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1 Le lundi 22 février 2010
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 [L'accusé Petkovic vient à la barre]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
7 l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
9 les Juges, bonjour à tous dans le prétoire et autour du prétoire.
10 Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le procureur contre M. Prlic et
11 consorts. Merci beaucoup.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
13 En ce lundi, je salue en premier le général Petkovic qui est le
14 témoin de cette semaine et des semaines qui vont suivre. Je salue MM. les
15 accusés, je salue Mmes et MM. les avocats, je salue M. Scott et tous ses
16 collaborateurs et collaboratrices ainsi que toutes les personnes qui nous
17 assistent.
18 Tout d'abord, une information de nature administrative concernant le mois
19 d'avril.
20 Premièrement, comme je vous l'avais déjà dit, il n'y aura pas
21 d'audience le lundi 19 avril, le mardi 20 avril, le mercredi 21 avril et le
22 jeudi 22 avril.
23 Par ailleurs, la Chambre a pris compte de l'intervention de Me
24 Karnavas la dernière fois et a pris en compte également les observations de
25 M. Scott. Et donc la Chambre décide également que le mardi 6 avril et le
26 mercredi 7 avril, il n'y aura pas d'audiences, mardi 6 et mercredi 7, ce
27 qui fait que la Défense de M. Coric devra donc programmer ses témoins en
28 tenant compte de ces dates. Alors voilà, par exemple, nous reprendrons le 8
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1 avril, et le 8 avril vous pourrez faire venir un témoin qui témoignerait
2 pour la journée. Donc c'est à vous de voir, mais je sais que c'est un
3 exercice extrêmement compliqué pour la venue des témoins, mais autant le
4 savoir à l'avance. Voilà ce que je voulais vous dire.
5 Alors, Général Petkovic, je vais continuer à poser mes questions. Je vous
6 ai dis la semaine dernière que j'aborderais la question de l'entreprise
7 criminelle.
8 LE TÉMOIN : MILIVOJ PETKOVIC [Reprise]
9 [Le témoin répond par l'interprète]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Général Petkovic, vous vouliez me dire quelque
11 chose ? Vous avez levé la main.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Antonetti, si vous m'y
13 autorisez, j'aimerais en une minute compléter ce que nous avons dit la
14 dernière fois pendant notre déposition. Je pense que c'est très important.
15 Donc si vous m'y autorisez, je vous demanderais une minute avant de passer
16 à la question d'aujourd'hui.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, je voudrais parler
19 de ma déposition dans deux procès. Je voudrais vous informer du fait qu'en
20 ma qualité de témoin de la Chambre, j'avais pour devoir de remplir un
21 formulaire, d'établir des conditions et d'apporter un certain nombre de
22 renseignements à la Chambre. La Chambre a répondu à la demande et a dit
23 qu'elle acceptait cela et elle a donc fixé une date pour ma déposition.
24 Voilà ce que je voulais vous dire.
25 Quoi qu'il en soit et conformément au droit et au règlement appliqué par ce
26 tribunal, j'avais pour devoir d'informer personnellement la Chambre d'un
27 certain nombre de choses, je l'ai fait dans les deux cas et je pense que
28 ces documents font partie des archives.
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1 Voilà tout ce que je voulais dire et je pense que maintenant nous pouvons
2 poursuivre.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Par rapport à ce que nous avons dit la
4 semaine dernière, j'aurais deux questions de suivi à vous poser avant
5 d'aborder la question d'entreprise criminelle commune.
6 Questions de la Cour : [Suite]
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout d'abord, je voudrais savoir, Général Petkovic,
8 est-ce qu'à un moment donné avant --
9 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Nous n'entendons pas les interprètes,
10 Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je recommence.
12 Général Petkovic, est-ce que vous m'entendez ?
13 R. Oui.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est drôle, parce que chaque fois que je vais
15 poser une question importante, il y a un problème de traduction. C'est
16 extraordinaire.
17 Bien, alors écoutez bien ma question. Je voulais savoir, Général Petkovic,
18 avant que l'acte d'accusation n'ait été dressé par ce Tribunal, est-ce que
19 vous aviez été auditionné par le bureau du Procureur ou pas ?
20 R. Non, Monsieur le Président, personne n'a eu le moindre entretien avec
21 moi.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui fait, quand vous êtes venu témoigné dans
23 l'affaire Blaskic, personne ne vous avait demandé quoi que ce soit.
24 R. Je ne sais pas ce que vous avez à l'esprit lorsque vous dites demander,
25 parce que les questions peuvent venir du bureau du Procureur, de la Chambre
26 et de la Défense, mais en dehors de cela, il ne peut m'être posé aucune
27 question.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Non. Ce que je voulais dire, c'était avant que vous
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1 veniez témoigner dans l'affaire Blaskic, le bureau du Procureur n'avait pas
2 pris contact avec vous.
3 R. En effet, c'est exact, il n'a pas établi de contact avec moi.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Pendant ce week-end, j'ai pensé à vous
5 poser la question suivante. Nous savons à coup sûr que vous avez appartenu
6 à trois armées, JNA, l'armée croate et le HVO et peut-être même à l'ABiH,
7 mais ça, c'est le jugement qui le dira. Ce que je voudrais savoir, comme
8 vous êtes passé successivement dans plusieurs armées, par rapport aux unes
9 et aux autres, avez-vous trouvé des différences, et si oui, lesquelles ?
10 A titre d'exemple, moi, par exemple, qui était dans un système de droit, et
11 quand je suis venu ici, j'ai trouvé des différences et au moins déjà deux.
12 Dans mon système, j'avais l'impression que nous étions beaucoup plus
13 rigoureux, et deuxièmement, dans mon système, les autres juges ne posent
14 pas les questions. Les questions sont uniquement posées par le président de
15 la chambre. Et donc, quand je suis arrivé ici, j'ai vu que les systèmes
16 étaient différents. Alors, moi, ce que je voudrais savoir, est-ce que vous-
17 même, passant de la JNA à l'armée croate puis au HVO, est-ce que vous avez
18 vu des différences ? Et si oui, lesquelles ?
19 R. Oui, Monsieur le Juge, il y avait des différences. L'armée populaire
20 yougoslave, la JNA, était une institution qui s'est entraînée, a construit
21 sa structure pendant la Seconde Guerre mondiale et après la Seconde Guerre
22 mondiale. Elle avait un nombre d'officiers et de sous-officiers bien défini
23 et suffisant, qui étaient bien entraînés au sein de l'armée. Elle avait une
24 structure complète d'équipement et de centre et bâtiments de la JNA. Elle
25 avait également les structures de la Défense territoriale et d'autres
26 structures adjointes. Donc dans un cadre comme celui là, on savait
27 exactement qui commandait le 1er Département, la 3e Compagnie, le 1er
28 Bataillon dans une brigade de partisans. Ça, ça se savait parfaitement
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1 bien. Donc c'était une structure très bien organisée qui a fait ses preuves
2 pendant des années au sein de laquelle les gens se connaissaient et qui
3 avait une base qui lui était propre.
4 Mais j'ajouterais aussi ce qui suit, lorsque la guerre a commencé dans ce
5 territoire, voire lorsque cette structure a commencé à perdre ses membres
6 slovènes, croates, et même plus tard, Musulmans de Bosnie, cette structure
7 a, elle aussi, éprouvé des difficultés du point de vue de l'organisation et
8 du point de vue d'autres aspects, voyez-vous. Parce que quand une structure
9 perd des éléments, cela crée des difficultés. Mais en dépit de cela,
10 c'était tout de même une structure qui, depuis sa base jusqu'à l'Etat, se
11 tenait parfaitement bien et avait ses plans et projets qui étaient solides.
12 A la différence de cette structure, l'armée croate ne pouvait pas se créer
13 à l'époque où la Croatie faisait partie intégrante de la Yougoslavie. Elle
14 a perdu sa Défense territoriale, lorsque la Croatie avait sa Défense
15 territoriale qui était l'une des plus fortes et les plus puissantes des
16 anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie. Mais elle a perdu totalement sa
17 Défense territoriale. A ma connaissance, pas une seule brigade de
18 réservistes de la Défense territoriale n'est restée au sein de l'armée
19 croate dans son intégralité. Toutes ces brigades, avec une partie de leurs
20 effectifs et une partie de leurs équipements, sont passées partiellement du
21 côté de la JNA, c'est ce qui est arrivé aussi en Bosnie-Herzégovine,
22 lorsque a commencé ce que je me permettrais d'appeler le démontage de
23 l'armée populaire yougoslave.
24 Donc, la JNA, l'armée croate et le HVO, lorsque les combats ont
25 commencé - donc je parle du début des combats, c'est-à-dire du moment où la
26 JNA avait déjà pris ses positions - et dans ces conditions, elle a dû
27 rassembler ses effectifs et s'organiser en l'absence de commandement
28 organisé et d'état-major très organisé. Mais on décidait un peu au jour le
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1 jour qui allait commander quoi. Autrement dit, on s'est lancés dans la
2 guerre sans réelle structure contre une armée qui, depuis de très
3 nombreuses années, avait une structure très solide et bien construite.
4 Donc, voilà, c'était une différence. Au sein de la JNA, si on
5 parlait de brigade, on savait qu'elle avait 2 500 hommes et qu'elle serait
6 intégralement là, qu'il y aurait peut-être nécessité de compléter les
7 effectifs à 30 %, mais pas plus. Alors qu'au sein du HVO, de l'ABiH et de
8 l'armée de Croatie, de nouvelles modalités de travail ont dû être mises en
9 places parce que pour maintenir en place 2 500 hommes, il fallait mobiliser
10 10 000 hommes sur huit mois, parce qu'on tenait compte de la dimension
11 sociale également, on tenait compte de la nécessité de ne pas séparer ces
12 hommes trop longtemps de leurs familles et de leurs moyens de gagner leur
13 vie. Donc c'était une grande différence. On ne peut pas comparer la JNA
14 qui, à l'époque, était une armée organisée, avec les armées qui se sont
15 créées dans cette période-là. L'armée croate a atteint son niveau de
16 véritable création juste avant l'opération Tempête. Ce qui, tout de même,
17 fait pas mal de temps après le moment où elle s'est créée. Et puis, cette
18 armée croate a vécu également une phase, au moment où la FORPRONU est
19 arrivée en 1992, une phase où les forces qui se trouvaient sur les fronts
20 déterminés par la FORPRONU étaient minimales, et les autres effectifs
21 pouvaient s'entraîner. C'est ainsi que la Brigade des Gardes croates a vu
22 le jour, qui, par la suite, a démontré qu'elle était plus puissante que la
23 brigade de la JNA ou celle de l'ABiH.
24 Mais ni le HVO ni l'ABiH, à la différence de la JNA, n'a eu un seul
25 jour pour souffler, me permettrais-je de dire, un seul jour pour regrouper
26 les unités qui avaient été formées et les entraîner. Voilà, ça, c'est une
27 différence qui est extraordinairement importante quand on parle de
28 structure militaire.
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1 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi
2 une correction au compte rendu très importante, à mon avis. Page 7, ligne
3 3, on lit en anglais que le général aurait dit que l'armée croate est
4 devenue une armée bien construite à la veille des opérations Eclair et
5 Tempête. Enfin, ceci ne figure pas correctement au compte rendu et je pense
6 que c'est particulièrement important étant donné que l'année concernée est
7 1995, et nous savons parfaitement bien de quelle opération il est question.
8 Merci.
9 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour votre longue réponse qui nous permettra
11 de bien prendre en compte les différences.
12 Juste une dernière question avant d'aborder l'entreprise criminelle
13 commune.
14 La semaine dernière, vous nous avez donné par le détail les dates où vous
15 étiez à Genève dans le cadre de la conférence. Et de mémoire, je n'ai pas
16 le transcript sous les yeux, vous y êtes allé à trois reprises. Je voulais
17 savoir où se tenait la conférence. Dans un hôtel ou au centre des
18 conférences internationales de Genève, ou ailleurs ?
19 R. Messieurs les Juges, elle s'est déroulée dans les bâtiments -- est-ce
20 que ce sont les bâtiments des Nations Unies ou le centre que vous venez
21 d'évoquer, en tout cas, un complexe de bâtiments qui se trouve à quelques
22 minutes de l'Hôtel International ou Intercontinental, je ne sais plus
23 comment il s'appelait. Je considérais qu'il s'agissait d'un complexe de
24 bâtiments qui appartenait aux Nations Unies, et c'est donc dans ce complexe
25 de bâtiments que s'est déroulée la conférence.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que toutes les délégations étaient toutes
27 réunies dans un même hôtel ou dans des hôtels différents ?
28 R. Non, Messieurs les Juges. Cela dépendait de qui avait réussi à
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1 réserver. La première fois, j'ai logé à l'Hôtel International, après quoi
2 j'ai logé dans des pensions. Je ne sais même plus très bien comment elles
3 s'appelaient, pas très loin de l'endroit où se tenait la conférence, parce
4 qu'on ne savait pas exactement quand il fallait réserver, à Genève, il est
5 toujours très difficile de trouver de la place. Donc les uns allaient dans
6 un hôtel; les autres dans un autre. Mais en tout cas, toutes les
7 délégations n'étaient pas logées toutes ensemble au même endroit.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La délégation conduite par Mate Boban, vous
9 étiez seuls dans un hôtel, ou vous étiez en même temps avec la délégation
10 de la République de Bosnie-Herzégovine ?
11 R. Messieurs les Juges, la première que j'y suis allé, j'étais aussi dans
12 cet hôtel. Je crois que nous étions au 13e étage, et il s'agissait de moi,
13 de M. Boban, de M. Mandzic, et de deux autres hommes qui accompagnaient
14 Mate Boban. La deuxième fois, moi-même, M. Mandzic et un professeur de
15 Sarajevo, nous n'avions pas de place dans cet hôtel. D'ailleurs, il était
16 cher, voyez-vous, alors, nous sommes descendus dans un hôtel plus petit, je
17 ne sais plus quel était son nom, qui se trouvait à 15 minutes à peu près du
18 premier hôtel. Et puis, je crois qu'il y a aussi un hôtel qui s'appelle
19 l'Hôtel Président. M. Izetbegovic, quand il était à la conférence,
20 descendait à l'Hôtel Président, et les Serbes aussi, me semble-t-il, sont
21 descendus une fois à l'Hôtel International, et la deuxième fois, je ne sais
22 pas où. Et si nous étions tous à l'Hôtel International, il y avait une
23 différence de trois ou quatre étages entre deux délégations différentes, et
24 il y avait une sécurité de garde, en civil, bien sûr, qui assurait la
25 sécurité de chacune des délégations.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Quand vous vous réunissiez avec
27 les délégations, est-ce qu'il y avait un petit drapeau sur le bureau, ou
28 bien il n'y avait pas de drapeau et simplement des petits cartons où il y
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1 avait marqué "République de Bosnie-Herzégovine", "Conseil croate de la
2 Défense", je ne sais ?
3 R. Monsieur le Juge Antonetti, il s'agissait de séances plénières. Et les
4 seules informations disponibles concernaient l'emplacement de chacun autour
5 de la table. Si je me souviens bien, il y avait la délégation de la
6 Yougoslavie, puis la délégation de la République de Croatie, puis nous-
7 mêmes du HVO. Autour de nous, il y avait la délégation de M. Izetbegovic.
8 Et voilà, il n'y avait aucun drapeau, aucune pancarte devant chacun d'entre
9 nous avec un emblème particulier, sauf, si je me souviens bien, notre nom.
10 Quant au travail, chaque fois que le président le demandait, on allait dans
11 une pièce où se trouvait le président, et la délégation qui était invitée
12 dans le bureau du président s'exprimait la plupart du temps sur les
13 principes constitutionnels ou sur des cartes. Cela durait une heure ou
14 deux, et ensuite la délégation se retirait, était remplacée par une autre
15 délégation qui faisait, je suppose, la même chose. Le bureau était assez
16 petit et on attendait dans des pièces réservées aux délégations.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, je vous pose des questions très
18 techniques, parce que moi-même j'ai participé à ce genre de conférences
19 internationales, et je sais comment les choses peuvent se passer. Je vais
20 terminer juste par un petit détail technique.
21 Est-ce que vous aviez un badge sur vous pour circuler, ou personne n'avait
22 de badges ?
23 R. Messieurs les Juges, nous n'avions aucun insigne, aucun signe
24 distinctif particulier, mais on nous a dit dans quels lieux nous pouvions
25 circuler. Et si je me souviens bien, il y avait cette grande salle où se
26 tenait la séance plénière et une dizaine de bureaux et un grand hall. Mais
27 en dehors de ces lieux, personne ne pouvait sortir du bâtiment et ne
28 pouvait sortir de cet espace. Et à l'intérieur de cet espace, on nous
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1 servait des sandwichs, des boissons, et cetera, et on y passait la journée,
2 jusqu'à 4, 5 ou 6 heures de l'après-midi. Personne n'avait le droit de
3 sortir et de circuler librement dans le reste du bâtiment.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand le président de la conférence s'adressait à
5 vous, à Mate Boban, à M. Izetbegovic, et cetera, Karadzic - je présume
6 qu'il devait être là aussi - que disait-il ? M. Boban, ou il donnait
7 également le titre et la qualité ?
8 R. Messieurs les Juges, si je me souviens bien, il utilisait simplement la
9 mention "M." suivi du nom. Mais il me semble qu'au président Tudjman, au
10 président Cosic - parce que je crois qu'il est venu une fois - au président
11 Milosevic et au président Izetbegovic, il me semble qu'il les appelait "M.
12 le Président". Cela dépendait. Mais en principe, il disait : Monsieur, et
13 voilà. Il n'y avait pas de communication directe. On commençait par la
14 première délégation, puis on faisait le tour de table, et ensuite on
15 entamait les discussions bilatérales qui étaient demandées, c'est-à-dire
16 que les militaires, par exemple, allaient dans une pièce voisine avec le
17 général Nambiar.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Petkovic, je vais maintenant aborder
19 l'entreprise criminelle commune qui figure au paragraphe 15 de l'acte
20 d'accusation.
21 Mais avant cela, je voulais vous demander, est-ce que vous avez eu
22 l'intégralité de l'acte d'accusation dans votre langue ?
23 R. Oui, Monsieur le Juge, je l'ai reçu.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous eu également le mémoire préalable
25 dans votre langue, mémoire préalable, est-ce que vous l'avez eu dans votre
26 langue ?
27 R. J'ai eu connaissance du mémoire préalable au procès par le biais de mon
28 avocate.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, comme vous le savez, comme vous avez dû
2 lire et relire ce document, vous savez - et je vais poser la même question
3 au général Praljak, et je vous la pose également - que le Procureur indique
4 qu'entre le 18 novembre 1991 ou avant - le mot "avant" est important - et
5 avril 1994 environ, et après - le mot "après" est important aussi -
6 diverses personnes ont mis sur pied une entreprise criminelle commune et y
7 ont participé en vue de soumettre politiquement et militairement les
8 Musulmans de Bosnie et autres non-Croates qui vivaient dans des régions du
9 territoire de la République de Bosnie-Herzégovine revendiquaient comme
10 faisait partie de la communauté croate, entre parenthèses, "future
11 république d'Herceg-Bosna", de les chasser définitivement, de procéder à un
12 nettoyage ethnique de ces régions, et de réunir à court ou à long terme ces
13 dernières au sein d'une Grande-Croatie, soit par rattachement à la
14 République de Croatie, soit en étroite association avec elle, et ce, par la
15 force, l'intimidation, ou la menace du recours à la force, la persécution,
16 l'emprisonnement et la détention, le transfert forcé et l'expulsion,
17 l'appropriation et la destruction de biens, et par d'autres moyens
18 consistant à commettre des crimes sanctionnés par les articles 2, 3 et 5 du
19 Statut. L'entreprise criminelle commune s'était fixé pour objectif de créer
20 un territoire croate reprenant les frontières de la Banovina croate, entité
21 territoriale ayant existée de 1939 à 1941. Elle visait notamment à
22 redessiner la carte politique et ethnique de ces régions de façon à ce
23 qu'elle soient dominées par les Croates, tant sur le plan politique que sur
24 le plan démographique. Alors, voilà ce que le Procureur dit concernant
25 cette entreprise criminelle.
