Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 14 février 2011

  2   [Plaidoiries de la Défense Prlic]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  8   s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à

 10   toutes les personnes ici présentes. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre

 11   Prlic et consorts. Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière. La Chambre tient à vous

 13   saluer, puisque vous prenez vos fonctions à la suite du départ de notre

 14   précédent greffier. Donc au nom de mes collègues, je vous souhaite la

 15   bienvenue dans cette salle d'audience.

 16   Nous devons aujourd'hui aborder la plaidoirie de la Défense de M. Prlic.

 17   Avant cela, un petit problème de nature technique. Mme la Greffière m'a dit

 18   qu'il y avait toujours les problèmes de LiveNote, et il pourrait y avoir un

 19   problème si Me Karnavas a des documents à faire venir à l'écran. Mais j'ai

 20   cru comprendre qu'il y avait des documents qui sont donnés en "hard copy",

 21   donc a priori, même si le document on ne le voit pas sur l'écran, on

 22   pourrait le voir en "hard copy". Sinon, Mme la Greffière m'a expliqué qu'il

 23   faudrait attendre maintenant 25 minutes, le temps de relancer tout le

 24   système informatique.

 25   Alors, Maître Karnavas, est-ce qu'il y a un problème à votre niveau

 26   ou pas ?

 27   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

 28   Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes ici présentes. Non, je


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  1   ne pense pas que ça va me poser de problème, pour le moment du moins. Je

  2   regrette, nous n'avons pas de copies imprimées, pas de versions imprimées,

  3   pas de "hard copy", en tout cas, pas pour la première demi-heure. Ce fut

  4   une tâche herculéenne que de se préparer, parce que nous avons nous-mêmes

  5   rencontré nos problèmes techniques. Après ce qui s'est passé la semaine

  6   dernière, il a fallu vraiment élagué, puisque nous n'avons pas pu faire

  7   suffisamment de photocopies. Cependant, nous agirons avec ordre, nous

  8   serons méthodiques.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas.

 10   En fin de semaine, la Défense Stojic avait saisi la Juriste de la

 11   Chambre sur une question liée à l'intervention éventuelle d'un accusé à la

 12   fin du procès, lors de sa prise de parole. Alors, mon collègue le Juge

 13   Trechsel va indiquer à tout le monde quel est le point de vue de la Chambre

 14   sur le problème.

 15   M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Bonjour à l'Accusation, à la Défense. Toutes les choses ne sont pas

 17   claires, il y a un certain manque de clarté s'agissant de la façon dont va

 18   être réparti le temps de la Défense, ce serait arrogant de dire que j'en

 19   suis responsable parce que je ne suis pas le seul concerné, mais vous

 20   pouvez me faire porter la responsabilité comme vous voulez.

 21   Nous avons évoqué une solution, ce serait celle-ci : Nous l'avons toujours

 22   dit, nous avons dit cinq heures par équipe de la Défense. C'est le temps

 23   réservé aux plaidoiries présentées par les avocats. Si une Défense souhaite

 24   ardemment faire intervenir son accusé, il peut y avoir jusqu'à 30 minutes

 25   de temps réservé à l'accusé lui-même. Et la Chambre serait grée aux

 26   conseils de la Défense de dire à la Chambre par avance si elle a cette

 27   intention et à quel moment des cinq heures accordées l'accusé

 28   interviendrait.


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  1   Une fois que nous aurons entendu les six équipes de la Défense, une

  2   question se pose, est-ce que l'Accusation va demander du temps pour sa

  3   réplique éventuelle. A ce moment-là, nous déciderons éventuellement d'un

  4   certain temps qui sera accordé, et le même temps serait, bien entendu,

  5   accordé aux équipes de la Défense. M. Scott l'avait laissé entendre, il

  6   avait prononcé le mot de la fin pour lui dans ce procès, ce qui voudrait

  7   dire que normalement la Défense n'aurait pas la possibilité de présenter

  8   des arguments ou des témoins en duplique. Mais la Chambre sait que nous

  9   n'avons pas qu'une seule Défense ici, ce n'est pas une Défense

 10   monolithique, il y a six accusés, et l'expérience nous montre qu'il serait

 11   peut-être sage de ne pas exclure une possibilité, c'est qu'une Défense, en

 12   fait, essaie de faire déplacer la responsabilité imputée à son accusé à un

 13   autre accusé. Il n'est pas exclu, dès lors, qu'une équipe de la Défense

 14   sente vraiment le besoin très vif de répondre à ce qu'aurait dit un autre

 15   accusé. La Chambre est prête à connaître d'éventuelles requêtes, et si elle

 16   est convaincue, il sera peut-être possible d'avoir une réplique entre les

 17   équipes de la Défense. L'Accusation n'interviendrait plus, et chaque équipe

 18   ne pourrait intervenir qu'une fois. Ensuite, la procédure visée par

 19   l'article 86(A) serait terminée, et nous sommes tous de formation romano-

 20   germanique et nous avons des principes presque sacro-saints dans nos pays.

 21   Nous sommes prêts à accuser aux accusés en personne la possibilité de

 22   prononcer véritablement le mot de la fin. C'est un principe presque sacré

 23   pour nous, et même si le Règlement ne le dit pas explicitement, je pense

 24   que personne noue sera lésé, ne se sentira lésé si nous permettons cette

 25   occasion.

 26   Voilà, j'espère que c'est clair, et si ce n'est pas suffisamment clair,

 27   j'en suis le responsable, et dites-le-moi.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez la parole.

 


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  1   M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, Monsieur le

  2   Juge Prandler, Monsieur le Juge Trechsel, Monsieur le Juge Mindua, bonjour,

  3   et bonjour à toutes les personnes ici présentes et à toutes les personnes

  4   qui suivront éventuellement cette procédure.

  5   Les plaidoiries, le moment ultime, "summation" en anglais, c'est peut-être

  6   la phase la plus fascinante pour un avocat, car elle lui donne l'occasion

  7   de faire montre de son art oratoire, de son éloquence, en reprenant les

  8   fils des éléments de preuve pour bâtir un argumentaire persuasif, qui va

  9   vous convaincre. C'est le moment où l'avocat veut hypnotiser, influencer,

 10   convaincre le juge des faits, que ce soit un jury ou, effectivement, un

 11   collège de juges. On considère que des plaidoiries sont à ce point

 12   importantes que lorsqu'on est à l'école, on nous dit qu'il ne faut jamais

 13   dire aux juges que ce qu'on dit, ce ne sont pas des éléments de preuve. On

 14   veut faire croire au jury ou aux juges que ce qu'on dit, ce sont

 15   effectivement des preuves. Mais moi, pour la première fois, je vais rompre

 16   avec cette tradition, et je vais demander à la Chambre de ne pas oublier

 17   que ce que nous allons dire ici, de ce que nous avons dit dans nos mémoires

 18   en clôture, ce ne sont pas des preuves en tant que telles, ce sont des

 19   arguments. C'est ce qu'on voudrait peut-être que la Chambre accepte en tant

 20   que preuve, qu'elle croie et qu'elle prenne des décisions en conséquence,

 21   mais ce ne sont pas des preuves. Ce que moi je dis, ce que l'Accusation

 22   dit, ce que les autres avocats de la Défense diront, ne le sont pas, ne

 23   sont pas des preuves non plus ce que vous trouverez dans des mémoires en

 24   clôture.

 25   Je pense que nous avons consacré près de cinq ans à la présente procédure.

 26   Nous avons 52 000 pages de compte rendu d'audience. Nous avons 9 000

 27   documents. Ça, c'est le dossier, et c'est là que se niche la vérité. C'est

 28   là que vous trouverez les réponses qu'il vous faut trouver, et c'est là que


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  1   vous pourrez vous prononcer en fin de procédure. Mais en dépit des

  2   imperfections que peut avoir un dossier, et je ne sais pas si nous avons pu

  3   y faire, y consigner, y acter tout ce que nous voulons, je ne pense pas

  4   qu'il y ait une seule partie, un seul avocat qui soit vraiment convaincu,

  5   mais le dossier est ce qu'il est. Des connaissances personnelles, des

  6   préjugés, ce qu'on croit être une vérité populaire, ça, ce n'est pas le

  7   dossier. Et si la Chambre nous avait dit de nous limiter, de nous borner à

  8   émettre une seule phrase, même si on peut mettre un petit point-virgule

  9   pour l'allonger, cette phrase, je dirais qu'il faut regarder à la loupe

 10   tous les éléments de ce dossier, parce que c'est là que se trouve la

 11   réponse à ce que l'Accusation est supposée avoir prouvé. C'est là que vous

 12   verrez si elle a vraiment apporté la preuve au-delà de tout doute

 13   raisonnable des chefs d'accusation qu'elle avait à prouver, c'est tout.

 14   Finalement, notre besogne est terminée. On peut maintenant faire des effets

 15   de manche, mais la véritable tâche, qui est la vôtre, parce qu'elle vous

 16   revient, parce que c'est vous qui devez examiner les éléments du dossier.

 17   L'Accusation a insisté pour dire que la Défense, on n'a pas là

 18   l'impression que c'était presque une déclaration universelle, en fait,

 19   qu'on avait retiré des choses de leur contexte, qu'on avait fait du copier-

 20   coller, qu'on avait, en fait, commodément tiré les faits de leur contexte.

 21   Moi, je ne parle pas au nom de la Défense. Moi, je défends Jadranko

 22   Prlic, et je peux vous dire une chose, Messieurs les Juges. Nous

 23   n'acceptons pas, Me Tomanovic et moi, ce qui est dit, nous refusons avec

 24   véhémence une telle affirmation, et nous disons que c'est une tactique

 25   délibérée, sciemment fabriquée, pour vous induire en erreur.

 26   Si vous lisez le mémoire en clôture de l'Accusation, après avoir entendu

 27   leur réquisitoire présenté par des hommes du ministère public

 28   particulièrement chevronné, ça m'a rappelé ce que disait Socrate, et ceci a


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  1   été repris par Platon dans "L'Excuse". Comment se sent-on quand on entend

  2   les crimes des accusés, je ne le sais pas, mais je sais que leurs mots, qui

  3   m'ont presque persuadé, m'ont presque fait oublier qui j'étais. Tel était

  4   l'effet de ces mots. Et pourtant, ils n'ont dit pratiquement aucun mot qui

  5   soit vrai.

  6   La façon dont l'Accusation a rassemblé ces éléments, en tout cas en ce qui

  7   concerne M. Prlic, est au bas mot inquiétant. L'Accusation voudrait vous

  8   faire condamner M. Prlic en déformant les faits et le droit dans un lit de

  9   procuste, et malheureusement, apparemment l'Accusation a oublié quel était

 10   son rôle, qui est de chercher à ce que justice soit faite, et pas

 11   simplement de condamner, de punir.

 12   La Cour suprême des Etats-Unis dans l'affaire Burger contre les Etats-Unis

 13   nous rappelait ceci, que l'Accusation a certes le droit de frapper et de

 14   frapper dur, mais elle n'a pas le droit de donner des coups bas.

 15   Lorsque je me préparais, j'ai rencontré, je me suis souvenu d'un

 16   texte de "L'éthique juridique moderne : Comment être avocat dans un âge

 17   démocratique, à l'ère démocratique". Voici ce que disait le Pr Daniel

 18   Markovits :

 19   "Les engagements professionnels que doit prendre un substitut, il faut les

 20   comprendre aussi à l'intérieur de l'éthique juridique. Elle ne se contente

 21   pas, l'Accusation, de représenter un client ordinaire devant un tribunal

 22   neutre, l'Accusation, elle représente un bras de l'Etat et elle le

 23   représente devant un autre. En principe, l'Etat, le ministère public ne

 24   cherche pas la victoire en tant que tel parce qu'elle ne doit jamais

 25   poursuivre une injustice. Le ministère public, il n'a pas besoin de rempart

 26   face à l'autorité parce que c'est lui qui incarne l'autorité. Quel est le

 27   devoir qu'a le ministère public, il doit rechercher la vérité, il doit

 28   vouloir l'équité et, par conséquent, sa structure génétique, elle n'est pas


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  1   la même que les autres."

  2   Et je pense que c'est précisément à cela que pensait Juge Hunt lorsqu'il

  3   nous mettait tous en garde et en fait, il rappelait à ses collègues aussi,

  4   il rappelait à cette institution et à l'héritage qu'elle va laisser

  5   lorsqu'il a dit :

  6   "Le Tribunal ne va pas être jugé à son nombre de condamnations, mais par

  7   l'équité de ses procès. Un substitut, il a des obligations de

  8   responsabilité qui ne sont pas du tout les mêmes que celles d'un avocat de

  9   la Défense. Le code de déontologie du ministère public le dit clairement

 10   dans ce Tribunal."

 11   Regardez l'article 2, l'Accusation a l'obligation, a le devoir - je cite -

 12   "d'aider le Tribunal à faire se manifester la vérité et à faire en sorte

 13   que justice soit faite pour la communauté internationale, les victimes et

 14   les accusés".

 15   Permettez-moi aussi de vous rappeler ce que disait Robert Jackson, il se

 16   trouvait devant des avocats généraux aux Etats-Unis en avril 1940. Il leur

 17   disait ceci :

 18   "Votre position se caractérise par une telle indépendance, une telle

 19   importance que vous devez bien sûr être diligent, rigoureux, veiller à une

 20   stricte application de la loi, mais vous pouvez aussi vous permettre le

 21   luxe de la justice."

 22   L'Accusation ici, c'est un organe du Tribunal qui comparaît devant un

 23   deuxième organe du Tribunal et en vertu du père du Tribunal, à savoir les

 24   Nations Unies, c'est l'humanité elle-même. En principe, le TPIY ne doit pas

 25   simplement vouloir la victoire du parquet. Même si moi je ne cesse d'être

 26   indigné et de sortir de mes gonds, chaque fois que je vois le logo dans le

 27   hall d'entrée, parce qu'on dit que la raison d'être, la mission de ce

 28   Tribunal, je cite, c'est de "traduire les criminels de guerre en justice",


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  1   plutôt que de dire simplement que c'est ici une institution qui est censée

  2   rendre la justice. Hélas, cette même devise, vous la retrouvez sur le site

  3   Web, sur la page d'accueil du site Web du TPIY.

  4   Les Nations Unies ne devraient pas vouloir simplement la victoire pour

  5   gagner même si elle a investi énormément d'argent dans cette procédure, et

  6   l'Accusation ne devrait pas se livrer à des pratiques rigoureuses et très

  7   agressives simplement pour occulter, dissimuler la vérité, simplement pour

  8   gagner. Rappelons-nous ceci, quand on parle de l'aiguille dans une botte de

  9   foin, il faut nous donner l'aiguille, pas la botte de foin. Les membres de

 10   la Chambre de première instance ne doivent pas hésiter, à savoir il faut

 11   une mesure égale. Ici, il n'y a pas d'exercice d'équilibre appliqué pour

 12   faire pencher la balance en faveur de l'Accusation et des victimes,

 13   l'Accusation n'a pas de privilège particulier parce qu'elle fait partie du

 14   club du TPYI et, par extension, du club des Nations Unies.

 15   Conformément aux instructions données par la Chambre de première instance,

 16   nous allons nous concentrer ici sur ce qu'a dit le mémoire en clôture de

 17   l'Accusation à propos de M. Prlic, paragraphes 361 à 526. Mais nous allons

 18   aborder d'autres éléments et d'autres parties des mémoires en clôture et

 19   des réquisitoires - je ne me plains pas, je me contente de faire cette

 20   observation - cinq heures, ça fait à peu près une heure par an. Et on a

 21   beaucoup de pain sur la planche, et nous avons découpé, saucissonnée, mais

 22   en fin de compte, nous nous retrouvons un peu dans le pétrin, difficile de

 23   tout faire et de répondre à tous les éléments qu'il y avait dans ce mémoire

 24   en clôture. Nous n'avons pas l'intention, nous ne voulons pas non plus

 25   faire porter le chapeau ou nous soustraire à une quelconque responsabilité.

 26   M. Prlic ne renie aucunes des décisions qu'il a signées au nom de

 27   l'autorité exécutive temporaire, le HVO HZ HB en sa qualité de président.

 28   Le premier ministre, il a été très clair sur ce propos lorsqu'il a fait une


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  1   déclaration le 5 mai 2008. Il n'y avait aucune ambiguïté du tout, ces

  2   décisions, ces conclusions, et bien sûr l'Accusation prend des bribes de

  3   phrases, voilà, c'est la "décision Prlic", c'est "l'ultimatum de Prlic",

  4   c'est la "proclamation Prlic-Stojic", mais c'est plutôt des gros titres ou

  5   le titre d'un livre. Qu'ils le fassent tant que ça leur plaise. En fin de

  6   compte, c'est sur des décisions prises collectivement par le collectif, et

  7   c'est le collectif qui avait la responsabilité de la prise de ces

  8   décisions. Il les a signées, certes, M. Prlic, et il ne renie pas, il ne

  9   nie pas avoir participé à l'élaboration de ces décisions, à leur signature.

