Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 31 mars 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Les accusés Praljak et Pusic sont absents]

  5   [Le témoin vient à la barre]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 10   les Juges. Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire.

 11   Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts.

 12   Merci, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 14   En ce mercredi 31 mars 2010, je salue, en premier, M. le Témoin, je salue

 15   MM. les accusés, y compris ceux qui ne sont pas là pour diverses raisons.

 16   Je salue également Mmes et MM. les avocats, je salue tous les membres du

 17   bureau du Procureur, et particulièrement Mme West, qui va mener le contre-

 18   interrogatoire dans quelques instants, et je salue également toutes les

 19   personnes qui nous assistent.

 20   Je crois que M. le Greffier a une décision concernant la liste IC.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous

 22   remercie.

 23   La 4D a remis sa réponse aux objections de la Défense et de l'Accusation

 24   aux documents par le truchement du Témoin Milivoj Petkovic. Cette liste

 25   aura le numéro IC 01229. Merci, Messieurs les Juges.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : La Chambre voulait également indiquer à la Défense

 27   du général Praljak que la Chambre a délibéré sur les demandes relatives aux

 28   certificats d'appel. La décision de la Chambre va être enregistrée

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  1   aujourd'hui ou demain, mais la Chambre a délibéré, et partant de là,

  2   n'accepte plus aucune demande de réplique quelconque.

  3   Bien. Alors, partant de là, je voulais interroger Me Ibrisimovic pour

  4   savoir s'il a des questions à poser.

  5   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

  6   Non, je n'ai pas de questions.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître.

  8   Madame West, je vous cède la parole.

  9   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, et bonjour à

 10   vous, Messieurs les Juges, et toutes les personnes présentes dans le

 11   prétoire.

 12   LE TÉMOIN : ZVONKO VIDOVIC [Reprise]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   Contre-interrogatoire par Mme West :

 15   Q.  [interprétation] Bonjour à vous, Monsieur Vidovic. Je m'appelle Kim

 16   West. Je travaille pour le bureau du Procureur et je vais vous poser

 17   quelques questions ce matin. Est-ce que vous m'entendez ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Monsieur Vidovic, hier, vous avez dit aux Juges de la Chambre que votre

 20   promotion au mois de novembre 1993 avait été proposée par M. Coric, et nous

 21   avons vu un document à cet effet. Est-ce que vous avez jamais réellement

 22   reçu cette promotion ?

 23   R.  Je n'ai pas été promu. Ce document que nous avons vu hier était une

 24   simple proposition, et il a été émis à peu près au même moment où M. Coric

 25   a obtenu son poste dans la police civile. Puisqu'à ce moment-là, j'étais

 26   déjà parti pour Zagreb avec son autorisation pour suivre une formation à

 27   l'université, à la faculté de Criminologie de Zagreb, où moi-même et l'un

 28   de mes collègues qui faisait partie du même service que moi avons suivi un

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  1   stage de formation portant sur la criminalité, la tactique, les méthodes,

  2   les technologies et les techniques utilisées dans la lutte contre la

  3   criminalité. Donc très peu de temps après mon départ pour Zagreb, afin de

  4   suivre ce stage de formation professionnelle, il y a eu des modifications,

  5   des changements de personnel dans toute la direction de la police militaire

  6   et, par conséquent, cette proposition n'a finalement pas pris effet. Cela

  7   n'a pas été mon cas uniquement, mais celui de bien d'autres personnes dont

  8   les noms figuraient sur la liste. Donc en réalité, une fois qu'après cela,

  9   je ne suis pas revenu au département de Recherche et d'Enquête sur le

 10   crime.

 11   Q.  [aucune interprétation] 

 12   R.  A peu près.

 13   Q.  Donc jusqu'au moment où cette proposition a été fait au mois de

 14   novembre 1993, où se trouvait votre bureau ?

 15   R.  Jusqu'au moment où je suis parti pour Ljubuski, j'ai travaillé tout le

 16   temps dans les bureaux de Mostar, dans le centre de Mostar. D'abord, dans

 17   le bâtiment de la faculté de Médecine, qui au début de la guerre s'est

 18   trouvée en première ligne du front, et ensuite au premier étage de la

 19   faculté de Génie mécanique.

 20   Q.  Monsieur, je vais vous montrer une carte qui va être affichée à

 21   l'écran. Nous allons regarder le système Sanction.

 22   Mme WEST : [interprétation] C'est le P 11236.

 23   Q.  Est-ce que vous voyez cela, maintenant ? Pas encore. Bien.

 24   Il s'agit d'une carte que connaissent les Juges de la Chambre et que

 25   d'aucuns connaissent parce que nous l'avons déjà vue auparavant. Mais la

 26   Chambre de première instance s'est servie de cette carte lorsqu'elle a

 27   visité la région. C'est le numéro 11236.

 28   Monsieur Vidovic, concentrons-nous particulièrement sur le mois de mai

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  1   1993. Où se trouvait votre bureau ?

  2   R.  A ce moment-là, le bureau vers lequel je travaillais se trouvait dans

  3   la faculté de Mécanique. Est-ce qu'il faut que je montre l'endroit sur la

  4   carte ?

  5   Q.  Ce serait le numéro 14, sur cette carte ? C'est une bonne façon

  6   d'identifier cet endroit ?

  7   R.  Les numéros que je vois sur l'écran sont vraiment très petits. C'est

  8   au-dessus de l'endroit où on lit le mot, "Strelcevina" [phon].

  9   Q.  Pourriez-vous me dire si c'est le numéro 14 ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Donc, le numéro -- Bien. Est-ce que vous voyez le stade ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Est-ce le numéro 16 qui se trouve au-dessus du numéro 14 ?

 14   R.  Bien oui.

 15   Q.  Est-ce que vous voyez le bâtiment à Vranica ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Est-ce le numéro 13 ? Cela semble se situer un petit peu en dessous.

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Est-ce que vous conviendrez avec moi que ces emplacements, le stade et

 20   le bâtiment à Vranica se trouvaient près de votre bureau ?

 21   R.  Oui. On peut dire que la distance n'est pas grande. Vranica à 200, 250

 22   mètres, et le stade à 100 mètres à peu près du bâtiment où je travaillais.

 23   Q.  Merci, Monsieur. Je ne sais pas si les Juges de la Chambre souhaitent

 24   qu'il signe la copie de papier ou qu'il signe à l'écran directement.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Nous n'avons pas besoin de signature

 26   puisqu'il n'a rien inscrit sur la carte.

 27   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Bien qu'il ait

 28   maintenant parlé dans sa déposition de cette carte. Donc, je crois que ceci

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  1   permettrait d'authentifier la carte. Mais je peux lui demander d'inscrire

  2   quelque chose dessus, également.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous avez qu'à signer et puis, on va donner un

  4   numéro, puisqu'on sait que vous avez localisé le stade, le bureau et

  5   également l'immeuble Vranica, 13, 14, 16. Alors, faites une signature.

  6   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

  7   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] --et un numéro.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ce sera le

 10   numéro IC 01230, Messieurs les Juges.

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Une légère correction. Les numéros

 12   ne sont pas faciles à repérer. C'est 15 -- en fait, 13, 14 et 15 sont les

 13   numéros qui ont été identifiés et non pas le 16. Merci.

 14   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 15   Q.  Monsieur, nous allons parler un petit peu de votre déposition d'hier et

 16   en particulier, une question qui vous a été posée par M. le Juge Antonetti.

 17   Ceci remonte à lundi. C'est le numéro 29, le compte rendu d'audience de ce

 18   jour :

 19   "Ce que je souhaite savoir, c'est ceci : Veuillez écouter attentivement.

 20   Lorsqu'un rapport est rédigé et qu'il doit être transmis au procureur

 21   militaire, est-ce que vous demandez toujours l'autorisation du commandant

 22   militaire auquel appartiennent ces soldats ou est-ce que vous ne lui

 23   demandez rien du tout et vous transmettez simplement le rapport au

 24   procureur militaire ?"

 25   Vous avez répondu en disant ceci :

 26   "Nous étions autonomes à propos de tous les sujets, surtout lorsqu'il

 27   s'agissait de rapports au pénal. Nous étions un service public au sein du

 28   ministère militaire, et tous les rapports leur étaient envoyés. Nous ne

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  1   nous tournions jamais vers un quelconque commandant pour demander à envoyer

  2   ces rapports au procureur militaire."

  3   Donc, Monsieur Vidovic, est-il exact de dire que vos décisions aux fins

  4   d'ouvrir une enquête étaient des décisions qui n'étaient pas fondées sur

  5   les intérêts que cela pourrait relever pour d'autres membres du HVO;

  6   autrement dit, ces décisions que vous avez faites étaient des décisions

  7   prises purement de façon autonome et indépendante, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Ces décisions n'étaient absolument pas influencées par l'identité des

 10   auteurs présumés, à savoir si cette personne était Musulmane, Croate ou

 11   Serbe, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ces décisions n'étaient pas influencées non plus par l'identité des

 14   victimes ? Par exemple, si les victimes n'étaient pas des Croates, et ceux-

 15   ci n'avaient pas d'incidence sur votre décision, à savoir de ne pas ouvrir

 16   d'enquête ?

 17   R.  Exact.

 18   Q.  Monsieur Vidovic, bon nombre de personnes arrêtées le 30 juin et les

 19   jours suivants ont été emmenés à l'Heliodrom, n'est-ce pas ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Vous avez été impliqué dans ce processus, n'est-ce pas ?

 22   R.  En partie, oui.

 23   Q.  Pourriez-vous nous décrire, s'il vous plaît, la façon dont vous avez

 24   été impliqué dans cela ?

 25   R.  Moi-même et le service au sein duquel je travaillais n'avons jamais

 26   participé à l'action consistant à amener ces personnes jusqu'à l'Heliodrom.

 27   Notre participation a commencé avec l'action d'établissement de listes. Il

 28   s'agissait de membres désarmés du HVO dont l'appartenance ethnique était

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  1   musulmane, et notre travail s'est effectué sous les ordres de la zone

  2   opérationnelle, pendant un certain nombre de jours nous avons mis par écrit

  3   les renseignements concernant ces hommes, c'est-à-dire que nous avons

  4   enregistré leurs noms, leurs noms de famille, et l'unité à laquelle ils

  5   appartenaient. Donc je répète. Nous n'avons participé, moi-même et mon

  6   service, en aucun cas, à l'acte consistant à amener ces personnes jusqu'à

  7   l'Heliodrom.

  8   Q.  -- ces noms ont été enregistrés. Ces personnes dont vous avez

  9   enregistré les noms au début du mois de juin et juillet étaient des

 10   Musulmans, n'est-ce pas ?

 11   R.  Notre département a commencé l'établissement de ces listes trois ou

 12   quatre jours après les débuts du conflit à peu près; autrement dit, après

 13   l'attaque du camp du nord par l'ABiH. C'est à ce moment-là que les membres

 14   du HVO d'appartenance ethnique musulmane ont été enregistrés.

 15   Q.  Ces personnes qui ont été emmenées à l'Heliodrom, ces hommes musulmans,

 16   ont été emmenées à cet endroit-là pour s'assurer qu'ils ne se battent pas

 17   pour l'ABiH, n'est-ce pas ?

 18   R.  Ils ont été désarmés sur ordre des commandants des unités dont ils

 19   faisaient partie, et ils ont été désarmés pour des raisons de sécurité,

 20   c'est-à-dire comme vous venez de le laisser entendre très précisément, pour

 21   les empêcher de trahir le HVO.

 22   Q.  -- Musulmans qu'ils avaient juré allégeance à l'ABiH, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, parce que le 30 juin est la date du jour où l'ABiH a attaqué le

 24   Conseil croate de Défense dans les environs du camp du nord.

 25   Q.  Monsieur Vidovic, hier vous en avez parlé au début de votre déposition,

 26   et vous avez répété aujourd'hui un certain nombre de choses que vous avez

 27   dites ce jour-là. Ce jour-là, vous avez dit avoir établi une liste des

 28   détenus qui avaient été désarmés par le HVO et qu'il s'agissait de

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  1   Musulmans, à la page 9, et que les unités les avaient isolés et les avaient

  2   passés à l'Heliodrom. Vous avez également dit avoir établi une liste, et

  3   vous avez dit que vous aviez tous les détails des différentes personnes :

  4   les noms, les prénoms, ou simplement les éléments essentiels les

  5   concernant. Vous avez dit que ces listes ont été remises au directeur de la

  6   prison. Lorsque M. le Juge Antonetti vous a posé la question qui était en

  7   mesure de remettre ces personnes en liberté, vous avez répondu :

  8   "Je ne savais pas de quelle autorité cela relevait et qui avait l'autorité

  9   pour le faire."

 10   Autre question du Président à propos du statut de ces personnes qui étaient

 11   là, vous avez dit :

 12   "Ceux que j'ai interrogés et dont j'ai noté les coordonnées, il s'agissait

 13   de soldats du HVO appartenant au groupe ethnique musulman, dans la grande

 14   majorité des cas."

 15   Donc nous allons nous concentrer là-dessus, et nous allons regarder ce que

 16   Josip Praljak a dit à propos de ces interrogatoires. Josip Praljak a

 17   témoigné devant les Juges de cette Chambre sur cette question-là

 18   précisément, vous allez voir ceci affiché dans le système Sanction. Ceci

 19   date du 26 février 2007. Merci.

 20   Lorsqu'on lui a posé la question - merci - à propos des hommes musulmans,

 21   qui ont été emmenés à l'Heliodrom au début du mois de juillet, vous verrez

 22   ceci au compte rendu :

 23   "Nous n'avons jamais établi combien de personnes sont arrivées, parce que

 24   cette tâche-là, le fait d'enlever les hommes et de les enregistrer,

 25   enregistrer ceux qui arrivaient, était faite par dix à 12 salariés du MUP

 26   de la police militaire, du SIS, et Zvonko Vidovic à leur tête."

 27   Conviendrez-vous avec moi, Monsieur, que ce témoignage était exact ?

 28   R.  Je n'étais à la tête d'aucun groupe. Mon travail à l'époque

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  1   s'effectuait à la tête de mon département. Comme je l'ai déjà dit, c'est

  2   sur ordre de mon supérieur, M. Marcinko, que j'ai été envoyé, en compagnie

  3   des autres membres du MUP et d'employés de la police militaire et du SIS,

  4   j'ai été envoyé à l'endroit où j'ai été envoyé pour faire mon travail,

  5   c'est-à-dire établir ces listes. Donc je ne sais pas d'où il a tiré l'idée

  6   que j'étais le chef.

  7   Q.  Nous allons passer à un autre passage du compte rendu d'audience où M.

  8   Josip Praljak témoigne. Il évoque cette question davantage :

  9   "Pouvez-vous en dire davantage par rapport à ce qui a été fait, d'après ce

 10   que j'ai compris, le rôle joué par Zvonko Vidovic portant sur la réception

 11   de ces personnes à l'Heliodrom…"

 12   La réponse était :

 13   "…Vidovic a informé Bozic et toutes les personnes présentes que

 14   l'enregistrement de toutes ces personnes qui étaient arrivées serait mené

 15   par ces hommes et qu'ils prépareraient une liste exhaustive des personnes

 16   qui étaient amenées à l'Heliodrom, laquelle liste serait remise à la

 17   prison."

 18   Est-ce que vous confirmez cela ? Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

 19   R.  Je vais répéter ce que j'ai dit il y a un instant. J'ai participé avec

 20   les membres du MUP, du SIS, du département des Enquêtes criminelles de la

 21   police militaire, à l'établissement de listes, et toutes ces listes, nous

 22   les avons remises à M. Bozic.

 23   Q.  Monsieur, je vais vous montrer une liste de noms maintenant qui se

 24   trouvent à l'écran. Je vais vous demander si vous reconnaissez un

 25   quelconque de ces noms. Est-ce qu'il s'agissait de noms avec lesquels vous

 26   travailliez au moment où vous enregistriez les personnes à l'Heliodrom ?

 27   Est-ce que vous reconnaissez un quelconque de ces noms ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Il y a quatre noms que vous avez sous les yeux. Est-ce que vous

  2   reconnaissez ces quatre noms ?

  3   R.  Il y a une faute simplement, une faute d'orthographe, dans les deux

  4   premières lignes. Toni Ramljak et Stjepan Rubinic, Zeljko Kovic et Damir

  5   Cipra, oui, ce sont les hommes qui travaillaient à mes côtés, au sein du

  6   département des Enquêtes criminelles.

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi, Madame West. Comment

  8   ceci sera-t-il consigné au compte rendu d'audience ? Nous voyons quatre

  9   noms à l'écran et c'est tout ce que nous voyons.

 10   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge Trechsel. Je crois que

 11   la meilleure façon de procéder, ce serait peut-être de marquer ce document

 12   aux fins d'identification ou peut-être que je peux simplement demander au

 13   témoin d'attester la véracité de ces noms. Je l'ai fait pour moi-même.

 14   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pourrez-vous nous dire d'où cela

 15   vient ? Parce que, sinon, cela vient des [imperceptible].

 16   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie. Je

 17   crois que je vais découvrir cela au cours de mon contre-interrogatoire.

 18   Mme WEST : [interprétation]

 19   Q.  Pardonnez-moi, Monsieur Vidovic, si je me suis trompé au niveau de la

 20   façon dont j'ai épelé ces noms; est-ce que vous pouvez nous dire si ce sont

 21   les personnes avec qui vous avez travaillé ?

 22   R.  L'interprétation m'étonne un peu. Enfin, j'ai compris de quoi il

 23   retournait. Alors je répète, ce sont les hommes qui travaillaient à mes

 24   côtés au sein du département au sein duquel je travaillais, à savoir

 25   département chargé des Enquêtes criminelles.

 26   Q.  Pouvez-vous donner les noms de ces quatre personnes, s'il vous plaît ?

 27   R.  Premièrement, Toni Ramljak; deuxièmement, Stjepan Rubinic;

 28   troisièmement, Zeljko Kovic; et quatrièmement, Damir Cipra.

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  1   Q.  Monsieur, maintenant nous allons passer au classeur. Je crois que vous

  2   les avez. Il y a trois classeurs au total, j'espère que vous pourrez le

  3   retrouver, parce que ces pièces sont regroupées en fonction de leur thème.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Tout à l'heure, vous avez dit l'interprétation vous

  5   étonne. Qu'est-ce que vous vouliez dire ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] La dame qui interprète s'est interrompue un

  7   moment et je n'ai donc pas compris tout de suite l'interprétation dans son

  8   intégralité. Mais ensuite elle m'a dit ce qu'elle souhaitait dire. Elle a

  9   eu des hésitations, elle a un peu balbutié dans son interprétation. C'est

 10   ça que je voulais dire.

 11   Mme WEST : [interprétation]

 12   Q.  C'est le classeur numéro 1, je pense que vous l'avez. Il est divisé en

 13   plusieurs parties, nous allons nous reporter à la quatrième partie qui se

 14   trouve vers la fin.

 15   Peut-être que, pour commencer, l'huissier peut aider le témoin, un

 16   petit peu, s'il vous plaît. Passons à la partie numéro 4, plus précisément

 17   la pièce P 0304.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde la liste des documents. Est-ce que

 19   tous les documents ont été admis, ou il y en a qui n'a pas déjà été admis ?

 20   Parce que pour éviter tout le débat sur la valeur probante et la

 21   pertinence, il serait souhaitable si un document n'a pas été admis de nous

 22   dire qu'il n'a pas été admis déjà. 

 23   Mme WEST : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président, je

 24   vais le faire. Mais P 0304 a déjà été versé au dossier.

 25   Q.  Monsieur le Témoin, il s'agit d'une liste de personnes qui ont

 26   été emmenées à la maison d'arrêt central, le 30 juin 1993. Il s'agit au

 27   total de 124 personnes. Ce document a été signé par Stjepan Rubinic, une

 28   des personnes que vous venez de mentionner. J'aimerais savoir s'il s'agit

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  1   d'une liste que vous avez déjà vue; est-ce que c'est une liste que vous

  2   connaissez ?

  3   R.  Je n'ai pas eu l'occasion de voir cette liste précise auparavant,

  4   mais cela se présente à peu près comme ça. Oui, ce sont les listes dont

  5   nous parlons, mais cette liste précise, je ne l'ai pas vue, c'est Stjepan

  6   Rubinic qui l'a rédigée.

  7   Q.  -- regarde le numéro, vous avez un numéro, date de naissance,

  8   adresse, et nous avons une occupation, une qualité, membre du HVO. Puis au

  9   numéro 2, nous avons un nom, date de naissance, adresse, et encore une

 10   fois, ce qui semble être une profession ou un statut, puisqu'il est au

 11   chômage. Et puis vous avez donc ainsi de suite jusqu'au nom numéro 124,

 12   donc on verrait la même chose, c'est-à-dire le nom, l'adresse, date de

 13   naissance et la profession, la qualité ou l'occupation, s'ils étaient

 14   membres du HVO ou s'ils avaient une profession civile ou s'ils étaient au

 15   chômage, s'ils étaient à la retraite.

 16   Monsieur le Témoin, s'il s'agit du type de liste qui était créé

 17   lorsque vous procédez à l'enregistrement, est-ce que vous seriez d'accord

 18   avec moi pour dire que lorsque vous avez dit aux Juges de la Chambre que

 19   vous vous preniez que les éléments de base, ces éléments de base

 20   incluraient le statut de ces personnes ainsi que leur profession ?

 21   R.  En effet.

 22   Q.  Dans cette liste, il y a 124 personnes. Pour préciser cette question,

 23   j'ai passé en revue tous les noms de cette liste, et d'après les

 24   informations qui figurent dans cette liste, il y avait au total 29 membres

 25   du HVO et 95 civils, donc personnes qui occupaient un poste dans les

 26   structures non militaires. Il y avait également 12 retraités, c'est-à-dire

 27   des personnes qui avaient plus de 50 ans.

 28   Monsieur Vidovic, ma question est la suivante : 23 % environ des

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  1   membres de cette liste sont des membres du HVO et 77 % des personnes

  2   figurant sur cette liste sont des civils; est-ce que vous seriez d'accord

  3   pour dire que ce pourcentage de manière générale représente les personnes

  4   que vous avez rencontrées le 30 juin, que vous avez enregistrées dans les

  5   jours qui s'en sont suivis ?

  6   R.  Je peux répondre comme suit à votre question : J'ai déjà indiqué que

  7   c'est sur ordre que nous sommes intervenus pour adresser des listes, mais

  8   ni moi-même, ni mes collègues du département où je travaillais n'avons

  9   amené ces personnes dans les locaux de l'Heliodrom. Les unités militaires,

 10   qui avaient été les leurs, qui les avaient désarmés, avaient sans doute une

 11   raison de les avoir désarmées, premièrement.