26 Alors, qu'est-ce que vous en dites, vous ?
27 R. Ma réponse, Monsieur le Président, consiste à dire que ceci n'est pas
28 exact, et que ceci ne correspond pas à la vérité, que les Croates n'ont
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1 aucunement eu l'intention en Bosnie-Herzégovine d'agir de façon
2 discriminatoire à l'égard de quoi que ce soit. Les Croates n'ont jamais eu
3 l'intention en Bosnie-Herzégovine de diviser ou dépecer la Bosnie-
4 Herzégovine. Bien au contraire, les Croates ont commencé la guerre dans
5 l'intention de préserver l'intégralité de la Bosnie-Herzégovine, puisqu'ils
6 soutenaient l'idée d'un Etat indépendant. Par conséquent, je rejette les
7 déclarations qui figurent dans ce document.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les personnes qui, d'après le Procureur, ont
9 participé à cette entreprise, je vais vous dire les noms, puis après je
10 vais vous interroger sur chacun. Les personnes sont les suivantes : Franjo
11 Tudjman, président de la République de Croatie, qui est décédé le 10
12 décembre 1999; Gosko Susak, ministre de la Défense de la République de
13 Croatie, décédé le 3 mai 1998; Janko Bobetko, général de haut rang de
14 l'armée de la République de Croatie décédé le 29 avril 2003; Mate Boban,
15 président de la Communauté croate et de la République d'Herceg-Bosna,
16 décédé le 8 juillet 1997. Ça, ce sont tous ceux qui sont morts. Maintenant
17 les vivants, les voilà : Jadranko Prlic, Bruno Stojic, Slobodan Praljak,
18 vous-même, Valentin Coric, Berislav Pusic, Dario Kordic, Tihomir Blaskic et
19 Mladen Naletilic.
20 Alors, on va les passer tous en revue pour savoir si vous les
21 connaissiez, quand, comment, et cetera.
22 M. Tudjman, est-ce que vous le connaissiez; et si oui, quand l'aviez-
23 vous rencontré ?
24 R. Messieurs les Juges, bien entendu, j'ai connu M. Tudjman. Je savais
25 quand est-ce qu'il l'avait emporté aux élections en République de Croatie,
26 c'est-à-dire pour ce qui est du début de sa campagne électorale lors des
27 premières élections en République de Croatie. Le président Tudjman, je l'ai
28 rencontré pour la première fois à Genève en janvier 1993. Jamais jusque là
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1 le président Tudjman ne s'est déplacé vers la Dalmatie pour rendre visite
2 aux unités de la République de Croatie et me permettre de le rencontrer. Ma
3 position au sein de l'armée croate était de nature à m'interdire tout
4 déplacement vers Zagreb et me déplacer d'une façon autre aux fins de
5 pouvoir contacter lors de mes déplacements le président, le Dr Franjo
6 Tudjman. Par conséquent, mon premier contact avec le président Tudjman, là
7 où on était près l'un de l'autre, c'est lorsque nous avons été à cette
8 conférence, et nous nous sommes vu le 2 janvier 1993 à Genève.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si je comprends bien, avant le 2 janvier
10 1993, vous n'aviez eu aucune conversation avec le président Tudjman ?
11 R. Non, Monsieur le Juge. Je n'ai pas eu de conversation, je n'ai pas eu
12 l'occasion de me trouver où que ce soit à proximité du président Tudjman.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui voudrait dire qu'avant le 2 janvier 1993, si
14 le président Tudjman avait eu dans l'idée de créer une Grande-Croatie, il
15 ne vous en avait pas parlé avant le 2 janvier 1993, car vous ne l'aviez pas
16 vu jusqu'à présent ?
17 R. C'est exact. Je ne l'ai pas rencontré, je n'ai pas eu de contact et je
18 n'ai pas lu non plus à quelque endroit que ce soit que le président Tudjman
19 aurait eu de telles intentions éventuelles, je dis intentions entre
20 guillemets.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Passons à M. Gojko Susak.
22 A quel moment l'avez-vous rencontré, dans quelles circonstances ?
23 R. Messieurs les Juges, il en va de même pour ce qui est de Genève le 2
24 janvier 1993, parce que Gojko Susak était membre de la délégation à ce
25 moment-là, délégation de la République de Croatie. Avant cela, je n'ai pas
26 eu l'occasion de rencontrer Gojko Susak.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, même question. Avant le 2 janvier 1993, à
28 aucun moment, si je comprends bien, vous avez pu vous entretenir avec M.
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1 Susak sur la Banovina, la Grande-Croatie, et cetera ?
2 R. Non, Monsieur le Juge.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Passons au troisième, le général Bobetko. A
4 quel moment l'avez-vous rencontré, lui, la première fois ?
5 R. Messieurs les Juges, ça s'est passé le 10 avril 1992, à Ploce, ça se
6 trouve en République de Croatie.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et le 10 avril 1992, que vous a-t-il dit ?
8 R. Ce 10 avril 1992, le général Bobetko et moi, on s'est entretenus au
9 sujet d'une situation survenue après l'attaque lancée par la JNA et la VRS
10 contre le HVO de la municipalité de Kupres, une partie de la municipalité
11 de Tomislavgrad, une partie de la municipalité de Livno, et nous avons
12 parlé des conséquences éventuelles que pourrait avoir une défaite pour ce
13 qui est des événements à suivre au niveau de l'Herzégovine ainsi qu'au
14 niveau du sud de la République de Croatie. Et c'est compte tenu de ce type
15 de situation telle qu'elle a évolué, notamment sur le territoire de Kupres,
16 que le général Bobetko s'est déplacé vers la partie sud de la Croatie.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous rencontrez, en avril 1992, le général
18 Bobetko, est-ce qu'il s'entretient avec vous de la question de la Grande-
19 Croatie, de la Banovina, du projet de redessiner la carte politique
20 ethnique de ces régions de façon à ce que les Croates dominent ? Est-ce
21 qu'il vous a parlé de tout cela ?
22 R. Non, Monsieur le Juge Antonetti. Il n'en a pas été question du tout. Il
23 a parlé des événements en Herzégovine de l'Ouest, de la situation en
24 Herzégovine de l'Est au niveau de la Neretva, et on a parlé de la façon
25 dont il fallait organiser la libération du sud de la Croatie en direction
26 de Dubrovnik. C'étaient les seules choses dont il a été question.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Dois-je comprendre que l'entretien que vous avez eu
28 avec le général Bobetko était uniquement centré sur la défense de la
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1 République de Croatie, du fait de l'offensive des Serbes ?
2 R. C'est exact, Monsieur le Juge, c'est de cela que nous avons discuté et
3 de la façon dont il fallait stopper l'offensive serbe -- ou lancer une
4 contre-offensive pour libérer le sud de la République de Croatie, parce
5 qu'au sud de la Croatie, il n'y a pas eu d'effectifs des Nations Unies de
6 déployés. La Croatie avait donc l'autorisation, si faire se pouvait, de
7 libérer le sud de la Croatie.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je passe à Mate Boban. Vous nous l'avez déjà
9 dit la semaine dernière, mais comme le transcript sera lu dans son entier,
10 même question. Pouvez-vous me redire quel jour exact avez-vous vous
11 rencontré Mate Boban ?
12 R. Messieurs les Juges, ça s'est passé fin mars 1992. Et le site, c'est
13 Metkovic à l'Hôtel Narona, c'est là que mon agent chargé de la logistique
14 et moi devions signer un contrat relatif à la préparation de repas pour
15 l'armée croate qui se trouvait sur la partie sud de la République de
16 Croatie. A ce moment-là, il est arrivé un individu, et on m'a dit par la
17 suite que l'intéressé était Mate Boban.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce que M. Mate Boban s'est adressé à vous
19 en parlant avec vous, ou bien il était là, mais vous n'avez pas discuté
20 entre vous deux ?
21 R. Monsieur le Juge Antonetti, mon adjoint chargé de la logistique avant
22 la guerre était le chef d'un grand centre touristique dans les parages de
23 Split. Mate Boban, lui, s'était trouvé être directeur d'une entreprise
24 commerciale sise à Imotski, Imotski étant en arrière fond dans la partie
25 continentale derrière Split. Et ils ont très bien collaboré à l'époque où
26 M. Boban était gérant de cette société et ils se connaissaient depuis ces
27 relations d'affaires. Et c'est de la sorte qu'il m'a présenté à M. Boban.
28 C'est de la sorte qu'on s'est connus à cet hôtel.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, votre assistant logistique, vous
2 l'aviez dit la semaine dernière, vous présente à M. Mate Boban qui fait
3 votre connaissance. Est-ce qu'à ce moment-là, M. Mate Boban va vous dire :
4 Voilà, je veux restituer la Banovina, je veux une Grande-Croatie, je veux
5 que les Croates soient majoritaires, et cetera, et cetera ? Est-ce qu'il
6 vous a dit cela ?
7 R. Non, Monsieur le Juge Antonetti. M. Boban a demandé à ce que je lui
8 dise si Neum était sûr, parce que l'armée croate avait stoppé l'avancée de
9 la JNA juste devant Neum. Il m'a demandé si Metkovic et la vallée de la
10 Neretva étaient sécurisées et est-ce que l'armée croate était sûre de
11 pouvoir défendre. Alors, je lui ai fourni une information sur le fait
12 d'après lequel l'armée croate, depuis quelques mois, tenait ces positions,
13 parce que les forces serbes n'avaient pas réussi à les déplacer. Et j'ai
14 dit que nous espérions pouvoir le faire.
15 Ensuite, je lui ai demandé comment se présentait la situation pour ce
16 qui est de la vallée de la Neretva, parce qu'il est normal que nous ayons
17 dépendu de l'évolution de la situation entre Capljina et Mostar. Il m'a
18 raconté ce qu'il savait à ce moment-là au sujet des effectifs qui s'étaient
19 déployés face à la JNA à différents sites, et ça, on l'a déjà entendu dans
20 le témoignage effectué par le général Praljak.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Mate Boban était donc le commandant suprême du HVO.
22 Vous, vous étiez le chef d'état-major du HVO. Dans ces deux fonctions, la
23 sienne et la vôtre, est-ce que vous avez été amenés à vous rencontrer,
24 selon quelle périodicité, y avait-il des témoins ou bien vous n'étiez que
25 tous les deux face à face ?
26 Attendez. Il y a une erreur au transcript. D'habitude, je ne regarde pas le
27 transcript, parce que je regarde le témoin. Mais à la ligne 25, il faut
28 lire : vous, vous étiez le chef d'état-major du HVO, pas de la HV.
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1 Bien. Alors, pouvez-vous répondre ?
2 R. Messieurs les Juges, laissez-moi vous dire d'abord que Mate Boban
3 n'était pas le commandant suprême à ce moment-là. Ce n'était que des
4 débuts. Il s'agissait de ces débuts d'unités locales sur le territoire de
5 l'Herzégovine, et moi, j'étais dans le secteur opérationnel de Split.
6 C'était là que se trouvaient nos positions à nous.
7 Je ne me suis jamais entretenu en tête-à-tête avec Boban. Je crois que
8 notre entretien suivant, ça s'est passé vers le 1er avril ou entre le 1er
9 et le 3 avril, moment où il a souhaité dire que la JNA et la VRS allaient
10 sûrement lancer une offensive sur le territoire de Kupres, comme je l'ai
11 dit, sur une partie de la municipalité de Livno et Tomislavgrad. Et il a
12 demandé qu'allait donc faire cette zone opérationnelle, parce qu'on
13 risquait de voir menacés le secteur de Sinj et tout ce qui se trouvait au
14 sud de Split. Et je lui ai tout simplement dit que la zone opérationnelle
15 allait suivre l'évolution de la situation et qu'en ce moment-ci, la zone
16 opérationnelle ne pouvait rien faire de plus. Au cas où il y aurait
17 activités de combat, on verrait bien ce qu'allait faire l'état-major de
18 l'armée croate.
19 Et il nous a fait savoir qu'il serait bon d'aider sur le plan
20 organisationnel le HVO, parce qu'il n'y avait pas de forme
21 organisationnelle de mise en place encore, et il redoutait une percée
22 puissante depuis l'ouest de l'Herzégovine vers la vallée de la Neretva et
23 vers la République de Croatie. Voilà la teneur de cet entretien.
24 Et je ne sais pas vous dire si le 4, lorsque l'attaque a été lancée,
25 il a contacté au téléphone la zone opérationnelle de Split pour l'informer
26 de ce qui se passait. Je me trouvais à ce moment-là dans la vallée de la
27 Neretva. Je n'étais pas présent pendant le début de l'attaque à Split.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pendant cette période, jusqu'en avril 1992,
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1 vous, vous étiez dans la zone opérationnelle de l'armée croate. Mais
2 pouvez-vous me dire maintenant, de façon très précise, à quel moment vous
3 avez eu un entretien avec Mate Boban, lui en tant que commandant suprême du
4 HVO et vous en qualité de chef d'état-major du HVO ? A quel moment a eu
5 lieu cette rencontre et cet entretien ?
6 R. Messieurs les Juges, il y a eu une rencontre le 12 avril 1992 au moment
7 où la JNA a réussi à maîtriser tout le territoire de l'Herzégovine de
8 l'Ouest. Et M. Boban, lui, s'est déplacé vers Ploce pour prier le général
9 Bobetko et demander de l'aide pour organiser la défense et attaquer Livno,
10 Tomislavgrad, Prozor, et cetera. Moi, je n'étais pas du tout un chef
11 d'état-major à l'époque.
12 La fois d'après, c'était le 14 avril, deux jours plus tard. J'arrive
13 à Grude, et pour une troisième fois, je fais la connaissance de M. Boban.
14 Et vous avez pu voir qu'à partir du 15 avril 1992, l'ordre du général
15 Bobetko se rapporte à la mise en place d'un poste de commandement avancé à
16 Grude. Et à partir de ce moment-là, je considère que c'est le 14 avril, il
17 n'y a pas eu d'ordres de rédigés. Je n'ai passé peut-être que trois heures
18 là-bas et je suis rentré à Ploce. Mais le document, lui, a été rédigé
19 officiellement le 15 avril 1992, date à laquelle j'ai été nommé chef du
20 poste de commandement avancé, vous avez pu le voir, aux côtés de plusieurs
21 autres individus membres du HVO.
22 Et c'est à partir de là que je séjourne en continuité sur le
23 territoire de l'Herzégovine, à savoir dans les rangs du HVO. Il y avait là
24 un décret en vigueur depuis quelques jours par rapport à la date en
25 question pour ce qui est de la création du HVO.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, si on doit bien comprendre, vous, vous
27 estimez qu'à partir du 15 avril 1992, vous êtes chef d'état-major du HVO.
28 Est-ce qu'à ce moment-là votre supérieur direct est M. Mate Boban, au point
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1 de vue militaire ?
2 R. C'est exact. Mais en 1992, pas en 1991.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous dites c'est exact. Dans les opérations
4 militaires, quelles soient défensives ou offensives, entre guillemets - je
5 n'entre pas dans les nuances - est-ce que tout ce que vous avez fait comme
6 chef d'état-major était strictement sous le contrôle du commandant suprême,
7 Mate Boban ?
8 R. Si Mate Boban était le commandant suprême, alors on ne pouvait rien
9 faire sans que lui ne dise oui ou qu'il n'ait donné son feu vert. D'abord,
10 c'étaient des opérations défensives en direction de Livno et Tomislavgrad,
11 puis une opération de libération en juin 1992 pour ce qui est de la rive
12 droite de la Neretva, et cetera. Je précise que dans cette partie-là, les
13 ordres étaient donnés par le général Bobetko.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Concernant donc la région Livno-Tomislavgrad,
15 vous dites à l'époque, les ordres étaient donnés par le général Bobetko,
16 général de l'armée croate. Mais d'après vous, à quel moment exact Mate
17 Boban a revêtu sa tunique de commandant suprême du HVO en toute
18 indépendance vis-à-vis de l'armée croate ? Ou bien il n'était pas
19 indépendant.
20 R. Messieurs les Juges, Mate Boban a exercé pour la première fois ses
21 fonctions le 3 juillet 1992, lorsqu'il y a promulgation de ce décret
22 relatif aux forces armées. Jusque-là, Mate signait comme président du HVO
23 ou président de la HZ-HB, mais pas en tant que commandant suprême.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pour vous, la date-clé, c'est le 3
25 juillet 1992, où Mate Boban est là, si je comprends bien, commandant
26 suprême du HVO militaire. Sous la foi du serment - et avant de répondre,
27 réfléchissez bien - pouvez-vous me dire si, à partir du 3 juillet 1992, les
28 opérations militaires menées par le HVO sous votre autorité de chef d'état-
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1 major du HVO étaient des opérations strictement contrôlées par Mate Boban
2 ou bien ces opérations étaient contrôlées par l'armée croate ?
3 R. Monsieur le Juge Antonetti, j'ai déjà répondu pour dire que la première
4 fois où on a évoqué la fonction de commandant suprême, c'était au niveau de
5 ce décret-là. Jusque-là, Mate Boban promulguait des documents, mais ne
6 signait pas en tant que commandant suprême. Peut-être cela était-il sous-
7 entendu, parce qu'en sa qualité de président de la HZ-HB, il signait des
8 documents et il était sous-entendu que c'était lui qui était le donneur
9 d'ordres. Mais la fonction de commandant suprême est pour la première fois
10 évoquée le 3 juillet 1992.
11 Et il va sans dire que dans la partie frontalière de la Neretva et
12 dans la direction de Tomislavgrad, pendant ces trois premiers mois, les
13 ordres, eux, étaient donnés par Bobetko. Mate Boban, comme vous avez pu le
14 voir au niveau de certains autres documents, était chargé de la solution
15 des autres situations, mais était engagé au niveau politique pour ce qui
16 est de la rédaction de ces ordres.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me dire, c'est très important, à quel
18 moment, à votre connaissance, le général Bobetko n'a plus donné d'ordres
19 aux troupes sur le terrain ?
20 R. Messieurs les Juges, ça s'est passé au mois de septembre 1992. C'est
21 certain, parce que la dernière des dates données par lui, c'était le 13
22 juillet 1992, lorsqu'il a donné l'ordre que certaines parties de l'armée
23 croate qui se trouvaient dans la partie frontalière soient déplacées vers
24 le territoire de la République de Croatie. Et la dernière réunion s'est
25 tenue au mois de septembre 1992, et c'est là que le commandement tout
26 entier sur le territoire tenu par le HVO a été placé sous la coupe de
27 l'état-major principal du HVO.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au moins, voilà, on progresse, puisque
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1 maintenant vous êtes très précis. Vous dites à partir du mois de septembre
2 1992, le général Bobetko a cessé de donner des ordres.
3 Alors, je vais rentrer dans un cas très précis pour vérifier ce que vous
4 dites. Je vais prendre la situation de Prozor, Rama, comme vous voulez, en
5 octobre 1992. Il y a des problèmes. Je n'entre pas dans les détails, parce
6 qu'on y a passé des dizaines d'heures. Le général Praljak nous a expliqué
7 qu'il est allé sur place pour les résoudre. Mais c'est vous qui témoignez,
8 ce n'est pas le général Praljak.
9 Pouvez-vous me dire quand ces événements sont intervenus, est-ce qu'à
10 un moment donné, vous, vos subordonnés, voire le général Praljak, avant de
11 faire quoi que ce soit, de décider de quoi que ce soit, prenez le
12 téléphone, appelez Zagreb, appelez le général Bobetko, appelez Tudjman,
13 appelez Susak pour leur demander, qu'est-ce qu'on fait, ou bien l'événement
14 de Prozor a été géré de A à Z par le HVO en toute indépendance ?
15 R. Messieurs les Juges, je vais d'abord vous répondre pour dire que
16 le général Bobetko, à ce moment-là, résolvait les problèmes au niveau de la
17 JNA, qui, sur la base d'un accord signé entre Bobetko, Strugar et le
18 général Morillon, était censée quitté, à partir du 15 octobre, la partie
19 sud de la Croatie à l'est de Dubrovnik et se retirer vers le Monténégro,
20 c'est-à-dire l'ex-Yougoslavie. Le général Bobetko, en aucune façon ne s'est
21 déplacé vers ces territoires-là, et encore moins quelqu'un aurait-il fait
22 appel à Franjo Tudjman ou à Gojko Susak. Il me semble que trois jours avant
23 cela, j'avais entamé des préparatifs d'opération dans la vallée de la
24 Neretva face aux Serbes, qui se retiraient vers ce territoire de la
25 République de Croatie. Et il me semble que c'est le 18 que j'ai commencé à
26 me procurer des moyens à partir de la zone opérationnelle de l'Herzégovine
27 du nord-ouest et transférer cela vers la Neretva. Trois obusiers de 122-
28 millimètres que j'ai pris. Trois obusiers de 122-millimètres. Je pense que
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1 je les ai pris le 17 ou le 18 octobre. Et j'ai transféré cela depuis cette
2 zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest vers la vallée de la
3 Neretva avec les équipages, avec les munitions, le matériel de tir, et
4 cetera. Donc à ce moment-là, nous étions tous tournés vers les préparatifs
5 d'une opération dans la vallée de la Neretva pour une raison qui est la
6 suivante : les forces de la JNA et les volontaires serbes, depuis le sud de
7 la Croatie, prétendument, se retiraient vers l'Herzégovine de l'est.