 10   Mais en disant cela, j'avoue avec un certain regret que je dois vous dire

 11   ceci : ces décisions, elles s'inscrivaient aussi dans le cadre des

 12   décisions par l'accusé Bruno Stojic. Permettez-moi de paraphraser ce que

 13   disait Mme West avec beaucoup d'élégance et d'éloquence. C'est vraiment un

 14   exercice futile, sémantique ou de gymnastique linguistique que de dire,

 15   comme le fait M. Stojic, que les désignations étaient signées par M. Prlic

 16   et que c'étaient des désignations Prlic en les plaçant en contraste avec

 17   les désignations et nominations du HVO HZ HB après M. Stojic. Ici, il

 18   s'agit des paragraphes 286, 302 et 307. Abondants furent les éléments de

 19   preuve, les témoignages pour vous dire qui était le pouvoir sous-jacent à

 20   tous ces documents, qui signait en fait.

 21   Mais toutes ces décisions, aussi bien celles du 15 1993 [comme interprété],

 22   sont concernées par là. Ces décisions, elles ont été prises de bonne foi et

 23   on croyait que ce que M. Praljak avait relaté était conforme à la vérité,

 24   était exact et tout à fait exhaustif, et que la décision de prime abord

 25   n'était ni illégale et ni menaçante. N'oublions pas qu'à Genève il y avait

 26   négociation, il a des négociations qui prennent une tournure encourageante

 27   et les négociations se poursuivent à Zagreb; pensant à ce qui se passait

 28   ailleurs vous aviez des alliés qui se retournaient les uns contre les


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  1   autres sans s'intéresser au danger réel, sans se tourner vers le front qui

  2   menaçait, ces décisions de prime abord n'étaient ni sinistres ni menaçantes

  3   ni légales. Mais maintenant vous avez essayé de dire que ce fût une

  4   décision Prlic prise par M. Prlic notamment au paragraphe 165. Ecoutez, ce

  5   n'est pas pour reprendre le mot de Mme West futile, c'est aussi contraire à

  6   la vérité car vous avez de nombreux éléments de preuves qui montrent le

  7   contraire. Il contredit lui-même aussi lorsqu'il appelle à la barre des

  8   témoins pour défendre sa cause et qu'il vous dit comment les décisions ont

  9   été prises et qui les a prises. Et je trouve que c'est vraiment tout à fait

 10   extravagant de penser que ce genre de tactiques pourrait porter des fruits,

 11   ce n'est en fait que de la poudre aux yeux. Essayer de déplacer la

 12   responsabilité en essayant de saucissonner des éléments en les distribuant,

 13   En veux-tu ? En voilà, ça ne sert à rien car nous avons des éléments de

 14   preuve.

 15   Et un avocat à une responsabilité, c'est celle, si vous me permettez

 16   de faire une citation, c'est celle qu'invoquait Henry Lord Brougham en 1820

 17   dans le procès de la Reine Caroline. Il disait que :

 18   "Un avocat lorsqu'il s'acquitte de son devoir il ne connaît qu'une

 19   personne au monde et cette personne c'est son client, il faut qu'il sauve

 20   sa tête par tous les moyens, à tous risques, et ça peut être aussi au

 21   dépend d'autrui, notamment de lui-même. C'est là son devoir le plus

 22   important, son seul devoir, et ce faisant, il doit faire fi de l'inquiétude

 23   et tourment de la destruction qu'il va peut-être infligé à d'autres".

 24    Pour le dire autrement, un avocat de la Défense doit manifester un

 25   certain empressement, une certaine ferveur dans son travail. Bien sûr, nous

 26   sommes tenus de respecter certaines bornes, certaine limites, une certaine

 27   bienséance et j'espère que ce que j'ai dit, je dis aujourd'hui et je dis

 28   depuis cinq ans, si quelques fois évidemment je vous ai peut-être poussé à


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  1   bout mais je n'ai dépasser les bornes dans cette volonté de défendre M.

  2   Prlic avec ferveur.

  3   Avant de parler de M. Prlic, je pense qu'il est utile de revenir à ce

  4   qu'affirmait l'Accusation au paragraphe 3 de son mémoire en clôture. Au

  5   moment de son réquisitoire, lorsque l'Accusation parlait des témoins à des

  6   charges, elle a dit que c'était tous des Croates. Bien sûr, on a fait une

  7   petite réserve, on a dit que c'étaient des gens, des initiés, et on a dit,

  8   bien oui, en principe y'a rien de mal à cela. Les Croates ont autant de

  9   droits de comparaître et de témoigner ici que n'importe qui d'autre.

 10   Cependant, étant donné que de la vue de l'Accusation c'était chacun d'entre

 11   eux, sans aucune exception, désigné ici, et bien sûr ça devrait aller de

 12   soi, c'était tous, comme voudrait vous le faire croire l'Accusation, des

 13   membres qui faisaient partie intégrante de l'entreprise criminelle commune,

 14   et c'est pour ça que l'Accusation vous demande de faire fi, d'ignorer ce

 15   que ces gens ont déclaré.

 16   L'Accusation a travaillé d'arrache-pied, ce sont des gens honnêtes et

 17   sincères au bureau du Procureur, et on ne peut pas s'empêcher de pêcher par

 18   un peu de subjectivité dans ce procès. Je pense que l'Accusation, où j'en

 19   ai été accusé moi aussi. Mais je suis vraiment navré, désolé de devoir dire

 20   ce que je vais dire. Le fil d'Ariane du réquisitoire tout entier, ce

 21   courant qui a été ressenti pendant toute la durée du réquisitoire, et

 22   rappelez-vous dans quelle situation se trouvent les accusés, n'oubliez pas

 23   non plus qu'il y ait effectivement tous ces témoins, mais on a essayé de

 24   tramer ce fil, de tisser ce fil d'Ariane; une équation, Croate égale

 25   nationaliste, égale oustachi, égale nazi, c'est un peu la perception qu'on

 26   a eu. Ce n'était peut-être pas recherché, ce n'était peut-être pas

 27   l'attention voulue. Peut-être que c'était uniquement présenté à titre

 28   d'exemple, mais j'irais jusqu'à dire que ce thème était vraiment récurrent,


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  1   profond, et c'était pour vous faire comprendre -- ne faites pas confiance à

  2   ces témoins. Ne leur prêtez aucune foi, parce que manifestement ce sont des

  3   gens qui sont des sympathisants de la cause musulmane, parce qu'à ce

  4   moment-là, ce serait des gens fidèles à Izetbegovic, Silajdzic, Ganic et le

  5   reste, c'est ce qu'on dit.

  6   Mais je pense qu'il faut pas juger un témoin en raison de sa

  7   religion, de son métier ou de ses liens professionnels. Le fait qu'un

  8   témoin ne soit pas un Croate ou le fait qu'un témoin a des liens avec les

  9   Nations Unies, avec l'Union européenne, ou est originaire d'un pays qui se

 10   trouve être un membre permanent du Conseil de sécurité, est-ce que ça veut

 11   dire qu'on peut leur accorder d'office 100 % de crédibilité, et qu'un

 12   Croate qui est un témoin à décharge n'en aurait aucune ? Personne n'entrera

 13   gratuitement, et il n'y a pas un témoin qui sera indubitablement plus

 14   crédible qu'un témoin simplement, comme voulait vous le faire croire

 15   l'Accusation, pour ce genre de raison, et personne ne devrait pâtir de

 16   préjuger simplement parce qu'ils ils viennent pour défendre un accusé.

 17   Les témoins qui sont venus défendre M. Prlic n'étaient pas des personnes

 18   dénuées de compétence ni de responsabilité, c'étaient des personnes

 19   occupant des fonctions importantes. Alors, un ancien Premier ministre est

 20   venu, plusieurs anciens ambassadeurs, un ancien ministre des Finances de la

 21   Bosnie-Herzégovine, un ancien ministre des Affaires étrangères de la

 22   République de Croatie qui a été ambassadeur aux Etats-Unis. Et je m'arrête

 23   un instant. Alors, pourquoi est-ce que lui il serait moins crédible, que

 24   disons, qu'importe, parce qu'il est venu ici et il a admis effectivement

 25   que pendant l'embargo les Nations Unies violaient l'embargo et il l'a dit,

 26   il avait contribué en sa qualité d'ambassadeur aux Etats-Unis. Alors

 27   pourquoi est-ce que tous les témoins croates seraient moins crédibles que

 28   les témoins à charge ?


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  1   Et je pense que ceci est vrai de tous les témoins de M. Prlic.

  2   Pourtant, il y eu contre-interrogatoire, leur fiabilité était mise à

  3   l'épreuve. Et nous, nous n'avons fourni aucune déclaration qui aurait été

  4   façonnée au fil de plusieurs heures, de plusieurs journées - je vais

  5   revenir sur ce sujet - nous, nous n'avons pas préparé de déclaration qui

  6   serait une partie intégrante de l'interrogatoire principal du témoin. J'ai

  7   pas mal de choses à vous dire, je vous l'ai déjà dit, mais je pense qu'il

  8   faut que je répète. C'est important, à mon avis, parce que ça concerne la

  9   valeur probante qu'il faut donner à chacun des témoignages.

 10   L'Accusation dit que nos témoins sont des nationalistes purs et durs

 11   qui veulent simplement reconstituer la Banovina de 1939. Et ils voudraient

 12   que vous, vous les croyiez, et nous vous exhortons à accorder la même

 13   considération à tous les témoins. Ce qui compte, c'est uniquement ce qui

 14   concerne le dossier, et dans le dossier il n'y a pas que l'interrogatoire

 15   principal d'un témoin à charge ou le contre-interrogatoire d'un témoin à

 16   décharge. On avait une règle magnifique ici, un article, le 98 bis, qui

 17   s'inspire du système anglo-saxon de demander un abandon des poursuites

 18   après la présentation des moyens à charge. Si l'Accusation n'avait pas

 19   apporté la preuve à ce stade-là de la procédure, un ou plusieurs chefs, ou

 20   tous les chefs pouvaient être retirés; le principe étant que c'est

 21   l'Accusation qui a la charge de la preuve et qui doit l'apporter, cette

 22   preuve.

 23   Pour moult raisons, aucune ne me semblant particulièrement

 24   convaincante, mais moi je ne compte pas, nous ne sommes pas débarrassés de

 25   l'article, mais nous n'avons émasculé. Alors maintenant, on a présenté un

 26   mémoire 98 bis, certaines parties l'ont fait. Pour moi, ce n'est rien

 27   qu'une façon de reconfirmer l'acte d'accusation. Et pourquoi ? Parce qu'on

 28   vous demande d'oublier tout ce que la Défense aurait fait, tous les contre-


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  1   interrogatoires des témoins à charge et tous les documents qu'elle a

  2   présentés. On vous demande de voir uniquement ce qu'a fait l'Accusation et

  3   si, partant de ce qu'elle a fait, de ce qu'elle vous a présenté, un juge de

  4   faits raisonnable pourrait déclarer l'accusé coupable. Mais à quoi cela

  5   sert-il ? Parce qu'à mon avis, c'est la même norme que celle utilisée par

  6   un juge lorsqu'il confirme un acte d'accusation. A mon avis, ce sont les

  7   mêmes critères. Retourner le couteau dans la plaie après, maintenant dire

  8   qu'on a gagné cette phase de la procédure 98 bis, on dit tout d'un coup que

  9   maintenant ils ont plus de preuves, alors que c'est la même chose. Et nous,

 10   nous disons que le dossier, c'est uniquement ce qu'il faut voir et c'est

 11   tout. Lors d'un interrogatoire principal, il faut faire attention aux

 12   réponses, pas aux questions, parce que si la question pousse le témoin dans

 13   un certain sens, la réponse n'a aucune valeur.

 14   Mais au contre-interrogatoire, et je sais bien que ce n'est pas tout

 15   à fait la même chose ici en Europe, ou que certains Juges de tradition

 16   romano-germanique ne le voient pas comme ça, mais au moment du contre-

 17   interrogatoire, l'élément de preuve, il est conjugué, si vous voulez, il

 18   est apporté par la question et la réponse, et lorsque vous allez maintenant

 19   évaluer ce que dit un témoin, vous allez voir ce qu'il a dit, mais aussi

 20   les documents qui ont été présentés et tous les autres éléments. Vous le

 21   savez parfaitement, et je m'excuse si j'ai la présomption de vous rappeler

 22   des choses que vous connaissez parfaitement, mais lorsque vous lisez le

 23   mémoire de l'Accusation, vous avez l'impression qu'ici on est à une phase

 24   de la procédure 98 bis. On rappelle tout ce qui a été fait, puis on vous

 25   demande de vous prononcer en faveur de l'Accusation, et surtout, de faire

 26   fi des témoins à décharge, parce que ce sont soi-disant des initiés.

 27   Mais alors, qui voulez-vous qu'on ait ? Comment vous expliquez

 28   comment fonctionnait le système ? A qui vais-je faire appel comme témoin ?


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  1   A quelqu'un qui vient d'un autre pays ?

  2   N'oubliez pas, Messieurs les Juges, et je pourrais vous faire une

  3   citation, que je n'ai pas ici sous la manche, mais je pense que je l'ai

  4   quelque part et je peux la retrouver, mais pendant ces cinq années de

  5   procès, nous avons eu chaque fois des substituts qui vous demandaient :

  6   "Qu'est-ce qu'une nation constitutive ?" Pendant cinq ans, on nous l'a

  7   seriné. Alors maintenant, si un témoin doit répondre à ce genre de

  8   question, et je vous rappelle un fameux échange de l'Accusation :

  9   "Bon, il y avait trois groupes. Trois groupes. Et chacun voulait être

 10   une nation constitutive."

 11   Et le témoin, qui a dit :

 12   "Non, non, nous ne voulions pas être des nations constitutives. Nous

 13   l'étions."

 14   Si vous ne comprenez pas ce principe directeur, vous allez droit au

 15   mur. Vous allez voir du mal, tout comme, à notre avis, Biden, le vice-

 16   président Joe Biden, avant il était sénateur, il reçoit une lettre de

 17   Silajdzic, et dit :

 18   "En Bosnie, tout le monde est Bosnien. Qui, tout d'un coup, a l'idée

 19   qu'il y a des Serbes et des Croates ? Il y a des Catholiques de Bosnie,

 20   Catholiques romains, et il y a des Orthodoxes."

 21   On l'a vu, d'autres témoins même nous l'ont dit, et j'espère qu'on

 22   pourra y venir. Hadzihasanovic l'a dit. Bien entendu, si on ne comprend pas

 23   toutes les caractéristiques que signifie le fait d'être une nation

 24   constitutive dans un environnement aussi fragile, sachant ce qui se passe

 25   tout autour de vous, sachant que la Yougoslavie se désintègre, vous allez

 26   avoir des difficultés. On l'a vu quand on a parlé de biens nationalisés. Je

 27   crois qu'on a eu un fameux échange là aussi. C'était le cadre de

 28   l'autogestion. C'était Mme West, je pense, qui posait la question.


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  1   Propriété sociale. Et on dit -- voilà, elle a dit : Bien voilà, je suppose

  2   qu'il y avait deux ou trois propriétaires. C'est comme ça qu'elle voyait

  3   l'autogestion. Ensuite, on voit les internationaux qui viennent et aucun,

  4   pas un seul, pas un seul, et là, j'affirme, j'ai bien regardé, j'ai essayé

  5   d'en trouver un qui aurait dit : "J'ai tout lu, j'ai lu les gazettes

  6   officielles, j'ai lu les bulletins officiels, je les ai analysés, ils m'ont

  7   été traduits, ils ont été analysés." Et il n'y a pas un seul témoin des

  8   internationaux qui se sont rendus sur place qui se sont donnés la peine

  9   d'étudier ces documents.

 10   Qu'ont-ils fait, en fait ? Ils sont arrivés avec leurs idées

 11   préconçues, ils sont arrivés à Zagreb, puisque c'est là qu'ils sont

 12   atterris au départ, on leur a fait un petit briefing pour leur expliquer ce

 13   qui se passait, on leur a tous dit : Voilà la Bosnie, voilà la carte, et

 14   cet endroit là-bas, c'est un mini Etat autoproclamé. Autoproclamé. C'est

 15   ainsi qu'ils ont été programmés au départ, avec ces idées préconçues. Nous

 16   avons des témoins, on y viendra, qui ont dit : Mais le Dr Prlic, c'était le

 17   président. Dans mon pays, ou d'après ce que je comprends, moi, en tout cas,

 18   le président a des pouvoirs, a pouvoir sur le ministre de la Défense, il a

 19   toute autorité sur les militaires, et cetera. Et en plus, je l'ai vu dans

 20   la pièce, il y avait là le ministre de la Défense. En fait, il n'y en avait

 21   pas. Il s'agissait, en fait, du chef du département de la Défense et

 22   quelqu'un d'autre qui venait de l'état-major principal. Alors, ils font

 23   deux plus deux. Dans mon pays, le président commande aux militaires. Dans

 24   mon pays, il commande aux ministres. Là, j'ai un ministre. Là, j'ai l'état-

 25   major principal. Pas besoin d'aller plus loin. Pas besoin d'analyser plus

 26   loin. Pas besoin de rentrer dans les détails.

