Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi, 23 mars 2017

  2   [Audience publique]

  3   [Audience d'appel]

  4   [Les appelants sont introduits dans le prétoire]

  5   [L'appelant Pusic est absent]

  6   --- L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  7   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour à tous et à tous. Bonjour à

  8   tout le monde dans le prétoire.

  9   Monsieur le Greffier, pouvez-vous citer le numéro de l'affaire.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit

 11   de l'affaire IT-04-74-A, le Procureur contre Prlic et consorts.

 12   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 13   Je me tourne d'abord vers l'Accusation.

 14   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

 15   Juge. Pour l'Accusation, Douglas Stringer, Laurel Baig, Elizabeth Elmore,

 16   Todd Schneider, et notre commis à l'affaire, Janet Stewart.

 17   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 18   Pour l'appelant Prlic.

 19   M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Michael

 20   Karnavas et Suzana Tomanovic, pour l'appelant Prlic.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour ce qui est de l'appelant Stojic.

 22   M. KHAN : [interprétation] Pour ce qui est de l'appelant Stojic, Mme Senka

 23   Nozica, Aidan Ellis, et moi-même, Karim Khan. Nous avons changé nos places

 24   aujourd'hui pour des raisons évidentes.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 26   Et pour ce qui est de l'appelant Praljak.

 27   Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

 28   Juge. Pour l'appelant, Nika Pinter et Mme Faveau.


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  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pour ce qui est de l'appelant Petkovic.

  2   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour. Pour le général Petkovic, M. Lazic

  3   et Vesna Alaburic et notre assistant juridique.

  4   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

  5   Pour ce qui est de l'appelant Coric.

  6   Mme TOMASEGOVIC TOMIC : [interprétation] Maître Tomasegovic pour l'appelant

  7   Coric. Drazen Plavec et moi-même, Dijana Tomasegovic Tomic.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Et pour ce qui est de l'appelant Pusic.

  9   M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Pour l'appelant Pusic, Fahrudin

 10   Ibrisimovic et Roger Sahota.

 11   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Maintenant, c'est la Défense, l'équipe

 12   de la Défense de M. Petkovic qui a la parole.

 13   Madame Alaburic, vous avez la parole. Vous avez deux heures.

 14   Mme ALABURIC : [interprétation] La Défense du général Petkovic a préparé

 15   cela dans le PowerPoint, et puisque vous préférez avoir des copies papier

 16   de tout ce que nous allons présenter, nous avons préparé des copies papier

 17   que nous avons distribuées à nos collègues du bureau de l'Accusation pour

 18   qu'ils puissent voir de quoi il s'agit, et pour qu'ils puissent se préparer

 19   à répondre à notre présentation.

 20   Vous allez voir que certaines parties du texte dans cette présentation

 21   PowerPoint sont indiquées en couleur bleue. Il s'agit de nos commentaires,

 22   et en couleur rouge, sont indiqués les documents qui sont les documents

 23   protégés, et c'est pour cela que nous demandons que les transparents

 24   contenant ces documents ne soient pas diffusés à l'extérieur du prétoire

 25   pour pouvoir protéger les documents confidentiels. Sur le transparent

 26   suivant, nous voyons de quoi la Défense du général Petkovic va parler. Il

 27   s'agit de deux sujets apparemment simples, mais il s'agit en fait de deux

 28   sujets complexes. Le deuxième, le premier groupe de questions c'est le plan


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  1   criminel commun unique et la décision concernant Milivoje Petkovic. C'est

  2   le deuxième groupe de questions.

  3   Avant de commencer l'analyse du jugement, nous allons vous montrer sept

  4   questions pour lesquelles nous considérons qu'elles sont cruciales pour

  5   rendre la décision dans cette affaire. C'est pour dire que c'est sur cette

  6   jurisprudence que nous nous sommes appuyés pour ce qui est de nos

  7   arguments.

  8   Le premier sujet concerne les objectifs politiques ou criminels

  9   prétendument criminels. La Chambre de première instance et la Chambre

 10   d'appel dans l'affaire Martic a établi que l'intention politique d'unir les

 11   territoires ayant une composition ethnique similaire en Bosnie-Herzégovine

 12   et en Serbie et leur unification ne représente pas un crime en soi. La même

 13   position, la Chambre de première instance a adopté dans l'affaire Seselj,

 14   il s'agit de la position de la Défense du général Petkovic. C'est pour cela

 15   que nous n'allons pas parler des thèmes politiques, des objectifs

 16   politiques et des débats politiques. Nous allons parler des événements

 17   concrets.

 18   Sur le transparent suivant, la jurisprudence pour ce qui est de l'élément

 19   moral concernant l'entreprise criminelle commune, l'intention de participer

 20   à la mise en œuvre de l'objectif criminel commun doit être la seule

 21   conclusion raisonnable s'appuyant sur les moyens de preuve produits.

 22   Sur le transparent suivant, la jurisprudence concernant les affaires

 23   qui s'appuient sur les preuves indirectes. Je dois rappeler que Me Khan,

 24   lors de sa présentation, a attiré l'attention de la Chambre à plusieurs

 25   reprises sur la façon à laquelle on décide lorsqu'il s'agit des affaires

 26   s'appuyant sur les preuves indirectes. Il s'agit des positions de la

 27   Chambre, et nous les rappelons uniquement parce que nous allons donc dire

 28   que les conclusions de la majorité de la Chambre de première instance, non


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  1   seulement ne représentent pas une seule conclusion raisonnable, mais elles

  2   ne sont pas du tout la conclusion raisonnable s'appuyant sur les moyens de

  3   preuve présentés.