8 L'intention était donc de faire en sorte que s'ils avaient perdu le
9 littoral, donc la côte, ils voulaient se retirer vers la vallée de la
10 Neretva. Donc nous, on se tournait vers la vallée de la Neretva.
11 Et personne n'a réfléchi à Prozor et ne s'est attendu à ce qu'il y
12 ait des événements à Prozor. Le seul endroit qui a fait l'objet de nos
13 réflexions, c'était Jajce, qui se trouvait déjà à la limite du possible
14 pour ce qui était de tenir.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous nous dites qu'au courant
16 d'octobre, le souci du HVO et de l'armée croate était la vallée de la
17 Neretva, où il y avait les Serbes. On doit donc en déduire que l'armée
18 croate ne se préoccupait pas, à ce moment-là, de la question HVO-ABiH; est-
19 ce que c'est exact ?
20 R. Exact, Monsieur le Juge Antonetti, sauf que j'ajouterai une correction.
21 L'armée croate n'était pas dans la vallée de la Neretva. A ce moment-là,
22 elle était à la frontière entre la République de Bosnie-Herzégovine et la
23 Croatie, depuis Popovo Polje, qui est le lieu de naissance de Vojislav
24 Seselj, si je dois vraiment le dire, jusqu'à la frontière avec le
25 Monténégro. C'était le HVO qui à ce moment-là contrôlait le territoire
26 situé à l'est de la Neretva, c'est-à-dire dans la région de Stolac, pas
27 entièrement, mais 80 à 90 %, et Mostar Est, ainsi que Bijelo Polje, et
28 cetera. Donc le HVO était en train de se préparer à l'opération dont j'ai
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1 parlé en raison de la concentration des forces serbes qui, lorsqu'elles se
2 sont retirées de Croatie, au lieu de se diriger vers le Monténégro, sont
3 arrivées à Trebinje, Nevesinje et la région de ces municipalités afin de
4 remettre le pied dans la vallée de la Neretva. C'était ça leur objectif.
5 Elles avaient été battues en Croatie du Sud, mais elles voulaient trouver
6 une forme de satisfaction en retournant dans la vallée de la Neretva. Donc
7 le HVO a dû commencer à se préparer à une attaque, et c'est ce qui a été
8 fait au début du mois de novembre.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Petkovic, je vous pose ces questions,
10 parce que d'une certaine façon je suis handicapé, parce que je n'ai pas à
11 ma disposition l'ensemble de la documentation militaire de l'armée croate,
12 je n'ai pas à ma disposition l'ensemble de la documentation militaire du
13 HVO et je n'ai pas à ma disposition l'ensemble de la documentation des
14 forces serbes. Si j'avais à ma disposition toute cette documentation, je la
15 mettrais devant moi, et en regardant tous le documents par comparaison,
16 immédiatement, je déterminerais si, par exemple, pour Prozor et Rama, il y
17 avait des contacts entre le HVO et l'armée croate, parce qu'il y aurait eu
18 des ordres, des comptes rendus, des écoutes téléphoniques. Les Serbes
19 auraient certainement aussi fait des écoutes, et la vérité jaillirait. Mais
20 comme je n'ai pas ça, je vous pose mes questions en aveugle, et vous
21 répondez sous la foi du serment.
22 Donc si j'ai bien compris, en octobre 1992, quand il y a les événements de
23 Prozor, l'armée croate, d'après vous, n'est absolument pas concernée par
24 cela. Alors, vous me dites sous la foi du serment - peut-être que le
25 Procureur sortira de son chapeau une écoute téléphonique ou un document, je
26 n'en sais rien - mais vous me dites, en octobre 1992, la préoccupation
27 majeure était les Serbes, pas les tensions ABiH-HVO.
28 R. Exact, Messieurs les Juges de la Chambre de première instance. Les
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1 Serbes étaient la préoccupation principale de la République de Croatie en
2 octobre 1992, car Dubrovnik avait été débloquée, le sud de la Croatie avait
3 été libéré, et tout ce qu'il restait à faire, c'était d'attendre que
4 l'armée populaire yougoslave, la JNA donc, ainsi que d'autres éléments des
5 forces serbes se retirent du territoire de la République de Croatie et
6 qu'arrivent dans la zone frontalière les observateurs des Nations Unies qui
7 devaient occuper leurs positions.
8 Donc c'était à un moment et une région où le général Bobetko et l'armée de
9 Croatie -- de concert avec l'armée de Croatie, n'avaient pas de choix
10 possible, n'avaient qu'une seule possibilité. L'armée de Croatie envoyait
11 toutes ses forces vers Dubrovnik pour libérer le sud de la République de
12 Croatie, ce qu'elle est parvenue à faire finalement en octobre 1992.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas insister sur la municipalité de
14 Prozor, mais pour mémoire, le déroulement des événements à Prozor sont
15 mentionnés aux paragraphes 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49 et suivants, mais
16 principalement ceux-là. Mais je vais vous lire le paragraphe 49, et vous
17 allez répondre. Ecoutez bien :
18 "Le 24 octobre 1992 au soir, un commandant de secteur du HVO a signalé que
19 la ville de Prozor était 'ethniquement pure', la population musulmane ayant
20 été placée en détention ou ayant fui."
21 Ecoutez bien la suite :
22 "Le 26 octobre 1992, Bruno Stojic, Milivoj Petkovic, Janko Bobetko et
23 d'autres ont été informés que le HVO avait pris le contrôle de Prozor le 25
24 octobre et qu'il y avait eu beaucoup de victimes dans le camp musulman."
25 Le Procureur dit noir sur blanc que M. Bobetko était au courant, puisqu'il
26 a été informé. Qu'est-ce que vous en dites ?
27 R. Messieurs les Juges, je dirais tout d'abord que je ne sais pas d'où cet
28 homme, qui n'a commandé rien à Prozor, a tiré un quelconque droit d'écrire
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1 le nom de Janko Bobetko dans cette liste. Voyons quel est le grade de cet
2 homme qui s'appelait M. Schmidt et qui a écrit cette liste en énumérant ces
3 hommes les uns après les autres et en parlant d'information envoyée à Janko
4 Bobetko. Pourquoi il le fait, je ne sais pas. Mais j'affirme pour ma part
5 que Janko Bobetko n'a absolument pas le moindre rapport, mais absolument
6 aucun rapport avec Prozor. Pourquoi est-ce que cette personne a mis son nom
7 dans cette liste, je ne le comprends vraiment pas. Et je ne sais pas,
8 puisque je n'ai pas le document sous les yeux à l'instant même, où ce
9 rapport a été envoyé. De même, je dirais que si l'on compare les deux
10 documents, on voit ici qu'il est écrit "ethniquement pur." J'ai
11 l'impression que l'homme, qui n'était pas très au courant et qui a écrit ce
12 texte, a copié tout simplement une formule tirée d'un autre document.
13 C'était un document de la Brigade de Rama, si je ne m'abuse, où les mots
14 utilisés ne sont pas "etnicko ciscenje", mais quelque chose de tout à fait
15 différent. Peut-être pourrait-on comparer l'original de ces deux documents
16 en temps utile pour vérifier.
17 Quoi qu'il en soit, cette personne n'avait pas la moindre raison de parler
18 d'information fournie au général Bobetko. Le général Bobetko avait ses
19 propres missions à accomplir dans le sud de la Croatie, donc je ne sais pas
20 pourquoi -- parce que finalement, j'étais le chef de l'état-major
21 principal, et il y a toutes sortes de personnes qui ont dit n'avoir pas
22 ressenti la nécessité de faire rapport de cela au général Bobetko. Donc je
23 ne sais pas pourquoi cet officier en particulier, avec le grade qu'il
24 avait, a pris sur lui d'écrire au général Bobetko et d'écrire à moi ou à
25 Stojic ou à qui que ce soit d'autre à qui il a écrit, parce qu'il ne
26 faisait pas partie de la filière de commandement de Rama. Il ne faisait que
27 passer, donc ce n'était pas son travail de faire ce genre de choses et
28 d'écrire ce genre de rapports. Il était censé aller à Bugojno, c'était
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1 l'endroit où il devait aller.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais passer maintenant aux autres membres
3 de l'entreprise criminelle, membres vivants.
4 Dans la liste, le premier mentionné est M. Prlic. Pouvez-vous me dire à
5 quel moment avez-vous rencontré M. Prlic la première fois de votre vie ?
6 R. Monsieur le Président, je ne pense pas l'avoir rencontré avant cette
7 réunion du 3 juillet 1992, parce que jusqu'à cette date-là, en dehors de M.
8 Boban et des hommes qui se trouvaient dans la municipalité de Grude, je
9 n'étais parvenu à rencontrer aucun des responsables qui se trouvaient en
10 Herceg-Bosna. Et pour autant que je sache, ces gouvernements et ces
11 pouvoirs se sont créés dans la pratique à partir du 3 juillet, en tout cas,
12 c'est ce que je ressens, c'est ma perception des choses. Je n'avais pas
13 rencontré M. Prlic avant cette date, et je crois que lui était à Mostar,
14 peut-être, à moins que je ne me trompe. A partir du 3 juillet, je ne peux
15 pas dire que je ne l'ai pas rencontré, et je l'ai sans doute rencontré plus
16 souvent à partir du mois d'août, date à laquelle il est devenu président du
17 HVO, n'est-ce pas, mais pas souvent.
18 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
19 permettez-moi, je vous prie, une correction au compte rendu. Ligne 19 de la
20 page affichée actuellement sur les écrans, on voit en anglais le mot
21 "officers" alors que le général a parlé des responsables de l'Herceg-Bosna
22 qu'il n'avait pas rencontrés. Et je pense donc qu'il conviendrait de
23 remplacer le mot "officers" en anglais par "officials" dans ces conditions.
24 C'est ce qui a été fait à l'instant.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous me dites que vous avez rencontré la
26 première fois M. Prlic le 3 juillet 1992. Quand vous l'avez rencontré,
27 quelle impression vous a-t-il donné, si vous vous en souvenez ?
28 R. Je me permettrais un léger sourire parce que j'ai eu l'impression quand
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1 je l'ai rencontré qu'il était mon double. Nous avions le même genre de
2 coiffure, donc les gens nous saluaient souvent en nous appelant "M. Prlic"
3 pour moi et "M. Petkovic" pour lui. Mais en tout cas, j'avais plaisir à
4 voir que quelqu'un faisait attention à moi et regardait quelqu'un qui me
5 ressemblait.
6 Mais enfin, blague à part, j'ai entendu parler de M. Prlic par d'autres
7 personnes, par des tiers d'abord et les gens disaient, si je me souviens
8 bien, qu'il était directeur, est-ce que c'était jusqu'à la guerre ou avant
9 la guerre, enfin directeur d'une grande entreprise agricole dans la vallée
10 de la Neretva, qui était peut-être même l'une des plus grandes de Bosnie-
11 Herzégovine et qu'il réussissait très bien dans son travail. Est-ce que
12 cette entreprise s'appelait Apro Herzegovine ou quelque chose de ce genre,
13 je ne sais plus très bien, mais en tout cas, c'était une très grande
14 entreprise agricole qui avait des vignobles, des vergers, des usines de
15 traitement, et cetera. Voilà donc ce que j'ai entendu à son sujet avant de
16 le rencontrer et je pense que je savais aussi qu'il était professeur,
17 était-ce à l'université ou dans une école de Mostar, je ne me souviens plus
18 exactement.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous avez dû le rencontrer à plusieurs
20 reprises après le mois de juillet 1992, je n'entre pas dans les détails.
21 Est-ce que dans les conversations que vous avez eues avec M. Prlic, celui-
22 ci vous a dit qu'il était là pour recréer la Banovina, qu'il était là pour
23 la Grande-Croatie, qu'il était là pour des majorités ethniques croates, et
24 cetera. Est-ce qu'il vous a dit tout cela pour vous faire partager, en
25 quelque sorte, un projet commun ?
26 R. Mais non, Messieurs les Juges. Quand j'ai rencontré M. Prlic, en dehors
27 du fait de me présenter en disant qui j'étais et d'où je venais, et en
28 dehors de faire sa connaissance, nous n'avons parlé de rien d'autre, et
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1 finalement, je peux vous dire que je n'ai pas rencontré M. Prlic si souvent
2 que cela, parce qu'il avait son poste de travail et ses relations à lui
3 avec les gens avec qui il travaillait. Quant à moi, jusqu'au mois d'août ou
4 de septembre, je ne sais plus très bien, je suis resté à Grude, après quoi
5 je suis allé à Mostar, et à Mostar nous n'étions pas très près lui et moi,
6 l'un de l'autre, sauf, bien sûr, dans les cas où j'étais très clairement
7 invité à venir participer à des réunions du gouvernement.
8 Mais j'ajouterais encore une chose. La seule fois où j'ai déjeuné avec M.
9 Prlic, c'est le jour de mon départ de l'Herceg-Bosna, le 5 août 1994.
10 Jamais dans la période antérieure nous ne nous étions assis ensemble autour
11 d'une table, M. Prlic et moi, pour boire un verre ou pour déjeuner
12 ensemble.
13 Donc je n'ai pas eu de conversations avec nombre de responsables de
14 l'Herceg-Bosna, et M. Prlic, si je me souviens bien, ne venait pas souvent
15 à Grude. Où il allait à la fin de sa journée de travail, est-ce que c'était
16 vers Citluk ou Makarska, je ne sais pas, mais en tout cas, c'est là que
17 vivait sa famille.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit à un moment donné que vous ne
19 l'avez pas souvent rencontré, sauf quand il y avait des réunions du
20 gouvernement, page 30, ligne 12. Pouvez-vous me dire c'est quoi ces
21 réunions du gouvernement ?
22 R. Messieurs les Juges, vous avez bien vu à la lecture des documents
23 qui ont été versés au dossier dans le cadre du présent procès, j'ai été
24 convoqué, est-ce que c'était trois fois, je pense que c'était trois fois, à
25 assister à des réunions du gouvernement pour y décrire la situation
26 militaire dans des secteur déterminés.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me dire ce que présentait pour
28 vous le président du HVO, fonction exercée par M. Prlic. C'était quoi au
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1 juste cette fonction président du HVO ?
2 R. A mes yeux, en tout cas c'est comme ça qu'on comprenait les choses à
3 l'époque, c'était un organe exécutif temporaire qui avait pour tâche d'une
4 certaine façon d'apporter son aide aux éléments inférieurs du gouvernement;
5 je veux parler des éléments au niveau municipal.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites, c'était un organe exécutif temporaire.
7 Ce sont vos propres mots. Cet organe exécutif temporaire --
8 R. Oui, exact.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- par qui devait-il être plus tard remplacé, à
10 votre connaissance ?
11 R. Le 28 juillet, à moins que ce ne soit le 27 août, je ne vais pas
12 essayer de m'en souvenir avec une totale précision, en tout cas, cette
13 instance est devenue le gouvernement de la République croate d'Herceg-
14 Bosna. Autrement dit, dans la période où le débat portait sur l'union des
15 républiques de Bosnie-Herzégovine, dans le cadre des débats sur la
16 structure éventuelle de la Bosnie-Herzégovine à venir.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites donc la République de l'Herceg-Bosna a
18 pris son existence le 27 ou 28 juillet 1993, ce n'est pas au transcript,
19 mais je pense que ça soit être la bonne date. Dans cette République
20 d'Herceg-Bosna, quel était alors le rôle de M. Prlic ? Etait-ce le même
21 rôle qu'avant ou, à votre connaissance, son rôle avait évolué ?
22 R. Oui, son rôle était le même, à savoir constituer un organe temporaire
23 du pouvoir en République croate d'Herceg-Bosna. A cette époque-là, cet
24 organe était considéré déjà comme le gouvernement.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais embrayer à nouveau ma question.
26 Vous dites que la République d'Herceg-Bosna était un organe temporaire.
27 Pouvez-vous me dire, d'après vous, par qui cet organe temporaire devait
28 être remplacé ?
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1 R. Monsieur le Président, lorsque je parle d'un organe temporaire, cela
2 signifie qu'il fallait attendre la fin des pourparlers relatifs au plan
3 Vance-Owen, c'est-à-dire à l'unification des républiques de Bosnie-
4 Herzégovine. Le débat donc concernant les propositions de la communauté
5 internationale, et j'estime que ceux qui avaient un poste de responsabilité
6 à l'époque devaient le garder jusqu'au moment où la solution serait
7 appliquée. Donc, pour le moment, les choses étaient temporaires. Et une
8 fois que la signature aurait été apposée au bas d'un document officiel
9 résultant d'un accord entre les parties dans le cadre du débat, la
10 situation deviendrait autre. Jusqu'à la signature du document, à mon avis,
11 c'était un organe temporaire.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, là aussi, question extrêmement
13 importante. Quand je pose une question importante, je fais toujours un
14 "warning".
15 Pouvez-vous nous dire si M. Prlic, dans sa fonction de président du HVO
16 puis après au sein de la République d'Herceg-Bosna, organe temporaire,
17 comme vous l'avez dit, est-ce que M. Prlic vous a donné des ordres de
18 nature militaire; à savoir, action offensive, action défensives, contrôle
19 de vos faits et gestes, au point de vue militaire ?
20 R. Messieurs les Juges, le gouvernement n'est en aucun cas un commandant
21 opérationnel. Il ne délivre pas d'ordre. Le gouvernement, lorsqu'il se
22 réunit, discute de questions militaires, prend des décisions, tire des
23 conclusions qui, ensuite, dans le cadre des instances de la Défense et de
24 l'état-major principal, peuvent se transformer en ordres. Mais le
25 gouvernement n'est en aucun cas un commandant militaire, tout en ayant le
26 droit de faire des propositions et de tirer des conclusions dans le cadre
27 des réunions du gouvernement, dès lors que des questions de nature
28 militaire sont discutées à ces réunions. Mais le gouvernement n'a pas
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1 compétence pour commander quoi que ce soit de façon directe.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, votre réponse, qui est au transcript,
3 vous dites : pour vous, le gouvernement n'avait pas compétence pour donner
4 des ordres de nature militaire ?
5 R. En effet, Messieurs les Juges. J'ai dit que le gouvernement n'avait pas
6 compétence pour émettre des ordres de nature militaire, mais lorsque le
7 gouvernement débattait d'un certain nombre de questions, il pouvait émettre
8 des suggestions, faire des propositions et tirer des conclusions que le
9 département de la Défense pouvait transmettre jusqu'au niveau de l'état-
10 major principal ou qui pouvaient être soumises à l'intention des
11 commandants principaux.
12 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Petkovic, la semaine
13 dernière, vous nous avez dit que les militaires étaient sous le contrôle
14 des autorités politiques. Je me demande comment votre déclaration de la
15 semaine dernière peut être conciliée à ce que vous nous dites aujourd'hui,
16 à savoir que d'une certaine façon, les autorités civiles n'avaient aucun
17 pouvoir sur les militaires.
18 R. Monsieur le Juge Trechsel, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit
19 qu'ils n'étaient pas habilités à émettre des ordres militaires. Mais dans
20 le cadre du gouvernement exécutif, que le gouvernement soit temporaire ou
21 pas, il existe un département de la Défense, et il est tout à fait clair
22 que dans le cadre du département de la Défense, des structures civiles ont,
23 dans le cadre des limites qui sont les leurs, une certaine influence sur
24 les structures de Défense, c'est-à-dire plus précisément sur l'armée. Par
25 ailleurs, aux réunions du gouvernement, des informations étaient données
26 sur la situation, à des moments bien déterminés, qui prévalait sur les
27 lignes de front. Le gouvernement émettait des propositions quant à ce qu'il
28 importait de faire parce que finalement, le gouvernement recevait tous les
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1 six mois des rapports traitant de cette question. Donc, tout cela peut
2 être, tout de même, considéré comme une certaine influence sur l'armée, une
3 supervision civile de l'armée.