 12   Deuxièmement --

 13   Q.  Je vous prie de m'excuser, Monsieur Vidovic. Je crois qu'on va peut-

 14   être avoir ce problème à nouveau dans les heures à venir, mais je vous ai

 15   demandé si cette liste de manière générale représentait le nombre de civils

 16   et de membres du HVO qui avaient été enregistrés durant cette période. Vous

 17   ne répondez pas à ma question, donc je vais reposer cette question. Je

 18   voudrais que vous vous concentriez sur ma question pour essayer d'y

 19   répondre correctement.

 20   Sur la liste que vous avez devant vous, il y a 124 personnes; 23 % de ces

 21   personnes sont des membres du HVO, des membres musulmans, mais 77 % des

 22   personnes sur cette liste, ce sont des civils; est-ce que vous seriez

 23   d'accord avec moi pour dire que lorsque vous avez procédé à

 24   l'enregistrement à l'Heliodrom et lorsque vous avez déposé devant les Juges

 25   de cette Chambre que, pour la plus grande partie, ces personnes étaient des

 26   membres du HVO, et en fait, ceci n'était pas exact ?

 27   R.  Je répète au moment où nous dressions ces listes, nous ne disposons pas

 28   de moyens de vérifier si lorsque quelqu'un déclare une chose, c'est vrai,

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  1   concernant leur statut. Nous nous contentons de consigner ce que les gens

  2   nous disent, par exemple, d'être un civil.

  3   Q.  Très bien. Ça c'est une question différente. Donc vous dites aux Juges

  4   de la Chambre que lorsqu'ils vous disaient qu'ils étaient membres du HVO,

  5   vous n'aviez aucun moyen de vérifier cela mais, cependant, vous avez

  6   consigné cela sur la liste. Quand je dis "vous," je dis vous ainsi que vos

  7   collaborateurs.

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Lorsque ces personnes vous disaient qu'ils travaillaient, par exemple,

 10   à l'industrie aéronautique Sokol et qu'ils étaient maintenant au chômage,

 11   vous avez inscrit ceci dans la liste, c'est ce que vous nous dites ici ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  S'ils ont consulté toutes les listes de l'Heliodrom qui ont été créées

 14   au début du mois de juillet, ces listes incluraient des informations

 15   concernant le statut des personnes qui avaient été consignées sur ces

 16   listes, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Vous nous avez dit que vous avez donné ces listes à l'administration de

 19   la Prison, mais j'aimerais maintenant consulter le journal de M. Praljak en

 20   ce qui concerne les entrées concernant la liste. Il s'agit de la pièce P

 21   00352. C'est dans la même partie du classeur. La quatrième partie, et il

 22   s'agit donc ce la pièce P 00352.

 23   R.  [aucune interprétation]

 24   Q.  352. Est-ce que vous voyez ce document ? Très bien. Merci. Il s'agit

 25   d'une pièce qui a été déjà versée au dossier, et les Juges de la Chambre

 26   l'ont déjà vue --

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- je ne veux pas ennuyer Mme West en

 28   l'interrompant, mais deux questions.

Page 51629

  1   En regardant la liste - parce que, moi, je m'intéresse aux membres - je

  2   constate, par exemple, qu'il y a une personne; c'est le 73, dont le fils

  3   travaille dans la police militaire. Donc le fils est dans la police

  4   militaire, et on arrête le père.

  5   Regardez maintenant le numéro 86. Cette personne a apparemment un

  6   certificat d'immunité signé par Zeljko, je ne sais pas qui; peut-être

  7   Siljeg ou j'en sais rien. Très bizarre. Comment vous expliquez que ces

  8   personnes sont arrêtées ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux que revenir

 10   à la même chose à ce que j'ai déjà dit, c'est-à-dire que c'est la première

 11   fois que nous faisons face à ces personnes à l'Heliodrom. Je ne peux pas

 12   fournir la moindre explication cohérente concernant cet état de fait, à

 13   savoir qu'on est une personne dont le fils est dans la police militaire, et

 14   qui se retrouve faire partie de ce groupe. J'ai dit hier que les membres de

 15   la police militaire n'avaient pas procédé au désarmement de leurs propres

 16   hommes à l'époque de leurs collègues appartenant au groupe ethnique

 17   musulman, du moins pour ce que j'en sais moi, ce que je sais de notre

 18   bataillon à Mostar.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 20   Madame West, excusez-moi.

 21   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Nous sommes donc à la pièce P 00352. Il s'agit du journal, et nous

 23   allons passer à la page 28 de la version anglaise. Il s'agit en fait de

 24   l'entrée du 9 juillet, je pense que cela vous aidera à trouver la page en

 25   question.

 26   Donc entrée du 9 juillet, vous aurez peut-être ceci sur le prétoire

 27   électronique, Monsieur le Témoin. On peut lire ce que M. Praljak a consigné

 28   sur son journal :

Page 51630

  1   "J'ai demandé à Zvonko de m'envoyer une liste de prisonniers. Il a dit que

  2   je l'obtiendrais dès qu'il voudrait la réaliser au complet."

  3   Puis nous allons au 30 juillet, c'est la même page en anglais, c'est

  4   l'entrée suivante, il y a une réunion avec le garde ou le directeur, et il

  5   mentionne ici :

  6   "J'ai demandé à Zvonko Vidovic de nous envoyer enfin la liste des

  7   prisonniers, et il dit toujours : 'Nous vous l'enverrons. Vous

  8   l'obtiendrez'."

  9   Monsieur Vidovic, est-il possible qu'au 30 juillet, vous n'aviez pas encore

 10   envoyé la liste au service de la Prison ?

 11   R.  Je pense qu'il s'agit ici de nos listes, les listes du département des

 12   Enquêtes criminelles et des dossiers -- ou plutôt, des informations

 13   enregistrées par nous concernant les personnes faisant l'objet de

 14   poursuites au pénal ou d'enquêtes au pénal, parce que déjà à l'époque, on

 15   est confronté au problème de l'hébergement conjoint dans les mêmes

 16   bâtiments des personnes sur lesquelles nous enquêtons et de ces personnes

 17   qui ont été désarmées.

 18   Q.  Très bien, Monsieur Vidovic. Regardons ce que M. Pusic a dit sur cette

 19   question.

 20   Nous allons passer à la pièce P 04141. Je répète, P 04141. C'est une pièce

 21   qui a été versée au dossier, et il s'agit d'une pièce qui date du 9 août.

 22   Il s'agit d'une décision, et au niveau de l'article 1 il est mentionné :

 23   "Tous les détenus seront immatriculés en utilisant un bordereau de données

 24   personnelles rempli par eux-mêmes et vérifié par le gardien de la prison,

 25   qui est chargé d'établir une liste des détenus et de la fournir, avec

 26   également les bordereaux de données personnelles, à l'attention de cette

 27   commission. Afin de pouvoir procéder à une classification, il est

 28   souhaitable qu'en plus des noms des détenus, tous les éléments connus du

Page 51631

  1   président de la prison soient également saisis" - entre parenthèses, il est

  2   mentionné, par exemple - "(Prisonniers de l'ABiH avec lieu de la capture)."

  3   Donc, Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez nous dire si vous êtes

  4   d'accord avec moi, c'est-à-dire qu'au moins au 12 août, c'est-à-dire à

  5   l'Heliodrom, il y a encore un problème en ce qui concerne la classification

  6   des différents prisonniers ? En d'autres termes, ils ne savent pas qui est

  7   un détenu musulman du HVO, ils ne savent pas qui est un civil, et ne savent

  8   pas qui est un prisonnier de l'ABiH, et ils n'ont pas encore séparé

  9   physiquement ces différents groupes de personnes; est-ce que vous seriez

 10   d'accord avec moi pour dire que ceci est exact ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  De manière générale, il s'agit d'une question d'ordre général donc,

 13   est-ce que vous seriez d'accord pour dire qu'étant donné qu'on ne pouvait

 14   pas séparer les prisonniers en fonction de leur statut ceci pouvait causer

 15   des difficultés pour la gestion de la prison ?

 16   R.  Des difficultés pour la prison, en tout état de cause, un problème très

 17   important pour mon service, aussi. Moi, j'ai une liste de personnes sur

 18   lesquelles j'enquête dans le cadre de mon service, mais il s'est déjà

 19   produit à ce moment-là des situations dans lesquelles il y a eu une

 20   confusion, un mélange entre les personnes sur lesquelles j'enquête dans le

 21   cadre de mon service, et d'autre part, les intéressés dont nous parlons et

 22   qui n'aient pas moyen de faire la distinction entre eux.

 23   Q.  Alors parlons tout d'abord des problèmes rencontrés par la prison. Un

 24   des problèmes pour la prison ne serait peut-être pas : Que lorsque vous

 25   aviez des commandants des Unités du HVO qui venaient et qui voulaient donc

 26   utiliser des prisonniers pour des travaux, il n'était pas possible de

 27   déterminer au niveau de la prison quel était le statut des personnes qui

 28   allaient sortir de la prison ? Est-ce que c'était un des problèmes qui

Page 51632

  1   était rencontré ou qui pouvait être rencontré ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Revenons au journal. Et 00352. Nous allons passer à la page suivante

  4   dans la version anglaise, la page 29, et il s'agit de la date du 22

  5   septembre 1993 qui m'intéresse ici.

  6   A cette date, on peut lire que M. Praljak avait parlé à Stanko Bozic, et il

  7   dit :

  8   "Les membres de l'armée et les civils n'ont pas encore été séparés pour

  9   éviter que les mauvaises personnes soient relâchées, et pour empêcher qu'un

 10   soldat de l'armée soit relâché plutôt qu'un civil. Certains semblent être

 11   partis de cette manière."

 12   Donc M. Praljak parle d'un autre problème que je mentionnais, mais est-ce

 13   que vous seriez d'accord avec moi pour dire que quoi qu'il en soit, le 22

 14   septembre 1993, à cette date, il n'y avait pas encore de classification ou

 15   de séparation des prisonniers en fonction de leur statut ?

 16   R.  Je n'arrive pas à me souvenir exactement ce qui s'est passé à la fin du

 17   mois de septembre. Je n'ai à l'esprit que ma propre position à ce moment-là

 18   et où je me trouve. Mais je ne peux pas maintenant vous répondre, par oui

 19   ou par non, tout simplement. Je ne sais pas.

 20   Q.  Très bien. Monsieur le Témoin, nous allons passer à la pièce P 0 --

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, excusez-moi d'intervenir. Mais à plusieurs

 22   reprises, même déjà hier, vous l'avez dit que les personnes, qui ont été

 23   arrêtées, ont été désarmées. Ça, vous répétez ça sans arrêt. Donc, je peux

 24   concevoir que, pour des raisons de sécurité, on désarme les gens. Mais en

 25   regardant de près la liste, je m'aperçois que le numéro 50 et le numéro 120

 26   travaillent dans des activités humanitaires, ce qui voudrait dire que les

 27   gens, qui travaillent dans des activités humanitaires, sont armés jusqu'aux

 28   dents, et puis je constate également que le numéro 9, qui est un Musulman,

Page 51633

  1   sa femme est mariée, enfin, sa femme est Croate. Donc on arrête quelqu'un

  2   et l'épouse est Croate. Donc on arrête des humanitaires soi-disant armés,

  3   ainsi que des personnes mixtes. Alors comment vous expliquez cela, vous ?

  4   Vous continuez à dire que toutes ces personnes étaient armées et qu'on les

  5   a désarmées ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je répète que nous,

  7   nous arrivons à l'Heliodrom et qu'on nous donne une information concernant

  8   ces personnes. Donc c'est simplement ce que j'ai entendu, ce qu'on m'a dit

  9   et non pas ce que j'ai vu. Je voudrais souligner cela. C'est alors la

 10   première fois où nous sommes confrontés à cela, lorsque nous sommes

 11   dépêchés pour dresser ces listes.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc, on vous a dit que ces personnes ont été

 13   désarmées, voilà. Donc, vous me dites que vous l'avez entendu dire, mais

 14   vous n'en saviez rien ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet.

 16   Mme WEST : [interprétation] P 03411. C'est dans la même partie du classeur.

 17   P 03411.

 18   Q.  Il s'agit d'un document intitulé : "Remarques et instructions" dont

 19   vous êtes l'auteur avec la date du 12 juillet 1993, et je crois que vous en

 20   avez parlé hier. Vous avez dit que c'était adressé, ou du moins, c'est

 21   mentionné sur le document, c'est adressé aux membres d'arrêt.

 22   Regardons votre déposition d'hier. Ceci va apparaître sur le système

 23   Sanction.

 24   Mme WEST : [interprétation] C'est la pièce J.

 25   Q.  Je peux lire ceci. C'est votre déposition du 30 mars.

 26   Le Juge Antonetti vous a dit :

 27   "Quelle autorité pour libérer ces personnes ?"

 28   Vous avez répondu :

Page 51634

  1   "Je ne savais qui avait l'autorité pour le faire, qui était à même de faire

  2   cela."

  3   Donc lorsqu'on regarde ce document, le document P 3411, sous le point 1,

  4   vous avez mentionné : 

  5   "Jusqu'à avis contraire, il est interdit de relâcher tout détenu en

  6   utilisant les procédures et les pratiques qui ont été observées au cours

  7   des derniers jours. Toute exception éventuelle doit faire l'objet d'une

  8   requête et doit être approuvée par le chef de l'administration de la Police

  9   militaire, M. Valentin Coric, ou son adjoint, M. Rade Lavric, et il faudra

 10   mentionner expressément qu'il s'agit d'exception."

 11   Voilà donc ce que vous avez rédigé presque deux semaines après le début de

 12   l'arrivée des prisonniers à l'Heliodrom. Monsieur le Témoin, est-ce que

 13   vous seriez d'accord avec moi pour dire que la seule personne qui est

 14   habilitée à libérer ces détenus, d'après ce que vous avez rédigé, est M.

 15   Coric ou M. Lovric ?

 16   R.  Non, je ne suis pas d'accord. Ce document concerne uniquement les

 17   personnes qui se trouvent sous l'autorité de notre département des enquêtes

 18   criminelles au sujet desquelles nous enquêtons. Parce que c'est en cette

 19   qualité que nous venions quotidiennement, et Stanko Bozic et M. Praljak le

 20   savaient bien également. Donc ils savent bien qu'il s'agit de personnes qui

 21   font l'objet d'une enquête par le département des Enquêtes criminelles. En

 22   fait, il se produisait qu'ils retirent de notre compétence des personnes

 23   sur lesquelles nous enquêtions.

 24   Q.  Très bien. Au numéro 3, il est mentionné :

 25   "Les visites aux détenus ne sont pas autorisées, ni la livraison de

 26   nourriture ou de messages, sauf par autorisation expresse du chef de la

 27   section de Mostar."

 28   Est-ce que cela porte sur les personnes pour lesquelles vous faisiez des

Page 51635

  1   enquêtes ?

  2   R.  Précisément.

  3   Q.  Dans la mesure où vous étiez impliqué dans ce groupe de personnes, quel

  4   pourcentage représentait ce groupe de personnes à l'Heliodrom ? Je vais

  5   reformuler.

  6   Quel était le pourcentage de la population totale de l'Heliodrom qui

  7   comprenait ce groupe de personnes ?

  8   R.  Vous pensez à ceux qui font l'objet de procédures diligentées par nous

  9   ?

 10   Q.  Oui, effectivement.

 11   R.  Je ne suis pas maintenant en position, quasiment 17 ans après les

 12   faits, de répondre, mais je peux simplement dire qu'il s'agissait d'un

 13   assez grand nombre d'individus.

 14   Q.  Donc seriez-vous d'accord pour dire que c'était la majorité ? Est-ce

 15   que c'était plus de 50 % des personnes concernées ?

 16   R.  Je ne voudrais pas me livrer à des conjectures concernant les

 17   pourcentages. Je ne peux tout simplement pas avec la distance, avec le

 18   nombre d'années qui se sont écoulées, répondre avec précision. Je peux

 19   uniquement dire qu'il s'agissait d'un grand nombre de personnes parce que

 20   tous les agents de notre département des Enquêtes criminelles avait chacun

 21   en charge un grand nombre de dossiers, qu'il s'agisse de dossiers qui

 22   étaient arrivés jusqu'à la phase, juste avant le dépôt d'une plainte au

 23   pénal ou qu'il s'agisse d'enquêtes en cours, puisque nous étions

 24   quotidiennement, en fait, confrontés à de nouvelles infractions au pénal.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, juste une question de nature

 26   technique.

 27   J'ai constaté que votre système est quasiment identique à celui de mon

 28   pays. Mais il y a une question que je voudrais savoir. Quand un policier

Page 51636

  1   garde un témoin et l'auditionne, est-ce qu'il a le pouvoir, lui-même, de le

  2   remettre en liberté, ou il est obligé d'avoir l'accord du procureur pour la

  3   suite de la procédure ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, dans notre activité, il

  5   y avait deux aspects à prendre en compte pour ce que vous évoquez. Il y

  6   avait 12 heures de garde à vue possible du point de vue de la police, et il

  7   y avait un délai maximum de 72 heures qui pouvait être accordé sur

  8   autorisation du juge d'instruction. Dans ce second et dernier cas, après

  9   l'expiration de ce délai, nous étions amenés à informer le juge

 10   d'instruction, il n'y avait plus de motif pour maintenir l'intéressé en

 11   détention.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors question technique.

 13   Parmi les gens qui étaient à l'Heliodrom, est-ce que vous avez

 14   vérifié ceux qui étaient détenus depuis 12 heures et ceux qui, au bout de

 15   trois jours, devaient être soumis à l'appréciation du juge d'instruction,

 16   ou bien vous n'en avez pas tenu compte ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pensez à ceux dont nous avons dressé une

 18   liste, les membres qui avaient été désarmés ?

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Exactement.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la tâche qui était la

 21   nôtre consistant à dresser cette liste s'était achevée, notre service

 22   s'était acquitté de sa tâche. Nous n'avons plus eu affaire à eux après

 23   avoir dressé la liste et avoir remis cette liste.

 24   Mme WEST : [interprétation]

 25   Q.  Monsieur Vidovic, étant donné qu'il y avait un nombre important de

 26   détenus de ce type, est-ce que vous êtes d'accord que la police militaire

 27   était tout du moins responsable d'eux ?

 28   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi, chère consoeur, mais

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  1   je pense que la question n'est pas tout à fait claire. Parce qu'il y a eu

  2   une interruption par M. le Président alors maintenant on ne sait plus s'il

  3   s'agit de ceux qui figurent sur la liste ou de ceux qui font l'objet de

  4   poursuites au pénal ou d'enquêtes au pénal. Parce qu'il y a eu une

  5   interruption, peut-être que le témoin ne sait plus exactement sur quel

  6   groupe de personnes la question porte.

  7   Mme WEST : [interprétation] Oui. Merci.

  8   Q.  Je parle de ceux qui font l'objet d'enquêtes, de ceux dont vous parliez

  9   avec M. le Juge Antonetti.

 10   R.  Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, me répéter la question dans

 11   son intégralité ?

 12   Q.  Les personnes dont vous parliez, c'est-à-dire celles qui faisaient

 13   l'objet d'une enquête et qui représentaient un nombre important de

 14   personnes à l'Heliodrom, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que la

 15   police militaire était responsable vis-à-vis d'eux ?

 16   R.  Pour ce qui concerne notre département des Enquêtes criminelles au sein

 17   duquel j'étais employé, nous n'intervenions que dans le cadre de nos

 18   compétences. Ils étaient à l'Heliodrom, et c'étaient les agents qui étaient

 19   employés à l'Heliodrom qui devaient prendre en charge les différents

 20   aspects de l'hébergement de ces détenus ou de leur détention.

 21   Q.  Nous allons passer à la pièce P 0 --

 22   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous prie de m'excuser.

 23   Je ne trouve pas que cette question soit très satisfaisante. Il y a deux

 24   éléments. Tout d'abord, il s'agit de savoir si la personne est détenue et

 25   de savoir qui en est responsable étant donné que cette personne est privée

 26   de sa liberté. Puis il y a un autre aspect, à savoir l'exécution spécifique

 27   des conditions de la détention, c'est-à-dire à quelle heure ils obtiennent

 28   le petit-déjeuner, quand ils peuvent voir un docteur, où est-ce qu'ils

Page 51638

  1   dorment ? Ai-je raison de dire que, lorsque vous dites que ceci relevait de

  2   l'Heliodrom, vous faites référence au deuxième aspect, c'est-à-dire les

  3   aspects pratiques de l'exécution de cette privation de liberté, alors qu'en

  4   fait vous n'avez pas répondu à la question de savoir qui a la

  5   responsabilité de déterminer s'ils sont privés de liberté ou non ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais répéter le --

  7   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Veuillez ne pas répéter, s'il vous

  8   plaît. Je vous ai posé une question, tâchez de répondre à cette question.

  9   Vous n'êtes pas obligé de répéter, j'ai entendu ce que vous avez dit. Si

 10   c'eut été satisfaisant, je ne vous aurais pas posé la question.

 11   Pouvez-vous me dire si la police militaire était responsable de la

 12   privation de liberté ? Non pas comment ceci était mené dans la pratique.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, la police militaire n'était pas

 14   responsable de cette privation de liberté.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Comme vous nous l'avez dit, la

 16   police militaire n'était pas non plus responsable de la façon dont les

 17   personnes étaient détenues, parce que cela relevait de l'Heliodrom, et vous

 18   dites en conséquence que la police militaire n'était absolument pas

 19   responsable de cette catégorie de détenus; c'est cela ? C'est bien ce que

 20   vous dites dans votre déposition ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous vous référez au département des

 22   Enquêtes criminelles au sein duquel j'étais employé, ma réponse est : Oui,

 23   nous n'étions pas responsables de la mise en détention des prisonniers de

 24   guerre du HVO.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie. Je crois que ceci

 26   précise votre réponse.

 27   Pardonnez-moi, Madame West.

 28   Mme WEST : [interprétation]

Page 51639

  1   Q.  Le P 0547 --

  2   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais je voudrais apporter une

  3   correction au compte rendu d'audience. Page 25, ligne 16, le témoin a parlé

  4   de "soldats du HVO," et non pas de "prisonniers du HVO."

  5   Mme WEST : [interprétation]

  6   Q.  5477. C'est le même classeur, mais la deuxième partie. C'est vers le

  7   début de la deuxième partie, le P 05477.

  8   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Moi, j'ai cela, mais cela correspond

  9   à la quatrième partie.

 10   Mme WEST : [interprétation] Je me suis trompée alors, mais l'essentiel

 11   c'est que vous l'ayez.

 12   Q.  Est-ce que vous l'avez, Monsieur ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ceci est daté du 29 septembre, c'est une lettre adressée à M. Stojic,

 15   de vous. Le conseil de M. Petkovic vous a posé une question à ce sujet

 16   hier, et s'est concentré sur une partie de la lettre. Moi, je veux regarder

 17   une autre partie de la lettre.

