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1 Le lundi 14 février 2011
2 [Plaidoiries de la Défense Prlic]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 [L'accusé Pusic est absent]
6 --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,
8 s'il vous plaît.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à
10 toutes les personnes ici présentes. Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre
11 Prlic et consorts. Merci.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière. La Chambre tient à vous
13 saluer, puisque vous prenez vos fonctions à la suite du départ de notre
14 précédent greffier. Donc au nom de mes collègues, je vous souhaite la
15 bienvenue dans cette salle d'audience.
16 Nous devons aujourd'hui aborder la plaidoirie de la Défense de M. Prlic.
17 Avant cela, un petit problème de nature technique. Mme la Greffière m'a dit
18 qu'il y avait toujours les problèmes de LiveNote, et il pourrait y avoir un
19 problème si Me Karnavas a des documents à faire venir à l'écran. Mais j'ai
20 cru comprendre qu'il y avait des documents qui sont donnés en "hard copy",
21 donc a priori, même si le document on ne le voit pas sur l'écran, on
22 pourrait le voir en "hard copy". Sinon, Mme la Greffière m'a expliqué qu'il
23 faudrait attendre maintenant 25 minutes, le temps de relancer tout le
24 système informatique.
25 Alors, Maître Karnavas, est-ce qu'il y a un problème à votre niveau
26 ou pas ?
27 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
28 Messieurs les Juges. Bonjour à toutes les personnes ici présentes. Non, je
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1 ne pense pas que ça va me poser de problème, pour le moment du moins. Je
2 regrette, nous n'avons pas de copies imprimées, pas de versions imprimées,
3 pas de "hard copy", en tout cas, pas pour la première demi-heure. Ce fut
4 une tâche herculéenne que de se préparer, parce que nous avons nous-mêmes
5 rencontré nos problèmes techniques. Après ce qui s'est passé la semaine
6 dernière, il a fallu vraiment élagué, puisque nous n'avons pas pu faire
7 suffisamment de photocopies. Cependant, nous agirons avec ordre, nous
8 serons méthodiques.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Maître Karnavas.
10 En fin de semaine, la Défense Stojic avait saisi la Juriste de la
11 Chambre sur une question liée à l'intervention éventuelle d'un accusé à la
12 fin du procès, lors de sa prise de parole. Alors, mon collègue le Juge
13 Trechsel va indiquer à tout le monde quel est le point de vue de la Chambre
14 sur le problème.
15 M. LE JUGE TRECHSEL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
16 Bonjour à l'Accusation, à la Défense. Toutes les choses ne sont pas
17 claires, il y a un certain manque de clarté s'agissant de la façon dont va
18 être réparti le temps de la Défense, ce serait arrogant de dire que j'en
19 suis responsable parce que je ne suis pas le seul concerné, mais vous
20 pouvez me faire porter la responsabilité comme vous voulez.
21 Nous avons évoqué une solution, ce serait celle-ci : Nous l'avons toujours
22 dit, nous avons dit cinq heures par équipe de la Défense. C'est le temps
23 réservé aux plaidoiries présentées par les avocats. Si une Défense souhaite
24 ardemment faire intervenir son accusé, il peut y avoir jusqu'à 30 minutes
25 de temps réservé à l'accusé lui-même. Et la Chambre serait grée aux
26 conseils de la Défense de dire à la Chambre par avance si elle a cette
27 intention et à quel moment des cinq heures accordées l'accusé
28 interviendrait.
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1 Une fois que nous aurons entendu les six équipes de la Défense, une
2 question se pose, est-ce que l'Accusation va demander du temps pour sa
3 réplique éventuelle. A ce moment-là, nous déciderons éventuellement d'un
4 certain temps qui sera accordé, et le même temps serait, bien entendu,
5 accordé aux équipes de la Défense. M. Scott l'avait laissé entendre, il
6 avait prononcé le mot de la fin pour lui dans ce procès, ce qui voudrait
7 dire que normalement la Défense n'aurait pas la possibilité de présenter
8 des arguments ou des témoins en duplique. Mais la Chambre sait que nous
9 n'avons pas qu'une seule Défense ici, ce n'est pas une Défense
10 monolithique, il y a six accusés, et l'expérience nous montre qu'il serait
11 peut-être sage de ne pas exclure une possibilité, c'est qu'une Défense, en
12 fait, essaie de faire déplacer la responsabilité imputée à son accusé à un
13 autre accusé. Il n'est pas exclu, dès lors, qu'une équipe de la Défense
14 sente vraiment le besoin très vif de répondre à ce qu'aurait dit un autre
15 accusé. La Chambre est prête à connaître d'éventuelles requêtes, et si elle
16 est convaincue, il sera peut-être possible d'avoir une réplique entre les
17 équipes de la Défense. L'Accusation n'interviendrait plus, et chaque équipe
18 ne pourrait intervenir qu'une fois. Ensuite, la procédure visée par
19 l'article 86(A) serait terminée, et nous sommes tous de formation romano-
20 germanique et nous avons des principes presque sacro-saints dans nos pays.
21 Nous sommes prêts à accuser aux accusés en personne la possibilité de
22 prononcer véritablement le mot de la fin. C'est un principe presque sacré
23 pour nous, et même si le Règlement ne le dit pas explicitement, je pense
24 que personne noue sera lésé, ne se sentira lésé si nous permettons cette
25 occasion.
26 Voilà, j'espère que c'est clair, et si ce n'est pas suffisamment clair,
27 j'en suis le responsable, et dites-le-moi.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Maître Karnavas, vous avez la parole.
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1 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président Antonetti, Monsieur le
2 Juge Prandler, Monsieur le Juge Trechsel, Monsieur le Juge Mindua, bonjour,
3 et bonjour à toutes les personnes ici présentes et à toutes les personnes
4 qui suivront éventuellement cette procédure.
5 Les plaidoiries, le moment ultime, "summation" en anglais, c'est peut-être
6 la phase la plus fascinante pour un avocat, car elle lui donne l'occasion
7 de faire montre de son art oratoire, de son éloquence, en reprenant les
8 fils des éléments de preuve pour bâtir un argumentaire persuasif, qui va
9 vous convaincre. C'est le moment où l'avocat veut hypnotiser, influencer,
10 convaincre le juge des faits, que ce soit un jury ou, effectivement, un
11 collège de juges. On considère que des plaidoiries sont à ce point
12 importantes que lorsqu'on est à l'école, on nous dit qu'il ne faut jamais
13 dire aux juges que ce qu'on dit, ce ne sont pas des éléments de preuve. On
14 veut faire croire au jury ou aux juges que ce qu'on dit, ce sont
15 effectivement des preuves. Mais moi, pour la première fois, je vais rompre
16 avec cette tradition, et je vais demander à la Chambre de ne pas oublier
17 que ce que nous allons dire ici, de ce que nous avons dit dans nos mémoires
18 en clôture, ce ne sont pas des preuves en tant que telles, ce sont des
19 arguments. C'est ce qu'on voudrait peut-être que la Chambre accepte en tant
20 que preuve, qu'elle croie et qu'elle prenne des décisions en conséquence,
21 mais ce ne sont pas des preuves. Ce que moi je dis, ce que l'Accusation
22 dit, ce que les autres avocats de la Défense diront, ne le sont pas, ne
23 sont pas des preuves non plus ce que vous trouverez dans des mémoires en
24 clôture.
25 Je pense que nous avons consacré près de cinq ans à la présente procédure.
26 Nous avons 52 000 pages de compte rendu d'audience. Nous avons 9 000
27 documents. Ça, c'est le dossier, et c'est là que se niche la vérité. C'est
28 là que vous trouverez les réponses qu'il vous faut trouver, et c'est là que
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1 vous pourrez vous prononcer en fin de procédure. Mais en dépit des
2 imperfections que peut avoir un dossier, et je ne sais pas si nous avons pu
3 y faire, y consigner, y acter tout ce que nous voulons, je ne pense pas
4 qu'il y ait une seule partie, un seul avocat qui soit vraiment convaincu,
5 mais le dossier est ce qu'il est. Des connaissances personnelles, des
6 préjugés, ce qu'on croit être une vérité populaire, ça, ce n'est pas le
7 dossier. Et si la Chambre nous avait dit de nous limiter, de nous borner à
8 émettre une seule phrase, même si on peut mettre un petit point-virgule
9 pour l'allonger, cette phrase, je dirais qu'il faut regarder à la loupe
10 tous les éléments de ce dossier, parce que c'est là que se trouve la
11 réponse à ce que l'Accusation est supposée avoir prouvé. C'est là que vous
12 verrez si elle a vraiment apporté la preuve au-delà de tout doute
13 raisonnable des chefs d'accusation qu'elle avait à prouver, c'est tout.
14 Finalement, notre besogne est terminée. On peut maintenant faire des effets
15 de manche, mais la véritable tâche, qui est la vôtre, parce qu'elle vous
16 revient, parce que c'est vous qui devez examiner les éléments du dossier.
17 L'Accusation a insisté pour dire que la Défense, on n'a pas là
18 l'impression que c'était presque une déclaration universelle, en fait,
19 qu'on avait retiré des choses de leur contexte, qu'on avait fait du copier-
20 coller, qu'on avait, en fait, commodément tiré les faits de leur contexte.
21 Moi, je ne parle pas au nom de la Défense. Moi, je défends Jadranko
22 Prlic, et je peux vous dire une chose, Messieurs les Juges. Nous
23 n'acceptons pas, Me Tomanovic et moi, ce qui est dit, nous refusons avec
24 véhémence une telle affirmation, et nous disons que c'est une tactique
25 délibérée, sciemment fabriquée, pour vous induire en erreur.
26 Si vous lisez le mémoire en clôture de l'Accusation, après avoir entendu
27 leur réquisitoire présenté par des hommes du ministère public
28 particulièrement chevronné, ça m'a rappelé ce que disait Socrate, et ceci a
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1 été repris par Platon dans "L'Excuse". Comment se sent-on quand on entend
2 les crimes des accusés, je ne le sais pas, mais je sais que leurs mots, qui
3 m'ont presque persuadé, m'ont presque fait oublier qui j'étais. Tel était
4 l'effet de ces mots. Et pourtant, ils n'ont dit pratiquement aucun mot qui
5 soit vrai.
6 La façon dont l'Accusation a rassemblé ces éléments, en tout cas en ce qui
7 concerne M. Prlic, est au bas mot inquiétant. L'Accusation voudrait vous
8 faire condamner M. Prlic en déformant les faits et le droit dans un lit de
9 procuste, et malheureusement, apparemment l'Accusation a oublié quel était
10 son rôle, qui est de chercher à ce que justice soit faite, et pas
11 simplement de condamner, de punir.
12 La Cour suprême des Etats-Unis dans l'affaire Burger contre les Etats-Unis
13 nous rappelait ceci, que l'Accusation a certes le droit de frapper et de
14 frapper dur, mais elle n'a pas le droit de donner des coups bas.
15 Lorsque je me préparais, j'ai rencontré, je me suis souvenu d'un
16 texte de "L'éthique juridique moderne : Comment être avocat dans un âge
17 démocratique, à l'ère démocratique". Voici ce que disait le Pr Daniel
18 Markovits :
19 "Les engagements professionnels que doit prendre un substitut, il faut les
20 comprendre aussi à l'intérieur de l'éthique juridique. Elle ne se contente
21 pas, l'Accusation, de représenter un client ordinaire devant un tribunal
22 neutre, l'Accusation, elle représente un bras de l'Etat et elle le
23 représente devant un autre. En principe, l'Etat, le ministère public ne
24 cherche pas la victoire en tant que tel parce qu'elle ne doit jamais
25 poursuivre une injustice. Le ministère public, il n'a pas besoin de rempart
26 face à l'autorité parce que c'est lui qui incarne l'autorité. Quel est le
27 devoir qu'a le ministère public, il doit rechercher la vérité, il doit
28 vouloir l'équité et, par conséquent, sa structure génétique, elle n'est pas
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1 la même que les autres."
2 Et je pense que c'est précisément à cela que pensait Juge Hunt lorsqu'il
3 nous mettait tous en garde et en fait, il rappelait à ses collègues aussi,
4 il rappelait à cette institution et à l'héritage qu'elle va laisser
5 lorsqu'il a dit :
6 "Le Tribunal ne va pas être jugé à son nombre de condamnations, mais par
7 l'équité de ses procès. Un substitut, il a des obligations de
8 responsabilité qui ne sont pas du tout les mêmes que celles d'un avocat de
9 la Défense. Le code de déontologie du ministère public le dit clairement
10 dans ce Tribunal."
11 Regardez l'article 2, l'Accusation a l'obligation, a le devoir - je cite -
12 "d'aider le Tribunal à faire se manifester la vérité et à faire en sorte
13 que justice soit faite pour la communauté internationale, les victimes et
14 les accusés".
15 Permettez-moi aussi de vous rappeler ce que disait Robert Jackson, il se
16 trouvait devant des avocats généraux aux Etats-Unis en avril 1940. Il leur
17 disait ceci :
18 "Votre position se caractérise par une telle indépendance, une telle
19 importance que vous devez bien sûr être diligent, rigoureux, veiller à une
20 stricte application de la loi, mais vous pouvez aussi vous permettre le
21 luxe de la justice."
22 L'Accusation ici, c'est un organe du Tribunal qui comparaît devant un
23 deuxième organe du Tribunal et en vertu du père du Tribunal, à savoir les
24 Nations Unies, c'est l'humanité elle-même. En principe, le TPIY ne doit pas
25 simplement vouloir la victoire du parquet. Même si moi je ne cesse d'être
26 indigné et de sortir de mes gonds, chaque fois que je vois le logo dans le
27 hall d'entrée, parce qu'on dit que la raison d'être, la mission de ce
28 Tribunal, je cite, c'est de "traduire les criminels de guerre en justice",
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1 plutôt que de dire simplement que c'est ici une institution qui est censée
2 rendre la justice. Hélas, cette même devise, vous la retrouvez sur le site
3 Web, sur la page d'accueil du site Web du TPIY.
4 Les Nations Unies ne devraient pas vouloir simplement la victoire pour
5 gagner même si elle a investi énormément d'argent dans cette procédure, et
6 l'Accusation ne devrait pas se livrer à des pratiques rigoureuses et très
7 agressives simplement pour occulter, dissimuler la vérité, simplement pour
8 gagner. Rappelons-nous ceci, quand on parle de l'aiguille dans une botte de
9 foin, il faut nous donner l'aiguille, pas la botte de foin. Les membres de
10 la Chambre de première instance ne doivent pas hésiter, à savoir il faut
11 une mesure égale. Ici, il n'y a pas d'exercice d'équilibre appliqué pour
12 faire pencher la balance en faveur de l'Accusation et des victimes,
13 l'Accusation n'a pas de privilège particulier parce qu'elle fait partie du
14 club du TPYI et, par extension, du club des Nations Unies.
15 Conformément aux instructions données par la Chambre de première instance,
16 nous allons nous concentrer ici sur ce qu'a dit le mémoire en clôture de
17 l'Accusation à propos de M. Prlic, paragraphes 361 à 526. Mais nous allons
18 aborder d'autres éléments et d'autres parties des mémoires en clôture et
19 des réquisitoires - je ne me plains pas, je me contente de faire cette
20 observation - cinq heures, ça fait à peu près une heure par an. Et on a
21 beaucoup de pain sur la planche, et nous avons découpé, saucissonnée, mais
22 en fin de compte, nous nous retrouvons un peu dans le pétrin, difficile de
23 tout faire et de répondre à tous les éléments qu'il y avait dans ce mémoire
24 en clôture. Nous n'avons pas l'intention, nous ne voulons pas non plus
25 faire porter le chapeau ou nous soustraire à une quelconque responsabilité.
26 M. Prlic ne renie aucunes des décisions qu'il a signées au nom de
27 l'autorité exécutive temporaire, le HVO HZ HB en sa qualité de président.
28 Le premier ministre, il a été très clair sur ce propos lorsqu'il a fait une
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1 déclaration le 5 mai 2008. Il n'y avait aucune ambiguïté du tout, ces
2 décisions, ces conclusions, et bien sûr l'Accusation prend des bribes de
3 phrases, voilà, c'est la "décision Prlic", c'est "l'ultimatum de Prlic",
4 c'est la "proclamation Prlic-Stojic", mais c'est plutôt des gros titres ou
5 le titre d'un livre. Qu'ils le fassent tant que ça leur plaise. En fin de
6 compte, c'est sur des décisions prises collectivement par le collectif, et
7 c'est le collectif qui avait la responsabilité de la prise de ces
8 décisions. Il les a signées, certes, M. Prlic, et il ne renie pas, il ne
9 nie pas avoir participé à l'élaboration de ces décisions, à leur signature.
