Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 22 février 2011

  2   [Plaidoiries de la Défense Petkovic]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'accusé Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière, appelez le numéro de l'affaire,

  8   s'il vous plaît.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Ceci est

 10   l'affaire IT-04-74-T, le Procureur contre Jadranko Prlic et consorts.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame la Greffière.

 12   En ce 22 février 2011, je salue en premier MM. les accusés, je salue Mmes

 13   et MM. les avocats, tous les membres du bureau du Procureur et toutes les

 14   personnes qui nous assistent. Je salue également les nouveaux visages qui

 15   apparaissent dans cette salle d'audience et qui assistent donc à

 16   l'audience.

 17   Nous allons donc continuer par la Défense du général Petkovic, et

 18   d'après les nouveaux calculs fort savants de Mme la Greffière, la Défense

 19   Petkovic, par l'intermédiaire de Me Alaburic, dispose exactement de une

 20   heure et 40 minutes, donc elle a un bonus de cinq minutes par rapport au

 21   temps que j'avais indiqué hier.

 22   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Bonjour à mes

 23   confrères de l'Accusation, des équipes de la Défense, ainsi qu'aux accusés

 24   qui sont avec nous dans ce prétoire.

 25   Hier, en analysant le mémoire en clôture de l'Accusation, nous nous sommes

 26   arrêtés au paragraphe numéro 22. A la fin de ce paragraphe, vous pouvez

 27   voir l'affirmation qui est celle de l'Accusation selon laquelle Petkovic

 28   aurait émis un ordre demandant d'arrêter et de placer en isolement tous les


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  1   Musulmans en âge de combattre sur tout le territoire contrôlé par le HVO.

  2   Alors, bien que nous ayons déjà parlé de ceci, je voudrais que nous nous

  3   penchions encore une fois sur ce qui figure dans la colonne de droite, nous

  4   pouvons voir l'ordre du général Petkovic.

  5   Alors, je n'ai pas dit explicitement qu'il convenait de mettre en

  6   route le programme Sanction. Je le fais donc maintenant. J'espère qu'il est

  7   possible de continuer. Excusez-moi de ne pas l'avoir fait dès le début.

  8   Nous voyons donc dans la colonne de droite cet ordre du général

  9   Petkovic daté du 30 juin 1993. Il est tout à fait clair que cet ordre ne

 10   concerne pas l'ensemble du territoire contrôlé par le HVO parce que cet

 11   ordre n'est adressé qu'à une zone opérationnelle, celle de l'Herzégovine du

 12   sud-est. Le commandant de cette dernière zone a lui-même transféré l'ordre

 13   en question à seulement deux brigades, à savoir la seconde et la troisième

 14   brigades. Par conséquent, l'affirmation de l'Accusation dans le paragraphe

 15   concerné est inexacte.

 16   L'exemple suivant concerne le paragraphe numéro 28 du même mémoire en

 17   clôture de l'Accusation. Le Procureur y énonce l'affirmation selon laquelle

 18   Praljak aurait été présent en personne à la réunion du 11 mai 1993, et que

 19   lors de cette réunion Petkovic et d'autres, dont je ne citerai pas le nom,

 20   étaient eux aussi présents. Dans la colonne de droite, vous pouvez voir un

 21   extrait de la déposition du général Praljak en page 40 761 du compte rendu

 22   d'audience. Vous y verrez que le général Praljak n'a pas déclaré que le

 23   général Petkovic aurait été présent lors de cette réunion. Et si nous nous

 24   rappelons les autres éléments de preuve disponibles, nous verrons que le 10

 25   mai 1993, le général Petkovic, au soir, s'est rendu à Kiseljak afin de

 26   rencontrer Sefer Halilovic. Le 11 mai, ils ont tous deux, donc Sefer

 27   Halilovic et le général Petkovic, pris la direction de Medjugorje, où ils

 28   sont arrivés. Quant au 12 mai, Petkovic et Halilovic signaient à cette date


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  1   un accord de cessation des hostilités. Par conséquent, c'est de façon

  2   erronée que le Procureur avance que le général Petkovic était lui aussi

  3   présent lors de cette réunion évoquée par le général Praljak.

  4   L'exemple suivant concerne le paragraphe numéro 104 de ce mémoire en

  5   clôture. Il s'agit d'arguments juridiques, mais je dois me pencher sur ce

  6   point, car il s'agit de crime de terrorisation des civils. Il dit que ce

  7   type de crime peut être commis avec une intention directe ou indirecte.

  8   Alors dans la colonne de droite, Messieurs les Juges, et bien qu'il

  9   s'agisse d'une question d'ordre juridique, nous avons préparé à votre

 10   intention un extrait de l'arrêt  dans l'affaire Galic, l'arrêt en appel,

 11   paragraphe numéro 104; ainsi que le paragraphe 37 de l'arrêt en appel dans

 12   l'affaire Milosevic; ainsi que le paragraphe 136 du jugement dans l'affaire

 13   Galic, avec la note en bas de page associée. Il en ressort très clairement

 14   que le crime de terrorisation des civils ne peut être commis qu'en résultat

 15   d'une intention spécifique, ou "specific intent" en anglais.

 16   Le paragraphe suivant sur lequel je souhaite attirer votre attention

 17   est le numéro 193 du mémoire en clôture de l'Accusation. L'Accusation y

 18   avance que Petkovic, lors de sa déposition concernant l'opération "Jug",

 19   Sud, souhaitait induire en erreur les Juges de la Chambre quant à la

 20   véritable nature de cette opération. Quant à nous, Messieurs les Juges,

 21   nous souhaiterions attirer votre attention sur les faits suivants : dans la

 22   présentation de ses moyens à charge, le Procureur n'a fourni aux Juges de

 23   la Chambre absolument aucune indication, n'a prononcé aucun mot, pas un

 24   seul mot concernant cette opération "Jug", Sud, bien qu'ils aient conduit

 25   un entretien avec le commandant de ladite opération. Par conséquent, le

 26   Procureur disposait de tous les éléments d'information pertinents

 27   concernant l'opération en question. Et la Défense Petkovic est la seule à

 28   avoir inclus cette opération dans la présentation de ses éléments à


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  1   décharge, parce que les événements relatifs à cette opération étaient tout

  2   à fait cruciaux dans le contexte du départ du général Petkovic du poste qui

  3   avait été le sien à la tête de l'état-major principal. Par conséquent, il

  4   est totalement infondé de reprocher à la Défense Petkovic d'avoir voulu

  5   dissimuler quoi que ce soit devant les Juges de la Chambre qui aurait

  6   concerné cette opération "Jug" ou d'avoir voulu représenter de façon

  7   erronée quelque élément que soit relatif à cette même opération.

  8   L'exemple suivant concerne le paragraphe 648. Dans ce paragraphe, le

  9   Procureur indique que le chef de l'état-major principal était, je cite :

 10   "…subordonné au commandement du HVO."

 11   Alors compte tenu du fait que lors de ses propos liminaires le

 12   Procureur a énoncé des reproches quant à la façon dont la Défense Petkovic

 13   a interprété certaines dispositions légales, je crois qu'il convient de se

 14   pencher sur les textes en question et de voir ce que le Procureur a laissé

 15   de côté. Le Procureur a laissé de côté les mots suivants : le fait que le

 16   chef de l'état-major principal est subordonné au commandement du HVO, et je

 17   cite, "dans le cadre des pouvoirs généraux et spéciaux qui lui sont

 18   conférés par le président de la HZ HB." Et, Messieurs les Juges, il ne

 19   s'agit pas ici du seul exemple dans lequel nous voyons le Procureur se

 20   contenter d'en traiter une partie seulement d'une phrase, ce qui le conduit

 21   à fournir une interprétation erronée du document en question. Si le

 22   Procureur avait cité l'ensemble de la phrase, il aurait été bien obligé de

 23   reconnaître que le chef de l'état-major principal n'est pas le subordonné

 24   de tous les commandants à tous égards et dans tous les domaines. En

 25   revanche, nous comprenons bien que de reconnaître cela aurait quelque peu

 26   perturbé la construction à laquelle se livrait le Procureur dans les moyens

 27   à charge qu'il a retenus contre le général Petkovic. Dans ce cadre, au

 28   paragraphe 277 de son mémoire en clôture, le Procureur infirme que pendant


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  1   toute la période couverte par l'acte d'accusation, le général Petkovic

  2   aurait été en permanence soit l'homme numéro un soit le commandant numéro

  3   deux de la branche militaire du HVO, en nous affirmant, comme nous l'avons

  4   déjà présenté, que le général Petkovic était le chef de l'état-major

  5   principal, alors que les droits et les obligations de ce chef d'état-major

  6   principal ne peuvent pas être confondus avec ceux d'un commandant, comme

  7   c'est d'ailleurs le cas pour tout état-major. Puisque nous avons abordé

  8   cette question très en détail dans notre mémoire en clôture, nous ne

  9   répéterons pas ces arguments.

 10   Au paragraphe 862 du mémoire en clôture de l'Accusation, le Procureur

 11   avance que Petkovic aurait eu des difficultés à se rappeler qui lui versait

 12   son salaire. Nous avons abordé cette question très en détail lors des

 13   questions supplémentaires posées au général Petkovic, et nous allons

 14   maintenant procéder à un résumé de tout ce qui a pu être entendu dans ce

 15   prétoire.

 16   En fait, le Procureur évoque ici la déposition de Petkovic dans

 17   l'affaire Kordic. Nous avons préparé ce texte en petits caractères sur les

 18   pages suivantes. Il s'agit de la déposition en question, et il en ressort

 19   les points suivants : Petkovic n'a rencontré aucune difficulté à se

 20   rappeler qui lui versait son salaire. Mais dans l'affaire Kordic, des

 21   limitations lui avaient été imposées quant aux questions et aux réponses

 22   qu'il pouvait apporter. Ces limitations avaient été imposées par la

 23   République de Croatie, dont les représentants étaient présents lors de

 24   l'audience. Et ces limitations concernaient également les questions

 25   relatives aux salaires au sein du HVO pendant la durée de la guerre. En

 26   l'espèce, il n'y a pas eu de limitations de cette nature. Par conséquent,

 27   il est tout à fait incontestable, et il a été déclaré très clairement par

 28   le général Petkovic que pendant la guerre au sein du HVO, c'est le ministre


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  1   de la Défense de la République de Croatie qui lui versait son salaire. Par

  2   conséquent, dans son mémoire en clôture, le Procureur commente de façon de

  3   tout à fait erronée la déposition de Petkovic, et nous considérons qu'en

  4   procédant de la sorte, le Procureur essaie d'entacher cette déposition et

  5   de la présenter comme manquant de crédibilité.

  6   L'exemple suivant que je porte à votre attention, et nous allons

  7   devoir passer un certain nombre de pages sur lesquelles tout un chacun peut

  8   se pencher, si des détails supplémentaires sont nécessaires, l'exemple

  9   suivant concerne le paragraphe 881, dans lequel le Procureur affirme, je

 10   cite :

 11   "…ainsi que Pringle l'a si bien dit, un comportement tel que

 12   Petkovic…"

 13   Fin de citation. La suite n'est pas importante. Mais lorsque j'ai lu

 14   ceci, je me suis dit qu'Andrew Pringle avait véritablement formulé un

 15   commentaire concernant tel ou tel comportement de Petkovic. Comme bien

 16   entendu je ne m'en souvenais pas, je me suis penché sur le rapport d'Andrew

 17   Pringle. Nous voyons en note de bas de page qu'il y a une référence au

 18   paragraphe 68, et c'est dans la colonne de droite, précisément ce

 19   paragraphe 68 que nous vous proposons, Messieurs les Juges, force est de

 20   constater qu'il n'y a là aucune référence au général Petkovic dans ce

 21   paragraphe 68, contrairement à ce qu'avance l'Accusation. Par conséquent,

 22   l'Accusation présente aux Juges de la Chambre ce paragraphe 68 de façon

 23   erronée et, à notre avis, il s'agit encore une fois d'une tentative

 24   d'entacher la déposition en question, en avançant des faits qui ne sont pas

 25   étayés par les éléments de preuve.

 26   L'exemple suivant concerne le paragraphe 882. Cela concerne Prozor en

 27   octobre 1992. Il y est question de la façon dont Petkovic a été mis au

 28   courant des transferts forcés et en masse de Musulmans. Concernant cet


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  1   exemple relatif à Prozor, nous attirons votre attention, Messieurs les

  2   Juges, sur le fait suivant : le Procureur n'a accusé aucun des co-accusés

  3   ici présents d'avoir commis le crime d'expulsion à Prozor en octobre 1992,

  4   pas plus qu'il n'a accusé aucun d'entre eux d'avoir commis le crime de

  5   transferts forcés au cours du même mois. Par conséquent, au titre de ce qui

  6   est reproché sous la forme numéro 1 de l'entreprise criminelle commune, les

  7   crimes qui sont couverts dans le cadre de cette première forme n'ont fait

  8   l'objet d'aucune préparation de la part du Procureur et aucune charge n'a

  9   été retenue à cet effet.

 10   Le paragraphe suivant est le numéro 883 concernant Gornji Vakuf, que

 11   nous avons abordé assez en détail dans notre mémoire en clôture. Je dis

 12   assez en détail parce que nous n'avons pas disposé de suffisamment

 13   d'espace. Je suis en mesure de dire la chose suivante : aucun des accusés

 14   en l'espèce n'a été mis en accusation pour avoir commis le crime

 15   d'expulsion à Gornji Vakuf en 1993. L'analyse à laquelle a procédé la

 16   Défense du général Petkovic démontre que le Procureur n'a pas apporté la

 17   preuve que des civils aient été illégalement transférés de Gornji Vakuf en

 18   janvier ou en février 1993.

 19   L'exemple suivant concerne le paragraphe 885 du mémoire en clôture.

 20   Ici, le Procureur se réfère à une lettre envoyée par Petkovic le 23 avril

 21   1993 à Mate Boban. Il s'agit ici d'un certain nombre d'actes illégaux et de

 22   crimes commis en Bosnie centrale, conformément au rapport reçu par le

 23   général Petkovic concernant ces mêmes événements de la part de Tihomir

 24   Blaskic. Dans la colonne de droite, vous pouvez voir le début de cette

 25   lettre. Nous avons fait figurer le début de ce document simplement pour

 26   montrer qu'il concerne véritablement la Bosnie centrale. Nous souhaitons

 27   avancer les points suivants : les crimes commis en Bosnie centrale en avril

 28   1993 ne sont pas une base des crimes reprochés en l'espèce. Nous


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  1   considérons également ce document, par ailleurs, comme étant extrêmement

  2   important parce qu'il montre que les actes illégaux, les actes interdits

  3   qui sont décrits dans cette lettre ne représentent pas du tout quelque

  4   chose que les commandants militaires du HVO auraient planifié ou souhaité.

  5   Parce que si tel avait été le cas, il n'y aurait pas eu envoi par eux de

  6   rapports pour informer leurs propres supérieurs de la commission de tels

  7   actes.

  8   L'exemple suivant concerne le paragraphe 887. Le Procureur avance que

  9   les représentants de la Communauté européenne et d'autres représentants

 10   d'organisations internationales auraient condamné Petkovic et le

 11   comportement qui avait été le sien. Concernant cette affirmation, le

 12   Procureur n'a évoqué aucun élément de preuve en note de bas de page. Ce que

 13   nous sommes en mesure de dire concernant cette affirmation, c'est que suite

 14   à l'analyse à laquelle nous avons procédé de tous les documents de la

 15   FORPRONU, des observateurs de la Communauté européenne et autres

 16   représentants d'organisations internationales, Petkovic n'a jamais été

 17   qualifié d'extrémiste; il a toujours été qualifié de personne modérée et

 18   encline à accepter de passer des accords. Dans cette dichotomie qui

 19   consiste à tracer une ligne de partage entre les faucons et les colombes,

 20   Petkovic a toujours été considéré comme une colombe.

 21   L'exemple suivant qui va retenir notre attention un petit peu plus

 22   longtemps concerne le paragraphe numéro 953 du mémoire en clôture de

 23   l'Accusation, après quoi nous examinerons également les paragraphes numéros

 24   825 et 831, ainsi qu'une partie du réquisitoire de mon estimée consoeur Mme

 25   West, consignée en page 52 054 du compte rendu d'audience. Tout ceci

 26   concerne le rôle allégué qui aurait été celui de Petkovic dans la

 27   destruction du vieux pont. L'ensemble de la thèse de l'Accusation repose

 28   sur un seul document, le document P 6534. Il s'agit d'un ordre daté du 8


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  1   novembre 1993. Dans la colonne de droite de la présentation que nous avons

  2   préparée, Messieurs les Juges, vous pourrez voir l'original en croate de ce

  3   document, de cet ordre, afin que vous puissiez voir que ce document ne

  4   contient aucune signature. Ce document n'est donc pas signé par le général

  5   Petkovic, ce qui en soit n'est pas nécessairement significatif, mais voyons

  6   la suite. Je rappelle qu'il s'agit de la date du 8 novembre 1993.

  7   En page 41 270 du compte rendu d'audience, le général Praljak,

  8   s'exprimant à propos du document 4D 00834, a dit que le général Petkovic ne

  9   se trouvait pas à Citluk le 8 novembre 1993, et que pour cette raison un

 10   ordre, qui par ailleurs portait le nom de "Milivoj Petkovic", a été signé

 11   par Slobodan Praljak. Par conséquent, Praljak a déposé en indiquant que le

 12   8 novembre, Milivoj Petkovic ne se trouvait pas à Citluk.

 13   Milivoj Petkovic lui-même, en page 49 643 du compte rendu d'audience,

 14   a confirmé ne pas avoir été à Citluk à cette date-là. Il a indiqué qu'il se

 15   trouvait alors à Split, parce que le 7 novembre 1993 il devait rencontrer

 16   le général Briquemont.

 17   Voyons à présent le document 4D 02026, il s'agit d'un document émanant du

 18   général Petkovic et adressé au commandement de la FORPRONU à Kiseljak. Je

 19   répète la cote, 4D 02026. Le général Petkovic confirme avoir participé à

 20   une réunion avec le général Briquemont à la date du 7 novembre 1993 à

 21   Divulje; Divulje est une localité qui se trouve dans les environs de Split.

 22   Par conséquent, Messieurs les Juges, les éléments de preuve confirment qu'à

 23   la date du 8 novembre 1993 Petkovic ne se trouvait pas à Citluk et qu'il

 24   n'a pas signé l'ordre émis ce même jour portant sur les opérations

 25   d'artillerie.

 26   Ce que nous considérons comme extrêmement important est le fait que

 27   tous les éléments de preuve que nous venons d'évoquer étaient parfaitement

 28   connus de nos collègues de l'Accusation, pour la simple raison que nous


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  1   avons eu à plusieurs reprises l'occasion de les voir dans ce même prétoire.

  2   Cependant, c'est sciemment et délibérément que l'Accusation a choisi

  3   d'ignorer ces éléments de preuve afin de pouvoir présenter cette thèse qui

  4   est celle de l'Accusation selon laquelle le général Petkovic aurait été

  5   impliqué dans la destruction du vieux pont de Mostar. Nous nous en

  6   remettons donc à vous, Messieurs les Juges, pour ce qui est de déterminer

  7   où se situe la vérité dans ce domaine.

  8   Le paragraphe suivant est le numéro 872, qui concerne une rencontre entre

  9   le général Petkovic et Ratko Mladic au début du mois de juillet 1993. Dans

 10   cette partie des carnets de Ratko Mladic, on trouve consigné des propos

 11   attribués au général Petkovic. Je cite :

 12   "Faites avancer un peu vos canons que mes gars de Travnik meurent, parce

 13   que, de toute façon, ils ne se sont pas battus."

 14   Lorsqu'il a été demandé le versement de cet extrait de carnet, Messieurs

 15   les Juges, lorsque nous avons répondu à cette demande, nous avons soulevé

 16   une objection, parce que l'idée selon laquelle des canons pourraient

 17   prendre pour cible le HVO, les canons de Petkovic, cette idée n'a aucun

 18   sens. D'autre part, Travnik était déjà tombée un mois plus tôt, donc il n'y

 19   avait pas de soldats du HVO du tout à Travnik. Il est inutile de se pencher

 20   plus avant sur ce document, mais nous sommes véritablement surpris par le

 21   crédit qu'accorde l'Accusation à ces carnets de Mladic. Si jamais Mladic

 22   devait un jour être arrêté et traduit devant ce Tribunal, nous serons

 23   extrêmement curieux de voir quel sera le crédit qu'on accordera à ces mêmes

 24   carnets.

 25   Le paragraphe suivant est le numéro 900. L'Accusation affirme que la

 26   déclaration de Petkovic selon laquelle il n'aurait jamais reçu le rapport

 27   d'Ivica Rajic du 23 octobre 1993 ne serait pas crédible, et l'Accusation

 28   dit encore à ce sujet, je cite :


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  1   "Cette façon qu'a eu Petkovic d'éluder la question ne résiste pas à

  2   l'examen."

