Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 9 février 2011

  2   [Réquisitoire]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  8   l'affaire, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   tous. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-T, l'Accusation contre Prlic et

 11   consorts. Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

 13   En ce mercredi, je salue toutes les personnes présentes, notamment M.

 14   le Procureur qui va continuer son réquisitoire.

 15   Monsieur Stringer, vous avez la parole.

 16   M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 17   Bonjour à tous. Bonjour aux conseils de la Défense. Je vais poursuivre le

 18   réquisitoire de la partie portant sur M. Praljak. Tout d'abord, Monsieur le

 19   Président, nous allons aborder la connaissance que le général Praljak avait

 20   des camps de prisonniers ainsi que sa responsabilité afférente.

 21   En ce qui concerne les camps de prisonniers du HVO et les

 22   [imperceptible] de détention où des milliers de Musulmans, y compris des

 23   civils, ont été détenus pendant tout son mandat en tant que commandant de

 24   l'état-major principal du HVO, Praljak fait deux affirmations très

 25   générales. Tout d'abord, il déclare qu'il n'était absolument pas impliqué

 26   et qu'il n'avait d'ailleurs aucune responsabilité en matière de camps ou de

 27   prisonniers. Lors du procès, il a déclaré qu'il n'était même pas au courant

 28   de leur existence.

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  1   Ensuite, le général Praljak fait certaines affirmations parfaitement

  2   infondées à propos du statut légal au titre du droit international

  3   humanitaire concernant ces prisonniers musulmans qui avaient été arrêtés et

  4   emprisonnés à partir du 30 juin 1993. Je vais commencer d'abord par ce

  5   problème juridique portant sur le statut de ces prisonniers.

  6   D'après le général Praljak, il y avait deux grandes catégories de

  7   prisonniers. La première était des hommes, des Musulmans, qui avaient été

  8   membres du HVO à l'époque de l'offensive de l'ABiH, c'est-à-dire le 30 juin

  9   1993. Praljak déclare que la mise en isolement de ces personnes qu'il

 10   appelle des traîtres était tout à fait légitime et que ces prisonniers ne

 11   bénéficiaient d'aucune protection au titre de la loi internationale. Il

 12   déclare d'ailleurs au paragraphe 84 de son mémoire, et je cite :

 13   "Le droit des conflits armés ne protège pas les membres des groupes --" je

 14   me reprends, je me reprends : 

 15   "La loi des conflits armés ne protège pas les membres des groupes armés

 16   d'actes de violence qui sont dirigés contre eux par leurs propres forces."

 17   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé. Il y a énormément de

 18   bruit de fond. Je ne sais pas d'où cela vient. Il y a énormément de bruit

 19   de fond. Visiblement, j'étais le seul à souffrir de ce bruit de fond. On

 20   peut reprendre. Je suis désolé.

 21   M. STRINGER : [interprétation] A ce sujet, je tiens à dire que les accusés

 22   Petkovic et Coric, d'ailleurs, ont exactement la même position et la même

 23   opinion dans leurs mémoires.

 24   Donc les remarques que nous faisons sur le général Praljak à ce propos

 25   concernent aussi M. Petkovic et M. Coric, et d'ailleurs vous les trouverez

 26   aux paragraphes 145 et 147 de notre mémoire. Même si la Chambre de première

 27   instance considère que les prisonniers musulmans qui avaient été membres du

 28   HVO n'étaient ni prisonniers de guerre au titre de la troisième convention

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  1   de Genève, ni des civils qui auraient pu être protégés au titre de la

  2   quatrième convention de Genève, cela ne signifie pas pour autant qu'ils

  3   devaient être soumis à des traitements cruels ou être obligés d'effectuer

  4   des travaux forcés illégaux sur les lignes de confrontation.

  5   Maintenant, j'ai une diapositive que j'aimerais vous montrer en ce qui

  6   concerne le statut de ces personnes. La thèse de l'Accusation est la

  7   suivante : ces prisonniers musulmans, qui précédemment avaient été membres

  8   du HVO et qui ont été désarmés et arrêtés, tombent sous le coup de

  9   l'article 75 du protocole additionnel I, qui dispose ce qui suit : 

 10   "Dans la mesure où ils sont affectés par la situation référée à l'article 1

 11   de ce protocole, les personnes qui sont au pouvoir d'une partie au conflit

 12   et qui ne bénéficient pas d'un traitement plus favorable en vertu des

 13   conventions ou du présent protocole seront traitées avec humanité en toutes

 14   circonstances et bénéficieront au moins des protections prévues par le

 15   présent article…"

 16   Ensuite, l'article 75 se poursuit avec un paragraphe 2, qui interdit les

 17   atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental

 18   de ces personnes.

 19   Si vous concluez finalement que cette catégorie de prisonniers n'était ni

 20   des prisonniers de guerre ni des civils, pour autant, ils tombent dans ce

 21   cas-là sous le coup des critères énumérés à l'article 75 du protocole

 22   supplémentaire.

 23   De plus, qu'ils aient participé ou non à l'offensive de l'ABiH le 30 juin,

 24   tout membre musulman du HVO qui a été désarmé et détenu était, à partir de

 25   ce moment, bien entendu, une personne hors de combat. Or, l'article 3 des

 26   conventions de Genève prévoit un niveau minimum de protection pour ces

 27   prisonniers et exige, en tous cas, qu'ils soient traités avec humanité.

 28   D'ailleurs, vous avez cet article à l'écran, mais je suis certain que vous

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  1   les connaissez tous et savez quels sont les critères minimums à respecter

  2   en ce qui concerne la protection à donner pour toute personne hors de

  3   combat, et cela s'applique, bien entendu, à ces musulmans qui avaient été

  4   membres du HVO, qui avaient été désarmés et emprisonnés ensuite par le HVO.

  5   Or, les conditions de confinement, de mauvais traitement et de travaux

  6   obligatoires sur les lignes dangereuses auxquelles tous les prisonniers

  7   musulmans ont dû se soumettre sont des conditions qui sont, bien entendu,

  8   inférieures aux conditions minimums énoncées à l'article 75 du protocole

  9   additionnel I et de l'article commun 3. Quand la Défense déclare que les

 10   prisonniers musulmans qui avaient été membres du HVO, finalement, étaient

 11   une proie idéale et qu'il était tout à fait normal qu'ils soient l'objet de

 12   traitement cruel et de violence aux mains de leurs gardiens croates du HVO,

 13   qu'on les ait obligés aux travaux forcés, comme creuser les tranchées ou la

 14   construction de fortifications, eh bien, tout ceci est parfaitement erroné.

 15   Au paragraphe 85 de son mémoire, Praljak essaie de justifier

 16   l'emprisonnement de tous les hommes musulmans en âge de porter des armes

 17   sur tout le territoire contrôlé par le HVO en Herceg-Bosna en déclarant, et

 18   je cite :

 19   "En fait, il semblerait que tous les détenus," et là je cite M. Praljak,

 20   "il se pourrait qu'il y ait quelques exceptions pour des raisons

 21   quelconques, mais tous ces détenus étaient des hommes en âge de porter des

 22   armes, soit mobilisés, soit pas encore mobilisés, mais qui, sans aucun

 23   doute, avaient un statut de combattant potentiel."

 24   Là, nous ne sommes pas surpris, puisque nous n'avons pas de référence de la

 25   part de M. Praljak pour étayer ses propos. Il n'y a pas non plus d'élément

 26   de preuve qui nous permettrait de savoir que tous ces prisonniers étaient,

 27   en effet, des combattants potentiels. D'ailleurs, l'arrestation à grande

 28   échelle et collective et l'emprisonnement de tous les hommes musulmans en

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  1   âge de porter des armes qui n'étaient pas membres du HVO est constitutive

  2   de crime d'emprisonnement illégal. Quant aux hommes qui auraient soi-disant

  3   un statut de combattant potentiel, comme le dit M. Praljak, donc des

  4   personnes qui ne sont pas des combattants tel que cela est défini par

  5   l'article 4 de la convention de Genève numéro 3, ou par l'article 43 du

  6   protocole additionnel I, dans ce cas-là, ce sont des civils. Ce sont des

  7   civils au titre de la quatrième convention de Genève.

  8   Des combattants potentiels ne peuvent pas être détenus de façon collective

  9   uniquement parce qu'ils ont entre 16 et 60 ans. On ne peut justifier leur

 10   détention que si cela se fait sur une base individuelle, si la détention

 11   est déterminée comme étant absolument nécessaire parce que cette personne

 12   représente un risque particulier ou une menace à la sécurité. Donc le fait

 13   que cette personne soit de sexe masculin et en âge de porter les armes ne

 14   suffit pas à justifier sa détention, et je ne vous parle même pas de son

 15   appartenance ethnique. C'est encore moins un critère à retenir.

 16   Ce qui est un critère à retenir, c'est l'activité d'une personne, sa

 17   connaissance ou ses qualifications, ce qui fait que l'arrestation en masse,

 18   l'emprisonnement collectif de tous les hommes musulmans en âge de porter

 19   les armes, tel que cela à été effectué en l'espèce, et ce, uniquement sur

 20   des bases ethniques, est parfaitement illégale. Même s'il y avait eu, au

 21   départ, une justification pour mettre en prison des hommes musulmans parce

 22   qu'on pourrait être inquiets qu'ils rejoignent les rangs de l'ABiH, toute

 23   justification de ce type pour détention ne pourrait se faire qu'après avoir

 24   évalué de façon individuelle le risque que cette personne, ce prisonnier,

 25   rejoigne les rangs de l'ennemi ou qu'on évalue vraiment le risque qu'il

 26   pose à la sécurité. Sur ce point, nous faisons référence aux articles 5,

 27   41, 43 et 78 de la quatrième convention de Genève, ainsi que de la

 28   jurisprudence de ce Tribunal; par exemple, l'affaire Celebici ou l'affaire

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  1   Kordic. Dans le jugement Celebici, la Chambre de première instance déclare

  2   le fait qu'un individu soit un homme et soit en âge de servir sous les

  3   drapeaux ne justifie pas sa détention.

  4   Nous vous demandons de vous référer aux paragraphes 150 à 153 et 308 à 322

  5   de notre mémoire où nous appliquons l'obligation qui était reconnue dans

  6   l'arrêt Celebici, donc l'obligation de libérer les prisonniers qui ne

  7   représentent pas un risque légitime à la sécurité ou prisonniers pour qui

  8   ces garanties en matière de procédure n'ont pas été données. Or, les

  9   éléments de preuve en l'espèce montrent bien que l'accusé n'a absolument

 10   pas fait de procédure afin de déterminer quel individu pourrait représenter

 11   une menace à la sécurité pour que les personnes qui, en revanche, ne

 12   posaient aucune menace à la sécurité soient libérées.

 13   La seule évaluation individuelle des prisonniers qui s'est faite s'est

 14   faite sur des prisonniers musulmans qui ont réussi à se faire libérer en

 15   obtenant des lettres de garantie promettant qu'ils rassembleraient leurs

 16   familles et qu'ils quitteraient l'Herceg-Bosna une bonne fois pour toutes

 17   si on les libérait. D'ailleurs, j'y reviendrai en détail lors de mes propos

 18   demain, lorsque je ferai mon réquisitoire à propos de l'accusé Coric.

 19   Contrairement aux propos de M. Praljak, l'arrestation collective et

 20   l'emprisonnement de civils musulmans masculins en âge de porter les armes

 21   sans savoir si, entre eux, il y en avait qui représentaient des risques

 22   pour la sécurité et l'absence de toute enquête visant à déterminer ceci,

 23   c'est parfaitement illégal.

 24   De plus, tous les prisonniers, quel que soit leur statut, qu'ils soient

 25   prisonniers de guerre, membres musulmans du HVO ou civils, ont été, comme

 26   je l'ai déjà dit, soumis à des traitements cruels et inhumains. Ils étaient

 27   envoyés de façon courante et en grand nombre aux travaux forcés de façon

 28   illégale sur les lignes de confrontation. Il n'y a aucune justification

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  1   permettant de faire subir à un prisonnier ce type de conduite parfaitement

  2   criminelle, quel que soit leur statut au titre du droit international

  3   humanitaire.

  4   Lorsqu'il a témoigné, le général Praljak a énoncé des déclarations

  5   parfaitement erronées à propos des camps du HVO et des prisonniers qui y

  6   étaient détenus. Le 25 août 2009, il a déclaré que tout simplement, il

  7   n'était pas au courant de l'ordre du 30 juin 1993 du général Petkovic

  8   visant à arrêter, mettre à l'isolement et détenir tout homme musulman en

  9   âge de porter des armes. Praljak a témoigné pour dire qu'il n'était pas au

 10   courant lorsqu'il a pris son commandement à l'état-major principal du HVO

 11   le 24 juillet 1993. Il a dit qu'il n'était pas informé, qu'il ne savait pas

 12   que le HVO détenait ces prisonniers dans des centres de détention du HVO,

 13   comme Heliodrom et Dretelj, dans toute l'Herceg-Bosna.

 14   Ensuite, le 2 septembre 2009, le général Praljak a à nouveau témoigné -

 15   vous le trouverez à la page 44 289 à 44 290 du compte rendu - il a réfuté

 16   le fait que lui ou l'état-major du HVO avait une responsabilité quelconque

 17   en ce qui concerne ces prisonniers. Il a déclaré qu'il ne savait d'ailleurs

 18   pas quelle était l'entité responsable de la condition de ces prisonniers.

 19   C'était lors du contre-interrogatoire. Je lui ai demandé :

 20   "Question : Vous avez entendu les témoignages et vu les documents, vous

 21   avez vu ce qui se passait à Ljubuski. Lorsque vous commandiez l'état-major

 22   principal de la HVO, saviez-vous qu'il y avait des Musulmans qui étaient

 23   prisonniers à Ljubuski ?"

 24   Il a répondu :

 25   "Non."

 26   Ensuite :

 27   "Question : Etes-vous allé à l'Heliodrom ? Ou êtes-vous allé à

 28   Dretelj, Gabela ou Ljubuski au cours de l'année 1993 ?"

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  1   Sa réponse était :

  2   "Non."

  3   Le 25 août 2009, Praljak a même osé dire que même s'il avait été au courant

  4   des camps, il n'aurait rien fait de toute façon, et je le cite :

  5   "Je n'aurais rien fait… Ça ne me regardait pas, les prisons. Ça ne me

  6   regardait pas, les prisons. Qu'est-ce que j'aurais dû faire ?"

  7   Voici donc la thèse de l'Accusation en ce qui concerne le général Praljak

  8   et les camps du HVO :

  9   Tout d'abord, il était parfaitement au courant de l'ordre du général

 10   Petkovic du 30 juin visant à emprisonner tout homme musulman en âge de

 11   porter les armes. Il savait parfaitement aussi qu'il y avait des milliers

 12   de prisonniers sous la garde du HVO lorsqu'il a pris le commandement de

 13   l'état-major principal du HVO le 24 juillet 1993.

 14   Deuxièmement, il était parfaitement au courant des conditions qui régnaient

 15   dans les camps du HVO. Il savait, lorsqu'il a pris son commandement, que

 16   ces critères étaient bien en dessous de ce qui était obligatoire, et il a

 17   été informé de cela aussi de la part de nombreuses sources dans les jours

 18   et les semaines qui ont suivi le 24 juillet.

 19   Troisièmement, une fois qu'il a été averti des conditions qui régnaient

 20   dans ces camps, il était tenu de remédier à la situation.

 21   Quatrièmement, il a continué à faire la sourde oreille, à nier toute

 22   responsabilité en la matière, même après que le président de l'Herceg-

 23   Bosna, son commandant suprême, Mate Boban, lui ait expressément délégué,

 24   ainsi qu'à l'état-major principal, la responsabilité de remédier aux

 25   conditions dans les camps pour que les conditions qui y règnent soient

 26   meilleures.

 27   Pour revenir au premier point, que savait-il depuis le 30 juin et pendant

 28   tout l'été ? Je vais utiliser un nouvel outil. C'est une frise

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  1   chronologique, si je puis dire. Nous avons inséré sur ce schéma de nombreux

  2   faits qui ont déjà été versés au dossier. J'espère que nous allons pouvoir

  3   l'avoir à l'écran.

  4   On voit sur cette frise chronologique quels sont les événements qui ont eu

  5   lieu au fur et à mesure de l'été en ce qui concerne, par exemple, les camps

  6   du HVO, la campagne d'arrestation qui a commencé le 30 juin. En dessous, on

  7   voit où se trouve le général Praljak, soit en nous basant sur ce qu'il a

  8   dit lors de son témoignage, soit des éléments de preuve dont nous

  9   disposons. Je vais vous montrer quelle est la chronologie. Il était du côté

 10   de Prozor-Boksevica le 30 juin, c'est-à-dire lorsqu'il y a eu l'attaque de

 11   l'ABiH et lorsqu'il a reçu l'ordre pour arrêter et mettre à l'isolement

 12   tous les hommes.

 13   Passons à la pièce P 03026. Il s'agit de l'une des pièces qui se retrouvent

 14   d'ailleurs sur cette frise chronologique au 30 juin 1993.

 15   Le 30 juin, Praljak était avec Siljeg, son commandant de zone

 16   opérationnelle, au poste de commandement avancé du HVO à Prozor. Il n'était

 17   pas avec Siljeg physiquement exactement au même endroit, mais il était en

 18   contact avec lui en tout cas. Et dans une communication envoyée par Siljeg

 19   ce jour-là à Stojic et à Petkovic, Siljeg déclare - on est le 30 juin, je

 20   le rappelle - qu'il a mis au courant Brada, tout d'abord, du rapport venant

 21   de Mostar, il l'a mis au courant de la conversation entre Pasalic et

 22   Halilovic, et troisièmement, il l'a mis au courant des ordres qui avaient

 23   été donnés par le chef du département de la Défense et le président du HVO

 24   de la HZ HB. Donc l'appel aux armes ou l'appel de mobilisation, je ne sais

 25   pas comment vous allez l'appeler, délivré par M. Stojic et les

 26   communications envoyées par M. Prlic.

 27   Praljak était parfaitement au courant de tous les aspects de la riposte du

 28   HVO à l'offensive de l'ABiH qui avait eu lieu ce jour-là.

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  1   Ensuite, le P 03246. Une minute, s'il vous plaît.

  2   Je suis désolé, Monsieur le Président. Peut-être que nous avons un problème

  3   avec le greffe du fait du prétoire électronique. Nous pourrions avoir

  4   Sanction peut-être plutôt, pour que nous utilisions cette pièce. Ainsi,

  5   nous pourrons avoir la frise à l'écran.

  6   Pour revenir à cette pièce P 03246. Le 6 juillet 1993, on voit que Praljak

  7   est toujours extrêmement actif au niveau le plus élevé de la direction du

  8   HVO au cours de la première semaine de juillet 1993. Le 6 juillet, Petkovic

  9   a donné ordre à Praljak de faire partie de l'équipe de commandement

 10   opérationnel qui a été réunie pour organiser les activités de combat dans

 11   le cadre de ce qui a été baptisé l'opération Boksevica. Il est encore tout

 12   à fait présent, tout à fait actif, et donc, dans notre thèse, parfaitement

 13   au courant des événements qui ont lieu lors de cette première semaine de

 14   juillet 1993.

 15    Lors de son témoignage le 26 mai 2009, Praljak déclare qu'il est resté

 16   dans la région de Boksevica, au combat, jusqu'au 9 juillet, lorsqu'ils se

 17   sont retirés. Praljak est ensuite allé voir Mate Boban. Et comme il a dit

 18   lui-même, d'ailleurs, lors de son témoignage, à la page 40 778 du compte

 19   rendu :

 20   "Je suis allé voir Mate Boban et j'ai parlé de toute la situation avec lui.

 21   Je crois que j'ai rapidement vu Petkovic -- ou, non, je me trompe. Non,

 22   j'en suis sûr, je l'ai vu."

 23   Ensuite, il poursuit, il dit qu'il a parlé à M. Stojic ce soir-là, qu'il a

 24   passé la nuit dans la région, qu'il s'est lavé chez M. Stojic et qu'il est

 25   reparti le lendemain pour partir à Zagreb. Donc, d'après nous, ce serait le

 26   11 juillet 1993. Du 30 juin au 11 juillet 1993, lorsqu'il est parti pour

 27   Zagreb, les éléments de preuve, d'après nous, montrent bien que M. Praljak

 28   ne pouvait qu'être au courant de tout ce qui se passait puisqu'il était en

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  1   contact direct avec toutes les personnes les plus importantes de la région.

  2   Il ne pouvait qu'être au courant de la campagne massive d'arrestation qui

  3   était en cours au cours de ces 11 premiers jours de juillet.

  4   Ensuite, pièce P 09470. Il s'agit d'un clip vidéo. C'est une interview que

  5   le général Praljak a donnée à la BBC pour leur sujet sur "La mort de la

  6   Yougoslavie". Il parle de sa conversation avec Stojic, conversation qui,

  7   selon nous, a eu lieu le 10 juillet, avant son retour à Zagreb le 11

  8   juillet.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 11   "Donc, au cours du désarment, lorsque les camps ont commencé, il

 12   fallait bien des gens à quelque part, et comme je l'ai dit quand je

 13   partais, il y a un interrègne où je n'étais pas là, mais je me souviens

 14   très bien avoir dit à M. Stojic, qui était le ministre de la Défense :

 15   'Bruno, fais en sorte qu'il ne se passe rien dont on pourrait avoir honte.'

 16   Il m'a dit qu'en ce qui concerne la prison de l'Heliodrom, qui est sous ma

 17   juridiction, je pouvais être sûr que je ferais tout ce qui était en mon

 18   possible pour que rien de déplaisant n'arrive. Mais bien sûr, des choses

 19   déplaisantes arrivent de temps en temps. On ne peut pas tout contrôler. On

 20   ne peut pas tout contrôler. Mais ce qui se passait là-bas, ce n'était pas

 21   sous le contrôle militaire. Ce n'était pas sous le contrôle militaire.

 22   C'était, en fait, des civils. C'est comme ça que ça a été fait au départ.

 23   Lorsque je suis revenu, j'ai compris d'après ce que les gens avaient dit

 24   que visiblement, la situation dans les camps n'était pas bonne.

 25   Heureusement, M. Sakota est arrivé et il a utilisé son autorité

 26   personnelle," et cetera, et cetera.

 27   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 28   M. STRINGER : [interprétation] Lorsqu'il est revenu, il a commencé à

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  1   entendre dire que les camps avaient mauvaise allure. Praljak, de toute

  2   façon, ne pouvait qu'être au courant de la couverture médiatique

  3   internationale qui entourait la libération d'un groupe de prisonniers

  4   musulmans extrêmement émaciés du camp de Dretelj le 28 août 1993. La

  5   télévision française a diffusé ces images quelques jours uniquement après

  6   la libération des prisonniers de Dretelj, après que ces prisonniers se

  7   soient retrouvés en territoire de l'ABiH près de Jablanica. Il s'agit de la

  8   pièce P 00977B.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. STRINGER : [interprétation] Merci. Il s'agit donc un extrait de TV5, 31

 11   août 1993. Ça faisait la une.