  4   Sur le transparent suivant, nous parlons de la position de la Chambre

  5   dans l'affaire Kupreskic qui concerne le contexte, le contexte de certains

  6   événements par rapport auxquels les crimes ont été commis. Pendant le

  7   procès, nous avons souvent rencontré l'interdiction de la Chambre à notre

  8   encontre de poser certaines questions concernant le contexte en expliquant

  9   que la défense s'appuyant sur le principe tu quoque n'est permis. Par

 10   rapport à cela, notre position, et c'est la position de toutes les autres

 11   équipes de la Défense, selon laquelle nous voulons parler du contexte, non

 12   pas parce que nous voulons retrouver un prétexte pour les crimes commis

 13   pour les justifier, mais pour montrer que certains événements ne

 14   résultaient pas de l'intention criminelle, mais le résultat des événements

 15   qui se sont réellement produits sur le terrain.

 16   Et le thème suivant qui est très important pour nous, en particulier

 17   pour mon client, est le sujet concernant la détention et la continuité de

 18   la détention. La détention initiale des hommes en âge de porter les armes

 19   est quelque chose qui, selon la position de la Chambre d'appel de ce

 20   Tribunal, est considérée comme étant permise sous condition d'établir

 21   relativement rapide si ces hommes en âge de porter les armes sont des

 22   civils ou pas. Et s'il s'agit des civils, s'ils constituent un danger pour

 23   la sécurité, et ensuite s'ils ne constituent pas un danger pour la

 24   sécurité, ces hommes doivent être libérés de la détention. Cette position

 25   est conforme avec le commentaire contenu dans les dispositions de la

 26   quatrième convention de Genève, et j'ai donné la note de bas de page et la

 27   page où cette position est évoquée :

 28   "Les hommes en âge de porter les armes constituent un danger ou pourraient


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  1   constituer un danger pour la sécurité s'il y a une possibilité physique

  2   pour eux qu'ils rejoignent une armée ennemie."

  3   C'est une position énormément importante pour ce qui est des événements qui

  4   se sont produits le 30 juin 1993.

  5   Le sujet suivant concerne la composition ethnique et de savoir s'il faut

  6   que cela soit modifié ou pas, si on dit qu'il y a le crime de nettoyage

  7   ethnique et le plan criminel concernant le nettoyage ethnique. Si on se

  8   pose la question, si cette composition ethnique peut être changée seulement

  9   à titre provisoire et considéré qu'il existe l'intention criminelle. Selon

 10   nous, il ressort du jugement des Chambres d'appel, sans aucun contexte, que

 11   là il faut prouver, il faut qu'il soit clair qu'il y avait une carte "map"

 12   ethnique qui devait être changée pour montrer que certains événements se

 13   sont produits avec l'intention de nettoyage ethnique pour pouvoir conclure

 14   raisonnablement qu'il s'agissait du nettoyage ethnique. En tout cas, et

 15   c'est quelque chose qui est très important pour nous, la carte ethnique

 16   doit être modifiée pour pouvoir arriver à cette conclusion.

 17   Pour ce qui est du sujet concernant le transfert ou le déplacement forcé de

 18   la population et du nettoyage ethnique, également un sujet qui est très

 19   important pour cette affaire. Nous indiquons que, d'après les conventions

 20   de Genève, il y a une différence entre un transfert individuel, un

 21   transfert forcé ou déplacement forcé ou expulsion forcée d'un individu, et

 22   en masse. Et d'après le Statut de ce Tribunal, le transfert et l'expulsion

 23   illégale concerne des civils, et que la notion du "nettoyage ethnique" est

 24   une notion qui n'est pas une notion juridique et concerne la création d'un

 25   territoire ethniquement homogène. Pour ce qui est de la commission des

 26   crimes d'expulsion ou de déplacement forcé de un, deux, trois, dix

 27   personnes sur un territoire, ne constitue pas le déplacement en masse et le

 28   déplacement et le transfert forcé en masse. Et donc à la suite de ces


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  1   expulsions individuelles, il ne s'ensuit pas le crime de nettoyage

  2   ethnique. Donc sur un territoire, on peut avoir un crime individuel pour ce

  3   qui est du transfert et du déplacement forcé et, en même temps, on peut

  4   établir qu'il n'y avait pas de nettoyage ethnique. Donc dans ce cas, il

  5   n'est pas, la conclusion que ces crimes ont été commis visant le nettoyage

  6   ethnique de ce territoire n'est pas fondée.

  7   Maintenant, Monsieur le Président, nous allons essayer de vous expliquer

  8   notre position pour ce qui est du jugement et des moyens de preuve

  9   concernant un plan criminel commun unique concernant le nettoyage ethnique.

 10   Il s'agit de cinq sujets.

 11   Si vous voulez obtenir une explication de n'importe quel sujet, vous pouvez

 12   m'interrompre à tout moment.