  3   Alors, Messieurs les Juges, nous estimons qu'il s'agit là d'une question

  4   qui concerne directement la responsabilité du général Petkovic. Nous

  5   l'avons détaillée dans le mémoire en clôture concernant Stupni Do, parce

  6   que nous estimons que c'est pertinent, et je ne vais m'attarder encore que

  7   quelques minutes à ce sujet. Dans la colonne de droite, vous voyez en

  8   langue croate le rapport d'Ivica Rajic. Il est présenté dans la langue

  9   originale afin que vous puissiez voir que ce rapport d'Ivica Rajic contient

 10   en bas de page une instruction du général Praljak adressée au général

 11   Petkovic, lui demandant de régler la situation à Vares. Nous présentons ce

 12   document parce qu'il permet de se rendre compte que ce document est adressé

 13   à Milivoj Petkovic au sein de l'état-major principal. Il permet de se

 14   rendre compte que le document a bel et bien été réceptionné au sein de

 15   l'état-major principal, ce que confirment les mots inscrits à la main par

 16   le général Praljak. Par conséquent, dans son texte en croate, ce document,

 17   lorsqu'on veut bien le lire, prouve que le document qui était adressé à

 18   Milivoj Petkovic au sein de l'état-major principal est bien arrivé au sein

 19   dudit état-major. Le Procureur n'a présenté aucun élément de preuve

 20   indiquant que ce document, tel qu'il est arrivé à l'état-major principal,

 21   aurait fait l'objet d'un renvoi, qu'on l'aurait fait suivre à Petkovic à

 22   Kiseljak.

 23   L'exemple suivant concerne le paragraphe numéro 933. L'Accusation

 24   affirme que Petkovic recevait de façon répétée des informations en

 25   provenance de ses propres soldats indiquant que des mauvais traitements

 26   étaient infligés à des prisonniers et que des personnes étaient détenues le

 27   long des lignes de front. En note de bas de page, on trouve une référence

 28   au document P 06202, que nous pouvons voir dans la colonne de droite. Il


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  1   s'agit d'un document daté du 28 octobre 1993, et il a été envoyé par Stanko

  2   Bozic, qui était l'homme numéro un de l'Heliodrom, à l'attention de Milivoj

  3   Petkovic. Ce que nous concluons de ceci est, premièrement, qu'il est

  4   absolument inexact d'affirmer que des soldats auraient informé Petkovic de

  5   quoi que ce soit qui aurait concerné des prisonniers et les travaux

  6   auxquels ils auraient été employés sur la ligne de front; et deuxièmement,

  7   que ce document ne contient pas une seule mention relative à des mauvais

  8   traitements ou à des travaux sur les lignes de front. Il s'agit ici d'un

  9   rapport de Bozic, et c'est le seul rapport que Bozic ait adressé à

 10   Petkovic. Nous avons indiqué ceci très clairement dans l'annexe numéro 12

 11   de notre mémoire en clôture.

 12   Au paragraphe 937, le bureau du Procureur affirme que Petkovic avait

 13   reçu des informations au sujet de personnes tuées et blessées à l'occasion

 14   de travaux forcés illicites, et que ces informations ont été réitérées à

 15   son intention par des représentants de la communauté internationale. Le

 16   Procureur affirme aussi que Petkovic avait disposé d'informations de ce

 17   type à l'époque où il avait donné des ordres pour ce qui est de ces travaux

 18   illicites. Dans les notes de bas de page, il a été énoncé les documents P

 19   5308 et P 5967. Dans la colonne de droite, Messieurs les Juges, vous avez

 20   les dates de ces documents. Il y en a un qui est fin septembre, et l'autre

 21   qui est daté du mois d'octobre 1993. Nous en concluons la chose suivante :

 22   le Procureur n'a pas prouvé que Petkovic avait été informé des prisonniers

 23   tués et blessés en juillet et août 1993, moment où il a donné trois ordres

 24   relatifs à des travaux de prisonniers et de détenus. Par conséquent,

 25   Petkovic a dit la vérité, car il a parlé de ce qu'il avait su au moment où

 26   il avait donné ses ordres, et non pas plus tard.

 27   L'exemple suivant se rapporte au paragraphe 962. Le bureau du

 28   Procureur fait référence ici à des pilonnages et à des tirs de tireurs


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  1   embusqués, il y est dit que Petkovic avait reçu des informations relatives.

  2   On parle du 23 septembre 1993, et Arif Pasalic se serait plaint de la chose

  3   auprès de la FORPRONU. A ce sujet, Messieurs les Juges, nous voulons tirer

  4   une conclusion seulement, ceci prouve qu'avant septembre 1993, il n'y a pas

  5   eu de plaintes relatives à des pilonnages ou à des tirs d'artillerie du

  6   HVO, pas plus qu'au sujet de tirs de tireurs embusqués effectués par l'un

  7   quelconque des membres du HVO.

  8   L'exemple suivant, c'est le paragraphe 964. Le Procureur affirme que

  9   Petkovic en personne avait interdit le libre passage des convois

 10   humanitaires. Au sujet de ce paragraphe, nous avons plusieurs notes de bas

 11   de page que vous pouvez voir dans la colonne de gauche. Et dans la colonne

 12   de droite, on voit la teneur desdits documents avec les dates de rédaction

 13   de ces documents. Nous n'avons pas le temps, Messieurs les Juges, et je

 14   pense qu'il n'est point nécessaire de se pencher sur le détail de ces

 15   documents, mais nous voudrions attirer votre attention sur deux documents

 16   qui se trouvent être, de notre avis, très importants.

 17   Le P 3923, d'abord. Il s'agit d'une lettre qui a été envoyée par

 18   Tadic à l'intention de Jadranko Prlic, le 3 août 1993, où Darinko Tadic se

 19   plaint de ne pas avoir reçu l'autorisation de la part du général Petkovic

 20   pour ce qui est d'un passage de convoi en provenance de la Bosnie et en

 21   direction de Split, et retour. Il s'agit ici d'une lettre datée du 3 août

 22   1993.

 23   Penchons-nous maintenant sur le suivant, le P 3895. Il s'agit ici d'un

 24   ordre émanant du général Petkovic daté de la journée d'avant, c'est-à-dire

 25   le 2 août 1993, et ça a été envoyé à l'intention de la totalité des unités

 26   du HVO. Il y est, de façon claire et non ambiguë, dit qu'il y a eu des

 27   concertations et que compte tenu de l'accord obtenu à l'aéroport de

 28   Sarajevo, il fallait que toutes les unités permettent le passage de l'aide


Page 52612

  1   humanitaire.

  2   Donc, il n'y a aucun élément de preuve disant que le général Petkovic avait

  3   empêché ou cherché à empêcher des passages de convois avec de l'aide

  4   humanitaire à bord.

  5   L'exemple suivant, c'est une partie du mémoire en clôture de l'Accusation

  6   où il est dit que Petkovic avait en sa possession bon nombre d'outils pour

  7   discipliner, contrôler et influer sur les membres du HVO, et à l'avenant G

  8   il a été donné une présentation de documents relatifs à ces possibilités de

  9   mise en état de discipline de tout un chacun, à la disposition du général

 10   Petkovic. Nous convions les Juges à se pencher sur la totalité des

 11   documents de cet avenant G, parce que nous allons très facilement tous

 12   constater que le Procureur n'a montré aucune règle ou aucune disposition

 13   réglementaire qui permettrait à Petkovic de punir de la sorte ou de

 14   contrôler de la sorte, comme le dit le Procureur. L'avenant G, par contre,

 15   indique clairement ce qui suit : si Petkovic avait eu connaissance des noms

 16   d'auteurs de crimes et de crimes, il y a eu des mesures de prises à cet

 17   effet. Mais si l'auteur se trouvait être méconnu, Petkovic donnait des

 18   instructions de nature générale pour que des mesures d'enquête et des

 19   mesures punitives soient entreprises et mises en place. Mon éminent

 20   confrère M. Scott, en page 51 935 et 51 936 du compte rendu d'audience, a

 21   fait référence à un document, le P 1598, que vous pouvez voir dans la

 22   colonne de droite. Ce document montre que le général Petkovic a donné des

 23   ordres et ordonné aussi des enquêtes pour ce qui est d'un abus de cachet

 24   dont a été l'auteur un officier de l'état-major du HVO. Nous voulons

 25   attirer l'attention des Juges sur un fait, à savoir qu'il s'agissait d'un

 26   individu qui travaillait au sein de l'état-major. C'était donc quelqu'un

 27   qui était directement subordonné au général Petkovic. Le général Petkovic,

 28   pour ce type de comportement inadmissible, a eu connaissance de cause et il


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  1   a entrepris les mesures qu'il avait jugées nécessaires à ce moment-là. Le

  2   Procureur n'a démontré en aucune façon, Messieurs les Juges, que l'un

  3   quelconque des officiers, ou quelque autre membre de ce personnel de

  4   l'état-major, aurait commis un délit au pénal à l'égard d'un Musulman avec

  5   le savoir de Petkovic, sans qu'il y ait eu prise de mesures appropriées.

  6   Les exemples suivants, qui se trouvent au paragraphe 876, puis 930, 931,

  7   957, 962, se rapportent à une norme intéressante du mens rea que le

  8   Procureur utilise systématiquement dans son réquisitoire, non seulement à

  9   l'encontre du général Petkovic, mais aussi à l'égard des autres accusés. Il

 10   dit, par exemple :

 11   "Il est impossible que Petkovic n'ait pas eu vent…"

 12   C'est-à-dire :

 13   "Petkovic n'a pas pu ne pas savoir…"

 14   Ou :

 15   "Il aurait dû s'efforcer véritablement pour ne pas avoir eu à

 16   connaître."

 17   Messieurs les Juges, nous allons tous être d'accord que ce ne sont pas des

 18   normes juridiques du mens rea connues par ce Tribunal, et nous ne pouvons

 19   pas considérer ou comprendre ce à quoi le Procureur veut aboutir pour ce

 20   qui est de l'état de conscience des accusés.

 21   L'exemple suivant se rapporte, lui, au paragraphe 973. C'est un paragraphe

 22   très important pour ce qui concerne le général Petkovic. Le Procureur y

 23   affirme que Petkovic, entre autres, avait donné des ordres pour ce qui est

 24   de la perpétration de crimes et de meurtres tels qu'indiqué aux chefs

 25   d'accusation 2 et 3. En note de bas de page, il est dit dans le paragraphe

 26   1 308, que les ordres donnés se rapportent à des prisonniers de guerre qui

 27   ont été tués pendant qu'ils faisaient des travaux forcés. Alors à cette

 28   occasion, nous voulons dire ce qui suit, Messieurs les Juges : d'abord, le


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  1   Procureur n'a pas prouvé que partant d'ordres donnés par Milivoj Petkovic,

  2   il y aurait eu un crime de commis pour ce qui est de travaux forcés

  3   illicites de la part de prisonniers de guerre. Mis à part ce fait, le

  4   Procureur n'a pas prouvé que partant d'ordres en provenance de Milivoj

  5   Petkovic pour ce qui est de travaux forcés, il y aurait eu l'un quelconque

  6   de ces prisonniers à avoir été tué. Par conséquent, Milivoj Petkovic ne

  7   saurait en aucune façon être tenu responsable d'ordres prétendument donnés

  8   pour ce qui est de faire tuer des prisonniers pendant qu'ils étaient en

  9   train de faire des travaux forcés.

 10   Sur ce même sujet, mon éminente consoeur Mme West a dit qu'un ordre de

 11   Petkovic, celui du 8 août 1993, a été exécuté, c'est-à-dire qu'il y aurait

 12   eu, partant de l'ordre en question, perpétration d'un crime de travaux

 13   forcés illicites effectués par des prisonniers de guerre. Penchons-nous

 14   donc sur cette colonne de droite. Tout d'abord, cet ordre du général

 15   Petkovic numéro P 4020, ordre daté du 8 août 1993. On voit que c'est

 16   adressé à la Brigade de Posusje, et à d'autres pour information. Penchons-

 17   nous un peu sur la teneur de l'ordre en question. La première phrase dit :

 18   "Ordre de fortification des lignes."

 19   C'est le premier des ordres, la première phrase. C'est un ordre donc. La

 20   deuxième phrase :

 21   "Les prisonniers et les Musulmans détenus peuvent être utilisés pour la

 22   fortification des lignes."

 23   Donc, la deuxième phrase donne l'autorisation d'avoir recours à des

 24   prisonniers et à des détenus. Et à la troisième phrase, on donne

 25   instruction de :

 26   "S'adresser par des requêtes à l'administration pour ce qui est de cette

 27   utilisation des prisonniers."

 28   Sur le plan linguistique et scolastique, il nous permet de montrer -- de


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  1   niveau de lycée, de collège, nous laisse conclure qu'il ne s'agit pas

  2   d'utiliser des prisonniers pour des travaux illicites, mais on autorise

  3   également l'utilisation de prisonniers de guerre pour l'accomplissement de

  4   certains travaux.

  5   Voyons un peu ce qui se passe ensuite. Document P 4030. Ici, nous avons une

  6   requête de la part du commandant de la Brigade de Posusje qui demande à ce

  7   qu'on l'autorise à se servir de prisonniers. J'attire ici votre attention

  8   sur le fait qu'ici on parle de détenus musulmans pour l'accomplissement de

  9   certains travaux.

 10   Puis je vous renvoie au document d'après, le P 4068. Messieurs les Juges,

 11   ce document, nous vous le présentons tant en version anglaise qu'en version

 12   croate, parce que nous souhaitons attirer votre attention sur une erreur de

 13   traduction. Dans le texte croate, les choses sont dites de façon claire; on

 14   dit qu'il a été pris en charge 100 détenus; en version anglaise, on parle

 15   de 100 prisonniers, "one hundred prisoners". Si le document avait été

 16   traduit de façon exacte, il aurait été incontestable le fait qu'on aurait

 17   pris 100 détenus et non pas 100 prisonniers de guerre. Ce qu'il importe

 18   d'indiquer dans l'analyse des preuves, c'est l'élément suivant : il

 19   n'existe aucune preuve relative au type de travaux effectués par ces 100

 20   individus, indépendamment du fait de savoir s'il s'agissait là de détenus

 21   ou de prisonniers de guerre. Il importe tout autant de dire qu'il n'y a

 22   aucune preuve montrant que ces gens-là, si tant est qu'ils ont fait des

 23   travaux, l'ont fait de leur plein gré ou l'ont fait parce qu'ils ont été

 24   forcés de le faire.

 25   Pourquoi mentionnons-nous des travaux effectués par l'individu de son plein

 26   gré ? Parlons de Vitina. Nous avons un témoin protégé, je voudrais que

 27   l'image ne soit pas diffusée à l'extérieur du prétoire, et je crois que

 28   cela peut contribuer à la protection de l'intéressé.


Page 52616

  1   Il s'agit du document P 10210, page 3. Le Témoin EI, entre autres,

  2   dit, je cite :

  3   "Chaque matin, l'un des gardes venait au hangar pour chercher des

  4   volontaires afin qu'ils aillent travailler avec. Certains prisonniers se

  5   sont portés volontaires parce qu'on leur avait promis de meilleurs vivres,

  6   et comme le hangar était fait en tôle, la température faisait quelque 40

  7   degrés à l'intérieur, donc il était préférable d'être à l'extérieur, quand

  8   bien même ce serait pour aller travailler."

  9   Et le témoin a parlé aussi des travaux qui ne sont pas considérés

 10   comme étant impermissibles, et il a parlé aussi de travaux qu'il

 11   considérait comme étant impermissibles. Dans ce contexte, Messieurs les

 12   Juges, ce que je veux mettre en exergue, c'est la pratique de ce Tribunal,

 13   que nous estimons illustrer au mieux les choses dans le jugement en

 14   première instance de l'affaire Naletilic, paragraphe 259, où il est dit, je

 15   cite :

 16   "Vu ce qui précède, la Chambre devra déterminer, au cas par cas, si les

 17   travaux allégués dans l'acte d'accusation ont effectivement été exécutés

 18   volontairement ou si les détenus y ont été contraints."

 19   Messieurs les Juges, nous connaissons la pratique de ce Tribunal, nous

 20   savons également que certaines circonstances de travaux volontaires ou

 21   apparemment volontaires ne seront pas jugées comme étant véritablement

 22   volontaires parce que cela avait été la résultante de conditions difficiles

 23   dans les centres de détention. Mais ce qui est un fait incontesté, c'est

 24   qu'il appartient à la Chambre d'en décider dans la prise en considération

 25   de la totalité des éléments des différents cas. Dans l'occurrence, nous ne

 26   nous sommes pas penchés sur ces détails.

 27   Mais arrivons-en à la conclusion. L'ordre de Petkovic n'est pas un

 28   ordre demandant à ce que des travaux de prisonniers illicites soient


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  1   effectués, mais c'est une autorisation disant que l'on pouvait également

  2   avoir recours à des prisonniers pour l'exercice ou l'accomplissement de ces

  3   tâches. Il n'y a pas d'éléments de preuve disant que c'est en corrélation

  4   avec cet ordre émanant de Petkovic, il y aurait eu des travaux illicites

  5   d'effectués par l'un quelconque de ces prisonniers. Il n'y a pas d'éléments

  6   de preuve disant que l'un quelconque de ces individus avait été forcé

  7   d'aller travailler.

  8   A ce sujet, il y a deux autres ordres. Etant donné que le Procureur

  9   semble être d'accord pour ce qui est de la Défense de Petkovic au sujet de

 10   ces deux ordres, nous n'allons pas nous aventurer plus en détail. Mais nous

 11   voulons attirer votre attention sur le fait que ces deux ordres-là font

 12   l'objet d'écritures assez importantes pour ce qui est de notre mémoire en

 13   clôture.

 14   Nous en arrivons maintenant au siège de Mostar, et un jour, Mme West et

 15   moi, peut-être, allons-nous rédiger quelque chose ensemble, parce que nous

 16   avons consacré beaucoup de temps, toutes les deux, à ce sujet. Ma consoeur,

 17   Mme West, page du compte rendu 52 069, a dit brièvement que les civils

 18   musulmans ne pouvaient pas quitter Mostar est. Messieurs les Juges, nous ne

 19   pensons pas qu'il soit nécessaire et nous n'avons pas le temps de nous

 20   pencher sur un certain nombre de routes alternatives et autres chemins qui

 21   allaient de Mostar est vers Jablanica et au-delà vers la Bosnie centrale.

 22   Ce qui est tout à fait incontestable dans cette affaire, c'est ce qui suit

 23   : premièrement, il n'y a aucune preuve qui montrerait que l'un quelconque

 24   des civils aurait péri en quittant Mostar est pour aller vers Jablanica. Il

 25   n'y a aucune preuve montrant que le HVO, par des tirs d'artillerie ou tirs

 26   autres, aurait entravé la possibilité qu'un individu ou un groupe de civils

 27   aurait pu avoir pour quitter Mostar est et se diriger vers Jablanica. Donc,

 28   d'après les éléments de preuve qui ont été avancés, personne parmi eux n'a


Page 52618

  1   été ni blessé ni tué. Et ce qui importe pour ce qui est de ce sujet, c'est

  2   la question de savoir si cette communication était praticable et est-ce que

  3   cette voie de communication était un chemin qui permettait un passage

  4   massif. Alors, nous allons nous servir à cet effet d'éléments de preuve

  5   avancés par le Procureur pour montrer que la voie de communication avait

  6   été praticable, que cette voie de communication pouvait être utilisée par

  7   des individus en masse et que ces déplacements ont été entravés par les

  8   autorités de la Bosnie-Herzégovine.

  9   Le premier document que je voudrais évoquer est un document sous pli

 10   scellé. C'est la raison pour laquelle je ne vais pas dire de quoi il

 11   s'agit, mais je vais donner seulement sa référence. Il s'agit du P 9851.

 12   Dans ce document, en fin de passage qui est en train d'être montré, il est

 13   dit, je cite :

 14   "Les mouvements restent limités du fait des dangers du voyage et du fait

 15   que l'ABiH…"

 16   Et je répète la référence, 9851, P 9851. J'ai dit 9851. Je ne vais donc pas

 17   répéter la phrase entière, mais je poursuis :

 18   "…et le fait est que l'autorisation de l'ABiH était nécessaire pour ce qui

 19   était de pouvoir partir, et cette autorisation était prétendument très

 20   difficile à obtenir."

 21   Alors, l'élément de preuve que je voudrais porter à votre attention,

 22   c'est le Témoin BB, compte rendu d'audience 25 335. Le témoin a dit, je

 23   cite :

 24   "Nous avons fort bien été conscients --"

 25   M. SCOTT : [hors micro]

 26   L'INTERPRÈTE : Monsieur Scott, micro.

 27   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui. Nous pouvons passer à huis clos

 28   partiel.

 


Page 52619

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

  4   [Audience à huis clos partiel]

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 15   [Audience publique]

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Penchons-nous maintenant sur ce même sujet,

 17   sur un document qui est le 4D 719. Il s'agit ici d'un rapport de situation

 18   au nord de Mostar est. Nous avons vu ce document à bien des reprises dans

 19   le prétoire. Nous pouvons nous pencher dessus une fois de plus. Il s'agit

 20   du 4e Corps de l'ABiH qui contrôle cette partie du territoire et qui

 21   détermine ce qui suit, je cite :

 22   "…un grand problème pour ce qui est du commandement du groupe opérationnel

 23   c'est le transport de la population civile et autres qui sont en train de

 24   marcher en direction du nord et du sud. C'est pourquoi il convient qu'il

 25   est nécessaire de voir les autorités civiles assurer le transport des

 26   civils. Nous avons de gros problèmes de transport de personnes blessées et

 27   autres vers la ville. Il est nécessaire de réparer un blindé de transport

 28   de troupes qui est destiné à ces fins en usage de nuit."

 


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  1   Encore un petit document sur le même sujet. Un extrait du livre rédigé par

  2   Esad Sejtanic. Nous sommes en train de parler de la page 184, et je cite --

  3   et enfin, vous voyez le passage. Ce qui m'intéresse, c'est la dernière

  4   phrase :

  5   "Malheureusement, c'est moyennant mesures répressives que nous avons

  6   empêché le départ de la population et nous avons réduit le déplacement de

  7   la population à un minimum."

  8   J'en tire une conclusion qui est la suivante, Messieurs les Juges : les

  9   documents du bureau du Procureur et les documents de l'ABiH, c'est-à-dire

 10   émanant de membres de l'ABiH, montrent de façon incontestable le fait que

 11   les départs de Mostar est étaient possibles en masse. Les individus, les

 12   civils voulaient mettre à profit ces possibilités, mais les autorités

 13   musulmanes, c'est-à-dire l'ABiH avait empêché les départs de civils en

 14   quantité majeure. Nous n'entrons pas maintenant dans la légitimité de cette

 15   façon d'agir de l'ABiH, nous ne mettons pas ceci en question, mais nous

 16   estimons qu'en ce moment-ci il importe de dire, si on se penche sur la

 17   question ou une situation de siège de Mostar ou de conditions difficiles de

 18   vie de cette population de Mostar est, il convient de le prendre en compte

 19   aussi.

