dire d'octobre 1992 à la fin avril

  8   1993. J'aimerais savoir qui était votre supérieur hiérarchique à l'époque ?

  9   R.  Le colonel Blaskic.

 10   Q.  A ce moment-là, y avait-il un adjoint pour cette Brigade de Travnik,

 11   adjoint au commandant ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Pouvez-vous nous donner son nom ?

 14   R.  Pendant un certain temps, c'était Lovrinovic. Ensuite, c'était Leutar;

 15   il a été tué à Sarajevo.

 16   Q.  Donc, vous aviez un adjoint, mais j'aimerais savoir si avec votre

 17   brigade vous aviez un chef d'état-major ?

 18   R.  Lorsque Leutar était mon adjoint, Lovrinovic était le chef de l'état-

 19   major.

 20   Q.  Et d'après vous, quelles étaient les fonctions et les obligations de

 21   votre adjoint ? Qu'attendiez-vous d'eux en tant que commandant ?

 22   R.  Une autre chose, j'avais Grbesa Nikola, le colonel Grbesa, qui a été

 23   tué pendant la chute de Jajce. Il était mon adjoint, lui aussi.

 24   Q.  J'aimerais savoir quelles étaient les fonctions et les responsabilités

 25   que vous vous attendiez de votre adjoint ?

 26   R.  Je m'attendais à ce que ce soit semblable à ce que j'étais par rapport

 27   à Blaskic, c'est-à-dire que l'adjoint, en accord avec le commandant,

 28   remplace le commandant partout où le commandant ne peut pas être.

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  1   Q.  Très bien. Alors, mis à part la possibilité de vous remplacer, ce qui

  2   est essentiel, bien sûr, donc mis à part cela, d'après vous, quelles sont

  3   les fonctions et les obligations quotidiennes d'un adjoint au commandant

  4   par rapport à son commandant, justement ?

  5   R.  Ce serait la ligne de la défense, les combats.

  6   Q.  A l'époque lorsqu'ils étaient vos adjoints, est-ce que vous pensiez que

  7   M. Lovrinovic, et ensuite M. Leutar, étaient votre bras droit, si l'on peut

  8   dire ainsi ?

  9   R.  Oui, c'étaient mes collaborateurs avec lesquels on mettait en œuvre ce

 10   qu'il fallait mettre en œuvre. Oui, c'était ma main droite.

 11   Q.  Quelles étaient les procédures qui existaient au sein de l'état-major

 12   du commandement en ce qui concerne la communication; donc entre M.

 13   Lovrinovic, M. Leutar, vous-même, pour que la communication se fasse ? Est-

 14   ce qu'il y avait des réunions tous les matins, au cours de la journée,

 15   réunions peut-être hebdomadaires ? Donc, quelle était la procédure qui

 16   avait été mise en place afin d'être mis au courant de ce qui se passait de

 17   façon quotidienne ?

 18   R.  En principe, on avait des réunions d'information tous les matins.

 19   Q.  A partir du 1er avril 1993 ou environ du 1er avril 1993, pourriez-vous

 20   nous dire combien de soldats il y avait dans la Brigade de Travnik ?

 21   R.  Environ 1 500.

 22   Q.  Nous avons entendu des témoins, des membres, des militaires, vous avez

 23   parlé du travail en équipe, si je puis dire. Donc, les gens qui étaient

 24   déployés à certains endroits y étaient pour un certain temps, et ensuite,

 25   ils étaient relevés; c'est cela ?

 26   R.  C'est exact.

 27   Q.  Imaginons qu'on ne soit pas en combat, environ combien de soldats de la

 28   Brigade de Travnik se trouveraient sur une ligne de défense en ce qui

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  1   concerne donc une équipe ?

  2   R.  Entre 400 et 600.

  3   Q.  J'aimerais que les choses soient claires par rapport aux chiffres que

  4   vous avez donnés précédemment. Lorsque les combats commençaient, combien de

  5   soldats de la Brigade de Travnik pouviez-vous mettre au front, si je puis

  6   dire, soldats venant de la Brigade de Travnik ?

