Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 17 février 2011

  2   [Plaidoiries de la Défense Praljak]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  8   s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour,

 10   Monsieur le Président. Bonjour à toutes les personnes présentes.

 11   Affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Prlic et consorts. Merci.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 13   En ce jeudi 17 février 2011, je salue en premier MM. les accusés, Mmes et

 14   MM. les avocats, tous les membres du bureau du Procureur présents ainsi que

 15   toutes les personnes qui nous assistent.

 16   J'indique tout de suite à la Défense du général Praljak que nous avons pris

 17   contact avec la Chambre Tolimir, et on nous a dit qu'il n'était pas

 18   possible de prolonger de 15 minutes notre audience de ce jour compte tenu

 19   du fait qu'ils ont des témoins. De ce fait, vous avez deux possibilités;

 20   soit le général Praljak interviendra lundi pour les 30 minutes, soit vous

 21   réduisez votre temps et il intervient aujourd'hui, puisqu'il nous reste là

 22   quatre heures utiles alors même que vous avez un crédit de quatre heures 30

 23   minutes. Voilà la situation. Donc c'est à vous de voir. Oui, Maître

 24   Kovacic.

 25   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Nous verrons au cours de la journée, et nous vous aviserons de la

 27   situation. Merci.

 28   Bonjour à tous.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott, vous avez quelque chose à dire ?

  2   M. SCOTT : [interprétation] Un instant. Merci. Excusez-moi, Monsieur le

  3   Président. J'ai demandé à la greffière d'avoir un instant pour essayer de

  4   ne pas du tout perturber les débats au cours de la journée.

  5   Ce sera moins d'une minute.

  6   Ça fait déjà quelques jours que j'ai cette note.

  7   Pendant que M. Kruger vous présentait son réquisitoire, malheureusement, et

  8   ça nous arrive à tous, il a donné un mauvais numéro de pièce. A la page 51

  9   151 du compte rendu, il a parlé de la pièce P 05889, alors qu'il faudrait

 10   lire P 05884. Je tenais à corriger le compte rendu sur ce point.

 11   Mais puisque j'ai la parole, je voulais rassurer Me Nozica et la Chambre,

 12   je ne voulais pas du tout manquer de courtoisie à son égard hier. Mais

 13   quelquefois, vous savez, c'est tellement ancré dans notre culture

 14   judiciaire et juridique qu'il est difficile de ne pas réagir. Et je m'en

 15   excuse, je ne voulais surtout pas vous manquer de courtoisie ni à l'un ni à

 16   l'autre.

 17   Merci.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Scott.

 19   Nous avons pris bonne note de votre intervention.

 20   Maître Nozica, voulez-vous --

 21   Mme NOZICA : [interprétation] Messieurs les Juges, je me félicite d'avoir

 22   l'occasion de remercier mon confrère. Je n'ai pas compris qu'il s'agissait

 23   là d'une attaque ni contre moi ni contre notre équipe de la Défense, et je

 24   ne me serais pas levée si ce n'est pour remercier qui de droit. Mais j'ai

 25   également annoncé une petite modification au compte rendu au sujet d'un

 26   numéro qui a été mal consigné.

 27   Le 16 février 2010, page 30, ligne 9, au lieu du "P 5259", il fallait

 28   entendre "P 5249".


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  1   Messieurs les Juges, je voulais juste dire que nous allons réécouter les

  2   enregistrements pour ce qui est de notre exposé, et lundi, nous allons

  3   formuler des modifications éventuelles s'il y a eu erreur de notre part.

  4   Merci.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  6   Maître Kovacic, vous avez la parole.

  7   M. KOVACIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

  8   prononcer quelques propos au sujet de ce nexus [phon] pour ce qui est de la

  9   prétendue existence d'un conflit international armé et l'article 2 du

 10   Statut. Nous estimons que le Procureur n'a pas prouvé la présence de ce

 11   lien.

 12   Au lieu d'établir un lien entre le délit pénal et le conflit armé

 13   international, le bureau du Procureur a procédé à une simplification et a

 14   dit que le général Praljak était présent en Bosnie-Herzégovine, et aussi

 15   estime-t-on que ce fait en soi suffit. Ce qui fait défaut, ce sont les

 16   explications des éléments de preuve concrets pour ce qui est de montrer

 17   qu'il y a un lien indubitable entre les délits au pénal et l'article 2 du

 18   Statut ainsi que le conflit international armé. La présence de M. Praljak

 19   en Bosnie-Herzégovine ne fournit pas une base suffisante pour tirer ce type

 20   de conclusion.

 21   Pour ce qui est des allégations du Procureur au paragraphe 78 du mémoire en

 22   clôture de l'Accusation, à savoir le mens rea pour ce qui est du conflit

 23   armé international, je tiens à dire plusieurs choses :

 24   Le Procureur affirme que tous les accusés étaient tout à fait conscients de

 25   l'implication intensive de la République de Croatie dans ce conflit qui se

 26   passait en Bosnie-Herzégovine. Cette allégation se fonde sur de prétendus

 27   contacts réguliers avec des instances appropriées ou personnes appropriées

 28   situées en République de Croatie, et on affirme que l'intervention de la


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  1   Croatie était tellement intense pendant cette période concernée qu'il

  2   serait impossible de croire que les accusés n'étaient pas conscients de

  3   l'existence de ces liens et de l'implication de la République de Croatie

  4   dans ce conflit croato-musulman. Donc la seule thèse c'est une conclusion

  5   tirée de façon indirecte : ils ne pouvaient pas ne pas savoir. Alors, il

  6   est exact de dire que la République de Croatie était impliquée dans la

  7   guerre en Bosnie-Herzégovine, mais cette guerre que l'agresseur, c'est-à-

  8   dire la JNA, avait conduite contre la Bosnie-Herzégovine et la guerre où le

  9   HVO, et ultérieurement l'ABiH, s'était opposé à cette agression, mais non

 10   pas dans l'intention, par le biais de cette agression, d'aider une partie

 11   au conflit. 

 12   La République de Croatie est un participant forcé, mais elle n'a pas

 13   participé de son plein gré à cette guerre. Il n'y a aucune certitude pour

 14   ce qui est de la République de Croatie tant qu'il y a de l'incertitude en

 15   Bosnie-Herzégovine avec laquelle Bosnie-Herzégovine la Croatie a une

 16   frontière qui fait environ 1 000 kilomètres. Il n'y a donc pas de sécurité

 17   pour la République de Croatie pendant que la JNA, c'est-à-dire les Serbes,

 18   attaque la Bosnie-Herzégovine, mais en même temps, attaque la République de

 19   Croatie avec le même plan, qui consiste à faire siens des territoires dans

 20   ces deux pays indépendamment des frontières respectives de ces pays. Il n'y

 21   a aucune sécurité pour la République de Croatie alors qu'elle sert de

 22   territoire transit pour ce qui est de l'approvisionnement de la Bosnie-

 23   Herzégovine d'une manière générale, approvisionnement en aide humanitaire,

 24   alors que 300 000 réfugiés originaires de Bosnie-Herzégovine sont en train

 25   de séjourner en République de Croatie, sans mentionner le reste.

 26   Donc tout ceci ne fait que confirmer que la République de Croatie a

 27   été un participant à cette guerre, mais elle n'y a pas pris part de son

 28   plein gré. Elle y a pris part par nécessité.


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  1   Donc la République de Croatie est un sujet et une victime de cette

  2   guerre, qu'elle l'ait voulu ou pas. C'est un fait. Ce n'est pas le résultat

  3   de sa volonté ou d'une politique qui aurait été mise en œuvre par la

  4   République de Croatie. C'est le résultat des actions d'autrui; pour être

  5   concret, l'armée populaire yougoslave et les Serbes, et ceux-ci échappent

  6   au contrôle de la République de Croatie. La République de Croatie, par

  7   conséquent, a eu un intérêt légitime qui est celui qui est relatif à la

  8   situation en Bosnie-Herzégovine, et elle s'est estimée tenue d'entreprendre

  9   des mesures pour empêcher le chaos, à des fins de mise en place d'une

 10   défense en Bosnie-Herzégovine et mise en place d'une coopération avec le

 11   HVO afin qu'elle puisse elle-même défendre son territoire; d'abord, le

 12   théâtre de combat au sud, mais la Posavina de Croatie, c'est-à-dire

 13   Slavonski Brod, et autres secteurs qui ont été directement exposés à des

 14   menaces ou à des attaques depuis le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

 15   Je vous renvoie ici vers le témoignage du général Praljak et vers le

 16   témoignage du général Petkovic. Pour ce qui est du général Petkovic, 45 702

 17   [comme interprété] du compte rendu jusqu'au 49 704, daté du 18 février

 18   2010. S'agissant de Praljak, la motivation est encore plus évidente que

 19   pour ce qui est du général Petkovic. Mais bon nombre d'autres personnes,

 20   tout comme le général Praljak, se rendent en Bosnie-Herzégovine pour

 21   défendre leur région natale.

 22   Alors, la question qui est pertinente est celle-ci : est-ce que la

 23   République de Croatie avait l'intention d'aider une partie au conflit dans

 24   l'un des conflits additionnels qui avait fait son apparition en Bosnie-

 25   Herzégovine; pour être concret, entre l'ABiH et le HVO, conflit qui est

 26   survenu en guise de conséquence de cette agression de la JNA. Le conflit

 27   c'était un conflit que personne n'avait planifié ni prévu, exception faite

 28   - et là j'émets des hypothèses - si ce n'est la JNA qui a contribué à ce


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  1   conflit pour atténuer la résistance de l'ABiH et du HVO s'agissant de la

  2   réalisation de ses propres objectifs.

  3   Il n'y a aucun élément de preuve indiquant que le général Praljak ou les

  4   autres accusés avaient pu savoir ou prévoir ce que la République de

  5   Croatie, ou la présidence de Bosnie-Herzégovine, voire encore l'armée de la

  6   Republika Srpska, voire encore la communauté internationale, ou qui que ce

  7   soit d'autre, pourrait faire dans les jours ou les semaines à venir. Tous

  8   ces intervenants ont été des intervenants sur une scène, et personne ne

  9   pouvait prévoir ce que quiconque parmi ces intervenants allait faire le

 10   jour d'après.

 11   En réalité, le bureau du Procureur affirme implicitement que le

 12   général Praljak était si intelligent, beaucoup plus intelligent que les

 13   autres, qu'il pouvait savoir et prévoir quels seraient les événements à

 14   venir, événements qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, personne n'avait

 15   prévus.

 16   Pour ce qui est de l'état de conscience des participants au conflit armé

 17   international, la Défense affirme que pendant toute la durée de ce conflit

 18   -- de ce prétendu conflit, ou pendant toute la guerre en Bosnie-Herzégovine

 19   de manière générale, jamais, pas une partie, et les représentants de

 20   Bosnie-Herzégovine n'ont déclaré de façon publique et officielle qu'ils

 21   considéraient la partie adverse comme un ennemi ni même comme un rival.

 22   Donc il n'y a pas eu deux Etats hostiles l'un l'autre, ce qui constitue un

 23   préalable indispensable à l'affirmation de l'existence d'un tel conflit.

 24   Les représentants politiques de la Bosnie-Herzégovine et de la

 25   République de Croatie, et on en a parlé longuement de cela, avaient des

 26   positions qui étaient les leurs et qui, parfois, n'étaient pas tout à fait

 27   en accord les unes avec les autres. Mais en même temps, de façon patiente

 28   et pendant longtemps, ils ont participé à des négociations de paix pour


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  1   rechercher des solutions acceptables. Comme vous avez pu l'entendre, c'est

  2   précisément la Croatie qui, à chaque solution avancée, avait été la

  3   première à signer au bas de la page.

  4   Alors, pour ce qui est de l'affirmation faite par l'Accusation disant que

  5   les accusés avaient certainement su et compris qu'il y avait une

  6   implication intense de la République de Croatie au conflit en Bosnie-

  7   Herzégovine, entre autres, parce qu'il y avait des contacts réguliers avec

  8   les instances et individus appropriés en République de Croatie, en partant

  9   du fait qu'il y avait eu des contacts avec des individus et des

 10   institutions en République de Croatie, la Défense estime nécessaire

 11   d'avancer une donnée à titre d'illustration : le président de la Bosnie-

 12   Herzégovine, Alija Izetbegovic, était plus souvent l'invité du président

 13   Tudjman que tous les autres accusés qui ont, à quelque moment que ce soit,

 14   eu l'occasion de rencontrer le président Tudjman. Nous avons fait cette

 15   analyse en fonction de tous les PV présidentiels, versés au dossier ou pas,

 16   et le résultat obtenu est toujours le même. Donc le président Izetbegovic

 17   lui aussi peut faire l'objet d'une même conclusion. De façon évidente, il

 18   savait ce qui se passait, puisqu'il était tout le temps chez Tudjman.

 19   Alors, cette allégation avancée par le Procureur ne nous conduits pas à la

 20   conclusion qui est tirée.

 21   Par ceci, la Défense veut démontrer que les contacts avec les représentants

 22   officiels de la République de Croatie ne suffisent par pour dire qu'il y

 23   avait une concertation du fait même de l'existence de ces contacts.

 24   S'agissant de l'allégation avancée par le Procureur disant que du

 25   côté du général Praljak, il y a un mens rea pour ce qui est de ce conflit

 26   armé international et qu'il "avait conscience de l'implication de la

 27   République de Croatie au conflit de Bosnie-Herzégovine", comme le Procureur

 28   l'indique au paragraphe 78, et à ce sujet, la Défense tient à dire ce qui


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  1   suit.

  2   L'INTERPRÈTE : En anglais.

  3   M. KOVACIC : [interprétation] L'Accusation n'a pas présenté d'affirmation

  4   contredisant les allégations et les affirmations présentées par la Défense

  5   Praljak. Au sujet de sa motivation qu'il avait de défendre le peuple et

  6   l'Etat de Bosnie-Herzégovine, l'Accusation fait des citations à propos de

  7   sa présence en Bosnie-Herzégovine, en banovina; cependant, elle ne présente

  8   par d'arguments, de conclusions juridiques qui diraient que Praljak n'était

  9   pas là pour se défendre des Serbes. Nous voulons poser la question suivante

 10   aux Juges de la Chambre : qu'est-ce que cela veut dire si ce que nous

 11   affirmons quant aux motifs qui étaient ceux de Praljak sont corrects ?

 12   Qu'est-ce que ça veut dire si Praljak était sur place pour défendre la

 13   Bosnie-Herzégovine et sa population ? En fin de compte, la réponse devrait

 14   être celle-ci : si ce que nous affirmons est exact, la Chambre ne pourra

 15   pas conclure que les conditions requises pour établir au-delà de tout doute

 16   raisonnable l'intention délictueuse, l'élément mental n'était pas présent.

 17   Alors, il faut se demander : est-ce que l'Accusation a prouvé que Praljak

 18   ne voulait pas défendre la Bosnie-Herzégovine et son peuple ? Est-ce qu'il

 19   n'y avait pas de menace ? Est-ce que l'agression de la JNA et de la VRS

 20   n'existait pas ? Est-ce que l'Accusation nie que la JNA ou la VRS ait joué

 21   un rôle ? Est-ce que Praljak n'avait pas ce lien avec la Bosnie-Herzégovine

 22   ? Est-ce qu'il n'est pas né en Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que sa famille

 23   n'y vivait pas ? Et la dernière question qu'il faudrait poser est celle-ci

 24   : y a-t-il le moindre doute du fait que si le HVO n'avait pas été organisé,

 25   la JNA et la VRS auraient tué, auraient fait des victimes innombrables

 26   parmi les citoyens de Bosnie-Herzégovine ? Est-ce que ceci ne démontre pas

 27   le motif qui animait Praljak et d'autres qui avaient les mêmes sentiments

 28   que lui plus concrètement que de choisir ici et là des interprétations


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  1   hasardeuses ? La semaine dernière, dans la dernière partie de son

  2   réquisitoire, l'Accusation vous a demandé de rendre un verdict qui

  3   condamnerait la guerre de façon générale, et un jugement qui, quelque part,

  4   ferait qu'il n'y aurait plus jamais de guerre après cela. Au cœur même du

  5   droit international humanitaire, il y a le principe de l'autonomie entre

  6   les questions de jus in bello et jus ad bellum. Un versant de cette

  7   autonomie c'est celui-ci : si vous n'êtes pas d'accord avec les raisons

  8   pour lesquelles une partie participe à un conflit, ceci n'en change pas

  9   pour autant les critères qu'il faut remplir pour prouver qu'il y a eu

 10   violation de jus in bello.

 11   Pour l'Accusation, chaque victime est une victime à charge. L'Accusation,

 12   pendant toute la durée du procès, dans tout l'acte d'Accusation et pendant

 13   son réquisitoire, parle du meurtre de Musulmans de Bosnie-Herzégovine et de

 14   ceux qui ont été blessés comme si c'étaient des tragédies qui sont, de

 15   façon inhérente, criminelles. Très souvent, rien n'est prouvé quant au

 16   statut de combattant de ces victimes. La seule déduction qu'il est

 17   raisonnable de dire est de la façon dont l'Accusation agit et que pour

 18   elle, le principe de l'autonomie ne s'applique pas. En affirmant que toutes

 19   les tragédies sont des crimes, que toute aide apportée au HVO était une

 20   aide criminelle, l'Accusation cherche à détruire de façon fonctionnelle le

 21   principe de l'autonomie en mettant en avant et en poussant jusqu'à ses

 22   extrêmes la théorie de l'entreprise criminelle commune. Même si

 23   l'Accusation affirme que le HVO était quelque part un mauvais acteur, un

 24   mauvais protagoniste dans sa participation au conflit, et ça c'est une

 25   question de jus ad bellum, l'Accusation doit apporter la preuve précise de

 26   chaque élément constitutif des violations alléguées de jus in bello. A

 27   moins que si l'Accusation ne peut pas prouver qu'il y a un lien entre une

 28   victime et un crime, et pas seulement un lien entre la victime et la


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  1   tragédie qu'est la guerre, à ce moment-là, il n'aurait jamais fallu

  2   introduire dans l'acte d'accusation cette victime et on n'aurait jamais dû

  3   apporter d'élément de preuve pour essayer de prouver qu'il y avait eu

  4   victime.

  5   Vous allez parcourir le dossier, vous allez l'étudier à la loupe, et tout

  6   élément qui montre que la guerre est un mal plutôt qu'un crime, à ce

  7   moment-là, vous devez laisser de côté cet élément, à moins que vous ne

  8   prêtiez foi à ce que vous demandez de faire de l'Accusation, qui était de

  9   mépriser, d'ignorer ce principe de l'autonomie entre jus ad bellum et jus

 10   in bello. Cet oubli, cette omission n'est pas simplement contraire au

 11   droit, c'est tout à fait dangereux parce que c'est frapper dans son cœur

 12   même le système moderne du droit international humanitaire.

 13   Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le Président.

 14   Monsieur le Président, en raison du temps qui m'est donné, je vais laisser

 15   de côté un sujet que j'avais souhaité aborder au départ.

 16   Non, je ne vais pas le faire, parce que ce sera difficile d'aborder ceci

 17   dans tous ses détails.

 18   L'INTERPRÈTE : En serbe.

 19   M. KOVACIC : [interprétation] Une Grande-Croatie : 

 20   L'Accusation développe une thèse au sujet du prétendu plan de la Croatie

 21   qui consisterait à mettre en place une Grande-Croatie dans ses frontières

 22   historiques. Et on se sert de cette thèse pour expliquer les motivations

 23   alléguées ET les plannings politiques de la République de Croatie, sur

 24   lesquels se fonde logiquement la conclusion relative à l'existence d'une

 25   entreprise criminelle commune dans ce contexte d'un conflit armé

 26   international. C'est ainsi que le bureau du Procureur, dans ses paragraphes

 27   164 à 167, présente les débats politiques entre le président de la

 28   République de Croatie, M. Franjo Tudjman, qui, d'après le bureau du


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  1   Procureur, fait preuve de l'aspiration politique et territoriale vis-à-vis

  2   de la Bosnie-Herzégovine.

  3   Il est intéressant de relever tout de suite que dans ces paragraphes-là, le

  4   Procureur fait référence à des débats qui se déroulent au haut de la

  5   politique croate entre le 8 juin 1991 et le 27 décembre 1991, Donc bien

  6   avant que la Bosnie-Herzégovine ne devienne un Etat souverain, ou pour être

  7   tout à fait précis au sujet de la période dont il s'agit, à un moment où

  8   commence le démantèlement, la désintégration de cet Etat conjoint de

  9   Yougoslavie. Alors, aux yeux du Procureur, ce détail se trouve dénué de

 10   pertinence. Il s'agit de conversations entre le président Tudjman et des

 11   collaborateurs proches à lui à l'époque où la RSFY est en train de se

 12   désintégrer, et ni la République de Croatie ni la République de Bosnie-

 13   Herzégovine ne se trouvaient être des Etats indépendants. Il existe une

 14   République socialiste fédérative de Yougoslavie. Il existe des républiques

 15   qui seront des Etats indépendants à l'avenir. Et il en est en train de

 16   parler de scénarios et options variés.

 17   Pour le contexte, je vous rappelle que la JNA, avec les Serbes locaux, fin

 18   1992, avait occupé pratiquement un tiers des territoires de la République

 19   de Croatie, alors que la guerre en Bosnie-Herzégovine n'avait pas encore

 20   commencé, bien que cette guerre semblait inévitable.

 21   Le Procureur est en train de rejeter le fait que, suite à de telles

 22   discussions ou de réflexions à voix haute de la part des hommes politiques,

 23   il y a des actions concrètes d'entreprises. Et donc, à l'occasion de ce

 24   type de conversations en mars 1992, Tudjman et le HDZ sont en train

 25   d'entreprendre des mesures concrètes pour encourager les Croates en Bosnie-

 26   Herzégovine pour se prononcer en faveur de l'indépendance de la Bosnie-

 27   Herzégovine au référendum et de voter en faveur de l'indépendance, c'est-à-

 28   dire en faveur de la création d'un nouvel Etat. Je pense l'avoir déjà dit.


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  1   Donc le fait de se pencher sur des options politiques potentielles, c'est-

  2   à-dire sur ce qu'il convient de faire à la République de Croatie dans cette

  3   phase de désintégration de la Yougoslavie, cela se résout par une position

  4   qui est celle de dire qu'il convient de contribuer à la création d'un

  5   nouvel Etat autonome et indépendant de la Bosnie-Herzégovine. Ça c'est un

  6   fait.