4 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, grâce à la question de mon
6 collègue, je peux peut-être affiner une question.
7 Si je comprends bien, le gouvernement pouvait faire des propositions, des
8 recommandations ou évaluer une situation, mais la prise de décision finale
9 incombait soit à l'état-major, soit au commandant suprême, mais en aucun
10 cas au gouvernement. Est-ce comme cela qu'on doit comprendre votre réponse
11 ?
12 R. Oui, Monsieur le Président et Messieurs les Juges. Lorsque nous parlons
13 de commandement en matière d'opérations, lui, il n'est pas là, le
14 gouvernement. Mais lorsqu'on parle de recommandations, de décisions ou de
15 conclusions, alors, dans un certain sens, c'est le département de la
16 Défense qui peut, évidemment, s'exprimer en direction du quartier général -
17 - principal et, dans un autre cas, on peut aller vers le commandant
18 suprême. Nous avons vu, par exemple, qu'il y a eu pas mal de documents de
19 cet ordre-là.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un exemple théorique qui ne se
21 réfère pas à une situation donnée, mais c'est purement théorique, pour
22 essayer de bien comprendre ce que vous dites, parce que c'est extrêmement
23 difficile et très compliqué.
24 Imaginons, dans une situation donnée, qu'il y a une réunion du
25 gouvernement. Vous participez à cette réunion, et le département de la
26 Défense dit ceci, par exemple : voilà, dans telle municipalité, nous avons
27 tant de soldats. Nous sommes en situation d'infériorité par rapport à
28 l'ABiH. Il serait hautement souhaitable de mobiliser encore plus, voire
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1 même de faire venir sur place des unités professionnelles, voire même de
2 resubordonner certaines brigades. Ça serait la meilleure solution
3 logistique afin de ne pas perdre sur le terrain militaire et afin de
4 sauvegarder les intérêts de l'Herceg-Bosna. Le département de la Défense
5 fait cette analyse et fait une proposition ou recommandation. Est-ce à dire
6 que, dans le cas que je viens de mentionner, la décision finale vous
7 incombe à vous chef d'état-major ou à M. Boban, à savoir que vous et M.
8 Boban pouvez être d'accord avec la recommandation, mais que c'est vous qui
9 décidez, ou bien vous pouvez ne pas être d'accord, et à ce moment-là,
10 décider autrement ?
11 R. Monsieur le Juge Antonetti, dans votre question, il y a quelque chose
12 dont devrait s'occuper le chef d'état-major, mais devrait s'occuper
13 également le commandant suprême. Prenons la situation suivante : s'il faut
14 faire replier certaines brigades de telle ou telle région, alors là, un tel
15 ordre devait aller à l'adresse du commandant suprême pour que lui prenne
16 décision pour traiter évidemment d'une autre région. Si la décision devait
17 être prise comme quoi on demande une mobilisation complémentaire pour
18 renforcer les échelons, et c'est tout, alors là, c'est l'état-major général
19 qui devrait s'occuper de la Défense, parce que lui est là pour protéger les
20 intérêts du peuple croate dans cette région.
21 Dans tout cela, il faut toujours être très précis pour savoir qui s'adresse
22 à qui et à l'adresse de qui. La question doit être posée pour savoir si
23 c'est le chef d'état-major général ou c'est le commandant suprême qui en
24 serait chargé.
25 Vous avez pu voir ici dans le cadre de cette affaire, on avait
26 demandé, par exemple, le repli total de telles brigades, il a été demandé
27 au commandant suprême pour qu'un conseil militaire puisse être établi pour
28 que l'on puisse organiser le suivi. Quelquefois, lorsque de telles choses
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1 ont été traitées, le tout allait en direction du commandant suprême. Il y
2 avait des choses, des requêtes faites où l'état-major général devait
3 prendre des mesures pour protéger les forces croates là où il y a eu
4 danger, par exemple, la situation de Konjic, ou prenez les décisions du 17
5 avril prises par le gouvernement lorsqu'on devait s'occuper de la
6 protection de l'espace croate, mais d'autre part, on devait passer à des
7 pourparlers. Les tâches et les missions doivent être précisées, soit pour
8 être proposées au commandant suprême ou à l'état-major général, sans jamais
9 pouvoir évidemment anticiper sur celui qui devrait en être tenu.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, de par l'exemple théorique et votre réponse,
11 je dois en déduire qu'en tout état de cause, c'est ou le commandant suprême
12 ou le chef d'état-major qui décide, jamais le gouvernement.
13 R. Exact. J'ai dit que le gouvernement ne fait que proposer, et la
14 décision devra être prise, je vous ai donné deux exemples du mois de juin
15 1993, lorsqu'il s'agissait d'entendre le commandant suprême, et au mois
16 d'avril, il s'agissait de l'état-major général, lorsqu'il fallait renforcer
17 la protection de tel ou tel espace croate, alors que dans des pourparlers
18 politiques, on devrait évidemment engager l'autre partie aussi.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause. Je vais donc laisser
20 maintenant M. Prlic, et après la pause, on examinera la situation de M.
21 Stojic.
22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.
23 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'audience est reprise.
25 Maître Stewart, vous avez quelque chose à dire ?
26 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
27 Le bureau du Procureur a répondu à l'écriture de l'accusé Coric et Praljak,
28 à savoir qu'il devait y avoir un contre-interrogatoire direct de M.
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1 Petkovic. Cette réponse du bureau du Procureur fait entrer aussi que si
2 ceci était permis, il faut nous permettre évidemment un temps
3 complémentaire pour nous occuper du contre-interrogatoire de M. Petkovic.
4 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous demandons la possibilité
5 de pouvoir répondre directement à ce point, car de toute évidence, ceci ne
6 pourra pas être sans impact sur le travail qui est le nôtre, nous qui
7 sommes conseils de la Défense de M. Petkovic, et nous n'avons toujours pas
8 pu participer à quelque chose de pareil. Par conséquent, au titre de
9 l'article 126 bis, on devrait pouvoir y répondre, et on s'occupera
10 évidemment de la réponse du bureau du Procureur.
11 [La Chambre de première instance se concerte]
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Maître Stewart, j'allais rendre une décision
13 orale. Alors, vous allez l'écouter, et puis vous verrez si vous voulez
14 faire des écritures complémentaires.
15 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre rend une décision orale relative
17 aux demandes des Défenses Coric et Praljak de participation des accusés
18 Valentin Coric et Slobodan Praljak au contre-interrogatoire de Milivoj
19 Petkovic. C'est une décision orale unanime.
20 La Défense Coric et la Défense Praljak ont déposé deux demandes
21 relatives à la participation des accusés Valentin Coric et Slobodan Praljak
22 au contre-interrogatoire de Milivoj Petkovic les 9 et 15 février 2010,
23 respectivement.
24 Le 19 février 2010, la Défense Petkovic et l'Accusation ont informé
25 les parties qu'elles ne s'opposaient pas à la participation des accusés
26 Valentin Coric et Slobodan Praljak au contre-interrogatoire de Milivoj
27 Petkovic. Dans sa réponse, l'Accusation a toutefois précisé qu'elle ne
28 s'opposait pas aux demandes pour autant que les points abordés par les
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1 accusés Valentin Coric et Slobodan Praljak lors du contre-interrogatoire de
2 Milivoj Petkovic relèvent de leur domaine d'expertise spécifique, au sens
3 de la décision de la Chambre d'appel du 11 septembre 2008. La Chambre
4 relève que les autres parties n'ont pas déposé de réponse à ces deux
5 demandes.
6 La Chambre rappelle que le paragraphe 3 de la ligne directrice 1 de
7 la décision du 24 avril 2008 autorise un accusé représenté par des conseils
8 à s'adresser directement à un témoin lors de son contre-interrogatoire dans
9 des circonstances exceptionnelles et sur autorisation de la Chambre.
10 La Chambre a en outre précisé dans cette ligne directrice, comme elle
11 l'avait d'ailleurs déjà fait dans sa décision du 10 mai 2007, que les
12 circonstances exceptionnelles sont liées soit à l'examen de questions au
13 sujet desquelles l'accusé possède une compétence spécifique, soit à
14 l'examen de questions qui se rapportent à des événements auxquels il a
15 personnellement participé.
16 La Chambre note que dans sa décision du 11 septembre 2008, la Chambre
17 d'appel a précisé que l'évaluation de la compétence spécifique d'un accusé
18 par la Chambre devrait se faire au cas par cas et répondre à des exigences
19 de flexibilité.
20 En conséquence, la Chambre décide d'autoriser les accusés Valentin Coric et
21 Slobodan Praljak à participer au contre-interrogatoire de Milivoj Petkovic
22 pour autant que ceux-ci abordent lors de leur contre-interrogatoire des
23 événements auxquels ils ont personnellement participé ou des points
24 relevant de leur compétence spécifique.
25 Voilà donc notre décision orale qui permet à M. Praljak et à M. Coric,
26 lorsque le moment sera venu, de poser des questions à M. le Général
27 Petkovic, mais sous deux conditions : tout d'abord, ça relève de leur
28 compétence spécifique, à savoir, bien entendu, le domaine militaire, ou
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1 bien M. Coric et M. Praljak ont participé à des événements et ils peuvent,
2 à ce moment-là, poser la question au général Petkovic.Voilà donc le sens de
3 notre décision.
4 Alors, Maître Stewart, à la lumière de ce que nous avons dit, est-ce que
5 vous avez quelque chose à nous demander ?
6 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai compris
7 pourquoi il a fallu entendre cette décision orale, cela est clair.
8 Mais la question qui a été soulevée est la suivante : puisque la
9 Chambre de première instance a pris cette décision portant sur la demande
10 des conseils de la Défense de Praljak et Coric et étant donné la réponse du
11 bureau du Procureur, il n'a rien été dit au sujet de la demande du bureau
12 du Procureur concernant un temps complémentaire. Est-ce que cela veut dire
13 implicitement que la Chambre de première instance n'a pas fait droit à
14 cette partie de la demande ? Si de cette façon implicite-là on ne devrait
15 pas nous permettre un temps complémentaire, alors je vais me rasseoir. Mais
16 si ce n'est pas le cas, alors là je vous demande évidemment de vous occuper
17 justement de cet épisode-là. Dans ce sens-là, faudra-t-il une
18 clarification, après quoi, on peut poursuivre.
19 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
20 Je crois que ceci n'est pas vraiment une question cruciale. Le bureau du
21 Procureur est d'avis que si on octroie aux accusés de s'occuper du contre-
22 interrogatoire et à la lumière des règles et de notre Règlement, nous
23 n'aurions pas d'objection.
24 Nous avons dit secundo que si, au cas et lors du contre-
25 interrogatoire, de nouvelles questions auront été relevées, alors là ceci
26 devient un interrogatoire principal, et là, on devrait savoir quel est le
27 temps qui est à notre disposition, et on doit évidemment éviter toute
28 question directrice. Il n'y a pas de condition ni de privilège à
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1 l'intention du bureau du Procureur. Mais si nous avons lieu de parler d'un
2 nouvel interrogatoire principal et si le temps complémentaire est permis,
3 alors là, évidemment, cela cadre bien avec les directions émises par la
4 Chambre de première instance. Nous allons voir ce qui arrivera. Nous, tout
5 simplement, nous voulons évidemment que soient mises en œuvre les règles.
6 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ceci n'est pas
7 sans être important. Il a été mentionné tout à l'heure des questions
8 directrices et le temps permis et nécessaire, nous ne nous en occupons pas,
9 mais nous pouvons toujours ouvrir évidemment des parenthèses pendant
10 l'interrogation. Mais ce qui vient d'être dit, ce que M. Scott vient de
11 mentionner en dernier lieu, est-ce que lui souhaite qu'un temps
12 complémentaire lui soit octroyé. Donc un temps complémentaire, je répète,
13 qui correspondrait à un temps que MM. Coric et Praljak, respectivement,
14 devraient passer en posant des questions en contre-interrogatoire et
15 relatives à des questions qui n'ont pas été touchées et traitées lors de
16 l'interrogatoire principal. Voilà une question très importante pour nous,
17 et c'est justement le fondement d'ailleurs de la question que je pose.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va se réunir demain après-midi, et donc
19 on répondra à ce que vous nous avez dit et on répondra à ce que le
20 Procureur nous a dit.
21 M. STEWART : [interprétation] Répondra à ce que je viens de dire ou bien à
22 ce que nous allons peut-être déposer comme base de notre requête, ce que je
23 viens de mentionner tout simplement avoir besoin de cela en des termes
24 pratiques. Mme Alaburic devrait s'en occuper une fois qu'on aura entendu et
25 lu -- Monsieur le Président, nous allons déposer cette écriture en temps
26 utile. Vous aurez suffisamment le temps de vous en occuper jusqu'à demain.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Déposez donc vos écritures.
28 M. STEWART : [interprétation] Merci.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, on va continuer maintenant avec M.
2 Bruno Stojic. Nous savons de la semaine dernière que vous l'aviez
3 rencontré, que vous étiez revenu en voiture avec lui lors du 9 mai. Mais on
4 reprend à zéro.
5 A quel jour précisément avez-vous rencontré pour la première fois de votre
6 vie M. Stojic ?
7 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une première fois j'ai
8 rencontré M. Stojic le 14 avril 1992, lors de ma venue à Grude.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc avant le 14 avril 1992, vous ne l'aviez
10 jamais vu. Comme pour M. Prlic, quelle impression vous a-t-il fait ?
11 R. Non.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
13 R. Je ne sais pas à qui vous vous référez. A Prlic ou à
14 Stojic ?
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez rencontré M. Stojic, quelle
16 impression avez-vous eue de lui ?
17 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour une première
18 rencontre, vous ne pouvez pas être sûr d'une impression. M. Stojic et moi,
19 depuis le 15 avril 1992, avions à travailler ensemble dans le cadre de ce
20 poste de commandement avancé. M. Stojic devait s'occuper évidemment de
21 logistique dans le cadre de ce qu'était supposé être notre point de
22 commandement. C'est ainsi que nous avons travaillé jusqu'au 3 juillet 1992,
23 lorsque M. Stojic a été nommé par M. Boban à la fonction de président du
24 département de la Défense.
25 Pour ce qui est de l'activité qui est la sienne, à cette époque-là,
26 il s'est occupé de sa mission avec force, qualité et dans les limites de la
27 logistique prévues et permises par les conditions qui prévalaient à cette
28 époque-là.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous me dites que pendant au moins trois
2 mois, du 14 avril 1992 au 13 juillet 1992, vous aviez eu donc avec M.
3 Stojic, parce qu'il s'occupait des questions logistiques. Pendant vos
4 rencontres, est-ce que M. Stojic vous a fait part de ses vues politiques
5 personnelles, est-ce qu'il a été amené à vous parler de la Banovina, de la
6 Grande-Croatie, des majorités croates à mettre en œuvre, des expulsions de
7 Musulmans, et cetera ? Est-ce qu'il vous a parlé de tout cela ou bien vous
8 avez parlé d'autres choses ?
9 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour ce qui est de ces
10 questions-là, il n'en a fait aucun aperçu, parce qu'à cette époque-là, il y
11 avait eu tant d'autres questions à trancher. Il a fallu faire avec urgence
12 et hâte, et je n'ai jamais, pour ma part, parlé avec M. Stojic ni avec qui
13 que ce soit d'autre au sujet de ces questions que vous venez de citer tout
14 à l'heure.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stojic devient chef du département de la défense
16 au mois de juillet 1992. Dans cette fonction, est-ce qu'il a été amené, à
17 la fin de l'année 1992 et puis pendant 1993, voire début 1994, à vous dire
18 à chaque fois : J'ai dans l'esprit la volonté d'avoir à nouveau une
19 Banovina croate, qu'il y ait une Grande-Croatie, et cetera ? Est-ce qu'il
20 vous a parlé de cela ou pas ?
21 R. Non, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Autre question importante. Ecoutez bien. C'est un
23 nouveau "warning".
24 Dans sa fonction de chef du département de la Défense puis de
25 ministère de la Défense de la République de l'Herceg-Bosna, est-ce que M.
26 Stojic a été amené dans cette qualité à vous donner des ordres, des
27 instructions sur les opérations militaires en cours ou à entreprendre ?
28 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Stojic était obligé
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1 d'abord de s'occuper du département de la Défense comme étant un organe
2 temporaire exécutif dans le cadre de l'objectif général pour préserver la
3 région dans laquelle se trouvait les Croates et les autres membres d'autres
4 appartenances ethniques. En premier lieu, M. Stojic se trouvait à la tête
5 d'une instance technique dans le cadre et au sein de l'exécutif, et en tant
6 que tel, il faisait en quelque sorte le joint entre l'exécutif et le chef
7 d'état-major, c'est-à-dire le quartier général de la république et de la
8 Communauté croate à Herceg-Bosna. Dans ses activités, M. Stojic devait
9 obtempérer aux ordres, devait s'occuper des décisions et des solutions
10 émises compte tenu de la situation prévalant. D'abord, du point de vue
11 ordre, il devait s'occuper de problèmes et de matière qui étaient sous
12 forme de décret placé dans la capacité qui est la sienne. Pour le reste,
13 solutions à trouver, et cetera, il s'occupait plutôt de la partie
14 directrice de la mission qui était la sienne. M. Bruno Stojic n'était pas
15 quelqu'un qui émettait des ordres à titre opérationnel en vue de lancement
16 de quelque opération que ce soit dans le cadre de la région croate
17 d'Herceg-Bosna. En fin de compte, excepté l'année 1992, il n'y a pas eu de
18 telles opérations dans le cadre de la région d'Herceg-Bosna, enfin la
19 Bosnie et l'Herceg-Bosna.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire que M. Stojic n'émettait pas
21 d'ordres de nature opérationnelle. Je vais prendre un exemple.
22 Imaginons que pour une opération X vous informez le ministre de la Défense
23 que vous avez besoin de cinq tanks, de pièces d'artillerie, de tant de
24 réserves, des tonnes de nourriture, de tant de médecins, et vous lui
25 demandez qu'il fasse le nécessaire. Imaginons qu'il vous dise : Il n'est
26 pas question une seconde, Général Petkovic, de faire cette opération
27 militaire, parce que moi, ministre de la Défense, j'estime qu'elle ne doit
28 pas avoir lieu pour telle et telle raisons. Donc je vous l'interdis.
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1 Etait-ce possible ou pas ?
2 R. C'était possible. Il était à la tête du département de la Défense,
3 c'est-à-dire quartier général de la Défense. Si on estime -- supposons --
4 il n'y avait pas de telles opérations. Mais en principe, supposons que s'il
5 y en avait une, lui, il aurait pu arrêter une telle opération pour laquelle
6 opération il trouvait qu'elle ne se situait pas dans l'intérêt de la
7 défense de la région dans laquelle se trouvaient des résidents croates et
8 d'autres résidents.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : -- d'interdire une opération si, à son niveau, il
10 estimait que les intérêts de la défense du territoire n'entraînaient pas
11 cette opération. Alors, vous nous dites ça. Est-ce que c'est arrivé une
12 fois ou ça n'est jamais arrivé ?
13 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une telle chose ne s'était
14 jamais produite, jamais arrivée. M. Stojic, lui, étant donné la situation
15 qui prévalait dans tel ou tel territoire, devait pouvoir briefer pour
16 porter à la connaissance des autorités au sujet de ce que vous avez
17 mentionné, chars et autres choses, et si nécessité il y a, il aurait pu
18 parler de ce qu'il fallait faire à l'intention de l'armée, soit en matériel
19 de guerre, ressources financières, autres ressources matérielles ou de
20 combat, et cetera. Lui, de son côté, il devait, bien sûr, pouvoir consulter
21 les autres instances du pouvoir.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Et je vais en arriver au général Praljak.
23 A quel moment pour la première fois vous avez rencontré le général Praljak
24 ?
25 R. Je pense bien que c'était le 19 avril 1992, lorsque je lui ai rendu
26 visite une première fois à Citluk. A cette époque-là, il était le
27 commandant du Groupe opérationnel l'Herzégovine du sud-est. C'était le
28 cinquième jour depuis mon arrivée au HVO.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il était commandant de la zone opérationnelle
2 du sud-est de l'Herzégovine, mais du HVO ou de l'armée croate ?