 12   Pièce P 04640. Alors qu'il y avait ce battage médiatique autour des

 13   prisonniers de Dretelj, comme nous venons de voir, Praljak, lui, se

 14   trouvait au QG du HVO à Citluk, au sud de Mostar. Pourrions-nous avoir la

 15   pièce P 04640, je répète.

 16   Lorsque ceci a été diffusé, Praljak était à Citluk, à 13 kilomètres

 17   de Capljina et à 13 kilomètres du camp de Dretelj. Il était donc à Citluk

 18   où il avait donné des ordres à propos des événements qui avaient lieu en

 19   Herceg-Bosna, y compris, par exemple, les ordres donnés à la Brigade de

 20   Zepce. Praljak savait très bien qu'il allait devoir s'occuper de ces camps

 21   du HVO, que c'était un gros problème qu'il lui faudrait régler.

 22   Ensuite, P 04716. Le lendemain, Praljak donne un laissez-passer, car

 23   il y a toujours des demandes des médias. Les médias veulent savoir ce qui

 24   se passe dans les camps du HVO. Donc il donne ce laissez-passer à une

 25   équipe de télévision allemande pour qu'elle rentre dans la prison de

 26   Gabela, et il l'a fait depuis le QG du HVO à Citluk, tout près de Capljina

 27   où se trouve justement cette prison de Gabela. Or, dans son témoignage le 2

 28   septembre 2009, le général Praljak nous dit qu'il ne s'est jamais rendu à

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  1   Gabela ni à Dretelj, même après ce battage médiatique qui ne peut que

  2   l'avertir des conditions qui règnent dans les camps.

  3   Ensuite, P 04841. Il s'agit d'un PV d'une réunion du gouvernement du

  4   HVO de la HZ HB le 6 septembre 1993. Au début 1993 [comme interprété], les

  5   conditions dans les camps étaient si bien connues et étaient une telle

  6   épine dans le pied de la direction du HVO et de l'accusé ici qu'ils ont dû

  7   reconnaître, lors de réunions au département de la Défense du HVO, que les

  8   conditions n'étaient pas correctes.

  9   Le gouvernement Prlic, néanmoins, a nié toute responsabilité pour les

 10   conditions qui régnaient dans les camps mais a quand même décidé qu'il

 11   fallait faire quelque chose pour améliorer les conditions afin que la

 12   situation ne soit pas utilisée à l'encontre des intérêts politiques et

 13   autres de la HR HB. Il est absolument évident que l'illégalité qui régnait

 14   dans les camps était très bien connue de toute la direction de l'Herceg-

 15   Bosna et, donc, était extrêmement bien connue du général Praljak.

 16   P 10924. Le lendemain, le 7 septembre, Reuters Deutschland, l'agence

 17   allemande de Reuters, parle de la publication ce jour même d'un rapport

 18   fait par le rapporteur sur les droits de l'homme des Nations Unies, M.

 19   Mazowiecki, et, entre autres, dans ce rapport, il parle des camps du HVO.

 20   D'après ce rapport, Mazowiecki et le HCR des Nations Unies faisaient

 21   rapport sur les sévices infligés aux Musulmans dans ces camps. Il y a une

 22   référence explicite ici à Gabela, par exemple, ainsi qu'à l'emprisonnement

 23   d'hommes dans des hangars servant à garer des avions, ces hangars ne

 24   pouvant être autre chose que le camp de Dretelj.

 25   L'article se poursuit :

 26   "D'après ce rapport Mazowiecki, dans la ville de Capljina, les hommes

 27   étaient enfermés dans des hangars pour avion, 16 prisonniers qui

 28   survivaient sur des rations quotidiennes d'un peu de soupe et de 600 [comme

Page 51990

  1   interprété] grammes de pain."

  2   Ensuite, il continue :

  3   "Ray Wilkinson, le porte-parole du HCR, a demandé à Sarajevo qu'ils fassent

  4   pression sur les Croates à propos des deux camps de détention dans la

  5   partie de Bosnie-Herzégovine."

  6   Mais ensuite, il dit :

  7   "Mais Slobodan Praljak, le commandant des Bosno-croates, a déclaré que ses

  8   soldats n'avaient plus de prisonniers de guerre. Les organisations

  9   humanitaires et les journalistes peuvent librement venir visiter ces

 10   camps."

 11   Praljak, très cyniquement, a dissimulé le fait que le HVO détenait, en

 12   fait, des milliers de civils, hommes musulmans, en déclarant de but en

 13   blanc au HCR que le HVO ne détenait plus aucun prisonnier de guerre.

 14   La Chambre de première instance se rappellera très certainement du

 15   témoignage du général Andrew Pringle ainsi que de son rapport. Il s'agit

 16   d'un général de division britannique en retraite. Son rapport est la pièce

 17   P 9549. Au paragraphe 77, il déclare :

 18   "Si les prisonniers de guerre sont remis à une autre entité, ceux qui

 19   remettent les prisonniers de guerre doivent et sont responsables de

 20   s'assurer que la partie qui reçoit les [inaudible]. A ce moment-là, ceux

 21   qui les ont pris en captivité la première fois sont tenus de remettre ces

 22   prisonniers de guerre sous leur autorité."

 23   Le 25 août 2009, page 43 784 du compte rendu d'audience, Praljak a parlé de

 24   la remise de prisonniers à la police militaire. Il a affirmé que ni lui ni

 25   l'état-major principal du HVO n'avaient la responsabilité des prisonniers.

 26   Et à l'appui de cette affirmation, il indique que les prisonniers se

 27   trouvaient sous la responsabilité de la police militaire. Il dit :

 28   "… lorsque quelqu'un est capturé, on a l'obligation de remettre ces

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  1   prisonniers à la police."

  2   Effectivement, les éléments de preuve montrent que c'est la police

  3   militaire sous le commandement de Coric qui, au quotidien, exerçait le

  4   contrôle sur les prisonniers en assurant la sécurité des camps du HVO et en

  5   administrant ou en permettant l'exécution de programmes tels que des

  6   travaux forcés imposés par le HVO, mais les éléments montrent aussi que

  7   même au moment où il revient reprendre le commandement de l'état-major

  8   principal du HVO le 24 juillet 1993, Praljak savait qu'il y avait de graves

  9   problèmes en ce qui concerne les conditions régnant dans les camps.Je viens

 10   de vous résumer les éléments de preuve qui vous montrent qu'en l'espace de

 11   quelques semaines après son retour, la nouvelle hypermédiatisée de la

 12   libération des prisonniers de Dretelj a fait le tour du monde. Les

 13   conditions qui régnaient dans les camps se sont retrouvées dans le rapport

 14   du rapporteur spécial Mazowiecki. Les journalistes demandaient à rencontrer

 15   Praljak.

 16   Les éléments de preuve établissent au-delà de tout doute raisonnable

 17   que Praljak savait que des prisonniers musulmans, après avoir été arrêtés

 18   et remis à la police militaire, n'étaient pas traités comme l'exige le

 19   droit international. Pringle nous l'a dit, et c'est confirmé par la

 20   jurisprudence établie par ce Tribunal dans l'affaire Mrksic, dès lors qu'il

 21   avait des raisons de savoir que les conditions de détention des prisonniers

 22   n'étaient pas correctes, Praljak avait l'obligation de placer ces

 23   prisonniers sous son autorité et de veiller à ce qu'ils bénéficient d'un

 24   traitement adéquat. En lieu et place de cela, il a fait comme si le

 25   problème et sa responsabilité n'existaient pas. Tout doute ou ambiguïté

 26   qu'on pourrait avoir quant à sa responsabilité personnelle s'agissant des

 27   prisonniers et des camps, lui qui était commandant de l'état-major

 28   principal du HVO, est écarté quand Mate Boban en personne lui dit

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  1   précisément d'assurer la responsabilité de veiller à ce qu'il y ait des

  2   conditions légales de détention dans les camps le 15 septembre 1993. Il

  3   s'agit ici de la pièce P 0104 [comme interprété].

  4   Au point 3, Mate Boban exige que les conditions requises par le droit

  5   international soient mises en place dans les centres de détention de

  6   prisonniers de guerre. Il exige aussi que les prisonniers bénéficient des

  7   conditions prévues par les normes juridiques internationales.

  8   Point 7, l'état-major principal reçoit l'ordre express, non seulement

  9   d'informer tous les subordonnés de l'existence de cet ordre et de son

 10   contenu, mais aussi d'apporter son aide professionnelle à l'exécution de

 11   l'ordre.

 12   Lorsqu'on a posé une question sur cet ordre donné par Boban à Praljak

 13   pendant le contre-interrogatoire, il a admis avoir reçu cet ordre, même

 14   s'il a dit qu'il n'avait pas tout à fait transmis cet ordre à tous les

 15   échelons de le voie hiérarchique.

 16   Il refusait de reconnaître que Boban avait donné un ordre spécifique

 17   à l'état-major principal et à Praljak, ainsi qu'au département de la

 18   Défense, de veiller à ce que les prisonniers soient bien traités, comme

 19   c'est dit aux points 3 et 7 de l'ordre, Praljak, de son propre chef, décide

 20   que les points 3, 4 et 5 ne s'appliquent pas à lui. Il refuse expressément

 21   de s'acquitter des obligations qui lui incombent s'agissant des prisonniers

 22   et des prisons même après en avoir reçu l'ordre par son commandant en chef.

 23   Une fois de plus, nous voyons ainsi que Praljak refuse d'exercer le moindre

 24   pouvoir, de faire quoi que ce soit pour améliorer la situation des

 25   prisonniers dans les camps. Quelle en est la conséquence ? La Chambre le

 26   sait, la conséquence c'est que les prisonniers musulmans ont continué de

 27   souffrir pendant des semaines et des mois entiers dans les camps du HVO.

 28   Travaux forcés illégaux sur le front, une pratique bien ancrée,

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  1   généralisée, employée dans tous les centres de détention du HVO, et ceci a

  2   continué à la même cadence après le 15 septembre 1993.

  3   Pour ce qui est des travaux forcés, Monsieur le Président, paragraphe

  4   83 de son mémoire, Praljak affirme que jamais il n'a donné l'ordre

  5   d'envoyer qui que ce soit faire des travaux forcés. Mais la pratique montre

  6   le contraire.

  7   Pièce P 04260. Praljak s'appuie à fond sur cette pièce, un ordre du

  8   17 août 1993 qui dit qu'à Prozor et à Gornji Vakuf, on n'envoie plus les

  9   prisonniers faire ce qu'ils avaient reçu l'ordre de faire, et ceci, d'ici à

 10   18 heures. Il donne comme instruction que la Brigade SIS de Rama et la

 11   police militaire assurent la responsabilité du retour sans encombre et de

 12   la sécurité de ces prisonniers à la prison.

 13   Mais ce document ne nous dit-il pas que Praljak savait que les

 14   prisonniers étaient utilisés pour faire des travaux forcés ? Est-ce qu'il

 15   ne montre pas que Praljak était dans une situation telle qu'il pouvait

 16   exercer un contrôle sur les prisonniers, la police militaire et le

 17   personnel du SIS à Prozor et à Gornji Vakuf pour ce qui est des prisonniers

 18   ?

 19   Si on reprend le libellé de l'arrêt Mrksic, Praljak, à l'instar de

 20   tous les accusés en l'espèce, était un agent de la puissance détentrice. Il

 21   faisait partie de ceux qui avaient la garde des prisonniers. Les

 22   prisonniers étaient entre ses mains.

 23   Le 2 juin 2009, pendant le témoignage de M. Praljak, le Juge Trechsel lui a

 24   demandé s'il avait diligenté une enquête suite à des activités de travaux

 25   forcés, et il a répondu que non, parce qu'il n'avait pas les moyens de

 26   mener une enquête. Il a dit qu'il revenait au SIS de changer quelque chose

 27   à cette pratique.

 28   Mais on n'a trouvé aucune trace d'un ordre écrit qu'aurait donné Praljak

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  1   qui interdisait le recours des prisonniers pour des activités de travaux

  2   forcés ou qui montrerait qu'il a exigé des enquêtes ou voulu des mesures

  3   disciplinaires à l'encontre de ceux qui se livraient à ces pratiques.

  4   P 04285. Ce jour-là, le jour où Praljak donne l'ordre de ne plus faire

  5   faire de travaux forcés, et on a un exemple classique qui montre que la

  6   chaîne de commandement est efficace, elle marche bien en ce qui concerne

  7   l'utilisation des prisonniers à des fins de travaux forcés, le commandant

  8   de la Brigade de Rama du HVO rapporte directement à Praljak que son ordre a

  9   été exécuté. Ceci montre que la brigade, et pas seulement la police

 10   militaire ou le SIS, se mêlait de la question des prisonniers et en a fait

 11   rapport à Praljak.

 12   L'ordre qu'il donne le 17 août ne s'applique à aucun endroit qui serait à

 13   l'extérieur de la zone opérationnelle du nord-est [comme interprété]

 14   d'Herzégovine. Effectivement, on a continué, à Prozor, d'utiliser des

 15   prisonniers pour des travaux forcés, comme on l'a fait partout où le HVO

 16   avait le contrôle, où le HVO devait faire travailler des gens à des tâches

 17   difficiles sur le front. Vous entendrez le recours qu'on a eu aux

 18   prisonniers qui étaient détenus à l'Heliodrom lorsque je parlerai plus tard

 19   de Valentin Coric.

 20   Parlons maintenant de la pièce P 04307. Il s'agit d'un rapport de la MOCE.

 21   On ne peut pas le diffuser à l'extérieur de ce prétoire mais je peux vous

 22   en parler. Il porte la date du 19 août 1993, MOCE, deux jours à peine après

 23   l'ordre donné par Praljak qui disait qu'il ne fallait plus faire faire de

 24   travaux forcés aux prisonniers à Prozor et Gornji Vakuf.

 25   La MOCE effectue une visite et 167 prisonniers musulmans sont détenus à

 26   l'école technique de Prozor. Et d'après ce rapport, Siljeg, qui était le

 27   commandant de la zone opérationnelle, dit que ce n'étaient pas des

 28   prisonniers de guerre, mais c'était des hommes qui avaient de 16 à 60 ans

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  1   qu'on gardait là pour mieux les contrôler.

  2   "Le HVO s'en sert pour des travaux forcés de creusement de tranchées dans

  3   la zone de Gornji Vakuf sur la ligne de front…"

  4   Le rapport ajoute que :

  5   "… certains de ces hommes sont morts à faire ce travail."

  6   Maintenant, si vous le voulez bien, Monsieur le Président, une autre

  7   frise chronologique --

  8   Vous voyez la date de ce rapport de la MOCE, il porte la date du 19 août

  9   1993. Voyons cette période. Praljak se trouvait alors au poste de

 10   commandement avancé de Prozor le 17 août. C'est ce jour-là qu'il donne

 11   l'ordre de retrait des prisonniers. Mais il était là aussi la veille, le

 12   16, et puis le 21, d'après un ordre qu'il donne ce jour-là. Apparemment,

 13   après, il passe au sud, à Mostar et Citluk, où il donne, ce jour-là, le 21,

 14   d'autres ordres. Nous savons, par conséquent, qu'il était au QG du HVO à

 15   Prozor au moment où la MOCE recueillait des données qui avaient débouché

 16   sur ce rapport quant au traitement des prisonniers.

 17   P 04877. C'est un ordre donné par l'homme de confiance de Praljak, Siljeg,

 18   commandant de la zone opérationnelle, et il montre qu'on continue

 19   allégrement à faire des travaux forcés à Prozor au moment où Praljak s'y

 20   trouve et commande les unités du HVO. Siljeg donne ici un ordre

 21   manifestement illégal qui va réguler l'utilisation des balija pour des

 22   travaux de génie sur la première ligne de défense. Remarquons-le, c'est

 23   important, une fois de plus, nous voyons que la brigade et la zone

 24   opérationnelle sont directement subordonnées à Praljak, qui exerce un

 25   pouvoir direct sur les prisonniers musulmans qui travaillent dans le cadre

 26   de travaux forcés.

 27   Le point 3 montre clairement qu'on s'attend -- en tout cas, que Siljeg

 28   s'attend à ce que des prisonniers musulmans soient blessés, voire tués,

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  1   dans le cadre de ces activités, car il dit qu'il faut signaler dans des

  2   rapports le nombre de blessés ou de tués pour que tout ceci soit bien

  3   archivé.

  4   Cet ordre montre clairement aussi que le commandement de la zone

  5   opérationnelle du HVO à Prozor, au moment même où Praljak s'y trouvait,

  6   donnait des ordres qui organisaient l'utilisation des prisonniers dans le

  7   cadre de travaux forcés. Rien de surprenant, étant donné que c'était les

  8   forces armées du HVO, les zones opérationnelles de la brigade et, en fin de

  9   course, l'état-major principal commandé par Praljak qui étaient les

 10   bénéficiaires de ce programme de travaux forcés. Pas plus surprenant non

 11   plus, étant donné que ce que vous a dit Praljak ici, c'est qu'il faisait ce

 12   qu'il fallait pour gagner la guerre à tout prix, même si ça voulait dire

 13   qu'on allait faire subir des crimes plus graves encore à la population

 14   musulmane.

 15   Reprenons la frise chronologique. Nous arrivons au 8 septembre 1993 pour

 16   parler de la façon dont on utilise les balija pour des travaux forcés. Nous

 17   voyons qu'à Citluk, nous avons Praljak au poste de commandement avancé du

 18   HVO, et c'est là qu'il donne un ordre, qui porte la cote 3D 02759. C'est

 19   une dépêche envoyée de Prozor à Citluk parce qu'on a besoin de Motorola.

 20   P 09661. C'est un autre rapport de la MOCE, qu'on ne peut pas diffuser.

 21   Mais ce jour-là, la MOCE dit qu'elle est allée au camp de prisonniers de

 22   Prozor. Ils disent :

 23   "Ce n'est pas un camp de détention militaire. C'est un camp de détention

 24   réservé à des civils qui sont, là, internés. Et les lieux sont l'école

 25   technique de l'école [comme interprété], à 100 mètres du QG du HVO. S'y

 26   trouvent 226 civils emprisonnés dans le camp. Et pratiquement tous les

 27   jours, ces gens sont envoyés creuser des tranchées du côté de Trnovaca. Il

 28   y a au moins quatre détenus qui… ce faisant en l'absence -- les personnes

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  1   internées ont dit qu'il y avait de 40 à 60 personnes qui avaient trouvé la

  2   mort en creusant les tranchées."

  3   Monsieur le Président, M. Praljak était souvent au QG du HVO à Prozor. Il

  4   vous l'a dit, il a consacré le plus clair de son énergie et de son

  5   attention à cette zone. De l'avis de l'Accusation, les éléments de preuve

  6   montrent au-delà de tout doute raisonnable que Praljak avait connaissance

  7   et donnait son approbation à une utilisation systématique de détenus civils

  8   musulmans qui étaient chargés de faire des travaux forcés dangereux dans la

  9   zone d'opérations de Prozor-Gornji Vakuf.

 10   Encore quelques mots à propos de l'autorité qu'il avait sur les

 11   prisonniers. 3D 00981.

 12   Nous avons ici un rapport spécial envoyé de Prozor par Siljeg, chef de la

 13   zone opérationnelle. Le point 4 dit que: 

 14   "Les représentants de la Communauté européenne," nous les appelons la MOCE,

 15   "nous ont fait part de leurs problèmes aujourd'hui."

 16   "Le premier c'est que la police militaire de Rama ne leur permet pas de

 17   visiter le hodja à Prozor."

 18   Point C :

 19   "La MOCE veut effectuer une visite auprès des prisonniers de guerre à

 20   Prozor."

 21   3D 00979. Le lendemain, 23 septembre 1993, Praljak répond de la façon

 22   suivante, et i se trouve, à ce moment-là, ce jour-là, au QG de Citluk. Il

 23   dit à Siljeg ceci :

 24   "A. Permets à la Communauté européenne d'aller voir le hodja." Sans doute

 25   le hodja est-il l'imam ou le représentant religieux musulman à Prozor.

 26   Et au point C, il dit, Oui, il faut autoriser la visite de la MOCE auprès

 27   des prisonniers.

 28   Donc, en dépit de ce que Praljak vous a déclaré, il était au courant de

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  1   l'existence des prisonniers, pas seulement de ceux qui étaient détenus à

  2   l'école technique de Prozor, à 100 mètres du QG du HVO. Il avait un

  3   contrôle direct de ces prisonniers. Il était parfaitement au courant de

  4   leur existence.

  5   Monsieur le Président, puisque nous parlons des travaux forcés, permettez-

  6   moi de parler rapidement de la pièce P 06937. Elle porte la date du 8

  7   novembre 1993. Il s'agit d'un ordre venu de Mostar qui porte la signature

  8   d'un certain Mijo Jelic, mais aussi de Slobodan Praljak. Rappelez-vous, la

  9   Défense Praljak et M. Praljak affirment qu'ici c'est un faux, qu'il n'a pas

 10   signé ce document.

 11   Nous soulignons que lorsque la Chambre va voir l'original, elle verra qu'il

 12   y a le sceau officiel de l'état-major principal apposé à ce document, il y

 13   a aussi des signatures et tous les tampons qu'on s'attend à trouver sur un

 14   document du HVO légitime et authentique.

 15   Vous vous souviendrez aussi de la pièce P 02642, cet enregistrement du HVO

 16   où on trouve, à la page 17, au point 407, d'une façon expresse le fait que

 17   l'ordre donné par Jelic et Praljak est consigné, lequel approuve

 18   l'utilisation des prisonniers pour des travaux forcés. Donc c'est répercuté

 19   dans le registre même du HVO.

 20   De surcroît, Monsieur le Président, nous avons la pièce P 0873 [comme

 21   interprété]. Je pense que c'est un élément de preuve qu'il est utile

 22   d'avoir à l'esprit. Il fait état d'une réunion qui s'est tenue le 14

 23   octobre 1993. C'est un ordre donné par Petkovic, ordre qu'il donne à toutes

 24   les brigades de la zone du sud-est de l'Herzégovine. Et là, au point 1, il

 25   donne l'ordre de ne plus faire travailler les prisonniers.

 26   Point 2, il dit :

 27   "Si, cependant, ces activités sont autorisées, c'est l'état-major même du

 28   HVO qui devra délivrer le permis l'autorisant."

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  1   Nous disons que la signature de Praljak, que l'on trouve sur le document P

  2   06937, ce soi-disant faux, est parfaitement dans le droit fil de l'ordre

  3   donné le 14 octobre 1993 par le général Petkovic. Pour le dire autrement,

  4   Petkovic ordonne ceci : il dit que pour ce qui est de la libération de

  5   prisonniers dans cette zone opérationnelle du sud-est, elle ne peut se

  6   faire qu'avec l'aval de l'état-major principal. Et le 8 novembre, Praljak

  7   était toujours chef de l'état-major principal. Il y était le 8 novembre, et

  8   ce jour-là, quant à l'utilisation demandée des prisonniers, il donne sa

  9   signature et permet ainsi ce que demandait dans son ordre Petkovic.

 10   La Chambre le sait, il a décidé de démissionner de ce poste et est parti

 11   dans la matinée du 9 novembre 1993. Il a dit qu'il était arrivé la veille

 12   au soir à Citluk et qu'il a donné son ordre pour avoir un rapport sur les

 13   événements survenus à Stupni Do.