 13   Pour ce qui est du premier sujet, nous voudrions vous expliquer comment la

 14   majorité de la Chambre de première instance a modifié la thèse de

 15   l'Accusation. Donc, l'acte d'accusation contenait 26 crimes avec de

 16   nombreux endroits indiqués pour ce qui est des crimes individuels au titre

 17   de toutes les formes de responsabilité. Et à la fin du procès, après la

 18   présentation des moyens de preuve à charge, le Procureur a créé sa théorie

 19   en mémoire en clôture. Sur tous les moyens de preuve produits, le Procureur

 20   a dit ce qui représentait, d'après lui, un plan criminel et quels crimes

 21   étaient englobés par ce plan criminel en tant que crime de base, et quels

 22   sont les crimes qui sont englobés à l'entreprise criminelle commune de la

 23   première catégorie, et quels sont les crimes qui étaient une conséquence

 24   prévisible des crimes commis au titre de l'entreprise criminelle commune de

 25   première catégorie. Donc, la Chambre a complètement ignoré cela et a créé

 26   sa propre notion de l'entreprise criminelle commune.

 27   Nous allons montrer cela à l'exemple du crime de meurtre. Regardons le

 28   transparent suivant, après quoi nous allons revenir au précédent


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  1   transparent.

  2   Il s'agit d'une brève analyse de tous les crimes visés dans l'acte

  3   d'accusation, et nous avons essayé, le plus précisément possible, de voir

  4   quel est le nombre de paragraphes dans lesquels l'Accusation a établi un

  5   lien entre les crimes. Vous allez voir, au début, qu'il s'agit ici d'une

  6   affaire qui concerne la détention, les conditions de détention dans les

  7   prisons et le traitement qui était réservé aux prisonniers. Plus de 50 % de

  8   ces crimes concernent ce crime particulier.

  9   Pour ce qui est du crime de meurtre, c'est seulement le pourcentage de 7,08

 10   % du nombre total de crimes. Et si on analyse l'acte d'accusation, nous

 11   allons voir qu'il n'y a pas d'accusation retenue pour ce qui est des

 12   attaques contre les endroits non défendus. Et si on analyse les éléments de

 13   preuve produits, nous allons voir que tous les endroits où il y avait des

 14   combats, il y avait une résistance qui était opposée et qu'il ne s'agissait

 15   pas d'attaques contre la population civile.

 16   Ensuite, le transparent suivant. Là, nous avons essayé, Messieurs les

 17   Juges, de vous montrer comment la Chambre de première instance, à savoir la

 18   majorité de la Chambre de première instance, a rendu sa décision concernant

 19   le crime de meurtre, concernant les chefs 2 et 3 de l'acte d'accusation.

 20   Dans la première ligne, nous allons montrer comment le Procureur a présenté

 21   cela, vous pouvez voir tous les endroits pour lesquels le Procureur affirme

 22   que des crimes de meurtre ont été commis. Nous avons vérifié tous les

 23   paragraphes dans l'acte d'accusation et on a pu constater,

 24   qu'effectivement, il s'agit du crime de meurtre dont il est question dans

 25   ces paragraphes.

 26   Regardons comment la Chambre a rendu sa décision pour ce qui est de la

 27   responsabilité du crime de meurtre. La Chambre avait constaté qu'il s'agit

 28   des crimes au titre de l'entreprise criminelle commune de la première


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  1   catégorie pour ce qui est de trois endroits indiqués ici, et pour ce qui

  2   est d'autres endroits, d'autres localités, elle a constaté qu'il s'agit de

  3   l'entreprise criminelle commune de la troisième catégorie. Donc, cela était

  4   indiqué dans l'analyse juridique du jugement. Mais la Chambre, à un

  5   endroit, a dit que tous les crimes ont été commis au titre de l'entreprise

  6   criminelle commune de première catégorie. Donc, il y a une sorte de

  7   confusion concernant les positions juridiques et il n'est pas possible

  8   d'établir un lien logique entre ces conclusions juridiques. Si vous

  9   regardez qui a été accusé pour ce crime par rapport aux accusés dans cette

 10   affaire, c'est dans le tome 4, où on voit l'énumération des crimes imputés

 11   à des accusés, et on voit les formes de responsabilités, vous allez voir

 12   qu'il y a quelque chose qui est paradoxal. Pour ce qui est des

 13   municipalités de Prozor et de Jablanica, c'est seulement Jadranko Prlic qui

 14   a été condamné pour des crimes commis dans ces municipalités, donc, qui

 15   était le président de la composante civile du HVO. Si vous essayez de

 16   relier cela avec les constatations factuelles dans le jugement, vous ne

 17   pouvez pas établir un lien logique entre les deux. Si vous vous penchez sur

 18   les crimes commis à l'Heliodrom et la partie du jugement concernant Bruno

 19   Stojic, vous allez voir que Bruno Stojic a été condamné pour ce qui est des

 20   entreprises criminelles communes de première et troisième catégories; et

 21   pour certaines autres localités, il n'y avait pas d'accusation imputée à

 22   aucun accusé.

 23   Donc, d'après ce tableau, on peut voir qu'il n'est pas possible du

 24   tout d'établir un lien logique entre les constatations factuelles

 25   concernant les événements qui se sont produits sur le terrain, ensuite les

 26   constatations factuelles concernant certains des accusés et la décision

 27   concernant la peine.

