Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 22 février 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [L'accusé Petkovic vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

  9   les Juges, bonjour à tous dans le prétoire et autour du prétoire.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le procureur contre M. Prlic et

 11   consorts. Merci beaucoup.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce lundi, je salue en premier le général Petkovic qui est le

 14   témoin de cette semaine et des semaines qui vont suivre. Je salue MM. les

 15   accusés, je salue Mmes et MM. les avocats, je salue M. Scott et tous ses

 16   collaborateurs et collaboratrices ainsi que toutes les personnes qui nous

 17   assistent.

 18   Tout d'abord, une information de nature administrative concernant le mois

 19   d'avril.

 20   Premièrement, comme je vous l'avais déjà dit, il n'y aura pas

 21   d'audience le lundi 19 avril, le mardi 20 avril, le mercredi 21 avril et le

 22   jeudi 22 avril.

 23   Par ailleurs, la Chambre a pris compte de l'intervention de Me

 24   Karnavas la dernière fois et a pris en compte également les observations de

 25   M. Scott. Et donc la Chambre décide également que le mardi 6 avril et le

 26   mercredi 7 avril, il n'y aura pas d'audiences, mardi 6 et mercredi 7, ce

 27   qui fait que la Défense de M. Coric devra donc programmer ses témoins en

 28   tenant compte de ces dates. Alors voilà, par exemple, nous reprendrons le 8

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  1   avril, et le 8 avril vous pourrez faire venir un témoin qui témoignerait

  2   pour la journée. Donc c'est à vous de voir, mais je sais que c'est un

  3   exercice extrêmement compliqué pour la venue des témoins, mais autant le

  4   savoir à l'avance. Voilà ce que je voulais vous dire.

  5   Alors, Général Petkovic, je vais continuer à poser mes questions. Je vous

  6   ai dis la semaine dernière que j'aborderais la question de l'entreprise

  7   criminelle.

  8   LE TÉMOIN : MILIVOJ PETKOVIC [Reprise]

  9   [Le témoin répond par l'interprète]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Général Petkovic, vous vouliez me dire quelque

 11   chose ? Vous avez levé la main.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge Antonetti, si vous m'y

 13   autorisez, j'aimerais en une minute compléter ce que nous avons dit la

 14   dernière fois pendant notre déposition. Je pense que c'est très important.

 15   Donc si vous m'y autorisez, je vous demanderais une minute avant de passer

 16   à la question d'aujourd'hui.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge Antonetti, je voudrais parler

 19   de ma déposition dans deux procès. Je voudrais vous informer du fait qu'en

 20   ma qualité de témoin de la Chambre, j'avais pour devoir de remplir un

 21   formulaire, d'établir des conditions et d'apporter un certain nombre de

 22   renseignements à la Chambre. La Chambre a répondu à la demande et a dit

 23   qu'elle acceptait cela et elle a donc fixé une date pour ma déposition.

 24   Voilà ce que je voulais vous dire.

 25   Quoi qu'il en soit et conformément au droit et au règlement appliqué par ce

 26   tribunal, j'avais pour devoir d'informer personnellement la Chambre d'un

 27   certain nombre de choses, je l'ai fait dans les deux cas et je pense que

 28   ces documents font partie des archives.

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  1   Voilà tout ce que je voulais dire et je pense que maintenant nous pouvons

  2   poursuivre.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Par rapport à ce que nous avons dit la

  4   semaine dernière, j'aurais deux questions de suivi à vous poser avant

  5   d'aborder la question d'entreprise criminelle commune.

  6   Questions de la Cour : [Suite]

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout d'abord, je voudrais savoir, Général Petkovic,

  8   est-ce qu'à un moment donné avant --

  9   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Nous n'entendons pas les interprètes,

 10   Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Je recommence.

 12   Général Petkovic, est-ce que vous m'entendez ?

 13   R. Oui.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. C'est drôle, parce que chaque fois que je vais

 15   poser une question importante, il y a un problème de traduction. C'est

 16   extraordinaire.

 17   Bien, alors écoutez bien ma question. Je voulais savoir, Général Petkovic,

 18   avant que l'acte d'accusation n'ait été dressé par ce Tribunal, est-ce que

 19   vous aviez été auditionné par le bureau du Procureur ou pas ?

 20   R.  Non, Monsieur le Président, personne n'a eu le moindre entretien avec

 21   moi.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui fait, quand vous êtes venu témoigné dans

 23   l'affaire Blaskic, personne ne vous avait demandé quoi que ce soit.

 24   R.  Je ne sais pas ce que vous avez à l'esprit lorsque vous dites demander,

 25   parce que les questions peuvent venir du bureau du Procureur, de la Chambre

 26   et de la Défense, mais en dehors de cela, il ne peut m'être posé aucune

 27   question.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Non. Ce que je voulais dire, c'était avant que vous

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  1   veniez témoigner dans l'affaire Blaskic, le bureau du Procureur n'avait pas

  2   pris contact avec vous.

  3   R.  En effet, c'est exact, il n'a pas établi de contact avec moi.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Pendant ce week-end, j'ai pensé à vous

  5   poser la question suivante. Nous savons à coup sûr que vous avez appartenu

  6   à trois armées, JNA, l'armée croate et le HVO et peut-être même à l'ABiH,

  7   mais ça, c'est le jugement qui le dira. Ce que je voudrais savoir, comme

  8   vous êtes passé successivement dans plusieurs armées, par rapport aux unes

  9   et aux autres, avez-vous trouvé des différences, et si oui, lesquelles ?

 10   A titre d'exemple, moi, par exemple, qui était dans un système de droit, et

 11   quand je suis venu ici, j'ai trouvé des différences et au moins déjà deux.

 12   Dans mon système, j'avais l'impression que nous étions beaucoup plus

 13   rigoureux, et deuxièmement, dans mon système, les autres juges ne posent

 14   pas les questions. Les questions sont uniquement posées par le président de

 15   la chambre. Et donc, quand je suis arrivé ici, j'ai vu que les systèmes

 16   étaient différents. Alors, moi, ce que je voudrais savoir, est-ce que vous-

 17   même, passant de la JNA à l'armée croate puis au HVO, est-ce que vous avez

 18   vu des différences ? Et si oui, lesquelles ?

 19   R.  Oui, Monsieur le Juge, il y avait des différences. L'armée populaire

 20   yougoslave, la JNA, était une institution qui s'est entraînée, a construit

 21   sa structure pendant la Seconde Guerre mondiale et après la Seconde Guerre

 22   mondiale. Elle avait un nombre d'officiers et de sous-officiers bien défini

 23   et suffisant, qui étaient bien entraînés au sein de l'armée. Elle avait une

 24   structure complète d'équipement et de centre et bâtiments de la JNA. Elle

 25   avait également les structures de la Défense territoriale et d'autres

 26   structures adjointes. Donc dans un cadre comme celui là, on savait

 27   exactement qui commandait le 1er Département, la 3e Compagnie, le 1er

 28   Bataillon dans une brigade de partisans. Ça, ça se savait parfaitement

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  1   bien. Donc c'était une structure très bien organisée qui a fait ses preuves

  2   pendant des années au sein de laquelle les gens se connaissaient et qui

  3   avait une base qui lui était propre.

  4   Mais j'ajouterais aussi ce qui suit, lorsque la guerre a commencé dans ce

  5   territoire, voire lorsque cette structure a commencé à perdre ses membres

  6   slovènes, croates, et même plus tard, Musulmans de Bosnie, cette structure

  7   a, elle aussi, éprouvé des difficultés du point de vue de l'organisation et

  8   du point de vue d'autres aspects, voyez-vous. Parce que quand une structure

  9   perd des éléments, cela crée des difficultés. Mais en dépit de cela,

 10   c'était tout de même une structure qui, depuis sa base jusqu'à l'Etat, se

 11   tenait parfaitement bien et avait ses plans et projets qui étaient solides.

 12   A la différence de cette structure, l'armée croate ne pouvait pas se créer

 13   à l'époque où la Croatie faisait partie intégrante de la Yougoslavie. Elle

 14   a perdu sa Défense territoriale, lorsque la Croatie avait sa Défense

 15   territoriale qui était l'une des plus fortes et les plus puissantes des

 16   anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie. Mais elle a perdu totalement sa

 17   Défense territoriale. A ma connaissance, pas une seule brigade de

 18   réservistes de la Défense territoriale n'est restée au sein de l'armée

 19   croate dans son intégralité. Toutes ces brigades, avec une partie de leurs

 20   effectifs et une partie de leurs équipements, sont passées partiellement du

 21   côté de la JNA, c'est ce qui est arrivé aussi en Bosnie-Herzégovine,

 22   lorsque a commencé ce que je me permettrais d'appeler le démontage de

 23   l'armée populaire yougoslave.

 24   Donc, la JNA, l'armée croate et le HVO, lorsque les combats ont

 25   commencé - donc je parle du début des combats, c'est-à-dire du moment où la

 26   JNA avait déjà pris ses positions - et dans ces conditions, elle a dû

 27   rassembler ses effectifs et s'organiser en l'absence de commandement

 28   organisé et d'état-major très organisé. Mais on décidait un peu au jour le

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  1   jour qui allait commander quoi. Autrement dit, on s'est lancés dans la

  2   guerre sans réelle structure contre une armée qui, depuis de très

  3   nombreuses années, avait une structure très solide et bien construite.

  4   Donc, voilà, c'était une différence. Au sein de la JNA, si on

  5   parlait de brigade, on savait qu'elle avait 2 500 hommes et qu'elle serait

  6   intégralement là, qu'il y aurait peut-être nécessité de compléter les

  7   effectifs à 30 %, mais pas plus. Alors qu'au sein du HVO, de l'ABiH et de

  8   l'armée de Croatie, de nouvelles modalités de travail ont dû être mises en

  9   places parce que pour maintenir en place 2 500 hommes, il fallait mobiliser

 10   10 000 hommes sur huit mois, parce qu'on tenait compte de la dimension

 11   sociale également, on tenait compte de la nécessité de ne pas séparer ces

 12   hommes trop longtemps de leurs familles et de leurs moyens de gagner leur

 13   vie. Donc c'était une grande différence. On ne peut pas comparer la JNA

 14   qui, à l'époque, était une armée organisée, avec les armées qui se sont

 15   créées dans cette période-là. L'armée croate a atteint son niveau de

 16   véritable création juste avant l'opération Tempête. Ce qui, tout de même,

 17   fait pas mal de temps après le moment où elle s'est créée. Et puis, cette

 18   armée croate a vécu également une phase, au moment où la FORPRONU est

 19   arrivée en 1992, une phase où les forces qui se trouvaient sur les fronts

 20   déterminés par la FORPRONU étaient minimales, et les autres effectifs

 21   pouvaient s'entraîner. C'est ainsi que la Brigade des Gardes croates a vu

 22   le jour, qui, par la suite, a démontré qu'elle était plus puissante que la

 23   brigade de la JNA ou celle de l'ABiH.

 24   Mais ni le HVO ni l'ABiH, à la différence de la JNA, n'a eu un seul

 25   jour pour souffler, me permettrais-je de dire, un seul jour pour regrouper

 26   les unités qui avaient été formées et les entraîner. Voilà, ça, c'est une

 27   différence qui est extraordinairement importante quand on parle de

 28   structure militaire.

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  1   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi

  2   une correction au compte rendu très importante, à mon avis. Page 7, ligne

  3   3, on lit en anglais que le général aurait dit que l'armée croate est

  4   devenue une armée bien construite à la veille des opérations Eclair et

  5   Tempête. Enfin, ceci ne figure pas correctement au compte rendu et je pense

  6   que c'est particulièrement important étant donné que l'année concernée est

  7   1995, et nous savons parfaitement bien de quelle opération il est question.

  8   Merci.

  9   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour votre longue réponse qui nous permettra

 11   de bien prendre en compte les différences.

 12   Juste une dernière question avant d'aborder l'entreprise criminelle

 13   commune.

 14   La semaine dernière, vous nous avez donné par le détail les dates où vous

 15   étiez à Genève dans le cadre de la conférence. Et de mémoire, je n'ai pas

 16   le transcript sous les yeux, vous y êtes allé à trois reprises. Je voulais

 17   savoir où se tenait la conférence. Dans un hôtel ou au centre des

 18   conférences internationales de Genève, ou ailleurs ?

 19   R.  Messieurs les Juges, elle s'est déroulée dans les bâtiments -- est-ce

 20   que ce sont les bâtiments des Nations Unies ou le centre que vous venez

 21   d'évoquer, en tout cas, un complexe de bâtiments qui se trouve à quelques

 22   minutes de l'Hôtel International ou Intercontinental, je ne sais plus

 23   comment il s'appelait. Je considérais qu'il s'agissait d'un complexe de

 24   bâtiments qui appartenait aux Nations Unies, et c'est donc dans ce complexe

 25   de bâtiments que s'est déroulée la conférence.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que toutes les délégations étaient toutes

 27   réunies dans un même hôtel ou dans des hôtels différents ?

 28   R.  Non, Messieurs les Juges. Cela dépendait de qui avait réussi à

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  1   réserver. La première fois, j'ai logé à l'Hôtel International, après quoi

  2   j'ai logé dans des pensions. Je ne sais même plus très bien comment elles

  3   s'appelaient, pas très loin de l'endroit où se tenait la conférence, parce

  4   qu'on ne savait pas exactement quand il fallait réserver, à Genève, il est

  5   toujours très difficile de trouver de la place. Donc les uns allaient dans

  6   un hôtel; les autres dans un autre. Mais en tout cas, toutes les

  7   délégations n'étaient pas logées toutes ensemble au même endroit.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La délégation conduite par Mate Boban, vous

  9   étiez seuls dans un hôtel, ou vous étiez en même temps avec la délégation

 10   de la République de Bosnie-Herzégovine ?

 11   R.  Messieurs les Juges, la première que j'y suis allé, j'étais aussi dans

 12   cet hôtel. Je crois que nous étions au 13e étage, et il s'agissait de moi,

 13   de M. Boban, de M. Mandzic, et de deux autres hommes qui accompagnaient

 14   Mate Boban. La deuxième fois, moi-même, M. Mandzic et un professeur de

 15   Sarajevo, nous n'avions pas de place dans cet hôtel. D'ailleurs, il était

 16   cher, voyez-vous, alors, nous sommes descendus dans un hôtel plus petit, je

 17   ne sais plus quel était son nom, qui se trouvait à 15 minutes à peu près du

 18   premier hôtel. Et puis, je crois qu'il y a aussi un hôtel qui s'appelle

 19   l'Hôtel Président. M. Izetbegovic, quand il était à la conférence,

 20   descendait à l'Hôtel Président, et les Serbes aussi, me semble-t-il, sont

 21   descendus une fois à l'Hôtel International, et la deuxième fois, je ne sais

 22   pas où. Et si nous étions tous à l'Hôtel International, il y avait une

 23   différence de trois ou quatre étages entre deux délégations différentes, et

 24   il y avait une sécurité de garde, en civil, bien sûr, qui assurait la

 25   sécurité de chacune des délégations.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Quand vous vous réunissiez avec

 27   les délégations, est-ce qu'il y avait un petit drapeau sur le bureau, ou

 28   bien il n'y avait pas de drapeau et simplement des petits cartons où il y

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  1   avait marqué "République de Bosnie-Herzégovine", "Conseil croate de la

  2   Défense", je ne sais ?

  3   R.  Monsieur le Juge Antonetti, il s'agissait de séances plénières. Et les

  4   seules informations disponibles concernaient l'emplacement de chacun autour

  5   de la table. Si je me souviens bien, il y avait la délégation de la

  6   Yougoslavie, puis la délégation de la République de Croatie, puis nous-

  7   mêmes du HVO. Autour de nous, il y avait la délégation de M. Izetbegovic.

  8   Et voilà, il n'y avait aucun drapeau, aucune pancarte devant chacun d'entre

  9   nous avec un emblème particulier, sauf, si je me souviens bien, notre nom.

 10   Quant au travail, chaque fois que le président le demandait, on allait dans

 11   une pièce où se trouvait le président, et la délégation qui était invitée

 12   dans le bureau du président s'exprimait la plupart du temps sur les

 13   principes constitutionnels ou sur des cartes. Cela durait une heure ou

 14   deux, et ensuite la délégation se retirait, était remplacée par une autre

 15   délégation qui faisait, je suppose, la même chose. Le bureau était assez

 16   petit et on attendait dans des pièces réservées aux délégations.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, je vous pose des questions très

 18   techniques, parce que moi-même j'ai participé à ce genre de conférences

 19   internationales, et je sais comment les choses peuvent se passer. Je vais

 20   terminer juste par un petit détail technique.

 21   Est-ce que vous aviez un badge sur vous pour circuler, ou personne n'avait

 22   de badges ?

 23   R.  Messieurs les Juges, nous n'avions aucun insigne, aucun signe

 24   distinctif particulier, mais on nous a dit dans quels lieux nous pouvions

 25   circuler. Et si je me souviens bien, il y avait cette grande salle où se

 26   tenait la séance plénière et une dizaine de bureaux et un grand hall. Mais

 27   en dehors de ces lieux, personne ne pouvait sortir du bâtiment et ne

 28   pouvait sortir de cet espace. Et à l'intérieur de cet espace, on nous

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  1   servait des sandwichs, des boissons, et cetera, et on y passait la journée,

  2   jusqu'à 4, 5 ou 6 heures de l'après-midi. Personne n'avait le droit de

  3   sortir et de circuler librement dans le reste du bâtiment.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand le président de la conférence s'adressait à

  5   vous, à Mate Boban, à M. Izetbegovic, et cetera, Karadzic - je présume

  6   qu'il devait être là aussi - que disait-il ? M. Boban, ou il donnait

  7   également le titre et la qualité ?

  8   R.  Messieurs les Juges, si je me souviens bien, il utilisait simplement la

  9   mention "M." suivi du nom. Mais il me semble qu'au président Tudjman, au

 10   président Cosic - parce que je crois qu'il est venu une fois - au président

 11   Milosevic et au président Izetbegovic, il me semble qu'il les appelait "M.

 12   le Président". Cela dépendait. Mais en principe, il disait : Monsieur, et

 13   voilà. Il n'y avait pas de communication directe. On commençait par la

 14   première délégation, puis on faisait le tour de table, et ensuite on

 15   entamait les discussions bilatérales qui étaient demandées, c'est-à-dire

 16   que les militaires, par exemple, allaient dans une pièce voisine avec le

 17   général Nambiar.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Petkovic, je vais maintenant aborder

 19   l'entreprise criminelle commune qui figure au paragraphe 15 de l'acte

 20   d'accusation.

 21   Mais avant cela, je voulais vous demander, est-ce que vous avez eu

 22   l'intégralité de l'acte d'accusation dans votre langue ?

 23   R.  Oui, Monsieur le Juge, je l'ai reçu.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Avez-vous eu également le mémoire préalable

 25   dans votre langue, mémoire préalable, est-ce que vous l'avez eu dans votre

 26   langue ?

 27   R.  J'ai eu connaissance du mémoire préalable au procès par le biais de mon

 28   avocate.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, comme vous le savez, comme vous avez dû

  2   lire et relire ce document, vous savez - et je vais poser la même question

  3   au général Praljak, et je vous la pose également - que le Procureur indique

  4   qu'entre le 18 novembre 1991 ou avant - le mot "avant" est important - et

  5   avril 1994 environ, et après - le mot "après" est important aussi -

  6   diverses personnes ont mis sur pied une entreprise criminelle commune et y

  7   ont participé en vue de soumettre politiquement et militairement les

  8   Musulmans de Bosnie et autres non-Croates qui vivaient dans des régions du

  9   territoire de la République de Bosnie-Herzégovine revendiquaient comme

 10   faisait partie de la communauté croate, entre parenthèses, "future

 11   république d'Herceg-Bosna", de les chasser définitivement, de procéder à un

 12   nettoyage ethnique de ces régions, et de réunir à court ou à long terme ces

 13   dernières au sein d'une Grande-Croatie, soit par rattachement à la

 14   République de Croatie, soit en étroite association avec elle, et ce, par la

 15   force, l'intimidation, ou la menace du recours à la force, la persécution,

 16   l'emprisonnement et la détention, le transfert forcé et l'expulsion,

 17   l'appropriation et la destruction de biens, et par d'autres moyens

 18   consistant à commettre des crimes sanctionnés par les articles 2, 3 et 5 du

 19   Statut. L'entreprise criminelle commune s'était fixé pour objectif de créer

 20   un territoire croate reprenant les frontières de la Banovina croate, entité

 21   territoriale ayant existée de 1939 à 1941. Elle visait notamment à

 22   redessiner la carte politique et ethnique de ces régions de façon à ce

 23   qu'elle soient dominées par les Croates, tant sur le plan politique que sur

 24   le plan démographique. Alors, voilà ce que le Procureur dit concernant

 25   cette entreprise criminelle.

