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1 Le jeudi 10 février 2010
2 [Réquisitoire]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 [L'accusé Pusic n'est pas présent]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de
8 l'affaire, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
10 toutes les personnes ici présentes. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre
11 Prlic et consorts. Merci, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.
13 En ce jeudi, je salue toutes les personnes présentes. Nous avons pris
14 notre audience avec quelques minutes de retard parce qu'il y a le problème
15 technique que vous connaissez tous qui est toujours permanent. Le
16 technicien nous a expliqué qu'il n'arrive pas à identifier la cause du
17 problème, étant précisé que ce problème n'affecte apparemment que la salle
18 d'audience III. Les autres salles d'audience n'ont pas ce problème. C'est
19 un problème uniquement lié à notre salle d'audience, mais ils n'arrivent
20 pas à déterminer la cause malgré tous les efforts qu'ils font. Et comme l'a
21 expliqué Me Khan hier à juste titre, il y a eu un changement de système, et
22 c'est peut-être lié à cela. Quoi qu'il en soit, ils ont fait redémarrer le
23 système et, pour le moment, ça fonctionne. Alors, espérons que ça va
24 continuer à fonctionner.
25 Je donne la parole à M. le Procureur pour la suite du réquisitoire.
26 M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
27 Messieurs les Juges. Bonjour aux conseils de la Défense. Si vous me le
28 permettez, Monsieur le Président, je vais maintenant requérir à propos de
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1 M. Valentin Coric.
2 Permettez-moi de commencer mon propos en allant droit au cœur, droit au
3 deux piliers du mémoire et aussi de la Défense même de Coric. Le premier
4 pilier, le premier argument, est d'ordre juridique. Coric affirme qu'il ne
5 saurait être tenu responsable d'un seul des crimes allégués en sa qualité
6 de membre de l'entreprise criminelle commune tant qu'on ne le trouve pas
7 coupable en raison de sa responsabilité de supérieur hiérarchique, ce qui
8 est consigné à l'article 3 du Statut. Il le dit au paragraphe 150 de son
9 mémoire : "Nous disons respectueusement qu'il est manifeste que le bureau
10 du Procureur ne parvient pas à prouver l'existence d'un entreprise
11 criminelle commune tant qu'ils ne peuvent pas prouver que Coric encourt les
12 responsabilités pénales visées par l'article 7(3) du Statut."
13 Au paragraphe suivant, 151, il dit ceci :
14 "En l'absence d'une responsabilité visée par l'article 7(3) du Statut, il
15 ne serait avoir pour Coric de responsabilité pour l'entreprise criminelle
16 commune."
17 Deuxième pilier de sa défense, celui-là, il repose sur des faits. Ici, il
18 se cache derrière son bureau, affirmant qu'il n'était qu'un bureaucrate, un
19 gratte-papier, un administrateur démuni et dénué de tout pouvoir véritable,
20 étant incapable de punir ou d'empêcher des crimes sans contrôle effectif
21 sur les auteurs présumés des crimes. Du coup, Coric dit n'avoir aucune
22 connaissance des crimes qui se produisaient puisque les communications
23 étaient mauvaises et que lui ne recevait que "peu de moyens de transmettre
24 des informations et d'en recevoir," lui qui était chef du service de police
25 militaire. En conséquence, Coric affirme ne rien savoir d'une entreprise
26 criminelle commune, qu'il n'y a pas contribué et qu'il n'est faisait pas
27 partie.
28 Son affirmation de droit c'est que pour être jugé membre d'une entreprise
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1 criminelle commune, il faut d'abord montrer qu'il encourt la responsabilité
2 de ces crimes en vertu de l'article 7(3). Ça, c'est facilement réglé. On
3 peut parer à cette information aisément. Vous allez le voir, l'arrêt Kvocka
4 en date du mois de février 2005. Vous l'avez à l'écran. Au paragraphe 105
5 [comme interprété] de l'arrêt en question, la Chambre d'appel constate que
6 la participation à une entreprise criminelle commune visée par l'article
7 7(1) du Statut et la responsabilité du supérieur hiérarchique visée par
8 l'article 7(3) du même Statut, ce sont là des catégories distinctes de
9 responsabilité pénale individuelle qui chacune requiert des conditions de
10 droit à remplir qui sont spécifiques. La responsabilité de l'ECC
11 nécessite pas qu'il faille prouver qu'il y a une responsabilité du
12 supérieur hiérarchique.
13 Et puis, il y a une autre référence à cet arrêt Kvocka, paragraphe
14 144, aussi au paragraphe 383, pour soutenir ce même argument.
15 Vous le constaterez, dans le procès Krajisnik, l'accusé a été jugé
16 coupable d'une entreprise criminelle commune même si la Chambre de première
17 instance a conclu qu'il n'avait pas un contrôle effectif sur les forces
18 ayant participé à la perpétration des crimes. Paragraphe 1 121 du jugement
19 en première instance de Krajisnik. Cet aspect de la Défense de Coric qui
20 affirme que pour être jugé responsable d'une entreprise criminelle commune,
21 il faut d'abord prouver une responsabilité selon les termes de l'article
22 7(3), c'est dénué de tout fondement.
23 Pour ce qui est de sa participation, de sa contribution à ce que nous
24 avons appelé l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna, notre
25 principe de base c'est que lui, comme ses co-accusé, voulait provoquer la
26 création de l'Herceg-Bosna, un territoire croate autonome à l'intérieur de
27 la Bosnie-Herzégovine. Pièce P 08548. Une publication qui porte le titre
28 suivant : "Trois ans de police militaire" et qui montre les apports de
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1 plusieurs individus qui ont été actifs dans la police militaire du HVO.
2 Et lorsqu'on parle de Coric ici, de sa contribution à cette
3 publication, lorsqu'il parle de la formation de la police militaire, voici
4 ce qu'il dit :
5 "Lorsqu'on sélectionnait des membres de la police militaire, nous prenions
6 grand soin à recruter des gens honorables, des gens qui étaient fidèles à
7 la cause, à la patrie croate, et je pense que nos efforts à cet égard ont
8 été couronnés de succès."
9 Bien sûr, c'est normal, on s'attend à ce qu'on recrute des gens honorables,
10 des hommes d'honneurs. Mais, Monsieur le Président, on ne sait pas trop ici
11 combien il y aurait eu de Musulmans fidèles à la cause croate, fidèles à la
12 patrie croate, qui était la pierre angulaire, la raison d'être même du
13 recrutement de la police militaire. Il n'y avait pas que des Croates qui
14 étaient des hommes d'honneur en Herceg-Bosna.
15 P 01788. Nous avons ici un document que je vous ai déjà présenté lorsque je
16 parlais du général Praljak. C'est le procès-verbal d'une réunion qui s'est
17 tenue le 2 avril 1993.
18 On me dit qu'apparemment, il y a une panne du côté de l'ordinateur de Mme
19 Wiener [phon], notre commise. Nous ne pouvons pas afficher le système
20 Sanction. On peut peut-être improviser dans l'intervalle avec le système du
21 prétoire, mais là, vraiment, je suis tributaire de ce que peut faire le
22 greffier d'audience. Quoi qu'il en soit, je poursuis mon propos, car
23 manifestement, la technologie a décidé de nous mettre des bâtons dans les
24 roues en ce dernier jour de notre réquisitoire. C'est assez malheureux,
25 vous en conviendrez.
26 P 01788. C'est le procès-verbal de cette réunion du général Praljak, de M.
27 Coric et d'autres aux commandements du HVO. Vous vous en souviendrez, selon
28 les propres dires du général Praljak : "On ne peut que délimiter par une
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1 clôture ce qui nous appartient pour y bâtir à l'intérieur notre Etat." Et
2 ici, dans cette réunion, il parle de l'homogénéisation de la population.
3 C'était une partie de la vision qu'il avait de ce que devait être l'Herceg-
4 Bosna.
5 Valentin Coric était présent à la réunion, tout comme d'autres
6 personnalités de premier plan de la hiérarchie de l'Herceg-Bosna. Je parle
7 de Ignjac Kostroman, de Dario Kordic. Kostroman, c'était cet homme de
8 Bosnie centrale, vous vous en souviendrez, qui promouvait la cause d'un
9 rattachement de l'Herceg-Bosna à la Croatie. C'était son rêve.
10 P 06581. Nous avons ici le procès-verbal d'une réunion qui s'est tenue au
11 palais de la présidence. Au transcript présidentiel, M. Boban, M. Prlic, le
12 président Tudjman, et nous sommes en novembre, le 10 novembre 1993. L'objet
13 de la discussion c'est la désignation et l'approbation de personnes qui
14 allaient occuper des postes-clés dans ce qui était la nouvelle République
15 croate d'Herceg-Bosna qui venait d'être établie, la HR HB.
16 A la réunion, voici ce que dit M. Prlic au président Tudjman :
17 "Valentin Coric, qui bénéficie d'une grande confiance au sein de l'armée,
18 est maintenant chef de la police militaire. Et de par ses attributs, je
19 pense qu'il ferait un bon ministre de la Défense."
20 M. Prlic poursuit -- c'est M. Tudjman qui dit :
21 "Pour ces deux ministères, celui de la Défense et celui de l'Intérieur, il
22 vous faut choisir ceux qui ont le plus de force, les plus musclés, ceux qui
23 ont le plus d'autorité."
24 Ce à quoi Prlic répond :
25 "Eh bien, Valentin est un homme de cette trempe, précisément."
26 En novembre 1993, les descriptions de mots comme cela, "force" et
27 "autorité", on ne saurait les coller à la personnalité de M. Coric si, à
28 cette date-là, il n'était pas en mesure de savoir tout ce qui s'était passé
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1 jusqu'à cette date. S'il n'avait pas été efficace en tant que commandant
2 chef de la police militaire, comment voulez-vous qu'il ait été approuvé,
3 proposé au poste de ministre de l'Intérieur dans la nouvelle République
4 croate d'Herceg-Bosna ?
5 Pour ce qui est de la contribution à l'entreprise criminelle commune, Coric
6 se trompe lorsqu'il évoque les critères à remplir en la matière. Au
7 paragraphe 219 de son mémoire, Coric affirme qu'il n'a pas apporté une
8 contribution significative à la cause de l'entreprise criminelle commune.
9 Mais ce n'est pas ce qu'il faut montrer. Ce n'est pas ce qu'il faut
10 démontrer. Parce que dès qu'il est prouvé que Coric était membre de
11 l'entreprise parce qu'il partageait l'intention qui en animait les membres,
12 sa contribution doit simplement être importante. Ce n'était peut-être pas
13 important comme point de droit car, de notre avis, il est bien établi à cet
14 égard que M. Coric a apporté une contribution des plus importantes à
15 l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.
16 C'est vrai aussi de ses co-accusés, Coric disposait d'un pouvoir
17 considérable, absolument superlatif dans son cadre d'activité, dans son
18 mandat. Il a contribué notamment à l'entreprise criminelle commune, et
19 c'est en n'exerçant pas ce pouvoir, ce pouvoir qui l'habilitait à empêcher,
20 à punir, à condamner ou à même critiquer le comportement criminel
21 généralisé dont souffrait la population musulmane de Bosnie en Herceg-
22 Bosna.
23 Il y a un aspect particulièrement troublant de la participation de Coric à
24 cette affaire, c'est le fait qu'il était le chef de la police militaire. Il
25 n'était pas un agent de la paix pour tout le monde, et sûrement pas pour
26 les Musulmans de Bosnie. Les éléments de preuve sont là pour le dire. Comme
27 Praljak, il était tellement fidèle et engagé dans la cause de l'entreprise
28 de l'Herceg-Bosna qu'il était prêt à fermer les yeux sur des crimes qui ont
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1 contribué à la création de l'Herceg-Bosna, à les approuver ou fermer les
2 yeux sur ces crimes liés à ses propres subalternes dans la police
3 militaire. Il n'a rien fait pour soutenir les efforts de la police de
4 maintien de l'ordre pour prendre des mesures sérieuses contre les membres
5 du HVO qui commettaient des crimes, particulièrement lorsque ceux-ci
6 étaient utiles à des opérations de combat du HVO. Tout comme le général
7 Praljak, au fond, au niveau du commandement, du style de commandement. Si
8 ce sont des bons soldats, si ce sont de bons combattants, on va fermer les
9 yeux, on va regarder de l'autre côté lorsqu'ils sont en train de commettre
10 des crimes.
11 P 03928. C'est un rapport en date du 3 août 1993. Il est envoyé à M. Coric
12 en personne au siège de l'administration de la police militaire. Qui en est
13 l'auteur ? Cet auteur se plaint d'activités criminelles de deux unités bien
14 connues : Vinko Skrobo, avant c'était Mrmak, groupe antiterroriste; et
15 Benko Panavic, aussi unité antiterroriste. Il dit qu'ils sont responsables
16 d'une grande partie des crimes qui se sont commis dans la ville de Mostar.
17 "Etant donné que ces deux unités font partie du Bataillon
18 disciplinaire, elles jouissent d'un statut spécial pour des raisons
19 inconnues."
20 Ce statut spécial se reflète dans le fait qu'aucun organe de maintien de
21 l'ordre, aucune force de police ne lève le petit doigt pour faire quoi que
22 ce soit contre ces membres d'unités spéciales. Vidovic a reçu un ordre il y
23 a certain temps du chef de l'administration de la police militaire pour
24 dire que le centre ne devait consigner que certains actes commis par
25 certains membres de ces unités.
26 Page suivante :
27 "J'aimerais indiquer que la totalité des membres de ces unités
28 susmentionnées, qu'une grande partie se livre à des activités criminelles
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1 de telle sorte que la poursuite et le jugement de ces personnes -- ce que
2 ceci entraînerait, c'est le démantèlement de ces unités."
3 Qu'est-ce qu'on dit ici, Monsieur le Président ? Ici, dans le fond, on met
4 au frigo les mesures qu'on aurait dû prendre. Ces mesures, bien sûr,
5 réunissaient les éléments de dossier, mais on attendait le bon moment pour
6 intervenir, pour prendre des mesures contre des unités qui se livraient à
7 ce genre de crimes. Ce qui est certain, c'est qu'une telle action ne s'est
8 jamais produite, et on n'en avait jamais eu l'intention non plus.
9 P 05563. C'est un rapport envoyé directement au chef de la police
10 militaire, à M. Coric donc, et qui est envoyé par M. Bozic, c'était le
11 directeur du centre de détention de l'Heliodrom. Rapport concernant le mois
12 de septembre et qui prend la date du 2 octobre 1993.
13 Ici, il mentionne beaucoup de sujets pertinents en l'espèce en ce qui
14 concerne la responsabilité de M. Coric. La première partie du rapport
15 indique que le 9 septembre, 351 détenus ont été transférés de Ljubuski, ce
16 qui veut dire que les prisonniers étaient encore plus entassés et plus en
17 surnombre qu'avant, ce qui entraîne beaucoup de problèmes.
18 Il parle d'un ordre donné par Tuta, Mladen Naletilic, les 20 et 21
19 septembre. Il dit que :
20 "… 24 de nos détenus ont été relâchés parce qu'on en avait besoin au
21 front."
22 Les éléments de preuve le montrent, on ne parle pas ici de détenus
23 musulmans. Il est fort probable que c'était des criminels, des meurtriers
24 croates qu'on a relâchés de l'Heliodrom juste avant l'opération menée par
25 le HVO qui avait à sa tête Tuta et son Bataillon disciplinaire à Rastani.
26 On a relâché les criminels pour qu'ils aillent combattre pour le HVO, et
27 ceci est rapporté à M. Coric. Nous ne savons pas -- en tout cas, il n'y a
28 aucun élément qui montre que M. Coric ou quelqu'un d'autre aurait fait quoi
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1 que ce soit pour contrer ce genre de choses, mais nous savons que M.
2 Stojic, co-accusé de M. Coric, a par la suite félicité ce bataillon après
3 l'opération couronnée de succès à Rastani. Mais aujourd'hui, nous savons
4 qu'à Rastani, beaucoup de crimes furent commis.
5 Nous allons, plus loin, parler des travaux forcés, mais il est
6 question du nombre de détenus blessés ou tués pendant qu'ils faisaient des
7 travaux forcés en septembre.
8 Si vous lisez le mémoire de M. Coric, vous allez voir ce qu'il affirme. Il
9 dit que c'est, en fait, le colonel Obradovic qui disposait du véritable
10 pouvoir s'agissant des centres de détention dans le secteur sud, notamment
11 l'Heliodrom. Il y aura une remarque récurrente dans mon propos : si c'était
12 bien le colonel Obradovic qui avait la responsabilité de ces prisonniers,
13 qui décidait de leur sort, si c'était vraiment Obradovic qui autorisait ces
14 programmes intensifs de travaux forcés que nous connaissons, pourquoi est-
15 ce que M. Bozic envoie ce rapport à M. Coric ? Vous le savez, et vous en
16 discuterez, M. Bozic a envoyé de très nombreux rapports à M. Coric, parce
17 qu'à ses yeux, c'était M. Coric qui avait l'autorité et qui avait la
18 capacité de régler ces questions.
19 M. Coric a contribué à l'entreprise criminelle commune en approuvant,
20 en tolérant les expulsions administratives, tout un système par lequel les
21 prisonniers pouvaient être libérés des camps de détention du HVO du moment
22 qu'ils rentraient chez eux, faisaient leurs bagages, amenaient leurs
23 familles à Ljubuski et partaient à tout jamais de l'Herceg-Bosna.
24 P 0426 [comme interprété]. Nous avons ici la date du 17 août 1993. Ce
25 document, vous le voyez, porte le nom d'Ante Prlic, Jure Herceg, 4e
26 Brigade. Stjepan Radic, police militaire :
27 "Suite à l'ordre donné par le chef de la police militaire, Valentin
28 Coric, les détenus suivants peuvent être relâchés en raison du fait qu'ils
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1 disposent de déclarations faites sous serment."
2 Vous avez la signature et le sceau de l'administration de police, et
3 sont énumérés le nom de 22 personnes.
4 Monsieur le Président, est-ce que nous pourrions passer quelques instants à
5 huis clos partiel.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Huis clos partiel, Monsieur le Greffier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
8 [Audience à huis clos partiel]
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3 [Audience publique]
4 M. STRINGER : [interprétation] P 04404. Autre document en rapport avec ce
5 programme de lettes de garantie. C'est M. Ante Prlic qui écrit ici :
6 "Par cette confirmation, le QG de la prison de l'Heliodrom est prié de
7 libérer Enver Cibo, un prisonnier, parce qu'il a une déclaration signée sur
8 ordre du chef de la police militaire."
9 Il ajoute ceci :
10 "Le détenu mentionné ci-dessus doit être remis à la Brigade Ljubuski de la
11 police, parce que c'est là que se trouve sa famille, à Ljubuski, et sa
12 famille a reçu l'ordre de quitter l'Herzégovine."
13 Si c'était un programme inhabituel ou qui était le fruit d'une imagination,
14 d'un saugrenu, pourquoi est-ce qu'Ante Prlic dirait ici qu'on avait donné
15 l'ordre à des familles de quitter l'Herzégovine ? Comment ces gens
16 auraient-ils fini, quand même, par être libérés, si cette procédure n'avait
17 pas été parfaitement autorisée et habilitée par ceux qui avaient la
18 responsabilité et le pouvoir sur les prisonniers ?