 28   Revenons au transparent 12. Sur l'exemple de ce seul crime, nous voulons


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  1   indiquer que l'Accusation, dans leur mémoire en clôture, ont défini quels

  2   sont les crimes de base qui sont à la base de l'entreprise criminelle

  3   commune de première catégorie et quels sont les crimes de base considérés

  4   comme une conséquence prévisible, et a donc fait une distinction par

  5   rapport à ce qui s'est passé le 30 juin 1993. Et en connaissance des moyens

  6   de preuve versés au dossier, nous pouvons dire que le Procureur a eu

  7   beaucoup de succès pour ce qui est de cette partie des moyens de preuve, et

  8   j'ai dit à M. Stringer la même chose au moment où ils ont défini leur thèse

  9   dans leur mémoire en clôture.

 10   Mais la Chambre a, en fait, créé sa propre thèse. Tout ce que j'ai dit

 11   concerne le crime de meurtre énuméré ici. Il s'agit, au total, de 12

 12   crimes, les crimes contenus aux chefs 21, 10, 11, 12 à 14, 15 à 17 et 18 de

 13   l'acte d'accusation. Par rapport à ces chefs d'accusation, la Chambre a

 14   rendu son jugement contraire à la thèse de l'Accusation définie dans leur

 15   mémoire en clôture. Par rapport à cela, je soutiens la position de

 16   l'Accusation disant que le droit de l'accusé n'a pas été violé concernant

 17   la divulgation en temps utile des informations concernant les chefs

 18   énumérés dans l'acte d'accusation, parce que l'acte d'accusation a couvert

 19   tous les aspects concernant le temps et les formes de responsabilité.

 20   Pourtant, nous considérons que la Chambre de première instance a commis une

 21   autre erreur. Elle a dépassé le cadre de l'acte d'accusation, et c'est

 22   quelque chose qui n'est pas permis dans le cadre du droit pénal dans notre

 23   pays et dans tous les anciennes républiques de l'ex-Yougoslavie, ainsi que

 24   d'autres pays, représente une raison suffisante pour demander l'annulation

 25   du jugement.

 26   Penchons-nous maintenant sur le transparent numéro 14. Il s'agit du sujet

 27   du nettoyage ethnique. Dans la colonne de gauche, Messieurs les Juges, nous

 28   nous sommes efforcés de faire des extraits pour ce qui est des définitions


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  1   à apporter au planning criminel tel que les Juges de la Chambre l'ont

  2   déterminé dans le jugement rendu. Je vous ai indiqué également que cela se

  3   rapportait à la colonne 4, paragraphes 41 à 44, puis 65 et 68.

  4   Partant de ce texte, vous pourrez voir que les Juges de la Chambre de

  5   première instance ont indiqué qu'il y avait un planning criminel unique;

  6   que pour la réalisation de ce planning, on s'était servis de l'appareil

  7   militaire et politique. Il y avait une finalité politique de mise en place.

  8   La réalisation de ce plan commence à la mi-janvier, il y a eu bon nombre de

  9   crimes de commis. Et il n'y a qu'un seul paragraphe qui dit ceci, comme

 10   suit : les crimes suivants tombent dans le cadre de la finalité criminelle

 11   ou de l'objectif criminel. Alors, la majorité des Juges de la Chambre a

 12   ainsi défini le plan criminel de nettoyage ethnique. Nous considérons que

 13   le plan criminel ainsi défini n'est pas bien défini. Cela rend le jugement

 14   rendu nul et non avenu.

 15   Et nous avons essayé de faire une comparaison avec les positions

 16   adoptées par les Juges de première instance dans d'autres affaires, Tadic,

 17   Djordjevic et Brdjanin, par exemple, où on peut voir que mis à part

 18   l'objectif, si lui en tant que tel ne se trouve pas être criminel, il se

 19   doit d'être défini les moyens criminels qui vont permettre l'aboutissement

 20   à la réalisation dudit objectif.

 21   Le transparent suivant vous montre quelles sont nos thèses

 22   fondamentales. Nous voulons le dire d'une façon tout à fait simple. Il n'y

 23   a pas eu de plan criminel de nettoyage ethnique de la population musulmane.

 24   La deuxième thèse que nous avançons, c'est que juste qu'en juin 1993, il

 25   n'y a pas eu modification de la carte ethnique de quelle que localité que

 26   ce soit en Herceg-Bosna, et nous allons le prouver. Et la troisième thèse

 27   est celle de dire que le 30 juin 1993, il n'y a pas eu une décision des

 28   autorités d'Herceg-Bosna prise pour aucune raison de procéder à une


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  1   intensification de la mise en place de cette entreprise criminelle commune.

  2   Ce jour-là, il y a eu des événements qui se sont produits, le HVO a perdu

  3   du territoire. Je ne vais pas m'étendre davantage sur le sujet, parce que

  4   ce sujet sera abordé de façon plus étoffée plus tard. Mais ce jour-là, on

  5   était censés prendre des mesures de sécurité d'urgence, vu qu'il y avait

  6   péril de voir le HVO perdre son contrôle sur la région entière de Mostar.