3 R. Du HVO, Monsieur le Président.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant le 19 avril 1992, vous aviez entendu parler du
5 général Praljak ?
6 R. Non, je suis désolé. Probablement qu'il ne m'en voudra pas le général
7 Praljak pour cela, mais je n'ai pas vraiment entendu parler tout
8 particulièrement du général Praljak, parce que lui se trouvait tout à fait
9 dans un autre secteur tout à fait lointain en République de Croatie.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Même question que pour les autres. Quand vous l'avez
11 rencontré la première fois, quelle impression il vous a donnée ?
12 R. J'ai dû connaître un homme très éloquent lorsqu'il prend la parole. Lui
13 qui était très exigeant à l'intention de tous ceux qui en ce moment-là se
14 trouvaient sous son commandement. Quelqu'un qui ne voudrait pas parler trop
15 de certaines matières et qui, de la façon qui est tout à fait la sienne,
16 pouvait émettre des ordres, diriger des gens et conseiller des gens.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous l'avez rencontré, saviez-vous qu'il avait
18 fait des études de nature scientifique, qu'il s'était "reconverti", entre
19 guillemets, dans l'art théâtral, qu'il avait fait de la politique,
20 puisqu'il avait même été candidat à une élection importante, qu'il avait
21 été ministre adjoint de la Défense de la République de Croatie et qu'il
22 était parti comme simple volontaire à Sunja --
23 L'INTERPRÈTE DE LA CABINE ANGLAISE : [aucune interprétation]
24 M. LE JUGE ANTONETTI : La localité Sunja, S-u-n-j-a. Les interprètes
25 devraient connaître toutes les localités.
26 Alors, Mon Général Petkovic ?
27 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne devrais pas pouvoir,
28 d'entrée de jeu, le savoir, mais j'ai pu savoir plus tard que le général
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1 Praljak se trouvait à Sunja. Au début, je ne le savais pas, parce que je
2 vous le dis que par rapport à la Dalmatie, Sunja se trouve assez loin, et à
3 cette époque-là, soyez-en certain, un commandant de tel ou tel secteur ne
4 pouvait pas savoir qui était le commandant dans un autre territoire de
5 République de Croatie, parce qu'il s'agissait de gens qui ne s'occupaient
6 pas de choses militaires et qui se trouvaient en situation de devenir des
7 commandants. Par conséquent, vous ne pouvez pas évidemment en savoir plus
8 long pour les connaître. C'est autre chose lorsque pendant une dizaine
9 d'années, vous connaissez tel ou tel officier commandant, et cetera. Tant
10 qu'il ne l'a pas dit lui-même, je ne pouvais pas savoir qu'il se trouvait à
11 Sunja et qu'il y a passé plusieurs mois.
12 Mais on parlait de choses et d'autres, comme quoi lui a dit qu'il
13 avait travaillé en Allemagne, et quand il était jeune, je ne sais pas très
14 exactement quand, il a pu faire ses études pour les achever à deux ou trois
15 facultés différentes. J'ai pu apprendre plus tard évidemment - l'époque où
16 tout cela se passait - l'une des activités qui étaient les siennes à un
17 moment donné, c'était faire du cinéma, de la mise en scène. C'était un
18 réalisateur, et cetera. Par conséquent, j'ai pu avoir une première fois,
19 comme ça, une image du général Praljak comme je viens de le décrire.
20 Pour dire maintenant qu'il a pris part à des élections, je ne le
21 savais pas. A cette époque-là, je me trouvais au sein de la JNA, et vous
22 savez que quand on était à la JNA, on ne pouvait pas savoir qui se
23 présentait sur telle ou telle liste, mais j'ai pu savoir plus tard, je l'ai
24 appris dans d'autres conversations, que lui avait pris une telle décision.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les conversations que vous avez eues avec lui,
26 car vous l'avez rencontré à plusieurs reprises certainement, vous a-t-il
27 parlé de son projet de participer à la création d'une Grande-Croatie, en
28 quelque sorte de créer un territoire croate dans les frontière de l'ex-
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1 Banovina ? Vous a-t-il dit que pour y parvenir il fallait faire un
2 nettoyage ethnique des régions, fallait-il également utiliser la force, la
3 persécution, l'emprisonnement, la détention, et cetera ? En un mot, vous a-
4 t-il dit qu'il avait, lui, un projet ?
5 R. Non, Messieurs les Juges, il n'y avait pas eu de projet à soi et il
6 n'en a pas parlé non plus. Au contraire, les premières informations me sont
7 parvenues au début du mois d'avril pour ce qui est de l'accueil de bon
8 nombre d'individus, de Croates et Musulmans depuis ce plateau de Dubrava et
9 des problèmes qu'il a connus avant cela. Et il m'a même fait part du nombre
10 de Musulmans dans ses unités, des préparatifs à Medjugorje pour ce qui est
11 de passer la Neretva, et cetera.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, le Procureur reprochait à votre
13 Défense d'avoir occulté Prozor. Moi je n'occulte rien. Nous avons entendu
14 beaucoup de -- Je reprends.
15 C'est toujours quand je pose des questions importantes qu'il y a des
16 problèmes, c'est incroyable. Bien.
17 Général Petkovic, est-ce que vous m'entendez ?
18 R. J'entends maintenant, Monsieur le Président.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je reprends.
20 Le Procureur avait, la semaine dernière, rappelez-vous, dit que votre
21 avocate n'avait pas abordé la question de Prozor. Alors, moi je vais
22 l'aborder, mais je ne vais pas passer tout mon temps dans Prozor.
23 Nous avons eu ici beaucoup de témoins qui sont venus parler de
24 Prozor. Le général Praljak qui était à votre place a expliqué également ce
25 qu'il avait fait.
26 Alors, en octobre 1992, quand le général Praljak va à Prozor, le
27 saviez-vous et aviez-vous donné votre autorisation ?
28 R. J'ai appris, je ne sais pas vous dire la date, j'ai ouï dire que le
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1 général Praljak avait été envoyé par M. Boban à Prozor, et il y serait allé
2 avec pour mission d'aider à l'apaisement de la situation sur le territoire
3 de Prozor. Moi et M. Praljak, à l'époque, nous ne communions pas l'un avec
4 l'autre pour ce qui est de l'affaire Prozor. Moi, je me trouvais dans la
5 vallée de la Neretva pendant toute cette période-là, sur le territoire de
6 Capljina, et le général Praljak, lui, avait eu pour mission de faire ce
7 qu'il devait faire, et comme il l'a dit dans son témoignage, il était
8 engagé sur le territoire de la municipalité de Prozor à des fins
9 d'apaisement de la situation et à des fins aussi de faire revenir la
10 situation qui était celle avant l'incident.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, votre réponse met le doigt sur un problème
12 que j'ai du mal à évaluer; c'est votre champ de compétence respectif à l'un
13 et à l'autre.
14 Vous, vous dites, en octobre 1992, moi j'étais occupé dans la vallée
15 de la Neretva, et Mate Boban lui avait demandé d'aller à Prozor régler le
16 problème. Quand vous nous dites ça, j'ai dans la tête le fait que le chef
17 d'état-major, en octobre 1992, c'est vous, c'est vous le numéro un.
18 Pourquoi ne régliez-vous pas vous-même le problème de Prozor ? Pourquoi le
19 laisser au général Praljak ? Est-ce que la raison c'est M. Mate Boban en
20 personne qui a décidé que ça se passerait comme ça ?
21 R. C'est une information qu'on m'a communiquée. On m'a dit que c'était
22 pour cela que Praljak était venu là-bas. Mais Praljak a vécu un certain
23 temps sur le territoire de Prozor. Il connaissait, autant que faire se
24 pouvait, la mentalité du coin, et il connaissait la situation dans cette
25 partie du territoire. Donc c'est en tant que tel qu'il s'est vu confier une
26 mission et qu'il est allé à Prozor pour faire en sorte que cette situation
27 soit surmontée en compagnie du colonel Siljeg et je crois que Bozo Rajic
28 les a rejoints ultérieurement, et il y avait des membres de l'ABiH qui se
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1 sont joints à l'équipe ultérieurement aussi.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous savons que le général Praljak vous a
3 remplacé, et il vous a remplacé, sauf erreur de ma part, le 27 juillet
4 1993. Quand vous avez appris que vous étiez remplaçant, qu'en réalité,
5 qu'en réalité de numéro un ou deveniez numéro deux. Quelle a été votre
6 réaction ? Etait-ce une solution à votre encontre, était-ce des décisions
7 de nature politique qui vous dépassaient totalement ? Etait-ce le fait que
8 l'on n'avait pas su vous récompenser à juste titre de ce que vous aviez
9 fait en vous maintenant dans votre fonction, ou était-ce de la part de M.
10 Mate Boban une réorientation de la l'action militaire ? Il y a peut-être
11 d'autres raisons, mais j'en liste quelques-unes à l'instant.
12 R. Monsieur le Président, le 24 juillet nous avons procédé à une passation
13 de fonction, et lors de la rédaction de son ordre, M. Boban a mis la date
14 du 27, trois jours plus tard donc, mais le 24 on a déjà informé les unités
15 qu'il y avait eu passation de fonction.
16 Dans un bref témoignage, lorsque mon avocate m'a posé des questions,
17 j'ai fait savoir que la décision de M. Boban qui était celle de commencer
18 l'opération sud, de ne pas prêter une oreille attentive à mes
19 recommandations au terme desquelles le HVO n'en était pas capable à ce
20 moment-là, sa décision était celle d'amener M. Dzanko et toute une équipe
21 de 20 hommes à ses côtés, et de confier à celui-ci, en plus de moi-même, la
22 1re et la 3e Brigade et un groupe opérationnel qui était amené par Dzanko
23 et qui était constitué de volontaires. Et ça m'a incité à dire à M. Boban
24 qu'il était évident que l'heure était venue que quelqu'un d'autre passe à
25 la tête du HVO, pas moi.
26 Et je tiens à préciser encore que j'ai eu un cas de figure mi-juin où
27 on s'était entretenus pour ce qui était de procéder à une rotation au poste
28 numéro un. J'ai dit aimablement à M. Boban, je lui ai dit que dix jours ça
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1 suffirait, c'était suffisant et gentil de ma part pour faire en sorte qu'il
2 trouve quelqu'un pour ces fonctions-là. Et selon la personnalité qui
3 viendrait, je déciderais du fait de rester pour l'aider ou quitter ces
4 territoires, parce qu'à vrai dire, Boban ne pourrait pas me garder par la
5 force sur ces territoires-là.
6 Le 21 juillet, me semble-t-il, on m'a informé du fait que M. Praljak
7 serait nommé à la tête de l'état-major, et dans cette situation-là,
8 lorsqu'on m'a demandé si je voulais bien rester pour qu'il n'y ait pas une
9 coupure de la continuité des fonctions compte tenu du général Praljak et
10 sachant que lui ne tenait pas au poste en tant que tel, mais qu'il voulait
11 aider, et pour dire vrai, moi, je n'y tenais pas non plus. Je n'étais pas
12 là pour me battre pour une position. Donc j'ai décidé de rester, ce qui
13 fait que le général Praljak et moi sommes restés à travailler ensemble, et
14 le 24 juillet, nous avons informé M. Boban du fait que nous étions prêts, à
15 partir de ce jour-là, de procéder à une passation des fonctions.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Petkovic, vous nous avez dit quelque
17 chose qui n'était pas apparu jusqu'à présent, qu'en discutant avec M.
18 Boban, vous vous êtes rendu compte que peut-être sur des stratégies ou des
19 options, vous êtes n'étiez pas d'accord avec lui. Et à ce moment-là, vous
20 lui avez dit de vous remplacer, ce qu'il a fait. Donc, si je comprends
21 bien, parce que j'écoute tout ce que vous dites, la nomination du général
22 Praljak, elle vous est due, car c'est vous qui n'avez pas voulu continuer
23 en qualité de numéro un, et donc, M. Boban a nommé à votre place le général
24 Praljak tout en ayant l'assurance que vous feriez tandem avec le général
25 Praljak. Est-ce bien comme cela que les choses se sont déroulées ?
26 R. Monsieur le Juge Antonetti, c'est exact. Je voudrais ajouter ou répéter
27 un point : j'ai été blessé par cette façon de procéder qui disait : je vais
28 amener une équipe qui donnerait des ordres si vous ne voulez pas le faire.
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1 Alors, il y a eu ce Luka Dzanko qui est débarqué sur le territoire et il
2 s'est passé ce qui s'est passé. Par la suite, j'ai en quelque sorte
3 remercié M. Boban et je lui ai dit que je ne pourrais plus être l'homme
4 numéro un, mais que c'était selon la personnalité qu'il mettrait là que je
5 déciderais si je restais ou pas. Et comme il a décidé d'envoyer M. Praljak,
6 j'ai été d'accord pour rester et pour continuer à travailler avec lui afin
7 de procéder à une réorganisation des structures de commandement, chose que
8 M. Boban a fini par accepter.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, vous qui étiez Croate, puisque
10 vous êtes né en Croatie, vous n'avez pas les mêmes attaches que le général
11 Praljak qui, lui, est de l'Herzégovine. Vous, vous étiez Croate. Pourquoi
12 ne pas profiter de cette occasion pour retourner dans l'armée croate et
13 faire une belle carrière, voire même, peut-être, je ne sais pas, un jour
14 devenir chef d'Etat, comme le maréchal Tito ou je ne sais ? Pourquoi rester
15 ? Pourquoi rester et ne pas retourner en Croatie ?
16 R. Messieurs les Juges, la première des raisons c'est qu'il y a eu
17 l'arrivée du général Praljak, et je le connaissais depuis quelques mois,
18 lui, déjà. La deuxième raison c'est que j'ai estimé que ce serait une
19 mauvaise chose de ma part que de quitter tout à fait ces gens et ce
20 territoire, parce qu'on se trouvait dans une situation peu enviable, je
21 veux dire, quand je dis "nous", c'est le HVO, suite aux opérations et
22 offensives de l'ABiH depuis la ville de Bugojno et au-delà. Et suite à tout
23 ce qui s'est passé et ce qui nous est tombé dessus, à moi et au général
24 Praljak, et c'est la raison pour laquelle je suis resté. Mais je veux aussi
25 dire que je n'étais pas très porté sur la nécessité de partir à la chasse
26 d'un poste. Je ne voulais pas chasser un poste là ou retourner en Croatie
27 pour un autre poste, parce que les postes n'étaient pas perchés sur des
28 branches d'arbres. Il y avait quand même pas mal de candidats pour
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1 certaines fonctions.
2 Et je m'étais dit que tant qu'il y aurait la guerre sur ces
3 territoires-là, l'heure ne serait peut-être pas la meilleure pour ce qui
4 est de courir après les postes, mais de faire le travail au poste où on se
5 trouve, dans une bonne qualité d'exécution et qu'après la guerre, ceux qui
6 le souhaitaient pourraient avoir le loisir de courir après les postes.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme vous le savez, le général Praljak a
8 quitté ses fonctions au mois de novembre 1993. Le général Praljak nous a
9 dit, à la place où vous étiez, qu'il voulait aussi quitter cette fonction
10 pour diverses raisons qui pouvaient être liées au fait qu'il n'avait pas à
11 sa disposition tous les moyens matériels, les hommes qu'il fallait, des
12 raisons aussi peut-être de santé, et cetera. Et donc, il part au mois de
13 novembre 1993. Certains ont lié son départ à l'histoire de la destruction
14 du Vieux pont.
15 Je ne vais pas rentrer dans cette thématique, mais quand il s'en va,
16 il est remplacé par Ante Roso, pas par vous. Etait-ce un remplacement qui
17 s'imposait ou bien ça n'aurait pas dû être vous qui auriez dû revenir comme
18 numéro un ?
19 R. Monsieur le Juge, je sais que Praljak avait discuté avec M. Boban et
20 qu'il avait annoncé ces jours-là l'éventualité de son départ. A la date du
21 8, lorsqu'il y a eu rédaction de l'ordre émanant de M. Boban disant que
22 Praljak remettrait ses fonctions à Roso, moi, je n'étais plus sur le
23 territoire de l'Herzégovine. J'ai eu vent de la décision en question dans
24 le courant de l'après-midi. Et comment l'ai-je fait ? C'est le général
25 Matic qui m'a contacté, qui m'a appelé et qui m'a demandé : est-ce que tu
26 sais ce qui se passe ? Et je lui ai dit : non, je ne sais pas, dis-moi.
27 Alors, il me dit : le général Praljak s'en va et c'est le général Roso qui
28 vient. Ça, c'est l'une des nouvelles, et l'autre, c'est que Roso a fait
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1 savoir que dans 20 heures, il fallait qu'on se ramasse à Citluk et qu'on
2 déménage tous vers Posusje. Alors, il me dit : je ne sais pas ce que je
3 vais faire parce que si demain Praljak s'en va, je ne sais pas comment
4 faire. Alors moi, je lui ai dit : si point n'est besoin de le faire, je
5 serai demain à Posusje et on finira bien par se mettre d'accord comment on
6 déménagera Citluk vers Posusje. Voilà. C'était ainsi que les informations
7 étaient parvenues.
8 Avant cela, je n'ai jamais ouï dire que le général Roso faisait
9 partie d'une combinaison quelle qu'elle soit, et dans l'après-midi du 8,
10 j'ai appris que c'était le général Roso qui viendrait et que c'est lui qui
11 se chargerait de ces fonctions. Je ne sais pas, en termes simples, pourquoi
12 il a demandé à ce qu'on aille à Posusje sans rester à Citluk, ce qui fait
13 que le 9, on a pratiquement déménagé tout l'état-major à Posusje.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je pourrais continuer, mais il faut que
15 j'abrège.
16 Je vais passer maintenant à Valentin Coric. Pouvez-vous me dire à
17 quelle date vous l'avez rencontré pour la première fois ?
18 R. Monsieur le Président, ça s'est passé à la même période qui est celle
19 de mon arrivée à Grude. Je ne sais pas vous donner la date; était-ce au
20 1er, 2e ou 3e jour de mon arrivée. Mais pour l'essentiel, c'est ces jours-
21 là que j'ai fait la connaissance de M. Coric, et j'ai appris que ce dont il
22 était chargé, c'était la police du HVO. Eh bien, au final, pour ce qui est
23 de ce peloton à Grude, c'est lui qui l'avait chargé de sécuriser, en
24 partie, le commandement où j'ai été installé moi-même et où se trouvait ce
25 poste de commandement avancé.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quelle impression vous a-t-il faite quand vous
27 avez commencé à vous entretenir avec lui ?
28 R. Eh bien, s'agissant de M. Coric, je l'ai perçu comme étant quelqu'un de
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1 fort calme, quelqu'un de stable, et il a fait l'effort, pour ce qui est de
2 sa partie des tâches, de faire le maximum de ce qu'il pouvait faire à ce
3 moment-là. Je ne l'ai jamais perçu comme étant amené à réagir de façon
4 bruyante ou de s'exprimer selon des modalités qui ne seraient pas
5 appropriées. Il n'a pas poussé de coups de gueule, comme on dit.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Doit-on comprendre que c'était une personnalité
7 différente de celle du général Praljak ?
8 R. Le général Praljak, c'est quelqu'un d'explosif -- il est plus explosif
9 que l'autre. Il veut, en deux ou trois mots, faire savoir ce qu'il voulait.
10 Dans sa façon de communiquer, il est différent de Coric.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Valentin Coric, dans les entretiens que vous avez
12 eus avec lui, vous a-t-il fait part d'un projet visant à reconstituer la
13 Banovina, à créer une Grande-Croatie, à épurer ethniquement certaines
14 régions, et cetera ? Est-ce qu'il vous a parlé de tout cela ?
15 R. Non, Monsieur le Juge. Ce type de questions n'a jamais été à l'ordre du
16 jour, si je puis m'exprimer ainsi. Lorsque nous avons eu l'occasion de nous
17 entretenir, M. Coric et moi-même, on a parlé de questions liées à
18 l'organisation pour ce qui est donc de l'organisation au niveau de la
19 police et de l'organisation au niveau de l'armée.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, écoutez bien, parce que ma question qui suit
21 est une question qui est au cœur du problème.