 20   Alors, nous en arrivons à la fin de notre analyse du mémoire en

 21   clôture de l'Accusation.

 22   Au paragraphe 308, le Procureur demande à ce que Milivoj Petkovic

 23   soit puni d'une peine de 40 ans, et il se fond sur ce qui suit. Il parle

 24   d'un projet de discours daté du 26 juin 1992, discours qui n'a jamais été

 25   tenu. Cette requête s'appuie également sur l'ordre du 30 juin 1993

 26   concernant l'isolement des soldats du HVO et des appelés de l'ABiH, qui

 27   constituaient donc l'armée de réserve de la Bosnie-Herzégovine. Cet ordre,

 28   comme j'espère que nous sommes parvenus à le démontrer, était un ordre


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  1   conforme à la loi et tout à fait légitime émis pour des raisons de

  2   sécurité. Le Procureur affirme que Petkovic a ordonné un travail sous

  3   contrainte interdit par la loi de la part des prisonniers de guerre, et ce,

  4   malgré l'absence du moindre élément de preuve susceptible de démontrer

  5   qu'un prisonnier de guerre aurait réalisé un quelconque travail forcé en

  6   application d'un ordre de Petkovic. La demande du Procureur s'appuie

  7   également sur l'affirmation selon laquelle M. Petkovic, après avoir émis

  8   des ordres en juillet et août 1993, a su que des personnes avaient été

  9   blessées et tuées, personnes qui accomplissaient un travail, même si les

 10   documents confirment que Petkovic n'a obtenu ce genre de renseignement que

 11   tard, puisqu'il ne l'a su qu'en septembre et octobre 1993 pour la première

 12   fois. Et enfin, la demande de l'Accusation repose sur l'affirmation selon

 13   laquelle Petkovic aurait participé à une dissimilation orchestrée du crime

 14   commis à Stupni Do. Le Procureur sait bien que Petkovic, en tant que chef

 15   adjoint de l'état-major principal, ou commandant en second de l'état-major

 16   principal, n'avait aucun pouvoir de commandement. Il ne pouvait pas décider

 17   d'une action indépendamment de quiconque. Il ne travaillait et n'était

 18   autorisé à travailler que sur la base d'ordres et d'instructions venant de

 19   ses supérieurs.

 20   Quant à la date du 9 novembre 1993, Ante Roso était à ce moment-là à

 21   la tête de l'état-major principal. Nous n'avons présenté aucun élément de

 22   preuve dans ce prétoire qui pouvait avoir le moindre rapport avec Ante

 23   Roso, chef de l'état-major principal, et l'avis ou la position adoptée par

 24   lui vis-à-vis des crimes commis à Stupni Do.

 25   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, voilà ce que nous

 26   souhaitions dire au sujet du mémoire en clôture de l'Accusation, en tout

 27   cas pour les portions de ce mémoire qui concernent le général Petkovic.

 28   Nous allons maintenant revenir à ce que le général Petkovic souhaitait


Page 52623

  1   montrer à la Chambre en personne quant à ce qu'il savait personnellement,

  2   quant aux intentions qui étaient les siennes, quant aux réalités des

  3   actions commises par lui dans la période pertinente.

  4   Voyons le document P 279 pour commencer. Je vous prie de m'excuser,

  5   la date qui figure dans ce document a été consignée de façon erronée,

  6   puisque nous lisons 1992. Ce n'est pas la bonne année, par conséquent. Ce

  7   document reprend l'allocution dont j'ai parlé tout à l'heure, qui n'a

  8   jamais été prononcée, allocution que le Procureur désigne comme étant le

  9   seul élément susceptible d'établir un lien entre Petkovic et des activités

 10   antimusulmanes. Nous souhaitons, une fois de plus, déclarer que cette

 11   allocution aurait dû être prononcée, mais ne l'a pas été lors de la réunion

 12   avec les représentants municipaux évoquée au paragraphe 2. Nous souhaitons

 13   également appeler l'attention des Juges de la Chambre sur le fait que dans

 14   cette allocution non prononcée, il est écrit que certaines parties des

 15   municipalités de Mostar et de Stolac ne sont toujours pas libérées parce

 16   que ces quartiers de ces municipalités étaient à ce moment-là encore sous

 17   le contrôle des forces serbes. Par conséquent, le sujet relatif à la

 18   libération et à la mise en vigueur du pouvoir croate dans toutes les

 19   municipalités dont il est question durant cette réunion excluait en fait

 20   les parties des municipalités de Mostar et de Stolac qui n'avaient pas été

 21   libérées. Quant à l'interprétation de cette allocution qui n'a jamais été

 22   prononcée, vous pouvez nous faire confiance, ou en tout cas faire confiance

 23   à l'interprétation de l'Accusation sur ce point.

 24   Mais nous disons que nous considérons ce document en le situant dans

 25   le contexte des autres documents émanant du général Petkovic de façon à

 26   voir quel en est le sens véritable. Le sens véritable de ce document

 27   apparaît également à la lecture du document 4D 830, qui constitue également

 28   la pièce P 907. Il s'agit du rapport de Petkovic concernant l'année 1992.


Page 52624

  1   Dans ses conclusions, il établit de façon tout à fait certaine que le HVO

  2   contrôle 90 % du territoire envisagé comme entité croate. Le HVO, par

  3   conséquent, n'avait aucun besoin de mener des opérations offensives, et il

  4   est inscrit dans ce document que le HVO est tout à fait capable de défendre

  5   les zones qu'il a libérées. Par ailleurs, il est inscrit dans ce document

  6   que le HVO contrôle 70 % du territoire libre de Bosnie-Herzégovine et la

  7   conclusion logique qui s'impose à partir de cette affirmation c'est que les

  8   30 % restants du territoire de Bosnie-Herzégovine sont contrôlés par

  9   l'ABiH. Par conséquent, il est incontestable que le territoire libre était

 10   considéré comme comprenant aussi bien le territoire tenu par le HVO que le

 11   territoire tenu par l'ABiH. Enfin, la phrase qui est particulièrement

 12   importante dans ce document est la suivante, je cite :

 13   "Le peuple croate, ayant organisé ses propres forces armées, est parvenu à

 14   se défendre lui-même, mais à défendre également la majorité des Musulmans."

 15   A notre avis, cette phrase confirme sans la moindre ambiguïté que le HVO ou

 16   l'auteur de ce rapport n'avait pas la moindre intention de se lancer dans

 17   quelque activité antimusulmane que ce soit. L'objectif poursuivi était la

 18   défense des Croates et des Musulmans, et c'était la mission dont était

 19   investi le HVO. Ceci est également confirmé par les quelques documents

 20   suivants, que nous n'allons aborder que rapidement.

 21   Le document 4D 397 datant du 20 juin 1992. Petkovic envoie une lettre au

 22   HVO de Konjic et de Gornji Vakuf dans laquelle il déclare, entre autres, je

 23   cite :

 24   "Au nom des Croates et des Musulmans, je vous prie de régler la situation.

 25   En tant que membres des forces armées de Bosnie-Herzégovine, vous avez le

 26   devoir de le faire."

 27   Autre exemple, la pièce P 633, c'est un ordre qui date du 23 octobre 1992

 28   qui est adressé au HVO de Tomislavgrad dans lequel Petkovic déclare, je


Page 52625

  1   cite :

  2   "Découvrez et discutez avec les personnes les plus responsables et les plus

  3   dotées d'influence."

  4   Puis, un autre document encore, le document 4D 399 qui date du 11 novembre

  5   1992. C'est un ordre qui est adressé à Zeljko Siljeg, commandant d'une zone

  6   opérationnelle. Dans ce document, Petkovic déclare, je cite :

  7   "Entrez de toute urgence en contact avec le commandement de l'ABiH de

  8   Gornji Vakuf dans le but de surmonter la méfiance…" et la phrase se

  9   poursuit.

 10   Le document suivant, c'est le document 4D 389. C'est un ordre qui date du

 11   16 décembre 1992. Il est adressé par Petkovic à Zeljko Siljeg et à Tihomir

 12   Blaskic, je cite :

 13   "Mettre en œuvre une coopération pleine et entière avec l'ABiH."

 14   Document suivant, la pièce P 1115, document du 13 janvier 1993. Petkovic

 15   l'adresse, ce document, à plusieurs HVO municipaux. Ce document comporte la

 16   mention suivante, je cite :

 17   "Chaque fois que la chose est possible, établir des équipes communes avec

 18   la partie musulmane dans le but de régler les conflits existant

 19   actuellement."

 20   Document suivant, la pièce P 1190 qui date du 18 janvier 1993. C'est une

 21   lettre de Petkovic au HVO de Bosnie centrale où nous trouvons la mention

 22   suivante, je cite :

 23   "Prière d'éviter tout conflit de cette nature, car nous-mêmes ainsi que les

 24   Musulmans ne souhaitons pas que nos différends se développent une nouvelle

 25   fois."

 26   Document 4D 433, à présent, qui date du 20 janvier 1993. Petkovic émet un

 27   ordre destiné au HVO de Konjic dans lequel nous trouvons la mention

 28   suivante, je cite :


Page 52626

  1   "Etablir le contact avec l'ABiH à Konjic…"

  2   Document suivant, document 4D 19 datant du 27 janvier 1993 dans lequel

  3   Petkovic déclare, je cite :

  4   "Résoudre tous les différends par voie de négociations…"

  5   En date du 9 février 1993, dans le document 4D 75, Petkovic écrit une

  6   lettre à Halilovic dans laquelle il déclare, je cite :

  7   "J'attendais avec impatience de rencontrer tout nouveau soldat croate ou

  8   musulman, parce que je savais que tous les soldats partageait un objectif

  9   commun."

 10   Document P 1709, à présent, du 23 mars 1993. C'est un ordre conjoint qui

 11   émane de Petkovic et de Pasalic dans lequel nous lisons, entre autres, je

 12   cite :

 13   "Résoudre tous les désaccords par voie d'accords résultant d'une

 14   compréhension mutuelle et de la volonté des deux parties de faire des

 15   concessions."

 16   Document du 18 avril 1993, dans lequel Petkovic s'adresse à toutes les

 17   zones opérationnelles. Il s'agit de la pièce P 1959 et dans ce document,

 18   Petkovic déclare, je cite :

 19   "Etablir la communication avec le commandement de l'ABiH…"

 20   Document du 9 mai 1993 à présent. Il provient de Mostar. Je rappellerais, à

 21   ce sujet, la déposition du général Petkovic, page du compte rendu 49 541,

 22   entre autres. Dès que Petkovic a appris que le conflit avait éclaté, il a

 23   conseillé à Mate Boban d'entrer en contact avec Alija Izetbegovic. Il

 24   essaie lui-même d'entrer personnellement en contact avec Sefer Halilovic.

 25   Nous voyons quel est le résultat de tout cela le lendemain, 10 mai 1993.

 26   Mate Boban et Alija Izetbegovic émettent un ordre relatif à un cessez-le-

 27   feu, que l'on trouve dans le document 4D 456 ainsi que dans le document 4D

 28   457.


Page 52627

  1   Autre document à présent, qui date du 10 mai 1993 et qui va jusqu'au 12 mai

  2   1993. Petkovic est avec Sefer Halilovic pendant ces quelques jours et leur

  3   réunion donne lieu à la conclusion d'un accord que l'on trouve dans la

  4   pièce P 2344.

  5   1er juin 1993, document P 2599, c'est un ordre de Petkovic adressé à

  6   toutes les zones opérationnelles dans lequel il déclare, je cite :

  7   "…Négocier la partie musulmane…"

  8   Document du 9 juin 1993 à présent, au moment de la chute de Travnik.

  9   Petkovic, dans ce document, explique comment il a réagi en apprenant la

 10   chute de la ville. On trouve ce passage en page 49 456 du compte rendu

 11   d'audience. Petkovic demande à rencontrer Halilovic.

 12   Document suivant, le document 4D 1355. Il s'agit d'une interview du général

 13   Petkovic dans le quotidien "Vecernji List" en août 1994. Le général

 14   Petkovic explique qu'il est venu en Bosnie-Herzégovine dans l'intention d'y

 15   rester environ un mois et qu'il y est resté plus longtemps. Mais ce qui est

 16   très important pour nous, c'est le passage suivant. Le général Petkovic, en

 17   1994, déclare que les conséquences des combats menés par l'ABiH n'étaient

 18   pas bonnes pour le HVO, mais que ceci était probablement dû au fait que le

 19   HVO n'était pas prêt à mener une guerre contre la partie musulmane.

 20   Ceci est la vérité, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. C'est la

 21   vérité de Petkovic. Ce n'est peut-être pas la vérité absolue, ce n'est

 22   peut-être pas la vérité objective, mais c'est la vérité du général

 23   Petkovic.

 24   Nous en arrivons au terme de la plaidoirie présentée pour le général

 25   Petkovic. Nous avons réfléchi à la nécessité ou pas de conclure cette

 26   plaidoirie en indiquant à l'intention des Juges ce qui était le plus

 27   important pour le général Petkovic. Nous avons donc réfléchi sur l'élément

 28   le plus important aux yeux du général Petkovic à l'époque à présenter aux


Page 52628

  1   Juges de la Chambre. Nous avons décidé suite à cette réflexion de vous

  2   soumettre un certain nombre de documents qui indiquent que le HVO était la

  3   force armée légale et qu'elle faisait partie des forces armées de Bosnie-

  4   Herzégovine comme l'étaient tous les combattants de Bosnie-Herzégovine,

  5   ceux du HVO en Bosnie-Herzégovine, tels qu'ils existent encore aujourd'hui,

  6   et tous ceux qui étaient au service du HVO et qui représentaient donc ces

  7   forces armées de Bosnie-Herzégovine du moment précédent. Ceci montre que le

  8   HVO n'était donc pas une force armée criminelle qui a été mise en place

  9   dans le but de mener à bien une entreprise criminelle quelconque. Le HVO

 10   s'est battu pour la Bosnie-Herzégovine, tout comme l'a fait d'ailleurs

 11   l'ABiH. Tous les droits qui étaient ceux des combattants d'une armée

 12   étaient les droits dont jouissaient les combattants du HVO. Nous avons

 13   soumis à la Chambre les documents évoqués dans notre annexe 1 au mémoire de

 14   clôture, et nous pourrions peut-être y jeter un nouveau coup d'œil.

 15   Document P 2002. C'est un accord entre Halilovic et Petkovic qui date

 16   du 20 avril 1993 et dans le paragraphe 1, nous lisons, je cite :

 17   "L'ABiH et le HVO sont les forces militaires légitimes de la République de

 18   Bosnie-Herzégovine et se voient accorder un traitement égal."

 19   Pièce 2 078 du 4 avril 1993, déclaration commune d'Izetbegovic, de Boban et

 20   de Tudjman. On y trouve mention, entre autres, de l'accord portant sur le

 21   statut juridique de l'ABiH et du HVO.

 22   Le document suivant que je souhaite soumettre à la Chambre, c'est la

 23   pièce P 2091, annexe à la déclaration commune susmentionnée, signée par

 24   Halilovic et Petkovic, dans laquelle nous lisons, je cite :

 25   "L'ABiH et le HVO conservent leur identité respective ainsi que leur

 26   commandement."

 27   Et dans la suite du texte, nous lisons :

 28   "Elles créent un commandement conjoint…," c'est ce qu'on voit au paragraphe


Page 52629

  1   2.

  2   Et si nous nous penchons sur le document 4D 1934, l'accord de

  3   Washington, dans lequel les deux parties sont mentionnées comme ayant créé

  4   un commandement militaire conjoint, nous voyons qu'il s'agit bien du HVO et

  5   de l'ABiH.

  6   Document 4D 826, à présent. C'est la Loi relative aux forces armées

  7   de la Fédération de Bosnie-Herzégovine qui date de 1996 dans laquelle nous

  8   lisons, je cite :

  9   "L'armée de la Fédération se compose des formations de l'ABiH et du Conseil

 10   croate de Défense…"

 11   Messieurs les Juges, je vous inviterais à vous pencher sur le deuxième

 12   paragraphe de ce document. Ce document, je le rappelle, date de 1996, et

 13   nous y lisons, je cite :

 14   "Ces forces, en temps de paix, sont composées de civils au service de

 15   l'armée de la Fédération, des appelés et des soldats de métier."

 16   Je souhaite appeler l'attention des Juges de la Chambre sur l'utilisation

 17   de ce terme "les appelés" ou "les conscrits", qui a déjà fait l'objet d'un

 18   grand nombre d'arguments développés par nous-mêmes, en l'espèce. Nous

 19   considérons que cette notion d'appelés est une notion tout à fait capitale

 20   dans le procès qui nous rassemble ici. Comme nous le voyons dans ce

 21   document de 1996, les appelés de l'ABiH étaient considérés comme membres

 22   des forces armées.

 23   Le document suivant que nous souhaitons soumettre à la Chambre est le

 24   document 2D 628, la Loi relative aux droits des défenseurs et des membres

 25   de leurs familles depuis 2004. Ce document démontre que les membres des

 26   familles des membres de l'ABiH et du HVO jouissaient des mêmes droits.

 27   Document 2D 1183, à présent. C'est la Loi relative aux droits spéciaux des

 28   détenteurs de décorations de guerre à partir de 2005. Nous voyons que cette


Page 52630

  1   loi concerne les membres de l'ABiH, tout comme les membres du Conseil

  2   croate de Défense.

  3   Le dernier document que nous aimerions soumettre à la Chambre, c'est le

  4   document 2D 1181, décret relatif à la retraite dans de bonnes conditions à

  5   partir de 2007. Nous voyons que ce document concerne aussi bien les membres

  6   de l'ABiH que les membres du HVO.

  7   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous allons en terminer avant

  8   la pause. Encore quelques remarques de conclusion.

  9   Milivoj Petkovic et ses conseils de Défense n'ont jamais prétendu qu'il

 10   était un homme infaillible, aussi bien sur le plan humain que sur le plan

 11   de sa qualité de soldat de métier. Aujourd'hui, peut-être, en fonction de

 12   tous les renseignements dont nous disposons désormais, Milivoj Petkovic

 13   aurait pris d'autres décisions au cours de sa vie et au cours de sa

 14   carrière militaire. Il est certain, toutefois, que Petkovic est arrivé en

 15   Bosnie-Herzégovine avec la meilleure foi du monde dans le but de défendre,

 16   en tant que soldat de métier avant tout, sa patrie, la Croatie, qui était

 17   attaquée à partir du territoire de la Bosnie-Herzégovine, mais dans le but

 18   également d'aider les populations croates et musulmanes à se défendre

 19   elles-mêmes en Bosnie-Herzégovine.

 20   Il a participé à la création et au développement du Conseil croate de

 21   Défense, en tant qu'armée aussi bien des Croates que des Musulmans en

 22   Bosnie-Herzégovine. Petkovic croyait en toute franchise que le Conseil

 23   croate de Défense était l'un des deux bras des forces armées de Bosnie-

 24   Herzégovine. Tous les textes de loi de Bosnie-Herzégovine confirment cela

 25   au jour d'aujourd'hui encore.

 26   Ni Milivoj Petkovic ni ses collègues n'avaient prévu de participer à une

 27   guerre contre l'ABiH ou ne s'étaient préparés à cette guerre. C'est peut-

 28   être la raison pour laquelle, d'ailleurs, l'ABiH a remporté tant de succès


Page 52631

  1   dans sa prise de territoire, contrôlé précédemment par les autorités

  2   d'Herceg-Bosna à partir d'avril 1993.

  3   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avons vu à la lecture de

  4   nombreux documents que Petkovic n'était pas un homme de guerre. Rappelez-

  5   vous les mots venant de lui que nous avons vus dans une séquence vidéo qui

  6   vous a été montrée durant le propos liminaire de la Défense. Je cite :

  7   "Il est préférable de passer deux ans à discuter que de ne passer qu'un

  8   seul jour à mener la guerre."

  9   Voilà ce qu'est Milivoj Petkovic.

 10   Le général Petkovic a témoigné devant vous, Monsieur le Président,

 11   Messieurs les Juges. Cela n'a pas été facile pour lui. Il lui a fallu de la

 12   force pour agir ainsi. Le général Petkovic souhaitait vous montrer que

 13   toutes ses actions étaient guidées par la logique militaire et justifiées

 14   d'un point de vue militaire. Il est possible que les actions venant de lui

 15   n'aient pas été les meilleures, mais il est certain que ses actions n'ont

 16   pas été criminelles, et encore plus certain qu'elles n'ont pas été dirigées

 17   contre la population civile musulmane.

 18   Nous vous invitons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à apprécier

 19   les faits en vous appuyant sur une analyse globale de l'ensemble des

 20   éléments de preuve et en ajustant ce que vous lirez au contexte dans lequel

 21   se sont situées les actions ou les omissions de Petkovic. Nous vous

 22   invitons en particulier à établir avec précision l'étendue des obligations

 23   juridiques qui étaient les siennes en tant que chef de l'état-major

 24   principal du HVO en vertu des textes de loi de l'Herceg-Bosna sur la base

 25   des décisions du commandant suprême.

 26   Milivoj Petkovic était chef de l'état-major principal, mais il importe de

 27   ne pas confondre ses fonctions avec celles de commandant militaire. Nous

 28   pensons, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'en l'espèce, vous


Page 52632

  1   découvrirez que Milivoj Petkovic n'a commis aucun crime, que l'Accusation

  2   n'est pas parvenue à prouver qu'il aurait ordonné, ou incité à commettre,

  3   ou aidé ou encouragé qui que ce soit à commettre un quelconque crime, ou

  4   qu'il ait pu être responsable, d'une façon ou d'une autre, pour les crimes

  5   commis sur le plan pénal. Un verdict d'acquittement est donc la seule

  6   décision correcte de la part de la Chambre.