  7   S'agissant de l'étude des options politiques ou des possibilités

  8   mises à la disposition d'une république par rapport à la République

  9   fédérative de Yougoslavie et autres républiques, dans des circonstances de

 10   désintégration de la RSFY, cela se trouve être non seulement le droit

 11   légitime de la direction politique, mais c'est leur devoir aussi que de se

 12   pencher sur la totalité des options qui s'offrent à eux pour choisir celle

 13   qui se trouvait être dans l'intérêt de cet Etat.

 14   Suite à la déclaration de l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, la

 15   direction politique croate, à aucun moment, n'envisage une option quelle

 16   qu'elle soit qui comprendrait l'effondrement de la Bosnie-Herzégovine ou le

 17   changement de ses frontières externes. En revanche et à l'opposé, au moment

 18   où Izetbegovic offre à Tudjman d'annexer une partie du territoire de

 19   Bosnie-Herzégovine, Tudjman le refuse car il sait que cela ne constitue pas

 20   une solution, compte tenu de toute une série de nouveaux éléments.

 21   Au niveau de la direction politique de la République de Croatie, on

 22   envisage une solution pacifique à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Ce qui

 23   est tout à fait légitime, car la Bosnie-Herzégovine est un pays voisin, et

 24   la sécurité de la République de Croatie ne saurait être assurée sans une

 25   Bosnie-Herzégovine stable.

 26   Dans le cadre de ces entretiens après le référendum, on envisage un

 27   découpage interne et on discute de la structure intérieure de la Bosnie-

 28   Herzégovine, on envisage de différentes formes d'une confédération de


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  1   Bosnie-Herzégovine ou la question de découpage en cantons, comme nous

  2   l'avons souvent entendue. Et ces initiatives viennent également de la part

  3   des médiateurs internationaux. Des suggestions afin d'apporter une telle

  4   solution à la question de Bosnie-Herzégovine font intervenir tous les

  5   éléments de solution dans tous les plans de paix à partir de Cutileiro en

  6   passant par Vance-Owen, Owen-Stoltenberg, jusqu'aux accords de Dayton, qui

  7   finalement prennent en compte précisément et adoptent une telle solution.

  8   Cependant, le Procureur, face à ces différentes options que l'ont retrouve

  9   dans les procès verbaux, les transcriptions présidentielles que nous avons

 10   vu pendant le procès, interprète comme une manifestation de l'intention de

 11   la République de Croatie de diviser la Bosnie-Herzégovine. Tout simplement,

 12   elle ne prend pas en compte une quelconque option. Mais cette

 13   interprétation est tout à fait erronée, car cette division ne concerne que

 14   le mode d'organisation interne de la Bosnie-Herzégovine.

 15   Pourquoi la République de Croatie prend-elle part activement à la

 16   recherche d'une solution à cette question ? Il ne s'agit pas seulement

 17   d'intérêt politique de la République de Croatie compte tenu des questions

 18   de sécurité, comme je l'ai déjà dit, mais il s'agit du côté des pays

 19   occidentaux, du fait d'insister pour que la République de Croatie, c'est-à-

 20   dire le président Tudjman, en faisant jouer son autorité auprès des Croates

 21   de Bosnie-Herzégovine, fasse en sorte que l'on accepte les idées ou les

 22   solutions des pays occidentaux. Alors, le président croate aurait-il dû

 23   refuser les exigences des protagonistes internationaux et laisser les

 24   choses en Bosnie-Herzégovine se dérouler sans tenter de chercher une

 25   solution acceptable pour les peuples de Bosnie-Herzégovine ?

 26   Aux paragraphes 177 à 206, le Procureur expose ses arguments au sujet

 27   de la présence de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine. Malgré

 28   l'interprétation extrêmement créative des preuves, le Procureur n'a pas


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  1   réussi à faire valoir ne serait-ce qu'une seule preuve directe qui aurait

  2   démontré de manière incontestable qu'une unité concrète de l'armée croate

  3   était déployée en Bosnie-Herzégovine et qu'elle ait participé aux combats

  4   avec l'ABiH. Le Procureur n'a présenté aucune preuve de la sorte tout

  5   simplement parce que ces preuves-là n'existent pas, et n'existent pas parce

  6   que cela n'a pas eu lieu.

  7   Le Procureur ne prend absolument pas en compte le fait que le HVO

  8   constitue une partie des forces armées de Bosnie-Herzégovine. Le Procureur

  9   ne prend absolument pas en compte le fait qu'aucune preuve ne montre que

 10   les unités de la HV aient pris part aux combats contre l'ABiH. Egalement,

 11   le Procureur ne prend absolument pas en compte le fait qu'il y a bien

 12   davantage de membres de l'armée de Croatie dans les unités de l'ABiH que

 13   dans les unités du HVO. Et l'examen de l'ensemble des documents nous prouve

 14   les éléments des documents qui fournissent des informations sur les

 15   volontaires partis de la Croatie pour s'en aller dans le HVO, et plus tard,

 16   à partir de la création de l'ABiH, ils sont passés dans les rangs de cette

 17   armée-là, qui a défendu la Bosnie-Herzégovine face à la JNA, tout comme l'a

 18   fait le HVO. Mais cela aurait exigé un examen plus approfondi des

 19   documents, et cet examen est tout à fait possible.

 20   Il ne fait aucun doute que le président croate, Franjo Tudjman, a

 21   exercé une certaine influence politique au sein de la HZ HB du HVO. C'est

 22   tout à fait naturel et logique. Les Croates de Bosnie-Herzégovine ont

 23   compris que les intérêts de la République de Croatie et des Croates de

 24   Bosnie-Herzégovine étaient identiques. Ils savaient tous que l'objectif

 25   principal était de se défendre face à l'agression serbe, et cela a été

 26   également l'intérêt de la direction musulmane. Se défendre face à

 27   l'agression serbe signifie défendre le champ de bataille, à savoir les

 28   territoires se situant à la fois en République de Croatie et en Bosnie-


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  1   Herzégovine. L'agresseur, quant à lui, a essayé d'occuper les zones qui

  2   faisaient partie de ses projets indépendamment de l'existence d'une

  3   frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la République de Croatie. Donc ce

  4   n'est pas dans ce fait-là que l'on pourrait trouver des motifs cachés quels

  5   qu'ils soient que la République de Croatie auraient eus pour conquérir une

  6   partie de la Bosnie-Herzégovine et tirer de cela des conclusions que la

  7   République de Croatie a apporté son aide au HVO dans le conflit qui l'a

  8   opposé à l'ABiH.

  9   A présent, je souhaite encore évoquer la question de l'occupation,

 10   comme l'affirme le Procureur dans son mémoire en clôture :

 11   "… la culpabilité de Slobodan Praljak, due à l'occupation alléguée de

 12   certaines parties de la Bosnie-Herzégovine par la Croatie, l'Accusation

 13   commet une erreur au niveau de son analyse à la fois juridique et

 14   factuelle. Avant d'examiner cette erreur dans le détail, je souhaite

 15   marquer une pause pendant quelques instants et réfléchir un petit peu aux

 16   questions que pose l'Accusation et ce que demande l'Accusation aux Juges de

 17   la Chambre du point de vue des citoyens de la BiH.

 18   "Pour une famille d'un volontaire qui était né en Bosnie-Herzégovine,

 19   dont la famille multiethnique est originaire de Bosnie-Herzégovine, qui a

 20   remarqué l'agression serbe qui menaçait leur famille et leur communauté,

 21   qui a voté dans des élections locales où le parti local HDZ-BiH a gagné les

 22   élections, qui s'est porté volontaire dans l'une des forces armées

 23   multiethniques de Bosnie-Herzégovine, qui s'est battu et qui est mort pour

 24   protéger leur famille de l'agression serbe, pour la famille de cet ancien

 25   combattant tombé, l'Accusation souhaite que les Juges de la Chambre disent

 26   ce qui suit : Votre fils était un occupant, il faisait partie de

 27   l'occupation étrangère en Bosnie-Herzégovine. Si, d'aventure, il s'était

 28   porté volontaire pour rejoindre le HVO, à ce moment-là, c'était un occupant


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  1   croate. Cela n'a pas d'importance s'il ne s'était jamais rendu en Croatie.

  2   Cela n'a pas d'importance si lui et sa famille étaient musulmans ou croates

  3   ou d'appartenance ethnique mixte. Cela n'a pas d'importance si la force

  4   municipale s'est battue simplement pour la défense de sa municipalité, que

  5   ceci était organisé, qu'il était payé par les gens du cru et qu'il fait peu

  6   de cas des ordres émanant de la municipalité de cet échelon-là. Ses pensées

  7   n'ont pas d'importance, ce qu'il pensait, pour qui il se battait, ou

  8   comment il est mort, même si sa seule intention jusqu'à la fin était de

  9   défendre son propre village, voire peut-être même au sens plus large, sa

 10   municipalité de l'agression serbe.

 11   "Bien évidemment, l'Accusation souhaite que vous dites, Messieurs les

 12   Juges, parce que les méfaits qui ont lieu dans une guerre doivent être

 13   attribués à quelqu'un et parce que le droit et le bon sens sont tellement

 14   malléables aux yeux d'aucun : Votre fils doit être déclaré un occupant

 15   devant un tribunal pénal. Des milliers comme lui doivent être considérés

 16   comme des occupants étrangers de leur propre pays, le pays pour lequel ils

 17   sont morts, la terre sous laquelle ils gisent actuellement. Messieurs les

 18   Juges, il ne s'agit pas de quelque chose de raisonnable, et vous, les Juges

 19   de la Chambre, vous ne devriez pas dire cela même si c'est ce que

 20   l'Accusation souhaite que vous dites.

 21   "Si ce même fils, ou son frère dans un village voisin, s'était porté

 22   volontaire pour rejoindre l'ABiH plutôt que de rejoindre le HVO, il ne

 23   serait pas considéré comme un occupant étranger par l'Accusation, malgré

 24   les armes étrangères, malgré les soldats étrangers, malgré l'influence

 25   étrangère au sein de l'ABiH. Et l'Accusation a raison de ne pas appeler

 26   l'ABiH un occupant étranger, en dépit de tout ceci. Mais l'Accusation se

 27   trompe lorsqu'elle appelle les anciens combattants morts de Bosnie-

 28   Herzégovine des occupants si, d'aventure, ils s'étaient portés volontaires


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  1   pour rejoindre les forces armées de Bosnie-Herzégovine, envers lesquelles

  2   ils ne sont pas favorables dans le procès en l'espèce."

  3   Nous savons qui a la faveur de l'Accusation.

  4   L'Accusation commet une erreur de droit. Car l'Accusation assume que parce

  5   que, d'après leur avis, et ils se trompent, ils ont démontré qu'il y avait

  6   un conflit international armé. L'Accusation a également établi qu'il y

  7   avait une occupation étrangère et armée par la Croatie à certains lieux et

  8   endroits où des crimes allégués ont été commis. Il s'agit manifestement

  9   d'une erreur. L'existence d'un conflit armé international et l'existence

 10   d'une occupation constituent des questions distinctes.

 11   Dans le jugement de Naletilic, au paragraphe 214, il est établi qu'un degré

 12   important de contrôle, plutôt qu'un contrôle général, est requis pour

 13   établir qu'il y a occupation. Au paragraphe 218, il est établi que

 14   l'Accusation doit prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'une

 15   puissance occupante avait, en réalité, le contrôle et l'autorité aux

 16   périodes en question et aux endroits en question. L'influence ne suffit

 17   pas.

 18   La Défense Praljak fait valoir que le gouvernement de la République de

 19   Croatie a peut-être exercé une influence à la fois sur l'ABiH et sur le

 20   HVO, compte tenu du fait qu'elle apportait son assistance aux deux, mais la

 21   République de Croatie n'a pas occupé la Bosnie-Herzégovine par le

 22   truchement du HVO, pas plus que par le truchement de l'ABiH non plus.

 23   L'Accusation se repose sur une opinion dissidente rendue par la Cour

 24   internationale de justice, l'opinion dissidente et distincte de Korman dans

 25   la République démocratique du Congo contre l'Ouganda.

 26   Le droit international, tel que reflété dans les jugements de la Cour

 27   internationale de justice, applique des critères très stricts qui vont au-

 28   delà de l'opinion dissidente sur laquelle se fonde l'Accusation. Dans


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  1   l'affaire susmentionnée, la République démocratique du Congo contre

  2   l'Ouganda, 2005, paragraphe 177, la CIJ a estimé que soit l'Etat doit

  3   disposer d'un contrôle effectif sur les groupes rebelles ou l'Etat doit

  4   avoir un contrôle effectif direct sur la zone. Voici le critère qui

  5   convient. Le HVO doit prouver qu'il était effectivement identique à l'armée

  6   croate en termes de contrôle croate si on veut prouver que c'était le

  7   gouvernement croate qui exerçait le contrôle. Ceci ne peut pas être prouvé

  8   parce que ceci n'est pas vrai.

  9   La Défense Praljak renvoie les Juges de la Chambre à d'autres décisions

 10   importantes sur la responsabilité d'Etat et du contrôle lorsqu'il y a

 11   présence de forces armées nationales; le Nicaragua contre les Etats-Unis et

 12   la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie-et-Monténégro.

 13   Il y aura des conséquences graves si les Juges de la Chambre continuent à

 14   fragmenter le droit international tel qu'encouragé par l'Accusation.

 15   Tel qu'établi par la Commission du droit international dans leur rapport en

 16   2006 sur la fragmentation du droit international, à la page 36, une telle

 17   fragmentation réduit les garanties légales en rendant le droit imprévisible

 18   et diminue le rôle de la justice, parce que les droits des individus

 19   dépendent de la juridiction qui fait appliquer ces droits.

 20   Il est également important d'insister sur les critères juridiques qu'écarte

 21   l'Accusation. Dans une situation où les combats sont toujours en cours, la

 22   loi d'occupation ne s'applique pas. C'est quelque chose que je vais aborder

 23   maintenant parce que je vais aborder les erreurs de fait commises par

 24   l'Accusation.

 25   L'Accusation a commis une erreur eu égard à l'application du droit aux

 26   faits en l'espèce. C'est une approche caractéristique de l'Accusation. Tel

 27   qu'indiqué dans son mémoire en clôture, l'Accusation n'explique pas

 28   clairement qui est la puissance occupante alléguée. En parcourant leur


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  1   mémoire en clôture, on ne trouve pas une phrase claire telle que : "La

  2   République de Croatie a occupé la Bosnie-Herzégovine." Peut-être qu'il est

  3   même embarrassant ou gênant de prononcer ces termes. Quoi qu'il en soit,

  4   ceci a été impliqué, mais aucune déclaration alléguée n'a été prouvée.

  5   L'analyse factuelle de l'Accusation se fonde sur deux critères, critères

  6   pour lesquels, cela étant dit, l'Accusation ne fournit aucune preuve. Le

  7   premier critère est celui de la puissance occupante qui rend les autorités

  8   occupées incapables de fonctionner dans le domaine public ou de contrôler

  9   le secteur. Ce critère est le même critère retenu dans les principes

 10   énoncés dans l'affaire Naletilic. La plupart de ces principes sont des

 11   principes qu'ignore l'Accusation, parce que l'Accusation ne peut pas étayer

 12   ses allégations et ne peut certainement pas les étayer par des preuves. Le

 13   deuxième critère est que la puissance occupante est en mesure d'exercer son

 14   autorité sur l'ensemble du territoire. Si on applique le critère de

 15   l'Accusation de façon objective, ceci devrait faire comprendre que

 16   l'affirmation de l'Accusation qui précise que la Croatie a occupé la

 17   Bosnie-Herzégovine est une erreur. L'Accusation n'a certainement pas prouvé

 18   que la Croatie a occupé la Bosnie-Herzégovine pendant la période en

 19   question et qu'elle occupait le territoire dans tous les secteurs où les

 20   crimes ont été commis comme il est allégué.

 21   Pour ce qui est du premier critère, à savoir que la puissance occupante a

 22   rendu les autorités occupées incapables de fonctionner sur le plan public

 23   ou de contrôler la région, je dois vous faire part de quelques

 24   observations.

 25   Si nous, simplement pour pouvoir vous présenter des arguments, si nous

 26   imaginons que la République de Croatie a, en réalité, occupé une partie du

 27   territoire, la question qui se poserait dans ce cas serait : qui sont les

 28   autorités occupées qui n'ont pas pu fonctionner par ce fait ? Comme je l'ai


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  1   dit un peu plus tôt, il n'y avait aucune autorité gouvernementale qui

  2   fonctionnait dans ce secteur. Le HVO a assumé son autorité sur le plan

  3   local essentiellement parce qu'il n'y avait aucun gouvernement effectif.

  4   L'Accusation a simplement assumé qu'étant donné que le HVO avait établi un

  5   quelconque contrôle sur une partie du territoire dans le cadre des

  6   frontières de la BiH, que ce territoire était gouverné jusque-là par le

  7   gouvernement de Sarajevo avant d'être repris par le HVO. Messieurs les

  8   Juges, cette présomption est erronée. Il n'y avait pas de structure

  9   gouvernementale qui fonctionnait à proprement parler en Bosnie-Herzégovine

 10   dans ces secteurs. L'ancien gouvernement socialiste a cessé d'exister ou de

 11   fonctionner. Le nouveau gouvernement de la BiH indépendant n'était pas en

 12   mesure d'imposer une quelconque gouvernance qui pouvait fonctionner.

 13   L'Accusation, de façon caractéristique, assume, sans pouvoir l'étayer par

 14   un quelconque fait ou analyse, que pour une municipalité donnée, le

 15   gouvernement du HVO élu et la force défense multiethnique constituent la

 16   puissance occupante. De même, la partie qui a perdu les élections

 17   municipales et qui a mené une campagne de discrimination active contre les

 18   Croates de souche constitue "la puissance occupée."

 19   La Défense Praljak fait valoir que les gouvernements municipaux du

 20   HVO élus, que les forces de défense municipales et que les institutions

 21   établies pour assurer la coordination entre ces instances, dans les

 22   meilleures conditions possibles, ne peuvent pas être considérés comme une

 23   puissance occupante. Il s'agissait d'instances nationales, et des instances

 24   nationales n'occupent pas le pays.

 25   Il est important de se rappeler que Slobodan Praljak était membre des

 26   deux, à la fois membre de l'ABiH et membre du HVO, comme vous le

 27   constaterez d'après les éléments de preuve présentés. On est en droit de se

 28   demander si l'Accusation assume qu'il occupait lui-même, comme les


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  1   volontaires locaux, apparemment, avaient mis en scène une occupation

  2   étrangère de leurs propres foyers. La puissance du HVO n'émanait pas d'une

  3   invasion étrangère par la Croatie, comme ce serait le cas dans une

  4   occupation. Cela émanait des forts de la base et du terrain pour essayer de

  5   gérer le chaos.

  6   Pour ce qui est des suggestions faites, qui sont erronées, que la

  7   Croatie était responsable de l'incapacité du gouvernement de Sarajevo à

  8   fonctionner dans le domaine public et à contrôler le secteur, la Défense

  9   Praljak fait valoir que pour la Croatie, le gouvernement de Sarajevo

 10   n'aurait pas pu conserver la "municipalité de Sarajevo" sans la Croatie.

 11   C'était le seul pouvoir de facto qu'elle détenait pendant la durée du

 12   conflit. Sans l'appui actif de la Croatie, le gouvernement de Sarajevo

 13   aurait été complètement débordé. La Croatie était l'anti-occupant de la

 14   Bosnie-Herzégovine en face de la véritable agression serbe. Toute aptitude

 15   dont disposait le gouvernement de Sarajevo en face de l'avancée serbe était

 16   seulement due au fait que le gouvernement de Croatie a fourni de l'aide aux

 17   forces de défense qui étaient sur un pied d'égalité, l'ABiH et le HVO. Si

 18   on cherche à tout prix à établir la raison de l'incapacité du gouvernement

 19   de Sarajevo, les éléments de preuve détournent l'attention de Zagreb bien

 20   manifestement. Il y a des raisons évidentes qui permettent d'expliquer

 21   l'incapacité du gouvernement de Sarajevo et qui sont tout à fait ignorées

 22   par l'Accusation, qui se focalise sur Zagreb. Le gouvernement de Zagreb a

 23   manqué de capacité ou d'aptitudes en la matière parce que la faute en

 24   revenait à Belgrade et non à Zagreb. Le gouvernement de Sarajevo a manqué

 25   de capacité parce que ces manquements étaient dus à leur politique qui

 26   était biaisée sur le plan ethnique. Le gouvernement de Sarajevo n'a pas eu

 27   cette capacité ou ces aptitudes parce que la communauté internationale

 28   l'avait mis sous embargo, alors que l'agression serbe se poursuivait.


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  1   Donc ce qu'on laisse entendre, c'est que la République de Croatie

  2   avait occupé la Bosnie-Herzégovine tout en aidant et armant la Bosnie-

  3   Herzégovine. Et je crois qu'il faut écarter cette idée-là parce qu'il

  4   s'agit d'une idée absurde.

  5   De même, même si l'Accusation prouve, ce que l'Accusation n'a pas

  6   fait, que le HVO ressemblait en tous points à l'armée croate en terme de

  7   fonctionnement, ce qui n'est certainement pas le cas, est-ce que

  8   l'Accusation laisse entendre, et ce, de façon sérieuse, que si les unités

  9   de Bosnie du HVO local n'avaient pas été formées dans ces secteurs, ces

 10   secteurs n'auraient pas été débordés par la JNA ou la VRS ? Si le HVO avait

 11   été démantelé à un quelconque moment, l'ABiH aurait été complètement

 12   débordée par la JNA ou la VRS. Le HVO faisait partie des forces armées de

 13   la BiH. Ceci a été prouvé, par exemple, par les pièces 1D 00507, 2D 00628,

 14   4D 00410 et suivantes. Le HVO a sauvé l'ABiH. Donc l'ABiH n'a pas été

 15   débordée et n'a pas occupé le pays qu'elle a sauvé.