 14   Sachant qu'il allait quitter le HVO et l'Herceg-Bosna le lendemain,

 15   l'Accusation estime qu'il est tout à fait raisonnable de supposer que

 16   Praljak se serait rendu au QG du secteur de la défense du HVO à Mostar le 8

 17   novembre pour dire au revoir. Et c'est là, en se séparant, qu'il a approuvé

 18   cette utilisation des prisonniers à des fins de travaux forcés.

 19   L'Accusation affirme que tout cela montre que le prétendu faux, la pièce P

 20   06937, constitue, à l'opposé, un document authentique. Compte tenu de

 21   l'utilisation généralisée des prisonniers sur l'ensemble des zones placées

 22   sous le contrôle du HVO, ainsi que le fait que Praljak était pleinement

 23   informé et qu'il contrôlait les événements dans ces zones, sans aucun

 24   doute, il était au courant et il a approuvé la pratique de la mise au

 25   travail forcé des Musulmans. Le général Praljak sera le premier à vous

 26   parler des problèmes de mobilisation qu'a rencontrés le HVO, des

 27   difficultés à garder ses soldats au front. La Chambre a vu de nombreux

 28   éléments de preuve tout au long du procès.

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  1   Si le général Praljak avait voulu déployer la police militaire et l'envoyer

  2   au combat plutôt que de les employer pour empêcher les crimes, il était

  3   certainement prêt à utiliser des prisonniers pour fortifier des tranchées

  4   au front. Le recours massif à l'utilisation des prisonniers musulmans,

  5   indépendamment de leur statut de civils, de prisonniers de guerre par le

  6   HVO, pendant cette période lorsque Praljak était le commandant de l'état-

  7   major du HVO et au-delà, ne peut pas être remis en question. Ces

  8   prisonniers ont constitué la composante-clé de la stratégie de commandement

  9   de Praljak qui constitue à vouloir gagner la guerre à tout prix.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pendant les dernières minutes

 11   qui sont à ma disposition, je voudrais évoquer la responsabilité du général

 12   Praljak eu égard au nettoyage ethnique de communautés entières musulmanes

 13   des zones de Stolac, Capljina, Ljubuski et Prozor en août 1993, et c'est

 14   pendant cette période-là que le général Praljak a commandé l'état-major

 15   principal du HVO.

 16   Alors, pour commencer, une pièce qui a été utilisée pendant le contre-

 17   interrogatoire d'un des témoins de la Défense -- en fait, il s'agit de deux

 18   pièces : IC 00833 ainsi que la pièce IC 00834. Nous pourrions agrandir la

 19   pièce 833, s'il vous plaît.

 20   La Chambre se rappellera sans doute que les données reprises dans ces

 21   tableaux ont fait l'objet d'interrogatoire du témoin de la Défense Martin

 22   Raguz. Il a travaillé pour le bureau des personnes déplacées et des

 23   réfugiés du HVO, l'ODPR. Les chiffres que nous voyons ici se fondent sur

 24   des rapports qui ont été rédigés par l'ODPR, et ont été fournis par l'ODPR

 25   à un représentant d'une organisation internationale humanitaire qui a

 26   travaillé dans cette région à l'automne 1993.

 27   Monsieur le Président, très brièvement à huis clos partiel, s'il vous

 28   plaît.

 

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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  3   partiel.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. STRINGER : [interprétation] Ce sont des tableaux qui proviennent de

 16   l'ODPR, et ces données que nous voyons figurer dans ces tableaux nous

 17   confirment ce que de nombreuses pièces à conviction nous montrent également

 18   au sujet du nettoyage ethnique des communautés musulmanes de Ljubuski,

 19   Capljina et Stolac. Pendant que Praljak constate correctement que le

 20   nettoyage de Stolac par le HVO a commencé avant le 24 juillet 1993, lorsque

 21   Praljak a pris le commandement de l'état-major du HVO, les éléments de

 22   preuve montrent que cette campagne de nettoyage ethnique s'est poursuivie

 23   pour nettoyer entièrement cette région, et ce, à partir du moment où

 24   Praljak a pris le commandement le 24.

 25   Les éléments de preuve montrent, de l'avis de l'Accusation, que des

 26   milliers de Musulmans, des hommes, des femmes, des enfants bosniens et des

 27   personnes âgées ont dû quitter la ville de Capljina et le reste de la

 28   municipalité le 23 août 1993. Ils ont été rassemblés, ils ont été expulsés

 

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  1   de leurs maisons, chargés à bord des autocars, transportés d'abord à un

  2   lieu de rassemblement, et ensuite dans des silos, où ils ont fait l'objet

  3   de mauvais traitement, et ils ont été obligés d'abandonner tous leurs

  4   biens, et, finalement, ils ont été expulsés par le HVO vers le territoire

  5   entre les mains de l'ABiH.

  6   Dans la municipalité de Ljubuski, pendant la deuxième moitié du mois d'août

  7   1993, les populations musulmanes de Gradska, de Vitina et d'autres parties

  8   de la municipalité de Ljubuski ont été expulsées. Des communautés entières

  9   de Musulmans ont entièrement disparu. En juillet, août et septembre 1993,

 10   c'était le règne de la terreur qui s'est installé. Des milliers de

 11   personnes ont été expulsées de ces municipalités par le HVO, et ce, pendant

 12   que Praljak commandait l'état-major.

 13   Reprenons maintenant les tableaux. A en juger d'après les données de

 14   l'ODPR, par rapport à environ 1 600 personnes avant la guerre, la

 15   population de Musulmans de Ljubuski se voit réduite de   50 % à peu près.

 16   Les rapports de l'ODPR parlent également d'une réduction de 50 % de la

 17   population Musulmane de Capljina entre septembre et octobre 1993. A Stolac,

 18   la population musulmane a été réduite de 8 101 à 0, à en juger d'après les

 19   chiffres de l'ODPR.

 20   Alors, l'autre tableau, IC 00834, concerne non pas les habitants de longue

 21   date, il concerne la population de personnes déplacées. Les réfugiés

 22   musulmans, les personnes déplacées qui se sont trouvées chassées vers ces

 23   zones, généralement depuis l'est, par les forces armées serbes, elles ont

 24   connu un sort même pire. A en juger d'après l'ODPR, l'ensemble des

 25   Musulmans qui avaient résidé dans les municipalités de Ljubuski, Capljina

 26   et Stolac se sont trouvés expulsés en octobre 1993, et on le voit ici

 27   d'après les zéros qui figurent dans ces cases. Donc ce sont les chiffres de

 28   l'ODPR.

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  1   La Chambre se rappellera que pendant cette même période, la proportion

  2   d'habitants Croates ne connaît aucun changement. Nous le voyons dans le

  3   premier tableau, le tableau 833. Et puis, dans le tableau 834, nous voyons

  4   des milliers de Croates qui arrivent dans cette zone et qui remplacent les

  5   Musulmans qui, eux, nous l'affirmons, ont été chassés de là.

  6   M. Praljak était au courant de ces événements de Vares et Stupni Do.

  7   Il donnait des ordres et il était en contact avec le HVO, la Brigade de

  8   Zepce tout au nord et à l'est. Il connaissait la situation à laquelle ont

  9   dû faire face les réfugiés croates dans des zones telles que Konjic et

 10   Bugojno. Il en parle dans son mémoire de manière détaillée et, cependant,

 11   il n'aurait pas été au courant du sort de la population musulmane de

 12   Ljubuski, Stolac et Capljina ? C'est impossible.

 13   Les évictions et les expulsions massives de Musulmans pendant que Praljak a

 14   été commandant de l'état-major du HVO, bien sûr, ne se limitent pas à ces

 15   municipalités. La population musulmane de Prozor, au début du mois d'août,

 16   s'est trouvée entassée dans des maisons de Podgrade, Lapsunj et Duge, et a

 17   fini par être expulsée par le HVO. Notons que les Musulmans qui ont été

 18   brutalement expulsés de leurs maisons dans ces secteurs où Praljak était

 19   commandant en août et en septembre, eh bien, que c'était ce qu'il y a de

 20   plus impuissant parmi les civils, les plus faibles. Tous les hommes avaient

 21   été arrêtés et avaient été placés dans des camps et des centres de

 22   détentions du HVO dispersés dans la zone.

 23   Il y a eu des expulsions, on a enlevé des communautés musulmanes entières

 24   de ces régions en août, en septembre et en juillet 1993, donc là nous

 25   parlons de personnes âgées, de femmes, d'enfants, de ceux qui s'étaient

 26   retrouvés tout seuls, livrés à eux-mêmes, à partir du moment où les hommes

 27   avaient déjà été enlevés et emprisonnés.

 28   Reprenons la pièce P 04307. C'est un rapport de la MOCE suite à une visite

 

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  1   rendue aux détenus et des constations lors des différents déplacements

  2   effectués le 19 août 1993. C'est bien la pièce P 04307. Un rapport.

  3   "Nous avons également été informés que les Musulmans de Prozor ont tous été

  4   déplacés dans deux [comme interprété] zones de la  région : Podgrade,

  5   Lapsunj et Duge. Ces deux dernières localités seront visitées demain par

  6   V2. A Podgrade se trouvaient 1 760 personnes âgées, hommes, femmes et

  7   enfants. Les habitations de la zone étaient chacune occupée par un minimum

  8   de 30 personnes. Les conditions étaient mauvaises, mais il y avait

  9   suffisamment de nourriture fournie par Merhamet. Un médecin se rend dans ce

 10   secteur une fois tous les 15 jours. Les Musulmans ne peuvent pas quitter la

 11   zone, et d'après certains indices, des soldats du HVO se rendent dans la

 12   zone de nuit et violent des femmes comme cela leur chante. Tous les hommes

 13   âgés de 16 à 60 ans sont partis. Ils ont très peur de ce qui risque de leur

 14   arriver. Et de nombreuses personnes déplacées sont arrivées d'autres

 15   endroits du pays. V2," donc c'est la MOCE qui fait son rapport, "s'attend à

 16   trouver une situation comparable dans les deux autres zones musulmanes."

 17   Est-ce que nous pouvons revenir à huis clos partiel un instant, s'il vous

 18   plaît

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 21   partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

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  9   [Audience publique]

 10   M. STRINGER : [interprétation] La Chambre se rappellera peut-être de ce qui

 11   est advenu de ces Musulmans dans la zone de Prozor. Vous vous rappellerez

 12   peut-être le témoignage du Témoin BK. Après avoir été témoin de l'exécution

 13   et de l'immolation, à savoir mort par le feu, de son père par les

 14   militaires du HVO au mont Tolovac, le Témoin BK et sa famille ont été

 15   emmenés à bord d'autocars à Podgradze, un petit village qui comptait à peu

 16   près 6 000 Musulmans qui s'y trouvaient. Et quand ils sont arrivés, ils se

 17   sont installés dans une maison avec à peu près 90 autres Musulmans.

 18   Fin août, le Témoin BK et sa famille, accompagnés de 6 000 Musulmans, des

 19   femmes, des enfants et des personnes âgées, ont dû quitter Podgradze par

 20   des soldats du HVO. On leur a donné quelques instants pour faire leurs

 21   bagages et partir. On les a emmenés par autocars à Kucani, et de là, ils

 22   ont dû traverser vers le territoire entre les mains de l'ABiH.

 23   Donc nous savons exactement quel a été le sort de ces personnes sur

 24   lesquelles fait rapport la MOCE le 19 août. Nous savons qu'à la fin du mois

 25   d'août, ils se sont trouvés expulsés de cette zone. Ils ont été chassés par

 26   le HVO.

 27   Dans son mémoire, Praljak affirme qu'il n'était pas au courant des

 28   expulsions des Musulmans de ces municipalités et qu'il n'a jamais reçu

 

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  1   aucun rapport, aucun élément d'information parlant de ces événements. Il

  2   n'évoque pas l'expulsion de la population musulmane de Ljubuski du tout

  3   dans son mémoire.

  4   Les éléments de preuve montrent que Praljak circulait librement sur

  5   l'ensemble du territoire entre les mains du HVO pendant la totalité de la

  6   période où ont été commis ces crimes. Il a pu facilement circuler entre

  7   Gornji Vakuf, Prozor, Mostar et Citluk. Il a émis des ordres de l'ensemble

  8   de ces localités, et donc cela démontre qu'il était au courant, qu'il était

  9   informé de l'ensemble de ces événements dans cette région.

 10   Il est impossible que Praljak n'ait pas été au courant des ressources

 11   importantes du HVO, à savoir des hommes, de l'équipement, de la logistique

 12   qui ont été déployés afin de mettre en œuvre l'expulsion de la communauté

 13   musulmane, par exemple, de Capljina ou de Prozor à la fin du mois d'août.

 14   L'expulsion de 6 000 personnes en l'espace d'une journée, cela nécessite

 15   beaucoup d'équipement et beaucoup d'organisation.

 16   Très rapidement, je voulais parler de la carte IC 0062. Nous avons

 17   déjà parlé de l'échelle des cartes que nous montrons, donc je ne vais pas

 18   m'étendre là-dessus, mais je voudrais simplement que l'on voie la région,

 19   en particulier Stolac, Capljina, Ljubuski, par rapport au QG du HVO de

 20   Citluk.

 21   Monsieur le Président, j'ai placé la souris sur la zone dont j'étais

 22   en train de parler, Stolac, Ljubuski, Citluk. Et Mostar. Citluk qui se

 23   situe par ici. Toutes ces localités sont très près l'une de l'autre, et

 24   l'ensemble de la zone est sans aucun doute placé entièrement sous le

 25   contrôle du HVO. La population civile ne constitue aucune menace pour le

 26   HVO dans cette zone.

 27   Nous invitons la Chambre à examiner ces cartes, attirons l'attention

 28   des Juges sur les distances très petites entre ces différents endroits,

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  1   donc il est impossible que Praljak n'ait pas été au courant de l'ensemble

  2   des événements dont nous avons parlé.

  3   Quoi qu'il en soit, même si Praljak affirme qu'il n'était pas au

  4   courant de ces événements, nous savons ce que Praljak aurait fait, et nous

  5   avons des raisons tout à fait valables nous montrant pourquoi il n'a pas

  6   agi, pourquoi il n'a rien entrepris face à ces nombreux crimes.

  7   Alors, prenons l'article qui date de quelques années plus tard, avril

  8   2004. Pièce P 90518 [comme interprété]. Vous vous rappelez peut-être, nous

  9   en avons parlé, nous avons parlé de ces commentaires. Voilà ce que dit

 10   Praljak lorsqu'il parle du sort des Musulmans de Stolac :

 11   "Stolac ? Mais il n'y a aucun problème là-bas. Ce qui s'est produit

 12   au camp de concentration n'aurait pas dû se produire de cette manière,

 13   c'est un crime véritable. Mais désarmer un soldat pendant un combat, c'est

 14   ce que je suis prêt à signer à tout moment. Ce qui s'est passé par la

 15   suite, ça, non, je n'y souscris pas. De toute manière, c'est moi qui ai

 16   permis aux journalistes d'entrer à Stolac. Et puis, un mois et demi plus

 17   tard, ils ont expulsé les femmes et les enfants de la ville. Je donnerais

 18   une médaille à celui qui l'a fait, parce qu'il les a sauvés de la vengeance

 19   des réfugiés venus de Bosnie centrale. S'ils avaient voulu les expulser,

 20   ils l'auraient fait immédiatement. De cette manière-là, ils ne les ont pas

 21   expulsés, ils les ont sauvés."

 22   Monsieur le Président, le général Praljak nie lui-même toute

 23   responsabilité qui lui incomberait de protéger ces populations vulnérables,

 24   populations civiles musulmanes, des femmes, des enfants, des personnes

 25   âgées, qui ont été livrés à eux-mêmes sur l'ensemble de l'Herceg-Bosna à

 26   partir du moment où tous les hommes aptes à combattre ont été arrêtés et

 27   emmenés.

 28   Ce qu'il affirme en page 124 de son mémoire, il dit :

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  1   "En tant que commandant de l'état-major du HVO, Praljak n'avait

  2   aucune obligation et il n'avait pas d'autorité non plus. Il ne lui

  3   incombait pas d'imposer l'ordre et de faire régner la loi dans ces zones

  4   qui sortaient de la zone de combat. Les autorités civiles du HVO avaient

  5   l'obligation de faire régner la loi."

  6   Et là, il a tort.

  7   Le fait est, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que dans ces

  8   zones que je viens de décrire, à savoir Prozor, Stolac, Capljina, Ljubuski,

  9   ainsi que l'ensemble des zones entre les mains des forces armées du HVO où

 10   Praljak était le commandant de l'état-major du HVO, ces zones constituaient

 11   le territoire occupé au sens du droit international. En tant que général

 12   commandant de ce territoire occupé, Praljak avait l'obligation d'agir,

 13   l'obligation de protéger l'ensemble des civils indépendamment de leur

 14   appartenance ethnique. Il a tourné le dos à la population civile musulmane

 15   de ces zones, tout comme il l'a fait eu égard aux hommes musulmans placés

 16   dans des prisons et des camps du HVO.

 17   La Chambre de première instance pourra examiner nos arguments sur ce

 18   qui constitue un territoire occupé, à commencer page 23. Je ne me répéterai

 19   pas. Je précise simplement qu'un territoire est occupé à partir du moment

 20   où la puissance occupante est en mesure de rendre les autorités occupées

 21   incapables de fonctionner publiquement ou de contrôler la zone et est en

 22   position d'exercer son autorité sur le territoire. Et ce critère est

 23   entièrement satisfait en l'espèce quasiment dans l'ensemble des zones où

 24   des crimes ont été commis contre la population civile musulmane, crimes

 25   commis par le HVO.

 26   A des endroits tels Stolac, Capljina, Mostar ouest et Prozor, à titre

 27   d'exemple, il n'y avait pas d'autorités civiles légitimes liées au

 28   gouvernement de Bosnie-Herzégovine en place. Ces autorités légitimes

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  1   avaient été évincées depuis longtemps. Cela faisait partie de la prise de

  2   pouvoir par le HVO, et cela a servi de préambule à la prise de pouvoir

  3   militaire menée par le HVO qui s'en est suivie. Le HVO et ses forces armées

  4   ont été en mesure d'exercer très rapidement et aisément leur autorité et

  5   leur contrôle sur les zones qui constituaient, d'après nous, le territoire

  6   occupé. Et nous voyons des éléments de preuve à cet effet en l'espèce dans

  7   la facilité avec laquelle le HVO a arrêté et a emprisonné l'ensemble des

  8   hommes musulmans sur les territoires occupés, à commencer par le 30 juin

  9   1993. Nous voyons cela dans la facilité avec laquelle le HVO a pu

 10   rassembler, donc procéder aux rafles, au mauvais traitement et à

 11   l'expulsion de cette population civile musulmane très faible qui s'est

 12   retrouvée à l'extérieur des camps du HVO. Nous voyons cela dans le fait

 13   qu'on n'a pas réprimé l'expulsion des Musulmans, leur expulsion de leurs

 14   maisons de Mostar ouest et leur expulsion de la rive est vers l'autre côté

 15   de la rivière Neretva.

 16   Vous vous rappellerez les milliers de Musulmans et leur rafle à

 17   Prozor, le fait qu'ils ont été rassemblés. Nous voyons le fait qu'il y a eu

 18   territoire occupé. Nous voyons cela dans les décisions du HVO. Nous voyons

 19   leur capacité à exercer leur autorité sur ces territoires. Et nous voyons

 20   cela dans les décisions, par exemple, celles prises par Praljak par

 21   lesquelles il relève des policiers militaires et civils de leurs fonctions

 22   de police et il les verse au combat pour combattre l'armée légitime et les

 23   autorités de Bosnie-Herzégovine. Par là, il place la population musulmane

 24   dans une situation encore plus périlleuse. Et, bien entendu, nous avons

 25   toute une série de décisions, de décrets, de régulations qui sont émis par

 26   le gouvernement du HVO de Prlic et qui ont pour objectif de gérer, de

 27   diriger tous les aspects de la vie dans l'Herceg Bosna.

 28   Rien de tout cela n'aurait pu se produire si le HVO n'avait pas rendu

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  1   les autorités légitimes de Bosnie-Herzégovine incapables de fonctionner

  2   dans ces zones. Rien de tout cela n'aurait pu se produire si le HVO n'avait

  3   pas été capable d'imposer son autorité aux populations musulmanes de ces

  4   zones, et il l'a fait.

  5   Praljak, en tant que commandant des forces armées du HVO, à partir de la

  6   date du 24 juillet 1993, ainsi que son co-accusé, Milivoj Petkovic, pour la

  7   période qui précède le 24 juillet 1993. Praljak avait l'obligation de

  8   protéger l'ensemble des civils du crime, de la terreur, des persécutions et

  9   de l'ensemble des crimes qu'ils ont subis tout au long de la campagne à

 10   laquelle s'est livré le HVO pour mettre sur pied l'Herceg-Bosna. Praljak a

 11   manqué à ses obligations, il a manqué même à ne déployer ne serait-ce que

 12   le moindre effort pour protéger les civils dans ces territoires occupés, et

 13   cela a à voir avec sa responsabilité pénale pour avoir aidé et encouragé.

 14   Son manquement à agir à protéger la population la plus impuissante de

 15   Bosnie-Herzégovine nous montre qu'il acceptait la persécution, les

 16   expulsions en masse et l'ensemble des crimes qui ont été commis contre ces

 17   hommes, et que cela a été accepté par lui en tant que moyens nécessaires

 18   afin de mettre sur pied un territoire séparé autonome en Bosnie-Herzégovine

 19   où les Croates seraient majoritaires.

 20   Ce que nous voyons à Stolac, Ljubuski, Capljina, Prozor, Mostar ouest, et

 21   partout dans l'ensemble des zones entre les mains du HVO sous le

 22   commandement de Praljak, c'est son héritage, l'héritage de Slobodan

 23   Praljak. Mission réussie au moins dans ces zones-là. En tant qu'homme de

 24   théâtre qui aime bien gesticuler, est-ce qu'on peut imaginer une meilleure

 25   sortie pour lui que la sortie de Slobodan Praljak au moment où les canons

 26   du HVO, enfin, s'en prennent à l'ancien pont de Mostar, qui s'effondre dans

 27   la Neretva au moment où il quitte le QG de Citluk et il rentre chez lui à

 28   Zagreb.

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  1   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation aura quelques

  2   remarques supplémentaires eu égard au général Praljak. J'en ai terminé pour

  3   l'instant. Je vous remercie.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons donc faire la pause de 20 minutes et

  5   nous reprendrons dans 20 minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 15 heures 46.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame West, j'ai plaisir à vous retrouver,

  9   donc je vous salue, et je vous donne la parole, bien que vous soyez cachée

 10   derrière le pupitre.

 11   Mme WEST : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à tous,

 12   bonjour aux conseils de la Défense. Bonjour à tous. Je suis Kim West pour

 13   le bureau du Procureur, et je vais faire le réquisitoire en réponse au

 14   mémoire Petkovic.