  7   Voici donc le point final que je mets aux arguments de la plaidoirie de la

  8   Défense Petkovic.

  9   Je souhaite vous remercier, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 10   pour le bon niveau de coopération qui a existé depuis cinq ans, en

 11   l'espèce. J'aimerais également remercier mes collègues de l'Accusation qui

 12   ont fait preuve d'une grande compréhension pour nos demandes de temps

 13   supplémentaire. Nous avons estimé que l'Accusation doit avoir la

 14   possibilité de faire un bon travail car, si elle le fait, ceci placera la

 15   Défense Petkovic dans une situation encore plus favorable.

 16   Je tiens à remercier nos collègues des autres équipes de Défense pour leur

 17   coopération, et à remercier le Greffe ainsi que toutes les personnes qui

 18   nous ont aidés, en particulier les interprètes, en insistant sur la cabine

 19   française.

 20   Merci.

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Scott.

 22   M. SCOTT : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que l'heure de

 23   la pause approche, mais j'aimerais tout de même évoquer un point devant la

 24   Chambre. J'aimerais le faire au moment qui sera le moins inopportun, et

 25   ceci sans gêner, bien sûr, la plaidoirie de l'équipe Coric dans quelques

 26   instants. M. Stringer et moi-même ainsi que toute l'équipe de l'Accusation

 27   demandons simplement à pouvoir présenter devant la Chambre un certain

 28   nombre de réflexions et de questions qui se présentent à nous avant d'en


Page 52633

  1   arriver à la fin de l'audience et, bien entendu, tout ceci peut avoir une

  2   importance conséquente pour la Chambre.

  3   Selon ce que l'Accusation a entendu jusqu'à présent, nous pensons que nous

  4   n'aurons pas besoin d'un temps important pour nos derniers arguments. Je ne

  5   sais pas si la Chambre souhaite que nous présentions notre sujet

  6   immédiatement, nous sommes prêts à le faire aujourd'hui, mais nous

  7   pourrions également suspendre et attendre à un moment ultérieur. Nous

  8   sommes à la disposition de la Chambre pour sa décision quant au meilleur

  9   moment pour notre présentation des éléments en réplique.

 10   [La Chambre de première instance se concerte]

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors la Chambre a pris note de l'intervention

 12   du Procureur. La Chambre estime qu'il convient d'écouter les plaidoiries à

 13   intervenir, à savoir celles de l'accusé Coric et celles de l'accusé Pusic,

 14   et ensuite nous basculerons dans la phase dite de la réplique éventuelle du

 15   bureau du Procureur, et c'est à ce moment-là que vous ferez valoir votre

 16   point de vue. Pas à ce stade, qui est le stade uniquement consacré aux

 17   plaidoiries de la Défense.

 18   Nous allons faire donc 20 minutes de pause, et à l'issue de cette pause je

 19   donnerai la parole à l'avocate de M. Coric pour sa plaidoirie.

 20   L'INTERPRÈTE : Note de l'interprète de la cabine française : Lors de la

 21   première demi-heure du présent volet d'audience numéro 1, remplacez les

 22   différentes occurrences suivantes : "Petkovic, le chef de l'état-major

 23   principal n'était pas le subordonné des commandants militaires" par

 24   "n'était pas le supérieur des commandants militaires."

 25   --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

 26   --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. Je donne la parole à

 28   la Défense de M. Coric.

 


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  1   [Plaidoiries de la Défense Coric]

  2   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

  3   Bonjour à toutes les personnes présentes dans le prétoire et autour du

  4   prétoire.

  5   Au début de la plaidoirie de notre défense, au nom de cette équipe, je

  6   souhaiterais remercier toutes les personnes qui, par leur travail, ont

  7   contribué à la clôture de ce procès. Je souhaite remercier les Juges de la

  8   Chambre de première instance ainsi que tous les collaborateurs de cette

  9   dernière, nos estimés confrères de l'Accusation ainsi que leurs

 10   collaborateurs, nos estimés confrères des équipes de la Défense, le Greffe,

 11   les services techniques, les gardes, et pour finir, j'exprime mes

 12   remerciements tout particuliers à nos interprètes sans lesquels notre voix

 13   ne pourrait être entendue. Et je remercie également tous ceux que j'ai pu

 14   omettre de citer.

 15   Après plusieurs années de procès et d'analyse des dépositions de centaines

 16   de témoins contenues dans plus de 50 000 pages de compte rendu d'audience

 17   et plus de 10 000 documents, nous avons eu l'occasion il y a deux semaines

 18   d'entendre le dernier mot du Procureur, et en quelque sorte, ses meilleurs

 19   arguments. C'est avec patience que nous avons écouté le réquisitoire du

 20   bureau du Procureur. Pour nous tous, qui avons pu voir les éléments de

 21   preuve présentés en l'espèce et qui avons entendu tous les témoins cités à

 22   la barre, tant les témoins de l'Accusation que ceux de la Défense, il a été

 23   difficile d'écouter patiemment le réquisitoire de l'Accusation, tout comme

 24   il a été difficile de lire le mémoire en clôture de l'Accusation. Et cela a

 25   été difficile, Messieurs les Juges, parce que tant le mémoire en clôture de

 26   l'Accusation que son réquisitoire avait pour objectif de détourner

 27   l'attention des Juges de la Première Chambre des éléments de preuve dont

 28   ils avaient été saisis afin d'attirer plutôt leur attention sur des


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  1   insinuations, plutôt que sur des faits.

  2   Messieurs les Juges, à la fin de son réquisitoire, le Procureur a énuméré

  3   les victimes des différents conflits à travers l'histoire de l'humanité, y

  4   compris les victimes de l'Holocauste. Chaque victime, serait elle-même

  5   unique, mérite que justice lui soit rendue. La Défense de Valentin Coric

  6   ressent la plus profonde et la plus sincère compassion avec chacune

  7   d'elles. Cependant, Messieurs les Juges, aucune des victimes citées, pas

  8   même celles d'Hiroshima et Nagasaki ne sauraient être comparées aux

  9   victimes de l'Holocauste, et ceci pour une raison essentielle. Pour

 10   horrible qu'ait été le sort de ces victimes et quelle que soit la

 11   compassion que nous puissions ressentir avec elles, toutes ces victimes

 12   appartenaient à des peuples en guerre. Alors que les victimes de

 13   l'Holocauste, quant à elles, n'appartenaient à aucune partie en conflit.

 14   Ces personnes ont été systématiquement exterminées pour la seule raison

 15   qu'il s'agissait de Juifs.

 16   Après le réquisitoire du Procureur, j'ai réfléchi quant à la façon de

 17   commencer ma plaidoirie, et c'est alors que je me suis rappelée les propos

 18   que m'a tenus récemment une consoeur plus expérimentée et plus sagace que

 19   moi-même. Elle m'a dit la chose suivante : Lorsque l'homme de la rue a

 20   l'occasion de lire dans les médias le contenu d'un acte d'accusation donné,

 21   de son point de vue, l'accusé a déjà été jugé et sa culpabilité a déjà été

 22   démontrée.

 23   Dans l'opinion publique, nous ne trouvons pas ce principe selon lequel

 24   personne ne saurait être considéré comme coupable tant que sa culpabilité

 25   n'a pas été démontrée au-delà de tout doute raisonnable. Pourquoi suis-je

 26   en train de dire cela ? Parce que lors du réquisitoire, nous avons tout

 27   simplement entendu à nouveau le contenu de l'acte d'accusation. A ceci

 28   près, Messieurs les Juges, que la présente espèce n'est pas soumise à la


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  1   sagacité d'un jury populaire ou de l'opinion publique. Ce sont des Juges

  2   professionnels qui auront à analyser l'ensemble des éléments de preuve,

  3   chacun d'entre eux individuellement ainsi que dans le contexte de tous les

  4   autres, et qui seront amenés à décider de la question de savoir si le

  5   Procureur, en l'espèce, a démontré au-delà de tout doute raisonnable la

  6   validité des allégations figurant à l'acte d'accusation.

  7   A la fin de son réquisitoire, mon estimé confrère M. Scott a endossé le

  8   rôle d'un véritable chevalier du droit international et il en a appelé aux

  9   Juges de la Chambre afin qu'ils entendent les voix des victimes. Messieurs

 10   les Juges, le droit international suppose effectivement que l'on donne

 11   satisfaction aux victimes, mais cela ne signifie pas que c'est à tout prix

 12   qu'on doive leur donner satisfaction selon un principe machiavélique. Le

 13   droit international, outre la protection du droit des victimes, suppose

 14   également la découverte de la vérité et la protection des droits des

 15   accusés. Le droit international présuppose également que le présent bureau

 16   du Procureur a l'obligation d'établir au-delà de tout doute raisonnable la

 17   culpabilité de mon client, Valentin Coric.

 18   Le Procureur souhaite se présenter comme un chevalier du droit

 19   international, mais sauf tout le respect que je dois à mes estimés

 20   confrères et consoeurs du bureau du Procureur, Messieurs les Juges, dans le

 21   cas de Valentin Coric, les représentants de l'Accusation ont procédé de

 22   façon tout sauf chevaleresque. Dans son réquisitoire, le Procureur a

 23   affirmé que dans leurs mémoires en clôture, certaines équipes de la Défense

 24   auraient opéré des contorsions linguistiques et auraient également effectué

 25   un choix sélectif des éléments de preuve.

 26   Messieurs les Juges, dans le cas de Valentin Coric, le Procureur s'est

 27   livré à tous ces exercices que le Procureur nous reproche d'avoir commis et

 28   il est allé bien au-delà, à vrai dire. Il a ignoré les déclarations de ses


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  1   propres témoins lorsque cela l'arrangeait, il a procédé à différentes

  2   interprétations des mêmes documents en fonction de l'accusé qu'il prenait

  3   pour cible, et il a monté de toutes pièces des faits dont aucune mention ne

  4   figure au sein des documents. Cette façon de procéder, Messieurs les Juges,

  5   serait celle de quelqu'un qui se bat pour défendre le droit international

  6   et le droit des victimes. Je crois que c'est plutôt là la façon de procéder

  7   de quelqu'un qui souhaite la victoire et qui souhaite l'obtenir à tout

  8   prix. Pour vous montrer qu'il ne s'agit pas là de propos creux, la Défense

  9   de Valentin Coric, au cours de sa plaidoirie, va s'appuyer sur un certain

 10   nombre d'exemples.

 11   Dans son mémoire en clôture aux paragraphes 982, 993 et 1 039, ainsi que

 12   dans son réquisitoire, l'Accusation s'efforce de démontrer que mon client

 13   aurait été dévoué à la réalisation du projet d'une Grande-Croatie. A cet

 14   effet, le Procureur cite une partie d'une publication dans laquelle il est

 15   allégué que les membres de la police militaire étaient triés sur le volet

 16   afin qu'elle ne soit composée que de personnes dévouées à l'idée croate et

 17   à la patrie croate. Il s'agit du document P 8550. Chaque fois que le

 18   Procureur, dans son mémoire en clôture, s'efforce de démontrer cette thèse

 19   qui est la sienne, il s'appuie toujours sur ce seul et même document. Le

 20   Procureur procède ainsi parce qu'aucun autre élément de preuve n'est

 21   disponible, où que l'on cherche, parmi les plus de 10 000 documents

 22   disponibles en l'espèce et les dépositions de plusieurs centaines de

 23   témoins. Il n'a tout simplement pas réussi à trouver quoi que ce soit

 24   d'autre.

 25   Par la même occasion, le Procureur passe complètement sous silence la

 26   réponse d'un témoin protégé à la question de savoir quelle était cette idée

 27   croate évoquée dans cette publication, bien qu'aucun autre témoin ne se

 28   soit exprimé à ce sujet. Ceci a été enregistré en pages du compte rendu


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  1   d'audience numéros 51 316 à 51 318. Ce témoin a dit qu'en 1992, lorsque la

  2   guerre a commencé en Bosnie-Herzégovine, la patrie pour laquelle il se

  3   battait était la Bosnie-Herzégovine. Il a également indiqué que l'idée

  4   croate, pour les Croates de Bosnie-Herzégovine, signifiait que les Croates

  5   devaient être l'un des trois peuples constitutifs et égaux en droits de cet

  6   Etat. Le témoin a indiqué que c'était la façon dont il comprenait la chose

  7   et qu'il était à vrai dire impossible de comprendre cela différemment.

  8   Messieurs les Juges, ce qui compte ici, ce n'est pas la façon dont le

  9   Procureur, d'un côté, ou les Défenses, de l'autre, interprètent ces

 10   différents documents. Ce qui compte, c'est la façon dont les témoins les

 11   ont interprétés et la façon dont ces mêmes témoins comprenaient la chose à

 12   l'époque.

 13   Mon estimé confrère M. Stringer a indiqué que la réponse à la question de

 14   savoir quel serait le nombre de Musulmans prêts à se souscrire à cette idée

 15   était tout sauf claire. L'Accusation affirme que c'était là une condition

 16   préalable si l'on voulait être admis au sein de la police militaire.

 17   Probablement M. Stringer a-t-il omis de se rappeler qu'en l'espèce il

 18   existe des éléments de preuve indiquant le nombre de Musulmans s'étant

 19   trouvés au sein des différentes unités de la police militaire pendant toute

 20   la période couverte par l'acte d'accusation. Le Procureur a également omis

 21   de prendre en compte le fait que le Témoin Andabak, aux pages du compte

 22   rendu 50 949 à 50 950, a déclaré qu'au sein du bataillon dont il assurait

 23   le commandement se trouvaient 30 % de Musulmans, ce qui représentait 100

 24   hommes, parmi lesquels figurait également le commandant du 2e Bataillon

 25   d'infanterie légère, qui était un Musulman.

 26   Un autre témoin, en page 51 318 du compte rendu, a indiqué qu'au sein d'une

 27   autre unité de la police militaire, au début, se trouvaient 30 à 40 

 28   Musulmans et une dizaine de Serbes. Ensuite, dans une phase ultérieure, il


Page 52639

  1   s'y est trouvé plus de 50 Musulmans et dix à 15 Serbes.

  2   Le témoin Desnica, dans sa déclaration, 5D 5109, paragraphe 9, a déclaré

  3   que lors des périodes d'instruction de la police militaire, il y avait

  4   aussi bien des Musulmans que des Croates qui participaient.

  5   En rapport avec ceci, j'appelle l'attention des Juges de la Chambre

  6   sur les documents P 2970 et P 4850. Messieurs les Juges, tout ceci démontre

  7   que les termes "idée croate" et "patrie croate" avaient le même sens pour

  8   les Musulmans au sein de la police militaire que ce qu'indiquait le témoin

  9   protégé que je viens de citer, et que son interprétation n'était pas celle

 10   alléguée par le Procureur. C'était là une opinion partagée par Valentin

 11   Coric, car si cela n'avait pas été le cas, il n'aurait pas proposé un

 12   Musulman pour nomination au poste de commandant d'un bataillon de

 13   l'infanterie légère. Ceci nous montre, et c'est le premier exemple que je

 14   vous propose, la façon dont le Procureur, dans les instants où il ne

 15   dispose d'aucune preuve pour étayer ses arguments, avance à l'intention des

 16   Juges de la Chambre des interprétations qui lui sont propres et qu'aucun

 17   document ne vient étayer.

 18   Le Procureur, dans son réquisitoire et dans son mémoire en clôture,

 19   paragraphes 982 et 986, s'efforce pour la première fois d'élargir la

 20   responsabilité alléguée de Valentin Coric en se référant à sa nomination au

 21   poste de ministre de l'Intérieur au mois de novembre 1993, et en se

 22   référant également à ses autres nominations au sein de la République croate

 23   d'Herceg-Bosna tout au long des années 1994 et 1995. Mais il n'est pas

 24   adéquat que le Procureur énonce à présent des arguments qui sont absents de

 25   l'acte d'accusation. C'est tout simplement trop tard. Par ailleurs, ces

 26   mêmes arguments n'ont absolument pas été présentés pendant le procès. Tant

 27   l'acte d'accusation que le mémoire préalable au procès ont restreint la

 28   portée de la responsabilité pénale alléguée de Coric et l'ont limitée à la


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  1   période courant jusqu'au mois de novembre 1993, et ce, uniquement en sa

  2   qualité de chef de l'administration de la Police militaire. C'est ce qui

  3   figure aux paragraphes numéro 12 et 17.5 de l'acte d'accusation.

  4   Le Procureur passe également sous silence le fait qu'en sa qualité de

  5   ministre de l'Intérieur, Coric a exigé le retour de ce qui était, dans ce

  6   cas particulier, la police civile, son retour du théâtre de guerre, afin

  7   que cette police civile puisse lutter contre la criminalité. La pièce P

  8   6837 en témoigne. Le Procureur laisse également complètement de côté le

  9   fait que Coric a continué à exercer un certain nombre de fonctions en

 10   Bosnie-Herzégovine, y compris après la guerre ou plus précisément, après la

 11   signature des accords de Dayton, en tant que ministre de l'Intérieur d'un

 12   canton et en qualité de suppléant du ministre chargé des Affaires civiles à

 13   Sarajevo, comme en témoigne la pièce P 9053. Ces différentes nominations

 14   montrent que M. Coric était un professionnel, et non pas quelqu'un qui

 15   aurait été récompensé pour des crimes de guerre commis à l'encontre des

 16   non-Croates.

 17   Dans son mémoire en clôture, le Procureur évoque un certain nombre de

 18   réunions au cours desquelles M. Coric a été présent ou au cours desquelles

 19   son nom a été cité. L'Accusation demande aux Juges de la Chambre de se

 20   fonder sur ces éléments pour parvenir à la conclusion que Coric aurait

 21   participé à un soi-disant plan criminel allégué. Aux paragraphes 982 et 986

 22   de son mémoire en clôture, le Procureur affirme que Coric aurait été

 23   récompensé pour son rôle de premier plan dans ce qu'il appelle le projet de

 24   l'Herceg-Bosna, et que sa nomination au poste de ministre de l'Intérieur

 25   aurait été approuvée par Tudjman, Boban et Prlic.

 26   En ce qui concerne ce rôle de premier plan ou ce rôle de leader de

 27   Coric, je souligne qu'un certain nombre de documents existent au sein du

 28   dossier qui nous montrent la présence de Coric à seulement quatre réunions


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  1   du gouvernement du HVO. Et comme il est possible de s'en convaincre sur la

  2   base de ces documents, qui portent les cotes P 4111, P 4275, P 5799 et 2D

  3   854, la seule raison pour laquelle Coric a été présent lors de ces quatre

  4   réunions, de façon tout à fait manifeste, était de lui permettre de rendre

  5   compte des actions déjà entreprises et des actions conjointes planifiées de

  6   la police militaire et de la police civile aux fins de lutter contre la

  7   criminalité. Le procès-verbal de ces réunions, Messieurs les Juges, montre

  8   de façon indubitable que les participants à ces réunions n'ont absolument

  9   pas discuté d'un quelconque projet criminel de l'Herceg-Bosna, mais qu'ils

 10   se sont bien, plutôt, entretenus des besoins relatifs au renforcement de la

 11   police civile et de la police militaire auquel il convenait de procéder,

 12   ainsi que de l'élaboration d'un plan opérationnel au terme duquel la police

 13   civile et la police militaire devaient agir de concert afin de découvrir

 14   les auteurs d'actes criminels et de prévenir la criminalité. Si, lors de

 15   ces quatre réunions qui ont été tenues afin de permettre une prévention

 16   plus efficace des crimes, M. Coric a contribué de quelque façon que ce soit

 17   à un projet, il est impossible de qualifier ce projet d'illégal ou de

 18   criminel. Sa nomination au poste de ministre de l'Intérieur, nomination

 19   fondée sur le rôle qui a été le sien lors des réunions du HVO portant sur

 20   les efforts à entreprendre afin de lutter contre la criminalité, est tout à

 21   fait fondée. La conclusion négative du Procureur, que ce dernier fonde sur

 22   les mêmes réunions, est tout à fait sans fondement logique et n'a pas le

 23   moindre sens.

 24   En ce qui concerne les réunions enregistrées au procès-verbal portant

 25   la cote P 6581, il convient de souligner que sur la base de ce même procès-

 26   verbal, on ne peut conclure que la chose suivante, à savoir que Tudjman

 27   était à peine au courant de l'existence de Valentin Coric. Lors de cette

 28   réunion, Prlic s'est contenté de déclarer que Coric était à ce moment-là à


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  1   la tête de la police militaire et qu'il jouissait de la pleine confiance de

  2   l'armée. En l'espèce, nous n'avons pas eu l'occasion de voir le moindre

  3   élément de preuve qui serait susceptible de confirmer ou d'infirmer cette

  4   affirmation attribuée à M. Prlic.

  5   Le Procureur se réfère également à la pièce P 2099, dont il cite une

  6   partie au paragraphe 984 de son mémoire en clôture. Le Procureur affirme

  7   ici que Coric aurait été soutenu par Ivan Jarnjak, mais ce procès-verbal

  8   montre également que Tudjman ne sait pas vraiment qui est Coric et que le

  9   soutien de Jarnjak, ce soutien allégué de Jarnjak ne repose que sur le fait

 10   suivant, à savoir que cette personne, lors de la réunion, dit qu'il avait

 11   l'occasion de rencontrer Coric à un club de karaté. Sur la base de ces

 12   documents, on voit très clairement que Coric n'était présent à aucune de

 13   ces réunions, et il n'existe pas le moindre élément de preuve qui

 14   permettrait de conclure que Coric aurait été au courant de la teneur de ces

 15   réunions.