10 Mais en disant cela, j'avoue avec un certain regret que je dois vous dire
11 ceci : ces décisions, elles s'inscrivaient aussi dans le cadre des
12 décisions par l'accusé Bruno Stojic. Permettez-moi de paraphraser ce que
13 disait Mme West avec beaucoup d'élégance et d'éloquence. C'est vraiment un
14 exercice futile, sémantique ou de gymnastique linguistique que de dire,
15 comme le fait M. Stojic, que les désignations étaient signées par M. Prlic
16 et que c'étaient des désignations Prlic en les plaçant en contraste avec
17 les désignations et nominations du HVO HZ HB après M. Stojic. Ici, il
18 s'agit des paragraphes 286, 302 et 307. Abondants furent les éléments de
19 preuve, les témoignages pour vous dire qui était le pouvoir sous-jacent à
20 tous ces documents, qui signait en fait.
21 Mais toutes ces décisions, aussi bien celles du 15 1993 [comme interprété],
22 sont concernées par là. Ces décisions, elles ont été prises de bonne foi et
23 on croyait que ce que M. Praljak avait relaté était conforme à la vérité,
24 était exact et tout à fait exhaustif, et que la décision de prime abord
25 n'était ni illégale et ni menaçante. N'oublions pas qu'à Genève il y avait
26 négociation, il a des négociations qui prennent une tournure encourageante
27 et les négociations se poursuivent à Zagreb; pensant à ce qui se passait
28 ailleurs vous aviez des alliés qui se retournaient les uns contre les
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1 autres sans s'intéresser au danger réel, sans se tourner vers le front qui
2 menaçait, ces décisions de prime abord n'étaient ni sinistres ni menaçantes
3 ni légales. Mais maintenant vous avez essayé de dire que ce fût une
4 décision Prlic prise par M. Prlic notamment au paragraphe 165. Ecoutez, ce
5 n'est pas pour reprendre le mot de Mme West futile, c'est aussi contraire à
6 la vérité car vous avez de nombreux éléments de preuves qui montrent le
7 contraire. Il contredit lui-même aussi lorsqu'il appelle à la barre des
8 témoins pour défendre sa cause et qu'il vous dit comment les décisions ont
9 été prises et qui les a prises. Et je trouve que c'est vraiment tout à fait
10 extravagant de penser que ce genre de tactiques pourrait porter des fruits,
11 ce n'est en fait que de la poudre aux yeux. Essayer de déplacer la
12 responsabilité en essayant de saucissonner des éléments en les distribuant,
13 En veux-tu ? En voilà, ça ne sert à rien car nous avons des éléments de
14 preuve.
15 Et un avocat à une responsabilité, c'est celle, si vous me permettez
16 de faire une citation, c'est celle qu'invoquait Henry Lord Brougham en 1820
17 dans le procès de la Reine Caroline. Il disait que :
18 "Un avocat lorsqu'il s'acquitte de son devoir il ne connaît qu'une
19 personne au monde et cette personne c'est son client, il faut qu'il sauve
20 sa tête par tous les moyens, à tous risques, et ça peut être aussi au
21 dépend d'autrui, notamment de lui-même. C'est là son devoir le plus
22 important, son seul devoir, et ce faisant, il doit faire fi de l'inquiétude
23 et tourment de la destruction qu'il va peut-être infligé à d'autres".
24 Pour le dire autrement, un avocat de la Défense doit manifester un
25 certain empressement, une certaine ferveur dans son travail. Bien sûr, nous
26 sommes tenus de respecter certaines bornes, certaine limites, une certaine
27 bienséance et j'espère que ce que j'ai dit, je dis aujourd'hui et je dis
28 depuis cinq ans, si quelques fois évidemment je vous ai peut-être poussé à
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1 bout mais je n'ai dépasser les bornes dans cette volonté de défendre M.
2 Prlic avec ferveur.
3 Avant de parler de M. Prlic, je pense qu'il est utile de revenir à ce
4 qu'affirmait l'Accusation au paragraphe 3 de son mémoire en clôture. Au
5 moment de son réquisitoire, lorsque l'Accusation parlait des témoins à des
6 charges, elle a dit que c'était tous des Croates. Bien sûr, on a fait une
7 petite réserve, on a dit que c'étaient des gens, des initiés, et on a dit,
8 bien oui, en principe y'a rien de mal à cela. Les Croates ont autant de
9 droits de comparaître et de témoigner ici que n'importe qui d'autre.
10 Cependant, étant donné que de la vue de l'Accusation c'était chacun d'entre
11 eux, sans aucune exception, désigné ici, et bien sûr ça devrait aller de
12 soi, c'était tous, comme voudrait vous le faire croire l'Accusation, des
13 membres qui faisaient partie intégrante de l'entreprise criminelle commune,
14 et c'est pour ça que l'Accusation vous demande de faire fi, d'ignorer ce
15 que ces gens ont déclaré.
16 L'Accusation a travaillé d'arrache-pied, ce sont des gens honnêtes et
17 sincères au bureau du Procureur, et on ne peut pas s'empêcher de pêcher par
18 un peu de subjectivité dans ce procès. Je pense que l'Accusation, où j'en
19 ai été accusé moi aussi. Mais je suis vraiment navré, désolé de devoir dire
20 ce que je vais dire. Le fil d'Ariane du réquisitoire tout entier, ce
21 courant qui a été ressenti pendant toute la durée du réquisitoire, et
22 rappelez-vous dans quelle situation se trouvent les accusés, n'oubliez pas
23 non plus qu'il y ait effectivement tous ces témoins, mais on a essayé de
24 tramer ce fil, de tisser ce fil d'Ariane; une équation, Croate égale
25 nationaliste, égale oustachi, égale nazi, c'est un peu la perception qu'on
26 a eu. Ce n'était peut-être pas recherché, ce n'était peut-être pas
27 l'attention voulue. Peut-être que c'était uniquement présenté à titre
28 d'exemple, mais j'irais jusqu'à dire que ce thème était vraiment récurrent,
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1 profond, et c'était pour vous faire comprendre -- ne faites pas confiance à
2 ces témoins. Ne leur prêtez aucune foi, parce que manifestement ce sont des
3 gens qui sont des sympathisants de la cause musulmane, parce qu'à ce
4 moment-là, ce serait des gens fidèles à Izetbegovic, Silajdzic, Ganic et le
5 reste, c'est ce qu'on dit.
6 Mais je pense qu'il faut pas juger un témoin en raison de sa
7 religion, de son métier ou de ses liens professionnels. Le fait qu'un
8 témoin ne soit pas un Croate ou le fait qu'un témoin a des liens avec les
9 Nations Unies, avec l'Union européenne, ou est originaire d'un pays qui se
10 trouve être un membre permanent du Conseil de sécurité, est-ce que ça veut
11 dire qu'on peut leur accorder d'office 100 % de crédibilité, et qu'un
12 Croate qui est un témoin à décharge n'en aurait aucune ? Personne n'entrera
13 gratuitement, et il n'y a pas un témoin qui sera indubitablement plus
14 crédible qu'un témoin simplement, comme voulait vous le faire croire
15 l'Accusation, pour ce genre de raison, et personne ne devrait pâtir de
16 préjuger simplement parce qu'ils ils viennent pour défendre un accusé.
17 Les témoins qui sont venus défendre M. Prlic n'étaient pas des personnes
18 dénuées de compétence ni de responsabilité, c'étaient des personnes
19 occupant des fonctions importantes. Alors, un ancien Premier ministre est
20 venu, plusieurs anciens ambassadeurs, un ancien ministre des Finances de la
21 Bosnie-Herzégovine, un ancien ministre des Affaires étrangères de la
22 République de Croatie qui a été ambassadeur aux Etats-Unis. Et je m'arrête
23 un instant. Alors, pourquoi est-ce que lui il serait moins crédible, que
24 disons, qu'importe, parce qu'il est venu ici et il a admis effectivement
25 que pendant l'embargo les Nations Unies violaient l'embargo et il l'a dit,
26 il avait contribué en sa qualité d'ambassadeur aux Etats-Unis. Alors
27 pourquoi est-ce que tous les témoins croates seraient moins crédibles que
28 les témoins à charge ?
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1 Et je pense que ceci est vrai de tous les témoins de M. Prlic.
2 Pourtant, il y eu contre-interrogatoire, leur fiabilité était mise à
3 l'épreuve. Et nous, nous n'avons fourni aucune déclaration qui aurait été
4 façonnée au fil de plusieurs heures, de plusieurs journées - je vais
5 revenir sur ce sujet - nous, nous n'avons pas préparé de déclaration qui
6 serait une partie intégrante de l'interrogatoire principal du témoin. J'ai
7 pas mal de choses à vous dire, je vous l'ai déjà dit, mais je pense qu'il
8 faut que je répète. C'est important, à mon avis, parce que ça concerne la
9 valeur probante qu'il faut donner à chacun des témoignages.
10 L'Accusation dit que nos témoins sont des nationalistes purs et durs
11 qui veulent simplement reconstituer la Banovina de 1939. Et ils voudraient
12 que vous, vous les croyiez, et nous vous exhortons à accorder la même
13 considération à tous les témoins. Ce qui compte, c'est uniquement ce qui
14 concerne le dossier, et dans le dossier il n'y a pas que l'interrogatoire
15 principal d'un témoin à charge ou le contre-interrogatoire d'un témoin à
16 décharge. On avait une règle magnifique ici, un article, le 98 bis, qui
17 s'inspire du système anglo-saxon de demander un abandon des poursuites
18 après la présentation des moyens à charge. Si l'Accusation n'avait pas
19 apporté la preuve à ce stade-là de la procédure, un ou plusieurs chefs, ou
20 tous les chefs pouvaient être retirés; le principe étant que c'est
21 l'Accusation qui a la charge de la preuve et qui doit l'apporter, cette
22 preuve.
23 Pour moult raisons, aucune ne me semblant particulièrement
24 convaincante, mais moi je ne compte pas, nous ne sommes pas débarrassés de
25 l'article, mais nous n'avons émasculé. Alors maintenant, on a présenté un
26 mémoire 98 bis, certaines parties l'ont fait. Pour moi, ce n'est rien
27 qu'une façon de reconfirmer l'acte d'accusation. Et pourquoi ? Parce qu'on
28 vous demande d'oublier tout ce que la Défense aurait fait, tous les contre-
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1 interrogatoires des témoins à charge et tous les documents qu'elle a
2 présentés. On vous demande de voir uniquement ce qu'a fait l'Accusation et
3 si, partant de ce qu'elle a fait, de ce qu'elle vous a présenté, un juge de
4 faits raisonnable pourrait déclarer l'accusé coupable. Mais à quoi cela
5 sert-il ? Parce qu'à mon avis, c'est la même norme que celle utilisée par
6 un juge lorsqu'il confirme un acte d'accusation. A mon avis, ce sont les
7 mêmes critères. Retourner le couteau dans la plaie après, maintenant dire
8 qu'on a gagné cette phase de la procédure 98 bis, on dit tout d'un coup que
9 maintenant ils ont plus de preuves, alors que c'est la même chose. Et nous,
10 nous disons que le dossier, c'est uniquement ce qu'il faut voir et c'est
11 tout. Lors d'un interrogatoire principal, il faut faire attention aux
12 réponses, pas aux questions, parce que si la question pousse le témoin dans
13 un certain sens, la réponse n'a aucune valeur.
14 Mais au contre-interrogatoire, et je sais bien que ce n'est pas tout
15 à fait la même chose ici en Europe, ou que certains Juges de tradition
16 romano-germanique ne le voient pas comme ça, mais au moment du contre-
17 interrogatoire, l'élément de preuve, il est conjugué, si vous voulez, il
18 est apporté par la question et la réponse, et lorsque vous allez maintenant
19 évaluer ce que dit un témoin, vous allez voir ce qu'il a dit, mais aussi
20 les documents qui ont été présentés et tous les autres éléments. Vous le
21 savez parfaitement, et je m'excuse si j'ai la présomption de vous rappeler
22 des choses que vous connaissez parfaitement, mais lorsque vous lisez le
23 mémoire de l'Accusation, vous avez l'impression qu'ici on est à une phase
24 de la procédure 98 bis. On rappelle tout ce qui a été fait, puis on vous
25 demande de vous prononcer en faveur de l'Accusation, et surtout, de faire
26 fi des témoins à décharge, parce que ce sont soi-disant des initiés.
27 Mais alors, qui voulez-vous qu'on ait ? Comment vous expliquez
28 comment fonctionnait le système ? A qui vais-je faire appel comme témoin ?
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1 A quelqu'un qui vient d'un autre pays ?
2 N'oubliez pas, Messieurs les Juges, et je pourrais vous faire une
3 citation, que je n'ai pas ici sous la manche, mais je pense que je l'ai
4 quelque part et je peux la retrouver, mais pendant ces cinq années de
5 procès, nous avons eu chaque fois des substituts qui vous demandaient :
6 "Qu'est-ce qu'une nation constitutive ?" Pendant cinq ans, on nous l'a
7 seriné. Alors maintenant, si un témoin doit répondre à ce genre de
8 question, et je vous rappelle un fameux échange de l'Accusation :
9 "Bon, il y avait trois groupes. Trois groupes. Et chacun voulait être
10 une nation constitutive."
11 Et le témoin, qui a dit :
12 "Non, non, nous ne voulions pas être des nations constitutives. Nous
13 l'étions."
14 Si vous ne comprenez pas ce principe directeur, vous allez droit au
15 mur. Vous allez voir du mal, tout comme, à notre avis, Biden, le vice-
16 président Joe Biden, avant il était sénateur, il reçoit une lettre de
17 Silajdzic, et dit :
18 "En Bosnie, tout le monde est Bosnien. Qui, tout d'un coup, a l'idée
19 qu'il y a des Serbes et des Croates ? Il y a des Catholiques de Bosnie,
20 Catholiques romains, et il y a des Orthodoxes."
21 On l'a vu, d'autres témoins même nous l'ont dit, et j'espère qu'on
22 pourra y venir. Hadzihasanovic l'a dit. Bien entendu, si on ne comprend pas
23 toutes les caractéristiques que signifie le fait d'être une nation
24 constitutive dans un environnement aussi fragile, sachant ce qui se passe
25 tout autour de vous, sachant que la Yougoslavie se désintègre, vous allez
26 avoir des difficultés. On l'a vu quand on a parlé de biens nationalisés. Je
27 crois qu'on a eu un fameux échange là aussi. C'était le cadre de
28 l'autogestion. C'était Mme West, je pense, qui posait la question.
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1 Propriété sociale. Et on dit -- voilà, elle a dit : Bien voilà, je suppose
2 qu'il y avait deux ou trois propriétaires. C'est comme ça qu'elle voyait
3 l'autogestion. Ensuite, on voit les internationaux qui viennent et aucun,
4 pas un seul, pas un seul, et là, j'affirme, j'ai bien regardé, j'ai essayé
5 d'en trouver un qui aurait dit : "J'ai tout lu, j'ai lu les gazettes
6 officielles, j'ai lu les bulletins officiels, je les ai analysés, ils m'ont
7 été traduits, ils ont été analysés." Et il n'y a pas un seul témoin des
8 internationaux qui se sont rendus sur place qui se sont donnés la peine
9 d'étudier ces documents.
10 Qu'ont-ils fait, en fait ? Ils sont arrivés avec leurs idées
11 préconçues, ils sont arrivés à Zagreb, puisque c'est là qu'ils sont
12 atterris au départ, on leur a fait un petit briefing pour leur expliquer ce
13 qui se passait, on leur a tous dit : Voilà la Bosnie, voilà la carte, et
14 cet endroit là-bas, c'est un mini Etat autoproclamé. Autoproclamé. C'est
15 ainsi qu'ils ont été programmés au départ, avec ces idées préconçues. Nous
16 avons des témoins, on y viendra, qui ont dit : Mais le Dr Prlic, c'était le
17 président. Dans mon pays, ou d'après ce que je comprends, moi, en tout cas,
18 le président a des pouvoirs, a pouvoir sur le ministre de la Défense, il a
19 toute autorité sur les militaires, et cetera. Et en plus, je l'ai vu dans
20 la pièce, il y avait là le ministre de la Défense. En fait, il n'y en avait
21 pas. Il s'agissait, en fait, du chef du département de la Défense et
22 quelqu'un d'autre qui venait de l'état-major principal. Alors, ils font
23 deux plus deux. Dans mon pays, le président commande aux militaires. Dans
24 mon pays, il commande aux ministres. Là, j'ai un ministre. Là, j'ai l'état-
25 major principal. Pas besoin d'aller plus loin. Pas besoin d'analyser plus
26 loin. Pas besoin de rentrer dans les détails.