  7   Quelques mots maintenant au sujet de la nécessité ou prétendue

  8   nécessité de procéder à un nettoyage ethnique. Et je crois que c'est la

  9   thèse cruciale dans le jugement rendu et c'est cela que je voudrais lui

 10   consacrer à un temps relativement important. La Chambre n'a malheureusement

 11   pas dit de façon directe que le nettoyage ethnique était un préalable pour

 12   ce qui était d'organiser la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat composite

 13   avec une ou plusieurs unités territoriales où une unité serait une unité à

 14   majorité croate. Pourquoi ai-je dit tout à l'heure "malheureusement" ?

 15   Parce que cela n'a pas été formulé de façon directe et cela nous a déprivés

 16   [phon] d'une possibilité qui est celle de nous prononcer s'agissant d'une

 17   telle affirmation. Cette affirmation a été sous-entendue dans le jugement

 18   rendu tout entier. C'est impliqué dans le paragraphe 41 du tome 4, de façon

 19   plus précise, et nous allons en parler dans quelques instants. Ce sous-

 20   entendu n'est tout simplement pas exact. L'Herceg-Bosna a été créée en fin

 21   1991. La Chambre de première instance n'a pas considéré que la création de

 22   l'Herceg-Bosna constituait en soi un début de mise en place d'un plan

 23   criminel de nettoyage ethnique et il est très important de dire qu'en

 24   Bosnie-Herzégovine, tous les plans avancés par la communauté internationale

 25   étaient censés être organisés en tant qu'Etats composites où une unité

 26   territoriale ou plusieurs unités territoriales auraient comporté une

 27   majorité de la population croate. Cela a été prévu ainsi dans le plan

 28   Cutileiro datant de mars 1992, ça a été ainsi fait en application du Vance-


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  1   Owen datant de janvier 1993 et le plan Owen-Stoltenberg de l'été 1993 l'a

  2   prévu aussi. Ni à ce moment-là ni plus tard, personne n'est venu considérer

  3   que l'organisation de la Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat composite,

  4   fédération, confédération ou quelque autre forme que ce soit sous-

  5   entendrait nécessairement un nettoyage ethnique quelconque. Considérez donc

  6   que les représentants de la communauté internationale ont procédé à

  7   l'établissement de cartes que nous allons examiner tout à l'heure en sous-

  8   entendant par là un nettoyage ethnique à quel que endroit que ce soit des

  9   territoires n'est pas une chose raisonnable à faire. Et je crois qu'aucun

 10   juge raisonnable des faits ne saurait conclure et dire que s'employer en

 11   faveur de l'édification d'une Bosnie-Herzégovine en tant qu'Etat composite

 12   sous-entendait une acceptation ou une approbation du nettoyage ethnique en

 13   tant que tel.

 14   Voyons maintenant comment notre Chambre de première instance a

 15   analysé et sur quoi elle fonde ses affirmations concernant ce prétendu plan

 16   de nettoyage ethnique. Au paragraphe 41. Parce que l'analyse du jugement

 17   rendu, Messieurs les Juges, nous allons la faire en donnant dans une

 18   colonne ce qui est affirmé dans le jugement même dans la colonne d'après,

 19   les éléments de preuve sur lesquels cela se fonde et, si nécessaire, tout à

 20   fait à droite, en bleu, nous allons apporter nos commentaires.

 21   La thèse cruciale, disais-je, de la majorité des Juges de la Chambre

 22   a été définie au paragraphe 41 de ce tome 4. Et il y est dit qu'il y avait

 23   un seul objectif criminel commun, à savoir prédominance des Croates par le

 24   biais d'un nettoyage ethnique à l'égard de la population musulmane. Aucun

 25   élément de preuve n'est avancé, aucune note de bas de page, rien du tout à

 26   ce sujet.

 27   Dans le paragraphe suivant, les Juges de la Chambre disent : Nous

 28   allons faire un exposé des motifs. Voyons un peu comment cette Chambre a


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  1   exposé ces motifs. Au paragraphe 43, comme on l'a déjà entendu dire à

  2   plusieurs reprises dans ce prétoire, la majorité des Juges de la Chambre a

  3   dit que les leaders d'Herceg-Bosna croyaient qu'il était nécessaire de

  4   procéder au nettoyage ethnique de ce territoire qu'ils appelaient Herceg-

  5   Bosna. Cette affirmation se fonde, Messieurs les Juges, sur deux éléments

  6   de preuve. La pièce P00089 et la pièce P00021. Le premier élément de preuve

  7   est une transcription datée du 27 décembre 1991, et je vais dire ça

  8   brièvement. Dans ce procès-verbal, il n'y a pas un seul mot relatif au

  9   nettoyage ethnique.

 10   Le deuxième document est un livre d'un auteur relativement inconnu,

 11   Anto Valenta, qui ne comporte aucun mot lié au nettoyage ethnique. Par

 12   conséquent, Messieurs les Juges, cette conclusion des Juges de la Chambre,

 13   nous ne la considérons pas comme étant la seule possible, nous la

 14   considérons comme étant tout à fait déraisonnable. Parce qu'aucun juge

 15   raisonnable des faits, partant de ce genre d'éléments de preuve, ne saurait

 16   tirer la conclusion qui serait celle de dire que les leaders de l'Herceg-

 17   Bosna auraient considéré que le nettoyage ethnique était indispensable.

 18   Le paragraphe suivant parle du mois d'octobre 1992 à l'occasion

 19   duquel Prlic, Stojic, Petkovic et Praljak avaient eu à connaître le fait

 20   que la mise en œuvre de cet objectif de déplacement de la population

 21   musulmane existait bel et bien. Les Juges de la Chambre se réfèrent à leurs

 22   constatations factuelles et sur la pièce P11380. Cependant, ni dans les

 23   constatations factuelles du jugement rendu ni dans le document cité en

 24   deuxième position il n'y a pas un seul mot lié au nettoyage ethnique.