 18   Au début, dans le tout premier paragraphe, vous évoquez un incident qui a

 19   causé du tort et eu un effet négatif sur l'évolution de la situation au

 20   sein de l'armée et au niveau des civils de la HZ HB. Vous avez écrit :

 21   "Au cours de la semaine dernière, pendant les combats les plus intenses de

 22   la région, les soldats du HVO sont venus à l'Heliodrom, qui sert

 23   actuellement de centre de détention pour les civils, avec une note qui

 24   indiquait que le porteur de cette lettre devrait être en droit d'emmener

 25   les prisonniers de son choix. Parmi les personnes choisies, il n'y avait

 26   que des Croates qui avaient été logés dans le centre de détention

 27   préventive, et parmi eux, il y avait quatre assassins," et vous donnez les

 28   noms.

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  1   "Et le dernier détenu était un civil, et par conséquent -- également pour

  2   le crime de meurtre."

  3   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi un instant, excusez-

  4   moi. Je ne sais pas s'il y a un problème parce que peut-être l'interprète

  5   n'a pas le document sous les yeux ou alors peut-être que ma consoeur, Mme

  6   West, parle trop rapidement. Le problème c'est que l'interprète n'entend

  7   que peut-être un mot sur cinq par rapport à l'original dans le document.

  8   Donc peut-être que le mieux ce serait quand même de donner au témoin la

  9   possibilité de le lire lui-même parce que s'il se contente d'écouter il

 10   n'aura pas la possibilité de savoir de quoi il s'agit exactement.

 11   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie.

 12   Q.  Monsieur, veuillez vous pencher sur ce deuxième paragraphe pendant

 13   quelques instants. Ce paragraphe décrit le problème dont vous vous

 14   plaigniez.

 15   Au troisième paragraphe, vous dites que :

 16   "Le note susmentionnée a été signée par M. Tuta…"

 17   Monsieur Vidovic, vous avez indiqué que l'Heliodrom servait à ce moment-là

 18   de centre de détention pour des civils. Lorsque vous avez écrit cela, est-

 19   ce que vous vouliez parler des civils qui avaient été arrêtés après le 30

 20   juin ?

 21   Mme NOZICA : [interprétation] Encore une fois, je ne sais pas si le

 22   problème vient de la lecture -- excusez-moi, Monsieur le Président, je ne

 23   sais pas. Je le dis également s'il s'agit d'un problème de lecture ou

 24   d'interprétation, mais dans le document, il est écrit : "Qui est utilisé en

 25   ce moment comme lieu de détention pour des individus civils." C'est ce qui

 26   est écrit dans le texte : "Lieu de détention pour des civils" et pas lieu

 27   de détention pour des prisonniers de guerre. C'est ce qui est écrit dans

 28   l'original.

Page 51641

  1   Mme WEST : [interprétation] Bien. Je prendrai l'un ou l'autre de ces deux

  2   termes, "centre de détention" ou --

  3   Q.  [aucune interprétation] 

  4   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Pardonnez-moi mais vous devriez

  5   considérer qu'il s'agit non pas d'un centre de détention mais d'un centre

  6   de détention préventif.

  7   Mme WEST : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Vidovic, veuillez vous reporter à la version croate que vous

  9   avez sous les yeux. Je vous demande de bien vouloir lire le paragraphe 2,

 10   s'il vous plaît, et cela sera traduit pour les Juges de la Chambre. Vous

 11   pouvez le lire à voix haute. Monsieur, veuillez lire ce paragraphe, à voix

 12   haute.

 13   R.  Vous pensez pour la phrase qui commence par "Maime;" c'est bien cela ?

 14   Alors je cite :

 15   "Autrement dit, dans la période récente au moment des combats les plus

 16   féroces dans la région de Mostar, sur le territoire dépendant de la prison

 17   militaire de l'Heliodrom qui est utilisée pour le moment également en tant

 18   que prison destinée à des civils…"

 19   Q.  Cela suffit.

 20   Mme TOMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, mais l'interprétation n'est

 21   pas bonne.

 22   Je vous en prie, "Pritvor" ne s'interprète pas par les mots "centre de

 23   détention," mais comme "prison préventive." Je demande aux interprètes

 24   d'être précis, car beaucoup de choses dépendent de cela. Merci.

 25   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Une chose encore plus importante

 26   que le témoin a dit mais qui n'a pas été interprété. Le témoin a dit

 27   "également en tant que prison," et ce "également" n'est jamais dit par

 28   l'interprète. Alors je demande au témoin de lire à haute voix, clairement

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  1   lentement pour qu'on entende tout. Parce que quand on dit "également comme

  2   prison," alors il faut l'interpréter précisément. Je vois également que

  3   dans la version anglaise, dans la traduction anglaise, ce "également"

  4   manque. Il faudrait qu'en anglais figure "also as."

  5   Mme WEST : [interprétation] Ce seront les Juges de la Chambre qui en

  6   décideront.

  7   Q.  Moi, ce qui m'intéresse c'est le terme "civil." Lorsque vous avez écrit

  8   cela, vous vouliez penser à quel type de personne ?

  9   R.  Je vais finir par répondre. Donc voilà ce qu'il en est : ce que j'écris

 10   à la date, qui figure en haut du document, concerne exclusivement ce qui

 11   est évoqué dans la suite du texte. Dans la suite du texte, ce que je veux

 12   dire se comprend très bien. M. Bijuk, Anic et Drmac sont des hommes qui

 13   étaient - comment est-ce que je peux les appeler - des clients réguliers de

 14   notre département. A ce moment-là, d'ailleurs, j'ai dit dans le texte qu'il

 15   s'agit de tueurs. Donc le crime qui leur est imputé est un crime de meurtre

 16   et, Madame le Procureur, vous voyez que Drago Klemo est emprisonné en tant

 17   que civil. Alors si vous avez suivi précisément ce que j'ai dit jusqu'à

 18   présent au sujet de la prison civile de la rue Santiceva que l'on appelait

 19   Celovina, j'ai dit que cette prison, à partir du début de la guerre, parce

 20   qu'elle se trouvait en première ligne de front a été transférée à

 21   l'Heliodrom, donc à partir de ce moment-là, l'Heliodrom a également servi

 22   de prison civile. Drago Klemo se trouvait en raison de cela à l'Heliodrom

 23   mais il y avait avec Drago d'autres prisonniers civils qui étaient

 24   également emprisonnés à l'Heliodrom pour divers actes criminels.

 25   Q.  Pour l'essentiel, cette lettre porte sur votre réclamation adressée à

 26   Stojic. Si vous vous reportez à la page 3 de l'anglais, ceci commence comme

 27   ceci :

 28   "Par la présente, je souhaite vous demander ce qui suit :

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  1   "De vous mettre d'accord à un niveau très élevé sur une position

  2   unifiée à l'égard des unités du HVO, pas d'ingérence de la part de la

  3   police militaire aux civils…"

  4   Ensuite, vous évoquez autre chose. La troisième chose sur laquelle

  5   s'est penchée Me Alaburic. Regardons le quatrième point : 

  6   "Sauf votre respect, le niveau de coopération au combat et le moral

  7   des soldats du HVO est quelque chose que je vous demande d'expliquer. Je

  8   vous demande de bien vouloir expliquer ceci aux commandants, et qu'ils ne

  9   doivent pas compter sur les détenus qui font l'objet d'enquête, jusqu'à ce

 10   que l'affaire soit classée."

 11   Vous avez envoyé cette lettre à M. Stojic pour vous plaindre de Tuta.

 12   Avez-vous obtenu une réponse de M. Stojic ?

 13   R.  Dans le cadre du travail que j'accomplissais dans cette période-là,

 14   j'ai commencé à me trouver confronté plus souvent à ce problème.

 15   Q.  Pardonnez-moi, Monsieur Vidovic, mais la question que je vous posais

 16   appelle une réponde affirmative ou négative. Nous pouvons en parler

 17   davantage; est-ce que vous avez obtenu une réponse de M. Stojic, que ce

 18   soit oralement ou par écrit ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Monsieur Vidovic, pourquoi l'avez-vous adressé à M. Stojic ? Est-ce que

 21   vous pensiez qu'il était en mesure de pouvoir quelque chose à propos de

 22   Tuta ?

 23   R.  Ce n'est pas pour cette raison que je l'ai fait. Parce que j'ai écrit à

 24   M. Stojic mais j'ai écrit aussi aux commandants militaires, au pluriel.

 25   J'ai écrit à plusieurs personnes de façon à ce qu'une manière soit trouvée

 26   d'aboutir à une solution. Il fallait que quelqu'un trouve un moyen de

 27   régler le problème. Ce que je faisais dans ces courriers, c'était informer

 28   un certain nombre de personnes responsables de ce qui était en train de se

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  1   passer.

  2   Q.  Donc outre M. Stojic, vous avez également averti d'autres commandants

  3   militaires du HVO, n'est-ce pas ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  C'était parce que vous estimiez qu'ils étaient en mesure de pouvoir

  6   faire quelque chose contre Tuta ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Je souhaite voir le P 03133, la quatrième partie de ce classeur, c'est

  9   le 03133. C'est une pièce qui a déjà été versée au dossier également.

 10   Ceci est daté du 3 juillet, encore une fois il s'agit d'un rapport spécial

 11   signé par vous. Est-ce que nous pouvons passer au quatrième paragraphe,

 12   s'il vous plaît. Il s'agit du même thème que celui que nous venons

 13   d'évoquer.

 14   "Ce département s'oppose, il n'est pas d'accord à la sécurité qui n'est pas

 15   bonne pour les personnes détenues et qui est fournie par le 1er Bataillon

 16   de la police militaire."

 17   Ensuite à titre d'exemple :

 18   "A 19 heures, le 2 juillet" - je crois que cela devrait être 1993 - "un

 19   soldat inconnu soi-disant de la 2e Brigade, 3e Bataillon de la 2e Brigade

 20   est entré dans le hall où se trouvaient les Musulmans, les a demandés de se

 21   mettre en rang et avait l'intention d'emmener ces 12 personnes. Même si le

 22   bâtiment -- la sécurité du bâtiment avait été contrôlée par trois policiers

 23   militaires. Veuillez demander au commandant chargé de la sécurité de

 24   renforcer les mesures de sécurité de renforcer les mesures de sécurité. Les

 25   activités de combat qui se menaient à l'intérieur de la caserne, les

 26   prisonniers ne devraient pas pouvoir circuler librement."

 27   Donc vous dites qu'un soldat inconnu est entré dans le hall où les 12

 28   Musulmans étaient alignés, il les a emmenés; est-ce que vous savez quel

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  1   était le statut de ces Musulmans ?

  2   R.  Il est probable qu'il s'agissait des membres des armées du HVO qui

  3   appartenaient au groupe ethnique musulman.

  4   Q.  Vous dites "sans doute." Pourquoi dites-vous "sans doute" ? Qu'est-ce

  5   qui vous fait penser qu'il s'agissait de membres du HVO musulmans qui

  6   avaient été désarmés ? Est-ce qu'ils portaient des vêtements différents qui

  7   pourraient laisser l'entendre ? Est-ce qu'ils avaient été placés dans une

  8   autre pièce ? Est-ce qu'il s'agissait de détenus musulmans ? Comment

  9   saviez-vous qu'il s'agissait de soldats musulmans ?

 10   R.  Les soldats, qui concernaient les missions dont j'étais chargé

 11   lorsqu'on me le confiait, ils étaient exclusivement et uniquement

 12   emprisonnés à l'Heliodrom. Ils se trouvaient toujours dans le bâtiment de

 13   l'Heliodrom. C'est la raison pour laquelle j'ai dit "vraisemblablement," ou

 14   "probablement," parce que je n'avais avec eux aucun contact.

 15   Q.  Monsieur, nous allons revenir un petit peu en arrière regardez le

 16   système Sanction, et voir la partie de la déposition de M. Praljak. Ceci

 17   est un extrait du contre-interrogatoire de M. Praljak par Me Alaburic, elle

 18   évoquait l'emplacement de ces personnes et leur statut. Elle dit :

 19   "Bien. Alors qu'en est-il des soldats du HVO qui ont été emmenés à

 20   l'Heliodrom ? Quelle que soit leur appartenance ethnique, quel était leur

 21   statut à eux ?"

 22   "Et au cours de cette période --"

 23   Il a répondu :

 24   "Au cours de cette période, on les a emmené dans la prison, on ne savait

 25   pas il y avait des Musulmans, on ne savait pas si c'était des Musulmans ou

 26   s'ils appartenaient aux Unités du HVO."

 27   Question :

 28   "Est-ce que vous nous dites que, M. Praljak est-ce que vous pouvez

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  1   confirmer que dans ces installations-là que vous avez évoquées, à savoir la

  2   prison qui se trouvait dans la salle de sport, qu'il y avait à la fois des

  3   soldats du HVO qui étaient des Musulmans et des soldats de l'ABiH, et peut-

  4   être même, voire même peut-être une autre catégorie ?"

  5   La réponse était :

  6   "Affirmative."

  7   Passons au bas de ce texte, s'il vous plaît.

  8   "M. Praljak, lorsque vous recevez une demande de remise en liberté de

  9   prisonniers pour qu'ils accomplissent des tâches ou des travaux, avez-vous

 10   besoin de contacter la direction du centre de détention ? Est-ce que la

 11   direction du centre de détention avait quelque chose à voir avec ceci ?"

 12   La réponse était celle-ci :

 13   "Lorsqu'un ordre au fin de libérer ces personnes, le commandant qui était

 14   de permanence ne faisait pas de différence entre les catégories de ces

 15   personnes, à savoir si ces personnes quittaient la prison dans un ordre

 16   donné."

 17   Monsieur Vidovic, ce matin vous avez indiqué un peu plus tôt le fait qu'il

 18   n'y avait pas -- pardonnez-moi -- un peu plus tôt, vous avez indiqué que le

 19   manque de --

 20   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] L'interprète n'a pas entendu

 21   toute l'interprétation. L'interprète bégaye, elle ne parvient pas à suivre.

 22   Vous allez trop vite, vraiment vous parlez trop vite, parce que tout n'a

 23   pas été interprété. Alors cette question concerne très précisément le fait

 24   qu'on emmenait des prisonniers, effectuer un travail à l'extérieur. Or

 25   l'interprète n'a entendu que "emmené," mais il n'a pas entendu "emmené

 26   faire un travail à l'extérieur." C'est la raison pour laquelle je dis qu'il

 27   faut que vous parliez plus lentement car le reste du fragment de phrase est

 28   important, emmener un prisonnier c'est une chose, mais l'emmener faire un

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  1   travail à l'extérieur en est une autre.

  2   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie, Maître Tomasegovic

  3   Tomic.

  4   Q.  Monsieur Vidovic, nous parlons en fait de la remise de liberté pour

  5   accomplir des travaux. C'est en partie dû à un manque d'organisation. Le

  6   problème portait sur le fait qu'il n'y avait pas de système de

  7   classification, il n'y avait pas de système de mis à part de ségrégation,

  8   que ce soit utile ou pas, et les prisonniers pouvaient être emmenés sans

  9   que l'on sache s'il s'agissait de civils, de prisonniers de guerre de

 10   l'ABiH, ou s'il s'agissait de détenus musulmans du HVO, n'est-ce pas ?

 11   R.  Je ne peux pas vous répondre en vous disant que vous avez raison ou

 12   tort, parce que je n'ai pas participé à ce que faisaient les commandants

 13   des unités militaires s'agissant de laisser partir les membres de leurs

 14   unités.

 15   Q.  Pouvons-nous passer à la pièce P 06170, P 06170, quatrième partie du

 16   classeur ? Il s'agit du 27 octobre, il s'agit d'un rapport sur les travaux

 17   des détenus et la -- rapport sur les travaux de la Commission chargée de la

 18   Remise en liberté des détenus.

 19   R.  Pouvez-vous répéter, je vous prie ?

 20   Q.  [aucune interprétation]

 21   Q.  6170. C'est bien ça ?

 22   Q.  Exact. Il s'agit du 27 octobre 1993, et M. Praljak a témoigné à ce

 23   sujet. Il a indiqué que ceci a été remis en mains propres à M. Stojic. Je

 24   ne vais pas aborder l'ensemble de la lettre, mais je souhaite me reporter -

 25   pardonnez-moi - à un paragraphe donné, vers la fin du texte, on peut lire :

 26   "Je dois évoquer le fait que le SIS et les services d'Enquête sur les

 27   crimes n'a toujours pas séparé les forces armées musulmanes des membres de

 28   cette armée et les autres de les mettre simplement à part dans un autre

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  1   bâtiment empêcherait la survenue de tels événements parce que la remise en

  2   liberté des détenus ferait l'objet d'une inspection."

  3   Monsieur Vidovic, je me concentre sur cette question de ségrégation. Est-ce

  4   que vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'au mois d'octobre, le 27

  5   octobre, cette ségrégation n'avait toujours pas eu lieu à l'Heliodrom ?

  6   R.  Laissez-moi pour que je lise ce passage.

  7   Q.  Je vous en prie.

  8   R.  Pouvez-vous maintenant me répéter votre question ?

  9   Q.  Au mois d'octobre -- est-ce que vous conviendrez avec moi qu'à la date

 10   du 27 octobre, cette séparation n'avait toujours pas eu lieu à l'Heliodrom

 11   ?

 12   R.  Je ne sais rien de cela. Nous sommes à la fin du mois d'octobre. Et à

 13   ce moment-là, j'étais déjà en train de partir du département d'enquête

 14   criminelle de Mostar à Ljubuski.

 15   Q.  -- toujours sur ce thème, nous allons passer au mois de novembre. P

 16   06729. Toujours le même document. il s'agit d'un rapport du SIS du secteur

 17   de la police militaire qui porte sur les travaux des prisonniers à Gabela

 18   et l'Heliodrom. A la page 5 en anglais, et c'est l'intitulé :

 19   "L'hébergement des prisonniers de guerre." Là, on peut lire : "Hébergement

 20   des prisonniers de guerre." Cet intitulé-là. -- lire --

 21   "Dans les dites installations" - on parle de Gabela et l'Heliodrom - "il y

 22   a 2 600 prisonniers de guerre qui relève de la même catégorie que les

 23   prisonniers de guerre dans d'autres abris précédemment cités dans la même

 24   catégorie. Il y a de véritables prisonniers de guerre qui n'ont pas été

 25   séparés."

 26   Ensuite, il y a une barre oblique et on dit :

 27   "Les membres de l'ABiH n'ont pas été séparés des civils 'pour différentes

 28   raisons'."

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  1   Monsieur Vidovic, à la date du 18 novembre, est-ce que vous conviendrez

  2   qu'à l'Heliodrom les civils n'ont toujours pas été séparés des prisonniers

  3   de guerre de l'ABiH ?

  4   R.  Je suis dans l'incapacité de répondre à cette question, car il est

  5   question du 18 novembre, et si mes calculs sont bons, à ce moment-là, je

  6   n'étais plus membre du département des Enquêtes criminelles. Rappelez-vous

  7   la date de nomination à un autre poste datait du 11 novembre. Je suis à

  8   Ljubuski à partir de la fin du mois d'octobre, et je crois qu'à la date de

  9   ce document, je ne suis même plus là-bas, je suis à Zagreb. Je ne sais pas

 10   ce qui se passe à ce moment-là à l'Heliodrom, et à Gabela, je n'y suis

 11   jamais allé.

 12   Q.  Pardonnez-moi. Vous dites qu'à la date du 18 novembre, vous n'avez plus

 13   été impliqué dans tout ceci.

 14   R.  Je crois que oui.

 15   Q.  Est-ce que nous pouvons passer à la deuxième partie de ce classeur.

 16   Veuillez repartir un petit peu en arrière. Le P 06702. P 6702. J'espère que

 17   ceci n'est pas une erreur et que cela correspond bien à la deuxième partie.

 18   Il s'agit d'une 17 novembre, donc la veille, qui émane de vous et que vous

 19   avez signée en qualité de "Chef de la police du département de la police

 20   judiciaire militaire :"

 21   "Le 10 novembre 1993, nous avons été informés par le tribunal militaire de

 22   la remise en liberté illégale d'un prisonnier qui était à la maison

 23   d'arrêt…"

 24   Ensuite : 

 25   "Avec les pourparlers avec le chef, M. Coric, nous avons appris que Kozul…

 26   avait été remis en liberté…"

 27   Le texte se poursuit.

 28   C'est la question que je souhaite vous poser, c'est que le 17 novembre,

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  1   vous saviez ce qui se passait au sein de la police militaire, n'est-ce pas

  2   ?

  3   L'INTERPRÈTE : Remplacer il y a quelques instants "à Ljubuski" par "pour

  4   aller à Ljubuski." Autrement dit, enlever la première correction.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais à Ljubuski pour remplir mes fonctions

  6   d'enquêtes criminelles et de chef du département chargé de ces enquêtes.

  7   Mais très peu de temps je suis parti. A la fin du mois de novembre, je

  8   n'étais plus membre de la police militaire.

  9   Mme WEST : [interprétation]

 10   Q.  Pourquoi vous entreteniez-vous avec M. Coric ?

 11   R.  Pendant toute la période où j'ai travaillé à Mostar, je me suis

 12   entretenu avec M. Coric très rarement, sinon jamais, et à partir du moment

 13   où je suis arrivé à Ljubuski, lui et moi nous sommes rencontrés pendant

 14   quelques jours, car comme je l'ai dit, il était sur le départ pour aller au

 15   ministère de l'Intérieur, et moi, j'étais sur le départ pour aller à

 16   Zagreb.

 17   Q.  Pendant la période où vous étiez à Mostar, et quelque chose d'important

 18   se produisait ou un incident important se produisait, dans ces cas-là, est-

 19   ce que vous êtes entré en contact avec M. Coric concernant ces événements-

 20   là ?

 21   R.  Je n'avais pas la possibilité de parler avec M. Coric, car au sein du

 22   département, nous respections une hiérarchie. S'agissant maintenant

 23   d'écritures venant de M. Coric et arrivant au département, ces écritures

 24   avaient en général un rapport avec les modalités de notre travail. Car

 25   l'administration, la direction de la police militaire qui se trouvait à

 26   Ljubuski avait ce que j'appellerais un centre administratif.

 27   Q.  Et qu'en est-il des cas où lorsque vous étiez à Mostar, on vous

 28   informait d'incidents et on vous faisait copie de ceci, et M. Coric était

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  1   également copié là-dessus ? Est-ce que vous aviez dans ce cas-là la

  2   possibilité, est-ce que vous dans ce cas, dans ces circonstances-là, vous

  3   entriez en contact avec M. Coric pour aborder cela ?