 15   L'accusé déclare qu'il n'était pas un homme politique, qu'il n'avait pas

 16   été impliqué dans le plan du HVO visant à chasser les Musulmans de Bosnie

 17   d'Herceg-Bosna et de nettoyer ethniquement l'Herceg-Bosna. Ceci se voit

 18   d'ailleurs dans de nombreux paragraphes de son mémoire. Plus

 19   particulièrement au paragraphe 41, qui va être à l'écran, selon lequel il

 20   n'a jamais eu d'engagement politique, ainsi qu'au paragraphe 43, où il

 21   n'aurait pas participé à la moindre réunion où les buts, les programmes,

 22   les politiques, les opérations et les stratégies de la HZ HB auraient été

 23   abordés.

 24   Petkovic déclare que ce serait un engagement politique qui pourrait

 25   équivaloir à une intention de participer à l'ECC. Nous sommes d'accord avec

 26   ça, certes, mais nous ne sommes pas d'accord avec le fait que Petkovic

 27   n'avait que le titre de chef militaire et rien d'autre. En fait, c'était le

 28   général militaire qui était chargé du commandement et du contrôle des

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  1   forces armées, et c'est par le truchement de cette position qu'il a exécuté

  2   l'ECC de l'Herceg-Bosna. Mais c'était aussi un membre important et

  3   dirigeant de la hiérarchie, et ses compétences, ce qu'il savait faire, ont

  4   été essentielles pour développer et faciliter l'exécution du plan.

  5   Je vais d'abord parler de son rôle dans la création de l'Herceg-Bosna et de

  6   sa contribution, qui est très importante, à l'ECC. Vous allez maintenant

  7   voir dans la diapo suivante l'annexe 9 de la Défense, qui étaye sa position

  8   selon laquelle il n'avait aucun engagement politique. Il s'agit d'une liste

  9   de réunions du gouvernement, et il est vrai qu'il n'y participe que quatre

 10   fois.

 11   Je ne vais pas dire que Petkovic participait à ce type de réunions tous les

 12   jours ou qu'il était très actif dans l'administration du gouvernement. Il

 13   avait autre chose à faire; il était bien trop occupé à commander les forces

 14   armées. Cela dit, la position de l'Accusation est que Petkovic a participé

 15   aux réunions du gouvernement essentielles où a été abordée l'orientation

 16   même de cette ECC.

 17   Quatre de ces réunions se trouvent sur cette diapo. Ce sont des réunions,

 18   quand même, que Petkovic n'a pas mentionnées dans son mémoire.

 19   En premier, le 3 juillet, vous le connaissez, c'est la réunion du 3 juillet

 20   1990 au cours de laquelle a été adopté le décret sur les forces armées. Il

 21   est normal qu'il y soit.

 22   Ensuite, le dernier, celui du 28 août 1993, où la république a été créée,

 23   est aussi un moment important de l'ECC. Il est évident que Petkovic voulait

 24   être là à tout prix.

 25   Maintenant, sur la diapo suivante, on voit la réunion de décembre 1992, qui

 26   elle aussi est essentielle. Il s'agit d'une réunion du département de la

 27   Défense. Petkovic y parle de la création de l'armée et discute de la

 28   meilleure façon de structurer cette armée. Le PV déclare :

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  1   "Petkovic considère qu'il suffirait d'avoir six généraux pour les

  2   forces armées."

  3   C'est une réunion à très haut niveau dirigée par l'accusé Stojic, et

  4   une décision très importante a été confiée à un homme qui, après avoir bien

  5   considéré le problème, déclare que six généraux suffiront bien.

  6   La Chambre de première instance va se poser la question suivante : quel

  7   était le but de ces forces armées ? Six généraux étaient suffisants, mais

  8   pour arriver à quel but ?

  9   Il est inconcevable que la personne qui dirige les forces armées,

 10   l'entité qui devait exécuter le plan, ne faisait pas partie du plan. Dans

 11   la diapo suivante, qui vient du mémoire, la Défense Petkovic déclare que

 12   Petkovic n'était présent à aucune des réunions présidentielles où

 13   l'orientation politique du conflit a été abordée. Il n'a participé qu'à une

 14   réunion de la délégation de la HR HB avec Tudjman, et ce, en relation avec

 15   Stupni Do.

 16   Cette affirmation n'est tout simplement pas vraie. En effet, il a

 17   participé au moins à deux réunions extrêmement importantes dans le bureau

 18   du président Tudjman où les orientations politiques du conflit ont été

 19   abordées, et l'une de ces réunions est la pièce P 02059. Le 24 avril 1993,

 20   dans le bureau de Tudjman, Petkovic était là pour cette réunion qui a duré

 21   quatre heures. Une discussion très importante à très haut niveau sur la

 22   mise en œuvre du plan Vance-Owen. C'était une réunion où il y avait deux

 23   chefs d'Etat, les directions militaires, les lieutenants politiques, ainsi

 24   que les négociateurs internationaux chevronnés. Le premier point à l'ordre

 25   du jour était les rapports des généraux Petkovic et Halilovic à propos de

 26   leurs discussions sur les négociations militaires portant sur le plan de

 27   paix et sur l'éventualité d'avoir un commandement conjoint pour les deux

 28   armées. Après qu'il ait expliqué sa position, Petkovic lui-même a noté les

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  1   implications politiques pour les deux camps. Vous trouverez cela à la page

  2   10 de cette pièce qui est à l'écran. Il déclare :

  3   "Je crois qu'ainsi, l'efficacité du commandement ne souffrirait pas.

  4   En ce qui concerne les implications politiques pour les deux camps, leurs

  5   soldats ne seraient absolument pas subordonnés au HVO," et cetera.

  6   Il s'agit donc, de l'avis du bureau du Procureur, de discussions

  7   explicitement politiques. Juste après, d'ailleurs, le rapport de Petkovic,

  8   Tudjman et Izetbegovic l'ont noté.

  9   Puisque Tudjman déclare à la page 11 :

 10   "Merci. Il est évident qu'il s'agit d'une question technique du point de

 11   vue militaire, mais c'est quelque chose de politique.

 12   "Izetbegovic : Je suis d'accord avec le président Tudjman. Il s'agit,

 13   en effet, d'un problème politique."

 14   Il y a d'autres réunions où Petkovic a participé de façon importante.

 15   Vous les voyez d'ailleurs à l'écran.

 16   En ce qui concerne la première réunion, donc celle de juin 1992, la

 17   Défense déclare ce qui suit au paragraphe 537 de leur mémoire :

 18   "Les mots 'intérêts croates' et 'territoire tenu par les Croates' que

 19   l'on voit dans ce document signifiaient que le territoire était libre,

 20   libéré des forces serbes. Ces mots n'ont aucun sens anti-Musulman."

 21   Vous vous souviendrez du contre-interrogatoire à propos de ce

 22   document, j'en suis sûre, et je ne vais pas reprendre ce que nous avons dit

 23   et ce que nous avons analysé dans votre mémoire à propos de ce que dit

 24   Petkovic, où Petkovic essaie de nier, en fait, ce que ce document déclare.

 25   On voit bien en bas de ce document les quatre points -- les quatre alinéas

 26   qui sont essentiels. Le premier :

 27   "Mettre le reste des municipalités croates sous contrôle.

 28   "2. Sécuriser et fortifier la ligne obtenue.

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  1   "3. Effectuer la réorganisation des forces du HVO existantes.

  2   "4. Etablir le pouvoir croate sur toutes les municipalités."

  3   La Défense voudrait que nous croyions que l'interprétation

  4   raisonnable de ces alinéas est la suivante : il suffit d'établir un pouvoir

  5   qui exclurait les Serbes, que ce pouvoir serait, d'une manière ou d'une

  6   autre, partagé entre Musulmans et Croates, que chaque fois qu'on dit

  7   "Croate" dans ce document, il faut l'interpréter dans le sens "Croate et

  8   Musulman". Or, c'est absolument contraire à ce qui est écrit dans ce

  9   document. Cette interprétation n'est pas correcte. Or, ce document a été

 10   signé par Petkovic.

 11   Si vous avez besoin de plus de documents Petkovic qui montrent qu'il

 12   connaissait l'existence de cette ECC, qu'il faisait partie de cette ECC et

 13   qu'il y a contribué de façon importante, nous pouvons nous pencher sur le

 14   rapport de 1992, où Petkovic rend compte des frontières de l'Herceg-Bosna

 15   et fait le bilan de l'avancement du HVO en but d'arriver à leurs fins. A la

 16   page suivante -- vous voyez maintenant ce document à l'écran d'ailleurs.

 17   Il n'est pas mentionné dans le mémoire de la Défense, mais uniquement

 18   dans une de leurs annexes en tant que rapport qui aurait été rédigé par

 19   Petkovic. Il porte sur la période avril à décembre 1992, et au titre de

 20   conclusion générale, à la page 2, Petkovic écrit ce qui suit :

 21   "Aujourd'hui, les forces du HVO ont réussi à tenir et à avoir sous leur

 22   contrôle 90 % de la zone qui a été définie comme étant la HZ HB, et ils

 23   sont prêts, capables et en mesure de la défendre…"

 24   Il s'agit d'un document que vous avez déjà vu hier. Il me semble que

 25   M. Scott vous l'a montré, mais il y a autre chose qui est très intéressant

 26   dans ce rapport et que je voudrais vous montrer. A la page 4, il s'agit

 27   d'une référence extrêmement claire à la philosophie, à la volonté politique

 28   de l'armée, cette ECC que l'armée voulait mettre en œuvre. Voici ce qui est

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  1   écrit :

  2   "La défense de cette zone et de l'unité commandante, dans la plupart

  3   des cas, dépendent de gens parfaitement ordinaires qui n'ont pas de

  4   compétence militaire mais qui sont entièrement dévoués aux idées de la HZ

  5   HB."

  6   Ici, Petkovic fait référence à des militaires dont les qualités

  7   premières ne sont pas l'expérience mais la conviction profonde qu'il faut

  8   que la HZ HB existe, qui ont foi en la HZ HB, donc c'était des hommes comme

  9   Petkovic. C'était à lui, en fait, de prendre ce territoire, de s'assurer

 10   qu'il n'y ait que des Croates sur ce territoire, qu'il y ait un nouvel

 11   ordre social et politique installé, un ordre qui exclurait les Musulmans.

 12   Regardez ses missions au sein du HVO. On voit bien qu'il s'agit

 13   justement de ses buts. Voici donc le manuel sur l'opération des forces

 14   armées. Au numéro 1, on voit les missions :

 15   "Protéger et défendre la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité

 16   territoriale de la HZ HB," et point numéro 2, "défendre la composition

 17   sociale de la HZ HB telle qu'elle est établie par la constitution."

 18   Ce règlement montre bien que les forces armées, pour défendre le

 19   système politique de la HZ HB, déclaraient leur allégeance à ce nouvel

 20   Etat, où il y aurait un nouvel ordre, une nouvelle composition sociale, ce

 21   qui signifiait, bien sûr, le transfert de population pour chasser les

 22   Musulmans et faire venir des Croates afin d'assurer une domination croate.

 23   Comme vous le savez, la Défense déclare que l'accusé n'a jamais

 24   participé à aucune discussion avec Tudjman dans le bureau même de Tudjman.

 25   Mais passons donc à la réunion du 5 novembre à Split, juste après Stupni

 26   Do. Il s'agit d'un rassemblement de dirigeants croates et dirigeants

 27   d'Herceg-Bosna, y compris Prlic, Petkovic et Praljak. Ils étaient là pour

 28   parler des problèmes de l'Etat autoproclamé croate en BiH, et tout

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  1   particulièrement des problèmes de Stupni Do. A la page 4, Tudjman leur

  2   donne leurs buts politiques en disant :

  3   "Si l'union de la BiH s'effondre, la République croate d'Herceg-Bosna et la

  4   Province autonome de Bosnie occidentale seront annexées à la République de

  5   Croatie."

  6   Il déclare aussi, juste en dessous :

  7   "Donc notre politique a toujours été et sera toujours de conserver une

  8   République d'Herceg-Bosna."

  9   A la page 21, Tudjman explique exactement ce que signifie cette politique à

 10   court terme pour Petkovic et pour les militaires du HVO, et voilà ce qu'il

 11   dit :

 12   "La situation actuelle exige que des mesures soient prises pour renforcer

 13   le fonctionnement du pouvoir dans cette région d'Herceg-Bosna et pour

 14   défendre la ligne au nord de Travnik, Vitez et Busovaca."

 15   Ici, c'est l'application d'une philosophie politique à une tactique

 16   militaire. Et tout cela va, bien sûr, main dans la main. On ne peut pas

 17   avoir l'un sans avoir l'autre. Petkovic n'aurait jamais pu diriger l'armée

 18   et n'aurait pas pu faire partie de cette décision politique qui a permis à

 19   cette armée, ensuite, de voir le jour.

 20   Maintenant, nous allons voir ce qu'il en est à propos du nettoyage ethnique

 21   qui a aussi été discuté lors de cette réunion où l'on parlait justement de

 22   déplacement militaire et de déplacement de population. Voici ce que dit

 23   Prlic :

 24   "Nous devons encercler les territoires. En tant que gouvernement, au

 25   printemps dernier, nous avons défini les propositions et les conclusions,

 26   et en ce qui concerne les déplacements de certaines brigades dans certaines

 27   régions, comprenant aussi des déplacements de population dans certaines

 28   zones pour les concentrer dans d'autres directions qui, nous sommes

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  1   certains, deviendront et resteront des régions croates."

  2   Donc il s'agit d'une réunion qui est tout à fait politique, où on demande à

  3   Petkovic de faire sa contribution. Il est entouré du président de la

  4   Croatie et d'autres dirigeants du HVO, certes, mais Petkovic, maintenant,

  5   revient nous voir et dit qu'il n'est pas politique, en aucun cas.

  6   La Défense voudrait vous faire croire que Petkovic n'était qu'un

  7   administratif, un rouage qui aidait Boban mais qui n'avait aucun pouvoir,

  8   aucune autonomie, aucune possibilité de prendre des décisions. Mais si les

  9   allégations de l'Accusation sont exactes et si Petkovic était bel et bien

 10   un dirigeant militaire et politique en Herceg-Bosna, dans ce cas-là, la

 11   Chambre doit s'attendre à ce qu'à l'époque, d'autres personnes aussi

 12   considèrent qu'il était un homme militaire et politique. Il y a très

 13   certainement des personnages internationaux qui ont rencontré cette

 14   personne, qui le considèrent comme étant tout à fait capable de prendre des

 15   décisions pour le HVO. La Chambre de première instance aurait dû voir

 16   d'autres dirigeants d'Herceg-Bosna interagissant avec Petkovic comme l'un

 17   des dirigeants d'Herceg-Bosna.

 18   Or, la personne décrite dans le mémoire de la Défense n'aurait jamais

 19   eu de place à Genève pour négocier un plan de paix entre les parties en

 20   janvier 1993. Il n'aurait pas rencontré Mladic non plus pour parler d'un

 21   éventuel projet de coopération entre les deux armées. Pourtant, nous avons

 22   ces éléments de preuve; ils existent.

 23   Et d'ailleurs, ici, vous voyez les occasions où les représentants de

 24   haut niveau ont parlé de Petkovic, où ils expliquent quelle est leur

 25   interprétation de sa position très haute au sein du HVO. Premier document,

 26   il s'agit d'un document du 2 juillet, c'est à une réunion présidentielle,

 27   et il est écrit :

 28   "Et vous deux, s'il vous plaît, Monsieur le Ministre Susak, Général

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  1   Bobetko, parlez-en et rencontrez les dirigeants de l'Herceg-Bosna qui sont

  2   ici, le général Praljak, Petkovic et l'ambassadeur Sancevic et leurs

  3   dirigeants ici…"

  4   Et cetera, et cetera.

  5   La Chambre de première instance se rappellera la défense sémantique

  6   qu'a présentée l'accusé en ce qui concerne ce document, où il dit que c'est

  7   du fait de la virgule qu'on ne peut pas dire qu'il faisait partie des

  8   dirigeants d'Herceg-Bosna. Mais je pense que quand on lit le document, on

  9   voit bien que cette explication sémantique ne tient pas.

 10   Ensuite, document du 27 avril 1993, et là c'est Susak qui parle, et

 11   il dit la chose suivante :

 12   "A propos de BiH. J'ai parlé à Petkovic vers 19 heures 30."

 13   Ça montre bien que Petkovic était une personne importante en ce qui

 14   concerne l'Herceg-Bosna.

 15   Ensuite, 11 mai 1993, Gojko Susak :

 16   "A8 heures, le général Petkovic, l'adjoint de Morillon et Halilovic

 17   se sont rencontrés à Kiseljak. Morillon est arrivé à Medjugorje pour

 18   rencontrer Boban et Petkovic."

 19   On voit bien quelle est la participation de Petkovic dans des

 20   réunions à très haut niveau et dans le cadre des négociations.

 21   Ensuite, 5 novembre, c'est la réunion dont on vient de parler.

 22   Prlic déclare :

 23   "Je crois que cette réunion est extrêmement importante. Les plus

 24   hauts représentants de la République de Croatie et de la République croate

 25   d'Herceg-Bosna sont ici…"

 26   Or, Petkovic était présent, et c'est justement lui qui est l'un de

 27   ces représentants officiels de haut niveau.

 28   Ensuite, ici, je vais parler de son témoignage lors d'un contre-

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  1   interrogatoire. La question qui lui a été posée était la suivante :

  2   "Vous serez d'accord avec moi, n'est-ce pas, que vous n'étiez pas un

  3   simple technocrate politico-militaire; vous aviez une casquette militaire

  4   ainsi qu'une casquette politique, n'est-ce pas ?

  5   "Réponse : Non, je n'avais aucune casquette politique d'aucune

  6   sorte."

  7   Mais ensuite, lorsqu'on lui montre un article où il dit qu'il se

  8   sentait plus comme un politique à l'époque, il répond, Oui, j'avais l'air

  9   d'être plus politique que soldat. Et lorsqu'on lui demande :

 10   "C'est bien ce que vous avez dit lors de la réunion ?"

 11   Il dit :

 12   "Mais c'est un peu étrange, cette déclaration selon laquelle je

 13   serais plus politique que soldat. Moi, je ne me vois pas du tout comme

 14   homme politique."

 15   Donc il n'a pas nié qu'il était plus politique que soldat. Il a juste

 16   trouvé que c'était un peu étrange de le qualifier de la sorte.

 17   Sur quoi d'autre peut-on se pencher et se baser pour conclure que

 18   Petkovic avait l'intention de chasser les Musulmans de Bosnie et les non-

 19   Croates d'Herceg-Bosna et de nettoyer l'Herceg-Bosna de toute personne non-

 20   croate pour en faire ensuite la Grande-Croatie ? Eh bien, il faut voir les

 21   ultimatums maintenant.

 22   Ces ultimatums et le rôle qu'a joué Petkovic dans le cadre de ceci

 23   sont importants car ils montrent que c'est son engagement qui montre que

 24   c'est quelque chose que réclame l'Herceg-Bosna. Ces ultimatums sont une

 25   tentative de s'emparer, sans aucune justification, d'un territoire et du

 26   pouvoir sans l'accord des Musulmans. Vous allez examiner les éléments de

 27   preuve, et ce faisant, Messieurs les Juges, intéressez-vous à l'évolution

 28   que l'on constate dans la position de Petkovic, surtout quand on voit

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  1   l'ultimatum de janvier. Voyez ce qu'il a dit au départ lorsqu'il a

  2   témoigné, puis au moment du contre-interrogatoire, et en troisième lieu,

  3   dans son mémoire en clôture, et voyez s'il y a un manque de constance, s'il

  4   y a une évolution dans sa position qui va avoir son effet sur la

  5   crédibilité qu'on peut accorder à son témoignage. Je ne veux pas laisser

  6   entendre ici que l'accusé n'a pas besoin de supporter une obligation, une

  7   charge de la preuve. C'est ce qui nous revient à nous uniquement, mais je

  8   pense que l'évolution qu'on voit chez Petkovic des raisons qu'il donne à

  9   ces ultimatums, c'est utile pour vous au moment où vous allez établir et

 10   déterminer la crédibilité qu'il faut donner à son témoignage.

 11   Paragraphe 536. Ici, nous avons la partie du mémoire consacrée à

 12   l'ultimatum. On dit ceci, je cite :

 13   "C'est un ordre purement militaire et qui est dans le droit fil des

 14   instructions qui lui ont été données par son gouvernement. Il ne lui

 15   revenait pas à lui de deviner quelle serait la nature ou quelles seraient

 16   les raisons qui avaient motivé les ordres donnés par son supérieur."

 17   La position de la Défense dans ce mémoire c'est que ses supérieurs

 18   lui ont dit de faire quelque chose et il a obéi. Aucune analyse de l'ordre,

 19   aucun commentaire de cet ordre. La défense qu'il vous présente c'est qu'il

 20   se contentait de suivre les ordres, de les appliquer.

 21   Mais voyons ce que, au départ, il avait pris comme position lorsqu'il

 22   a témoigné à propos de ces ultimatums, et ceci c'est aussi après

 23   l'interrogatoire principal, en réponse à une question posée par vous,

 24   Monsieur le Président. Voici ce qu'il a répondu :

 25   "J'ai donné l'ordre sur la base d'une décision précédente prise par

 26   le gouvernement et sur la base de ce qu'a dit le chef du département de la

 27   Défense…"

 28   Et il poursuit, il dit :

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  1   "Quand vous lisez l'ordre, ce n'est pas un ultimatum; c'est une

  2   invitation à avoir des discussions."

  3   Et près de 80 pages plus tard dans le compte rendu d'audience, en

  4   répondant toujours à une question de vous, Monsieur le Président, il dit,

  5   Cet ordre ce n'est plus une invitation, c'est quelque chose d'autre.

  6   "Question : Qu'est-ce que vous envisagiez lorsque vous avez écrit ce

  7   document ?" C'est vous qui posiez la question.

  8   Il répond :

  9   "Messieurs les Juges, pour moi, ce n'était pas du tout un ultimatum de

 10   quelque forme que ce soit."

 11   Et puis, il explique que c'est un plan de rattachement, de resubordination.

 12   Il dit :

 13   "C'est en référence avec les provinces qui n'en font pas partie, et c'est

 14   pour ça qu'il faudra soit les rattacher, les unités, d'après ce document,

 15   ou quitter le terrain. Parce que ces unités locales, les unités du coin,

 16   sont aussi bien des unités de l'ABiH que du HVO formées là… S'il y en a

 17   d'autres qui n'ont pas leur place, s'ils ne sont pas d'accord pour

 18   rattacher à l'une ou l'autre des parties, ces unités devront partir…"

 19   A mon avis, à cette date, Petkovic avait changé radicalement d'idée, du

 20   tout au tout. Maintenant, c'était les forces du HVO et de l'ABiH qui

 21   étaient du coin qui pouvaient rester, mais toutes les autres forces venant

 22   d'ailleurs devaient partir ou être resubordonnées. Nous avons là une

 23   version très différente de ce qu'il disait au début de sa déposition, à

 24   savoir que c'était une invitation à une discussion qu'auraient le HVO et

 25   l'ABiH. C'était sa première réponse, ça. Mais ici, il dit que le HVO et

 26   l'ABiH font partie de la même équipe et ce sont -- disons, c'est une

 27   opposition qu'il fait entre des effectifs locaux et des effectifs

 28   étrangers.