 25   Penchons-nous maintenant sur le paragraphe 44. Les Juges de la Chambre

 26   constatent que vers la mi-janvier 1993, les leaders de l'Herceg-Bosna ont

 27   décidé d'entamer la mise en œuvre d'un plan de nettoyage ethnique des

 28   Musulmans. Et dans la colonne à côté on présente les documents sur lesquels


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  1   se fonde la conclusion ainsi formulée par les Juges de la Chambre. Nous

  2   allons analyser chacun de ces éléments de preuve très brièvement. Les

  3   éléments de preuve qui se rapportent à cette période ne comportent aucun

  4   mot relatif au nettoyage ethnique. Et les autres éléments de preuve ne se

  5   rapportent du tout à janvier '93, et il n'y est pas non plus question de

  6   quels que événements que ce soit de lier au nettoyage ethnique à Gornji

  7   Vakuf. Partant donc de ces éléments de preuve, à notre avis, aucun Juge

  8   raisonnable des faits ne saurait conclure pour dire qu'à compter de la mi-

  9   janvier '93 il y avait eu un plan criminel de déplacement de la population

 10   musulmane.

 11   Si nous poursuivons notre analyse du jugement par rapport à Gornji Vakuf,

 12   et je parle des paragraphes 45 et 48 du tome 4, nous allons constater qu'il

 13   n'y a pas eu de nettoyage ethnique du tout à Gornji Vakuf. Il n'y a pas eu

 14   d'événement qui pourrait être considéré qu'il pourrait constituer du

 15   nettoyage ethnique. Le HVO s'est bel et bien attaqué à quatre villages. Ces

 16   quatre villages étaient défendus. Les Juges de la Chambre ont constaté - et

 17   je ne vais pas donner lecture de la totalité de ce qui figure sur le

 18   transparent - mais les Juges de la Chambre ont constaté pour dire que

 19   quelques civils ont été déplacés de Hrasnica et de Dusa. Ils ont été

 20   déplacés de Hrasnica et de Dusa. Et il est cité un document de l'ABiH,

 21   P1226, où l'ABiH parle d'évacuation de la population en provenance de

 22   Hrasnica et d'Uzricje. Nous allons y revenir un peu plus tard.

 23   Penchons-nous maintenant sur le tableau suivant. Voilà Gornji Vakuf, le

 24   recensement de la population en 1991. Vous pouvez voir les quatre villages

 25   en question, vous pouvez voir le total des habitants, vous pouvez voir

 26   aussi la structure ethnique des habitants, mais ce que je voudrais vous

 27   montrer par ce graphique c'est qu'il y a 50 localités de la municipalité de

 28   Gornji Vakuf qui sont présentées. Le HVO a attaqué quatre localités, il y a


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  1   plusieurs Musulmans qui ont été déplacés mais cela ne saurait certainement

  2   être considéré comme du nettoyage ethnique. Le graphique suivant vous

  3   montre de façon simple la totalité de ce qui a été dit jusqu'à présent. Et

  4   ce qui en découle, c'est qu'il y a plusieurs civils qui ont quitté le

  5   village de Hrasnica et le village d'Uzricje pour aller à Bugojno, ils sont

  6   allés dans une autre municipalité, et ils ont été amenés là-bas par la

  7   FORPRONU. Tous les autres habitants sont restés sur le territoire de la

  8   municipalité de Gornji Vakuf.

  9   Notre conclusion, Monsieur le Juge, à ce sujet, au sujet de Gornji

 10   Vakuf, et nous pensons que c'est les seules conclusions raisonnables

 11   possibles, à savoir la carte ethnique de la municipalité de Gornji Vakuf

 12   n'a pas été modifiée en '93. Et aucun juge raisonnable des faits ne saurait

 13   tirer la conclusion pour dire qu'à l'occasion de ces activités militaires

 14   du HVO à Gornji Vakuf en 1993, avait été lancé, dans un but criminel

 15   commun, du nettoyage ethnique de la population musulmane; ce qui fait que,

 16   la peine prononcée à l'égard de Petkovic pour les crimes commis dans la

 17   municipalité de Gornji Vakuf en janvier '93 pour ce qui est de l'entreprise

 18   criminelle commune, eh bien, ce jugement devrait être annulé.

 19   Nous pensons que c'est la seule façon de raisonner au sujet des événements

 20   qui se sont produits sur le terrain. Parce que, depuis la fin janvier

 21   jusqu'à la mi-avril '93, il n'y a aucun acte d'accusation, aucun chef

 22   d'accusation, rien ne s'est produit. Le Procureur affirme que le plan du

 23   nettoyage ethnique de Musulmans a été mis en place en janvier, mais après

 24   les événements de Gornji Vakuf, et ce, au niveau de quatre tous petits

 25   villages - il ne se produit rien du tout jusqu'en avril ou mi-avril '93.