19 Et pourquoi, d'ailleurs, M. Prlic ne rend-il pas ce document au colonel
20 Obradovic ? Parce qu'apparemment, c'est lui qui avait tous les pouvoirs sur
21 l'Heliodrom. On dit qu'il trempait dans toutes ces histoires, qu'il fallait
22 son aval. Or, ici, il montre que ce n'était pas vrai, que c'était, en fait,
23 M. Coric qui avait ce pouvoir.
24 P 10190. Là, nous ne parlons pas de l'Heliodrom, mais de Gabela. Ici aussi,
25 une communication est envoyée par la police militaire de la brigade. C'est
26 envoyé cette fois-ci à Gabela pour demander la libération de prisonniers
27 suite à un ordre donné par le chef de la police militaire, M. Coric. Ces
28 prisonniers doivent être remis à la garde de la police militaire de
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1 Ljubuski, puisque les familles de ces personnes se trouvent à Ljubuski et
2 qu'il a été décidé d'expulser ces personnes de l'Herzégovine. Les
3 prisonniers sont relâchés de l'Heliodrom. Ils sont relâchés de Gabela. Ils
4 rentrent chez eux et partent avec leurs familles.
5 P 10328. Vous vous souviendrez sans doute, Messieurs les Juges, de ce que
6 vous a dit Milada Orman. Elle a fourni une déclaration visée par l'article
7 92 bis et nous a dit ce qui est arrivé à Gradska, dans son village, qui se
8 trouve dans la municipalité de Ljubuski. C'est tout à fait dans le droit
9 fil de ce que nous venons de voir. Gradska, c'est un village qui fait
10 partie de Ljubuski. Y habitent que des Musulmans de Bosnie. Il y a 100 ou
11 200 habitants. Lorsque les Musulmans de Ljubuski ont été obligés de se
12 présenter au poste de police, ceux de Gradska ont dû le faire aussi. Et
13 lorsque les hommes sont sortis de leur situation de détention, les gens de
14 Gradska ont organisé des bus, ils sont partis dans deux bus à Zagreb. Ils
15 ont dû abandonné la clé sous la porte et partir. Même procédure pour les
16 autre Musulmans de Ljubuski. Des laissez-passer, un billet pour partir à
17 l'étranger. Ils avaient une très belle mosquée dans le village, et
18 lorsqu'ils sont partis, ils ont verrouillé la porte et ils ont donné la clé
19 au gardien de l'église. Lorsqu'ils sont revenus en 1999, la mosquée avait
20 été détruite à l'explosif et avait disparu. Il ne restait plus rien.
21 Certains ont voulu rentrer, pas beaucoup. Leurs maisons n'étaient pas
22 détruites, mais occupées par des Croates de Bosnie centrale. Mais il n'y
23 avait pas encore de courant.
24 Pensez, Messieurs les Juges, s'il vous plaît, à l'effet qu'ont ces
25 programmes d'expulsion et de transfert forcé pour des habitants musulmans
26 qui vivaient dans cette région. Vous avez reçu beaucoup d'éléments de
27 preuve étayant cette idée.
28 P 06135. C'est un rapport du SpaBat, du Bataillon espagnol. Je ne sais pas
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1 s'il est possible de l'afficher, mais je peux en donner lecture.
2 C'est un rapport du 25 octobre 1993.
3 "On a constaté que la mosquée du village de Gradska a récemment été
4 détruite. Apparemment, le village a été vidé de ses habitants. Etant donné
5 que les fenêtres et les portes étaient ouvertes et qu'il se dégageait de la
6 fumée de certaines de ces maisons, on peut croire que la population a été
7 déplacée pour être placée ailleurs."
8 Pourquoi est-ce que tout ceci se passait ? P 06232. Quatre jours à peine
9 après les observations que je viens de vous lire faites par le Bataillon
10 espagnol concerne Gradska. Ici, nous avons une pièce qui porte la date du
11 29 octobre. C'est une demande au nom du chef de la police militaire où
12 c'est signé, nous pensons, par M. Lavric, son adjoint. On n'a pas contesté
13 l'authenticité du document. Ici, que demande la police militaire ? Elle
14 demande à la municipalité d'approuver l'utilisation temporaire par des
15 membres de la police militaire d'appartements qui sont vides.
16 Et nous voyons les noms de toutes les personnes concernées, les
17 propriétaires de ces appartements réquisitionnés. Et nous reconnaissons
18 l'appartenance ethnique; ce sont tous des Musulmans qui, tous, ont disparu.
19 Ils sont partis, en tout cas. Et ils n'étaient même pas partis de quelques
20 jours que la police militaire cherchait déjà à occuper ces appartements.
21 Nous savons que la police militaire avait un appétit féroce et très
22 vorace lorsqu'il s'agissait de digérer les appartements appartenant à des
23 Musulmans.
24 Voyez la pièce P 02879. Ici, nous avons un document du 21 juin 1993. De
25 nouveau, c'est la police militaire qui fait une demande, et c'est M. Lavric
26 qui signe au nom de M. Coric, pour ce qui est d'un bureau du logement et
27 des infrastructures. On demande une décision autorisant l'occupation
28 d'appartements :
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1 "Ci-joint une liste des appartements civils occupés par des membres
2 de la police militaire. Nous demandons que les décisions soient prises dans
3 les meilleurs délais."
4 Il s'agit de 137 appartements, de 137 membres de la police militaire qui
5 vont occuper ces appartements en date du 21 juin. Il est fort probablement
6 qu'on parle ici de Mostar ouest quand on voit l'endroit où se trouvent ces
7 appartements et le nom des rues.
8 Parlons de la signature de Lavric qu'on voit. On l'a vue sur l'un ou
9 l'autre de ces documents au nom de M. Coric. On n'a jamais contesté
10 l'authenticité des documents, mais ça soulève une question. On affirme que
11 la pièce P 03220 est un faux. Mais non, ce n'est pas un faux. C'est
12 simplement un document qui ne sert pas la cause de M. Coric,
13 Document qui porte la date du 6 juillet 1993. La campagne
14 d'arrestation de tous les Musulmans battait son plein, et nous avons le
15 colonel Obradovic qui demandait expressément qu'on prenne le contrôle de la
16 libération de tous les prisonniers des quatre grands camps : Heliodrom,
17 Ljubuski, Gabela et Dretelj. Un document qu'il a délivré la veille. Et
18 aussitôt, Lavric signe au nom de Coric et il intervient et dit que les
19 prisons de détention préventive militaires sont exclusivement du ressort de
20 l'administration de la police militaire. Il dit à Obradovic d'annuler son
21 ordre, et il concède que les prisonniers qui sont dans les prisons de
22 détention préventive militaires et qui sont capturés par la Brigade Knez
23 Domagoj, subordonnée au colonel Obradovic, s'ils sont libérés, doivent
24 l'être avec votre consentement.
25 Vous voyez la signature de Lavric. On a dit que c'était un faux, nous
26 l'avons dit dans notre mémoire en clôture. Nombreux sont les autres
27 documents dont on n'a pas contesté l'authenticité. On a toujours la même
28 signature, c'est celle de Lavric. On la revoit document sur document. Et
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1 donc, ici, c'est simplement que ce n'est pas un document très avantageux,
2 du tout d'ailleurs, alors qu'il essaie de dire que ceci ne le concerne pas.
3 Permettez-moi de faire quelques remarques sur la question de la
4 subordination, du rattachement. Qu'est-ce qu'il se passe lorsqu'une unité
5 est resubordonnée ou est envoyée pour combattre ou être placée sous le
6 commandement d'une autre partie du HVO ?
7 M. Coric a plusieurs fois dit qu'une fois que ça se passe, ça le dégage de
8 toute responsabilité s'agissant de la police militaire qui est alors
9 soumise aux ordres donnés par quelqu'un d'autre dans d'autres brigades dans
10 l'état-major. Ce n'est pas vrai.
11 Dans -- M. Praljak et le général Petrovic vous l'ont dit tous les deux
12 lorsqu'ils ont parlé de la resubordination. Lorsqu'ils ont témoigné, ils
13 ont tous deux dit que le personnel de la police militaire, même s'il était
14 rattaché à une autre brigade, ils restaient des membres de la police
15 militaire. Ils restaient dans le cadre de la structure de la police
16 militaire, et c'était toujours M. Coric qui en était responsable.
17 Le 22 février 2010, page 46 795 du compte rendu d'audience, le général
18 Petkovic témoignait ce jour-là, et il a dit ceci :
19 "Valentin Coric, en l'occurrence, rédigeait un ordre disant que tel ou tel
20 bataillon devait être subordonné ou rattaché dans une zone et qu'il allait
21 être intégré dans la chaîne de commandement de la zone en question.
22 Valentin Coric, même s'il avait subordonné le bataillon au commandant, n'en
23 perdait pas pour autant la responsabilité qu'il avait du bataillon. Il ne
24 va pas simplement se dégager de ce bataillon. Il a le droit d'exercer son
25 pouvoir sur le bataillon. Mais le commandant de la zone en question va
26 confier à ses hommes des tâches précises pour lesquelles il aura un
27 commandement temporaire."
28 Nous reviendrons à la question de la logistique, du ravitaillement de la
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1 police militaire, et comment cela était fait par l'administration de la
2 police militaire.
3 Monsieur le Président, si on forme ces hommes, si on les sélectionne, on
4 leur donne des uniformes, des armes, des ceinturons, des badges et tout le
5 reste. Ils sont entre vos mains. Vous pouvez les prêter à d'autres pour des
6 tâches spécifiques liées aux combats, mais c'est toujours votre effectif.
7 Prenons maintenant la pièce P 04186. La question est de savoir qui avait la
8 responsabilité sur ceux qui géraient les prisons. M. Coric affirme que les
9 responsables de la gestion des prisons ne faisaient pas partie de la voie
10 hiérarchique de la structure de la police militaire.
11 Prenons la date du 14 août 1993. C'est M. Bozic, qui est responsable
12 de la gestion de l'Heliodrom, qui envoie ce document tant à M. Stojic qu'à
13 M. Coric. Voyons maintenant ce qu'il en est du deuxième paragraphe de la
14 première page. Bozic dit :
15 "Puisque nous sommes déployés à la caserne de l'Heliodrom, nous recevons le
16 soutien logistique de la 3e Brigade pendant la totalité du temps vu où nous
17 nous trouvons, mais pendant toute la période, nous faisions partie de
18 l'unité de la police militaire. Il est arrivé une ou deux fois que des
19 chefs de la 3e Brigade nous ont mis en garde verbalement qu'ils n'étaient
20 pas en mesure de fournir des vivres pour 2 100 détenus, ce qui nous a
21 incité à nous adresser à notre unité de police militaire, qui n'a pas pu
22 répondre à notre demande."
23 Donc cela correspond au témoignage qui vient de Ljubuski -- il ne
24 s'agit pas d'un document public. Donc, lorsque la brigade fournit les
25 vivres, la question qui se pose est de savoir à quelles structures ces
26 responsables de prison appartiennent. M. Bozic dit très clairement qu'il
27 pense qu'il fait partie de la police militaire même si c'est la brigade qui
28 fournit les vivres aux prisonniers.
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1 Et puis, le 14 août, il est face à un problème, et il dit à MM.
2 Stojic et Coric qu'il n'a pas assez de nourriture pour nourrir ces
3 prisonniers.
4 Monsieur le Président, huis clos partiel, s'il vous plaît,
5 brièvement.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
8 partiel.
9 [Audience à huis clos partiel]
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 [Audience publique]
24 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Donc cela est tout à fait clair, si on déploie les unités de la police
26 militaire au champ de bataille, ils vont devoir prendre les ordres des
27 unités qui sont déployées au champ de bataille, des commandements sur le
28 terrain.
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1 M. Coric aborde la question de l'exclusivité, donc du fait qu'il n'avait
2 pas la responsabilité. Au fond, ce qu'il affirme, c'est que les brigades
3 pouvaient émettre des ordres à une brigade de police militaire, et donc, en
4 d'autres termes, il n'en avait pas la responsabilité. Je ne suis pas
5 responsable d'eux puisque quelqu'un d'autre, par exemple, le général
6 Praljak, leur donne des ordres.
7 "Que ce soit Obradovic ou d'autres, ils amènent des gens de l'Heliodrom,
8 Pusic, par exemple. Cela veut dire que moi, je n'exerce aucune
9 responsabilité sur eux."
10 Mon confrère, M. Scott, a lu ce passage pendant sa présentation des
11 arguments. Il a cité le Juge Jackson des procès de Nuremberg. Plus d'une
12 personne est responsable lorsque les ces crimes ont été commis. Donc il n'y
13 a pas qu'un seul responsable. Et le fait que d'autres au sein de l'état-
14 major ou des structures de brigade pouvaient émettre des ordres à certains
15 membres de la police militaire ne signifie pas que M. Coric n'en est plus
16 responsable et qu'il ne fait pas partie de ses structures de police
17 militaire.
18 Alors, quels sont les rapports qui viennent du terrain ? Ces rapports nous
19 parlent de la structure et de la voie hiérarchique, parce que les gens, ils
20 n'envoient pas des rapports à ceux qui se situent à l'extérieur de leur
21 filière de commandement. Les subordonnés envoient leurs rapports à leurs
22 supérieurs. Ces rapports sont très parlants sur la connaissance,
23 l'information et la quantité d'informations qu'avait à sa disposition M.
24 Coric.
25 Pièce P 00648. Pièce qui porte la date du 25 octobre 1992. C'est un rapport
26 intérimaire, une demande de prendre des mesures de la part de M. Siljeg,
27 commandant de la zone opérationnelle du nord-ouest de l'Herzégovine. Le
28 département de la Défense, l'état-major principal et l'administration de la
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1 police militaire sont les destinataires. Et de quoi se plaint-il ? Il se
2 plaint de l'unité de la police militaire de Livno et de Tomislavgrad,
3 placées sous le commandement de Zdenko Andabak se trouvant à Prozor,
4 revenues à Livno et à Tomislavgrad avec à peu près une trentaine de
5 véhicules à moteur qui ont été confisqués de manière illégale.
6 Et vers la fin du document, vers la fin de ce rapport, Siljeg dit :
7 "J'ai demandé que le chef de l'administration de la police militaire
8 enquête immédiatement sur ces unités de Livno et de Tomislavgrad, se penche
9 sur la situation et prenne des mesures qui s'imposent contre des individus
10 qui se comportent de cette manière-là."
11 Donc, qu'est-ce que cela nous montre, Monsieur le Président,
12 Messieurs les Juges ? Que le commandant M. Siljeg de la zone opérationnelle
13 pense que M. Coric a le pouvoir et exerce la responsabilité pour ce qui est
14 du comportement de ses subordonnés de la police militaire, alors M. Andabak
15 qui est déployé sur le terrain, et que M. Coric peut prendre des mesures
16 pour faire face à ces écarts de conduite.
17 Là, en l'occurrence, nous savons qu'à un moment donné plus tard, M. Coric
18 et M. Praljak ont émis un ordre conjoint demandant que l'on restitue les
19 véhicules.
20 Venons-en maintenant à la pièce P 02 -- excusez-moi, j'ai sauté une pièce.
21 Prenons la pièce P 02697.
22 Monsieur le Président, puis-je savoir à quel moment vous avez prévu la
23 pause ? Je ne sais pas exactement.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : A 10 heures 30, comme d'habitude.
25 M. STRINGER : [interprétation] Pièce P 02697. Un autre rapport ici qui
26 provient de M. Siljeg. Il porte la date du 9 juin 1993. Il envoie cela à M.
27 Boban, M. Stojic, Petkovic, ainsi qu'à M. Coric en personne.
28 Vers la fin de la première page, l'avant-dernier paragraphe :
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1 "Tout va mal au sein du 2e Bataillon de la Police militaire et on ne peut
2 pas les commander, si ce n'est pour une partie de l'ATG
3 Et puis, il décrit la situation dans la suite du texte :
4 "Tout cela montre que les unités de la police militaire de Livno, Rama et
5 Gornji Vakuf échappent à tout contrôle, agissent de leur propre chef et ne
6 peuvent pas être commandées."
7 Il dit :
8 "Nous exigeons que vous preniez les mesures comme suit --"
9 Et puis, il demande dans la suite qu'un certain nombre de choses très
10 concrètes soient faites.
11 Au point 2 :
12 "Il est vrai que les bataillons ont été placés sous la juridiction du
13 commandant de la zone opérationnelle, mais c'est uniquement à partir du
14 moment où nous étions complètement enfoncés dans les problèmes jusqu'au
15 cou. Mais à quoi est-ce que cela sert, un ordre, s'il n'y a pas de
16 commandement et le commandant n'est pas en position de commander les
17 commandants placés à un échelon inférieur ou des policiers, et si vous
18 menez la politique du personnel au sein de la police militaire ?"
19 Et puis, au point 4, page suivante, Siljeg écrit :
20 "A l'avenir, utilisez la police militaire du territoire en profondeur pour
21 sécuriser les convois le long de cet axe. Vous avez été informés de
22 l'ensemble des problèmes qui se posent au niveau sécuritaire s'agissant de
23 la circulation des personnes et des biens en passant par Rama et d'autres
24 incidents négatifs : des assassinats, des incendies volontaires, pillages,
25 et cetera. Il est grand temps que l'administration de la police militaire
26 fasse quelque chose."
27 C'est ce qu'il dit :
28 "Il est grand temps que l'administration de la police militaire
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1 agisse." L'UVP.
2 Au point 6 :
3 "Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir… mais maintenant il vous
4 appartient d'agir, à vous."
5 Si Siljeg n'avait pas pensé que M. Coric avait la responsabilité ou qu'il
6 pouvait faire quelque chose avec ces problèmes, Siljeg n'aurait pas écrit à
7 Coric. Il ne l'aurait pas inclus parmi les destinataires de ce rapport
8 s'agissant de la police militaire de la zone de Prozor.
9 Venons-en maintenant à la pièce P 05657. Voyons ce qui en est du
10 déploiement du personnel de la police militaire de Mostar -- ou plutôt, on
11 en parlera un peu plus tard. Maintenant, nous avons ici la date du 5
12 octobre 1993 et M. Coric émettant cet ordre : après avoir inspecté les
13 lignes de combat dans la ville de Mostar, c'est lui qui donne l'ordre que
14 100 policiers militaires soient déployés, soient mis à la disposition du
15 commandant de la défense de la ville de Mostar, M. Zlatan Mijo Jelic.
16 Ensuite, il prend 20 policiers militaires à l'administration de la police
17 militaire, 60 policiers militaires de la 5e Brigade qui est déployée à
18 Mostar et encore 20 policiers militaires du 6e Bataillon de la Police
19 militaire, et il les déploie tous dans la défense de la ville de Mostar.
20 Donc ce que nous pouvons voir ici, c'est que M. Coric exerce directement la
21 direction et il a le pouvoir de déployer et de redéployer des policiers
22 militaires au sein de sa propre administration, mais également à
23 l'extérieur de cette administration, parce qu'il prend des policiers aux
24 bataillons de la police militaire.
25 Pièce P 03090. Monsieur le Président, nous avons ici un rapport sur le
26 fonctionnement de la police militaire de la HZ HB. C'est un examen de la
27 situation pour la période allant de janvier à juin 1993 au nom de M. Coric.
28 Dans son mémoire, M. Coric confirme que lui et son administration de la
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1 police militaire ont fourni un soutien logistique à la police militaire. Il
2 signale qu'ils ont donné des ceinturons et des badges aux policiers
3 militaires. Cependant, il affirme également, et ce, aux paragraphes 42, 128
4 ainsi que 217 de son mémoire, il affirme qu'il n'a reçu que très peu de
5 rapports et qu'énormément d'éléments de preuve montrent qu'il y a eu des
6 difficultés de communication, et que tout cela montre qu'en fait, il
7 n'était pas tenu au courant et il ne pouvait pas savoir ce qui se passait à
8 l'extérieur de l'administration. Or, les éléments de preuve démontrent
9 l'opposé, à savoir que des individus et des unités ont envoyé des volumes
10 de rapports à Coric parce qu'ils faisaient partie de la filière de
11 commandement à la police militaire, donc ils envoyaient tous ces rapports à
12 Coric. Coric se situe au sommet de cette filière de commandement.
13 Nous souhaitons présenter quelques-uns des nombreux documents qui
14 montrent qu'il y avait des communications qui passaient de manière tout à
15 fait satisfaisante, que Coric recevait des rapports réguliers des unités de
16 la police militaire à l'intérieur des brigades et de ses propres bataillons
17 de la police militaire. Donc le système de circulation d'informations
18 fonctionne.