22 Si j'ai bien compris par les textes, tous les témoins que nous avons
23 eus, les éléments de preuve, il y a la police militaire, mais la police
24 militaire, il y a deux composantes : une police militaire qui est rattachée
25 à des brigades, où un commandant de brigade a à sa disposition des
26 policiers militaires qui vont assurer le bon ordre, la sécurité de la
27 brigade, et cetera; et puis, il y a des unités de police militaire, dont le
28 chef est M. Valentin Coric. Ces unités de police militaire sont bien
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1 équipées, bien formées a priori, compétentes et peuvent, sur ordre,
2 renforcer dans les opérations militaires des brigades et participer aux
3 combats militaires. Et on a vu des documents où on a constaté que ces
4 unités ont eu beaucoup de blessés, beaucoup de tués. Etait-ce bien la
5 structure de la police militaire ?
6 R. Messieurs les Juges, d'après moi, nous n'avions qu'une seule police
7 militaire. Il n'y en avait pas deux. Je précise qu'une partie était chargée
8 des tâches auprès des brigades du HVO. L'autre segment de la police
9 militaire, au début, était structuré de cette façon : parce que vous avez
10 parlé d'activités de combat, il n'y avait qu'un bataillon de la police
11 militaire qui était formé pour des activités de combat. C'était le 1er
12 Bataillon d'assaut léger de la Police militaire, et suivant les
13 instructions de l'administration de la police militaire, ce bataillon
14 pouvait intervenir sur le territoire entier de la HZ-HB. Et d'après la
15 réglementation, c'était placé sous l'autorité de l'administration de la
16 police militaire.
17 La situation a changé vers la fin du mois de juillet. Je ne sais pas
18 vous donner de date exacte. Je parle de l'année 1993, certes. Et c'est là
19 qu'il y a eu une grosse réorganisation au niveau de la police militaire, ce
20 qui fait que la police militaire, d'après ce nouvel organigramme, a disposé
21 de quatre bataillons de ce type, qu'on appelle d'assaut léger, et leur
22 mission unique était une mission de combat sur un territoire déterminé. La
23 police militaire disposait de quatre bataillons chargés des tâches
24 policières. Ensuite, la police militaire a vu son organigramme mis en place
25 par des décisions du département à la Défense et confirmé par les décisions
26 de chef de l'administration de la police militaire. Pour ce qui est donc de
27 certaines situations, elle pouvait être placée sous les ordres du chef
28 d'état-major ou de la personne habilité par lui, et pendant cette période-
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1 là, elle accomplirait des missions de combat à titre professionnel.
2 De même, il pouvait y avoir une décision, et on l'a vue, décision au
3 terme de laquelle s'il y avait une tâche prioritaire en matière de défense,
4 de faire en sorte qu'une partie de l'unité qui ne ferait pas partie de ce
5 qui est assaut léger, pendant un certain temps, il pouvait y avoir
6 resubordination à une unité quelconque du HVO aux fins de lui faire
7 accomplir sa mission. Pourquoi la police a-t-elle eu beaucoup de pertes ?
8 Eh bien, un bataillon d'assaut léger, c'est un bataillon de combat, et ces
9 bataillons-là, on les envoyait, on les considérait comme étant de meilleure
10 qualité que les unités normales du HVO, et bien sûr, il y avait plus
11 souvent de cas de morts de ces soldats au niveau de ces unités.
12 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi une
13 correction au compte rendu. Il me semble qu'à la ligne 6, il a été consigné
14 à tort ce que le général a dit au sujet des missions élémentaires des
15 quatre bataillons standard de la police militaire. Donc je ne voudrais pas
16 répéter les propos du témoin. Peut-être le général pourrait-il le faire.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que ces quatre bataillons normaux
18 avaient des missions classiques pour la police. Mais il y avait des
19 situations différentes dans lesquelles certains éléments, y compris de ces
20 bataillons-là, sur la base d'une décision qui était prise par les
21 responsables du commandement depuis le département de la Défense jusqu'à la
22 police militaire, dans certains cas, ces instances pouvaient affecter les
23 hommes à des missions temporaires au sein d'une certaine brigade tant que
24 la mission en question n'avait pas été exécutée complètement. Autrement
25 dit, tout dépendait de la situation. Même au sein de ces unités qui
26 n'étaient pas des unités de combat, il pouvait y avoir resubordination.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons appris par vous qu'avant la
28 réorganisation de juillet 1993, il y avait d'abord un bataillon d'assaut
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1 léger, et puis en juillet, il y a eu quatre bataillons pour des missions de
2 combat.
3 R. Oui, Monsieur le Juge, oui.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Première question : quand il n'y a pas de combat,
5 ces bataillons -- ces quatre bataillons, ils sont sous l'autorité de qui ?
6 R. Quand il n'y a pas de combat, ces quatre bataillons restent sous la
7 direction de la police militaire.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : La direction de la police militaire est sous
9 l'autorité de qui ?
10 R. La direction de la police militaire a pour supérieur immédiat M. Lucic
11 en l'espèce, c'était son nom, autrement dit, le responsable chargé de la
12 sécurité au sein du département de la Défense. Et le deuxième supérieur,
13 c'est le chef du département de la Défense.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Le chef du département de la Défense, c'était qui ?
15 R. Le département de la Défense avait à sa tête, jusqu'au 15 novembre
16 1993, M. Stojic.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, quand il n'y a pas d'opérations
18 militaires, la police militaire de M. Valentin Coric est sous l'autorité de
19 Bruno Stojic. Maintenant, d'après ce que vous dites, je prends une
20 opération militaire.
21 On a besoin d'un bataillon, de deux bataillons, pour une opération
22 militaire, qu'elle soit défensive ou offensive. Je n'entre pas dans les
23 détails. A ce moment-là, les bataillons de la police militaire sont sous
24 l'autorité de qui ?
25 R. Les bataillons de la police militaire sont sous le commandement du chef
26 de la police militaire.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant les opérations de combat ?
28 R. Pendant les combats, les bataillons de la police militaire sont placés
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1 sous le commandement des commandants respectifs dans les diverses régions.
2 Les 27 et 28 juillet, il a été décidé que ces bataillons pouvaient être
3 placés aussi sous le commandement de l'état-major principal, qui pouvait
4 lui-même distribuer des ordres aux commandants respectifs des diverses
5 régions.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends un bataillon. Il y en a quatre, mais j'en
7 prends un au hasard. On lui donne l'ordre d'aller dans telle région où il y
8 a des combats. Si je comprends bien, la police militaire est donc placée
9 sous l'autorité du commandant de la brigade du lieu ou de l'état-major;
10 est-ce bien cela ?
11 R. La police militaire -- ou plutôt, les bataillons d'assaut légers
12 peuvent être subordonnés le long de la chaîne de commandement jusqu'au
13 commandant de la zone opérationnelle, par exemple. Et lorsque ces
14 bataillons ont une mission à exécuter, ils sont responsables devant le
15 commandant de la zone opérationnelle. Lorsque la tâche est accomplie, ils
16 retournent à leur hiérarchie habituelle.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc pour moi, c'est clair. Et vous dites que
18 quand il y a des combats, ils sont dans la chaîne de commandement.
19 A ce moment-là, je prends le cas de M. Valentin Coric, car c'est lui
20 qui m'intéresse. Lui, a-t-il, à ce moment-là, une quelconque responsabilité
21 ?
22 R. Valentin Coric, dans le cas concret qui nous intéresse, rédigerait un
23 ordre selon lequel le bataillon en question doit être transféré vers un
24 lieu déterminé et donc intégré à la chaîne hiérarchique qui prévaut dans ce
25 lieu. Même si Valentin Coric subordonne le bataillon au commandement qui
26 agit dans le lieu en question, il ne perd pas sa responsabilité sur ce
27 bataillon. Il a le droit de conserver un certain nombre d'éléments de
28 responsabilité sur le bataillon, mais c'est le commandant qui opère dans la
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1 région concernée qui va donner des ordres au bataillon en question.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc on touche à un sujet extrêmement important. Je
3 vais prendre un cas concret, très concret.
4 Imaginons qu'un bataillon de la police militaire est subordonné à une
5 brigade. Le commandant de la brigade assure la responsabilité de la chaîne
6 de commandement. Voilà que des policiers militaires commettent des crimes.
7 Prenons un exemple hypothétique. Les policiers militaires, dans l'action de
8 combat, vont brûler une maison sans nécessité militaire, vont piller, et je
9 ne sais quoi d'autre. A ce moment-là, qui est responsable : le commandant
10 de la brigade ou M. Coric, ou les deux ?
11 R. Messieurs les Juges, si nous ajoutons à votre hypothèse que l'unité
12 concernée a la taille d'un bataillon de la police militaire, de façon à
13 savoir à peu près de quoi nous parlons, dans un cas comme celui-ci, y
14 compris le commandant d'une section de la police militaire est tenu de
15 prendre des mesures vis-à-vis de ces hommes, car la loi stipule que le
16 commandant de plus bas niveau doit assurer la sécurité de la scène de
17 crime, recueillir des éléments de preuve et informer le commandant
18 supérieur. Donc la police militaire se décompose en compagnies, et chaque
19 compagnie a un commandant, et donc à tous les niveaux hiérarchiques, la
20 responsabilité existe. La responsabilité ne va pas directement sur le dos
21 du commandant de la brigade. La responsabilité est portée par les
22 commandants de différentes formations qui, par la loi, ont le devoir
23 d'entreprendre un certain nombre de mesures. Si ces commandants n'ont pas
24 entrepris les mesures en question, s'ils ont laissé la tâche au commandant
25 de la brigade, c'est le commandant de la brigade qui va traiter les
26 éléments de preuve recueillis, et ensuite, c'est le procureur qui
27 accomplira le reste de la tâche.
28 Donc lorsque nous parlons de la police militaire, il importe de ne
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1 pas sauter de niveaux hiérarchiques importants, c'est-à-dire le commandant
2 de la compagnie et le commandant du bataillon en tant que tel de la police
3 militaire. Et puis, au troisième niveau, on trouve le commandant de la
4 brigade.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous donner un autre exemple.
6 Imaginons qu'il y a une opération X. Le commandant de la brigade dit
7 aux membres de la police militaire -- du bataillon d'assaut : Vous allez
8 vous mettre sur telle colline et lorsque je vous en donne l'ordre, vous
9 descendez la colline et vous prenez le contrôle du village. Vous faites les
10 prisonniers et vous attendez les ordres, mais vous prenez soin à éviter de
11 toucher des civils, femmes, enfants, vieillards. Ce sont les ordres très
12 précis du commandant de la brigade. Vous participiez au combat, vous faites
13 des prisonniers et vous attendez des ordres pour la suite. Le combat
14 s'engage, la police militaire prend le contrôle du village. Et là,
15 nonobstant les ordres donnés, se livre à des exactions sur la population
16 civile.
17 Alors ce que je voudrais savoir, d'après vous, est-ce que le
18 commandant de la brigade est responsable en tant que supérieur hiérarchique
19 de ce qui s'est passé au niveau de ses policiers militaires, ou bien c'est
20 M. Coric qui est responsable ? C'est ça que je veux savoir.
21 R. Prenons pour hypothèse que dans le cadre de la police militaire dans ce
22 secteur, un certain nombre de mesures devraient être prises, mais que le
23 commandant qui a distribué sa mission au commandant du bataillon est celui
24 qui doit effectuer les vérifications nécessaires dans le cadre de
25 l'exécution de ses missions. Donc en fonction de cela, c'est lui qui aurait
26 le devoir de prendre des mesures précises. Toutefois, cela n'exonère pas la
27 direction de la police militaire si le commandant de la brigade échoue et
28 ne prend pas les mesures nécessaires très concrètement, parce que la police
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1 militaire et les unités qui lui sont resubordonnées ne sont pas expulsées
2 de la chaîne de commandement. Notamment, dans l'ordre de resubordination du
3 28 juillet, c'était le cas. Il y est stipulé que la police militaire,
4 nonobstant sa resubordination, ne doit pas échapper à la chaîne de
5 commandement qui existe pour ses bataillons. Donc le commandant de brigade
6 peut envoyer cela à la direction de la police militaire, et très
7 précisément, il peut entreprendre d'informer les procureurs, et cetera,
8 pour que les mesures nécessaires soient prises.
9 Je m'appuie sur le document du 28 juillet qui porte sur la
10 resubordination de la police militaire où il est écrit de façon très claire
11 que les assistants du chef de la police militaire, dans les zones
12 opérationnelles, n'ont pas le droit, nonobstant leur resubordination, de
13 perdre de vue l'existence d'un lien hiérarchique entre eux et la direction
14 de la police militaire ainsi que les unités de police militaire sur le
15 terrain. Donc la chaîne de commandement doit toujours être respectée
16 nonobstant la resubordination.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas insister sur cette question, qui est
18 une question importante, et dont, dans les questions du contre-
19 interrogatoire et du Procureur, nous aurons certainement d'autres éléments.
20 Mais je crois que mon collègue a une question à poser.
21 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour éviter tout malentendu, le 28
22 juillet avez-vous dit, mais le 28 juillet de quelle année s'agissant du
23 document dont vous avez parlé ?
24 R. 1993, Monsieur le Juge Trechsel. C'est un document qui a déjà été versé
25 au dossier de la présente affaire.
26 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vais passer à M. Pusic.
28 Quand l'avez-vous rencontré pour la première fois ?
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1 R. Monsieur le Juge Trechsel -- pardon, Monsieur le Président, mon
2 véritable contact avec M. Pusic a eu lieu pour la première fois, si je ne
3 me trompe, à Jablanica les 4 et 5 mai, au moment où j'ai rencontré M.
4 Halilovic dans cette région. D'ailleurs, je ne sais même pas si cela n'a
5 pas été peut-être mon dernier contact avec M. Pusic aussi, parce que pour
6 vous dire franchement, quand je l'ai rencontré ici dans la prison, je n'ai
7 même pas reconnu cet homme. Donc ma première communication directe avec M.
8 Pusic a eu lieu au moment où moi-même et M. Halilovic avons discuté
9 ensemble à Jablanica. Il s'agit d'une rencontre qui a eu lieu les 4 et 5
10 mai 1993. Etant donné la nature de mon travail, je n'avais pas de contact
11 avec M. Pusic, et puis je suis parti pour Citluk, et très franchement, je
12 ne saurais même vous dire où M. Pusic avait son bureau à Mostar, pour peu
13 que son bureau se soit trouvé à Mostar.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ces conditions, ce n'est pas la peine que je
15 vous demande s'il a évoqué auprès de vous la Grande-Croatie, et cetera,
16 puisque, comme vous ne l'avez quasiment jamais vu, la question ne se pose
17 pas à mon niveau. Alors je vais terminer maintenant par les trois autres
18 qui sont mentionnés.
19 Dario Kordic. Vous avez témoigné au procès de M. Kordic. Quand
20 l'avez-vous rencontré la première fois ?
21 R. Monsieur le Président, ma première rencontre physique avec M. Kordic a
22 eu lieu le 7 octobre 1992, au moment où je me rendais à Sarajevo pour des
23 entretiens qui avaient été convoqués par la FORPRONU. Et nous nous sommes
24 trouvés, dans le bâtiment de la présidence de Bosnie-Herzégovine ensemble à
25 ce moment-là.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors même question. Quelle impression avez-
27 vous eue de M. Kordic ?
28 R. L'homme que j'ai rencontré m'est apparu comme un homme qui aimait
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1 beaucoup parler et qui, dans ce qu'il racontait, parlait trop fort. C'est
2 seulement plus tard que j'ai appris qu'il avait des problèmes d'audition.
3 Donc, à ce moment-là je lui ai dit, Mais est-ce que tu cries contre moi ou
4 quoi ? Et plus tard, je me suis rendu compte qu'il avait des problèmes
5 d'audition. Il n'entendait pas très bien. Quoi qu'il en soit, nous nous
6 sommes trouvés ensemble au siège de la présidence, et à notre retour à
7 Kiseljak, lui-même et Blaskic ont poursuivi leur chemin vers Vitez. Pour ma
8 part, je suis allé vers l'Herzégovine. Donc c'est ainsi que s'est déroulée
9 ma première rencontre avec Kordic.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors avec M. Kordic, est-ce qu'il a évoqué avec
11 vous le fait qu'il avait un projet comme d'autres, la Grande-Croatie, la
12 Banovina, l'épuration ethnique, et cetera, et cetera ? Est-ce qu'il a parlé
13 de cela avec vous ?
14 R. Non, Messieurs les Juges. Nous avons discuté l'un avec l'autre de notre
15 rencontre, de ce dont nous avions parlé à Sarajevo, de la façon dont nous
16 avons été reçus à la présidence de Bosnie-Herzégovine, de la façon dont le
17 travail devrait s'accomplir ultérieurement au sein de la commission mixte,
18 et nous l'avons fait en dépit du fait que ce n'était pas une rencontre
19 tripartite et qu'elle avait néanmoins été convoquée sous l'égide de M.
20 Morillon.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, même question pour M. Blaskic. Quand avez-
22 vous rencontré M. Blaskic pour la première fois ?
23 R. Messieurs les Juges, ma première rencontre avec Blaskic a eu lieu fin
24 juin ou peut-être début juillet 1992, en tout cas vers la fin du premier
25 semestre 1992. Parce que si je me souviens bien, une fois qu'il a été nommé
26 à son poste par M. Mate Boban, il y a eu une rencontre entre M. Boban et M.
27 Blaskic à Grude, et c'est à ce moment-là que j'ai rencontré M. Blaskic pour
28 la première fois. Est-ce que c'était à la fin juin ou au début de juillet,
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1 je ne m'en souviens pas très bien, mais en tout cas, c'était après qu'il a
2 été nommé commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous l'avez rencontré et quand il a été nommé
4 commandant de la zone opérationnelle de la Bosnie centrale, quelle
5 impression il vous a donnée ?
6 R. Monsieur le Président, il s'agissait d'un homme qui était encore très
7 jeune et qui, bien sûr, avait acquis une certaine expérience dans les rangs
8 de la JNA. Je ne suis plus très sûr aujourd'hui, mais je crois que la
9 fonction la plus importante qu'il ait atteinte au sein de la JNA était
10 celle de commandant en second d'un bataillon, en Slovénie si je ne me
11 trompe. A cette époque-là, il était assez réservé, parce qu'il ne pouvait
12 tout simplement pas se laisser aller à parler beaucoup puisqu'il ne
13 connaissait pas non plus parfaitement bien cette région de la Bosnie
14 centrale. Et par ailleurs, il ne connaissait pas non plus très bien les
15 gens qu'il a trouvés dans cette région. Et puis, dans ces conditions, il
16 avait un comportement qui était celui d'un officier de la JNA.
17 On dit qu'il s'est fait reprocher le fait d'être allé en Autriche en
18 plein milieu de la guerre croate, la guerre qui a éclaté en Croatie. Je
19 crois qu'il m'a dit que la famille de son épouse résidait en Autriche, donc
20 il a passé quelque temps en Autriche, et puis ensuite, il est revenu en
21 Bosnie-Herzégovine. Donc on l'a testé d'une certaine façon, et tout d'un
22 coup, comme il l'a dit lui-même, il a été surpris de se voir convoquer à
23 une rencontre avec M. Boban sans l'avoir jamais vu avant ce jour-là. Et M.
24 Boban l'a immédiatement nommé au poste qu'il occupait, alors qu'il ne
25 connaissait même pas celui qui était à l'origine de sa promotion
26 auparavant, qui est-ce qui avait mis son nom sur les candidats possibles à
27 un tel poste de responsabilité en Bosnie centrale.
28 Donc au début, il était assez réservé, comme je l'ai déjà dit, parce qu'il
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1 lui fallait faire la connaissance de la population de la région et trouver
2 une façon de s'imposer en tant que commandant.
3 Et puis, il y avait le colonel Filipovic qui était sur place, qui
4 était de dix ans son aîné et qui, en fait, avait été contourné par la
5 nomination de M. Blaskic, à qui on avait donné le poste qui aurait pu lui
6 revenir. Mais en fait, il ne savait pas exactement dans quelles conditions
7 il avait été nommé au poste qu'il occupait. Il avait donc besoin d'un
8 certain temps pour trouver ses marques, si je puis m'exprimer ainsi, et
9 évaluer la situation.
10 Par ailleurs, il écrivait beaucoup. Et voilà ce que je dirais à son
11 sujet. Il écrivait vraiment beaucoup.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que, quand vous avez eu des rencontres avec
13 lui, il vous a dit qu'il avait un projet, la Grande-Croatie, la Banovina,
14 et cetera ? Ou bien vous n'avez jamais traité de ce type de questions ?