 26   Alors, qu'est-ce que vous en dites, vous ?

 27   R.  Ma réponse, Monsieur le Président, consiste à dire que ceci n'est pas

 28   exact, et que ceci ne correspond pas à la vérité, que les Croates n'ont

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  1   aucunement eu l'intention en Bosnie-Herzégovine d'agir de façon

  2   discriminatoire à l'égard de quoi que ce soit. Les Croates n'ont jamais eu

  3   l'intention en Bosnie-Herzégovine de diviser ou dépecer la Bosnie-

  4   Herzégovine. Bien au contraire, les Croates ont commencé la guerre dans

  5   l'intention de préserver l'intégralité de la Bosnie-Herzégovine, puisqu'ils

  6   soutenaient l'idée d'un Etat indépendant. Par conséquent, je rejette les

  7   déclarations qui figurent dans ce document.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les personnes qui, d'après le Procureur, ont

  9   participé à cette entreprise, je vais vous dire les noms, puis après je

 10   vais vous interroger sur chacun. Les personnes sont les suivantes : Franjo

 11   Tudjman, président de la République de Croatie, qui est décédé le 10

 12   décembre 1999; Gosko Susak, ministre de la Défense de la République de

 13   Croatie, décédé le 3 mai 1998; Janko Bobetko, général de haut rang de

 14   l'armée de la République de Croatie décédé le 29 avril 2003; Mate Boban,

 15   président de la Communauté croate et de la République d'Herceg-Bosna,

 16   décédé le 8 juillet 1997. Ça, ce sont tous ceux qui sont morts. Maintenant

 17   les vivants, les voilà : Jadranko Prlic, Bruno Stojic, Slobodan Praljak,

 18   vous-même, Valentin Coric, Berislav Pusic, Dario Kordic, Tihomir Blaskic et

 19   Mladen Naletilic.

 20   Alors, on va les passer tous en revue pour savoir si vous les

 21   connaissiez, quand, comment, et cetera.

 22   M. Tudjman, est-ce que vous le connaissiez; et si oui, quand l'aviez-

 23   vous rencontré ?

 24   R.  Messieurs les Juges, bien entendu, j'ai connu M. Tudjman. Je savais

 25   quand est-ce qu'il l'avait emporté aux élections en République de Croatie,

 26   c'est-à-dire pour ce qui est du début de sa campagne électorale lors des

 27   premières élections en République de Croatie. Le président Tudjman, je l'ai

 28   rencontré pour la première fois à Genève en janvier 1993. Jamais jusque là

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  1   le président Tudjman ne s'est déplacé vers la Dalmatie pour rendre visite

  2   aux unités de la République de Croatie et me permettre de le rencontrer. Ma

  3   position au sein de l'armée croate était de nature à m'interdire tout

  4   déplacement vers Zagreb et me déplacer d'une façon autre aux fins de

  5   pouvoir contacter lors de mes déplacements le président, le Dr Franjo

  6   Tudjman. Par conséquent, mon premier contact avec le président Tudjman, là

  7   où on était près l'un de l'autre, c'est lorsque nous avons été à cette

  8   conférence, et nous nous sommes vu le 2 janvier 1993 à Genève.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si je comprends bien, avant le 2 janvier

 10   1993, vous n'aviez eu aucune conversation avec le président Tudjman ?

 11   R.  Non, Monsieur le Juge. Je n'ai pas eu de conversation, je n'ai pas eu

 12   l'occasion de me trouver où que ce soit à proximité du président Tudjman.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce qui voudrait dire qu'avant le 2 janvier 1993, si

 14   le président Tudjman avait eu dans l'idée de créer une Grande-Croatie, il

 15   ne vous en avait pas parlé avant le 2 janvier 1993, car vous ne l'aviez pas

 16   vu jusqu'à présent ?

 17   R.  C'est exact. Je ne l'ai pas rencontré, je n'ai pas eu de contact et je

 18   n'ai pas lu non plus à quelque endroit que ce soit que le président Tudjman

 19   aurait eu de telles intentions éventuelles, je dis intentions entre

 20   guillemets.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Passons à M. Gojko Susak.

 22   A quel moment l'avez-vous rencontré, dans quelles  circonstances ?

 23   R.  Messieurs les Juges, il en va de même pour ce qui est de Genève le 2

 24   janvier 1993, parce que Gojko Susak était membre de la délégation à ce

 25   moment-là, délégation de la République de Croatie. Avant cela, je n'ai pas

 26   eu l'occasion de rencontrer Gojko Susak.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, même question. Avant le 2 janvier 1993, à

 28   aucun moment, si je comprends bien, vous avez pu vous entretenir avec M.

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  1   Susak sur la Banovina, la Grande-Croatie, et cetera ?

  2   R.  Non, Monsieur le Juge.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Passons au troisième, le général Bobetko. A

  4   quel moment l'avez-vous rencontré, lui, la première fois ?

  5   R.  Messieurs les Juges, ça s'est passé le 10 avril 1992, à Ploce, ça se

  6   trouve en République de Croatie.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et le 10 avril 1992, que vous a-t-il dit ?

  8   R.  Ce 10 avril 1992, le général Bobetko et moi, on s'est entretenus au

  9   sujet d'une situation survenue après l'attaque lancée par la JNA et la VRS

 10   contre le HVO de la municipalité de Kupres, une partie de la municipalité

 11   de Tomislavgrad, une partie de la municipalité de Livno, et nous avons

 12   parlé des conséquences éventuelles que pourrait avoir une défaite pour ce

 13   qui est des événements à suivre au niveau de l'Herzégovine ainsi qu'au

 14   niveau du sud de la République de Croatie. Et c'est compte tenu de ce type

 15   de situation telle qu'elle a évolué, notamment sur le territoire de Kupres,

 16   que le général Bobetko s'est déplacé vers la partie sud de la Croatie.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous rencontrez, en avril 1992, le général

 18   Bobetko, est-ce qu'il s'entretient avec vous de la question de la Grande-

 19   Croatie, de la Banovina, du projet de redessiner la carte politique

 20   ethnique de ces régions de façon à ce que les Croates dominent ? Est-ce

 21   qu'il vous a parlé de tout cela ?

 22   R.  Non, Monsieur le Juge Antonetti. Il n'en a pas été question du tout. Il

 23   a parlé des événements en Herzégovine de l'Ouest, de la situation en

 24   Herzégovine de l'Est au niveau de la Neretva, et on a parlé de la façon

 25   dont il fallait organiser la libération du sud de la Croatie en direction

 26   de Dubrovnik. C'étaient les seules choses dont il a été question.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Dois-je comprendre que l'entretien que vous avez eu

 28   avec le général Bobetko était uniquement centré sur la défense de la

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  1   République de Croatie, du fait de l'offensive des Serbes ?

  2   R.  C'est exact, Monsieur le Juge, c'est de cela que nous avons discuté et

  3   de la façon dont il fallait stopper l'offensive serbe -- ou lancer une

  4   contre-offensive pour libérer le sud de la République de Croatie, parce

  5   qu'au sud de la Croatie, il n'y a pas eu d'effectifs des Nations Unies de

  6   déployés. La Croatie avait donc l'autorisation, si faire se pouvait, de

  7   libérer le sud de la Croatie.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je passe à Mate Boban. Vous nous l'avez déjà

  9   dit la semaine dernière, mais comme le transcript sera lu dans son entier,

 10   même question. Pouvez-vous me redire quel jour exact avez-vous vous

 11   rencontré Mate Boban ?

 12   R.  Messieurs les Juges, ça s'est passé fin mars 1992. Et le site, c'est

 13   Metkovic à l'Hôtel Narona, c'est là que mon agent chargé de la logistique

 14   et moi devions signer un contrat relatif à la préparation de repas pour

 15   l'armée croate qui se trouvait sur la partie sud de la République de

 16   Croatie. A ce moment-là, il est arrivé un individu, et on m'a dit par la

 17   suite que l'intéressé était Mate Boban.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Est-ce que M. Mate Boban s'est adressé à vous

 19   en parlant avec vous, ou bien il était là, mais vous n'avez pas discuté

 20   entre vous deux ?

 21   R.  Monsieur le Juge Antonetti, mon adjoint chargé de la logistique avant

 22   la guerre était le chef d'un grand centre touristique dans les parages de

 23   Split. Mate Boban, lui, s'était trouvé être directeur d'une entreprise

 24   commerciale sise à Imotski, Imotski étant en arrière fond dans la partie

 25   continentale derrière Split. Et ils ont très bien collaboré à l'époque où

 26   M. Boban était gérant de cette société et ils se connaissaient depuis ces

 27   relations d'affaires. Et c'est de la sorte qu'il m'a présenté à M. Boban.

 28   C'est de la sorte qu'on s'est connus à cet hôtel.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, votre assistant logistique, vous

  2   l'aviez dit la semaine dernière, vous présente à M. Mate Boban qui fait

  3   votre connaissance. Est-ce qu'à ce moment-là, M. Mate Boban va vous dire :

  4   Voilà, je veux restituer la Banovina, je veux une Grande-Croatie, je veux

  5   que les Croates soient majoritaires, et cetera, et cetera ? Est-ce qu'il

  6   vous a dit cela ?

  7   R.  Non, Monsieur le Juge Antonetti. M. Boban a demandé à ce que je lui

  8   dise si Neum était sûr, parce que l'armée croate avait stoppé l'avancée de

  9   la JNA juste devant Neum. Il m'a demandé si Metkovic et la vallée de la

 10   Neretva étaient sécurisées et est-ce que l'armée croate était sûre de

 11   pouvoir défendre. Alors, je lui ai fourni une information sur le fait

 12   d'après lequel l'armée croate, depuis quelques mois, tenait ces positions,

 13   parce que les forces serbes n'avaient pas réussi à les déplacer. Et j'ai

 14   dit que nous espérions pouvoir le faire.

 15   Ensuite, je lui ai demandé comment se présentait la situation pour ce

 16   qui est de la vallée de la Neretva, parce qu'il est normal que nous ayons

 17   dépendu de l'évolution de la situation entre Capljina et Mostar. Il m'a

 18   raconté ce qu'il savait à ce moment-là au sujet des effectifs qui s'étaient

 19   déployés face à la JNA à différents sites, et ça, on l'a déjà entendu dans

 20   le témoignage effectué par le général Praljak.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Mate Boban était donc le commandant suprême du HVO.

 22   Vous, vous étiez le chef d'état-major du HVO. Dans ces deux fonctions, la

 23   sienne et la vôtre, est-ce que vous avez été amenés à vous rencontrer,

 24   selon quelle périodicité, y avait-il des témoins ou bien vous n'étiez que

 25   tous les deux face à face ?

 26   Attendez. Il y a une erreur au transcript. D'habitude, je ne regarde pas le

 27   transcript, parce que je regarde le témoin. Mais à la ligne 25, il faut

 28   lire : vous, vous étiez le chef d'état-major du HVO, pas de la HV.

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  1   Bien. Alors, pouvez-vous répondre ?

  2   R.  Messieurs les Juges, laissez-moi vous dire d'abord que Mate Boban

  3   n'était pas le commandant suprême à ce moment-là. Ce n'était que des

  4   débuts. Il s'agissait de ces débuts d'unités locales sur le territoire de

  5   l'Herzégovine, et moi, j'étais dans le secteur opérationnel de Split.

  6   C'était là que se trouvaient nos positions à nous.

  7   Je ne me suis jamais entretenu en tête-à-tête avec Boban. Je crois que

  8   notre entretien suivant, ça s'est passé vers le 1er avril ou entre le 1er

  9   et le 3 avril, moment où il a souhaité dire que la JNA et la VRS allaient

 10   sûrement lancer une offensive sur le territoire de Kupres, comme je l'ai

 11   dit, sur une partie de la municipalité de Livno et Tomislavgrad. Et il a

 12   demandé qu'allait donc faire cette zone opérationnelle, parce qu'on

 13   risquait de voir menacés le secteur de Sinj et tout ce qui se trouvait au

 14   sud de Split. Et je lui ai tout simplement dit que la zone opérationnelle

 15   allait suivre l'évolution de la situation et qu'en ce moment-ci, la zone

 16   opérationnelle ne pouvait rien faire de plus. Au cas où il y aurait

 17   activités de combat, on verrait bien ce qu'allait faire l'état-major de

 18   l'armée croate.

 19   Et il nous a fait savoir qu'il serait bon d'aider sur le plan

 20   organisationnel le HVO, parce qu'il n'y avait pas de forme

 21   organisationnelle de mise en place encore, et il redoutait une percée

 22   puissante depuis l'ouest de l'Herzégovine vers la vallée de la Neretva et

 23   vers la République de Croatie. Voilà la teneur de cet entretien.

 24   Et je ne sais pas vous dire si le 4, lorsque l'attaque a été lancée,

 25   il a contacté au téléphone la zone opérationnelle de Split pour l'informer

 26   de ce qui se passait. Je me trouvais à ce moment-là dans la vallée de la

 27   Neretva. Je n'étais pas présent pendant le début de l'attaque à Split.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pendant cette période, jusqu'en avril 1992,

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  1   vous, vous étiez dans la zone opérationnelle de l'armée croate. Mais

  2   pouvez-vous me dire maintenant, de façon très précise, à quel moment vous

  3   avez eu un entretien avec Mate Boban, lui en tant que commandant suprême du

  4   HVO et vous en qualité de chef d'état-major du HVO ? A quel moment a eu

  5   lieu cette rencontre et cet entretien ?

  6   R.  Messieurs les Juges, il y a eu une rencontre le 12 avril 1992 au moment

  7   où la JNA a réussi à maîtriser tout le territoire de l'Herzégovine de

  8   l'Ouest. Et M. Boban, lui, s'est déplacé vers Ploce pour prier le général

  9   Bobetko et demander de l'aide pour organiser la défense et attaquer Livno,

 10   Tomislavgrad, Prozor, et cetera. Moi, je n'étais pas du tout un chef

 11   d'état-major à l'époque.

 12   La fois d'après, c'était le 14 avril, deux jours plus tard. J'arrive

 13   à Grude, et pour une troisième fois, je fais la connaissance de M. Boban.

 14   Et vous avez pu voir qu'à partir du 15 avril 1992, l'ordre du général

 15   Bobetko se rapporte à la mise en place d'un poste de commandement avancé à

 16   Grude. Et à partir de ce moment-là, je considère que c'est le 14 avril, il

 17   n'y a pas eu d'ordres de rédigés. Je n'ai passé peut-être que trois heures

 18   là-bas et je suis rentré à Ploce. Mais le document, lui, a été rédigé

 19   officiellement le 15 avril 1992, date à laquelle j'ai été nommé chef du

 20   poste de commandement avancé, vous avez pu le voir, aux côtés de plusieurs

 21   autres individus membres du HVO.

 22   Et c'est à partir de là que je séjourne en continuité sur le

 23   territoire de l'Herzégovine, à savoir dans les rangs du HVO. Il y avait là

 24   un décret en vigueur depuis quelques jours par rapport à la date en

 25   question pour ce qui est de la création du HVO.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, si on doit bien comprendre, vous, vous

 27   estimez qu'à partir du 15 avril 1992, vous êtes chef d'état-major du HVO.

 28   Est-ce qu'à ce moment-là votre supérieur direct est M. Mate Boban, au point

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  1   de vue militaire ?

  2   R.  C'est exact. Mais en 1992, pas en 1991.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous dites c'est exact. Dans les opérations

  4   militaires, quelles soient défensives ou offensives, entre guillemets - je

  5   n'entre pas dans les nuances - est-ce que tout ce que vous avez fait comme

  6   chef d'état-major était strictement sous le contrôle du commandant suprême,

  7   Mate Boban ?

  8   R.  Si Mate Boban était le commandant suprême, alors on ne pouvait rien

  9   faire sans que lui ne dise oui ou qu'il n'ait donné son feu vert. D'abord,

 10   c'étaient des opérations défensives en direction de Livno et Tomislavgrad,

 11   puis une opération de libération en juin 1992 pour ce qui est de la rive

 12   droite de la Neretva, et cetera. Je précise que dans cette partie-là, les

 13   ordres étaient donnés par le général Bobetko.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Concernant donc la région Livno-Tomislavgrad,

 15   vous dites à l'époque, les ordres étaient donnés par le général Bobetko,

 16   général de l'armée croate. Mais d'après vous, à quel moment exact Mate

 17   Boban a revêtu sa tunique de commandant suprême du HVO en toute

 18   indépendance vis-à-vis de l'armée croate ? Ou bien il n'était pas

 19   indépendant.

 20   R.  Messieurs les Juges, Mate Boban a exercé pour la première fois ses

 21   fonctions le 3 juillet 1992, lorsqu'il y a promulgation de ce décret

 22   relatif aux forces armées. Jusque-là, Mate signait comme président du HVO

 23   ou président de la HZ-HB, mais pas en tant que commandant suprême.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pour vous, la date-clé, c'est le 3

 25   juillet 1992, où Mate Boban est là, si je comprends bien, commandant

 26   suprême du HVO militaire. Sous la foi du serment - et avant de répondre,

 27   réfléchissez bien - pouvez-vous me dire si, à partir du 3 juillet 1992, les

 28   opérations militaires menées par le HVO sous votre autorité de chef d'état-

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  1   major du HVO étaient des opérations strictement contrôlées par Mate Boban

  2   ou bien ces opérations étaient contrôlées par l'armée croate ?

  3   R.  Monsieur le Juge Antonetti, j'ai déjà répondu pour dire que la première

  4   fois où on a évoqué la fonction de commandant suprême, c'était au niveau de

  5   ce décret-là. Jusque-là, Mate Boban promulguait des documents, mais ne

  6   signait pas en tant que commandant suprême. Peut-être cela était-il sous-

  7   entendu, parce qu'en sa qualité de président de la HZ-HB, il signait des

  8   documents et il était sous-entendu que c'était lui qui était le donneur

  9   d'ordres. Mais la fonction de commandant suprême est pour la première fois

 10   évoquée le 3 juillet 1992.

 11   Et il va sans dire que dans la partie frontalière de la Neretva et

 12   dans la direction de Tomislavgrad, pendant ces trois premiers mois, les

 13   ordres, eux, étaient donnés par Bobetko. Mate Boban, comme vous avez pu le

 14   voir au niveau de certains autres documents, était chargé de la solution

 15   des autres situations, mais était engagé au niveau politique pour ce qui

 16   est de la rédaction de ces ordres.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me dire, c'est très important, à quel

 18   moment, à votre connaissance, le général Bobetko n'a plus donné d'ordres

 19   aux troupes sur le terrain ?

 20   R.  Messieurs les Juges, ça s'est passé au mois de septembre 1992. C'est

 21   certain, parce que la dernière des dates données par lui, c'était le 13

 22   juillet 1992, lorsqu'il a donné l'ordre que certaines parties de l'armée

 23   croate qui se trouvaient dans la partie frontalière soient déplacées vers

 24   le territoire de la République de Croatie. Et la dernière réunion s'est

 25   tenue au mois de septembre 1992, et c'est là que le commandement tout

 26   entier sur le territoire tenu par le HVO a été placé sous la coupe de

 27   l'état-major principal du HVO.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au moins, voilà, on progresse, puisque

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  1   maintenant vous êtes très précis. Vous dites à partir du mois de septembre

  2   1992, le général Bobetko a cessé de donner des ordres.

  3   Alors, je vais rentrer dans un cas très précis pour vérifier ce que vous

  4   dites. Je vais prendre la situation de Prozor, Rama, comme vous voulez, en

  5   octobre 1992. Il y a des problèmes. Je n'entre pas dans les détails, parce

  6   qu'on y a passé des dizaines d'heures. Le général Praljak nous a expliqué

  7   qu'il est allé sur place pour les résoudre. Mais c'est vous qui témoignez,

  8   ce n'est pas le général Praljak.

  9   Pouvez-vous me dire quand ces événements sont intervenus, est-ce qu'à

 10   un moment donné, vous, vos subordonnés, voire le général Praljak, avant de

 11   faire quoi que ce soit, de décider de quoi que ce soit, prenez le

 12   téléphone, appelez Zagreb, appelez le général Bobetko, appelez Tudjman,

 13   appelez Susak pour leur demander, qu'est-ce qu'on fait, ou bien l'événement

 14   de Prozor a été géré de A à Z par le HVO en toute indépendance ?

 15   R.  Messieurs les Juges, je vais d'abord vous répondre pour dire que

 16   le général Bobetko, à ce moment-là, résolvait les problèmes au niveau de la

 17   JNA, qui, sur la base d'un accord signé entre Bobetko, Strugar et le

 18   général Morillon, était censée quitté, à partir du 15 octobre, la partie

 19   sud de la Croatie à l'est de Dubrovnik et se retirer vers le Monténégro,

 20   c'est-à-dire l'ex-Yougoslavie. Le général Bobetko, en aucune façon ne s'est

 21   déplacé vers ces territoires-là, et encore moins quelqu'un aurait-il fait

 22   appel à Franjo Tudjman ou à Gojko Susak. Il me semble que trois jours avant

 23   cela, j'avais entamé des préparatifs d'opération dans la vallée de la

 24   Neretva face aux Serbes, qui se retiraient vers ce territoire de la

 25   République de Croatie. Et il me semble que c'est le 18 que j'ai commencé à

 26   me procurer des moyens à partir de la zone opérationnelle de l'Herzégovine

 27   du nord-ouest et transférer cela vers la Neretva. Trois obusiers de 122-

 28   millimètres que j'ai pris. Trois obusiers de 122-millimètres. Je pense que

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  1   je les ai pris le 17 ou le 18 octobre. Et j'ai transféré cela depuis cette

  2   zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest vers la vallée de la

  3   Neretva avec les équipages, avec les munitions, le matériel de tir, et

  4   cetera. Donc à ce moment-là, nous étions tous tournés vers les préparatifs

  5   d'une opération dans la vallée de la Neretva pour une raison qui est la

  6   suivante : les forces de la JNA et les volontaires serbes, depuis le sud de

  7   la Croatie, prétendument, se retiraient vers l'Herzégovine de l'est.