19 Prenons la pièce P 03090. Un rapport qui fait état du fonctionnement pour
20 la première moitié du mois de juin 1993, rapport Coric de la police
21 militaire. Aux pages 26 et 27 de la version anglaise, nous voyons que Coric
22 fait rapport sur l'équipement et d'autres éléments qui ont été fournis à
23 ses subordonnés au sein des structures de la police militaire, des
24 uniformes de camouflage, et cetera, ce qui ne nous étonnera pas, bien sûr.
25 Et puis, page 27, il parle des ceinturons blancs, 1 719 qui ont été
26 fournis, ainsi qu'il évoque les 499 badges.
27 Et si nous regardons plus loin dans le texte, il ne s'agissait pas que de
28 ceinturons et de badges que Coric fournissait aux policiers militaires.
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1 Pendant la première moitié de l'année 1993, l'administration de la police
2 militaire a distribué 570 000 balles et davantage de grenades à main que de
3 ceinturons. Ils ont distribué 445 fusils automatiques et à peu près ce qui
4 correspond au même nombre de badges. Ils ont distribué 2 506 grenades à
5 main, et même plus de qrenades de 82-millimètres.
6 Donc il faut tenir compte du fait que lorsque M. Coric dit qu'il n'était
7 pas responsable de ce qu'ont fait les policiers militaires sur le terrain,
8 quand il dit qu'ils étaient resurbordonnés pour des opérations de combat,
9 c'était bien M. Coric et son administration à la police militaire qui ont
10 placé des balles, des grenades à main et des armes entre les mains de ces
11 individus. Ils ne peuvent pas s'exonérer de la responsabilité si ces hommes
12 utilisent ces armes de manière illégale.
13 S'agissant maintenant de la question de circulation d'informations,
14 page 28 de son rapport, nous voyons un aperçu très exhaustif de ce qui se
15 passe au niveau de l'équipement et comment les communications fonctionnent
16 dans l'administration de la police militaire et le rôle-clé que la police
17 militaire, avec ses communications, joue au sein du HVO.
18 Il dit que :
19 "Le niveau de communications est, dans l'essentiel, satisfaisant," et
20 que, "toutes les unités, toutes les stations, tous les centres de
21 communication sont reliés un réseau téléphonique automatique…"
22 Et puis, au point 2(a), il parle de :
23 "… répéteurs qui ont été installés." Il dit qu'ils ont de "bonnes
24 communications sur 70 % du territoire de la HZ HB. Les communications par
25 les UHF existent au niveau de toutes les administrations des bataillons
26 (Ljubuski, Dretelj, Mostar, Livno, Vitez).
27 "Les communications par radio recouvrent l'ensemble de la zone frontalière
28 vers la Croatie.
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1 "De manière générale, tous les postes de contrôle sont connectés, et nous
2 arrivons à fournir un minimum de ressources pour les activités de combat."
3 Plus loin, au milieu de la page suivante, M. Coric continue :
4 "En plus de ces difficultés qui ont été évoquées au niveau du
5 fonctionnement, il est important de signaler que le système de
6 communications de la police militaire du HVO a constitué le fondement pour
7 s'assurer que les communications fonctionnent pendant les activités de
8 combat quasiment dans la totalité de la HZ HB, et en particulier à Prozor
9 et à Mostar, les champs de bataille à ces endroits-là, pendant la période
10 passée." A savoir, de janvier à juin 1993.
11 Peut-être que les communications ne sont pas tout à fait parfaites, mais
12 elles fonctionnent très, très bien.
13 Puisque nous avons encore ce document, avant de changer de sujet.
14 Est-ce que je peux parler de la section 2.4, où Coric dit que :
15 "Pendant la période passée, il y a eu plus de 6 000 prisonniers de guerre
16 dans des prisons en Herceg-Bosna."
17 Monsieur le Président, il ne faut pas oublier que ce rapport concerne la
18 période qui précède le 30 juin, à savoir la campagne d'arrestation.
19 Coric continue :
20 "Il y a plus de 4 000 prisonniers dans les prisons. Sur cet ensemble,
21 plusieurs centaines sont des membres de l'armée serbe et un grand nombre
22 sont des membres de l'ABiH."
23 Le général Praljak vous dira que pendant cette même période, les membres de
24 l'ABiH étaient leurs alliés jusqu'à la grande trahison du 30 juin. Inutile
25 de souligner que tel n'était pas le cas.
26 Coric continue en disant que :
27 "Un grand nombre de prisonniers sont affectés à des travaux, ce qui leur
28 donne la possibilité de s'évader de la prison."
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1 Il y a eu des personnes qui ont été blessées par balle. Nous avons vu que
2 cela s'est produit à l'été 1993. Il n'attache aucune importance au fait que
3 c'est illégal d'employer des hommes de cette manière-là, de les envoyer
4 travailler dans des situations dangereuses, voire même de les envoyer au
5 travail simplement pour apporter le soutien à l'effort de guerre du HVO.
6 Ce qu'il dit plus loin, c'est que :
7 "Il y a eu désignation des responsables des prisons qui sont responsables
8 de la coordination de l'ensemble des tâches. La police militaire a pour
9 mission de fournir la sécurité pour les prisonniers."
10 Le rôle joué par la police militaire est de fournir la sécurité, donc la
11 responsabilité des responsables des prisons ne relève pas de la
12 responsabilité de la police militaire. Alors, si tel est le cas, pourquoi
13 est-ce qu'il en parle dans son rapport ?
14 Maintenant, restons toujours sur ce même document, le P 03090. C'est un
15 document encore plus frappant à propos des connaissances très détaillées
16 qu'avait M. Coric sur la police militaire lorsqu'elle participait à des
17 opérations de combat. Si vous allez à la page 5 de ce rapport, jusqu'aux
18 pages 6 et 7, ici, il parle -- c'est un rapport qui va de janvier à juin
19 dans la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord.
20 Page 6, s'il vous plaît, en anglais. On voit le niveau de détail dont il
21 dispose et les connaissances dont il dispose :
22 "En parlant de cette zone opérationnelle, le 2e Bataillon léger d'attaque
23 doit être félicité pour ce qu'il a accompli lors des opérations de combat à
24 Prozor, Gornji Vakuf et Mostar.
25 '… les policiers militaires ont participé à toutes les grandes opérations
26 de combat depuis le début de la guerre…"
27 Il est tout à fait ravi d'être félicité pour cela.
28 Un peu plus loin maintenant :
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1 "Le 18 janvier 1993," très certainement, "à 4 heures" du matin, "l'attaque
2 de grande envergure a été lancée par les nouvelles unités du HVO qui
3 venaient d'arriver ainsi que par les unités de la police militaire du HVO
4 sur les villages et sur les collines surplombant la région qui était tenue
5 par les unités de l'ABiH.
6 "… les unités de la police militaire ont été commandées par le commandant,"
7 Monsieur Jelic, "le commandant du 1er Bataillon d'assaut et par le
8 commandant du 2e Bataillon de la Police militaire."
9 Ensuite, il parle des policiers qui on pris le village d'Uzricje, Zdrince.
10 Page suivante, s'il vous plaît :
11 "Simultanément, les membres du 2e Bataillon de Prozor ont pris le contrôle
12 de plusieurs villages et de plusieurs reliefs qui étaient précédemment
13 tenus par l'ABiH…"
14 Ensuite : "Le 22 janvier 1993, les membres du 1er Bataillon d'assaut léger
15 ont lancé l'attaque sur le village de Rimcev Gaj, qui était un bastion
16 important de l'ABiH. L'attaque a commencé à 4 heures du matin."
17 Et cetera, et cetera.
18 Là encore, si ces soldats qui participaient à ces opérations ne faisaient
19 pas partie de sa police militaire, pourquoi est-ce qu'il en rendrait compte
20 dans ce cas-là ? Il est tout à fait ravi qu'on lui attribue tout le mérite,
21 mais il ne veut pas endosser la responsabilité. Donc il a équipé les
22 soldats quand même et il les a mis sur le terrain. Ils sont à lui, même si
23 d'autres personnes sur la brigade exerçaient le contrôle sur ces soldats
24 pendant ces combats au cours de ces opérations bien précises. Ce sont quand
25 même --
26 P 03551. Que dit ce rapport ? Que pouvons-nous apprendre de tous ces
27 documents à propos de M. Coric et de ce qu'il savait sur ce qui se passait
28 à l'extérieur de son bureau au sein de l'administration de la police
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1 militaire ?
2 Ici, nous avons un document qui date du 19 juillet 1993. La campagne
3 d'arrestation a commencé, il y a des rafles dans toute l'Herceg-Bosna et
4 dans tous les territoires contrôlés par le HVO. Vous avez un rapport ici du
5 SIS de Mostar. En fait, c'est M. Coric qui répond à un rapport de
6 l'administration du SIS, de son agent qui se trouve à Tomislavgrad. Et il
7 dit :
8 "Nous vous informons que suite au nombre important de détenus
9 d'appartenance ethnique musulmane, nous ne pouvons accueillir les personnes
10 qui, d'après mon rapport, devraient être envoyées par vos soins à la prison
11 militaire centrale de Mostar. Il convient donc que vous les déteniez sur
12 votre zone opérationnelle."
13 Donc on voit que M. Coric a accès à des rapports du SIS, les lit en tout
14 cas. En tout cas, il lit celui-ci, puisqu'il s'agit du mouvement de
15 prisonniers. M. Coric, ici, sait exactement de combien de prisonniers ils
16 disposent à l'Heliodrom. Il sait que l'Heliodrom est plein, qu'il ne peut
17 plus recevoir qui que ce soit. En fait, il est un peu comme un contrôleur
18 aérien, c'est un aiguilleur du ciel. Il aiguille les prisonniers à droite,
19 à gauche, garde les uns ici, envoie les autres par là. Donc il exerce son
20 pouvoir sur tous et sur ce système de détention unique au sein duquel il
21 joue un rôle-clé.
22 Maintenant, passons à la pièce P 5497. Pour ce qui est du reporting et de
23 ce que M. Coric savait des structures de la police militaire, nous allons
24 maintenant parler du 5e Bataillon de la police militaire basé à Mostar, qui
25 disposait de compagnies dans toute la zone opérationnelle de l'Herzégovine
26 du sud-est. Donc, jusqu'en juin, il s'agit du 3e Bataillon de Police
27 militaire, jusqu'à la réorganisation.
28 Il s'agit d'un rapport mensuel sur les travaux de ce 5e Bataillon de
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1 Police militaire pour le mois de septembre 1993. A la page 2 -- au bas de
2 la page 1, il est écrit :
3 "Sécurité. Au cours du mois écoulé, le 5e Bataillon de Police
4 militaire a monté la garde auprès d'installations et de personnes
5 importantes."
6 Et ensuite, vous avez une liste de toutes les installations qui ont été
7 gardés, où des membres de ce 5e Bataillon militaire de M. Coric ont été
8 envoyés pour assurer la sécurité. Soit à des personnes qui sont liées à la
9 présidence ou au gouvernement du HZ HB, comme M. Boban, par exemple, à
10 Grude. On le voit en bas de la page. Mais ils assurent aussi la sécurité --
11 là, c'est plutôt des gardes, en fait, des gardiens de prisons. Il envoie
12 aussi des personnes pour servir de gardiens de prison.
13 Ici :
14 "La sécurité auprès de l'installation de détention préventive
15 militaire à l'Heliport - 21 policiers."
16 Ensuite, sécurité assurée à la caserne de Dretelj - 6 policiers militaires.
17 Ensuite, assurer la sécurité des prisonniers à Dretelj - 10 policiers.
18 Sécurité du poste de police militaire à Stolac - 4 policiers. Ensuite, même
19 chose pour Neum, Ljubuski et le dispensaire de Citluk. Donc il a des
20 subordonnés dans son 5e Bataillon militaire qui se trouvent déployés sur
21 toute la zone opérationnelle et qui lui rendent tous compte, qu'ils lui
22 donnent des informations à propos de l'évolution des choses sur le terrain.
23 La plupart d'entre eux d'ailleurs sont, en fait, gardiens de prison et
24 encadrent les prisonniers dans les prisons.
25 Ensuite, vers le bas de la page, on voit 23 policiers militaires pour
26 la prison de Ljubuski.
27 Et ensuite, on dit :
28 "Donc, en septembre, en tout, 174 membres du 5e Bataillon de Police
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1 militaire étaient affectés à des tâches de sécurité."
2 Ensuite, page 5, nous avons maintenant :
3 "Les postes de contrôle qui vérifient la circulation. Le 5e Bataillon
4 de Police militaire a tenu 19 points de contrôle permanents…" Et ensuite,
5 vous avez l'énumération de tous les lieux où se trouvaient ces postes de
6 contrôle."
7 Paragraphe 14 maintenant. Que voyons-nous ici ? Troisième page, avant-
8 dernier paragraphe.
9 "En ce qui concerne la sécurité des prisonniers de l'Heliport, nous nous
10 sommes rendu compte que les prisonniers qui étaient envoyés travailler sur
11 la ligne de front ne revenaient pas toujours tous et qu'un grand nombre
12 d'entre eux étaient blessés ou mutilés."
13 Encore un rapport qui émane de son bataillon, du 5e Bataillon de Police
14 militaire, envoyé à Coric pour rendre compte du sort des prisonniers qui
15 sont détenus à l'Heliodrom.
16 Bas de la page 16 maintenant, vous voyez qu'il s'agit encore d'un document
17 pour l'administration de la police militaire, donc qui est aussi envoyé à
18 M. Coric.
19 Il y a un tableau qui vous servira sans doute. Il est à la page 17 de
20 ce rapport. Il est très utile parce qu'on voit quelles sont les unités de
21 ce 5e Bataillon de Police militaire qui rendent compte à M. Coric. Vous les
22 retrouvez toutes sur ce tableau. On voit les commandants de bataillon. On
23 voit l'énumération des compagnies. Les compagnies, elles, sont déployées
24 sur le terrain. On les envoie comme à Capljina, Ljubuski. Puis ensuite, il
25 a des références aux sections de brigade; donc ce sont des brigades de
26 police militaire qui se trouvent dans une brigade tout en restant intégrées
27 à la structure du 5e Bataillon de Police militaire.
28 Revenons-en au P 03090, le rapport de M. Coric sur les travaux
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1 effectués par la police militaire de janvier à juin 1993, le bilan de ce
2 semestre.
3 Ici, vous avez un organigramme qui est joint au rapport et qui montre
4 quelles sont les unités qui lui sont directement subordonnées. A nouveau,
5 là, on voit qu'il y a un adjoint du chef chargé de la zone opérationnelle
6 d'Herzégovine du sud-est. Donc, sous M. Coric, M. Lavric, qui était
7 l'adjoint du chef de l'administration de la police militaire. Ensuite, on
8 voit la zone de Mostar, donc c'est l'Herzégovine de sud-est, ensuite le
9 bataillon d'assaut, puis le 5e Bataillon. Enfin, toujours cette structure,
10 c'est toujours la même chose.
11 On peut dire que le 1er Bataillon d'assaut a été subordonné au général
12 Praljak et à l'état-major principal le 29 août 1993. Mais il y a des
13 policiers militaires qui, eux, ne sont pas affectés par cette
14 subordination, et ce sont les membres du 5e Bataillon de Police militaire
15 ainsi que les membres des brigades de la police militaire. Et tous, y
16 compris les membres du 1er Bataillon d'assaut, lorsqu'il y a cette
17 resubordination à la fin août 1993, tous ceux qui appartenaient à la police
18 militaire restent sous le contrôle de M. Coric. C'est lui qui détient le
19 pouvoir sur eux.
20 Monsieur le Président, je pense qu'il serait peut-être l'heure de faire la
21 pause.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro] -- faire la pause de 20 minutes.
23 --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.
24 --- L'audience est reprise à 10 heures 53.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
26 M. STRINGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 Je vais rester sur cette question du reporting de l'information au sein de
28 la structure de la police militaire. Pourrions-nous passer, s'il vous
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1 plaît, à huis clos partiel, très rapidement.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
4 partiel, Messieurs les Juges.
5 [Audience à huis clos partiel]
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2 [Audience publique]
3 M. STRINGER : [interprétation] P 03401. Il s'agit d'un rapport en date du
4 12 juillet 1993 de la 4e Brigade de Police militaire à Ljubuski. Ici, vous
5 remarquerez en bas de la page 1 :
6 "A Rama, la police militaire a arrêté 237 Musulmans et les a emmenés à la
7 prison de Ljubuski. Le commandant Prlic a contacté le commandant de la
8 police militaire à Capljina, Ancic, et le chef de la police militaire,
9 Valentin Coric, et a obtenu l'autorisation de transférer les prisonniers
10 mentionnés ci-dessus à la prison militaire de Dretelj à Capljina. Une
11 patrouille de la brigade de la police militaire les a emmenés à Capljina."
12 Ensuite le rapport se poursuit :
13 "Sur ordre de M. Tomic, nous avons pris 20 prisons," il est écrit prisons,
14 "sous escorte de police militaire au poste de commandement avancé, IZM,
15 pour travaux. Ensuite, ils sont rentrés à la prison le soir, toujours sous
16 escorte de la police militaire."
17 Pièce suivante maintenant, la pièce P 03121. Il s'agit d'un rapport de la
18 3e Compagnie du 3e Bataillon de Police militaire à Capljina. Là encore, il
19 ne s'agit pas de la police militaire de la brigade, mais c'est la 3e
20 Compagnie du 3e Bataillon de police militaire. Et ceci, ça se passe en
21 juillet, le 2 juillet 1993. Rapport du commandant de la 3e Compagnie qui se
22 trouve sur place, M. Bogdanovic. Vous voyez en fin de document que ceci a
23 été envoyé au commandement du 3e Bataillon et de l'administration de la
24 police militaire aussi.
25 Il y a un rapport sur dix policiers de police militaire qui ont
26 assuré la garde auprès de la caserne de Dretelj, où les Musulmans arrêtés
27 sont détenus. Il n'y a pas de problème.
28 Ensuite, on voit que :
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1 "Une section de police militaire à Stolac a été employée pour rafler
2 des Musulmans…"
3 Plus loin, on a des références aux postes de contrôle, à leur utilité
4 dans le cadre de la campagne en cours. Donc, là, je vous rappelle, on est
5 le 2 juillet 1993. Et donc : "On utilise des points de contrôle, surtout
6 ceux qui sont près d'endroits où habitent les Musulmans parce qu'on pense
7 que les Musulmans vont essayer de se cacher, et il serait très difficile de
8 les arrêter."
9 Ensuite, ça se poursuit :
10 "La mission de les amener a été effectuée par la 1ère Brigade de Knez
11 Domagoj et la brigade de la police, des membres du MUP de Capljina et nos
12 membres," et cetera.
13 Ensuite :
14 "Dans l'après-midi, six autocars avec des Musulmans à bord sont venus
15 depuis l'Heliodrom. Toutes les personnes venues ont été hébergées dans les
16 bâtiments de la caserne de Dretelj, et on a dressé les listes."
17 Et ensuite, le P 03055. Ça, c'est en date de la veille, 1er juillet
18 1993. Ça porte toujours sur le même point. Il s'agit d'un ordre -- il
19 s'agit, en fait, d'un document rédigé par Zvonko Vidovic et Stanko Bozic.