27 Il n'y en a qu'un. Il n'y en a qu'un. Il n'y a qu'un témoin qui n'a
28 pas fait cela, c'était le Témoin BH. A part celui-là, tous les témoins on
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1 dit le bureau du Dr Prlic était toujours ouvert. Il était toujours prêt à
2 donner des informations. Il suffisait de lui poser la question.
3 Donc, il y a certaines occasions, une en particulier, d'ailleurs, je
4 ne voudrais pas quand même vous induire en erreur, mais lorsque Watkins
5 arrive, il me semble que c'est Watkins, il a dit : "J'ai posé des questions
6 à propos des échanges de prisonniers et à propos de l'aide humanitaire, et
7 cetera, et il m'a renvoyé sur d'autres personnes, Pusic et Raguz." Ce sont
8 les services qui s'occupent de ces problèmes. C'est pour ça qu'il les a
9 renvoyés vers ces personnes. Ce qui est aussi très intéressant en ce qui
10 concerne ce Watkins, c'est que lorsqu'il a rencontré le Dr Prlic, il a dit
11 Dr Prlic, il était très intéressé, il voulait savoir ce qui se passait en
12 Bosnie centrale, parce que c'est de là que venait Watkins.
13 Mais voici où je veux en venir : aucun de ces témoins, aucune de ces
14 personnes, qui avaient pourtant un accès au Dr Jadranko Prlic, n'ont jamais
15 pris la peine de lui poser la moindre question, lui demander : Comment est-
16 ce que ça fonctionne ici, comment est-ce que ça marche ici, parce que c'est
17 le président ? Ici, tout le monde est président, tout le monde est chef du
18 département. Alors à quoi ressemble votre présidence ? Comment est-ce
19 qu'elle fonctionne ? Qu'est-ce qu'une entité collective ? Moi, je ne
20 connais pas l'entité collective. Moi, je viens d'un pays occidental, un
21 pays démocratique. Mais penser que parce que notre système fonctionne d'une
22 façon, tous les systèmes vont fonctionner de la même façon, par exemple en
23 Bosnie-Herzégovine, c'est vraiment être arrogant, et je tiens à dire qu'on
24 a dû faire venir des gens qui étaient en mesure de vous expliquer comment
25 fonctionnaient les choses à l'époque, là-bas.
26 Imaginez. Nous vous avons dit que Sarajevo était assiégée, que la
27 Banque centrale ne fonctionnait pas, que la trésorerie générale ne
28 fonctionnait pas. Elle ne fonctionnait pas parce qu'il n'y avait plus de
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1 courant, tout simplement. Les communications non plus ne fonctionnaient
2 pas. Tout le réseau ne fonctionnait pas.
3 Donc, ça aurait été bien, quand même, que l'Accusation nous le dise
4 avant qu'ils le disent : "Ah, ils essayaient de croatiser en utilisant le
5 dinar croate," et cetera. Mais qu'est-ce qu'ils pouvaient faire d'autre ?
6 Quelle était l'option ?
7 On faisait venir un témoin, d'ailleurs, vous vous en souviendrez sans
8 doute. Je crois qu'il faisait presque 2 mètres. Il était immense. Mais je
9 ne pense pas que M. le Juge Prandler était là à l'époque. Mais c'était un
10 géant, très mince. Il a été complimenté par M. Khan parce qu'il avait l'air
11 extrêmement jeune, alors qu'il avait 70 ans, et M. Khan, lorsqu'il a appris
12 l'âge de cette personne, était totalement abasourdi. Cette personne était
13 le ministre des Finances de Bosnie-Herzégovine en 1992, au début des
14 événements, un entrepreneur qui avait bien réussi avec un doctorat en
15 économie. Il a dit à un moment : "On a dû quitter Sarajevo parce que ça ne
16 marchait plus là-bas. On ne pouvait plus faire de transactions. Il n'y
17 avait pas de téléphone. On ne pouvait plus faire la moindre transaction. On
18 ne pouvait pas faire d'affaires."
19 Il a parlé des différentes devises qui avaient été utilisées; les
20 coupons, par exemple. Mais il était Croate, certes. De toute façon, il est
21 reparti. Il est retourné en Croatie, y a vécu, ne s'est plus jamais engagé
22 dans la Communauté croate d'Herceg-Bosna ni dans la République croate
23 d'Herceg-Bosna. Mais si cette personne était vraiment venue témoigner et
24 que son témoignage était inutile, qu'il avait un peu essayé d'arranger les
25 choses, l'Accusation aurait-elle fait venir son propre témoin pour réfuter
26 ces éléments de preuve, le fait que la Banque centrale ne fonctionnait pas
27 à Sarajevo, par exemple ? Mais à qui d'autre pouvons-nous faire appel ?
28 Nous avons fait venir un Slovène. Bon, il n'a pas été attaqué. En tout cas,
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1 je n'ai pas eu l'impression qu'il l'ait été, mais je n'ai pas eu
2 l'impression qu'on considère qu'il était aussi Croate, comme les autres,
3 mais il était quand même un témoin à décharge. Il a expliqué comment
4 fonctionnait le système. Il a dit que dans leur système dans l'ex-
5 Yougoslavie, il y a eu une période de transition, on parlait beaucoup de ce
6 qui était collectif, on parlait aussi d'autogestion. Puisque c'était leur
7 façon de fonctionner, c'était leur système. Qu'il soit bon ou qu'il soit
8 mauvais, de toute façon, c'était leur système. Et ensuite, on a eu la
9 transition avec un peu de décentralisation, où le pouvoir a quitté Belgrade
10 petit à petit pour diffuser vers les différentes républiques, et là aussi,
11 il y avait énormément d'autogestion, autogestion qui était au niveau
12 municipal, puisque c'étaient les municipalités qui s'occupaient des
13 différentes fonctions. Et ensuite, il a parlé des fonds, de la finance, de
14 différents comptes, de comptes pour l'éducation, pour la santé, la façon
15 dont la fiscalité fonctionnait aussi, comment, en fait, ces différents
16 fonds, ces différentes caisses étaient réalimentées par les impôts qui
17 venaient des communautés locales.
18 Et d'ailleurs, c'est exactement le témoignage de ce qu'on avait
19 entendu de Tomic. Et pourquoi ? Parce qu'il était lié à l'ECC d'une manière
20 ou d'une autre ? Absolument pas. C'est parce qu'il venait de Slovénie, et
21 la Slovénie avait fait partie de la Yougoslavie, il avait grandi dans ce
22 système, il avait reçu des enseignements dans ce système, et il a bien pu
23 expliquer comment cela fonctionnait, et il était capable aussi de
24 comprendre les textes législatifs rédigés par la Communauté croate
25 d'Herceg-Bosna. Il était aussi capable d'en comprendre les limites et de
26 comprendre aussi le fait que les gens là-bas en Bosnie-Herzégovine, pas
27 uniquement en Communauté croate d'Herceg-Bosna, mais à Tuzla, Jablanica,
28 dans toute la Posavina. Il a pu expliquer à quel défi ces personnes étaient
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1 confrontées, puisque la trésorerie principale ne fonctionnait pas, et ça,
2 c'était quand même essentiel comme problème. Parce que l'économie était
3 privée de son cordon ombilical. Donc nous l'avons fait venir et nous avons
4 fait venir aussi Tomic.
5 Bien sûr, Tomic est relié à Prlic puisqu'il fait partie de la
6 Communauté croate d'Herceg-Bosna. Mais est-ce que ça veut dire qu'il n'a
7 aucune valeur ? L'Accusation l'a questionné pendant des jours, et il y a eu
8 un dialogue extraordinaire, d'ailleurs. Je pense que c'est dans notre
9 mémoire en clôture. Le Juge Antonetti lui pose une question. Il essaie
10 d'expliquer qu'en fait, son but était d'essayer de mettre un peu d'ordre
11 dans le chaos. Et l'Accusation voulait -- que Sarajevo, en fait,
12 fournissait tout. Absolument pas. Où sont les preuves ? Les seules preuves
13 qu'on en a obtenues, et qui viennent de nous, d'ailleurs, c'est qu'il y
14 avait de l'argent, des liasses d'argent qui venaient d'être imprimées, dont
15 un tiers a été envoyé à la Communauté croate d'Herceg-Bosna. Ça ne pouvait
16 pas être utilisé à Mostar, par exemple, parce que ce n'était pas des
17 devises. Donc c'était envoyé en Bosnie centrale, et là, en revanche,
18 c'étaient des devises qui pouvaient fonctionner.
19 Mais où est-ce que je veux en venir ? Voici où je veux en venir.
20 Avant d'écarter d'un revers de main les témoins de la Défense, l'Accusation
21 aurait peut-être dû tout d'abord présenter correctement leur thèse avant de
22 faire des affirmations quant à la croatisation, disant qu'il y avait
23 croatisation, parce que le dinar croate était utilisé. Ils auraient dû
24 expliquer, quand même, ce qui se passait. Ils auraient pu vous dire que le
25 dinar bosniaque ou le dinar yougoslave ou quelque chose fonctionnait. Non.
26 Ils n'ont même pas essayé de vous le prouver. Ils auraient pu le faire
27 ensuite par la suite, quand même. Ils auraient pu faire venir un expert
28 pour montrer, pour récuser Primorac, par exemple, qui ne faisait pas partie
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1 du projet d'ailleurs, pour récuser Cvikl, l'expert, voire pour récuser
2 Tomic en tant qu'expert. Mais est-ce qu'ils ont fait venir qui que ce soit
3 pour récuser ces personnes ? Ont-ils présenté des arguments ? Rien.
4 Absolument rien. Ils avaient un expert. Ils ne l'ont jamais cité à la
5 barre. Je ne sais pas pourquoi. Je me demande bien pourquoi, d'ailleurs.
6 Donc, il faut être circonspect en ce qui concerne les éléments de
7 preuve présentés par l'Accusation. Soyez aussi circonspects avec leurs
8 preuves qu'avec les nôtres. Ne soyez pas tolérants. C'est tolérance zéro en
9 ce qui concerne l'utilisation de mots hors contexte, l'utilisation de
10 phrases qui déforment. On a l'impression, en fait, que l'Accusation a une
11 aversion totale envers tout élément de preuve qui ne va pas dans leur sens.
12 Je ne veux pas profiter de l'occasion, mais j'ai vraiment l'impression
13 qu'ils ont, certes, essayé de montrer qu'il y avait une entreprise
14 criminelle commune de grande envergure, que le Dr Prlic était ceci ou cela,
15 mais quand on étudie le dossier, les éléments de preuve, parce que sachez
16 que l'on a passé cinq semaines à passer en revue toutes leurs notes de bas
17 de page, et s'ils se sont mal préparés aujourd'hui, c'est parce que le
18 mieux est l'ennemi du bien, c'est tout. On a essayé de passer en revue
19 toutes les notes de bas de page pour mettre en exergue chaque situation où,
20 de notre avis, l'Accusation était un peu loin, quand même, dans ses
21 arguments, a essayé de plus ou moins tergiverser avec la vérité. Ils
22 prennent une petit mot ici, une bribe par ci, une bribe par là, pour
23 essayer de reconstruire un récit. Il y a énormément de situations de ce
24 type, d'ailleurs nous vous les montrerons pas toutes, certes, parce que
25 nous n'aurons pas le temps, mais certaines.
26 C'est quand même une affaire importante. Bien sûr, il y aura des
27 erreurs qui seront faites, c'est normal. On fait des erreurs en toute bonne
28 foi. Parce que nous sommes honorables de chaque côté, nous sommes des
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1 honnêtes gens, et je ne pense pas qu'il y ait des erreurs qui aient été
2 faites par mauvaise foi, mais Oliver Wendell Holmes Sr, qui est le père
3 d'Oliver Wendell Holmes Jr, un juriste américain très célèbre, a écrit ceci
4 : Même un chien comprend la différence entre quelqu'un qui trébuche sur lui
5 et quelqu'un qui lui donne un coup de pied. Donc faites bien attention,
6 faites bien attention. M. Scott, d'ailleurs, a été extrêmement -- il l'a
7 dit d'ailleurs, il a dit il ne faut pas faire deux poids deux mesures,
8 certes, et nous le garderons à l'esprit.
9 Je vais maintenant étudier et passer en revue certains témoignages. Bon, je
10 ne vais pas essayer de vous convaincre, parce que je pense que c'est quand
11 même un peu tard pour cela, mais ce que j'espère réussir, c'est que vous
12 vous penchiez avec énormément de soin sur le dossier et que vous restiez
13 toujours des sceptiques lorsque vous étudierez ce dossier. Après avoir
14 entendu les réquisitoires et entendu toutes les plaidoiries, après avoir lu
15 les mémoires en clôture, lorsque vous vous pencherez enfin sur le dossier,
16 il faut quand même que vous gardiez à l'esprit un certain scepticisme. Je
17 ne pense pas que je puisse aller beaucoup plus loin à l'heure actuelle. Je
18 ne peux pas vous en demander beaucoup plus. Ce que j'ai dit, mes propos, ma
19 plaidoirie, n'est absolument une preuve. J'essaie, bien sûr, de vous
20 démontrer qu'il y a bien plus que ces mémoires bien ficelés, que ces
21 discours éloquent. Il faut regarder le dossier et le dossier uniquement.
22 Passons d'abord aux internationaux, parce que, comme je l'ai dit, ils
23 étaient tous de la même eau, finalement. Ils ne savaient rien lorsqu'ils
24 sont arrivés. Ils sont tous arrivés là-bas, ont vu la porte du Dr Prlic
25 ouverte, et le Dr Prlic était prêt à les renseigner.
26 Et lorsqu'ils sont venus à la barre, pratiquement tous -- enfin pas
27 tous, mais l'essentiel de ces témoins internationaux avaient leur petit
28 récit bien préparé. Celui qui m'intéresse le plus, pour commencer en tout
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1 cas, et sachez que c'est ne pas une exception à la règle, c'est le Témoin
2 BA.
3 Pendant quatre jours, l'Accusation a été en réunion avec le témoin, lui a
4 donné des documents, l'a récolé, lui a présenté des documents qu'il n'avait
5 jamais vus. Et ensuite, pendant ces quatre jours, on a un récit tout d'un
6 coup qui apparaît, avec des titres, des sous-titres, les chapitres, les
7 sous-chapitres, et cetera. Il y a déjà un brouillon, on le retravaille,
8 encore un autre brouillon, jusqu'à ce que le scénario soit parfait.
9 Ensuite, on présente donc cette déclaration, et on demande le
10 versement au dossier, parce que ça va permettre de gagner du temps. C'est
11 un témoin essentiel, mais on quand même essayer de gagner du temps. Oui, on
12 a mis quatre jours à le récoler, et là le scénario est parfait. Tous les
13 mots sont bien. Tout a été pesé parfaitement, tout est peaufiné. Voici un
14 document, si vous ne l'avez pas vu, après tout voilà le document, ça
15 pourrait vous aider, ça pourrait peut-être vous rafraîchir la mémoire,
16 Monsieur le Témoin. Or, voici ce que j'affirme : si ceci se passait dans un
17 de nos systèmes, cette déclaration n'aurait jamais été acceptée au dossier.
18 Elle n'est pas acceptable. Même si le témoin vient et dit : "Je confirme
19 tout ce qui est dans cette déclaration", ça ne marcherait pas chez nous. Et
20 pourquoi ? Pensez-vous qu'il s'agit vraiment de la déclaration du témoin ?
21 Imagiez que vous êtes dans un pays où il y a un juge d'instruction,
22 et donc pendant l'instruction, le juge d'instruction interroge le témoin
23 plutôt que de faire -- il n'y a pas question-réponse, question-réponse,
24 question-réponse. Il écrit tout. Ici, on n'a même pas de bande audio, on
25 n'a certainement pas de bande vidéo non plus. Bon, ce serait peut-être trop
26 en demander. Mais enfin, on peut au moins peut-être enregistrer tout cela
27 par bande audio. Mais imaginez donc que vous avez ce juge d'instruction, et
28 pendant quatre jours, il montre des documents au témoin. En fait, il
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1 rappelle énormément de choses au témoin, il lui instille aussi des
2 informations. Et ensuite, il rédige un brouillon, puis il dit au témoin :
3 "Voilà, regardez, ça vous va ou vous voulez modifier quelque chose ?" Même
4 là, le témoin, de toute façon, devrait à nouveau amender un peu sa
5 déclaration. Mais si cela se passait, quelle serait la valeur donnée à ce
6 type de déclaration recueillie ainsi ? Rien. Zéro. Rien du tout.