15 R. Jamais nous n'avons traité de ce genre de question, surtout pas avec
16 Blaskic, qui était un officier arrivé sur place dans les conditions que je
17 viens d'indiquer, qui a été accueilli comme il a été accueilli. Ça ne lui
18 serait pas venu à l'esprit de parler d'un projet de ce genre.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais terminer avec M. Mladen Naletilic. A quel
20 moment l'avez-vous rencontré pour la première fois ?
21 R. Monsieur le Président, c'est une question à laquelle il m'est très
22 difficile de répondre. Je pense que j'ai rencontré Naletilic pour la
23 première fois au mois de juin 1992. Je crois que c'était à une époque où
24 lui-même et les membres de son unité avaient été chargés de s'emparer
25 d'Orlovac ou de Hum - je ne me rappelle plus exactement de la localité
26 concernée. Mais en tout cas, la première fois que j'ai rencontré Naletilic,
27 c'était à Siroki Brijeg, au commandement de l'état-major municipal de
28 Siroki Brijeg.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle impression vous a-t-il fait quand vous l'avez
2 rencontré ?
3 R. C'était un homme qui aimait beaucoup parler de l'armée, des tactiques
4 militaires, et je ne sais plus, de toutes sortes d'actions militaires, très
5 concrètement. Et je dirais que c'était un homme qui suivait le courant
6 plutôt que d'être à l'origine de quelque tactique que ce soit, à un niveau
7 dirigeant. Et puis, c'était un homme qui était assez impatient. Si vous
8 montriez que vous n'aviez pas envie de trop l'écouter, il vous tournait le
9 dos et s'en allait. Si vous étiez attentif à son propos, il parlait; mais
10 si ce n'était pas le cas, il quittait l'endroit et poursuivait sa route.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- avec lui, a-t-il évoqué le projet de Grande-
12 Croatie, de restauration de la Banovina, d'épuration ethnique, et cetera ?
13 A-t-il traité de tous ces sujets qui sont mentionnés dans l'acte
14 d'accusation ?
15 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, jamais je n'ai parlé avec
16 lui à ce sujet. En fait, je ne sais pas à quel moment je devrais le
17 rencontrer à nouveau, à moins de parler de la date du 14 novembre 1992,
18 lorsque nous n'avons pas vraiment parlé de rien d'intelligent. Mais lui, il
19 m'a fait part de quelques menaces de ce poste de commandement de Capljina.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, dernière question, et écoutez bien. Question
21 importante concernant M. Naletilic, le Bataillon des Condamnés.
22 D'après vous, lui et ses hommes, relevaient-ils d'une autre chaîne de
23 commandement que la vôtre, à savoir d'un lien direct avec Mate Boban, et
24 que donc vous, jusqu'au 24, voire 27 juillet 1993, vous n'aviez aucune
25 autorité sur lui ? Ou bien, M. Naletilic et le Bataillon des Condamnés, en
26 sa qualité d'unité professionnelle, relevaient de l'état-major du HVO,
27 c'est-à-dire de vous ?
28 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour ce qui est du
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1 Bataillon des Condamnés, ce bataillon ne se trouvait sous le contrôle de
2 qui que ce soit, c'est-à-dire Tuta ne pouvait respirer qui que ce soit pour
3 se faire resubordonner, pour se faire contrôler par. La seule personne en
4 laquelle lui avait confiance, avec qui il communiquait, c'était M. Boban.
5 Lui et moi, nous nous sommes dit nos quatre vérités pratiquement, parce que
6 nous nous sommes quittés le 14 novembre 1992 lorsque, étant donné que deux
7 de ses soldats se sont fait tuer dans l'opération Tempête, Bura, avec un
8 pistolet en poing, il est venu au poste de commandement pour proférer des
9 menaces à mon égard avec forces jurons qui lui étaient propres à lui, qu'il
10 allait me liquider et qu'il allait en finir avec les soldats de Tito. Grâce
11 à l'intervention de M. Dzanko, qui était in situ, ça s'est apaisé. Lui a
12 quitté les lieux. M. Boban en a été tout de suite alarmé, et lui, le même
13 soir, s'était rendu au poste de commandement de Capljina et, d'après lui,
14 Tuta et les hommes de Tuta étaient son problème à lui et que, dorénavant,
15 Tuta n'aurait plus aucun contact avec qui que ce soit et que c'est
16 exclusivement qu'il relevait de la compétence de M. Mate Boban. Et cette
17 situation, pratiquement, demeurait comme telle.
18 Pour ma part, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne me
19 souviens pas, à commencer de cette date, le 14 novembre 1992, je ne me
20 souviens donc pas, pour parler des ordres jusqu'au mois de juillet 1993,
21 avoir, dans mes ordres, jamais fait mention de Bataillon des Condamnés, à
22 la différence des autres unités, auxquelles unités je devais donner des
23 ordres. Enfin, je ne voulais plus avoir quoi que ce soit avec les hommes de
24 Tuta. Encore que je me dois de dire, en 1992 et en 1993, en partie, les
25 hommes de Tuta étaient des soldats qui ne constituaient aucun problème, qui
26 ne fabriquaient pas de problèmes, surtout à l'égard des Musulmans et dans
27 les rapports avec les Musulmans, parce qu'il y avait pas mal de ces gens-
28 là, de ces derniers parmi eux. Ils étaient capables de nous provoquer et de
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1 faire des problèmes à nos hommes, à nous, aux Croates, dans tel ou tel
2 endroit.
3 Par conséquent, pour parler de Bataillon des Condamnés en tant que
4 bataillon, je ne voudrais aucunement qu'on le noircisse pour dire que, dès
5 le début, d'entrée de jeu, c'était un mauvais bataillon. C'était son chef
6 qui était un mauvais type, et heureusement que cette unité ne devait pas
7 s'activer trop. Et jusqu'en 1993, jusqu'en avril, vous ne pouvez rencontrer
8 aucune donnée comme quoi l'unité de Tuta aurait fait des exactions
9 quelconques, à moins de parler de telle ou telle rixe avec un de ses hommes
10 avec un tel ou tel Croate dans un café restaurant à Ljubuski, et cetera.
11 Or, à partir de ce temps-là, M. Tuta se trouve sous la protection de
12 M. Boban. C'est ce dernier qui lui a réservé un poste, et la communication
13 se déroulait depuis Tuta à M. Boban et vice-versa pour tout ce qu'il
14 fallait faire et tout ce qui concernait le Bataillon des Condamnés. Et
15 ainsi se passait la situation jusqu'à la fin des jours où je suis resté
16 dans le secteur, c'est-à-dire dans ce secteur de Bosnie-Herzégovine.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, nous allons faire la pause. Après la
18 pause, Général Petkovic, je vous poserai des questions sur le paragraphe
19 17(4) de l'acte d'accusation. Je vous dirai ce qu'il y a, et vous me direz
20 votre point de vue. Et puis après, j'espère qu'il y aura du temps, je
21 commencerai par les vidéos et les documents. Voilà. Donc nous faisons une
22 pause de 20 minutes.
23 --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.
24 --- L'audience est reprise à 18 heures 11.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
26 Je voudrais demander, avant de poser des questions au général Petkovic, à
27 la Défense du général Petkovic, Maître Alaburic, la liste des pièces que
28 j'ai prévues pour le second jour, si dans la liste, parce que je n'ai pas
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1 pu faire moi-même ce travail, si dans la liste il y a des documents qui
2 n'ont pas été admis, par exemple 4D01520 ? Pourriez-vous m'indiquer dans la
3 liste quels sont les documents qui n'ont pas été admis de telle façon que
4 lorsque je poserai des questions, j'évoquerai immédiatement la pertinence
5 et la question de la valeur probante, pour ne pas me retrouver dans la
6 situation d'avoir à faire une opinion dissidente avec 140 documents comme
7 la dernière fois pour M. Praljak. Alors, je ne sais pas tous ces 4D et
8 autres, y en a-t-il qui ne sont pas encore admis ?
9 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois avouer que
10 je n'ai pas regardé cette liste de ce point de vue-là, pour savoir où sont
11 les pièces qui ne le sont pas, mais déjà demain, je voudrais peut-être vous
12 présenter une liste de documents qui n'ont pas encore le statut de pièces à
13 conviction. Nous ne voyons pas de problème qu'on s'en occupe, de tous ces
14 documents, je vais vous présenter tous ces éléments de preuve.
15 Mais puis-je poser une question : avons-nous le droit, en qualité de
16 conseil de la Défense du général Petkovic, d'offrir quelque chose, un
17 élément de preuve, qui n'a pas encore le statut de pièce à conviction ?
18 Est-ce que, Monsieur le Juge Antonetti, les questions que vous posez
19 peuvent servir de fin de mot pour qu'une requête soit faite par nous pour
20 que ces documents soient admis pour être considérés comme une pièce à
21 conviction dans le dossier ?
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, la liste des documents, je l'ai établie en me
23 référant à vos écritures lors de votre déclaration liminaire et à partir
24 des documents qui ont été présentés en cours de route. Maintenant, moi, je
25 n'ai pas vérifié si ces documents ont fait l'objet par cette Chambre d'une
26 décision d'admission, puisque votre client témoigne, et vous ne demanderez
27 l'admission qu'à la fin de son témoignage. C'est ça, la difficulté. Surtout
28 lors de votre interrogatoire principal, vous lui avez présenté des
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1 documents, et ces documents, ils ne sont pas admis encore, puisque la
2 décision n'est pas intervenue. Donc si j'utilise un document que vous avez
3 déjà présenté mais qui n'a pas été admis, je peux poser une question sur ce
4 document qui n'a pas fait encore l'objet d'une décision d'admission,
5 puisque vous l'avez utilisé déjà. Moi, je n'utilise que les documents que
6 vous avez utilisés, mais dont je ne sais pas si ces documents ont
7 antérieurement déjà été admis.
8 Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, la majeure partie de
9 ces documents ont déjà le statut de pièce à conviction. Je le dis bien. Je
10 ne peux pas le dire avec plus de précision. Je sais que pour certains
11 documents, nous sommes en cours de prise de décision, mais demain, vous
12 aurez la liste très précise pour ce qui est de toutes les données
13 concernant le statut des documents.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi je pose cette question ? Parce que dans la
15 décision d'admission lorsque le général Praljak a témoigné, il y a des
16 documents qui avaient été présentés et qui, in fine, n'ont pas été admis.
17 Si j'avais su que ç'aurait été la décision majoritaire, à ce moment-là,
18 j'aurai posé des questions sur la pertinence, la fiabilité et la valeur
19 probante. Mais comme pour moi, ça ne posait aucun problème, je n'avais pas
20 posé ces questions. Alors, pour éviter de me retrouver dans cette
21 situation, si un document n'est pas admis, à ce moment-là, je préfère que
22 le témoin me dise pourquoi il est pertinent, pourquoi il peut avoir un
23 intérêt, et cetera. Voilà, c'est pour cela que je voulais faire auprès de
24 vous cette vérification, mais je peux demander à ma stagiaire de façon ce
25 travail.
26 Bien. Alors, Général Petkovic, on va terminer par l'acte d'accusation.
27 Comme je vous ai indiqué, j'allais vous interroger sur les paragraphes qui
28 vous concernent. Je l'ai fait exactement pour le général Praljak, je lis la
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1 partie de l'acte d'accusation et vous donnez votre point de vue, moi je ne
2 fais pas de commentaire en la matière.
3 Alors, au paragraphe 17(4), le Procureur dit que vous avez participé
4 à l'entreprise criminelle comme suit. Alors A : En sa qualité de chef
5 militaire de haut rang, vous avez dirigé et commandé de jure ou de facto
6 les forces armées de l'Herceg-Bosna/du HVO :
7 "Alors qu'il était chef de l'état-major principal du HVO, il
8 dirigeait et administrait les forces armées du HVO et était responsable des
9 activités et actions que ces forces ont mené en vue de la réalisation de
10 l'entreprise criminelle commune et qui sont en rapport avec les crimes
11 alléguées. En sa qualité de commandant en chef adjoint, il a également joué
12 un rôle prépondérant dans le commandement des forces armées de l'Herceg-
13 Bosna du HVO pendant la période durant laquelle Slobodan Praljak était
14 commandant de l'état-major principal du HVO."
15 Voilà, alors qu'est-ce que vous dites de cela ?
16 R. Monsieur le Président, je rejette cette allégation d'après laquelle
17 j'ai pris part à une entreprise criminelle ainsi que ceci fut allégué par
18 le bureau du Procureur. Je ne dis pas que je n'ai pas été à la tête du HVO
19 ou que j'ai donné des ordres, que je commandais dans des domaines qui
20 relevaient de ma compétence, notamment dans le domaine du département de la
21 Défense du HVO. Au temps où il y avait le général Praljak à l'état-major
22 général, moi je devais répondre à mon commandant. Je ne vois pas de raisons
23 pour lesquelles je devrais me mettre au-dessus de mon commandant. Je ne
24 sais pas comment le bureau du Procureur lui conclut que j'ai été un haut
25 adjoint, là ça n'existe pas. Il y a un adjoint sans plus, dans toutes les
26 armées du monde, il est également réglementé ce qu'il convient de faire
27 lorsqu'on est adjoint.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Et voilà ce que le Procureur dit :
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1 "Milijov Petkovic a participé à des réunions de haut niveau des
2 forces armées du HVO et des dirigeants de l'Herceg-Bosna du HVO auxquelles
3 assistaient également des dirigeants de la République de Croatie concernant
4 les objectifs, programmes politiques, opérations et stratégies des
5 dirigeants de l'Herceg-Bosna et du HVO, dans le cadre de la mise en place
6 d'un contrôle croate sur les territoires formant selon eux l'Herceg-Bosna
7 et en vue de réaliser les buts et objectifs de l'entreprise criminelle
8 commune."
9 Alors, que dites-vous ?
10 R. Monsieur le Président, Monsieur le Juge Antonetti, je pense qu'il
11 a été fort évident pour savoir à combien de réunions du gouvernement je me
12 suis rendu et à une seule réunion de la présidence d'Herceg-Bosna, on peut
13 y voir très clairement ce dont je pouvais parler et ce que j'avais fait. La
14 question qui se pose pour moi c'était qu'à ce moment-là je devais informer,
15 saisir le gouvernement de tout ce qui se passait concrètement sur la plan
16 militaire dans ce secteur, c'est ce que j'ai fait dans toutes ces
17 différentes réunions, pour parler de politique, pour parler d'autres
18 aspects quelconques qui figurent dans le cadre de ce point, de cet alinéa,
19 et ce qui m'a été reproché, il en avait guère évidemment parole.
20 A la majeure partie de ces réunions avec des responsables où je
21 m'étais rendu à côté des responsables de la République de Croatie, j'étais
22 en général à des réunions qui ont été convoquées par la communauté
23 internationale et qui ont été déterminées par la communauté internationale.
24 S'il faut date par date parler de tout cela, je dois dire que
25 seulement le 5 novembre 1993 je me suis rendu à une réunion de Split où il
26 y avait également les dirigeants, les gens de la direction de Croatie où
27 j'étais venu avec un groupe de gens d'Herceg-Bosna, le sujet principal
28 était les événements très concrets dans le secteur de Vares, c'est-à-dire
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1 la Bosnie centrale. C'est ce dont je parlais, je ne parlais de rien
2 d'autre. Je ne me souviens absolument pas et rien n'indique qu'on devrait
3 dire qu'il y avait une autre réunion au sommet de la République de Croatie
4 où je me serais rendu. Or, pour parler des réunions de la communauté
5 internationale où se rendaient les représentants de la République de
6 Croatie, tout cela a été fort bien enregistré, très évident, et on voit
7 très bien ce de quoi il a été parlé, voilà.
8 Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, je dois demander que l'on
9 fasse une correction au compte rendu d'audience page 65, ligne 24, du
10 compte rendu d'audience. Lorsque le général Petkovic parlant de réunions du
11 gouvernement, il a dit qu'il n'y avait pas eu parole de politique à de
12 telle réunion, mais comme nous lisons ici ce qui a été consigné dans le
13 compte rendu d'audience, il s'avère que le général Petkovic aurait dit que
14 lui n'a guère parlé de politique. C'est au général de dire si je suis dans
15 mon droit ou pas.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a toujours un ordre
17 du jour pour chacune de ces réunions. Je ne me suis rendu à aucune réunion
18 où l'on traitait de politique. Moi je venais seulement à des réunions, et
19 je rentrais seulement au moment où il y avait à l'ordre du jour le point où
20 je devais intervenir à titre informatif et après quoi, je quittais la
21 réunion pour remercier tout le monde, voilà. Par conséquent, il y avait
22 seulement lieu de parler de moi lorsqu'il y avait à l'ordre du jour le
23 point où on devait traiter des informations concernant les événements dans
24 tel ou tel secteur sur le champ de bataille, après quoi, je quittais la
25 réunion et au nom évidemment du HVO.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
27 "Milijov Petkovic a ordonné, dirigé, facilité et appuyé la domination
28 exercée par l'Herceg-Bosna, le HVO, sur les Musulmans de Bosnie et à la
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1 perpétration de crimes contre eux sur le territoire revendiqué comme
2 constituant l'Herceg-Bosna et y a participé en émettant des ordres,
3 consignes, directives, instructions, et en lançant des ultimatums tels que
4 les ultimatums auxquels il a participé et apporté son concours en janvier
5 1993 et en avril 1993, exigeant la subordination des troupes de l'ABiH au
6 commandement du HVO."
7 Alors, Général Petkovic, qu'est-ce que vous dites ?
8 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai rédigé un ordre le 15
9 janvier comme quoi il y avait des recommandations venues de Zagreb via le
10 général Praljak à une réunion conjointe avec des représentants de Bosnie-
11 Herzégovine comme ceci a été dit. L'ordre a été émis par moi sur la base
12 d'une décision antérieure des autorités, c'est-à-dire du représentant du
13 département de la Défense, et à mieux lire cet ordre, on doit dire que ce
14 n'est pas un ultimatum, c'est plutôt une invitation à une conversation.
15 Celui qui avait une conversation ne pose pas d'ultimatum. Je crois qu'après
16 avoir des conversations, on peut voir à qui on adresse un ultimatum.
17 Dans le cadre du point 4, c'est d'abord à l'adresse du HVO qu'un ultimatum
18 a été posé, donc ceci ne fut pas un ultimatum posé à l'ABiH. Au moment où
19 nous avons appris que l'ABiH n'acceptait pas les méthodes retenues, en date
20 du 19, une décision a été prise que tout devait être classé, et que
21 lorsqu'on parlait d'ordres émis par l'ABiH, général Halilovic, il y avait
22 le général Pasalic.
23 En avril 1993, aucun ultimatum n'a été posé à l'ABiH. Aucune
24 conclusion n'a été retenue qui aurait tenu lieu d'ultimatum. Par
25 conséquent, il n'y a eu aucun document issu du département de la Défense
26 suite à une réunion d'Herceg-Bosna qui aurait pu être évidemment envoyé.
27 Par conséquent, moi, en ma qualité de chef d'état-major, je n'ai pas été
28 convoqué à cette réunion au début du mois d'avril 1993. Toutes les
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1 écritures n'étaient que tout simplement une manipulation pour parler de
2 resubordination. Au nom du HVO, aucun ordre n'a été donné à ce titre-là. Et
3 je m'en tiens à ce que j'ai dit, aucun ordre n'a été émis, il n'y a eu
4 aucune base pour qu'un tel ordre soit rédigé ou émis.
5 Mme ALABURIC : [interprétation] Juste une petite correction du compte rendu
6 d'audience. Page 77, ligne 19, nous pouvons lire : "command" alors que le
7 général parlait de réunion conjointe avec des représentants de Bosnie-
8 Herzégovine. Au lieu, tout simplement, de "commandement," il faut mettre
9 "meeting".
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, écoutez bien le (d), parce qu'on va aller
11 jusqu'à (o). Il y a des affirmations qui sont plus ou moins importantes.
12 Mais écoutez bien la (d). Je vais la lire lentement :
13 "Milivoj Petkovic a participé à l'entreprise criminelle commune et à la
14 perpétration des crimes allégués dans le présent acte d'accusation et les a
15 facilités et appuyés en planifiant, approuvant, préparant, appuyant,
16 ordonnant et/ou dirigeant les opérations et actions militaires au cours et
17 dans le cadre desquelles ces crimes ont été perpétrés."