20 Donc ils reprennent un ordre de M. Pusic visant à transférer 200 détenus
21 qui se trouvent dans la prison en détention préventive militaire de Mostar
22 à la prison à Capljina. Là encore, on voit un ordre qui vient de Pusic qui
23 envoie 200 prisonniers dans la prison de Capljina, alors qu'au document
24 précédent, le P 03121, le subordonné de M. Coric au sein du 3e Bataillon de
25 la Police militaire, M. Bogdanovic, rend compte du fait que les Musulmans
26 sont arrivés à bord d'autocars depuis l'Heliodrom.
27 Donc c'est assez parlant. Cela nous dit tout d'abord que tout ceci se fait
28 sous l'égide d'un seul système de prisons unifié qui est sous la compétence
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1 et sous l'autorité de la police militaire, et au sein de tout ce système,
2 on transfère les prisonniers à droite, à gauche, de la façon qui rend
3 service, en fait, à MM. Coric, Pusic et d'autres.
4 Donc il n'y a pas de référence au colonel Obradovic. Il n'a aucun rôle à
5 jouer sur l'approbation du transfert de ces prisonniers. Pourtant, malgré
6 ce que dit la Défense Coric, ce serait, paraît-il, Obradovic qui aurait eu
7 le seul pouvoir sur toutes ces installations pénitentiaires situées dans la
8 zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est, y compris l'Heliodrom. Ça,
9 c'est ce que nous dit M. Coric aux paragraphes 460 et 468 de son mémoire en
10 clôture.
11 Pièce suivante maintenant, la pièce P 03347. Toujours un rapport de M.
12 Bogdanovic. Nous avons commencé un petit peu en retard, mais j'essaie de
13 gagner du temps.
14 Enfin, passons à la pièce P 05869. Il s'agit toujours de cette même
15 question de la circulation d'informations et du reporting pour savoir
16 quelles sont les unités au sein de la police militaire qui font rapport à
17 M. Coric, quels types d'informations lui étaient rapportées, et cetera.
18 Donc, ici, nous avons un rapport du 14 octobre 1993 -- en fait, c'est un PV
19 de la réunion mensuelle de tous les chefs de l'administration de la police
20 militaire et des commandants des bataillons de police militaire, réunion
21 qui s'est tenue le 10 octobre 1993.
22 M. Coric est cité en premier parmi la liste des présents, ensuite viennent
23 M. Lavric, l'adjoint du chef, et d'autres. Vous les voyez à la page 2 du
24 document.
25 Ce qui est important ici, ce n'est pas tant la teneur du PV, mais ce qui
26 est discuté à l'ordre du jour. Que voit-on à l'ordre du jour pour cette
27 réunion ?
28 "Premier point : présentation des rapports mensuels sur les travaux
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1 effectués le mois précédent."
2 Puis :
3 "Point 1. Les rapports sur les travaux du mois précédent ont été présentés
4 et ont été discutés de façon exhaustive et analysés par tous les
5 participants.
6 "Point 2. Sur la base de ces rapports présentés et sur la base de la
7 situation telle qu'elle est et sur les tâches prioritaires de la police
8 militaire, la réunion a fait les recommandations suivantes."
9 Donc nous voyons qu'il y avait des réunions mensuelles régulières entre M.
10 Coric et tous ses commandants et les subordonnés de ses commandants, et au
11 cours de ces réunions, on abordait le sujet de tous ces rapports mensuels.
12 Maintenant, je vais parler des travaux forcés et de l'emploi des
13 prisonniers venant de l'Heliodrom à cette fin.
14 C'est confidentiel, donc je ne vais pas demander que ce soit diffusé, mais
15 vous vous souviendrez très certainement de l'annexe M confidentielle qui a
16 été jointe au mémoire en clôture de l'Accusation. Il y a une table
17 reprenant 235 ordres approuvant l'emploi des prisonniers pour les travaux
18 forcés. La plupart de ces ordres sont rédigés par un Zlatan Mijo Jelic, qui
19 est le subordonné direct de M. Coric, et qui commande le 1er Bataillon
20 d'assaut léger. C'est principalement ce 1er Bataillon d'assaut qui reçoit
21 l'essentiel de ces prisonniers pour travaux forcés. En fait, ces
22 prisonniers travaillent principalement pour le 1er Bataillon d'assaut.
23 Mais il n'y a aucune indication sur ces documents que le colonel Obradovic
24 ait joué le moindre rôle dans ces autorisations.
25 Le P 04259. C'est un rapport en date du 17 août 1993. C'est un des nombreux
26 rapports rédigés par Bozic, le gardien principal de l'Heliodrom. Il fait
27 rapport principalement à Coric pour l'informer des prisonniers qui ont été
28 tués ou blessés à Mostar alors qu'ils effectuaient des travaux forcés.
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1 D'ailleurs, les rapports de M. Bozic à M. Coric à propos de tout ceci se
2 trouvent dans cette annexe confidentielle M du mémoire de l'Accusation.
3 Pièce 4259. Bozic rendant compte du fait que 90 prisonniers ont été envoyés
4 aux travaux forcés, le 13 août 1993. On voit que dix d'entre eux, ensuite,
5 ont été blessés.
6 Ceci est envoyé à M. Coric ainsi qu'à M. Zlatan Mijo Jelic.
7 M. Bozic n'enverrait pas ce type de rapport ou tous les autres rapports du
8 même type à M. Coric s'il ne considérait pas que c'était ce M. Coric qui
9 était en charge et responsable des prisonniers détenus à l'Heliodrom.
10 Monsieur le Président, pourrions-nous passer à huis clos partiel pour une
11 minute.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
14 partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
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7 [Audience publique]
8 M. STRINGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus que
9 quelques documents à vous présenter sur la question de la séparation des
10 prisonniers détenus ici à l'Heliodrom. La Défense voudrait vous faire
11 croire que, et le général Praljak aussi, tout comme le général Petkovic,
12 pendant leur témoignage, il n'y avait que des Musulmans qui avaient été
13 membres du HVO qui ont été utilisés à des fins de travaux forcés, vous ont-
14 ils dit.
15 Regardez la pièce P 04675. Un rapport de M. Bozic en date du 31 août 1993.
16 Il fait état du fait que 60 détenus ont été remis à qui de droit pour des
17 travaux forcés. L'un d'entre eux a été tué, il s'appelait Asim Drljevic. Ce
18 jour-là, neuf détenus ont été blessés. Quatre ont dû rester hospitalisés,
19 et vous avez leurs noms. Le premier c'est Almir Spuzevic.
20 P 04680. Ce rapport vient d'une autre source, mais il concerne la même
21 journée, celle du 31 août 1993. Il y est dit que deux prisonniers ont été
22 tués aujourd'hui, 25 ont été blessés alors qu'ils travaillaient dans la rue
23 Ricina. On donne le nom des blessés. Ils sont au nombre de 26. Page 2,
24 voyez, au numéro 16, vous avez Sanel Muslic, né en 1975. Et ce document
25 porte le sceau "Accusé de réception" de la police militaire.
26 Nous allons nous intéresser à ces deux personnes, à M. Muslic et à M.
27 Spuzevic. Quel était leur statut ? Etait-ce d'anciens membres musulmans du
28 HVO ? Non.
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1 Regardez la pièce P 03013. C'est une liste établie par le HVO des personnes
2 placées en détention dans le centre militaire de détention préventive le 30
3 juin 1993, le jour où commença la campagne d'arrestation.
4 Vous trouvez un très grand nombre de noms ici dans cette liste, et il y a
5 beaucoup de listes du même genre pour ce jour-là, comme pour les jours
6 suivants.
7 Page 23 dans la version en anglais de cette liste -- pardon, page 4 en
8 anglais, point 23, il est fait référence ici à Almir Spuzevic; or, nous
9 venons de voir qu'il avait été blessé le 31 août 1993, comme le disait le
10 rapport de Bozic. La liste du 30 juin nous dit qu'il habitait à Mostar et
11 qu'il n'était pas inscrit à l'armée au moment où il a été arrêté le 30
12 juin. Ceci nous dit dès lors que pendant tout le mois de juillet et pendant
13 tout le mois d'août jusqu'à la fin du mois d'août, 31 août, jusqu'au moment
14 où il a été blessé alors qu'il travaillait au front, M. Spuzevic est resté
15 sous la garde du HVO pendant toute cette période. Ce sont les archives
16 mêmes du HVO qui nous disent que ce n'était pas un militaire. C'était un
17 civil.
18 Page 7 de cette même liste de prisonniers, point 56, il est question d'un
19 certain Samir, fils d'Ibrahim, Samir Muslic, né le 11 février 1975 à
20 Mostar. Le 11 février 1975; il avait donc 18 ans ce jour-là, à l'époque. Il
21 est en âge de porter les armes, mais c'est encore un jeune homme.
22 Et de l'avis de l'Accusation, c'est lui cet autre homme mentionné dans ce
23 rapport du 31 août. Pourtant, on dit qu'il a été blessé alors qu'il
24 travaillait sur la ligne de front. Et ceci nous dit que lui aussi il
25 s'était trouvé pendant deux mois entiers à l'Heliodrom, et les archives du
26 HVO montrent elles-mêmes que ce n'était pas un militaire, que ce n'était
27 pas un ancien membre du HVO.
28 Si vous regardez cette page, et tout ce document qui porte la cote P 03013,
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1 vous trouverez de nombreuses références à des hommes qui n'étaient pas des
2 militaires. J'en prends quelques-uns ici -- parce qu'on a même estimé de
3 certains qu'ils n'étaient pas bons pour le service. Regardez le numéro 48,
4 le numéro 54 qui n'a pas été recruté parce qu'il avait eu une crise
5 cardiaque. Et nous savons que les civils ont été maintenus en détention
6 avec des prisonniers de guerre, avec des Musulmans qui avaient été membres
7 du HVO. On n'a pas fait de séparation alors que c'est cela qu'exige le
8 droit international humanitaire, et vous avez nos conclusions sur ce point,
9 vous les avez dans notre mémoire en clôture.
10 Coric, dans son mémoire en clôture, et c'est assez remarquable qu'il le
11 fasse, de l'avis de l'Accusation, c'est assez étonnant, lui, il montre du
12 doigt, lorsqu'il s'agit de la responsabilité pour travaux forcés, un autre
13 directeur de prison, comme M. Bozic, qui envoie des dizaines de rapports
14 directement à M. Coric, à M. Jelic et à d'autres pour se plaindre de
15 l'utilisation qu'on fait des prisonniers pour travaux forcés, qui dit
16 aussitôt s'il y a des blessés, des tués. Paragraphe 475 du mémoire Coric :
17 "Les éléments de preuve documentaires montrent la responsabilité qu'ont les
18 directeurs de prison lorsqu'il s'agit d'utilisation des prisonniers pour
19 des travaux forcés."
20 Des documents sont cités, par exemple, la pièce P 04233. Mais qu'est-ce
21 qu'elle dit cette pièce 04233 ? Elle porte la date du 16 août 1993. C'est
22 une lettre envoyée à M. Zarko Tole, chef de l'état-major principal. Et
23 c'est envoyé par un membre du 5e Bataillon de la Police militaire de M.
24 Coric, M. Josip Praljak. Rappelez-vous, c'était le directeur adjoint de
25 l'Heliodrom, il travaillait avec M. Bozic. Dans ce document qu'il envoie à
26 l'état-major principal, M. Josip Praljak dit ceci, il parle de :
27 "… photocopies de rapports envoyés dans les temps afin de mettre fin à
28 cette pratique qu'a la police militaire d'emmener des détenus pour les
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1 faire travailler.
2 "Monsieur, nous demandons que vous, en votre qualité de chef, vous
3 interdisiez ce comportement des soldats qui emmènent les prisonniers pour
4 des travaux forcés, et il faudrait des sanctions sévères pour punir ce
5 genre de comportement."
6 Alors, plutôt que d'incriminer un directeur de prison, ce que fait M.
7 Coric, ce qu'il essaie de faire en utilisant ce document, ce document
8 montre, en réalité, que le directeur de prison ici, M. Praljak, l'adjoint
9 au directeur, essaie de communiquer avec l'état-major principal parce que,
10 justement, les directeurs ne reçoivent aucun soutien, aucune information de
11 M. Coric qui est chef de l'administration de la police militaire, alors que
12 ces directeurs essayaient de mettre fin à cette pratique généralisée de
13 travaux forcés et essayaient de porter à l'attention de M. Coric le nombre
14 de tués.
15 Ce n'est pas la seule fois qu'on essaie de faire ce genre de choses. On
16 verra que Stanko Bozic a essayé de faire la même chose, et il a fait part
17 directement de ses préoccupations à Mate Boban, le président de l'Herceg-
18 Bosna.
19 Monsieur le Président, me permettrez-vous de consacrer quelques minutes à
20 la question de la resubordination. Nous avons terminé de parler des travaux
21 forcés, du rôle joué par le commandant du 1er Bataillon d'assaut léger de la
22 Police militaire qui a avalisé ces activités de travaux forcés. Je parle là
23 de M. Jelic et le fait que ce 1er Bataillon de la Police militaire ait été
24 le premier à bénéficier de ces travaux forcés et le premier à participer à
25 cette utilisation à Mostar.
26 M. Coric vous demande de tenir compte du fait que fin août, plus
27 exactement le 28 août 1993, il a resubordonné la police militaire, en tout
28 cas son 1er Bataillon d'assaut léger, à M. Praljak et à l'état-major
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1 principal du HVO. Il s'agit là de la pièce P 03763.
2 Il n'y a aucune contestation sur ce fait. Le général Praljak, quand
3 il a déposé, en a parlé. Il a demandé ce rattachement et l'a obtenu. Et par
4 cet ordre, M. Coric place les bataillons d'assaut léger, dont le 1er
5 commandé par Mijo Jelic, sur le plan opérationnel pour les besoins de
6 combat sous les ordres de l'état-major principal du HVO.
7 Que dit M. Coric ? Il dit, Puisque j'ai fait cela, puisque c'est
8 l'état-major principal du HVO qui a pris ces éléments du 1er Bataillon
9 d'assaut léger et d'autres bataillons aussi, ceci m'a empêché moi, Coric,
10 d'empêcher la commission de crimes et m'a empêché d'utiliser ces soldats
11 pour combattre la criminalité et faire du véritable travail de maintien de
12 l'ordre, ou du travail de police militaire, à Mostar.
13 Alors, si vous pensez que M. Coric en aurait fait plus pour combattre
14 la criminalité s'il avait eu les moyens pour le faire, mais que c'est le
15 général Praljak qui a pris ces hommes dont il avait besoin, je pense qu'il
16 est utile de voir quelles étaient les activités de la police militaire, et
17 surtout les activités du 1er Bataillon d'assaut léger à Mostar avant qu'il
18 n'y ait cette resubordination qui intervient fin juillet 1993.
19 P 02802. Nous avons ici un rapport du 3e Bataillon de la Police
20 militaire à Mostar. La date est celle du 15 juin 1993, donc avant qu'il n'y
21 ait resubordination. "Accusé de réception", sceau de l'administration de la
22 police militaire.
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, constatez d'abord que le
24 rapport dit à la première page, que hier, la 1ère Compagnie a rédigé un
25 ordre d'expulsion pour l'appartement indiqué ici, et ceci montre que la
26 police militaire a continué ses activités d'occupation d'appartements qui
27 se trouvaient à Mostar.
28 Page suivante, Mate Ancic, l'auteur du rapport, dit :
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1 "Aucun acte répréhensible et aucun incident n'ont été signalés hier. Il n'y
2 a que le nettoyage ethnique de la ville, qui a été nettoyée de ses
3 habitants d'appartenance musulmane, qui a été signalé."
4 Puis :
5 "Les auteurs de ses actes étaient des membres du 4e Bataillon et des
6 membres du groupe antiterroriste…"
7 Ça vous donne une idée de la façon musclée dont la police militaire de
8 Mostar combattait la criminalité avant même cette question de la
9 resubordination intervenue, comme je le disais, fin juillet 1993.
10 Jetons un coup d'œil au document P 02879. Nous sommes à peu près à la
11 même époque. Nous avons déjà vu ce document. M. Lavric, au nom de M. Coric,
12 demande ici, donc au nom de l'administration de la police militaire, la
13 permission d'occuper tous ces appartements à l'intention de 137 membres de
14 la police militaire de Mostar. Nous savons que ceci se passe en plein
15 milieu d'une campagne violente d'évictions à Mostar ouest qui a pris son
16 envol précisément après les 9 et 10 mai 1993. On sait ce que faisait la
17 police militaire lorsqu'il s'agissait d'appartements. Avant qu'il n'y ait
18 la moindre resubordination, la police militaire prenait les appartements de
19 gens qui avaient été expulsés de chez eux.
20 Revenons à l'annexe confidentielle M' que nous n'allons pas afficher
21 puisqu'elle est confidentielle.
22 Regardez cette liste, et vous allez voir qu'il y a quelque 36 ordres
23 qui approuvent l'utilisation de prisonniers pour des travaux forcés. Ça
24 vient de M. Jelic, commandant du 1er Bataillon d'assaut léger. Ceci, c'est
25 avant le 28 juillet, parce que c'est seulement le 28 juillet que ce
26 bataillon a été resubordonné au général Praljak. Ceci nous montre que ce
27 bataillon d'assaut léger et M. Jelic étaient engagés de façon active à
28 l'utilisation des prisonniers de l'Heliodrom pour des travaux forcés bien
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1 avant qu'il n'y ait l'ordre de resubordination.
2 Revenez à cette annexe confidentielle M. La Chambre verra, bien
3 entendu, que M. Jelic et son bataillon ont continué d'utiliser ces
4 prisonniers à une cadence vraiment astronomique après la resubordination
5 effectuée par M. Coric à l'état-major principal. A cet égard, la
6 resubordination ne joue aucun rôle, n'a aucun effet en ce qui concerne ces
7 crimes.
8 Nous savons que c'est M. Jelic qui approuvait l'utilisation de toutes ces
9 personnes à des travaux forcés, comme le disent tous ces ordres, et il l'a
10 fait sous l'autorité de M. Valentin Coric. P 00352, page 27. Ceci est
11 extrait du journal du directeur adjoint, Josip Praljak. Vous vous souvenez,
12 il avait écrit à l'état-major principal pour dire qu'il fallait faire
13 quelque chose s'agissant des travaux forcés. Voici ce qu'il dit pour le 4
14 juillet 1993. On a demandé à Bozic s'il fallait prendre des prisonniers
15 pour les faire travailler. Bozic répond :
16 "Je suis d'accord pour la caserne et pour la police militaire pour
17 l'extérieur, mais je vais poser la question au chef."
18 Le lendemain, Praljak fait rapport d'une réunion avec Bozic au cours de
19 laquelle Bozic dit :
20 "Personne ne peut prendre de prisonniers pour des travaux forcés sans
21 l'accord préalable de Mijo Jevic ou de son adjoint, Dedo Primorac."
22 Des preuves montrent que M. Coric, qui a reçu beaucoup de rapports de
23 Bozic, c'était lui qui était investi de l'autorité, autorité qu'il a
24 déléguée pour approuver l'utilisation de prisonniers pour des travaux
25 forcés. Il a délégué cette autorité à M. Jelic, son subordonné, commandant
26 du 1er Bataillon d'assaut léger, ainsi qu'à M. Primorac. Dans ce cadre, il
27 est normal que vous voyiez les dizaines d'ordres donnés à l'annexe M qui
28 approuvent l'utilisation à des fins de travaux forcés, approbations données
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1 par ces deux individus.
2 Il convient de se souvenir que Coric concède, au paragraphe 484 de
3 son mémoire, que M. Jelic est resté membre de la police militaire même
4 après avoir été muté pour la défense de Mostar. A tous les moments, il a
5 été membre de la police militaire, et il a toujours été subordonné direct
6 hiérarchiquement de M. Coric.