 27   Il n'y en a qu'un. Il n'y en a qu'un. Il n'y a qu'un témoin qui n'a

 28   pas fait cela, c'était le Témoin BH. A part celui-là, tous les témoins on


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  1   dit le bureau du Dr Prlic était toujours ouvert. Il était toujours prêt à

  2   donner des informations. Il suffisait de lui poser la question.

  3   Donc, il y a certaines occasions, une en particulier, d'ailleurs, je

  4   ne voudrais pas quand même vous induire en erreur, mais lorsque Watkins

  5   arrive, il me semble que c'est Watkins, il a dit : "J'ai posé des questions

  6   à propos des échanges de prisonniers et à propos de l'aide humanitaire, et

  7   cetera, et il m'a renvoyé sur d'autres personnes, Pusic et Raguz." Ce sont

  8   les services qui s'occupent de ces problèmes. C'est pour ça qu'il les a

  9   renvoyés vers ces personnes. Ce qui est aussi très intéressant en ce qui

 10   concerne ce Watkins, c'est que lorsqu'il a rencontré le Dr Prlic, il a dit

 11   Dr Prlic, il était très intéressé, il voulait savoir ce qui se passait en

 12   Bosnie centrale, parce que c'est de là que venait Watkins.

 13   Mais voici où je veux en venir : aucun de ces témoins, aucune de ces

 14   personnes, qui avaient pourtant un accès au Dr Jadranko Prlic, n'ont jamais

 15   pris la peine de lui poser la moindre question, lui demander : Comment est-

 16   ce que ça fonctionne ici, comment est-ce que ça marche ici, parce que c'est

 17   le président ? Ici, tout le monde est président, tout le monde est chef du

 18   département. Alors à quoi ressemble votre présidence ? Comment est-ce

 19   qu'elle fonctionne ? Qu'est-ce qu'une entité collective ? Moi, je ne

 20   connais pas l'entité collective. Moi, je viens d'un pays occidental, un

 21   pays démocratique. Mais penser que parce que notre système fonctionne d'une

 22   façon, tous les systèmes vont fonctionner de la même façon, par exemple en

 23   Bosnie-Herzégovine, c'est vraiment être arrogant, et je tiens à dire qu'on

 24   a dû faire venir des gens qui étaient en mesure de vous expliquer comment

 25   fonctionnaient les choses à l'époque, là-bas.

 26   Imaginez. Nous vous avons dit que Sarajevo était assiégée, que la

 27   Banque centrale ne fonctionnait pas, que la trésorerie générale ne

 28   fonctionnait pas. Elle ne fonctionnait pas parce qu'il n'y avait plus de


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  1   courant, tout simplement. Les communications non plus ne fonctionnaient

  2   pas. Tout le réseau ne fonctionnait pas.

  3   Donc, ça aurait été bien, quand même, que l'Accusation nous le dise

  4   avant qu'ils le disent : "Ah, ils essayaient de croatiser en utilisant le

  5   dinar croate," et cetera. Mais qu'est-ce qu'ils pouvaient faire d'autre ?

  6   Quelle était l'option ?

  7   On faisait venir un témoin, d'ailleurs, vous vous en souviendrez sans

  8   doute. Je crois qu'il faisait presque 2 mètres. Il était immense. Mais je

  9   ne pense pas que M. le Juge Prandler était là à l'époque. Mais c'était un

 10   géant, très mince. Il a été complimenté par M. Khan parce qu'il avait l'air

 11   extrêmement jeune, alors qu'il avait 70 ans, et M. Khan, lorsqu'il a appris

 12   l'âge de cette personne, était totalement abasourdi. Cette personne était

 13   le ministre des Finances de Bosnie-Herzégovine en 1992, au début des

 14   événements, un entrepreneur qui avait bien réussi avec un doctorat en

 15   économie. Il a dit à un moment : "On a dû quitter Sarajevo parce que ça ne

 16   marchait plus là-bas. On ne pouvait plus faire de transactions. Il n'y

 17   avait pas de téléphone. On ne pouvait plus faire la moindre transaction. On

 18   ne pouvait pas faire d'affaires."

 19   Il a parlé des différentes devises qui avaient été utilisées; les

 20   coupons, par exemple. Mais il était Croate, certes. De toute façon, il est

 21   reparti. Il est retourné en Croatie, y a vécu, ne s'est plus jamais engagé

 22   dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna ni dans la République croate

 23   d'Herceg-Bosna. Mais si cette personne était vraiment venue témoigner et

 24   que son témoignage était inutile, qu'il avait un peu essayé d'arranger les

 25   choses, l'Accusation aurait-elle fait venir son propre témoin pour réfuter

 26   ces éléments de preuve, le fait que la Banque centrale ne fonctionnait pas

 27   à Sarajevo, par exemple ? Mais à qui d'autre pouvons-nous faire appel ?

 28   Nous avons fait venir un Slovène. Bon, il n'a pas été attaqué. En tout cas,


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  1   je n'ai pas eu l'impression qu'il l'ait été, mais je n'ai pas eu

  2   l'impression qu'on considère qu'il était aussi Croate, comme les autres,

  3   mais il était quand même un témoin à décharge. Il a expliqué comment

  4   fonctionnait le système. Il a dit que dans leur système dans l'ex-

  5   Yougoslavie, il y a eu une période de transition, on parlait beaucoup de ce

  6   qui était collectif, on parlait aussi d'autogestion. Puisque c'était leur

  7   façon de fonctionner, c'était leur système. Qu'il soit bon ou qu'il soit

  8   mauvais, de toute façon, c'était leur système. Et ensuite, on a eu la

  9   transition avec un peu de décentralisation, où le pouvoir a quitté Belgrade

 10   petit à petit pour diffuser vers les différentes républiques, et là aussi,

 11   il y avait énormément d'autogestion, autogestion qui était au niveau

 12   municipal, puisque c'étaient les municipalités qui s'occupaient des

 13   différentes fonctions. Et ensuite, il a parlé des fonds, de la finance, de

 14   différents comptes, de comptes pour l'éducation, pour la santé, la façon

 15   dont la fiscalité fonctionnait aussi, comment, en fait, ces différents

 16   fonds, ces différentes caisses étaient réalimentées par les impôts qui

 17   venaient des communautés locales.

 18   Et d'ailleurs, c'est exactement le témoignage de ce qu'on avait

 19   entendu de Tomic. Et pourquoi ? Parce qu'il était lié à l'ECC d'une manière

 20   ou d'une autre ? Absolument pas. C'est parce qu'il venait de Slovénie, et

 21   la Slovénie avait fait partie de la Yougoslavie, il avait grandi dans ce

 22   système, il avait reçu des enseignements dans ce système, et il a bien pu

 23   expliquer comment cela fonctionnait, et il était capable aussi de

 24   comprendre les textes législatifs rédigés par la Communauté croate

 25   d'Herceg-Bosna. Il était aussi capable d'en comprendre les limites et de

 26   comprendre aussi le fait que les gens là-bas en Bosnie-Herzégovine, pas

 27   uniquement en Communauté croate d'Herceg-Bosna, mais à Tuzla, Jablanica,

 28   dans toute la Posavina. Il a pu expliquer à quel défi ces personnes étaient


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  1   confrontées, puisque la trésorerie principale ne fonctionnait pas, et ça,

  2   c'était quand même essentiel comme problème. Parce que l'économie était

  3   privée de son cordon ombilical. Donc nous l'avons fait venir et nous avons

  4   fait venir aussi Tomic.

  5   Bien sûr, Tomic est relié à Prlic puisqu'il fait partie de la

  6   Communauté croate d'Herceg-Bosna. Mais est-ce que ça veut dire qu'il n'a

  7   aucune valeur ? L'Accusation l'a questionné pendant des jours, et il y a eu

  8   un dialogue extraordinaire, d'ailleurs. Je pense que c'est dans notre

  9   mémoire en clôture. Le Juge Antonetti lui pose une question. Il essaie

 10   d'expliquer qu'en fait, son but était d'essayer de mettre un peu d'ordre

 11   dans le chaos. Et l'Accusation voulait -- que Sarajevo, en fait,

 12   fournissait tout. Absolument pas. Où sont les preuves ? Les seules preuves

 13   qu'on en a obtenues, et qui viennent de nous, d'ailleurs, c'est qu'il y

 14   avait de l'argent, des liasses d'argent qui venaient d'être imprimées, dont

 15   un tiers a été envoyé à la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Ça ne pouvait

 16   pas être utilisé à Mostar, par exemple, parce que ce n'était pas des

 17   devises. Donc c'était envoyé en Bosnie centrale, et là, en revanche,

 18   c'étaient des devises qui pouvaient fonctionner.

 19   Mais où est-ce que je veux en venir ? Voici où je veux en venir.

 20   Avant d'écarter d'un revers de main les témoins de la Défense, l'Accusation

 21   aurait peut-être dû tout d'abord présenter correctement leur thèse avant de

 22   faire des affirmations quant à la croatisation, disant qu'il y avait

 23   croatisation, parce que le dinar croate était utilisé. Ils auraient dû

 24   expliquer, quand même, ce qui se passait. Ils auraient pu vous dire que le

 25   dinar bosniaque ou le dinar yougoslave ou quelque chose fonctionnait. Non.

 26   Ils n'ont même pas essayé de vous le prouver. Ils auraient pu le faire

 27   ensuite par la suite, quand même. Ils auraient pu faire venir un expert

 28   pour montrer, pour récuser Primorac, par exemple, qui ne faisait pas partie


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  1   du projet d'ailleurs, pour récuser Cvikl, l'expert, voire pour récuser

  2   Tomic en tant qu'expert. Mais est-ce qu'ils ont fait venir qui que ce soit

  3   pour récuser ces personnes ? Ont-ils présenté des arguments ? Rien.

  4   Absolument rien. Ils avaient un expert. Ils ne l'ont jamais cité à la

  5   barre. Je ne sais pas pourquoi. Je me demande bien pourquoi, d'ailleurs.

  6   Donc, il faut être circonspect en ce qui concerne les éléments de

  7   preuve présentés par l'Accusation. Soyez aussi circonspects avec leurs

  8   preuves qu'avec les nôtres. Ne soyez pas tolérants. C'est tolérance zéro en

  9   ce qui concerne l'utilisation de mots hors contexte, l'utilisation de

 10   phrases qui déforment. On a l'impression, en fait, que l'Accusation a une

 11   aversion totale envers tout élément de preuve qui ne va pas dans leur sens.

 12   Je ne veux pas profiter de l'occasion, mais j'ai vraiment l'impression

 13   qu'ils ont, certes, essayé de montrer qu'il y avait une entreprise

 14   criminelle commune de grande envergure, que le Dr Prlic était ceci ou cela,

 15   mais quand on étudie le dossier, les éléments de preuve, parce que sachez

 16   que l'on a passé cinq semaines à passer en revue toutes leurs notes de bas

 17   de page, et s'ils se sont mal préparés aujourd'hui, c'est parce que le

 18   mieux est l'ennemi du bien, c'est tout. On a essayé de passer en revue

 19   toutes les notes de bas de page pour mettre en exergue chaque situation où,

 20   de notre avis, l'Accusation était un peu loin, quand même, dans ses

 21   arguments, a essayé de plus ou moins tergiverser avec la vérité. Ils

 22   prennent une petit mot ici, une bribe par ci, une bribe par là, pour

 23   essayer de reconstruire un récit. Il y a énormément de situations de ce

 24   type, d'ailleurs nous vous les montrerons pas toutes, certes, parce que

 25   nous n'aurons pas le temps, mais certaines.

 26   C'est quand même une affaire importante. Bien sûr, il y aura des

 27   erreurs qui seront faites, c'est normal. On fait des erreurs en toute bonne

 28   foi. Parce que nous sommes honorables de chaque côté, nous sommes des


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  1   honnêtes gens, et je ne pense pas qu'il y ait des erreurs qui aient été

  2   faites par mauvaise foi, mais Oliver Wendell Holmes Sr, qui est le père

  3   d'Oliver Wendell Holmes Jr, un juriste américain très célèbre, a écrit ceci

  4   : Même un chien comprend la différence entre quelqu'un qui trébuche sur lui

  5   et quelqu'un qui lui donne un coup de pied. Donc faites bien attention,

  6   faites bien attention. M. Scott, d'ailleurs, a été extrêmement -- il l'a

  7   dit d'ailleurs, il a dit il ne faut pas faire deux poids deux mesures,

  8   certes, et nous le garderons à l'esprit.

  9   Je vais maintenant étudier et passer en revue certains témoignages. Bon, je

 10   ne vais pas essayer de vous convaincre, parce que je pense que c'est quand

 11   même un peu tard pour cela, mais ce que j'espère réussir, c'est que vous

 12   vous penchiez avec énormément de soin sur le dossier et que vous restiez

 13   toujours des sceptiques lorsque vous étudierez ce dossier. Après avoir

 14   entendu les réquisitoires et entendu toutes les plaidoiries, après avoir lu

 15   les mémoires en clôture, lorsque vous vous pencherez enfin sur le dossier,

 16   il faut quand même que vous gardiez à l'esprit un certain scepticisme. Je

 17   ne pense pas que je puisse aller beaucoup plus loin à l'heure actuelle. Je

 18   ne peux pas vous en demander beaucoup plus. Ce que j'ai dit, mes propos, ma

 19   plaidoirie, n'est absolument une preuve. J'essaie, bien sûr, de vous

 20   démontrer qu'il y a bien plus que ces mémoires bien ficelés, que ces

 21   discours éloquent. Il faut regarder le dossier et le dossier uniquement.

 22   Passons d'abord aux internationaux, parce que, comme je l'ai dit, ils

 23   étaient tous de la même eau, finalement. Ils ne savaient rien lorsqu'ils

 24   sont arrivés. Ils sont tous arrivés là-bas, ont vu la porte du Dr Prlic

 25   ouverte, et le Dr Prlic était prêt à les renseigner.

 26   Et lorsqu'ils sont venus à la barre, pratiquement tous -- enfin pas

 27   tous, mais l'essentiel de ces témoins internationaux avaient leur petit

 28   récit bien préparé. Celui qui m'intéresse le plus, pour commencer en tout


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  1   cas, et sachez que c'est ne pas une exception à la règle, c'est le Témoin

  2   BA.

  3   Pendant quatre jours, l'Accusation a été en réunion avec le témoin, lui a

  4   donné des documents, l'a récolé, lui a présenté des documents qu'il n'avait

  5   jamais vus. Et ensuite, pendant ces quatre jours, on a un récit tout d'un

  6   coup qui apparaît, avec des titres, des sous-titres, les chapitres, les

  7   sous-chapitres, et cetera. Il y a déjà un brouillon, on le retravaille,

  8   encore un autre brouillon, jusqu'à ce que le scénario soit parfait.

  9   Ensuite, on présente donc cette déclaration, et on demande le

 10   versement au dossier, parce que ça va permettre de gagner du temps. C'est

 11   un témoin essentiel, mais on quand même essayer de gagner du temps. Oui, on

 12   a mis quatre jours à le récoler, et là le scénario est parfait. Tous les

 13   mots sont bien. Tout a été pesé parfaitement, tout est peaufiné. Voici un

 14   document, si vous ne l'avez pas vu, après tout voilà le document, ça

 15   pourrait vous aider, ça pourrait peut-être vous rafraîchir la mémoire,

 16   Monsieur le Témoin. Or, voici ce que j'affirme : si ceci se passait dans un

 17   de nos systèmes, cette déclaration n'aurait jamais été acceptée au dossier.

 18   Elle n'est pas acceptable. Même si le témoin vient et dit : "Je confirme

 19   tout ce qui est dans cette déclaration", ça ne marcherait pas chez nous. Et

 20   pourquoi ? Pensez-vous qu'il s'agit vraiment de la déclaration du témoin ?

 21   Imagiez que vous êtes dans un pays où il y a un juge d'instruction,

 22   et donc pendant l'instruction, le juge d'instruction interroge le témoin

 23   plutôt que de faire -- il n'y a pas question-réponse, question-réponse,

 24   question-réponse. Il écrit tout. Ici, on n'a même pas de bande audio, on

 25   n'a certainement pas de bande vidéo non plus. Bon, ce serait peut-être trop

 26   en demander. Mais enfin, on peut au moins peut-être enregistrer tout cela

 27   par bande audio. Mais imaginez donc que vous avez ce juge d'instruction, et

 28   pendant quatre jours, il montre des documents au témoin. En fait, il


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  1   rappelle énormément de choses au témoin, il lui instille aussi des

  2   informations. Et ensuite, il rédige un brouillon, puis il dit au témoin :

  3   "Voilà, regardez, ça vous va ou vous voulez modifier quelque chose ?" Même

  4   là, le témoin, de toute façon, devrait à nouveau amender un peu sa

  5   déclaration. Mais si cela se passait, quelle serait la valeur donnée à ce

  6   type de déclaration recueillie ainsi ? Rien. Zéro. Rien du tout.

  7   A quoi sert de montrer des documents à un témoin si ce témoin n'a

  8   jamais vu ces documents précédemment ? Eh bien, ça sert à quelque chose; à

  9   obtenir des informations de sa part. Qui ? Quoi ? Où ? Comment ? Ça, ce

 10   sont les bonnes questions qu'on doit poser lorsqu'on est un bon enquêteur,

 11   un bon juge d'instruction. Pas : "Voici les documents, je sais que vous ne

 12   les avez jamais vus, que vous ne savez pas de quoi il s'agit, mais après

 13   tout, ça va peut-être vous rafraîchir la mémoire, sait-on jamais. Peut-être

 14   que vous allez nous dire quelque chose à ce propos."