  4   R.  J'étais membre du département chargé des enquêtes criminelles du centre

  5   de Mostar. Donc, j'avais ma propre hiérarchie. J'avais un supérieur, à ce

  6   moment-là, qui était M. Marcinko, et par la suite mon supérieur était le

  7   commandement du bataillon. Quant à nos rapports, ils étaient tous réalisés

  8   par écrit.

  9   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai un dernier document

 10   avant la pause. Il s'agit du document P 03209. C'est dans la même partie du

 11   classeur. P 03209. C'est la partie 2 du classeur.

 12   3209. Il s'agit du 5 juillet.

 13   Q.  Un rapport, donc, du 5 juillet de M. Bozic à l'Heliodrom. Il mentionne

 14   que le 5 juillet à 1 heure du matin :

 15   "Il y a eu des tirs qui ont duré jusqu'à 3 heures, et les auteurs

 16   sont des soldats non identifiés…"

 17   Il dit :

 18   "…le commandant Mile Pusic, police de la brigade de la police

 19   militaire à la faculté d'ingénierie mécanique a été informé immédiatement

 20   de cet incident et un accord a été conclu, à savoir que la brigade devrait

 21   mettre fin à l'incident. D'après le responsable de la brigade, ceci n'a pas

 22   été réalisé, et ensuite les tirs se sont arrêtés sans intervention de la

 23   police."

 24   Donc, Monsieur le Témoin, cette lettre a été envoyée à M. Coric, à M.

 25   Pusic, à M. Stojic et à vous-même. Donc le 4 juillet, vos bureaux étaient à

 26   la faculté d'ingénierie mécanique de Mostar, n'est-ce pas ?

 27   R.  Exact.

 28   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de cet incident ? Vous devez parler.

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  1   R.  Pas vraiment.

  2   Q.  Donc, "pas vraiment," c'est encore oui et non. Je pense que c'est un

  3   événement important.

  4   R.  [aucune interprétation]

  5   Q.  Donc, vous ne vous souvenez pas cela ? Est-ce que vous vous souveniez

  6   de quelqu'un faisant partie de votre groupe, c'est-à-dire des services

  7   d'Enquête qui se seraient rendus à l'Heliodrom et qui auraient fait une

  8   enquête à ce sujet ?

  9   R.  Si ce document nous a été transmis en passant par la police militaire

 10   du bataillon, il est vraisemblable que nous avons agi à partir de ce qui

 11   était écrit dans le texte.

 12   Q.  Mais à ce moment-là, vous étiez le responsable des services d'enquêtes

 13   militaires sur les crimes à Mostar, n'est-ce pas ?

 14   R.  Les journées en question sont les journées pendant lesquelles j'ai

 15   repris les fonctions de M. Marcinko, qui était tombé malade, et j'ai donc

 16   commencé à diriger le département des Enquêtes criminelles de la police

 17   militaire de Mostar.

 18   Q.  Merci. Donc, il s'agit d'un incident au moment où vous aviez pris vos

 19   fonctions et "un incident aussi inhabituel que cela aurait dû vous

 20   interpeller d'une certaine manière." Est-ce que vous pourriez nous dire

 21   pourquoi le département des Enquêtes criminelles de la police militaire n'a

 22   pas mené d'enquête à ce sujet ?

 23   R.  Mais je ne peux pas dire qu'elle ne l'a pas fait. Je ne sais pas si

 24   elle l'a fait parce que je ne me souviens pas. Mais dans ce texte, on peut

 25   voir que, selon la hiérarchie que la brigade a été informée, elle aussi,

 26   ainsi que la police militaire de la brigade, donc il est fort probable que,

 27   nous aussi, nous avons été informés au sein du département des Enquêtes

 28   criminelles puisqu'il est question d'auteurs dont l'identité n'est pas

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  1   connue. Mais je ne sais pas si nous avons mené enquête ou pas, je n'en ai

  2   pas le souvenir. Je dirais toutefois qu'il est plus vraisemblable que nous

  3   l'ayons fait plutôt que de dire que nous ne l'avons pas fait puisque le

  4   document a été envoyé.

  5   Mme WEST : [aucune interprétation]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- la pause.

  7   --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

  8   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 10   Mme WEST : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux

 11   continuer ?

 12   Q.  Monsieur Vidovic, il semble qu'en ce qui concerne l'Heliodrom, tout du

 13   moins au début, vous aviez participé à l'enregistrement. Est-il vrai

 14   également de dire que lorsque les personnes étaient libérées vous

 15   participiez également à la confirmation qu'ils n'avaient pas de casier

 16   judiciaire, par exemple, et qu'ils pouvaient, par conséquent, être libérés

 17   ?

 18   R.  On nous a demandé de fournir des certificats de cette nature, c'est

 19   exact.

 20   Q.  Donc vous étiez impliqué au début et à la fin. Maintenant, je voudrais

 21   parler de la phase du milieu, c'est-à-dire quel était votre rôle pour ce

 22   qui se passait à l'Heliodrom lorsque les prisonniers étaient là-bas. Est-ce

 23   que vous avez joué un rôle quelconque pendant cette période ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  Très bien. Donc il y avait des incidents qui ont eu lieu, est-ce que

 26   vous étiez averti ? Est-ce que vous participiez à ce genre d'activités ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Par exemple, lorsque des Musulmans étaient maltraités, il y aurait eu

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  1   un rapport qui aurait été établi. Est-ce que vous auriez été informé ainsi

  2   que votre groupe ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Donc lorsqu'on voit les documents qui font état de maltraitance et que

  5   vous avez été copier, est-ce que cela signifie qu'une enquête au pénal a

  6   découlé de ces rapports ?

  7   R.  Nous sommes intervenus dans les domaines de compétence qui étaient les

  8   nôtres suite à ce type d'informations.

  9   Q.  Très bien. Donc entre juillet et décembre 1993, est-ce que l'on vous a

 10   averti que les prisonniers à l'Heliodrom sortaient de l'Heliodrom pour

 11   aller travailler et étaient soit blessés, soit tués ?

 12   R.  Concernant ces sorties de prisonniers pour qu'ils s'acquittent de

 13   travaux, je ne sais rien à ce sujet en dehors des détenus qui faisaient

 14   l'objet d'enquêtes de notre part. Dans ces cas-là, j'ai reçu des

 15   informations.

 16   Q.  Très bien. Donc si vous étiez informé concernant les détenus qui

 17   avaient été blessés ou tués parce qu'ils relevaient de votre secteur, est-

 18   ce que vous confirmez que lorsque l'on voit des documents que vous avez été

 19   signaler, est-ce que cela concernait donc des détenus musulmans du HVO ?

 20   R.  Pas vraiment. Il faudrait que je fournisse une explication

 21   supplémentaire par rapport à la question que vous posez. M. Stanko Bozic

 22   s'adresse de façon permanente, et il s'adresse entre autres à moi

 23   également. A partir du début du mois de juillet, il informe différents

 24   destinataires de façon constante, et parmi ces destinataires je figure

 25   également. Je reçois donc des informations indépendamment de la question de

 26   savoir s'il s'agit de personnes qui dépendent de nous parce qu'elles font

 27   l'objet d'enquêtes de la part de nos services, ou bien qu'il s'agisse de

 28   d'autres catégories de personnes.

Page 51656

  1   Q.  Très bien. Donc pour que ce soit très clair, vous nous dites que

  2   lorsque vous étiez averti par Stanko Bozic que des personnes avaient été

  3   sorties de l'Heliodrom et avaient été blessées ou tuées, ces personnes

  4   auraient pu être des détenus musulmans du HVO, et ces personnes auraient

  5   également pu être des Musulmans civils; vous ne savez pas, ils pouvaient en

  6   fait tomber dans l'une ou l'autre de ces deux catégories ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Après avoir reçu ces informations, est-ce que vous alliez mener les

  9   enquêtes ?

 10   R.  En plus de procéder à une enquête, si nous disposions de noms précis

 11   associés à ces enquêtes, nous faisions des recherches dans nos propres

 12   dossiers du département d'enquêtes criminelles pour voir s'il n'y aurait

 13   pas, parmi ces personnes, quelqu'un qui serait déjà l'objet d'une enquête

 14   ou de poursuites au pénal de notre part.

 15   Q.  Pour ce qui est de ces informations que l'on vous transmettait, est-ce

 16   qu'en partie vous ne saviez pas qu'il s'agissait de civils musulmans ou de

 17   soldats musulmans du HVO, c'était parce qu'en fait à l'Heliodrom on faisait

 18   sortir des prisonniers pour qu'ils s'acquittent d'activités hors de

 19   l'Heliodrom sans qu'il y ait un système en place pour faire une séparation

 20   entre les différentes catégories ?

 21   R.  Je ne sais pas, je ne pouvais pas savoir de quelles personnes il

 22   s'agissait si on ne m'avait pas fourni une liste de leurs noms. S'il ne

 23   s'agissait que d'un rapport d'une teneur générale, je ne pouvais me faire

 24   une idée que concernant les événements, mais pas l'identité ou le nom des

 25   personnes concernées.

 26   Q.  Nous allons passer au troisième classeur. C'est un classeur différent

 27   de celui que vous avez devant vous. Il y a deux parties dans ce classeur.

 28   Nous allons pour l'instant nous pencher sur la première partie de ce

Page 51657

  1   classeur. Voilà.

  2   Donc au total il y a 66 documents, qui vont du 4 juillet au 14 décembre,

  3   lorsque l'on vous avertissait que des prisonniers sortaient de l'Heliodrom

  4   pour s'acquitter d'activités, ils étaient soit tués, soit blessés.

  5   Pour que ce soit au compte rendu d'audience, ce n'est pas la totalité des

  6   documents qui reflète la période en question, il s'agit simplement des

  7   documents qui ont été transmis à M. Vidovic.

  8   Donc il s'agit de 66 documents qui représentent 24 semaines, et si l'on

  9   fait la moyenne, vous avez été averti en moyenne trois fois par semaine de

 10   ces personnes décédées ou blessées. Monsieur Vidovic, est-ce que vous

 11   seriez d'accord pour dire qu'il s'agissait d'un problème important pour le

 12   HVO ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Ce n'était pas un problème qui pouvait vous échapper ou échapper à vos

 15   supérieurs, n'est-ce pas ?

 16   R.  Exact.

 17   Q.  Si l'on peut maintenant passer à la deuxième partie de ce classeur,

 18   c'est la deuxième moitié, il s'agit de documents supplémentaires, et ces

 19   documents ne sont pas par ordre numérique. En fait, il y a des dates qui

 20   commencent donc en juillet jusqu'en novembre, et il s'agit -- voilà, c'est

 21   exactement cela. Le premier document est en fait un ordre permettant de

 22   faire sortir des détenus pour des activités, puis vous avez ensuite des

 23   rapports sur les personnes qui ont été tuées ou blessées. Si vous commencez

 24   par le premier document, le document P 03253, qui porte la date du 7

 25   juillet, signé par Jelic.

 26   Il semble qu'il s'agisse d'un document type qui demande des travailleurs.

 27   Est-ce que vous avez déjà vu ce type de document auparavant ? Il

 28   s'agit du document P 03253.

Page 51658

  1   R.  3253 ?

  2   Q.  Oui, tout à fait. Est-ce que vous avez déjà vu ce type de document ?

  3   Peut-être pas celui-là en particulier, mais d'autres documents de ce type.

  4   R.   Il s'agit ici d'un document signé par le commandant de la défense de

  5   la ville. Je ne me rappelle pas avoir vu ces documents dans le cadre des

  6   activités du département où j'étais employé.

  7   Q.  Très bien. Je vous demande un peu de patience, en tant qu'officier de

  8   police et en tant que juriste, je pense que vous êtes habilité de parler de

  9   ce document avec moi.

 10   Vous voyez, Monsieur le Témoin, dans le deuxième paragraphe de ce

 11   document, il y a le nom de la personne, il y a une ligne, donc un champ à

 12   remplir, et il est mentionné que :

 13   "…cette personne s'acquittait de certaines activités…"

 14   Entre parenthèses, il est mentionné :

 15   "(Nettoyage des rues, des parcs, des habitations, et des locaux)."

 16   Ensuite il est mentionné :

 17   "Les prisonniers doivent être traités conformément au droit

 18   humanitaire international et à la convention de Genève."

 19   Monsieur Vidovic, savez-vous que le droit humanitaire international

 20   permet à des prisonniers qui ont un certain statut de s'acquitter de

 21   certaines activités tant qu'il ne s'agit pas d'opérations militaires, et

 22   les travaux qu'ils peuvent réaliser sont en fait représentés par ce

 23   document, c'est-à-dire des activités d'ordre public ?

 24   R. Oui.

 25   Q.  Vous saviez donc que les prisonniers ne pouvaient pas faire d'activités

 26   liées à la conduite d'opérations militaires, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui, oui.

 28   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'une des raisons

Page 51659

  1   pour lesquelles ces personnes peuvent réaliser des activités telles que

  2   nettoyage des rues, des parcs, des habitations et des locaux, c'est parce

  3   qu'en fait il s'agit d'activités qui sont considérées comme sûres, par

  4   rapport à des opérations militaires ? Est-ce que vous seriez d'accord avec

  5   moi pour dire que c'est en fait une représentation juste de la situation ?

  6   R.  En effet.

  7   Q.  Parce que dans certains endroits où il y avait des opérations

  8   militaires, dans ces endroits il y a une probabilité que ces prisonniers

  9   soient blessés ou tués; est-ce que cela semble logique ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Si, par exemple, un civil était sorti de l'Heliodrom pour s'acquitter

 12   d'activités liées à des opérations militaires, ceci aurait été un crime

 13   pour lequel vous auriez été habilité à mener une enquête, n'est-ce pas ?

 14   R.  Vous avez parlé d'un "civil" ?

 15   Q.  Oui.

 16   R.  Dans notre activité, nous avions à connaître exclusivement de cas qui

 17   concernaient les soldats.

 18   Q.  Par conséquent, si un militaire faisait sortir un civil pour

 19   s'acquitter d'activités liées à des opérations militaires, est-ce que vous

 20   vous deviez de lancer une enquête sur cet incident ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Alors regardons le document suivant. C'est le document P 03293. Je

 23   répète, P 03293. Il s'agit d'un rapport qui correspond à cet ordre. Sur la

 24   base de cet ordre -- cette demande de 40 prisonniers, il semble que ces 40

 25   personnes aient été envoyées, 40 détenus sont sortis de l'Heliodrom, avec

 26   l'accord de M. Pusic.

 27   Lorsqu'ils sont revenus :

 28   "…on a été informés qu'un des détenus… avait été blessé par l'armée

Page 51660

  1   de la BiH et il a été transféré à l'hôpital…"

  2   Monsieur, est-ce que vous vous souvenez de vous être penché sur cet

  3   incident où 40 prisonniers ont été envoyés pour s'acquitter de certaines

  4   activités et suite à ces activités l'un d'entre eux a été blessé ?

  5   R.  Nous avons eu à traiter des affaires semblables à celle-ci, mais de

  6   façon indirecte par l'intermédiaire des unités militaires et de leurs

  7   organes chargés de la sécurité, donc le SIS des brigades, qui avait

  8   compétence à ce sujet.

  9   Q.  Donc ce rapport vous a été envoyé en copie, mais vous ne vous souvenez

 10   pas d'enquêtes qui auraient été menées par votre groupe à ce sujet, n'est-

 11   ce pas ?

 12   R.  Je n'arrive pas à m'en souvenir sur la base de ce document, mais je

 13   répète que nous avons procédé à un certain nombre d'enquêtes pour des cas

 14   de ce type; au niveau du service dans lequel j'étais employé.

 15   Q.  Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que, dans le cas où

 16   un des prisonniers était blessé par l'armée de la BiH, en d'autres termes,

 17   dans ce cas-là, l'ennemi du HVO, ceci pourrait vous laisser penser que ces

 18   personnes travaillaient dans une situation qui avait trait à des opérations

 19   militaires d'une manière ou d'une autre ?

 20   R.  Je dois ici souligner encore une fois et brièvement que Mostar dans son

 21   intégralité était une zone de guerre dangereuse dans laquelle des

 22   pilonnages avaient lieu quotidiennement. N'oublions pas non plus le fait

 23   qu'il y avait des victimes de tueurs embusqués, victimes quotidiennes, y

 24   compris très loin en profondeur derrière la première ligne de front. Donc

 25   la zone dans laquelle se trouve ma maison, par exemple, et qui se trouve à

 26   700 ou 800 mètres au moins de la première ligne de front, là-bas y compris

 27   il y avait des victimes qui étaient tuées par des tueurs embusqués; donc

 28   Mostar dans sa totalité était zone de guerre. Si bien que la notion d'une

Page 51661

  1   sécurité dans les parcs publics, par exemple, c'est quelque chose dont on

  2   ne peut pas vraiment parler.

  3   Q.  Très bien. Nous allons parler plus précisément des positions du HVO.

  4   Nous allons passer à la pièce P 03766, c'est quelques documents avant que

  5   ce que nous venons de voir. P 03766. C'est un document du 9 août, une

  6   demande pour 20 détenus, commandant du 2e Bataillon Puljic.

  7   Puis vous avez un autre document, le document 4221, il s'agit du rapport

  8   correspondant en ce qui concerne ces 20 prisonniers.

  9   Monsieur le Témoin, dans cette demande, il est mentionné :

 10   "On vous demande de mettre à notre disposition 20 détenus pour s'acquitter

 11   des activités nécessaires pour fortifier nos positions."

 12   Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire que "la fortification

 13   des positions" fait clairement référence à des opérations militaires ?

 14   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi. Mais je ne sais plus

 15   de quel document on parle, est-ce que c'est le 4221. Parce que l'interprète

 16   a donné une interprétation en croate, alors que dans le compte rendu on a

 17   autre chose, puis vous, vous donnez encore une autre lecture. Alors est-ce

 18   qu'il y a encore eu une erreur, je ne sais pas. Mais je vois qu'aucun des

 19   documents n'émane du témoin.

 20   Mme WEST : [aucune interprétation]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- quel document vous dites ?

 22   Mme WEST : [interprétation] Il s'agit du premier document, P 03766. Il

 23   s'agit du premier document, je répète, 3766. Il s'agit de la demande de M.

 24   Puljic, et il est mentionné :

 25   "On vous demande de mettre 20 détenus à notre disposition afin de faire ce

 26   qui est nécessaire pour fortifier nos positions."

 27   Q.  Monsieur Vidovic, est-ce que vous avez votre document devant vous ?

 28   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Madame West, dans mon document, il

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  1   est mentionné "25 documents."

  2   Mme WEST : [interprétation] Oui, vous avez raison. Il s'agit de "25

  3   détenus."

  4   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi. Mais il me semble que

  5   peut-être ma consoeur est en train de lire à partir du mauvais document,

  6   parce qu'ici on ne lit nulle part "pour fortifier nos positions." On parle

  7   "de tâches urgentes pour les besoins de la défense," dans le document

  8   numéro 3766. Alors peut-être qu'il ne s'agit pas du bon document.

  9   Mme WEST : [interprétation] Je crois que c'est une erreur de ma part, et

 10   j'y reviendrai un peu plus tard.

 11   Q.  Monsieur Vidovic, de manière générale durant cette période, lorsque

 12   l'on vous avertissait que des personnes avaient été tuées ou blessées, vous

 13   nous avez dit que, dans certains cas, vous meniez des enquêtes. J'aimerais

 14   que vous disiez aux Juges de la Chambre quels étaient les critères que vous

 15   utilisiez pour lancer des enquêtes ou pour ne pas en mener.¸

 16   R.  Vous me posez une question générale, n'est-ce pas, pas uniquement par

 17   rapport au document que nous avons sous les yeux, votre question n'a pas de

 18   rapport avec ce document ?

 19   Q.  Non, effectivement.

 20   R.  Nos enquêtes étaient diligentées lorsque nous recevions des rapports

 21   écrits, rapports sur la base desquels nous pouvions estimer que les

 22   personnes dont les noms figuraient dans ces rapports étaient également

 23   référencées chez nous parce que ces personnes avaient fait l'objet de

 24   recherches de notre part. A partir de ce moment-là, nous étions tenus de

 25   procéder à une enquête et d'en informer le procureur militaire.

 26   Q.  Monsieur Vidovic, nous allons rester dans le même classeur, mais nous

 27   allons revenir à la première partie, j'ai parlé de ces 66 rapports.

 28   Vous venez de dire que :

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  1   "Nos enquêtes étaient lancées lorsqu'on recevait des rapports écrits

  2   comportant des informations."

  3   Vous avez reçu à 66 reprises des rapports écrits faisant état de ces

  4   personnes blessées ou tuées. Si l'on passe en revue ces différents

  5   documents, vous pouvez parcourir certains de ces documents, il y en a plus

  6   de 66 en fait, mais beaucoup vous étaient adressés, et je vous dirais que,

  7   dans ces rapports, il n'est pas mentionné si ces personnes sont des

  8   détenus, s'il s'agit de civils, s'il s'agit en fait de prisonniers de

  9   guerre de l'ABiH, en fait il y a simplement des noms.

 10   Donc, Monsieur le Témoin, est-ce que vous seriez d'accord avec moi

 11   pour dire que la raison pour laquelle M. Bozic ne vous donne que les noms

 12   de personnes et ne vous donne pas le statut c'est parce qu'en fait il ne

 13   connaissait pas le statut de ces personnes ? N'est-ce pas exact, Monsieur

 14   le Témoin ?

 15   R.  J'ignore ce que lui savait ou ne savait pas. C'était à lui qu'incombait

 16   l'obligation de savoir. Mais comme je l'ai dit précédemment, il s'adressait

 17   en permanence à moi, il m'envoyait des courriers indépendamment de la

 18   question de savoir si cela nous concernait vraiment ou non.

 19   Q.  Très bien. Si vous nous dites que vous avez mené des enquêtes lorsque

 20   vous avez reçu un avis faisant état du statut de la personne blessée ou

 21   tuée, est-ce que vous dites aux Juges de cette Chambre qu'en plus de ces 66

 22   documents qui vous étaient envoyés en copie, vous avez reçu d'autres

 23   documents, d'autres rapports, faisant état de personnes qui avaient été

 24   tuées ou blessées qui étaient du HVO, ou plutôt des personnes qui étaient

 25   sous votre contrôle ? Est-ce que c'est ce que vous nous dites ici ?

 26   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi, chère Consoeur, de

 27   vous interrompre, mais le témoin en page 48 a dit, je cite :

 28   "Nous diligentions une enquête lorsque nous recevions un rapport

Page 51664

  1   écrit dans lequel figuraient des informations."