7 Monsieur le Président, est-ce que nous pourrions passer quelques instants,
8 et ce sera la dernière fois, à huis clos partiel.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur
11 le Président
12 [Audience à huis clos partiel]
14 (expurgé)
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16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
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23 (expurgé)
24 (expurgé)
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28 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 [Audience publique]
6 M. STRINGER : [interprétation] P 05554. Je reviens à la question de l'effet
7 que peut avoir, pour ce qui est des tâches de la population, le
8 redéploiement du 1er Bataillon d'assaut léger de la Police militaire qui
9 est passé sous les égides du général Praljak fin juillet 1993. Regardons,
10 ici, nous sommes le 1er octobre. Ce n'est pas un rapport de la police
11 militaire. C'est un rapport du SIS qui fait état de l'enlèvement
12 de Musulmans du quartier Centar -- c'est survenu le 22 septembre. On
13 voit Vinko Martinovic, alias Stela, qui a été condamné par ce Tribunal
14 pour ces crimes précis, qui arrive à la défense de Mostar, qui se trouvait
15 alors sous le commandement de M. Jelic. Il ne trouve pas Jelic, alors il
16 va chercher l'adjoint du 1er Bataillon d'assaut léger, M. Cavar. Lui,
17 manifestement, il était au courant de cette opération, parce qu'il avait
18 déjà préparé le plan, le schéma directeur de l'opération. Il avait
19 même des étiquettes qui disaient "sous le contrôle de la police
20 militaire" qu'on allait mettre sur les appartements. Combien de membres
21 y participent-ils ? On voit que l'appétit de la police militaire est
22 insatiable lorsqu'il s'agit de prendre les appartements à Mostar.
23 Le plan est dressé. Voilà, on transfère les femmes et les enfants sur
24 la rive gauche, on envoie les hommes à l'Heliodrom. Ils vont y être gardés
25 pour faire des travaux forcés plus tard, bien entendu.
26 Selon ce schéma directeur, on va réquisitionner tous les appartements
27 et on va mettre une étiquette sur chaque porte pour dire que ça
28 n'appartient plus à la personne à qui ça appartenait auparavant.
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1 Regardez la dernière page :
2 "Le commandant du secteur de la défense de Mostar, Zlatan Jelic,
3 alias Mijo, est aussi informé plus tard de cette opération, de même que le
4 colonel Ivan Andabak…"
5 Qu'est-ce que ceci nous dit, Monsieur le Président ? Le fait que M. Coric
6 ait rattaché le 1er Bataillon d'assaut léger un mois auparavant sous les
7 ordres de M. Praljak n'a eu aucun effet sur les activités de la police à
8 Mostar. Ce 1er Bataillon d'assaut léger, lui-même, se livrait à une
9 criminalité extrême à cette époque-là à Mostar, peu importe sous les ordres
10 de qui le faisait, de Praljak ou s'ils restaient sous l'égide de
11 l'administration de la police militaire. Ces éléments faisaient partie du
12 problème. Ce qu'on allait faire n'allait en aucune façon remédier à la
13 source des problèmes qu'il y avait à Mostar. Moi, je parle ici du cadre
14 général, le fait qu'on s'emparait de biens appartenant à des Musulmans, à
15 leurs logements, qu'on les expulsait de Mostar ouest pour les envoyer de
16 l'autre côté de la rivière. Et là, il y a un lien direct avec le plan de
17 l'Herceg-Bosna, et aucun élément ne prouve qu'à quelque moment que ce soit,
18 la police militaire ait essayé de remédier à cette situation pour faire sa
19 tâche qui lui revient, qui est le maintien de l'ordre.
20 Voyons ce qu'a dit la Chambre Milutinovic dans son jugement, car on y
21 trouve des termes que nous pensons utiles pour analyser la question de la
22 rétribution de la sanction imposée.
23 Voici ce que disait la Chambre Milutinovic :
24 "Les documents du commandement du Corps de Pristina et des unités
25 subordonnées prouvent que certaines mesures ont été prises à divers
26 échelons contre des membres des unités du Corps de Pristina déclarés
27 coupables de crimes d'assassinat, de viol, de vol. Même s'il a été conclu
28 ci-dessous que ces quelques poursuites engagées pour des membres de la VJ à
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1 Kosovo n'étaient manifestement pas suffisantes vu l'ampleur des infractions
2 commises, la Chambre conclut que ces éléments montrent que Lazarevic a pris
3 quelques sanctions disciplinaires à l'encontre de subordonnés responsables
4 des crimes de meurtre, de viol et d'appropriation de biens. Mais la Chambre
5 constate que les éléments de preuve ne montrent pas qu'on aurait engagé des
6 poursuites ou pris des mesures disciplinaires après des actes d'éviction
7 forcée des Kosovars de la part de membres de la VJ. La Chambre estime qu'il
8 y a eu, de façon généralisée, des déplacements forcés, comme nous le montre
9 le chapitre VII. Et l'absence de poursuites pénales suite à ces actes
10 soutient ce que dit l'Accusation, à savoir que Lazarevic avait l'intention
11 de veiller à ne pas poursuivre en justice les subordonnés responsables du
12 déplacement forcé des Kosovars."
13 Monsieur le Président, l'Accusation serait la première à convenir du fait
14 qu'au sein de l'administration de la police militaire, au sein des
15 compagnies, au sein 5e Bataillon de la Police militaire, il y avait des
16 hommes bons et braves qui essayaient de faire du bien, qui essayaient de
17 lutter contre toute cette criminalité généralisée. C'est pour ça que ces
18 rapports ont été écrits. Et, évidemment, certains ont été punis pour des
19 actes isolés de vol, de meurtre, de viol.
20 Coric le dit, il a pris des mesures disciplinaires contre quatre
21 membres de la police militaire qui étaient des gardes du corps de M. Prlic.
22 Ils avaient violé, et on les a évincés de la police militaire.
23 Il se peut que l'accusé n'ait pas voulu que des femmes soient violées, que
24 des gens soient tués, mais les éléments de preuve montrent que lui, à
25 l'instar des autres accusés, voulait que ces personnes disparaissent, s'en
26 aillent. Aucune preuve n'a été montrée qui montrerait qu'on essayait de
27 lutter contre la grande criminalité quand ces crimes de transfert forcé,
28 d'expulsion, d'occupation d'appartements, des crimes qui ont entraîné le
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1 départ déjà en grand nombre. Rien n'a été apporté comme preuve qui
2 attesterait du fait qu'on aurait pris des mesures disciplinaires parce
3 qu'il y aurait eu viol ou meurtre.
4 Ceci apparaît lorsqu'on examine la pièce P 03616. C'est le procès-
5 verbal d'une réunion d'un groupe de travail sur la criminalité à Mostar,
6 groupe qui essaie de combattre la criminalité et de trouver les auteurs de
7 ces crimes. Page 2, nous voyons M. Jurisic, qui est le procureur militaire.
8 C'est lui qui s'exprime le 21 juillet 1993, en pleines expulsions,
9 lorsqu'elles battent leur plein. Pendant cette même période, on expulse les
10 Musulmans de l'autre côté de la rivière, et M. Jurisic, que dit-il :
11 "On nous reproche le manquement de répondre à des ordres de mobilisation.
12 On nous reproche les crimes de guerre et d'avoir agi contre les forces
13 armées musulmanes, mais rien n'a été fait pour incriminer les criminels
14 dans la ville de Mostar."
15 Donc, comme je viens de le dire il y a quelques instants, on ne
16 rapporte aucun crime. Tout est calme. Tout ce que nous voyons, c'est
17 l'expulsion des Musulmans de Mostar ouest, et cela ne constitue pas un
18 comportement pénalement répréhensible. Et c'est le crime principal lié à la
19 réalisation de l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna. La police
20 militaire ne s'en est pas occupée du tout.
21 Monsieur le Président, c'est peut-être un document confidentiel, donc nous
22 n'allons pas le diffuser. P 11220. C'est un document qui nous montre qu'en
23 mars 1995, M. Coric, qui est ministre de l'Intérieur de la République
24 croate d'Herceg-Bosna, nomme Mijo Jelic au poste du chef du secteur de la
25 police spéciale du ministère des Affaires intérieures. Donc cette unité
26 d'élite, comme on l'évoque dans cet article, aura à sa tête un individu
27 nommé par Coric dont la mission est de gérer les autorisations pour des
28 centaines de prisonniers qui seront emmenés aux travaux forcés à la ligne
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1 de confrontation. Donc le 1er Bataillon d'assaut léger pourra prendre part
2 directement aux opérations de nettoyage ethnique à Mostar ouest. Donc cela
3 nous montre de manière très explicite quelle est la position de M. Coric
4 sur l'utilité du rôle joué par M. Jelic dans l'achèvement des projets de
5 l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.
6 Enfin, la dernière pièce, P 05792. Monsieur le Président, nous avons parlé
7 de nombreux rapports qui ont été envoyés à M. Coric du terrain, Capljina,
8 Dretelj, l'Heliodrom. M. Siljeg, de la zone opérationnelle, il envoie des
9 rapports à Mostar. Il demande que M. Coric agisse, qu'il fasse quelque
10 chose face aux écarts de conduite de la police militaire en Herzégovine du
11 nord-ouest.
12 Donc ce ne sont pas les seuls qui estiment que M. Coric a le pouvoir qui
13 lui permettrait de redresser le cours des choses, et j'en ai parlé déjà.
14 J'ai parlé de M. Praljak, qui écrit directement au chef de l'état-major du
15 HVO. Il se plaint du fait que les prisonniers sont utilisés pour aller
16 faire des travaux forcés, et des blessures et des morts qui ont résulté.
17 Nous avons ici une lettre très longue rédigée par M. Bozic qui
18 s'adresse au président de l'Herceg-Bosna, M. Boban.
19 Page 2, au premier point, que dit-il ? Il demande qu'on apporte une
20 solution à ce problème face à l'utilisation des prisonniers pour des
21 travaux. Il dit, Emmener les prisonniers travailler. Au point 2 :
22 "Blessures graves et souffrances infligées aux détenus." Et puis, il
23 continue.
24 Et nous voyons en haut du document qu'il y a une note. Le président Boban
25 l'a lu apparemment, et il a écrit au chef de la police militaire, Valentin
26 Coric :
27 "C'est un problème très sérieux. S'il vous plaît, prenez contact avec M.
28 Bozic. Tirez cela au clair dans la mesure de ce qui est possible et ce qui
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1 correspond aux exigences du droit international humanitaire."
2 Nous sommes le 10 octobre 1993. Donc nous savons qu'on continuera au-delà
3 de cette date à emmener les prisonniers aux travaux forcés. Nous savons
4 quelles sont les conditions qui prévalent pendant le reste de l'année 1993,
5 et le président de l'Herceg-Bosna lui-même, M. Boban, il pense que c'est M.
6 Coric à qui incombe la responsabilité et qui a le pouvoir, qui a la
7 capacité de se charger de résoudre ce problème. Bien entendu, nous savons
8 autre chose, à savoir nous avons vu de nombreux rapports qui ont été
9 envoyés à M. Coric. Et nous savons très bien qu'il était bien au courant de
10 l'ensemble des crimes qui se sont produits. Il n'a rien fait au sujet des
11 travaux forcés. La police militaire a continué de participer aux opérations
12 de purification ethnique de Mostar ouest, a continué d'installer ses
13 effectifs dans les appartements et les habitations abandonnés par les
14 Musulmans expulsés.
15 Monsieur le Président, j'aurai quelques arguments supplémentaires au sujet
16 de M. Coric, mais j'en ai terminé pour l'instant. Merci.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je crois que c'est M. Kruger.
18 M. KRUGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
19 Juges. Bonjour à toutes et à tous.
20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je prononcerai le réquisitoire
21 eu égard à M. Berislav Pusic, l'accusé numéro 6. Nous regrettons qu'il ne
22 soit pas présent dans le prétoire aujourd'hui, mais nous espérons qu'il
23 pourra nous suivre à l'écran.
24 Monsieur le Président, la substance de la défense de M. Pusic se trouve
25 résumée au premier paragraphe de son mémoire en clôture. Est-ce que nous
26 pouvons l'afficher, s'il vous plaît. Nous avons un problème, me semble-t-
27 il. Je n'arrive pas à le lire à l'écran, mais je vous en donne lecture.
28 Le tout premier paragraphe :
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1 "Pusic n'était qu'un petit fonctionnaire qui a participé en sa capacité
2 technique et administrative à l'échange et à la libération des prisonniers.
3 Il était dépourvu de tout pouvoir de jure ou de facto qui lui aurait permis
4 de donner des ordres à qui que ce soit ou qui lui aurait permis de
5 s'ingérer dans l'opération des centres de détention du Conseil croate de
6 défense. Pusic s'est contenté d'approuver, sans discussions, les décisions
7 prises par les organes et les responsables du HVO. Pusic n'était qu'un
8 petit rouage. Ce n'était pas un décisionnaire indépendant qui aurait pu
9 exercer un contrôle quelconque sur la politique et la pratique adoptées par
10 le HVO."
11 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si on admettait
12 cela - ce que l'Accusation n'accepte pas - Pusic, dans le tout premier
13 paragraphe du résumé qui reprend son rôle et sa position au sein du HVO, il
14 s'expose à une déclaration de culpabilité et à une peine de prison
15 conformément à la jurisprudence de ce Tribunal. L'affaire Kvocka,
16 justement, nous permet de voir comment il convient d'interpréter le rôle
17 joué par un petit rouage à un échelon inférieur dans le cadre d'une ECC. Et
18 je me permets de vous référer à l'accusé Prcac dans l'affaire Procureur
19 contre Kvocka et consorts. Celui-là a travaillé pendant 22 jours au camp
20 d'Omarska, où il a manipulé les listes des détenus, où il a pris des
21 renseignements sur les détenus nouvellement arrivés. Il s'est occupé du
22 transfert de détenus d'un camp vers un autre et il a géré le déplacement
23 des détenus au sein du camp.
24 Reportons-nous de manière tout à fait précise aux paragraphes 448 et 449.
25 D'après la Chambre de première instance, Prcac était entièrement au courant
26 du système qui prévalait dans les camps. Au paragraphe 457, malgré cela, il
27 a continué de travailler pendant 22 jours au camp d'Omarska où il a exécuté
28 ses tâches de manière efficace, effective et en toute indifférence. Et il a
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1 agi avec toute diligence, consciencieusement.
2 Et je me permets d'appeler votre attention sur le paragraphe 459, où
3 il est dit :
4 "Prcac a aidé sur le plan administratif le commandant du camp," et nous
5 voyons qu'il "portait les listes des détenus…"
6 Et à présent, voyons ce que dit le paragraphe 460 de ce jugement :
7 "Le rôle joué par Prcac dans le fonctionnement du camp a fourni un
8 service important. Ses tâches administratives représentaient l'un des
9 nombreux rouages du système du mauvais traitement sur une grande échelle."
10 Et la Chambre de première instance a conclu que même si Prcac n'a pas
11 pris part directement à la commission de quelque crime que ce soit, il a
12 été coupable, en tant que co-auteur, de crimes de persécution, d'assassinat
13 et de torture dans le cadre de l'entreprise criminelle commune. Il a été
14 condamné à une peine de prison de cinq ans, ce qui a été confirmé en appel.
15 Alors, par rapport à cela, si on acceptait les arguments de la
16 défense de Pusic, ces paragraphes s'appliqueraient à lui. Alors, il
17 conviendrait de le condamner au moins en tant que co-auteur des crimes
18 commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.
19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation affirme
20 néanmoins que Pusic a été bien davantage qu'un technicien insignifiant à un
21 niveau administratif, ce qu'il aimerait bien affirmer. Nous estimons que sa
22 responsabilité engageait à un niveau bien plus élevé.
23 Avant de parler du jugement Kvocka, il convient de noter que
24 s'agissant de Prcac, c'est le 27 mai 1993 que l'entreprise criminelle
25 commune d'Omarska a été conçue. Prcac n'a rejoint l'ECC
26 semaines plus tard. Il a commencé à travailler là uniquement le 15 juillet.
27 Il n'empêche que la déclaration de culpabilité de Prcac n'a posé aucun
28 problème ni à la Chambre de première instance ni à la Chambre d'arrêt pour
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1 condamner Prcac.
2 Pusic affirme que le paragraphe 230 de l'acte d'accusation, lorsqu'il
3 parle de la close d'exclusion, est incompatible avec le rôle de Pusic. Et
4 je dois dire que la jurisprudence du Tribunal reconnaît qu'une personne
5 peut rejoindre à un stade ultérieur l'ECC
6 responsable les auteurs uniquement des crimes qui ont été commis à partir
7 du moment où ils ont adhéré à l'ECC.
8 Voyons maintenant ce que dit le premier paragraphe de son paragraphe [comme
9 interprété] en clôture, du mémoire en clôture de Pusic. Il affirme que sa
10 défense se fonde sur un examen attentif des éléments de preuve. Cet examen
11 attentif, en fait, se résume à la mise en exergue de manière tout à fait
12 sélective de certaines bribes d'éléments de preuve et de témoignages et
13 d'affirmer sur la base de cela que l'ensemble des éléments de preuve de
14 l'Accusation qui indiquent la participation de Pusic à l'ECC, finalement,
15 ne prouvent rien du tout. Sur papier, dit-il : "Oui, j'avais des pouvoirs,
16 mais en fait, réellement, je n'en avais pas du tout."
17 Pusic affirme cela comme étant une défense sérieuse, mais cela se confronte
18 à plusieurs dilemmes.
19 Le premier dilemme devant lequel se trouve la Défense de Pusic est le
20 suivant : la Défense de Pusic avait déjà présenté l'ensemble de leurs
21 arguments à la Chambre de première instance précédemment, pendant nos
22 arguments en application de l'article 98 bis en janvier 2008. Dans sa
23 décision, la Chambre de première instance a constaté comme suit, au compte
24 rendu d'audience pages 27 236 jusqu'à 37, le 20 février de l'an 2008, le
25 suivant :
26 "A la lumière des éléments de preuve présentés, un juge raisonnable du fait
27 pourrait constater au-delà de tout doute raisonnable que l'accusé Pusic a
28 joué un rôle de dirigeant et a participé à l'objectif criminel commun
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1 d'expulser les Musulmans du territoire de l'Herceg-Bosna par la force et
2 par d'autres moyens répréhensibles et qu'il a pris part à leur entreprise
3 criminelle commune par ses actes et par ses omissions en tant qu'un
4 officier de la police militaire du HVO responsable des échanges des
5 Musulmans de Bosnie détenus par le HVO, en tant que chef du service chargé
6 de l'échange des prisonniers et d'autres personnes, et en tant que
7 président de la commission responsable de l'ensemble des prisons et des
8 centres de détention de l'Herceg-Bosna."
9 A partir de ce moment-là, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la
10 Défense Pusic n'a présenté aucun autre élément de preuve. Rien qui aurait
11 pu, de manière convaincante, persuader la Chambre de première instance de
12 modifier sa conclusion. Donc le dilemme devant lequel se trouve la Défense
13 Pusic est le suivant : la Chambre de première instance doit donc apprécier
14 la responsabilité pénale de Pusic pour les crimes pour lesquels il est mis
15 en cause sur la base de ces mêmes éléments de preuve qu'elle avait
16 considérés précédemment comme étant suffisants au-delà de tout doute
17 raisonnable.