 15   Et puis, il y a aussi le Témoin BB. Il y a un dialogue encore où le Témoin

 16   BB fait des remarques sur un document, document qui n'a pas été écrit par

 17   lui d'ailleurs, mais écrit par quelqu'un d'autre. Et on ne sait pas

 18   vraiment si cette autre personne ait assisté bel et bien à la réunion qui

 19   décrivait ce qui s'était passé justement dans ce document qui décrit la

 20   réunion. Et s'il n'y avait pas eu de questions des Juges de la Chambre, on

 21   n'en saurait rien. Mais grâce aux Juges de la Chambre, on se rend compte de

 22   ce qui s'est passé. Et parfois, je sais que nous nous sommes beaucoup

 23   plaints, peut-être, des Juges de la Chambre, je l'ai lu, d'ailleurs, le

 24   dossier, et je m'en excuse, mais parfois nos échanges sont trop animés,

 25   peut-être. Et dans le feu de l'action, parfois, j'ai tendance à m'emporter,

 26   mais il est vrai que les Juges ont posé d'excellentes questions. Souvent,

 27   ils disent : "Attendez, il y a quelque chose qui ne paraît pas très

 28   normal," et le témoin finit par dire : "Ah non, je n'étais pas là à la


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  1   réunion, non, non." Alors que depuis dix minutes, le témoin est train soi-

  2   disant de témoigner à propos de cette réunion.

  3   Autre cas de figure, un autre témoin, BH, qui met des guillemets lorsqu'on

  4   lui demande : "C'est bien une citation ?" et il fait : "C'est plus ou moins

  5   ce qui a été dit, plus ou moins." Et alors, est-ce que c'est de la

  6   paraphrase ? "Est-ce vraiment ce qui a été dit ?" "Plus ou moins, plus ou

  7   moins." "C'est vous qui avez mis les guillemets ?" "Non, pas du tout. C'est

  8   la personne qui recueillait la déclaration." Alors, comment peut-on savoir

  9   exactement ce qui est cité verbatim et ce qui est juste vaguement

 10   paraphrasé.

 11   Ça peut être un vieux tour de la Défense, certes, mais lorsqu'on demande :

 12   "Avez-vous des notes à propos de ceci ?" Oui, le témoin, finalement, il

 13   avait des notes. On lui demande : "Pouvez-vous nous donner les notes pour

 14   qu'on voie exactement ce qui est dans vos notes par rapport à ce qui est

 15   dans la déclaration que vous avez rédigée avec l'enquêteur du bureau du

 16   Procureur, et à propos de tous ces documents aussi que vous n'avez jamais

 17   vus, mais nous, on aimerait voir vos notes. Pouvez-vous nous montrer les

 18   notes ?" Bien sûr, la réponse du témoin c'est : "Non."

 19   Il se peut que certains de ces témoins n'avaient plus aucune note, certes.

 20   D'autres ont dit : "Je ne me souviens plus. Ça fait quinze ans quand même,

 21   je ne me souviens plus."

 22   On peut comprendre ça. Parfois, on n'arrive même pas à se souvenir ce qui

 23   s'est passé avant-hier. Mais sur un point essentiel, là, tout d'un coup :

 24   "Ah, je m'en rappellerai toute ma vie. C'est exactement ces mots-là qui ont

 25   été prononcés, c'est gravé dans ma mémoire." Parfait. Comme c'est bizarre.

 26   Je me rappelle, il est vrai de certains événements qui ont eu lieu dans ce

 27   prétoire. Il y a des choses qui restent gravées dans ma mémoire.

 28   Mais ensuite, on lui demande : "Pouvons-nous voir un rapport, quelque


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  1   chose, des notes ?" "Non, je n'ai pas de notes, je n'ai pas de notes." "Un

  2   rapport au moins ?" Essayons de trouver un peu de contexte, trouvons une

  3   base à tout cela. "Deviez-vous faire remonter l'information à vos

  4   supérieurs à propos des réunions importantes ? Réponse :" Oui." "Et lorsque

  5   quelque chose d'important s'était dit, est-ce que vous deviez le mettre

  6   dans le rapport? " Réponse : "Oui." "Est-ce que vous l'auriez fait ?" "Très

  7   certainement." "Bien. Très certainement, ça nous va encore."

  8   Et ensuite, voilà la question à mille dollars : "Aidez-moi, s'il vous

  9   plaît. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en vous, mais montrez-moi un

 10   document, parce qu'avec certaines de ces institutions, sachez que la

 11   Défense ne peut pas avoir accès aux archives." Messieurs les Juges, vous le

 12   savez très bien d'ailleurs. Donc si vous allez affirmer quelque chose,

 13   étayez-le. "Je l'ai sans doute dit, très certainement." "Bien. Vous avez

 14   fait une déclaration auprès du bureau du Procureur." Donc l'enquêteur du

 15   bureau du Procureur, voire le Procureur, aurait dû poser la question

 16   logique qui est : "Donnez-nous le rapport. Où est-il ?" Parce que ça, ce

 17   serait la preuve que c'est fait en flagrant délit. "Alors où est le

 18   document ?" "Non, il n'y a pas de document. Je ne me souviens pas d'avoir

 19   écrit un rapport, mais je me souviens, en revanche, très bien des mots.

 20   Ceux-là sont gravés dans ma mémoire."

 21   Ça, c'est des exemples tirés des témoignages des internationaux, et il y en

 22   aura d'autres d'ailleurs.

 23   Il semble que nous donnions énormément de valeur à un témoignage du moment

 24   qu'il y a quelqu'un qui est international. Pourtant, ils sont ni pires ni

 25   meilleurs que d'autres.

 26   Prenez BF. BF arrive et dit : "On ne pouvait pas créer de bureau à

 27   Mostar, notre organisation." Je ne vais pas dire de laquelle il s'agit. On

 28   m'a dit qu'on est plus ou moins tranquille si on ne mentionne ni


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  1   l'organisation ni le sexe de la personne. Très bien. Faites-moi savoir si

  2   j'en dis trop.

  3   Donc il dit : "On ne pouvait pas ouvrir notre bureau là-bas."

  4   Parfait. Mais nous au contre-interrogatoire, on lui a posé les questions

  5   supplémentaires. "Concrètement, prouvez-le, montrez-moi un rapport où vous

  6   auriez fait une demande au Dr Prlic, demande qui vous aurait été refusée

  7   par le Dr Prlic." Alors là, tout d'un coup : "Ce n'est pas comme ça cela

  8   s'est passé." "Ça s'est passé comment ?" "J'avais l'impression -- c'est

  9   l'impression que j'ai eue. Rien de plus. Ce n'était pas sûr." "Vous avez

 10   posé la question ?" "Non, ce n'était pas sûr. On n'avait pas besoin. On

 11   savait très bien de toute façon qu'il n'y avait pas de sécurité. Ça se

 12   voyait." Et finalement, après un contre-interrogatoire total, on se rend

 13   compte qu'en fait, il ne a jamais posé la question au départ. Ils n'ont

 14   jamais demandé à ouvrir un bureau, jamais. Mais par le biais d'insinuation,

 15   le témoin aurait voulu que vous croyiez que le Dr Prlic ne leur permettait

 16   pas d'avoir accès à un endroit où ils pourraient ouvrir un bureau à Mostar.

 17   Alors, chez moi, je dois dire qu'une demi-vérité c'est un demi-

 18   mensonge et un demi-mensonge c'est un mensonge. Je ne suis pas en train de

 19   dire que cette personne mentait, mais en tout cas, elle n'était pas

 20   entièrement franche, parce qu'il voulait vous donner l'impression que son

 21   organisation n'avait pas eu le droit d'ouvrir son bureau.

 22   Autre témoin encore. Encore un témoin de la communauté internationale

 23   qui arrive en prétoire. Je ne vais pas prononcer l'initiale parce que j'ai

 24   peur de trop parler. Parlons plutôt de Ray Lane, un homme extraordinaire,

 25   avec énormément d'humour. Il venait d'Irlande, vous en souviendrez sans

 26   doute, car il est venu témoigner ici. Il est arrivé sur place en décembre

 27   1992. Il est arrivé à Mostar pour la première fois en décembre 1992.

 28   Comme tout le monde qui appartenait à son organisation, il a témoigné


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  1   en audience publique. Il était avec la MOCE. Il vient. Il arrive, et un

  2   petit briefing pendant deux jours pour savoir un petit peu ce qui se

  3   passait. Au contre-interrogatoire, on lui a dit : "Voilà la carte." Il nous

  4   a expliqué le briefing, et le briefing c'était : "Voilà la carte. Il faut

  5   aller par là et t'arriveras à Mostar. Tu ne peux pas le rater. Si tu vas

  6   vers l'est, t'arriveras à Mostar." Donc il y arrive, et d'après lui, il met

  7   plus de deux semaines à se rendre compte que les Musulmans sont du côté est

  8   de la rivière. Deux semaines. Et il met dix jours, voire 15 jours, pour

  9   arriver à traverser le pont.

 10   Donc on lui pose des questions, parce qu'il était assez dur dans ses

 11   propos à propos du Dr Prlic. Il dit pour ce qui est -- voilà la

 12   déclaration. Il a donné la déclaration pendant deux jours. Ils sont allés

 13   en Irlande pendant deux jours, c'était un week-end. Ils lui ont donné un

 14   brouillon et l'ont dit : "Maintenant, vérifiez votre déclaration. Faites

 15   bien attention." Lorsque je l'ai contre-interrogé, vu que c'est un

 16   militaire, je lui ai dit que c'était très certainement un homme méticuleux,

 17   en tant que militaire. D'ailleurs, il était assez drôle à ce propos. Donc

 18   il donne sa déclaration, et lorsqu'il arrive ici, il doit quand même

 19   modifier et corriger sa déclaration, parce qu'on s'était trompé dans son

 20   grade, entre autres. On avait fait une erreur sur le grade. Mais il disait

 21   aussi dans cette déclaration que le Dr Prlic dînait dans son restaurant

 22   privé. Alors, quand on lit cela, c'est assez étonnant, et c'est très

 23   descriptif. Enfin, on sait très bien que la personne qui a écrit cette

 24   déclaration avait un but caché; il voulait, en fait, faire naître dans le

 25   lecteur des émotions bien précises.

 26   A savoir, le Dr Prlic a son restaurant privé, avec un garçon qui fait

 27   le service, un serveur en smoking, et qui lui serre à manger. Voilà. On est

 28   à Mostar, dans un bâtiment avec une vue plongeante sur la ville ou sur


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  1   certaines parties de la ville.

  2   Puis, au contre-interrogatoire, de quoi s'agit-il finalement ? Mais

  3   non, c'est un hôtel où le Dr Prlic a, en fait, son bureau. Et comme dans la

  4   plupart des hôtels, il y a un restaurant dans cet hôtel, et puis on peut se

  5   faire servir dans la chambre. On passe un coup de fil au restaurant, et

  6   puis on nous monte notre repas. Ils le mettent sur un plateau, ils montent

  7   dans un ascenseur, et puis ils vont -- normalement, les garçons, les

  8   serveurs, ils ont un costume noir, et puis ils ont un nœud papillon. Donc

  9   cela se transforme soudain en un restaurant privé, et ce restaurant privé

 10   reste dans sa déclaration.

 11   Et maintenant, nous avons l'enquêteur du TPIY. Normalement, il aurait

 12   dû dire : Enfin, attendez un instant. Où se situe ce restaurant ? Et puis,

 13   ils auraient bien suivi l'histoire, parce que Mostar, enfin ce n'est pas si

 14   loin. Ils se sont rendus à d'innombrables fois sur place pendant des

 15   années, donc on s'attendrait à ce que l'enquêteur sache ou cela se

 16   trouvait. Il saurait que cela n'est pas exact, il saurait qu'il n'y a pas

 17   de restaurants privés. Il aurait dit : "Mais décrivez-moi ces lieux." Et on

 18   s'attendrait également à ce que l'enquêteur se renseigne un petit peu et

 19   qu'il se rende compte, effectivement, que jamais le Dr Prlic n'a été

 20   propriétaire d'un restaurant à Mostar, mais maintenant on se retrouve avec

 21   une déclaration où cela est écrit : Nous avons un restaurant privé.

 22   Puis cet homme nous dit : "Je suis en entretien avec le Dr Prlic qui

 23   nous sort une carte." Donc il y a cet échange assez merveilleux, parce

 24   qu'il dit : "Je suis en train de jogger sur cette plage de Scheveningen,

 25   puis ça me revient la carte, mais, en fait, ce n'est pas une carte. C'est

 26   plutôt un croquis."

 27   Un militaire qui fasse cette erreur de cet ordre-là, un officier ? Je

 28   lui ai posé la question en plaisantant un petit peu, je lui ai dit : Mais


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  1   la chose la plus dangereuse que pourrait faire un officier c'est de tenir

  2   une carte dans sa main.

  3   Bon, oublions. Passons.Puis il dit que le Dr Prlic a tracé le cercle,

  4   il a tracé une ligne à travers ce cercle, puis a dit : "Voilà, c'est comme

  5   ça que nous allons découper la Bosnie-Herzégovine. D'un côté les Serbes, de

  6   l'autre côté les Croates."

  7   Bon. C'est un militaire. Il est là pour observer, pour recueillir les

  8   informations. Le Dr Prlic lui parle et on s'attendrait à ce que cet homme

  9   dise : "Bon. Très bien. Est-ce que vous pouvez nous remettre, s'il vous

 10   plaît, ce croquis ?" Non, le croquis on ne l'a pas. Il s'en souvient. Puis

 11   ce croquis émerge de nouveau, nous le voyons dans une note de bas de page

 12   du mémoire en clôture de l'Accusation. C'est peut-être même dans le corps

 13   du texte. Je n'en suis pas certain. Et l'Accusation nous dit : Mais cela

 14   ressemble, à s'y méprendre, à ce que Paddy Ashdown à eu en 1995, je pense,

 15   lorsqu'il s'est retrouvé avec Tudjman. C'était à Londres. Merci. Et à en

 16   juger d'après Paddy Ashdown, c'était pendant qu'on servait du vin, le vin

 17   coulait à flot, et c'est à ce moment-là que Tudjman, lui, fait cette

 18   projection à la Bosnie-Herzégovine dix ans plus tard et c'est là que ce

 19   croquis aurait été fait.

 20   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous ne l'avons pas. Nous

 21   n'avons pas ce croquis. Nous n'avons pas cette serviette où cela aurait été

 22   dessiné. Nous ne l'avons pas vue. Mais cela ressemble à s'y méprendre.

 23   C'est ce que voulait vous faire croire l'Accusation.

 24   Et s'agissant de cet élément de preuve, et vous voudriez peut-être

 25   vous y pencher, je sais pas si c'est une omission, je sais pas si c'est une

 26   contradiction, mais l'Accusation a souhaité verser au dossier par la

 27   Chambre, en tant que faisant partie des faits déjà jugés, cet élément,

 28   quelque chose qui vient d'une autre affaire, donc, s'agissant de cette


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  1   serviette de Paddy Ashdown. Donc, cela fait partie des faits déjà jugés.

  2   Et l'Accusation demande le versement de la déclaration de Paddy

  3   Ashdown, et la Chambre de première instance prend sa décision 92 bis,

  4   décision en application 92 bis. Mme Tomanovic m'aide.

  5   Donc, le 19 octobre 2006, la Chambre de première instance prend sa

  6   décision, et là je m'y perd un petit peu, page 3, il est dit :

  7   "Compte tenu du fait que la déposition se réfère à une seule

  8   conversation que M. Ashdown a eue avec Franjo Tudjman, le président de la

  9   République de Croatie de l'époque, le 6 mai 1995, et compte tenu du fait

 10   que pendant cette conversation le Dr Franjo Tudjman s'est exprimé sur la

 11   condition de la Bosnie-Herzégovine dix ans plus tard, à savoir en 2005, et

 12   compte tenu du fait qu'il a fait des remarques sur M. Izetbegovic, qui

 13   était à l'époque le président de la Bosnie-Herzégovine et des Musulmans de

 14   Bosnie, considérant cependant que le témoignage fournit des éléments

 15   d'informations uniquement sur l'état d'esprit de Franjo Tudjman en 1995 et

 16   non pas sur l'époque des faits, compte tenu du fait que ce témoignage n'a

 17   pas de pertinence, n'a pas de pertinence en l'espèce, on rejette la

 18   requête."

 19   Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cela se passe le 19

 20   octobre 2006, et le fait déjà jugé, quant à lui, date, je suppose que vous

 21   le connaissez plus que moi, mais date, me semble-t-il, du 7 septembre 2006,

 22   et je pense que la Chambre a admis comme fait déjà jugé cela. Nous allons

 23   au tableau 42 :

 24   "C'est au dos d'un menu que se situe un croquis grossier de la

 25   situation dans l'ex-Yougoslavie à dix ans de là. C'est là que le président

 26   Franjo Tudjman a fait comprendre à M. Paddy Ashdown qu'une moitié de la

 27   Bosnie-Herzégovine reviendrait aux Serbes et l'autre à la Croatie." Il

 28   s'agit du jugement dans l'affaire Blaskic, paragraphe 106.