  8   L'intention était donc de faire en sorte que s'ils avaient perdu le

  9   littoral, donc la côte, ils voulaient se retirer vers la vallée de la

 10   Neretva. Donc nous, on se tournait vers la vallée de la Neretva.

 11   Et personne n'a réfléchi à Prozor et ne s'est attendu à ce qu'il y

 12   ait des événements à Prozor. Le seul endroit qui a fait l'objet de nos

 13   réflexions, c'était Jajce, qui se trouvait déjà à la limite du possible

 14   pour ce qui était de tenir.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, vous nous dites qu'au courant

 16   d'octobre, le souci du HVO et de l'armée croate était la vallée de la

 17   Neretva, où il y avait les Serbes. On doit donc en déduire que l'armée

 18   croate ne se préoccupait pas, à ce moment-là, de la question HVO-ABiH; est-

 19   ce que c'est exact ?

 20   R.  Exact, Monsieur le Juge Antonetti, sauf que j'ajouterai une correction.

 21   L'armée croate n'était pas dans la vallée de la Neretva. A ce moment-là,

 22   elle était à la frontière entre la République de Bosnie-Herzégovine et la

 23   Croatie, depuis Popovo Polje, qui est le lieu de naissance de Vojislav

 24   Seselj, si je dois vraiment le dire, jusqu'à la frontière avec le

 25   Monténégro. C'était le HVO qui à ce moment-là contrôlait le territoire

 26   situé à l'est de la Neretva, c'est-à-dire dans la région de Stolac, pas

 27   entièrement, mais 80 à 90 %, et Mostar Est, ainsi que Bijelo Polje, et

 28   cetera. Donc le HVO était en train de se préparer à l'opération dont j'ai

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  1   parlé en raison de la concentration des forces serbes qui, lorsqu'elles se

  2   sont retirées de Croatie, au lieu de se diriger vers le Monténégro, sont

  3   arrivées à Trebinje, Nevesinje et la région de ces municipalités afin de

  4   remettre le pied dans la vallée de la Neretva. C'était ça leur objectif.

  5   Elles avaient été battues en Croatie du Sud, mais elles voulaient trouver

  6   une forme de satisfaction en retournant dans la vallée de la Neretva. Donc

  7   le HVO a dû commencer à se préparer à une attaque, et c'est ce qui a été

  8   fait au début du mois de novembre.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Petkovic, je vous pose ces questions,

 10   parce que d'une certaine façon je suis handicapé, parce que je n'ai pas à

 11   ma disposition l'ensemble de la documentation militaire de l'armée croate,

 12   je n'ai pas à ma disposition l'ensemble de la documentation militaire du

 13   HVO et je n'ai pas à ma disposition l'ensemble de la documentation des

 14   forces serbes. Si j'avais à ma disposition toute cette documentation, je la

 15   mettrais devant moi, et en regardant tous le documents par comparaison,

 16   immédiatement, je déterminerais si, par exemple, pour Prozor et Rama, il y

 17   avait des contacts entre le HVO et l'armée croate, parce qu'il y aurait eu

 18   des ordres, des comptes rendus, des écoutes téléphoniques. Les Serbes

 19   auraient certainement aussi fait des écoutes, et la vérité jaillirait. Mais

 20   comme je n'ai pas ça, je vous pose mes questions en aveugle, et vous

 21   répondez sous la foi du serment.

 22   Donc si j'ai bien compris, en octobre 1992, quand il y a les événements de

 23   Prozor, l'armée croate, d'après vous, n'est absolument pas concernée par

 24   cela. Alors, vous me dites sous la foi du serment - peut-être que le

 25   Procureur sortira de son chapeau une écoute téléphonique ou un document, je

 26   n'en sais rien - mais vous me dites, en octobre 1992, la préoccupation

 27   majeure était les Serbes, pas les tensions ABiH-HVO.

 28   R.  Exact, Messieurs les Juges de la Chambre de première instance. Les

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  1   Serbes étaient la préoccupation principale de la République de Croatie en

  2   octobre 1992, car Dubrovnik avait été débloquée, le sud de la Croatie avait

  3   été libéré, et tout ce qu'il restait à faire, c'était d'attendre que

  4   l'armée populaire yougoslave, la JNA donc, ainsi que d'autres éléments des

  5   forces serbes se retirent du territoire de la République de Croatie et

  6   qu'arrivent dans la zone frontalière les observateurs des Nations Unies qui

  7   devaient occuper leurs positions.

  8   Donc c'était à un moment et une région où le général Bobetko et l'armée de

  9   Croatie -- de concert avec l'armée de Croatie, n'avaient pas de choix

 10   possible, n'avaient qu'une seule possibilité. L'armée de Croatie envoyait

 11   toutes ses forces vers Dubrovnik pour libérer le sud de la République de

 12   Croatie, ce qu'elle est parvenue à faire finalement en octobre 1992.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas insister sur la municipalité de

 14   Prozor, mais pour mémoire, le déroulement des événements à Prozor sont

 15   mentionnés aux paragraphes 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49 et suivants, mais

 16   principalement ceux-là. Mais je vais vous lire le paragraphe 49, et vous

 17   allez répondre. Ecoutez bien :

 18   "Le 24 octobre 1992 au soir, un commandant de secteur du HVO a signalé que

 19   la ville de Prozor était 'ethniquement pure', la population musulmane ayant

 20   été placée en détention ou ayant fui."

 21   Ecoutez bien la suite :

 22   "Le 26 octobre 1992, Bruno Stojic, Milivoj Petkovic, Janko Bobetko et

 23   d'autres ont été informés que le HVO avait pris le contrôle de Prozor le 25

 24   octobre et qu'il y avait eu beaucoup de victimes dans le camp musulman."

 25   Le Procureur dit noir sur blanc que M. Bobetko était au courant, puisqu'il

 26   a été informé. Qu'est-ce que vous en dites ?

 27   R.  Messieurs les Juges, je dirais tout d'abord que je ne sais pas d'où cet

 28   homme, qui n'a commandé rien à Prozor, a tiré un quelconque droit d'écrire

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  1   le nom de Janko Bobetko dans cette liste. Voyons quel est le grade de cet

  2   homme qui s'appelait M. Schmidt et qui a écrit cette liste en énumérant ces

  3   hommes les uns après les autres et en parlant d'information envoyée à Janko

  4   Bobetko. Pourquoi il le fait, je ne sais pas. Mais j'affirme pour ma part

  5   que Janko Bobetko n'a absolument pas le moindre rapport, mais absolument

  6   aucun rapport avec Prozor. Pourquoi est-ce que cette personne a mis son nom

  7   dans cette liste, je ne le comprends vraiment pas. Et je ne sais pas,

  8   puisque je n'ai pas le document sous les yeux à l'instant même, où ce

  9   rapport a été envoyé. De même, je dirais que si l'on compare les deux

 10   documents, on voit ici qu'il est écrit "ethniquement pur." J'ai

 11   l'impression que l'homme, qui n'était pas très au courant et qui a écrit ce

 12   texte, a copié tout simplement une formule tirée d'un autre document.

 13   C'était un document de la Brigade de Rama, si je ne m'abuse, où les mots

 14   utilisés ne sont pas "etnicko ciscenje", mais quelque chose de tout à fait

 15   différent. Peut-être pourrait-on comparer l'original de ces deux documents

 16   en temps utile pour vérifier.

 17   Quoi qu'il en soit, cette personne n'avait pas la moindre raison de parler

 18   d'information fournie au général Bobetko. Le général Bobetko avait ses

 19   propres missions à accomplir dans le sud de la Croatie, donc je ne sais pas

 20   pourquoi -- parce que finalement, j'étais le chef de l'état-major

 21   principal, et il y a toutes sortes de personnes qui ont dit n'avoir pas

 22   ressenti la nécessité de faire rapport de cela au général Bobetko. Donc je

 23   ne sais pas pourquoi cet officier en particulier, avec le grade qu'il

 24   avait, a pris sur lui d'écrire au général Bobetko et d'écrire à moi ou à

 25   Stojic ou à qui que ce soit d'autre à qui il a écrit, parce qu'il ne

 26   faisait pas partie de la filière de commandement de Rama. Il ne faisait que

 27   passer, donc ce n'était pas son travail de faire ce genre de choses et

 28   d'écrire ce genre de rapports. Il était censé aller à Bugojno, c'était

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  1   l'endroit où il devait aller.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je vais passer maintenant aux autres membres

  3   de l'entreprise criminelle, membres vivants.

  4   Dans la liste, le premier mentionné est M. Prlic. Pouvez-vous me dire à

  5   quel moment avez-vous rencontré M. Prlic la première fois de votre vie ?

  6   R.  Monsieur le Président, je ne pense pas l'avoir rencontré avant cette

  7   réunion du 3 juillet 1992, parce que jusqu'à cette date-là, en dehors de M.

  8   Boban et des hommes qui se trouvaient dans la municipalité de Grude, je

  9   n'étais parvenu à rencontrer aucun des responsables qui se trouvaient en

 10   Herceg-Bosna. Et pour autant que je sache, ces gouvernements et ces

 11   pouvoirs se sont créés dans la pratique à partir du 3 juillet, en tout cas,

 12   c'est ce que je ressens, c'est ma perception des choses. Je n'avais pas

 13   rencontré M. Prlic avant cette date, et je crois que lui était à Mostar,

 14   peut-être, à moins que je ne me trompe. A partir du 3 juillet, je ne peux

 15   pas dire que je ne l'ai pas rencontré, et je l'ai sans doute rencontré plus

 16   souvent à partir du mois d'août, date à laquelle il est devenu président du

 17   HVO, n'est-ce pas, mais pas souvent.

 18   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 19   permettez-moi, je vous prie, une correction au compte rendu. Ligne 19 de la

 20   page affichée actuellement sur les écrans, on voit en anglais le mot

 21   "officers" alors que le général a parlé des responsables de l'Herceg-Bosna

 22   qu'il n'avait pas rencontrés. Et je pense donc qu'il conviendrait de

 23   remplacer le mot "officers" en anglais par "officials" dans ces conditions.

 24   C'est ce qui a été fait à l'instant.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous me dites que vous avez rencontré la

 26   première fois M. Prlic le 3 juillet 1992. Quand vous l'avez rencontré,

 27   quelle impression vous a-t-il donné, si vous vous en souvenez ?

 28   R.  Je me permettrais un léger sourire parce que j'ai eu l'impression quand

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  1   je l'ai rencontré qu'il était mon double. Nous avions le même genre de

  2   coiffure, donc les gens nous saluaient souvent en nous appelant "M. Prlic"

  3   pour moi et "M. Petkovic" pour lui. Mais en tout cas, j'avais plaisir à

  4   voir que quelqu'un faisait attention à moi et regardait quelqu'un qui me

  5   ressemblait.

  6   Mais enfin, blague à part, j'ai entendu parler de M. Prlic par d'autres

  7   personnes, par des tiers d'abord et les gens disaient, si je me souviens

  8   bien, qu'il était directeur, est-ce que c'était jusqu'à la guerre ou avant

  9   la guerre, enfin directeur d'une grande entreprise agricole dans la vallée

 10   de la Neretva, qui était peut-être même l'une des plus grandes de Bosnie-

 11   Herzégovine et qu'il réussissait très bien dans son travail. Est-ce que

 12   cette entreprise s'appelait Apro Herzegovine ou quelque chose de ce genre,

 13   je ne sais plus très bien, mais en tout cas, c'était une très grande

 14   entreprise agricole qui avait des vignobles, des vergers, des usines de

 15   traitement, et cetera. Voilà donc ce que j'ai entendu à son sujet avant de

 16   le rencontrer et je pense que je savais aussi qu'il était professeur,

 17   était-ce à l'université ou dans une école de Mostar, je ne me souviens plus

 18   exactement.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous avez dû le rencontrer à plusieurs

 20   reprises après le mois de juillet 1992, je n'entre pas dans les détails.

 21   Est-ce que dans les conversations que vous avez eues avec M. Prlic, celui-

 22   ci vous a dit qu'il était là pour recréer la Banovina, qu'il était là pour

 23   la Grande-Croatie, qu'il était là pour des majorités ethniques croates, et

 24   cetera. Est-ce qu'il vous a dit tout cela pour vous faire partager, en

 25   quelque sorte, un projet commun ?

 26   R.  Mais non, Messieurs les Juges. Quand j'ai rencontré M. Prlic, en dehors

 27   du fait de me présenter en disant qui j'étais et d'où je venais, et en

 28   dehors de faire sa connaissance, nous n'avons parlé de rien d'autre, et

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  1   finalement, je peux vous dire que je n'ai pas rencontré M. Prlic si souvent

  2   que cela, parce qu'il avait son poste de travail et ses relations à lui

  3   avec les gens avec qui il travaillait. Quant à moi, jusqu'au mois d'août ou

  4   de septembre, je ne sais plus très bien, je suis resté à Grude, après quoi

  5   je suis allé à Mostar, et à Mostar nous n'étions pas très près lui et moi,

  6   l'un de l'autre, sauf, bien sûr, dans les cas où j'étais très clairement

  7   invité à venir participer à des réunions du gouvernement.

  8   Mais j'ajouterais encore une chose. La seule fois où j'ai déjeuné avec M.

  9   Prlic, c'est le jour de mon départ de l'Herceg-Bosna, le 5 août 1994.

 10   Jamais dans la période antérieure nous ne nous étions assis ensemble autour

 11   d'une table, M. Prlic et moi, pour boire un verre ou pour déjeuner

 12   ensemble.

 13   Donc je n'ai pas eu de conversations avec nombre de responsables de

 14   l'Herceg-Bosna, et M. Prlic, si je me souviens bien, ne venait pas souvent

 15   à Grude. Où il allait à la fin de sa journée de travail, est-ce que c'était

 16   vers Citluk ou Makarska, je ne sais pas, mais en tout cas, c'est là que

 17   vivait sa famille.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit à un moment donné que vous ne

 19   l'avez pas souvent rencontré, sauf quand il y avait des réunions du

 20   gouvernement, page 30, ligne 12. Pouvez-vous me dire c'est quoi ces

 21   réunions du gouvernement ?

 22   R.  Messieurs les Juges, vous avez bien vu à la lecture des documents

 23   qui ont été versés au dossier dans le cadre du présent procès, j'ai été

 24   convoqué, est-ce que c'était trois fois, je pense que c'était trois fois, à

 25   assister à des réunions du gouvernement pour y décrire la situation

 26   militaire dans des secteur déterminés.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me dire ce que présentait pour

 28   vous le président du HVO, fonction exercée par M. Prlic. C'était quoi au

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  1   juste cette fonction président du HVO ?

  2   R.  A mes yeux, en tout cas c'est comme ça qu'on comprenait les choses à

  3   l'époque, c'était un organe exécutif temporaire qui avait pour tâche d'une

  4   certaine façon d'apporter son aide aux éléments inférieurs du gouvernement;

  5   je veux parler des éléments au niveau municipal.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites, c'était un organe exécutif temporaire.

  7   Ce sont vos propres mots. Cet organe exécutif temporaire --

  8   R.  Oui, exact.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : -- par qui devait-il être plus tard remplacé, à

 10   votre connaissance ?

 11   R.  Le 28 juillet, à moins que ce ne soit le 27 août, je ne vais pas

 12   essayer de m'en souvenir avec une totale précision, en tout cas, cette

 13   instance est devenue le gouvernement de la République croate d'Herceg-

 14   Bosna. Autrement dit, dans la période où le débat portait sur l'union des

 15   républiques de Bosnie-Herzégovine, dans le cadre des débats sur la

 16   structure éventuelle de la Bosnie-Herzégovine à venir.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites donc la République de l'Herceg-Bosna a

 18   pris son existence le 27 ou 28 juillet 1993, ce n'est pas au transcript,

 19   mais je pense que ça soit être la bonne date. Dans cette République

 20   d'Herceg-Bosna, quel était alors le rôle de M. Prlic ? Etait-ce le même

 21   rôle qu'avant ou, à votre connaissance, son rôle avait évolué ?

 22   R.  Oui, son rôle était le même, à savoir constituer un organe temporaire

 23   du pouvoir en République croate d'Herceg-Bosna. A cette époque-là, cet

 24   organe était considéré déjà comme le gouvernement.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, je vais embrayer à nouveau ma question.

 26   Vous dites que la République d'Herceg-Bosna était un organe temporaire.

 27   Pouvez-vous me dire, d'après vous, par qui cet organe temporaire devait

 28   être remplacé ?

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  1   R.  Monsieur le Président, lorsque je parle d'un organe temporaire, cela

  2   signifie qu'il fallait attendre la fin des pourparlers relatifs au plan

  3   Vance-Owen, c'est-à-dire à l'unification des républiques de Bosnie-

  4   Herzégovine. Le débat donc concernant les propositions de la communauté

  5   internationale, et j'estime que ceux qui avaient un poste de responsabilité

  6   à l'époque devaient le garder jusqu'au moment où la solution serait

  7   appliquée. Donc, pour le moment, les choses étaient temporaires. Et une

  8   fois que la signature aurait été apposée au bas d'un document officiel

  9   résultant d'un accord entre les parties dans le cadre du débat, la

 10   situation deviendrait autre. Jusqu'à la signature du document, à mon avis,

 11   c'était un organe temporaire.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, là aussi, question extrêmement

 13   importante. Quand je pose une question importante, je fais toujours un

 14   "warning".

 15   Pouvez-vous nous dire si M. Prlic, dans sa fonction de président du HVO

 16   puis après au sein de la République d'Herceg-Bosna, organe temporaire,

 17   comme vous l'avez dit, est-ce que M. Prlic vous a donné des ordres de

 18   nature militaire; à savoir, action offensive, action défensives, contrôle

 19   de vos faits et gestes, au point de vue militaire ?

 20   R.  Messieurs les Juges, le gouvernement n'est en aucun cas un commandant

 21   opérationnel. Il ne délivre pas d'ordre. Le gouvernement, lorsqu'il se

 22   réunit, discute de questions militaires, prend des décisions, tire des

 23   conclusions qui, ensuite, dans le cadre des instances de la Défense et de

 24   l'état-major principal, peuvent se transformer en ordres. Mais le

 25   gouvernement n'est en aucun cas un commandant militaire, tout en ayant le

 26   droit de faire des propositions et de tirer des conclusions dans le cadre

 27   des réunions du gouvernement, dès lors que des questions de nature

 28   militaire sont discutées à ces réunions. Mais le gouvernement n'a pas

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  1   compétence pour commander quoi que ce soit de façon directe.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, votre réponse, qui est au transcript,

  3   vous dites : pour vous, le gouvernement n'avait pas compétence pour donner

  4   des ordres de nature militaire ?

  5   R.  En effet, Messieurs les Juges. J'ai dit que le gouvernement n'avait pas

  6   compétence pour émettre des ordres de nature militaire, mais lorsque le

  7   gouvernement débattait d'un certain nombre de questions, il pouvait émettre

  8   des suggestions, faire des propositions et tirer des conclusions que le

  9   département de la Défense pouvait transmettre jusqu'au niveau de l'état-

 10   major principal ou qui pouvaient être soumises à l'intention des

 11   commandants principaux.

 12   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Monsieur Petkovic, la semaine

 13   dernière, vous nous avez dit que les militaires étaient sous le contrôle

 14   des autorités politiques. Je me demande comment votre déclaration de la

 15   semaine dernière peut être conciliée à ce que vous nous dites aujourd'hui,

 16   à savoir que d'une certaine façon, les autorités civiles n'avaient aucun

 17   pouvoir sur les militaires.

 18   R.  Monsieur le Juge Trechsel, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit

 19   qu'ils n'étaient pas habilités à émettre des ordres militaires. Mais dans

 20   le cadre du gouvernement exécutif, que le gouvernement soit temporaire ou

 21   pas, il existe un département de la Défense, et il est tout à fait clair

 22   que dans le cadre du département de la Défense, des structures civiles ont,

 23   dans le cadre des limites qui sont les leurs, une certaine influence sur

 24   les structures de Défense, c'est-à-dire plus précisément sur l'armée. Par

 25   ailleurs, aux réunions du gouvernement, des informations étaient données

 26   sur la situation, à des moments bien déterminés, qui prévalait sur les

 27   lignes de front. Le gouvernement émettait des propositions quant à ce qu'il

 28   importait de faire parce que finalement, le gouvernement recevait tous les

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  1   six mois des rapports traitant de cette question. Donc, tout cela peut

  2   être, tout de même, considéré comme une certaine influence sur l'armée, une

  3   supervision civile de l'armée.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, grâce à la question de mon

  6   collègue, je peux peut-être affiner une question.