18 Voilà, je vous ai lu lentement ce paragraphe (d). Que dites-vous ?
19 R. Messieurs les Juges, il serait bon que le Procureur ait cité très
20 clairement les opérations militaires concernées, la date à laquelle elles
21 ont commencé, la date à laquelle elles se sont terminées et de quelle
22 manière elles se sont déroulées. Le HVO n'a mené aucune opération militaire
23 contre les membres de l'ABiH au sens militaire du terme. Le HVO s'est
24 opposé à l'ABiH en plusieurs lieux, depuis la Bosnie centrale jusque la
25 vallée de la Neretva en descendant vers le sud, mais ces opérations n'ont
26 jamais été lancées par le HVO. Quant aux missions défensives relatives à
27 cela, j'ai émis des ordres et j'ai informé mes supérieurs, comme c'était
28 mon devoir de le faire.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : (e) :
2 "Milivoj Petkovic a mobilisé les ressources militaires, logistiques et
3 humaines nécessaires à la réalisation des objectifs politiques et
4 militaires des --"
5 Ah, je recommence. Je recommence. (e) :
6 "Milivoj Petkovic a mobilisé les ressources militaires, logistiques et
7 humaines nécessaires à la réalisation des objectifs politiques et
8 militaires des dirigeants de l'Herceg-Bosna du HVO, notamment le soutien
9 militaire, logistique et humain apporté par le ministère de la Défense et
10 les forces armées de la République de Croatie."
11 Alors, Général Petkovic, que dites-vous ?
12 R. Messieurs les Juges, je n'ai pas bien compris ce qui est dit ici au
13 sujet du ministère de la Défense et des forces armées de la République de
14 Croatie. Ce sont les mots que j'ai entendus de la bouche des interprètes.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce paragraphe (e), vous auriez mobilisé les
16 ressources militaires, logistiques et humaines, et notamment le soutien
17 militaire, logistique et humain qui a été apporté par la République de
18 Croatie.
19 R. Monsieur le Juge Antonetti, la mobilisation humaine et la mobilisation
20 des moyens matériels fait partie intégrante du combat mené par les armées
21 de tous les pays du monde. J'avais des devoirs vis-à-vis de l'état-major
22 principal et j'ai traduit ces devoirs dans le sens d'un renforcement de la
23 défense du peuple croate ainsi que des territoires croates habités par des
24 Croates, et je l'ai fait dans le cadre d'attaques et d'affrontements avec
25 les forces de l'armée serbe dans un premier temps et dans le cadre
26 d'attaques dues aux membres de l'ABiH dans un deuxième temps. Je ne pouvais
27 pas mobiliser des unités de la République de Croatie, pas plus que les
28 faire venir.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : (f) :
2 "Milivoj Petkovic a participé aux opérations financières des forces armées
3 du HVO et les a facilitées, notamment pour ce qui est du budget, des états
4 de paie et des dépenses des forces armées du HVO."
5 Que dites-vous ?
6 R. Messieurs les Juges, sur tout ce qui est écrit là, vous avez deux
7 documents à votre disposition qui vous prouveront quand j'ai signé une
8 feuille de paie. Je suppose qu'ici, au bureau du Procureur ou dans les
9 autres structures du Tribunal, quelqu'un signe les feuilles de paie. Donc
10 s'agissant de la mobilisation des moyens financiers ou de quelque autre
11 moyen que ce soit, ce ne sont pas des responsabilités de l'état-major
12 principal. J'avais le droit de confirmer, par ma signature, que pendant le
13 mois en question, 20 ou 30 hommes avaient été employés. C'était une
14 obligation légale qui pesait sur moi, et rien d'autre n'a été fait que
15 cela.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : (g) :
17 "Milivoj Petkovic a participé à la saisie de biens meubles et immeubles et
18 à leur transfert de propriété aux forces de l'Herceg-Bosna du HVO."
19 Que dites-vous ?
20 R. Je peux vous dire que Milivoj Petkovic n'a pas participé à la saisie de
21 quelque bien que ce soit et n'a pas non plus effectué un transfert de
22 propriété de ces biens vers le HVO. Milivoj Petkovic avait le droit de se
23 comporter vis-à-vis des biens appartenant à la VRS ou à l'ABiH comme se
24 comporte n'importe quelle armée du monde, c'est-à-dire qu'il avait le droit
25 de proclamer que cet équipement lui appartenait dès lors qu'il s'agissait
26 d'équipement militaire, et uniquement dans ce cas.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : (h) :
28 "Milivoj Petkovic a participé à l'entreprise criminelle commune et à la
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1 perpétration des crimes allégués dans le présent acte d'accusation et les a
2 facilités, appuyés et encouragés en planifiant, approuvant, préparant,
3 appuyant, ordonnant et/ou dirigeant des opérations et actions militaires au
4 cours et dans le cadre desquelles le patrimoine culturel et religieux, tel
5 que les mosquées, a été détruit, et les biens privés des Musulmans de
6 Bosnie pillés, brûlés ou détruits sans aucune justification ou nécessité
7 militaire, et en s'abstenant d'empêcher ou de punir ces destructions et
8 pillages ou de mettre fin ou remédier à ceci."
9 R. Messieurs les Juges, je ne conteste pas qu'il y ait eu destruction de
10 certains bâtiments et même de certains biens suite aux combats et à la
11 guerre. Il y a même eu parfois destruction complète. Mais Milivoj Petkovic
12 n'a appuyé en rien ce genre de comportement. Par ses ordres, Milivoj
13 Petkovic a mis en garde et a demandé à ses subordonnés directs de se
14 comporter vis-à-vis des biens et des personnes dans le respect des
15 règlements qui sont respectés par la communauté internationale, et par le
16 droit international aussi.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : (i) :
18 "Milivoj Petkovic a contribué à un système de mauvais traitement en le
19 contrôlant, le dirigeant, le facilitant, lui apportant son concours et/où y
20 participant. Ce système comprenait un réseau de prisons, de camps de
21 concentration et d'autres centres de détention utilisés pour arrêter,
22 détenir et emprisonner des milliers de Musulmans de Bosnie dans des
23 conditions illégales et pénibles, où ils étaient tués, maltraités, battus
24 et brutalisés. Milivoj Petkovic a notamment ordonné et dirigé les
25 arrestations généralisées et systématiques de Musulmans de Bosnie pendant
26 l'été 1993."
27 Alors que dites-vous sur ce rôle qui vous est attribué ?
28 R. Monsieur le Juge, Milivoj Petkovic et l'état-major principal n'ont
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1 dirigé aucun lieu dans lequel se trouvait des détenus, des personnes
2 arrêtées ou des personnes musulmanes installées d'une façon ou d'une autre
3 en ces lieux. Milivoj Petkovic, en se fondant sur son droit de commandant,
4 dès lors que la sécurité de ses unités et des localités placées sous son
5 contrôle était compromise, a agi dans le respect des règles générales de
6 l'organisation militaire de quelque pays que ce soit, et il avait le droit
7 de désarmer les membres de son armée. Il avait le droit de désarmer les
8 membres de l'armée ennemie qui se trouvaient sur ce territoire. Mais par
9 ses ordres, Milivoj Petkovic a ordonné que les civils, les femmes, les
10 enfants, les vieillards et les handicapés ne courent pas le moindre danger,
11 que rien de mauvais ne leur soit fait.
12 L'INTERPRÈTE : Micro, Monsieur le Président, s'il vous plaît.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi. Je reprends. (j) :
14 "Milivoj Petkovic a contrôlé, autorisé, facilité, toléré et permis des
15 actes par lesquels des détenus musulmans de Bosnie ont été astreints à des
16 activités de travail forcé illégales au cours desquelles nombre d'entre eux
17 ont été tués ou blessés et a donné des instructions spécifiques concernant
18 cette utilisation des détenus musulmans de Bosnie."
19 Bien, il s'agit donc d'un paragraphe consacré au travail forcé que le
20 Procureur avait évoqué la semaine dernière. Alors que dites-vous ?
21 R. Messieurs les Juges, Milivoj Petkovic a émis des ordres de cette
22 nature, mais par ces ordres, il ordonnait que les travaux soient confiés
23 aux unités du génie et que les hommes qui pouvaient être utilisés à cette
24 fin soient utilisés pour aider les populations à quelques kilomètres des
25 lignes. Donc mes ordres consistaient à dire qu'il fallait "mettre au
26 travail les unités du génie," et je suppose que chacun d'entre nous sait
27 que lorsqu'une unité du génie travaille, c'est un soldat qui travaille et
28 qu'il n'a pas besoin de 100 soldats autour de lui. Tous les soldats étaient
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1 en sécurité et totalement protégés. Milivoj Petkovic a émis des ordres, ça
2 c'est connu, je ne le nie pas. Mais en raison de mes ordres, la vie, ne
3 serait-ce que d'un seul soldat, n'a pas été mise en danger. Pas un seul
4 soldat n'est mort en raison de mes ordres, parce qu'ils ne se trouvaient
5 pas à l'endroit où l'on creusait des tranchées. Les soldats étaient
6 protégés par des fortins ou se trouvaient dans des endroits où il y avait
7 des entrepôts qui ensuite étaient vidés à l'aide d'un camion allant dans
8 d'autres endroits.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : A partir des documents que je vous présenterai - je
10 ne vais pas m'attarder sur cette question, mais vous vous rappelez, on a vu
11 des documents, on a entendu des victimes - vous dites que vous avez ordonné
12 des travaux de génie éloignés, semble-t-il, de la ligne de front. Et quand
13 les soldats de l'ABiH, si j'interprète vos propos - si je me trompe,
14 n'hésitez pas à dire que j'ai fait une erreur - étaient placés dans des
15 conditions à proximité des lignes de front, vous les avez, à ce moment-là,
16 mis dans des fortins de telle façon qu'ils soient protégés. Voilà ce que
17 vous venez de dire. Alors comment expliquer, Général Petkovic, que quelques
18 détenus nous ont dit qu'ils avaient été mis sur la ligne de front, exposés
19 aux tirs de l'ABiH ? Et je cite de mémoire parce que je n'ai pas les cas
20 bien présents dans mon esprit, parce que je ne pensais pas vous poser des
21 questions approfondies, on a eu des éléments de preuve où des personnes ont
22 été tuées alors même qu'elles avaient quitté la prison. Alors comment vous
23 expliquez cela ?
24 R. Monsieur le Juge Antonetti, je suis en train de parler d'ordres
25 concrets qui portent ma signature et de l'époque où ça s'est produit
26 concrètement et des données qui y figurent disant que ce sont des engins du
27 génie qu'on utiliserait et que les effectifs, les hommes seraient à 3,
28 voire 5, voire même plus de kilomètres plus loin pour procéder à une
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1 prestation de services sans se trouver à la première ligne de front. Et
2 j'affirme que dans mes ordres du 15, du 20, du 8, personne n'a péri parmi
3 les soldats qui ont été envoyés là-bas. D'autre part, on se penchera sur
4 les ordres où il est dit que des ordres à moi, du moins, ceux du 15,
5 n'auraient pas été exécutés.
6 Je ne suis pas celui qui est responsable pour ce qui est des ordres
7 donnés à partir du début jusqu'à la fin de la guerre. Chaque période a des
8 responsables concernés qui étaient en train d'occuper des postes de
9 commandement, et je maintiens tous les ordres que j'ai donnés et je suis
10 disposé à défendre mes positions devant les Juges de cette Chambre.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour la période où vous étiez commandant de l'état-
12 major, donc disons jusqu'au 24 juillet 1993, voire au 27, est-ce que vous
13 estimez que lorsqu'un prisonnier quitte la prison à partir d'un ordre qui
14 n'émane pas de vous, mais que celui qui prend l'ordre relève de votre
15 chaîne de commandement, est-ce que vous estimez que dans le cas d'espèce,
16 vous n'êtes pas responsable ?
17 R. Messieurs les Juges, dans mon ordre daté du 20, il est dit que le délai
18 final est celui du 22. A partir de cette date-là et au-delà, sans mon
19 ordre, personne ne pouvait prendre quelque soldat que ce soit. Toute
20 personne qui se comporterait autrement était en train de se comporter de
21 façon illégale, et je peux vous montrer tous les ordres que j'ai donnés
22 pendant que j'étais chef d'état-major. Je peux procéder à l'analyse de
23 chaque cas concret et dire : ça, ça s'est produit; ça, ça ne s'est pas
24 produit. Or, il va sans dire pour ce qui est des ordres que j'ai donnés le
25 8, on verra les dates au concret. J'espère qu'on vous les montrera ici. Et
26 je voudrais que nous comparions ce qui s'est produit à ces moments-là.
27 J'affirme devant vous ici que de telles souffrances ne se sont pas
28 produites du fait de mes ordres, et je ne pense pas qu'il y ait eu des
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1 ordres de ma part donnant le droit à quelqu'un de faire ce que bon lui
2 semblait. Chaque ordre était délimité dans le temps.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, vous dites -- si je fais la
4 moindre erreur, n'hésitez pas, parce que c'est important et il ne faut pas
5 qu'il y ait d'ambiguïté. Vous dites que vous assumez la responsabilité des
6 ordres que vous avez donnés avec votre signature, mais que concernant les
7 autres ordres qui n'émanent pas de vous, je devrais en tirer la conclusion
8 qu'ils ont été pris dans votre dos, sans que vous le sachiez ? C'est ça que
9 vous nous dites ?
10 R. Messieurs les Juges, oui. Dans ce procès, il y a des documents concrets
11 avec des périodes concrètes de validité. Pendant que j'étais à la tête de
12 l'état-major principal, je veux bien parler de chaque cas concret -- je
13 veux parler de chaque cas concret survenu même après où il y aurait ma
14 signature. En dehors de cela, je n'accepte pas la responsabilité qui en
15 découlerait parce que je n'ai pas donné d'ordre, je n'ai pas demandé à ce
16 que telle ou telle autre chose soit faite.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour bien comprendre ce que vous dites, je vais
18 prendre un cas étranger à vous.
19 Imaginons que dans une prison en Iraq, le commandant des forces américaines
20 - prenons l'exemple américain - ne donne pas d'ordres. Pour lui, les
21 prisonniers sont en prison dans le cadre de la loi. Et voilà qu'un
22 commandant militaire quelconque prend des prisonniers pour aller faire des
23 travaux, n'importe quoi. Dans ce cas américain, vous diriez que le
24 commandant des forces armées américaines n'est pas responsable ?
25 R. Le commandant des forces armées américaines peut ne pas être au courant
26 de ce qui se passe. Il faut donc voir qui est-ce qui a approuvé la chose.
27 Moi, je répète ici que la partie des soldats qui faisait partie des
28 rangs du HVO, indépendamment du fait d'être en détention, était utilisée
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1 comme les autres soldats là-bas, et j'affirme devant cette Chambre que
2 j'accepterais tout ordre que j'aurais donné. Je veux bien que nous
3 analysions chacun de mes ordres, que nous comparions avec les incidents
4 survenus pour déterminer quelle est ma responsabilité et quelle n'est pas
5 ma responsabilité. Moi, je ne vais pas fuir mes responsabilités.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bien, vous êtes précis. Donc, je vais passer
7 maintenant au point suivant, qui est le (k) :
8 "Milivoj Petkovic a apporté son concours et participé à un système de
9 mauvais traitement et a facilité ce système conçu et réalisé pour chasser,
10 expulser ou transférer de force de nombreux Musulmans de Bosnie en les
11 expulsant de la Bosnie-Herzégovine vers d'autres pays ou en les transférant
12 dans des régions de Bosnie-Herzégovine non revendiquées ou non contrôlées
13 par les forces de l'Herceg-Bosna ou du HVO, notamment le transfert des
14 civils musulmans de Bosnie de la région de Sovici-Doljani en mai 1993 et
15 l'expulsion de Musulmans de la municipalité de Prozor en juillet 1993."
16 Avez-vous bien compris ? Sinon, je peux vous faire un commentaire. Donc,
17 que dites-vous ?
18 R. Messieurs les Juges, je veux bien que chaque chef d'Accusation soit
19 pris en considération par date et lieu et soit placé dans le contexte des
20 ordres donnés et des responsabilités, Sovici, Doljani et autres. Parce que
21 les déplacements des Musulmans étaient réclamés pour des gens du cru, des
22 commandants du cru, à l'occasion de réunions avec moi en présence
23 d'observateurs étrangers. Par conséquent, ce n'est pas Petkovic qui a
24 décidé que l'on fasse de la sorte. Petkovic a bien voulu répondre aux
25 requêtes présentées par les commandants de l'ABiH et des responsables dans
26 la filière de commandement qui avaient pour charge ces territoires-là.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour bien que ce soit clair, pour l'exemple
28 de Sovici-Doljani, vous dites que les Musulmans qui ont quitté les lieux
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1 ont quitté ces lieux parce qu'il y avait eu une demande de l'ABiH, et ce,
2 en présence de la communauté internationale, et c'est pour cela que vous
3 avez fait en sorte qu'ils partent. C'est parce qu'on vous l'a demandé et
4 parce que ça a été approuvé par la communauté internationale ? C'est bien
5 ce que vous nous dites ?
6 R. Messieurs les Juges, dans les documents que nous avons pu voir et qui
7 proviennent de l'ABiH nous disent que l'évacuation des ressortissants du
8 groupe ethnique musulman se passe partant des négociations entre Petkovic
9 et Halilovic. Or, moi, pour ce qui est de l'école, j'ai promis qu'à 4
10 heures, tout le monde partirait. Mais les membres de l'armija ont demandé à
11 ce que les gens soient déplacés depuis Sovici et Doljani vers des
12 territoires placés sous le contrôle de l'ABiH, pour être concret,
13 Jablanica. Et dans leurs documents et leurs requêtes, c'est ce qui est
14 évoqué. Par conséquent, les requêtes formulées par l'ABiH disent que c'est
15 suite à leur demande que j'ai fait une prestation de service, ce n'était
16 pas ma volonté à moi que de faire partir ces gens depuis ces territoires.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme il est l'heure de terminer, demain,
18 Général Petkovic, je terminerai les quatre derniers paragraphes, le (l), le
19 (m), le (n), et le (o), et je ferai comme je viens de faire, je vous lis et
20 vous me direz votre position. Après quoi, j'entamerai les documents et
21 vidéos et je regarderai donc tous les éléments P qui ont été eux admis,
22 tous ont été admis. Voilà, et puis une fois qu'on aura terminé cela, je
23 passerai aux pièces que votre avocate a présenté déjà, tout ça par ordre
24 chronologique en partant du plus ancien vers le plus récent.
25 Voilà, donc reposez-vous bien jusqu'à demain. Comme vous le savez, la
26 nuit va être courte puisque nous nous retrouverons tous demain à 9 heures.
27 Maître Karnavas.
28 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, ou plutôt devrais-je dire bonsoir,
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1 Messieurs les Juges.
2 Pour ce qui est de l'agencement des choses, je crois que je serai le
3 premier à contre-interroger, et si j'ai bien compris, nous avons deux jours
4 à notre disposition, je m'en tiendrai, mais puis-je être certain que je ne
5 vais pas commencer dès demain ?
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne commencerez pas dès demain, non.
7 Rassurez-vous.
8 M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien. Une autre question encore. Je
9 voudrais d'abord dire que je suis reconnaissant aux Juges de la Chambre de
10 nous avoir accordé deux journées de congé en avril. J'ai voulu demander aux
11 Juges de la Chambre de se pencher sur l'éventualité de la date du 1er avril
12 qui est un jeudi et que ce soit une journée "off". Je vais vous expliquer
13 très brièvement.
14 Dans la religion orthodoxe, il s'agit d'une fête religieuse très
15 importante. Je ne sais pas pour ce qu'il en est du côté catholique, mais
16 toujours est-il que les orthodoxes vont le soir à l'église et c'est toute
17 une cérémonie et moi je dois aller en Grèce. J'aimerais donc pouvoir
18 disposer de cette journée et je vous en serais très reconnaissant. Donc
19 jeudi, vendredi, samedi et dimanche. C'est l'une des rares fêtes où nous
20 allons tous les jours à l'église.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez très bien partir le jeudi puisque votre
22 co-conseil est présent, ça ne pose aucun problème.
23 M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vous souhaite à tous une bonne fin de
25 soirée et donc nous nous retrouverons demain à 9 heures.
26 [L'accusé quitte la barre]
27 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 23 février
28 2010, à 9 heures 00.