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  1   Je m'en remets à vous pour vous pencher sur cela. Nous pourrions peut-être

  2   faire une pause maintenant. Ce serait un bon moment pour moi, mais je peux

  3   continuer. Je m'en remets à vous.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est quasiment l'heure de faire la pause. On va

  5   donc faire notre pause traditionnelle de 20 minutes.

  6   --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.

  7   --- L'audience est reprise à 16 heures 02.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

  9   Maître Karnavas, vous avez la parole.

 10   M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 11   Monsieur les Juges.

 12   Je souhaite à présent aborder la question du Témoin BA de manière un

 13   peu plus détaillée. Ce témoin est venu déposer sur la base de ce que le

 14   témoin a pu apercevoir, de quoi il a pu s'apercevoir personnellement, si ce

 15   n'est que M. Prlic maîtrisait bien l'anglais. Cependant, nous avons pu voir

 16   la semaine dernière une vidéo, une vidéo de Mme Giles, une vidéo d'une

 17   quarante de minutes qui a été visionnée, et nous avons pu voir pendant le

 18   contre-interrogatoire qu'elle a reconnu que son anglais n'était pas d'un

 19   aussi bon niveau, et qu'elle a rencontré un problème de communication avec

 20   lui.

 21   Vous avez également une transcription d'une bande. Nous avons un témoin qui

 22   est venu témoigner, et nous en reparlerons peut-être plus tard cet après-

 23   midi. Et pendant cette audience, et vous avez pu voir là que le Dr Prlic

 24   n'a pas du tout cette maîtrise d'anglais qu'a prétendu qu'il avait le

 25   Témoin B1.

 26   Alors, comparons cela au Témoin BF. Le Témoin BF maîtrise bien l'anglais,

 27   mais a insisté pour déposer dans sa propre langue, et la raison qu'il a

 28   invoquée pour faire cela était les nuances linguistiques, à savoir il


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  1   voulait être sûr et certain d'avoir une transcription exacte de ses propos.

  2   Il ne souhaitait pas risquer une erreur d'interprétation de ses propos.

  3   Et juste une petite parenthèse que j'ouvre. Le témoin est venu, nous

  4   lui avons proposé les meilleurs services d'interprétation qui soient, et

  5   même si ce témoin maîtrise bien l'anglais, eh bien, il était en droit de

  6   parler dans sa propre langue. Les témoins ont le droit de parler leur

  7   propre langue parce qu'ils comprennent la nécessité d'avoir toute la

  8   précision de leurs témoignages. Et puis après, dans les rapports, des

  9   témoignages des témoins, enfin ce sont des impressions, des conclusions,

 10   parfois des citations qui viennent se greffer à leurs témoignages.

 11   Et quand il s'agit des individus tels que M. Prlic, qui maîtrise mal

 12   l'anglais, et je vous renvoie à la page du compte rendu d'audience 7 334,

 13   c'est là que vous verrez cette impression du témoin qui pensait que le Dr

 14   Prlic maîtrisait bien l'anglais.

 15   Alors, maintenant ce témoin a également répondu aux questions portant

 16   sur la situation qui prévalait à Zenica et en Bosnie centrale, et un des

 17   sujets récurrents auxquels revenaient les témoins de l'Accusation, en

 18   particulier BA, BB, et BC, ainsi que d'autres BD, BF, eh bien, ces sujets

 19   récurrents consistaient à dire que la situation était tout à fait solide et

 20   bonne pour les Croates à Zenica. Alors, aucun d'entre eux ne se sont rendus

 21   sur place, ils ne sont jamais allés sur place pour voir comment se

 22   présentaient les choses sur place. Et lorsqu'ils recevaient des rapports

 23   sur la situation, eh bien, ils rejetaient allégrement ces rapports en

 24   disant qu'il s'agissait là d'une stratégie de nettoyage ethnique à rebours.

 25   Mais nous, nous affirmons qu'en particulier lorsqu'on leur posait les

 26   questions pendant le contre-interrogatoire, lorsque l'on a posé des

 27   questions pour savoir s'ils se sont effectivement rendus sur place, s'ils

 28   savaient effectivement quelle était la situation des Croates, eh bien, ils


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  1   disaient toujours : "Pour autant que je le sache, pour autant qu'on nous

  2   l'a dit au QG de Zenica, eh bien, tout se présentait bien." Eh, bien sûr,

  3   s'il y avait un nettoyage ethnique à rebours de Bosnie centrale, et Zenica

  4   normalement avait cette zone sous sa compétence, eh bien, normalement si la

  5   Communauté croate de l'Herceg-Bosna a participé à ce nettoyage ethnique à

  6   rebours, normalement on irait se renseigner à la source, n'est-ce pas. Et

  7   cette source c'est Zenica. Donc ce n'est pas Mostar. Donc ce n'est pas

  8   quelqu'un qui ne se trouve pas sur place, qui n'est pas l'auteur des

  9   documents, qui devrait venir nous parler de cela nous dire que tout va bien

 10   pour les Croates à Zenica.

 11   Et le Témoin BA a également parlé d'un élément d'un texte de loi au

 12   sujet de l'utilisation des biens abandonnés, et c'était quasiment au début

 13   de toute une série de témoins de l'Accusation, tous les témoins

 14   internationaux qui se sont trouvés sur place, qui ont tous répété la même

 15   chose. Et aucun d'entre eux n'a véritablement lu et n'a véritablement

 16   cherché à comprendre les textes. Aucun d'entre eux n'est allé voir quelle

 17   était la situation ailleurs.

 18   Et là, en l'occurrence, le texte de loi dont je parle, et j'y

 19   reviendrai encore eu égard au Témoin BB, un des documents que je souhaite

 20   vous citer, le document P01894, mais vous vous souviendrez peut-être que

 21   nous avons reçu énormément de témoignages là-dessus en 2006, en particulier

 22   au sujet d'un texte qui a été adopté à Mostar, et sur la base de cette

 23   décision, nous dit-on, à peu près 10 000 réfugiés musulmans n'ont pas eu

 24   accès à l'aide humanitaire. Et c'est paraît-il cela l'objectif de cette

 25   décision. Donc de chasser ces réfugiés de Mostar. Et bien sûr, si vous

 26   examinez la décision de plus près et si vous examinez le témoignage avec le

 27   témoin, page de compte rendu d'audience 7 430, et la suite jusqu'à la page

 28   7 436, donc ce que l'on y trouve tout d'abord, c'est que ce n'est pas une


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  1   décision discriminatoire. Il y avait des réfugiés croates à Mostar

  2   également. Et lorsqu'on a insisté là-dessus, le témoin n'a pas su dire

  3   combien de réfugiés croates se sont trouvés à Mostar, et finalement, la

  4   conclusion qui a été abruptement tirée est que cela a constitué une

  5   excellente possibilité de se débarrasser des réfugiés musulmans, et d'une

  6   certaine manière on a établi le lien entre cela et les événements du 9 mai

  7   1993.

  8   Page 7 353 du compte rendu d'audience, le témoin a dit qu'elle ne

  9   savait pas combien de réfugiés se sont rendus en Croatie, et page 7 351,

 10   elle ne sait pas combien de réfugiés croates par rapport au nombre de

 11   réfugiés musulmans se sont trouvés sur place dans les parages.

 12   Et c'est un témoin diplômé, c'est quelqu'un qui a une formation

 13   juridique, si je puis également ajouter cela. Le Témoin BB relève de la

 14   même catégorie. Donc il s'agit de deux témoins qui sont tous le deux des

 15   juristes.

 16   Alors, ce qui est important ici c'est que nous parlons d'un texte de

 17   loi et que finalement la question porte sur l'interprétation de ce texte.

 18   Il y a eu un échange, et il y a eu une objection consistant à dire que

 19   finalement cette personne n'a pas travaillé comme juriste véritablement.

 20   Mais quelle est l'importance de cet argument ? Parce que si on a fait des

 21   études de droit, normalement on est tout à fait capable de lire les textes

 22   de loi. C'est ça l'objectif de ces études.

 23   Mais d'où vient cette interprétation ? Elle vient de Merhamet, d'une

 24   organisation non gouvernementale qui, elle, n'est pas de caractère

 25   juridique, donc cela se fonde sur leur interprétation. Eux se disent qu'il

 26   va y avoir une discrimination très importante qui s'ensuivra, donc il y a

 27   un échange de correspondances et quelqu'un qui est très haut placé, qui

 28   s'adresse à Mate Boban, Mate Boban explique pourquoi ce texte a été adopté.


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  1   Et en particulier, vous voyez que toutes les personnes âgées de 17 ans à 60

  2   ans pour les hommes et toutes les femmes, je pense, jusqu'à l'âge de 55

  3   ans, sont exclus. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une situation de

  4   guerre, vous avez la Défense populaire généralisée, tout le monde est

  5   mobilisé, c'est un cas de figure généralisé, universel, tout le monde le

  6   connaît. Et au début, comme on le voit dans la lettre de Mate Boban

  7   lorsqu'il répond : Mais c'est exactement ce qu'on leur a dit, il faut

  8   exclure ces gens-là. Partout en Bosnie-Herzégovine, c'est la même chose qui

  9   se passe partout.

 10   Donc ce n'est pas un argument tu quoque, parce que ce que nous vous

 11   soumettons c'est que sur la base du système qui existait à l'époque en ex-

 12   Yougoslavie et en Bosnie, donc le système de la Défense populaire

 13   généralisée, la JNA, les forces militaires existaient d'une part, puis

 14   d'autre part, il y avait cette Défense territoriale. Tout le monde était

 15   soumis à la même obligation d'affectation au travail, et tout un chacun

 16   était affecté quelque part. Donc, dans cette situation de guerre, tous les

 17   hommes âgés de 17 ou 18 à 60 étaient obligés de servir, d'une manière ou

 18   d'une autre. Donc, vous verrez par exemple, lorsqu'il s'agit de la Loi sur

 19   les personnes déplacées -- en fait, nous avons ici souvent parlé de

 20   réfugiés, mais les personnes déplacées sont en fait les personnes qui sont

 21   intérieurement déplacées. Donc lorsque vous voyez ces gens arrivés, ces

 22   Croates qui s'acheminent vers la Croatie, en Herzégovine, et en particulier

 23   à Mostar, la Communauté croate de l'Herceg-Bosna se trouve complètement

 24   saturée, donc elle ne peut plus absorber de nouveaux venus, donc les

 25   Croates se rendent au-delà, ils vont vers la Croatie. Les hommes en âge de

 26   combattre sont séparés, sont mis de côté, parce qu'il faudra qu'ils fassent

 27   leur service. Je pense que nous avons vu les documents où l'ambassade de

 28   Bosnie-Herzégovine à Zagreb demande que les Musulmans en âge de combattre,


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  1   eh bien, qu'on les oblige à retourner en Bosnie pour qu'ils puissent

  2   s'engager là-bas.

  3   Je vous renvoie à cette lettre de M. Boban, document 1D01188.

  4   Alors maintenant, s'agissant de ce nettoyage ethnique à rebours, nous

  5   invitons les Juges de la Chambre à se pencher également sur les documents

  6   1D00936, 1D00937. Vu le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas passer

  7   davantage de temps à examiner ces documents. Mais examinons rapidement la

  8   pièce 1D00936. Je ne sais pas si nous pouvons télécharger ce document,

  9   l'afficher dans le prétoire électronique, page 2, et dans la suite, vous

 10   trouverez là une liste avec des chiffres. Vous verrez des localités. Et,

 11   Messieurs les Juges, vous en tirerez vos propres conclusions. N'acceptez

 12   pas ce que dit Me Karnavas. N'acceptez pas ce que dit l'Accusation.

 13   Examinez de près le document. Examinez de près le compte rendu d'audience.

 14    Et prenons maintenant la pièce 1D00937, page 2, paragraphe 8, où il

 15   est dit :

 16   "Plus de 1 000 Croates ont quitté Konjic, ce qui constitue un véritable

 17   danger que la mesure suivante sera que les Musulmans expulseront les 500

 18   Croates, environ, qui vivent toujours à Jablanica. Comme on l'a vu dans les

 19   rapports et sur la base de l'ensemble des activités, Jablanica devient de

 20   plus en plus isolée."

 21   Il ne s'agit pas de voir qui est responsable de quoi. Mais ce qui est

 22   important, c'est de savoir qu'il y a ces nombres importants de personnes

 23   déplacées qui arrivent, qui arrivent, qui ont peur, qui ont peur parce

 24   qu'ils sont isolés, parce qu'ils ont entendu parler de Moudjahidines, parce

 25   qu'ils se retrouvent dans des enclaves. Or, l'Accusation n'arrête pas de

 26   répéter on les a forcés à partir. Mais quand vous posez la question à BA,

 27   BB, BC : "Alors, est-ce que vous y êtes allé ? Est-ce que vous avez vu

 28   comment se présentait la situation ?" Eh bien, ils vous répondront tous par


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  1   la négative : "Non".

  2   Témoin BA, maintenant, je voudrais parler des centres de transit, il

  3   s'agit du mémoire de l'Accusation, paragraphes 454 et 455. Excusez-moi de

  4   parcourir cela très rapidement, mais le temps ne me permet pas de m'y

  5   intéresser de manière très précise, mais nous affirmons, pour notre part,

  6   que si vous regardez par exemple la note de bas de page 1 052 du mémoire de

  7   l'Accusation, et si vous comparez cela au paragraphe 51 ou P0912 [comme

  8   interprété], le rapport ou la déclaration rédigée par un enquêteur, vous

  9   verrez à quoi cela revient. Et la même chose, note de bas de page 1 054 si

 10   vous comparez cela au paragraphe 453.

 11   Si j'en parle, c'est parce que lorsqu'on rédige une déclaration, il

 12   semblerait, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que celui qui

 13   rédige la déclaration avait en tête le mémoire en clôture.

 14   A notre avis, il faut regarder ce qu'a dit la Défense Prlic dans son

 15   mémoire en clôture, paragraphes 193 à 222. Et regardez par exemple le

 16   P03394. Permettez-moi de m'attarder quelques instants à l'examen de ce

 17   document.

 18   Ce document, vous le voyez, a été rédigé le 12 juillet 1993. Page 3.

 19   Malheureusement, les pages ne sont pas numérotées, mais c'est à la

 20   troisième page, à partir du milieu de page. Voici ce qui est écrit :

 21   "Après avoir établi un service d'analyse fin mars, nous sommes

 22   parvenus à compiler toutes les données sur les réfugiés chassés et les

 23   personnes déplacées, et nous avons maintenant des rapports en date du 5 mai

 24   1993, du 23 juin et du 8 juillet 1993. Au cours de cette première période,

 25   celle qui commence le 5 mai, tant les Croates que les Musulmans sont

 26   devenus déplacés ou chassés à cause de l'agression serbe. Depuis juin, il y

 27   a une augmentation considérable du nombre de Croates chassés en raison de

 28   l'offensive musulmane en Bosnie centrale et dans le nord-est de


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  1   l'Herzégovine.

  2   "Par conséquent, le nombre de Croates chassés et se trouvant en HZ HB a

  3   augmenté de 50 000 personnes (de 100 %) et il y a maintenant 110 061

  4   personnes. Il est peu probable que de nouvelles personnes chassées

  5   arrivent. Mais notons aussi que 120 000 Croates ont été chassés de la

  6   Posavina de Bosnie, et ces personnes sont maintenant logées à l'extérieur

  7   la HZ HB, ce qui donne un nombre global de Croates qui ont été chassés,

  8   expulsés ou déplacés de la Bosnie-Herzégovine à quelque 270 000 personnes,

  9   soit 35 % si on prend comme élément de comparaison le recensement de 1991."

 10   Il s'agissait ici du document P03394.

 11   Je vous invite, Messieurs les Juges, à examiner un autre document :

 12   1D00929, P03796, ainsi que le document P03990, page 9, paragraphe 37. Je

 13   vais voir si je peux prendre ce dernier passage.

 14   J'essaie simplement d'apporter la preuve qu'il y a, en fait, deux revers à

 15   la médaille. Malheureusement, vous avez ici des témoins internationaux qui

 16   ne vous présentent qu'une seule version des faits. Et quelle qu'en soit la

 17   raison, par exemple, là je reprends les mots de l'Accusation, plutôt de son

 18   expert, le climat de commandement. Si on arrive à Zagreb, là où est le

 19   point de chute lorsqu'on arrive dans le pays avant d'aller sur place, et si

 20   on vous dit qu'ici vous avez affaire à une entité autoproclamée qui se

 21   livre à du nettoyage ethnique, qui s'autonettoie, si c'est ça votre point

 22   de départ, si c'est ce qu'on vous dit avant même que vous mettiez pied sur

 23   ce territoire, et après, si vous n'êtes pas trop malin, si vous manquez

 24   d'énergie ou simplement si vous êtes un peu dépassé par la situation, et si

 25   vous n'essayez pas de pousser un peu plus loin votre examen, si vous ne

 26   posez pas d'autres questions, alors il se peut bien que vos rapports soient

 27   quelque part gauchis, que ce n'est pas tout à fait le reflet de la réalité.