7 A quoi sert de montrer des documents à un témoin si ce témoin n'a
8 jamais vu ces documents précédemment ? Eh bien, ça sert à quelque chose; à
9 obtenir des informations de sa part. Qui ? Quoi ? Où ? Comment ? Ça, ce
10 sont les bonnes questions qu'on doit poser lorsqu'on est un bon enquêteur,
11 un bon juge d'instruction. Pas : "Voici les documents, je sais que vous ne
12 les avez jamais vus, que vous ne savez pas de quoi il s'agit, mais après
13 tout, ça va peut-être vous rafraîchir la mémoire, sait-on jamais. Peut-être
14 que vous allez nous dire quelque chose à ce propos."
15 Et puis, il y a aussi le Témoin BB. Il y a un dialogue encore où le Témoin
16 BB fait des remarques sur un document, document qui n'a pas été écrit par
17 lui d'ailleurs, mais écrit par quelqu'un d'autre. Et on ne sait pas
18 vraiment si cette autre personne ait assisté bel et bien à la réunion qui
19 décrivait ce qui s'était passé justement dans ce document qui décrit la
20 réunion. Et s'il n'y avait pas eu de questions des Juges de la Chambre, on
21 n'en saurait rien. Mais grâce aux Juges de la Chambre, on se rend compte de
22 ce qui s'est passé. Et parfois, je sais que nous nous sommes beaucoup
23 plaints, peut-être, des Juges de la Chambre, je l'ai lu, d'ailleurs, le
24 dossier, et je m'en excuse, mais parfois nos échanges sont trop animés,
25 peut-être. Et dans le feu de l'action, parfois, j'ai tendance à m'emporter,
26 mais il est vrai que les Juges ont posé d'excellentes questions. Souvent,
27 ils disent : "Attendez, il y a quelque chose qui ne paraît pas très
28 normal," et le témoin finit par dire : "Ah non, je n'étais pas là à la
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1 réunion, non, non." Alors que depuis dix minutes, le témoin est train soi-
2 disant de témoigner à propos de cette réunion.
3 Autre cas de figure, un autre témoin, BH, qui met des guillemets lorsqu'on
4 lui demande : "C'est bien une citation ?" et il fait : "C'est plus ou moins
5 ce qui a été dit, plus ou moins." Et alors, est-ce que c'est de la
6 paraphrase ? "Est-ce vraiment ce qui a été dit ?" "Plus ou moins, plus ou
7 moins." "C'est vous qui avez mis les guillemets ?" "Non, pas du tout. C'est
8 la personne qui recueillait la déclaration." Alors, comment peut-on savoir
9 exactement ce qui est cité verbatim et ce qui est juste vaguement
10 paraphrasé.
11 Ça peut être un vieux tour de la Défense, certes, mais lorsqu'on demande :
12 "Avez-vous des notes à propos de ceci ?" Oui, le témoin, finalement, il
13 avait des notes. On lui demande : "Pouvez-vous nous donner les notes pour
14 qu'on voie exactement ce qui est dans vos notes par rapport à ce qui est
15 dans la déclaration que vous avez rédigée avec l'enquêteur du bureau du
16 Procureur, et à propos de tous ces documents aussi que vous n'avez jamais
17 vus, mais nous, on aimerait voir vos notes. Pouvez-vous nous montrer les
18 notes ?" Bien sûr, la réponse du témoin c'est : "Non."
19 Il se peut que certains de ces témoins n'avaient plus aucune note, certes.
20 D'autres ont dit : "Je ne me souviens plus. Ça fait quinze ans quand même,
21 je ne me souviens plus."
22 On peut comprendre ça. Parfois, on n'arrive même pas à se souvenir ce qui
23 s'est passé avant-hier. Mais sur un point essentiel, là, tout d'un coup :
24 "Ah, je m'en rappellerai toute ma vie. C'est exactement ces mots-là qui ont
25 été prononcés, c'est gravé dans ma mémoire." Parfait. Comme c'est bizarre.
26 Je me rappelle, il est vrai de certains événements qui ont eu lieu dans ce
27 prétoire. Il y a des choses qui restent gravées dans ma mémoire.
28 Mais ensuite, on lui demande : "Pouvons-nous voir un rapport, quelque
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1 chose, des notes ?" "Non, je n'ai pas de notes, je n'ai pas de notes." "Un
2 rapport au moins ?" Essayons de trouver un peu de contexte, trouvons une
3 base à tout cela. "Deviez-vous faire remonter l'information à vos
4 supérieurs à propos des réunions importantes ? Réponse :" Oui." "Et lorsque
5 quelque chose d'important s'était dit, est-ce que vous deviez le mettre
6 dans le rapport? " Réponse : "Oui." "Est-ce que vous l'auriez fait ?" "Très
7 certainement." "Bien. Très certainement, ça nous va encore."
8 Et ensuite, voilà la question à mille dollars : "Aidez-moi, s'il vous
9 plaît. Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en vous, mais montrez-moi un
10 document, parce qu'avec certaines de ces institutions, sachez que la
11 Défense ne peut pas avoir accès aux archives." Messieurs les Juges, vous le
12 savez très bien d'ailleurs. Donc si vous allez affirmer quelque chose,
13 étayez-le. "Je l'ai sans doute dit, très certainement." "Bien. Vous avez
14 fait une déclaration auprès du bureau du Procureur." Donc l'enquêteur du
15 bureau du Procureur, voire le Procureur, aurait dû poser la question
16 logique qui est : "Donnez-nous le rapport. Où est-il ?" Parce que ça, ce
17 serait la preuve que c'est fait en flagrant délit. "Alors où est le
18 document ?" "Non, il n'y a pas de document. Je ne me souviens pas d'avoir
19 écrit un rapport, mais je me souviens, en revanche, très bien des mots.
20 Ceux-là sont gravés dans ma mémoire."
21 Ça, c'est des exemples tirés des témoignages des internationaux, et il y en
22 aura d'autres d'ailleurs.
23 Il semble que nous donnions énormément de valeur à un témoignage du moment
24 qu'il y a quelqu'un qui est international. Pourtant, ils sont ni pires ni
25 meilleurs que d'autres.
26 Prenez BF. BF arrive et dit : "On ne pouvait pas créer de bureau à
27 Mostar, notre organisation." Je ne vais pas dire de laquelle il s'agit. On
28 m'a dit qu'on est plus ou moins tranquille si on ne mentionne ni
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1 l'organisation ni le sexe de la personne. Très bien. Faites-moi savoir si
2 j'en dis trop.
3 Donc il dit : "On ne pouvait pas ouvrir notre bureau là-bas."
4 Parfait. Mais nous au contre-interrogatoire, on lui a posé les questions
5 supplémentaires. "Concrètement, prouvez-le, montrez-moi un rapport où vous
6 auriez fait une demande au Dr Prlic, demande qui vous aurait été refusée
7 par le Dr Prlic." Alors là, tout d'un coup : "Ce n'est pas comme ça cela
8 s'est passé." "Ça s'est passé comment ?" "J'avais l'impression -- c'est
9 l'impression que j'ai eue. Rien de plus. Ce n'était pas sûr." "Vous avez
10 posé la question ?" "Non, ce n'était pas sûr. On n'avait pas besoin. On
11 savait très bien de toute façon qu'il n'y avait pas de sécurité. Ça se
12 voyait." Et finalement, après un contre-interrogatoire total, on se rend
13 compte qu'en fait, il ne a jamais posé la question au départ. Ils n'ont
14 jamais demandé à ouvrir un bureau, jamais. Mais par le biais d'insinuation,
15 le témoin aurait voulu que vous croyiez que le Dr Prlic ne leur permettait
16 pas d'avoir accès à un endroit où ils pourraient ouvrir un bureau à Mostar.
17 Alors, chez moi, je dois dire qu'une demi-vérité c'est un demi-
18 mensonge et un demi-mensonge c'est un mensonge. Je ne suis pas en train de
19 dire que cette personne mentait, mais en tout cas, elle n'était pas
20 entièrement franche, parce qu'il voulait vous donner l'impression que son
21 organisation n'avait pas eu le droit d'ouvrir son bureau.
22 Autre témoin encore. Encore un témoin de la communauté internationale
23 qui arrive en prétoire. Je ne vais pas prononcer l'initiale parce que j'ai
24 peur de trop parler. Parlons plutôt de Ray Lane, un homme extraordinaire,
25 avec énormément d'humour. Il venait d'Irlande, vous en souviendrez sans
26 doute, car il est venu témoigner ici. Il est arrivé sur place en décembre
27 1992. Il est arrivé à Mostar pour la première fois en décembre 1992.
28 Comme tout le monde qui appartenait à son organisation, il a témoigné
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1 en audience publique. Il était avec la MOCE. Il vient. Il arrive, et un
2 petit briefing pendant deux jours pour savoir un petit peu ce qui se
3 passait. Au contre-interrogatoire, on lui a dit : "Voilà la carte." Il nous
4 a expliqué le briefing, et le briefing c'était : "Voilà la carte. Il faut
5 aller par là et t'arriveras à Mostar. Tu ne peux pas le rater. Si tu vas
6 vers l'est, t'arriveras à Mostar." Donc il y arrive, et d'après lui, il met
7 plus de deux semaines à se rendre compte que les Musulmans sont du côté est
8 de la rivière. Deux semaines. Et il met dix jours, voire 15 jours, pour
9 arriver à traverser le pont.
10 Donc on lui pose des questions, parce qu'il était assez dur dans ses
11 propos à propos du Dr Prlic. Il dit pour ce qui est -- voilà la
12 déclaration. Il a donné la déclaration pendant deux jours. Ils sont allés
13 en Irlande pendant deux jours, c'était un week-end. Ils lui ont donné un
14 brouillon et l'ont dit : "Maintenant, vérifiez votre déclaration. Faites
15 bien attention." Lorsque je l'ai contre-interrogé, vu que c'est un
16 militaire, je lui ai dit que c'était très certainement un homme méticuleux,
17 en tant que militaire. D'ailleurs, il était assez drôle à ce propos. Donc
18 il donne sa déclaration, et lorsqu'il arrive ici, il doit quand même
19 modifier et corriger sa déclaration, parce qu'on s'était trompé dans son
20 grade, entre autres. On avait fait une erreur sur le grade. Mais il disait
21 aussi dans cette déclaration que le Dr Prlic dînait dans son restaurant
22 privé. Alors, quand on lit cela, c'est assez étonnant, et c'est très
23 descriptif. Enfin, on sait très bien que la personne qui a écrit cette
24 déclaration avait un but caché; il voulait, en fait, faire naître dans le
25 lecteur des émotions bien précises.
26 A savoir, le Dr Prlic a son restaurant privé, avec un garçon qui fait
27 le service, un serveur en smoking, et qui lui serre à manger. Voilà. On est
28 à Mostar, dans un bâtiment avec une vue plongeante sur la ville ou sur
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1 certaines parties de la ville.
2 Puis, au contre-interrogatoire, de quoi s'agit-il finalement ? Mais
3 non, c'est un hôtel où le Dr Prlic a, en fait, son bureau. Et comme dans la
4 plupart des hôtels, il y a un restaurant dans cet hôtel, et puis on peut se
5 faire servir dans la chambre. On passe un coup de fil au restaurant, et
6 puis on nous monte notre repas. Ils le mettent sur un plateau, ils montent
7 dans un ascenseur, et puis ils vont -- normalement, les garçons, les
8 serveurs, ils ont un costume noir, et puis ils ont un nœud papillon. Donc
9 cela se transforme soudain en un restaurant privé, et ce restaurant privé
10 reste dans sa déclaration.
11 Et maintenant, nous avons l'enquêteur du TPIY. Normalement, il aurait
12 dû dire : Enfin, attendez un instant. Où se situe ce restaurant ? Et puis,
13 ils auraient bien suivi l'histoire, parce que Mostar, enfin ce n'est pas si
14 loin. Ils se sont rendus à d'innombrables fois sur place pendant des
15 années, donc on s'attendrait à ce que l'enquêteur sache ou cela se
16 trouvait. Il saurait que cela n'est pas exact, il saurait qu'il n'y a pas
17 de restaurants privés. Il aurait dit : "Mais décrivez-moi ces lieux." Et on
18 s'attendrait également à ce que l'enquêteur se renseigne un petit peu et
19 qu'il se rende compte, effectivement, que jamais le Dr Prlic n'a été
20 propriétaire d'un restaurant à Mostar, mais maintenant on se retrouve avec
21 une déclaration où cela est écrit : Nous avons un restaurant privé.
22 Puis cet homme nous dit : "Je suis en entretien avec le Dr Prlic qui
23 nous sort une carte." Donc il y a cet échange assez merveilleux, parce
24 qu'il dit : "Je suis en train de jogger sur cette plage de Scheveningen,
25 puis ça me revient la carte, mais, en fait, ce n'est pas une carte. C'est
26 plutôt un croquis."
27 Un militaire qui fasse cette erreur de cet ordre-là, un officier ? Je
28 lui ai posé la question en plaisantant un petit peu, je lui ai dit : Mais
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1 la chose la plus dangereuse que pourrait faire un officier c'est de tenir
2 une carte dans sa main.
3 Bon, oublions. Passons.Puis il dit que le Dr Prlic a tracé le cercle,
4 il a tracé une ligne à travers ce cercle, puis a dit : "Voilà, c'est comme
5 ça que nous allons découper la Bosnie-Herzégovine. D'un côté les Serbes, de
6 l'autre côté les Croates."
7 Bon. C'est un militaire. Il est là pour observer, pour recueillir les
8 informations. Le Dr Prlic lui parle et on s'attendrait à ce que cet homme
9 dise : "Bon. Très bien. Est-ce que vous pouvez nous remettre, s'il vous
10 plaît, ce croquis ?" Non, le croquis on ne l'a pas. Il s'en souvient. Puis
11 ce croquis émerge de nouveau, nous le voyons dans une note de bas de page
12 du mémoire en clôture de l'Accusation. C'est peut-être même dans le corps
13 du texte. Je n'en suis pas certain. Et l'Accusation nous dit : Mais cela
14 ressemble, à s'y méprendre, à ce que Paddy Ashdown à eu en 1995, je pense,
15 lorsqu'il s'est retrouvé avec Tudjman. C'était à Londres. Merci. Et à en
16 juger d'après Paddy Ashdown, c'était pendant qu'on servait du vin, le vin
17 coulait à flot, et c'est à ce moment-là que Tudjman, lui, fait cette
18 projection à la Bosnie-Herzégovine dix ans plus tard et c'est là que ce
19 croquis aurait été fait.
20 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous ne l'avons pas. Nous
21 n'avons pas ce croquis. Nous n'avons pas cette serviette où cela aurait été
22 dessiné. Nous ne l'avons pas vue. Mais cela ressemble à s'y méprendre.
23 C'est ce que voulait vous faire croire l'Accusation.
24 Et s'agissant de cet élément de preuve, et vous voudriez peut-être
25 vous y pencher, je sais pas si c'est une omission, je sais pas si c'est une
26 contradiction, mais l'Accusation a souhaité verser au dossier par la
27 Chambre, en tant que faisant partie des faits déjà jugés, cet élément,
28 quelque chose qui vient d'une autre affaire, donc, s'agissant de cette
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1 serviette de Paddy Ashdown. Donc, cela fait partie des faits déjà jugés.
2 Et l'Accusation demande le versement de la déclaration de Paddy
3 Ashdown, et la Chambre de première instance prend sa décision 92 bis,
4 décision en application 92 bis. Mme Tomanovic m'aide.
5 Donc, le 19 octobre 2006, la Chambre de première instance prend sa
6 décision, et là je m'y perd un petit peu, page 3, il est dit :
7 "Compte tenu du fait que la déposition se réfère à une seule
8 conversation que M. Ashdown a eue avec Franjo Tudjman, le président de la
9 République de Croatie de l'époque, le 6 mai 1995, et compte tenu du fait
10 que pendant cette conversation le Dr Franjo Tudjman s'est exprimé sur la
11 condition de la Bosnie-Herzégovine dix ans plus tard, à savoir en 2005, et
12 compte tenu du fait qu'il a fait des remarques sur M. Izetbegovic, qui
13 était à l'époque le président de la Bosnie-Herzégovine et des Musulmans de
14 Bosnie, considérant cependant que le témoignage fournit des éléments
15 d'informations uniquement sur l'état d'esprit de Franjo Tudjman en 1995 et
16 non pas sur l'époque des faits, compte tenu du fait que ce témoignage n'a
17 pas de pertinence, n'a pas de pertinence en l'espèce, on rejette la
18 requête."