  2   Ensuite, pour autant que j'ai compris le témoin, il a dit autre

  3   chose, j'aimerais qu'on donne au témoin la possibilité de s'expliquer,

  4   parce que seulement la moitié de ce qu'il a dit a été traduit. Alors

  5   j'aimerais qu'on puisse lui donner d'expliquer exactement de quoi il

  6   retourne, qu'il puisse le faire, donc comment il procédait notamment

  7   lorsqu'il recevait un tel rapport, et ce qu'il recherchait dans les données

  8   de son propre service. Parce qu'il n'a pas eu l'occasion de le dire de

  9   façon très claire.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Ça peut être une question supplémentaire. Mais si le

 11   transcript ne reflète pas fidèlement ce qu'il a dit, il vaut mieux que le

 12   témoin complète.

 13   Alors, Monsieur, qu'avez-vous dit exactement ? Ça, ça ne doit pas être

 14   décompté sur le temps du Juge.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Alors j'ai dit précisément la chose suivante,

 16   j'ai parlé de données ou de dossiers qui étaient les nôtres propres, c'est-

 17   à-dire ceux du département des enquêtes criminelles au sein duquel j'étais

 18   employé, et qui avaient été dressées pour nos seuls besoins propres dans le

 19   cadre des affaires sur lesquelles nous étions en train d'enquêter.

 20   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Etant donné qu'il y a eu une

 21   interruption, j'aimerais en fait vous poser une question de base, pour

 22   ainsi dire.

 23   J'aimerais savoir si à quelque moment que ce soit vous avez lancé une

 24   enquête après avoir reçu un rapport faisant état que des personnes, qui

 25   étaient sorties de l'Heliodrom pour aller travailler, avaient été blessées

 26   ou tuées ? Est-ce que ceci a déclenché à un moment donné une enquête ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, s'il s'agissait de

 28   détenus qui faisaient l'objet d'une enquête de la part de notre service.

Page 51665

  1   S'il s'agissait de membres désarmés du HVO, c'était la brigade qui se

  2   chargeait d'enquêter à leur sujet, ainsi que les services chargés de la

  3   Sécurité au sein de la brigade.

  4   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous demandais si vous, à savoir

  5   le département des Enquêtes criminelles de la police militaire, avez lancé

  6   ce type d'enquête.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est précisément ce que je souhaite pouvoir

  8   vous expliquer. Oui, nous le faisions à condition d'avoir les attributions

  9   nécessaires et l'autorité nécessaire par rapport à l'intéressé; s'il

 10   s'agissait d'un individu qui avait déjà été connu de nos services pour

 11   infraction au pénal, oui. Il y a eu des cas également dans lesquels des

 12   détenus appartenant à cette catégorie avaient été emmenés pour s'acquitter

 13   de travaux sans que le procureur en soit informé et sans que le procureur

 14   les ait osés sans que nous en soyons informés.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci. Est-ce qu'il vous serait

 16   possible de nous donner des exemples ? Est-ce que vous vous souvenez

 17   d'affaires précises de ce type ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, il me semble qu'avant la

 19   pause, nous avons vu un document où il est fait état de la fameuse fiche ou

 20   de ce document où on faisait état d'un certain nombre de soldats qui

 21   avaient été transférés, il s'agissait de personnes contre lesquelles des

 22   plaintes au pénal pour meurtres avaient été déposées. Si vous vous rappelez

 23   ce document, il y avait un texte signé par Tuta, il y avait trois civils

 24   qui avaient été emmenés. Donc c'est de cela que je parle.

 25   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci.

 26   J'espère que je vous --

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a eu - écoutez bien - 56 tués et 191 blessés,

 28   je le dis bien de mémoire, ce qui voudrait dire qu'il y a eu plus de 200

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  1   cas de personnes qui ont été ou tuées ou blessées pendant la période où ils

  2   étaient à l'Heliodrom. Sur ces 200 cas environ, dans votre souvenir,

  3   combien avez-vous fait d'enquêtes ? Approximatives. Une, cinq, dix, 20, 50,

  4   quel chiffre ? Parce que je conçois que vous êtes incapable de donner le

  5   nom des victimes. Ça se comprend. Dix-sept ans après, qui pourrait en être

  6   capable ? Mais par contre, vous pouvez vous rappeler s'il y a eu cinq, dix,

  7   20, 30, 50 enquêtes. Ça c'est peut-être possible.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que je ne peux pas vous donner de

  9   réponse chiffrée, mais je sais que des enquêtes ont été diligentées. Mais

 10   après 17 ans, je ne peux vraiment pas donner de chiffre, c'est très

 11   difficile pour moi, et je n'ai pas en tête cette distinction par catégories

 12   ou par sous catégories au-delà de la catégorie de plaintes au pénal pour

 13   pouvoir vous répondre. C'est assez difficile pour moi de donner une réponse

 14   chiffrée, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- West.

 16    Mme WEST : [interprétation]

 17   Q.  Monsieur Vidovic, pour ce qui est de ces 66 rapports qui vous ont été

 18   envoyés et qui vous avertissent de ce qui se passe, il y a 19 rapports

 19   envoyés à vous-même et à M. Coric également, il y a neuf rapports qui ont

 20   été envoyés à vous et à M. Pusic également. Après avoir reçu ces rapports,

 21   avez-vous évoqué cela avec M. Coric ?

 22   R.  Voilà : Comme je l'ai dit tout à l'heure, M. Bozic ne cessait de

 23   m'écrire. Donc je recevais --

 24   Q.  Monsieur Vidovic, nous avons entendu cela. Ma question était tout à

 25   fait claire et requiert un non ou un oui. Cela peut être l'un ou l'autre.

 26   Lorsque vous avez reçu ces rapports, ceux que M. Coric a reçus en copie,

 27   est-ce que vous en avez parlé avec lui ?

 28   R.  Vous m'avez demandé si je discutais avec Coric; c'est bien ça ? Au lieu

Page 51667

  1   de parler avec lui, je m'adressais à M. Coric par écrit, et j'ai demandé

  2   qu'aux réunions de la direction de la Police militaire, on finisse, à

  3   partir des plus hautes instances, d'autoriser notre département à faire ce

  4   qui figurait dans le titre de ce document, à savoir : "Lutter contre la

  5   criminalité." Je crois qu'à la fin du mois de juillet, durant une réunion

  6   de la direction de la Police militaire, une décision a été prise qui m'a

  7   été transmise par le biais du bataillon. Je ne participais pas, je

  8   n'assistais pas à cette réunion, donc j'ai reçu l'information par le

  9   truchement du bataillon, et je crois que c'est, dans cette décision, que le

 10   chef, M. Coric, prenait en compte ce que je lui demandais. Je crois

 11   qu'après cela, j'ai envoyé un exemplaire de cette décision personnellement

 12   à M. Bozic pour le prier de ne plus m'écrire au sujet de ce qui ne faisait

 13   pas partie de mes responsabilités, mais plutôt de s'adresser au procureur

 14   militaire.

 15   Q.  Alors évoquons un exemple que nous avons évoqué il y a 15 minutes. Dans

 16   une situation où vous êtes averti du fait qu'un commandant de l'armée du

 17   HVO a fait sortir un certain nombre de détenus, et que ces détenus sont des

 18   civils, et que certains de ces civils ont été blessés ou tués, et vous

 19   étiez averti de cela, est-ce que vous nous dites que vous avez enquêté là-

 20   dessus et qu'il y a eu des poursuites par la suite ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que vous nous dites que M. Coric vous a dit de faire cela ?

 23   R.  Non. Pourquoi Coric ? Je ne comprends pas.

 24   Q.  Vous-même, vous avez ouvert une enquête, vous l'avez remise au

 25   procureur, et il y a eu des poursuites après cela ?

 26   R.  Oui, oui, oui.

 27   Q.  Donc, Monsieur Vidovic, moi. je n'ai pas vu de documents qui

 28   ressemblent à cela. Dans votre témoignage lors de l'interrogatoire

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  1   principal avec le conseil de la Défense, nous n'avons vu aucun document de

  2   la sorte. Est-ce que vous voulez dire qu'à l'époque ces documents à l'appui

  3   de ce que vous venez de dire sont des documents que vous n'avez pas vus

  4   récemment ?

  5   R.  Je me rappelle un cas très intéressant qui est lié au domaine dont vous

  6   parlez. Une situation s'est présentée - je crois que c'était au mois de

  7   juillet 1993 - un groupe organisé de soldats du HVO, qui était exactement

  8   sur la première ligne de front dans la rue Ricina, a commis des exactions

  9   en expulsant et en malmenant des civils. Puisque cela se passait en

 10   première ligne, un lieu qui était directement sous la responsabilité de M.

 11   Jelic, le commandant de la défense de la ligne, j'ai informé M. Jelic de

 12   cela, car nous, nous avons appris que cet incident avait eu lieu, et à ce

 13   moment-là, un groupe a été mis en place sous la direction directe de M.

 14   Jelic, et au sein de ce groupe, nous nous sommes mis au travail pour

 15   procéder à l'arrestation de ces hommes. C'était dans la rue Ricina pendant

 16   le mois de juillet. Les hommes visés étaient soldats, ils étaient en

 17   première ligne, soldats du HVO ?

 18   Q.  -- s'ils ont été condamnés ?

 19   R.  Ça je ne peux pas, peut-être que si j'avais un document sous les yeux.

 20   Q.  Regardons le P 03518.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, je reviens sur une question que

 22   Mme West vous a posée.

 23   Concernant les civils, vous êtes issu d'un pays où le droit est appliqué,

 24   et il est appliqué avec précision. Nous avons eu un témoin avant vous qui

 25   nous a expliqué que la prison civile avait été transférée à l'Heliodrom.

 26   Donc conclusion, nous savons qu'à l'Heliodrom il y a aussi des prisonniers

 27   civils. Un prisonnier civil, sauf erreur de ma part - mais si je commets

 28   l'erreur vous me corrigerez, car vous êtes juriste - dépend de l'instance

Page 51669

  1   civile, procureur militaire, tribunal civil, et le cas échéant, il purge

  2   une condamnation prononcée par une juridiction civile, sauf le cas des

  3   civils qui sont impliqués dans des affaires conduites par l'autorité

  4   militaire judiciaire, procureur militaire, juges d'instruction militaire,

  5   car ils sont impliqués dans des affaires à connotation militaire.

  6   Partant de là, un civil qui quitte l'Heliodrom, à votre avis, est-ce qu'il

  7   relève automatiquement comme semble l'indiquer Mme West de la police

  8   militaire et du procureur militaire, ou bien peut-il relever de l'autorité

  9   civile, à savoir le juge d'instruction civile qui l'a incarcéré, la police

 10   civile, le tribunal civil, le procureur civil ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous avez à l'esprit l'exemple dont nous

 12   avons parlé tout à l'heure, je crois qu'il était question de M. Klemo,

 13   n'est-ce pas, qui était suspecté d'un acte criminel qui était un acte de

 14   meurtre ? C'était un civil, donc il dépendait des autorités civiles et des

 15   instances judiciaires civiles, mais ce sont des militaires qui l'ont fait

 16   sortir de la prison pour l'emmener dans une opération militaire. Au moment

 17   où il est arrivé à l'Heliodrom, pendant la durée de son séjour à

 18   l'Heliodrom, cet homme était un civil qui était là sur décision d'un

 19   tribunal civil.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Les militaires qui l'ont sorti connaissaient-ils, de

 21   votre point de vue, sa situation juridique exacte ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas ce qu'il

 23   savait et je ne sais pas ce qu'il savait de sa situation juridique. Mais en

 24   tout Conseil de sécurité, les personnes que l'on faisait sortir et qui

 25   étaient sous le contrôle de notre département, nous en informions le

 26   procureur militaire.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Dernière question.

 28   Vous avez remarqué, comme moi, mais Mme West vous l'a fait remarquer et je

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  1   l'en remercie, que les ordres étaient tous les mêmes. Simplement, on

  2   remplissait les trous. Mais on remplissait les trous en marquant des

  3   chiffres. On a besoin de 20 détenus. Mais il y avait pas de distinguo entre

  4   les prisonniers civils, les prisonniers de guerre et les autres. Est-ce que

  5   ça ne pouvait pas, de votre point de vue, être source de confusion ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne remplissais pas

  7   ces documents. Ce n'est pas moi qui demandais ces personnes, ces individus,

  8   et ce n'est pas moi qui donnais les autorisations. Il y a eu des cas

  9   exceptionnels où j'ai pu leur remettre des hommes qui étaient sous notre

 10   responsabilité. Mais dans ce cas-là, je demandais l'autorisation au juge

 11   d'instruction. Mais il s'agissait, dans des cas exceptionnels de ce genre,

 12   de problèmes de logistique et rien d'autre. Mais pour tout le reste, je

 13   n'ai pas participé en quoi que ce soit à l'envoi de personnes pour un

 14   travail à l'extérieur.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West.

 16   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Pardonnez-moi. Je souhaite encore

 17   retenir cet exemple des quatre personnes. Je crois qu'ils étaient

 18   soupçonnés de meurtres; ce n'étaient pas des meurtriers. Est-ce que vous

 19   vous souvenez si, oui ou non, une quelconque de ces personnes a été tuée ou

 20   blessée alors qu'il travaillait ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pensez aux quatre hommes de tout à

 22   l'heure ?

 23   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Oui.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'ils n'ont pas été blessés ou tués

 25   --

 26   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Dans ce cas qui nous intéresse, je

 27   crois que l'exemple ne peut pas être utilisé. Lorsque je vous ai demandé

 28   des exemples de poursuite, je pensais à des cas où des personnes, des

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  1   prisonniers, des détenus, étaient emmenées pour aller faire des travaux, et

  2   ils ont été blessés ou tués. Ceci n'est pas un terme technique que

  3   j'utilisais. C'est cela que je voulais dire et que ceci aurait pu donner

  4   lieu à une enquête, et je souhaitais savoir si, dans de tels cas, vous

  5   aviez un exemple où une enquête avait été ouverte. Pour l'instant, nous

  6   n'avons toujours pas d'exemple à cet effet.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me rappelle un cas qui est très

  8   significatif s'agissant de ce dont vous êtes en train de parler, Monsieur

  9   le Juge, si vous me le permettez.

 10   Durant ces opérations de guerre qui ont eu lieu au mois de juillet 1993,

 11   ils sont sortis de la prison de l'Heliodrom, et je crois que j'ai des

 12   chances d'être dans le vrai à 99 %, en disant que c'était pour satisfaire

 13   aux besoins d'une opération. En tout cas, un membre du HVO a été emmené

 14   hors de la prison. Je ne me rappelle pas son nom, mais je sais qu'il

 15   habitait à Mostar et qu'il était d'appartenance ethnique serbe. Il a été

 16   tué dans le cadre d'opérations de guerre, et au sein de notre département,

 17   nous avons procédé à une enquête complète sur ce cas et nous avons remis

 18   l'ensemble du dossier, ainsi que la plainte pénal au procureur et au chef

 19   de la zone opérationnelle.

 20   J'ai eu l'occasion de le rencontrer juste avant cet événement. On l'a fait

 21   sortir de l'Heliodrom et notre département, lorsqu'il a été informé de sa

 22   mort, a diligenté une enquête. Il n'était pas originaire de Mostar au

 23   départ. Il vivait à Mostar tout seul. Il n'avait personne avec lui, et je

 24   me rappelle que nous avons procédé à des recherches très longues, que

 25   finalement, la seule chose que nous avons apprise, c'est qu'il était de la

 26   Bosnie occidentale, au départ, de Prijedor, si je ne me trompe.

 27   Voilà, Monsieur le Juge, un exemple qui, je crois, correspond assez bien à

 28   ce dont nous étions en train de parler.

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  1   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je me souviens. Est-ce que vous vous

  2   souvenez des résultats de l'enquête ? Est-ce que quelqu'un a été identifié

  3   en tant que suspect ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  5   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Toutes mes excuses d'interrompre,

  7   mais j'attendais l'instant propice pour intervenir.

  8   Le Procureur a dit qu'au cours de l'audition de ce témoin, nous n'avons pas

  9   vu de documents qui prouvaient qu'il y avait eu transmission de rapports au

 10   procureur.

 11   Ce que je tiens à dire, c'est que, malheureusement, durant ce procès, nous

 12   n'avons reçu du procureur aucun dossier, donc aucun dossier émanant d'un

 13   quelconque bureau du procureur en Bosnie-Herzégovine, qu'il s'agisse de

 14   procureur civil ou de procureur militaire. La Défense de M. Coric - je suis

 15   sûr que les Juges de la Chambre s'en souviendront - a versé au dossier un

 16   certain nombre de CD ainsi que des ouvrages provenant de l'Accusation. Mais

 17   ces ouvrages ne portaient que sur des procès enregistrés. Ni le bureau du

 18   Procureur ni nous-mêmes n'avons eu la possibilité d'obtenir une

 19   documentation complète d'un quelconque bureau du procureur ou d'un tribunal

 20   militaire de Bosnie-Herzégovine. Ceci a été également le cas s'agissant du

 21   tribunal militaire de Mostar et du procureur militaire de Mostar. Voilà le

 22   premier point que je tenais à signaler.

 23   Maintenant, j'en arrive au deuxième point : Malheureusement, durant ce

 24   procès, étant donné qu'il n'existait pas d'archives en Croatie, nous ne

 25   sommes pas parvenus à obtenir les registres d'enregistrement des entrants

 26   et des sortants, pas plus que les registres d'entrées et de sorties de la

 27   police militaire du HVO ou du SIS, donc je pense que personne ne peut

 28   prétendre dans ce procès avoir vu des documents de cette nature --

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  1   Mme WEST : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur Vidovic, en réponse à la question de M. le Juge Trechsel, vous

  3   nous avez donné un exemple d'enquête, il s'agit d'un exemple par rapport à

  4   66 notifications qui vous ont été envoyées précisant que des personnes ont

  5   été tuées ou blessées. Monsieur, la question que je vous soumets est celle-

  6   ci, la politique générale du HVO à l'époque ne consistait pas à ouvrir

  7   d'enquête dans ces cas-là, et la question que je vous pose c'est : Est-ce

  8   parce que le HVO ne pensait pas qu'il s'agissait d'un crime ?

  9   R.  Je ne peux pas répondre au nom de tout le HVO. Mais s'agissant du

 10   département au sein duquel je travaillais, nous considérions que toute

 11   infraction devait donner lieu à un dépôt de plainte au pénal, donc tout

 12   crime doit être poursuivi.

 13   Q.  S'il vous plaît, regardez la pièce 03518. Il s'agit de la première

 14   partie de votre classeur.

 15   R.  Je demanderais simplement à l'interprète de parler un peu plus fort,

 16   parce que j'entends mieux Mme le Procureur que l'interprète. Merci.

 17   Q.  3518, 3518. Il s'agit du 17 juillet. Il s'agit d'un rapport. Vous avez

 18   reçu une copie, ainsi que MM. Coric et Pusic.

 19   "Le 16 juillet, trois détenus ont été mis à disposition afin de

 20   s'occuper de la récupération des corps de nos soldats qui avaient été tués

 21   sur ordre de M. Ivica Pisic…

 22   "… avec l'autorisation de M. Berislav Pusic, qui était l'officier en

 23   charge."

 24   Ensuite, on énumère la liste des détenus.

 25   Monsieur Vidovic, la récupération de corps de soldats est quelque chose,

 26   bien sûr, qui a trait à la façon dont sont menées les opérations

 27   militaires, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Conviendrez-vous avec moi, Monsieur, que dans ce cas-ci il n'y a pas eu

  2   d'enquête, il n'y a pas eu de poursuite, et aucune condamnation n'a été

  3   prononcée ?

  4   R.  Je ne peux pas l'affirmer. A la lecture de ce document, nous voyons

  5   qu'il est question de brigades du SIS et de la police de la brigade, donc

  6   ce sont des personnes qui relèvent de leur responsabilité. Je dis une

  7   nouvelle fois que je n'exclus pas le fait qu'une enquête ait ensuite été

  8   menée par notre département. Mais ceci ne ressort pas de la lecture de ce

  9   document. Ce qui ressort uniquement de la lecture de ce document c'est

 10   qu'il est question d'un document émanant de l'Heliodrom, qui informe au

 11   sujet des activités de la 3e Brigade. J'ajouterais que la 3e Brigade était

 12   stationnée à l'Heliodrom.

 13   Q.  Merci, Monsieur. Je souhaite que vous fassiez la supposition suivante :

 14   Qu'il y a un afflux de 2 000 prisonniers à l'Heliodrom au mois de juillet,

 15   et que la grande partie de ces personnes sont des civils, mais qui sont

 16   mélangés avec d'autres personnes qui sont détenues dans cette installation,

 17   que les personnes qui gèrent la prison ne savent pas qui est qui, ne savent

 18   pas qui est civil, ne savent pas qui est HVO, soldat musulman du HVO,

 19   prisonnier de guerre de l'ABiH, et ne savent pas véritablement qui est un

 20   détenu du HVO, et il y a des membres de l'armée du HVO qui entrent dans

 21   cette installation, qui saisissent les personnes qui les intéressent sans

 22   que quiconque dans la prison ne puisse leur dire quel est le statut de ces

 23   personnes que l'on fait sortir. Est-ce que vous conviendrez avec moi,

 24   Monsieur, qu'il s'agit là d'un système qui pourrait donner lieu à l'envoi

 25   de civils que l'on contraint et force à accomplir des travaux dans le cadre

 26   d'opérations militaires ?

 27   R.  Je peux convenir avec vous de la justesse de ce que vous venez de dire,

 28   mais je répète encore une fois, et je ne sais même plus pour la

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  1   combientième fois, que mon rôle était celui d'un enquêteur de la police

  2   militaire.

  3   Q.  Donc dois-je supposer que vous ne pouvez pas répondre à cette question

  4   ?

  5   M. KARNAVAS : [interprétation] La question a obtenu réponse. Maintenant,

  6   l'Accusation est injuste envers le témoin. Il a répondu. Si elle regarde,

  7   peut-être qu'elle n'écoutait pas ou peut-être qu'elle n'a pas tout à fait

  8   entendu la réponse qu'elle souhaitait, mais il a précisé, et c'est très

  9   clair :

 10   "Je peux être d'accord avec la supposition que vous faites."

 11   C'est vrai que c'est hypothétique, mais c'est en tout cas ce qu'il a

 12   dit, et elle a obtenu une réponse.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, il a répondu.

 14   Maître Ibrisimovic, j'ai une question après à poser. Maître Ibrisimovic.

 15   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Merci bien, Monsieur le Président. Je ne

 16   voulais pas interrompre la Procureur au moment où elle montrait au témoin

 17   le document 35185, c'était la même chose lorsqu'elle a montré le document

 18   53293 et 5345.