  7   R.  Ça dépend de la période, mais ça aurait possible les 1 500.

  8   Q.  Bien. Vers le 11 juin 1993 et pour le reste de l'année 1993, vous vous

  9   êtes retrouvé commandant adjoint de la zone opérationnelle de Bosnie

 10   centrale, c'est-à-dire que vous étiez l'adjoint de M. Blaskic, n'est-ce pas

 11   ?

 12   R.  Exact.

 13   Q.  Je vous ai demandé quelles étaient les qualités d'un bon adjoint; vous

 14   avez déjà répondu. Mais lorsque vous étiez adjoint de M. Blaskic, d'après

 15   vous, étiez-vous un bon officier, étiez-vous un bon adjoint ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Sur certains des documents que les Juges ont peut-être vus depuis les

 18   années, on voit parfois l'abréviation "ONO". Pourriez-vous nous dire ce qui

 19   signifie ce sigle ?

 20   R.  Déjà en Yougoslavie il y avait la "Défense populaire généralisée".

 21   Q.  ONO ?

 22   R.  Oui, la "Défense populaire généralisée", et peut-être c'est aussi une

 23   abréviation correspondant à un poste au sein de l'état-major. Dans ce cas-

 24   là, c'est le Département des opérationnels et de la formation.

 25   Q.  Il y avait un officier opérationnel chargé donc de la Défense populaire

 26   généralisée dans chaque zone opérationnelle, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  En Bosnie centrale, n'étiez-vous pas non seulement l'adjoint mais aussi

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  1   le chef des opérations, officier en charge des opérations, ou y avait-il

  2   quelqu'un d'autre à ce poste ?

  3   R.  Non, le chef de l'état-major était Franjo Nakic. Blaskic était le

  4   commandant. Moi, j'étais l'adjoint. Le chef de l'état-major était Blaskic.

  5   Et l'officier opérationnel était Marijan -- je n'arrive pas --

  6   Q.  Nous y reviendrons peut-être.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Lorsque vous êtes devenu commandant adjoint, adjoint de Blaskic, donc à

  9   partir du 11 juin 1993, ou un petit peu avant d'ailleurs, enfin lorsque

 10   vous étiez adjoint de Blaskic, où étiez-vous cantonné ? Etiez-vous dans son

 11   bureau à Vitez, dans le même bâtiment que lui à Vitez ? Où était votre

 12   bureau ?

 13   R.  Le siège ou l'endroit où l'adjoint pouvait faire son travail en 1992,

 14   au début c'était "Lovac", c'est là que j'ai établi le commandement à Vitez,

 15   et après Blaskic l'a transféré à l'hôtel Vitez.

 16   Q.  Lorsque vous êtes devenu l'adjoint de Blaskic, donc une fois qu'il est

 17   parti et démangé sur l'hôtel Vitez, est-ce que votre bureau s'est aussi

 18   retrouvé dans ce même hôtel ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  A quelle distance étiez-vous de M. Blaskic, la porte d'à côté, au bout

 21   du couloir ? Pourriez-vous nous dire quelle était à ce moment-là la

 22   distance entre votre bureau et celui de M. Blaskic ?

 23   R.  Là où j'étais le plus souvent c'était à une distance de 4, 5 mètres.

 24   Q.  Je vais vous poser une question un petit peu identique à celle que je

 25   vous ai posée à propos de la brigade de Travnik. J'aimerais savoir si au

 26   commandement de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, et vous étiez à

 27   l'état-major général, y avait-il des briefings quotidiens, matin et soir ?

 28   R.  Non, c'est-à-dire je ne les ai pas avertis de cela, mais il y a eu une

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  1   réunion d'information, des réunions d'information, mais pas aussi intenses.

  2   Q.  A quelle fréquence y avait-il des briefings ?

  3   Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi. Peut-on préciser le temps, à

  4   la fois s'agissant des questions et des réponses ?

  5   M. SCOTT : [interprétation] Je pensais l'avoir indiqué, mais en tout cas,

  6   je parle de la période allant du 11 juin 1993 à la fin 1993.