19 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, cela se passe le 19
20 octobre 2006, et le fait déjà jugé, quant à lui, date, je suppose que vous
21 le connaissez plus que moi, mais date, me semble-t-il, du 7 septembre 2006,
22 et je pense que la Chambre a admis comme fait déjà jugé cela. Nous allons
23 au tableau 42 :
24 "C'est au dos d'un menu que se situe un croquis grossier de la
25 situation dans l'ex-Yougoslavie à dix ans de là. C'est là que le président
26 Franjo Tudjman a fait comprendre à M. Paddy Ashdown qu'une moitié de la
27 Bosnie-Herzégovine reviendrait aux Serbes et l'autre à la Croatie." Il
28 s'agit du jugement dans l'affaire Blaskic, paragraphe 106.
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1 Je m'en remets à vous pour vous pencher sur cela. Nous pourrions peut-être
2 faire une pause maintenant. Ce serait un bon moment pour moi, mais je peux
3 continuer. Je m'en remets à vous.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est quasiment l'heure de faire la pause. On va
5 donc faire notre pause traditionnelle de 20 minutes.
6 --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.
7 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.
9 Maître Karnavas, vous avez la parole.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
11 Monsieur les Juges.
12 Je souhaite à présent aborder la question du Témoin BA de manière un
13 peu plus détaillée. Ce témoin est venu déposer sur la base de ce que le
14 témoin a pu apercevoir, de quoi il a pu s'apercevoir personnellement, si ce
15 n'est que M. Prlic maîtrisait bien l'anglais. Cependant, nous avons pu voir
16 la semaine dernière une vidéo, une vidéo de Mme Giles, une vidéo d'une
17 quarante de minutes qui a été visionnée, et nous avons pu voir pendant le
18 contre-interrogatoire qu'elle a reconnu que son anglais n'était pas d'un
19 aussi bon niveau, et qu'elle a rencontré un problème de communication avec
20 lui.
21 Vous avez également une transcription d'une bande. Nous avons un témoin qui
22 est venu témoigner, et nous en reparlerons peut-être plus tard cet après-
23 midi. Et pendant cette audience, et vous avez pu voir là que le Dr Prlic
24 n'a pas du tout cette maîtrise d'anglais qu'a prétendu qu'il avait le
25 Témoin B1.
26 Alors, comparons cela au Témoin BF. Le Témoin BF maîtrise bien l'anglais,
27 mais a insisté pour déposer dans sa propre langue, et la raison qu'il a
28 invoquée pour faire cela était les nuances linguistiques, à savoir il
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1 voulait être sûr et certain d'avoir une transcription exacte de ses propos.
2 Il ne souhaitait pas risquer une erreur d'interprétation de ses propos.
3 Et juste une petite parenthèse que j'ouvre. Le témoin est venu, nous
4 lui avons proposé les meilleurs services d'interprétation qui soient, et
5 même si ce témoin maîtrise bien l'anglais, eh bien, il était en droit de
6 parler dans sa propre langue. Les témoins ont le droit de parler leur
7 propre langue parce qu'ils comprennent la nécessité d'avoir toute la
8 précision de leurs témoignages. Et puis après, dans les rapports, des
9 témoignages des témoins, enfin ce sont des impressions, des conclusions,
10 parfois des citations qui viennent se greffer à leurs témoignages.
11 Et quand il s'agit des individus tels que M. Prlic, qui maîtrise mal
12 l'anglais, et je vous renvoie à la page du compte rendu d'audience 7 334,
13 c'est là que vous verrez cette impression du témoin qui pensait que le Dr
14 Prlic maîtrisait bien l'anglais.
15 Alors, maintenant ce témoin a également répondu aux questions portant
16 sur la situation qui prévalait à Zenica et en Bosnie centrale, et un des
17 sujets récurrents auxquels revenaient les témoins de l'Accusation, en
18 particulier BA, BB, et BC, ainsi que d'autres BD, BF, eh bien, ces sujets
19 récurrents consistaient à dire que la situation était tout à fait solide et
20 bonne pour les Croates à Zenica. Alors, aucun d'entre eux ne se sont rendus
21 sur place, ils ne sont jamais allés sur place pour voir comment se
22 présentaient les choses sur place. Et lorsqu'ils recevaient des rapports
23 sur la situation, eh bien, ils rejetaient allégrement ces rapports en
24 disant qu'il s'agissait là d'une stratégie de nettoyage ethnique à rebours.
25 Mais nous, nous affirmons qu'en particulier lorsqu'on leur posait les
26 questions pendant le contre-interrogatoire, lorsque l'on a posé des
27 questions pour savoir s'ils se sont effectivement rendus sur place, s'ils
28 savaient effectivement quelle était la situation des Croates, eh bien, ils
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1 disaient toujours : "Pour autant que je le sache, pour autant qu'on nous
2 l'a dit au QG de Zenica, eh bien, tout se présentait bien." Eh, bien sûr,
3 s'il y avait un nettoyage ethnique à rebours de Bosnie centrale, et Zenica
4 normalement avait cette zone sous sa compétence, eh bien, normalement si la
5 Communauté croate de l'Herceg-Bosna a participé à ce nettoyage ethnique à
6 rebours, normalement on irait se renseigner à la source, n'est-ce pas. Et
7 cette source c'est Zenica. Donc ce n'est pas Mostar. Donc ce n'est pas
8 quelqu'un qui ne se trouve pas sur place, qui n'est pas l'auteur des
9 documents, qui devrait venir nous parler de cela nous dire que tout va bien
10 pour les Croates à Zenica.
11 Et le Témoin BA a également parlé d'un élément d'un texte de loi au
12 sujet de l'utilisation des biens abandonnés, et c'était quasiment au début
13 de toute une série de témoins de l'Accusation, tous les témoins
14 internationaux qui se sont trouvés sur place, qui ont tous répété la même
15 chose. Et aucun d'entre eux n'a véritablement lu et n'a véritablement
16 cherché à comprendre les textes. Aucun d'entre eux n'est allé voir quelle
17 était la situation ailleurs.
18 Et là, en l'occurrence, le texte de loi dont je parle, et j'y
19 reviendrai encore eu égard au Témoin BB, un des documents que je souhaite
20 vous citer, le document P01894, mais vous vous souviendrez peut-être que
21 nous avons reçu énormément de témoignages là-dessus en 2006, en particulier
22 au sujet d'un texte qui a été adopté à Mostar, et sur la base de cette
23 décision, nous dit-on, à peu près 10 000 réfugiés musulmans n'ont pas eu
24 accès à l'aide humanitaire. Et c'est paraît-il cela l'objectif de cette
25 décision. Donc de chasser ces réfugiés de Mostar. Et bien sûr, si vous
26 examinez la décision de plus près et si vous examinez le témoignage avec le
27 témoin, page de compte rendu d'audience 7 430, et la suite jusqu'à la page
28 7 436, donc ce que l'on y trouve tout d'abord, c'est que ce n'est pas une
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1 décision discriminatoire. Il y avait des réfugiés croates à Mostar
2 également. Et lorsqu'on a insisté là-dessus, le témoin n'a pas su dire
3 combien de réfugiés croates se sont trouvés à Mostar, et finalement, la
4 conclusion qui a été abruptement tirée est que cela a constitué une
5 excellente possibilité de se débarrasser des réfugiés musulmans, et d'une
6 certaine manière on a établi le lien entre cela et les événements du 9 mai
7 1993.
8 Page 7 353 du compte rendu d'audience, le témoin a dit qu'elle ne
9 savait pas combien de réfugiés se sont rendus en Croatie, et page 7 351,
10 elle ne sait pas combien de réfugiés croates par rapport au nombre de
11 réfugiés musulmans se sont trouvés sur place dans les parages.
12 Et c'est un témoin diplômé, c'est quelqu'un qui a une formation
13 juridique, si je puis également ajouter cela. Le Témoin BB relève de la
14 même catégorie. Donc il s'agit de deux témoins qui sont tous le deux des
15 juristes.
16 Alors, ce qui est important ici c'est que nous parlons d'un texte de
17 loi et que finalement la question porte sur l'interprétation de ce texte.
18 Il y a eu un échange, et il y a eu une objection consistant à dire que
19 finalement cette personne n'a pas travaillé comme juriste véritablement.
20 Mais quelle est l'importance de cet argument ? Parce que si on a fait des
21 études de droit, normalement on est tout à fait capable de lire les textes
22 de loi. C'est ça l'objectif de ces études.
23 Mais d'où vient cette interprétation ? Elle vient de Merhamet, d'une
24 organisation non gouvernementale qui, elle, n'est pas de caractère
25 juridique, donc cela se fonde sur leur interprétation. Eux se disent qu'il
26 va y avoir une discrimination très importante qui s'ensuivra, donc il y a
27 un échange de correspondances et quelqu'un qui est très haut placé, qui
28 s'adresse à Mate Boban, Mate Boban explique pourquoi ce texte a été adopté.
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1 Et en particulier, vous voyez que toutes les personnes âgées de 17 ans à 60
2 ans pour les hommes et toutes les femmes, je pense, jusqu'à l'âge de 55
3 ans, sont exclus. Pourquoi ? Parce que nous sommes dans une situation de
4 guerre, vous avez la Défense populaire généralisée, tout le monde est
5 mobilisé, c'est un cas de figure généralisé, universel, tout le monde le
6 connaît. Et au début, comme on le voit dans la lettre de Mate Boban
7 lorsqu'il répond : Mais c'est exactement ce qu'on leur a dit, il faut
8 exclure ces gens-là. Partout en Bosnie-Herzégovine, c'est la même chose qui
9 se passe partout.
10 Donc ce n'est pas un argument tu quoque, parce que ce que nous vous
11 soumettons c'est que sur la base du système qui existait à l'époque en ex-
12 Yougoslavie et en Bosnie, donc le système de la Défense populaire
13 généralisée, la JNA, les forces militaires existaient d'une part, puis
14 d'autre part, il y avait cette Défense territoriale. Tout le monde était
15 soumis à la même obligation d'affectation au travail, et tout un chacun
16 était affecté quelque part. Donc, dans cette situation de guerre, tous les
17 hommes âgés de 17 ou 18 à 60 étaient obligés de servir, d'une manière ou
18 d'une autre. Donc, vous verrez par exemple, lorsqu'il s'agit de la Loi sur
19 les personnes déplacées -- en fait, nous avons ici souvent parlé de
20 réfugiés, mais les personnes déplacées sont en fait les personnes qui sont
21 intérieurement déplacées. Donc lorsque vous voyez ces gens arrivés, ces
22 Croates qui s'acheminent vers la Croatie, en Herzégovine, et en particulier
23 à Mostar, la Communauté croate de l'Herceg-Bosna se trouve complètement
24 saturée, donc elle ne peut plus absorber de nouveaux venus, donc les
25 Croates se rendent au-delà, ils vont vers la Croatie. Les hommes en âge de
26 combattre sont séparés, sont mis de côté, parce qu'il faudra qu'ils fassent
27 leur service. Je pense que nous avons vu les documents où l'ambassade de
28 Bosnie-Herzégovine à Zagreb demande que les Musulmans en âge de combattre,
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1 eh bien, qu'on les oblige à retourner en Bosnie pour qu'ils puissent
2 s'engager là-bas.
3 Je vous renvoie à cette lettre de M. Boban, document 1D01188.
4 Alors maintenant, s'agissant de ce nettoyage ethnique à rebours, nous
5 invitons les Juges de la Chambre à se pencher également sur les documents
6 1D00936, 1D00937. Vu le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas passer
7 davantage de temps à examiner ces documents. Mais examinons rapidement la
8 pièce 1D00936. Je ne sais pas si nous pouvons télécharger ce document,
9 l'afficher dans le prétoire électronique, page 2, et dans la suite, vous
10 trouverez là une liste avec des chiffres. Vous verrez des localités. Et,
11 Messieurs les Juges, vous en tirerez vos propres conclusions. N'acceptez
12 pas ce que dit Me Karnavas. N'acceptez pas ce que dit l'Accusation.
13 Examinez de près le document. Examinez de près le compte rendu d'audience.
14 Et prenons maintenant la pièce 1D00937, page 2, paragraphe 8, où il
15 est dit :
16 "Plus de 1 000 Croates ont quitté Konjic, ce qui constitue un véritable
17 danger que la mesure suivante sera que les Musulmans expulseront les 500
18 Croates, environ, qui vivent toujours à Jablanica. Comme on l'a vu dans les
19 rapports et sur la base de l'ensemble des activités, Jablanica devient de
20 plus en plus isolée."
21 Il ne s'agit pas de voir qui est responsable de quoi. Mais ce qui est
22 important, c'est de savoir qu'il y a ces nombres importants de personnes
23 déplacées qui arrivent, qui arrivent, qui ont peur, qui ont peur parce
24 qu'ils sont isolés, parce qu'ils ont entendu parler de Moudjahidines, parce
25 qu'ils se retrouvent dans des enclaves. Or, l'Accusation n'arrête pas de
26 répéter on les a forcés à partir. Mais quand vous posez la question à BA,
27 BB, BC : "Alors, est-ce que vous y êtes allé ? Est-ce que vous avez vu
28 comment se présentait la situation ?" Eh bien, ils vous répondront tous par
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1 la négative : "Non".
2 Témoin BA, maintenant, je voudrais parler des centres de transit, il
3 s'agit du mémoire de l'Accusation, paragraphes 454 et 455. Excusez-moi de
4 parcourir cela très rapidement, mais le temps ne me permet pas de m'y
5 intéresser de manière très précise, mais nous affirmons, pour notre part,
6 que si vous regardez par exemple la note de bas de page 1 052 du mémoire de
7 l'Accusation, et si vous comparez cela au paragraphe 51 ou P0912 [comme
8 interprété], le rapport ou la déclaration rédigée par un enquêteur, vous
9 verrez à quoi cela revient. Et la même chose, note de bas de page 1 054 si
10 vous comparez cela au paragraphe 453.
11 Si j'en parle, c'est parce que lorsqu'on rédige une déclaration, il
12 semblerait, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que celui qui
13 rédige la déclaration avait en tête le mémoire en clôture.
14 A notre avis, il faut regarder ce qu'a dit la Défense Prlic dans son
15 mémoire en clôture, paragraphes 193 à 222. Et regardez par exemple le
16 P03394. Permettez-moi de m'attarder quelques instants à l'examen de ce
17 document.
18 Ce document, vous le voyez, a été rédigé le 12 juillet 1993. Page 3.
19 Malheureusement, les pages ne sont pas numérotées, mais c'est à la
20 troisième page, à partir du milieu de page. Voici ce qui est écrit :
21 "Après avoir établi un service d'analyse fin mars, nous sommes
22 parvenus à compiler toutes les données sur les réfugiés chassés et les
23 personnes déplacées, et nous avons maintenant des rapports en date du 5 mai
24 1993, du 23 juin et du 8 juillet 1993. Au cours de cette première période,
25 celle qui commence le 5 mai, tant les Croates que les Musulmans sont
26 devenus déplacés ou chassés à cause de l'agression serbe. Depuis juin, il y
27 a une augmentation considérable du nombre de Croates chassés en raison de
28 l'offensive musulmane en Bosnie centrale et dans le nord-est de
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1 l'Herzégovine.
2 "Par conséquent, le nombre de Croates chassés et se trouvant en HZ HB a
3 augmenté de 50 000 personnes (de 100 %) et il y a maintenant 110 061
4 personnes. Il est peu probable que de nouvelles personnes chassées
5 arrivent. Mais notons aussi que 120 000 Croates ont été chassés de la
6 Posavina de Bosnie, et ces personnes sont maintenant logées à l'extérieur
7 la HZ HB, ce qui donne un nombre global de Croates qui ont été chassés,
8 expulsés ou déplacés de la Bosnie-Herzégovine à quelque 270 000 personnes,
9 soit 35 % si on prend comme élément de comparaison le recensement de 1991."
10 Il s'agissait ici du document P03394.
11 Je vous invite, Messieurs les Juges, à examiner un autre document :
12 1D00929, P03796, ainsi que le document P03990, page 9, paragraphe 37. Je
13 vais voir si je peux prendre ce dernier passage.
14 J'essaie simplement d'apporter la preuve qu'il y a, en fait, deux revers à
15 la médaille. Malheureusement, vous avez ici des témoins internationaux qui
16 ne vous présentent qu'une seule version des faits. Et quelle qu'en soit la
17 raison, par exemple, là je reprends les mots de l'Accusation, plutôt de son
18 expert, le climat de commandement. Si on arrive à Zagreb, là où est le
19 point de chute lorsqu'on arrive dans le pays avant d'aller sur place, et si
20 on vous dit qu'ici vous avez affaire à une entité autoproclamée qui se
21 livre à du nettoyage ethnique, qui s'autonettoie, si c'est ça votre point
22 de départ, si c'est ce qu'on vous dit avant même que vous mettiez pied sur
23 ce territoire, et après, si vous n'êtes pas trop malin, si vous manquez
24 d'énergie ou simplement si vous êtes un peu dépassé par la situation, et si
25 vous n'essayez pas de pousser un peu plus loin votre examen, si vous ne
26 posez pas d'autres questions, alors il se peut bien que vos rapports soient
27 quelque part gauchis, que ce n'est pas tout à fait le reflet de la réalité.