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  1   L'Accusation estime qu'aucune de ces deux excuses ne permet vraiment de se

  2   mettre en péréquation avec véritablement le sens profond de l'ultimatum,

  3   qui est une menace non déguisée à l'égard de l'ABiH.

  4   Voyons d'autres documents pour mieux éclairer ce propos. Voyons la pièce

  5   P 01135, document établi le 15 janvier par M. Petkovic, qui à l'époque est

  6   avec Boban à Genève, occupé à négocier. Pourtant, ici, il est émet un ordre

  7   de préparation totale au combat, et il dit qu'on doit passer au niveau

  8   supérieur de préparation au combat -- au niveau suprême.

  9   Et dans cet ordre, il va inclure tous les membres croates des unités. Pas

 10   les Musulmans.

 11   "Il faudra uniquement deux équipes face aux Chetniks. Il faut que toutes

 12   les forces des autres soient prêtes pour intervenir contre les forces

 13   musulmanes;

 14   "Désarmer et isoler tous les Musulmans qui, dans les unités du HVO,

 15   refusent d'obéir à nos ordres."

 16   Si cet ordre du 15 janvier qu'il donne était simplement un ordre de

 17   resubordination, à ce moment-là, ce qu'il exige ici, ce jour-là, c'est

 18   quand même assez bizarre et ce n'est pas cohérent. Il serait plus logique

 19   de penser que cet ordre avait pour objet de renforcer le contrôle, de

 20   forcer les soldats du HVO, les soldats croates, de concentrer leur

 21   attention sur leurs frères musulmans. De plus, aussitôt après cet ordre-ci,

 22   il envoie des instructions à Siljeg en Bosnie centrale pour lui dire

 23   d'arrêter les négociations à une heure et de "tirer sur tout ce qui bouge."

 24   Il est tout aussi clair que l'ABiH a bien compris que l'ordre que Petkovic

 25   donnait c'était, en fait, un ultimatum dirigé sur l'ABiH et sur les unités

 26   musulmanes du HVO qui se trouvaient dans les provinces prévues pour les

 27   Croates. Et Arif Pasalic a dit dans sa réponse du 18 :

 28   "Je ne peux pas exécuter le point 2 étant donné que le 4e Corps de l'armée

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  1   de Bosnie et ses unités ne se trouvent pas sous votre commandement et ne

  2   peuvent pas exécuter ceci.

  3   "Les unités du 4e Corps de l'ABiH ne vont pas quitter le territoire de ces

  4   provinces étant donné que les combattants de ces unités y habitent dans ces

  5   provinces et les ont libérées, ce qui était bien leur droit. Alors, dire

  6   que nos unités sont des unités paramilitaires, c'est, au bas mot, pas très

  7   sérieux de la part de votre état-major."

  8   Vu la réponse donnée par Pasalic, c'est manifeste, Petkovic n'était pas

  9   honnête envers vous, Messieurs les Juges, lorsqu'il a répondu à une

 10   question pourtant fort claire du Président de la Chambre. De plus, la

 11   lettre de Pasalic, elle a été rédigée au moment des événements, un facteur

 12   particulièrement convaincant parce qu'il s'agit de lui prêter foi. Par

 13   contraste, ce que dit Petkovic, il le dit 17 ans après les faits pour se

 14   défendre.

 15   Après les questions posées par vous, Monsieur le Président, et après les

 16   questions posées par l'accusé Praljak, vous allez le voir sur le cliché

 17   suivant, il répond à une question concernant l'ultimatum et dit, Oui, oui,

 18   c'était simplement une invitation à discuter.

 19   Au départ, nous avons une invitation, puis on a un plan de resubordination,

 20   et maintenant on revient au stade de l'invitation. Maintenant qu'on a eu le

 21   temps de digérer tous ces éléments, qu'on est au mémoire de clôture, à ce

 22   moment-là, il change du tout au tout. On ne va plus essayer maintenant de

 23   donner une nouvelle composition, un nouveau sens. Son explication c'est

 24   qu'il se contentait d'exécuter des ordres.

 25   Sa position actuelle, la plus récente, maintenant que les deux premières

 26   sont estimées par lui insoutenables, à savoir que maintenant il dit qu'il

 27   ne faisait que suivre des ordres, c'est contraire à ce que nous, nous

 28   affirmons. Nous pensons qu'il partage l'intention d'établir un pouvoir

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  1   croate dans cette zone revendiquée par le HVO et qu'en donnant cet ordre,

  2   il a contribué à la réalisation de cet objectif.

  3   Parlons maintenant de la question de savoir qui avait la responsabilité du

  4   fonctionnement des forces armées de Petkovic. Est-ce que c'était les civils

  5   et Boban ou est-ce que c'était Petkovic, le chef de l'état-major principal

  6   ?

  7   Vous voyez ici au paragraphe 3 de notre mémoire, c'est la doctrine du

  8   contrôle civil des militaires, et finalement, en dernière instance, la

  9   responsabilité revient aux dirigeants politiques et civils.

 10   Ici, nous avons un certain dénominateur commun avec Petkovic. L'Accusation

 11   est d'accord pour dire que les autorités civiles primaient sur les

 12   militaires. Rappelez-vous ce que Pringle disait au paragraphe 25 dans son

 13   rapport :

 14   "Toute une série de pouvoirs sont accordés au conseil de défense qui est

 15   précédé par un fonctionnaire qui a été nommé. Dans le cas de la HZ HB,

 16   l'article 2 du décret portant forces armées de la HZ HB…" dit notamment que

 17   "le système de défense de la HZ HB sera une forme uniforme d'organisation

 18   des forces armées des entités administratives et juridiques…"

 19   Et il termine en disant que :

 20   "Ceci assied le contrôle politique sur le militaire, comme on pouvait s'y

 21   attendre."

 22   Bon, c'est là que notre dénominateur commun s'arrête, parce qu'après,

 23   chacun suit son chemin. Petkovic affirme que l'état-major n'avait pas de

 24   compétence parce que les questions de défense étaient contrôlées par les

 25   civils, et notamment :

 26   "La compétence de prescrire l'autorité du chef de l'état-major

 27   principal et des moyens qu'il avait pour empêcher des crimes ou pour en

 28   punir les auteurs," et il vous exhorte à croire que ce n'était pas lui qui

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  1   contrôlait ou commandait les forces armées.

  2   Comment le dit-il ? Il dit qu'il avait le commandement et le contrôle des

  3   forces armées dans la mesure où ces pouvoirs lui avaient été délégués par

  4   Boban. Et il poursuit son argumentaire en disant, puisqu'il n'a pas

  5   vraiment reçu de pouvoirs substantiels à propos des forces armées, il n'en

  6   endosse aucunement la responsabilité. Pour être plus précis, Petkovic

  7   affirme que les chefs de brigade ne lui rendaient pas compte et qu'il n'en

  8   avait pas le contrôle effectif. Au paragraphe 65, il dit que :

  9   "En fait, on lui a donné des cartes qu'il ne pouvait pas changer. "

 10   La Défense voudrait, Messieurs les Juges, que vous croyiez que, dans

 11   le fond, c'était comme une marionnette dont les fils étaient tirés par ses

 12   supérieurs, qu'il n'était que le fonctionnaire de Boban. Et il dit que :

 13   "Les compétences juridiques du chef de l'état-major étaient uniquement des

 14   compétences de fonctionnaire, que les pouvoirs qu'il avait n'englobait

 15   aucunement des autorités de commandement et de direction sur les forces

 16   armées de quelque façon que ce soit."

 17   Il voudrait que vous croyiez que quelque part, il était une espèce de

 18   secrétaire de direction extraordinaire pour Boban, qu'il n'avait aucun

 19   pouvoir personnel, qu'il était incapable et impuissant à prendre la moindre

 20   décision, à contrôler qui que ce soit qui soit à des échelons inférieurs au

 21   sien dans la hiérarchie. Mais les éléments de preuve nous l'ont montré,

 22   c'était un officier doté de tous les pouvoirs qui revenaient à sa fonction

 23   d'ancien officier de la JNA, de général de la HVO qui avait la

 24   responsabilité des opérations de combat et qui était à la tête des forces

 25   armées, et ainsi, contribuait de façon importante à l'entreprise criminelle

 26   commune.

 27   Rappelez-vous ce que disait Pringle, c'était Petkovic qui était responsable

 28   de l'exécution des instructions données peut-être par les civils, mais il

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  1   était aussi responsable des opérations.

  2   "C'était l'état-major principal qui avait la responsabilité de l'exécution

  3   des tâches déterminées et des politiques de défense concertées."

  4   Le département de la Défense et l'état-major avaient des rôles séparés,

  5   distincts. Mais l'un était tributaire de l'autre, et les deux ont contribué

  6   à la réussite de l'entreprise criminelle commune. Ce qui est important,

  7   c'est que Petkovic ne saurait être dégagé de ces responsabilités tout

  8   simplement parce que, soi-disant, il obéissait à des ordres. Parce que

  9   c'est, délibérément et de façon importante, par ses propres actes qu'il a

 10   contribué à l'entreprise criminelle commune.

 11   Et l'argument de la Défense se retrouve aux paragraphes 66 à 70. Mais

 12   qu'est-ce qui appuie cette thèse avancée par la Défense ? Elle se fonde au

 13   fond sur uniquement deux documents législatifs du HVO : le décret initial

 14   sur les forces armées et la décision sur les principes fondamentaux de

 15   l'organisation du département de la Défense. Il n'en demeure pas moins que

 16   la Défense se livre, alors qu'il n'y a que deux documents, à un examen

 17   détaillé de ceux-ci pour essayer de vous convaincre que rien n'est utilisé

 18   qui viendrait appuyer la thèse de l'Accusation disant que c'était Petkovic

 19   qui avait la responsabilité des forces armées.

 20   Je me permettrais de dire que même si on suivait cette économie

 21   parcimonieuse que fait la Défense dans l'analyse de ces deux documents, on

 22   peut comprendre que ce n'est là qu'un exercice linguistique et sémantique

 23   parfaitement inutile, parce qu'en fin de compte, il ne soutient pas la

 24   position adoptée par la Défense. Je précise que ces documents sont P 00289

 25   et P 00586.

 26   Pourquoi ne vais-je pas me livrer à leur analyse ici ? Pour la raison

 27   suivante : quoi que disent ces documents des compétences de Petkovic en

 28   tant que chef d'état-major principal, la Chambre doit voir ce qui s'est

Page 52032

  1   passé dans les faits sur le terrain pour avoir une idée réelle de la

  2   situation. Le commandement, il ne découle pas uniquement du statut formel

  3   de jure du supérieur hiérarchique, mais il peut aussi se fonder sur

  4   l'existence de facto des pouvoirs de contrôle. Rappelez-vous à cet effet la

  5   déposition de Petkovic, de ses témoins, et rappelez-vous aussi l'ordre

  6   qu'il a donné à l'égard des forces armées qui montre le pouvoir qu'il avait

  7   sur elles. Voyons d'abord la déposition de M. Petkovic.

  8   M. Scott vous a cité cette partie hier, mais je crois qu'il n'est pas

  9   inutile de répéter cette citation. Voici quelle était la question, et

 10   c'était dans le procès Kordic :

 11   "… est-ce qu'il avait autorité sur ceux qui se trouvaient dans votre

 12   commandement, et en tant que partie de cette autorité, explicitement ou

 13   implicitement, vous aviez l'autorité de prendre des mesures pour exercice

 14   du commandement, n'est-ce pas ? N'est-ce pas ce que vous avez fait, n'est-

 15   ce pas votre point de départ ?"

 16   Réponse :

 17   "Oui, j'avais le pouvoir sur mes commandants."

 18   Ce même échange se poursuit. Là, on prend ce qu'il dit dans le procès

 19   Blaskic :

 20   "… toutes les unités se trouvant sur mon territoire sont sous mon

 21   commandement, et il est certain que j'ai le pouvoir sur elles."

 22   La question :

 23   "Est-ce que vous maintenez ce que vous avez dit alors ?" C'était la

 24   question posée ici en espèce.

 25   Il répond par l'affirmative.

 26   Est-ce à dire s'agissant de la question de savoir si cette autorité

 27   était, disons, soutenue par une chaîne de commandement effective, il dit

 28   ceci :

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  1   "Une chaîne de commandement a été établie. Est-ce qu'elle fonctionne

  2   ou pas, ça, on peut en discuter. Mais elle était fonctionnelle dans la

  3   mesure où il était possible qu'elle soit fonctionnelle à l'époque."

  4   De cette même partie du compte rendu, il poursuit en disant ceci --

  5   je lui ai rappelé ce qu'il avait dit dans le procès Kordic, et il dit :

  6   "… j'ai toujours affirmé que la chaîne de commandement, elle avait

  7   été mise en place et qu'elle était opérationnelle. Et je le maintiens."

  8   La question posée :

  9   "Et vous continuez, n'est-ce pas, à affirmer ce que vous avez dit

 10   sous serment dans le procès Kordic ?"

 11   Réponse de M. Petkovic :

 12   "Oui."

 13   Nous avons mis à l'épreuve ses dires en contre-interrogatoire, mais

 14   sa déposition, est-ce que ça vous décrit la situation d'une structure

 15   hiérarchique avec une force armée ayant à son fret un chef ou est-ce que

 16   c'est le rôle d'un secrétaire de direction ? Moi, je dis non. Je pense que

 17   c'est vraiment le rôle du chef et qu'il était honnête lorsqu'il a répondu à

 18   ces questions posées dans le cadre du contre-interrogatoire. Parce qu'il

 19   n'avait pas le choix, il lui fallait bien le dire quand on lui a rappelé ce

 20   qu'il avait déclaré lorsqu'il avait témoigné dans les procès Blaskic et

 21   Kordic.

 22   Il va même jusqu'à confirmer que le tableau qu'il a établi dans le

 23   procès Blaskic, qui montre que les forces armées étaient manifestement

 24   placées sous son commandement, il convient que ce tableau est exact. Il dit

 25   :

 26   "Oui, Messieurs les Juges, je maintiens que ce plan, que cet

 27   organigramme que j'avais tracé alors est exact."

 28   M. Scott vous a parlé aussi de cet organigramme qui est en porte-à-

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  1   faux complet avec ce qu'affirme la Défense, à savoir que Petkovic n'avait

  2   soi-disant pas le commandement ni le contrôle des forces armées. Prenons le

  3   témoin qu'a cité Petkovic pour voir si c'était -- qui est venu pour parler

  4   de cette question du commandement. On pose une question à Filip Filipovic

  5   quant au rôle de l'état-major principal, et il dit ceci s'agissant de ce

  6   qu'avait déjà déclaré auparavant Petkovic -- on cite cette partie de la

  7   déposition de Petkovic, et Filipovic dit ceci :

  8   "Eh bien, comme j'ai compris les choses, l'état-major contrôle

  9   l'armée."

 10   On pose à Filipovic la question de savoir si Petkovic contrôlait les

 11   forces armées, et ici on parle des zones opérationnelles et de l'efficacité

 12   du contrôle exercé, et il dit :

 13   "Pour ce qui est de la zone opérationnelle de Bosnie centrale et de

 14   M. Blaskic, vous êtes bien d'accord que pendant tout le temps où M. Blaskic

 15   était commandant de cette zone, son supérieur immédiat… c'était bien

 16   Petkovic d'abord," puis Praljak, puis ce fut Petkovic, n'est-ce pas, et

 17   avant c'était Roso ?

 18   Réponse :

 19   " Oui, c'est bien vrai, c'est exact."

 20   Puis, on poursuit. Là où il parle du commandement et de la direction,

 21   voici ce qu'il dit :

 22   "Donc le système était un système normal de contrôle et de

 23   direction."

 24   Regardons maintenant ce qu'a dit Vinko Maric, le commandant de

 25   l'artillerie. Il a déposé à décharge en tant que témoin de Petkovic. Il

 26   décrit le rôle de l'état-major, et voilà ce qu'il dit au sujet de la

 27   direction exercée par l'état-major.

 28   La question est de savoir s'il accepterait la proposition que

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  1   l'ensemble de l'artillerie était directement placé sous le commandement de

  2   l'état-major.

  3   Il répond :

  4   "Toutes les unités de l'armée sont formellement placées sous l'état-

  5   major."

  6   Et lorsqu'on lui pose des questions au sujet de la déposition de

  7   Praljak pour voir s'il est d'accord avec, donc la question est de savoir si

  8   l'artillerie est placée sous l'état-major, voilà ce qu'il dit -- on lui

  9   présente la déposition de Praljak, qui dit :

 10   "Ecoutez, tout est placé sous la filière de commandement de l'état-

 11   major. Donc, formellement, tout est placé sous la filière de commandement

 12   de l'état-major."

 13   La question est de savoir :

 14   "Monsieur, alors, est-ce que vous seriez d'accord avec le général

 15   Praljak ?"

 16   Il répond :

 17   "Oui. Oui, je suis d'accord avec ce qu'a dit le général Praljak."

 18   Maric, c'est de manière générale qu'on l'a interrogé sur la direction

 19   exercée par l'état-major, et voilà ce qu'il a dit :

 20   "L'état-major exerçait la direction. Je ne dirais pas que c'était une

 21   direction forte, simplement une direction comme dans toute autre armée."

 22   Est-ce que vous avez la sensation que le chef de l'état-major n'était

 23   qu'un assistant de Boban qui n'avait aucune espèce de pouvoir qui lui

 24   serait propre ? Ma réponse est non. Mais nous devions également voir la

 25   chose suivante : supposons que Boban ait dirigé les forces de l'armée,

 26   qu'il les ait dirigées pour qu'elles mettent en œuvre l'ECC. Alors,

 27   Petkovic, en tant qu'assistant de Boban, en tant que son conseiller, a

 28   partagé ses intentions, et comme l'a informé M. Scott, Petkovic ne peut pas

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  1   se décharger de cette responsabilité.

  2   Alors, quels sont les ordres qui ont été émis par l'accusé ? Ces ordres

  3   montrent qu'il a bien exercé cette direction. Prenons d'abord la pièce P

  4   01293. Nous avons ici un ordre où il se trouve à Genève avec Boban, et il

  5   essaie de négocier un traité de paix. La Chambre doit poser la question

  6   suivante : le HVO aurait-il envoyé un simple membre de l'état-major à titre

  7   de conseiller pour négocier un traité ? Non. La réponse est négative. Il

  8   contrôle et dirige l'armée de manière effective au point qu'il peut

  9   négocier un cessez-le-feu.

 10   Je ne rentrerai pas dans le détail puisque dans notre mémoire en clôture,

 11   on trouve toute une palette d'exemples à l'appui. Mais prenons la question

 12   suivante : si Petkovic n'était vraiment qu'un membre de l'état-major, un

 13   simple secrétaire de Boban, un assistant, un conseiller, est-ce que vous

 14   pensez que Mladic l'aurait rencontré ? Est-ce que vous ne pensez pas que

 15   Mladic aurait exigé de rencontrer un homologue et non pas un assistant pur

 16   et simple de Boban ?

 17   L'image suivante nous montre une réunion entre Mladic, Prlic, Stojic,

 18   Praljak et Petkovic. Je vous soumets que Petkovic n'est pas venu à cette

 19   réunion simplement en tant que procès-verbaliste. Mladic rencontre ceux qui

 20   se situent au même niveau que lui et qui sont ses homologues au sein du

 21   HVO. Voilà ce que Praljak en dit :

 22   "Il en va de notre intérêt que les Musulmans obtiennent leur propre canton

 23   pour qu'ils aient quelque part où aller… Il nous faut mettre fin à tout

 24   ravitaillement qui leur est destiné, y compris la nourriture."

 25   Donc ce sont les types de réunions auxquelles a assisté Petkovic, et ce

 26   n'est pas la dernière réunion où il rencontre son homologue serbe. Nous

 27   avons le 8 juillet 1993, où ils se parlent de l'artillerie et des

 28   munitions, de leurs échanges entre le HVO et les Serbes, d'une coopération

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  1   qui montre que Petkovic est tout à fait au courant de ce qui s'y passe et

  2   qu'il le dirige. Et Petkovic dit :

  3   "Je voudrais tout d'abord la défense de Fojnica, Kresevo, Kiseljak, et

  4   opérer une jonction avec Busovaca. Avancez vos canons un petit peu et

  5   permettez à mes gars de Travnik de mourir. Ils n'ont pas combattu, ça,

  6   c'est sûr…"

  7   Petkovic était tellement confortablement assisté dans sa position à la tête

  8   des forces armées qu'il choisissait qui devait mourir et qui devait vivre.

  9   Qu'est-ce que cela nous dit de ses attributions ou de son pouvoir ? Est-ce

 10   que la personne qui s'exprime là n'est qu'un simple assistant, un

 11   secrétaire de Boban, ou bien est-ce que ces propos sont prononcés par

 12   quelqu'un qui est habitué à diriger les forces armées, qui est habitué à ce

 13   qu'on exécute ses ordres et qui est habitué à faire en sorte d'articuler

 14   les tâches militaires du HVO, à savoir la défense de la souveraineté, de

 15   l'indépendance et de l'intégrité territoriale de la HZ HB ?

 16   A présent, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais parler

 17   de l'ordre d'arrestation du 30 juin 1993. Vous l'avez sous les yeux. Vous

 18   le connaissez parfaitement. Petkovic ne nie pas l'avoir émis. Sa position,

 19   de la manière dont nous la comprenons, est que Boban le relève de toute

 20   responsabilité pour ce qui est advenu des Musulmans à partir de leur

 21   arrestation, et nous voyons sa déposition pendant l'interrogatoire

 22   principal. Vous l'avez ici :

 23   "Cela ne faisait pas partie de ma responsabilité. Je ne m'ingérais

 24   pas dans les affaires des autres."

 25   Il dit également que les bâtiments du HVO étaient suffisants pour ce nombre

 26   de personnes et qu'il appartenait à l'armée de les désarmer de la manière

 27   la plus sûre. Donc il fallait que quelqu'un d'autre s'en occupe.

 28   Donc sa position est la suivante. Paragraphe 211 : 

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  1   "Le rôle de Petkovic s'arrête à la porte des centres de détention ou avant,

  2   au moment où les détenus sont remis à d'autres."

  3   Et sa position est tout à fait claire. Et aussi, il dit que le droit est de

  4   son côté. Paragraphe 213 : 

  5   "Au sens du droit international coutumier, à partir du moment où les

  6   personnes sont transférées de l'officier commandant à quelqu'un d'autre, sa

  7   responsabilité est de s'occuper du sort des personnes arrêtées, à partir du

  8   moment où les personnes ont été remises."

  9   Nous estimons que c'est une position tout à fait ambiguë, et nous en

 10   parlons dans notre mémoire, et nous ne sommes pas d'accord avec cette

 11   position. Nous estimons qu'il avait l'obligation juridique de faire en

 12   sorte que les prisonniers étaient correctement traités.

 13   Cependant, je voudrais souligner un autre point de vue au sujet de la

 14   position de Petkovic, à savoir il rejette toute responsabilité pour le sort

 15   des personnes arrêtées, mais cela est tout à fait contraire même à la loi

 16   régissant la JNA et le HVO, qu'il connaissait à l'époque, disant qu'en juin

 17   1993, Petkovic savait parfaitement que ce qu'il faisait était illégal, mais

 18   il l'a fait néanmoins parce qu'il voulait réaliser l'ECC.