  7   Si je comprends bien, le gouvernement pouvait faire des propositions, des

  8   recommandations ou évaluer une situation, mais la prise de décision finale

  9   incombait soit à l'état-major, soit au commandant suprême, mais en aucun

 10   cas au gouvernement. Est-ce comme cela qu'on doit comprendre votre réponse

 11   ?

 12   R.  Oui, Monsieur le Président et Messieurs les Juges. Lorsque nous parlons

 13   de commandement en matière d'opérations, lui, il n'est pas là, le

 14   gouvernement. Mais lorsqu'on parle de recommandations, de décisions ou de

 15   conclusions, alors, dans un certain sens, c'est le département de la

 16   Défense qui peut, évidemment, s'exprimer en direction du quartier général -

 17   - principal et, dans un autre cas, on peut aller vers le commandant

 18   suprême. Nous avons vu, par exemple, qu'il y a eu pas mal de documents de

 19   cet ordre-là.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un exemple théorique qui ne se

 21   réfère pas à une situation donnée, mais c'est purement théorique, pour

 22   essayer de bien comprendre ce que vous dites, parce que c'est extrêmement

 23   difficile et très compliqué.

 24   Imaginons, dans une situation donnée, qu'il y a une réunion du

 25   gouvernement. Vous participez à cette réunion, et le département de la

 26   Défense dit ceci, par exemple : voilà, dans telle municipalité, nous avons

 27   tant de soldats. Nous sommes en situation d'infériorité par rapport à

 28   l'ABiH. Il serait hautement souhaitable de mobiliser encore plus, voire

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  1   même de faire venir sur place des unités professionnelles, voire même de

  2   resubordonner certaines brigades. Ça serait la meilleure solution

  3   logistique afin de ne pas perdre sur le terrain militaire et afin de

  4   sauvegarder les intérêts de l'Herceg-Bosna. Le département de la Défense

  5   fait cette analyse et fait une proposition ou recommandation. Est-ce à dire

  6   que, dans le cas que je viens de mentionner, la décision finale vous

  7   incombe à vous chef d'état-major ou à M. Boban, à savoir que vous et M.

  8   Boban pouvez être d'accord avec la recommandation, mais que c'est vous qui

  9   décidez, ou bien vous pouvez ne pas être d'accord, et à ce moment-là,

 10   décider autrement ?

 11   R.  Monsieur le Juge Antonetti, dans votre question, il y a quelque chose

 12   dont devrait s'occuper le chef d'état-major, mais devrait s'occuper

 13   également le commandant suprême. Prenons la situation suivante : s'il faut

 14   faire replier certaines brigades de telle ou telle région, alors là, un tel

 15   ordre devait aller à l'adresse du commandant suprême pour que lui prenne

 16   décision pour traiter évidemment d'une autre région. Si la décision devait

 17   être prise comme quoi on demande une mobilisation complémentaire pour

 18   renforcer les échelons, et c'est tout, alors là, c'est l'état-major général

 19   qui devrait s'occuper de la Défense, parce que lui est là pour protéger les

 20   intérêts du peuple croate dans cette région.

 21   Dans tout cela, il faut toujours être très précis pour savoir qui s'adresse

 22   à qui et à l'adresse de qui. La question doit être posée pour savoir si

 23   c'est le chef d'état-major général ou c'est le commandant suprême qui en

 24   serait chargé.

 25   Vous avez pu voir ici dans le cadre de cette affaire, on avait

 26   demandé, par exemple, le repli total de telles brigades, il a été demandé

 27   au commandant suprême pour qu'un conseil militaire puisse être établi pour

 28   que l'on puisse organiser le suivi. Quelquefois, lorsque de telles choses

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  1   ont été traitées, le tout allait en direction du commandant suprême. Il y

  2   avait des choses, des requêtes faites où l'état-major général devait

  3   prendre des mesures pour protéger les forces croates là où il y a eu

  4   danger, par exemple, la situation de Konjic, ou prenez les décisions du 17

  5   avril prises par le gouvernement lorsqu'on devait s'occuper de la

  6   protection de l'espace croate, mais d'autre part, on devait passer à des

  7   pourparlers. Les tâches et les missions doivent être précisées, soit pour

  8   être proposées au commandant suprême ou à l'état-major général, sans jamais

  9   pouvoir évidemment anticiper sur celui qui devrait en être tenu.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, de par l'exemple théorique et votre réponse,

 11   je dois en déduire qu'en tout état de cause, c'est ou le commandant suprême

 12   ou le chef d'état-major qui décide, jamais le gouvernement.

 13   R.  Exact. J'ai dit que le gouvernement ne fait que proposer, et la

 14   décision devra être prise, je vous ai donné deux exemples du mois de juin

 15   1993, lorsqu'il s'agissait d'entendre le commandant suprême, et au mois

 16   d'avril, il s'agissait de l'état-major général, lorsqu'il fallait renforcer

 17   la protection de tel ou tel espace croate, alors que dans des pourparlers

 18   politiques, on devrait évidemment engager l'autre partie aussi.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons faire la pause. Je vais donc laisser

 20   maintenant M. Prlic, et après la pause, on examinera la situation de M.

 21   Stojic.

 22   --- L'audience est suspendue à 15 heures 51.

 23   --- L'audience est reprise à 16 heures 15.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. L'audience est reprise.

 25   Maître Stewart, vous avez quelque chose à dire ?

 26   M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 27   Le bureau du Procureur a répondu à l'écriture de l'accusé Coric et Praljak,

 28   à savoir qu'il devait y avoir un contre-interrogatoire direct de M.

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  1   Petkovic. Cette réponse du bureau du Procureur fait entrer aussi que si

  2   ceci était permis, il faut nous permettre évidemment un temps

  3   complémentaire pour nous occuper du contre-interrogatoire de M. Petkovic.

  4   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous demandons la possibilité

  5   de pouvoir répondre directement à ce point, car de toute évidence, ceci ne

  6   pourra pas être sans impact sur le travail qui est le nôtre, nous qui

  7   sommes conseils de la Défense de M. Petkovic, et nous n'avons toujours pas

  8   pu participer à quelque chose de pareil. Par conséquent, au titre de

  9   l'article 126 bis, on devrait pouvoir y répondre, et on s'occupera

 10   évidemment de la réponse du bureau du Procureur.

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Maître Stewart, j'allais rendre une décision

 13   orale. Alors, vous allez l'écouter, et puis vous verrez si vous voulez

 14   faire des écritures complémentaires.

 15   M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre rend une décision orale relative

 17   aux demandes des Défenses Coric et Praljak de participation des accusés

 18   Valentin Coric et Slobodan Praljak au contre-interrogatoire de Milivoj

 19   Petkovic. C'est une décision orale unanime.

 20   La Défense Coric et la Défense Praljak ont déposé deux demandes

 21   relatives à la participation des accusés Valentin Coric et Slobodan Praljak

 22   au contre-interrogatoire de Milivoj Petkovic les 9 et 15 février 2010,

 23   respectivement.

 24   Le 19 février 2010, la Défense Petkovic et l'Accusation ont informé

 25   les parties qu'elles ne s'opposaient pas à la participation des accusés

 26   Valentin Coric et Slobodan Praljak au contre-interrogatoire de Milivoj

 27   Petkovic. Dans sa réponse, l'Accusation a toutefois précisé qu'elle ne

 28   s'opposait pas aux demandes pour autant que les points abordés par les

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  1   accusés Valentin Coric et Slobodan Praljak lors du contre-interrogatoire de

  2   Milivoj Petkovic relèvent de leur domaine d'expertise spécifique, au sens

  3   de la décision de la Chambre d'appel du 11 septembre 2008. La Chambre

  4   relève que les autres parties n'ont pas déposé de réponse à ces deux

  5   demandes.

  6   La Chambre rappelle que le paragraphe 3 de la ligne directrice 1 de

  7   la décision du 24 avril 2008 autorise un accusé représenté par des conseils

  8   à s'adresser directement à un témoin lors de son contre-interrogatoire dans

  9   des circonstances exceptionnelles et sur autorisation de la Chambre.

 10   La Chambre a en outre précisé dans cette ligne directrice, comme elle

 11   l'avait d'ailleurs déjà fait dans sa décision du 10 mai 2007, que les

 12   circonstances exceptionnelles sont liées soit à l'examen de questions au

 13   sujet desquelles l'accusé possède une compétence spécifique, soit à

 14   l'examen de questions qui se rapportent à des événements auxquels il a

 15   personnellement participé.

 16   La Chambre note que dans sa décision du 11 septembre 2008, la Chambre

 17   d'appel a précisé que l'évaluation de la compétence spécifique d'un accusé

 18   par la Chambre devrait se faire au cas par cas et répondre à des exigences

 19   de flexibilité.

 20   En conséquence, la Chambre décide d'autoriser les accusés Valentin Coric et

 21   Slobodan Praljak à participer au contre-interrogatoire de Milivoj Petkovic

 22   pour autant que ceux-ci abordent lors de leur contre-interrogatoire des

 23   événements auxquels ils ont personnellement participé ou des points

 24   relevant de leur compétence spécifique.

 25   Voilà donc notre décision orale qui permet à M. Praljak et à M. Coric,

 26   lorsque le moment sera venu, de poser des questions à M. le Général

 27   Petkovic, mais sous deux conditions : tout d'abord, ça relève de leur

 28   compétence spécifique, à savoir, bien entendu, le domaine militaire, ou

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  1   bien M. Coric et M. Praljak ont participé à des événements et ils peuvent,

  2   à ce moment-là, poser la question au général Petkovic.Voilà donc le sens de

  3   notre décision.

  4   Alors, Maître Stewart, à la lumière de ce que nous avons dit, est-ce que

  5   vous avez quelque chose à nous demander ?

  6   M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai compris

  7   pourquoi il a fallu entendre cette décision orale, cela est clair.

  8   Mais la question qui a été soulevée est la suivante : puisque la

  9   Chambre de première instance a pris cette décision portant sur la demande

 10   des conseils de la Défense de Praljak et Coric et étant donné la réponse du

 11   bureau du Procureur, il n'a rien été dit au sujet de la demande du bureau

 12   du Procureur concernant un temps complémentaire. Est-ce que cela veut dire

 13   implicitement que la Chambre de première instance n'a pas fait droit à

 14   cette partie de la demande ? Si de cette façon implicite-là on ne devrait

 15   pas nous permettre un temps complémentaire, alors je vais me rasseoir. Mais

 16   si ce n'est pas le cas, alors là je vous demande évidemment de vous occuper

 17   justement de cet épisode-là. Dans ce sens-là, faudra-t-il une

 18   clarification, après quoi, on peut poursuivre.

 19   M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Je crois que ceci n'est pas vraiment une question cruciale. Le bureau du

 21   Procureur est d'avis que si on octroie aux accusés de s'occuper du contre-

 22   interrogatoire et à la lumière des règles et de notre Règlement, nous

 23   n'aurions pas d'objection.

 24   Nous avons dit secundo que si, au cas et lors du contre-

 25   interrogatoire, de nouvelles questions auront été relevées, alors là ceci

 26   devient un interrogatoire principal, et là, on devrait savoir quel est le

 27   temps qui est à notre disposition, et on doit évidemment éviter toute

 28   question directrice. Il n'y a pas de condition ni de privilège à

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  1   l'intention du bureau du Procureur. Mais si nous avons lieu de parler d'un

  2   nouvel interrogatoire principal et si le temps complémentaire est permis,

  3   alors là, évidemment, cela cadre bien avec les directions émises par la

  4   Chambre de première instance. Nous allons voir ce qui arrivera. Nous, tout

  5   simplement, nous voulons évidemment que soient mises en œuvre les règles.

  6   M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Ceci n'est pas

  7   sans être important. Il a été mentionné tout à l'heure des questions

  8   directrices et le temps permis et nécessaire, nous ne nous en occupons pas,

  9   mais nous pouvons toujours ouvrir évidemment des parenthèses pendant

 10   l'interrogation. Mais ce qui vient d'être dit, ce que M. Scott vient de

 11   mentionner en dernier lieu, est-ce que lui souhaite qu'un temps

 12   complémentaire lui soit octroyé. Donc un temps complémentaire, je répète,

 13   qui correspondrait à un temps que MM. Coric et Praljak, respectivement,

 14   devraient passer en posant des questions en contre-interrogatoire et

 15   relatives à des questions qui n'ont pas été touchées et traitées lors de

 16   l'interrogatoire principal. Voilà une question très importante pour nous,

 17   et c'est justement le fondement d'ailleurs de la question que je pose.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre va se réunir demain après-midi, et donc

 19   on répondra à ce que vous nous avez dit et on répondra à ce que le

 20   Procureur nous a dit.

 21   M. STEWART : [interprétation] Répondra à ce que je viens de dire ou bien à

 22   ce que nous allons peut-être déposer comme base de notre requête, ce que je

 23   viens de mentionner tout simplement avoir besoin de cela en des termes

 24   pratiques. Mme Alaburic devrait s'en occuper une fois qu'on aura entendu et

 25   lu -- Monsieur le Président, nous allons déposer cette écriture en temps

 26   utile. Vous aurez suffisamment le temps de vous en occuper jusqu'à demain.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Déposez donc vos écritures.

 28   M. STEWART : [interprétation] Merci.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, on va continuer maintenant avec M.

  2   Bruno Stojic. Nous savons de la semaine dernière que vous l'aviez

  3   rencontré, que vous étiez revenu en voiture avec lui lors du 9 mai. Mais on

  4   reprend à zéro.

  5   A quel jour précisément avez-vous rencontré pour la première fois de votre

  6   vie M. Stojic ?

  7   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une première fois j'ai

  8   rencontré M. Stojic le 14 avril 1992, lors de ma venue à Grude.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc avant le 14 avril 1992, vous ne l'aviez

 10   jamais vu. Comme pour M. Prlic, quelle impression vous a-t-il fait ?

 11   R.  Non.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] 

 13   R.  Je ne sais pas à qui vous vous référez. A Prlic ou à

 14   Stojic ?

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez rencontré M. Stojic, quelle

 16   impression avez-vous eue de lui ?

 17   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour une première

 18   rencontre, vous ne pouvez pas être sûr d'une impression. M. Stojic et moi,

 19   depuis le 15 avril 1992, avions à travailler ensemble dans le cadre de ce

 20   poste de commandement avancé. M. Stojic devait s'occuper évidemment de

 21   logistique dans le cadre de ce qu'était supposé être notre point de

 22   commandement. C'est ainsi que nous avons travaillé jusqu'au 3 juillet 1992,

 23   lorsque M. Stojic a été nommé par M. Boban à la fonction de président du

 24   département de la Défense.

 25   Pour ce qui est de l'activité qui est la sienne, à cette époque-là,

 26   il s'est occupé de sa mission avec force, qualité et dans les limites de la

 27   logistique prévues et permises par les conditions qui prévalaient à cette

 28   époque-là.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous me dites que pendant au moins trois

  2   mois, du 14 avril 1992 au 13 juillet 1992, vous aviez eu donc avec M.

  3   Stojic, parce qu'il s'occupait des questions logistiques. Pendant vos

  4   rencontres, est-ce que M. Stojic vous a fait part de ses vues politiques

  5   personnelles, est-ce qu'il a été amené à vous parler de la Banovina, de la

  6   Grande-Croatie, des majorités croates à mettre en œuvre, des expulsions de

  7   Musulmans, et cetera ? Est-ce qu'il vous a parlé de tout cela ou bien vous

  8   avez parlé d'autres choses ?

  9   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour ce qui est de ces

 10   questions-là, il n'en a fait aucun aperçu, parce qu'à cette époque-là, il y

 11   avait eu tant d'autres questions à trancher. Il a fallu faire avec urgence

 12   et hâte, et je n'ai jamais, pour ma part, parlé avec M. Stojic ni avec qui

 13   que ce soit d'autre au sujet de ces questions que vous venez de citer tout

 14   à l'heure.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Stojic devient chef du département de la défense

 16   au mois de juillet 1992. Dans cette fonction, est-ce qu'il a été amené, à

 17   la fin de l'année 1992 et puis pendant 1993, voire début 1994, à vous dire

 18   à chaque fois : J'ai dans l'esprit la volonté d'avoir à nouveau une

 19   Banovina croate, qu'il y ait une Grande-Croatie, et cetera ? Est-ce qu'il

 20   vous a parlé de cela ou pas ?

 21   R.  Non, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Autre question importante. Ecoutez bien. C'est un

 23   nouveau "warning".

 24   Dans sa fonction de chef du département de la Défense puis de

 25   ministère de la Défense de la République de l'Herceg-Bosna, est-ce que M.

 26   Stojic a été amené dans cette qualité à vous donner des ordres, des

 27   instructions sur les opérations militaires en cours ou à entreprendre ?

 28   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Stojic était obligé

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  1   d'abord de s'occuper du département de la Défense comme étant un organe

  2   temporaire exécutif dans le cadre de l'objectif général pour préserver la

  3   région dans laquelle se trouvait les Croates et les autres membres d'autres

  4   appartenances ethniques. En premier lieu, M. Stojic se trouvait à la tête

  5   d'une instance technique dans le cadre et au sein de l'exécutif, et en tant

  6   que tel, il faisait en quelque sorte le joint entre l'exécutif et le chef

  7   d'état-major, c'est-à-dire le quartier général de la république et de la

  8   Communauté croate à Herceg-Bosna. Dans ses activités, M. Stojic devait

  9   obtempérer aux ordres, devait s'occuper des décisions et des solutions

 10   émises compte tenu de la situation prévalant. D'abord, du point de vue

 11   ordre, il devait s'occuper de problèmes et de matière qui étaient sous

 12   forme de décret placé dans la capacité qui est la sienne. Pour le reste,

 13   solutions à trouver, et cetera, il s'occupait plutôt de la partie

 14   directrice de la mission qui était la sienne. M. Bruno Stojic n'était pas

 15   quelqu'un qui émettait des ordres à titre opérationnel en vue de lancement

 16   de quelque opération que ce soit dans le cadre de la région croate

 17   d'Herceg-Bosna. En fin de compte, excepté l'année 1992, il n'y a pas eu de

 18   telles opérations dans le cadre de la région d'Herceg-Bosna, enfin la

 19   Bosnie et l'Herceg-Bosna.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire que M. Stojic n'émettait pas

 21   d'ordres de nature opérationnelle. Je vais prendre un exemple.

 22   Imaginons que pour une opération X vous informez le ministre de la Défense

 23   que vous avez besoin de cinq tanks, de pièces d'artillerie, de tant de

 24   réserves, des tonnes de nourriture, de tant de médecins, et vous lui

 25   demandez qu'il fasse le nécessaire. Imaginons qu'il vous dise : Il n'est

 26   pas question une seconde, Général Petkovic, de faire cette opération

 27   militaire, parce que moi, ministre de la Défense, j'estime qu'elle ne doit

 28   pas avoir lieu pour telle et telle raisons. Donc je vous l'interdis.

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  1   Etait-ce possible ou pas ?

  2   R.  C'était possible. Il était à la tête du département de la Défense,

  3   c'est-à-dire quartier général de la Défense. Si on estime -- supposons --

  4   il n'y avait pas de telles opérations. Mais en principe, supposons que s'il

  5   y en avait une, lui, il aurait pu arrêter une telle opération pour laquelle

  6   opération il trouvait qu'elle ne se situait pas dans l'intérêt de la

  7   défense de la région dans laquelle se trouvaient des résidents croates et

  8   d'autres résidents.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : -- d'interdire une opération si, à son niveau, il

 10   estimait que les intérêts de la défense du territoire n'entraînaient pas

 11   cette opération. Alors, vous nous dites ça. Est-ce que c'est arrivé une

 12   fois ou ça n'est jamais arrivé ?

 13   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, une telle chose ne s'était

 14   jamais produite, jamais arrivée. M. Stojic, lui, étant donné la situation

 15   qui prévalait dans tel ou tel territoire, devait pouvoir briefer pour

 16   porter à la connaissance des autorités au sujet de ce que vous avez

 17   mentionné, chars et autres choses, et si nécessité il y a, il aurait pu

 18   parler de ce qu'il fallait faire à l'intention de l'armée, soit en matériel

 19   de guerre, ressources financières, autres ressources matérielles ou de

 20   combat, et cetera. Lui, de son côté, il devait, bien sûr, pouvoir consulter

 21   les autres instances du pouvoir.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Et je vais en arriver au général Praljak.

 23   A quel moment pour la première fois vous avez rencontré le général Praljak

 24   ?

 25   R.  Je pense bien que c'était le 19 avril 1992, lorsque je lui ai rendu

 26   visite une première fois à Citluk. A cette époque-là, il était le

 27   commandant du Groupe opérationnel l'Herzégovine du sud-est. C'était le

 28   cinquième jour depuis mon arrivée au HVO.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, il était commandant de la zone opérationnelle

  2   du sud-est de l'Herzégovine, mais du HVO ou de l'armée croate ?