 19   Mais en lisant le paragraphe 13, je vois que M. Pusic à l'époque

 20   n'était pas officier de liaison. Ou plutôt, n'était pas l'officier

 21   responsable, excusez-moi. Mais selon ce que l'on voit à la date du 5

 22   juillet, il a été nommé chef du service chargé des échanges de prisonniers

 23   à cette date, et je vois cela au compte rendu d'audience. Je répète les

 24   numéros des documents que j'ai mentionnés tout à l'heure, il s'agissait des

 25   documents P 3518, P 5329 et P 5345 [comme interprété].

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : En regardant le dernier document, le P 3518,

 27   pouvait-il y avoir la situation suivante : Puisque l'Heliodrom est une

 28   prison militaire où un soldat fait l'objet d'une sanction par l'autorité

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  1   militaire, par son commandant de brigade, il est mis aux arrêts, et il

  2   purge 15 jours d'arrêt, par exemple, parce que tous ceux qui ont fait leur

  3   service militaire savent ce que ça veut dire. Il est à l'Heliodrom, voilà

  4   qu'à ce moment-là, son unité veut le récupérer pour faire des travaux. Il

  5   ne dépend pas du procureur militaire ni de la police militaire, puisqu'il a

  6   été sanctionné dans le cadre des procédures disciplinaires, son unité vient

  7   le récupérer pour faire des travaux, et à ce moment-là, il est tué dans des

  8   circonstances que l'on ne connaît pas, et dont le document ne mentionne

  9   pas. L'enquête qui va être menée, est-ce qu'en priorité elle doit être

 10   menée par le SIS de sa brigade, la police militaire de la brigade, et le

 11   cas échéant par vous-même, après s'il s'avère qu'il y a une infraction ?

 12   Alors est-ce que vous pouvez éclaircir, parce qu'on est dans des sujets

 13   extrêmement compliqués et vous pouvez nous aider à comprendre mieux la

 14   situation.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, l'exemple que vous

 16   venez de citer, enfin dans la première partie de votre propos, concerne

 17   donc une procédure disciplinaire que le commandant d'une unité met en œuvre

 18   contre un soldat dépendant de lui. Je dois vous dire que ces procédures

 19   disciplinaires -- autrement dit, des soldats qui étaient sanctionnés par

 20   leurs commandants pour une infraction à la discipline, ces sanctions de 15

 21   jours, par exemple, comme vous l'avez dit, étaient purgées elles aussi dans

 22   l'enceinte de l'Heliodrom; autrement dit, dans le bâtiment qui abritait

 23   également les prisonniers en raison desquels nous venions tous les jours à

 24   l'Heliodrom, ou en tout cas, nous allions à l'Heliodrom en cas de besoin.

 25   Si un exemple tel que celui que vous venez de citer se présentait, à savoir

 26   qu'un commandant veuille faire sortir un de ces hommes de la prison pendant

 27   que cet homme est en train de purger une sanction disciplinaire, je crois

 28   que vous avez dit que si ce soldat était tué, dans un cas de ce genre notre

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  1   département n'intervenait pas. Car les cas de ce genre relevaient

  2   exclusivement de la responsabilité du SIS de la brigade, et de la brigade

  3   de façon générale. Nous n'avions rien à voir avec des cas de ce genre.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Je pense avoir bien fait de vous poser la

  5   question.

  6   Oui, Madame West.

  7   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Monsieur Vidovic, vous avez parlé des raisons pour lesquelles après le

  9   30 juin les Musulmans étaient arrêtés. Vous avez dit qu'ils étaient arrêtés

 10   parce qu'ils étaient Musulmans, et votre préoccupation était qu'ils

 11   auraient une allégeance vis-à-vis de l'ABiH, et non du HVO. Par conséquent,

 12   j'aimerais me pencher sur le document P 11237, je crois que c'est dans le

 13   classeur numéro 2, ce n'est pas le classeur que vous avez devant vous. Il y

 14   a deux parties dans le classeur numéro 2, première partie et deuxième

 15   partie. Voilà, merci. Je voudrais que l'on passe au document P 11237.

 16   11237.

 17   Il s'agit d'un document du 11 juillet 1993, c'est une demande qui

 18   vous est adressée. Il est mentionné :

 19   "Les soldats suivants ont rejoint le HVO et semblent faire preuve de

 20   loyauté vis-à-vis du HVO depuis le début du conflit avec l'agresseur serbe

 21   ainsi que durant les derniers conflits avec l'ABiH."

 22   Monsieur Vidovic, est-ce que vous vous souvenez avoir reçu des demandes de

 23   ce type ?

 24   R.  Il s'agit d'une des rares demandes qui me sont parvenues à moi

 25   également. Alors j'ai mentionné précédemment, vous vous en souviendrez, le

 26   fait qu'à plusieurs occasions dans des situations où il s'agissait de

 27   logistique, ou à l'intérieur même de la logistique, par exemple question du

 28   génie. Je me rappelle qu'on procédait à la construction d'une route

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  1   auxiliaire qui devait permettre de sortir de Mostar pour rejoindre Siroki

  2   Brijeg, puisque la route officielle qui existait à l'époque, donc qui

  3   existait même avant la guerre, se trouvait constamment sous des tirs.

  4   Q.  Je vous prie de m'excuser, Monsieur Vidovic. Je suis sûre que ce que

  5   vous dites est tout à fait pertinent. Mais de manière générale, vous pouvez

  6   nous dire que de manière générale vous receviez de temps en temps des

  7   demandes pour des libérations ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Très bien. Dans ce cas, il s'agit de deux soldats, compte tenu de leurs

 10   noms, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est leur appartenance

 11   ethnique ou leur nationalité ?

 12   R.  Il s'agit de Musulmans de par leur groupe ethnique.

 13   Q.  Très bien. Ces personnes ont été libérées parce qu'il semblait être

 14   clair que leur loyauté n'était pas vis-à-vis de l'ABiH, mais du HVO, n'est-

 15   ce pas ?

 16   R.  Mais il convient d'ajouter ici que l'individu mentionné au point numéro

 17   2, M. Drljevic, avait fait l'objet d'une enquête de notre part dans une

 18   affaire de vol, c'est pourquoi il tombait sous le coup de notre

 19   responsabilité à l'Heliodrom.

 20   Q.  Très bien. Merci. Donc, Monsieur, vous étiez impliqué d'une manière

 21   logistique dans la libération de personnes détenues à l'Heliodrom, n'est-ce

 22   pas ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Lorsque des personnes étaient libérées, où se rendaient-elles ?

 25   R.  Vous me posez la question concernant ce document précis, ou de façon

 26   générale ?

 27   Q.  Non, de manière générale.

 28   R.  Certains rentraient chez eux, d'autres allaient rejoindre leur unité,

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  1   comme on peut le voir ici d'ailleurs, d'autres encore sortaient de Mostar,

  2   selon les désirs et la volonté de chacun.

  3   Q.  Très bien. Parlons de différents types de personnes. Nous allons passer

  4   au document P 03008. C'est dans le même classeur, mais c'est dans la

  5   deuxième partie de ce classeur. Document qui porte la date du 29 juin 1993.

  6   R.  Chez moi, cela porte la cote "3008."

  7   Q.  Oui, c'est exact. Comme je le disais, il s'agit du 29 juin. En fait, il

  8   s'agit d'un document qui précède voire les [imperceptible] du 30 juin, un

  9   document qui vous était adressé de votre main, à l'attention de

 10   l'Heliodrom, avec une liste de huit prisonniers de mentionnés. Les

 11   prisonniers susmentionnés vont quitter la République fédérale de

 12   Yougoslavie à leur propre demande. Donc dans ce cas, ces personnes ont à

 13   quitter le territoire d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Si les prisonniers étaient disposés à quitter le territoire d'Herceg-

 16   Bosna; est-ce que c'était une manière pour eux d'être libérés de prison ?

 17   R.  C'était une des modalités, mais ça ne constituait pas une règle.

 18   Q.  Donc nous passons maintenant à P 036118. C'est une réunion du 21

 19   juillet 1993, nous en avons parlé hier. Il y avait une différente cote, une

 20   traduction différente et le document d'hier portait la cote 5D 04115. Mais

 21   celui-ci est le document P 036116. Il s'agit d'une réunion à laquelle vous

 22   avez participé. Nous en avons parlé hier, il s'agit du compte rendu de

 23   cette réunion. Nous allons donc nous concentrer là-dessus.

 24   Pour la version anglaise, ce sera les pages 2 et 3, c'est le

 25   paragraphe qui suit votre nom.

 26   Il est mentionné :

 27   "Si nous, comme c'était notre rôle, avions organisé le rassemblement

 28   les habitants, et bien, cela n'aurait pas été possible qu'une unité ou un

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  1   groupe puisse procéder au rassemblement de personnes dans la ville."

  2   Vous citez l'exemple de la police de la résidence universitaire qui

  3   avait rassemblé les habitants dans un quartier de la ville, et les avait

  4   fait sortir de leurs appartements, qu'ils avaient ensuite pillés. Ils

  5   avaient emporté certains biens. Le centre de Bienfaisance était une

  6   institution qui établissait la liste des personnes qui voulaient partir à

  7   l'étranger. Pourquoi devrions-nous remettre ceci en question ?

  8   Le Juge Trechsel vous a posé la question, Monsieur Vidovic, la

  9   question dit ce que nous avions donc été chargés de faire, c'est-à-dire de

 10   procéder au rassemblement des habitants dans la ville. Donc, Monsieur le

 11   Témoin, j'aimerais savoir si vous confirmez que la police militaire n'était

 12   pas impliquée dans le rassemblement de ces résidents.

 13   R.  En effet. J'ai indiqué hier, après voir vu ce document, si je me

 14   rappelle bien qu'il ne s'agissait pas d'un procès-verbal mais d'une sorte

 15   de compte rendu rédigé par une certaine Mme Javorka Ribica. Il s'agit d'un

 16   document qui émane de la police civile, du MUP, et c'est hier que j'ai vu

 17   pour la première fois ce document. J'affirme catégoriquement ne pas

 18   déclarer ceci, ce qui est écrit ici. Il est écrit : "Si nous sommes ceux

 19   qui avons été chargés de…" En fait, ici il s'agit d'une réunion qui a pour

 20   but d'obtenir de meilleurs résultats dans la lutte contre la Criminalité

 21   avec une coopération tant avec la police civile qu'avec le tribunal et le

 22   procureur militaire. Une réunion semblable a été organisée quelques jours

 23   plus tard auprès de la police militaire, comme on l'a vu hier.

 24   Q.  Très bien. Nous allons passer à autre chose, parce que je ne vais pas

 25   me concentrer là-dessus, mais je voudrais reparler de la question qui est

 26   mentionnée, où vous avez cette phrase :

 27   "Le centre de Bienfaisance est l'institution qui est chargée

 28   d'établir la liste des personnes qui veulent quitter le territoire et

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  1   partir à l'étranger."

  2   Est-ce que vous étiez au courant des activités du centre de Bienfaisance ?

  3   R.  Le département, dans lequel je travaillais avait un lien avec ce centre

  4   de Services sociaux, avait des contacts, parce que nous avions l'ordre de

  5   la zone opérationnelle.

  6   Q.  Donc vous étiez au courant de cela ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Donc vous connaissiez cette pratique consistant à établir cette

  9   initiative qu'ils avaient ?

 10   R.  En effet.

 11   Q.  Est-ce que vous savez ce que le centre avait promis à ces personnes si

 12   celles-ci quittaient le territoire ?

 13   R.  Non, je l'ignore.

 14   Q.  Est-ce que vous pensez que l'une des raisons pour lesquelles ces

 15   personnes étaient disposées à partir à l'étranger, était parce que en fait

 16   leurs appartements avaient été pillés et que leurs biens avaient été

 17   emportés ?

 18   R.  J'aurais tendance à adopter un point de vue différent. Il y avait la

 19   guerre à Mostar, c'était un état de guerre qui durait déjà depuis le mois

 20   d'avril 1992, et les conditions de vie étaient tout simplement impossibles.

 21   La grande majorité des habitants de Mostar, indépendamment de leur

 22   appartenance religieuse ou ethnique rencontraient des conditions

 23   extrêmement difficiles au quotidien.

 24   Q.  Je voudrais vous arrêter. Cette liste qui a été établie par ce centre

 25   social ou ce centre de Bienfaisance; est-ce que vous pensez que la plupart

 26   des personnes sur cette liste étaient d'appartenance musulmane ?

 27   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Excusez-moi, mais de quelle liste

 28   parlons-nous ? Est-ce que le témoin sait précisément de quelle liste il est

Page 51683

  1   question ? Nous parlons sans arrêts d'une liste, mais je ne l'ai pas devant

  2   moi, alors j'ignore de quelle liste on est en train de parler.

  3   Mme WEST : [interprétation] Je crois que le témoin sait de quoi je parle.

  4   C'est en fait dans le document, à la page 3, en haut, c'est-à-dire le

  5   centre social est l'institution habilitée à établir une liste de personnes

  6   qui veulent quitter le territoire.

  7   Q.  Donc Monsieur Vidovic, vous nous avez confirmé que la liste était

  8   composée principalement de Musulmans, si l'on va à l'entrée concernant

  9   "Velimir Maric, le président de la communauté [imperceptible]. Il mentionne

 10   :

 11   "Nous sommes dans une guerre grave pour le territoire croate. Sans unité,

 12   les Croates vont perdre la guerre."

 13   Monsieur Vidovic, vous étiez présent à cette réunion, et vous avez donc

 14   entendu cet échange; est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire

 15   qu'une des manières de gagner la guerre pour le territoire croate était de

 16   se débarrasser des Musulmans ? Est-ce que vous seriez d'accord avec cela ?

 17   R.  Non.

 18   Q.  Est-ce que habituellement on envoyait des Musulmans dans des pays tiers

 19   de façon à les faire sortir d'Herceg-Bosna ?

 20   R.  Je ne suis pas au courant d'une pratique de cette nature qui aurait

 21   consisté à transférer de façon organisée les Musulmans vers des pays tiers.

 22   Q.  Alors passons de la manière dont vous avez organisé -- la manière dont

 23   vous avez fait, c'est-à-dire organiser l'envoi des Musulmans dans des pays

 24   tiers; est-ce que vous avez été impliqué dans cette pratique ou cette

 25   procédure ?

 26   R.  Je n'ai pas participé à cela.

 27   Q.  Passons à la page 4, dans la version anglaise de ce document. C'est

 28   lorsque vous prenez la parole où que l'on vous prête ces mots. Il est

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  1   mentionné :

  2   "Le département de la défense m'a invité d'être présent pour organiser la

  3   visite de l'attaché américain à l'Heliodrom à Mostar. Ils veulent en fait

  4   comparer ceci à Manjaca. Je crois que l'on doit arrêter d'amener des

  5   Musulmans à l'Heliodrom. Dans les jours à venir, nous allons aider ces

  6   personnes à quitter la ville pour la République de Croatie et pour

  7   l'étranger, et ceci dès que possible."

  8   Donc je vais vous reposer une question, Monsieur le Témoin; est-ce que vous

  9   avez participé à l'organisation d'envoi de Musulmans vers les pays tiers ?

 10   R.  Je ne peux que répéter : "Non."

 11   Q.  Mais à ce stade, vous ne niez pas que de nombreux Musulmans ont été

 12   envoyés dans des pays tiers ou ont été sortis du territoire d'Herceg-Bosna

 13   à destination d'un autre pays ?

 14   R.  A ce moment-là, de nombreux habitants de Mostar, tant croates que

 15   musulmans ou serbes, quittent Mostar parce que la guerre y fait rage. Donc,

 16   on ne peut pas se contenter d'affirmer cela juste pour un groupe ethnique

 17   particulier, dire que seuls les habitants appartenant à un groupe ethnique

 18   quittent Mostar. N'oubliez pas qu'à ce moment-là, la côte Adriatique dans

 19   son intégralité et ses hôtels sont pleins de réfugiés de Bosnie-

 20   Herzégovine, qui ont fui la guerre. Et à Mostar, les gens périssent

 21   quotidiennement. C'est la guerre, l'état de guerre.

 22   Q.  Merci, Monsieur Vidovic. Mais en ce moment, nous nous concentrons sur

 23   la liste qui a été établie par le centre social, et vous avez déjà confirmé

 24   que cette liste était composée de Musulmans, pas de Croates, pas de Serbes.

 25   Donc cette liste est composée de Musulmans et il y avait donc une

 26   organisation qui était en place pour les envoyer dans des pays tiers.

 27   Mme WEST : [interprétation] J'aimerais passer à la pièce P 03572.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous ai déjà posé la question là-dessus, mais Mme

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  1   West a raison de vous reposer une question.

  2   Le document qu'on a sous les yeux est un élément à charge. Si on considère

  3   ceci, vous intervenez dans la discussion pour dire : 

  4   Il y a l'attaché américain qui vient, donc tout le monde voit ce que ça

  5   peut signifier. Il va regarder ce qui se passe.

  6   Vous dites que :

  7   "Il faut arrêter d'amener des Musulmans à l'Heliodrom."

  8   Deuxième temps. Ensuite, vous dites :

  9   "Il faut les faire partir à l'étranger, en République de Croatie,

 10   aussi loin que possible."

 11   Donc, vous voyez l'enchaînement et ça, c'est ce que dit Mme West. Vous avez

 12   contesté cela. Je regarde le contexte dans lequel ceci est arrivé. Dans le

 13   document, manifestement tous les participants parlent de la criminalité :

 14   meurtres, viols, désobéissance, et cetera, et cetera. Vous, vous intervenez

 15   après le procureur militaire qui lui, ne parle pas d'exiler les Musulmans à

 16   l'extérieur mais au contraire, d'entamer des poursuites, et vous prenez la

 17   parole après lui.

 18   Alors n'auriez-vous pas eu la tentation de dire que toutes ces personnes

 19   qui sont sous enquête criminelle, comme ça s'est passé à Cuba quand ils ont

 20   exilé leurs délinquants aux Etats-Unis, vous préconisez le départ de tous

 21   ces Musulmans ? Aviez-vous ça à l'idée, ou bien, pour vous, il fallait

 22   compléter ce qui était en train de se passer en faisant quitter tous les

 23   Musulmans de Mostar ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, en vous répondant, je

 25   dois répéter une nouvelle fois qu'il ne s'agit pas ici d'un procès-verbal

 26   mais d'un compte rendu que j'ai vu hier pour la première fois.

 27   Je ne saurais convenir de ce qui figure en page 2 et en page 3. Il

 28   s'agissait d'une réunion organisée par la police civile autour d'un seul

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  1   thème, celui de la criminalité. J'y ai été présent avec mes collègues du

  2   département des enquêtes criminelles, et je ne peux que répéter une

  3   nouvelle fois que je n'ai participé à l'élaboration d'aucune liste ni à

  4   aucune organisation de départ de certaines personnes vers des pays tiers.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Si je dois bien comprendre, vous dites que ce

  6   n'est pas un procès-verbal mais des propos qui ont été pris par quelqu'un.

  7   Donc, vous n'êtes peut-être pas tout à fait d'accord avec ce qui est

  8   transcrit. Mais par ailleurs, vous n'aurez participé en rien au départ de

  9   ces Musulmans à l'étranger. C'est ce qu'on doit comprendre ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West.

 12   Mme WEST : [interprétation] P 013572.

 13   Q.  Est-ce que vous avez ce document sous les yeux, Monsieur le Témoin ?

 14   Très bien.

 15   Il s'agit d'un ordre de votre part, 19 juillet 1993. Il s'agit d'un autre

 16   ordre. Il est mentionné :

 17   "Vous devez libérer de l'Heliodrom les personnes," et vous avez dressé les

 18   noms.

 19   Il est mentionné ensuite :

 20   "…qui actuellement travaillent à l'ATG ou au Bataillon des Condamnés.

 21   La personne mentionnée sera acheminée vers son appartement par le

 22   commandant de l'ATG. Il a été inscrit sur la liste des personnes qui ont

 23   été inscrites sur la liste, des personnes qui vont partir à l'étranger pour

 24   le bureau des réfugiés du HZ HB."

 25   Donc, Monsieur le Témoin, dans ce cas particulier, même si vous avez

 26   confirmé que vous n'aviez pas participé à l'organisation du départ de

 27   certaines personnes, ici, il semble que vous donniez l'ordre de libérer un

 28   prisonnier détenu à l'Heliodrom pour que celui-ci parte à l'étranger; est-

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  1   ce exact ?

  2   L'INTERPRÈTE : Le document affiché ne correspond à la cote du compte rendu

  3   d'audience.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Madame le Procureur. Le document que vous

  5   me présentez ne correspond à cela. J'ai reçu une demande pour que l'on

  6   vérifie la responsabilité pénale de certains individus. Ces requêtes nous

  7   parvenaient par l'intermédiaire de l'Heliodrom. Ce type de document écrit,

  8   je l'ai réexpédié à destination de l'Heliodrom. Il ne s'agit que d'une

  9   partie des documents qui étaient nécessaires, afin que ces personnes

 10   puissent être libérées via ce centre. Donc, ici, il ne s'agit que de --

 11   Mme WEST : [interprétation]

 12   Q.  Très bien, Monsieur Vidovic. Je ne veux pas impliquer ici que vous

 13   saviez qui allait partir et qui figurait sur la liste du centre social.

 14   Mais je pense, comme vous l'avez dit, que vous étiez impliqué dans le

 15   processus et par la facilitation. Vous êtes d'accord avec moi pour dire que

 16   vous avez aidé ces personnes à partir, mais vous ne les avez pas vous-mêmes

 17   inscrites sur cette liste; c'est exact ?

 18   R.  Je répète que mon rôle dans tout cela a consisté uniquement à émettre

 19   des certificats au nom de notre département --

 20   Q.  Merci, Monsieur Vidovic. Je ne voudrais pas que vous répétiez. Si vous

 21   ne comprenez pas ma question, vous pouvez le dire, mais ma question

 22   nécessite une réponse par oui ou par non ou je ne sais pas. Donc, dans ce

 23   cas-là, je pense que nous allons passer à autre chose dans ce document.

 24   Je suis toujours sur le document 3572. En bas, il est mentionné :

 25   "Il n'a pas été renvoyé. Stela a pris ceci en charge et a pris la maison."

 26   Qu'est-ce que cela veut dire exactement cela ?

 27   R.  Il ne s'agit pas ici de mon écriture.

 28   Q.  Je ne vous suggère pas cela. Mais je voudrais simplement savoir ce que

Page 51688

  1   signifie cette phrase.

  2   R.  Je ne voudrais pas ici faire des suppositions. Tout ce que je puis

  3   dire, c'est que j'ai réexpédié ceci à son expéditeur par l'intermédiaire du

  4   bataillon, donc cette lettre a été réenvoyée à l'Heliodrom par la voie

  5   normale, et je ne voudrais pas me livrer à des suppositions concernant

  6   cette mention manuscrite.