18 Alors, le deuxième dilemme pour la Défense Pusic est le suivant :
19 Pusic admet, en effet, que les éléments de preuve présentés devant la
20 Chambre de première instance montrent qu'il a détenu et qu'il a exercé un
21 certain pouvoir. Alors, comment cherche-t-il à résoudre ce problème ? Il se
22 contente d'affirmer que tout simplement, il n'a détenu aucun pouvoir, qu'il
23 n'en a eu aucun. Et par conséquent, que dit-il : "Je reconnais ce que j'ai
24 dit en 1993 et ce que semble monter l'ensemble des éléments de preuve, mais
25 ne prenez pas cela en compte et je vais accepter ce que je suis en train de
26 vous dire. Je n'avais aucun pouvoir, aucune autorité."
27 Ce qui nous amène au point 3. Pusic affirme qu'il n'avait aucun pouvoir,
28 aucune autre autorité, mais cela ne dépendait aucunement d'un élément de
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1 preuve. Cela ne se forme que sur les affirmations avancées par Pusic dans
2 son mémoire en clôture. Et ce qui est absurde, c'est que Pusic affirme
3 qu'il a exagéré ou menti au sujet de son autorité en 1993. Voyez page 39 de
4 son mémoire en clôture. Toutefois, maintenant face à une possible peine de
5 prison, Pusic dirait la vérité quand il dit qu'il n'a eu aucune autorité.
6 Alors, ça, c'est un dilemme placé devant la Défense Pusic. Donc il faut
7 qu'il reconnaisse que M. Pusic est connu comme menteur et opportuniste, et
8 en même temps, il faudrait qu'ils essaient de convaincre la Chambre de
9 première instance que ce qu'il affirme maintenant constitue la vérité et
10 que ce n'est pas une tentative opportuniste d'éviter une peine de prison.
11 L'Accusation soumet que lorsque M. Pusic se contente de simplement
12 affirmer son innocence, sans que ce soit étayé par une déclaration sous
13 serment ou un autre élément de preuve, que cela ne suffit pas pour résoudre
14 ces dilemmes.
15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation affirme qu'il a
16 été solidement présenté dans les arguments en application du 98 bis le 5
17 février 2008, ainsi que de nouveau par l'Accusation dans son mémoire en
18 clôture, et ce, de manière détaillée, comment les éléments des preuve qui
19 ont été avancés au sujet de M. Pusic prouvent au-delà de toute doute
20 raisonnable qu'il a été membre et qu'il a participé à l'entreprise
21 criminelle commune pour laquelle il est mis en cause et que sa
22 responsabilité pénale est engagée pour des crimes qui lui sont
23 reprochés.Tous les éléments pour toutes les allégations rapportées contre
24 Berislav Pusic, de manière spécifique, exhaustive et claire, ont été cités.
25 Et ces éléments de preuve ne sont pas fortuits, des cas isolés ou
26 fantaisistes. Il s'agit d'éléments convaincants et cohérents démontrant
27 quel a été le rôle joué par Pusic dans le cadre de l'entreprise criminelle
28 commune s'étendant sur plusieurs mois, d'avril 1993 à au moins décembre
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1 1993.
2 Tout cela montre une participation très importante de Pusic à
3 l'entreprise criminelle commune, et là-dessus, l'Accusation et la Défense
4 Pusic sont, en substance, en accord. Toutefois, la Défense Pusic affirme
5 que l'Accusation a tort lorsqu'elle accepte ces éléments de preuve en tant
6 que constituant une preuve d'une participation significative de Pusic à
7 l'ECC. Non, disent-ils, ne tenez pas compte de ces éléments de preuve même
8 s'ils semblent indiquer l'implication considérable de Pusic. Simplement,
9 cela n'est pas vrai, parce que Pusic avait tendance à exagérer son pouvoir,
10 son autorité; Pusic, paragraphes 120 à 123 de son mémoire en clôture. Des
11 témoins ainsi que l'Accusation exagèrent son pouvoir et son autorité;
12 mémoire en clôture Pusic, paragraphes 82, 128, 176, 217 et 248. Et puis,
13 tous les documents, les ordres, les approbations qui comportent sa
14 signature n'ont aucune valeur parce qu'il s'est contenté d'approuver sans
15 discussions face à ceux qui exerçaient le véritable pouvoir.
16 Alors, de l'avis de Berislav Pusic, il était à peine plus qu'un
17 secrétaire en 1993 et 1994, plutôt que ce que nous montrent les éléments de
18 preuve, à savoir un policier militaire impitoyable et corrompu qui s'est
19 livré au nettoyage ethnique sous l'apparence des détentions systématique et
20 l'échange des hommes, des femmes et des enfants musulmans.
21 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance
22 devrait accepter l'interprétation de Pusic de ces éléments de preuve pour
23 arriver à cette conclusion, mais en fait, le problème de Pusic c'est sa
24 défense passive. Il n'a fourni aucun élément à la Chambre de première
25 instance pour étayer son interprétation. La Chambre de première instance
26 n'a que ses propos hors serment et ce qui figure dans son mémoire en
27 clôture, et peut-être aussi les arguments qu'il a avancés en application du
28 98 bis.
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1 Donc il serait peut-être utile de voir un petit peu de quel homme
2 parlons-nous. Malgré le fait qu'il n'a pas déposé, d'amples preuves nous
3 montrent quelle est sa moralité et son intégrité. Par exemple, prenons la
4 pièce P 00663 pour commencer. Il s'agit là d'une note officielle qui a été
5 rédigée par le SIS du HVO le 28 octobre 1993. Au paragraphe 1, que dit ce
6 rapport :
7 "A l'occasion de la perquisition de la maison dont le propriétaire est
8 Berislav Pusic, membre de la police militaire," et cetera, la perquisition
9 a été faite et "il a été constaté que les frères Pusic, Berislav et
10 Vitomir, livraient régulièrement des biens volés dans cette maison. Toutes
11 les semaines, un ou deux véhicules volés ou des véhicules confisqués aux
12 Serbes utilisant des attestations fausses… émises par Pusic…"
13 Puis, paragraphe 2 :
14 "Berislav Pusic, de concert avec son frère Vito et Makso ont ouvert un
15 magasin à Rudnik et ils fournissaient des biens en volant l'aide
16 humanitaire internationale et l'aide de Caritas."
17 Puis, page 2 :
18 "Pendant la guerre, Berislav Pusic," et il s'agit de l'année 1992,
19 "émettait des certificats aux Serbes disant que personne n'avait le droit,"
20 et cetera.
21 Et puis, à la fin :
22 "Pusic détruisait les documents à la prison du district de Mostar sur
23 demande de certains Serbes et a probablement reçu certains montants (en
24 devises étrangères) pour avoir fait ça."
25 Et puis, paragraphe 3 :
26 "Pusic protégeait les Serbes. Il les a libérés de la prison de district de
27 Mostar en détruisant les documents en prison."
28 Et :
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1 "Qui plus est, ils ont dressé des listes de personnes d'appartenance
2 serbe pour l'échange, et à en juger d'après certaines informations, ils ont
3 demandé de l'argent pour cela. Donc, pour les personnes qui n'avaient pas
4 l'argent, elles abandonnaient les clés de leurs appartements à Pusic pour
5 qu'il puisse s'emparer de tous les biens de valeur."
6 Cela se passe en 1992. Alors, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
7 un an plus tard, en décembre 1993, que fournit SIS ? Un rapport
8 supplémentaire, pièce P 07007, du 2 décembre 1993. Page 2, que voyons-nous
9 ? Le rapport porte sur le travail et le comportement de Berislav Pusic. Et
10 il est dit :
11 "Berislav Pusic a travaillé pour le SDB dans l'ex-Etat communiste. Pour des
12 gains négligeables, Pusic vendait des éléments d'information aux criminels…
13 mais l'opération a échoué… et Pusic a été licencié."
14 Et puis :
15 "Après le début de la guerre à Mostar, Pusic s'est servi du fait
16 qu'il avait été licencié du service de la Sûreté de l'Etat -- a cherché à
17 se faire enrôler dans la police militaire du HVO."
18 Et plus loin, la même page :
19 "Pusic s'est immédiatement mis au travail. Mme Cesic, qui a été dactylo
20 pour la police militaire, tapait un certificat."
21 Puis, la procédure est décrite, et puis il est dit :
22 "Pusic signait ces certificats, il les cachetait et il les vendait à
23 ces gens pour 200 marks allemands chacun."
24 Puis, en haut de la page 3 :
25 "Pendant la guerre contre les Chetniks, Pusic a arrêté le fameux
26 photographe Braco Njunjic.
27 "Et puis, après sa libération de la prison, après lui avoir pris 5
28 000 deutsche marks, il a pris six machines à sous, d'une valeur de 30 000
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1 deutsche marks; une photocopieuse Canon, d'une valeur de 2 500 deutsche
2 marks; et puis une Peugeot de 205 et d'autres biens…"
3 Et puis, tout de suite après cela, nous voyons qu'il a pris 8 000
4 deutsche marks de Miso Grgic, mais n'empêche qu'il l'a gardé en détention
5 pendant des mois. "Pusic a envoyé Grgic à l'échange par trois fois contre
6 sa volonté."
7 Ensuite, à la page 3, on voit qu'il est écrit :
8 "… on a trouvé que Pusic rackettait l'argent tous les jours à partir de
9 personnes qui étaient libérées et aussi à partir de ceux qui étaient en
10 détention, et ce, contre différents services…"
11 Page 4 :
12 "Les soldats avaient une plaisanterie, ils l'appelaient Brko Pusic, alias
13 '200 deutsche marks'."
14 Donc, ça, c'était en 1992, dans la guerre contre les Serbes. Mais voyons ce
15 que dit ce rapport à propos de M. Pusic en 1993.
16 A la page 4 :
17 "Lorsqu'il est devenu chef du bureau pour l'échange des prisonniers de la
18 HR HB, Pusic a poursuivi son petit trafic. Pusic a libéré plus de 100
19 membres du MOS de la prison militaire sans avoir l'aval du SIS ou du
20 département pénal.
21 "Pusic a fait ça contre de l'argent, encore une fois."
22 Donc il est intéressant ici de remarquer que quand on parle de M.
23 Pusic ici, on déclare bien qu'il utilise son pouvoir comme il le veut, et
24 ce, sans s'occuper des autres pouvoirs, des autres choses qu'il est censé
25 faire. Il le fait sans avoir l'accord du SIS et sans avoir l'accord du
26 département pénal de la police militaire.
27 Ensuite, à la fin, voici la conclusion :
28 "Nous croyons que pendant toute la guerre, Berislav Pusic a travaillé
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1 contre les intérêts des Croates et des soldats croates, et on peut
2 s'attendre à ce que cela se reproduise à l'avenir. Nous recommandons donc
3 que des mesures soient prises afin que Pusic ne puisse plus causer de
4 dégâts à la réputation du HVO."
5 Malgré ce rapport, rien n'a été fait, cela dit, et en août 1994, Pusic se
6 livrait encore à tout cela. On le voit d'ailleurs dans la pièce P 08431. Il
7 écrit un long fax au centre des droits de l'homme où il pond une version
8 manifestement fausse des événements de 1993, cette version que vous avez
9 entendue à l'envie de la part de toutes les Défenses. Il est intéressant de
10 lire ce document, cela dit, pour voir avec quelle application Pusic
11 continuait à mentir à propos de son idéologie nationaliste.
12 Je vous en ai choisi un petit échantillon d'ailleurs. Ce sont des extraits
13 du document P 8431, page 3. Il est écrit -- ici, il fait référence à des
14 Musulmans qui ont été capturés pendant des actions :
15 "Tous les prisonniers sont restés en vie alors que des Musulmans
16 tuaient des Croates et creusaient des charniers."
17 Dernier paragraphe de la même page :
18 "La seule prison qui était enregistrée en tant que prison était
19 l'Heliodrom, alors que Gabela et Dretelj étaient enregistrés comme étant
20 des centres de rassemblement connus de la Croix-Rouge internationale, qui
21 venait régulièrement rendre visite et réinstallait des Musulmans dans les
22 pays tiers selon leur désir. Et ceux qui ne voulaient pas se rendre à
23 l'étranger pouvaient traverser pour se rendre dans le territoire tenu par
24 le MOS…"
25 Messieurs les Juges, les éléments de preuve dont vous disposez prouvent
26 bien que tous ceci ne sont que des mensonges. Un grand nombre de Musulmans
27 sont morts lors de leur détention aux mains du HVO. Il n'y avait pas de
28 "visites régulières de la Croix-Rouge à Dretelj et Gabela." La déportation
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1 et l'expulsion des hommes musulmans de Dretelj et Gabela n'étaient pas le
2 fait de Musulmans qui exerçaient leur libre choix. Absolument pas. Ils
3 étaient chassés brutalement et ils étaient expulsés brutalement contre leur
4 gré, et ce, par des personnes de la même eau que ce M. Pusic.
5 Pour persuader la Chambre de première instance et pour lui faire accepter
6 sa défense, M. Pusic doit mentir à propos du rôle qu'il a joué et de son
7 implication. Mais les éléments de preuve montrent bien qu'il est
8 parfaitement capable justement de mentir, car ce n'est pas un homme
9 honnête.
10 Pourrions-nous, s'il vous plaît -- nous allons maintenant passer au sujet
11 de l'autorité que détenait M. Pusic. J'aimerais savoir de combien de temps
12 je dispose encore ?
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant la pause, il reste un quart d'heure.
14 M. KRUGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Donc, au vu du grand nombre d'éléments de preuve montrant qu'il était
16 impliqué dans les échanges de prisonniers et dans les questions portant sur
17 les prisonniers, y compris les travaux forcés, M. Pusic continue à affirmer
18 son innocence et la faiblesse des arguments de l'Accusation. Mais en fait,
19 c'est une histoire ridicule qu'il nous raconte, un récit ridicule. Il
20 ignore ou il requalifie l'essentiel des éléments de preuve qui sont contre
21 lui et choisit de choisir des bribes de témoignage et de les mettre hors
22 contexte afin de pouvoir vous donner son récit. Son récit qui serait que
23 tout le monde dans le HVO avait du pouvoir sauf lui. Il n'avait rien, lui,
24 n'avait aucun pouvoir, et sa seule fonction était de mettre à jour des
25 listes qui avaient été rédigés et qui avaient été utilisés par d'autres.
26 Ensuite, il examine chaque élément de preuve mais dans un vide pour
27 expliquer que l'interprétation de l'Accusation n'est pas la seule
28 interprétation raisonnable de ces éléments de preuve.
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1 Cela dit, nous faisons valoir que lorsque l'on examine des éléments
2 de preuve en dehors de ce récit parfaitement myope présenté par M. Pusic,
3 lorsqu'on remet ces éléments de preuve dans le contexte de tous les autres
4 éléments de preuve présentés, comme l'a fait d'ailleurs l'Accusation dans
5 son mémoire, il n'y a aucun doute. Il n'y a aucun doute que Pusic a utilisé
6 son pouvoir en matière de détention de prisonniers et de transfert de
7 prisonniers pour commettre les crimes dont il est accusé dans l'acte
8 d'accusation.
9 Mis à part ces ordres bien précis qui le nommaient à différents
10 postes, voici quelques exemples du pouvoir dont il disposait. Nous avons
11 trois diapos pour cela. Tout d'abord, la pièce P 2020. Il s'agit d'un ordre
12 émanant de M. Coric du 22 avril 1993. A la page 2 :
13 "M. Berko Pusic est chargé de participer au nom de l'administration
14 de la police militaire à l'échange de toutes les personnes arrêtées."
15 Messieurs les Juges, les techniciens subalternes ne disposent pas de ce
16 type d'autorité.
17 Ensuite, pièce 02546. Rapport du 28 mai 1993 sur les activités de la 4e
18 Brigade de la Police militaire du HVO. A la page 2, il est écrit :
19 "Nous avons reçu un ordre de Berko Pusic et de Valentin Coric aux fins de
20 transférer les prisonniers à la prison de l'Heliodrom."
21 La conclusion que l'on peut en tirer : si Pusic était si falot, si ce
22 n'était qu'un rouage comme il le dit, pourquoi est-il mentionné dans cet
23 ordre ? Il aurait été bien suffisant de dire : "Nous avons reçu un ordre de
24 Valentin Coric."
25 P 03652 maintenant. C'est un télex du 23 juillet 1993 de Berislav Pusic à
26 la police militaire du HVO à Jablanica. Voici ce qu'il dit :
27 "Nous voudrions vous demander d'escorter les Musulmans qui vous ont été
28 donnés jusqu'à notre dernier point de contrôle à Doljani, et ensuite, de
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1 là, ils pourront aller à pied jusqu'à Jablanica. S'ils chassent nos Croates
2 de Jablanica, veuillez nous en informer car il y aura des réactions contre
3 leurs hommes."
4 Alors, je le répète, il ne s'agit pas quand même de mots prononcés par un
5 gratte-papier sans pouvoir et sans importance.
6 Mais qui étaient ces Musulmans à qui Pusic fait référence dans cette pièce
7 pour qui Pusic a demandé qu'on les chasse sous escorte ? Eh bien, passons à
8 la pièce P 03668, qui date aussi du 23 juillet 1993 et qui émane du
9 commandant du 3e Bataillon du HVO, envoyé directement à Berislav en mains
10 propres, du fait de sa qualité. Il est écrit : Ces personnes-là, ce sont
11 400 femmes, enfants et vieillards musulmans qui ont été amenés au secteur
12 de Doljani.
13 "… veuillez nous informer le plus vite possible de ce qu'il convient d'en
14 faire et de pourquoi ils ont été envoyés à Doljani."
15 Il n'y a rien à manger pour ces personnes.
16 "Donnez des instructions."
17 Berislav Pusic exerçait un pouvoir, et son autorité était reconnue.
18 Dans son mémoire en clôture, Pusic, au paragraphe 157, déclare que
19 son "manque de pouvoir décisionnaire est souligné dans un grand nombre de
20 rapports de la MOCE, qui assistait aux négociations portant sur les
21 échanges de prisonniers."
22 En référence à une réunion dirigée par la Croix-Rouge le 23 mai 1993, le
23 représentant de la MOCE note que Pusic a déclaré aux personnes présentes
24 qu'il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour signer l'accord au nom du HVO
25 permettant d'avoir accès à l'Heliodrom. Il fait référence ici à la pièce P
26 02496.
27 Mais, Messieurs les Juges, la Défense Pusic, ici, lorsqu'elle déclare ceci,
28 ignore ou néglige ce qu'a dit M. Pusic lui-même à propos du pouvoir dont il
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1 disposait.
2 Le 19 octobre 1993, il a été interviewé par Slobodna Dalmacija, qui
3 ont publié ensuite l'interview. L'interview a porté sur les négociations à
4 propos des échanges des détenus. Il s'agit de la pièce P 05945, intitulé :
5 "On fait l'accord avec Pierre, mais Paul l'annule".
6 Il est interviewé en tant que chef de cabinet du gouvernement de la
7 HR HB pour l'échange des captifs. Alors, aux pages 4 et 5, l'intervieweur
8 lui pose la question suivante :
9 "Mais qui sont les personnes qui sont en face de vous au cours de ces
10 négociations, et qu'en pensez-vous en tant que négociateur ?"
11 Et Pusic déclare la chose suivante :
12 "Pour ce qui est de la Croix-Rouge internationale, il y a M. Claudio
13 Barancini…"
14 Ensuite, pour le Haut-commissionnaire des Nations Unies aux réfugiés, il y
15 a M. Hulme. Pour le SpaBat, c'est le major Ferrero.
16 "Et pour ce qui est des Musulmans venant du côté est de Mostar, il y a MM.
17 Alispahic et Dziho, qui ont été très corrects d'ailleurs pendant les
18 négociations."
19 Mais voici ce qu'il dit par la suite :
20 "Mais ce ne sont pas des décideurs. Ils doivent toujours aller prendre
21 leurs instructions auprès de M. Arif Pasalic, et c'est lui qui prend la
22 décision finale d'habitude."