 16   L'Accusation, dans son mémoire en clôture, et ce, à plusieurs

 17   reprises, par exemple, aux paragraphes numéro 11 236 et 1 003, se réfère à

 18   une réunion à laquelle tant M. Coric que le général Praljak étaient

 19   présents. Je vous renvoie ici au document P 1788. La Défense du général

 20   Praljak, lors de sa propre plaidoirie, a déjà remis en question

 21   l'authenticité de ces notes manuscrites ainsi que leur crédibilité. C'est

 22   la raison pour laquelle nous n'allons pas revenir sur ces mêmes arguments.

 23   Sur ce point, nous rejoignons entièrement la position exprimée par la

 24   Défense du général Praljak. Par ailleurs, aucun lien n'existe entre la

 25   présence de M. Coric à cette réunion et une quelconque façon de souscrire

 26   aux propos tenus lors de cette réunion par le général Praljak, ou d'agir de

 27   concert d'avec lui. M. Coric, lors de cette réunion, répond à des questions

 28   qui portent sur la nouvelle organisation et les effectifs de la police


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  1   militaire. En relation avec cela, il déclare que la police militaire

  2   poursuivra ses activités comme par le passé, jusqu'à ce qu'un nouvel accord

  3   soit passé. Les propos de Valentin Coric ne représentent en aucun cas un

  4   discours de nature politique et ne sont en aucun cas l'expression de la

  5   moindre intention criminelle.

  6   La Défense souhaite rappeler aux Juges de la Chambre que le général

  7   Praljak, lors de sa disposition, a répondu à une question de M. le

  8   Président le Juge Antonetti, et que dans sa réponse il a indiqué n'avoir

  9   jamais eu la moindre conversation de nature politique avec Coric et que,

 10   d'ailleurs, il n'avait pas connaissance des positions politiques de Coric.

 11   Ceci est consigné en page 41 499 du compte rendu d'audience.

 12   L'Accusation, au paragraphe 364 de son mémoire en clôture, affirme que dans

 13   sa déclaration enregistrée sous la cote P 9078, fournie aux enquêteurs du

 14   présent Tribunal, Jadranko Prlic aurait qualifié Coric de fasciste clérical

 15   et que, de la sorte, il l'aurait en quelque sorte étiqueté comme étant

 16   membre de ce groupe proche de Tudjman et responsable des crimes du HVO.

 17   Mais ceci est inexact, Messieurs les Juges. A aucun passage de cette

 18   déclaration on ne peut retrouver la moindre trace de ceci. Jadranko Prlic

 19   n'a jamais qualifié Valentin Coric de fasciste clérical. La seule chose qui

 20   apparaît dans ce document, c'est que Prlic et Coric avaient un certain

 21   nombre de points de désaccord.

 22   Messieurs les Juges, aucun des documents évoqués n'apporte la preuve

 23   que Valentin Coric aurait eu la moindre opinion ou position politique qui

 24   aurait visé à la sécession de la HZ HB de la Bosnie-Herzégovine et à la

 25   création d'une Grande-Croatie.

 26   Mon estimé confrère, M. Stringer, au début de son réquisitoire, s'est

 27   référé aux jugements dans les affaires Kvocka et Krajisnik et a affirmé que

 28   la Défense de M. Coric aurait présenté de façon erronée un argument


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  1   consistant à dire que M. Coric ne saurait être condamné pour sa

  2   participation à l'entreprise criminelle commune s'il n'était pas

  3   simultanément établi sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique

  4   en application de l'article 7(3) du Statut. Il est exact qu'il s'agit là de

  5   deux modes de responsabilité différents; d'une part, la responsabilité en

  6   application de l'article 7(3), et d'autre part, la responsabilité pour

  7   participation à une entreprise criminelle commune en application de

  8   l'article 7(1). Cependant, et comme dans toute autre affaire, ce type de

  9   responsabilité pour participation à une entreprise criminelle commune, en

 10   application de l'article 7(1), doit être établi sur la base de faits

 11   concrets en l'espèce, et ce, devant la Chambre de première instance.

 12   Dans l'affaire Kvocka, à laquelle se réfère le Procureur, les accusés

 13   se voyaient reprocher non seulement d'avoir ordonné la commission de crimes

 14   à leurs subordonnés, mais encore une participation directe à ces mêmes

 15   crimes. Dans l'affaire Krajisnik, il existait également des faits concrets

 16   qui ont permis d'étayer le jugement tel qu'il a été rendu. Revenons,

 17   cependant, maintenant à la thèse de l'Accusation concernant Valentin Coric

 18   et aux éléments à charge retenus, parce que c'est précisément ce que la

 19   Chambre de première instance doit prendre en considération, et vous verrez

 20   dès lors, Messieurs les Juges, pourquoi nous affirmons que cette forme de

 21   responsabilité par participation de M. Coric à une entreprise criminelle

 22   commune ne saurait être démontrée si l'on n'a pas également prouvé le rôle

 23   de commandement assumé par Coric, commandement de la police militaire.

 24   Dans l'arrêt en appel dans l'affaire Kvocka à laquelle se réfère le

 25   Procureur, au paragraphe 28, nous trouvons, et je cite :

 26   "Si l'Accusation s'appuie sur la théorie d'une entreprise criminelle

 27   commune, dans ce cas l'Accusation doit expliquer la finalité de ladite

 28   entreprise, l'identité des participants, ainsi que la nature de la


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  1   participation de l'accusé à ladite entreprise."

  2   Au paragraphe 33 du même arrêt, la Chambre d'appel étaye plus avant la même

  3   affirmation en disant, je cite :

  4   "Une Chambre de première instance ne peut condamner un accusé pour d'autres

  5   crimes que ceux allégués dans l'acte d'accusation."

  6   Pourquoi le Procureur, dans son mémoire en clôture, n'a pas fait

  7   référence à la partie de l'acte d'accusation relative à M. Coric ?

  8   Messieurs les Juges, si on se penche sur l'acte d'accusation, notamment les

  9   paragraphes 12 et 17.5(A) à (N), et le mémoire préalable pour ce qui est

 10   des paragraphes identiques, la nature et les modalités de participation à

 11   une entreprise criminelle commune qui sont reprochées à M. Valentin Coric,

 12   nous pouvons voir que le bureau du Procureur a affirmé que Coric, du fait

 13   de sa responsabilité de commandement à la police militaire, avait pris part

 14   à cette entreprise criminelle commune. C'est la raison pour laquelle nous

 15   affirmons que le problème de la détermination de cette filière de

 16   commandement dont ferait partie Coric est enchevêtré avec un problème de

 17   détermination de sa participation à une entreprise criminelle commune. A

 18   l'autre acte d'accusation modifié, dans la partie relative à M. Coric, on

 19   dit qu'il n'avait qu'exercé un commandement de jure et de facto et un

 20   contrôle à l'égard de la police militaire du HVO. Le bureau du Procureur

 21   pourrait conclure maintenant qu'il y aurait eu lieu de présenter des chefs

 22   d'accusation tout à fait autres à l'encontre de M. Coric, mais ils ont

 23   gardé ce qu'ils ont dit auparavant.

 24   Pour ce qui est de la jurisprudence prépondérante, le Procureur ne doit pas

 25   démontrer qu'il y ait eu un rapport de supérieur à subordonné entre

 26   l'accusé et les auteurs directs ou indirects. Le Procureur doit démontrer

 27   que l'accusé avait été dans une position d'autorité qui aurait incité

 28   quelqu'un d'autre à commettre un crime, en se conformant à des ordres


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  1   donnés par l'accusé. Cette thèse se trouve être confortée par le jugement

  2   rendu dans l'affaire Milutinovic au paragraphe 87.

  3   Dans nos écritures en clôture, paragraphes 67 à 72, nous avons présenté une

  4   analyse détaillée au sujet de qui serait considéré par l'Accusation avoir

  5   été les subordonnés à Coric, et aux pages qui suivent on a expliqué dans le

  6   détail ce que M. Coric avait eu comme rôle de commandement. Et je me

  7   propose d'aborder ce sujet dans la suite de mon exposé.

  8   Le Procureur et la Défense Petkovic, dans leur mémoire en clôture, avancent

  9   plusieurs théories différentes au sujet du fait de savoir qui, quand et

 10   comment avait commandé à la police militaire. Je vous citerai, à ce titre,

 11   plusieurs exemples.

 12   Au paragraphe 988, le bureau du Procureur affirme que Coric avait commandé

 13   la police militaire, tant d'un point de vue administratif que d'un point de

 14   vue opérationnel. Au paragraphe 683, le Procureur affirme que des

 15   subordonnés à Praljak, dont font partie ceux de la police militaire,

 16   avaient respecté son autorité de supérieur hiérarchique.Au paragraphe 684,

 17   le Procureur dit que Praljak avait assumé des responsabilités de

 18   commandement à l'égard de la police militaire, qui lui a été resubordonnée

 19   par les soins de Boban et de Stojic à des fins d'opérations de combat. Au

 20   paragraphe 686, le Procureur affirme que Praljak avait commandé tout un

 21   éventail d'activités déployées par la police militaire, et non pas

 22   seulement d'activités liées à des opérations de combat.

 23   La Défense de Petkovic, aux paragraphes 96 et 97 de son mémoire en clôture,

 24   affirme que le chef de l'état-major avait commandé la police militaire rien

 25   qu'à partir du moment où celle-ci lui avait été resubordonnée. Au

 26   paragraphe 99, la Défense Petkovic dit que le commandement du Bataillon de

 27   la Police militaire dans la zone opérationnelle se trouvait subordonné au

 28   commandant de ladite zone opérationnelle pour ce qui est des missions


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  1   régulières en matière de police militaire, et à l'administration de la

  2   police militaire pour ce qui est de ces activités professionnelles. Au

  3   paragraphe 103, la Défense de Petkovic affirme que ces missions policières

  4   régulières de la police militaire n'avaient pas relevé des compétences du

  5   chef de l'état-major, raison pour laquelle ces chefs militaires, pour ce

  6   qui est de leurs missions de police militaire régulières, s'étaient vu

  7   subordonnés aux responsables du département de la Défense. Au paragraphe

  8   106, la Défense Petkovic affirme que s'agissant des unités de la police

  9   militaire au sein des zones opérationnelles et des brigades, il y a eu une

 10   double filière de commandement remontant vers le commandant militaire et

 11   vers le chef du SIS, voire celui de l'administration de la police

 12   militaire.

 13   Dans plusieurs paragraphes de la Défense 4D, comme par exemple les

 14   paragraphes 99, 100, 106, 204, il est affirmé que l'administration de la

 15   police militaire était celle qui était habilitée à commander la police

 16   militaire.

 17   Messieurs les Juges, ces différentes théories, qui en fait

 18   constituent un plan A, B, C et ainsi de suite, montrent que la partie qui

 19   avance autant de théories différentes n'a pas pu prouver au-delà du doute

 20   raisonnable pas une seule de ces théories.

 21   La Défense de Coric, et tous dans ce prétoire le savent fort bien, au

 22   fil des cinq années écoulées et dans leur mémoire en clôture, n'est en

 23   train de défendre qu'une seule thèse. La Défense de Coric ne doit pas

 24   s'efforcer et se donner du mal pour construire des théories variées selon

 25   l'évolution de la situation dans l'affaire, parce que ces arguments se

 26   fondent sur des éléments de preuve présentés; non seulement sur des

 27   documents, mais aussi sur des dires de témoins. Nos thèses, et je tiens à

 28   rappeler les Juges de la Chambre de ceci, sont confirmées non seulement par


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  1   les témoins de la Défense 5D, mais aussi par des témoins de l'Accusation et

  2   des témoins de la Défense Petkovic, tout comme ceux de la Défense Praljak.

  3   Messieurs les Juges, pour ce qui est maintenant du commandement de la

  4   police militaire, la Défense Coric affirme que les éléments de preuve

  5   présentés dans cette affaire montrent ce qui suit : les unités de la police

  6   militaire ont été organisées dans cinq bataillons, quatre de ces bataillons

  7   étaient chargés de couvrir chacune une zone opérationnelle, et il n'y a

  8   qu'un bataillon à ne pas avoir eu d'affectation territoriale permanente.

  9   Ceci est confirmé par les documents P 936, P 128, P 957, et cela se trouve

 10   être confirmé par les témoins de la Défense 5D : M. Andabak, pages du

 11   compte rendu d'audience 50 906 à 50 908, puis 50 912, 50 915, puis 50 917 à

 12   50 918, et 50 920; le témoin de l'Accusation, CC, aux pages du compte rendu

 13   10 452 à 10 453, et à la page 10 458; ensuite, un témoin de l'Accusation,

 14   sous le pseudonyme EA, aux pages du compte rendu 24 875 à 24 880, et pages

 15   24 884 à 24 886; un autre témoin de l'Accusation, le Témoin C, aux pages du

 16   compte rendu 22 520 à 22 521, ainsi qu'aux pages 22 534 à 22 527; de même

 17   qu'un autre témoin de la Défense 5D, le Témoin NO, dans sa déclaration qui

 18   est versée au dossier sous la référence 5D 5110, paragraphe 4.

 19   Alors, ce bataillon, qui n'avait pas eu d'affectation territoriale

 20   permanente, d'après les ordres de l'état-major, qui était sollicité par un

 21   commandant de la zone opérationnelle, aurait envoyé Coric vers une zone de

 22   responsabilité déterminée. Cela se trouve être confirmé par le 5D 4040, le

 23   5D 4030, le 5D 4039, le 5D 440 et le P 5478. De même, ceci est confirmé par

 24   le témoin de la Défense 5D, M. Andabak, pages du compte rendu 50 911 à 50

 25   912; le témoin de l'Accusation, C, aux pages du compte rendu 22 524 à 22

 26   527; de même qu'un autre témoin de l'Accusation, le Témoin EA, aux pages du

 27   compte rendu 24 879 à 24 881. La situation a évolué à la fin du mois de

 28   juillet. Je me propose d'en parler quelque peu plus tard.


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  1   Alors, pour ce qui est de l'exercice des missions au quotidien, les

  2   bataillons de la police militaire étaient commandés par le commandant de la

  3   zone opérationnelle. Ce fait est confirmé par les documents 5D 5095, 5D

  4   4374, 5D 4375, P 2534, P 4063, 3D 2584, 3D 1785, 5D 2195, 5D 4380, 5D 1054,

  5   P 2548, P 2640, P 3135, 5D 4392, 5D 3052, 5D 3046, P 1913, P 1972, 5D 3044,

  6   5D 3019, P 5731, P 3593, P 5411, 3D 798, P 781, 5D 2102, P 4251, P 1238, P

  7   2836 et P 1359.

  8   Je n'ai pas eu le loisir d'énumérer la totalité des documents compte

  9   tenu du manque de temps, mais ceci est également confirmé par des témoins.

 10   Le témoin de l'Accusation EA, pages du compte rendu d'audience 24 876 à 24

 11   877, et le témoin de l'Accusation C, aux pages de compte rendu d'audience

 12   22 524 à 22 527 et 22 451 à 22 453. Je m'excuse aux interprètes. Je reviens

 13   deux lignes plus haut parce que j'ai omis de donner lecture du Témoin CC de

 14   l'Accusation, page de compte rendu d'audience 10 458. Un autre témoin,

 15   celui de la Défense 5D, portant le pseudonyme NO, pages du compte rendu

 16   d'audience 51 181 à 51 182. Un témoin de la Défense 4D, Petkovic, aux pages

 17   du compte rendu d'audience 50 249 à 50 254 et 50 260 à 50 261. Un témoin de

 18   la Défense 4D, Pavlovic, aux pages de compte rendu d'audience 46 905 à 46

 19   907. Puis, un témoin de la Défense 5D, M. Andabak, pages de compte rendu

 20   d'audience 50 906, 50 907, 50 917 à 918, 50 934 à 50 935, 50 939 à 50 942,

 21   et 50 950 à 50 951, tout comme par le témoin de la Défense 5D, M. Vidovic,

 22   page du compte rendu 51 512. Il y a eu des situations où le commandant de

 23   la zone opérationnelle ou d'un bataillon de la Police militaire ou des

 24   parties de ces bataillons avait resubordonné des unités aux commandants de

 25   brigades, voire de bataillons, faisant partie desdites brigades. Ceci se

 26   trouve être confirmé par des documents, le 5D 2102 et le P 02846. La chose

 27   est confirmée par le témoin de la Défense 5D, M. Andabak, pages du compte

 28   rendu 50 934 à 50 935.


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  1   Messieurs les Juges, les missions au quotidien de cette police

  2   militaire, ce sont toutes les tâches qui font partie du domaine

  3   d'intervention de la police militaire. Ceci est confirmé par des documents,

  4   le P 781, le P 635, le P 4063, le P 1238, le P 1359, le P 2836, le P 4251,

  5   le P 2534, le 3D 2584, le 3D 1785, le 5D 2102, le 5D 5095, le 5D 4374 et le

  6   5D 4375.

  7   Ceci est également confirmé par des témoignages : le témoin de la

  8   Défense 4D, Pavlovic, à la page du compte rendu d'audience 46 905; un

  9   témoin de l'Accusation, le Témoin C, à la page du compte rendu d'audience

 10   22 325; le témoin de la Défense 5D, M. Andabak, pages du compte rendu 50

 11   917 à 50 918; et un témoin de la Défense 4D, à savoir Petkovic, aux pages

 12   du compte rendu 50 232 à la page 50 260.

 13   Je ne me propose que d'énumérer certaines des missions de la police

 14   militaire : sécurisation des bâtiments, arrestation des déserteurs,

 15   contrôle des sorties et entrées au niveau de la zone de responsabilité,

 16   recherche liée à des délits au pénal, sécurisation interne dans les prisons

 17   militaires et participation à la sécurisation des prisonniers de guerre.

 18   Ceci est prouvé par les documents P 1148, P 143 et P 837, et ceci est

 19   également confirmé par des témoins : le témoin de la Défense 4D, Petkovic,

 20   pages de compte rendu d'audience 50 232 à 50 236, et pages 50 349 à 50 261;

 21   le témoin de la Défense EA, pages du compte rendu d'audience 24 878 à 24

 22   879.

 23   Messieurs les Juges, les missions au quotidien de cette police

 24   militaire sont des missions classiques de la police militaire, telles

 25   qu'accomplies par la police militaire n'importe où, dans quelque armée que

 26   ce soit au monde. La Défense de Coric ne comprend véritablement pas quelles

 27   sont les activités professionnelles dont parle la Défense Petkovic dans son

 28   paragraphe 99 du mémoire en clôture. Exception faite de la police militaire


Page 52651

  1   active dont je viens de parler, il y avait une police militaire de la

  2   brigade. La police militaire de la brigade était organisée par pelotons, et

  3   chaque brigade avait en son sein un peloton. La police militaire de la

  4   brigade était à tout point de vue subordonnée aux commandants des brigades,

  5   comme toute autre unité faisant partie de ladite brigade. Les commandants

  6   des brigades donnaient des ordres à ces pelotons des brigades. C'est les

  7   commandants des brigades qui désignaient et choisissaient les membres de

  8   ces pelotons. Ils nommaient et révoquaient aussi bien les membres de ces

  9   pelotons aussi. Les commandants des brigades étaient censés diligenter, et

 10   diligentaient des procédures disciplinaires contre les membres de ces

 11   pelotons de la police militaire des brigades. La chose est confirmée par

 12   les documents P 4262, le 5D 538, le P 1099, le P 4413, le P 990, le P 2595,

 13   le 5D 5106, le 5D 5107. Et il y a eu confirmation par le soin de

 14   témoignages de témoins. Un témoin de la Défense 5D, Andabak, pages de

 15   compte rendu d'audience 50 913 à 50 928; un témoin de la Défense 4D, c'est-

 16   à-dire Petkovic, pages du compte rendu 50 226 à 50 229; un témoin de

 17   l'Accusation CC, pages du compte rendu 10 449 et 10 458; un autre témoin de

 18   l'Accusation, le témoin C, pages du compte rendu d'audience 22 525 et

 19   22 527; et un témoin conjoint des Défenses 3D et 4D, le témoin Tokic, à la

 20   page du compte rendu 45 507.

 21   Les commandants militaires, Messieurs les Juges, étaient chargés de

 22   commander les unités de la police militaire, indépendamment du fait de

 23   savoir s'il s'agissait d'une police militaire de brigade ou autre,

 24   lorsqu'il y avait des opérations de combat. Ce fait est confirmé par les

 25   témoins de l'Accusation suivants : le témoin CC, à la page du compte rendu

 26   10 458; le témoin EA, aux pages du compte rendu 24 876 à 24 877, puis à la

 27   page 24 879 jusqu'à la page 24 880; de même que par un témoin de

 28   l'Accusation, C, page du compte rendu 22 520 et 22 540 à 22 541; puis un


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  1   témoin de la Défense 3D, Skender, page du compte rendu 45 241. Le témoin de

  2   la Défense 4D, Pavlovic, pages du compte rendu 46 894 à 46 895, de même

  3   qu'à la page 46 905; un témoin de la Défense 3D, celle du général Praljak,

  4   pages du compte rendu d'audience 42 692; un témoin de la Défense 4D,

  5   Petkovic, pages du compte rendu 49 791 à 49 795; un témoin de la Défense

  6   5D, M. Andabak, pages du compte rendu 50 933 à 50 934; un témoin de la

  7   Défense 5D, le témoin NO, dans sa déclaration versée au dossier sous la

  8   référence 5D 5110. Il l'a fait dans les paragraphes 4 et 5.