 16   Eu égard au deuxième critère identifié par l'Accusation, à savoir que

 17   les soi-disant puissances occupantes étaient en mesure d'exercer son

 18   autorité sur l'ensemble du territoire, la Défense Praljak fait valoir que

 19   l'Accusation assume tout simplement, sans aucune preuve,sans aucune preuve,

 20   que parce que le gouvernement de Sarajevo était incapable, la République de

 21   Croatie devait manifestement avoir un commandement et un contrôle de tous

 22   les secteurs à tout moment où les crimes allégués se sont produits. Et l'un

 23   n'est pas une conséquence logique de l'autre. Ce n'est pas parce que le

 24   gouvernement de Sarajevo a peut-être été incapable, à un moment ou à

 25   certains moments, cela ne signifie pas pour autant que la République de

 26   Croatie était en position d'exercer son autorité sur l'ensemble du

 27   territoire aux endroits pertinents et à la période en question. Si

 28   l'Accusation avait eu l'intention de prouver ce fait, plutôt que de


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  1   l'assumer, l'Accusation aurait dû prouver au moins deux faits eu égard à

  2   chaque situation. Tout d'abord, l'Accusation aurait dû prouver qu'il n'y

  3   avait pas de combats dans le territoire soi-disant occupé. Pas seulement

  4   entre l'ABiH et le HVO, mais entre le HVO et la JNA et la VRS. Cela ne

  5   relève pas de la responsabilité de la Défense Praljak de démontrer des

  6   combats en cours, quand bien même elle l'a fait. Plutôt, c'est une

  7   obligation qui incombe à l'Accusation de montrer que les combats ont cessé

  8   dans les secteurs qui, d'après l'Accusation, sont occupés.

  9   La JNA et la VRS n'ont jamais cessé de se battre. Bon nombre des

 10   crimes allégués se sont produits au moment où les attaques de l'ABiH contre

 11   le HVO étaient très intenses. L'Accusation a tendance à assumer qu'il y

 12   avait un conflit entre l'ABiH et le HVO et que cela constituait la norme

 13   malgré des contradictions proposées à cet égard, malgré le fait de

 14   contredire ces suppositions qu'il n'y avait pas de conflit et que le HVO

 15   occupait un territoire où il n'y avait pas de conflit. L'Accusation n'a pas

 16   allégué de façon précise ou prouvé qu'il n'y avait pas de combats au moment

 17   où les crimes présumés ont été commis. Par conséquent, l'Accusation n'a pas

 18   prouvé qu'il y avait occupation.

 19   Deuxième point, l'Accusation doit prouver qu'il y avait une chaîne

 20   ininterrompue de contrôle effectif entre le gouvernement de la République

 21   de Croatie aux dirigeants du HVO, des gouvernements municipaux, qui eux-

 22   mêmes étaient en mesure d'exercer l'autorité sur l'ensemble du territoire.

 23   Ce n'est qu'à ce moment-là que la soi-disant puissance occupante de Croatie

 24   -- ce n'est que dans ce cas-là que cette puissance occupante de Croatie

 25   serait en mesure d'exercer son autorité sur l'ensemble du territoire.

 26   Chaque maillon de cette chaîne est rompu. L'influence ne constitue pas le

 27   commandement. La République de Croatie a peut-être influencé, mais elle ne

 28   contrôlait pas les dirigeants du HVO. Les forces municipales ont coopéré


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  1   avec les hauts dirigeants du HVO, mais seulement lorsqu'ils le

  2   souhaitaient. Il ne s'agissait pas d'une structure militaire

  3   professionnelle officielle avec un commandement effectif et un contrôle et

  4   un système de transmission. Les gouvernements municipaux eux-mêmes

  5   n'avaient que des rapports parcellaires, irréguliers et un contrôle partiel

  6   sur l'ensemble de cette situation essentiellement chaotique. Donc il n'y

  7   avait pas d'occupation.

  8   Pour finir, la Défense Praljak doit se demander ce que cette question

  9   a à voir Slobodan Praljak. Slobodan Praljak n'était pas le roi de ces soi-

 10   disant secteurs occupés. Il n'a aucune responsabilité pénale en dehors de

 11   ces périodes où il assumait le commandement militaire. Pendant une très

 12   brève période, il était commandant militaire, et ses forces étaient à la

 13   limite de ses possibilités le long de la ligne de confrontation. Il n'avait

 14   pas de contrôle effectif en dehors des zones où il était présent. Et de

 15   placer un commandement en première ligne, un commandant opérationnel, et de

 16   le placer sous le régime d'une responsabilité effective et stricte pour

 17   l'ABiH et pour la JNA et la VRS et qu'il aurait pris le contrôle de ce

 18   territoire serait un abus tout à fait absurde en termes de droit pénal. La

 19   Chambre de première instance doit résister aux efforts déployés par

 20   l'Accusation de faire avancer le droit dans cette voie-là.

 21   Alors, que ce soit la perspective d'un soldat de Bosnie, considéré comme un

 22   occupant étranger, ou de la perspective d'un volontaire membre à la fois du

 23   HVO et de l'ABiH qui a servi pendant un cours laps de temps de commandant

 24   le long des lignes de front, ou si on se place du point de vue des grandes

 25   questions de la responsabilité d'Etat, la Défense Praljak fait valoir que

 26   les constatations factuelles eu égard à l'occupation doivent être abordées

 27   avec une extrême prudence. Non seulement dû aux principes de présomption

 28   d'innocence ou de dubio pro reo. La Chambre de première instance peut, de


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  1   façon raisonnable, se demander si l'Accusation est, en réalité, en train de

  2   faire le procès de la République de Croatie sans permettre à l'Etat de se

  3   représenter. C'est un Tribunal qui a pour charge d'apprécier la culpabilité

  4   pénale de personnes physiques, et non pas d'évaluer la responsabilité des

  5   Etats. Ce Tribunal a été conçu pour apprécier la position de l'Accusation,

  6   à savoir si elle a prouvé sa thèse particulière de responsabilité pénale

  7   individuelle par rapport aux crimes allégués précis, et non pas de faire

  8   des généralisations historiques qui seraient qui leur conviennent pour des

  9   raisons techniques et légales, pour ceux qui souhaitent utiliser la loi et

 10   la faire plier dans le sens pour que ce procès ait l'issue qui leur

 11   convient.

 12   Dans ce cadre, l'Accusation souhaite alléguer une occupation, et ses

 13   allégations doivent être particulières, et les preuves qu'ils avancent

 14   doivent être en béton. Au lieu de cela, l'Accusation demande aux Juges de

 15   cette Chambre de se transformer en tribunal qui se préoccupe de la

 16   responsabilité des Etats en se fondant sur de vagues affirmations, pour la

 17   plupart non identifiées, et d'éléments de preuve insuffisants. L'Accusation

 18   en demande trop aux Juges de la Chambre. L'Accusation n'a pas réussi à

 19   prouver l'occupation présumée de la Bosnie-Herzégovine par la République de

 20   Croatie, le conflit international et l'occupation par la République de

 21   Croatie. L'Accusation n'a certainement pas pu prouver une quelconque

 22   culpabilité pénale dérivée de Slobodan Praljak pour sa soi-disant

 23   occupation étrangère. Les allégations de l'Accusation eu égard à

 24   l'occupation doivent être rejetées.

 25   Messieurs les Juges, si vous me le permettez, Mme Pinter va poursuivre.

 26   Ensuite, M. Praljak souhaite utiliser ses 30 minutes. Avec votre

 27   permission, nous aller décider si M. Praljak va prendre la parole

 28   aujourd'hui ou lundi. Je crois que ce sera plutôt lundi, de façon à ce


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  1   qu'il n'y ait pas trop de pression, mais nous verrons au fil de l'évolution

  2   de cette audience.

  3   Merci, Messieurs les Juges.

  4   Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

  5   Juges. Bonjour à tout un chacun dans le prétoire et autour du prétoire.

  6   Comme mon confrère, Me Kovacic, l'a dit, dans ma partie de notre

  7   plaidoirie, je vais proposer une analyse du mémoire en clôture de

  8   l'Accusation. Je vais mettre en évidence les interprétations erronées du

  9   Procureur, les paragraphes du mémoire en clôture du Procureur qui

 10   contiennent des citations inexactes de documents sur lesquels le paragraphe

 11   en question s'appuie, et les affirmations que met en avant le Procureur en

 12   s'appuyant sur des extraits sortis de leur contexte, de conversations ou de

 13   phrases, ce qui conduit à une présentation erronée des faits.

 14   Parmi tout ce que nous avons entendu de la part du Procureur, que ce soit

 15   dans son réquisitoire ou dans son mémoire en clôture, je ne conviendrais

 16   que d'une seule chose, à savoir sa propre évaluation consistant à dire

 17   qu'il n'a peut-être pas présenté sa thèse de la meilleure façon possible.

 18   Le Procureur ne prend absolument pas en compte le fait que les événements

 19   pour lesquels le général Praljak est mis en Accusation se déroulent pendant

 20   une guerre. Or, la guerre présuppose au moins deux forces en présence et en

 21   conflit. Le général Praljak, à la tête de l'état-major principal, ne

 22   combattait pas la population musulmane, mais l'ABiH.

 23   Quant à ce que représente la guerre et les conséquence qu'elle a sur

 24   les personnes, ainsi que la façon dont les hommes changent en situation de

 25   guerre, nous en trouvons une description par Rudy Gerritsen dans le

 26   document 3D 991. C'est à la lumière de cette description qu'il convient

 27   d'évaluer les actes, les possibilités et les paroles du général Praljak

 28   lorsque l'on s'efforce d'évaluer les éléments de preuve.


Page 52449

  1   Le document que je viens de citer est le 3D 991.

  2   Je souhaite attirer votre attention sur les interprétations inexactes

  3   figurant dans le mémoire en clôture de l'Accusation ainsi que sur les

  4   interprétations erronées qui sont faites du mémoire en clôture de la

  5   Défense Praljak.

  6   Tout d'abord, la Défense n'a jamais reconnu ni accepté l'existence d'une

  7   entreprise criminelle commune. Au contraire, la toute première phrase du

  8   mémoire en clôture de notre Défense affirme qu'aucune entreprise criminelle

  9   commune n'existe.

 10   La Défense n'a pas repris à sa charge le rôle du Procureur et n'a pas

 11   montré du doigt ni les co-accusés ni d'autres personnes en s'efforçant de

 12   rejeter sur eux quelque forme de culpabilité que ce soit.

 13   La Défense s'est contentée de répondre aux paragraphes de l'acte

 14   d'accusation et a attiré l'attention sur les documents qui réfutent lesdits

 15   paragraphes. Si dans un certain paragraphe de l'acte d'accusation on

 16   allègue que les autorités de la HZ HB seraient responsables, la Défense

 17   s'est concentrée sur cette position précise de l'Accusation telle qu'elle

 18   est décrite audit acte d'accusation.

 19   La Défense a appuyé ses affirmations consistant à dire que le général

 20   Praljak n'est pas responsable en s'appuyant sur des documents. Elle n'a pas

 21   montré du doigt d'autres personnes, ce dont chacun a pu se convaincre en

 22   lisant le mémoire en clôture de la Défense, y compris le Procureur

 23   d'ailleurs. Le général Praljak, dans sa déposition, n'a jamais dit que le

 24   Dr Prlic ou que des civils auraient été responsables des camps.

 25   Je vais maintenant passer à l'analyse paragraphe par paragraphe, ceux qui

 26   concernent le général Praljak. A cet effet, je dois dire que, dans le cadre

 27   du temps qui nous est alloué, il est impossible d'aborder chacun de ces

 28   paragraphes, ce qui est dommage parce que chacun d'eux mériterait une


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  1   analyse extrêmement détaillée.

  2   Au paragraphe 42, le Procureur suggère que Praljak aurait ordonné le

  3   transfert des prisonniers de l'endroit où il travaillait le jour où il

  4   aurait eu une conversation avec un représentant d'une organisation

  5   internationale, mais qu'après cette conversation, on aurait fait revenir

  6   les prisonniers en question à leurs travaux. On allègue également que le

  7   commandant de la zone, le 8 septembre 1993, aurait ordonné que l'on prélève

  8   un certain nombre de prisonniers et que Praljak n'aurait rien fait afin de

  9   s'assurer que ceci ne survienne pas. A l'appui de cette affirmation, le

 10   Procureur cite le document P 04256. Ce document porte la date du 17 août

 11   1993, bien qu'à la page d'en-tête on puisse voir qu'il a été envoyé par fax

 12   à la date du 15 août 1993, c'est-à-dire deux jours avant la rédaction du

 13   document. Dans ce document ne figure pas la moindre mention selon laquelle

 14   l'auteur de ce dernier aurait abordé de quelque façon que ce soit dans une

 15   conversation le sujet des travaux forcés avec le général Praljak. Le

 16   Procureur se livre à des conjectures lorsqu'il dit que l'ordre du général

 17   Praljak du 17 août 1993 serait la conséquence de sa rencontre avec l'auteur

 18   de ce document. Par conséquent, ceci ne peut être le fondement d'une

 19   évaluation par la Chambre de première instance dudit comportement.

 20   Un autre document cité à l'appui par le Procureur concernant cette

 21   affirmation est le P 04517. Ce document ne montre pas que son auteur se

 22   serait entretenu avec le général Praljak et l'aurait informé du fait que

 23   des prisonniers étaient envoyés aux travaux forcés. L'auteur de ce rapport

 24   ne précise pas quelle est la qualité des prisonniers. On ne fournit aucune

 25   preuve aux Juges de la Chambre quant à la qualité des personnes qui

 26   accomplissaient ces travaux; s'agissaient-il de prisonniers de guerre, de

 27   détenus, s'agissaient-il de conscrits placés en isolement, de civils ou de

 28   membres du HVO ? La qualité des personnes employées à ces travaux est


Page 52451

  1   pourtant essentielle du point de vue d'une qualification juridique.

  2   Quant au document P 09736, il s'agit encore une fois d'un document

  3   censé appuyer l'affirmation figurant dans ce même paragraphe. Il s'agit de

  4   la liste des personnes employées à ces travaux, mais ce document ne peut

  5   rien indiquer d'autre aux Juges de la Chambre que le fait que 20 personnes

  6   étaient employées à ces travaux à Jurici et que c'est également un Musulman

  7   qui avait la responsabilité de ces personnes, le même que celui qui a

  8   d'ailleurs fourni le rapport concernant ces événements. Quant à la nature

  9   exacte des travaux dont il s'agissait, nous l'ignorons. Il n'y a aucun

 10   élément de preuve indiquant d'ailleurs qu'à la date du 1er septembre 1993,

 11   à laquelle ce document a été rédigé, il y ait eu la moindre opération

 12   militaire en cours à Jurici ou dans les environs.

 13   Le document suivant censé confirmer l'affirmation du paragraphe 42

 14   est le P 04877. Ce document n'indique en aucune façon que l'ordre aurait

 15   été la conséquence des ordres donnés par le général Praljak, et il ne

 16   montre pas non plus que le document aurait été transmis à l'état-major

 17   principal. Par conséquent, comment le Procureur peut-il affirmer que le

 18   général Praljak pouvait être au courant des travaux auxquels étaient

 19   envoyés les prisonniers ?

 20   Le document P 4235 est censé prouver, selon l'Accusation, qu'ils étaient

 21   obligés de recourir aux Musulmans en raison des problèmes rencontrés avec

 22   la mobilisation des Croates. Mais une telle conclusion est tout simplement

 23   inexacte. Aucun élément de preuve n'a été présenté qui démontrerait

 24   indubitablement que le général Praljak aurait, A, ordonné; B, approuvé; C,

 25   été informé et qu'il aurait omis de réagir aux travaux accomplis par les

 26   prisonniers. Le général Praljak, dans sa déposition, n'a jamais dit que le

 27   moindre prisonnier ou détenu aurait pu travailler, pas plus qu'il ne l'a

 28   affirmé pour les membres capturés de l'ABiH.


Page 52452

  1   Le paragraphe suivant est le 211. J'attire votre attention simultanément

  2   sur la page numéro 51 952 du compte rendu d'audience. Le Procureur affirme

  3   là que Praljak aurait menti concernant l'accord passé avec Izetbegovic

  4   ainsi que l'accord de resubordination, ce dernier étant lié à la décision

  5   du 15 janvier 1993, qui portait le titre temporaire dans sa version de

  6   travail "Ultimatum". Pour ce qui concerne cette affirmation selon laquelle

  7   Praljak aurait menti, le Procureur n'a fourni aucune preuve en dehors de ce

  8   qui consiste à dire qu'il n'est pas vraiment crédible de dire qu'il se

  9   serait agi d'un accord oral. Le Procureur dit qu'Izetbegovic parle là d'un

 10   malentendu potentiel et considère qu'il s'agit là d'une preuve du mensonge

 11   de Praljak.

 12   Mais la Défense souhaiterait attirer l'attention des Juges de la Chambre

 13   sur la pièce P 1158. Ce document date du 15 janvier 1993. Il s'agit du

 14   procès-verbal d'une réunion tenue dans le bureau du président Tudjman. Le

 15   Procureur cite également ce procès-verbal à l'appui, mais ce qui est

 16   essentiel, et c'est concernant le général Praljak, notamment en rapport

 17   avec sa déposition dans ce prétoire, a été consigné dans la page 20 de la

 18   traduction anglaise. On y trouve consignés les propos tenus par Gojko Susak

 19   à l'attention d'Alija Izetbegovic concernant les discussions portant sur la

 20   resubordination ainsi que les raisons expliquant le changement de position

 21   d'Alija Izetbegovic. Je veux croire que les Juges de la Chambre voudront

 22   bien lire le procès-verbal en question et ne se satisferont pas des

 23   citations faites par l'Accusation.

 24   Paragraphe 233. Le Procureur, entre autres, y affirme que Susak aurait

 25   menacé Izetbegovic et qu'il aurait dit que la Bosnie-Herzégovine n'allait

 26   pas recevoir d'armes si jamais Izetbegovic ne signait pas cette

 27   déclaration. Et le Procureur se réfère au document P 1739, qui est

 28   également un procès-verbal d'une réunion dans le bureau du président, pages


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  1   26 et 27. Mais rien dans ce procès-verbal ne parle d'une hostilité envers

  2   les Musulmans. Ce que l'on voit dans ce procès-verbal tout à fait

  3   clairement, c'est le fait que Praljak se trouve en Bosnie-Herzégovine au su

  4   et avec l'accord de M. Izetbegovic. Les documents montrent que Jaganjac et

  5   Praljak se trouvent ensemble en Bosnie-Herzégovine, qu'ils tiennent des

  6   réunions conjointes et qu'ils s'efforcent d'apaiser la situation afin que

  7   ceux qui sont des alliés ne se retrouvent pas en conflit. Ils apaisent donc

  8   les tensions. Praljak s'emploie à cela dès la fin du mois d'octobre 1992 en

  9   se rendant dans les régions de Prozor, Vakuf et Travnik. Nous avons abordé

 10   ce sujet dans notre mémoire en clôture d'ailleurs.

 11   Quant à cette menace qu'évoque le Procureur, je dois ici dire que cette

 12   menace ne concernait pas la signature de l'accord de resubordination, mais

 13   qu'elle concernait Konjic. Ceci est clairement visible à partir du document

 14   P 1739. A ce moment-là, à Konjic, nous assistons au début d'une série

 15   d'attaques dirigées contre le HVO, et le 20 mars 1993, les représentants de

 16   l'ABiH élaborent cet accord consistant à dire qu'à partir de maintenant, il

 17   n'y aura plus d'actions conjointes avec le HVO. Le document 2D 00253 en

 18   témoigne.

 19   Dans le paragraphe 242, qui porte sur le second ultimatum du 15 avril 1993,

 20   le Procureur se réfère au document P 1942, daté du 19 avril 1993. Il s'agit

 21   d'un document versé par l'intermédiaire du Témoin Okun, et quant à moi, je

 22   souhaite souligner la conclusion figurant dans ce document qui dit :

 23   "La situation est critique, et tant que les plus hautes autorités civiles

 24   de Bosnie-Herzégovine ne s'engageront pas afin de trouver une solution à

 25   cette situation, il ne sera pas possible d'espérer une solution pacifique

 26   dans un avenir proche."

 27   Le document P 02458 est également cité. Il s'agit du rapport de Mazowiecki

 28   daté du 19 mai 1993, et au point numéro 7, il est question de : 


Page 52454

  1   "L'importance stratégique de la vallée de la Lasva, selon le plan Province

  2   numéro 10, une majorité croate siège à Travnik. Les Musulmans ne sont pas

  3   disposés à accepter cela."

  4   Donc les documents sur lesquels le Procureur s'appuie montrent, en réalité,

  5   que la paix entre les Musulmans et les Croates dépendait des Musulmans.

  6   "Quant au transfert des Croates de Bosnie orchestré par Tudjman," comme on

  7   peut le lire dans l'un des titres du mémoire en clôture de l'Accusation,

  8   dans les paragraphes 262 à 293. Je rappelle que mon confrère, Me Karnavas,

  9   a abordé ce sujet du point de vue des dépositions des témoins qu'il a

 10   analysées. Quant à moi, je voudrais l'aborder du point de vue des documents

 11   sur lesquels s'appuie le Procureur pour avancer cette affirmation.

 12   Les paragraphes 276 à 292 nous parlent de la propagande du HVO. Il y est

 13   dit que, selon cette propagande, des crimes musulmans auraient été commis

 14   alors que les rapports émanant du terrain indiquent qu'il n'y aurait pas eu

 15   davantage que quelques escarmouches avec peu de victimes. Les rapports

 16   parlent du transfert de milliers de Croates de Travnik de nuit et en

 17   secret. La déposition d'Azra Krajsek est censée appuyer ceci. Il s'agit

 18   d'une déposition figurant en page 20 114 du compte rendu d'audience, où

 19   l'on peut  lire : Personne n'a confirmé avoir vu des Moudjahidines.

 20   Cependant, les rapports des Nations Unies, les documents émanant des

 21   observateurs et d'autres documents confirment que les Moudjahidines étaient

 22   bel et bien présents et ont participé aux opérations de l'ABiH.

 23   Le Témoin Filipovic, lorsque M. le Juge Antonetti lui a posé une question,

 24   a confirmé leur existence, ce qui est consigné aux pages 47 561, ligne 2 du

 25   compte rendu jusqu'à 47 561, ligne 21.

 26   Concernant la participation des Moudjahidines du côté de l'ABiH, nous avons

 27   également les éléments de preuve suivants : 2D 1407, 2D 1262, P 06697, page

 28   7, paragraphes 29 et 30, ainsi que 3D 01914, 4D 00597, 3D 00331. Je répète


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  1   - excusez-moi - un numéro qui n'a pas été consigné au compte rendu, 2D

  2   1407.

  3   Les conséquences des actions offensives de l'ABiH ont été la chute de

  4   Bugojno et l'afflux de Croates qui fuyaient Bugojno. Avant cela même, les

  5   Croates avaient fui Kakanj et Travnik. Ils ne sont pas venus à Prozor,

  6   Rama, à Vares, ou plus tard en Herzégovine, parce que cela aurait été le

  7   résultat d'une propagande. Mais ils souhaitaient simplement sauver leur

  8   peau, comme l'a décrit le Témoin Filipovic. C'est ce que nous souhaitons

  9   souligner. Le Procureur cite la réponse du Témoin Filipovic au paragraphe

 10   292. Cependant, la réponse sur laquelle le Procureur s'appuie comme étant

 11   celle devant étayer son affirmation est une réponse fournie par le Témoin

 12   Filipovic lorsqu'une question lui a été posée sur le document 4D 567. Ceci

 13   est consigné en page 47 556 du compte rendu d'audience. Il s'agit là d'une

 14   carte qui lui a été présentée et sur laquelle figurent la situation en

 15   novembre 1993 ainsi que, plus précisément, la situation des réfugiés. La

 16   réponse du général Filipovic a consisté à dire :

 17   "N'abandonnez pas votre domicile si votre vie n'est pas menacée."