28 Vous avez ici le témoignage de tous ces internationaux qui sont ensembles,
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1 ils logent ensemble, ils se partagent les bureaux, ils passent
2 l'information. Finalement, ça revient à n'avoir qu'une source
3 d'information. Je ne dis pas que c'est là quelque chose de récurrent, mais
4 si vous avez cinq sources qui disent la même chose, dans le fond, ça
5 revient à dire qu'il n'y en a qu'une source. Il est facile de tirer des
6 conclusions hâtives, on dit : "Vous voyez bien ? On vérifie l'information,
7 elle est validée par l'autre source." Soyez donc circonspects. Examinez
8 tous les documents. Ne faites pas comme l'Accusation vous propose de le
9 faire. Ne rejetez d'un revers de main telle ou telle chose.
10 Regardez ce document P03990. Nous avons ici une lettre -- en fait, un
11 rapport qui est adressé à M. Boutros Boutros-Ghali, et lui transmet ce
12 document. C'est une lettre en date du 5 août 1993 qui vient du coprésident
13 du Comité directeur de la conférence internationale en ex-Yougoslavie. Au
14 paragraphe 37, Bosnie Centrale :
15 "La délimitation entre les républiques croate et musulmane dans cette
16 région où les combats sont intenses, alors que les pourparlers se
17 poursuivent, est une zone hautement contestée. Le climat des négociations
18 ne s'est pas trouvé amélioré par l'offensive menée par l'ABiH dans la
19 région."
20 J'attends quelques instants un peu de réflexion pour bien digérer ceci.
21 Quelle est la date ? Le 5 août. Vous verrez dans notre mémoire en clôture,
22 nous avons fait une frise historique et nous avons cité des documents pour
23 vous montrer ce qui se passe en Bosnie centrale. Et vous le voyez, c'est
24 constant, c'est permanent, les habitants de Bosnie centrale réclament de
25 partir parce que l'hiver arrive. Et où peuvent-ils aller ? Nulle part. Ils
26 ont peur. Ils sont atterrés.
27 Autre chose intéressante, et je ne sais pas si c'est ce témoin-ci ou un
28 autre qui l'avait dit, mais lorsque les Croates doivent partir, là ils
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1 partent, mais quand ce sont les Musulmans qui partent, ils sont chassés,
2 eux.
3 Loin de moi l'idée de vous dire que l'un est chassé et l'autre ne
4 l'est pas. Ce que je laissais entendre, c'est assez bizarre. Parce que tous
5 les Croates de Bosnie centrale, ils se contente de partir, ils s'en vont en
6 vacances, ils vont en terre promise, la Communauté croate d'Herceg-Bosna
7 autrement dit.
8 Et tant que j'y suis, ici je devance un peu mon propos, et Me Tomanovic va
9 s'en doute m'engueuler pendant la pause parce qu'ici je quitte un peu le
10 plan qu'on avait, mais dans le mémoire en clôture de l'Accusation, on
11 reprend les propos d'un journaliste venu à la barre, et apparemment, M.
12 Prlic a dit : "Moi, je ne suis en faveur de la Bosnie. Je suis en faveur
13 d'une Bosnie-Herzégovine. Moi, je ne suis pas de Bosnie. Je suis
14 d'Herzégovine et je suis Croate." Et c'est présenté comme étant vraiment un
15 gros titre nationaliste. Le pays s'appelle quand même Bosnie-Herzégovine.
16 Et rappelez-vous l'éclat qu'il y a eu, pas une explosion véritable, mais un
17 éclat ici dans ce prétoire, les débats furent interrompus, et c'était M.
18 Praljak qui était indigné parce qu'on ne cessait de dire Bosnie, Bosnie,
19 Bosnie. "Non, le pays s'appelle Bosnie-Herzégovine." Et il n'existe pas de
20 Croates de Bosnie, des Bosno-Croates. Vous avez des Croates de Bosnie-
21 Herzégovine, et il se peut qu'ils viennent de Bosnie centrale ou qu'ils
22 viennent d'Herzégovine. Les Herzégovins c'est des gens tout à fait
23 différents des gens de Bosnie centrale ou de quelqu'un qui vit en Posavina.
24 Ça c'est un fait, c'est comme ça. Mais écoutez ce que disait Marita --
25 excusez-moi, j'ai du mal à prononcer ce patronyme. Cette journaliste --
26 écoutez, excusez-moi, il y a pleins de V dans ce nom. Vihervuory. Elle
27 aussi, elle tire une conclusion hâtive que reprend allègrement l'Accusation
28 : oui, c'est un nationaliste. Mais non, il est d'Herzégovine, c'est un
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1 Herzégovin. Et on peut être en faveur de la Bosnie-Herzégovine tout en
2 étant toujours Herzégovin. C'est aussi simple que cela.
3 N'oubliez pas non plus -- c'est toujours cette même journaliste qui parle.
4 Avant de rencontrer M. Prlic, elle avait assisté à une réunion
5 d'information donnée par Alagic en Bosnie centrale.
6 Je vous laisse, bien entendu, le soin d'examiner ce document et ce qu'elle
7 a dit, vous aurez le souci de voir la totalité de sa déclaration et, ce
8 faisant, quand vous voyez les documents, quand vous voyez comment
9 l'Accusation s'efforce d'insérer sa version des faits ou son expérience
10 dans cette conversation avec M. Prlic, vous verrez que c'est cette
11 journaliste qui s'est entretenue avec M. Prlic en anglais. Son anglais
12 n'était pas terrible, mais elle a pris des notes dans ce qu'on peut appeler
13 son allemand à elle. Je n'invente rien. Tout ça est au compte rendu
14 d'audience. Bon, elle avait étudiée à Vienne. Mais enfin, ce n'était pas de
15 la sténotypie. Elle parlait comme ça à une espèce -- je ne veux pas ici
16 dénigrer cette femme, mais vous avez l'enregistrement sonore d'une
17 conversation, et il faut que vous l'écoutiez dans sa totalité car, quand M.
18 Prlic dit : "Je ne suis pas pour la Bosnie, mais je suis pour une Bosnie-
19 Herzégovine," eh bien, tout est dit. Ce qu'il dit c'est que le pays c'est
20 la Bosnie-Herzégovine. C'est cela qu'il dit. Or, ici, ce propos a été
21 retiré de son contexte et a été mal compris. Et l'Accusation, elle vous dit
22 : "Voilà, il dit qu'il est Herzégovin, il dit qu'il est Croate."
23 Mais écoutez, si je demandais à un Hongrois de Vojvodine s'il est
24 Serbe ? Mais non, c'est un Hongrois de Vojvodine. Et un Serbe de Croatie,
25 qu'est-ce qu'il est ? Mais c'est un Serbe. C'est un Serbe de Croatie. Mais
26 la Bosnie-Herzégovine englobait ces groupes, ces nations, un bien, un mal,
27 qui sait ? Il y a des Serbes de Bosnie-Herzégovine, et il y a une
28 différence entre le Serbe de Serbie et le Serbe de Bosnie-Herzégovine. Ils
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1 sont les premiers à vous le dire, tout comme le Croate de Croatie vous dira
2 qu'il n'est pas le même qu'un Croate de Bosnie-Herzégovine. Alors, cette
3 dame de Bosnie centrale, Mme Sancevic, en a parlé de cette différence.
4 Mais passons au témoin suivant, le Témoin BB. Je sais que là je fais
5 un peu de coq-à-l'âne, si j'ose dire, mais il y a beaucoup de choses à dire
6 et j'essaie de dire le plus de choses possibles. Excusez-moi si ma
7 présentation est un peu brute de décoffrage, mais j'espère que vous me
8 pardonnerez car la tâche est de taille.
9 Le Témoin BB, pratiquement dans la même situation que le Témoin BA,
10 une fois de plus, lorsqu'on pose à ce témoin des questions à propos de
11 Zenica et des Croates, ce témoin ne savait rien du tout de ce qui se
12 passait à Zenica. Ça n'a pas empêché ces gens de dire qu'à leur avis, il y
13 avait un nettoyage ethnique des Croates et que lorsque M. Prlic parlait de
14 la question, c'est à ça qu'il pensait.
15 Oui, je reviens sur cette notion de nettoyage ethnique à rebours. Dans le
16 mémoire de l'Accusation, surtout aux paragraphes 460 à 463, si je ne
17 m'abuse, ou 462 à 463, voyez ce qu'a déclaré -- un instant, s'il vous
18 plaît, Messieurs les Juges.
19 Excusez-moi, je reviendrai à cette notion un peu plus tard, faute de
20 temps maintenant. Mais regardons le document P02967. Je pense qu'il n'est
21 pas inutile que la Chambre examine -- mais pour le moment, je suis un peu
22 perdu dans mes notes. J'essaie de trouver une citation qui vous montre que
23 ce témoignage est utile, mais je ne m'y retrouve pas tout à fait dans mes
24 documents.
25 En ce qui concerne le paragraphe 461, vous penserez peut-être qu'il
26 est important de voir les pages du compte rendu d'audience 25 382 à 25 401.
27 Et n'oubliez pas non plus ce qu'a dit le témoin à décharge Simunovic, c'est
28 lui qui avait la responsabilité, me semble-t-il, de la section de la Croix-
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1 Rouge sur place à Mostar.
2 On a affirmé que la Croix-Rouge de Mostar n'apportait pas de secours
3 humanitaire à des personnes qui ne seraient pas Croates. A cet égard,
4 examinez ma pièce P04822 et, en même temps, ce qu'a dit Simunovic, pages de
5 compte rendu d'audience 33 629 à 33 638, 33 673 à 33 676, ainsi que le
6 document 1D02813.
7 Nous avons déposé une annexe confidentielle d'une requête dans
8 laquelle, avec précision, nous rappelons une partie du contre-
9 interrogatoire du témoin. Dans cette annexe confidentielle -- je ne
10 donnerai pas de noms, il n'y a donc pas de problème, mais ce Témoin BB a
11 fait l'objet d'un long contre-interrogatoire concernant le rapport du 7 mai
12 1993 intitulé "Décision concernant la Communauté croate d'Herceg-Bosna qui
13 a modifié le statut des réfugiés," P09840. Pourquoi ce contre-
14 interrogatoire ? Pour montrer que le Témoin BB avait une ignorance parfaite
15 et profonde du contenu de cette décision. Or, il en parle dans ce rapport.
16 Il s'agit de la pièce P01894 et la pièce P01244. Et c'était exactement ce
17 qui ce passait au niveau de l'Etat de la république et des autres
18 municipalités. Examinez de très près ce que disait le Témoin BB sur la
19 question. A notre humble avis, lorsque cette décision fut adoptée, si elle
20 a été adoptée, c'est parce que Mostar était saturée, parce qu'il était
21 nécessaire de trouver une façon de réglementer la question des biens
22 abandonnés.
23 Et vous verrez une décision adoptée par la Communauté croate
24 d'Herceg-Bosna. Parce que la première décision, c'était le HVO de Mostar,
25 la municipalité, qui l'avait adoptée. Mais plus tard, une autre décision
26 fut adopter, qui ressemblait à la première. Et dans ces deux décisions, il
27 est pratiquement impossible de vendre un bien qui a été abandonné.
28 Maintenant, on veut vous vendre l'idée qu'on voulait procéder à un échange
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1 de population et à un échange de biens, de maisons, d'appartements. Ça n'a
2 pas de sens, parce qu'il faudrait que l'autre municipalité soit d'accord en
3 raison du fait que c'étaient des biens autogérés, de propriétés sociales,
4 sauf quand c'étaient des terres du --
5 Mais dire que maintenant on a un texte de loi qui a été adopté pour
6 faire ça, non, non. Nous disons que c'était pour réglementer la situation,
7 ce que faisait d'ailleurs chacune des municipalités. Ça, c'est notre
8 première argument. Et si cette législation avait été adoptée, c'était pour
9 assurer que les droits des propriétaires soient respectés et qu'il y ait
10 possibilité de restitution du bien. Ça c'est très clair, vous ne verrez
11 aucun mot, aucune décision, où que ce soit. Si l'Accusation a une décision,
12 qu'elle la présente en réplique. Mais vous ne trouverez rien qui montre que
13 vous, vous allez perdre à titre permanent ou que vous devez céder, donner,
14 que vous pouvez transférer vos biens.
15 Prenons le témoin suivant, Témoin BC, pratiquement dans la même situation
16 que les témoins précédents, BA et BB. Ce qui est saillant à propos de ce
17 témoin, et c'est assez révélateur de la façon dont l'organisation en
18 question et dont certains de ces témoins internationaux percevaient les
19 Croates de la région, on a demandé à cette personne d'aller à Uzdol pour
20 mener une enquête. Certes, ce n'est pas un enquêteur, mais son boulot c'est
21 d'écrire des rapports, de recueillir des informations, et il voudrait vous
22 croire et nous faire croire à nous tous que ce que son organisation
23 écrivait était exact, véritable, authentique, fiable. N'empêche qu'il s'en
24 va, et il a déposé dans une autre affaire que je ne nommerai pas, mais
25 quand vous voyez ce qu'il a déclaré, ça se trouve à la page du compte rendu
26 d'audience 18 605 jusqu'à 18 620, il va sur place, jette un coup d'œil dans
27 les parages, parle à une personne et revient, et dit : Au fond, il n'y a
28 rien, rien à signaler. Or, nous avons des preuves montrant ce qui s'est
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1 passé en réalité. Par exemple, un témoin à charge, Gerritsen, est venu à la
2 barre, il a été contre-interrogé sur ce point. Pages 19 255 jusqu'à 19 257
3 du compte rendu d'audience.
4 Ce monsieur est allé sur place le 15 septembre 1993. Il a parlé au
5 maire, il a vu des morts, des corps, et il n'avait pas cru que ça avait été
6 une mise en scène, alors que quand on a posé la question à BC, il a dit
7 qu'il était impossible de se déplacer, l'endroit n'était pas sûr, autant
8 d'excuses. Mais en fin de compte, oui, c'est encore une fois les Croates
9 qui cousent des histoires de fil blanc, ils affabulent une fois de plus.
10 Alors, est-ce que ici j'essaie de dire que ce monsieur est anti-
11 croate ? Mais non, je dis qu'on a planté une semence, une graine, et qu'on
12 a bien arrosé, jour après jour, pour faire croire que ces gens voulaient
13 créer leur propre Etat, qu'ils essayaient de s'autonettoyer sur le plan
14 ethnique, on s'entend bien sûr, et puis que c'était aussi la source de tous
15 les maux.
16 Et bien sûr, personne ne leur avait dit ou ne lui avait dit à lui, ce
17 qui s'était passé en 1991 ou en 1992, mais vous, vous avez entendu Kljuic,
18 et en tout cas, pendant le contre-interrogatoire, je crois que le mien a
19 duré six heures, et si vous regardez les documents qu'on a montrés à
20 Kljuic, si vous regardez le compte rendu de sa déposition et notre mémoire
21 en clôture portant sur l'établissement de la Communauté croate d'Herceg-
22 Bosna, sur les raisons de sa création, les modalités de sa création, ce qui
23 avait précédé tout cela, quand vous regardez tous ces événements, même
24 Kljuic le reconnaissait, tout ceci, c'était une question de
25 régionalisation.
26 L'Accusation va dire : "Oui, mais regardez Kljuic, il a eu plus de
27 voix que Boban". Mais Boban n'a pas essayé d'être président. Bien sûr que
28 Kljuic va avoir plus de voix. Si moi j'essaie de devenir gouverneur de
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1 l'Ohio et si vous avez quelqu'un qui essaie de devenir président, j'espère
2 bien que le président va avoir plus de voix que moi. C'est tout à fait
3 logique. C'est parfaitement naturel. On ne compare pas les pommes et les
4 poires.
5 Vous avez des documents, mais regardez qui c'est qui a vraiment réuni
6 le plus de voix, c'était Abdic. C'était lui le numéro un.
7 Examinez à son égard la pièce 1D01263 et la pièce 1D01261. Lorsque
8 vous examinez les études de la problématique du nettoyage ethnique à
9 rebours, je vous demande d'examiner ces documents. Mais c'est aussi la
10 pièce P03900. P03900. Elle revient sans arrêt, cette pièce. On la présente
11 à beaucoup de témoins pendant toute la durée du procès. C'est Sir Martin
12 Garrod qui le rédige. Paragraphe A, première page :
13 "Prlic a entamé la réunion et semblait être assez agressif. Il a dit
14 en anglais, aucun résultat n'a été obtenu du travail des observateurs en
15 disant, je cite : 'Nous savons qui dans l'arène internationale nous est
16 opposé, nous est hostile.' Il n'y a que 9 % du territoire de Bosnie-
17 Herzégovine qui est tenu par les Croates et uniquement 40 % du territoire
18 des trois provinces qui sont prévues pour eux dans le plan Vance-Owen."