 26   Nous pensons donc que ce fait à lui seul démontre, qu'à l'époque, il n'y a

 27   aucun planning relatif au nettoyage ethnique de la population musulmane.

 28   Penchons-nous à présent sur Jablanica, avril '93. Les Juges de la Chambre


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  1   ici mentionnent au paragraphe 46 le fait qu'il y ait eu des tensions

  2   pendant ladite période courant jusqu'à mi-avril donc -- et je tiens à

  3   préciser qu'à l'acte d'accusation, cette allégation ne figure pas du tout.

  4   A la mi-avril, il y a des conflits, et nous allons de façon assez extensive

  5   parler desdits conflits tout à l'heure. Le HVO s'est bel et bien attaqué

  6   aux villages de Sovici et de Doljani. Dans ces villages, il y a eu

  7   véritablement des crimes de commis. Les Juges de la Chambre de première

  8   instance ont constaté que des combats ont eu lieu et que les activités du

  9   HVO dans lesdits villages étaient en partie défensives. Mais ce qu'il

 10   importe de dire, compte tenu du planning criminel ainsi défini, c'est de

 11   dire que 400 civils ont été déplacés de cette municipalité de Jablanica.

 12   Nous voudrions indiquer que cela n'est tout simplement pas exact. Dans le

 13   jugement rendu par la Chambre, tome 2, paragraphe 613, au tome 2,

 14   paragraphe 613, disais-je, les Juges de la Chambre ont constaté qu'il n'y

 15   avait pas eu suffisamment d'éléments de preuve au sujet de ce qui s'était

 16   produit avec les civils de Sovici qui, au départ, ont bel et bien été

 17   emmenés hors de cette municipalité de Jablanica vers la municipalité de

 18   Gornji Vakuf. Cela n'est pas vrai. Cela n'est pas exact. Dans le dossier de

 19   l'affaire ont été versés les moyens de preuve qui montrent clairement que

 20   ces civils étaient venus à Jablanica au début de juin 1993.

 21   Je vais fournir quelques informations de base pour ce qui est de cet

 22   événement. Au début du mois de mai 1993, cette zone a été visitée par les

 23   commandants de l'armée BiH ainsi que les commandants, à savoir les

 24   officiers du HVO, y compris Petkovic. Les civils à Sovici, avec les

 25   commandants de l'armée BiH, ont parlé du fait s'ils devaient rester ou

 26   partir, ils ont exprimé le souhait de quitter Sovici, et Halilovic et

 27   Pasalic ont demandé au HVO d'assurer les autocars, et le HVO l'a fait.

 28   Pourtant, ces autocars, vu les obstacles sur la route, ne pouvaient pas se


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  1   rendre à Jablanica, mais ils ont dû tourner dans la direction de Gornji

  2   Vakuf. Mais quelques semaines plus tard, ces civils sont quand même venus à

  3   Jablanica.

  4   Regardons la carte, ou plutôt, le recensement de la population de

  5   Jablanica. Selon la même méthode, Monsieur le Président, nous indiquons

  6   toutes les localités de la municipalité de Jablanica. Vous pouvez voir que

  7   Doljani était peuplé majoritairement de Croates; le village de Sovici,

  8   peuplé majoritairement de Musulmans. Ensuite, sur le transparent suivant,

  9   en appliquant les mêmes méthodes que pour Gornji Vakuf, nous indiquons les

 10   informations concernées. Dans la colonne à droite se trouvent les moyens de

 11   preuve concernant mon affirmation selon laquelle les civils de Sovici sont

 12   restés dans la municipalité de Jablanica. Il s'agit des moyens de preuve

 13   P2825. Le Témoin CA, page du compte rendu 10042; le Témoin Kovac, la page

 14   du compte rendu 10311. Et il y avait des témoins de la Défense qui ont

 15   parlé de cela, mais je vais aborder cela peut-être en réplique.

 16   Pour ce qui est de la conclusion concernant Jablanica, la carte ethnique de

 17   Jablanica n'a pas été changée après les événements qui se sont déroulés à

 18   la mi-avril 1993. Tous les civils de cette municipalité sont restés sur le

 19   territoire de la municipalité de Jablanica. Donc, aucun juge raisonnable

 20   des faits n'aurait pas pu conclure que les activités militaires du HVO sur

 21   le territoire de cette municipalité pendant cette période de temps-là

 22   aurait été entreprise visant le nettoyage ethnique de la population

 23   musulmane; donc, la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre de

 24   Petkovic pour ce qui est des crimes commis dans cette municipalité doit

 25   être infirmée, ainsi que la déclaration de culpabilité pour ce qui est de

 26   l'entreprise criminelle commune.