 18   La réponse du Témoin Filipovic est donc liée à cette question à laquelle il

 19   répondait, et compte tenu de cela, on ne peut pas la considérer comme un

 20   argument plausible à l'appui de la thèse du Procureur. Il n'est pas

 21   possible d'établir là un lien avec la thèse du Procureur selon laquelle ce

 22   serait la propagande qui aurait causé le retrait des Croates et selon

 23   laquelle il y aurait eu un nettoyage ethnique à rebours orchestré.

 24   A compter de juin 1993, pendant l'offensive de l'ABiH, ne serait-ce qu'à

 25   Travnik, la population des Croates a été diminuée de 20 000 personnes; à

 26   Kakanj, elle a été réduite de 15 000; à Bugojno, de 15 000 également. Les

 27   Croates de Bosnie centrale ne sont pas partis dans le cadre de la mise en

 28   œuvre de la politique d'une entreprise criminelle commune, mais en raison


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  1   de l'offensive virulente de l'ABiH visant les territoires où vivaient des

  2   Croates. Leur motivation était la peur de l'ABiH et de ses activités de

  3   guerre, et non pas la propagande du HVO. C'est cela qui les a amenés à

  4   fuir.

  5   Correction au compte rendu d'audience : c'était 15 000 Croates en moins

  6   pour Kakanj.

  7   Les Croates de Travnik, de Kakanj, de Bugojno et de Vares n'ont pas fui de

  8   leur propre gré. Ils ont fui pour essayer de sauver leurs vies face aux

  9   attaques de l'ABiH, et non pas pour accomplir les objectifs de Franjo

 10   Tudjman ou de Slobodan Praljak, qui auraient, dans ce cas-là, été également

 11   les leurs, ils auraient dû être également leurs objectifs, parce que s'ils

 12   étaient partis de leur propre chef, dans ce cas-là, eux aussi devraient

 13   être considérés comme membres de l'entreprise criminelle commune

 14   participant à cette dernière. Les éléments de preuve nous montrent,

 15   cependant, autre chose : la pièce 1D 01654 notamment, il s'agit du

 16   troisième acte d'accusation modifié dans l'affaire Hadzihasanovic, et nous

 17   avons également les pièces P 3337, la pièce 3D 837, le 3D 1731, 2D 1407, 3D

 18   2632, 3D 2775.

 19   Concernant cette partie du mémoire final de l'Accusation qui concerne

 20   Ljubuski, Stolac et Capljina, je souhaiterais simplement attirer votre

 21   attention sur le paragraphe 353 et l'affirmation que l'on y trouve selon

 22   laquelle il y aurait eu mise en place de règles croates, de la langue

 23   croate, du programme scolaire croate et installation également du drapeau

 24   croate. Tout ceci était censé décrire l'attitude du HVO à l'égard des

 25   Musulmans et un processus de croatisation.

 26   Mais tout d'abord, je souhaite dire ici qu'il ne s'agissait pas du drapeau

 27   de la République de Croatie, mais de celui du peuple croate en Bosnie-

 28   Herzégovine. Cependant, j'attire également l'attention des Juges sur le


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  1   document 3D 03228. Il s'agit du "soldat herzégovin". C'est une publication

  2   d'un journal du 4e Corps de l'ABiH, et ce journal est donc édité en février

  3   1993. Je répète la référence, 3D 03228. Ce document nous décrit le mois de

  4   janvier 1993, le bombardement de Mostar, mais également celui de Stolac. Le

  5   23 janvier 1993, Stolac est pilonné par la VRS; le 24 janvier 1993, Stolac

  6   est bombardé par la VRS également; le 1er février 1993, on enregistre des

  7   attaques visant Stolac, plus de 500 obus visant les lignes, 20 obus visant

  8   la ville de Stolac; et le 2 février 1993, l'attaque contre Stolac se

  9   poursuit. C'est conjointement avec le HVO qu'ils ont défendu Stolac. C'est

 10   ce qu'écrit ce journal. Il est également question de Pocitelj et du passage

 11   de 12 000 civils. A ce sujet, nous avons également eu l'occasion d'entendre

 12   ce qu'il en était. Des combats intenses s'en sont ensuivis, et à la période

 13   du Bajram, le drapeau aux fleurs de lys avait été hissé sur la mosquée. Un

 14   Croate, Luburic, était celui qui avait apporté les premiers lys. Cela est

 15   ce qu'écrit le 4e Corps de l'ABiH. Par conséquent, je voudrais demander aux

 16   Juges de la Chambre d'examiner ce document lorsqu'ils se pencheront sur les

 17   déclarations des témoins qui nous ont dit que le HVO aurait attaqué Stolac,

 18   aurait détruit Stolac, et l'aurait croatisé.

 19   Messieurs les Juges, j'en arrive à un sujet de responsabilité pénale de

 20   Slobodan Praljak pour ce qui est du chapitre 11 du mémoire du Procureur.

 21   Peut-être l'heure est-elle venue de faire la pause.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire 20 minutes de pause.

 23   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

 24   --- L'audience est reprise à 10 heures 53.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 26   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Je m'étais arrêtée à la responsabilité pénale du général Praljak

 28   décrite au chapitre 11 du mémoire en clôture de l'Accusation, et les


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  1   paragraphes concernés vont de 614 à 860. Je vais me référer seulement aux

  2   documents que je voudrais mettre en exergue parce que j'estime qu'ils sont

  3   importants.

  4   Au paragraphe 649, le bureau du Procureur affirme que le Bataillon des

  5   Condamnés avait été connu également sous le nom d'ATG Tuta et que le

  6   général Praljak avait commandé ce bataillon. Cette allégation de Procureur

  7   est étayée par les documents P 4134 et 4131. Et mettre un signe d'égalité

  8   entre ATG Tuta et le Bataillon des Condamnés est fait au paragraphe 296 de

  9   son mémoire de clôture également par les soins du Procureur.

 10   Les documents ne confirment pas qu'il est possible de passer un signe

 11   d'égalité entre ce Bataillon des Condamnés et l'ATG Tuta. Aucun élément de

 12   preuve survenu ou créé à l'époque où le général Praljak était commandant de

 13   l'état-major du HVO n'indique que, par ses ordres, il aurait confié quelque

 14   mission de combat que ce soit à ce bataillon. Le Procureur n'a pas présenté

 15   d'élément de preuve montrant que ce Bataillon des Condamnés se trouvait

 16   placé sous le commandement de l'état-major du HVO à Rastane. Il n'y a pas

 17   eu d'élément de preuve avancé non plus pour contester les affirmations de

 18   la Défense disant que Mladen Naletilic n'avait pas été commandant de cet

 19   ATG Tuta. Au contraire, l'élément de preuve 4D 01356 est une interview avec

 20   Andabak, Ivan, qui a dit et confirmé que ce Bataillon des Condamnés,

 21   lorsqu'il avait combattu au sein de la HZ HB, s'était trouvé uniquement

 22   placé sous les ordres de Mate Boban. Il n'y a eu aucun élément de preuve

 23   disant le contraire à être montré aux Juges de la Chambre.

 24   Au document P 05226, daté du 20 septembre 1993, et il s'agit d'une lettre

 25   du chef du secteur chargé de la sécurité et du département de la Défense à

 26   l'intention de Mate Boban portant sur un grave incident causé par les

 27   membres de ce Bataillon des Condamnés.

 28   Si ce bataillon avait été placé sous les ordres de l'état-major


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  1   principal du HVO, alors la lettre aurait été envoyée à l'état-major

  2   principal du HVO, et non pas à Mate Boban. Si le chef du secteur de la

  3   Sûreté avait été placé sous les ordres de l'état-major, c'est-à-dire de

  4   Slobodan Praljak, alors ce courrier aurait été envoyé à Slobodan Praljak,

  5   en sa qualité de commandant, et on n'aurait pas contourné le commandant

  6   pour écrire à Mate Boban. Ce document n'a pas été réceptionné à l'état-

  7   major du HVO. Le Procureur n'a montré aucun élément de preuve moyennant de

  8   quoi les Juges de la Chambre pourraient, avec certitude, constater que

  9   Slobodan Praljak avait eu connaissance des événements de Ljubuski, tel

 10   qu'indiqué au document. Le document, sans aucun doute possible, montre que

 11   le Bataillon des Condamnés était placé sous les ordres de Mate Boban, comme

 12   le général Praljak l'a affirmé lors de son témoignage à lui.

 13   Le document P 07009 est une liste de versement des revenus

 14   individuels pour le mois de novembre 1993, de ceux qui faisaient partie de

 15   ce Bataillon des Condamnés et des ATG, c'est-à-dire des unités

 16   antiterroristes. Cela prouve que l'ATG Tuta ne se trouve pas être indiquée

 17   comme étant une unité faisant partie du Bataillon des Condamnés ou que le

 18   Bataillon des Condamnés serait égal à l'ATG Tuta. La conclusion disant que

 19   l'ATG Tuta est la même chose que le Bataillon des Condamnés ne saurait être

 20   tirée de la teneur des documents auxquels se réfère le bureau du Procureur.

 21   Le Procureur n'a avancé aucun élément de preuve pour indiquer qu'entre le

 22   Bataillon des Condamnés et l'ATG Tuta, il serait possible de placer un

 23   signe d'égalité. Il n'a été présenté aucun élément de preuve disant qu'il

 24   s'agissait là d'une même unité militaire, et pour ce qui est des hypothèses

 25   et des conjectures en matière pénale, il n'y a pas lieu d'en avoir.

 26   Au paragraphe 654 et aux pages compte rendu d'audience 51 880 -datées

 27   du 8 février 2011 - page 7, où le Procureur se réfère notamment au

 28   témoignage du général Petkovic et de Filipovic, il est affirmé qu'il n'y a


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  1   pas eu de problèmes de commandement, de contrôle et de communication au

  2   sein du HVO. Puis, je précise qu'à la page   51 935, il est ajouté qu'il

  3   n'y a pas eu de problèmes non plus au sein de la chaîne de commandement. La

  4   Défense, à ce sujet, veut indiquer ce qui figure à son mémoire de clôture,

  5   paragraphe 16, où la Défense du général Praljak, moyennant documents et

  6   témoignages de témoins, a montré que les ordres, le contrôle et les

  7   communications au sein du HVO s'étaient avérés insuffisants et non établis

  8   dans un volume plein et entier. Le témoignage du général Petkovic, qui est

  9   négligé par le Procureur, qui se trouve être notamment mentionné à la page

 10   40 363, confirme les dires de la Défense du général Praljak. Cela se trouve

 11   être consigné à la déclaration du général Praljak, page 44 121 et à la page

 12   41 138.

 13   Une image très précise pour ce qui est de l'existence de trois éléments au

 14   sein du HVO vécus sur sa propre expérience a été fournie par le Témoin

 15   Skender à l'intention des Juges de la Chambre, et la même chose découle de

 16   sa déclaration qui porte la référence 3D 3710. Alors, s'agissant de la

 17   qualité de ces liens, il y a un document pour l'illustrer qui est le P

 18   4698A, page 86.

 19   Au paragraphe 661, il est dit que le Dr Tudjman avait nommé Praljak pour

 20   qu'il soit l'un de ceux qui transmettraient à Izetbegovic la politique de

 21   l'Herceg-Bosna, c'est-à-dire du gouvernement croate portant sur la banovina

 22   jusqu'à exclusion de l'autorité du gouvernement à Sarajevo. Le Procureur

 23   présente de façon inexacte ce qui est dit à ce paragraphe, parce que dans

 24   ce document  P 00524, auquel il se réfère, en page 23, il n'y a pas de

 25   texte analogue. Il a été rajouté. Lorsque le PV est lu dans son

 26   intégralité, il peut être déterminé que cela se rapporte aux entretiens

 27   relatifs à l'annexe à l'accord portant sur la coopération avec la Bosnie-

 28   Herzégovine, et en page 23, il est question de la nomination de personnes


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  1   du côté croate pour faire partie du comité conjoint chargé de la mise en

  2   œuvre de l'accord. Praljak et Bobetko se trouvaient être les personnes

  3   proposées à cet effet. Mais en page 23, celle qui est donnée en référence

  4   par le Procureur, le président Tudjman a dit :

  5   "S'agissant d'Izetbegovic, on lui dira franchement lorsqu'il viendra ce que

  6   nous avions dit dès le départ."

  7   Il n'est point question de Sarajevo, il n'est point question du fait que le

  8   général Praljak transmettra à Alija Izetbegovic ce qui a été dit, comme

  9   l'affirme le Procureur. Le président Tudjman est la personne qui

 10   s'entretiendrait avec Alija Izetbegovic. Le général Praljak n'a pas été

 11   désigné pour transmettre des messages.

 12   A des fins d'argumentation, je tiens à dire qu'au cas où le général Praljak

 13   se trouve être membre de ce comité pour la mise en œuvre de l'avenant à

 14   l'accord relatif à la coopération, alors il est logique de le voir défendre

 15   les thèses de la partie qu'il est en train de représenter. Il n'y a aucune

 16   activité criminelle à ce sujet-là. Et le document en question montre qu'il

 17   n'y a pas eu de politique ambiguë et hypocrite à l'égard d'Alija

 18   Izetbegovic, parce que le Dr Tudjman a décidé de dire quelle est la

 19   position de la République de Croatie à l'intention d'Izetbegovic.

 20   A la phrase suivante du paragraphe 661, il est dit qu'à la réunion qui

 21   s'est tenue le 5 novembre 1993, Praljak aurait confirmé que l'objectif

 22   serait de réaliser une région composée de territoires à l'intérieur de la

 23   banovina qui serait passée sous le contrôle des Croates, et le Procureur

 24   tire la conclusion disant que, partant de ce document, il n'est point

 25   question de parler de la réalisation de cet objectif qui n'aurait pas sous-

 26   entendu les déplacements de population, et notamment la réduction de la

 27   part de la population musulmane dans une grande partie de l'Herceg-Bosna.

 28   Le document P 6454 auquel se réfère le Procureur, notamment en page 50 - il


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  1   s'agit d'une transcription présidentielle - il s'avère que la phrase citée

  2   au paragraphe est arrachée de son contexte du discours et se trouve

  3   arrachée également par rapport au contexte des éléments qui lui ont

  4   précédé. Il faut lire le discours dans son intégralité, et ça se trouve

  5   consigné aux pages 47 à 57 en version anglaise. Une fois lu le texte entier

  6   de ce discours, il peut être conclu le fait que le général Praljak est en

  7   train de décrire la situation militaire et se penche sur les positions

  8   militaires ainsi que sur l'analyse des événements à Vakuf et en Bosnie

  9   centrale au sujet de l'offensive lancée par l'ABiH, la puissance militaire

 10   de celle-ci et les idées politiques proclamées relativement à la création

 11   d'un Etat musulman. Partant du texte de ce discours, il peut être tiré la

 12   conclusion de dire que l'affirmation du Procureur dans ce paragraphe est

 13   une supposition parce que rien n'est confirmé à cet effet en tant que

 14   preuve.

 15   Pour ce qui est du contexte dans lequel les entretiens se déroulent,

 16   je tiens à mentionner un document qui est le P 4027. Il s'agit de l'accord

 17   signé à Makarska au sujet des convois humanitaires. Les autorités du HVO

 18   faisaient face à bon nombre de réfugiés et de personnes déplacées de Bosnie

 19   centrale, qui sont au nombre de 42 000, et on s'attend à 8 000 de plus en

 20   provenance de Kakanj et Vares. Alors, comme la Défense l'a déjà souligné à

 21   plusieurs reprises, les événements ne sauraient être pris en considération

 22   de façon isolée, mais dans leur intégralité, et il ne convient d'oublier à

 23   aucun moment que tout se déroule dans le contexte d'au moins deux guerres

 24   qui se déroulent en parallèle.

 25   Au paragraphe 262, il y a une allégation disant que Praljak a promu

 26   une politique à l'égard de la Bosnie-Herzégovine qui se traduisait par une

 27   entreprise criminelle commune, et on parle là d'une réunion secrète en

 28   Hongrie qui s'est tenue le 5 octobre 1992 avec Ratko Mladic, et ensuite une


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  1   autre réunion avec Ratko Mladic trois semaines plus tard, puis une autre

  2   réunion du général Praljak avec la délégation française en janvier 1993, et

  3   une autre réunion encore datée du 2 avril 1993, où le général Praljak

  4   aurait fait un briefing de façon autoritaire à l'intention des commandants

  5   militaires du HVO. Les documents qui sont cités par le Procureur -- c'est-

  6   à-dire les parties de documents auxquels il se réfère ne peuvent servir de

  7   preuve à ces allégations, parce qu'elles sont arrachées au contexte et sont

  8   susceptibles d'induire une conclusion erronée.

  9   Le Procureur se réfère également au document P 11376 ainsi qu'au

 10   document P 11380, les carnets de Mladic. S'agissant de ces éléments de

 11   preuve, les Juges de la Chambre n'ont pas obtenu de renseignements pour

 12   savoir si le général Praljak avait été présent ou partie prenante à ces

 13   pourparlers, et si oui, en quelle qualité, parce que prétendument, à

 14   l'occasion de cette réunion, il aurait été question de la République de

 15   Croatie et d'une cessation des attaques contre Slavonski Brod ainsi que

 16   d'une cessation d'opérations militaires en République de Croatie. Le

 17   général Praljak n'a pas eu l'occasion de rencontrer l'auteur de ces notes

 18   et d'entendre son témoignage de même que de le contre-interroger et il n'a

 19   pas non plus eu l'occasion de témoigner au sujet de ces éléments issus de

 20   la prétendue réunion, ce qui fait que la Défense indique qu'il n'y a pas de

 21   valeur probante pour ces documents-là étant donné qu'ils n'ont pas été

 22   soumis à des vérifications par la voie d'interrogatoire. Il s'agit

 23   d'éléments de preuve de deuxième main, et, en général, de monologues d'une

 24   partie aux pourparlers, et il n'y a pas de renseignements sur ce que

 25   l'autre partie aux pourparlers aurait dit. La Défense, s'agissant de ces

 26   documents, a traité la chose de façon exhaustive dans ses écritures, là

 27   aussi ne vais-je plus en parler.

 28   Au paragraphe 662 maintenant, il est fait état d'un document encore,


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  1   qui est le P 9447. Page 8, ce qui constitue une interview d'après-guerre du

  2   général Praljak qui, selon les dires du Procureur, aurait fait dire au

  3   général que la politique des Serbes en Bosnie-Herzégovine était plus proche

  4   des Croates que des Musulmans et que l'unité en la matière est exclue. Le

  5   Procureur nous a passé également un clip vidéo au sujet de cette interview.

  6   Il a voulu établir un lien entre le général Praljak et l'armée de la

  7   Republika Srpska et un accord qu'il aurait passé avec Mladic. Mais non pas

  8   au détriment de la Bosnie-Herzégovine, mais au détriment des Musulmans. Et

  9   il a été dit à plusieurs reprises que la Bosnie-Herzégovine n'était pas le

 10   bien des Musulmans; c'est un Etat des Musulmans bosniens, des Croates et

 11   des Serbes.

 12   Les indications en note de bas de page n'existent pas dans le

 13   document original et cela ne se trouve pas à être consigné au PV d'audience

 14   du 8 février 2011 pendant l'exposé de notre collègue, M. Scott, où on a

 15   passé la vidéo avec l'interview du général Praljak. Le texte de la

 16   transcription de la vidéo en langue croate se trouve être consigné en page

 17   11 du document P 9447. Et la phrase où on dit que "l'unité était exclue"

 18   est une phrase qui n'est tout simplement pas mentionnée.

 19   L'INTERPRÈTE : Il a été demandé une rectification de la traduction pour la

 20   faire concorder avec le texte original.

 21   Mme PINTER : [interprétation] Les phrases auxquelles se réfère le Procureur

 22   sont arrachées de leur contexte et la réponse intégrale, telle que

 23   consignée au document, parle d'une alliance militaire avec les Musulmans

 24   avant la guerre et d'options politiques autres pour ce qui est de

 25   l'aménagement d'un Etat commun. L'allégation du Procureur au terme de

 26   laquelle Praljak aurait coopéré avec Mladic se trouve être arbitraire,

 27   infondée et inexacte.

 28   En note de bas de page 1 538, le Procureur fait référence à des dires qui


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  1   indiqueraient qu'en janvier 1993, le général Praljak aurait informé la

  2   délégation française du fait que la banovina constitue un territoire qui

  3   appartiendrait aux Croates. Inexact. Je me réfère au 3D 482, qui est la

  4   pièce avancée par le Procureur et qui dit que général Praljak a dit :

  5   "Le territoire appartenant aux Croates coïncide avec les frontières de la

  6   banovina croate qui date du partage de la délimitation de la Yougoslavie de

  7   1939, et cela se trouve à être adapté au recensement de la population de

  8   1981 puisque le recensement de 1991 n'est pas reconnu. Les Croates

  9   s'emploient en faveur d'une Bosnie-Herzégovine intégrale en tant qu'Etat et

 10   du droit des Croates en leur qualité de peuple constitutif. Les problèmes

 11   entre les Musulmans et les Croates en Bosnie-Herzégovine constituent une

 12   résultante des objectifs différents de la lutte politique; les Croates se

 13   battant pour un Etat de Bosnie-Herzégovine comportant une autonomie à

 14   l'intention des Croates, alors que les Musulmans se battent pour un Etat

 15   civil."

 16   La Défense indique aux Juges de la Chambre qu'il existe un document qui est

 17   la pièce P 10463. Il s'agit d'une interview accordée par M. Izetbegovic qui

 18   dit :

 19   "Nous avons seulement la possibilité de mettre en œuvre un idéal de

 20   république civile ou d'avoir une guerre civile."

 21   Le document 1D 02479 explique ce que signifie que cet Etat civil en vertu

 22   de la proposition du SDA et du président Izetbegovic. Ça veut dire un

 23   homme, un vote. Mais cette position néglige à part entière les peuples

 24   constitutifs composant la Bosnie-Herzégovine.