  7   Q.  Moi, je vais vous dire ce que je pense ce que cela signifie et je vais

  8   vous poser une question. Ceci signifie que lorsqu'ils ont cherché ce

  9   dénommé Haris Tanovic il n'avait pas été renvoyé à l'Heliodrom, et qui que

 10   ce soit qui a écrit cela a dit que Stela a repris ceci. Donc en fait ça

 11   signifie que le commandant a pris en charge ce prisonnier musulman et l'a

 12   emmené à la maison.

 13   Dans ce cas, Monsieur Vidovic, ce serait un crime, n'est-ce pas ?

 14   R.  J'ai dit à l'instant qu'à partir des données qui étaient les nôtres,

 15   nous avons émis un certificat attestant qu'il ne présentait aucun intérêt

 16   pour nous.

 17   Q.  Non, Monsieur Vidovic, non. Merci. Je ne vais pas accepter cette

 18   réponse. Ma question est la suivante : Si ce commandant avait ramené des

 19   prisonniers musulmans à la maison, ce serait un crime, n'est-ce pas ? Ce

 20   serait un crime et vous devriez de lancer une enquête, n'est-ce pas ?

 21   R.  -- si nous en sommes informés --

 22   Q.  Mais vous en avez été informés, c'est inscrit sur ce document.

 23   M. KARNAVAS : [interprétation] J'ai une objection. Regardons le compte

 24   rendu d'audience, peut-être que ma collègue n'écoute pas les réponses

 25   qu'elle obtient, mais le témoin a laissé penser que ce n'était pas en fait

 26   son écriture manuscrite. Il a dit qu'il ne savait pas qui avait inscrit

 27   ceci de manière manuscrite. Il a apposé un tampon et ensuite le document

 28   est allé ailleurs donc. Quelqu'un a ensuite inscrit cette mention

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  1   manuscrite en bas du document. Maintenant nous sommes revenus au départ et

  2   nous accusons le témoin de mentir pour ainsi dire, ou du moins essayer de

  3   camoufler ce qu'il a fait. Mais en fait, il a mentionné depuis le départ

  4   qu'il n'avait pas écrit ceci de sa main et que ceci avait été apporté après

  5   sa signature. Mme West a posé une question hypothétique sur des bases qui

  6   n'ont pas été confirmées. Donc en fait nous ne savons pas, nous n'avons pas

  7   vraiment d'élément de preuve à ce sujet. Mais je n'avais pas cette

  8   objection au départ parce que je pensais qu'il s'agissait d'une question

  9   d'ordre général, c'est-à-dire si quelqu'un a amené quelqu'un chez lui est-

 10   ce que ce serait un crime ? De manière générale, j'accepte la réponse. Très

 11   bien. Mais ensuite on ne peut pas dire que ce témoin était au courant de

 12   cela, il n'avait rien fait. Ceci est vraiment allé trop loin et elle va au-

 13   delà des éléments qui sont présents.

 14   Mme WEST : [interprétation] Je vais poursuivre.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez peut-être pas compris les questions. On

 16   a un document qui concerne un dénommé Haris Tanovic, apparemment on

 17   découvre que ce Haris Tanovic travaille avec le Bataillon des Condamnés.

 18   Vous dites, c'est vous, parce que c'est votre document, que cet individu

 19   doit être pris, emmené à son appartement par le colonel Martinovic, le

 20   fameux Stela, et vous rajoutez que :

 21   "Haris Tanovic est sur la liste de ceux qui peuvent quitter le territoire

 22   via l'officie des réfugiés."

 23   Et vous signé.

 24   Mme West vous pose la question en vous disant, mais c'est son point de vue,

 25   et elle demande votre avis. Est-ce que le fait d'amener un prisonnier dans

 26   son appartement et ensuite de le faire partir à l'étranger constitue un

 27   crime ? C'est la question qu'elle pose. Qu'est-ce que vous répondez à cela

 28   ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas répondre à cette question. Je

  2   ne peux dire oui ni non, parce que le cas est très précis.

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'écris quelque chose, et on

  4   m'envoie une requête qui porte sur le même genre de sujet, donc requête de

  5   remettre en liberté M. Tanovic, vérifier au préalable sa situation du point

  6   de vue des suspicions éventuelles du département chargé des Enquêtes

  7   criminelles, on indique qu'il est à l'heure actuelle au sein du Bataillon

  8   des Condamnés et qu'il sera emmené par M. un tel, et que son nom figure sur

  9   la liste. Donc je ne fais que recopier tout cela et l'envoyer à

 10   l'Heliodrom. Je ne sais pas s'il y a des éléments qui indiquent qu'un crime

 11   a été commis, je ne sais pas non plus si ce qui est écrit ici est exact, je

 12   ne sais pas ce qui s'est passé plus tard. C'est un document qui est envoyé

 13   à l'Heliodrom, et par la suite je ne reçois pas d'information en retour sur

 14   ce sujet. Donc il m'est difficile de répondre par oui ou par non, en disant

 15   que c'est un crime ou pas.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi vous

 17   intervenez dans ce processus.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avions le devoir, selon les ordres

 19   émanant de la zone opérationnelle, nous étions donc tenus de délivrer des

 20   certificats, en notre qualité de département chargé des Enquêtes

 21   criminelles, des attestations.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je comprends mieux. Ça veut dire que, si cet

 23   individu faisait l'objet d'une enquête d'une procédure, à ce moment-là,

 24   vous seriez opposés à son départ; c'est ça que vous dites ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Si, à ce moment-là, nous sommes en train

 26   d'enquêter, je réponds, oui. Dans les autres situations, cet individu ne

 27   présente aucun intérêt pour nous.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord, moi, j'ai compris. Mme West peut-être

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  1   aussi.

  2   Madame West.

  3   Oui, mon collègue me dit que c'est l'heure de la pause. Bien, on va faire

  4   20 minutes de pause.

  5   --- L'audience est suspendue à 12 heures 35.

  6   --- L'audience est reprise à 12 heures 56.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West, vous avez la parole.

  8   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Puis-je vous

  9   demander combien de temps il me reste ?

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, l'Accusation a eu

 11   deux heures et cinq minutes, jusqu'à.

 12   Mme WEST : [interprétation] Merci.

 13   Q.  Monsieur Vidovic, nous allons regarder la pièce P 03527. C'est la

 14   deuxième partie du deuxième classeur. Je crois que vous avez raison, c'est

 15   le numéro P 03527. Je crois que c'est le deuxième classeur, 3527.

 16   Monsieur l'Huissier, s'il vous plaît. Pardonnez-moi, mais peut-être que

 17   vous pourriez aider le témoin.

 18   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 19   Mme WEST : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur, il s'agit du mois, du 18 juillet, c'est votre rapport et cela

 21   évoque les événements du 17 juillet. Il s'agit d'un rapport spécial qui

 22   porte sur les travaux de l'autre bureau. Nous allons regarder le dernier

 23   paragraphe, au point 4 :

 24   "Hier, après-midi à 23 heures, le bureau annexe nous a aidés à aider le

 25   bureau chargé des personnes expulsées de HZ HB, l'organisation du premier

 26   groupe qui s'est proposé volontairement de quitter Mostar est partir, a

 27   quitté l'endroit, ainsi que le bâtiment de la police militaire et sont

 28   partis pour des pays tiers. 500 personnes sont parties à bord de neuf

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  1   autocars."

  2   Monsieur Vidovic, ces 500 personnes sont parties depuis l'entrée du

  3   bâtiment, n'est-ce pas ?

  4   R.  Ils sont partis à partir d'un lieu situé devant notre bâtiment, c'est-

  5   à-dire devant la faculté de Mécanique.

  6   L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : lorsque les textes se présentent à

  7   l'écran, le Procureur a déjà parlé pendant cinq minutes.

  8   Mme WEST : [interprétation]

  9   Q.  Il s'agit des personnes qui d'après vous ont été pris en charge par une

 10   organisation chargée de les faire partir à l'étranger dans les pays tiers,

 11   ces 500 personnes au total, n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Ils sont tous Musulmans, n'est-ce pas ?

 14   R.  Je ne puis pas à partir du siège que j'occupe ici vous dire si ces 500

 15   personnes étaient toutes musulmanes, mais je peux simplement préciser les

 16   choses quant à vous dire ce qui a été fait.

 17   Q.  3617, cela fait partie du même classeur, 3617. Il s'agit d'une lettre

 18   de citoyens exilés de Mostar, provisoirement abrités dans un camp de

 19   réfugiés. Il s'agit d'une lettre qui a été préparée et qui porte sur leur

 20   expulsion de Mostar, plus précisément nous allons regarder le paragraphe 4

 21   de l'anglais où on peut lire :

 22   "Les prisonniers, les co-détenus qui ont signé avec le HVO ainsi que le

 23   département du centre social de la soi-disant Communauté d'Herceg-Bosna

 24   qu'ils allaient quitter Mostar en compagnie de leurs familles de leur plein

 25   gré et non qu'une demi-heure à trois heures pour se préparer à partir pour

 26   se rassembler à l'endroit convenu, la faculté du génie mécanique de

 27   Mostar."

 28   Monsieur Vidovic --

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  1   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Toutes mes excuses, peut-être que

  2   le Procureur a fait erreur, mais le texte qui s'affiche actuellement à

  3   l'écran n'est pas une lettre des personnes qui ont quitté Mostar, à moins

  4   que l'interprète n'ait fait une erreur en définissant la nature de ce

  5   document. Ce que nous voyons c'est une note d'information établie par deux

  6   personnes et nous voyons qu'il est question d'une espèce de réunion qui se

  7   serait tenue devant l'ambassade de la République d'Herzégovine. Quelqu'un

  8   aurait assisté à cette réunion. Je ne sais pas quel est le rôle des deux

  9   personnes qui signent ce document, mais quoi qu'il en soit, il ne s'agit

 10   pas d'une lettre émanant de personnes ayant quitté Mostar.

 11   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie, Maître.

 12   Q.  Ce qui m'intéresse c'est le département social ou chargé des affaires

 13   sociales que vous avez évoqué un peu plus tôt aujourd'hui, et vous avez

 14   parlé dans votre déposition du fait qu'ils préparaient une liste, et sur

 15   cette liste qu'il y avait des noms musulmans.

 16   L'INTERPRÈTE : Précision de l'interprète : dans la liste des co-détenus du

 17   camp, il y avait également les co-détenus du camp de concentration.

 18   R.  Si vous m'interrogez au sujet des 500 personnes comme vous l'avez fait

 19   tout à l'heure, je vous rappelle que je vous ai répondu en disant que je

 20   n'étais pas sûr, que ces 500 personnes étaient toutes musulmanes.

 21   Q.  Je me suis trompé alors. Un peu plus tôt, nous avons évoqué la liste

 22   préparée par le centre, et vous avez dit dans votre témoignage que la liste

 23   préparée par le centre des affaires sociales, cette liste était constituée

 24   de noms musulmans, n'est-ce pas ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Au point 5, on peut lire, ils ont quitté Mostar le 18 juillet. Donc,

 27   Monsieur, vous conviendrez avec moi pour dire que le 17 juillet, il y a eu

 28   le départ de 500 personnes que vous avez citées dans votre rapport et

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  1   qu'ensuite le 18 juillet, il y a le départ de 500 autres personnes, comme

  2   l'atteste ce document. Ces personnes quittent l'endroit et ils se trouvent

  3   devant le bâtiment du génie mécanique.

  4   Monsieur Vidovic, votre rôle dans leur départ en direction de pays tiers,

  5   comme vous nous avez dit dans votre déposition, votre rôle consistait à

  6   vous assurer qu'il n'y avait pas d'enquête criminelle contre ces personnes;

  7   c'est cela ?

  8   R.  C'est exact.

  9   Q.  Pas d'enquête criminelle en instance. Vous avez fait ceci pour combien

 10   de personnes qui partaient en direction de pays tiers ?

 11   R.  Je ne puis pas vous dire quel a été leur nombre, tout simplement parce

 12   que je ne m'en souviens pas.

 13   Q.  Est-ce que c'était plus de 1 000 personnes, plus de 2 000 personnes

 14   lesquelles vous vérifiez ces éléments; est-ce que vous pourriez nous donner

 15   une estimation ?

 16   R.  Je préfère n'émettre aucune conjoncture. Je ne peux tout simplement pas

 17   vous donner un nombre, étant donné le temps écoulé depuis les événements.

 18   Cette question est très sensible donc je préfère ne pas spéculer.

 19   Q.  Bien. Nous n'allons pas évoquer les chiffres alors mais nous allons

 20   évoquer les chiffres; est-ce que vous conviendrez que lorsque vous avez

 21   procédé à ces vérifications, il s'agissait uniquement de Musulmans, ils

 22   étaient tous Musulmans ?

 23   R.  Nous avons procédé à diverses vérifications dans le cadre de notre

 24   département. Nous avons effectué un grand nombre de vérifications

 25   concernant des personnes d'appartenance ethnique musulmane.

 26   Q.  Monsieur Vidovic, lundi, vous avez dit dans votre déposition à propos

 27   des crimes qui ont fait l'objet d'enquête de la part des services d'Enquête

 28   criminelle de la police militaire, nous avons passé le plus clair de lundi

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  1   à aborder les documents différents à l'appui de ceci, des différents types

  2   connus qui ont fait l'objet d'enquête. Ceci a fait partie de votre

  3   témoignage. Il y avait une règle de droit qui fonctionnait ou en tout cas

  4   un système qui avait été mis en place qui permettait de ne pas donner libre

  5   cours aux instincts de personnes qui s'étaient mal comportées au sein de la

  6   police militaire à Mostar, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il y avait un tel

  7   système en place ?

  8   R.  Nous avons fait cela s'agissant de tous les membres du HVO, pas

  9   seulement vis-à-vis des membres de la police militaire.

 10   Q.  Je vous remercie. Est-il exact de dire que le document que vous nous

 11   avez montré représentait un échantillonnage assez exact du type de crime

 12   qui faisait l'objet d'enquête ?

 13   R.  A peu près, oui.

 14   Q.  Je suis sûre qu'il y a eu d'autres enquêtes, mais est-ce que vous avez

 15   parlé dans votre témoignage des enquêtes importantes, de façon à ce que les

 16   Juges de la Chambre puissent comprendre quel était le caractère de vos

 17   tâches au sein de la police militaire ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Donc, je vais vous montrer un tableau. Ceci se trouve dans le système

 20   Sanction.

 21   Mme WEST : [interprétation] Monsieur l'Huissier, puis-je vous demander

 22   votre aide, s'il vous plaît ?

 23   Q.  Nous avons repris tous les documents sur lesquels vous avez témoigné

 24   lundi, de même, sur lesquels vous avez témoigné mardi à propos de ces

 25   crimes. Nous les avons intégré à un tableau, un tableau sur deux pages.

 26   Vous avez évoqué 56 documents. Nous les avons regardés, et il semblerait

 27   que certains de ces documents portent sur les mêmes enquêtes.

 28   Donc ce que nous avons fait en réalité, nous avons séparé ces documents par

Page 51696

  1   enquête. Par exemple, au milieu, on voit ici : "Le viol et le meurtre d'une

  2   mère." Il y en a 16 de ce type.

  3   Vous avez évoqué 56 documents mais en réalité, il n'y avait que 24 enquêtes

  4   distinctes, et parmi ces 24 enquêtes, il y a huit enquêtes pour meurtre,

  5   huit enquêtes pour tentative de meurtre, huit pour viol, un pour

  6   cambriolage et l'autre pour attaque ou abus.

  7   Je souhaite que vous regardiez ceci dans le détail. Vous avez plus

  8   précisément parlé d'une enquête qui avait été ouverte à propos des gardes

  9   du corps de M. Prlic. Alors, regardons votre témoignage sur ce point.

 10   C'est quelque chose qui va apparaître à l'écran. Ceci est daté du 29 mars

 11   et porte sur deux pièces.

 12   Mme WEST : [interprétation] La question, donc le P 02508/P 03513.

 13   Q.  La question :

 14   "Vous souvenez-vous si, oui ou non, ces personnes ont été condamnées ?"

 15   Vous avez dit :

 16   "Oui, ces personnes ont été condamnées. Je m'en souviens."

 17   Ensuite vous avez regardé le deuxième document et M. le Juge Antonetti vous

 18   a posé une question, et il vous dit :

 19   "Et ceci se trouve en caractères gras. Lorsque vous faisiez votre travail,

 20   est-ce que l'on ne vous empêchait pas de faire votre travail chargé du

 21   service chargé de la Lutte contre la criminalité, quelle que soit la

 22   position occupée par ces personnes ?"

 23   Le témoin :

 24   "Monsieur le Président, nous n'avions aucun obstacle parce que ceci avait

 25   trait à la sécurité. Nous étions politiques militaires. Vous verrez la

 26   séquence de ces dates, comment les choses ont évolué. Ceci s'est passé dans

 27   un très court laps de temps. Il fallait traiter ces questions-là de façon

 28   urgence. C'est ainsi que nous les traitions. Nous déposions des plaintes au

Page 51697

  1   pénal, et c'est ainsi que nous pouvions conclure nos travaux de la

  2   meilleure façon possible."

  3   Question :

  4   "D'après vos souvenirs et la souvenir qui vous a été posée par M. le

  5   Juge Antonetti, quelle peine ont encouru ces personnes ?"

  6   Réponse :

  7   "Je ne peux pas répondre à cette peine. Je ne sais pas s'il y avait

  8   des peines d'emprisonnement, mais je sais qu'ils ont été condamnés."

  9   Donc, Monsieur, lorsque vous avez évoqué ces personnes, je me suis reportée

 10   plus particulièrement au -- cela se trouve dans le classeur numéro 1, la

 11   première partie. Les numéros des pièces n'ont pas été consignés.

 12   M. KARNAVAS : [interprétation] Je souhaite préciser quelque chose.

 13   Rien dans le compte rendu d'audience n'indique et rien ne laisse entendre

 14   qu'il travaillait pour M. Prlic. Ils ont été nommés pour le protéger. Donc,

 15   ceci à titre de précision.

 16   Mme WEST : [interprétation] Donc, c'est le 3508 et la cote précédente était

 17   le 3512.

 18   Q.  Il s'agit du document que vous avez évoqué hier pendant votre

 19   interrogatoire principal. De 1 à 4, il y a le nom des personnes. C'est le

 20   rapport que vous avez rédigé.

 21   Mais allons jusqu'au dernier paragraphe. Au tout dernier paragraphe, on

 22   peut lire :

 23   "J'insiste sur le fait que pendant que ces hommes étaient détenus et

 24   pendant que nous consignions les notes officielles, il y a eu des pressions

 25   très fortes exercées par notre département, très invasives avec pour but

 26   d'entraver le processus légal et le processus en cours à cette occasion-

 27   là."

 28   Lorsque vous avez répondu à la question, aviez-vous oublié ce dernier

Page 51698

  1   paragraphe, lorsque vous avez parlé de ces pressions invasives ? Vous en

  2   souvenez-vous ?

  3   R.  Je me souviens de cela. Mais au moment où j'ai écrit ces mots, ce que

  4   j'ai en tête, c'est plutôt l'action de policiers militaires qui se sont

  5   efforcés de nous empêcher d'accomplir notre travail, donc, les amis, des

  6   hommes soupçonnés et même des membres de leurs familles.

  7   Q.  Dans la même partie, le P 06844, il s'agit du 24 novembre --

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Quand je vous ai posé la question, j'ignorais ce

  9   document. Malheureusement, si j'avais tous les documents dès le départ, je

 10   pourrais mieux affiner mes questions. Mais c'est comme ça.

 11   Dans le dernier paragraphe, les pressions que vous avez eues semblent venir

 12   de votre département, c'est-à-dire de votre hiérarchie, pas des membres des

 13   mises en cause. Vous marquez :

 14   "Notre département."

 15   Alors, c'est tout à votre honneur de dénoncer les pressions, mais

 16   vous l'avez écrit, et moi, quand je vous ai posé la question, j'ignorais ce

 17   document.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi de

 19   prendre connaissance du texte. Je vais lire un extrait. Tout deviendra

 20   peut-être plus clair.

 21   Je fais état du moment où ces quatre individus sont appréhendés, et je

 22   parle de la prise de notes faites par notre département, c'est-à-dire au

 23   moment où les représentants de notre département recueillent des

 24   informations personnelles provenant de la bouche de ces quatre mises en

 25   cause.

 26   A ce moment-là, nous avons, nous assistons même à des tentatives d'entrées

 27   dans la pièce de force par des soldats qui sont des amis des mis en cause,

 28   donc des collègues à eux également et même des membres de leurs familles

Page 51699

  1   qui essayent d'empêcher que ces notes soient consignées par écrit.

  2   Donc il y a des membres de notre département qui s'efforcent de

  3   consigner par écrit un certain nombre de renseignements et qui devraient

  4   être autorisés à accomplir leur travail tranquillement. Cela fait partie de

  5   notes qui s'intégreront à une plainte au pénal éventuellement.

  6   Je pense que j'ai été clair. J'espère que je me suis bien exprimé.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Dans la traduction anglaise, ça ne reflète pas

  8   votre langue car vous, vous dites "des membres de notre département," alors

  9   qu'en anglais, quand on dit "notre département," on a plutôt l'impression

 10   de la hiérarchie. Bon. Vous avez précisé cela.

 11   Madame West.

 12   Mme WEST : [interprétation] P 06844. P 06844. J'entends le français.

 13   Q.  Il s'agit d'un rapport du 24 novembre. Ceci concerne ces individus-là.

 14   Au point qui se trouve avant la fin, il s'agit d'une case où on peut lire :

 15   "Après cela, les suspects ont été maintenus à l'Heliodrom à cause de

 16   mesures disciplinaires."

 17   Pardonnez-moi. Il faut retourner au paragraphe 4, au point 3 : 

 18   "L'analyse de ladite documentation sur l'Heliodrom de Mostar a établi que

 19   Busic, Coric, Pazin et Djenovic [phon] ont été incarcérés à l'Heliodrom le

 20   16 juillet pour avoir commis des viols."

 21   "Le 19 juillet" - trois jours plus tard - "sur proposition du procureur

 22   régional de Mostar, il a informé l'Heliodrom qu'il n'y avait plus de

 23   condition juridique permettant de détenir les accusés à l'Heliodrom et

 24   qu'ils devaient être remis en liberté.

 25   "Après cela, les suspects ont été maintenus à l'Heliodrom en raison

 26   de mesure disciplinaire sur ordre de leur commandant ce qui a duré 30

 27   jours, sur le registre, les accusés ont été remis en liberté ont quitté la

 28   prison les 15 et 16 août 1993 après avoir purgé leur peine."