  7   Q.  Bien. Puis-je poser ma question. Quelle était la fréquence de ces

  8   réunions de ces briefings ?

  9   R.  Non, Monsieur le Procureur, nous ne pouvons pas, car vos questions ne

 10   sont pas précises, ou au moins je ne peux pas répondre. Vous me demandez de

 11   répondre par un oui ou un non, et vous ne me permettez pas de dire quoi que

 12   ce soit autour de cela.

 13   J'ai dit en juin 1993, j'ai passé des jours et des jours dans la Brigade de

 14   Travnik pour essayer de résoudre la situation. C'étaient les combats qui

 15   étaient en cours, alors que la période dont vous parlez --

 16   Q.  Ce n'est pas ma question, et en effet ce n'est pas une question auquel

 17   vous deviez répondre par oui ou par non. Je vous demandais quelle était la

 18   fréquence des briefings lorsque vous étiez à l'état-major de la zone

 19   opérationnelle de Bosnie centrale, donc période qui va du 11 juin 1993 à la

 20   fin de l'année 1993 ? Donc c'est la fréquence des briefings.

 21   R.  Les réunions d'information avaient lieu deux fois par semaine.

 22   Q.  A l'hôtel Vitez ?

 23   R.  Oui, et au poste de commandement avancé lorsque nous avons dû être

 24   transférés, c'était à Nova Bila.

 25   Q.  Dans le cadre de votre déposition cette semaine, vous avez aussi dit

 26   qu'à un moment des groupes opérationnels ont été créés. Ce n'est pas des

 27   zones opérationnelles, mais ces zones opérationnelles ont été divisées en

 28   groupes opérationnels, chaque zone ayant environ trois ou quatre groupes;

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  1   c'est cela ?

  2   R.  C'est la période allant du mois de juin 1992 au mois d'octobre 1992.

  3   Donc c'était un groupe opérationnel et, à l'époque, on se réunissait en

  4   tant que commandants de groupes opérationnels une fois par semaine à Lovac.

  5   Q.  Vous dites "octobre", pourriez-vous nous donner une année, s'il vous

  6   plaît ?

  7   R.  1992.

  8   Q.  La structure de ces groupes opérationnels a perduré au moins jusqu'en

  9   novembre 1993, peut-être avec certaines modifications, mais ce niveau de

 10   commandement, "groupes opérationnels", est resté en état au moins jusqu'en

 11   novembre 1993, n'est-ce pas ?

 12   R.  Je peux préciser cela jusqu'en octobre 1992, car jusqu'à ce moment-là

 13   j'ai pu avoir des commandants de brigades au bout de deux ou trois jours

 14   pour avoir une réunion et préparer ma réunion d'information avec Blaskic.

 15   Après le mois d'octobre, je ne pouvais plus le faire, voir mes commandants

 16   de brigades régulièrement, puisque les routes étaient coupées vers Travnik.

 17   Q.  Quelle que soit la difficulté que vous ayez à les contacter, il y avait

 18   quand même ces groupes opérationnels qui existaient jusqu'en octobre 1993.

 19   Ivica Rajic était commandant du groupe opérationnel de Kiseljak pendant

 20   toute cette période, n'est-ce pas ?

 21   R.  Il était le commandant du groupe opérationnel à Kiseljak. Maintenant,

 22   est-ce que son groupe a fonctionné jusqu'au mois de novembre, je ne saurais

 23   le confirmer.

 24   Q.  Je vais essayer d'être bref.

 25   Les Juges ont vu et continuent à voir des documents du HVO venant de Bosnie

 26   centrale décrivant le groupe opérationnel basé à Kiseljak qui, avec M.

 27   Rajic à sa tête, et lorsqu'on a des documents où il est écrit, par exemple,

 28   "OG-2", vous ne pouvez pas contester que cela signifie le groupe d'Ivica

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  1   Rajic, n'est-ce pas ?