 25   Et en tant que dernier document qui est censé confirmer les dires du

 26   paragraphe 662, à savoir que Praljak aurait organisé un briefing

 27   autoritaire à l'intention des commandants du HVO, est au document P 1788,

 28   pages 1 à 3. Le Procureur cite une citation, mais il y a là un problème. La


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  1   citation est une compilation de deux réponses du général Praljak à deux

  2   questions distinctes. L'une des questions se rapportait à Vares et l'autre

  3   question se rapportait à la Posavina. Le fait même que le général Praljak

  4   ait confirmé le fait d'avoir été présent à cette réunion ne confirme pas la

  5   véracité du PV et la teneur de ce qui y est consigné. Je tiens tout d'abord

  6   à parler de la valeur probante des documents, chose que nous avons évoquée

  7   à chaque fois qu'il y a eu utilisation d'un document pendant les débats.

  8   Nous ne savons pas qui a rédigé ce PV. Nous ne savons pas quelles ont été

  9   les capacités de la personne qui a consigné les dires à comprendre le sujet

 10   et à comprendre le général Praljak lorsqu'il parle de ses positions à lui

 11   au sujet de ce plan Vance-Owen et l'analyse qu'il fait de ce qui risque de

 12   se produire à l'avenir. Nous ne savons pas s'il a réussi à consigner la

 13   totalité des propos du général tels que prononcés à ce moment. Nous ne

 14   savons pas s'il y a eu un PV ou s'il y a juste eu des notes résumées. Nous

 15   ne savons pas du tout comment le document a été, en somme, créé. Le texte

 16   est illisible, et lorsqu'il a été montré au général Praljak, il a dit qu'il

 17   ne pouvait pas le lire. Et dans le texte qu'il lui a été présenté, il a dit

 18   qu'il ne reconnaissait pas des propos à lui.

 19   Pendant le débat, le général a dit quelles étaient ses positions et a nié

 20   le fait que le texte ait reproduit de façon correcte ses propres propos. La

 21   Défense tient à dire que la réponse du général Praljak à l'occasion de ce

 22   débat en audience a constitué une interprétation de ce qui a été dit. Mais

 23   ce qu'a véritablement dit le général, il l'a dit devant les Juges de la

 24   Chambre en répondant aux questions du Procureur et en réponse aux questions

 25   posées par M. le Juge Antonetti. Tout ce qui a été dit portant sur la

 26   véracité des documents et sur la teneur des documents se trouve à être

 27   consigné aux pages du compte rendu d'audience 43 381 à 43 410, témoignage

 28   de Slobodan Praljak, ainsi que pages 43 645 à 43 682, également témoignage


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  1   du général Praljak. Ça se trouve également consigné au compte rendu

  2   d'audience de l'audition du Témoin EA, pages 24 363 à 24 376, tout comme

  3   pour ce qui est du compte rendu d'audience relatif au Témoin William

  4   Tomljanovich, aux pages 6 062 à 6 072, 19 septembre 2006. Donc

  5   l'interprétation inexacte ne devrait pas, dans une procédure pénale, faire

  6   tirer des conclusions erronées par les Juges de la Chambre.

  7   Et le fait que Praljak se serait plaint de la réalisation des objectifs de

  8   l'Etat croate en HR HB, et qui est avancé par le Procureur au document P

  9   6454, page 57. Je parle du compte rendu du 5 novembre 1993. Il s'agit d'une

 10   conversation qui s'est déroulée chez le président Tudjman, à Split. Mais il

 11   s'agit d'une interprétation erronée de la part du Procureur. Le général

 12   Praljak n'a pas parlé de l'aboutissement d'un objectif de l'Etat croate en

 13   HR HB, tel qu'interprété librement par le Procureur. Il faut s'en tenir au

 14   texte indiqué dans le PV, et il est question d'une comparaison entre la

 15   direction des Serbes, des Musulmans et des Croates de Bosnie-Herzégovine.

 16   Lorsqu'il est arrivé au descriptif relatif aux Croates, il est tiré une

 17   conclusion qui est la suivante, je cite :

 18   "De ce point de vue-là, Monsieur le Président, nous ressemblons de plus en

 19   plus à une coopérative agricole."

 20   Alors, le texte doit être présenté dans son intégralité, et non pas de

 21   façon fragmentaire. Je m'attends à ce que les Juges de la Chambre ne

 22   fonderont pas ses conclusions sur des fragments d'éléments de preuve.

 23   Au paragraphe 664, le Procureur affirme que Praljak a lui-même

 24   reconnu qu'il avait eu un pouvoir de commandement de facto même avant que

 25   d'être devenu le commandant. On se réfère au témoignage du général Praljak

 26   tel que consigné au compte rendu d'audience et des notes de bas de page.

 27   Mais les pages qui sont indiquées ne confirment pas ce qui se dit au

 28   paragraphe. Auxdites pages, Praljak n'a pas reconnu qu'il avait, de facto,


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  1   été commandant. Il a explicitement dit qu'il n'avait pas d'attributions ou

  2   de pouvoirs de commandement. Et à l'époque où il n'avait pas été

  3   commandant, il avait joui d'une certaine autorité pour ce qui est de porter

  4   assistance à l'attention des unités du HVO. Le Procureur, en démontrant les

  5   compétences du général Praljak, se réfère au document P 8838, page 4. Là,

  6   il s'agit d'un document créé le 2 avril 1998 à Sarajevo, à la télévision

  7   OBN, où, dans le studio de télévision, le général Praljak accorde une

  8   interview. Mais partant de ce qui est dit dans cette interview, il n'a pas

  9   été fait état de ses attributions de facto. Mais on peut reprendre ses

 10   paroles, il dit que ses hommes le respectaient et l'aimaient. Cela ne

 11   signifie pas qu'il avait des pouvoirs de facto au niveau du commandement.

 12   Au paragraphe 664, la position élevée de Praljak dans l'armée croate

 13   et sa relation étroite avec Tudjman lui avaient conféré un pouvoir de

 14   facto. Ce n'est pas exact. Praljak n'avait bénéficié d'aucune autorité au

 15   niveau du HVO parmi les soldats en raison de liens étroits avec le

 16   président Tudjman. Son autorité et le respect dont il a bénéficiés ont été

 17   édifiés par lui-même. Ce qui m'intéresse est de savoir comment la proximité

 18   peut être considérée comme constituant un élément de l'infraction. Je ne

 19   vois pas en quoi cela constitue une catégorie judiciaire.

 20   Au paragraphe 665, de nombreux documents montrent qu'à partir du mois

 21   d'octobre 1992 jusqu'en juillet 1993, Praljak a, de fait, commandé les

 22   unités du HVO, leurs commandants et les dirigeants civils en tant que leur

 23   supérieur hiérarchique. Les documents qui sont cités à l'appui ne

 24   confirment pas cette affirmation, car ces documents sont co-signés par le

 25   général, co-signés avec quelqu'un d'autre qui avait ces pouvoirs.

 26   S'agissant du rôle joué par le général Praljak en Bosnie-Herzégovine, nous

 27   avons entendu parler dans ce prétoire tout au long de ces cinq années, que

 28   ce soit de la bouche des témoins de l'Accusation ou de la bouche du général


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  1   Praljak. Et je tiens à rappeler la pièce qui constitue le livret militaire

  2   du général Praljak. Il l'a reçu d'Arif Pasalic, qui confirme qu'il est

  3   membre de l'ABiH.

  4   Le Procureur cherche à confirmer le fait que le général Praljak a été, de

  5   fait, commandant et cite la pièce P 9838. Il s'agit d'une pièce sous pli

  6   scellé. Je n'invoquerai pas la teneur du document. Je ne me contenterai de

  7   parler d'initiales, je ne prononcerai pas de noms complets.

  8   Donc la pièce P 9838 constitue le témoignage du Témoin Z dans l'affaire

  9   Naletilic/Martinovic. Dans l'affaire qui nous intéresse, il a été Témoin

 10   CU. Le Procureur cite la pièce P 9838 dans l'affaire où le général Praljak

 11   n'a pas été accusé et où il n'a pas eu la possibilité de contre-interroger

 12   ce témoin. En l'espèce, ce témoin est venu déposer. Il a été contre-

 13   interrogé, et si le Procureur estime que ce témoin a confirmé ses

 14   affirmations, il aurait dû citer le compte rendu d'audience en l'espèce, ce

 15   qu'il n'a pas fait.

 16   Au paragraphe 666, le Procureur parle de M. Coric, qui aurait accepté la

 17   désignation par Praljak d'un officier supérieur du HVO ou de la police

 18   militaire. Et le Procureur cite la pièce P 927. C'est un document qui parle

 19   des pouvoirs de jure, et non pas de fait, car il porte la nomination de

 20   quelqu'un qui arrive dans le Groupe opérationnel de l'Herzégovine du sud-

 21   est, où, à ce moment-là, le général Praljak est le chef de l'état-major. A

 22   l'époque, le général Praljak est le commandant du Groupe opérationnel de

 23   l'Herzégovine du sud-est, donc ce document ne peut pas confirmer le

 24   paragraphe portant sur les pouvoirs de fait, puisqu'il s'agit de pouvoirs

 25   de jure. Praljak n'a pas nié le fait qu'il s'était rendu sur place avant

 26   d'être formellement désigné. Ce que le général Praljak a dit, c'est qu'il

 27   n'avait pas tous les pouvoirs, toutes les attributions de commandant

 28   lorsqu'il a été commandant, qu'il s'est contenté d'apporter de l'aide,


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  1   d'assister, et il a eu une certaine influence sur les militaires à cause de

  2   la relation qu'il avait bâtie auparavant avec eux.

  3   Au paragraphe 668, on lit que Praljak aurait joué un rôle central dans la

  4   planification, et qu'en tant que haut fonctionnaire militaire, il aurait

  5   contribué aux réunions importantes de ses subordonnés. La pièce P 1350 est

  6   citée à l'appui. Il s'agit d'une réunion du 29 janvier 1993 avec la police

  7   militaire. Lors de cette réunion, le général Praljak n'est pas la personne

  8   qui préside. Il répond aux questions qui sont posées sur Vakuf et la Bosnie

  9   centrale. A cause des problèmes qui s'y sont posés, il s'y ait trouvé

 10   justement. Nous en avons entendu parler, mais il parlait également de la

 11   situation qui prévaut en Croatie, à Zadar, Maslenica. Il faut savoir que

 12   Praljak n'était pas dans une position de supérieur hiérarchique par rapport

 13   à la police militaire, comme cela est affirmé dans ce paragraphe.

 14   Le paragraphe 669 affirme que les communications officielles du HVO

 15   reconnaissaient le rôle central de Praljak sur le plan du commandement

 16   avant la date du 24 juillet 1993. A l'appui, pièce 1311. Je demanderais aux

 17   Juges de la Chambre de prendre connaissance de ce document dans son

 18   intégralité, en particulier lorsqu'il s'agira des chefs de l'acte

 19   d'accusation concernant Gornji Vakuf, parce qu'on lit dans ce document que

 20   :

 21   "Les forces de l'ABiH à Vakuf, pendant le conflit du mois de janvier, ont

 22   été composées de 4 300 membres de l'ABiH qui ont pris part à ce conflit."

 23   Et nous y trouvons l'énumération des unités, d'où elles sont venues à

 24   Gornji Vakuf. Point 5(L).

 25   La page 3 du document se lit comme suit :

 26   "Pendant la rédaction du rapport, j'ai pris connaissance des

 27   instructions reçues par Zrinko Tokic de la part de Brada, et je les

 28   suivrai."


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  1   Sur la base de cette phrase, la Chambre ne peut pas arriver à la conclusion

  2   que Praljak a joué un rôle central au niveau du commandement. Le rôle joué

  3   par le général Praljak a été précisé dans notre mémoire en clôture par

  4   rapport à Gornji Vakuf et Uskoplje.

  5   Le document suivant cité par le Procureur pour indiquer que le général

  6   Praljak a joué un rôle central au niveau du commandement est la pièce P

  7   2039. Il s'agit d'un rapport de Mico Lasic sur la situation à Konjic et à

  8   Jablanica à la date du 22 avril 1993, envoyé à l'état-major principal, mais

  9   aussi au général Praljak. Praljak a témoigné qu'il s'est trouvé à Mostar

 10   pour œuvrer à la réconciliation. Il s'est entretenu au SDA et il s'est

 11   entretenu avec Pasalic, et donc c'était en avril 1993. Les Juges de la

 12   Chambre ont vu les photographies du Témoin Mustafa Hadrovic, qui a pris des

 13   photos du général Praljak avec Arif Pasalic, pages du compte rendu

 14   d'audience 14 613 jusqu'à 14 616.

 15   C'est l'arrivée du général Praljak à Mostar pour calmer la situation entre

 16   les Musulmans et les Croates; le document 3D 3261. Il s'agit de la

 17   déclaration du Témoin Bozic, Slobodan, qui parle de l'arrivée du général

 18   Praljak, qui cherchait à calmer les tensions.

 19   Le document suivant qui viendrait confirmer les allégations du paragraphe

 20   d'après le Procureur est le document 2092. Brada exige que Tuta prenne

 21   contact avec lui. Alors, quelle est la conclusion que l'on peut tirer de ce

 22   document sur le rôle central joué par Praljak sur le plan du commandement ?

 23   Si le général Praljak commande, s'il joue un rôle central, alors ce n'est

 24   pas en passant par un intermédiaire qu'il demanderait d'entrer en contact

 25   avec Tuta. Aucun élément d'information ne nous permet de savoir sur quoi

 26   porte ce document. Ce document ne permet ni d'affirmer ni de réfuter

 27   quelque fait que ce soit.

 28   La communauté internationale se voit saisie d'une plainte officielle par


Page 52473

  1   rapport aux compétences de Praljak le 23 avril 1993, affirme le Procureur,

  2   qui cite à l'appui la pièce P 2043. Arif Pasalic, le 23 avril 1993, juste

  3   avant qu'il ne se promène dans Mostar est avec le général Praljak et qu'ils

  4   s'installent ensemble dans un café dans Mostar est, il rédige son grief à

  5   cause du séjour du général Praljak. Mais cette présence du général Praljak

  6   ne le gêne pas. Elle ne l'a pas gêné avant et ne l'a pas gêné en 1992. Les

  7   documents IC 443 ainsi que IC 444 sont des documents reçus de la part du

  8   Témoin Hadrovic qui montrent le général Praljak en compagnie d'Arif Pasalic

  9   et d'autres membres du HVO et de l'ABiH en avril 1993 à Mostar.

 10   Le 14 novembre 1992, Arif Pasalic écrit comme suit :

 11   "Les unités de l'ABiH et du HVO Herceg Stjepan ont réalisé ensemble le plan

 12   d'action détaillé pour agir contre la VRS."

 13   Ils attendent l'ordre de M. Praljak. Il ressort de ce document que Praljak

 14   commande tant le HVO que les unités de l'ABiH. Et ce document vient réfuter

 15   l'affirmation que Praljak a contribué de manière considérable et qu'il a

 16   pris part à l'entreprise criminelle commune de l'Herceg-Bosna.

 17   Le paragraphe 673 figure au chapitre intitulé "Le changement de position de

 18   Praljak de facto vers le commandant de Jure."

 19   Il est écrit au paragraphe 673 :

 20   "Il a décidé de modifier son statut afin d'essayer d'occulter le rôle qu'il

 21   joue en tant qu'agent croate visant à contribuer à l'entreprise criminelle

 22   commune de l'Herceg-Bosna en Bosnie-Herzégovine."

 23   Avant d'analyser ce document, je tiens à signaler qu'à aucun moment, la

 24   présence du général Praljak en Bosnie-Herzégovine n'a été occultée, n'a été

 25   gardée comme un secret, que ce séjour était quelque chose qui a été porté à

 26   la connaissance des représentants internationaux et, bien sûr, d'Alija

 27   Izetbegovic, qui avait demandé que Praljak vienne en Bosnie-Herzégovine et

 28   que Praljak a rencontré même avant de devenir le commandant de l'état-major


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  1   principal du HVO. Le général Praljak n'a jamais nié qu'il se soit trouvé

  2   dans la HZ HB, mais il faut établir une comparaison entre les différentes

  3   périodes et le moment où se situe cette conversation.

  4   A la mi-juin, l'ABiH est en offensive ouvertement déclenchée contre le HVO

  5   et attaque Kakanj, Travnik. Et la perspective d'une action commune est

  6   complètement balayée. La communauté internationale exerce des pressions sur

  7   la République de Croatie à cause des événements en Bosnie-Herzégovine. Là-

  8   dessus, elle n'exerce pas de pression sur ceux qui mènent l'offensive. Les

  9   Musulmans ne lancent pas uniquement une offensive militaire, mais aussi sur

 10   le plan de la propagande et sur le plan politique. Ils ont tourné le dos à

 11   leurs alliés parce qu'ils sont devenus prêts à affronter les Croates; pièce

 12   P 1325 en date du 27 janvier 1993, page 5. C'est justement à cause de cette

 13   offensive politique et offensive sur le plan de la propagande qu'on se

 14   plaint de la présence de l'armée croate en Bosnie-Herzégovine. Dans cette

 15   situation-là, même si le général Praljak est actif depuis huit mois et

 16   déploie des efforts afin d'empêcher une guerre avec l'ABiH, il devient

 17   désormais quelqu'un qui est désigné, tout comme dans l'acte d'accusation,

 18   qui est désigné comme étant le représentant de la République de Croatie en

 19   Bosnie-Herzégovine, et cela, pour écarter les objections, car personne ne

 20   pouvait interdire au général Praljak de défendre son pays. Donc on

 21   l'utilise également pour prouver la participation de la République de

 22   Croatie au conflit au sein de l'ABiH, et s'il était relevé de ses fonctions

 23   au sein de l'armée croate, son statut en Bosnie-Herzégovine serait clair.

 24   Mais il est important de savoir que ce n'est pas une désignation

 25   rétroactive. C'est le 24 juillet 1993 qu'il y a eu nomination du général

 26   Praljak, et la réunion qui est citée a eu lieu en juin 1993, donc un mois

 27   avant cette date-là.

 28   Encore une fois, jamais personne, et surtout pas le général Praljak, n'a


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  1   caché sa présence en Bosnie-Herzégovine, en Bosnie centrale ou en

  2   Herzégovine avant sa nomination formelle. D'ailleurs, il n'y avait aucune

  3   raison pour faire cela.

  4   Au paragraphe 675, il est affirmé que les rencontres régulières avec

  5   Tudjman et Susak avaient pour objectif que ces personnalités soient

  6   informées du conflit entre le HVO et l'ABiH et pour recevoir de leur part

  7   des instructions liées à l'entreprise criminelle commune et à sa mise en

  8   œuvre. Le Procureur n'étaie cette affirmation par aucune référence. Et

  9   d'ailleurs, il ne peut pas citer de preuve à l'appui puisque ces preuves

 10   n'existent pas. Ensuite, le Procureur affirme que c'est en passant par

 11   Praljak qu'on a transmis des informations, des exigences, la politique et

 12   le feed-back entre la direction croate et le HZ HB; pièce 1622, en date du

 13   9 mars 1993, et pages 18, 42 et 36 des transcriptions présidentielles.

 14   Susak s'adresse aux représentants de la Bosnie centrale qui demandent que

 15   Praljak revienne sur place pour y mettre de l'ordre, et Susak à son tour

 16   dit que Praljak reviendra.

 17   Au mois de mars, Praljak se trouve en Bosnie-Herzégovine, et

 18   Izetbegovic est au courant de cela. Jamais à aucun moment Izetbegovic n'a

 19   demandé que Praljak se retire du territoire de la HZ HB. Alors, s'il a été

 20   envoyé en Bosnie-Herzégovine pour calmer la situation, il est normal qu'il

 21   en informe ceux qui l'y ont envoyé. Le général Praljak était en contact

 22   avec Izetbegovic, ce qui ressort du témoignage du général Praljak, mais

 23   également du PV du 27 mars 1993, à savoir de la pièce P 1739. Praljak a

 24   été, de jure, le commandant à partir du 24 juillet 1993.

 25   Au paragraphe 681 :

 26   "Praljak a dit qu'il était responsable s'il a omis de réagir face aux

 27   gestes de Petkovic et de Tole qui ont été erronés et que cela le concerne

 28   comme tout autre."


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  1   Les pages du compte rendu d'audience citées correspondent à ce qu'a

  2   dit le général Praljak, et je cite :

  3   "Vu les conditions dans lesquelles on existait, vu les communications que

  4   nous avions et la nature de la guerre, si qui que ce soit arrive à

  5   démontrer que j'ai violé quelque disposition que ce soit du droit

  6   international, je suis prêt à en assumer la responsabilité pleine et

  7   entière, comme je l'avais annoncé d'emblée."

  8   C'est ce qu'a dit le général Praljak. Il revient au Procureur de

  9   démontrer que le général n'a pas réagi face aux omissions, alors qu'il

 10   savait que ces omissions avaient eu lieu.

 11   Paragraphe 683. Les subordonnés de Praljak reconnaissaient ses pouvoirs de

 12   commandement, qui s'étendaient pour englober la police militaire et la

 13   police civile également. Alors, quelle serait cette armée qui ne

 14   reconnaîtrait pas les pouvoirs de commandement du chef de l'état-major

 15   principal, que vient prouver cette affirmation ? Quelle chance si les

 16   subordonnés de Praljak avaient entièrement exécuté les ordres donnés par

 17   Praljak. Nous en parlons dans le chapitre "Responsabilités du supérieur

 18   hiérarchique" dans notre mémoire en clôture, paragraphe 3C.

 19   Le Procureur cite la pièce 5405 à l'appui de son affirmation, et la date de

 20   ce document est celle du 26 septembre 1993, une information à remettre à

 21   Praljak sur l'arrêt du convoi des civils de Vares. Ce document ne trouve

 22   pas sa place dans cette note de bas de page et ne concerne pas le général

 23   Praljak puisqu'il s'agit d'affaires civiles.

 24   La pièce P 6095, citée par le Procureur, ne vient pas confirmer la thèse

 25   qu'il avance dans le paragraphe, puisque ce texte ne concerne ni la police

 26   civile ni la police militaire.

 27   La pièce 6360 en date du 2 novembre 1993, ordre d'attaque, n'a rien à voir

 28   avec la police militaire ni la police civile. Ils ne prennent pas part aux


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  1   opérations de combat et ils ne sont pas mentionnés dans cet ordre.