  3    R.  Du HVO, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Avant le 19 avril 1992, vous aviez entendu parler du

  5   général Praljak ?

  6   R.  Non, je suis désolé. Probablement qu'il ne m'en voudra pas le général

  7   Praljak pour cela, mais je n'ai pas vraiment entendu parler tout

  8   particulièrement du général Praljak, parce que lui se trouvait tout à fait

  9   dans un autre secteur tout à fait lointain en République de Croatie.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Même question que pour les autres. Quand vous l'avez

 11   rencontré la première fois, quelle impression il vous a donnée ?

 12   R.  J'ai dû connaître un homme très éloquent lorsqu'il prend la parole. Lui

 13   qui était très exigeant à l'intention de tous ceux qui en ce moment-là se

 14   trouvaient sous son commandement. Quelqu'un qui ne voudrait pas parler trop

 15   de certaines matières et qui, de la façon qui est tout à fait la sienne,

 16   pouvait émettre des ordres, diriger des gens et conseiller des gens.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous l'avez rencontré, saviez-vous qu'il avait

 18   fait des études de nature scientifique, qu'il s'était "reconverti", entre

 19   guillemets, dans l'art théâtral, qu'il avait fait de la politique,

 20   puisqu'il avait même été candidat à une élection importante, qu'il avait

 21   été ministre adjoint de la Défense de la République de Croatie et qu'il

 22   était parti comme simple volontaire à Sunja --

 23   L'INTERPRÈTE DE LA CABINE ANGLAISE : [aucune interprétation]

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : La localité Sunja, S-u-n-j-a. Les interprètes

 25   devraient connaître toutes les localités.

 26   Alors, Mon Général Petkovic ?

 27   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne devrais pas pouvoir,

 28   d'entrée de jeu, le savoir, mais j'ai pu savoir plus tard que le général

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  1   Praljak se trouvait à Sunja. Au début, je ne le savais pas, parce que je

  2   vous le dis que par rapport à la Dalmatie, Sunja se trouve assez loin, et à

  3   cette époque-là, soyez-en certain, un commandant de tel ou tel secteur ne

  4   pouvait pas savoir qui était le commandant dans un autre territoire de

  5   République de Croatie, parce qu'il s'agissait de gens qui ne s'occupaient

  6   pas de choses militaires et qui se trouvaient en situation de devenir des

  7   commandants. Par conséquent, vous ne pouvez pas évidemment en savoir plus

  8   long pour les connaître. C'est autre chose lorsque pendant une dizaine

  9   d'années, vous connaissez tel ou tel officier commandant, et cetera. Tant

 10   qu'il ne l'a pas dit lui-même, je ne pouvais pas savoir qu'il se trouvait à

 11   Sunja et qu'il y a passé plusieurs mois.

 12   Mais on parlait de choses et d'autres, comme quoi lui a dit qu'il

 13   avait travaillé en Allemagne, et quand il était jeune, je ne sais pas très

 14   exactement quand, il a pu faire ses études pour les achever à deux ou trois

 15   facultés différentes. J'ai pu apprendre plus tard évidemment - l'époque où

 16   tout cela se passait - l'une des activités qui étaient les siennes à un

 17   moment donné, c'était faire du cinéma, de la mise en scène. C'était un

 18   réalisateur, et cetera. Par conséquent, j'ai pu avoir une première fois,

 19   comme ça, une image du général Praljak comme je viens de le décrire.

 20   Pour dire maintenant qu'il a pris part à des élections, je ne le

 21   savais pas. A cette époque-là, je me trouvais au sein de la JNA, et vous

 22   savez que quand on était à la JNA, on ne pouvait pas savoir qui se

 23   présentait sur telle ou telle liste, mais j'ai pu savoir plus tard, je l'ai

 24   appris dans d'autres conversations, que lui avait pris une telle décision.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans les conversations que vous avez eues avec lui,

 26   car vous l'avez rencontré à plusieurs reprises certainement, vous a-t-il

 27   parlé de son projet de participer à la création d'une Grande-Croatie, en

 28   quelque sorte de créer un territoire croate dans les frontière de l'ex-

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  1   Banovina ? Vous a-t-il dit que pour y parvenir il fallait faire un

  2   nettoyage ethnique des régions, fallait-il également utiliser la force, la

  3   persécution, l'emprisonnement, la détention, et cetera ? En un mot, vous a-

  4   t-il dit qu'il avait, lui, un projet ?

  5   R.  Non, Messieurs les Juges, il n'y avait pas eu de projet à soi et il

  6   n'en a pas parlé non plus. Au contraire, les premières informations me sont

  7   parvenues au début du mois d'avril pour ce qui est de l'accueil de bon

  8   nombre d'individus, de Croates et Musulmans depuis ce plateau de Dubrava et

  9   des problèmes qu'il a connus avant cela. Et il m'a même fait part du nombre

 10   de Musulmans dans ses unités, des préparatifs à Medjugorje pour ce qui est

 11   de passer la Neretva, et cetera.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, le Procureur reprochait à votre

 13   Défense d'avoir occulté Prozor. Moi je n'occulte rien. Nous avons entendu

 14   beaucoup de -- Je reprends.

 15   C'est toujours quand je pose des questions importantes qu'il y a des

 16   problèmes, c'est incroyable. Bien.

 17   Général Petkovic, est-ce que vous m'entendez ?

 18   R.  J'entends maintenant, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je reprends.

 20   Le Procureur avait, la semaine dernière, rappelez-vous, dit que votre

 21   avocate n'avait pas abordé la question de Prozor. Alors, moi je vais

 22   l'aborder, mais je ne vais pas passer tout mon temps dans Prozor.

 23   Nous avons eu ici beaucoup de témoins qui sont venus parler de

 24   Prozor. Le général Praljak qui était à votre place a expliqué également ce

 25   qu'il avait fait.

 26   Alors, en octobre 1992, quand le général Praljak va à Prozor, le

 27   saviez-vous et aviez-vous donné votre autorisation ?

 28   R.  J'ai appris, je ne sais pas vous dire la date, j'ai ouï dire que le

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  1   général Praljak avait été envoyé par M. Boban à Prozor, et il y serait allé

  2   avec pour mission d'aider à l'apaisement de la situation sur le territoire

  3   de Prozor. Moi et M. Praljak, à l'époque, nous ne communions pas l'un avec

  4   l'autre pour ce qui est de l'affaire Prozor. Moi, je me trouvais dans la

  5   vallée de la Neretva pendant toute cette période-là, sur le territoire de

  6   Capljina, et le général Praljak, lui, avait eu pour mission de faire ce

  7   qu'il devait faire, et comme il l'a dit dans son témoignage, il était

  8   engagé sur le territoire de la municipalité de Prozor à des fins

  9   d'apaisement de la situation et à des fins aussi de faire revenir la

 10   situation qui était celle avant l'incident.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, votre réponse met le doigt sur un problème

 12   que j'ai du mal à évaluer; c'est votre champ de compétence respectif à l'un

 13   et à l'autre.

 14   Vous, vous dites, en octobre 1992, moi j'étais occupé dans la vallée

 15   de la Neretva, et Mate Boban lui avait demandé d'aller à Prozor régler le

 16   problème. Quand vous nous dites ça, j'ai dans la tête le fait que le chef

 17   d'état-major, en octobre 1992, c'est vous, c'est vous le numéro un.

 18   Pourquoi ne régliez-vous pas vous-même le problème de Prozor ? Pourquoi le

 19   laisser au général Praljak ? Est-ce que la raison c'est M. Mate Boban en

 20   personne qui a décidé que ça se passerait comme ça ?

 21   R.  C'est une information qu'on m'a communiquée. On m'a dit que c'était

 22   pour cela que Praljak était venu là-bas. Mais Praljak a vécu un certain

 23   temps sur le territoire de Prozor. Il connaissait, autant que faire se

 24   pouvait, la mentalité du coin, et il connaissait la situation dans cette

 25   partie du territoire. Donc c'est en tant que tel qu'il s'est vu confier une

 26   mission et qu'il est allé à Prozor pour faire en sorte que cette situation

 27   soit surmontée en compagnie du colonel Siljeg et je crois que Bozo Rajic

 28   les a rejoints ultérieurement, et il y avait des membres de l'ABiH qui se

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  1   sont joints à l'équipe ultérieurement aussi.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Nous savons que le général Praljak vous a

  3   remplacé, et il vous a remplacé, sauf erreur de ma part, le 27 juillet

  4   1993. Quand vous avez appris que vous étiez remplaçant, qu'en réalité,

  5   qu'en réalité de numéro un ou deveniez numéro deux. Quelle a été votre

  6   réaction ? Etait-ce une solution à votre encontre, était-ce des décisions

  7   de nature politique qui vous dépassaient totalement ? Etait-ce le fait que

  8   l'on n'avait pas su vous récompenser à juste titre de ce que vous aviez

  9   fait en vous maintenant dans votre fonction, ou était-ce de la part de M.

 10   Mate Boban une réorientation de la l'action militaire ? Il y a peut-être

 11   d'autres raisons, mais j'en liste quelques-unes à l'instant.

 12   R.  Monsieur le Président, le 24 juillet nous avons procédé à une passation

 13   de fonction, et lors de la rédaction de son ordre, M. Boban a mis la date

 14   du 27, trois jours plus tard donc, mais le 24 on a déjà informé les unités

 15   qu'il y avait eu passation de fonction.

 16   Dans un bref témoignage, lorsque mon avocate m'a posé des questions,

 17   j'ai fait savoir que la décision de M. Boban qui était celle de commencer

 18   l'opération sud, de ne pas prêter une oreille attentive à mes

 19   recommandations au terme desquelles le HVO n'en était pas capable à ce

 20   moment-là, sa décision était celle d'amener M. Dzanko et toute une équipe

 21   de 20 hommes à ses côtés, et de confier à celui-ci, en plus de moi-même, la

 22   1re et la 3e Brigade et un groupe opérationnel qui était amené par Dzanko

 23   et qui était constitué de volontaires. Et ça m'a incité à dire à M. Boban

 24   qu'il était évident que l'heure était venue que quelqu'un d'autre passe à

 25   la tête du HVO, pas moi.

 26   Et je tiens à préciser encore que j'ai eu un cas de figure mi-juin où

 27   on s'était entretenus pour ce qui était de procéder à une rotation au poste

 28   numéro un. J'ai dit aimablement à M. Boban, je lui ai dit que dix jours ça

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  1   suffirait, c'était suffisant et gentil de ma part pour faire en sorte qu'il

  2   trouve quelqu'un pour ces fonctions-là. Et selon la personnalité qui

  3   viendrait, je déciderais du fait de rester pour l'aider ou quitter ces

  4   territoires, parce qu'à vrai dire, Boban ne pourrait pas me garder par la

  5   force sur ces territoires-là.

  6   Le 21 juillet, me semble-t-il, on m'a informé du fait que M. Praljak

  7   serait nommé à la tête de l'état-major, et dans cette situation-là,

  8   lorsqu'on m'a demandé si je voulais bien rester pour qu'il n'y ait pas une

  9   coupure de la continuité des fonctions compte tenu du général Praljak et

 10   sachant que lui ne tenait pas au poste en tant que tel, mais qu'il voulait

 11   aider, et pour dire vrai, moi, je n'y tenais pas non plus. Je n'étais pas

 12   là pour me battre pour une position. Donc j'ai décidé de rester, ce qui

 13   fait que le général Praljak et moi sommes restés à travailler ensemble, et

 14   le 24 juillet, nous avons informé M. Boban du fait que nous étions prêts, à

 15   partir de ce jour-là, de procéder à une passation des fonctions.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Général Petkovic, vous nous avez dit quelque

 17   chose qui n'était pas apparu jusqu'à présent, qu'en discutant avec M.

 18   Boban, vous vous êtes rendu compte que peut-être sur des stratégies ou des

 19   options, vous êtes n'étiez pas d'accord avec lui. Et à ce moment-là, vous

 20   lui avez dit de vous remplacer, ce qu'il a fait. Donc, si je comprends

 21   bien, parce que j'écoute tout ce que vous dites, la nomination du général

 22   Praljak, elle vous est due, car c'est vous qui n'avez pas voulu continuer

 23   en qualité de numéro un, et donc, M. Boban a nommé à votre place le général

 24   Praljak tout en ayant l'assurance que vous feriez tandem avec le général

 25   Praljak. Est-ce bien comme cela que les choses se sont déroulées ?

 26   R.  Monsieur le Juge Antonetti, c'est exact. Je voudrais ajouter ou répéter

 27   un point : j'ai été blessé par cette façon de procéder qui disait : je vais

 28   amener une équipe qui donnerait des ordres si vous ne voulez pas le faire.

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  1   Alors, il y a eu ce Luka Dzanko qui est débarqué sur le territoire et il

  2   s'est passé ce qui s'est passé. Par la suite, j'ai en quelque sorte

  3   remercié M. Boban et je lui ai dit que je ne pourrais plus être l'homme

  4   numéro un, mais que c'était selon la personnalité qu'il mettrait là que je

  5   déciderais si je restais ou pas. Et comme il a décidé d'envoyer M. Praljak,

  6   j'ai été d'accord pour rester et pour continuer à travailler avec lui afin

  7   de procéder à une réorganisation des structures de commandement, chose que

  8   M. Boban a fini par accepter.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, vous qui étiez Croate, puisque

 10   vous êtes né en Croatie, vous n'avez pas les mêmes attaches que le général

 11   Praljak qui, lui, est de l'Herzégovine. Vous, vous étiez Croate. Pourquoi

 12   ne pas profiter de cette occasion pour retourner dans l'armée croate et

 13   faire une belle carrière, voire même, peut-être, je ne sais pas, un jour

 14   devenir chef d'Etat, comme le maréchal Tito ou je ne sais ? Pourquoi rester

 15   ? Pourquoi rester et ne pas retourner en Croatie ?

 16   R.  Messieurs les Juges, la première des raisons c'est qu'il y a eu

 17   l'arrivée du général Praljak, et je le connaissais depuis quelques mois,

 18   lui, déjà. La deuxième raison c'est que j'ai estimé que ce serait une

 19   mauvaise chose de ma part que de quitter tout à fait ces gens et ce

 20   territoire, parce qu'on se trouvait dans une situation peu enviable, je

 21   veux dire, quand je dis "nous", c'est le HVO, suite aux opérations et

 22   offensives de l'ABiH depuis la ville de Bugojno et au-delà. Et suite à tout

 23   ce qui s'est passé et ce qui nous est tombé dessus, à moi et au général

 24   Praljak, et c'est la raison pour laquelle je suis resté. Mais je veux aussi

 25   dire que je n'étais pas très porté sur la nécessité de partir à la chasse

 26   d'un poste. Je ne voulais pas chasser un poste là ou retourner en Croatie

 27   pour un autre poste, parce que les postes n'étaient pas perchés sur des

 28   branches d'arbres. Il y avait quand même pas mal de candidats pour

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  1   certaines fonctions.

  2   Et je m'étais dit que tant qu'il y aurait la guerre sur ces

  3   territoires-là, l'heure ne serait peut-être pas la meilleure pour ce qui

  4   est de courir après les postes, mais de faire le travail au poste où on se

  5   trouve, dans une bonne qualité d'exécution et qu'après la guerre, ceux qui

  6   le souhaitaient pourraient avoir le loisir de courir après les postes.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme vous le savez, le général Praljak a

  8   quitté ses fonctions au mois de novembre 1993. Le général Praljak nous a

  9   dit, à la place où vous étiez, qu'il voulait aussi quitter cette fonction

 10   pour diverses raisons qui pouvaient être liées au fait qu'il n'avait pas à

 11   sa disposition tous les moyens matériels, les hommes qu'il fallait, des

 12   raisons aussi peut-être de santé, et cetera. Et donc, il part au mois de

 13   novembre 1993. Certains ont lié son départ à l'histoire de la destruction

 14   du Vieux pont.

 15   Je ne vais pas rentrer dans cette thématique, mais quand il s'en va,

 16   il est remplacé par Ante Roso, pas par vous. Etait-ce un remplacement qui

 17   s'imposait ou bien ça n'aurait pas dû être vous qui auriez dû revenir comme

 18   numéro un ?

 19   R.  Monsieur le Juge, je sais que Praljak avait discuté avec M. Boban et

 20   qu'il avait annoncé ces jours-là l'éventualité de son départ. A la date du

 21   8, lorsqu'il y a eu rédaction de l'ordre émanant de M. Boban disant que

 22   Praljak remettrait ses fonctions à Roso, moi, je n'étais plus sur le

 23   territoire de l'Herzégovine. J'ai eu vent de la décision en question dans

 24   le courant de l'après-midi. Et comment l'ai-je fait ? C'est le général

 25   Matic qui m'a contacté, qui m'a appelé et qui m'a demandé : est-ce que tu

 26   sais ce qui se passe ? Et je lui ai dit : non, je ne sais pas, dis-moi.

 27   Alors, il me dit : le général Praljak s'en va et c'est le général Roso qui

 28   vient. Ça, c'est l'une des nouvelles, et l'autre, c'est que Roso a fait

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  1   savoir que dans 20 heures, il fallait qu'on se ramasse à Citluk et qu'on

  2   déménage tous vers Posusje. Alors, il me dit : je ne sais pas ce que je

  3   vais faire parce que si demain Praljak s'en va, je ne sais pas comment

  4   faire. Alors moi, je lui ai dit : si point n'est besoin de le faire, je

  5   serai demain à Posusje et on finira bien par se mettre d'accord comment on

  6   déménagera Citluk vers Posusje. Voilà. C'était ainsi que les informations

  7   étaient parvenues.

  8   Avant cela, je n'ai jamais ouï dire que le général Roso faisait

  9   partie d'une combinaison quelle qu'elle soit, et dans l'après-midi du 8,

 10   j'ai appris que c'était le général Roso qui viendrait et que c'est lui qui

 11   se chargerait de ces fonctions. Je ne sais pas, en termes simples, pourquoi

 12   il a demandé à ce qu'on aille à Posusje sans rester à Citluk, ce qui fait

 13   que le 9, on a pratiquement déménagé tout l'état-major à Posusje.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je pourrais continuer, mais il faut que

 15   j'abrège.

 16   Je vais passer maintenant à Valentin Coric. Pouvez-vous me dire à

 17   quelle date vous l'avez rencontré pour la première fois ?

 18   R.  Monsieur le Président, ça s'est passé à la même période qui est celle

 19   de mon arrivée à Grude. Je ne sais pas vous donner la date; était-ce au

 20   1er, 2e ou 3e jour de mon arrivée. Mais pour l'essentiel, c'est ces jours-

 21   là que j'ai fait la connaissance de M. Coric, et j'ai appris que ce dont il

 22   était chargé, c'était la police du HVO. Eh bien, au final, pour ce qui est

 23   de ce peloton à Grude, c'est lui qui l'avait chargé de sécuriser, en

 24   partie, le commandement où j'ai été installé moi-même et où se trouvait ce

 25   poste de commandement avancé.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Quelle impression vous a-t-il faite quand vous

 27   avez commencé à vous entretenir avec lui ?

 28   R.  Eh bien, s'agissant de M. Coric, je l'ai perçu comme étant quelqu'un de

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  1   fort calme, quelqu'un de stable, et il a fait l'effort, pour ce qui est de

  2   sa partie des tâches, de faire le maximum de ce qu'il pouvait faire à ce

  3   moment-là. Je ne l'ai jamais perçu comme étant amené à réagir de façon

  4   bruyante ou de s'exprimer selon des modalités qui ne seraient pas

  5   appropriées. Il n'a pas poussé de coups de gueule, comme on dit.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Doit-on comprendre que c'était une personnalité

  7   différente de celle du général Praljak ?

  8   R.  Le général Praljak, c'est quelqu'un d'explosif -- il est plus explosif

  9   que l'autre. Il veut, en deux ou trois mots, faire savoir ce qu'il voulait.

 10   Dans sa façon de communiquer, il est différent de Coric.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : M. Valentin Coric, dans les entretiens que vous avez

 12   eus avec lui, vous a-t-il fait part d'un projet visant à reconstituer la

 13   Banovina, à créer une Grande-Croatie, à épurer ethniquement certaines

 14   régions, et cetera ? Est-ce qu'il vous a parlé de tout cela ?

 15   R.  Non, Monsieur le Juge. Ce type de questions n'a jamais été à l'ordre du

 16   jour, si je puis m'exprimer ainsi. Lorsque nous avons eu l'occasion de nous

 17   entretenir, M. Coric et moi-même, on a parlé de questions liées à

 18   l'organisation pour ce qui est donc de l'organisation au niveau de la

 19   police et de l'organisation au niveau de l'armée.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, écoutez bien, parce que ma question qui suit

 21   est une question qui est au cœur du problème.