 19   Prenons d'abord Milan Gorjanc. Que nous a-t-il dit ? C'est son témoin

 20   expert. Donc, que nous dit-il au paragraphe 40 :

 21   "Afin de mieux comprendre les événements de la guerre en ex-

 22   Yougoslavie, et en particulier en Bosnie-Herzégovine, il est nécessaire de

 23   connaître les lois et les règlements qui étaient en vigueur," et cetera.

 24   Et puis, nous avons également le témoignage de Gorjanc. La question

 25   qui est posée est la suivante :

 26   "Dans votre rapport, vous faites plusieurs remarques au sujet de la mise en

 27   œuvre par l'ABiH de la doctrine de la RSFY, qu'il s'agisse de la Défense

 28   populaire généralisée ou du reste de la doctrine, donc est-ce que, d'après

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  1   vous, il est clair que le HVO a adopté la doctrine de la RSFY ?"

  2   Réponse :

  3   "Oui, largement."

  4   Et puis, dans la suite, la question est de savoir s'il est d'accord

  5   que le HVO a adopté la doctrine pour ce qui est de se conformer au droit

  6   international.

  7   Et il dit :

  8   "Oui."

  9   Donc nous avons ensuite l'expert Pringle, l'expert du bureau du Procureur,

 10   qui lui aussi parle de la doctrine de la Yougoslavie et du droit

 11   international. Et que dit-il ? Il dit que la JNA adopte l'obligation

 12   Mrksic, et nous l'avons au paragraphe 77. Que dit-il ? Que tout cela se

 13   retrouve dans la doctrine de la JNA, que :

 14   "Les prisonniers de guerre étaient séparés des civils de la communauté non

 15   combattante et que ces procédures étaient, de manière détaillée, prévues

 16   dans la doctrine de la JNA. Si les prisonniers de guerre étaient remis à

 17   une autre instance, c'était de la responsabilité de ceux qui les

 18   remettaient de faire en sorte que l'instance qui les recevait se

 19   conformait," et cetera.

 20   Et plus loin, il dit dans cette dernière phrase :

 21   "En dernière instance, l'officier se comportait correctement s'il refusait

 22   un ordre qu'il savait être illégal par rapport au traitement des

 23   prisonniers."

 24   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, puisque le HVO emprunte la

 25   doctrine yougoslave, et Petkovic est un ex-officier de la JNA, donc il

 26   connaît les dispositions que doit respecter la JNA, puisque ce sont les

 27   mêmes que pour Mrksic. Conformément à cette loi et à ces règlements, c'est

 28   la personne qui s'occupe des prisonniers et qui les remet à une autre

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  1   instance qui est responsable de s'assurer qu'ils sont correctement traités.

  2   Donc Petkovic viole très clairement cette obligation.

  3   Lorsqu'il répond à la Chambre de première instance que c'est quelqu'un

  4   d'autre qui devait s'en occuper, que la responsabilité incombait à

  5   quelqu'un d'autre, cela ne permet pas de le décharger de sa responsabilité.

  6   Comme je l'ai déjà dit, j'ai cité la dernière phrase de Pringle où il est

  7   clair quelle était l'obligation de Petkovic, et Petkovic la connaissait.

  8   Prenons le paragraphe 4, par exemple :

  9   "Pour un soldat professionnel tel que Petkovic, il n'y a qu'une seule

 10   raison justifiée qui lui imposerait de ne pas exécuter un ordre, à savoir

 11   lorsque cette exécution d'un ordre reviendrait à commettre un crime."

 12   Mais Petkovic n'a pas refusé d'exécuter l'ordre. Alors, comment la

 13   Chambre devrait-elle interpréter cela ? Je soumets qu'il savait que cet

 14   ordre était illégal. Il savait cela grâce au fait qu'il était un officier

 15   de la JNA, et il connaissait le droit international, et n'empêche qu'il a

 16   donné l'ordre d'arrêter des milliers de personnes en sachant qu'on ne

 17   pouvait pas les prendre en charge correctement. Mois de deux mois avant cet

 18   ordre, donc deux mois avant, le HVO a arrêté de nombreuses personnes sur

 19   une moindre échelle, et ils savaient qu'ils ne pouvaient pas les prendre en

 20   charge et ne pouvaient pas gérer la détention d'autant de personnes.

 21   Je vous soumets que l'interprétation la plus raisonnable de cela est

 22   que Petkovic voulait la mise en œuvre de l'entreprise criminelle commune.

 23   Il était convaincu que le pouvoir croate devait s'imposer dans ces zones,

 24   et c'était un moyen de l'obtenir. Donc c'était sa contribution à

 25   l'entreprise criminelle commune d'arrêter des Musulmans, de les expulser de

 26   leurs maisons et de les lancer sur un chemin de non-retour.

 27   Il est intéressant de voir comment la Défense interprète la question de la

 28   responsabilité pour la détention. Paragraphe 212 :

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  1   "En droit, un prisonnier de guerre est le prisonnier du gouvernement

  2   et non pas des individus de l'armée qui l'ont capturé. Et en ce sens, un

  3   prisonnier de guerre ne se trouve pas à la disposition d'un individu ou

  4   d'une instance militaire."

  5   Mais il n'y a rien dans ce qui précède qui nous montre que le

  6   gouvernement seul est responsable et personne d'autre. Aucune référence

  7   n'est citée. Toutefois, j'en ai trouvé une, et c'est le même document de la

  8   JNA dont nous avons déjà parlé, et Pringle l'a beaucoup commenté, un

  9   document que connaîtrait normalement un officier de la JNA tel que

 10   Petkovic. Il s'agit du règlement sur l'application du droit international

 11   de la guerre. Il s'agit de la pièce P 0007, paragraphe 207 :

 12   "La responsabilité de l'Etat pour le traitement des prisonniers de

 13   guerre par ses ressortissants. Les prisonniers de guerre sont placés sous

 14   l'autorité de la puissance détentrice, et non pas les individus à titre

 15   individuel ou des unités militaires qui les ont capturés. Cette

 16   responsabilité n'exclut pas la responsabilité personnelle des individus."

 17   Très brièvement, je parlerai à présent de la Défense populaire généralisée.

 18   La Chambre connaît cette idée. Aux paragraphes 264 à 281, et nous le

 19   trouverons dans le mémoire de la Défense au paragraphe 271, il est question

 20   de :

 21   "… des hommes en âge de combattre qui doivent être considérés comme

 22   étant des membres des forces armées."

 23   M. Gorjanc a déposé pendant cinq jours à ce sujet :

 24   "Question : Monsieur Gorjanc, quel était le statut de ces hommes ? Est-ce

 25   qu'ils étaient tous, finalement, des combattants ?

 26   "Réponse : Oui, vous avez plus ou moins raison."

 27   Dans la suite, lorsque nous lui demandons :

 28   "Donc, lorsque le HVO a arrêté ou détenu ou placé dans l'isolement

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  1   des gens, qu'il s'agisse de soldats ou disons d'une femme d'une vingtaine

  2   d'années, est-ce que vous estimez que ces arrestations étaient justifiées

  3   au titre de la Défense populaire généralisée ?"

  4   Il répond :

  5   "… Oui, cela, normalement, était justifié."

  6   L'Accusation, en revanche, affirme que cette idée que tous les individus

  7   étaient des combattants est complètement absurde. Si cela était vrai, la

  8   JNA n'aurait jamais édicté de lois portant sur le traitement des civils,

  9   parce qu'il n'y aurait pas eu de civils. Si cela était vrai, alors cela se

 10   serait appliqué à l'ensemble des parties, et Petkovic aurait considéré que

 11   dans leur ensemble, tous les Croates de Bosnie étaient des combattants

 12   également. Et ensuite, si cela était vrai, Petkovic n'aurait jamais dit

 13   cela pendant les questions supplémentaires :

 14   "Question : Général, si un membre du HVO, par exemple, qui est en

 15   permission, s'il viole une femme musulmane, est-ce que cela constitue un

 16   crime lié au combat ?

 17   "Réponse : Non, cela n'est pas un crime lié au combat, parce que pendant

 18   cette période, pendant ce moment-là, il est civil jusqu'à ce qu'il soit

 19   rappelé à rejoindre les rangs de l'armée."

 20   Petkovic ne peut pas affirmer que certains Croates de Bosnie étaient

 21   des civils tandis que les Musulmans ne l'étaient pas. Si la Défense

 22   populaire généralisée était une défense qui mérite l'attention de cette

 23   Chambre, Petkovic n'aurait pas dit cela dans cet entretien avec lui

 24   enregistré le 14 juin 1993. Dans cet entretien, la question qui lui est

 25   posée est la suivante :

 26   "En tant que membres du conseil de défense qui se sont rendus aux

 27   combattants serbes au mont Vlasic il y a cinq jours, en fuyant de Travnik

 28   devant les Moudjahidines…"

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  1   Petkovic a dit :

  2   "Eh bien, vous-même, vous avez dit que vous les avez acceptés. Vous les

  3   avez aidés après leur détention. Un autre traitement aurait été conforme

  4   avec ce que vous avez dit."

  5   Et puis, il a dit :

  6   "Mais à mes yeux, c'était des civils. Ils sont en uniforme. J'espère

  7   qu'ils seront traités comme des civils et qu'ils nous seront ramenés."

  8   Je pense que nous avons passé assez de temps sur ce sujet. La Chambre

  9   de première instance est parfaitement prête maintenant à traiter de la

 10   crédibilité de cette stratégie de Défense.

 11   Passons maintenant aux travaux forcés. La position de la Défense en ce qui

 12   concerne les travaux forcés repose sur deux volets. Tout d'abord, le fait

 13   qu'en ce qui concerne les ordres de Petkovic de juin et d'août 1993

 14   concernant les travaux forcés, il n'aurait pas considéré qu'ils étaient

 15   illégaux parce qu'il pensait que le camp n'enverrait que la bonne catégorie

 16   de personnes pour exécuter son ordre, donc les soldats détenus du HVO qui,

 17   selon lui, pouvaient être utilisés pour les travaux dangereux. Et ensuite,

 18   deuxièmement, et ça se trouve dans le mémoire, c'est qu'en ce qui concerne

 19   surtout l'ordre d'août sur les travaux forcés, cet ordre n'a pas exécuté

 20   et, donc, ne peut pas servir comme qualification d'un crime.

 21   Et vous trouverez ça, d'ailleurs, aux paragraphes 372 et 373 du

 22   mémoire de la Défense. Je tiens à dire quelque chose : l'Accusation n'est

 23   absolument pas d'accord pour dire qu'il aurait été normal d'utiliser des

 24   soldats musulmans du HVO pour des travaux forcés, mais laissons ça de côté.

 25   Si Petkovic pensait vraiment qu'il y avait une classification ou des

 26   catégories dans le camp et que les gardes allaient vraiment enlever

 27   uniquement les soldats du HVO, donc la catégorie qui, selon Petkovic,

 28   pouvait travailler dans les zones dangereuse, dans ce cas, était très

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  1   simple. Cet ordre aurait dû être libellé de la sorte : "Envoyer les soldats

  2   détenus du HVO au travaux." Mais voici ce qui est écrit, en fait, et c'est

  3   très différent. Son premier ordre, qui date de juillet, pièce 3474. Il

  4   demande que l'on envoie "les prisonniers et les détenus".

  5   Donc, s'il considérait vraiment qu'il n'y avait qu'une seule

  6   catégorie de personnes qui pouvait être envoyée à ce type de travaux,

  7   pourquoi a-t-il demandé qu'on en envoie deux catégories ? En ce qui

  8   concerne l'ordre qu'il leur a donné en août, il est exactement le même.

  9   Vous l'avez maintenant à l'écran. Il a demandé non seulement qu'il y ait

 10   "des prisonniers --"

 11   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Je suis désolé de vous interrompre.

 12   Je pense que lundi, nous étions d'accord pour dire que lorsque vous parliez

 13   des documents, vous nous donniez leur numéro, s'il vous plaît, leur cote,

 14   et jusqu'à présent, vous ne l'avez pas vraiment fait. Je crois que depuis

 15   l'interview du général Petkovic, là vous avez donné la cote, mais sinon,

 16   vous n'avez pas donné de cotes. Donc, s'il vous plaît, rappelez-nous les

 17   cotes.

 18   Mme WEST : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge, en effet.

 19   Sachez qu'à partir de maintenant, je me réfèrerai toujours à la cote. Donc

 20   il s'agit de la pièce P 04020. Et là, à nouveau, il demande deux catégories

 21   de personnes. Donc, s'il pensait vraiment qu'il n'y avait qu'une seule

 22   catégorie de personnes qui légalement pouvait être envoyés au travail,

 23   pourquoi dans son ordre on en cite deux ?

 24   Autre argument que l'on trouve dans le mémoire de la Défense, c'est

 25   que cet ordre n'a pas été exécuté, et étant donné qu'il n'a pas été

 26   exécuté, il ne peut pas être légal. Vous trouvez ça au paragraphe 505 de

 27   leur mémoire.

 28   Et j'aimerais m'attarder là-dessus parce que la Défense se trompe

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  1   tout simplement ici.

  2   La pièce P 04020, je la répète, et vous la voyez à l'écran, et vous

  3   avez le numéro de référence qui est surligné, le numéro qui se termine par

  4   1748/93. C'est cet ordre pour les travaux forcés. Passons maintenant à la

  5   diapo suivante, la pièce P 04030, du même jour exactement. C'est juste

  6   l'étape suivante. On commence à exécuter l'ordre donné par Petkovic. Donc

  7   on le sait tout simplement parce que dans le libellé de l'ordre, il est

  8   écrit "suite à l'ordre" et on retrouve exactement la même référence qu'on a

  9   vue sur le document précédent. Mais dans cet ordre qui émane donc de

 10   Dierek, ce numéro aussi a son propre numéro de référence, son numéro

 11   d'ordre, c'est le 788/93. Mais quand on regarde la version en B/C/S, ce

 12   n'est pas le 788/93, mais le 288/93, donc il y a une coquille entre la

 13   version en B/C/S et la version en anglais.

 14   Mais l'importance ici c'est que si on passe maintenant à la pièce

 15   P4068, il est écrit : "En application de votre demande" numéro 288/93,

 16   "nous soumettons le rapport suivant" :

 17   "Le 10 août 1993, nous avons pris 100 prisonniers de la prison

 18   militaire d'Otok. Nous les avons hébergés dans l'école primaire de Satina

 19   [phon]."

 20   Et donc, c'est en date du jour suivant. Donc la brigade a demandé des

 21   prisonniers, les a obtenus et les a obtenus au moins pour une journée. Nous

 22   considérons qu'il s'agit de l'exécution d'un ordre de Petkovic. Il a été

 23   exécuté, cet ordre, contrairement à ce que déclare la Défense au paragraphe

 24   65. Cela dit, je tiens à dire que l'Accusation ne considère pas que pour

 25   prouver au-delà de tout doute raisonnable que Petkovic aurait, de façon

 26   délibérée, ordonné des travaux forcés, qu'il faille que l'Accusation prouve

 27   que chaque ordre a été exécuté. Après tout, la Chambre de première

 28   instance, sur la base de tous les éléments de preuve, peut en arriver à ses

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  1   propres conclusions pour savoir si, quand le général Petkovic a donné un

  2   ordre, cet ordre a été exécuté, et surtout quel était son intention en ce

  3   qui concernait cet ordre. Mais comme nous savons bien, surtout en ce qui

  4   concerne cet ordre, donc le P 4020 [comme interprété], cet ordre de travaux

  5   forcés pour deux catégories de personnes, nous savons très bien que cet

  6   ordre-là, lui, a été exécuté.

  7   Maintenant, j'ai parlé du mémoire de la Défense Petkovic, mais maintenant,

  8   je vais parler de Mostar -- des propos de la Défense Petkovic à propos de

  9   Mostar, et aussi des propos d'autres accusés à propos de Mostar. Tout

 10   d'abord, j'aimerais commencer par la question suivante, à savoir qui a

 11   commencé la guerre le 9 mai, et ceci se trouve au paragraphe 130 du mémoire

 12   de la Défense Praljak, où il est écrit que :

 13   "Les éléments de preuve montrent bien que c'est l'ABiH qui a commencé

 14   les hostilités là-bas…"

 15   Ensuite, au paragraphe 133 :

 16   "Le 30 juin 1993 a été le moment décisif de la relation entre Croates

 17   et Musulmans… La guerre ouverte a commencé ce jour-là."

 18   Ensuite, mémoire Praljak, paragraphe 353 [comme interprété] :

 19   "La thèse de la Défense, contrairement à la thèse de l'Accusation,

 20   est que c'est l'ABiH qui a attaqué le HVO à Mostar le 9 mai 1993."

 21   J'aimerais maintenant que l'on regarde à nouveau le déroulement des

 22   événements dans les jours qui ont précédé le 9 mai. A cette époque-là, les

 23   Musulmans n'avaient toujours pas accepté l'interprétation croate du plan

 24   Vance-Owen et près de 15 000 réfugiés musulmans étaient dans Mostar. Et

 25   malheureusement pour les Croates, cela faisait pencher la balance

 26   démocratique en faveur des Musulmans. Et je pense, Messieurs les Juges, que

 27   le HVO en avait bien assez d'attendre, et donc, dès avril, ils avaient

 28   rendu une décision sur le statut des réfugiés. Vous l'avez à l'écran

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  1   maintenant. Dans cette décision, l'assistance humanitaire ne serait donnée

  2   qu'aux personnes déplacées qui soient soit âgées, soit qui aient moins de

  3   18 ans, et qui surtout "n'habitaient pas dans les appartements abandonnés."

  4   Vous vous souvenez très certainement des témoignages des

  5   organisations internationales à propos de ce que cela voulait dire dans les

  6   faits. Ça voulait dire, en fait, que ces 10 000 personnes, suite à cette

  7   décision, allaient être mises à la rue. Et nous savons aussi par d'autres

  8   témoins que cette décision allait être mise en œuvre le 9 mai à minuit, et

  9   ce n'est pas par hasard.

 10   Et je vous parle ici de la pièce P 9840.

 11   Mais il y a aussi d'autres témoignage de personnes qui étaient là à

 12   l'époque et qui nous donnent des détails qui expliquent bien que le HVO, à

 13   cette époque-là, était prêt à faire quelque chose. Il y a Vinko Maric, tout

 14   d'abord. On a déjà entendu parler de lu, c'est le chef de l'artillerie.

 15   Lors du contre-interrogatoire, on lui a présenté un document en date du 3

 16   mai émanant de Petkovic et Marko Stojcic, qui était le commandant de

 17   l'artillerie du HVO. Il est écrit :

 18   "Envoyez-moi de façon urgente le nombre d'armes et le nombre de

 19   munitions dont vous disposez dans vos zones de responsabilité !"

 20   Maric, en répondant à une question à propos de ce document -- voici

 21   la question :

 22   "Monsieur Maric, pourquoi aviez-vous besoin de ces informations,

 23   pourquoi était-ce si urgent ?"

 24   Et il répond :

 25   "Ecoutez, à l'époque, comme à tout autre moment, quand le

 26   commandement supérieur demande ce genre de choses, lorsqu'un organe

 27   professionnel supérieur demande quelque chose, cette information était

 28   toujours envoyée sous cette forme. Parfois c'était urgent, parfois moins

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  1   urgent."

  2   Donc je pense que les Juges doivent vraiment se poser une question :

  3   combien d'ordres en l'espèce a-t-on vu avec un urgent marqué et avec un

  4   point d'exclamation ? Il n'y en a pas beaucoup, vous verrez bien, donc cela

  5   montre bien que ce qu'a dit Maric à ce propos n'est pas très crédible.

  6   Les observateurs internationaux étaient sur place à ce moment-là et ils

  7   nous ont parlé de ces jours qui ont précédé le 9 mai. Grant Finlayson et le

  8   Témoin BB ont déclaré qu'ils n'ont pas pu passer au point de contrôle du

  9   HVO, ils n'ont pas pu rentrer dans Mostar le matin du 9 mai. Ils ont été

 10   arrêtés au point de contrôle. Finlayson a réussi à avoir une bonne vue de

 11   Mostar depuis une colline au nord de la ville, mais il a découvert aussi un

 12   grand nombre de chars du HVO et des pièces d'artillerie aussi du HVO

 13   installés de façon parfaitement stratégique sur les collines autour de

 14   Mostar, et pièces d'armes lourdes qui tiraient sur les zones où les forces

 15   de l'ABiH s'étaient rassemblées. Vous voyez ici, d'ailleurs il s'agit de la

 16   pièce IC 537, sur cette carte, il a montré l'emplacement des chars.

 17   De plus, des civils venant de Mostar ont aussi déclaré qu'à 9 heures

 18   du matin, Radio Mostar a lu une déclaration du président du HVO, Jadran

 19   Topic, une annonce selon laquelle le HVO avait entrepris une action de

 20   grande envergure dans le but de maintenir l'ordre à Mostar et demandant aux

 21   Musulmans de mettre des drapeaux blancs à leurs fenêtres pour montrer

 22   qu'ils se rendaient.

 23   Et à l'écran, vous avez aussi le témoignage de Rajkov. Voici ce qu'il dit :

 24   "On a allumé la radio. Il y avait une espèce de proclamation qui

 25   disait qu'il y avait une opération en cours, une opération du HVO et des

 26   forces de police. Je paraphrase, évidemment, et ils disaient que les

 27   membres de l'ABiH devaient se rendre, devaient rendre leurs armes et

 28   devaient hisser le drapeau blanc de la reddition."

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  1   M. KHAN : [interprétation] Je suis désolé, mais puis-je interrompre

  2   maintenant ? Il serait peut-être bon lever la séance avec  quelques minutes

  3   d'avance. Nous avons été extrêmement patients au cours des trois jours,

  4   mais à chaque matin, nous avons des problèmes avec "Livenote" et ça

  5   continue. En fait, depuis dix minutes, je n'ai pas pu suivre "Livenote", et

  6   je ne peux pas lire ce qui est à l'écran et ce qui est écrit au compte

  7   rendu.

  8   Je sais, bien sûr, que les personnes qui s'en occupent font de leur

  9   mieux, mais ça ne suffit pas, malheureusement, j'en suis désolé. En effet,

 10   c'est essentiel en ce moment. Il nous faut absolument, au cours des deux

 11   semaines à venir, pouvoir suivre les débats. Donc j'aimerais vraiment que

 12   ce problème soit résolu.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause de 20 minutes et le technicien

 14   doit être efficace, parce que, effectivement, depuis trois jours, je le

 15   vois aller et venir, et apparemment, il n'y a toujours pas de solution.

 16   Alors, donc, qu'il revienne et qu'il répare cela très vite. Donc 20

 17   minutes.

 18   --- L'audience est suspendue à 17 heures 26.

 19   --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. La Chambre s'est

 21   renseignée pour savoir à quoi était dû ce problème technique. On nous a

 22   expliqué que c'était un problème de nature générale et que d'autres

 23   Chambres, notamment la Chambre Tolimir, qui siégeait ce matin, a eu le même

 24   problème. Alors, la solution est la suivante : ou on continue malgré cela,

 25   ou la Défense préfère qu'on continue demain.