  2   R.  Exact.

  3   Q.  Pourriez-vous dire comment les ordres écrits du général Blaskic étaient

  4   préparés ? Mettons que le général Blaskic veuille donner un ordre : Je veux

  5   que cette brigade fasse ceci et cela. Enfin, il ferait mieux de faire

  6   quelque chose. Comment s'y prenait-il pour donner cet ordre ? Pouvez-vous

  7   nous donner les étapes ?

  8   R.  Blaskic l'avait conçu, avait rédigé une bonne partie, et ça a été

  9   élaboré par son état-major sous forme écrite.

 10   Q.  Vous dites que c'était son état-major qui le rédigeait, si je puis

 11   dire. De qui s'agissait-il exactement ? Qui prenait l'idée de base pour en

 12   faire un document ?

 13   R.  Le colonel Franjo Nakic ou Slavko Marin. Je me souviens maintenant du

 14   nom de famille.

 15   Q.  Très bien. Je suis d'accord avec vous, Slavko Marin. Ça, c'est pour les

 16   ordres. Maintenant, que se passait-il ensuite ? Comment ce document était-

 17   il transmis pour aller de l'hôtel Vitez jusqu'à l'endroit où il était

 18   requis sur le terrain ?

 19   R.  L'ordre était envoyé au centre de transcription dans les unités où il

 20   était possible de transmettre les ordres, et c'était le cas de la plupart

 21   des brigades. Ce n'était pas le cas à Jajce.

 22   Q.  Très bien. Je vais vous poser la même question à propos des rapports,

 23   même question que je vous ai posée sur les ordres.

 24   En ce qui concerne les rapports que la zone opérationnelle devait

 25   envoyer à l'état-major principal, savez-vous comment ils étaient préparés

 26   et transmis ?

 27   R.  Les rapports ont été préparés de manière plus régulière que les ordres,

 28   et les rapports étaient réguliers, quotidiens ou hebdomadaires. Blaskic,

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  1   Nakic, Marin, ensuite le centre de transmission --

  2   Q.  Et quel rôle jouiez-vous en ce qui concerne ces documents, puisque vous

  3   étiez l'adjoint du commandant ? Vous étiez le numéro 2 dans cette zone

  4   opérationnelle, donc pouvez-vous nous dire quel était votre rôle dans la

  5   préparation de ces rapports au QG ?

  6   R.  Les demandes de préciser quelque chose, la coordination avec Blaskic

  7   pour savoir si ceci était nécessaire ou pas lors d'une réunion

  8   d'information ou ailleurs, et puis, s'il le fallait, j'aurais pu le rédiger

  9   moi-même, mais en principe, je ne le faisais pas.

 10   Q.  C'est peut-être la dernière question que nous poserons ce soir. Si vous

 11   regardez dans l'autre sens.

 12   Les rapports qui arrivaient à la zone opérationnelle de Bosnie

 13   centrale venant des unités subordonnées, soit des groupes opérationnels,

 14   soit encore des échelons inférieurs au sein des brigades, donc à propos de

 15   ces rapports, savez-vous comment ils étaient reçus et traités une fois

 16   arrivés à l'hôtel Vitez ?

 17   R.  Ça dépend du type de rapport, si ça venait directement du commandant,

 18   mais même dans ce cas-là, c'était l'état-major.

 19   Q.  Nous allons prendre un cas pratique. Imaginons qu'un rapport arrive

 20   d'une brigade à Busovaca, un rapport de situation sur les activités en

 21   cours, peut-être des activités de combat, par exemple. J'imagine que c'est

 22   un document que vous, en tant qu'adjoint de M. Blaskic -- enfin, en tout

 23   cas, c'est un élément qui doit être porté à votre connaissance, à la vôtre

 24   et à la connaissance de M. Blaskic ?

 25   R.  Ça allait du commandant de la brigade vers la région militaire, par le

 26   biais du centre de transmission, et c'était donc l'état-major, le

 27   commandant.