23 Et lorsqu'on parle des entretiens qui ont eu lieu à Jablanica et
24 Konjic, il dit là :
25 "A l'inverse du côté croate," à l'inverse de ce qui se passait de son côté
26 donc, "les membres de la commission côté musulman n'avaient jamais le
27 pouvoir décisionnaire. Nous avons formé le cabinet attaché au HR d'Herceg-
28 Bosna qui a le pouvoir de prendre des décisions sur ces problèmes d'échange
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1 ou de libération de prisonniers, alors que du côté musulman, ils ont des
2 gens qui négocient, mais ce sont toujours d'autres qui prennent les
3 décisions"
4 Donc il dit bien :
5 "Nous avons les pleins pouvoirs pour prendre toute décision à propos de
6 l'échange et de la libération des détenus."
7 Voici ce qu'il dit. De plus, M. Pusic était en communication directe avec
8 les ministres de la République de Croatie en rendant compte de ses propres
9 réunions avec des représentants de la communauté internationale. Par
10 exemple, dans un document de la MOCE, bien sûr, nous ne pouvons pas le
11 montrer en dehors de ce prétoire, il s'agit de la pièce P 05889, en date du
12 14 octobre 1993. Voici ce qui est écrit dans ce rapport de la MOCE :
13 "Pusic, le chef du cabinet du HVO pour l'échange de prisonniers, a envoyé
14 une lettre à Mate Granic, ministre croate des Affaires étrangères. Dans la
15 lettre, Pusic informe Granic de ses entretiens avec Claudio Barancini, le
16 chef de la Croix-Rouge internationale…"
17 Messieurs les Juges, M. Pusic n'était pas un gratte-papier subalterne qui
18 entérinait les décisions sans les discuter. Absolument pas.
19 Ces deux pièces montrent bien que M. Pusic peut rencontrer le chef de
20 la Croix-Rouge, et ces pièces réduisent à néant les arguments présentés par
21 Pusic aux paragraphes 174 et 175 de son mémoire en clôture. Selon ces
22 paragraphes, l'Accusation n'aurait pas réussi à faire la différence entre
23 les échanges de prisonniers au niveau local -- d'après ces paragraphes, M.
24 Pusic n'aurait participé qu'aux négociations à très bas niveau, au niveau
25 local, et n'aurait absolument aucune implication et aucun rôle à jouer dans
26 les négociations à haut niveau.
27 Messieurs les Juges, je vais poursuivre ce sujet, mais je pense qu'il
28 serait peut-être bon de faire la pause.
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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va faire la pause. J'informe l'Accusation
2 que vous avez utilisé quasiment 14 heures, donc quand nous reprendrons, il
3 vous restera une heure pour terminer.
4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.
5 --- L'audience est reprise à 12 heures 47.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
7 Monsieur Kruger.
8 M. KRUGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant la pause, nous parlions
10 du paragraphe 174 et du paragraphe 175 du mémoire en clôture de Pusic, où
11 il présente comme argument le fait que l'Accusation aurait mal présenté le
12 rôle de Pusic dans le cadre de la libération des prisonniers et des
13 processus d'échange. Dans son mémoire, Pusic déclare n'avoir aucune
14 implication importante à ce niveau.
15 Nous avons étudié aussi les pièces P 05945 et P 05889. Or, j'aimerais
16 vous monter un autre exemple sur ce sujet. M. Pusic a participé à des
17 négociations de haut niveau à Jablanica en mai 1993 avec l'ABiH. Il était
18 constamment présent pendant les deux jours lorsqu'ils ont rendu visite à
19 l'école à Sovici et Doljani. Il était accompagné du général Petkovic et
20 d'autres personnes.
21 Dans le paragraphe 233 de son mémoire en clôture, Pusic déclare que son
22 rôle était parfaitement insignifiant.
23 Mais il y a des images disponibles qui portent sur cette réunion. Je
24 vais vous montrer la première. C'est un cliché qui nous vient d'une vidéo,
25 la pièce P 02187. Le premier cliché que l'on voit ici à l'écran montre M.
26 Pusic qui se trouve à droite. Il est à côté de Miljenko Lasic et du général
27 Milivoj Petkovic. Il s'agissait d'un petit groupe de la délégation du HVO
28 qui avait été nommée pour cette réunion. De l'autre côté de la table, qui y
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1 avait-il ? Eh bien, voici, nous avons le général Halilovic et le général
2 Pasalic. M. Pusic était-il vraiment là uniquement pour faire de la
3 figuration ? J'aimerais vous montrer une séquence vidéo portant sur la
4 participation de M. Pusic à cette réunion.
5 [Diffusion de cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Aujourd'hui, je les enverrais à Vrci et ailleurs où se trouvent les
8 blessés, pour qu'ils soient extraits. On n'a pas envoyé les nôtres là-bas.
9 On est là pour la septième fois et on n'a toujours pas réussi à trouver une
10 solution. C'est pour ça que je propose maintenant SpaBat.
11 Quelqu'un qui a de l'influence sur vos soldats. Donc allons-y tout de
12 suite et pour finir les choses tout de suite.
13 Aujourd'hui, ils ne veulent pas y aller, les deux de Kostanica.
14 Mais la condition c'était les deux morts.
15 Qui a donné les conditions ?
16 C'est votre homme à Vrce.
17 On va faire l'échange. En ce qui concerne les morts, on peut trouver une
18 solution tout de suite. Il y a des morts des deux côtés. On en a et vous en
19 avez.
20 Vous croyez que c'est vrai ?
21 Oui, l'information est vraie.
22 Je pense qu'on pourrait le faire. Je ne vois pas pourquoi on n'a pas
23 pu les récupérer tout de suite. Ils sont morts depuis un moment. Les corps
24 commencent à pourrir, donc on pourrait aussi récupérer les blessés --"
25 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
26 M. KRUGER : [interprétation] Messieurs les Juges, M. Pusic a participé à
27 cette réunion directement. Vous l'avez vu qui répond, d'ailleurs avec
28 vigueur, au général Pasalic. Le général Pasalic est quand même l'homologue
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1 de Petkovic côté ABiH, et il réagit ainsi, il prend la parole avec vigueur,
2 alors qu'il a le général Petkovic juste à côté de lui.
3 Avec tout le respect que je vous dois, il s'agit de négociations à haut
4 niveau, et Pusic est impliqué de façon importante.
5 Nous avons un autre cliché pris d'une vidéo, la pièce P 00999. Je ne vais
6 pas vous montrer le clip, mais M. Pusic, ici, est interviewé par les médias
7 croates. On voit que ceci a été diffusé à la télévision croate, HTV
8 qui est intéressant ici, c'est l'identification de M. Pusic dans un média
9 croate. Même les médias croates considèrent qu'il s'agit d'une personne
10 importante au niveau du HVO, puisqu'ici, son intitulé est "négociateur du
11 HVO".
12 Nous allons passer maintenant à autre chose. La question est de savoir si
13 M. Pusic était vraiment uniquement un gratte-papier sans aucun rôle
14 décisionnaire étant donné tous les documents qu'il a signés. Car il y a
15 énormément de documents qui possèdent la signature de M. Pusic. Il
16 reconnaît d'ailleurs qu'il a signé un grand nombre de documents à propos de
17 la libération, des expulsions et à propos aussi des travaux forcés. Bien
18 sûr, il déclare que ces documents n'ont aucune valeur puisqu'il n'était là
19 que pour faire chambre d'enregistrement, si je puis dire. Il appose son
20 cachet, alors que l'autorité, en fait, était exercée ailleurs.
21 Mais nous faisons valoir que c'est absolument absurde. La signature de M.
22 Pusic, comme la signature de n'importe qui d'ailleurs, signifie quelque
23 chose. Lorsqu'on appose sa signature, ça signifie que l'on accepte la
24 responsabilité de ce qui est écrit. La plupart du temps, ce qui était écrit
25 sur ce qu'il avait signé, c'était les autorisations visant à chasser les
26 Musulmans vers des pays tiers ou à les renvoyer sur le territoire tenu par
27 l'ABiH. Sa signature autorisait que l'on emploie des détenus pour des
28 travaux forcés, et ce, de façon massive. Sa signature autorisait que l'on
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1 transfère ou que l'on libère des détenus. Les gens recherchaient la
2 signature de Pusic pour une bonne raison, parce qu'il avait du pouvoir.
3 C'est pour cela d'ailleurs que les gens demandent à d'autres de signer des
4 documents.
5 M. Pusic a longuement souligné qu'en fait, ce sont les autres à l'époque
6 qui avaient le pouvoir de relâcher ou d'échanger des détenus. Et vous le
7 trouverez au paragraphe 58 de son mémoire en clôture.
8 Or, l'Accusation n'avance absolument pas, alors que c'est ce que semblerait
9 le suggérer la Défense Pusic dans son mémoire, l'Accusation ne déclare pas
10 que c'est M. Pusic qui était le seul en mesure de transférer les
11 prisonniers. L'Accusation ne déclare pas non plus que c'est M. Pusic qui
12 avait le contrôle suprême sur tous les aspects de la vie des détenus ou sur
13 la libération des détenus. Mais les éléments de preuve démontrent bien que
14 Pusic, quand même, avait été mandaté pour déterminer qui allait rester, qui
15 allait partir et où les gens allaient partir.
16 Il y a d'autres personnes qui étaient là pour donner des ordres de
17 transfert et de libération, mais ce n'était jamais leur attribution
18 principale, alors que M. Pusic, lui, a exercé son pouvoir sur tout le
19 territoire du HVO pendant tout le conflit et il prenait conseil auprès de
20 la direction du HVO pour prendre ses décisions. On le voit d'ailleurs
21 auprès de la pièce P 05889. Il allait même jusqu'à demander l'avis des
22 ministres en Croatie à propos de tout cela.
23 L'Accusation n'a jamais déclaré que Pusic était responsable et devait
24 endosser toute la responsabilité pour la détention pénale et pour le schéma
25 d'expulsion massive du HVO, mais les activités criminelles n'exonèrent pas
26 Pusic de ses crimes quand il a utilisé le pouvoir dont il disposait pour
27 enfreindre le droit international plutôt que d'essayer d'empêcher ceux qui
28 le faisaient de le faire.
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1 Bruno Stojic avait donné à Pusic la responsabilité et le pouvoir de libérer
2 ou d'échanger les prisonniers lorsqu'il a établi sa commission le 6 août
3 1993. Il s'agit de la pièce P 03995. Pusic a eu cette responsabilité
4 pendant tout le reste de l'année 1993. Il le faisait souvent d'ailleurs
5 sans suivre les procédures définies - on l'a déjà vu - la procédure normale
6 qui demandait l'implication du SIS ou de la police militaire. Il le faisait
7 aussi parfois sans impliquer les autres membres de la commission.
8 Si nous pouvions avoir à l'écran maintenant la pièce 04141. Il s'agit
9 d'une décision du 12 août 1993, une décision de cette commission signée par
10 M. Pusic, et cela porte sur l'enregistrement des détenus.
11 Au deuxième paragraphe, il est écrit :
12 "Les enregistrements ont été faits à Mostar, à la prison de Ljubuski et
13 d'Otok, et les détenus ont été catégorisés."
14 Nous savons, bien sûr, que ce n'est pas vrai. Ça n'a jamais été fait. En
15 décembre 1993, il n'y avait eu aucune catégorisation des détenus.
16 Cela dit, il poursuit :
17 "La libération des prisonniers des prisons de Dretelj et de Gabela doit
18 être suspendue afin de pouvoir dresser des listes le plus vite possible et
19 de pouvoir enregistrer les catégories correctes, et la commission donnera
20 d'ailleurs les formulaires nécessaires à ces listes…"
21 Une autre pièce maintenant que nous pourrions étudier, la pièce P 06170. Il
22 s'agit d'un mémo du 27 octobre 1993 de Josic Praljak sur les travaux de la
23 commission. En bas, il est écrit :
24 "Comme vous le savez, le chef du bureau sur l'échange des prisonniers, M.
25 Berislav Pusic, peut libérer ces prisonniers avec l'approbation du SIS et
26 du service de renseignement de la police militaire…"
27 Mais au paragraphe suivant, il est écrit :
28 "Le détenu Admir Cevra est sujet à une enquête de M. Misic, employé du SIS,
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1 qui n'a pas approuvé sa libération. M. Cevra a pourtant été libéré sur la
2 base de documents émanant de Berislav Pusic."
3 Donc Berislav Pusic ne se sentait pas du tout tenu de travailler avec le
4 SIS ou avec les services chargés des enquêtes criminelles. Il utilisait son
5 pouvoir selon son bon vouloir.
6 Je tiens à dire que Pusic n'était pas le seul arbitre de la machine
7 du HVO en ce qui concerne les expulsions, mais les éléments de preuve
8 montrent bien qu'il a toujours choisi d'agir lorsque ceci permettait de
9 faire avancer les objectifs de l'entreprise criminelle commune. Son rôle
10 n'était pas un rôle de gratte-papier, et cela ne l'intéressait pas du tout.
11 D'ailleurs, dans cette pièce 7102, qui date du 10 décembre 1993, il s'agit
12 d'une proposition de Pusic à l'accusé numéro 1 en l'espèce sur les travaux
13 du service chargé des échanges. A la page 5, voici ce que M. Pusic explique
14 à Prlic :
15 "Les prisons n'intéressent le service que dans la mesure où elles
16 permettent de rechercher des personnes pour pouvoir les échanger…"
17 Il n'est pas crédible que quelqu'un qui ait indiqué aussi explicitement à
18 quelqu'un qui n'est rien d'autre, quand même, que le chef du gouvernement,
19 M. Prlic, qu'il n'est absolument pas intéressé par les prisonniers, mis à
20 part dans un but d'échange. Donc on ne peut pas penser que cette personne
21 n'aurait eu comme travail que de tenir à jour des listes et des listes de
22 prisonniers.
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans son mémoire en clôture, M.
24 Pusic relève certains moments où M. Pusic n'est pas mentionné ou lorsqu'il
25 est inconnu à certains témoins. Mémoire en clôture de M. Pusic, page 36. Et
26 il évoque cela en tant que preuve du fait qu'il n'a pas pu jouer un rôle de
27 premier ordre dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.
28 Le fait que certains éléments de preuve et certains témoignages omettent de
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1 mentionner spécifiquement M. Pusic ne remet pas en cause la portée du reste
2 des éléments de preuve concernant sa participation à l'entreprise
3 criminelle commune. Il y a des témoins qui n'ont rien dit au sujet de sa
4 participation. Ce sont des témoins qui se trouvent dans des situations où
5 ils n'avaient pas moyen de d'être au courant de ce que faisait Pusic ou
6 bien ils n'avaient pas accès à des processus internes et au processus de
7 prise de décisions à très haut niveau entre Pusic et d'autres membres de
8 l'entreprise criminelle commune, mais cela ne veut pas dire que ces choses
9 ne se sont pas produites.
10 Et le même vaut pour l'argument disant qu'il n'aurait pas pu faire
11 partie de l'entreprise criminelle commune parce que Slobodan Praljak ne le
12 connaissait pas; mémoire en clôture, pages 14 à 15. Cela n'enlève pas le
13 fait qu'il était connu et qu'il a agit de concert dans le cadre de
14 l'entreprise criminelle commune avec les quatre autres co-accusés, Prlic,
15 Stojic, Petkovic et Coric.
16 Alors, l'argument consistant à dire que l'on n'est pas parti de
17 l'entreprise criminelle commune, qu'il ne l'était pas parce que certains
18 témoins ou accusés ne le connaissaient pas est complètement dénué de
19 pertinence.
20 Il y avait peu de gens dans l'Allemagne nazie ou à l'extérieur de
21 cette terre qui connaissaient Adolph Eichmann ou qui savaient ce qu'il
22 faisait en 1942 et 1945. Mais cela ne nie pas le fait qu'il a maintenu les
23 chemins de fer en service pour transporter les Juifs de l'Europe au camp de
24 la mort nazi et qu'il a pris part à l'holocauste commis par les nazis, un
25 génocide donc.
26 Il n'y a absolument aucune pertinence à dire que certains n'ont pas
27 connu le rôle exact joué par Pusic en 1993 dans l'Herceg-Bosna. Les
28 éléments de preuve démontrent malgré cela que Pusic a participé aux crimes
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1 de persécution par la détention des milliers d'hommes musulmans dans les
2 centres de détention du HVO par leur mise aux travaux forcés, par
3 l'expulsion persécutrice qui a eu lieu et contre des milliers de Musulmans
4 sur le territoire de la HZ HB, ou la HR HB.
5 Pour conclure, Monsieur le Président, lorsque M. Pusic affirme qu'il
6 n'était qu'un petit bureaucrate, qu'il n'avait absolument aucun pouvoir, eh
7 bien, c'est contredit par son propre rapport de fin d'année 1993. Ce
8 rapport sur les activités du service d'échange, donc échange des
9 prisonniers et d'autres personnes de la HR HB, la pièce P 07411. Le 31
10 décembre 1993, il écrit dans son rapport, au paragraphe 1 :
11 "Le service a été créé puisqu'il n'y avait pas d'endroit centralisant
12 l'ensemble des processus et vers lequel on voyait tous les éléments
13 d'information et pour résoudre les problèmes complexes humanitaires dans le
14 processus d'échange, mais avant tout et par-dessus tout, pour faciliter
15 l'échange de personnes capturées."
16 Et puis, au paragraphe 2 :
17 "Pendant les mois précédents, la coopération a été établie avec le
18 CICR, la FORPRONU, les observateurs européens et d'autres institutions
19 comparables dans les zones de la HR HB et la République de Croatie."
20 Et puis, s'agissant des réunions qui se sont tenues pendant les
21 quatre [comme interprété] mois, donc qui ont précédé, à partir du 15 août
22 [comme interprété] 1993 :
23 "Nous avons eu 18 réunions avec les représentants de la Republika
24 Srpska, 27 réunions avec les représentants de l'armée de la RBH. Les sujets
25 qui ont fait l'objet de discussion sont l'échange des détenus et des
26 personnes décédées, l'évacuation des civils. Le service a toujours essayé
27 de procéder à un échange qui serait aussi favorable que possible à notre
28 partie."
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1 Et puis, il y a toute une série de listes, de statistiques, nombre de
2 personnes à échanger, les morts, et après tout cela, nous arrivons au
3 paragraphe 5 :
4 "Le travail des membres du service a consisté avant tout à s'occuper
5 des Musulmans détenus.
6 "En coopération avec le bureau des personnes déplacées, le SIS, et le
7 département d'enquête criminelle de l'administration de la police
8 militaire, et cela a eu à voir avec la libération de prison si les détenus
9 avaient un dossier complet. Et le service l'a fait entièrement en tant que
10 partie de son travail."
11 Aucun commentaire n'est nécessaire suite à cela.
12 Donc ce rapport comporte les propos de Berislav Pusic, son nom
13 apparaît comme étant l'auteur, et nous montre que Pusic était effectivement
14 un rouage de la machine du HVO, mais d'aucune manière n'était-il
15 insignifiant.
16 Pusic a demandé que chacune des allégations lui soient prouvées et il
17 a répondu d'une manière passive et par une défense quasiment silencieuse
18 consistant simplement à poser quelques petites questions et uniquement sur
19 une vingtaine de documents à certains témoins pour leur contre-
20 interrogatoire. Sur la base de cela, il affirme qu'il n'avait rien à
21 contrôler, qu'en tant que chef du service d'échange de prisonniers il
22 n'avait aucun pouvoir sur les prisonniers, aucun pouvoir dans le cas des
23 échanges. Il a été nommé par le chef du gouvernement, le ministre de la
24 Défense, et le chef de la Police militaire, mais uniquement pour quasiment
25 être une dactylographe. Et il a été archiviste qui n'a versé aucun document
26 qui, d'après lui, était censé préserver, mais ceux qui les ont introduits,
27 eh bien n'ont été que des menteurs complaisants.