 28   Vous avez ici le témoignage de tous ces internationaux qui sont ensembles,


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  1   ils logent ensemble, ils se partagent les bureaux, ils passent

  2   l'information. Finalement, ça revient à n'avoir qu'une source

  3   d'information. Je ne dis pas que c'est là quelque chose de récurrent, mais

  4   si vous avez cinq sources qui disent la même chose, dans le fond, ça

  5   revient à dire qu'il n'y en a qu'une source. Il est facile de tirer des

  6   conclusions hâtives, on dit : "Vous voyez bien ? On vérifie l'information,

  7   elle est validée par l'autre source." Soyez donc circonspects. Examinez

  8   tous les documents. Ne faites pas comme l'Accusation vous propose de le

  9   faire. Ne rejetez d'un revers de main telle ou telle chose.

 10   Regardez ce document P03990. Nous avons ici une lettre -- en fait, un

 11   rapport qui est adressé à M. Boutros Boutros-Ghali, et lui transmet ce

 12   document. C'est une lettre en date du 5 août 1993 qui vient du coprésident

 13   du Comité directeur de la conférence internationale en ex-Yougoslavie. Au

 14   paragraphe 37, Bosnie Centrale :

 15   "La délimitation entre les républiques croate et musulmane dans cette

 16   région où les combats sont intenses, alors que les pourparlers se

 17   poursuivent, est une zone hautement contestée. Le climat des négociations

 18   ne s'est pas trouvé amélioré par l'offensive menée par l'ABiH dans la

 19   région."

 20   J'attends quelques instants un peu de réflexion pour bien digérer ceci.

 21   Quelle est la date ? Le 5 août. Vous verrez dans notre mémoire en clôture,

 22   nous avons fait une frise historique et nous avons cité des documents pour

 23   vous montrer ce qui se passe en Bosnie centrale. Et vous le voyez, c'est

 24   constant, c'est permanent, les habitants de Bosnie centrale réclament de

 25   partir parce que l'hiver arrive. Et où peuvent-ils aller ? Nulle part. Ils

 26   ont peur. Ils sont atterrés.

 27   Autre chose intéressante, et je ne sais pas si c'est ce témoin-ci ou un

 28   autre qui l'avait dit, mais lorsque les Croates doivent partir, là ils


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  1   partent, mais quand ce sont les Musulmans qui partent, ils sont chassés,

  2   eux.

  3   Loin de moi l'idée de vous dire que l'un est chassé et l'autre ne

  4   l'est pas. Ce que je laissais entendre, c'est assez bizarre. Parce que tous

  5   les Croates de Bosnie centrale, ils se contente de partir, ils s'en vont en

  6   vacances, ils vont en terre promise, la Communauté croate d'Herceg-Bosna

  7   autrement dit.

  8   Et tant que j'y suis, ici je devance un peu mon propos, et Me Tomanovic va

  9   s'en doute m'engueuler pendant la pause parce qu'ici je quitte un peu le

 10   plan qu'on avait, mais dans le mémoire en clôture de l'Accusation, on

 11   reprend les propos d'un journaliste venu à la barre, et apparemment, M.

 12   Prlic a dit : "Moi, je ne suis en faveur de la Bosnie. Je suis en faveur

 13   d'une Bosnie-Herzégovine. Moi, je ne suis pas de Bosnie. Je suis

 14   d'Herzégovine et je suis Croate." Et c'est présenté comme étant vraiment un

 15   gros titre nationaliste. Le pays s'appelle quand même Bosnie-Herzégovine.

 16   Et rappelez-vous l'éclat qu'il y a eu, pas une explosion véritable, mais un

 17   éclat ici dans ce prétoire, les débats furent interrompus, et c'était M.

 18   Praljak qui était indigné parce qu'on ne cessait de dire Bosnie, Bosnie,

 19   Bosnie. "Non, le pays s'appelle Bosnie-Herzégovine." Et il n'existe pas de

 20   Croates de Bosnie, des Bosno-Croates. Vous avez des Croates de Bosnie-

 21   Herzégovine, et il se peut qu'ils viennent de Bosnie centrale ou qu'ils

 22   viennent d'Herzégovine. Les Herzégovins c'est des gens tout à fait

 23   différents des gens de Bosnie centrale ou de quelqu'un qui vit en Posavina.

 24   Ça c'est un fait, c'est comme ça. Mais écoutez ce que disait Marita --

 25   excusez-moi, j'ai du mal à prononcer ce patronyme. Cette journaliste --

 26   écoutez, excusez-moi, il y a pleins de V dans ce nom. Vihervuory. Elle

 27   aussi, elle tire une conclusion hâtive que reprend allègrement l'Accusation

 28   : oui, c'est un nationaliste. Mais non, il est d'Herzégovine, c'est un


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  1   Herzégovin. Et on peut être en faveur de la Bosnie-Herzégovine tout en

  2   étant toujours Herzégovin. C'est aussi simple que cela.

  3   N'oubliez pas non plus -- c'est toujours cette même journaliste qui parle.

  4   Avant de rencontrer M. Prlic, elle avait assisté à une réunion

  5   d'information donnée par Alagic en Bosnie centrale.

  6   Je vous laisse, bien entendu, le soin d'examiner ce document et ce qu'elle

  7   a dit, vous aurez le souci de voir la totalité de sa déclaration et, ce

  8   faisant, quand vous voyez les documents, quand vous voyez comment

  9   l'Accusation s'efforce d'insérer sa version des faits ou son expérience

 10   dans cette conversation avec M. Prlic, vous verrez que c'est cette

 11   journaliste qui s'est entretenue avec M. Prlic en anglais. Son anglais

 12   n'était pas terrible, mais elle a pris des notes dans ce qu'on peut appeler

 13   son allemand à elle. Je n'invente rien. Tout ça est au compte rendu

 14   d'audience. Bon, elle avait étudiée à Vienne. Mais enfin, ce n'était pas de

 15   la sténotypie. Elle parlait comme ça à une espèce -- je ne veux pas ici

 16   dénigrer cette femme, mais vous avez l'enregistrement sonore d'une

 17   conversation, et il faut que vous l'écoutiez dans sa totalité car, quand M.

 18   Prlic dit : "Je ne suis pas pour la Bosnie, mais je suis pour une Bosnie-

 19   Herzégovine," eh bien, tout est dit. Ce qu'il dit c'est que le pays c'est

 20   la Bosnie-Herzégovine. C'est cela qu'il dit. Or, ici, ce propos a été

 21   retiré de son contexte et a été mal compris. Et l'Accusation, elle vous dit

 22   : "Voilà, il dit qu'il est Herzégovin, il dit qu'il est Croate."

 23   Mais écoutez, si je demandais à un Hongrois de Vojvodine s'il est

 24   Serbe ? Mais non, c'est un Hongrois de Vojvodine. Et un Serbe de Croatie,

 25   qu'est-ce qu'il est ? Mais c'est un Serbe. C'est un Serbe de Croatie. Mais

 26   la Bosnie-Herzégovine englobait ces groupes, ces nations, un bien, un mal,

 27   qui sait ? Il y a des Serbes de Bosnie-Herzégovine, et il y a une

 28   différence entre le Serbe de Serbie et le Serbe de Bosnie-Herzégovine. Ils


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  1   sont les premiers à vous le dire, tout comme le Croate de Croatie vous dira

  2   qu'il n'est pas le même qu'un Croate de Bosnie-Herzégovine. Alors, cette

  3   dame de Bosnie centrale, Mme Sancevic, en a parlé de cette différence.

  4   Mais passons au témoin suivant, le Témoin BB. Je sais que là je fais

  5   un peu de coq-à-l'âne, si j'ose dire, mais il y a beaucoup de choses à dire

  6   et j'essaie de dire le plus de choses possibles. Excusez-moi si ma

  7   présentation est un peu brute de décoffrage, mais j'espère que vous me

  8   pardonnerez car la tâche est de taille.

  9   Le Témoin BB, pratiquement dans la même situation que le Témoin BA,

 10   une fois de plus, lorsqu'on pose à ce témoin des questions à propos de

 11   Zenica et des Croates, ce témoin ne savait rien du tout de ce qui se

 12   passait à Zenica. Ça n'a pas empêché ces gens de dire qu'à leur avis, il y

 13   avait un nettoyage ethnique des Croates et que lorsque M. Prlic parlait de

 14   la question, c'est à ça qu'il pensait.

 15   Oui, je reviens sur cette notion de nettoyage ethnique à rebours. Dans le

 16   mémoire de l'Accusation, surtout aux paragraphes 460 à 463, si je ne

 17   m'abuse, ou 462 à 463, voyez ce qu'a déclaré -- un instant, s'il vous

 18   plaît, Messieurs les Juges.

 19   Excusez-moi, je reviendrai à cette notion un peu plus tard, faute de

 20   temps maintenant. Mais regardons le document P02967. Je pense qu'il n'est

 21   pas inutile que la Chambre examine -- mais pour le moment, je suis un peu

 22   perdu dans mes notes. J'essaie de trouver une citation qui vous montre que

 23   ce témoignage est utile, mais je ne m'y retrouve pas tout à fait dans mes

 24   documents.

 25   En ce qui concerne le paragraphe 461, vous penserez peut-être qu'il

 26   est important de voir les pages du compte rendu d'audience 25 382 à 25 401.

 27   Et n'oubliez pas non plus ce qu'a dit le témoin à décharge Simunovic, c'est

 28   lui qui avait la responsabilité, me semble-t-il, de la section de la Croix-


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  1   Rouge sur place à Mostar.

  2   On a affirmé que la Croix-Rouge de Mostar n'apportait pas de secours

  3   humanitaire à des personnes qui ne seraient pas Croates. A cet égard,

  4   examinez ma pièce P04822 et, en même temps, ce qu'a dit Simunovic, pages de

  5   compte rendu d'audience 33 629 à 33 638, 33 673 à 33 676, ainsi que le

  6   document 1D02813.

  7   Nous avons déposé une annexe confidentielle d'une requête dans

  8   laquelle, avec précision, nous rappelons une partie du contre-

  9   interrogatoire du témoin. Dans cette annexe confidentielle -- je ne

 10   donnerai pas de noms, il n'y a donc pas de problème, mais ce Témoin BB a

 11   fait l'objet d'un long contre-interrogatoire concernant le rapport du 7 mai

 12   1993 intitulé "Décision concernant la Communauté croate d'Herceg-Bosna qui

 13   a modifié le statut des réfugiés," P09840. Pourquoi ce contre-

 14   interrogatoire ? Pour montrer que le Témoin BB avait une ignorance parfaite

 15   et profonde du contenu de cette décision. Or, il en parle dans ce rapport.

 16   Il s'agit de la pièce P01894 et la pièce P01244. Et c'était exactement ce

 17   qui ce passait au niveau de l'Etat de la république et des autres

 18   municipalités. Examinez de très près ce que disait le Témoin BB sur la

 19   question. A notre humble avis, lorsque cette décision fut adoptée, si elle

 20   a été adoptée, c'est parce que Mostar était saturée, parce qu'il était

 21   nécessaire de trouver une façon de réglementer la question des biens

 22   abandonnés.

 23   Et vous verrez une décision adoptée par la Communauté croate

 24   d'Herceg-Bosna. Parce que la première décision, c'était le HVO de Mostar,

 25   la municipalité, qui l'avait adoptée. Mais plus tard, une autre décision

 26   fut adopter, qui ressemblait à la première. Et dans ces deux décisions, il

 27   est pratiquement impossible de vendre un bien qui a été abandonné.

 28   Maintenant, on veut vous vendre l'idée qu'on voulait procéder à un échange


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  1   de population et à un échange de biens, de maisons, d'appartements. Ça n'a

  2   pas de sens, parce qu'il faudrait que l'autre municipalité soit d'accord en

  3   raison du fait que c'étaient des biens autogérés, de propriétés sociales,

  4   sauf quand c'étaient des terres du --

  5   Mais dire que maintenant on a un texte de loi qui a été adopté pour

  6   faire ça, non, non. Nous disons que c'était pour réglementer la situation,

  7   ce que faisait d'ailleurs chacune des municipalités. Ça, c'est notre

  8   première argument. Et si cette législation avait été adoptée, c'était pour

  9   assurer que les droits des propriétaires soient respectés et qu'il y ait

 10   possibilité de restitution du bien. Ça c'est très clair, vous ne verrez

 11   aucun mot, aucune décision, où que ce soit. Si l'Accusation a une décision,

 12   qu'elle la présente en réplique. Mais vous ne trouverez rien qui montre que

 13   vous, vous allez perdre à titre permanent ou que vous devez céder, donner,

 14   que vous pouvez transférer vos biens.

 15   Prenons le témoin suivant, Témoin BC, pratiquement dans la même situation

 16   que les témoins précédents, BA et BB. Ce qui est saillant à propos de ce

 17   témoin, et c'est assez révélateur de la façon dont l'organisation en

 18   question et dont certains de ces témoins internationaux percevaient les

 19   Croates de la région, on a demandé à cette personne d'aller à Uzdol pour

 20   mener une enquête. Certes, ce n'est pas un enquêteur, mais son boulot c'est

 21   d'écrire des rapports, de recueillir des informations, et il voudrait vous

 22   croire et nous faire croire à nous tous que ce que son organisation

 23   écrivait était exact, véritable, authentique, fiable. N'empêche qu'il s'en

 24   va, et il a déposé dans une autre affaire que je ne nommerai pas, mais

 25   quand vous voyez ce qu'il a déclaré, ça se trouve à la page du compte rendu

 26   d'audience 18 605 jusqu'à 18 620, il va sur place, jette un coup d'œil dans

 27   les parages, parle à une personne et revient, et dit : Au fond, il n'y a

 28   rien, rien à signaler. Or, nous avons des preuves montrant ce qui s'est


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  1   passé en réalité. Par exemple, un témoin à charge, Gerritsen, est venu à la

  2   barre, il a été contre-interrogé sur ce point. Pages 19 255 jusqu'à 19 257

  3   du compte rendu d'audience.

  4   Ce monsieur est allé sur place le 15 septembre 1993. Il a parlé au

  5   maire, il a vu des morts, des corps, et il n'avait pas cru que ça avait été

  6   une mise en scène, alors que quand on a posé la question à BC, il a dit

  7   qu'il était impossible de se déplacer, l'endroit n'était pas sûr, autant

  8   d'excuses. Mais en fin de compte, oui, c'est encore une fois les Croates

  9   qui cousent des histoires de fil blanc, ils affabulent une fois de plus.

 10   Alors, est-ce que ici j'essaie de dire que ce monsieur est anti-

 11   croate ? Mais non, je dis qu'on a planté une semence, une graine, et qu'on

 12   a bien arrosé, jour après jour, pour faire croire que ces gens voulaient

 13   créer leur propre Etat, qu'ils essayaient de s'autonettoyer sur le plan

 14   ethnique, on s'entend bien sûr, et puis que c'était aussi la source de tous

 15   les maux.

 16   Et bien sûr, personne ne leur avait dit ou ne lui avait dit à lui, ce

 17   qui s'était passé en 1991 ou en 1992, mais vous, vous avez entendu Kljuic,

 18   et en tout cas, pendant le contre-interrogatoire, je crois que le mien a

 19   duré six heures, et si vous regardez les documents qu'on a montrés à

 20   Kljuic, si vous regardez le compte rendu de sa déposition et notre mémoire

 21   en clôture portant sur l'établissement de la Communauté croate d'Herceg-

 22   Bosna, sur les raisons de sa création, les modalités de sa création, ce qui

 23   avait précédé tout cela, quand vous regardez tous ces événements, même

 24   Kljuic le reconnaissait, tout ceci, c'était une question de

 25   régionalisation.

 26   L'Accusation va dire : "Oui, mais regardez Kljuic, il a eu plus de

 27   voix que Boban". Mais Boban n'a pas essayé d'être président. Bien sûr que

 28   Kljuic va avoir plus de voix. Si moi j'essaie de devenir gouverneur de


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  1   l'Ohio et si vous avez quelqu'un qui essaie de devenir président, j'espère

  2   bien que le président va avoir plus de voix que moi. C'est tout à fait

  3   logique. C'est parfaitement naturel. On ne compare pas les pommes et les

  4   poires.

  5   Vous avez des documents, mais regardez qui c'est qui a vraiment réuni

  6   le plus de voix, c'était Abdic. C'était lui le numéro un.

  7   Examinez à son égard la pièce 1D01263 et la pièce 1D01261. Lorsque

  8   vous examinez les études de la problématique du nettoyage ethnique à

  9   rebours, je vous demande d'examiner ces documents. Mais c'est aussi la

 10   pièce P03900. P03900. Elle revient sans arrêt, cette pièce. On la présente

 11   à beaucoup de témoins pendant toute la durée du procès. C'est Sir Martin

 12   Garrod qui le rédige. Paragraphe A, première page :

 13   "Prlic a entamé la réunion et semblait être assez agressif. Il a dit

 14   en anglais, aucun résultat n'a été obtenu du travail des observateurs en

 15   disant, je cite : 'Nous savons qui dans l'arène internationale nous est

 16   opposé, nous est hostile.' Il n'y a que 9 % du territoire de Bosnie-

 17   Herzégovine qui est tenu par les Croates et uniquement 40 % du territoire

 18   des trois provinces qui sont prévues pour eux dans le plan Vance-Owen."