 28   Q.  Je voudrais que les choses soient simples, donc un cas pratique. Nous

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  1   avons un rapport qui a été rédigé par le commandant de la Brigade de

  2   Busovaca. Comment arrive-t-il sur le bureau de Blaskic ?

  3   Imaginons que ce soit quelque chose d'important. Il y a peut-être --

  4   "Nous pensons qu'il y a des troupes de l'ABiH qui viennent vers nous,

  5   donnez-nous des consignes."

  6   Alors, comment est-ce que ce document arrive sur le bureau de Blaskic

  7   pour que Blaskic puisse prendre une décision à son propos ?

  8   R.  Niko Jozinovic, le commandant de la brigade, avait rédigé un rapport,

  9   ou bien il a téléphoné, ou bien il était en train de résoudre le problème

 10   qu'il confrontait, et il a envoyé les documents tout comme il les recevait.

 11   Q.  Je voudrais savoir comment cette information arrivait au colonel

 12   Blaskic ou à vous-même ? Ça ne sert à rien si ça arrive au centre de

 13   transmission. J'aimerais savoir comment ce document vous arrive à vous ou

 14   au colonel Blaskic. Comment est-ce que vous ou le colonel Blaskic pouvez

 15   être au courant de cette information, ou alors, peut-être que vous n'étiez

 16   au courant de rien ?

 17   R.  Il n'est pas possible que tu n'aies pas été informé. Ce que j'essaie de

 18   dire c'est que c'était le centre de transmission, le département

 19   opérationnel, et ensuite, ceci arrive à Blaskic. Et il a été écrit -- il ne

 20   faut pas penser que le HVO était une armée comme ça devrait être selon les

 21   textes, dans ces circonstances. Je ne comprends pas votre question tout à

 22   fait.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Depuis une demi-heure, M. Scott vous pose des

 24   questions extrêmement précises, très précises. Et je le remercie, parce que

 25   grâce à ses questions, on peut comprendre comment ça fonctionnait à l'hôtel

 26   Vitez. Donc, il vous pose des questions très précises, il n'y a aucun

 27   danger à répondre aux questions et vous ne répondez pas. Là, je ne

 28   comprends pas. Il fait des efforts pour aborder le sujet de manière la plus

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  1   neutre. Il vous dit : voilà, la Brigade de Busovaca envoie un rapport,

  2   comment ça se passe ? Il n'y a pas plus simple. Et à ce moment-là, vous

  3   dites : matériellement, si c'est par paquet, ça va arriver au centre de

  4   transmission et là, on va enregistrer. C'est ça qu'on veut, nous. Ne pensez

  5   pas que derrière toute question, que ce soit le Procureur, la Défense, les

  6   Juges, il y a un piège. Non. La plupart du temps, tous ceux qui sont ici

  7   essaient de comprendre et de savoir. Mais si vous êtes sur la défensive en

  8   pensant que derrière la question, il y a quelque chose, je comprends que

  9   vous ne répondez pas directement. Les questions, elles sont ultra simples.

 10   Il vous demande de dire, matériellement, quand il y a un rapport qui

 11   arrive, comment ça se passe. Il n'y a pas plus simple que ça. Vous avez été

 12   général. C'est une question qu'on pourrait poser au soldat de base.

 13   Moi, j'ai été soldat de base. J'ai enregistré ce type d'arrivées.

 14   Vous, vous êtes général, donc vous savez mieux que quiconque comment ça se

 15   passe, et c'est ce que le Procureur essaie de savoir. Bon, certainement,

 16   demain, il reviendra là-dessus, parce qu'on n'a pas la réponse pour le

 17   moment. Enfin, moi, je ne l'ai pas.

 18   Alors, il est 19 heures. Nous allons donc arrêter. Nous reprendrons

 19   demain à 14 heures 15. Nous ferons une pause comme je l'ai dit. On arrêtera

 20   à 18 heures, et puis on reprendra lundi, parce qu'on n'aura certainement

 21   pas terminé. Voilà.

 22   D'ici là, je souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée.

 23   [Le témoin quitte la barre]

 24   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le jeudi 3 décembre

 25   2009, à 14 heures 15.

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