  9   Messieurs les Juges, au travers de toute cette période de la présentation

 10   des chefs d'accusation, pendant que Valentin Coric était chef de

 11   l'administration de la Police militaire à titre opérationnel, la police

 12   militaire, dans ses missions au quotidien et dans les opérations de combat,

 13   était commandée par les commandants militaires dans leurs zones de

 14   responsabilité respectives. Ceci se trouve être confirmé par le témoin de

 15   la Défense 5D, Andabak, aux pages du compte rendu 50 909 à 50 910. Pourquoi

 16   en est-il été ainsi, Messieurs les Juges ? Chaque commandant de la zone

 17   opérationnelle et au sein de ladite zone opérationnelle, chaque commandant

 18   de brigade avait été chargé d'une zone de responsabilité déterminée. Cette

 19   zone de responsabilité est définie en profondeur et en largeur et englobe

 20   non seulement une ligne de front, mais aussi des territoires en profondeur

 21   derrière cette ligne de front. La profondeur est définie selon les

 22   évaluations sécuritaires faites par le commandant de la région et ça peut

 23   atteindre 10 à 15 kilomètres. Dans la zone opérationnelle, là où cesse la

 24   zone de responsabilité d'un commandant d'une brigade, il y a début de la

 25   zone de responsabilité d'un commandant d'une deuxième brigade. La chose est

 26   confirmée par les documents P 4819 et P 3135. Elle est confirmée aussi par

 27   les témoignages de témoins : un témoin conjoint aux Défenses 3D et 4D, M.

 28   Tokic, à la page du compte rendu d'audience 45 343, tout comme le témoin de


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  1   la Défense 5D, M. Andabak, à la page du compte rendu 50 943.

  2   Un commandant de zone était la personne la mieux informée de ce qui

  3   se passait dans sa propre zone. Il savait où se trouvaient les positions de

  4   l'ennemi, il savait quelle était la situation au niveau de la sécurité, et

  5   il savait où se trouvaient les accès et les issues pour arriver ou sortir

  6   de ses zones de responsabilité. Il savait où placer des postes de contrôle,

  7   et il est la personne qui savait le mieux avec quels effectifs il pouvait

  8   disposer. Ce fait se trouve confirmé par les témoins suivants : témoin de

  9   la Défense 5D, Andabak, pages du compte rendu 50 943 à 50 944; un témoin de

 10   la Défense 3D, M. Skender, pages du compte rendu 45 310 et 45 283; le

 11   témoin de la Défense 5D, Vidovic, page du compte rendu 51 453. Ensuite, un

 12   témoin conjoint pour les Défenses 3D et 4D, M. Tokic, pages du compte rendu

 13   d'audience 45 336 à 45 547, et un témoin de la Défense 2D, M. Bandic, page

 14   du compte rendu d'audience 38 105. C'est en raison de cela, Monsieur le

 15   Président, Messieurs les Juges, que le commandant était bien l'homme qui au

 16   jour le jour décidait quelle serait la partie de ses effectifs qu'il

 17   inclurait dans le travail à accomplir de la part de la police militaire.

 18   Lors des réunions d'information quotidiennes auxquelles il était

 19   obligatoire d'assister et auxquelles assistaient effectivement les

 20   commandants de la police militaire, entre autres, des missions étaient

 21   distribuées et des rapports étaient présentés. C'est ce qu'a confirmé le

 22   témoin Andabak, pages du compte rendu d'audience 50 932 à 50 934 et plus

 23   loin, pages 50 940 et 51 146. Ce commandant recevait des rapports écrits

 24   provenant de toutes les unités placées sous ses ordres, y compris des

 25   unités de la police militaire. Les documents qui constituent les pièces

 26   P 970, 5D 4385, P 4063, P 2836, P 1359, P 377 et P 458 le confirment, comme

 27   le confirment également des témoins. Je veux parler du témoin à charge dont

 28   le pseudonyme est C en page 22 323 du compte rendu d'audience; du Témoin 5D


Page 52654

  1   Andabak en pages 50 931 à 50 959 compte rendu d'audience; et du Témoin 5D

  2   NO dans sa déclaration écrite qui a été versée au dossier en tant que pièce

  3   5D 5110, cinquième paragraphe de cette déclaration écrite.

  4   Quel est donc le rôle que joue un commandant à l'intérieur de sa zone de

  5   responsabilité ? Nous pouvons le déterminer en examinant le document qui

  6   constitue la pièce P 3135. Dans ce document, le colonel Obradovic déclare

  7   qu'il émet l'ordre qu'il a émis en vertu du pouvoir sans limite qu'il a

  8   reçu des structures civiles et militaires dans le but de maintenir la zone

  9   de responsabilité élargie désormais placée sous ses ordres.

 10   La situation suivante prouve également que les commandants de zones

 11   opérationnelles jouaient un rôle effectif dans le contrôle qu'ils

 12   exerçaient sur la police militaire dans leurs zones de responsabilité. Ceci

 13   est démontré par un certain nombre d'ordres émanant de Valentin Coric et

 14   adressés à la police militaire qui font partie du dossier de l'espèce, et

 15   ces ordres ne portant pas sur des organigrammes professionnels ou des

 16   effectifs ou la connaissance existante ou pas des lois en vigueur. Dans ces

 17   ordres qui concernent les missions assignées à la police militaire,

 18   Valentin Coric, dès le préambule de ses textes, invoque l'état-major

 19   principal ou une instance hiérarchique supérieure. Pourquoi est-ce qu'il

 20   agit ainsi si toutes ces instances ce sont ses subordonnés ? Pourquoi est-

 21   ce qu'il ne se contente pas de dire : Faites ceci ou cela, comme il le

 22   fait, d'ailleurs, dans un certain nombre d'instructions ? La seule

 23   conclusion logique, si l'on s'efforce de répondre à cette question, est la

 24   suivante : ceci vient du fait que les policiers militaires en question ne

 25   pouvaient pas exécuter l'ordre émanant de lui tant qu'ils n'y étaient pas

 26   autorisés par le commandant de la zone opérationnelle qui exerçait sur eux

 27   un commandement au quotidien. Et le supérieur du commandant de la zone

 28   opérationnelle, c'est l'état-major principal, donc si Valentin Coric


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  1   invoque un ordre de l'état-major principal, le commandant de la zone

  2   opérationnelle ne peut pas empêcher l'exécution de cet ordre. C'est ce que

  3   confirment les documents 5D 4282, la pièce P 2020, la pièce P 875 et la

  4   pièce P 864. Cette thèse défendue par la Défense Coric est confirmée par

  5   l'ordre relatif aux barrages routiers, qui est cosigné par le général

  6   Praljak, chef du département de la Défense, et par Valentin Coric. Je parle

  7   du document qui constitue la pièce P 875. Ce même document comporte

  8   d'ailleurs un numéro de pièce à charge puisqu'il représente également la

  9   pièce P 876.

 10   Dans sa déposition, M. Praljak déclare qu'il a cosigné cet ordre afin

 11   que ce dernier ait un poids plus important. Monsieur le Président,

 12   Messieurs les Juges, cet ordre est adressé à la police militaire. Ceci est

 13   consigné à la page 40 539 du compte rendu d'audience.

 14   Il y a une phrase dans ce document qui concerne la hiérarchie de la

 15   police militaire qui est utilisée aussi bien par l'Accusation dans son

 16   mémoire que par la Défense Petkovic. Cette phrase stipule que la direction

 17   de la police militaire est responsable de et exerce son commandement sur

 18   les unités de la police militaire. A première vue, cette phrase peut être

 19   en contradiction avec ce que je viens de dire, et je suis sûre que les

 20   Juges de cette Chambre se souviennent que ce point a été au centre d'un

 21   débat assez animé pendant le procès. Il est probable que cette situation

 22   demeurera en l'état, en tout cas elle est demeurée en l'état jusqu'au jour

 23   d'aujourd'hui si nous n'avions pas entendu des témoins qui se sont exprimés

 24   en l'espèce, des témoins qui ont parlé à haute et intelligible voix, des

 25   témoins qui étaient sous serment et qui sans la moindre hésitation ont

 26   déclaré devant les Juges de cette Chambre que la police militaire, dans ses

 27   missions quotidiennes ainsi que dans les opérations de combat auxquelles

 28   elle participait, était sous le commandement des commandants militaires, et


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  1   pas sous les ordres de la direction de la police militaire. Ceci est

  2   confirmé par un certain nombre de documents, et j'ai déjà cité les numéros

  3   de pièces à conviction de certains d'entre eux.

  4   Les témoins entendus en l'espèce ont confirmé que la direction de la

  5   police militaire était responsable des effectifs, des équipements de la

  6   police militaire et de leurs achats, de la formation des hommes, des

  7   procédures disciplinaires visant des membres de la police militaire. Ceci a

  8   été confirmé par le Témoin 5D Andabak en page 50 906 du compte rendu

  9   d'audience ainsi que dans les pages suivantes. Ceci a également été

 10   confirmé par NO dans sa déclaration écrite qui a été versée au dossier en

 11   tant que pièce 5D 5110.

 12   Qui est-ce qui commande la police militaire et dans quelles

 13   conditions, quel est exactement le rôle que joue la direction de la police

 14   militaire de ce point de vue, tout ceci est très bien illustré par la

 15   question que le Juge Trechsel a posée au témoin de la Défense, Skender, et

 16   par la réponse fournie par ce témoin. Voici la question que pose M. le Juge

 17   Trechsel, je cite :

 18   "Je ne pense pas -- enfin, c'est possible, mais il nous faut tirer ce

 19   point au clair. S'il y a deux commandants qui ont la possibilité de donner

 20   des ordres, les deux commandants ont le droit de le faire. Mais je vous en

 21   prie, comment cela se passe-t-il sur le plan administratif ? La police

 22   militaire fait toujours partie de la direction de la police militaire, quel

 23   que soit le travail qu'elle accomplit sur le terrain, alors que si elle

 24   fait partie d'une brigade, seul le commandant de la brigade peut lui dire

 25   ce qu'elle doit faire sur le terrain ?"

 26   Et la réponse est :

 27   "Oui, c'est exact."

 28   Autre question de M. le Juge Trechsel, je cite :


Page 52657

  1   "Je pense que ceci précise les choses et que nous pouvons donc

  2   laisser de côté les quelques divergences que nous avions. Je vous

  3   remercie."

  4   Fin de citation.

  5   Alors j'aimerais dire quelques mots rapidement sur certaines

  6   autorités administratives, à savoir celles que représente la direction de

  7   la police militaire par rapport aux unités de police militaire.

  8   Le chef de la direction de la police militaire est, de jure, celui

  9   qui nomme les commandants de compagnies et les officiers des unités

 10   subalternes pour la police militaire d'active. Mais lorsque l'on parle de

 11   commandants de bataillon, il ne peut que proposer des nominations à ces

 12   postes. Ceci est illustré, par exemple, par le document qui constitue la

 13   pièce P 143.

 14   Le candidat au poste de commandement d'un bataillon dans une zone

 15   opérationnelle est présélectionné par une commission. Une commission

 16   chargée, par exemple, de décider des candidats au poste de commandement du

 17   1er Bataillon, l'un des membres de cette commission était un représentant

 18   de l'état-major principal, alors que le commandant de la zone

 19   opérationnelle était membre d'une commission chargée, elle, des commandants

 20   dans les autres bataillons d'active. Ceci a été confirmé par le Témoin

 21   Andabak en page 514 du compte rendu d'audience, ainsi que par la pièce P

 22   9640. Mais de facto, certains commandants ont pu être choisis à l'insu de

 23   Valentin Coric, et on trouve des exemples d'une telle situation dans les

 24   pièces P 3409 et P 4494.

 25   Nous avons l'exemple de Mijo Jelic, qui illustre parfaitement la

 26   mesure dans laquelle la direction de la police militaire participait de

 27   facto au choix des hommes dans le cadre de la politique des effectifs. Mijo

 28   Jelic, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, était le commandant du


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  1   1er Bataillon d'assaut léger à la date du 2 juillet 1993. Ce jour-là, en

  2   application de l'ordre de Miljenko Lasic, qui commandait la zone

  3   opérationnelle du sud-est de l'Herzégovine, il a été nommé au poste de

  4   commandant d'un secteur dans la ville de Mostar. Personne n'a consulté

  5   Valentin Coric avant de décider de cette nomination. Personne n'a même

  6   officiellement interrogé Valentin Coric à ce sujet. C'est ce que prouve la

  7   pièce P 3117.

  8   Le 6 août 1993, le chef de l'état-major principal nomme Mijo Jelic au poste

  9   de commandant de la défense de la ville de Mostar. Personne ne consulte

 10   Valentin Coric au préalable. Personne, encore une fois, ne lui demande son

 11   avis. C'est ce que prouve la pièce P 3983.

 12   Il est vrai, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'à ce moment-là

 13   Mijo Jelic était policier militaire. Mais si nous parlons du destin de cet

 14   homme, Valentin Coric aurait pu avoir une influence importante, aussi

 15   importante, par exemple, que si à ce moment-là Mijo Jelic avait été,

 16   disons, facteur.

 17   Je vais maintenant vous soumettre un autre exemple de la nature du

 18   pouvoir exercé par Valentin Coric, ou pour être plus exacte, de l'absence

 19   de pouvoir que Valentin Coric avait au sein de la police militaire.

 20   Valentin Coric souhaitait imposer des sanctions disciplinaires à un membre

 21   de la police militaire, mais le général Praljak l'a empêché de le faire. Le

 22   général Praljak a déclaré qu'il était celui qui exerçait le commandement

 23   opérationnel sur ce policier militaire en particulier. Vous trouverez la

 24   preuve de cela dans la pièce P 3068 et dans la pièce 5D 4394.

 25   L'Accusation ainsi que les équipes de Défense Petkovic et Praljak

 26   prétendent que c'est seulement à partir du 28 juillet 1993, en vertu de

 27   l'action de Valentin Coric, dont on voit une trace dans la pièce P 3788,

 28   que la police militaire a été resubordonnée aux commandants des unités


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  1   militaires. Les équipes de Défense, au moment de leur plaidoirie, vont même

  2   plus loin, puisqu'elles déclarent que la police militaire leur a été

  3   subordonnée pendant une période très courte et uniquement pour des missions

  4   bien précises.

  5   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'ai énuméré les noms de tous

  6   les témoins qui ont confirmé que pendant toute la période pertinente et à

  7   tout moment, les commandants de la police militaire étaient des commandants

  8   militaires, aussi bien lorsqu'ils participaient aux combats que lorsqu'ils

  9   menaient à bien leurs missions quotidiennes.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, aucun ordre relatif à la

 11   resubordination ne devait exister pour qu'un commandant militaire exerce

 12   son commandement, et ceci est dû simplement à un motif très simple, à

 13   savoir qu'un tel ordre n'existait pas. La police militaire était déjà

 14   resubordonnée aux commandants militaires du simple fait de la hiérarchique.

 15   La pièce P 3778 n'est pas un document qui traite de resubordination. Voilà

 16   ce que fait la pièce P 3778 : avant que cet ordre ne soit émis, Valentin

 17   Coric, en vertu d'un ordre émanant de l'état-major principal, devait

 18   déplacer la police militaire d'une zone vers une autre, parce que ceci

 19   était prévu dans le cadre du déploiement territorial des forces. Dans le

 20   même ordre d'idées, il a envoyé le 1er Bataillon, en vertu de plusieurs

 21   ordres de l'état-major principal, à l'endroit voulu, là où l'état-major

 22   principal souhaitait envoyer ce bataillon. Cet ordre que Valentin Coric n'a

 23   pas émis de sa propre volonté, mais qu'il a émis en vertu d'un ordre

 24   préexistant qu'il avait reçu déjà de l'état-major principal, implique que

 25   Valentin Coric n'a rien à voir avec toute cette histoire. A partir du

 26   moment où un commandant militaire, sous les ordres de l'état-major

 27   principal, déploie des unités de la police militaire là où il veut la

 28   déployer, la chose est sûre. Ceci est confirmé par le fait que tous les


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  1   témoins dont j'ai entendu mention, en dehors de Praljak et de Petkovic, ont

  2   confirmé que le système de commandement de facto exercé sur la police

  3   militaire fonctionnait pendant toute la période, à tout moment et dans

  4   toutes les zones opérationnelles.

  5   Les exemples que je vais maintenant vous citer montrent que les

  6   commandants des unités armées commandaient la police militaire. Ce sont des

  7   exemples où nous trouvons des ordres émanant de commandants d'unités

  8   militaires et concernant des missions quotidiennes assignées à la police

  9   militaire. Je veux parler des pièces P 3039, P 3135, P 2030, P 2548, P

 10   1359, P 2836 - je vous demande encore un instant de patience, Monsieur le

 11   Président, Messieurs les Juges - il y a aussi la pièce P 2640, P 1913, 5D

 12   2195, 5D 4040, 5D 3044, 5D 3046, 5D 3048, 5D 3052, 5D 3019, 5D 1054, 5D

 13   4392, 5D 4030, 5D 5095, 5D 4374 et 5D 4380.

 14   Et je vais maintenant citer des numéros de pièces qui sont des

 15   exemples montrant qu'avant même l'émission d'un ordre par M. Valentin

 16   Coric, le commandement était exercé par les commandements militaires sur la

 17   police militaire pendant les combats. Je veux parler des pièces 3D 1785, 5D

 18   2102, 5D 4387, 5D 4385, 5D 4382, 5D 4375, 5D 4376 et 5D 4377.

 19   Je vous donne maintenant des exemples d'ordres émis par l'état-major

 20   principal et adressés à la police militaire par le biais de la direction de

 21   la police militaire qui concernent les missions quotidiennes de cette même

 22   police militaire : pièces P 323, P 708, 5D 4282. Pas un seul ordre n'allait

 23   directement depuis l'état-major principal vers la police militaire en

 24   passant par la direction de la police militaire dès lors qu'il s'agissait

 25   d'actions de combat.

 26   Exemples, à présent, d'ordres émanant de l'état-major principal,

 27   envoyés directement à la police militaire, sans passer par la direction de

 28   la police militaire et concernant des missions quotidiennes : pièces P 638,


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  1   P 377, P 933, P 458, P 1344.

  2   Exemples, à présent, d'ordres de l'état-major principal, envoyés

  3   directement à la police militaire et concernant des opérations de combat,

  4   sans aucune participation de la direction de la police militaire : P 1880,

  5   P 3117, P 3128.

  6   Monsieur le Président, je pense que l'heure est opportune pour la

  7   pause.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. J'attendais qu'il y ait au transcript les

  9   derniers numéros, parce qu'il y a beaucoup de numéros de documents.

 10   Alors, il est temps de faire notre pause. Nous allons faire la dernière

 11   pause de 20 minutes.

 12   --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

 13   --- L'audience est reprise à 17 heures 50.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : L'audience est reprise.

 15   Maître, vous avez la parole.

 16   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Autre thèse de l'Accusation que l'on trouve dans le mémoire en clôture de

 18   celle-ci, au paragraphe 1 058 ainsi que dans la présentation orale du

 19   réquisitoire de l'Accusation, de même que dans le mémoire en clôture de la

 20   Défense Petkovic au paragraphe 95. Cette thèse consiste à dire que Valentin

 21   Coric recevait des rapports de combat. Monsieur le Président, Messieurs les

 22   Juges, nous affirmons que Valentin Coric n'a reçu aucun rapport de combat

 23   et n'a émis aucun ordre de combat. Un rapport de combat doit comporter des

 24   éléments d'information relatifs à l'ennemi ainsi qu'à ses principales

 25   actions. Il doit comporter des éléments d'information relatifs au

 26   déploiement de l'ennemi et à ses intentions futures. Il doit comporter des

 27   éléments d'information relatifs à ses propres forces, et notamment aux

 28   actions qui ont été menées à bien la veille. Il doit traiter des problèmes


Page 52662

  1   techniques relatifs au déploiement des effectifs et à la façon dont ces

  2   problèmes ont été réglés, des éléments d'information relatifs aux pertes

  3   humaines ainsi qu'à un certain nombre d'éléments d'information relatifs à

  4   l'équipement matériel et technique. Il doit également comporter d'autres

  5   éléments d'information. Tous ces renseignements doivent être très précis.

  6   C'est ce que prouvent les pièces 5D 4385 ainsi que P 1915.

  7   Un ordre de combat ou un ordre destiné au combat doit comporter les

  8   éléments d'information suivants : renseignements relatifs à l'ennemi,

  9   renseignements relatifs aux forces de l'ennemi, renseignements relatifs à

 10   l'équipement technique et matériel de l'ennemi ainsi qu'au déploiement des

 11   effectifs, renseignements relatifs au déploiement de ses propres forces et

 12   missions précisément définies qui sont assignées à ses propres forces dans

 13   le cadre des combats, description des transmissions et des signaux,

 14   description des plans de déplacement des forces, désignation des postes de

 15   commandement et des points stratégiques, désignation de l'appui reçu de

 16   l'artillerie, instructions et missions concernant les instances chargées de

 17   la sécurité et du renseignement, instructions et définitions des missions

 18   assignées aux membres du génie ainsi qu'aux responsables de la logistique.

 19   C'est ce que prouvent les pièces P 3246, 5D 4387, P 1933, P 1932, P 4719, P

 20   4777, P 3117, ainsi que 4D 1700. Rien n'existe dans les écritures qui

 21   prouve que Valentin Coric aurait reçu des renseignements de cette nature ou

 22   émis des ordres de cette nature.

 23   Au paragraphe 998 de son mémoire en clôture, l'Accusation affirme que

 24   Valentin Coric a inspecté les premières lignes à Mostar et que c'est après

 25   cela qu'il a déterminé l'arrivée des renforts et le déploiement de nouveaux

 26   effectifs. Sur neuf documents présentés par l'Accusation à ce sujet, un

 27   seul a un rapport avec la situation concrète, je veux parler de la pièce P

 28   5657.

 


Page 52663

  1   Je demanderais que nous passions maintenant pendant deux minutes à huis

  2   clos partiel.