 19   Mais prenons la toute dernière page, nous sommes là en août 1993. C'est là

 20   que toute cette idée du nettoyage ethnique à rebours, c'est comme une

 21   tempête qui s'annonce à l'horizon, menaçante. Dernière page, on retrouve un

 22   commentaire :

 23   "Il ne fait pas l'ombre d'un doute que Prlic était très fervent à propos de

 24   cette idée quand il parlait de l'antagonisme manifesté par l'Occident,

 25   qu'il trouvait que les Croates étaient traités de façon injuste et qu'il

 26   trouvait les Musulmans perfides", et il a bien sûr répété beaucoup

 27   d'arguments que nous avons déjà entendus de plusieurs sources croates haut

 28   placées. Et il est assez probable qu'il pensait vraiment ce qu'il disait.


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  1   Je ne pense pas que ce soit un homme qui ne pense pas autrement à propos de

  2   l'idée de rentrer dans Mostar et de la liberté de circulation. Reste à voir

  3   si il va faire ce qu'il a promis, à savoir parler "à Stojic et Bozic de la

  4   question. S'il le fait, est-ce qu'il a le pouvoir de faire valoir et de

  5   faire peser ses arguments."

  6   Intéressant à plusieurs égards. Vous en tirerez vos propres conclusions à

  7   propos de ces paroles de M. Garrod, mais Garrod se rend compte, peut-être

  8   parce qu'il a pu vraiment s'entretenir plus longtemps avec le Dr Prlic

  9   alors que le Dr Prlic peut quand même parler en son nom, les décisions ne

 10   sont pas prises par le Dr Prlic. Il y a un document d'ailleurs à ce propos

 11   qui est intéressant. Il me semble que c'est le document présenté au Témoin

 12   BH. Et donc, le témoin a dit que le Dr Prlic était en mesure de donner un

 13   laissez-passer.

 14   Très bien. Très bien. Ah, le président peut donner des laissez-

 15   passer. Parfait. Mais pour cela le président doit demander en fait les

 16   permissions de déplacement et de les demander auprès du commandant local.

 17   Enfin je n'ai pas le document sous les yeux, et sachez que je vous donnerai

 18   la référence exacte, Messieurs les Juges, au passage d'ailleurs.

 19   En ce qui concerne le Témoin BB, au cours de son contre-

 20   interrogatoire, on s'est rendu compte en ce qui concerne cette

 21   organisation, en tout cas c'est bien elle qui dirigeait l'organisation, et

 22   il est très intéressant de voir comment elle utilisait les médias, pour

 23   envoyer les médias dans certains endroits. Il y a encore un échange très

 24   intéressant où une autre personne venant d'une organisation internationale,

 25   extrêmement réputée d'ailleurs, excellente réputation, décrit les activités

 26   de l'organisation dont faisait partie le Témoin BB comme étant en fait un

 27   cercle médiatique.

 28   Pensez-y, rappelez-vous les propos du Dr Prlic à M. Garrod, parce


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  1   qu'il semble que les médias eux aussi s'étaient un petit peu trompés. Parce

  2   qu'ils étaient un peu à côté de la plaque, si je puis dire, parce que s'ils

  3   obtiennent toutes ces informations de ces organisations qui sont soi-disant

  4   sur place, qui sont soi-disant justes et qui sont objectives, et cetera, et

  5   qu'ils sont à côté de la plaque, eh bien, comme on dit en anglais, "junk

  6   in, junk out." On ne reprendra que - ne seront pris que les mensonges qui

  7   seront donnés.

  8   Reprenons ça à BH maintenant. Je vais être rapide. Et BH est un témoin

  9   intéressant, c'est un témoin qui a un parcours universitaire intéressant,

 10   mais il l'a dit lui-même d'ailleurs lorsqu'il le concède, lorsqu'il vient

 11   sur place, c'est BA qui lui fait son briefing. Donc toutes les informations

 12   dont il dispose, il les tient de BA. Premièrement. Très intéressant.

 13   Ensuite deuxièmement, il est sur place sept jours, à peu près sept jours.

 14   Une semaine.

 15   Troisièmement, il s'entretient avec le Dr Prlic une fois, pendant environ

 16   trois quarts d'heure, peut-être une heure, et c'est ça qui nous permet de

 17   tirer des conclusions. On ne sait pas très bien dans quelle langue ils se

 18   sont entretenus. J'imagine que BH parle l'anglais et parle un sabir croate.

 19   Je ne savais pas vraiment quelle a été la qualité de ce sabir.

 20   Mais ce qui est intéressant à propos de ce Témoin BH c'est qu'il avait des

 21   idées fixes. Il a comparé le HVO à l'ETA, à l'IRA. C'est ainsi qu'il voyait

 22   les choses. Au cours du contre-interrogatoire, enfin d'ailleurs au cours de

 23   l'interrogatoire tout simplement, il a dit qu'avant de venir sur place, sur

 24   le théâtre, il avait lu certaines choses. Donc il a déclaré qu'il avait bel

 25   et bien pris connaissance de certains éléments. Mais ensuite il a dit qu'il

 26   était là pour faire des interprétations des faits et non des

 27   interprétations de jure. Donc avant de tirer des conclusions quand même, en

 28   vue de la carrière de cette personne, au vu de son profil, de son


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  1   expérience et de la mission qui lui avait été donnée, il aurait dû aller un

  2   peu plus loin quand même.

  3   C'est encore le même témoin, il aurait pu attribuer les citations à

  4   la personne qui les avait prononcées.

  5   Or dans le mémoire de l'Accusation lorsqu'il parle du dirigeant du

  6   gouvernement, c'est important d'ailleurs parce que l'Accusation compte sur

  7   des gens comme ce Témoin BH pour en tirer des conclusions sur lequel le Dr

  8   Prlic était bien entendu responsable de la branche militaire.

  9   Très bien. On peut avoir une impression, on rentre dans une réunion,

 10   on voit quelqu'un qui a l'air d'être en civil, qui a l'air confiant, sûr de

 11   lui, on en tire une conclusion. Parfait. Mais c'est quand même autre chose

 12   quand on a quelqu'un qui vous dit : "J'ai étudié les textes légaux, j'ai

 13   parlé avec cette personne, et j'ai parlé à d'autres personnes. Et je pense

 14   que c'est grâce à tout cela que j'en ai tiré ma conclusion sur laquelle il

 15   avait une charge de responsabilité en ce qui concerne la chose militaire."

 16   Vous trouverez cela à la page 361 du mémoire de clôture l'Accusation

 17   lorsqu'il parle des responsabilités de dirigeants du gouvernement. Et au

 18   paragraphe 361, première ligne, l'Accusation.

 19   "L'article du décret de l'Herceg-Bosna sur les forces armées donnait

 20   au gouvernement civil la direction des forces armées du HVO."

 21   Et "La direction du gouvernement civil sur les forces armées du HVO."

 22   Qu'est-ce que ça veut dire ? Quelle conclusion peut-on en tirer ? Peut-on

 23   en tirer que la conclusion que c'est le Dr Prlic qui dirige les forces

 24   armées ?

 25   Nous savons que c'est Boban qui est le commandant suprême. Il faut se

 26   pencher tout de suite sur l'article 2. Je ne vais pas vous le lire en

 27   détail parce que je ne suis pas là pour faire des discours et pour

 28   expliquer à la Chambre comment lire des textes de loi. Ils savent le faire


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  1   bien sûr. Tout est là. Donc il faut quand même étudier de près, le lire de

  2   près. Peut-être qu'on se trompe. Mais si vous regardez de près ce décret,

  3   ce que vous ne trouverez pas, ça c'est sûr, vous ne trouverez aucune

  4   référence au fait que le Dr Prlic aurait eu la direction qu'allègue

  5   l'Accusation, et qu'elle voudrait vous faire croire ce contrôle. Ils

  6   voudraient vous faire croire que c'était lui le numéro 2 juste après Boban.

  7   Ils voudraient vous faire part que c'est la hiérarchie. Bien, non, ça ne

  8   fonctionne pas. Parce que, comme je vous le répète, c'est une entité

  9   collective. L'article 30 d'ailleurs est un article intéressant parce qu'une

 10   fois la loi amendée, on voit que le Dr Prlic ne dispose d'aucun pouvoir. Or

 11   je ne voudrais certainement pas dire que l'autorité qui avait été donnée au

 12   département de la Défense a été mal utilisée. Pas du tout. Moi, je tiens à

 13   vous dire qu'il faut que vous en reveniez au texte de loi, au texte

 14   législatif. Et là, j'anticipe encore à nouveau.

 15   Mais, par exemple, la fameuse proclamation par Jadranko Prlic, la

 16   proclamation qui est intervenue après les événements du 30 juin. Si on lit

 17   de près, que voit-on dans ce texte ? Bon, M. Stringer a fait très

 18   attention. Moi, j'ai écouté M. Stringer, il a été très précis d'ailleurs

 19   dans sa description. Il a eu une annonce et ensuite un ordre dans le même

 20   document. Or il y a deux volets dans ce document. D'abord, une annonce,

 21   ensuite un ordre. Et si on se penche sur l'ordre, l'ordre est absolument

 22   clair. On voit très bien d'où émane l'ordre, c'est très clair. Je peux vous

 23   donner la référence d'ailleurs. Je ne l'ai pas sous la main. Mais l'ordre

 24   est donné en se basant sur le pouvoir dont il dispose sans doute par le

 25   biais de l'article 30, mais pas nécessairement.

 26   Que demande cet ordre ? Ce n'est pas un ordre de mobilisation parce

 27   que la mobilisation était déjà en cours de toute façon. Et nous avons un

 28   grand nombre de témoignages qui vont dans ce sens. Et Boban était le seul


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  1   qui pouvait lancer la mobilisation. Il l'a fait d'ailleurs. Et c'était à

  2   d'autres de mettre en œuvre le processus de mobilisation, qui était un

  3   processus permanent. Et souvenez-vous, quand on se souvient de ce qui s'est

  4   passé le 30 juin, il paraît naturel de dire : "D'accord, il y a ces

  5   évènements, et donc il faut que vous vous présentiez."

  6   Donc ce n'est pas du tout l'exercice d'un pouvoir ce que voudrait

  7   nous faire croire l'Accusation. Et le document de référence est le P03038.

  8   Je vous fais remarquer cela parce qu'il ne s'agit pas d'un ordre

  9   conjoint donné par Prlic et Stojic. Je ne suggère pas ici que l'ordre en

 10   tant que tel était illégal, mais pourquoi essayez de vous convaincre ?

 11   D'ailleurs, lorsqu'on regarde le mémoire de l'Accusation, ils essaient de

 12   minimiser un peu le sort des Croates.

 13   Revenons-en à BH, ce Témoin BH. Il déclare -- bon, comme j'ai dit, il avait

 14   passé huit jours à Mostar, et il déclare qu'il n'est pas ici pour faire une

 15   interprétation légale, mais pour vous faire part de ses impressions.

 16   "Question : En vous basant sur cela, comment pouvez-vous inclure cela

 17   dans votre mémoire et faire référence à BH comme étant une personne

 18   crédible ?"

 19   Vous avez le témoignage. L'Accusation, dans leur récit, voudrait que

 20   ce soit Dr Prlic qui soit à la tête de la branche militaire. Alors, il

 21   semblerait qu'il y a eu une conversation et quelqu'un a dit : "Oui, il

 22   s'occupe aussi de ce qui est militaire." Ensuite, il sort de la pièce et il

 23   assène ses propos. Et d'après l'Accusation, c'est une excellente source.

 24   Mais rappelez-vous ce que je vous ai dit. On n'est pas ici, en fait,

 25   pour gagner des points, pas du tout. On est là uniquement pour la

 26   manifestation de la vérité. Et je tiens à vous dire qu'il y a quand même

 27   une obligation ici; on ne peut pas essayer, en utilisant les coups bas,

 28   d'arriver à ses fins. Ce n'est pas possible.


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  1   Ensuite, témoignage à ce propos venant du général Praljak. Là, il est

  2   très clair, il cite exactement les pouvoirs dont disposait le gouvernement,

  3   les pouvoirs dont disposait le Dr Prlic. Il est sous serment d'ailleurs. Il

  4   n'a aucune raison de protéger le Dr Prlic. Mais il vous explique comment il

  5   interprétait la situation. Pour lui, le Dr Prlic pouvait venir et lui

  6   demander des informations, mais il ne pouvait lui donner aucun ordre. Et

  7   Praljak n'avait pas à rendre compte à Prlic. Point final.

  8   Donc veuillez, s'il vous plaît, lire et vous penchez de très près sur tous

  9   ces documents qui sont présentés par l'Accusation et qui sont cités par

 10   l'Accusation. Ils ont tendance aussi à avoir énormément recours au

 11   témoignage de Filipovic.

 12   Filipovic a témoigné -- en tout cas, on retrouve son témoignage dans

 13   un grand nombre de notes de bas de page. Filipovic était, pour l'essentiel,

 14   en Bosnie centrale, souvenez-vous-en. Or, lorsqu'il témoigne, ce qu'il dit

 15   se base sur le peu de choses qu'il connaît. Et si vous vous penchez

 16   vraiment sur son témoignage, principalement pages 47 670 à 47 682, il dit

 17   qu'en avril, mai, juin 1992, le HVO était tout puissant. A l'époque, il

 18   était engagé dans la vallée de la Lasva, mais il ne savait pas qu'il y

 19   avait un Conseil exécutif du HVO, parce que lui, il était dans la vallée de

 20   la Lasva. Ça, c'est ce qu'il dit. Mais bon, vous n'avez pas besoin

 21   d'écouter ce que je dis, en fait ce n'est pas ce qui est important. Ce qui

 22   est important, c'est étudier le dossier de près, Messieurs les Juges. Parce

 23   que, nous essayons, nous, d'être fidèles et de donner le déroulement des

 24   évènements dans l'ordre chronologique, parce que l'histoire est compliquée,

 25   le récit est compliqué, toute cette histoire du HVO est compliquée. On

 26   dirait presque un récit de science fiction pour essayer de voir comment ça

 27   marche, avec l'évolution en plus qui rentre en compte. Et au départ, il

 28   faut un certain temps avant d'arriver à deux HVO. Et malheureusement pour


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  1   l'accusé, le HVO était tout. A moins de faire la différence entre HVO de la

  2   HZ HB, là on sait que c'est le pouvoir exécutif. Mais lorsqu'ils se parlent

  3   entre eux, ils se comprennent. Le problème, nous, c'est que nous en

  4   prétoire, on nous parle du HVO, uniquement HVO, et c'est vrai qu'à l'époque

  5   le HVO représentait la totalité. Le HVO était un tout.

  6   Maintenant, je vous parle un peu longuement de cette branche

  7   militaire du HVO et du Dr Prlic, mais c'est parce que je trouve que

  8   l'Accusation fait un peu une fixette là-dessus, si je puis dire. Or, ils se

  9   trompent dans leur présentation des choses, et tout être raisonnable --

 10   bon, les personnes raisonnables, parfois, se trompent, c'est vrai, mais là,

 11   eux, ils se trompent et ils sont têtus et bornés. Souvent, on m'accuse moi-

 12   même d'être borné, c'est vrai. Donc moi, je plaide coupable. Mais en ce qui

 13   concerne les citations exactes, il faut leurs faire très, très attention.

 14   L'Accusation parle, par exemple, au paragraphe 363, de Prlic qui

 15   aurait confirmer qu'il rencontrait Stojic toutes les semaines pour parler

 16   de problèmes de défense et de problèmes militaires. C'est une déclaration

 17   qui soi-disant est sous pli scellé, mais j'ai cru comprendre qu'elle

 18   n'était pas sous pli scellé puisqu'on en a parlé en audience publique.

 19   Peut-être qu'ils ont dit que c'était sous pli scellé par excès de prudence,

 20   autrement voilà ce qu'ils disent, l'Accusation. Mais référez-vous à la

 21   déclaration en tant que telle pour bien comprendre les propos du Dr Prlic.

 22   Une minute. Je suis désolé, mais je suis un peu noyé sous les documents.

 23   Voici l'échange, donc c'est le Témoin WT, sans doute William

 24   Tomljanovich, employé de l'Accusation/soi-disant expert, et donc le Dr

 25   Prlic dit :

 26   "Je l'ai vu toutes les semaines parce que c'était le rythme habituel

 27   des séances."

 28   Sachez que M. Stojic fait aussi partie du HVO de la HZ HB.


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  1   "Il n'était pas tenu de faire rapport de ce qui se passait au

  2   département de la Défense. C'est comme ça que ça fonctionnait. Parce que

  3   c'était très clair, le système juridique était très clair. Il y a des

  4   documents à propos du système juridique, et de la façon de la département

  5   de la force avait été créé, quelles étaient les règles de subordination."