 22   Si j'ai bien compris par les textes, tous les témoins que nous avons

 23   eus, les éléments de preuve, il y a la police militaire, mais la police

 24   militaire, il y a deux composantes : une police militaire qui est rattachée

 25   à des brigades, où un commandant de brigade a à sa disposition des

 26   policiers militaires qui vont assurer le bon ordre, la sécurité de la

 27   brigade, et cetera; et puis, il y a des unités de police militaire, dont le

 28   chef est M. Valentin Coric. Ces unités de police militaire sont bien

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  1   équipées, bien formées a priori, compétentes et peuvent, sur ordre,

  2   renforcer dans les opérations militaires des brigades et participer aux

  3   combats militaires. Et on a vu des documents où on a constaté que ces

  4   unités ont eu beaucoup de blessés, beaucoup de tués. Etait-ce bien la

  5   structure de la police militaire ?

  6   R.  Messieurs les Juges, d'après moi, nous n'avions qu'une seule police

  7   militaire. Il n'y en avait pas deux. Je précise qu'une partie était chargée

  8   des tâches auprès des brigades du HVO. L'autre segment de la police

  9   militaire, au début, était structuré de cette façon : parce que vous avez

 10   parlé d'activités de combat, il n'y avait qu'un bataillon de la police

 11   militaire qui était formé pour des activités de combat. C'était le 1er

 12   Bataillon d'assaut léger de la Police militaire, et suivant les

 13   instructions de l'administration de la police militaire, ce bataillon

 14   pouvait intervenir sur le territoire entier de la HZ-HB. Et d'après la

 15   réglementation, c'était placé sous l'autorité de l'administration de la

 16   police militaire.

 17   La situation a changé vers la fin du mois de juillet. Je ne sais pas

 18   vous donner de date exacte. Je parle de l'année 1993, certes. Et c'est là

 19   qu'il y a eu une grosse réorganisation au niveau de la police militaire, ce

 20   qui fait que la police militaire, d'après ce nouvel organigramme, a disposé

 21   de quatre bataillons de ce type, qu'on appelle d'assaut léger, et leur

 22   mission unique était une mission de combat sur un territoire déterminé. La

 23   police militaire disposait de quatre bataillons chargés des tâches

 24   policières. Ensuite, la police militaire a vu son organigramme mis en place

 25   par des décisions du département à la Défense et confirmé par les décisions

 26   de chef de l'administration de la police militaire. Pour ce qui est donc de

 27   certaines situations, elle pouvait être placée sous les ordres du chef

 28   d'état-major ou de la personne habilité par lui, et pendant cette période-

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  1   là, elle accomplirait des missions de combat à titre professionnel.

  2   De même, il pouvait y avoir une décision, et on l'a vue, décision au

  3   terme de laquelle s'il y avait une tâche prioritaire en matière de défense,

  4   de faire en sorte qu'une partie de l'unité qui ne ferait pas partie de ce

  5   qui est assaut léger, pendant un certain temps, il pouvait y avoir

  6   resubordination à une unité quelconque du HVO aux fins de lui faire

  7   accomplir sa mission. Pourquoi la police a-t-elle eu beaucoup de pertes ?

  8   Eh bien, un bataillon d'assaut léger, c'est un bataillon de combat, et ces

  9   bataillons-là, on les envoyait, on les considérait comme étant de meilleure

 10   qualité que les unités normales du HVO, et bien sûr, il y avait plus

 11   souvent de cas de morts de ces soldats au niveau de ces unités.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi une

 13   correction au compte rendu. Il me semble qu'à la ligne 6, il a été consigné

 14   à tort ce que le général a dit au sujet des missions élémentaires des

 15   quatre bataillons standard de la police militaire. Donc je ne voudrais pas

 16   répéter les propos du témoin. Peut-être le général pourrait-il le faire.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que ces quatre bataillons normaux

 18   avaient des missions classiques pour la police. Mais il y avait des

 19   situations différentes dans lesquelles certains éléments, y compris de ces

 20   bataillons-là, sur la base d'une décision qui était prise par les

 21   responsables du commandement depuis le département de la Défense jusqu'à la

 22   police militaire, dans certains cas, ces instances pouvaient affecter les

 23   hommes à des missions temporaires au sein d'une certaine brigade tant que

 24   la mission en question n'avait pas été exécutée complètement. Autrement

 25   dit, tout dépendait de la situation. Même au sein de ces unités qui

 26   n'étaient pas des unités de combat, il pouvait y avoir resubordination.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous avons appris par vous qu'avant la

 28   réorganisation de juillet 1993, il y avait d'abord un bataillon d'assaut

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  1   léger, et puis en juillet, il y a eu quatre bataillons pour des missions de

  2   combat.

  3   R.  Oui, Monsieur le Juge, oui.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Première question : quand il n'y a pas de combat,

  5   ces bataillons -- ces quatre bataillons, ils sont sous l'autorité de qui ?

  6   R.  Quand il n'y a pas de combat, ces quatre bataillons restent sous la

  7   direction de la police militaire.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : La direction de la police militaire est sous

  9   l'autorité de qui ?

 10   R.  La direction de la police militaire a pour supérieur immédiat M. Lucic

 11   en l'espèce, c'était son nom, autrement dit, le responsable chargé de la

 12   sécurité au sein du département de la Défense. Et le deuxième supérieur,

 13   c'est le chef du département de la Défense.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Le chef du département de la Défense, c'était qui ?

 15   R.  Le département de la Défense avait à sa tête, jusqu'au 15 novembre

 16   1993, M. Stojic.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, quand il n'y a pas d'opérations

 18   militaires, la police militaire de M. Valentin Coric est sous l'autorité de

 19   Bruno Stojic. Maintenant, d'après ce que vous dites, je prends une

 20   opération militaire.

 21   On a besoin d'un bataillon, de deux bataillons, pour une opération

 22   militaire, qu'elle soit défensive ou offensive. Je n'entre pas dans les

 23   détails. A ce moment-là, les bataillons de la police militaire sont sous

 24   l'autorité de qui ?

 25   R.  Les bataillons de la police militaire sont sous le commandement du chef

 26   de la police militaire.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Pendant les opérations de combat ?

 28   R.  Pendant les combats, les bataillons de la police militaire sont placés

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  1   sous le commandement des commandants respectifs dans les diverses régions.

  2   Les 27 et 28 juillet, il a été décidé que ces bataillons pouvaient être

  3   placés aussi sous le commandement de l'état-major principal, qui pouvait

  4   lui-même distribuer des ordres aux commandants respectifs des diverses

  5   régions.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends un bataillon. Il y en a quatre, mais j'en

  7   prends un au hasard. On lui donne l'ordre d'aller dans telle région où il y

  8   a des combats. Si je comprends bien, la police militaire est donc placée

  9   sous l'autorité du commandant de la brigade du lieu ou de l'état-major;

 10   est-ce bien cela ?

 11   R.  La police militaire -- ou plutôt, les bataillons d'assaut légers

 12   peuvent être subordonnés le long de la chaîne de commandement jusqu'au

 13   commandant de la zone opérationnelle, par exemple. Et lorsque ces

 14   bataillons ont une mission à exécuter, ils sont responsables devant le

 15   commandant de la zone opérationnelle. Lorsque la tâche est accomplie, ils

 16   retournent à leur hiérarchie habituelle.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc pour moi, c'est clair. Et vous dites que

 18   quand il y a des combats, ils sont dans la chaîne de commandement.

 19   A ce moment-là, je prends le cas de M. Valentin Coric, car c'est lui

 20   qui m'intéresse. Lui, a-t-il, à ce moment-là, une quelconque responsabilité

 21   ?

 22   R.  Valentin Coric, dans le cas concret qui nous intéresse, rédigerait un

 23   ordre selon lequel le bataillon en question doit être transféré vers un

 24   lieu déterminé et donc intégré à la chaîne hiérarchique qui prévaut dans ce

 25   lieu. Même si Valentin Coric subordonne le bataillon au commandement qui

 26   agit dans le lieu en question, il ne perd pas sa responsabilité sur ce

 27   bataillon. Il a le droit de conserver un certain nombre d'éléments de

 28   responsabilité sur le bataillon, mais c'est le commandant qui opère dans la

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  1   région concernée qui va donner des ordres au bataillon en question.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc on touche à un sujet extrêmement important. Je

  3   vais prendre un cas concret, très concret.

  4   Imaginons qu'un bataillon de la police militaire est subordonné à une

  5   brigade. Le commandant de la brigade assure la responsabilité de la chaîne

  6   de commandement. Voilà que des policiers militaires commettent des crimes.

  7   Prenons un exemple hypothétique. Les policiers militaires, dans l'action de

  8   combat, vont brûler une maison sans nécessité militaire, vont piller, et je

  9   ne sais quoi d'autre. A ce moment-là, qui est responsable : le commandant

 10   de la brigade ou M. Coric, ou les deux ?

 11   R.  Messieurs les Juges, si nous ajoutons à votre hypothèse que l'unité

 12   concernée a la taille d'un bataillon de la police militaire, de façon à

 13   savoir à peu près de quoi nous parlons, dans un cas comme celui-ci, y

 14   compris le commandant d'une section de la police militaire est tenu de

 15   prendre des mesures vis-à-vis de ces hommes, car la loi stipule que le

 16   commandant de plus bas niveau doit assurer la sécurité de la scène de

 17   crime, recueillir des éléments de preuve et informer le commandant

 18   supérieur. Donc la police militaire se décompose en compagnies, et chaque

 19   compagnie a un commandant, et donc à tous les niveaux hiérarchiques, la

 20   responsabilité existe. La responsabilité ne va pas directement sur le dos

 21   du commandant de la brigade. La responsabilité est portée par les

 22   commandants de différentes formations qui, par la loi, ont le devoir

 23   d'entreprendre un certain nombre de mesures. Si ces commandants n'ont pas

 24   entrepris les mesures en question, s'ils ont laissé la tâche au commandant

 25   de la brigade, c'est le commandant de la brigade qui va traiter les

 26   éléments de preuve recueillis, et ensuite, c'est le procureur qui

 27   accomplira le reste de la tâche.

 28   Donc lorsque nous parlons de la police militaire, il importe de ne

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  1   pas sauter de niveaux hiérarchiques importants, c'est-à-dire le commandant

  2   de la compagnie et le commandant du bataillon en tant que tel de la police

  3   militaire. Et puis, au troisième niveau, on trouve le commandant de la

  4   brigade.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous donner un autre exemple.

  6   Imaginons qu'il y a une opération X. Le commandant de la brigade dit

  7   aux membres de la police militaire -- du bataillon d'assaut : Vous allez

  8   vous mettre sur telle colline et lorsque je vous en donne l'ordre, vous

  9   descendez la colline et vous prenez le contrôle du village. Vous faites les

 10   prisonniers et vous attendez les ordres, mais vous prenez soin à éviter de

 11   toucher des civils, femmes, enfants, vieillards. Ce sont les ordres très

 12   précis du commandant de la brigade. Vous participiez au combat, vous faites

 13   des prisonniers et vous attendez des ordres pour la suite. Le combat

 14   s'engage, la police militaire prend le contrôle du village. Et là,

 15   nonobstant les ordres donnés, se livre à des exactions sur la population

 16   civile.

 17   Alors ce que je voudrais savoir, d'après vous, est-ce que le

 18   commandant de la brigade est responsable en tant que supérieur hiérarchique

 19   de ce qui s'est passé au niveau de ses policiers militaires, ou bien c'est

 20   M. Coric qui est responsable ? C'est ça que je veux savoir.

 21   R.  Prenons pour hypothèse que dans le cadre de la police militaire dans ce

 22   secteur, un certain nombre de mesures devraient être prises, mais que le

 23   commandant qui a distribué sa mission au commandant du bataillon est celui

 24   qui doit effectuer les vérifications nécessaires dans le cadre de

 25   l'exécution de ses missions. Donc en fonction de cela, c'est lui qui aurait

 26   le devoir de prendre des mesures précises. Toutefois, cela n'exonère pas la

 27   direction de la police militaire si le commandant de la brigade échoue et

 28   ne prend pas les mesures nécessaires très concrètement, parce que la police

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  1   militaire et les unités qui lui sont resubordonnées ne sont pas expulsées

  2   de la chaîne de commandement. Notamment, dans l'ordre de resubordination du

  3   28 juillet, c'était le cas. Il y est stipulé que la police militaire,

  4   nonobstant sa resubordination, ne doit pas échapper à la chaîne de

  5   commandement qui existe pour ses bataillons. Donc le commandant de brigade

  6   peut envoyer cela à la direction de la police militaire, et très

  7   précisément, il peut entreprendre d'informer les procureurs, et cetera,

  8   pour que les mesures nécessaires soient prises.

  9   Je m'appuie sur le document du 28 juillet qui porte sur la

 10   resubordination de la police militaire où il est écrit de façon très claire

 11   que les assistants du chef de la police militaire, dans les zones

 12   opérationnelles, n'ont pas le droit, nonobstant leur resubordination, de

 13   perdre de vue l'existence d'un lien hiérarchique entre eux et la direction

 14   de la police militaire ainsi que les unités de police militaire sur le

 15   terrain. Donc la chaîne de commandement doit toujours être respectée

 16   nonobstant la resubordination.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne vais pas insister sur cette question, qui est

 18   une question importante, et dont, dans les questions du contre-

 19   interrogatoire et du Procureur, nous aurons certainement d'autres éléments.

 20   Mais je crois que mon collègue a une question à poser.

 21   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pour éviter tout malentendu, le 28

 22   juillet avez-vous dit, mais le 28 juillet de quelle année s'agissant du

 23   document dont vous avez parlé ?

 24   R.  1993, Monsieur le Juge Trechsel. C'est un document qui a déjà été versé

 25   au dossier de la présente affaire.

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vais passer à M. Pusic.

 28   Quand l'avez-vous rencontré pour la première fois ?

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  1   R.  Monsieur le Juge Trechsel -- pardon, Monsieur le Président, mon

  2   véritable contact avec M. Pusic a eu lieu pour la première fois, si je ne

  3   me trompe, à Jablanica les 4 et 5 mai, au moment où j'ai rencontré M.

  4   Halilovic dans cette région. D'ailleurs, je ne sais même pas si cela n'a

  5   pas été peut-être mon dernier contact avec M. Pusic aussi, parce que pour

  6   vous dire franchement, quand je l'ai rencontré ici dans la prison, je n'ai

  7   même pas reconnu cet homme. Donc ma première communication directe avec M.

  8   Pusic a eu lieu au moment où moi-même et M. Halilovic avons discuté

  9   ensemble à Jablanica. Il s'agit d'une rencontre qui a eu lieu les 4 et 5

 10   mai 1993. Etant donné la nature de mon travail, je n'avais pas de contact

 11   avec M. Pusic, et puis je suis parti pour Citluk, et très franchement, je

 12   ne saurais même vous dire où M. Pusic avait son bureau à Mostar, pour peu

 13   que son bureau se soit trouvé à Mostar.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ces conditions, ce n'est pas la peine que je

 15   vous demande s'il a évoqué auprès de vous la Grande-Croatie, et cetera,

 16   puisque, comme vous ne l'avez quasiment jamais vu, la question ne se pose

 17   pas à mon niveau. Alors je vais terminer maintenant par les trois autres

 18   qui sont mentionnés.

 19   Dario Kordic. Vous avez témoigné au procès de M. Kordic. Quand

 20   l'avez-vous rencontré la première fois ?

 21   R.  Monsieur le Président, ma première rencontre physique avec M. Kordic a

 22   eu lieu le 7 octobre 1992, au moment où je me rendais à Sarajevo pour des

 23   entretiens qui avaient été convoqués par la FORPRONU. Et nous nous sommes

 24   trouvés, dans le bâtiment de la présidence de Bosnie-Herzégovine ensemble à

 25   ce moment-là.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors même question. Quelle impression avez-

 27   vous eue de M. Kordic ?

 28   R.  L'homme que j'ai rencontré m'est apparu comme un homme qui aimait

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  1   beaucoup parler et qui, dans ce qu'il racontait, parlait trop fort. C'est

  2   seulement plus tard que j'ai appris qu'il avait des problèmes d'audition.

  3   Donc, à ce moment-là je lui ai dit, Mais est-ce que tu cries contre moi ou

  4   quoi ? Et plus tard, je me suis rendu compte qu'il avait des problèmes

  5   d'audition. Il n'entendait pas très bien. Quoi qu'il en soit, nous nous

  6   sommes trouvés ensemble au siège de la présidence, et à notre retour à

  7   Kiseljak, lui-même et Blaskic ont poursuivi leur chemin vers Vitez. Pour ma

  8   part, je suis allé vers l'Herzégovine. Donc c'est ainsi que s'est déroulée

  9   ma première rencontre avec Kordic.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors avec M. Kordic, est-ce qu'il a évoqué avec

 11   vous le fait qu'il avait un projet comme d'autres, la Grande-Croatie, la

 12   Banovina, l'épuration ethnique, et cetera, et cetera ? Est-ce qu'il a parlé

 13   de cela avec vous ?

 14   R.  Non, Messieurs les Juges. Nous avons discuté l'un avec l'autre de notre

 15   rencontre, de ce dont nous avions parlé à Sarajevo, de la façon dont nous

 16   avons été reçus à la présidence de Bosnie-Herzégovine, de la façon dont le

 17   travail devrait s'accomplir ultérieurement au sein de la commission mixte,

 18   et nous l'avons fait en dépit du fait que ce n'était pas une rencontre

 19   tripartite et qu'elle avait néanmoins été convoquée sous l'égide de M.

 20   Morillon.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, même question pour M. Blaskic. Quand avez-

 22   vous rencontré M. Blaskic pour la première fois ?

 23   R.  Messieurs les Juges, ma première rencontre avec Blaskic a eu lieu fin

 24   juin ou peut-être début juillet 1992, en tout cas vers la fin du premier

 25   semestre 1992. Parce que si je me souviens bien, une fois qu'il a été nommé

 26   à son poste par M. Mate Boban, il y a eu une rencontre entre M. Boban et M.

 27   Blaskic à Grude, et c'est à ce moment-là que j'ai rencontré M. Blaskic pour

 28   la première fois. Est-ce que c'était à la fin juin ou au début de juillet,

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  1   je ne m'en souviens pas très bien, mais en tout cas, c'était après qu'il a

  2   été nommé commandant de la zone opérationnelle de Bosnie centrale.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous l'avez rencontré et quand il a été nommé

  4   commandant de la zone opérationnelle de la Bosnie centrale, quelle

  5   impression il vous a donnée ?

  6   R.  Monsieur le Président, il s'agissait d'un homme qui était encore très

  7   jeune et qui, bien sûr, avait acquis une certaine expérience dans les rangs

  8   de la JNA. Je ne suis plus très sûr aujourd'hui, mais je crois que la

  9   fonction la plus importante qu'il ait atteinte au sein de la JNA était

 10   celle de commandant en second d'un bataillon, en Slovénie si je ne me

 11   trompe. A cette époque-là, il était assez réservé, parce qu'il ne pouvait

 12   tout simplement pas se laisser aller à parler beaucoup puisqu'il ne

 13   connaissait pas non plus parfaitement bien cette région de la Bosnie

 14   centrale. Et par ailleurs, il ne connaissait pas non plus très bien les

 15   gens qu'il a trouvés dans cette région. Et puis, dans ces conditions, il

 16   avait un comportement qui était celui d'un officier de la JNA.

 17   On dit qu'il s'est fait reprocher le fait d'être allé en Autriche en

 18   plein milieu de la guerre croate, la guerre qui a éclaté en Croatie. Je

 19   crois qu'il m'a dit que la famille de son épouse résidait en Autriche, donc

 20   il a passé quelque temps en Autriche, et puis ensuite, il est revenu en

 21   Bosnie-Herzégovine. Donc on l'a testé d'une certaine façon, et tout d'un

 22   coup, comme il l'a dit lui-même, il a été surpris de se voir convoquer à

 23   une rencontre avec M. Boban sans l'avoir jamais vu avant ce jour-là. Et M.

 24   Boban l'a immédiatement nommé au poste qu'il occupait, alors qu'il ne

 25   connaissait même pas celui qui était à l'origine de sa promotion

 26   auparavant, qui est-ce qui avait mis son nom sur les candidats possibles à

 27   un tel poste de responsabilité en Bosnie centrale.

 28   Donc au début, il était assez réservé, comme je l'ai déjà dit, parce qu'il

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  1   lui fallait faire la connaissance de la population de la région et trouver

  2   une façon de s'imposer en tant que commandant.

  3   Et puis, il y avait le colonel Filipovic qui était sur place, qui

  4   était de dix ans son aîné et qui, en fait, avait été contourné par la

  5   nomination de M. Blaskic, à qui on avait donné le poste qui aurait pu lui

  6   revenir. Mais en fait, il ne savait pas exactement dans quelles conditions

  7   il avait été nommé au poste qu'il occupait. Il avait donc besoin d'un

  8   certain temps pour trouver ses marques, si je puis m'exprimer ainsi, et

  9   évaluer la situation.

 10   Par ailleurs, il écrivait beaucoup. Et voilà ce que je dirais à son

 11   sujet. Il écrivait vraiment beaucoup.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que, quand vous avez eu des rencontres avec

 13   lui, il vous a dit qu'il avait un projet, la Grande-Croatie, la Banovina,

 14   et cetera ? Ou bien vous n'avez jamais traité de ce type de questions ?