 26   Maître Khan, c'est vous qui avez soulevé le problème.

 27   M. KHAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous suis gré

 28   de me donner la parole. Nous n'essayons pas de perdre de temps. Je vois

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  1   qu'il reste encore une heure d'audience aujourd'hui. Je suis parfaitement

  2   prêt à laisser la parole à l'Accusation, mais ce problème n'est pas propre

  3   à ce prétoire, me semble-t-il, mais il faut quand même trouver la source du

  4   problème, la cause. Si je comprends bien, et il se peut que je me trompe,

  5   mais depuis notre dernière audience, les choses ont changé. On a changé

  6   l'organisation informatique, peut-être pas seulement dans ce prétoire, mais

  7   dans tout le Tribunal, et j'ai l'impression que ce n'est pas un changement

  8   fort utile qui pérennise la situation, parce qu'il faut chaque fois

  9   relancer le système, ce qui entraîne des retards. Est-ce que le greffier ne

 10   pourrait pas parler au chef du service ITSS, et si ce problème perdure -

 11   voilà quand même trois jours qu'il dure - est-ce qu'il ne serait pas plus

 12   simple de reprendre une méthode déjà éprouvée qui nous a fort bien servis

 13   pendant quatre ans ? Pourquoi ne pas reprendre ce qu'on avait avant ? Mais

 14   j'ai l'impression, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que cette

 15   instabilité soit la résultante d'une modification qui est intervenue depuis

 16   notre dernière audience.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Les Juges s'associent à vos remarques. Je

 18   pense qu'on est tous d'accord. J'espère que le greffier a pris note de ce

 19   que vous avez dit, parce que comme il surveille toutes les audiences, ils

 20   savent ce qui se passe. Donc, là, on me dit que maintenant, ça marche.

 21   Jusqu'à quand ? On verra bien. Enfin, en tout cas, pour les Juges, ça

 22   marche bien. Alors, comme notre temps est précieux, on va redonner la

 23   parole à Mme West.

 24   Mme WEST : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Lorsque nous avons fait la pause, nous parlions des événements qui

 26   ont eu lieu dans les jours précédant le 9 mai, et j'aimerais maintenant

 27   vous montrer un ordre en date du 7 mai. Vous l'avez à l'écran. Il s'agit de

 28   la pièce 2215, pièce intitulée : "Ordre préparatoire pour l'exécution des

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  1   opérations de combat." C'est un document qui vient de la zone

  2   opérationnelle sud-est, et au point 1, il est écrit :

  3   "2. Déterminer le nombre de masques de protection qui existent dans

  4   les unités et dans les dépôts et les rassembler au poste de commandement."

  5   Ensuite :

  6   "Briefer tous les commandants d'unité à propos de la tactique sur les

  7   combats en terrain inhabité."

  8   Ensuite :

  9   "Le 3e Bataillon, en coopération avec la police, doit renforcer les

 10   points de contrôle… et ne pas permettre aux Musulmans de passer."

 11   Ensuite, il est écrit :

 12   "Préparer le corps médical et préparer aussi deux dispensaires

 13   mobiles. Mobiliser toutes les automobiles du peloton chargé de la

 14   circulation," et cetera.

 15   Et enfin, quatre haut-parleurs avec micro. Ce qui très est

 16   intéressant, n'est-ce pas, c'est que Vinko Maric, on lui a montré ce

 17   document lors du contre-interrogatoire, et le Président de la Chambre lui a

 18   posé des questions à propos du mégaphone, à savoir s'il était vraiment

 19   nécessaire d'avoir des mégaphones à moins qu'on ne prépare une opération

 20   offensive, et la réponse de Maric est très intéressante. Son unité n'avait

 21   pas de mégaphone et n'en avait pas besoin. Mais les communications étaient

 22   parfois impossibles. C'est peut-être une des raisons.

 23   "Je ne vois pas d'autre explication," nous a-t-il dit.

 24   Donc je considère que ce que Maric a répondu à la Chambre de première

 25   instance n'a servi à rien, en fait, mais n'a fait que souligner le fait que

 26   le HVO se préparait tout simplement à une attaque, à une offensive.

 27   Lorsque l'on rassemble toutes les informations, on comprend bien que le HVO

 28   avait visiblement quelque chose en vue pour le 9 mai à Mostar, et ce qui

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  1   aurait été encore mieux forcément, c'est que l'ABiH, elle, soit mal

  2   préparée au combat. Et pour s'assurer que cette armée soit mal préparée au

  3   combat, il serait bon de s'assurer que le commandant de Mostar ne soit pas

  4   en ville à l'époque, parce qu'en l'absence du commandant, l'ABiH essayerait

  5   de se débrouiller pour s'organiser. Donc, si le HVO s'emparait d'abord du

  6   bâtiment de Vranica, où se trouvait le commandement de l'ABiH, l'ABiH,

  7   ensuite, serait impuissante.

  8   Et donc, ce serait le plan idéal pour prendre Mostar et pour en

  9   chasser les Musulmans, et c'est exactement ainsi qu'a procédé le HVO.

 10   Vous allez voir maintenant plusieurs rapports qui nous viennent

 11   d'organisations internationales. Tout d'abord, un rapport du 8 mai, 18

 12   heures 50. Pasalic est détenu, la police militaire du HVO au point de

 13   contrôle, devient agressif, et il a été détenu au point de contrôle à

 14   Vrapcici. Point suivant, le 9 mai au matin, ils ont parlé avec Bozic, et

 15   après les consultations fastidieuses avec Bozic, le convoi a réussi à

 16   passer avec Pasalic, bien sûr. Il a réussi à passer, mais n'a pas été

 17   autorisé à rentrer dans Mostar. Il a été envoyé directement à Dracevo.

 18   Document suivant, le document 2235. Pasalic est enfin escorté après

 19   avoir attendu sept heures au point de contrôle. Ils passent la nuit à

 20   Dracevo et restent sur place.

 21   Document suivant, le 9 mai 18 heures 30 jusqu'au 10 mai 18 heures 30.

 22   Pasalic est à Dracevo et les points de contrôle du HVO qui entourent

 23   Dracevo l'empêchent de quitter Dracevo. Le commandant de Capljina est venu

 24   pour l'arrêter, mais l'organisation a refusé de le donner.

 25   Et dans le même document, il est écrit :

 26   "La situation reste tendue et le Bataillon espagnol a contacté

 27   Petkovic afin de résoudre le problème créé par la présence de Pasalic au

 28   sein de notre détachement."

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  1   Donc on voit qu'au moins pendant ces 24 heures, du 9 au 10 mai, Petkovic a

  2   été contacté à ce propos. Et vous verrez ensuite qu'il n'a rien fait. Il

  3   n'a absolument rien fait puisque Pasalic est resté là pendant encore 24

  4   heures. Jour suivant, Pasalic est au détachement espagnol. Le HVO a établi

  5   des points de contrôle autour de cet endroit afin de l'empêcher de partir.

  6   Ce sont quand même des éléments de preuve qui sont inattaquables. Il

  7   s'agit de rapports d'internationaux qui n'auraient pas pu comprendre, à

  8   l'époque, que le problème de savoir où se trouvait Pasalic serait vraiment

  9   si intéressant pour un tribunal jugeant de crimes de guerre 18 ans plus

 10   tard. Ces représentants des organisations internationales n'ont fait que

 11   dire la vérité. Et si la Chambre de première instance n'est toujours pas

 12   certaine de la responsabilité du HVO en l'espèce dans l'arrestation de

 13   Pasalic, dans ce cas-là, il suffit peut-être de se pencher sur les mots

 14   prononcés par Petkovic trois semaines avant l'attaque du HVO. Document

 15   suivant, P 02019, 21 août 1993, réunion et négociations entre Halilovic. Et

 16   c'est un document qui est noté par Blaskic. Et voici ce qu'aurait dit

 17   Petkovic :

 18   "Je ne veux pas perdre de temps avec vous. Souvenez-vous, je vais à Mostar

 19   maintenant, et si vous continuez à attaquer le HVO, moi, je vais capturer

 20   Pasalic et je vais bloquer votre 4e Corps, et vous savez bien que je peux

 21   le faire facilement."

 22   Et Petkovic a, en effet, tenu sa promesse. Pasalic a bel et bien été

 23   capturé dans la nuit du 8 main et le 4e Corps a été immobilisé au matin du

 24   9 mai, ce qui a rendu l'attaque du HVO ce même matin particulièrement bien

 25   planifiée.

 26   Nous allons maintenant passer à la question du pilonnage de Mostar est.

 27   Nous le voyons dans le mémoire de Praljak. Il en parle à plusieurs

 28   endroits, d'abord au paragraphe 308. Ici, il dit que la seule conclusion

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  1   raisonnable qu'il est possible de tirer pour ce qui est du conflit entre

  2   Mostar est et Mostar ouest, c'est qu'il "devrait y avoir beaucoup, mais

  3   beaucoup plus de victimes si le HVO avait véritablement pilonné Mostar est

  4   dans l'intention de tuer des civils."

  5   Je pense que nous pourrons vite régler la question ici. En réponse à la

  6   Défense, vous vous souviendrez de ce qu'ont dit ici même des Musulmans

  7   civils de Mostar est qui, par tous les moyens possibles et imaginables, ont

  8   réussi à survivre là-bas, à l'intérieur, dans l'obscurité, sans

  9   électricité, pour essayer d'éviter les obus du HVO. Et il est remarquable

 10   et étonnant qu'il n'y a pas eu plus de morts, et c'est parce que les

 11   Musulmans de Mostar est ont quand même réussi à se trouver un abri pour

 12   échapper aux obus.

 13   Praljak affirme aussi que :

 14   "… il n'a jamais donné l'ordre de pilonner des civils, que rien ne le

 15   prouve."

 16   C'est au paragraphe 312.

 17   Je suis d'accord avec lui. Le HVO a pris grand soin à ne laisser aucune

 18   trace, écrite non plus, qui laisserait entendre qu'effectivement, il

 19   voulait pilonner des civils alors qu'il n'y avait pas de nécessité

 20   militaire. Mais vous vous souviendrez que quelques fois, l'accusé n'a pas

 21   été aussi soigneux dans ces tentatives. Vous avez la pièce 01736, 27 mars

 22   1993 :

 23   "Pour tirer sur des zones habitées, il est obligatoire de demander l'aval

 24   préalable de l'état-major principal."

 25   Ce n'est même pas un ordre qui est de tirer sur les zones habitées.

 26   C'est encore plus coupable, parce qu'on dit qu'on peut tirer sur ces zones

 27   et que ce n'est qu'une des méthodes utilisées dans la guerre que mène le

 28   HVO. Et Petkovic, en le rappelant ici, montre que c'est lui qui a les

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  1   rennes du pouvoir, qu'il contrôle.

  2   Vous allez voir aussi que Praljak affirme que c'était des pilonnages

  3   minimalistes et sélectifs. Nous allons voir un exemple de ce genre de tirs

  4   sélectifs opérés par le HVO. Le 6534, 8 novembre, ordre de Petkovic de

  5   pilonner la ville de façon sélective à des intervalles différents.

  6   Deux choses à constater ici. D'abord, c'est que lorsque Petkovic devient le

  7   commandant adjoint, il a toujours la responsabilité des forces armées,

  8   alors qu'il dit le contraire maintenant dans son mémoire en clôture. Et

  9   voyez la date, c'est au moment où Praljak est chef du HVO.

 10   "Deuxième chose à mettre en exergue, que c'est ce même ordre qui a entraîné

 11   la destruction du Vieux Pont. Il est donné le 8 novembre. Lasic donne un

 12   ordre qui reflète celui-ci dans la soirée, et Lasic dit que, 'à partir de 8

 13   heures 10 du matin, notre char a tiré sans arrêt sur Stotina et il a tiré

 14   cinquante fois sur la vieille ville.'"

 15   Vous connaissez maintenant la ville de Mostar, son plan, et quand on tire

 16   depuis Stotina sur la vieille ville, ça veut dire qu'on tire en direction

 17   du Vieux Pont. Le lendemain, le 9 novembre, Lasic fait de nouveau rapport

 18   des événements survenus ce jour-là. Vous avez à cet effet la pièce P 09992.

 19   Voici ce qu'il dit :

 20   "En plus des tirs d'infanterie vers 10 heures, notre char a tiré quelques

 21   obus sur une cible qui avait été choisie auparavant. Vers 10 heures 15, nos

 22   gens de Hum ont fait rapport et ont dit que le Vieux Pont avait été

 23   détruit, et il leur était impossible de dire quoi que ce soit sur la cause

 24   de la destruction du pont."

 25   Je crois que voici au moins un exemple où l'Accusation est d'accord pour

 26   dire que quelquefois, effectivement, le HVO a opéré des tirs sélectifs.

 27   Paragraphe Praljak suivant, le paragraphe 313, il y dit que le nombre

 28   d'obus tirés pendant plus de six mois était spectaculairement inférieur que

 

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  1   ce que fait un bataillon d'artillerie standard. Il dit que :

  2   "C'était militairement justifié et dans la limite de la 'nécessité

  3   militaire'."

  4   Alors que nous, nous disons que c'était des tirs aveugles,

  5   indiscriminés, nombreux, intenses et qu'ils ne se limitaient pas à des

  6   cibles qui étaient de nécessité militaire.

  7   Voyons ce que dit le rapport du rapporteur spécial en septembre 1993, pièce

  8   4822, je cite :

  9   "Depuis le début du mois de mai, la rive gauche de Mostar, apparemment,

 10   fait l'objet de tirs incessants à l'obus et de tirs embusqués de positions

 11   du HVO depuis la rive occidentale. Les sources gouvernementales [sic]

 12   affirment qu'il y a, tous les jours, au moins de 200 à 400 obus, ce qui

 13   provoque la destruction de 50 % des bâtiments et de 80 % [comme interprété]

 14   de maisons particulières. On informe aussi qu'on utilise des avions qu'on

 15   utilise pour arroser les cultures pour notamment aussi tirer des obus de

 16   mortier du côté du HVO sur la rive est."

 17   Les observateurs internationaux notent donc qu'il y a des tirs nourris et

 18   volumineux qui viennent de la rive ouest.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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  8   [Audience publique]

  9   Mme WEST : [interprétation] C'est corroboré par les observations d'autres

 10   témoins internationaux. Ici, nous avons Forbes, de la police civile. Il dit

 11   que :

 12   "Le HVO était mieux armée.

 13   "En ce qui concerne les forces de l'ABiH, moi, je n'ai jamais vu rien qui

 14   soit de plus qu'une arme personnelle," et "en général, ils faisaient des

 15   explosifs au plastique, et des bombes à main," qu'ils lançaient.

 16   Et puis :

 17   "… c'était clair, quand on voyait l'impact sur la route, que les mortiers

 18   étaient plus petits. Et quand on voyait les collerettes d'explosion,

 19   c'était clair, on voyait que les mortiers venaient de l'ouest…"

 20   Et puis :

 21   "… c'était incessant pratiquement chaque fois que je me suis trouvé à

 22   Mostar est. Quelquefois les tirs étaient très nourris, parfois ils

 23   l'étaient moins."

 24   Pour ce qui est des pilonnages aveugles qui ont plu sur Mostar est, il y

 25   avait notamment ces pneus qu'on remplissait d'explosifs, des bombes au

 26   napalm et des bombes à fragmentation. Vous allez voir ce qu'a déclaré Miro

 27   Salcin, un témoin qui est venu à la barre. Il dit que :

 28   "Fin que juillet 1993, le HVO a commencé à se servir de la tactique de gros

 

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  1   pneus remplis d'explosifs qu'ils faisaient partir du sommet du mont Hum et

  2   qu'ils envoyaient du côté de Doja Mahala, en contrebas.

  3   "Il y avait des explosions toujours pendant la nuit.

  4   "Les gens se cachaient dans leurs caves dans l'espoir que le pneu n'allait

  5   pas toucher leur maison. C'était terrifiant parce que c'était parfaitement

  6   aléatoire…"

  7   Et voyez le paragraphe 15 :

  8   "Ce type de tactique était parfaitement indiscriminé; il était impossible

  9   d'avoir des tirs précis quand on se sert de tels pneus."

 10   A l'appui de cette déclaration nous avons ce que nous dit Grant Finlayson.

 11   Il est allé à Donja Mahala en octobre 1993, et voici ce qu'il dit, On a vu

 12   des traces de pneus; certains avaient explosé, d'autres pas.

 13   La question : 

 14   "Est-ce qu'on les avait lancés depuis du sommet de la colline ?

 15   "Réponse : Oui, ça en avait toute apparence en tout cas, quand on voit les

 16   dégâts occasionnés et tous les autres éléments."

 17   Nous avons entendu ce qu'on a dit aussi à propos des bombes au napalm.

 18   C'ests Miro Salcin qui parle :

 19   "Le 16 août vers 22 heures, j'ai entendu un avion nous survoler. Un obus

 20   est tombé -- un premier obus, à 10 à 15 mètres de chez moi. Ça a tué

 21   Kalajic, Samira [phon].

 22   "Et puis un autre est tombé.

 23   "La bombe est tombée, mais sans faire d'explosion, il n'y avait pas de

 24   flammes. Il y avait une odeur."

 25   Et il dit :

 26   "Ces trois obus sont tombés et trois bombes ont explosé, on sentait - il y

 27   avait une odeur effroyable qui vous prenait la gorge et le nez."

 28   Ce qui va corroborer son témoignage, c'est un document que produit le HVO

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  1   lui-même ce même jour, P 04265, 17 août 1993. A 22 heures, une bombe au

  2   napalm a été utilisée.

  3   Bombe à fragmentation. Il s'agit maintenant de la pièce P 04785 [comme

  4   interprété]. Vous avez un observateur militaire qui fait rapport du fait

  5   que des bombes à fragmentation de mortier de 120-millimètres étaient

  6   envoyées quatre par quatre depuis un avion léger sur Mostar est.

  7   Voici trois types de bombardement -- ou de pilonnage qui sont des

  8   exemples patents de pilonnage aveugle et qui contredisent radicalement la

  9   position adoptée par Praljak.

 10   Pour ce qui est maintenant de la Défense Petkovic, elle a dit, Oui,

 11   c'était la guerre, et pendant la guerre il y a des pilonnages. On dit ici

 12   au paragraphe 380 :

 13   "S'il y avait pilonnage, ça invitait à la riposte."

 14   Il précise que ça ne s'est pas passé pendant longtemps du 30 juin au

 15   24 juillet. "Mais aucun observateur international n'a dit quoi que ce soit

 16   qui pourrait permettre de déduire que c'était là des tirs que faisait le

 17   HVO dans l'intention de toucher une population civile ou que ces pilonnages

 18   étaient aveugles."

 19   Effectivement, il y a très peu d'informations qui nous disent ce qui

 20   se passait exactement, là, je suis d'accord. Mais cette pénurie

 21   d'informations, elle est due directement au HVO. C'est lui qui en est

 22   responsable. Pendant cette période dont parle Petkovic, on avait exclu les

 23   internationaux de Mostar.

 24   Vous avez un témoin international qui a dit que la ville avait été

 25   bouclée et qu'il était impossible d'y entrer. Peut-on passer à huis clos

 26   partiel, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

 

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  1   le Président.

  2   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   Mme WEST : [interprétation] Le Témoin BJ a corroboré ces dires. Une

 15   question lui est posée; on lui demande si, à un moment donné, ils ont été

 16   coupés, isolés, et il répond :

 17   "Oui, Mostar était tout à fait isolé.

 18   "Pendant un mois, un mois et demi, il y a eu aucun contact. C'est en

 19   rapport avec le Bataillon espagnol et la zone musulmane de Mostar."

 20   Autre corroboration, elle est apportée par un observateur de la MOCE qui

 21   dit que pendant "plus de quatre semaines", il a été impossible d'entrer à

 22   Mostar, que ce soit Mostar est ou Mostar ouest. Il répond, Effectivement,

 23   ce fut le cas. C'était impossible.

 24   Le paragraphe 383, Petkovic dit que l'artillerie à Mostar est -- dans la

 25   zone opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine n'était pas subordonnée à

 26   Petkovic quand il était chef d'état-major, mais qu'elle était subordonnée

 27   au commandant de la zone opérationnelle du sud-est d'Herzégovine. Mais

 28   lorsqu'il devient commandant chef adjoint sous les ordres de Praljak, est-

 

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  1   ce que ça veut dire qu'on l'écarte de la voie hiérarchique ? Ce n'est pas

  2   notre avis. Regardez le paragraphe 785 [comme interprété] de notre mémoire,

  3   et je veux me poser avec vous la question de savoir si, de façon générale,

  4   l'artillerie se trouvait sur les ordres de l'état-major principal, surtout

  5   à Mostar.

  6   Vinko Maric c'était le commandant à Mostar, Vinko Maric. On lui a posé des

  7   questions au contre-interrogatoire à propos du contrôle qu'exerçait l'état-

  8   major principal pour l'artillerie. Page 48 248, il répond :

  9   "Oui, oui, c'est vrai, cette unité, elle était placée sous le commandement

 10   opérationnel de l'état-major principal."

 11   Un peu plus loin -- ici, vous voyez, on lui pose une autre question.

 12   Ce qu'a dit le général Praljak est-il vrai -- Praljak avait déclaré :

 13   "Est-ce que le régiment de roquette était subordonné à l'état-major

 14   principal ?"

 15   Praljak dit :

 16   "Mais non, c'est l'artillerie. Normalement, elle doit avoir contrôle

 17   complet, et c'est pour ça que j'ai demandé si, effectivement, elle était

 18   directement subordonnée à l'état-major."

 19   Maric répond maintenant :

 20   "Oui, effectivement, si le commandant le dit, ça doit être vrai."

 21   Et puis, on lui demande -- on demande à Maric :

 22   "Mais est-ce que vous êtes d'accord que, par exemple, pour ces calibres

 23   130-millimètres, c'était sous le commandement de l'état-major principal ?"

 24   Et il nous répond :

 25   "Oui, pendant un certain temps."

 26   Puis on lui pose une question à propos de contrôle exercé par l'état-major

 27   principal. Voici ce qu'il répond :

 28   "Dans le cadre du système de subordination, les brigades répondaient au

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  1   commandement supérieur… et ça, c'était notre zone opérationnelle."

  2   Mais un peu plus loin, on lui demande ceci :

  3   "Et êtes-vous d'accord pour dire que toute l'artillerie a fini par être

  4   dans le cadre de subordination directe à l'état-major principal ?

  5   "Réponse : Toutes les unités d'une armée sont subordonnées à l'état-major

  6   principal.

  7   "Qui est au-dessus de toutes les régions militaires et de toutes les unités

  8   militaires. Les régions militaires se composent de brigades et d'autres

  9   unités, dont des régiments d'artillerie et de roquettes la plupart du

 10   temps."

 11   Il continue à propos du contrôle exercé par l'état-major principal. Une

 12   fois de plus, on revient sur ce qu'avait déclaré Praljak dans sa

 13   déposition, et il dit :

 14   "Oui, en partie. Tout reste au sein de la chaîne de commandement de l'état-

 15   major principal, n'est-ce pas."

 16   Et il répond, Oui, et je parle ici de Maric. Il dit, Je suis d'accord avec

 17   ce qu'a dit le général Praljak.