19 Mais prenons la toute dernière page, nous sommes là en août 1993. C'est là
20 que toute cette idée du nettoyage ethnique à rebours, c'est comme une
21 tempête qui s'annonce à l'horizon, menaçante. Dernière page, on retrouve un
22 commentaire :
23 "Il ne fait pas l'ombre d'un doute que Prlic était très fervent à propos de
24 cette idée quand il parlait de l'antagonisme manifesté par l'Occident,
25 qu'il trouvait que les Croates étaient traités de façon injuste et qu'il
26 trouvait les Musulmans perfides", et il a bien sûr répété beaucoup
27 d'arguments que nous avons déjà entendus de plusieurs sources croates haut
28 placées. Et il est assez probable qu'il pensait vraiment ce qu'il disait.
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1 Je ne pense pas que ce soit un homme qui ne pense pas autrement à propos de
2 l'idée de rentrer dans Mostar et de la liberté de circulation. Reste à voir
3 si il va faire ce qu'il a promis, à savoir parler "à Stojic et Bozic de la
4 question. S'il le fait, est-ce qu'il a le pouvoir de faire valoir et de
5 faire peser ses arguments."
6 Intéressant à plusieurs égards. Vous en tirerez vos propres conclusions à
7 propos de ces paroles de M. Garrod, mais Garrod se rend compte, peut-être
8 parce qu'il a pu vraiment s'entretenir plus longtemps avec le Dr Prlic
9 alors que le Dr Prlic peut quand même parler en son nom, les décisions ne
10 sont pas prises par le Dr Prlic. Il y a un document d'ailleurs à ce propos
11 qui est intéressant. Il me semble que c'est le document présenté au Témoin
12 BH. Et donc, le témoin a dit que le Dr Prlic était en mesure de donner un
13 laissez-passer.
14 Très bien. Très bien. Ah, le président peut donner des laissez-
15 passer. Parfait. Mais pour cela le président doit demander en fait les
16 permissions de déplacement et de les demander auprès du commandant local.
17 Enfin je n'ai pas le document sous les yeux, et sachez que je vous donnerai
18 la référence exacte, Messieurs les Juges, au passage d'ailleurs.
19 En ce qui concerne le Témoin BB, au cours de son contre-
20 interrogatoire, on s'est rendu compte en ce qui concerne cette
21 organisation, en tout cas c'est bien elle qui dirigeait l'organisation, et
22 il est très intéressant de voir comment elle utilisait les médias, pour
23 envoyer les médias dans certains endroits. Il y a encore un échange très
24 intéressant où une autre personne venant d'une organisation internationale,
25 extrêmement réputée d'ailleurs, excellente réputation, décrit les activités
26 de l'organisation dont faisait partie le Témoin BB comme étant en fait un
27 cercle médiatique.
28 Pensez-y, rappelez-vous les propos du Dr Prlic à M. Garrod, parce
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1 qu'il semble que les médias eux aussi s'étaient un petit peu trompés. Parce
2 qu'ils étaient un peu à côté de la plaque, si je puis dire, parce que s'ils
3 obtiennent toutes ces informations de ces organisations qui sont soi-disant
4 sur place, qui sont soi-disant justes et qui sont objectives, et cetera, et
5 qu'ils sont à côté de la plaque, eh bien, comme on dit en anglais, "junk
6 in, junk out." On ne reprendra que - ne seront pris que les mensonges qui
7 seront donnés.
8 Reprenons ça à BH maintenant. Je vais être rapide. Et BH est un témoin
9 intéressant, c'est un témoin qui a un parcours universitaire intéressant,
10 mais il l'a dit lui-même d'ailleurs lorsqu'il le concède, lorsqu'il vient
11 sur place, c'est BA qui lui fait son briefing. Donc toutes les informations
12 dont il dispose, il les tient de BA. Premièrement. Très intéressant.
13 Ensuite deuxièmement, il est sur place sept jours, à peu près sept jours.
14 Une semaine.
15 Troisièmement, il s'entretient avec le Dr Prlic une fois, pendant environ
16 trois quarts d'heure, peut-être une heure, et c'est ça qui nous permet de
17 tirer des conclusions. On ne sait pas très bien dans quelle langue ils se
18 sont entretenus. J'imagine que BH parle l'anglais et parle un sabir croate.
19 Je ne savais pas vraiment quelle a été la qualité de ce sabir.
20 Mais ce qui est intéressant à propos de ce Témoin BH c'est qu'il avait des
21 idées fixes. Il a comparé le HVO à l'ETA, à l'IRA. C'est ainsi qu'il voyait
22 les choses. Au cours du contre-interrogatoire, enfin d'ailleurs au cours de
23 l'interrogatoire tout simplement, il a dit qu'avant de venir sur place, sur
24 le théâtre, il avait lu certaines choses. Donc il a déclaré qu'il avait bel
25 et bien pris connaissance de certains éléments. Mais ensuite il a dit qu'il
26 était là pour faire des interprétations des faits et non des
27 interprétations de jure. Donc avant de tirer des conclusions quand même, en
28 vue de la carrière de cette personne, au vu de son profil, de son
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1 expérience et de la mission qui lui avait été donnée, il aurait dû aller un
2 peu plus loin quand même.
3 C'est encore le même témoin, il aurait pu attribuer les citations à
4 la personne qui les avait prononcées.
5 Or dans le mémoire de l'Accusation lorsqu'il parle du dirigeant du
6 gouvernement, c'est important d'ailleurs parce que l'Accusation compte sur
7 des gens comme ce Témoin BH pour en tirer des conclusions sur lequel le Dr
8 Prlic était bien entendu responsable de la branche militaire.
9 Très bien. On peut avoir une impression, on rentre dans une réunion,
10 on voit quelqu'un qui a l'air d'être en civil, qui a l'air confiant, sûr de
11 lui, on en tire une conclusion. Parfait. Mais c'est quand même autre chose
12 quand on a quelqu'un qui vous dit : "J'ai étudié les textes légaux, j'ai
13 parlé avec cette personne, et j'ai parlé à d'autres personnes. Et je pense
14 que c'est grâce à tout cela que j'en ai tiré ma conclusion sur laquelle il
15 avait une charge de responsabilité en ce qui concerne la chose militaire."
16 Vous trouverez cela à la page 361 du mémoire de clôture l'Accusation
17 lorsqu'il parle des responsabilités de dirigeants du gouvernement. Et au
18 paragraphe 361, première ligne, l'Accusation.
19 "L'article du décret de l'Herceg-Bosna sur les forces armées donnait
20 au gouvernement civil la direction des forces armées du HVO."
21 Et "La direction du gouvernement civil sur les forces armées du HVO."
22 Qu'est-ce que ça veut dire ? Quelle conclusion peut-on en tirer ? Peut-on
23 en tirer que la conclusion que c'est le Dr Prlic qui dirige les forces
24 armées ?
25 Nous savons que c'est Boban qui est le commandant suprême. Il faut se
26 pencher tout de suite sur l'article 2. Je ne vais pas vous le lire en
27 détail parce que je ne suis pas là pour faire des discours et pour
28 expliquer à la Chambre comment lire des textes de loi. Ils savent le faire
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1 bien sûr. Tout est là. Donc il faut quand même étudier de près, le lire de
2 près. Peut-être qu'on se trompe. Mais si vous regardez de près ce décret,
3 ce que vous ne trouverez pas, ça c'est sûr, vous ne trouverez aucune
4 référence au fait que le Dr Prlic aurait eu la direction qu'allègue
5 l'Accusation, et qu'elle voudrait vous faire croire ce contrôle. Ils
6 voudraient vous faire croire que c'était lui le numéro 2 juste après Boban.
7 Ils voudraient vous faire part que c'est la hiérarchie. Bien, non, ça ne
8 fonctionne pas. Parce que, comme je vous le répète, c'est une entité
9 collective. L'article 30 d'ailleurs est un article intéressant parce qu'une
10 fois la loi amendée, on voit que le Dr Prlic ne dispose d'aucun pouvoir. Or
11 je ne voudrais certainement pas dire que l'autorité qui avait été donnée au
12 département de la Défense a été mal utilisée. Pas du tout. Moi, je tiens à
13 vous dire qu'il faut que vous en reveniez au texte de loi, au texte
14 législatif. Et là, j'anticipe encore à nouveau.
15 Mais, par exemple, la fameuse proclamation par Jadranko Prlic, la
16 proclamation qui est intervenue après les événements du 30 juin. Si on lit
17 de près, que voit-on dans ce texte ? Bon, M. Stringer a fait très
18 attention. Moi, j'ai écouté M. Stringer, il a été très précis d'ailleurs
19 dans sa description. Il a eu une annonce et ensuite un ordre dans le même
20 document. Or il y a deux volets dans ce document. D'abord, une annonce,
21 ensuite un ordre. Et si on se penche sur l'ordre, l'ordre est absolument
22 clair. On voit très bien d'où émane l'ordre, c'est très clair. Je peux vous
23 donner la référence d'ailleurs. Je ne l'ai pas sous la main. Mais l'ordre
24 est donné en se basant sur le pouvoir dont il dispose sans doute par le
25 biais de l'article 30, mais pas nécessairement.
26 Que demande cet ordre ? Ce n'est pas un ordre de mobilisation parce
27 que la mobilisation était déjà en cours de toute façon. Et nous avons un
28 grand nombre de témoignages qui vont dans ce sens. Et Boban était le seul
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1 qui pouvait lancer la mobilisation. Il l'a fait d'ailleurs. Et c'était à
2 d'autres de mettre en œuvre le processus de mobilisation, qui était un
3 processus permanent. Et souvenez-vous, quand on se souvient de ce qui s'est
4 passé le 30 juin, il paraît naturel de dire : "D'accord, il y a ces
5 évènements, et donc il faut que vous vous présentiez."
6 Donc ce n'est pas du tout l'exercice d'un pouvoir ce que voudrait
7 nous faire croire l'Accusation. Et le document de référence est le P03038.
8 Je vous fais remarquer cela parce qu'il ne s'agit pas d'un ordre
9 conjoint donné par Prlic et Stojic. Je ne suggère pas ici que l'ordre en
10 tant que tel était illégal, mais pourquoi essayez de vous convaincre ?
11 D'ailleurs, lorsqu'on regarde le mémoire de l'Accusation, ils essaient de
12 minimiser un peu le sort des Croates.
13 Revenons-en à BH, ce Témoin BH. Il déclare -- bon, comme j'ai dit, il avait
14 passé huit jours à Mostar, et il déclare qu'il n'est pas ici pour faire une
15 interprétation légale, mais pour vous faire part de ses impressions.
16 "Question : En vous basant sur cela, comment pouvez-vous inclure cela
17 dans votre mémoire et faire référence à BH comme étant une personne
18 crédible ?"
19 Vous avez le témoignage. L'Accusation, dans leur récit, voudrait que
20 ce soit Dr Prlic qui soit à la tête de la branche militaire. Alors, il
21 semblerait qu'il y a eu une conversation et quelqu'un a dit : "Oui, il
22 s'occupe aussi de ce qui est militaire." Ensuite, il sort de la pièce et il
23 assène ses propos. Et d'après l'Accusation, c'est une excellente source.
24 Mais rappelez-vous ce que je vous ai dit. On n'est pas ici, en fait,
25 pour gagner des points, pas du tout. On est là uniquement pour la
26 manifestation de la vérité. Et je tiens à vous dire qu'il y a quand même
27 une obligation ici; on ne peut pas essayer, en utilisant les coups bas,
28 d'arriver à ses fins. Ce n'est pas possible.
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1 Ensuite, témoignage à ce propos venant du général Praljak. Là, il est
2 très clair, il cite exactement les pouvoirs dont disposait le gouvernement,
3 les pouvoirs dont disposait le Dr Prlic. Il est sous serment d'ailleurs. Il
4 n'a aucune raison de protéger le Dr Prlic. Mais il vous explique comment il
5 interprétait la situation. Pour lui, le Dr Prlic pouvait venir et lui
6 demander des informations, mais il ne pouvait lui donner aucun ordre. Et
7 Praljak n'avait pas à rendre compte à Prlic. Point final.
8 Donc veuillez, s'il vous plaît, lire et vous penchez de très près sur tous
9 ces documents qui sont présentés par l'Accusation et qui sont cités par
10 l'Accusation. Ils ont tendance aussi à avoir énormément recours au
11 témoignage de Filipovic.
12 Filipovic a témoigné -- en tout cas, on retrouve son témoignage dans
13 un grand nombre de notes de bas de page. Filipovic était, pour l'essentiel,
14 en Bosnie centrale, souvenez-vous-en. Or, lorsqu'il témoigne, ce qu'il dit
15 se base sur le peu de choses qu'il connaît. Et si vous vous penchez
16 vraiment sur son témoignage, principalement pages 47 670 à 47 682, il dit
17 qu'en avril, mai, juin 1992, le HVO était tout puissant. A l'époque, il
18 était engagé dans la vallée de la Lasva, mais il ne savait pas qu'il y
19 avait un Conseil exécutif du HVO, parce que lui, il était dans la vallée de
20 la Lasva. Ça, c'est ce qu'il dit. Mais bon, vous n'avez pas besoin
21 d'écouter ce que je dis, en fait ce n'est pas ce qui est important. Ce qui
22 est important, c'est étudier le dossier de près, Messieurs les Juges. Parce
23 que, nous essayons, nous, d'être fidèles et de donner le déroulement des
24 évènements dans l'ordre chronologique, parce que l'histoire est compliquée,
25 le récit est compliqué, toute cette histoire du HVO est compliquée. On
26 dirait presque un récit de science fiction pour essayer de voir comment ça
27 marche, avec l'évolution en plus qui rentre en compte. Et au départ, il
28 faut un certain temps avant d'arriver à deux HVO. Et malheureusement pour
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1 l'accusé, le HVO était tout. A moins de faire la différence entre HVO de la
2 HZ HB, là on sait que c'est le pouvoir exécutif. Mais lorsqu'ils se parlent
3 entre eux, ils se comprennent. Le problème, nous, c'est que nous en
4 prétoire, on nous parle du HVO, uniquement HVO, et c'est vrai qu'à l'époque
5 le HVO représentait la totalité. Le HVO était un tout.
6 Maintenant, je vous parle un peu longuement de cette branche
7 militaire du HVO et du Dr Prlic, mais c'est parce que je trouve que
8 l'Accusation fait un peu une fixette là-dessus, si je puis dire. Or, ils se
9 trompent dans leur présentation des choses, et tout être raisonnable --
10 bon, les personnes raisonnables, parfois, se trompent, c'est vrai, mais là,
11 eux, ils se trompent et ils sont têtus et bornés. Souvent, on m'accuse moi-
12 même d'être borné, c'est vrai. Donc moi, je plaide coupable. Mais en ce qui
13 concerne les citations exactes, il faut leurs faire très, très attention.
14 L'Accusation parle, par exemple, au paragraphe 363, de Prlic qui
15 aurait confirmer qu'il rencontrait Stojic toutes les semaines pour parler
16 de problèmes de défense et de problèmes militaires. C'est une déclaration
17 qui soi-disant est sous pli scellé, mais j'ai cru comprendre qu'elle
18 n'était pas sous pli scellé puisqu'on en a parlé en audience publique.
19 Peut-être qu'ils ont dit que c'était sous pli scellé par excès de prudence,
20 autrement voilà ce qu'ils disent, l'Accusation. Mais référez-vous à la
21 déclaration en tant que telle pour bien comprendre les propos du Dr Prlic.
22 Une minute. Je suis désolé, mais je suis un peu noyé sous les documents.
23 Voici l'échange, donc c'est le Témoin WT, sans doute William
24 Tomljanovich, employé de l'Accusation/soi-disant expert, et donc le Dr
25 Prlic dit :
26 "Je l'ai vu toutes les semaines parce que c'était le rythme habituel
27 des séances."
28 Sachez que M. Stojic fait aussi partie du HVO de la HZ HB.
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1 "Il n'était pas tenu de faire rapport de ce qui se passait au
2 département de la Défense. C'est comme ça que ça fonctionnait. Parce que
3 c'était très clair, le système juridique était très clair. Il y a des
4 documents à propos du système juridique, et de la façon de la département
5 de la force avait été créé, quelles étaient les règles de subordination."