 15   R.  Jamais nous n'avons traité de ce genre de question, surtout pas avec

 16   Blaskic, qui était un officier arrivé sur place dans les conditions que je

 17   viens d'indiquer, qui a été accueilli comme il a été accueilli. Ça ne lui

 18   serait pas venu à l'esprit de parler d'un projet de ce genre.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais terminer avec M. Mladen Naletilic. A quel

 20   moment l'avez-vous rencontré pour la première fois ?

 21   R.  Monsieur le Président, c'est une question à laquelle il m'est très

 22   difficile de répondre. Je pense que j'ai rencontré Naletilic pour la

 23   première fois au mois de juin 1992. Je crois que c'était à une époque où

 24   lui-même et les membres de son unité avaient été chargés de s'emparer

 25   d'Orlovac ou de Hum - je ne me rappelle plus exactement de la localité

 26   concernée. Mais en tout cas, la première fois que j'ai rencontré Naletilic,

 27   c'était à Siroki Brijeg, au commandement de l'état-major municipal de

 28   Siroki Brijeg.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle impression vous a-t-il fait quand vous l'avez

  2   rencontré ?

  3   R.  C'était un homme qui aimait beaucoup parler de l'armée, des tactiques

  4   militaires, et je ne sais plus, de toutes sortes d'actions militaires, très

  5   concrètement. Et je dirais que c'était un homme qui suivait le courant

  6   plutôt que d'être à l'origine de quelque tactique que ce soit, à un niveau

  7   dirigeant. Et puis, c'était un homme qui était assez impatient. Si vous

  8   montriez que vous n'aviez pas envie de trop l'écouter, il vous tournait le

  9   dos et s'en allait. Si vous étiez attentif à son propos, il parlait; mais

 10   si ce n'était pas le cas, il quittait l'endroit et poursuivait sa route.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : -- avec lui, a-t-il évoqué le projet de Grande-

 12   Croatie, de restauration de la Banovina, d'épuration ethnique, et cetera ?

 13   A-t-il traité de tous ces sujets qui sont mentionnés dans l'acte

 14   d'accusation ?

 15   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, jamais je n'ai parlé avec

 16   lui à ce sujet. En fait, je ne sais pas à quel moment je devrais le

 17   rencontrer à nouveau, à moins de parler de la date du 14 novembre 1992,

 18   lorsque nous n'avons pas vraiment parlé de rien d'intelligent. Mais lui, il

 19   m'a fait part de quelques menaces de ce poste de commandement de Capljina.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, dernière question, et écoutez bien. Question

 21   importante concernant M. Naletilic, le Bataillon des Condamnés.

 22   D'après vous, lui et ses hommes, relevaient-ils d'une autre chaîne de

 23   commandement que la vôtre, à savoir d'un lien direct avec Mate Boban, et

 24   que donc vous, jusqu'au 24, voire 27 juillet 1993, vous n'aviez aucune

 25   autorité sur lui ? Ou bien, M. Naletilic et le Bataillon des Condamnés, en

 26   sa qualité d'unité professionnelle, relevaient de l'état-major du HVO,

 27   c'est-à-dire de vous ?

 28   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour ce qui est du

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  1   Bataillon des Condamnés, ce bataillon ne se trouvait sous le contrôle de

  2   qui que ce soit, c'est-à-dire Tuta ne pouvait respirer qui que ce soit pour

  3   se faire resubordonner, pour se faire contrôler par. La seule personne en

  4   laquelle lui avait confiance, avec qui il communiquait, c'était M. Boban.

  5   Lui et moi, nous nous sommes dit nos quatre vérités pratiquement, parce que

  6   nous nous sommes quittés le 14 novembre 1992 lorsque, étant donné que deux

  7   de ses soldats se sont fait tuer dans l'opération Tempête, Bura, avec un

  8   pistolet en poing, il est venu au poste de commandement pour proférer des

  9   menaces à mon égard avec forces jurons qui lui étaient propres à lui, qu'il

 10   allait me liquider et qu'il allait en finir avec les soldats de Tito. Grâce

 11   à l'intervention de M. Dzanko, qui était in situ, ça s'est apaisé. Lui a

 12   quitté les lieux. M. Boban en a été tout de suite alarmé, et lui, le même

 13   soir, s'était rendu au poste de commandement de Capljina et, d'après lui,

 14   Tuta et les hommes de Tuta étaient son problème à lui et que, dorénavant,

 15   Tuta n'aurait plus aucun contact avec qui que ce soit et que c'est

 16   exclusivement qu'il relevait de la compétence de M. Mate Boban. Et cette

 17   situation, pratiquement, demeurait comme telle.

 18   Pour ma part, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne me

 19   souviens pas, à commencer de cette date, le 14 novembre 1992, je ne me

 20   souviens donc pas, pour parler des ordres jusqu'au mois de juillet 1993,

 21   avoir, dans mes ordres, jamais fait mention de Bataillon des Condamnés, à

 22   la différence des autres unités, auxquelles unités je devais donner des

 23   ordres. Enfin, je ne voulais plus avoir quoi que ce soit avec les hommes de

 24   Tuta. Encore que je me dois de dire, en 1992 et en 1993, en partie, les

 25   hommes de Tuta étaient des soldats qui ne constituaient aucun problème, qui

 26   ne fabriquaient pas de problèmes, surtout à l'égard des Musulmans et dans

 27   les rapports avec les Musulmans, parce qu'il y avait pas mal de ces gens-

 28   là, de ces derniers parmi eux. Ils étaient capables de nous provoquer et de

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  1   faire des problèmes à nos hommes, à nous, aux Croates, dans tel ou tel

  2   endroit.

  3   Par conséquent, pour parler de Bataillon des Condamnés en tant que

  4   bataillon, je ne voudrais aucunement qu'on le noircisse pour dire que, dès

  5   le début, d'entrée de jeu, c'était un mauvais bataillon. C'était son chef

  6   qui était un mauvais type, et heureusement que cette unité ne devait pas

  7   s'activer trop. Et jusqu'en 1993, jusqu'en avril, vous ne pouvez rencontrer

  8   aucune donnée comme quoi l'unité de Tuta aurait fait des exactions

  9   quelconques, à moins de parler de telle ou telle rixe avec un de ses hommes

 10   avec un tel ou tel Croate dans un café restaurant à Ljubuski, et cetera.

 11   Or, à partir de ce temps-là, M. Tuta se trouve sous la protection de

 12   M. Boban. C'est ce dernier qui lui a réservé un poste, et la communication

 13   se déroulait depuis Tuta à M. Boban et vice-versa pour tout ce qu'il

 14   fallait faire et tout ce qui concernait le Bataillon des Condamnés. Et

 15   ainsi se passait la situation jusqu'à la fin des jours où je suis resté

 16   dans le secteur, c'est-à-dire dans ce secteur de Bosnie-Herzégovine.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, nous allons faire la pause. Après la

 18   pause, Général Petkovic, je vous poserai des questions sur le paragraphe

 19   17(4) de l'acte d'accusation. Je vous dirai ce qu'il y a, et vous me direz

 20   votre point de vue. Et puis après, j'espère qu'il y aura du temps, je

 21   commencerai par les vidéos et les documents. Voilà. Donc nous faisons une

 22   pause de 20 minutes.

 23   --- L'audience est suspendue à 17 heures 51.

 24   --- L'audience est reprise à 18 heures 11.

 25    M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 26   Je voudrais demander, avant de poser des questions au général Petkovic, à

 27   la Défense du général Petkovic, Maître Alaburic, la liste des pièces que

 28   j'ai prévues pour le second jour, si dans la liste, parce que je n'ai pas

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  1   pu faire moi-même ce travail, si dans la liste il y a des documents qui

  2   n'ont pas été admis, par exemple 4D01520 ? Pourriez-vous m'indiquer dans la

  3   liste quels sont les documents qui n'ont pas été admis de telle façon que

  4   lorsque je poserai des questions, j'évoquerai immédiatement la pertinence

  5   et la question de la valeur probante, pour ne pas me retrouver dans la

  6   situation d'avoir à faire une opinion dissidente avec 140 documents comme

  7   la dernière fois pour M. Praljak. Alors, je ne sais pas tous ces 4D et

  8   autres, y en a-t-il qui ne sont pas encore admis ?

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, je dois avouer que

 10   je n'ai pas regardé cette liste de ce point de vue-là, pour savoir où sont

 11   les pièces qui ne le sont pas, mais déjà demain, je voudrais peut-être vous

 12   présenter une liste de documents qui n'ont pas encore le statut de pièces à

 13   conviction. Nous ne voyons pas de problème qu'on s'en occupe, de tous ces

 14   documents, je vais vous présenter tous ces éléments de preuve.

 15   Mais puis-je poser une question : avons-nous le droit, en qualité de

 16   conseil de la Défense du général Petkovic, d'offrir quelque chose, un

 17   élément de preuve, qui n'a pas encore le statut de pièce à conviction ?

 18   Est-ce que, Monsieur le Juge Antonetti, les questions que vous posez

 19   peuvent servir de fin de mot pour qu'une requête soit faite par nous pour

 20   que ces documents soient admis pour être considérés comme une pièce à

 21   conviction dans le dossier ?

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Moi, la liste des documents, je l'ai établie en me

 23   référant à vos écritures lors de votre déclaration liminaire et à partir

 24   des documents qui ont été présentés en cours de route. Maintenant, moi, je

 25   n'ai pas vérifié si ces documents ont fait l'objet par cette Chambre d'une

 26   décision d'admission, puisque votre client témoigne, et vous ne demanderez

 27   l'admission qu'à la fin de son témoignage. C'est ça, la difficulté. Surtout

 28   lors de votre interrogatoire principal, vous lui avez présenté des

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  1   documents, et ces documents, ils ne sont pas admis encore, puisque la

  2   décision n'est pas intervenue. Donc si j'utilise un document que vous avez

  3   déjà présenté mais qui n'a pas été admis, je peux poser une question sur ce

  4   document qui n'a pas fait encore l'objet d'une décision d'admission,

  5   puisque vous l'avez utilisé déjà. Moi, je n'utilise que les documents que

  6   vous avez utilisés, mais dont je ne sais pas si ces documents ont

  7   antérieurement déjà été admis.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Monsieur le Président, la majeure partie de

  9   ces documents ont déjà le statut de pièce à conviction. Je le dis bien. Je

 10   ne peux pas le dire avec plus de précision. Je sais que pour certains

 11   documents, nous sommes en cours de prise de décision, mais demain, vous

 12   aurez la liste très précise pour ce qui est de toutes les données

 13   concernant le statut des documents.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi je pose cette question ? Parce que dans la

 15   décision d'admission lorsque le général Praljak a témoigné, il y a des

 16   documents qui avaient été présentés et qui, in fine, n'ont pas été admis.

 17   Si j'avais su que ç'aurait été la décision majoritaire, à ce moment-là,

 18   j'aurai posé des questions sur la pertinence, la fiabilité et la valeur

 19   probante. Mais comme pour moi, ça ne posait aucun problème, je n'avais pas

 20   posé ces questions. Alors, pour éviter de me retrouver dans cette

 21   situation, si un document n'est pas admis, à ce moment-là, je préfère que

 22   le témoin me dise pourquoi il est pertinent, pourquoi il peut avoir un

 23   intérêt, et cetera. Voilà, c'est pour cela que je voulais faire auprès de

 24   vous cette vérification, mais je peux demander à ma stagiaire de façon ce

 25   travail.

 26   Bien. Alors, Général Petkovic, on va terminer par l'acte d'accusation.

 27   Comme je vous ai indiqué, j'allais vous interroger sur les paragraphes qui

 28   vous concernent. Je l'ai fait exactement pour le général Praljak, je lis la

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  1   partie de l'acte d'accusation et vous donnez votre point de vue, moi je ne

  2   fais pas de commentaire en la matière.

  3   Alors, au paragraphe 17(4), le Procureur dit que vous avez participé

  4   à l'entreprise criminelle comme suit. Alors A : En sa qualité de chef

  5   militaire de haut rang, vous avez dirigé et commandé de jure ou de facto

  6   les forces armées de l'Herceg-Bosna/du HVO :

  7   "Alors qu'il était chef de l'état-major principal du HVO, il

  8   dirigeait et administrait les forces armées du HVO et était responsable des

  9   activités et actions que ces forces ont mené en vue de la réalisation de

 10   l'entreprise criminelle commune et qui sont en rapport avec les crimes

 11   alléguées. En sa qualité de commandant en chef adjoint, il a également joué

 12   un rôle prépondérant dans le commandement des forces armées de l'Herceg-

 13   Bosna du HVO pendant la période durant laquelle Slobodan Praljak était

 14   commandant de l'état-major principal du HVO."

 15   Voilà, alors qu'est-ce que vous dites de cela ?

 16   R.  Monsieur le Président, je rejette cette allégation d'après laquelle

 17   j'ai pris part à une entreprise criminelle ainsi que ceci fut allégué par

 18   le bureau du Procureur. Je ne dis pas que je n'ai pas été à la tête du HVO

 19   ou que j'ai donné des ordres, que je commandais dans des domaines qui

 20   relevaient de ma compétence, notamment dans le domaine du département de la

 21   Défense du HVO. Au temps où il y avait le général Praljak à l'état-major

 22   général, moi je devais répondre à mon commandant. Je ne vois pas de raisons

 23   pour lesquelles je devrais me mettre au-dessus de mon commandant. Je ne

 24   sais pas comment le bureau du Procureur lui conclut que j'ai été un haut

 25   adjoint, là ça n'existe pas. Il y a un adjoint sans plus, dans toutes les

 26   armées du monde, il est également réglementé ce qu'il convient de faire

 27   lorsqu'on est adjoint.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Et voilà ce que le Procureur dit :

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  1   "Milijov Petkovic a participé à des réunions de haut niveau des

  2   forces armées du HVO et des dirigeants de l'Herceg-Bosna du HVO auxquelles

  3   assistaient également des dirigeants de la République de Croatie concernant

  4   les objectifs, programmes politiques, opérations et stratégies des

  5   dirigeants de l'Herceg-Bosna et du HVO, dans le cadre de la mise en place

  6   d'un contrôle croate sur les territoires formant selon eux l'Herceg-Bosna

  7   et en vue de réaliser les buts et objectifs de l'entreprise criminelle

  8   commune."

  9   Alors, que dites-vous ?

 10   R.  Monsieur le Président, Monsieur le Juge Antonetti, je pense qu'il

 11   a été fort évident pour savoir à combien de réunions du gouvernement je me

 12   suis rendu et à une seule réunion de la présidence d'Herceg-Bosna, on peut

 13   y voir très clairement ce dont je pouvais parler et ce que j'avais fait. La

 14   question qui se pose pour moi c'était qu'à ce moment-là je devais informer,

 15   saisir le gouvernement de tout ce qui se passait concrètement sur la plan

 16   militaire dans ce secteur, c'est ce que j'ai fait dans toutes ces

 17   différentes réunions, pour parler de politique, pour parler d'autres

 18   aspects quelconques qui figurent dans le cadre de ce point, de cet alinéa,

 19   et ce qui m'a été reproché, il en avait guère évidemment parole.

 20   A la majeure partie de ces réunions avec des responsables où je

 21   m'étais rendu à côté des responsables de la République de Croatie, j'étais

 22   en général à des réunions qui ont été convoquées par la communauté

 23   internationale et qui ont été déterminées par la communauté internationale.

 24   S'il faut date par date parler de tout cela, je dois dire que

 25   seulement le 5 novembre 1993 je me suis rendu à une réunion de Split où il

 26   y avait également les dirigeants, les gens de la direction de Croatie où

 27   j'étais venu avec un groupe de gens d'Herceg-Bosna, le sujet principal

 28   était les événements très concrets dans le secteur de Vares, c'est-à-dire

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  1   la Bosnie centrale. C'est ce dont je parlais, je ne parlais de rien

  2   d'autre. Je ne me souviens absolument pas et rien n'indique qu'on devrait

  3   dire qu'il y avait une autre réunion au sommet de la République de Croatie

  4   où je me serais rendu. Or, pour parler des réunions de la communauté

  5   internationale où se rendaient les représentants de la République de

  6   Croatie, tout cela a été fort bien enregistré, très évident, et on voit

  7   très bien ce de quoi il a été parlé, voilà.

  8   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, je dois demander que l'on

  9   fasse une correction au compte rendu d'audience page 65, ligne 24, du

 10   compte rendu d'audience. Lorsque le général Petkovic parlant de réunions du

 11   gouvernement, il a dit qu'il n'y avait pas eu parole de politique à de

 12   telle réunion, mais comme nous lisons ici ce qui a été consigné dans le

 13   compte rendu d'audience, il s'avère que le général Petkovic aurait dit que

 14   lui n'a guère parlé de politique. C'est au général de dire si je suis dans

 15   mon droit ou pas.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Messieurs les Juges, il y a toujours un ordre

 17   du jour pour chacune de ces réunions. Je ne me suis rendu à aucune réunion

 18   où l'on traitait de politique. Moi je venais seulement à des réunions, et

 19   je rentrais seulement au moment où il y avait à l'ordre du jour le point où

 20   je devais intervenir à titre informatif et après quoi, je quittais la

 21   réunion pour remercier tout le monde, voilà. Par conséquent, il y avait

 22   seulement lieu de parler de moi lorsqu'il y avait à l'ordre du jour le

 23   point où on devait traiter des informations concernant les événements dans

 24   tel ou tel secteur sur le champ de bataille, après quoi, je quittais la

 25   réunion et au nom évidemment du HVO.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 27   "Milijov Petkovic a ordonné, dirigé, facilité et appuyé la domination

 28   exercée par l'Herceg-Bosna, le HVO, sur les Musulmans de Bosnie et à la

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  1   perpétration de crimes contre eux sur le territoire revendiqué comme

  2   constituant l'Herceg-Bosna et y a participé en émettant des ordres,

  3   consignes, directives, instructions, et en lançant des ultimatums tels que

  4   les ultimatums auxquels il a participé et apporté son concours en janvier

  5   1993 et en avril 1993, exigeant la subordination des troupes de l'ABiH au

  6   commandement du HVO."

  7   Alors, Général Petkovic, qu'est-ce que vous dites ?

  8   R.  Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai rédigé un ordre le 15

  9   janvier comme quoi il y avait des recommandations venues de Zagreb via le

 10   général Praljak à une réunion conjointe avec des représentants de Bosnie-

 11   Herzégovine comme ceci a été dit. L'ordre a été émis par moi sur la base

 12   d'une décision antérieure des autorités, c'est-à-dire du représentant du

 13   département de la Défense, et à mieux lire cet ordre, on doit dire que ce

 14   n'est pas un ultimatum, c'est plutôt une invitation à une conversation.

 15   Celui qui avait une conversation ne pose pas d'ultimatum. Je crois qu'après

 16   avoir des conversations, on peut voir à qui on adresse un ultimatum.

 17   Dans le cadre du point 4, c'est d'abord à l'adresse du HVO qu'un ultimatum

 18   a été posé, donc ceci ne fut pas un ultimatum posé à l'ABiH. Au moment où

 19   nous avons appris que l'ABiH n'acceptait pas les méthodes retenues, en date

 20   du 19, une décision a été prise que tout devait être classé, et que

 21   lorsqu'on parlait d'ordres émis par l'ABiH, général Halilovic, il y avait

 22   le général Pasalic.

 23   En avril 1993, aucun ultimatum n'a été posé à l'ABiH. Aucune

 24   conclusion n'a été retenue qui aurait tenu lieu d'ultimatum. Par

 25   conséquent, il n'y a eu aucun document issu du département de la Défense

 26   suite à une réunion d'Herceg-Bosna qui aurait pu être évidemment envoyé.

 27   Par conséquent, moi, en ma qualité de chef d'état-major, je n'ai pas été

 28   convoqué à cette réunion au début du mois d'avril 1993. Toutes les

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  1   écritures n'étaient que tout simplement une manipulation pour parler de

  2   resubordination. Au nom du HVO, aucun ordre n'a été donné à ce titre-là. Et

  3   je m'en tiens à ce que j'ai dit, aucun ordre n'a été émis, il n'y a eu

  4   aucune base pour qu'un tel ordre soit rédigé ou émis.

  5   Mme ALABURIC : [interprétation] Juste une petite correction du compte rendu

  6   d'audience. Page 77, ligne 19, nous pouvons lire : "command" alors que le

  7   général parlait de réunion conjointe avec des représentants de Bosnie-

  8   Herzégovine. Au lieu, tout simplement, de "commandement," il faut mettre

  9   "meeting".

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, écoutez bien le (d), parce qu'on va aller

 11   jusqu'à (o). Il y a des affirmations qui sont plus ou moins importantes.

 12   Mais écoutez bien la (d). Je vais la lire lentement :

 13   "Milivoj Petkovic a participé à l'entreprise criminelle commune et à la

 14   perpétration des crimes allégués dans le présent acte d'accusation et les a

 15   facilités et appuyés en planifiant, approuvant, préparant, appuyant,

 16   ordonnant et/ou dirigeant les opérations et actions militaires au cours et

 17   dans le cadre desquelles ces crimes ont été perpétrés."