Page 51700

  1   Monsieur Vidovic, peut-être que vous avez eu le temps de réfléchir un petit

  2   peu à cela, ils n'ont jamais été condamnés ni -- et n'ont jamais été

  3   condamnés à aucune peine pour leur crime et ils ont tout au plus passé

  4   trois à 30 jours pour des raisons disciplinaires mais n'ont jamais été

  5   condamnés, n'est-ce pas ?

  6   R.  Il ressort de la lecture de ce document, que ce que vous dites est

  7   exact. C'est quelque chose qui a eu lieu à un moment où déjà je ne faisais

  8   plus partie de la police militaire, en tout cas, pas du siège de Mostar.

  9   Vous voyez que c'est Ivan Vuksic qui signe ce document, c'est lui qui m'a

 10   remplacé à la tête du département des Enquêtes criminelles de la police

 11   militaire à Mostar. Mais maintenant j'aimerais revenir sur ce que vous

 12   m'avez demandé --

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- complétiez. Comme j'ai le document

 14   sous les yeux.

 15   Il semble que les quatre individus étaient sous mandat de dépôt mais

 16   que le juge Drago Bevanda, autant dire son nom, les a remis en liberté

 17   estimant qu'ils ne remplissaient plus les conditions légales pour être

 18   maintenus en détention, donc ils ont été libérés et ils ont purgé leur

 19   peine disciplinaire. Mais ce que je ne sais pas dans ce document le juge

 20   d'instruction les libère mais après y a-t-il eu saisi du tribunal, oui ou

 21   non ? Car tel que je connais votre procédure le juge d'instruction doit

 22   envoyer le dossier au procureur qui doit faire un réquisitoire pour saisir

 23   le tribunal. Donc il se trouve que peut-être le procureur de Mostar n'a

 24   rien fait. Vous aviez des éléments d'information ou pas ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne puis pas vous

 26   dire quelle a été la suite donnée à cette affaire car j'ai fait ce qu'il

 27   m'appartenait de faire j'ai remis, comme on le voit dans ce document, une

 28   plainte au pénal et c'est là que s'arrêtait ma responsabilité.

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, excusez-moi, de vous avoir interrompu parce

  2   que vous vouliez compléter quelque chose.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce que je voulais ajouter à la réponse que je

  4   vous ai faite ainsi qu'à Mme le Procureur, c'est la chose suivante : Je

  5   vous remercie de m'avoir à nouveau poser la question car nous sommes là

  6   face à une exemple tout à fait significatif du fait que le service, au sein

  7   duquel je travaillais et que j'ai même dirigé pendant quelque temps,

  8   n'avait pas -- n'a pas été empêché de déposer une plainte au pénal. Mais

  9   les conditions dans lesquelles nous travaillions et ce qui s'est passé par

 10   la suite cela est en dehors du champ de mes compétences. C'est tout ce que

 11   je peux dire.

 12   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Est-ce que Me Kovacic peut fermer

 13   son micro ? Merci.

 14   Je voudrais simplement dire que la Défense de M. Coric a présenté des

 15   éléments de preuve au tribunal de Mostar à partir desquels on voit que ces

 16   hommes ont été condamnés. Je n'ai pas les comptes rendus d'audience de ce

 17   procès ici, mais nous avons vu des éléments qui vont du dépôt de plainte

 18   jusqu'à l'enregistrement du jugement prononcé par le tribunal de Mostar.

 19   Donc pour ces personnes, je sais exactement ce qu'il en a été, et avant

 20   demain, je me procurais les pages pertinentes du registre des instances

 21   judiciaires et du compte rendu de l'audience.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. D'après l'avocat on sait qu'ils ont été en

 23   définitive condamnés.

 24   Mme WEST : [interprétation] La position de l'Accusation est différente.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- dans le suspens jusqu'à demain.

 26   Mme WEST : [interprétation] Puis-je poursuivre. Bien.

 27   Q.  Monsieur Vidovic, lorsque vous avez évoqué ce crime vous avez également

 28   évoqué le 5D 04181. Il s'agissait d'un vol qui avait été commis et avait

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  1   fait l'objet d'une enquête de la part de la police militaire. C'était un

  2   détenu à Dretelj. Est-ce que vous vous souvenez avoir évoqué cela ?

  3   R.  Est-ce que vous parlez d'une plainte au pénal le document que je vois

  4   s'afficher sur l'écran devant moi ?

  5   Q.  Non, dans votre témoignage l'autre jour, vous avez évoqué un certain

  6   nombre de plaintes au pénal, et l'une de ces plaintes évoquait un vol

  7   commis par un soldat du HVO à Dretelj; vous souvenez-vous avoir parlé de

  8   cela ? Vous avez dit : "Oui."

  9   R.  Je ne me rappelle pas exactement de quelle plainte vous parlez. Mais si

 10   nous avons parlé de dépôt de plainte pour vol, d'accord.

 11   Q.  Vous devez dire, Oui. Correction. Les Juges de la Chambre se

 12   souviendront de votre témoignage sur ce sujet. Maintenant je souhaite vous

 13   montrer une vidéo qui a été diffusée sur les chaînes internationales à la

 14   fin du mois d'août et du mois de septembre 1993. Il s'agit du P -- c'est en

 15   français, P 00977. C'est en français, la traduction anglaise se trouve dans

 16   la première partie du classeur, et ce sera en B/C/S.

 17   0[Diffusion de la cassette vidéo]

 18   [En français]

 19    "Ils viennent d'arriver à Jablanica au nord de Mostar, [imperceptible]

 20   musulmanes un peu plus tôt au moment de leur libération. Ils se sont amusés

 21   à les faire courir sous leur feu de leur mitrailleuse. Quatre d'entre eux

 22   auraient ainsi été abattus au seuil de la liberté. [imperceptible] extrême,

 23   ils ont eu de mauvais traitements. Leurs témoignages ont révélé des

 24   atrocités : entassés dans des hangars, affamés, assoiffés, obligés pour

 25   survivre de boire leur urine, leur détention dans les camps croates de

 26   Dretelj et Gabela confirme une fois de plus l'horreur quotidienne qui

 27   continue de régner dans les camps de prisonniers en Bosnie. Selon les

 28   témoignages recueillis par le Haut-commissariat aux Réfugiés, ils étaient

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  1   régulièrement battus, torturés par brûlure de cigarettes. Certains seraient

  2   morts sous les coups. Lorsque les Croates du HVO étaient ivres ils

  3   s'amusaient à tirer à la mitrailleuse sur les hangars où ils étaient

  4   détenus, bon nombre d'entre eux auraient ainsi été blessés, tortures

  5   physiques mais aussi psychologiques, ils étaient obligés de chanter des

  6   champs injuriant les Musulmans. Les délégués du HCR les décrivent

  7   aujourd'hui dans un état de désespoir et d'humiliation extrême. 2 000 à 2

  8   500 prisonniers musulmans seraient toujours détenus dans les camps croates

  9   de Dretelj.

 10   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

 11   Mme WEST : [interprétation]

 12   Q.  Je vais également vous montrer le P 0588 qui va apparaître à l'écran

 13   dans quelques instants. Il s'agit également des images des prisonniers à

 14   Dretelj.

 15   Monsieur Vidovic, vous nous avez fait d'une enquête qui a été ouverte à

 16   propos du vol d'argent commis par un détenu. En nous faisant part de ce

 17   rapport avec les Juges de cette Chambre, est-ce que vous dites aux Juges de

 18   la Chambre que tel était l'étendue des enquêtes menées par la police

 19   militaire du HVO à Dretelj à l'époque ?

 20   R.  Je n'ai pas travaillé à Dretelj. Moi, je travaillais à Mostar. J'ai des

 21   doutes quant au fait que j'aurais mené une enquête dont vous êtes en train

 22   de parler.

 23   Q.  Très bien. La raison pour laquelle je mentionne cela, cela fait partie

 24   des enquêtes que vous avez abordées lundi. Mais je vais vous poser une

 25   autre question. La vidéo que nous venons de diffuser a été diffusée à

 26   l'international et elle a été diffusée dans toute la Bosnie-Herzégovine, le

 27   31 août; est-ce que vous n'avez pas vu cette époque les photos et ainsi

 28   apprendre ce qui s'est passé à Dretelj et essaie de voir si la police

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  1   militaire ne pouvait pas se rendre sur place pour mener une enquête ? Est-

  2   ce que vous pensiez que la police militaire ne faisait pas cela parce

  3   qu'ils pensaient que les actes de maltraitance à Dretelj ne constituaient

  4   pas des crimes ?

  5   R.  Donc je peux vous répondre simplement et exclusivement d'une façon.

  6   J'étais membre du département chargé des Enquêtes criminelles au siège de

  7   Mostar, à l'époque. Je n'étais pas à Dretelj, et d'ailleurs, ce n'était pas

  8   le genre de travail dont je m'occupais. Ce que je faisais c'est mener des

  9   enquêtes criminelles au sein du siège de Mostar, 3e Bataillon devenu

 10   ensuite 5e Bataillon, comme je l'ai dit hier.

 11   Q.  Très bien. Mais si vous avez vu ces images en août, début du mois de

 12   septembre 1993 et vous étiez dans la zone qui comprenait Dretelj; est-ce

 13   que vous ne serez pas d'accord avec moi pour dire que en tant qu'officier

 14   de police militaire, vous auriez dû vous rendre sur place pour faire une

 15   enquête ?

 16   R.  Je ne pouvais pas me rendre à Dretelj parce que ce n'était pas la zone

 17   dans laquelle je pouvais intervenir. J'étais au centre de la Lutte contre

 18   la criminalité à Mostar.

 19   Q.  Je comprends cela mais en fait, je ne vous pose qu'une question d'ordre

 20   général, sur la base de votre expérience en tant qu'enquêteur au sein de la

 21   police militaire. Mais si vous aviez vu quelque chose tel que ceci et que

 22   Dretelj était dans votre zone; est-ce que vous ne pensez après avoir vu

 23   cela que vous seriez rendu sur place pour mener une enquête ?

 24   R.  Je ne puis vous apporter qu'une réponse de principe en indiquant que

 25   oui, en principe, je l'aurais fait.

 26   Q.  Monsieur, savez-vous si des enquêtes ou des instructions ont été menées

 27   au niveau de la police militaire du HVO concernant les actes de

 28   maltraitance des prisonniers de Dretelj ?

Page 51705

  1   R.  Non, je n'ai pas de connaissance de telles procédures d'enquête.

  2   Q.  Nous allons passer à un autre document, c'est dans le même classeur,

  3   quatrième partie. Tout d'abord, je vais vous poser une question d'ordre

  4   général. Avant de passer à ce document, vous avez mentionné dans votre

  5   interrogatoire principal que vous n'aviez pas de parti pris dans vos

  6   enquêtes. Par exemple, vous avez dit un peu plus tôt aujourd'hui, que vous

  7   n'aviez jamais refusé de faire des enquêtes parce que les victimes des

  8   crimes étaient des Musulmans. J'aimerais savoir si vous n'avez jamais

  9   refusé de mener des enquêtes parce que les auteurs étaient des personnes ou

 10   les auteurs présumés étaient des personnes que le HVO souhaitait protéger

 11   ou voulait protéger.

 12   R.  J'ai déjà répété d'innombrables fois ici même que c'étaient les

 13   informations que nous recevions au sujet d'une infraction au pénal, que

 14   nous étions en mesure de diligenter une enquête ou une procédure au pénal.

 15   Mais ces informations étaient au préalable indispensables. Je ne pouvais

 16   pas être au fait de toutes les infractions au pénal qui étaient commises

 17   dans une ville telle que Mostar.

 18   Q.  Très bien. Nous allons passer à la pièce P 03928. Il s'agit d'un

 19   rapport spécial à l'attention de Valentin Coric, établi par un officier

 20   appelé Toni Ramljak. Toni Ramljak est un nom que vous avez mentionné comme

 21   ayant travaillé avec vous, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Ce rapport porte la date du 3 août 1993. Il est mentionné :

 24   "Que le personnel de ce département s'est rendu compte récemment que

 25   les membres de ce qu'on appelle les Unités de l'ATG sont responsables d'une

 26   grande partie d'activités criminelles dans la zone de la ville de Mostar,

 27   et que l'ATG de Vinko Skrobo, ainsi que l'ATG de Benko Penavic sont les

 28   unités qui y participent le plus. Ces deux unités sauront également qu'en

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  1   faisant partie du Bataillon des Condamnés ou de la Brigade des Condamnés,

  2   ils ont un statut spécial pour des raisons inconnues. Le statut spécial

  3   n'est pas reflété par le fait que ni la police militaire ni d'autres

  4   instances de répression ne prennent des mesures contre les auteurs présumés

  5   de ces crimes, si ces auteurs font partie de ces unités. En ce qui concerne

  6   le département des Enquêtes criminelles de Mostar, le directeur du centre,

  7   Zvonko Vidovic, a reçu des ordres, il y a un certain temps émanant du chef

  8   de l'administration de la Police militaire, stipulant que le centre devrait

  9   enregistrer que certains actes commis par certaines personnes appartenant à

 10   ces unités…"

 11   Monsieur Vidovic, est-ce que vous vous souvenez d'avoir reçu un ordre de M.

 12   Coric, vous demandant de ne pas lancer d'enquête contre ces membres des ATG

 13   ?

 14   R.  Si l'on garde en mémoire ce que j'ai dit à l'instant concernant les

 15   réunions qui avaient été organisées en présence du MUP, lorsque le MUP a

 16   dans un premier temps organiser la réunion, puis ensuite c'est la police

 17   militaire, nous-mêmes, qui avons organisé une autre réunion quelques jours

 18   plus tard, entre ces deux dates approximativement, j'ai reçu une

 19   instruction de la part du chef de l'administration de la Police militaire,

 20   M. Coric. Dans cette instruction, il était indiqué que toutes les

 21   infractions au pénal concernant ces deux unités et les soldats en faisant

 22   partie, devaient faire l'objet d'une collecte d'informations précises, donc

 23   enregistrement, collecte d'informations aux fins d'une opération globale

 24   qui aurait pour objectif l'arrestation et initiation de procédure à

 25   l'encontre de ces personnes. Alors si l'on porte attention à la succession

 26   des documents qui ont été présentés, ils ne cessent, ces hommes ne cessent

 27   de revenir comme étant les auteurs d'infractions pénales graves. Donc ce

 28   qui est ici écrit est exact. Il me semble que cette opération a

Page 51707

  1   ultérieurement bien été lancée conjointement avec le MUP et les services du

  2   procureur militaire, en coopération avec eux.

  3   Q.  Merci, Monsieur Vidovic. Donc vous dites que M. Coric disait :

  4   Collectez toutes ces informations, les consigner et à un stade ultérieur

  5   elles seront compilées et une enquête globale sera réalisée; est-ce que

  6   c'est ce que vous dites ici ?

  7   R.  Précisément. Dans une phase, nous avons déjà envoyé un très grand

  8   nombre de documents et nous continuions à collecter des informations aux

  9   fins du lancement de cette opération de grande envergure. Si je puis

 10   l'ajouter, il s'agit d'une opération dans laquelle certaines unités

 11   militaires également ont été impliquées en raison du danger qu'il y avait à

 12   affronter les groupes concernés.

 13   Q.  Merci, Monsieur Vidovic, mais j'aimerais que l'on regarde à nouveau ces

 14   phrases, parce que je dirais que ces phrases ne vont pas dans le sens de ce

 15   que vous veniez de nous dire. Il est mentionné :

 16   "Vidovic a reçu un ordre il y a quelque temps de cela, émanant de

 17   Coric, stipulant que le centre ne devrait prendre en compte que de certains

 18   actes commis par certaines personnes issues de ces unités…"

 19   Est-ce que cela signifie qu'à chaque fois que quelqu'un du bataillon

 20   commettait un crime, il fallait tourner les yeux, que quelquefois, on

 21   devait peut-être consigner certains actes mais en fait, il ne fallait pas

 22   tous les signaler; est-ce que vous ne seriez pas d'accord avec moi pour

 23   confirmer que c'est ce que cela veut dire, à savoir qu'il fallait ignorer

 24   certains crimes qui étaient supposément commis ?

 25   R. La formulation qui est utilisée dans cette phrase et qui commence par

 26   cette expression de certaines personnes, sur cette base, je ne peux pas

 27   dire que toutes les personnes, tous les hommes qui ont été membres de ces

 28   unités, par le simple fait qu'ils aient été membres de ces unités étaient

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  1   des criminels. Mais en tout état de cause, c'étaient toujours les mêmes

  2   individus qui étaient à l'origine d'infractions au pénal. Nous rédigions

  3   des notes de service, nous avions des informations les concernant et nous

  4   nous préparions à une opération de plus grande envergure dont l'objectif

  5   était leur arrestation et le dépôt d'un grand nombre de plaintes au pénal.

  6   Ces hommes représentaient un problème grave pour nous, à l'époque, à

  7   Mostar.

  8   Q.  En effet. Nous passons au paragraphe suivant pour en parler un peu

  9   plus.

 10   "Je voudrais rappeler que pour tout le personnel des unités mentionnées, et

 11   une grande partie de ceux-ci sont impliqués dans des activités criminelles.

 12   De façon à ce que des actions très vigoureuses amèneraient -- en fait, si

 13   l'on traduisait ces personnes devant les tribunaux à un démantèlement de

 14   ces unités."

 15   Monsieur Vidovic, n'est-ce pas exact de dire que M. Coric vous disait de ne

 16   pas mener d'enquêtes contre ses unités parce que, si vous l'aviez fait et

 17   si elles faisaient l'objet de poursuites et que si ces personnes quittaient

 18   ces unités, ces unités ne pourraient plus fonctionner. Elles seraient

 19   démantelées; n'est-ce pas exact ?

 20   R.  C'est précisément l'inverse qui est vrai. Au moyen de différents types

 21   d'enquêtes, nous nous préparons à atteindre cet objectif final. Donc M.

 22   Coric, M. Ramljak, tous les agents de mon secteur et moi-même -- de mon

 23   unité et moi-même, nous avons participé à une opération de plus grande

 24   envergure, un plan plus large qui devait aboutir à ces arrestations. De

 25   nous autres, sept ou huit personnes appartenant au département des Enquêtes

 26   criminelles, qui ne disposions en fait d'aucune autre arme que le pistolet

 27   de service qui était le nôtre, nous n'étions pas en mesure de procéder à

 28   l'arrestation de ces hommes.

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  1   Q.  Je vais vous dire, Monsieur le Témoin, ce que l'Accusation avance ici.

  2   Mais ensuite, je vous poserai une question.

  3   Les Juges de la Chambre ont entendu à de nombreuses reprises que le

  4   Bataillon des condamnés commettait des crimes à Mostar, et de plus, ils ont

  5   entendu que le Bataillon des Condamnés n'était pas sous la chaîne de

  6   commandement normale du HVO, mais qu'ils étaient directement sous les

  7   ordres de Boban.

  8   Cependant, durant le contre-interrogatoire, nous avons vu un document dans

  9   lequel vous vous étiez plaint à M. Stojic des actions du Bataillon des

 10   Condamnés. Vous vous êtes plaint auprès d'autres commandants du HVO des

 11   actions du Bataillon des Condamnés. Cela signifie que de votre point de

 12   vue, vous pensiez qu'ils relevaient du commandement du HVO, et il semble

 13   maintenant que, pour garder le contrôle, M. Coric dit au service du

 14   département des Enquêtes criminelles de la police militaire de ne pas mener

 15   des enquêtes sur toutes les exactions, parce que si vous le faisiez, ceci,

 16   en fait, démantèlerait les unités.

 17   Donc, Monsieur le Témoin, est-ce que vous seriez d'accord pour dire que le

 18   Bataillon des Condamnés commettait des crimes et qu'il était, en fait, sous

 19   le contrôle de la chaîne de commandement du HVO, mais le HVO, à dessein,

 20   n'a rien fait parce que s'ils avaient pris des mesures, ceci aurait en fait

 21   décomposé l'une des unités les plus efficaces et les plus agressives;

 22   n'est-ce pas le cas, Monsieur le Témoin ?

 23   R.  Je ne suis pas d'accord avec vous pour deux raisons.

 24   Première raison, puisque vous évoquez la correspondance que j'adresse

 25   à M. Stojic. Cette correspondance ne signifie pas que M. Stojic était

 26   responsable de cela. Il ne pouvait adresser d'ordre à personne, pas même au

 27   Bataillon des Condamnés.

 28   Deuxième raison - et je répète une nouvelle fois la même chose - nous

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  1   procédons ici à la préparation d'une opération de grande envergure, telle

  2   qu'on peut y procéder. C'est la seule manière de procéder en situation de

  3   guerre du point de vue de l'activité de la police et de la police

  4   militaire. Il est nécessaire de rassembler tous les éléments, de collecter

  5   toutes les informations et de recourir à l'appui d'unités militaires si

  6   l'on veut neutraliser ou plutôt, arrêter des individus aussi dangereux.

  7   N'oubliez pas une chose. En dehors du fait que ces deux unités se livraient

  8   à des activités criminelles dont les victimes étaient des tiers, vers la

  9   fin de l'été 1993, elles ont connu aussi des luttes intestines et des

 10   conflits entre ces deux unités. Donc l'Unité Benko Pebavic et l'Unité Vinko

 11   Skrobo se sont affrontées, il y a eu des blessés et nous avons enquêté sur

 12   cette affaire. Je me rappelle un déplacement de M. Ramljak et de moi-même à

 13   Split, où nous avons recueilli des déclarations des membres de ces unités

 14   qui avaient été blessés lors de ces affrontements armés, affrontements

 15   armés qui s'étaient déroulés dans une partie assez tranquille de la ville

 16   de Mostar, près de la sortie vers Siroki Brijeg.

 17   Donc comprenez-moi bien. Il s'agissait d'unités extrêmement dangereuses à

 18   l'époque, et je ne peux pas vous dire qui exerçait leur commandement

 19   direct. S'il s'agissait du Bataillon des Condamnés, c'était probablement le

 20   commandant de ce bataillon.

 21   Mme WEST : [interprétation] Est-ce que je pourrais savoir combien de temps

 22   il me reste ?

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Là, pour tout de suite, il vous reste une minute.

 24   Monsieur le Greffier, il reste combien de temps à Mme West ?

 25   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors vous avez utilisé deux heures et 42

 27   minutes. Donc il vous reste 18 minutes. Alors si vous voulez bien, on

 28   continuera demain vos 18 minutes, et puis après, il y aura les questions

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  1   supplémentaires.

  2   Voilà. Alors, Monsieur le Témoin, vous revenez demain. Alors demain, nous

  3   sommes d'après-midi. Donc, l'audience commencera à 14 heures 15, on aura

  4   une pause et on terminera à 18 heures. Mais on aura largement de là. Bien.

  5   Donc, nous nous retrouverons demain à 14 heures 15. Je vous remercie.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 1er avril

  8   2010, à 14 heures 15.

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