  3   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame la Greffière.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel,

  5   Monsieur le Président.

  6   [Audience à huis clos partiel]

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15  (expurgé)

 16  (expurgé)

 17  (expurgé)

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28   [Audience publique]

 


Page 52664

  1   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs

  2   les Juges, l'Accusation affirme que Valentin Coric a reçu en personne, donc

  3   en mains propres, tous les rapports mis par écrit par les policiers du HVO,

  4   du premier au dernier. La Défense Coric a longuement décrit dans son

  5   mémoire en clôture le système régissant la présentation de rapports au sein

  6   de la Police militaire. Par conséquent, nous n'allons pas nous appesantir

  7   sur ce point en ce moment. Je me contenterai rapidement de dire que les

  8   éléments de preuve versés au dossier ainsi que les dépositions orales des

  9   témoins démontrent que s'agissant du mode régulier dont les rapports

 10   étaient présentés, si nous parlons de bataillons d'active, seuls certains

 11   rapports pouvaient arriver entre les mains de Valentin Coric par le biais

 12   du service opérationnel de permanence. Les résumés établis par les

 13   responsables opérationnels de permanence au nombre desquels se trouvent des

 14   résumés de rapports lorsque les événements étaient considérés comme

 15   particulièrement importants. C'est ce qu'a confirmé le témoin Andabak, un

 16   témoin de la Défense, en page 50 931 du compte rendu d'audience, ainsi que

 17   le témoin à charge C en page 22 560 du compte rendu d'audience, et c'est

 18   également corroboré par les pièces P 420, P 423 et P 6722. C'est seulement

 19   dans des cas rares portant sur des situations exceptionnelles que les

 20   rapports étaient envoyés personnellement à Valentin Coric.

 21   S'agissant de la police militaire au sein des brigades, elle n'envoyait

 22   jamais ses rapports à la direction de la police militaire ou à la police

 23   militaire au sein des bataillons. La police militaire de la brigade

 24   envoyait ses rapports aux brigades, ce qui est confirmé, par exemple, par

 25   le témoin Andabak en page 50 929 du compte rendu d'audience. On en trouve

 26   également la preuve dans la pièce P 4110.

 27   Comment se fait-il que seuls les rapports du 5e Bataillon de la Police

 28   militaire fassent mention des actions de la police militaire de brigade


Page 52665

  1   dans le secteur correspondant à sa zone de responsabilité ? C'est un sujet

  2   qui a été abordé spécialement par la Défense Coric dans son mémoire en

  3   clôture. Nous n'allons donc pas revenir sur ce point.

  4   La Défense Petkovic, au paragraphe 106 de son mémoire en clôture, affirme

  5   que s'agissant de la police militaire, il existait une double chaîne de

  6   commandement. Elle déclare également que des problèmes existaient dans le

  7   système de commandement de la police militaire. Elle invoque deux documents

  8   et un certain nombre de pages du compte rendu d'audience tirés de la

  9   déposition du général Praljak. Dans ces pages, il n'est pas fait mention de

 10   cette affirmation de la Défense Petkovic. Le Témoin NO a vu ces deux

 11   documents et a déclaré qu'aucun commandant militaire ne lui aurait jamais

 12   parlé d'un double système de commandement eu égard à la police militaire,

 13   et que personne n'a fait état devant lui non plus d'un quelconque problème

 14   qui aurait à voir avec le mode de commandement de la police militaire. Nous

 15   tenons à souligner que ce témoin, il l'a dit dans sa déposition,

 16   connaissait pratiquement tous les commandants militaires du HVO. Ceci est

 17   consigné en pages 51 326 et 51 328 du compte rendu d'audience. En dehors de

 18   cela, dans un rapport de M. Petkovic concernant le mois de juin 1993, un

 19   grand nombre de problèmes sont évoqués, mais aucun de ces problèmes n'a à

 20   voir avec la police militaire. Ceci est consigné dans la pièce P 3642.

 21   Messieurs les Juges, j'attire votre attention sur la pièce P 04792. Dans ce

 22   document, le chef d'état-major ordonne au commandement de la zone

 23   opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest, à M. Siljeg, donc, de ne pas

 24   laisser passer les véhicules de la FORPRONU, des Nations Unies et du HCR

 25   des Nations Unies aux postes de contrôle tout en faisant apparaître ceci

 26   comme des actes arbitraires et dans le fait de policiers militaires. La

 27   Défense de M. Coric affirme, Messieurs les Juges, que nous sommes ici en

 28   présence de l'exemple le plus flagrant nous montrant la façon dont ces


Page 52666

  1   théories échevelés consistant à dire qu'il y aurait eu une double chaîne de

  2   commandement sont apparues, théories également mentionnant une

  3   désobéissance de la police militaire.

  4   Alors au début, j'ai indiqué que j'allais m'appuyer sur des exemples

  5   pour montrer la façon dont le Procureur passe sous silence ses propres

  6   témoins et les déclarations de ces derniers lorsque cela l'arrange. C'est

  7   précisément ce que le Procureur a fait dans ce cas précis. Le Procureur

  8   souhaite, en effet, démontrer que Valentin Coric et l'administration de la

  9   Police militaire commandaient aux unités de la police militaire. Alors je

 10   laisse de côté le fait que le Procureur passe sous silence les déclarations

 11   des témoins de la Défense, même lorsqu'il s'agit de témoins déposant pour

 12   des Défenses qui avancent des théories contraires aux déclarations desdits

 13   témoins. J'avance ici, Messieurs les Juges, que le Procureur a ignoré les

 14   déclarations de ses propres témoins, C, CC, EA.

 15   A l'inverse des déclarations tant des témoins de l'Accusation que de

 16   ceux de la Défense, le Procureur fonde sa théorie selon laquelle Coric

 17   aurait commandé la police militaire selon les déclarations de trois

 18   témoins, le Témoin E et les accusés Petkovic et Praljak. Il est heureux

 19   pour l'Accusation que ces accusés aient témoigné, car dans le cas

 20   contraire, au terme d'une enquête de plusieurs années, et de cinq années de

 21   procès dans ce prétoire, au terme de la déposition de plusieurs centaines

 22   de témoins, le seul témoin de l'Accusation qui aurait pu appuyer cette

 23   théorie aurait été le Témoin E.

 24   Je vais donc commencer par me pencher sur la crédibilité de ce

 25   dernier témoin.

 26   C'est sans le moindre retenu que le Procureur a qualifié le Témoin de

 27   la Défense Coric NO de criminel de guerre. Il s'agit d'un homme qui

 28   jusqu'au jour d'aujourd'hui n'a jamais été mis en accusation, et encore


Page 52667

  1   moins condamné pour crimes de guerre. Par ailleurs, c'est toujours sans la

  2   moindre hésitation et dans le but d'étayer ses propres théories que le

  3   Procureur se réfère (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé). Alors je

  7   rappelle aux Juges de la Chambre que des éléments de preuve ont été versés

  8   au dossier concernant cette question. Il s'agit des pièces 2D 511, 2D 512

  9   et 2D 513.

 10   En procédant à l'analyse des dépositions de MM. Petkovic et Praljak,

 11   sur lesquelles le Procureur s'appuie afin de démontrer les thèses qui sont

 12   les siennes à l'encontre de mon client, il apparaît les éléments suivants

 13   avancés par le Procureur dans son mémoire en clôture; au paragraphe 3 :

 14   "Ceci est particulièrement vrai de la déposition des accusés Praljak

 15   et Petkovic, qui ont menti de façon répétée lorsqu'ils étaient incapables

 16   d'éluder les questions portant sur des points importants. Leurs

 17   dépositions, qui n'avaient d'autre finalité que de servir leurs propres

 18   intérêts, ne peuvent se voir accorder qu'un poids faible."

 19   Paragraphe 836 :

 20   "Praljak a menti sous serment."

 21   Paragraphe 839 :

 22   "Praljak a menti de façon répétée aux Juges de la Chambre pendant les

 23   semaines qu'a duré sa déposition sous serment, aussi bien qu'à

 24   l'interrogatoire principal qu'au contre-interrogatoire. Lorsqu'il ne

 25   mentait pas, il éludait les questions et évitait de répondre directement."

 26   Paragraphe 840 :

 27   "Plus tard dans sa déposition, Praljak a fait une distinction entre vérité

 28   vitale et vérité factuelle. La question de savoir à quel type de vérité


Page 52668

  1   Praljak a recouru dans sa déposition n'est pas claire."

  2   Paragraphe 862 :

  3   "Petkovic a fait preuve de beaucoup de difficulté à fournir des réponses

  4   spontanées, véridiques et dénuées d'arrière-pensées pendant sa déposition."

  5   Paragraphe 900 :

  6   "Cette façon qu'a Petkovic d'éluder les questions ne résiste  pas à

  7   l'examen."

  8   Paragraphe 935 :

  9   "Les garanties offertes par Petkovic ne sauraient se voir accorder la

 10   moindre foi."

 11   Et le même type de qualification est repris par l'Accusation dans les

 12   paragraphes 650, dans la note de bas de page 1 502, aux paragraphes 746,

 13   837, 838, 864, 867, 870, 873, 902, 905, 908, 909, 936 et 939.

 14   D'un côté, dans tous les paragraphes que je viens de citer, le

 15   Procureur qualifie ces deux accusés de menteurs notoires, mais par

 16   ailleurs, c'est sans la moindre hésitation qu'il s'appuie sur leur

 17   déposition afin d'étayer les théories qui sont les siennes à l'encontre de

 18   mon client Valentin Coric, et il le fait d'ailleurs en dépit du fait que

 19   ces mêmes dépositions contredisent celles d'autres témoins de l'Accusation,

 20   tout comme celles de certains témoins de la Défense de ces deux mêmes

 21   accusés, Petkovic et Praljak. Nous avons là, Messieurs les Juges, un bon

 22   exemple de la façon dont l'Accusation procède à des interprétations

 23   différentes des dépositions et à une évaluation également différente de

 24   leur valeur probante en fonction de l'accusé qui est pris pour cible.

 25   Messieurs les Juges, il est possible qu'un témoin, qui manque de

 26   crédibilité, dise la vérité sur un point particulier. Cependant, pour lui

 27   accorder crédit à ce sujet, ce qu'il dit doit se voir confirmer par

 28   quelqu'un d'autre, quelqu'un de crédible, quelqu'un en qui les Juges de la


Page 52669

  1   Chambre puissent avoir confiance, en qui ils puissent croire. Cependant, si

  2   ce même témoin dit quelque chose de complètement différent de ce que disent

  3   tous les autres témoins auxquels les Juges peuvent accorder foi, et si, par

  4   la même occasion, cette déposition du témoin en question sert, en fait, ses

  5   propres intérêts et lui permet de se disculper, dans ce cas l'on ne peut et

  6   l'on ne doit pas lui accorder foi.

  7   Le Procureur, dans son réquisitoire, a affirmé que Valentin Coric se

  8   serait caché derrière son bureau et essayerait de se faire passer pour un

  9   fonctionnaire et un bureaucrate. Messieurs les Juges, Valentin Coric ne se

 10   cachait ni à l'époque ni ne se cache aujourd'hui. A l'époque, on a empêché

 11   Valentin Coric de participer à la nomination de policiers militaires. On

 12   l'a également empêché de mettre en œuvre des sanctions disciplinaires.

 13   Je souhaite rappeler aux Juges de la Chambre que Valentin Coric a

 14   demandé à l'état-major de faire revenir les policiers militaires qui se

 15   trouvaient sur les lignes de front, comme en témoigne la pièce P 5471 et la

 16   déposition du général Praljak. Ce dernier, lors de sa déposition, a indiqué

 17   avoir décidé qu'il convenait de ne pas faire droit à cette demande émise

 18   par Coric. Ceci est consigné aux pages 40 988, 40 989, 42 523 à 42 527 du

 19   compte rendu d'audience.

 20   Messieurs les Juges, si Valentin Coric avait commandé à la police

 21   militaire, il aurait procédé lui-même à son retrait de la ligne de front.

 22   Il n'aurait pas eu besoin de demander la moindre permission à M. Praljak à

 23   cet effet et M. Praljak n'aurait pas davantage pris la moindre décision à

 24   ce sujet. La Défense de Valentin Coric ne cherche en rien à se mettre à

 25   l'abri ni à se cacher. Nos théories sont confirmées par les éléments de

 26   preuve et par des témoins crédibles.

 27   Je voudrais maintenant passer à un autre sujet.

 28   Au paragraphe 1 036 de son mémoire en clôture, le Procureur affirme


Page 52670

  1   que le 30 janvier 1993, Valentin Coric aurait été informé des agissements

  2   inadéquats de la police militaire à Prozor. A cette occasion, le Procureur

  3   s'appuie sur le document P 1362, dans lequel le commandant de la Brigade de

  4   Rama, Zutic, dit qu'aucun ordre n'allant pas dans le sens des intérêts de

  5   la police militaire n'a jamais été exécuté. Par la même occasion, dans ce

  6   document on évoque un individu répondant au surnom de Banja Luka comme

  7   étant un policier militaire posant problème.

  8   Messieurs les Juges, j'attire votre attention dans un premier temps sur

  9   l'ordre de ce même commandant de brigade, Zutic, daté du 27 janvier 1993,

 10   c'est-à-dire trois jours plus tôt. Il s'agit d'un ordre dans lequel ce même

 11   commandant déclare, en adressant donc cet ordre à la police militaire, je

 12   cite :

 13   "J'ordonne qu'aux postes de contrôle de la police militaire sur le

 14   territoire de notre municipalité, tous les agents de la police militaire

 15   soient informés des points suivants :

 16   "Premièrement, aucun Musulman ne saurait traverser le territoire de

 17   cette municipalité;

 18   "Deuxièmement, les autocars qui traversent le territoire de notre

 19   municipalité devront être contrôlés de façon plus approfondie, et les

 20   Musulmans qui seraient trouvés à leur bord devront en descendre;

 21   "Troisièmement, les biens et chargements que les Musulmans

 22   s'efforceraient de transférer à travers le territoire de notre municipalité

 23   devront être confisqués à ces derniers.

 24   "Cet ordre prend effet immédiatement, et tous les postes de contrôle

 25   doivent en être informés."

 26   Fin de citation. 

 27   Messieurs les Juges, il s'agit là donc du document P 1327. Ceci vous montre

 28   exactement de quel ordre il s'agissait, en réalité. La Défense de M. Coric


Page 52671

  1   affirme que la police militaire a agi de façon légale en n'exécutant pas

  2   cet ordre.

  3   Messieurs les Juges, je vous rappelle qu'il y a quelques instants, j'ai dit

  4   que dans le document auquel se réfère l'Accusation, la pièce P 1362, le

  5   commandant de la brigade en question mentionne également un policier

  6   militaire qui répondrait au surnom de Banja Luka et qui est qualifié

  7   d'individu problématique. Dans le paragraphe 1 036 de son mémoire en

  8   clôture, le Procureur affirme encore une fois que ce Banja Luka aurait été

  9   un policier militaire. Mais Messieurs les Juges, cet individu n'a non

 10   seulement jamais été policier militaire, mais il a également été déclaré

 11   inapte au service militaire. Ceci est visible dans une plainte au pénal

 12   déposée contre cet individu, qui porte la cote P 4836.

 13   Au paragraphe 1 037 de son mémoire en clôture, le Procureur affirme que

 14   c'est afin de pouvoir le faire participer à des opérations de combat que

 15   Miroslav Bralo a été relâché, a été libéré de prison, bien qu'une plainte

 16   au pénal pour homicide ait été précédemment déposée contre lui. La Défense

 17   de M. Coric souligne que la police militaire a déposé une plainte au pénal

 18   contre cet individu suite au meurtre d'un Musulman, et conformément à cette

 19   plainte, cet individu a été emprisonné dans la prison militaire de Kaonik,

 20   comme en témoigne la pièce P 1405. La prison militaire de Kaonik n'était

 21   pas sous la responsabilité de la police militaire ni sous celle de

 22   l'administration de la police militaire, et ces dernières n'étaient pas en

 23   mesure d'exercer la moindre influence quant à la question de savoir qui

 24   devait être libéré. La prison militaire de Kaonik était sous la

 25   responsabilité de la zone opérationnelle de Bosnie centrale, comme en

 26   témoigne le document numéro P 1478.

 27   Au paragraphe numéro 1 017 de son mémoire en clôture, l'Accusation affirme

 28   que, le 25 octobre 1992, Coric aurait été informé par Siljeg, le commandant


Page 52672

  1   de la zone opérationnelle de l'Herzégovine du nord-ouest, de l'existence

  2   d'une criminalité au sein de la police militaire. Au paragraphe 1 018,

  3   cette même théorie continue à être développée. Le Procureur dit que quatre

  4   jours plus tard, c'est-à-dire à une date qui devrait être celle du 29

  5   octobre, une réunion se serait tenue à Ljubuski, à laquelle Coric aurait

  6   été présent, et Coric, lors de cette réunion, aurait été informé de ces

  7   agissements criminels. Messieurs les Juges, tout d'abord, cette réunion,

  8   enregistrée dans la pièce P 1350, ne s'est pas tenue quatre jours plus

  9   tard, mais trois mois plus tard, au mois de janvier 1993. Dans ce document,

 10   on ne trouve pas la moindre mention ni de Siljeg, ni du moindre agissement

 11   criminel de la part de la police militaire. Au contraire, la police

 12   militaire se trouve être félicitée par les présents à cette réunion. Les

 13   problèmes dont on débat lors de cette réunion en relation avec la

 14   criminalité ne sont que des problèmes d'ordre technique auxquels doit faire

 15   face la section de police judiciaire, difficultés techniques qui n'ont

 16   absolument rien à voir avec la criminalité en tant que telle. En d'autres

 17   termes, l'affirmation selon laquelle il aurait ici été débattu d'activités

 18   criminelles au sein de la police militaire est une pure invention.

 19   Revenons maintenant au rapport présenté par M. Siljeg. D'abord, s'agissant

 20   du document cité en référence par l'Accusation, à savoir le document P 648,

 21   ce document ne fait état d'aucune espèce de criminalité au niveau de la

 22   police militaire, chose qu'on voit au niveau de la réponse apportée à ce

 23   document, le 3D 424. Il s'agit de véhicules que la police militaire a

 24   confisqués à des voleurs et qu'elle a restitués à leurs véritables

 25   propriétaires. Ceci a été confirmé par le Témoin Andabak et par le général

 26   Praljak, et le tout se trouve être expliqué dans le détail au paragraphe

 27   617 de notre mémoire en clôture.

 28   Je me propose à présent d'aborder quelques sujets au sujet du commandant de


Page 52673

  1   la zone opérationnelle de l'Herzégovine du sud-ouest, qui est cité en

  2   référence par l'Accusation à plusieurs reprises à chaque fois qu'elle a

  3   essayé de prouver l'implication de la police militaire dans des activités

  4   impermissibles. Alors, ce commandant de la zone opérationnelle, M. Siljeg,

  5   est le même que le Procureur cite en référence au paragraphe 880 de son

  6   mémoire en clôture pour le citer en exemple de commandant qui se sert d'une

  7   terminologie offensante lorsqu'il parle de Musulmans. Messieurs les Juges,

  8   c'est le même qui sait fort bien qu'à ce moment-là, à Prozor, il a des

  9   prisonniers. Il n'en demeure pas moins qu'il ment auprès du département de

 10   la Santé pour dire qu'il n'y en a pas, et il dit, ce faisant : Vous n'avez

 11   pas le droit de donner des ordres. Tout ceci se trouve au document P 6203.

 12   Messieurs les Juges, c'est le même individu qui est chargé par le

 13   commandant de l'état-major de ne pas laisser passer les véhicules de la

 14   FORPRONU, des Nations Unies et de l'UNHCR, et de faire en sorte de

 15   présenter la chose de façon erronée comme étant la volonté inhérente à la

 16   police militaire, document P 4792. C'est le même commandant qui, dans ce

 17   document, donne instruction de dissimuler des cadavres. Ça se voit au P

 18   1308. C'est le même individu qui met en accusation la police militaire de

 19   vol de citernes du convoi, alors qu'il sait pertinemment bien que ces mêmes

 20   citernes se trouvent chez lui. Plus en détail, vous pourrez prendre

 21   connaissance de l'incident dans notre mémoire en clôture au paragraphe 748.

 22   Messieurs les Juges, c'est le même individu qui, sur ordre, arrange les

 23   prisonniers avant l'arrivée de la Croix-Rouge. Il s'agit de la pièce P 4188

 24   ici. Donc, Messieurs les Juges, c'est cela la preuve digne de foi que le

 25   Procureur avance contre la police militaire et contre M. Valentin Coric.

 26   Mais ce M. Siljeg, il a des problèmes avec qui, Messieurs les Juges ? Il

 27   n'a pas de problèmes, par exemple, avec M. Franjic, il ne se plaint pas de

 28   lui. Ce n'est pas étrange si l'on sait que le dénommé Franjic, c'est un


Page 52674

  1   cadre à lui qui avait auparavant été commandant de brigade, puis devient

  2   membre de la police militaire, puis pour finir, lorsqu'il doit être arrêté,

  3   ce même Siljeg le reprend pour en faire un commandant de brigade. Tout ceci

  4   se trouve être expliqué, Messieurs les Juges, comme chronologie dans le

  5   mémoire en clôture que nous avons présenté aux paragraphes 612 à 617.

  6   Je vais vous dire, Messieurs les Juges, qui a constitué le problème pour M.

  7   Siljeg. Pour M. Siljeg, le problème c'est M. Andabak, le commandant du

  8   Bataillon de la Police militaire qui a été chargé de couvrir sa zone

  9   opérationnelle. Or, qui est le dénommé Andabak ? M. Zdenko Andabak, après

 10   la guerre, s'agissant de sa carrière militaire, il l'a poursuivie au sein

 11   des forces armées de la Bosnie-Herzégovine. M. Andabak est devenu colonel

 12   dans ces mêmes forces armées, et il se trouve devenir commandant du centre

 13   des simulations de combat auprès du commandement chargé de la formation et

 14   de l'enseignement de la doctrine. Ceci se trouve être prouvé par la

 15   déclaration fournie par M. Andabak aux pages du compte rendu d'audience 50

 16   904 à 50 905, tout comme par le document 5D 5084. M. Andabak n'aurait pas

 17   pu devenir un officier au sein des forces armées de l'ABiH s'il y avait eu

 18   le moindre soupçon qu'il aurait eu des délits au pénal de commis, et encore

 19   moins un délit de crime de guerre au détriment des Musulmans ou que lui

 20   aurait commis des crimes contre les Musulmans.