 18   Voilà, je vous ai lu lentement ce paragraphe (d). Que dites-vous ?

 19   R.  Messieurs les Juges, il serait bon que le Procureur ait cité très

 20   clairement les opérations militaires concernées, la date à laquelle elles

 21   ont commencé, la date à laquelle elles se sont terminées et de quelle

 22   manière elles se sont déroulées. Le HVO n'a mené aucune opération militaire

 23   contre les membres de l'ABiH au sens militaire du terme. Le HVO s'est

 24   opposé à l'ABiH en plusieurs lieux, depuis la Bosnie centrale jusque la

 25   vallée de la Neretva en descendant vers le sud, mais ces opérations n'ont

 26   jamais été lancées par le HVO. Quant aux missions défensives relatives à

 27   cela, j'ai émis des ordres et j'ai informé mes supérieurs, comme c'était

 28   mon devoir de le faire.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : (e) :

  2   "Milivoj Petkovic a mobilisé les ressources militaires, logistiques et

  3   humaines nécessaires à la réalisation des objectifs politiques et

  4   militaires des --"

  5   Ah, je recommence. Je recommence. (e) :

  6   "Milivoj Petkovic a mobilisé les ressources militaires, logistiques et

  7   humaines nécessaires à la réalisation des objectifs politiques et

  8   militaires des dirigeants de l'Herceg-Bosna du HVO, notamment le soutien

  9   militaire, logistique et humain apporté par le ministère de la Défense et

 10   les forces armées de la République de Croatie."

 11   Alors, Général Petkovic, que dites-vous ?

 12   R.  Messieurs les Juges, je n'ai pas bien compris ce qui est dit ici au

 13   sujet du ministère de la Défense et des forces armées de la République de

 14   Croatie. Ce sont les mots que j'ai entendus de la bouche des interprètes.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans ce paragraphe (e), vous auriez mobilisé les

 16   ressources militaires, logistiques et humaines, et notamment le soutien

 17   militaire, logistique et humain qui a été apporté par la République de

 18   Croatie.

 19   R.  Monsieur le Juge Antonetti, la mobilisation humaine et la mobilisation

 20   des moyens matériels fait partie intégrante du combat mené par les armées

 21   de tous les pays du monde. J'avais des devoirs vis-à-vis de l'état-major

 22   principal et j'ai traduit ces devoirs dans le sens d'un renforcement de la

 23   défense du peuple croate ainsi que des territoires croates habités par des

 24   Croates, et je l'ai fait dans le cadre d'attaques et d'affrontements avec

 25   les forces de l'armée serbe dans un premier temps et dans le cadre

 26   d'attaques dues aux membres de l'ABiH dans un deuxième temps. Je ne pouvais

 27   pas mobiliser des unités de la République de Croatie, pas plus que les

 28   faire venir.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : (f) :

  2   "Milivoj Petkovic a participé aux opérations financières des forces armées

  3   du HVO et les a facilitées, notamment pour ce qui est du budget, des états

  4   de paie et des dépenses des forces armées du HVO."

  5   Que dites-vous ?

  6   R.  Messieurs les Juges, sur tout ce qui est écrit là, vous avez deux

  7   documents à votre disposition qui vous prouveront quand j'ai signé une

  8   feuille de paie. Je suppose qu'ici, au bureau du Procureur ou dans les

  9   autres structures du Tribunal, quelqu'un signe les feuilles de paie. Donc

 10   s'agissant de la mobilisation des moyens financiers ou de quelque autre

 11   moyen que ce soit, ce ne sont pas des responsabilités de l'état-major

 12   principal. J'avais le droit de confirmer, par ma signature, que pendant le

 13   mois en question, 20 ou 30 hommes avaient été employés. C'était une

 14   obligation légale qui pesait sur moi, et rien d'autre n'a été fait que

 15   cela.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : (g) :

 17   "Milivoj Petkovic a participé à la saisie de biens meubles et immeubles et

 18   à leur transfert de propriété aux forces de l'Herceg-Bosna du HVO."

 19   Que dites-vous ?

 20   R.  Je peux vous dire que Milivoj Petkovic n'a pas participé à la saisie de

 21   quelque bien que ce soit et n'a pas non plus effectué un transfert de

 22   propriété de ces biens vers le HVO. Milivoj Petkovic avait le droit de se

 23   comporter vis-à-vis des biens appartenant à la VRS ou à l'ABiH comme se

 24   comporte n'importe quelle armée du monde, c'est-à-dire qu'il avait le droit

 25   de proclamer que cet équipement lui appartenait dès lors qu'il s'agissait

 26   d'équipement militaire, et uniquement dans ce cas.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : (h) :

 28   "Milivoj Petkovic a participé à l'entreprise criminelle commune et à la

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  1   perpétration des crimes allégués dans le présent acte d'accusation et les a

  2   facilités, appuyés et encouragés en planifiant, approuvant, préparant,

  3   appuyant, ordonnant et/ou dirigeant des opérations et actions militaires au

  4   cours et dans le cadre desquelles le patrimoine culturel et religieux, tel

  5   que les mosquées, a été détruit, et les biens privés des Musulmans de

  6   Bosnie pillés, brûlés ou détruits sans aucune justification ou nécessité

  7   militaire, et en s'abstenant d'empêcher ou de punir ces destructions et

  8   pillages ou de mettre fin ou remédier à ceci."

  9   R.  Messieurs les Juges, je ne conteste pas qu'il y ait eu destruction de

 10   certains bâtiments et même de certains biens suite aux combats et à la

 11   guerre. Il y a même eu parfois destruction complète. Mais Milivoj Petkovic

 12   n'a appuyé en rien ce genre de comportement. Par ses ordres, Milivoj

 13   Petkovic a mis en garde et a demandé à ses subordonnés directs de se

 14   comporter vis-à-vis des biens et des personnes dans le respect des

 15   règlements qui sont respectés par la communauté internationale, et par le

 16   droit international aussi.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : (i) :

 18   "Milivoj Petkovic a contribué à un système de mauvais traitement en le

 19   contrôlant, le dirigeant, le facilitant, lui apportant son concours et/où y

 20   participant. Ce système comprenait un réseau de prisons, de camps de

 21   concentration et d'autres centres de détention utilisés pour arrêter,

 22   détenir et emprisonner des milliers de Musulmans de Bosnie dans des

 23   conditions illégales et pénibles, où ils étaient tués, maltraités, battus

 24   et brutalisés. Milivoj Petkovic a notamment ordonné et dirigé les

 25   arrestations généralisées et systématiques de Musulmans de Bosnie pendant

 26   l'été 1993."

 27   Alors que dites-vous sur ce rôle qui vous est attribué ?

 28   R.  Monsieur le Juge, Milivoj Petkovic et l'état-major principal n'ont

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  1   dirigé aucun lieu dans lequel se trouvait des détenus, des personnes

  2   arrêtées ou des personnes musulmanes installées d'une façon ou d'une autre

  3   en ces lieux. Milivoj Petkovic, en se fondant sur son droit de commandant,

  4   dès lors que la sécurité de ses unités et des localités placées sous son

  5   contrôle était compromise, a agi dans le respect des règles générales de

  6   l'organisation militaire de quelque pays que ce soit, et il avait le droit

  7   de désarmer les membres de son armée. Il avait le droit de désarmer les

  8   membres de l'armée ennemie qui se trouvaient sur ce territoire. Mais par

  9   ses ordres, Milivoj Petkovic a ordonné que les civils, les femmes, les

 10   enfants, les vieillards et les handicapés ne courent pas le moindre danger,

 11   que rien de mauvais ne leur soit fait.

 12   L'INTERPRÈTE : Micro, Monsieur le Président, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi. Je reprends. (j) :

 14   "Milivoj Petkovic a contrôlé, autorisé, facilité, toléré et permis des

 15   actes par lesquels des détenus musulmans de Bosnie ont été astreints à des

 16   activités de travail forcé illégales au cours desquelles nombre d'entre eux

 17   ont été tués ou blessés et a donné des instructions spécifiques concernant

 18   cette utilisation des détenus musulmans de Bosnie."

 19   Bien, il s'agit donc d'un paragraphe consacré au travail forcé que le

 20   Procureur avait évoqué la semaine dernière. Alors que dites-vous ?

 21   R.  Messieurs les Juges, Milivoj Petkovic a émis des ordres de cette

 22   nature, mais par ces ordres, il ordonnait que les travaux soient confiés

 23   aux unités du génie et que les hommes qui pouvaient être utilisés à cette

 24   fin soient utilisés pour aider les populations à quelques kilomètres des

 25   lignes. Donc mes ordres consistaient à dire qu'il fallait "mettre au

 26   travail les unités du génie," et je suppose que chacun d'entre nous sait

 27   que lorsqu'une unité du génie travaille, c'est un soldat qui travaille et

 28   qu'il n'a pas besoin de 100 soldats autour de lui. Tous les soldats étaient

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  1   en sécurité et totalement protégés. Milivoj Petkovic a émis des ordres, ça

  2   c'est connu, je ne le nie pas. Mais en raison de mes ordres, la vie, ne

  3   serait-ce que d'un seul soldat, n'a pas été mise en danger. Pas un seul

  4   soldat n'est mort en raison de mes ordres, parce qu'ils ne se trouvaient

  5   pas à l'endroit où l'on creusait des tranchées. Les soldats étaient

  6   protégés par des fortins ou se trouvaient dans des endroits où il y avait

  7   des entrepôts qui ensuite étaient vidés à l'aide d'un camion allant dans

  8   d'autres endroits.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : A partir des documents que je vous présenterai - je

 10   ne vais pas m'attarder sur cette question, mais vous vous rappelez, on a vu

 11   des documents, on a entendu des victimes - vous dites que vous avez ordonné

 12   des travaux de génie éloignés, semble-t-il, de la ligne de front. Et quand

 13   les soldats de l'ABiH, si j'interprète vos propos - si je me trompe,

 14   n'hésitez pas à dire que j'ai fait une erreur - étaient placés dans des

 15   conditions à proximité des lignes de front, vous les avez, à ce moment-là,

 16   mis dans des fortins de telle façon qu'ils soient protégés. Voilà ce que

 17   vous venez de dire. Alors comment expliquer, Général Petkovic, que quelques

 18   détenus nous ont dit qu'ils avaient été mis sur la ligne de front, exposés

 19   aux tirs de l'ABiH ? Et je cite de mémoire parce que je n'ai pas les cas

 20   bien présents dans mon esprit, parce que je ne pensais pas vous poser des

 21   questions approfondies, on a eu des éléments de preuve où des personnes ont

 22   été tuées alors même qu'elles avaient quitté la prison. Alors comment vous

 23   expliquez cela ?

 24   R.  Monsieur le Juge Antonetti, je suis en train de parler d'ordres

 25   concrets qui portent ma signature et de l'époque où ça s'est produit

 26   concrètement et des données qui y figurent disant que ce sont des engins du

 27   génie qu'on utiliserait et que les effectifs, les hommes seraient à 3,

 28   voire 5, voire même plus de kilomètres plus loin pour procéder à une

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  1   prestation de services sans se trouver à la première ligne de front. Et

  2   j'affirme que dans mes ordres du 15, du 20, du 8, personne n'a péri parmi

  3   les soldats qui ont été envoyés là-bas. D'autre part, on se penchera sur

  4   les ordres où il est dit que des ordres à moi, du moins, ceux du 15,

  5   n'auraient pas été exécutés.

  6   Je ne suis pas celui qui est responsable pour ce qui est des ordres

  7   donnés à partir du début jusqu'à la fin de la guerre. Chaque période a des

  8   responsables concernés qui étaient en train d'occuper des postes de

  9   commandement, et je maintiens tous les ordres que j'ai donnés et je suis

 10   disposé à défendre mes positions devant les Juges de cette Chambre.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour la période où vous étiez commandant de l'état-

 12   major, donc disons jusqu'au 24 juillet 1993, voire au 27, est-ce que vous

 13   estimez que lorsqu'un prisonnier quitte la prison à partir d'un ordre qui

 14   n'émane pas de vous, mais que celui qui prend l'ordre relève de votre

 15   chaîne de commandement, est-ce que vous estimez que dans le cas d'espèce,

 16   vous n'êtes pas responsable ?

 17   R.  Messieurs les Juges, dans mon ordre daté du 20, il est dit que le délai

 18   final est celui du 22. A partir de cette date-là et au-delà, sans mon

 19   ordre, personne ne pouvait prendre quelque soldat que ce soit. Toute

 20   personne qui se comporterait autrement était en train de se comporter de

 21   façon illégale, et je peux vous montrer tous les ordres que j'ai donnés

 22   pendant que j'étais chef d'état-major. Je peux procéder à l'analyse de

 23   chaque cas concret et dire : ça, ça s'est produit; ça, ça ne s'est pas

 24   produit. Or, il va sans dire pour ce qui est des ordres que j'ai donnés le

 25   8, on verra les dates au concret. J'espère qu'on vous les montrera ici. Et

 26   je voudrais que nous comparions ce qui s'est produit à ces moments-là.

 27   J'affirme devant vous ici que de telles souffrances ne se sont pas

 28   produites du fait de mes ordres, et je ne pense pas qu'il y ait eu des

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  1   ordres de ma part donnant le droit à quelqu'un de faire ce que bon lui

  2   semblait. Chaque ordre était délimité dans le temps.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Général Petkovic, vous dites -- si je fais la

  4   moindre erreur, n'hésitez pas, parce que c'est important et il ne faut pas

  5   qu'il y ait d'ambiguïté. Vous dites que vous assumez la responsabilité des

  6   ordres que vous avez donnés avec votre signature, mais que concernant les

  7   autres ordres qui n'émanent pas de vous, je devrais en tirer la conclusion

  8   qu'ils ont été pris dans votre dos, sans que vous le sachiez ? C'est ça que

  9   vous nous dites ?

 10   R.  Messieurs les Juges, oui. Dans ce procès, il y a des documents concrets

 11   avec des périodes concrètes de validité. Pendant que j'étais à la tête de

 12   l'état-major principal, je veux bien parler de chaque cas concret -- je

 13   veux parler de chaque cas concret survenu même après où il y aurait ma

 14   signature. En dehors de cela, je n'accepte pas la responsabilité qui en

 15   découlerait parce que je n'ai pas donné d'ordre, je n'ai pas demandé à ce

 16   que telle ou telle autre chose soit faite.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Pour bien comprendre ce que vous dites, je vais

 18   prendre un cas étranger à vous.

 19   Imaginons que dans une prison en Iraq, le commandant des forces américaines

 20   - prenons l'exemple américain - ne donne pas d'ordres. Pour lui, les

 21   prisonniers sont en prison dans le cadre de la loi. Et voilà qu'un

 22   commandant militaire quelconque prend des prisonniers pour aller faire des

 23   travaux, n'importe quoi. Dans ce cas américain, vous diriez que le

 24   commandant des forces armées américaines n'est pas responsable ?

 25   R.  Le commandant des forces armées américaines peut ne pas être au courant

 26   de ce qui se passe. Il faut donc voir qui est-ce qui a approuvé la chose.

 27   Moi, je répète ici que la partie des soldats qui faisait partie des

 28   rangs du HVO, indépendamment du fait d'être en détention, était utilisée

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  1   comme les autres soldats là-bas, et j'affirme devant cette Chambre que

  2   j'accepterais tout ordre que j'aurais donné. Je veux bien que nous

  3   analysions chacun de mes ordres, que nous comparions avec les incidents

  4   survenus pour déterminer quelle est ma responsabilité et quelle n'est pas

  5   ma responsabilité. Moi, je ne vais pas fuir mes responsabilités.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Bien, vous êtes précis. Donc, je vais passer

  7   maintenant au point suivant, qui est le (k) :

  8   "Milivoj Petkovic a apporté son concours et participé à un système de

  9   mauvais traitement et a facilité ce système conçu et réalisé pour chasser,

 10   expulser ou transférer de force de nombreux Musulmans de Bosnie en les

 11   expulsant de la Bosnie-Herzégovine vers d'autres pays ou en les transférant

 12   dans des régions de Bosnie-Herzégovine non revendiquées ou non contrôlées

 13   par les forces de l'Herceg-Bosna ou du HVO, notamment le transfert des

 14   civils musulmans de Bosnie de la région de Sovici-Doljani en mai 1993 et

 15   l'expulsion de Musulmans de la municipalité de Prozor en juillet 1993."

 16   Avez-vous bien compris ? Sinon, je peux vous faire un commentaire. Donc,

 17   que dites-vous ?

 18   R.  Messieurs les Juges, je veux bien que chaque chef d'Accusation soit

 19   pris en considération par date et lieu et soit placé dans le contexte des

 20   ordres donnés et des responsabilités, Sovici, Doljani et autres. Parce que

 21   les déplacements des Musulmans étaient réclamés pour des gens du cru, des

 22   commandants du cru, à l'occasion de réunions avec moi en présence

 23   d'observateurs étrangers. Par conséquent, ce n'est pas Petkovic qui a

 24   décidé que l'on fasse de la sorte. Petkovic a bien voulu répondre aux

 25   requêtes présentées par les commandants de l'ABiH et des responsables dans

 26   la filière de commandement qui avaient pour charge ces territoires-là.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour bien que ce soit clair, pour l'exemple

 28   de Sovici-Doljani, vous dites que les Musulmans qui ont quitté les lieux

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  1   ont quitté ces lieux parce qu'il y avait eu une demande de l'ABiH, et ce,

  2   en présence de la communauté internationale, et c'est pour cela que vous

  3   avez fait en sorte qu'ils partent. C'est parce qu'on vous l'a demandé et

  4   parce que ça a été approuvé par la communauté internationale ? C'est bien

  5   ce que vous nous dites ?

  6   R.  Messieurs les Juges, dans les documents que nous avons pu voir et qui

  7   proviennent de l'ABiH nous disent que l'évacuation des ressortissants du

  8   groupe ethnique musulman se passe partant des négociations entre Petkovic

  9   et Halilovic. Or, moi, pour ce qui est de l'école, j'ai promis qu'à 4

 10   heures, tout le monde partirait. Mais les membres de l'armija ont demandé à

 11   ce que les gens soient déplacés depuis Sovici et Doljani vers des

 12   territoires placés sous le contrôle de l'ABiH, pour être concret,

 13   Jablanica. Et dans leurs documents et leurs requêtes, c'est ce qui est

 14   évoqué. Par conséquent, les requêtes formulées par l'ABiH disent que c'est

 15   suite à leur demande que j'ai fait une prestation de service, ce n'était

 16   pas ma volonté à moi que de faire partir ces gens depuis ces territoires.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Comme il est l'heure de terminer, demain,

 18   Général Petkovic, je terminerai les quatre derniers paragraphes, le (l), le

 19   (m), le (n), et le (o), et je ferai comme je viens de faire, je vous lis et

 20   vous me direz votre position. Après quoi, j'entamerai les documents et

 21   vidéos et je regarderai donc tous les éléments P qui ont été eux admis,

 22   tous ont été admis. Voilà, et puis une fois qu'on aura terminé cela, je

 23   passerai aux pièces que votre avocate a présenté déjà, tout ça par ordre

 24   chronologique en partant du plus ancien vers le plus récent.

 25   Voilà, donc reposez-vous bien jusqu'à demain. Comme vous le savez, la

 26   nuit va être courte puisque nous nous retrouverons tous demain à 9 heures.

 27   Maître Karnavas.

 28   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, ou plutôt devrais-je dire bonsoir,

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  1   Messieurs les Juges. 

  2   Pour ce qui est de l'agencement des choses, je crois que je serai le

  3   premier à contre-interroger, et si j'ai bien compris, nous avons deux jours

  4   à notre disposition, je m'en tiendrai, mais puis-je être certain que je ne

  5   vais pas commencer dès demain ?

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous ne commencerez pas dès demain, non.

  7   Rassurez-vous.

  8   M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien. Une autre question encore. Je

  9   voudrais d'abord dire que je suis reconnaissant aux Juges de la Chambre de

 10   nous avoir accordé deux journées de congé en avril. J'ai voulu demander aux

 11   Juges de la Chambre de se pencher sur l'éventualité de la date du 1er avril

 12   qui est un jeudi et que ce soit une journée "off". Je vais vous expliquer

 13   très brièvement.

 14   Dans la religion orthodoxe, il s'agit d'une fête religieuse très

 15   importante. Je ne sais pas pour ce qu'il en est du côté catholique, mais

 16   toujours est-il que les orthodoxes vont le soir à l'église et c'est toute

 17   une cérémonie et moi je dois aller en Grèce. J'aimerais donc pouvoir

 18   disposer de cette journée et je vous en serais très reconnaissant. Donc

 19   jeudi, vendredi, samedi et dimanche. C'est l'une des rares fêtes où nous

 20   allons tous les jours à l'église.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez très bien partir le jeudi puisque votre

 22   co-conseil est présent, ça ne pose aucun problème.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] Fort bien, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors je vous souhaite à tous une bonne fin de

 25   soirée et donc nous nous retrouverons demain à 9 heures.

 26   [L'accusé quitte la barre]

 27   --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le mardi 23 février

 28   2010, à 9 heures 00.