  6   Donc :

  7   "Il n'avait aucune obligation de me rendre compte de leurs travaux.

  8   Il n'y avait pas de point de contact entre nous."

  9   Donc, Messieurs les Juges, lorsque l'on prend cela en compte, il faut aussi

 10   se référer au témoignage de Buntic, de Perkovic, de Raguz, car en effet,

 11   ces personnes, surtout Buntic, et Perkovic d'ailleurs, faisaient partie du

 12   HVO de la HZ HB. Buntic était du côté des services judiciaires. Petkovic

 13   était un technocrate qui auparavant avait travaillé dans l'administration

 14   et il était responsable d'une sorte de service législatif qui s'assurait

 15   que les lois et les décrets étaient harmonisés et était impliqué dans la

 16   rédaction des textes. Ils ont tout décrit  -- Tomic aussi d'ailleurs. Ils

 17   ont bien décrit comment le HVO de la HZ HB fonctionnait en tant que

 18   collectif et qui pouvait faire quoi avec qui. Donc c'est très clair. Le

 19   président paraît être un titre ronflant, certes, mais la seule obligation

 20   qu'ils avaient, c'était une obligation collective. C'étaient les collectifs

 21   qui prenaient la décision. Le département qui était chargé de faire quelque

 22   chose le faisait, bien sûr. Et ils devaient écrire des rapports aussi. Mais

 23   tout ceci était envoyé au collectif.

 24   Et le Dr Prlic n'avait pas le pouvoir de donner des ordres à quelque

 25   département que ce soit pour exiger que quoi que ce soit soit fait. Vous ne

 26   le trouverez nulle part, ça. D'ailleurs, je mets l'Accusation au défi de

 27   trouver un document qui montrerait que le Dr Prlic aurait ordonné à un

 28   membre, en tant que président -- moi, je ne parle pas ici de décision prise


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  1   par le collectif, mais je les mets au défi de trouver une décision où Prlic

  2   aurait ordonné quelque chose à un chef de département. Parce qu'il n'avait

  3   pas l'autorité pour le faire. Et Tomic nous l'a dit d'ailleurs. Et Buntic

  4   aussi nous l'a dit.

  5   Buntic qui a été très clair. D'ailleurs, nous y reviendrons à Buntic.

  6   Mais l'Accusation utilise Buntic comme source. Or, je n'ai pas ça sous la

  7   main à l'heure actuelle, mais ils font référence à deux pages bien précises

  8   du compte rendu. Et voici ce qu'il faut faire : il faut quand même aussi

  9   regarder les pages qui suivent et les questions supplémentaires, parce que

 10   M. Buntic déclare la chose suivante : "Oui, il y a une décision statutaire

 11   et c'est ce qu'elle dit, mais il faut aussi se référer aux règlements de

 12   procédure."

 13   Alors, pour l'Accusation, il est plus utile, il est plus efficace

 14   pour leur thèse de s'arrêter une page avant. Mais moi, je vous demande

 15   juste de regarder la totalité du compte rendu, les décisions. Regardez les

 16   propos qui sont tenus. C'étaient eux qui mettaient en œuvre tout ça, et

 17   c'étaient ces personnes qui ont été interrogées et qui savaient comment

 18   fonctionnait le système.

 19   Revenons-en à la déclaration de Prlic, qui est très claire. A la fin

 20   de la page, ils lui demandent :

 21   "Est-ce que vous avez demandé des informations ?"

 22   Et il répond :

 23   "Oui."

 24   "Question : Etiez-vous satisfait ?

 25   "Réponse : Non, parce que les informations étaient tellement vagues que

 26   personne n'aurait pu s'en satisfaire.

 27   "Question : Est-ce que vous vous en êtes plaint ?"

 28   Excellente question, quand même. "Est-ce que vous vous en êtes plaint


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  1   auprès de lui ?"

  2   Réponse : "Non. Je lui ai exprimé mon opinion, mais il n'était pas tenu, il

  3   n'avait pas à me rendre compte."

  4   Il devait peut-être rendre compte à quelqu'un d'autre, certes, comme

  5   son commandant suprême.

  6   Et le témoignage continue.

  7   "Avez-vous fait une réclamation écrite selon laquelle vous étiez à la tête

  8   d'une entité et que les personnes dans cette entité ne vous fournissaient

  9   pas des informations suffisantes ?"

 10   Le problème c'est que ce M. Tomljanovich qui a écrit cet excellent rapport,

 11   qui a l'air quand même tout à fait parfait, lorsqu'on va un petit peu au-

 12   delà de la surface, on se rend compte que les choses ne sont pas si

 13   claires, elles ne sont pas si simples. Parce qu'on a toutes ces personnes

 14   qui viennent de l'Occident, des pays industrialisés et qui ont leurs

 15   propres idées préconçues à propos de la façon dont les systèmes politiques

 16   fonctionnent, avec un gouvernement, un premier ministre à la tête du

 17   gouvernement, et cetera. Donc ils sont d'ailleurs confrontés à une

 18   situation où il y a un collectif.

 19   Déjà, ils ne lisent tout simplement pas les documents. Ils ne

 20   demandent même pas quoi que ce soit à propos de quelqu'un du cru. Pourquoi

 21   est-ce que l'Accusation ne nous a pas fait citer quelqu'un qui s'y

 22   connaîtrait ? Qui viendrait de l'ex-Yougoslavie. Il n'a pas besoin d'être

 23   de Bosnie-Herzégovine. Tomljanovich vient du Wisconsin, de Milwaukee.

 24   Parfait, tant mieux pour lui. Il est Américain d'origine croate, très bien,

 25   mais ça ne signifie pas qu'il sait parfaitement comment fonctionne le

 26   gouvernement en Bosnie-Herzégovine.

 27   Et on continue d'ailleurs :

 28   "Non, je ne sais pas. Parce que d'un côté, il n'avait pas à me rendre


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  1   compte d'après les documents juridiques portant création du gouvernement,

  2   mais d'un autre côté, je ne sais pas du tout à qui j'aurais pu écrire ou

  3   adresser ce type de réclamation."

  4   Alors, on continue à lui poser des questions, parce que Tomljanovich n'est

  5   pas convaincu. Et on parle de Boban maintenant, parce que : "Bruno Stojic,

  6   qui est chef du département de la Défense, et on sait qu'on passe d'abord

  7   du commandant suprême au chef d'état-major de l'état-major principal, et

  8   ensuite de la structure, et tout est écrit. Alors, comment puis-je plaindre

  9   de Bruno Stojic à Mate Boban alors que c'est son associé de premier rang ?

 10   Et ensuite, chose que j'ai dite dès que j'ai été nommé : Je n'avais rien à

 11   voir avec la structure militaire et les organes militaires."

 12   Arrêtons-nous là. Pour bien comprendre les propos du Dr Prlic -- je ne veux

 13   surtout faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre. Absolument pas. Mais

 14   lorsque vous remettez les choses en contexte, il déclare sans cesse qu'il

 15   faut se référer aux documents juridiques qui étaient respectés. On n'est

 16   pas dans le Far West ici. Ce n'est pas un pays du tiers-monde où personne

 17   n'est allé à l'école. Il y avait quand même un système qui existait avant

 18   le conflit, et ce système a perduré. Et ça, les gens sur le terrain le

 19   comprenaient bien. C'est pour cela qu'il n'était pas nécessaire, ni pour le

 20   Dr Prlic ni pour les personnes qui se trouvaient au sein de ce collectif,

 21   de connaître bien quelles étaient leurs fonctions et leurs attributions,

 22   parce qu'ils fonctionnaient comme ça depuis toujours. Mais les

 23   internationaux arrivent. Eux, ils n'y connaissent rien. Ça ne les intéresse

 24   pas. Tout ce qu'ils veulent, c'est tirer des conclusions hâtives et écrire

 25   des rapports, ensuite les rapports remontent aux supérieurs. Et maintenant,

 26   ils veulent nous faire croire qu'ils savaient comment marchait le système.

 27   Alors, on aurait eu le président -- enfin, on le voit bien avec le

 28   président -- on voit bien dans l'échange de vues avec le Témoin BF qui dit


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  1   que d'après lui, le président a pouvoir sur les militaires, et point final.

  2   Voyons maintenant ce que dit BD. BD c'est un témoin qui affirme que

  3   Jadranko Prlic aurait fourni des laissez-passer. Il y a eu un contre-

  4   interrogatoire très détaillé suite à l'interrogatoire de BD. Dans un des

  5   rapports, dont vous vous souviendrez peut-être, ce témoin parle d'une

  6   offensive musulmane qui a eu du succès. Je pense que c'est ça le terme

  7   qu'il a employé.

  8   Donc qu'affirme le Témoin BD ? Que l'organisation pour laquelle il a

  9   travaillé, en particulier ce Témoin BD, s'est vue empêcher d'ouvrir un

 10   bureau à Mostar. Et lorsque des questions très précises lui ont été posées,

 11   eh bien, il s'est avéré que BD, en fait, s'est plaint de n'avoir jamais pu

 12   bénéficier d'aide qui lui permettrait de trouver un endroit où elle

 13   pourrait louer des locaux. Donc ce n'est pas exactement la même chose que

 14   de dire qu'on l'a empêchée à ouvrir un bureau.

 15   Puis, BD affirme également ou plutôt, apporte une explication tout à

 16   fait excellente au sujet de ce que c'est que des connaissances de première

 17   main. Par exemple, c'est lorsque vous vous adressez à quelqu'un qui aurait

 18   des connaissances de première main et qui vous les rapporte. Nous estimons

 19   que ce serait plutôt de l'ouï-dire, et l'ouï-dire n'est pas toujours

 20   fiable. Parfois c'est bon, parfois ce n'est pas bon.

 21   Je plaisante un petit peu, mais c'est presque triste, parce que vous

 22   rédigez des rapports sur la base de ce qu'on vous a dit, vous les rédigez

 23   en votre nom et vous dites : "J'ai été témoin direct de ces événements."

 24   Mais comment ? "Eh bien, parce que j'ai parlé à telle ou telle personne qui

 25   a vécu cela directement, le savait directement." Mais comment cette

 26   personne a-t-elle su ? Le seul moyen, en fait, c'est que le A ou le B était

 27   à l'origine des informations et ce sont eux qui avaient des informations

 28   directes.


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  1   Prenons maintenant la page du compte rendu d'audience 20 808 jusqu'à 20

  2   810. On a interrogé cette personne au sujet de la situation en Bosnie

  3   centrale et le témoin a eu la sensation que c'était le nettoyage ethnique à

  4   rebours qui était en train de se passer. Bien entendu, le Témoin BD ne

  5   s'est jamais rendu en Bosnie centrale, Vares, Busovaca, Gornji Vakuf,

  6   Kakanj, jamais. Mais BD était basé à un endroit où se trouvait également

  7   une autre organisation, et en fait ils ont partagé des éléments

  8   d'information, et c'est ce qui s'est révélé pendant le contre-

  9   interrogatoire. Le 3 et le 4 juillet, c'est là que nous avons ce

 10   témoignage.

 11   C'était un très bel échange lorsque j'ai demandé au Témoin BD si elle

 12   a eu l'occasion de rencontrer Mate Boban, parce qu'il faut savoir que ce

 13   témoin affirme qu'elle connaît les leviers du pouvoir, donc vous avez ce

 14   très bel échange où le témoin répond : "Dieu merci, non." Monsieur le

 15   Président, Messieurs les Juges, la Chambre pourrait peut-être revoir cette

 16   vidéo et voir l'expression du visage de ce témoin, et qui en dit tout.

 17   Ce même témoin parle de ce qui en est de la situation avec l'eau et

 18   parle d'un échange de M. Prlic au sujet de l'eau, parce qu'en fait on

 19   s'imaginait, et je dis on s'imaginait, qu'il n'y avait pas d'eau courante

 20   du côté est. Et pourquoi ? Parce que du côté ouest, les Croates auraient

 21   fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher les autres d'avoir de

 22   l'eau courante. Et il s'avère, bien entendu, que ce Témoin BD n'en sait

 23   rien, n'a aucun élément d'information au sujet de tout ce qui a à voir avec

 24   l'eau. Et donc, des documents ont été soumis au témoin, vous verrez, page

 25   20 897 jusqu'à 20 901, du compte rendu d'audience, 1D01566, 1D01567 ou

 26   1D01568.

 27   Eh puis, il y a aussi, bien entendu, un autre point intéressant, un

 28   passage intéressant dans le compte rendu d'audience, à, je pense, page 20


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  1   000 -- un instant, s'il vous plaît. 20 909 jusqu'à 20 910, et cela résume

  2   ce que j'ai essayé de dire aujourd'hui, partiellement, à savoir que les

  3   représentants des organisations internationales se rendent sur place. Ils

  4   arrivent sans savoir quoi que ce soit sur la situation. Ils ne cherchent

  5   pas à se renseigner sur les faits, et cela ne les empêche pas d'avoir une

  6   opinion. C'est une opinion qu'ils empruntent à quelqu'un d'autre, et en

  7   fait, c'est là que se termine toute leur recherche d'information et c'est

  8   sur cette base-là qu'ils opèrent.

  9   Alors maintenant, nous avons ce témoin qui nous parle également de convois

 10   laitiers aux paragraphes 493 et 498. Vous le retrouverez au mémoire en

 11   clôture de l'Accusation. Et je vous soumets, là je n'ai pas beaucoup de

 12   temps, bien entendu, mais que premièrement il faudrait se pencher sur

 13   l'accord de Makarska. La pièce P10264. Prenez la déposition de Simunovic

 14   également. P03346, 1D02070. Ainsi que le témoignage du Témoin DZ, les

 15   documents P03420, P03428. Le témoignage de DZ du 24 janvier 2008, 26736

 16   jusqu'à 26741. Egalement, prenez la pièce P03539, 1D01870. Et en

 17   particulier, avec ce témoin, le Témoin BD, prenez également la pièce

 18   P03420, P03428, 1D01336, P03453.

 19   Puisque le temps ne me permets pas d'aborder tout cela, Monsieur le

 20   Président, Messieurs les Juges, une des questions eu égard aux convois

 21   laitiers, si je puis juste vous présenter notre point de vue, vous avez les

 22   documents, vous pouvez les examiner, vous avez entendu les témoignages,

 23   donc nous avons entendu la semaine dernière de la bouche de l'Accusation

 24   que l'aide humanitaire ne pouvait pas être distribuée parce qu'il y a eu

 25   cette espèce d'entrave permanente, à savoir on signait des accords puis les

 26   Croates attaquaient.

 27   Et cet accord de Makarska était quelque chose d'important. Granic était à

 28   l'époque le ministre des Affaires étrangères, il s'est rendu sur place pour


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  1   participer à cela. Et dès la signature de l'accord, ce qui s'est passé

  2   c'était une offensive de l'ABiH, qui a empêché le passage des convois. Et

  3   il y a eu des rapports, un peu de différents genres, sur celui qui est à

  4   l'origine de cette attaque et, à notre avis, les éléments de preuve

  5   démontrent quand même largement que ce sont les forces musulmanes qui ont

  6   lancé cette attaque, et là, nous avons un excellent exemple.

  7   On ne peut pas avoir tout et son contraire : "Les convois

  8   humanitaires ne rentrent pas parce que le HVO les empêche d'arriver," alors

  9   que d'autre part, vous lancez une attaque à laquelle il faudra riposter,

 10   puis vous dites : "Voilà, le HVO est là, les Croates de nouveau. Ils

 11   essaient d'affamer les Musulmans du côté est de Mostar."

 12   Et si vous vous penchez sur le témoignage de BD, Monsieur le Président,

 13   Messieurs les Juges, en toute modestie et avec toutes les précautions

 14   nécessaires, je dois vous dire que sur les cinq années qui se sont

 15   écoulées, nous avons vu beaucoup de juristes qui se sont occupés de résumer

 16   des dépositions. Mais il faut du temps pour comprendre ces faits. Dans les

 17   six ou huit mois qui sont devant vous, ou l'année qu'il vous faudra, je

 18   vous invite à revoir l'ensemble des témoignages. Cela est parfois ennuyeux,

 19   fastidieux, mais c'est d'importance vitale.

 20   Donc, reprenons maintenant cette histoire de convoi d'approvisionnement en

 21   lait --

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : -- est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux faire la pause

 23   maintenant, parce que --

 24   M. KARNAVAS : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. Je suis désolé.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire 20 minutes de pause.

 26   --- L'audience est suspendue à 17 heures 35.

 27   --- L'audience est reprise à 17 heures 58.

 28    M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre veut faire une annonce.


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  1   Pour des raisons techniques, nous allons suspendre l'audience. Il est

  2   quasiment 18 heures, et nous reprendrons demain à 9 heures du matin,

  3   puisque, comme vous le savez, nous sommes de matinée.

  4   Donc, Maître Karnavas, pas de problème ? Vous reprendrez la parole

  5   demain à 9 heures.

  6   M. KARNAVAS : [interprétation] Excellent, Monsieur le Président. Je vous

  7   remercie. Aucun problème.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est levée.

  9   --- L'audience est levée à 17 heures 59 et reprendra le mardi 15 février

 10   2011, à 9 heures 00.

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