 18   Page 48 260, en matière de munitions, il dit que :

 19   "L'état-major obtenait ses renseignements d'échelons inférieurs et savait

 20   exactement combien il y avait de munitions." Réponse de Maric :

 21   effectivement, c'était l'état-major principal qui contrôlait la quantité de

 22   munitions.

 23   Puis, page 48 260, on lui demande si l'état-major principal exerçait un

 24   contrôle ferme sur l'artillerie -- et vous voyez, on en a déjà parlé, il

 25   convient qu'effectivement, il avait ce contrôle.  

 26   Vous vous souviendrez que l'état-major principal s'est emparé de la défense

 27   de Mostar en août. On a posé une question à ce propos à Maric. Il répond :

 28   "Oui, Messieurs les Juges, ce document montre que l'état-major du HVO

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  1   a bien pris en main la défense de Mostar."

  2   Je vous dirais donc qu'un témoin pourtant appelé par Petkovic, nous parlons

  3   ici de Maric, chef de l'artillerie de la zone opérationnelle, a, sans

  4   aucune ambiguïté, expliqué à vous les Juges que c'était l'état-major

  5   principal qui avait la responsabilité de l'artillerie. Praljak a répondu.

  6   Et ne serait-ce qu'au mois d'août nous savons de façon certaine que l'état-

  7   major a pris en main la défense de Mostar même, donc avait eu la

  8   responsabilité de l'artillerie. Et si vous avez besoin de plus de preuves,

  9   voyez l'ordre donné par Petkovic, que vous avez à l'écran. Ceci avait été

 10   utilisé dans l'interrogatoire principal de Maric, mais c'est utile pour

 11   l'Accusation. Regardez le point 7. On voit ce que Petkovic a écrit en juin

 12   :

 13   "Prévoir l'utilisation la plus rationnelle de l'artillerie dans la zone de

 14   responsabilité de l'état-major…"

 15   "Et prévoir les plans d'attaque et le mode de déploiement."

 16   Si l'accusé Petkovic n'avait pas la responsabilité de l'artillerie, vous

 17   n'auriez jamais vu d'ordres de ce genre. Jamais vous n'auriez entendu un

 18   homme comme Vinko Maric, et vous n'auriez pas entendu ce que Praljak vous a

 19   dit. Je vous montre un autre ordre à ce propos, c'est le document 343, 22

 20   juillet, la veille du jour -- quelques jours avant qu'il ne devienne

 21   adjoint. Dans cet ordre, il a une demande au commandant d'artillerie

 22   d'avoir des détails sur le déploiement de l'artillerie. Nous estimons que

 23   nous avons beaucoup de preuves montrant que Petkovic et l'état-major

 24   principal avaient la responsabilité de l'artillerie.

 25   Permettez-moi d'aborder la question de l'aide humanitaire à présent à

 26   Mostar.

 27    C'est une autre méthode qui a été employée par le HVO pour porter

 28   atteinte à l'intégrité physique ou morale de la population civile. Voyons

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  1   quelles sont les mesures qui ont été prises par les accusés pour faire en

  2   sorte que l'aide humanitaire ne parvienne pas à Mostar est. Voyons

  3   maintenant ce que disent les co-accusés. Premièrement, Praljak -- excusez-

  4   moi, Petkovic. Alors, il n'avait aucun pouvoir lui permettant d'influer sur

  5   la situation ou de prendre des décisions eu égard à la politique d'aide

  6   humanitaire. Praljak, ensuite :

  7   "C'est un fait que tous les convois humanitaires ont atteint leur

  8   destination."

  9   Ensuite, Praljak, de nouveau, paragraphe 253 :

 10   "Les éléments de preuve montrent que Praljak a déployé des efforts

 11   afin de sécuriser le passage, de faire en sorte que les convois

 12   humanitaires puissent atteindre Mostar est."

 13   Coric, ensuite :

 14   "L'ODPR a été le seul responsable pour émettre des autorisations

 15   permettant la circulation des convois…"

 16   Puis, Stojic :

 17   "… les éléments de preuve montrent que toutes les restrictions se

 18   fondaient sur des préoccupations sécuritaires."

 19   Puis, Pusic : le HVO n'avait pas une politique uniforme visant à

 20   entraver le passage des convois humanitaires.

 21   L'Accusation affirme que c'est de manière délibérée que le HVO a

 22   entravé le passage de l'aide humanitaire, l'empêchant d'atteindre Mostar

 23   est. Alors, comment le savons-nous ? Premièrement, ils affirment qu'ils le

 24   contrôlaient. Les organisations internationales, les différents

 25   représentants du HVO, y compris certains co-accusés, ont affirmé qu'ils

 26   étaient en position de contrôler ce qui entrait dans Mostar est.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 

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  1   [Audience à huis clos partiel]

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  5   [Audience publique]

  6   Mme WEST : [interprétation] Praljak -- l'accusé Praljak ne cache pas

  7   publiquement qu'il contrôle les convois. Donc c'est un entretien accordé à

  8   la BBC, il s'agit de la pièce 9258. Une partie du texte vous sera présenté.

  9   Je vous lirai donc une partie du texte où il dit :

 10   "A un moment, il a fallu que je laisse ce convoi passer."

 11   Et puis, il dit que :

 12   "Le président Tudjman a demandé de ne pas toucher à Mostar."

 13   Plus loin, il dit que :

 14   "L'ordre est venu de Boban, mais que là, en l'occurrence, ça venait,

 15   en tout état de cause, du président Tudjman."

 16   Donc il ne peut pas y avoir de preuve plus directe du fait que le HVO

 17   contrôlait le passage des convois et que cette déclaration très expresse de

 18   Praljak dans le cadre de cet entretien qui montrerait qu'il avait la

 19   capacité de permettre le passage et également la capacité de les bloquer.

 20   Prenons Petkovic, paragraphe 406 : "… les éléments de preuve

 21   montreraient, d'après lui, que les civils pouvaient quitter Mostar est… que

 22   l'ABiH contrôlait le déplacement des civils et qu'en fait, c'est

 23   intentionnellement qu'ils ont réduit ces déplacements à leur plus modeste

 24   expression."

 25   Prenons le paragraphe 260 de Praljak. D'après lui :

 26   "Il y a énormément d'éléments de preuve prouvant que Mostar est

 27   n'était pas assiégé par le HVO.

 28   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les meilleurs éléments de

 

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  1   preuve montrent que les civils du côté musulman de Mostar est ne pouvaient

  2   pas quitter cet endroit. Alors, nous avons plusieurs témoignages :

  3   témoignages des Musulmans de Mostar est, témoignages des représentants des

  4   organisations internationales qui se sont rendues à l'intérieur, des

  5   témoignages des journalistes qui ont pu s'introduire à l'intérieur. Vous

  6   avez vu des vidéos également. Vous avez entendu des témoignages des témoins

  7   de la Défense. Eux-mêmes ont dit, par exemple, que la route M-17 essuyait

  8   des tirs et qu'aucune autre route ne pouvait être utilisée, si ce n'est un

  9   chemin de montagne qu'on pouvait traverser à dos d'âne. Donc nous avons eu

 10   Milan Gorjanc, par exemple, qui a dit que :

 11   "Il y avait deux routes. Alors, il y avait cette route qui descendait

 12   vers la Neretva, qui était exposée aux tirs du HVO, et puis il y avait

 13   l'autre chemin qui traversait le mont Prenj et Jablanica. Cette route-là

 14   n'était pas prise pour cible…"

 15   Et on lui a demandé ce qu'il y en était de la route M-17, et il a

 16   confirmé dans sa réponse qu'il était très difficile d'emprunter une autre

 17   route.

 18   Puis, Bozo Pavlovic, lorsque le Président lui demande :

 19   "Est-ce qu'il y avait une autre route ?"

 20   Et il répond que :

 21   "L'autre route existait, c'était la route par Zalik et Vrapcici."

 22   Mais Bozo Peric a confirmé que cette route par Zalik n'était qu'un

 23   chemin de montagne escarpé et qu'on l'empruntait à dos d'âne, et il a

 24   confirmé qu'il y avait des parties de cette route qui ne pouvaient pas du

 25   tout être empruntées. Vous verrez qu'il y a eu sa déposition.

 26   Lorsqu'on lui a demandé : "Mais qu'en est-il de 500 mètres plus loin

 27   ?" Et il dit : "Mais ça devient très, très étroit. Ce n'est pas

 28   carrossable. Donc c'est simplement un chemin de chèvre."

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  1   Et puis, plus loin, la question suivante :

  2   "Question : Les 18 kilomètres plus loin de cette route," donc est-ce

  3   que vous dites que l'on peut l'emprunter, que c'est une route carrossable ?

  4   "Réponse : Oui.

  5   "Question : Et les 20 kilomètres suivants, est-ce que vous êtes d'accord

  6   avec moi qu'il s'agit là vraiment d'un chemin de montagne, et on le peut

  7   l'emprunter qu'à pied ?"

  8   Et il finit par dire :

  9   "Je ne suis pas d'accord qu'il n'est pas carrossable sur toute cette

 10   longueur. Sur une distance bien plus courte, effectivement, il n'était pas

 11   carrossable, dans la mesure où je m'en souvienne.

 12   Donc ces trois témoins de la Défense nous démontrent qu'il y avait ces deux

 13   routes. Il y avait la M-17, qui était prise pour cible, et puis l'autre

 14   c'était un chemin de montagne qui n'était pas carrossable sur de nombreux

 15   tronçons. Pour nombre de civils de Mostar est, ce n'était pas véritablement

 16   une route, une option pour sortir, ou éventuellement pour les plus

 17   courageux et ceux qui étaient en très bonne santé et forts. Prenons un

 18   élément de preuve dont nous n'avons pas beaucoup parlé. J'appelle la

 19   Chambre à se poser la question suivante : si la population de Mostar est

 20   était effectivement en mesure de partir, pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ?

 21   Vous avez vu des vidéos, vous avez vu des visages malades, affamés, des

 22   gens en piètre état, qu'ils sont entassés dans le noir, jusqu'à 55 000

 23   personnes entassées dans des caves. Donc ils essayaient de se mettre à

 24   l'abri face aux bombardements, face aux tirs isolés. S'ils pouvaient

 25   partir, pourquoi sont-ils restés dans des circonstances aussi atroces ?

 26   Vous avez les éléments de preuve, le témoignage de Cedric Thornberry.

 27   Il s'est rendu à Mostar est fin août, et il décrit cette situation

 28   abominable qui règne sur place, et que dit-il :

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  1   A Mostar est, "la situation était pire que tout ce que j'avais jamais

  2   vu en Yougoslavie, à l'exception de Vukovar, pour ce qui est des

  3   destructions matérielles. La ville a été dévastée à un point incroyable.

  4   Personnellement, j'ai vu beaucoup de blessés, amputés, y compris des

  5   enfants. Parfois jusqu'à trois occupaient un même lit. Ce siège de Mostar a

  6   duré pendant des mois et avec des souffrances humaines terribles…"

  7   La Chambre de première instance devrait comprendre à quel point le

  8   fait de vivre dans cette destruction terrible était quelque chose qui

  9   revenait à une privation terrible. Les gens n'avaient rien que l'un

 10   l'autre. Il y avait des femmes avec des enfants, des parents âgés. Sans

 11   maris, ces femmes ne pouvaient pas porter leurs enfants, ne pouvaient pas

 12   secourir leurs parents, ne pouvaient pas traverser ce chemin de montagne.

 13   Ça prendrait des journées. Puis, il y avait des femmes qui étaient

 14   complètement livrées à elles-mêmes. Elles n'avaient ni parents, et elles

 15   devaient s'occuper de leurs enfants. Il y avait des bombardements, des tirs

 16   isolés. Est-ce que ces femmes auraient pu abandonner leurs parents et leurs

 17   enfants à leur sort ?

 18   Mais la question de partir ne se posait pas seulement en des termes

 19   de capacité physique. C'était une question qui revenait à se demander si on

 20   avait suffisamment d'audace, de courage, et est-ce qu'on a quelque chose à

 21   perdre si on part. Et puis, la raison pour de nombreux de ces habitants

 22   était qu'effectivement, ce qu'ils avaient à perdre c'était leurs proches.

 23   Le HVO a réussi dans son siège de Mostar est, et pourquoi ? Parce que

 24   personne n'a pu raisonnablement tenter de partir.

 25   Maintenant, dernier sujet pour la journée, je vais parler des expulsions et

 26   de la campagne de terreur.

 27   En repoussant les personnes pour qu'elles se réfugient dans Mostar

 28   est, dans un quartier extrêmement petit et très dense, et ensuite en les

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  1   pilonnant à l'aide aussi de tirs embusqués, en bloquant l'arrivée d'eau, en

  2   bloquant l'arrivée médicale, en bloquant les vivres, en bloquant aussi les

  3   sorties de la ville, tout ceci était sans aucun doute des actes qui ont

  4   provoqué des souffrances mentales et physiques énormes aux civils

  5   musulmans. Mais ces agissements montrent aussi que le HVO allait passer au

  6   cran supérieur. En effet, en entassant autant de personnes dans si peu de

  7   place, en utilisant ces méthodes pour instiller la peur parmi ces

  8   personnes, au point qu'ils ne voulaient même plus sortir pendant la

  9   journée, le HVO les a poussés au-delà de leur seuil de tolérance. Ils

 10   voulaient les pousser à un point où la situation serait si difficile que la

 11   Défense militaire s'effondrerait, l'armée de la BiH quitterait la ville et

 12   le HVO pourrait enfin déclarer Mostar comme capitale.

 13   Donc la Défense parle du crime de la terreur au paragraphe 393 du

 14   mémoire Petkovic. Je vais commencer par le plan du HVO visant à surpeupler

 15   Mostar est en y entassant des réfugiés.

 16   L'accusé a été très certainement averti de ces expulsions et n'en a

 17   absolument rien fait. On le voit d'ailleurs au document suivant, document

 18   qui date du 14 juin. En juin, donc c'est avant que Petkovic n'essaie de

 19   vous faire croire qu'il y a un conflit, au milieu de juin, il est écrit :

 20   "Environ 90 Musulmans ont été chassés hier du quartier de Dum, la rue

 21   Petrinja Drapsina [phon]. Mis à part quelques appartements dans lesquels on

 22   est rentré par la force, peu de femmes ont été violées devant des témoins

 23   oculaires. Les femmes ont été emmenées dans une direction inconnue.

 24   Quelques personnes ont été battues et maltraitées. Les auteurs de ces

 25   crimes sont principalement les membres du 4e Bataillon."

 26   Ça, c'est à la mi-juin. Il y avait tellement de personnes expulsées

 27   de Mostar ouest que la police militaire ne considérait même pas qu'il

 28   s'agissait d'un crime. Voici un rapport, c'est en date du jour suivant.

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  1    A la page 2, et il s'agit de la pièce 02802 :

  2   "Aucun agissement criminel, aucun incident n'a été rapporté hier. On

  3   n'a remarqué que la poursuite du nettoyage ethnique concernant les

  4   Musulmans."

  5   Ce document est extrêmement frappant. Pour le HVO, le nettoyage

  6   ethnique c'est certainement pas un crime. Pour le HVO, c'était juste, en

  7   fait, un élément de son grand plan, un élément qui se déroulait d'ailleurs

  8   sous le nez de l'accusé Petkovic, car je vous rappelle que son bureau à

  9   l'époque était au milieu de Mostar ouest, juste à côté de tout ce qui se

 10   passait.

 11   Passons à un autre document, document qui date d'octobre, un document

 12   du SIS :

 13   "Du fait des événements bien connus dans Mostar, c'est-à-dire à cause

 14   d'évictions des Musulmans vers le quartier de Mostar contrôlé par le MOS,

 15   nous ne donnons pas notre consentement."

 16   Bon, il s'agit d'un document où on demande à libérer une personne. Mais

 17   même dans les documents du HVO, on voit bien que les expulsions se

 18   faisaient tous les jours. C'était connu de tous. Nous savons d'ailleurs

 19   qu'après le 29 juin [comme interprété], la population a augmenté de façon

 20   importante, dramatique même, pour se monter à près les 55 000 personnes.

 21   Nous avons d'ailleurs le témoignage d'Edward Vulliamy à ce propos, et voilà

 22   ce qu'il dit en septembre 1993:

 23   "Il y a 55 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants. La plupart

 24   des hommes sont partis dans les camps, et les femmes et les enfants ont été

 25   emmenés en troupeaux depuis Blagaj jusqu'à ce quartier de Mostar est, où

 26   ils sont soumis à ce barrage."

 27   Donc le 20 juillet [comme interprété] 1994, il a à nouveau visité Mostar

 28   est et déclare que, là encore, les gens vivaient toujours dans des caves et

 

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  1   que la population avait encore augmenté par rapport à sa visite précédente

  2   en septembre 1993.

  3   Le représentant des OMNU, Finlayson, a comparé le siège de Mostar à

  4   celui de Sarajevo et a constaté que les conditions humanitaires pour la

  5   population civile à Mostar est étaient encore pires du fait du manque

  6   d'espace et du nombre d'impacts d'obus au kilomètre carré.

  7   Et un témoin international a décrit ce qu'elle avait vu à Mostar.

  8   Pouvons-nous passer, s'il vous plaît, à huis clos partiel.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience à huis

 11   clos partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 24   [Audience publique]

 25   Mme WEST : [interprétation] Le pilonnage, les tirs et les tirs embusqués

 26   sur Mostar est avaient un but bien précis : en fait, en entassant tant de

 27   monde dans Mostar est, en leur tirant dessus de façon continue, les gens

 28   auraient de plus en plus peur. La situation deviendrait totalement

 

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  1   chaotique. L'ABiH serait débordée, et finalement, la défense de Mostar est

  2   s'effondrerait.

  3   Jeremy Bowen a filmé l'expulsion par la force d'un grand nombre de civils

  4   musulmans de Mostar ouest vers Mostar est, et il a d'ailleurs témoigné en

  5   l'espèce en propos de tirs au-dessus de la tête de ces gens. Il disait, en

  6   fait, que c'était une tactique pour les terroriser.

  7   "… ils étaient tellement terrorisés. Déjà, tous les hommes de la

  8   famille avaient été emmenés. Ils pensaient qu'ils étaient morts. Ils

  9   avaient été chassés par la force de leurs maisons, et je pense que

 10   lorsqu'on leur tirait dessus, c'était pour les terroriser plutôt que pour

 11   les tuer, en tout cas cette nuit-là."

 12   Donc, jusqu'à présent, je vous ai parlé de l'opinion d'autres personnes qui

 13   se trouvaient cette région à l'époque, mais que disait le HVO à propos de

 14   ses intentions en ce qui concerne la population civile par rapport à tous

 15   ces pilonnages ? Eh bien, le Témoin Slobodan Bozic, au Témoin BC, a bien

 16   expliqué quel était le but de ce pilonnage, et vous le verrez d'ailleurs à

 17   la diapo suivante. D'après lui, les opérations de pilonnage du HVO sur

 18   Mostar est étaient là pour pousser la population hors de cette partie de la

 19   ville. Et le Témoin CB -- voici la question :

 20   "On a l'impression que l'intention des opérations de la défense croate sont

 21   de faire partir la population de Mostar est. La logique de tout ça nous a

 22   été confirmée d'ailleurs par les membres du HVO, parce qu'ils ont considéré

 23   qu'une fois que les civils auraient quitté Mostar est, les forces de

 24   'l'armija' n'auraient plus raison d'y être et les forces du HVO auraient

 25   ainsi réussi leur opération."

 26   Le Juge Treschel a posé une question, Pouvez-vous être plus précis, de qui

 27   s'agit-il exactement, et il répond oui. C'est Slobodan Bozic. Le Président

 28   de la Chambre a dit :

 

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  1   "Vous a bien entendu ça avec vos propres oreilles ?"

  2   Et le témoin :

  3   "Oui, tout à fait."

  4   Donc cette explication donnée par Bozic correspond parfaitement avec ce que

  5   nous racontent les internationaux qui étaient à Mostar à l'époque. Mais il

  6   y a une autre raison que vous devez prendre en compte lorsque vous

  7   délibérerez sur ce chef d'accusation : pendant tout le conflit, la ligne de

  8   confrontation entre le HVO et l'ABiH dans la ville de Mostar n'a

  9   pratiquement pas bougé d'un pouce, donc le but des pilonnages du HVO

 10   n'était très certainement pas de reprendre du territoire tenu par l'ABiH.

 11   En revanche, le but quand on associe ça avec le fait que l'aide humanitaire

 12   n'arrivait plus, que les sorties de la ville étaient fermées, que ce

 13   quartier était surpeuplé, on pilonnait les gens pour leur faire tellement

 14   peur qu'ils quittent.

 15   Pouvons-nous repasser, s'il vous plaît, en audience à huis clos

 16   partiel, s'il vous plaît.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 19   partiel.

 20   [Audience à huis clos partiel]

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 18   [Audience publique]

 19   Mme WEST : [interprétation] Je demande donc à la Chambre de première

 20   instance de prendre en compte les faits concernant Mostar est dans son

 21   ensemble, et non pas séparément. Le HVO a d'abord chassé les Musulmans pour

 22   les repousser dans Mostar est pour que la ville soit surpeuplée avec des

 23   gens qui n'avaient rien à manger, qui n'avaient pas d'eau, pas

 24   d'électricité, pas de soins médicaux, des femmes seules, sans leurs maris,

 25   sans leurs fils,. Des personnes qui ne pouvaient plus partir

 26   raisonnablement et qui devaient rester et vivre dans le noir pour éviter de

 27   perdre la vie. Ces gens avaient peur, ils étaient épouvantés. Donc

 28   l'Accusation n'a pas à prouver que les civils étaient véritablement

 

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  1   terrorisés, mais l'Accusation considère que les éléments de preuve

  2   existants montrent très bien au-delà de tout doute raisonnable que c'était

  3   bien le but délibéré du HVO.

  4   Monsieur le Président, j'en ai terminé avec mes arguments en réponse à la

  5   Défense Petkovic.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, comme vous le savez, nous continuerons demain

  7   à 9 heures.

  8   Le décompte du temps utilisé par l'Accusation est de l'ordre de 11 heures

  9   et 10 minutes, à quelques secondes près. Voilà donc les éléments que je

 10   fournis à tout le monde. Je profite des deux minutes qui nous restent parce

 11   que demain on n'aura pas le temps.

 12   J'annonce à tout le monde que le greffier que nous avons va nous quitter

 13   pendant plusieurs mois, ayant été prêté à une autre juridiction

 14   internationale, et nous n'aurons plus le plaisir de le voir dans les

 15   semaines prochaines. Et je tiens, au nom de la Chambre, à lui exprimer

 16   toute notre reconnaissance pour le travail qu'il a accompli, et notamment

 17   le décompte du temps qui, comme vous le savez, me préoccupait à titre

 18   principal. Donc je souhaite à M. le Greffier, dans ses nouvelles fonctions,

 19   mes meilleurs vœux de réussite. Mais nous aurons le plaisir, néanmoins, de

 20   le voir demain, car il nous quittera à la fin de la journée de demain. Sur

 21   ce, je souhaite à tout le monde une bonne soirée, et à demain matin.

 22   --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le jeudi 10 février

 23   2011, à 9 heures 00.

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