  2   D'ailleurs, ce document concerne une zone qui ne figure pas à l'acte

  3   d'accusation à un moment qui suit la période où le général Praljak est

  4   devenu commandant, donc ce document n'a pas de pertinence. L'autorité du

  5   supérieur hiérarchique en tant que telle ne peut pas être considérée comme

  6   étant un élément du crime, de l'infraction. Le général Praljak et sa

  7   Défense n'ont jamais nié que le général Praljak ait occupé le poste de

  8   supérieur hiérarchique. Ce que nous avons nié, c'est que ce pouvoir de

  9   commandant ait été employé afin de commettre le crime. Les documents cités

 10   par le Procureur dans son mémoire en clôture et dans son réquisitoire ne

 11   réfutent pas cette affirmation de la Défense.

 12   Les documents cités par le Procureur pour confirmer la thèse que

 13   Praljak a eu des pouvoirs de commandant élargis pour englober la police

 14   militaire, ces documents-là ne viennent pas confirmer les affirmations

 15   avancées dans ces paragraphes du mémoire en clôture du Procureur. La

 16   Défense de Praljak n'a jamais nié que la police militaire, lorsqu'elle a

 17   été resubordonnée à l'état-major ou à la zone opérationnelle, ait été, à ce

 18   moment-là, commandée par la zone opérationnelle, c'est-à-dire l'état-major.

 19   Dans cette partie-là du mémoire en clôture du Procureur au sujet du

 20   commandement de Praljak sur la police militaire, l'on cite un document, le

 21   document P 3829, qui permet au Procureur d'affirmer que Praljak réagit

 22   lorsqu'il est mis au courant des infractions et qu'il demande qu'on

 23   l'informe de la suite.

 24   Praljak est en contact avec les représentants des organisations

 25   internationales, le Procureur le dit lui-même. Il est en contact avec la

 26   FORPRONU, donc il doit avoir des éléments sur ce qui a été fait pour

 27   pouvoir transmettre ces informations. Par cette mise en garde, Praljak

 28   montre uniquement qu'à tout moment, de la part de ceux qui étaient en


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  1   mesure de mettre cela en œuvre, il a demandé d'agir sur le point

  2   disciplinaire et d'appliquer la discipline.

  3   Au paragraphe 688, le Procureur affirme qu'au moment où Boban a émis son

  4   ordre le 15 septembre 1993 aux forces armées pour qu'elles respectent le

  5   droit international, l'ordre de Boban a été mis en œuvre par Praljak et il

  6   l'envoie également à l'administration de la police militaire. Deux

  7   paragraphes concernent toute la police militaire. Mais en fait, c'est une

  8   interprétation erronée de la pièce P 5104. Cette pièce est envoyée au

  9   département de la Défense, et ensuite à l'état-major principal. Par rapport

 10   à ce document, je tiens à préciser que la version correcte de la traduction

 11   figure en page  T-44309. Pendant la déposition du général Praljak, la

 12   traduction correcte de ce document a été confirmée. Je signale que Slobodan

 13   Praljak inclut cet ordre dans son ordre, et il figure dans la pièce  P

 14   5188. Encore une fois, le général Praljak donne l'ordre que l'on respecte

 15   les dispositions du droit international.

 16   Prenons maintenant cette pièce P 5104. Elle montre que certains centres de

 17   détention, éventuellement, ne garantiraient pas toutes les conditions

 18   requises, mais cela ne permet pas au général Praljak de savoir qu'il y ait

 19   eu quelque violation que ce soit du droit international humanitaire.

 20   Le 9 février 2011, le Procureur avance ses allégations par rapport à ses

 21   thèses. Il affirme que Slobodan Praljak était au courant de tout à tout

 22   moment; page du compte rendu d'audience      51 925. A l'appui, le

 23   Procureur cite trois documents, et lorsqu'on lit ces documents, on

 24   s'aperçoit bien que le général Praljak n'est pas celui qui était au courant

 25   des événements cités dans ces documents. Donc, d'une part, les documents ne

 26   concernent pas Slobodan Praljak, et d'autre part, ils n'indiquent pas qu'il

 27   y ait eu des mauvais traitements concrètement de commis. Le Procureur n'a

 28   jamais été précis en citant un document quel qu'il soit démontrant que


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  1   Praljak aurait été au courant de quelque fait concret que ce soit à quelque

  2   moment que ce soit.

  3   Le Procureur, dans son réquisitoire, s'est servi de la carte pour nous

  4   montrer la connaissance du général Praljak, ce qui est inhabituel dans une

  5   procédure au pénal, se servir de la carte pour étayer ce type de thèse. Le

  6   Procureur affirme que Praljak a été probablement à Prozor, au QG, au

  7   commandement, quelques jours avant et quelques jours après qu'un

  8   représentant de la communauté internationale s'y soit trouvé. Il a dû

  9   nécessairement s'y trouver au moment où un représentant de l'organisation

 10   internationale était là et il a nécessairement été au courant de ce que

 11   savait ce représentant d'une organisation internationale. A cette occasion,

 12   le Procureur se réfère aux documents 3D 00981 et 3D 00979. Ces documents,

 13   cependant, ne font que montrer le fait qu'on a autorisé aux représentants

 14   des organisations internationales l'accès aux prisons.

 15   Le Procureur affirme que la police militaire aurait été déployée à

 16   Prozor dans le but de mettre en œuvre les objectifs de l'entreprise

 17   criminelle commune. Mais ici, il s'agit d'une affirmation sans le moindre

 18   fondement. Le Procureur dit : Les bataillons ont été déployés dans

 19   différentes zones où les forces du HVO ont commis différents crimes

 20   figurant à l'acte d'accusation.

 21   Il n'est pas contesté que les bataillons de la police militaire aient

 22   été resubordonnés au commandant de la zone opérationnelle dans les

 23   activités de combat. Nous avons abordé ce sujet dans notre mémoire en

 24   clôture. M. Coric avait la possibilité de les déployer et d'ordonner leur

 25   resubordination. Cependant, ces documents ne parlent pas du crime commis

 26   sur le territoire où opéraient ces unités. Et d'ailleurs, le Procureur ne

 27   dit pas de quel crime il s'agirait là. A Prozor et Vakuf, le HVO se

 28   défendait contre une attaque de l'ABiH, et il est, par conséquent,


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  1   difficile d'établir un lien entre cette posture défensive qui était la leur

  2   et un effort allégué visant à réaliser les objectifs de l'entreprise

  3   criminelle commune.

  4   Au paragraphe 690, le Procureur affirme que Praljak aurait émis des ordres

  5   aux unités de la police militaire le 4 août 1993 et le 20 septembre 1993

  6   pendant la commission des crimes allégués à l'acte d'accusation ou juste

  7   avant la commission de ces derniers. Les documents figurant en note de bas

  8   de page dans ce même paragraphe doivent être replacés dans leur contexte.

  9   Le document 3D 2613 du 20 septembre 1993 aborde la durée de cette

 10   offensive qu'il convient d'appeler "Neretva 93" sur le territoire de

 11   Prozor/Rama. On y trouve décrits les axes le long desquels intervient

 12   l'ABiH. Ce document a été élaboré quelques jours à peine après la

 13   commission d'un massacre à Uzdol et le meurtre de 29 civils par l'ABiH.

 14   Le document 1D 00541 précise la durée de cette offensive couvrant également

 15   la zone de Rama, et il est question également de "Sefer Halilovic, une

 16   stratégie rusée : la vérité à Uzdol", des actions entreprises, des unités

 17   impliquées. Il y est affirmé que Neretva 93 n'était pas une opération

 18   entreprise à titre privé, mais qu'il s'agissait d'une opération planifiée

 19   au sein de l'état-major et qui avait été personnellement approuvée par

 20   Rasim Delic et que l'un des axes de cette opération était Here-Uzdol, le

 21   long duquel est intervenu le Bataillon autonome de Prozor, sous le

 22   commandement de Buzo, qui d'ailleurs a été récompensé pour cette action par

 23   une promotion.

 24   Compte tenu des conséquences de cette offensive de l'ABiH et des victimes

 25   de cette opération à Uzdol, le général Praljak a essayé de mettre un terme

 26   au meurtre de civils et a essayé de s'opposer à cette offensive

 27   particulièrement intense. Il a, par conséquent, demandé l'intervention

 28   également de la police militaire. Donc la question doit être posée de


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  1   savoir quels sont les crimes qui ont été commis par le HVO dans cette

  2   défense face à une attaque, parce que le Procureur n'a pas répondu à cette

  3   question. La Défense souhaite attirer l'attention des Juges de la Chambre

  4   sur le document P 5162 du 17 septembre 1993, dans lequel il est indiqué que

  5   les Croates à Prozor, malgré le massacre d'Uzdol, n'ont pas infligé de

  6   mauvais traitements aux Musulmans.

  7   La pièce P 4260 maintenant, qui est référencée dans la note en bas de page

  8   1 604. Dans cette pièce, il est dit :

  9   "Praljak a ordonné à la police militaire le 17 août 1993 qu'elle procède au

 10   retrait des prisonniers employés à des travaux à Prozor et qu'elle assure

 11   leur retour, ce qui montre qu'il commandait à la police militaire

 12   concernant les prisonniers."

 13   L'ordre du Praljak du 17 août 1993, selon le Procureur, indiquerait que

 14   Slobodan Praljak aurait été conscient et informé de cette possibilité

 15   d'employer des prisonniers à de différents travaux à Rama à partir de cette

 16   date-là. L'ordre montre la volonté qui était la sienne d'essayer de mettre

 17   un terme à cette pratique, à cette possibilité concernant les prisonniers,

 18   bien que cela n'ait pas relevé de sa responsabilité, notamment concernant

 19   le document P 4285. Il s'agit de la réponse d'Ante Pavelic datée du 18 août

 20   1993, réponse apportée à l'ordre du général Praljak. Ce document ne pouvait

 21   en aucune façon lui laisser penser que les travaux forcés étaient une

 22   pratique qui se poursuivait. Le Procureur n'a pas réussi à démontrer que

 23   Slobodan Praljak était informé de l'existence du moindre travail forcé

 24   accompli par des prisonniers. Il n'avait pas la moindre raison de penser

 25   cela, puisqu'il n'en a pas été informé et que cela n'a pas eu lieu. Le

 26   Procureur n'accepte pas la possibilité qu'une telle pratique ait pu être

 27   cachée du général Praljak, qu'elle ait pu être pratiquée à son insu, compte

 28   tenu du fait qu'il a interdit une telle pratique.


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  1   Au paragraphe 710, le Procureur se réfère à l'interview du général Praljak,

  2   et il dit que Praljak a avoué avoir consulté les dirigeants politiques de

  3   la HR HB. Et selon le Procureur, la pièce   P 8765 vient à l'appui de cela.

  4   L'auteur de ce document est Nebojsa Taraba, qui procède à cet entretien.

  5   L'article est intitulé : "Je ne suis pas responsable." Le Procureur se

  6   réfère à la page 4. Cependant, à la page 4, le texte de la première phrase

  7   n'indique absolument aucune activité illégale. La Défense souligne ici

  8   qu'il s'agit d'un entretien dont on ignore s'il a fait l'objet d'une

  9   autorisation et pour lequel on ignore également si les propos du général

 10   Praljak ont été exactement consignés. La Défense affirme également qu'il

 11   n'y a absolument rien d'illégal à consulter les dirigeants de la HZ HB. Ce

 12   qui manque ici au Procureur afin de pouvoir affirmer que son affirmation

 13   est tout à fait fondée, ce serait une preuve indiquant que c'était un crime

 14   qui était planifié et convenu et qu'on peut le voir dans ce document.

 15   L'affirmation figurant dans la deuxième phrase selon laquelle Praljak

 16   aurait participé à des réunions de la HZ HB et des réunions, notamment, au

 17   sommet de la direction politique, montrant par là même que ses actes et ses

 18   propres décisions entraient dans le cadre de la politique du HVO et de la

 19   HZ HB dans son ensemble, représente une affirmation sans le moindre

 20   fondement dans les éléments de preuve. Il n'y a d'ailleurs pas de note en

 21   bas de page ni de pièce à conviction citée à l'appui de cette affirmation.

 22   Dans la note de bas de page 1 648, nous trouvons : Les soldats qui ont

 23   rejoint les rangs du HVO ont continué à être payés par la HV. Et on se

 24   réfère à la page 42 991 du compte rendu d'audience.

 25   Je souhaite ici indiquer la chose suivante : dans sa déposition consignée

 26   en page 43 039 du compte rendu d'audience, le général Praljak a indiqué

 27   qu'on a procédé de la même façon à l'égard des volontaires de la HV qui

 28   étaient allés rejoindre les rangs de l'ABiH, des Musulmans donc, ce dont


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  1   nous trouvons une confirmation dans le document 3D 00299.

  2   Je voudrais revenir sur un document sur lequel le Procureur s'appuie afin

  3   de démontrer la présence de la HV en Bosnie-Herzégovine, et plus

  4   précisément en Herceg-Bosna. Je suis contrainte de revenir sur ce document

  5   parce que nous avons affaire là à une interprétation complètement erronée.

  6   Le Procureur se réfère au document P 03917. Dans sa note de bas de page

  7   numéro 1 648, le Procureur affirme que ce document confirmerait la présence

  8   de l'armée croate, de la HV. Il s'agit ici, en fait, de l'unité Hrvoje

  9   Vukcic Hrvatinic, il s'agit du retour de cette unité Hrvoje Vukcic

 10   Hrvatinic de Jajce. La mention "HV" qui figure devant le nom "Hrvatinic" ne

 11   signifie pas du tout HV au sens d'"armée croate". Pendant toutes ces années

 12   au cours desquelles nous avons eu l'occasion d'examiner nombre de documents

 13   sur ces sujets, je pense que le Procureur a eu de nombreuses occasions de

 14   comprendre qu'à chaque fois que "HV" était utilisée dans le sens d'"armée

 15   croate" comme abréviation il n'y avait jamais de point après les lettres

 16   "HV". Dans ce document, nous trouvons un point après la lettre "H"; c'est

 17   ici donc une abréviation pour le nom "Hrvoje". En se référant à ce

 18   document, le Procureur s'est donc révélé incapable de démontrer la présence

 19   de l'armée croate en Herceg-Bosna.

 20   Dans le paragraphe 718, le Procureur dit que le 16 janvier 1993, le

 21   commandant de la zone opérationnelle du nord-ouest aurait fait état de

 22   l'envoi par Praljak d'un message à l'ABiH indiquant que cette dernière

 23   allait être détruite si jamais elle n'acceptait pas les décisions de la HZ

 24   HB. Les négociateurs du HVO à Gornji Vakuf ont également procédé à des

 25   consultations avec Praljak avant l'élaboration des demandes du HVO.Le

 26   document en question -- réfère le Procureur est la pièce P 01162. Il s'agit

 27   là du rapport émis par le général Siljeg le 16 janvier et adressé à l'état-

 28   major principal. Il y est indiqué qu'une réunion s'est tenue et que Praljak


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  1   aurait indiqué qu'ils allaient être écrasés. C'est en page 43 698 que nous

  2   trouvons, dans le compte rendu d'audience, le point de vue qui était celui

  3   du général Praljak quant à de tels propos allégués, à savoir qu'il n'a pas

  4   prononcé de tels propos et qu'il n'a pas davantage eu de telles

  5   instructions à l'intention de Siljeg.

  6   Si vous vous penchez maintenant sur la pièce P 01174, page 1, paragraphe

  7   numéro 2, vous verrez qu'il s'agit d'un document émanant de l'ABiH et qu'on

  8   n'y trouve pas une seule mention de ce message selon lequel soi-disant ils

  9   allaient être écrasés. Le document parle, de façon très éloquente, des

 10   demandes du HVO, et nous ne trouvons pas une seule mention de la moindre

 11   menace qui leur aurait été adressée. A la page 2 du document, il est

 12   indiqué, je cite :

 13   "Dans le cas contraire, nous déclinons toute responsabilité pour les

 14   conséquences susceptibles de se produire suite à un refus de cette demande

 15   dont l'objectif est l'apaisement des tensions, l'arrêt des affrontements et

 16   le retour à l'ordre et à la paix sur le territoire touché par ces

 17   troubles."

 18   Dans le document P 01236, qui émane d'Hadzihasanovic, on ne trouve pas non

 19   plus la moindre mention d'une menace qui aurait été adressée par le HVO

 20   indiquant qu'ils allaient être écrasés. Il est extrêmement peu probable que

 21   cette menace n'aurait pas été mentionnée si elle avait vraiment été

 22   proférée.

 23   Dans son réquisitoire, le Procureur s'est référé au document   P 1163, page

 24   3, et a indiqué que le général Praljak se serait trouvé à Mostar avant son

 25   arrivée à Prozor et qu'il aurait émis un ordre à l'intention de Miro

 26   Andric. Le Procureur fonde cette conclusion sur le fait que l'on mentionne

 27   un général dans ce document. Cependant, on ne donne pas le nom du général

 28   en question. Ceci n'empêche, cependant, pas le Procureur de conclure qu'il


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  1   s'agit là du général Praljak et que c'est lui qui a été l'auteur de cet

  2   ordre émis concernant Mostar, parce que le général Petkovic se trouve à

  3   Genève. Le 15 et le 16 janvier 1993, le général Petkovic, toutefois,

  4   n'était pas à Genève. Toute une série de documents existe à l'appui de

  5   ceci. Je ne vais pas tous les énumérer, je voudrais simplement rappeler

  6   l'existence du document 2D 00471, qui est un procès verbal abrégé relatif à

  7   l'accueil réservé aux hauts représentants de la FORPRONU au sein du

  8   commandement de l'état-major le 16 janvier 1993 à 15 heures. Parmi les

  9   présents se trouvait également Milivoj Petkovic. Par conséquent, c'est de

 10   façon erronée, Messieurs les Juges, que le Procureur avance cette

 11   affirmation concernant la présence du général Petkovic à Genève, afin que

 12   les Juges de la Chambre tirent sur cette base une conclusion elle aussi

 13   erronée.

 14   Concernant Gornji Vakuf, je souhaiterais simplement dire encore que les

 15   affrontements ont commencé avant le 1er janvier 1993 et que la persistance

 16   que nous constatons à essayer d'établir un lien avec l'ordre portant

 17   resubordination, les efforts qui sont déployés afin de présenter cet ordre

 18   comme étant le déclencheur de ces événements est absolument dénué de

 19   fondement parce que les affrontements ont déjà éclaté le 11 janvier, avant

 20   la prise de cette décision portant resubordination. Quant aux objectifs de

 21   cette décision, ils sont clairement visibles sur la base des procès-verbaux

 22   présidentiels; il s'agit d'apaiser les tensions et de mettre un terme au

 23   conflit. Donc c'est plutôt l'inverse de ce que nous dit l'Accusation.

 24   Je souhaiterais encore simplement attirer votre attention sur la façon de

 25   procéder de l'Accusation. Dans la note de bas de page    1 559, le

 26   Procureur se fonde sur la déposition du Témoin Agic, la page 9 479 du

 27   compte rendu d'audience, mais le Procureur n'aurait pas dû se référer à

 28   cette partie du compte rendu parce qu'il s'agissait là du contre-


Page 52486

  1   interrogatoire fait par le général Praljak. Et le texte qui est ici cité

  2   par le Procureur représente des questions posées par le Témoin Agic au

  3   général Praljak, ce qui, là non plus, n'aurait pas dû être cité à l'appui.

  4   Par conséquent, le fait que le général Praljak ait répondu au témoin,

  5   lorsque celui-ci lui a posé des questions alors que le général Praljak se

  6   trouvait lui-même dans le rôle de la personne posant les questions, ne

  7   saurait être considéré comme un élément de preuve. Le général Praljak n'a

  8   jamais nié sa présence à Mostar le 15 janvier et son arrivée le 16 janvier

  9   à Prozor.

 10   Aux paragraphes 720 à 728 de son mémoire, le Procureur indique que Praljak

 11   aurait commandé ou participé à des opérations militaires lors desquelles

 12   des crimes ont été commis à l'encontre des Musulmans dans le cadre de

 13   l'accomplissement des objectifs de l'entreprise criminelle commune. Il est

 14   hors de doute que le général Praljak émettait bien des ordres. C'était

 15   d'ailleurs son devoir premier en qualité de commandant de l'état-major. Il

 16   émettait des ordres à l'intention des unités du HVO et aux fins de la

 17   participation à des opérations militaires, ce qui faisait également partie

 18   de ses devoirs. Les ordres émis par le général Praljak concernaient une

 19   période pendant laquelle l'ABiH procédait à une offensive particulièrement

 20   intense. Cependant, pendant l'ensemble du procès, le Procureur n'a exhibé

 21   aucun ordre du général Praljak qui aurait été relatif aux opérations

 22   offensives ou à la prise de territoires sur lesquels le HVO ne s'était pas

 23   trouvé avant l'opération militaire concernée. Pendant toute cette période à

 24   partir de juin 1993, le HVO était en position défensive face à une attaque

 25   intense. Le Procureur n'accepte pas cela, certes, mais les Juges de la

 26   Chambre ne peuvent pas ignorer ce fait.

 27   Le Procureur n'a présenté aucun élément de preuve, ni ne s'y est référé,

 28   qui nous confirmerait la commission de crimes par des personnes


Page 52487

  1   subordonnées au général Praljak. Le dossier est également constitué par les

  2   dépositions des témoins de l'Accusation. Il ressort de ces dernières que

  3   les personnes responsables de mauvais traitements étaient, certes, pour

  4   certaines, en uniforme, mais également en tenue civile, que tout un chacun

  5   pouvait porter un uniforme, qu'il s'agisse ou non d'un soldat et qu'il

  6   s'agisse ou non d'un soldat du HVO ou de l'ABiH.

  7   Et j'attire votre attention sur le document 3D 03205. Il s'agit de la

  8   déclaration du Témoin 1D AA concernant les personnes responsables de

  9   mauvais traitements à Mostar. J'attire également votre attention sur la

 10   déposition du Témoin BN, qui nous a confirmé le fait qu'il s'agissait là

 11   d'auteurs qui portaient des tenues civiles.

 12   Le Procureur n'a pas démontré que ces crimes avaient été commis par

 13   des subordonnés du général Praljak, pas plus que le Procureur n'a démontré

 14   que le général Praljak aurait été au courant de la commission de ces

 15   crimes. Le Procureur avait pourtant le devoir d'établir un lien entre

 16   chaque crime retenu par lui, donc à la charge du général Praljak, avec des

 17   soldats qui lui seraient subordonnés. Il avait le devoir de ne laisser

 18   aucune possibilité et, en fait, d'exclure la possibilité qu'il se serait

 19   agi de civils. Mais nous n'avons pas, ici, une conclusion qui pourrait être

 20   tirée sur la base d'indices, parce qu'il y a également cette deuxième

 21   possibilité qui n'a pas été exclue. Par conséquent, il ne saurait s'agir

 22   d'un fondement susceptible d'être retenu pour une condamnation.