28 Par rapport aux éléments qui n'étaient pas la version de M. Pusic, le
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1 doute qu'il avance n'existe absolument pas comme un doute raisonnable, cela
2 n'est pas envisageable.
3 L'Accusation avance que les éléments de preuve démontrent au-delà de
4 tout doute raisonnable sa participation à l'entreprise criminelle commune
5 et sa responsabilité pénale pour les crimes pour lesquels il est mis en
6 cause, tel que formulé par le mémoire en clôture de l'Accusation.
7 Pusic n'a montré aucun remord pour ses méfaits. Il n'a montré aucune
8 compréhension pour les souffrances qu'il a causée aux milliers de victimes,
9 victimes de ces crimes, et l'Accusation affirme qu'il devrait être déclaré
10 coupable et emprisonné, comme nous l'avons précisé dans notre mémoire en
11 clôture.
12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'en ai terminé avec mes
13 arguments concernant M. Pusic.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.
15 Le suivant.
16 Rebonjour, Monsieur Scott.
17 M. SCOTT : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de me donner la
18 parole. C'est peut-être la dernière fois que l'Accusation intervient en
19 espèce. J'espère que vous me permettrez de consacrer quelques instants pour
20 adresser mes remerciements à plusieurs personnes se trouvant ici dans ce
21 prétoire et autour de ce prétoire avant de terminer mon réquisitoire.
22 Tout d'abord, nous remercions sincèrement les interprètes de l'excellent
23 travail qu'ils ont fait au cours de ces nombreux mois. Merci aussi aux
24 sténotypistes de leur travail. Nous sommes très désolés de parler trop vite
25 parfois et pas toujours aussi clairement qu'on le devrait.
26 En dépit des difficultés récentes que nous venons d'avoir, il faut quand
27 même dire merci aux techniciens pour le soutien qu'ils nous apportent. Et
28 la technologie c'est magnifique, c'est une merveille quand ça marche, mais
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1 prions qu'elle ne n'opprime jamais l'homme.
2 Merci au Greffe pour l'excellent travail qu'il a fait pour maintenir le
3 cap.
4 Merci aux Juristes de la Chambre pour leur dur labeur et le dur labeur
5 qu'ils leur restent à faire au cours des prochains mois.
6 Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, de votre attention et de
7 votre patience. L'Accusation n'a jamais affirmé qu'elle serait en mesure,
8 qu'elle serait capable de présenter des moyens parfaits, mais je peux vous
9 dire une chose, Monsieur le Président, et sans réserve, nous avons vraiment
10 fait de notre mieux. Notre seule intention, notre seule volonté a toujours
11 été de présenter nos moyens de la façon la plus efficace et effective
12 possible pour contribuer à ce que justice soit faite par vous, Messieurs
13 les Juges.
14 Un merci tout particulier à M. le Juge Mindua pour ses longs et loyaux
15 services en qualité de Juge de réserve.
16 Et enfin, permettez-moi de remercier les membres de mon équipe pour
17 son excellent travail, pour son dévouement, et un merci tout particulier à
18 M. Stringer, à Mme West et à M. Kruger, qui vous ont présenté un excellent
19 réquisitoire. Merci.
20 De prime abord, ce que chaque équipe de la Défense nous dit, c'est que
21 personne n'était responsable de quoi que ce soit et qui si responsable il y
22 avait, c'était sans doute l'autre, quelqu'un, mais sûrement pas l'accusé en
23 question.
24 Si l'on parle de responsabilité pour ce qui est des camps du HVO, nous
25 voyons six hommes prendre leur jambes à leur cou pour s'éloigner au plus
26 vite et pointer, ce faisant, sur l'autre un doigt accusateur.
27 Prlic dit que Boban et le département de la Défense, le département de M.
28 Stojic, avait la responsabilité des camps. Stojic, lui, dit que c'était
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1 Boban, les chefs militaires du HVO, les autorités municipales du HVO et
2 l'ODPR, qui fait partie du gouvernement de M. Prlic, qui étaient
3 responsables. Praljak, quant à lui, dit que c'était le gouvernement civil
4 du HVO, autrement dit, le HVO HZ HB de M. Prlic, qui avait la
5 responsabilité des camps. Lorsqu'il témoigne sous serment, Petkovic dit que
6 c'est le département de la Défense de Stojic qui est responsable, et dans
7 son mémoire en clôture, il ajoute que c'est l'administration de la police
8 militaire qui, elle aussi, est responsable. Quant à Coric, il dit que ce
9 sont des chefs d'unité militaire individuels du HVO qui doivent endosser la
10 responsabilité de toutes les personnes détenues par ces unités. Pusic, lui,
11 il dit, à propos des Musulmans arrêtés après le 30 juin 1993, que c'était
12 la police militaire qui a eu la responsabilité de les arrêter et de les
13 mettre en prison.
14 Alors, toutes ces affirmations de la Défense, que nous donnent-elles,
15 où en sommes-nous ? Si on est premier ministre ou président de
16 gouvernement, on a un homme capable, manifestement intelligent arrivé au
17 faîte du pouvoir, et puis dit n'avoir aucun pouvoir. Un homme qui est chef
18 de ceci, "boss" de cela, un homme qui a tout misé sur le pouvoir,
19 l'influence, et qui maintenant dit que tout son travail se résumait à
20 envoyer des avis de réunion et à signer des décisions prises par autrui.
21 Un chef d'un département de la Défense, dont Petkovic dit que c'était
22 "son ministre", que Petkovic insère dans sa chaîne de commandement, dont
23 Susak dit, lorsqu'il parle à Tudjman, que c'est l'homme qui organise tout
24 le travail, qu'il organise tout et que c'est un homme qui, de l'avis de
25 tous, était le chef des camps du HVO, mais qui, de l'avis de Stojic lui-
26 même, se contentait de commander des badges pour mettre sur les casquettes
27 et pour assister à quelques rares réunions.
28 Vous avez deux généraux, l'un a été metteur en scène, l'autre a été
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1 soldat de carrière, et tous deux vous disent que tout ce qu'ils voulaient,
2 c'était l'harmonie sociale, mais qui est-ce qui présidait à l'armée, qui
3 est-ce qui participait à la création et à la mise en œuvre d'une politique
4 qui a démoli la vie de dizaines de milliers de personnes et a créé la
5 violence ethnique de la main d'officiers et de soldats qui disaient qu'ils
6 contrôlaient. Ils se renvoient la faute. Les hommes politiques accusent les
7 généraux, les généraux accusent les hommes politiques. Et là, de l'avis de
8 la politique, les commandants, les soldats du HVO n'ont jamais fait que ce
9 qui leur avait été ordonné de faire de façon explicite ou implicite.
10 Un chef de police militaire qui organise des formations pour ses
11 subordonnés sur les lois des conflits armés et après s'amuse à les violer
12 pratiquement au quotidien en bénéficiant d'une impunité parfaite. Même s'il
13 dit de lui qu'il n'est qu'un petit rouage de l'administration, il a
14 pourtant une ascension météorique, c'est inexplicable, alors qu'il est
15 appuyé personnellement par Tudjman pour devenir ministre de l'Intérieur de
16 l'Herceg-Bosna.
17 Vous avez le chef d'un service de réfugiés et d'échange qui a
18 toujours voulu ce qu'il y avait de mieux pour les Musulmans et qui a réussi
19 à organiser un service qui n'allait que dans un sens pour les emmener en
20 autobus pour quitter l'Herceg-Bosna.
21 Le président John Kennedy, lorsqu'il s'adressait à l'Université américaine
22 en juin 1963, a dit ceci :
23 "La paix mondiale, tout comme la vie en société, n'exige pas qu'on aime
24 tous son voisin. Il suffit de vivre ensemble, dans un esprit de tolérance
25 mutuelle, et s'il y a litige, d'en chercher le règlement juste et
26 pacifique. La paix, elle n'est pas impossible. La guerre ne doit pas
27 nécessairement être inévitable car en dernière analyse, le lien, le maillon
28 le plus fondamental qui nous relie tous, êtres humains, c'est que nous
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1 habitons sur une toute petite planète et que nous respirons tous le même
2 air, et que nous voulons tous un avenir brillant pour nos avenirs. Nous
3 sommes tous mortels."
4 J'ai l'impression, Messieurs les Juges, que certains l'ont oublié. Ne les
5 laissons pas oublier, ni ceux-ci, ni ceux d'après ou ceux qui les suivront.
6 L''humanité a un problème, c'est qu'après chaque vague de violence
7 abominable et massive, on dit "plus jamais ça". On n'oubliera pas, ce n'est
8 pas possible; nous ne le voulons pas.
9 "Il ne faut pas que nous les laissions oublier", et quand on dit
10 "eux", c'est ceux d'après qui seront peut-être tentés de récidiver. On ne
11 peut leur permettre d'oublier.
12 Et pourtant. Et pourtant. Pourtant, on oublie. On dit "plus jamais
13 ça", jusqu'à la fois d'après, et celle d'après encore.
14 L'Holocauste, le Cambodge, la Yougoslavie, le Rwanda, la Sierra
15 Leone, le Darfour.
16 Est-ce que moi, je pourrai enrayer ça la prochaine fois ? Est-ce que
17 vous, vous le pouvez ? Peut-être que oui, peut-être que non.
18 Aujourd'hui se présente à vous la meilleure chance que vous aurez,
19 Messieurs les Juges, Monsieur le Juge Président de la Chambre Antonetti,
20 Monsieur le Juge Trechsel, Monsieur le Juge Prandler, Monsieur le Juge
21 Mindua, c'est à votre chance de dire "plus jamais ça" et de traduire ces
22 paroles en actes et de dire "Non, ceci est inacceptable, nous ne le
23 permettrons pas".
24 On n'a pas pu l'empêcher la dernière fois, mais cette fois-ci, il
25 faudra que ces hommes rendent des comptes.
26 Vous avez entendu les accusés. Est-ce que vous vous souvenez des
27 victimes ? Au cours des quatre années et demi qui viennent de s'écouler,
28 vous avez vu et entendu les accusés pratiquement tous les jours. Vous avez
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1 entendu leurs voix à plusieurs reprises. Sans doute, nous souvenons-nous
2 tous de M. Stojic qui s'est levé un jour pour dire qu'il venait de devenir
3 grand-père.
4 Et moi, j'ai passé aussi ces mois et ces années ici et je me dit qu'est-ce
5 qui se serait passé si, pendant toute la durée du procès, on avait eu une
6 partie civile ? Six représentants des victimes assis derrière l'Accusation,
7 tout comme ici on a derrière les avocats des la Défense, les Accusés. Il se
8 peut qu'un jour, l'une de ces personnes dirait : "Bien, peut-être que
9 j'aurais pu devenir grand-mère aujourd'hui, si ma fille n'avait pas été
10 tuée, si mon fils n'avait pas été tué. Aujourd'hui, mon fils aurait eu 37
11 ans, s'il n'était pas mort dans un camp du HVO."
12 Est-ce que vous vous souvenez des victimes ? Entendez-vous leurs voix ?
13 Avant de venir travailler ici, je travaillais beaucoup dans le domaine de
14 la criminalité blanche, comme on dit, les crimes d'affaires. Et j'avoue,
15 j'ai toujours été déçu de voir certains juges qui, pour une raison ou une
16 autre, étaient parfaitement contents d'envoyer un jeune Noir en prison
17 parce qu'il avait volé un bout de pain ou de l'essence pour 50 $, mais
18 n'avaient pas la même attitude ou le même sentiment lorsque quelqu'un qui
19 portait un complet veston et ressemblait à un homme d'affaires et qui était
20 "parfaitement normal" mais qui, d'un coup de porte-plume avait volé à
21 quelqu'un, à une entreprise ou à son voisin, un million de dollars. Mais il
22 me ressemble pas mal, ce bonhomme, au fond. Il est en costume. Il ressemble
23 à quelqu'un qui va à l'église tous les dimanches.
24 En fait, il ressemble assez étrangement aux accusés ici présents.
25 Le Conseil de sécurité nous a donné pour mandat de poursuivre non pas
26 tous ceux qui ont tiré sur la gâchette et qui ont causé le feu, mais de
27 tenir responsable ceux qui se trouvaient aux plus hauts niveaux de la
28 chaîne de responsabilité. Il y avait une déclaration du Conseil de sécurité
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1 en 2002 qui disait au Tribunal de se concentrer sur la poursuite et le
2 jugement des plus hauts responsables présumés être responsables de crimes
3 qui relèvent de la compétence du Tribunal.
4 Mais je m'interroge, est-ce qu'il n'est pas souvent plus facile d'imposer
5 une lourde peine à une crapule telle que Goran Jelisic, qui a été condamné
6 à 40 ans de prison parce qu'il a souvent tiré sur la gâchette pour exécuter
7 des prisonniers non-serbes détenus au camp de Luka par les Serbes en 1992.
8 Est-ce que c'est plus facile pour lui que de condamner à une lourde peine
9 des hauts dirigeants civils et militaires qui ont mis des gens comme
10 Jelisic dans une situation qui a permis des crimes par milliers, par
11 centaines de milliers ?
12 Il y a un concept qu'on dit "la banalité du mal". C'est Hannah Arendt qui
13 l'écrit dans un livre en 1963, lorsqu'elle parle de "Eichmann à Jérusalem,
14 un rapport sur la banalité du mal", et elle s'interroge, et elle se dit
15 qu'on a là au fond un homme qui, de toute apparence, est normal, ordinaire,
16 comment a-t-il pu tremper dans les crimes les plus innommables. Mais M.
17 Kruger vous l'a rappelé aujourd'hui, c'était un haut commis dans l'appareil
18 des camps nazis, Eichmann, et je suis sûr que jamais il n'a mis quelqu'un
19 dans la chambre à gaz. Ce n'est jamais lui qui a mis le feu dans cette
20 chambre à gaz. Jamais il n'a tué quelqu'un de ses propres mains, sans
21 doute, mais il a fait marcher le système, et il a participé à la
22 pérennisation du mal avec une énergie, un dévouement, celui qui caractérise
23 un bon bureaucrate.
24 Goethe a dit ceci : "Le comportement, c'est un miroir dans lequel chacun
25 affiche sa propre image."
26 A cet égard, et comme vous l'a dit M. Stringer aujourd'hui, il se peut
27 qu'un accusé indique certains cas où on a quand même puni un soldat du HVO
28 pour un crime commis sur un civil musulman, mais nous faisons valoir qu'il
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1 n'y a pas beaucoup d'évidence, beaucoup d'éléments qui vont dans ce sens,
2 mais il se peut qu'il y en ait eu certains, quelques-uns, une poignée.
3 Mais essayons de présenter la situation de cette façon-ci. Imaginons un
4 train qui emmène des wagons entiers de prisonniers vers un camp de la mort
5 nazi, et pendant ce long périple, un gardien nazi vole une montre, vole un
6 bijou à une Juive qui se trouve dans le compartiment. Il se fait qu'un
7 supérieur à lui, Allemand, s'en rend compte, apprend ce qui s'est passé, et
8 punit ce soldat allemand pour avoir volé la montre et le bijou, mais il
9 n'arrête pas le train. Le train poursuit sa route inexorable jusqu'à sa
10 destination finale, jusqu'à la solution finale.
11 A propos de ces accusés, il se peut qu'ils aient l'apparence de paroissiens
12 qui vont à l'église tous les dimanches, mais lorsqu'ils faisaient ce qu'ils
13 ont fait, lorsqu'ils ont établi, promu, incité, ordonné et soutenu l'idée
14 de la Grande-Croatie et son nettoyage ethnique, c'était des crapules comme
15 Jelisic.
16 Nous demandons 40 ans pour Prlic.
17 Nous demandons 40 ans pour Bruno Stojic.
18 Nous demandons 40 ans pour Slobodan Praljak.
19 Nous demandons 40 ans pour Milivoj Petkovic.
20 Nous demandons 35 ans pour Valentin Coric.
21 Nous demandons 25 ans pour Berislav Pusic.
22 Est-ce que vous entendez les voix, Messieurs les Juges, la voix des
23 victimes ?
24 Parfois, souvent, ce n'est d'abord qu'un soupir, un soupir pour beaucoup de
25 raisons; à cause de l'embarras, de la honte de ce qui s'est passé; un
26 soupir parce qu'on ne veut pas revivre les horreurs qu'on a vécu; parce
27 que, peut-être, personne ne veut entendre, parce qu'on a abandonné l'espoir
28 d'être entendu; parce qu'on se sent impuissant. Un chuchotement.
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1 Mais beaucoup de voix cessent d'être des chuchotements. Elles
2 prennent de la force. On les entend, elles viennent de Gornji Vakuf, de
3 Jablanica, de Mostar, de Stolac, de l'Heliodrom, de Dretelj, de Gabela, de
4 Ljubuski.
5 Et ce n'est pas toujours la voix des Musulmans. On entend des Croates
6 aussi, des victimes croates. Pas celles qui ont été victimes des Serbes ou
7 des Musulmans - il y en a eu, bien sûr - mais des victimes croates de la
8 Grande-Croatie, en raison des ambitions et des prétentions nationalistes
9 qui animaient ces hommes-ci et ceux qui les entouraient, et c'est pour ça
10 que ces Croates victimes ont perdu ceux qu'ils aimaient, leurs familles,
11 leurs foyers, leurs moyens de subsistance. Eux aussi sont des victimes.
12 Est-ce que vous entendez les voix, Messieurs les Juges ?
13 Nous avons un certain pouvoir en tant que guide au service des
14 impuissants, au service des victimes pour que justice soit faite. Et nous
15 devons pour que justice soit faite, pour qu'elle soit rendue, pour rendre
16 cette dignité à ceux qui l'ont perdue.
17 Vous souvenez-vous des victimes ? Entendez-vous leurs voix ?
18 Ces femmes, ces enfants musulmans de Prozor, ils étaient sans doute
19 impuissants en octobre 1992. Qu'auraient-ils pu faire pour ne pas être
20 chassés de chez eux ? Mais ils ne sont plus.
21 Les villageois musulmans qui ont vu leur mosquée détruite en Sovici
22 en avril 1993 n'ont rien pu faire, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
23 Les familles musulmanes qui ont été chassées de chez elles dans le quartier
24 de Dum, dans Mostar ouest le 14 juin 1993, peut-être étaient-elles
25 impuissantes ce jour-là, mais elles ne le sont plus aujourd'hui.
26 Ce petit couple de vieux qui se cachaient avec une petite chandelle dans
27 une cave à Mostar est pour éviter les pilonnages du HVO étaient peut-être
28 impuissants ce jour-là, ils ne le sont plus aujourd'hui.
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1 Le Témoin BQ, lorsqu'il est relâché de Dretelj, peut-être était-il
2 trop faible pour marcher de Vrda à Dreznica, mais il ne l'est plus
3 aujourd'hui.
4 Et Mufida Likic n'a rien pu faire peut-être pour empêcher que les soldats
5 du HVO n'assassinent sa sœur, sa tante et sa voisine dans la cave de Stupni
6 Do, mais elle ne l'est plus aujourd'hui; elle n'est plus impuissante.
7 Est-ce que vous entendez les voix ? Elles réclament justice.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons donc lever l'audience. Lundi, la Défense
9 de M. Prlic commencera, et nous nous retrouvons donc tous lundi. D'ici là,
10 je vous souhaite à tous une bonne fin de journée.
11 --- L'audience est levée à 13 heures 33 et reprendra le lundi 14 février
12 2011, à 14 heures 15.
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