 21   Le Procureur, dans son mémoire en clôture, affirme que Valentin Coric a

 22   commandé le Bataillon des Condamnés, et il affirme aussi que Valentin Coric

 23   et la police militaire ont toléré les activités criminelles de la part de

 24   ce Bataillon des Condamnés et de ses membres. En vertu du Règlement de

 25   procédure et de preuve et de la jurisprudence de ce Tribunal, il ne saurait

 26   être admissible de voir l'Accusation, après cinq ans de procès, présenter

 27   dans son mémoire en clôture pour la première fois, une thèse nouvelle et

 28   citer un nouveau subordonné à l'égard duquel M. Valentin Coric aurait eu


Page 52675

  1   autorité prétendument. La jurisprudence du Tribunal requiert de faire en

  2   sorte que tous les faits matériels soient présentés dans le détail à l'acte

  3   d'accusation, y compris la totalité des subordonnés ou prétendus

  4   subordonnés dont les agissements relèvent de la responsabilité d'un accusé

  5   en application du 7.3 afin que l'accusé prenne connaissance de l'affaire

  6   dans laquelle il est censé présenter sa défense. Ceci se trouve être

  7   confirmé par des autorités en matière de droit dont nous parlons au

  8   paragraphe 6 et aux paragraphes 67 à 72 de notre mémoire en clôture. L'acte

  9   d'accusation identifie et présente à l'accusé Coric quelles sont les

 10   responsabilités potentielles qui sont les siennes en application du 7.3, et

 11   on parle de ses subordonnés rien qu'au sein de la police militaire du HVO.

 12   C'est ce qui est dit au paragraphe 12. Par conséquent, ce changement dans

 13   la cause défendue par l'Accusation, à la fin même du procès, enfreint les

 14   principes fondamentaux de l'équité et des droits de l'accusé, ce qui

 15   devrait motiver un rejet de la part des Juges de la Chambre.

 16   Au paragraphe 1 028, le Procureur fait référence à un seul et unique

 17   document pour affirmer, pour la première fois dans la présentation de sa

 18   cause, que Valentin Coric avait exercé une autorité certaine à l'égard du

 19   Bataillon des Condamnés et qu'il avait été habilité à leur donner des

 20   ordres. Messieurs les Juges, le document qui est cité en référence par

 21   l'Accusation est le P 1517. Ce document est en effet un ordre émis par

 22   Valentin Coric, mais cet ordre n'est pas adressé au Bataillon des

 23   Condamnés, mais à la police militaire, bien que dans l'ordre, il soit fait

 24   état de ce Bataillon des Condamnés. Le document permet de voir également

 25   que Valentin Coric n'intervient pas ici de façon autonome, mais on lui a

 26   donné l'ordre de donner cet ordre.

 27   L'affirmation au terme de laquelle Valentin Coric aurait toléré les

 28   crimes commis par le Bataillon des Condamnés sans réagir à ceci est une


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  1   chose que le Procureur essaie d'étayer à l'aide de plusieurs documents. Il

  2   fait référence à un document, qui est le P 5477, envoyé au responsable du

  3   département de la Défense. Ce même document, mais cette fois-ci envoyé au

  4   chef d'état-major, se trouve référencé au 2D 974. Par le biais de ce

  5   document, le dénommé Vidovic, au sein des services judiciaires de la Police

  6   militaire, met en garde le chef d'état-major du moment contre la totalité

  7   des problèmes survenus en raison de la criminalité et du manque de

  8   discipline dans les unités militaires, y compris l'énoncé des problèmes que

  9   ces unités généraient à l'Heliodrom. Il mentionne notamment la situation

 10   dans laquelle se trouvent les membres de ce Bataillon des Condamnés aux

 11   ordres de Tuta après avoir été remis en liberté. Dans le document original

 12   ainsi que dans la version anglaise, Vidovic qualifie ces criminels de

 13   héros, mais il est bien précisé que le mot de "héros" est mis entre

 14   guillemets. Dans son mémoire en clôture au paragraphe 1034, le Procureur

 15   cite ce document, mais en omettant de mentionner ou d'indiquer qu'il y a

 16   des guillemets, chose qui modifie complètement la signification de ce qu'a

 17   écrit et de ce que pensait dire Vidovic. Messieurs les Juges, ceci

 18   constitue encore un exemple de citation erronée d'un élément de preuve.

 19   Partant de ce document, le Procureur est en train de construire de toutes

 20   pièces une thèse au terme de laquelle Vidovic, bien que membre de la police

 21   militaire, s'adresse à l'état-major parce qu'il sait qu'il ne pourrait

 22   s'attendre à de l'aide de la part de Coric. Le Procureur dénie une

 23   construction logique qui s'impose à toute personne raisonnable. Messieurs

 24   les Juges, il est clair et logique que Vidovic s'était adressé au chef

 25   d'état-major parce que d'après lui, l'état-major était le supérieur

 26   hiérarchique de la totalité des forces armées et, par conséquent, il avait

 27   la possibilité de discipliner le commandant de ce Bataillon des Condamnés,

 28   Tuta. Ceci se trouve être confirmé par Vidovic lui-même, qui a témoigné


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  1   devant cette Chambre et il a dit ce qu'il a dit aux pages du compte rendu

  2   d'audience 51 644 à 51 645.

  3   Le Procureur en tire une construction qui est celle-ci, sans

  4   fondement aucun, à savoir que Coric aurait laissé partir de la prison des

  5   criminels pour qu'ils prennent part à des opérations de combat. Le document

  6   que j'ai cité tout à l'heure montre de façon évidente que ces gens-là ont

  7   été relâchés suite à ordre de Tuta, et non pas de Coric. Par conséquent,

  8   c'est une chose dont la police militaire a informé l'état-major. Le

  9   document P 5891 fournit un autre exemple, où le commandant de la zone

 10   opérationnelle Lasic donne l'ordre de relâcher de prison un autre groupe de

 11   soldats qui avait également été placé en détention pour des actes

 12   criminels, mais il n'y a pas un seul ordre de la part de Valentin Coric qui

 13   suivrait le même modèle de comportement et où il serait demandé de remettre

 14   en liberté des criminels.

 15   Le Procureur fait également référence à un document, qui est la pièce

 16   P 3928, paragraphe 1 031, pour affirmer qu'une phrase de ce document permet

 17   de conclure que le Bataillon des Condamnés, suite à ordre de Coric, avait

 18   bénéficié d'une immunité vis-à-vis de toutes poursuites pénales. Mais cela,

 19   Messieurs les Juges, n'est tout simplement pas exact. La phrase en question

 20   peut être interprétée d'une façon ou d'une autre façon. C'est la raison

 21   pour laquelle il importe peu de voir comment cette phrase est interprétée

 22   par l'Accusation ou par la Défense. Il importe de voir comment elle est

 23   interprétée par des témoins crédibles, des témoins de l'époque.

 24   Le Témoin Vidovic, dans son témoignage, a expliqué que les délits au

 25   pénal commis par différents groupes criminels qui sont enregistrés comme

 26   tels l'ont été non pas pour tolérer des crimes mais dans le cadre de

 27   préparatifs d'une action d'envergure de la part de la police et de la part

 28   de la justice contre ces criminels. Ces préparatifs ont requis la


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  1   participation de différents organes du HVO et l'opération en question a

  2   fini par être réalisée. Ceci est confirmé par le Témoin Bandic et par le

  3   Témoin NO. La Défense Coric en a parlé de façon détaillée dans son

  4   paragraphe 286 du mémoire en clôture, donc il n'est point nécessaire de

  5   répéter ici ce qui se trouve déjà énoncé là-bas.

  6   En ce qui concerne les allégations au paragraphe 1 033 du mémoire en

  7   clôture de l'Accusation au sujet d'un incident tout à fait concret, je

  8   tiens à attirer l'attention des Juges de la Chambre sur les documents 5D

  9   2097, 5D 2095 et P 6893, tout comme sur le témoignage du Témoin Vidovic,

 10   pages du compte rendu 51 495 à 51 497. Ces documents permettent de voir non

 11   seulement qu'il y a eu dépôt de plainte au pénal, mais qu'il y a eu constat

 12   d'effectué. On voit qu'il y a eu participation de la police militaire et de

 13   la police civile au traitement des données en matière d'enquête et que le

 14   Procureur et le Juge d'instruction ont été informés de la totalité de

 15   l'affaire. Messieurs les Juges, la Défense Coric affirme - et se propose

 16   d'en parler plus en détail ultérieurement - ce qui suit : à partir du

 17   moment où l'affaire a été transmise au bureau du Procureur, cela fait que

 18   la police n'a plus aucune autorité à exercer à l'égard de l'affaire en

 19   question.

 20   Aux fins de conforter sa thèse au terme de laquelle Coric aurait

 21   toléré des délits au pénal de nettoyage ethnique, le Procureur, à plusieurs

 22   reprises dans son mémoire en clôture et dans son réquisitoire, fait

 23   référence à un document, qui est le P 2802. Dans ce rapport présenté par la

 24   police militaire au sujet de la journée du 15 juin 1993 et intitulé

 25   "Criminalité", il est dit ce qui suit : Durant la journée écoulée, il n'a

 26   été constaté aucun délit au pénal, aucun incident, à l'exception près du

 27   nettoyage ethnique constaté dans la ville pour ce qui est de ses

 28   ressortissants du groupe ethnique musulman. Le Procureur tire de cette


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  1   phrase une conclusion pour dire que cette phrase prouve que la police

  2   militaire avait considéré que le nettoyage ethnique n'était pas une

  3   activité criminelle. La Défense, elle, affirme que cette conclusion tirée

  4   par l'Accusation est tout à fait erronée et sans fondement. Ceci se trouve

  5   être conforté par les documents P 2769, P 2574 et P 2749. Il s'agit des

  6   mêmes incidents qui ont fait l'objet du document cité par l'Accusation. Ces

  7   documents permettent de voir que la police militaire, dans le cas concret,

  8   s'est déplacée sur le terrain une fois qu'elle a été informée du fait que

  9   Stela et ses soldats étaient en train de malmener des civils musulmans. On

 10   a pu voir aussi que ces criminels se sont référés à des ordres de leur

 11   supérieur hiérarchique, Tuta. On voit que la police militaire avait lancé

 12   des avis de recherche pour certains d'entre eux. On voit aussi que la

 13   situation était sur le point de se transformer en conflit armé entre la

 14   police militaire et les criminels eux-mêmes.

 15   Messieurs les Juges, on peut voir aussi le fait que la police

 16   militaire a tout de suite informé de toute chose l'état-major. Donc,

 17   Messieurs les Juges, ceci nous permet de constater que la police militaire,

 18   à ce moment-là, a fait tout ce qui était en son pouvoir. On était sur le

 19   point d'avoir un conflit armé entre deux formations militaires où l'une des

 20   formations en présence se conforme à des ordres criminels donnés par son

 21   propre supérieur hiérarchique. Tout ce qui se passait dans la ville, la

 22   police militaire n'a pu y faire qu'une chose, c'est-à-dire en informer

 23   l'état-major et demander de l'aide de la part d'un supérieur hiérarchique

 24   commun aux deux.

 25   La Défense attire l'attention des Juges de la Chambre sur le fait que

 26   les preuves disent que la police militaire est impuissante d'entreprendre

 27   quoi que ce soit, parce qu'au lieu de faire des tâches policières, elle est

 28   envoyée vers la ligne de front. C'est la raison pour laquelle M. Coric a


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  1   demandé à ce que la police militaire soit retirée des lignes de front.

  2   Le Procureur a commenté de façon ironique pour dire que les

  3   bataillons d'assaut léger ne vaquent pas à des enquêtes criminelles. C'est

  4   exact, Messieurs les Juges. Elles ne vaquent pas à ce type d'enquête, mais

  5   il est tout aussi exact de dire que ces enquêteurs de police judiciaire

  6   armés de pistolets ne peuvent pas s'opposer et encore moins arrêter des

  7   groupes armés fort dangereux, parce qu'il est un fait notoire disant que

  8   dans ce type de cas de figure, les services de la police judiciaire ont

  9   besoin d'un soutien de la part de la police chargée d'intervention rapide.

 10   Dans le cas concret, Messieurs les Juges, il s'agit de ces unités d'assaut

 11   léger.

 12   Messieurs les Juges, est-ce que la police militaire entreprendrait tout ce

 13   qu'elle a entrepris et aurait rédigé plusieurs rapports au sujet de

 14   l'incident si elle avait considéré que l'incident était à ses yeux quelque

 15   chose de normal ou de souhaitable. Non, elle ne le ferait certainement pas.

 16   Et tout comme dans ce document P 2802, elle ne placerait pas ce type

 17   d'incident dans la rubrique criminalité si elle n'avait pas pensé que

 18   c'était bel et bien de la criminalité. Toute autre interprétation,

 19   Messieurs les Juges, se résumerait à de la gymnastique linguistique,

 20   l'utilisation de phrases mal construites, pour prouver une thèse bien que

 21   les autres éléments de preuve nous font entendre tout à fait le contraire

 22   et une conclusion tout à fait logique va sans dire. Je dirais qu'il n'est

 23   pas vrai ce que le Procureur affirme, à savoir que ce document porte un

 24   cachet de l'administration de la Police militaire. Ce document porte le

 25   cachet du 3e Bataillon de la Police militaire, auquel le document a été

 26   communiqué, parce qu'il s'agissait d'un régiment faisant partie de ce 3e

 27   Bataillon.

 28   Messieurs les Juges, le Procureur lui-même, au paragraphe 293 de son


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  1   mémoire en clôture, affirme que la police militaire a souvent rapporté la

  2   commission d'infractions et de délits au pénal commis par les unités à

  3   Tuta. Nous affirmons que dans le dossier, il y a toute une série de preuves

  4   permettant de voir qu'il y a eu enquête policière de conduite contre ces

  5   individus et qu'il y a eu dépôt de plaintes au pénal à leur encontre. En

  6   raison du temps limité, nous ne sommes pas en mesure d'indiquer la totalité

  7   de ces documents, mais nous allons quand même en indiquer quelques-uns :

  8   P 6727, P 6893, 5D 4168, 5D 4169 et 5D 5022.

  9   Entre les paragraphes 1 046 et 1 055 de son mémoire en clôture, dans

 10   la partie de ce mémoire qui concerne Valentin Coric, l'Accusation affirme

 11   que Coric commandait et soutenait l'engagement de la police militaire dans

 12   les combats, même s'il ne savait que trop bien que ceci aurait un effet

 13   négatif sur les actions à mener, en particulier du point de vue de la

 14   prévention du crime et de la lutte contre le crime. Mais en fait,

 15   contrairement à cette thèse, l'Accusation, dans le même mémoire final, aux

 16   paragraphes 565 à 752, qui concernent les accusés Stojic et Praljak,

 17   affirme que Coric s'est efforcé d'intervenir de la façon la plus légitime

 18   qui soit dans le but de retirer la police militaire du front, afin que la

 19   police puisse se consacrer à la lutte contre le crime. Aux paragraphes 742

 20   et 748 de son mémoire en clôture, l'Accusation admet que le général Praljak

 21   a empêché l'application du souhait de Coric et que le général Praljak est

 22   bien l'homme qui a maintenu la police militaire sur le front. Monsieur le

 23   Président, Messieurs les Juges, nous voyons là un nouvel exemple de la

 24   façon dont le Procureur utilise les mêmes faits pour les interpréter de

 25   façon diverse en fonction de l'objectif qu'ils souhaitent atteindre.

 26   La Défense affirme que Valentin Coric, dans les limites des pouvoirs

 27   et des capacités qui étaient les siens, a fait tout ce qu'il était dans son

 28   pouvoir de faire pour intervenir activement dans le but de combattre les


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  1   crimes de toute nature. Et de même que l'Accusation affirme aux paragraphes

  2   565 et 752 de son mémoire en clôture ce qu'elle affirme, c'est la raison

  3   pour laquelle il a demandé à la police militaire de se voir retirer du

  4   front afin d'être libérée pour effectuer son travail normal de police. Ceci

  5   est consigné dans la pièce 5 471.

  6   Un expert de l'Accusation, Miljanovic, a confirmé que la police

  7   militaire était chargée de questions liées aux effectifs et que ces

  8   questions ont influé négativement sur la capacité de cette police militaire

  9   à se battre contre le crime, en particulier en 1993, au moment où les

 10   policiers militaires ont été versés dans les effectifs participant au

 11   combat. Ceci est consigné aux pages 6 347 et 6 348 du compte rendu

 12   d'audience.

 13   Par ailleurs, dans son mémoire en clôture, l'Accusation prétend que

 14   le témoin Biskic, témoin à charge, avait une position différente de celle

 15   de Coric par rapport à l'engagement de la police militaire dans les

 16   combats, impliquant que ce témoin n'était pas d'accord avec les actions de

 17   Coric, et que Biskic est en fait celui qui, finalement, a retiré la police

 18   militaire du front après que Coric ait quitté ses fonctions. Contrairement

 19   aux allégations de l'Accusation, le témoin Biskic, lorsqu'il a témoigné

 20   devant la présente Chambre de première instance, n'a émis aucune critique à

 21   l'encontre de Coric. En fait, il a apporté son soutien aux positions

 22   défendues par Coric et il s'est dit en total accord avec les intentions et

 23   les positions que l'on peut trouver décrites dans la pièce 5 471, qui ont

 24   été consignées aux pages 15 279 et suivantes du compte rendu d'audience.

 25   Contrairement aux allégations de l'Accusation, Biskic a en fait

 26   déclaré dans sa déposition que ce n'est pas lui qui avait les attributions

 27   lui permettant de retirer la police militaire du front. En réalité, ce

 28   retrait de la police militaire a été effectué par le successeur du général


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  1   Praljak à sa demande. C'est le général Roso, qui était chef de l'état-major

  2   principal en décembre 1993, qui a accompli cette action, et ceci figure en

  3   page 15 282 du compte rendu d'audience. Par conséquent, dans ce cas

  4   également, l'Accusation défend une position qui est contraire aux positions

  5   défendues par les témoins à charge qu'elle a cités à la barre, en tout cas

  6   par l'un des témoins qu'elle a cité à la barre. L'Accusation laisse de côté

  7   des parties entières de dépositions qui ne viennent pas étayer sa propre

  8   thèse et elle fait tout cela avec un objectif, qui est de confirmer ce

  9   qu'elle a construit de toutes pièces, à tout prix, même si cette

 10   construction ne repose sur aucun élément de preuve versé au dossier.

 11   Le témoignage de M. Biskic a été corroboré par le témoin Vidovic,

 12   témoin à décharge, qui a déclaré qu'il y avait dans la pièce P 5471 des

 13   éléments qui montraient un désir sincère de retirer la police militaire du

 14   champ de bataille dans le but de lui permettre de combattre le crime. Ceci

 15   est consigné à la page 51 518 du compte rendu d'audience.

 16   Le témoin à décharge 1D, le défunt M. Bundic, a confirmé que la

 17   question de l'engagement de la police militaire dans les combats a été

 18   discutée dans plusieurs réunions du HVO, et ceci est consigné en pages

 19   30 566 et suivantes du compte rendu d'audience.

 20   Dès lors que l'on passe en revue l'ensemble des éléments de preuve,

 21   il devient très difficile de comprendre comment l'Accusation, en se fondant

 22   sur la pièce 5 471, à savoir la demande faite par Valentin Coric de retirer

 23   la police militaire du front, peut permettre d'aboutir à une conclusion

 24   susceptible de corroborer l'existence d'un comportement criminel. Monsieur

 25   le Président, Messieurs les Juges, les intentions de Coric, qui sont

 26   présentées dans la demande faite par lui, étaient honorables et sincères.

 27   Ceci est confirmé par le fait qu'en sa qualité de ministre de l'Intérieur,

 28   ce qu'il était déjà en novembre 1993, il a, dès sa prise de fonctions,


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  1   envoyé une autre demande pratiquement identique à la précédente. Mais à

  2   l'époque de sa deuxième demande, celle-ci portait sur la police civile. On

  3   en trouve la preuve dans la pièce P 6837. Donc, la seule conclusion

  4   possible, la seule conclusion logique que l'on puisse tirer en examinant

  5   l'action de mon client, c'est que cette action a été pleine de bonne

  6   volonté et tout à fait adaptée dans la lutte contre la criminalité.

  7   Monsieur le Président, je suis sur le point d'aborder un sujet nouveau et

  8   assez long, et je vois qu'il ne reste que cinq minutes. Je voudrais

  9   conclure aujourd'hui et reprendre demain.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Mme la Greffière me donnera le décompte du

 11   temps qu'il vous reste, mais comme ça, à vue de nez, je crois qu'il doit

 12   vous rester autour de deux heures et demie, mais je vous dirai exactement

 13   le temps.

 14   Comme vous le savez, donc, demain, nous nous retrouverons à 14 heures 15,

 15   puis jeudi à 9 heures. Donc, demain, l'audience reprendra avec la poursuite

 16   de la plaidoirie pour M. Coric, et quand ça sera terminé, à ce moment-là

 17   nous entendrons la plaidoirie pour M. Pusic.

 18   Sur ce, je souhaite à tout le monde une bonne fin de soirée.

 19   --- L'audience est levée à 18 heures 54 et reprendra le mercredi 23

 20   février, à 14 heures 15.

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