 23   Le document P 04399 est un document sur lequel je reviens parce que

 24   le Procureur s'y réfère. Mais ce que je voudrais dire, quant à moi, c'est

 25   que ce qui ressort de ce document est la chose suivante : de part la venue

 26   du général Praljak à Prozor, l'ordre a été introduit et la situation s'est

 27   améliorée, et le général Praljak s'est rendu en visite sur les lignes de

 28   front. Mais le Procureur s'est efforcé de démontrer que les ordres du


Page 52488

  1   général Praljak auraient été à l'origine de la commission de crimes, et

  2   pour ce faire, il se réfère au document P 05365. Il s'agit là d'un rapport

  3   concernant les succès du HVO pendant la durée de l'offensive musulmane du

  4   mois de septembre. Cependant, le Procureur passe ici sous silence le fait

  5   qu'il s'agit d'une offensive musulmane qui a commencée le 14 septembre. Et

  6   pour faire preuve de toutes les précautions nécessaires, je voudrais

  7   rappeler que Rastani, au mois de septembre, ne figure pas à l'acte

  8   d'accusation, qu'il n'était, par conséquent, pas possible de s'y référer

  9   dans le cadre du réquisitoire ou du mémoire en clôture, parce qu'il sort du

 10   cadre temporel de l'acte d'Accusation.

 11   Au paragraphe numéro 721, le Procureur évoque un certain nombre de

 12   documents à l'appui de ses affirmations. Cependant, les documents avancés

 13   par le Procureur ne confirment en aucun cas que le général Praljak aurait

 14   donné l'ordre que des crimes soient commis, pas plus qu'il ne démontre la

 15   commission desdits crimes. Pour pouvoir accuser de cela le général Praljak,

 16   a fortiori pour pouvoir le condamner sur cette base, il aurait fallu que le

 17   Procureur rassemble et ensuite présente des preuves directes indiquant que

 18   Praljak avait émis un ordre, que les crimes ont été commis par des membres

 19   d'unités subordonnées au général Praljak, selon une ligne de commandement

 20   précise, que le général Praljak était informé de la commission de ces

 21   crimes et qu'il n'a rien entrepris dans le cadre de ses attributions dans

 22   une telle situation.

 23   Je souhaite simplement attirer l'attention des Juges de la Chambre sur le

 24   fait que dans le paragraphe 721 du mémoire en clôture de l'Accusation qui

 25   concerne Vakuf en 1993, nous avons encore affaire à quelque chose qui sort

 26   du cadre spatial de l'acte d'Accusation. Par conséquent, je n'y reviendrai

 27   pas.

 28   Le Procureur, en essayant de prouver des comportements criminels du


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  1   général Praljak, dans le paragraphe 722 de son mémoire en clôture, se

  2   réfère aux événements de Rastani. En dehors de son constat de la commission

  3   de crimes, il n'évoque aucun lien entre ces crimes et le général Praljak.

  4   Si le général Praljak a nommé M. Stampar comme commandant sur le théâtre

  5   des opérations, cela en soi n'établit aucun lien entre le général Praljak

  6   et quelque crime que ce soit. Le Procureur n'a pas présenté d'élément de

  7   preuve susceptible de démontrer que Praljak a reçu le moindre rapport

  8   portant sur les crimes à Rastani qui auraient été commis pendant

  9   l'opération du 23 août 1993.

 10   Alors, Messieurs les Juges, on m'informe que c'est peut-être le

 11   moment de faire la pause, non.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : On a fait quasiment déjà une heure trente, mais on

 13   pourrait aller jusqu'à midi et demi, donc il vous resterait 10 minutes, ou

 14   on fait la pause maintenant, comme vous voulez.

 15   Mme PINTER : [interprétation] En ce qui me concerne, je peux continuer. Je

 16   me demandais simplement si le général Praljak souhaitait peut-être -- non.

 17   Bon.

 18   Le Procureur parle d'un document, le P 4719, en note de bas de page 1 663,

 19   et il dit que le général Praljak a donné des ordres portant sur

 20   l'organisation d'un système de commandement et des activités de défense

 21   dans cette zone de l'Herzégovine du sud-est, et puis on cite un document

 22   qui prouve que cet ordre a bel et bien été exécuté. Pendant la guerre, un

 23   commandant donne des ordres afin que ceux-ci soient exécutés, mais ça ne

 24   peut pas constituer l'élément d'un crime en soi. Si le Procureur acceptait

 25   les éléments de preuve pour ce qui est de ce qui a été présenté au procès,

 26   à savoir que le HVO était en guerre contre l'ABiH, et non pas la population

 27   musulmane, ce genre de chose ne serait pas inscrite au mémoire en clôture.

 28   Le Procureur était censé présenter des éléments de preuve disant que le HVO


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  1   s'était attaqué à une population musulmane. Le Procureur ne démontre pas un

  2   élément de preuve qui établirait un lien entre le général Praljak et des

  3   crimes directement commis ou des choses qui lui seraient reprochées pour

  4   avoir manqué à punir quelqu'un de l'avoir fait dans le cadre de ses propres

  5   pouvoirs. Le bureau du Procureur se doit de prouver au-delà de tout doute

  6   raisonnable que Praljak avait commandé les hommes placés sous ses ordres et

  7   leur aurait enjoint de s'attaquer de façon illicite à une population

  8   civile, ou alors qu'il aurait donné instruction à des subordonnés visant à

  9   leur faire commettre des crimes, ou qu'il aurait approuvé la perpétration

 10   de ce crime, ou qu'il aurait, une fois appris que crimes il y a eu, il

 11   aurait, en l'occurrence, procédé à une dissimulation de ces crimes. Les

 12   éléments de preuve partant d'indices peuvent être pris en considération

 13   seulement en cas où peut être tirée une seule conclusion raisonnable de

 14   celle-ci, à savoir que le général Praljak aurait approuvé la commission

 15   d'un crime. Je suis certaine et j'affirme que les Juges de la Chambre ne

 16   peuvent pas tirer ce type de conclusion partant des éléments de preuve mis

 17   à leur disposition et partant desquels il convient de décider de la

 18   responsabilité du général Praljak.

 19   Le Procureur n'a montré aucun élément de preuve où Praljak aurait pris des

 20   rapports du SIS, qui avaient pour mission d'indiquer quels sont les

 21   comportements des soldats du HVO, ou autre rapport ou avertissement qui

 22   aurait été communiqué à lui. Ce type de documents, il ne pouvait pas les

 23   recevoir parce que le commandant de l'état-major principal du HVO n'est pas

 24   chargé d'un traitement de données en procédure pénale. Il ne recueille pas

 25   d'éléments de preuve en interrogeant les témoins. Il n'est pas chargé de

 26   faire des dépôts de plainte au pénal. Il ne dresse pas d'acte d'accusation.

 27   Il ne rend pas de jugement. Il n'y a que dans des cas de figure de ce genre

 28   que le général Praljak était ou aurait été à même de punir des auteurs de


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  1   crimes.

  2   S'agissant du modèle de comportement qui aurait été celui du général

  3   Praljak, et référence faite à des responsabilités ressortant de ses

  4   responsabilités, donc il n'était ni procureur ni juge. Il ne pouvait mettre

  5   en place que des mesures disciplinaires, et ces choses-là sont illustrées

  6   par les documents P 3829, le P 4260, le    P 5530, le 3D 3316, le P 889 --

  7   oui, je disais P 8889, le P 7035, le  P 2860 et le P 5621.

  8   Je vais sauter la partie relative au droit humanitaire, parce que les

  9   parties en présence disposent d'un grand nombre d'éléments de preuve disant

 10   que M. Praljak s'était efforcé de faire connaître aux soldats les

 11   dispositions du droit humanitaire et les dispositions qui indiquent quel a

 12   été son comportement en la matière. Donc, comme je n'ai pas assez de temps

 13   à ma disposition, je me propose de sauter cette partie-là, et j'en arrive

 14   au paragraphe 728. Il est question là des conclusions du bureau du

 15   Procureur relatives au fait de tolérer les crimes par Praljak et d'un

 16   soutien qu'il aurait apporté à la perpétration de crimes.

 17   La Défense du général Praljak dit que celui-ci n'a jamais approuvé la

 18   commission de crimes, et nous pensons que la Défense l'a démontré au fil du

 19   procès. En suivant le comportement du général Praljak depuis Sunje,

 20   témoignage du Témoin Arbutina, page du compte rendu 45 091; puis le Témoin

 21   Crnkovic, page du compte rendu 45 106; puis le 3D 3679, déclaration du Dr

 22   Mahmoud Eid; le document 3D 2860 et le 3D 3361, qui sont des documents du

 23   Ministère de la Défense de la République de Croatie émanant du général

 24   Praljak. Puis, au suivi du comportement du général Praljak pour ce qui est

 25   de la protection des Serbes à Grabovina, municipalité de Capljina,

 26   déclaration de témoin faisant l'objet de la pièce 3D 3666, puis le

 27   témoignage du Témoin Curcic au principal et sa déclaration qui fait l'objet

 28   de la pièce 3D 3759, page 3, page 5 et page 8, qui parlent du type de


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  1   comportement à l'égard des prisonniers. Puis, la libération du Témoin BM,

  2   la pièce 5530, qui permet de déterminer quelles ont été les modalités de

  3   comportement vis-à-vis de la nécessité d'établir la discipline, de punir

  4   l'indiscipline, d'interdire les pillages, les mauvais traitements et

  5   nécessité de prendre soin des civils. Le Procureur n'a pas apporté

  6   d'élément de preuve qui montrerait que des témoins placés sous les ordres

  7   du général Praljak auraient incendié des maisons de Musulmans, les auraient

  8   dépossédés de leurs biens, auraient placé illégalement en détention des

  9   Musulmans ou les auraient terrorisés pour finir par les déporter. Il n'a

 10   pas été prouvé que Praljak aurait toléré ce type de comportement, pas plus

 11   qu'il n'a été informé de ce type de comportement.

 12   On me dit, Monsieur le Président, que l'heure de la pause est

 13   arrivée.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est l'heure de faire la pause. Vous avez

 15   utilisé trois heures et 30 minutes. Nous reprendrons dans 20 minutes.

 16   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 17   --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 19   Mme PINTER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Au paragraphe 730, le Procureur semble citer ou faire une prétendue

 21   citation d'un document qui est le P 8765 et dit que pour ce qui est du

 22   style de commandement à Praljak, il y a un rapport de fait par un

 23   subordonné, et que le subordonné en question aurait dit que :

 24   "Le général Praljak disait alors que les Croates se devaient

 25   d'apprendre à haïr les Musulmans."

 26   Cette affirmation est inexacte, il s'agit d'une mauvaise

 27   interprétation, une interprétation erronée du texte. Le texte cité par le

 28   Procureur est un texte écrit par un journaliste, et non pas prononcé par un


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  1   soldat qui aurait été le subordonné du général Praljak.

  2   En sus du reste, la question qui se pose est celle de savoir pourquoi le

  3   général Praljak, en 1993, aurait modifié les positions et comportements qui

  4   ont été les siens pendant toute la période antérieure, à savoir que les

  5   crimes ne sauraient être pardonnés, les crimes se devaient d'être

  6   sanctionnés, mais il n'est pas censé pouvoir réagir si on ne l'a pas mis au

  7   courant.

  8   Le paragraphe 732. Dans ce paragraphe, le Procureur présente le document P

  9   5530 pour présenter une affirmation au terme de laquelle, au sein des

 10   unités du HVO, il y aurait eu une absence du respect de la loi. Nous avons

 11   entendu un des débats à ce sujet, et il a été évoqué un rapport de l'unité

 12   qui revient de Vakuf vers la Croatie, unité qui aurait séjourné pendant

 13   longtemps sur le théâtre des combats dans les environs de Vakuf. Je précise

 14   que dans cette unité,  il y avait des volontaires venus de Croatie. Et dans

 15   ce rapport, il est dit :

 16   "Notre unité est accusée d'avoir pillé des maisons au champ de bataille

 17   d'Uskoplje. Nous avons été arrêtés à une guérite de contrôle, prétendument

 18   sous ordre du général Praljak. Suite au contrôle par la police militaire,

 19   on aurait retrouvé des appareils comme suit : un réfrigérateur, un

 20   congélateur, un poêle de chauffage, et cetera. Et tout ceci a été

 21   confisqué."

 22   Ce document montre que le général Praljak, en dépit du fait qu'il s'agit

 23   ici de combattants qui ont passé une période assez longue à la ligne de

 24   front, n'a pas toléré les pillages. Et lorsqu'il a eu vent de la chose, il

 25   a réagi de façon prompte.

 26   Pour ce qui est du comportement du général Praljak et de son aptitude vis-

 27   à-vis des crimes, il y a un document qui l'illustre, qui est le document 3D

 28   3316, un document daté du 1er octobre 1992. Il dit qu'il faut que règne le


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  1   droit et que personne, aucun membre de l'armée croate, ne saurait violer la

  2   loi. Et il demande à ce que par le courage pour des sacrifices et des

  3   mérites de tout un chacun ne fournit pas un justificatif pour atténuer la

  4   sanction relative à un délit au pénal et encore moins pour impliquer un

  5   pardon. Les biens des citoyens, les biens de l'Etat et les biens de

  6   l'ennemi se trouvent être protégés par la loi; la page 8 du document. Aucun

  7   soldat croate ne saurait s'attendre à ce qu'un délit au pénal vienne à lui

  8   être pardonné ou s'attendre à ne pas faire l'objet d'une procédure au

  9   pénal. Ce document, donc, montre l'attitude adoptée par le général Praljak

 10   vis-à-vis des crimes et vis-à-vis de tout comportement inadmissible. Mais

 11   le général Praljak ne pouvait pas juger les soldats, il ne pouvait pas

 12   rendre des jugements et il ne pouvait pas non plus dresser des actes

 13   d'accusation. D'autres organes existaient pour ce qui est de ce type de

 14   tâches.

 15   Nous voulons indiquer que le général Praljak, à plusieurs reprises, a

 16   indiqué qu'il savait que du fait de l'utilisation de la police militaire

 17   aux combats, il n'y aurait pas réaction immédiate de sa part s'agissant de

 18   comportement inadmissible. Il n'en demeurerait pas moins que les

 19   responsables de délits au pénal pouvaient être poursuivis par la suite. Et

 20   le général Praljak a dit que pour tout crime ou prétendu crime, on pouvait

 21   demander la responsabilité de tout un chacun, et c'est ce qui a été fait à

 22   cet effet. En guise d'illustration, nous tenons à citer le document 1D

 23   2577, opération "Spider", ou araignée. Il y a eu arrestation de personnes

 24   pour lesquelles on avait eu des suspicions au terme desquelles, en 1993 et

 25   1994, ils auraient commis plusieurs délits au pénal sur le territoire de la

 26   municipalité de Rama. Puis, un document autre, un document qui est le 1D

 27   01252, qui reprend des données relatives à des auteurs de délits au pénal.

 28   Au 1er juin 1993, pillage; puis 21 septembre 1993, meurtre; puis 17 août


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  1   1993, meurtre, et cetera. Et les éléments de preuve que nous avons

  2   présentés et qui ont été versés au dossier montrent bien qu'il y a eu des

  3   délits qui ont été poursuivis, qu'on n'a pas justifié des délits commis et

  4   que ces délits n'ont pas fait l'objet d'un plan prémédité à aucun moment.

  5   Au paragraphe 751, le Procureur affirme que Praljak avait été au courant

  6   des expulsions de Musulmans. Cette allégation est fondée par l'Accusation

  7   sur les dires du Témoin E, mais la teneur du discours tenu par le général

  8   Praljak à la page du compte rendu indiquée par le Procureur ne peut

  9   constituer un élément de preuve. Cela ne peut pas être considéré comme

 10   étant une preuve, vu que c'était un témoignage qui s'est fait sans

 11   prestation de serment. Le Procureur avait insisté sur la nécessité de ne

 12   pas prendre comme élément de preuve des discours qu'aurait faits le général

 13   Praljak.

 14   Le paragraphe 757. Le 24 septembre 1993, Praljak s'est adressé à ces

 15   combattants au sujet de la situation sur le champ de bataille de Mostar et

 16   Rastani et autres aux fins d'encourager ces soldats du HVO à poursuivre

 17   vers de nouvelles victoires. D'après le Procureur, le HVO se trouve dans

 18   une espèce de vide. Praljak attaque, il connaît des succès, mais pour ce

 19   faire, il faut une partie adverse. A l'avenant de notre lettre intitulée

 20   "offensive ABiH", nous avons cité des documents du mois de novembre 1992 et

 21   des documents allant jusqu'à la fin du mois d'octobre 1993 qui parlent de

 22   l'offensive lancée par l'ABiH. Lorsque ce document cité par le Procureur a

 23   été rédigé, il y a déjà eu les événements de Doljani le 27 juillet 1993,

 24   puis les événements de Grabovica le 8 septembre 1993, puis Uzdol le 14

 25   septembre 1993. La puissance de ces offensives a été consignée dans les

 26   documents de l'unité de la FORPRONU qui s'était trouvée sur le secteur de

 27   Mostar et de Jablanica, ainsi que dans la région au sud de Mostar. Si le

 28   HVO a réussi à ralentir l'offensive de l'ABiH, bien entendu, il a fallu


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  1   tenir les soldats au courant des choses. Il fallait les rendre optimistes

  2   et susciter l'espoir de ne pas voir les Croates expulsés de la région où

  3   ils résidaient. Donc il fallait faire savoir que le HVO avait stoppé ou

  4   ralenti des offensives musulmanes, or le Procureur se comporte comme si

  5   l'offensive en question n'y a guère eu du tout.

  6   Maintenant, nous passons au siège de Mostar. Nous en avons longuement parlé

  7   dans nos écritures de clôture. Nous avons abordé la totalité des

  8   allégations au cas le cas pour ce qui est des pilonnages, pour ce qui est

  9   des tirs de tireurs embusqués, pour ce qui est du pont de Bijela. En raison

 10   du peu de temps que j'ai, je me limiterai et je passerai tout de suite au

 11   paragraphe 761, bien qu'il y aurait eu bien des choses à dire en réponse

 12   aux allégations du Procureur. Mais je parlerai du paragraphe 761, qui est

 13   intitulé "Les convois".

 14   J'affirme que les allégations de ce paragraphe sont contrecarrées par

 15   des éléments de preuve. Nulle part il n'a été consigné ni déterminé pendant

 16   le débat le fait que Praljak aurait interdit les passages de convois. C'est

 17   tout le contraire. Je ne parle pas seulement d'un convoi où il y a eu le

 18   convoi arrêté à Citluk, où le général Praljak est monté sur un blindé de

 19   transport de troupes, là où les autres qui auraient dû le faire ne l'ont

 20   pas fait, et il a rendu possible le passage d'un convoi vers Mostar est. Je

 21   parle de la totalité des convois qui, au fil de 1993, sont allés vers la

 22   Bosnie centrale à l'intention des Musulmans à Zenica; le document 3D 00921

 23   à l'appui. La liste des convois du 1er juin 1993 jusqu'au 10 décembre 1993.

 24   Donc, pendant toute la période pendant laquelle le général Praljak était

 25   commandant, mais également avant et après ce moment-là, les convois ont pu

 26   passer. Bien sûr, au moment où l'offensive de l'ABiH battait son plein dans

 27   la zone de la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-est, au moment où

 28   il était dangereux de circuler, les représentants eux-mêmes de la


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  1   communauté internationale ont décidé de ne pas passer avec des convois.

  2   Cela ne leur a pas été interdit par le HVO. Mais ces mêmes intervenants

  3   internationaux n'ont rien fait pour mettre fin aux attaques menées par

  4   l'ABiH.

  5   Pièce P 5926. Il s'agit d'un protocole régissant le passage des convois

  6   humanitaires en date du 17 octobre 1993. Il ressort de ce protocole que

  7   pour autoriser le passage des convois, la compétence ne relève pas de

  8   l'état-major principal. Donc le général Praljak ne peut pas être appelé à

  9   rendre compte de la situation des convois, mais lui n'a jamais interdit le

 10   passage de convois.

 11   Pièce 4027 à présent, l'accord de Makarska sur le passage libre des convois

 12   humanitaires. Aucun membre de l'état-major principal n'est présent, car il

 13   ne s'agit pas de quelque chose qui relève du ressort de l'état-major. Le

 14   Procureur n'a pas démontré que le général Praljak ait empêché des convois

 15   de passer, et nous avons démontré qu'à partir du moment où les compétents

 16   n'ont pas pu assurer un convoi pour Mostar est, le général Praljak y est

 17   parvenu.

 18   Le paragraphe 767 à présent, ainsi que le paragraphe 768. Le Procureur y

 19   affirme que le général Praljak aurait montré sa vision pendant le contre-

 20   interrogatoire et qu'il a admis avoir prôné la séparation des peuples en

 21   Bosnie-Herzégovine. Alors, de quel crime s'agit-il lorsqu'on prône

 22   l'autonomie d'un peuple constitutif de Bosnie-Herzégovine ? Cette autonomie

 23   ne serait pas un cas unique de par le monde qu'au sein d'un Etat, il existe

 24   une entité autonome. Praljak n'a jamais parlé de séparation au sens de

 25   départ de territoires habités depuis toujours par les Croates, donc la

 26   séparation de ce territoire de Bosnie-Herzégovine. Mais il a prôné

 27   l'autonomie des Croates à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine pour qu'ils

 28   puissent pleinement réaliser leur caractère de peuple constitutif.


Page 52498

  1   Quel élément de quelque infraction rapportée au Statut est constitué par

  2   une pensée politique, une aspiration ou une proposition d'aménagement

  3   politique ou d'organisation politique ? Pour que ce souhait puisse devenir

  4   élément de responsabilité pénale du général Praljak, le Procureur devrait

  5   démontrer que les événements se sont déroulés de telle façon que l'on a

  6   cherché à avoir recours à la force pour réaliser son souhait. En revanche,

  7   les preuves démontrent le contraire.