6 Donc :
7 "Il n'avait aucune obligation de me rendre compte de leurs travaux.
8 Il n'y avait pas de point de contact entre nous."
9 Donc, Messieurs les Juges, lorsque l'on prend cela en compte, il faut aussi
10 se référer au témoignage de Buntic, de Perkovic, de Raguz, car en effet,
11 ces personnes, surtout Buntic, et Perkovic d'ailleurs, faisaient partie du
12 HVO de la HZ HB. Buntic était du côté des services judiciaires. Petkovic
13 était un technocrate qui auparavant avait travaillé dans l'administration
14 et il était responsable d'une sorte de service législatif qui s'assurait
15 que les lois et les décrets étaient harmonisés et était impliqué dans la
16 rédaction des textes. Ils ont tout décrit -- Tomic aussi d'ailleurs. Ils
17 ont bien décrit comment le HVO de la HZ HB fonctionnait en tant que
18 collectif et qui pouvait faire quoi avec qui. Donc c'est très clair. Le
19 président paraît être un titre ronflant, certes, mais la seule obligation
20 qu'ils avaient, c'était une obligation collective. C'étaient les collectifs
21 qui prenaient la décision. Le département qui était chargé de faire quelque
22 chose le faisait, bien sûr. Et ils devaient écrire des rapports aussi. Mais
23 tout ceci était envoyé au collectif.
24 Et le Dr Prlic n'avait pas le pouvoir de donner des ordres à quelque
25 département que ce soit pour exiger que quoi que ce soit soit fait. Vous ne
26 le trouverez nulle part, ça. D'ailleurs, je mets l'Accusation au défi de
27 trouver un document qui montrerait que le Dr Prlic aurait ordonné à un
28 membre, en tant que président -- moi, je ne parle pas ici de décision prise
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1 par le collectif, mais je les mets au défi de trouver une décision où Prlic
2 aurait ordonné quelque chose à un chef de département. Parce qu'il n'avait
3 pas l'autorité pour le faire. Et Tomic nous l'a dit d'ailleurs. Et Buntic
4 aussi nous l'a dit.
5 Buntic qui a été très clair. D'ailleurs, nous y reviendrons à Buntic.
6 Mais l'Accusation utilise Buntic comme source. Or, je n'ai pas ça sous la
7 main à l'heure actuelle, mais ils font référence à deux pages bien précises
8 du compte rendu. Et voici ce qu'il faut faire : il faut quand même aussi
9 regarder les pages qui suivent et les questions supplémentaires, parce que
10 M. Buntic déclare la chose suivante : "Oui, il y a une décision statutaire
11 et c'est ce qu'elle dit, mais il faut aussi se référer aux règlements de
12 procédure."
13 Alors, pour l'Accusation, il est plus utile, il est plus efficace
14 pour leur thèse de s'arrêter une page avant. Mais moi, je vous demande
15 juste de regarder la totalité du compte rendu, les décisions. Regardez les
16 propos qui sont tenus. C'étaient eux qui mettaient en œuvre tout ça, et
17 c'étaient ces personnes qui ont été interrogées et qui savaient comment
18 fonctionnait le système.
19 Revenons-en à la déclaration de Prlic, qui est très claire. A la fin
20 de la page, ils lui demandent :
21 "Est-ce que vous avez demandé des informations ?"
22 Et il répond :
23 "Oui."
24 "Question : Etiez-vous satisfait ?
25 "Réponse : Non, parce que les informations étaient tellement vagues que
26 personne n'aurait pu s'en satisfaire.
27 "Question : Est-ce que vous vous en êtes plaint ?"
28 Excellente question, quand même. "Est-ce que vous vous en êtes plaint
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1 auprès de lui ?"
2 Réponse : "Non. Je lui ai exprimé mon opinion, mais il n'était pas tenu, il
3 n'avait pas à me rendre compte."
4 Il devait peut-être rendre compte à quelqu'un d'autre, certes, comme
5 son commandant suprême.
6 Et le témoignage continue.
7 "Avez-vous fait une réclamation écrite selon laquelle vous étiez à la tête
8 d'une entité et que les personnes dans cette entité ne vous fournissaient
9 pas des informations suffisantes ?"
10 Le problème c'est que ce M. Tomljanovich qui a écrit cet excellent rapport,
11 qui a l'air quand même tout à fait parfait, lorsqu'on va un petit peu au-
12 delà de la surface, on se rend compte que les choses ne sont pas si
13 claires, elles ne sont pas si simples. Parce qu'on a toutes ces personnes
14 qui viennent de l'Occident, des pays industrialisés et qui ont leurs
15 propres idées préconçues à propos de la façon dont les systèmes politiques
16 fonctionnent, avec un gouvernement, un premier ministre à la tête du
17 gouvernement, et cetera. Donc ils sont d'ailleurs confrontés à une
18 situation où il y a un collectif.
19 Déjà, ils ne lisent tout simplement pas les documents. Ils ne
20 demandent même pas quoi que ce soit à propos de quelqu'un du cru. Pourquoi
21 est-ce que l'Accusation ne nous a pas fait citer quelqu'un qui s'y
22 connaîtrait ? Qui viendrait de l'ex-Yougoslavie. Il n'a pas besoin d'être
23 de Bosnie-Herzégovine. Tomljanovich vient du Wisconsin, de Milwaukee.
24 Parfait, tant mieux pour lui. Il est Américain d'origine croate, très bien,
25 mais ça ne signifie pas qu'il sait parfaitement comment fonctionne le
26 gouvernement en Bosnie-Herzégovine.
27 Et on continue d'ailleurs :
28 "Non, je ne sais pas. Parce que d'un côté, il n'avait pas à me rendre
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1 compte d'après les documents juridiques portant création du gouvernement,
2 mais d'un autre côté, je ne sais pas du tout à qui j'aurais pu écrire ou
3 adresser ce type de réclamation."
4 Alors, on continue à lui poser des questions, parce que Tomljanovich n'est
5 pas convaincu. Et on parle de Boban maintenant, parce que : "Bruno Stojic,
6 qui est chef du département de la Défense, et on sait qu'on passe d'abord
7 du commandant suprême au chef d'état-major de l'état-major principal, et
8 ensuite de la structure, et tout est écrit. Alors, comment puis-je plaindre
9 de Bruno Stojic à Mate Boban alors que c'est son associé de premier rang ?
10 Et ensuite, chose que j'ai dite dès que j'ai été nommé : Je n'avais rien à
11 voir avec la structure militaire et les organes militaires."
12 Arrêtons-nous là. Pour bien comprendre les propos du Dr Prlic -- je ne veux
13 surtout faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre. Absolument pas. Mais
14 lorsque vous remettez les choses en contexte, il déclare sans cesse qu'il
15 faut se référer aux documents juridiques qui étaient respectés. On n'est
16 pas dans le Far West ici. Ce n'est pas un pays du tiers-monde où personne
17 n'est allé à l'école. Il y avait quand même un système qui existait avant
18 le conflit, et ce système a perduré. Et ça, les gens sur le terrain le
19 comprenaient bien. C'est pour cela qu'il n'était pas nécessaire, ni pour le
20 Dr Prlic ni pour les personnes qui se trouvaient au sein de ce collectif,
21 de connaître bien quelles étaient leurs fonctions et leurs attributions,
22 parce qu'ils fonctionnaient comme ça depuis toujours. Mais les
23 internationaux arrivent. Eux, ils n'y connaissent rien. Ça ne les intéresse
24 pas. Tout ce qu'ils veulent, c'est tirer des conclusions hâtives et écrire
25 des rapports, ensuite les rapports remontent aux supérieurs. Et maintenant,
26 ils veulent nous faire croire qu'ils savaient comment marchait le système.
27 Alors, on aurait eu le président -- enfin, on le voit bien avec le
28 président -- on voit bien dans l'échange de vues avec le Témoin BF qui dit
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1 que d'après lui, le président a pouvoir sur les militaires, et point final.
2 Voyons maintenant ce que dit BD. BD c'est un témoin qui affirme que
3 Jadranko Prlic aurait fourni des laissez-passer. Il y a eu un contre-
4 interrogatoire très détaillé suite à l'interrogatoire de BD. Dans un des
5 rapports, dont vous vous souviendrez peut-être, ce témoin parle d'une
6 offensive musulmane qui a eu du succès. Je pense que c'est ça le terme
7 qu'il a employé.
8 Donc qu'affirme le Témoin BD ? Que l'organisation pour laquelle il a
9 travaillé, en particulier ce Témoin BD, s'est vue empêcher d'ouvrir un
10 bureau à Mostar. Et lorsque des questions très précises lui ont été posées,
11 eh bien, il s'est avéré que BD, en fait, s'est plaint de n'avoir jamais pu
12 bénéficier d'aide qui lui permettrait de trouver un endroit où elle
13 pourrait louer des locaux. Donc ce n'est pas exactement la même chose que
14 de dire qu'on l'a empêchée à ouvrir un bureau.
15 Puis, BD affirme également ou plutôt, apporte une explication tout à
16 fait excellente au sujet de ce que c'est que des connaissances de première
17 main. Par exemple, c'est lorsque vous vous adressez à quelqu'un qui aurait
18 des connaissances de première main et qui vous les rapporte. Nous estimons
19 que ce serait plutôt de l'ouï-dire, et l'ouï-dire n'est pas toujours
20 fiable. Parfois c'est bon, parfois ce n'est pas bon.
21 Je plaisante un petit peu, mais c'est presque triste, parce que vous
22 rédigez des rapports sur la base de ce qu'on vous a dit, vous les rédigez
23 en votre nom et vous dites : "J'ai été témoin direct de ces événements."
24 Mais comment ? "Eh bien, parce que j'ai parlé à telle ou telle personne qui
25 a vécu cela directement, le savait directement." Mais comment cette
26 personne a-t-elle su ? Le seul moyen, en fait, c'est que le A ou le B était
27 à l'origine des informations et ce sont eux qui avaient des informations
28 directes.
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1 Prenons maintenant la page du compte rendu d'audience 20 808 jusqu'à 20
2 810. On a interrogé cette personne au sujet de la situation en Bosnie
3 centrale et le témoin a eu la sensation que c'était le nettoyage ethnique à
4 rebours qui était en train de se passer. Bien entendu, le Témoin BD ne
5 s'est jamais rendu en Bosnie centrale, Vares, Busovaca, Gornji Vakuf,
6 Kakanj, jamais. Mais BD était basé à un endroit où se trouvait également
7 une autre organisation, et en fait ils ont partagé des éléments
8 d'information, et c'est ce qui s'est révélé pendant le contre-
9 interrogatoire. Le 3 et le 4 juillet, c'est là que nous avons ce
10 témoignage.
11 C'était un très bel échange lorsque j'ai demandé au Témoin BD si elle
12 a eu l'occasion de rencontrer Mate Boban, parce qu'il faut savoir que ce
13 témoin affirme qu'elle connaît les leviers du pouvoir, donc vous avez ce
14 très bel échange où le témoin répond : "Dieu merci, non." Monsieur le
15 Président, Messieurs les Juges, la Chambre pourrait peut-être revoir cette
16 vidéo et voir l'expression du visage de ce témoin, et qui en dit tout.
17 Ce même témoin parle de ce qui en est de la situation avec l'eau et
18 parle d'un échange de M. Prlic au sujet de l'eau, parce qu'en fait on
19 s'imaginait, et je dis on s'imaginait, qu'il n'y avait pas d'eau courante
20 du côté est. Et pourquoi ? Parce que du côté ouest, les Croates auraient
21 fait tout ce qui était en leur pouvoir pour empêcher les autres d'avoir de
22 l'eau courante. Et il s'avère, bien entendu, que ce Témoin BD n'en sait
23 rien, n'a aucun élément d'information au sujet de tout ce qui a à voir avec
24 l'eau. Et donc, des documents ont été soumis au témoin, vous verrez, page
25 20 897 jusqu'à 20 901, du compte rendu d'audience, 1D01566, 1D01567 ou
26 1D01568.
27 Eh puis, il y a aussi, bien entendu, un autre point intéressant, un
28 passage intéressant dans le compte rendu d'audience, à, je pense, page 20
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1 000 -- un instant, s'il vous plaît. 20 909 jusqu'à 20 910, et cela résume
2 ce que j'ai essayé de dire aujourd'hui, partiellement, à savoir que les
3 représentants des organisations internationales se rendent sur place. Ils
4 arrivent sans savoir quoi que ce soit sur la situation. Ils ne cherchent
5 pas à se renseigner sur les faits, et cela ne les empêche pas d'avoir une
6 opinion. C'est une opinion qu'ils empruntent à quelqu'un d'autre, et en
7 fait, c'est là que se termine toute leur recherche d'information et c'est
8 sur cette base-là qu'ils opèrent.
9 Alors maintenant, nous avons ce témoin qui nous parle également de convois
10 laitiers aux paragraphes 493 et 498. Vous le retrouverez au mémoire en
11 clôture de l'Accusation. Et je vous soumets, là je n'ai pas beaucoup de
12 temps, bien entendu, mais que premièrement il faudrait se pencher sur
13 l'accord de Makarska. La pièce P10264. Prenez la déposition de Simunovic
14 également. P03346, 1D02070. Ainsi que le témoignage du Témoin DZ, les
15 documents P03420, P03428. Le témoignage de DZ du 24 janvier 2008, 26736
16 jusqu'à 26741. Egalement, prenez la pièce P03539, 1D01870. Et en
17 particulier, avec ce témoin, le Témoin BD, prenez également la pièce
18 P03420, P03428, 1D01336, P03453.
19 Puisque le temps ne me permets pas d'aborder tout cela, Monsieur le
20 Président, Messieurs les Juges, une des questions eu égard aux convois
21 laitiers, si je puis juste vous présenter notre point de vue, vous avez les
22 documents, vous pouvez les examiner, vous avez entendu les témoignages,
23 donc nous avons entendu la semaine dernière de la bouche de l'Accusation
24 que l'aide humanitaire ne pouvait pas être distribuée parce qu'il y a eu
25 cette espèce d'entrave permanente, à savoir on signait des accords puis les
26 Croates attaquaient.
27 Et cet accord de Makarska était quelque chose d'important. Granic était à
28 l'époque le ministre des Affaires étrangères, il s'est rendu sur place pour
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1 participer à cela. Et dès la signature de l'accord, ce qui s'est passé
2 c'était une offensive de l'ABiH, qui a empêché le passage des convois. Et
3 il y a eu des rapports, un peu de différents genres, sur celui qui est à
4 l'origine de cette attaque et, à notre avis, les éléments de preuve
5 démontrent quand même largement que ce sont les forces musulmanes qui ont
6 lancé cette attaque, et là, nous avons un excellent exemple.
7 On ne peut pas avoir tout et son contraire : "Les convois
8 humanitaires ne rentrent pas parce que le HVO les empêche d'arriver," alors
9 que d'autre part, vous lancez une attaque à laquelle il faudra riposter,
10 puis vous dites : "Voilà, le HVO est là, les Croates de nouveau. Ils
11 essaient d'affamer les Musulmans du côté est de Mostar."
12 Et si vous vous penchez sur le témoignage de BD, Monsieur le Président,
13 Messieurs les Juges, en toute modestie et avec toutes les précautions
14 nécessaires, je dois vous dire que sur les cinq années qui se sont
15 écoulées, nous avons vu beaucoup de juristes qui se sont occupés de résumer
16 des dépositions. Mais il faut du temps pour comprendre ces faits. Dans les
17 six ou huit mois qui sont devant vous, ou l'année qu'il vous faudra, je
18 vous invite à revoir l'ensemble des témoignages. Cela est parfois ennuyeux,
19 fastidieux, mais c'est d'importance vitale.
20 Donc, reprenons maintenant cette histoire de convoi d'approvisionnement en
21 lait --
22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux faire la pause
23 maintenant, parce que --
24 M. KARNAVAS : [interprétation] Tout à fait, tout à fait. Je suis désolé.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire 20 minutes de pause.
26 --- L'audience est suspendue à 17 heures 35.
27 --- L'audience est reprise à 17 heures 58.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre veut faire une annonce.
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1 Pour des raisons techniques, nous allons suspendre l'audience. Il est
2 quasiment 18 heures, et nous reprendrons demain à 9 heures du matin,
3 puisque, comme vous le savez, nous sommes de matinée.
4 Donc, Maître Karnavas, pas de problème ? Vous reprendrez la parole
5 demain à 9 heures.
6 M. KARNAVAS : [interprétation] Excellent, Monsieur le Président. Je vous
7 remercie. Aucun problème.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est levée.
9 --- L'audience est levée à 17 heures 59 et reprendra le mardi 15 février
10 2011, à 9 heures 00.
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