  8   Au paragraphe 770, le Procureur avance que Praljak prônait l'expulsion des

  9   Musulmans afin de garantir la présence de la majorité de la population

 10   croate dans la HZ HB, puis il cite à l'appui la pièce P 00524, à savoir une

 11   transcription présidentielle. Le général Praljak n'a pas prôné l'expulsion

 12   des Musulmans. Il parlait de gens chassés par les Serbes qui sont arrivés

 13   par la suite à Travnik, ce qui a entraîné une modification de la structure

 14   ethnique. Si des personnes expulsées restent à Travnik, expulsées par la

 15   VRS et la JNA, alors à ce moment-là, la purification ethnique menée par la

 16   VRS se trouve gratifiée, récompensée. Alors, l'importance de l'arrivée des

 17   personnes déplacées en Bosnie centrale est enregistrée par Margaret

 18   Thatcher dans son livre, pièce versée au dossier sous la cote 3D 2642, page

 19   169. La prise en charge d'un si grand nombre de personnes, en particulier

 20   en Croatie et en Bosnie, a été insupportable. Ces vagues de réfugiés ont

 21   apporté avec eux l'instabilité, et tel a été leur objectif. L'arrivée de

 22   milliers de réfugiés musulmans en Bosnie centrale, ce qui a perturbé

 23   l'équilibre ethnique entre le Musulmans et les Croates, constitue un

 24   facteur important ayant contribué à ce que la guerre se déclenche entre ces

 25   deux parties, et cela a eu lieu, elle a éclaté en mars 1993.

 26   Voyons maintenant la pièce 3D 02637. Schrader qui confirme également que

 27   les personnes déplacées ont causé le conflit. La Défense argumente de

 28   manière très précise et détaillée sa thèse par rapport à Prozor, et cela


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  1   figure dans son mémoire en clôture. Nous nous contenterons d'ajouter que la

  2   Chambre n'a en main aucune preuve qui viendrait étayer la thèse du

  3   Procureur, à savoir que le général Praljak a été au courant de la

  4   commission des crimes et qu'il les a approuvés. Tout au contraire. Nous

  5   l'avons démontré.

  6   Puisque le Procureur, dans son mémoire en clôture et dans son réquisitoire,

  7   réitère le fait que le général Praljak aurait affirmé pendant son

  8   témoignage qu'il souhaitait la victoire, la Défense vous renvoie aux pages

  9   du compte rendu d'audience 40 985 jusqu'à 40 986 du 2 juin 2009, où

 10   s'exprime le général Praljak. Il dit :

 11   "A l'époque, ce qui m'importait, c'était de ne pas perdre Gornji Vakuf ou

 12   Rama. Bugojno était déjà perdu. Je ne voulais pas perdre Vakuf et le reste.

 13   Les forces qui nous attaquaient, l'ABiH, étaient en passe de tout nettoyer

 14   jusqu'à la frontière croate. Je ne suis pas l'occupant dans cette partie."

 15   Le général Praljak n'a jamais dit qu'il fallait qu'il remporte la guerre;

 16   il a dit qu'il ne pouvait pas perdre la guerre et qu'il ne pouvait pas

 17   perdre les parties habitées par les Croates.

 18   Le général Praljak arrive au moment où l'offensive musulmane arrive à son

 19   comble. Il est tout le temps déployé en première ligne de front, il a

 20   affaire à des milliers de Croates chassés de Kakanj, Vares, Bugojno,

 21   Konjic, Klis. Les témoins Gerritsen, Skender, Curcic en ont parlé. Le

 22   Procureur, pendant sa présentation des moyens, n'a pas démontré qui sont

 23   les auteurs directs d'infraction, ce qui lui permettrait d'affirmer qu'ils

 24   ont eu des liens directs avec le général Praljak.

 25   Au paragraphe 785, le Procureur cite la position avancée par M. le Juge

 26   Trechsel à l'appui de ses affirmations et dit que le Juge Trechsel a bien

 27   résumé la position de Praljak :

 28   "Non, je me contente de noter que vous avez confirmé que votre politique et


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  1   votre idée est que s'il existe l'assassin et la victime, vous écarterez la

  2   victime au lieu de rattraper l'assassin."

  3   Alors, pour que Praljak puisse autoriser la détention des civils, il

  4   fallait bien qu'il soit au courant de cela au moment des faits. Et s'il

  5   l'avait su, le Procureur aurait dû présenter au moins un document à l'appui

  6   démontrant que Praljak aurait ordonné ou aurait été informé par qui que ce

  7   soit de cela à l'époque des faits.

  8   On ne peut pas citer à l'appui un entretien accordé après la guerre, donc

  9   un entretien accordé sur les informations qui ont été reçues après la

 10   guerre. Et Praljak, d'ailleurs, a expliqué qu'entre les deux maux, il a

 11   bien fallu choisir le moindre -- le moindre mal. Les vies ne sont-elles pas

 12   ce qui importe le plus ? Et n'oublions pas qu'à l'époque, la HZ HB doit

 13   gérer 50 000 personnes déplacées arrivées de Bosnie centrale, qui sont

 14   arrivées non pas parce qu'elles souhaitaient s'installer en Herzégovine,

 15   non pas parce qu'elles ont eu peur face à la propagande, non pas parce

 16   qu'elles étaient là pour atteindre des objectifs politiques, mais parce

 17   qu'elles voulaient sauver leurs vies. Ce n'étaient pas des criminels, pour

 18   que l'observation du Juge Trechsel citée par l'Accusation à l'appui de son

 19   affirmation puisse être utilisée ici en tant qu'une preuve. Il s'agit de

 20   l'exode des personnes suite à l'offensive menée par l'ABiH, suite à la

 21   chute des villes où ces personnes avaient habité et s'enfuient et se

 22   rendent là où elles se sentent plus en sécurité.

 23   Dans une situation où, au plateau de Dubrava, l'on constate la présence de

 24   groupes de sabotage, où des opérations de combat sont en cours, et

 25   lorsqu'on s'attend à ce que l'ABiH continue son action le long de la vallée

 26   de la Neretva, lorsqu'un très grand nombre de personnes frustrées,

 27   blessées, ayant du ressentiment sont là, le général Praljak, après la

 28   guerre, après les événements, lorsqu'il a appris les raisons de la


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  1   réinstallation des Musulmans, a dit que cela a été une bonne mesure parce

  2   qu'elle a permis de sauver des vies.

  3   Par rapport au document P 9470, permettez-moi simplement d'attirer

  4   l'attention de la Chambre sur le fait que la pièce à conviction de ce

  5   document est -- en fait, la page 2 qui a été versée au dossier également

  6   sous la côté IC 1076. Au moment de l'appréciation de ce document, je

  7   prierais les Juges de la Chambre de prendre en considération le document 1C

  8   01076.

  9   Le Procureur n'a montré aucune preuve démontrant que l'état-major principal

 10   ou le général Praljak ait eu quoi que ce soit à faire avec les centres de

 11   détention. La pièce P 7064, citée par le Procureur, est un rapport de

 12   Biskic sur la situation qui prévaut dans les centres où résident les

 13   prisonniers de guerre. Il n'y a là rien qui parlerait de la compétence de

 14   l'état-major principal sur ces centres de résidence.

 15   Prenons la pièce P 7124, page 6. Ce document porte une date du mois de

 16   décembre 1993. Aucun membre de l'état-major principal du HVO n'est présent,

 17   et nous voyons la liste des présents en première page. Il s'agit d'une

 18   opérationnalisation de l'ordre donné par Boban sur le démantèlement des

 19   centres de détention. Alors, ceux qui sont présents sont ceux qui ont

 20   directement à voir avec les centres de détention, à savoir le Ministère de

 21   la Défense, le chef de l'administration du SIS, la police militaire, le

 22   chef du VZ de Ljubuski, les chefs des centres de détention Heliodrom et

 23   Gabela, le MUP, le chef du département de la sécurité publique, les

 24   procureurs et les juges militaires. Aucun membre de l'état-major principal

 25   du HVO n'est présent et n'a été informé de la tenue de cette réunion.

 26   Au paragraphe 813, le Procureur parle des tireurs isolés. Il affirme que

 27   les tireurs isolés étaient placés sous le commandement du général Praljak

 28   et qu'il était au courant de l'activité des tireurs isolés et que, donc,


Page 52502

  1   c'est le HVO qui doit en incomber la responsabilité, en la personne du

  2   général Praljak. Mais la Chambre ne s'est pas vue présenter une preuve, à

  3   savoir la preuve que ce sont des militaires du HVO qui ont bien touché ces

  4   victimes, que c'est exclusivement et uniquement une arme entre les mains du

  5   HVO qui a pu prendre pour cible les endroits où se sont trouvées les

  6   victimes. Il aurait fallu démontrer que c'est uniquement, exclusivement les

  7   positions où était déployé le HVO sur la partie ouest de Mostar qui ait été

  8   l'endroit d'où on pouvait blesser ou tuer ces victimes.

  9   Le Procureur affirme que Praljak n'a pas bien contre-interrogé, qu'il

 10   a mal interrogé, sans aucun argument sur le fait que les tireurs isolés

 11   étaient placés sous le commandement du HVO. Juste avant la fin de ma

 12   plaidoirie, permettez-moi de citer le rapport de Mazowiecki qui est cité à

 13   plusieurs reprises par le Procureur dans son réquisitoire ou dans son

 14   mémoire au final. Je cite donc la pièce P 4822, et permettez-moi de citer

 15   que les tirs isolés venus des positions du gouvernement de Bosnie-

 16   Herzégovine, c'est-à-dire de l'ABiH déployée sur la rive est, se situent à

 17   droite, Brijeg, à l'hôpital, et bien que c'est précisément ces positions-là

 18   qui ont été visitées par Mazowiecki, il ressort de ce rapport que la rive

 19   est comme la rive ouest manquent d'eau à Mostar. Il ressort également de ce

 20   document que Mostar a été détruit dès 1992, ou plutôt, surtout en 1992. A

 21   l'appui, la pièce 1D 1415.

 22   Il en vient de préciser que mon temps s'est écoulé. Excusez-moi.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

 24   Mme PINTER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. On m'a

 25   précisé qu'il fallait que je réserve les 30 minutes qui restent au général,

 26   mais je viens d'apprendre qu'en fait, il me reste encore du temps. Merci.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez utilisé quatre heures jusqu'à

 28   présent. Donc, si le général Praljak intervient, il interviendra lundi,


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  1   parce qu'on va arrêter impérativement à deux heures moins quart.

  2   Mme PINTER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas terminé.

  3   En fait, je pensais simplement que mon temps avait expiré et que je devais

  4   en terminer, mais si je puis poursuivre et aborder encore un certain nombre

  5   de paragraphes du mémoire du Procureur, je le ferai avec grand plaisir.

  6   Je me suis arrêtée à la question des tireurs embusqués au moment où je

  7   pensais devoir m'interrompre.

  8   Au paragraphe 814, le Procureur parle de la connaissance que Praljak

  9   aurait eue des tireurs embusqués du HVO à Mostar. Cependant, les documents

 10   auxquels il se réfère disent l'inverse. Et le document P 04822 a déjà été

 11   analysé, en tout cas je l'ai évoqué. Quant à la pièce P 10047, il s'agit

 12   d'une déclaration pour laquelle, à ce stade, je ne suis pas absolument sûre

 13   de la question de savoir si elle est placée sous pli scellé ou non. Je ne

 14   donnerai pas de nom. Par conséquent, le Procureur cite les paragraphes 44,

 15   47, et 46, mais je dois dire aux Juges de la Chambre que le paragraphe 44

 16   de cette déclaration n'est pas un élément de preuve; par conséquent, les

 17   Juges de la Chambre ne peuvent pas fonder leur décision sur ce paragraphe.

 18   Quant à la connaissance qu'aurait eue le général Praljak des tireurs

 19   embusqués, le Procureur a dû démontrer qu'il s'agissait de tireurs

 20   embusqués du HVO et que les victimes ont été causées par des tireurs

 21   embusqués du HVO. Ensuite, il aurait dû démontrer que le général Praljak

 22   avait connaissance de l'existence des tireurs embusqués, présenter ses

 23   moyens de preuve et, en se fondant sur eux, passer à une conclusion. Alors

 24   que de la façon dont il procède, tout repose sur la seule affirmation du

 25   Procureur sans que ce soit étayé par des éléments de preuve. Dans notre

 26   mémoire en clôture, nous avons examiné en détail chaque cas précis de tir

 27   par des tireurs embusqués et de victimes qui auraient été touchées par un

 28   tireur embusqué et nous avons indiqué qu'aucune de ces victimes n'auraient


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  1   pu être touchées à partir d'une des positions du HVO.

  2   Concernant la façon dont Mostar a été détruite et la façon dont la

  3   ville se présentait, je voudrais m'appuyer sur le document 1D 011415. C'est

  4   le quotidien "Mostarsko Jutro [phon]" du 11 juin 1992. Il est publié par le

  5   1er Bataillon indépendant de Mostar, qui appartient à l'ABiH à l'époque. Il

  6   y est dit, je cite :

  7   "Juin 1992 : des pyromanes maniaques ont transformé en amas de débris et de

  8   cendres Luka, Donja Mahala, la rue principale, la rue Fejic, une bonne

  9   partie de Cernica et de Semovac, de Sim et Ilica. La soif de sang quasiment

 10   animale des grands Serbes et des grands Monténégrins, l'instinct de pillage

 11   et de meurtre, le concept visant à créer une zone crépusculaire sur les

 12   rives de la Neretva afin de délimiter des zones ethniques sur des bases qui

 13   ne peuvent émaner que d'un esprit dérangé ont rasé une terre qui était

 14   riche d'un héritage culturel et historique de quatre siècles, rasé les

 15   lieux de cultes musulmans et catholiques et chassé les habitants de leurs

 16   patries séculaires."

 17   Donc Mostar a été détruite en 1992, et non pas en 1993, comme l'affirment

 18   les témoins de l'Accusation et comme l'Accusation l'affirme dans son

 19   mémoire final. Ceci est écrit par les Bosniens [inaudible] 1992. Je demande

 20   aux Juges de la Chambre d'en tenir compte.

 21   Dans le paragraphe 820, l'ambassadeur Galbraith a résumé son avis quant à

 22   la responsabilité de Praljak, non pas uniquement par rapport au pilonnage

 23   et à la destruction de Mostar est, mais également en rapport avec tous

 24   crimes évoqués dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de

 25   l'Herceg-Bosna. Il s'agit d'une évaluation d'ensemble faite par

 26   l'ambassadeur Galbraith, ce qu'il peut se permettre. L'ambassadeur peut

 27   également se permettre d'avancer des faits non vérifiés; cependant, la

 28   Chambre de première instance ne peut prendre des décisions que sur la base


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  1   des éléments de preuve et de l'évaluation de ces éléments de preuve

  2   présentés par les parties au procès.

  3   Aux paragraphes 839 à 846, l'Accusation avance que la déposition de Praljak

  4   était une déposition partiale par laquelle il souhaitait appuyer sa thèse,

  5   et qu'elle n'est pas crédible. Mais même si la déposition de Praljak

  6   n'était pas digne de foi, le mémoire en clôture est truffé d'extraits et de

  7   pages de sa déposition, et c'est dans pas moins de 57 paragraphes que l'on

  8   se réfère à sa déposition. Le Procureur dit encore : Lorsque Praljak ne

  9   mentait pas, il éludait les questions.

 10   Alors, quels sont ces mensonges allégués ? Praljak a montré dans sa

 11   déposition une carte de Gornji Vakuf sur laquelle il n'a pas représenté les

 12   positions d'artillerie du HVO à Makljen. Il a ainsi privé les Juges de la

 13   Chambre de cette information importante et a fourni une carte fausse ne

 14   faisant figurer que les positions de l'ABiH. Les positions de l'artillerie

 15   du HVO concernant les événements à Vakuf; cependant, elles n'étaient pas

 16   essentielles, comme il ressort de la déposition de Tokic. Praljak, en

 17   dessinant cette carte, a représenté les positions de l'ABiH, et il a

 18   procédé ainsi en raison de l'insistance de l'Accusation consistant à

 19   affirmer que le HVO s'attaquait à la population musulmane. La présentation

 20   d'une carte faisant figurer les positions de l'ABiH avait pour but de

 21   montrer que les effectifs de l'ABiH existaient bien et qu'il ne s'agissait

 22   pas là d'une attaque dirigée contre la population musulmane. Conformément à

 23   la déposition du Témoin Tokic, les pièces d'artillerie positionnées à

 24   Makljen n'étaient pas en mesure de prendre pour cible la ville parce que

 25   cette dernière était hors de portée.

 26   La pièce P 1162, rapport de Siljeg : "Nos forces". Dans la

 27   description des actions, on ne cite pas qu'à partir de la zone de Makljen,

 28   on visait Gornji Vakuf ou Uskoplje, mais la zone de Crni Vrh et de


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  1   Voljevac, à savoir les positions de l'ABiH. Le rapport mentionne également

  2   les points d'appui de l'ABiH au sud de la ville de Gornji Vakuf, à savoir

  3   Uzice, Dusa, les hauteurs de Mackovac et les lignes fortifiées de Podovi.

  4   L'Accusation affirmait, pourtant, qu'il n'y avait là que des civils et que

  5   ces derniers avaient été pris pour cible de l'attaque. C'est donc tout à

  6   fait inexact.

  7   Dans son interrogatoire principal, Praljak aurait déclaré que Mostar

  8   est ne se serait pas plaint aux représentants de la communauté

  9   internationale en raison du manque d'approvisionnement en eau. Au contre-

 10   interrogatoire, le témoin a été confronté au document dans lequel on

 11   l'informe du manque d'eau à Mostar est. Mais il s'agit ici d'une

 12   interprétation erronée et d'une citation erronée également par le

 13   Procureur. Praljak n'a pas menti dans ce cas.

 14   Mention suivante : en répondant à une question du Juge Antonetti en

 15   indiquant qu'il ne s'était jamais entretenu avec Tudjman pendant qu'il

 16   était commandant de l'état-major, Praljak aurait menti, parce qu'au contre-

 17   interrogatoire, il a été confronté avec un élément de preuve indiquant

 18   qu'il se serait trouvé, le 15 septembre, dans le bureau du président. Or,

 19   Praljak ne prenait d'ordres ni auprès de Tudjman ni de Boban. Il n'a donc

 20   pas menti. Le Procureur interprète de façon erronée le contenu des

 21   documents et des procès-verbaux, parce que Praljak n'a fait qu'indiquer

 22   qu'il ne s'est jamais entretenu avec Tudjman de la façon dont les

 23   opérations devaient être conduites.

 24   Mention suivante : Praljak aurait menti concernant l'accord Tudjman-

 25   Milosevic de 1993, lorsqu'il se serait agi d'exercer des pressions sur les

 26   Croates. Confronté à l'entretien avec Filipovic au sujet duquel il aurait

 27   déclaré qu'il s'agissait d'un Musulman honorable et qu'il, en juin 1991, se

 28   serait exprimé concernant l'accord Tudjman-Milosevic. Praljak a indiqué que


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  1   cette version concernant un partage de la Bosnie entre Tudjman et Milosevic

  2   a commencé à circuler en Croatie de toute façon en 1993.

  3   La réunion entre Tudjman et Milosevic n'était pas inconnue d'Izetbegovic.

  4   Il était même au courant du sujet allégué de ces négociations, ce dont

  5   parle le document 3D 00295. Il s'agit là d'une lettre d'Alija Izetbegovic

  6   adressée au Dr Tudjman en date du 24 mars 1991. Et il y est indiqué :

  7   "Monsieur le Président, je suis convaincu, et à cet égard, je dispose d'un

  8   certain nombre d'informations, qu'il," avec un I majuscule et souligné,

  9   "vous proposera, lors de vos discussions bilatérales, des solutions

 10   partielles qui seraient à mettre en œuvre en partie au détriment des

 11   Musulmans et de la Bosnie-Herzégovine. Je vous prie de refuser de telles

 12   solutions, car vous savez qu'elles ne pourront conduire qu'au chaos," et

 13   cetera, et cetera.

 14   Cependant, à cette époque, les rumeurs concernant Karadjordjevo n'avaient

 15   pas encore pris toutes leurs dimensions qu'elles allaient atteindre en

 16   1994. En fait, elles sont devenues absurdes lorsque la JNA a attaqué la

 17   République de Croatie de toutes ses forces avant de passer au second plan.

 18   En 1994, lorsque Manolic et Mesic sortent du HDZ et créent leur propre

 19   parti se préparant à prendre le pouvoir, toute cette histoire concernant

 20   Karadjordjevo est réactualisée lorsqu'il devient de nouveau nécessaire de

 21   déstabiliser la République de Croatie et le Dr Franjo Tudjman. Par

 22   conséquent, le général Praljak n'a pas menti.

 23   Encore un autre mensonge allégué : Praljak aurait nié avoir été au courant

 24   du char se trouvant à Stotina. Sous serment, Praljak aurait menti en

 25   indiquant ne pas avoir été au courant de la présence de ce char, alors que

 26   cette dernière est mentionnée dans son ouvrage. Le Procureur passe

 27   complètement sous silence le fait que le général Praljak a dit qu'en

 28   novembre 1993, il n'était pas au courant de la présence d'un char à


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  1   Stotina. Ensuite, en expliquant les circonstances entourant la destruction

  2   du Vieux Pont, il a effectivement déterminé qu'il y avait un char à

  3   Stotina. Et ensuite, aux fins de la collecte de toutes les informations

  4   permettant d'établir la vérité autour de la destruction du Vieux Pont dans

  5   le livre, regroupant ces éléments, il a montré quelle était la position de

  6   ce char à Stotina. Alors, c'est une chose que de savoir quelque chose en

  7   novembre 1993, et ça en est une autre que de recueillir a posteriori des

  8   éléments d'information lorsqu'on s'efforce de collecter des documents et

  9   d'analyser un événement. On ne peut certainement pas qualifier cela de

 10   mensonge.

 11   La Défense affirme que le bureau du Procureur n'a en rien démontré

 12   que le général Praljak aurait commis la moindre violation de ses

 13   obligations, le moindre manquement à ses devoirs de commandant.

 14   L'Accusation n'a pas démontré que Praljak aurait gravement manqué à ses

 15   devoirs, qu'il y ait eu quelque manquement sérieux que ce soit, et qu'aucun

 16   de ces manquements n'aurait été sérieux, délibéré et arbitraire, afin de

 17   pouvoir faire répondre le général Praljak en application de l'article 7/3.

 18   La commission des experts des Nations Unies se trouvait dans

 19   l'impossibilité de collecter des éléments de preuve permettant de faire

 20   répondre le général Praljak en application de l'article 7/3.

 21   Pour toutes les raisons précédemment citées, la Défense propose que

 22   le général Praljak soit déclaré non responsable de tous les chefs retenus

 23   contre lui, car il n'a commis aucun de ces crimes.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Il est dans quelques minutes l'heure de

 25   terminer.

 26   Nous reprendrons donc lundi avec l'intervention du général Praljak.

 27   Je souhaite d'ici là à tout le monde une bonne fin de journée.

 28   L'audience de ce jour est donc levée.

 


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  1   --- L'audience est levée à 13 heures 40 et reprendra le lundi 21

  2   février 2011, à 14 heures 15.

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