 27   Pour ce qui est de la municipalité suivante, Prozor, la Chambre de première

 28   instance a dit qu'il n'y avait pas de nettoyage ethnique, d'expulsions, ni


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  1   de transferts. Pour ce qui est des constatations factuelles, la Chambre de

  2   première instance a conclu que jusqu'à la fin du mois d'août 1993, les

  3   Musulmans sont restés dans leurs localités. La Chambre dit que c'est à ce

  4   moment-là que l'expulsion des Musulmans a commencé, mais on va en parler

  5   plus tard. Pour ce qui est de Prozor et concernant les événements qui se

  6   sont déroulés en avril 1993, il n'y a pas d'accusations concernant

  7   l'expulsion et le transfert forcé. Les Musulmans ne partaient pas de la

  8   municipalité de Gornji Vakuf, la carte ethnique de cette municipalité est

  9   restée inchangée, et donc aucun juge raisonnable des faits n'aurait pas pu

 10   conclure que les crimes ont été commis dans cette municipalité pendant

 11   cette période de temps-là dans le but de la mise en œuvre du plan visant le

 12   nettoyage ethnique. Par conséquent, la déclaration de culpabilité prononcée

 13   à l'encontre du général Petkovic doit être infirmée, ainsi que la forme de

 14   responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune.

 15   Passons à Mostar, qui est un peu plus compliquée, mais pour ce qui est des

 16   mois d'avril et mai, la situation est toujours simple. Je vais parler des

 17   thèses-clés adoptées par la Chambre de première instance pour ce qui est de

 18   Mostar et pour ce qui est de la période du mois d'avril et de mai. Nous

 19   voudrions attirer votre attention au paragraphe 50. Au paragraphe 50, la

 20   Chambre de première instance a constaté qu'à Mostar étaient arrivés les

 21   réfugiés musulmans de la Bosnie centrale. Nous voulons attirer votre

 22   attention sur le fait que cette affirmation concernant l'arrivée des

 23   réfugiés musulmans de la Bosnie centrale jusqu'au mois de mai 1993, donc en

 24   continuité pendant toute cette période de temps-là, contredit tout

 25   simplement l'affirmation selon laquelle, en janvier 1993, le plan criminel

 26   visant le nettoyage ethnique des Musulmans a été conçu. Egalement, nous

 27   voulons attirer votre attention sur les affirmations du paragraphe 54, où

 28   on peut voir -- et ainsi que dans d'autres paragraphes concernant l'arrivée


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  1   des Croates de la Bosnie centrale qui ont fui en même temps que les

  2   réfugiés musulmans, que tous ces réfugiés fuyaient les combats d'abord avec

  3   l'armée serbe, et plus tard fuyaient le conflit ouvert entre l'armée BiH et

  4   le HVO, les Croates fuyaient le territoire qui était en train d'être pris

  5   par l'armée BiH. Sur le transparent suivant, il n'y a qu'un seul événement

  6   que nous voudrions mentionner en particulier, parce que la Chambre n'a pas

  7   fait des constatations factuelles exactes pour ce qui est de cela. Pour ce

  8   qui est de cette période de temps-là, les conclusions de la Chambre sont

  9   exactes. Il n'y a pas de nettoyage ethnique, il n'y a pas de déplacement de

 10   Musulmans. Il y a des affirmations selon lesquelles le 26 mai 1993, des

 11   Musulmans ont été expulsés par la force, mais cette affirmation n'est pas

 12   exacte du tout. J'aurais besoin de beaucoup de temps pour analyser

 13   l'inexactitude de cette affirmation et je dois dire ici qu'on en a parlé en

 14   détail dans notre mémoire d'appel aux paragraphes -- bon, il est dommage

 15   que ce n'aurait pas été nous qui aurait écrit le jugement. Donc, c'est dans

 16   notre mémoire d'appel, paragraphes 63 à 67.

 17   En avril et en mai 1993, pour ce qui est de Mostar, les réfugiés musulmans

 18   sont arrivés à Mostar. Pour ce qui est d'avril 1993, il n'y a pas

 19   d'accusation pour les crimes commis. A Mostar, la carte ethnique n'a pas

 20   été changée en faveur des Croates ou au préjudice des Musulmans. C'est pour

 21   cela que nous considérons qu'aucun juge raisonnable des faits ne peut pas

 22   conclure que les événements à Mostar pendant cette période de temps-là

 23   auraient été la conséquence de l'intention visant à la mise en œuvre d'un

 24   plan criminel de nettoyage ethnique. C'est pour cela que nous considérons

 25   que concernant la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre de

 26   Petkovic concernant les crimes à Mostar pendant cette période-là doit être

 27   infirmée.

 28   Concernant octobre 1993 et Stupni Do, nous ne contestons pas, Monsieur le


Page 500

  1   Président, les conclusions concernant des crimes commis, mais nous voulons

  2   dire que pour ce qui est de Stupni Do, l'Accusation n'affirme pas que des

  3   crimes aient été commis, des crimes de transfert forcé et d'expulsion, et

  4   la Chambre de première instance n'a pas formulé de conclusions selon

  5   lesquelles les opérations du HVO auraient été entreprises ayant pour but le

  6   nettoyage ethnique des Musulmans de cette région. Par conséquent, nous

  7   estimons qu'aucun juge raisonnable des faits ne peut pas conclure que les

  8   crimes commis à Stupni Do ont été perpétrés avec l'intention de mise en

  9   œuvre le plan criminel du nettoyage ethnique de la population musulmane.

 10   Par conséquent, la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre du

 11   général Petkovic concernant ces crimes et cette forme de responsabilité

 12   doit être infirmée.

 13   Je voudrais souligner que le Procureur, pour ce qui est de ces

 14   affirmations, reconnaît de façon implicite qu'il n'y avait pas de crime de

 15   nettoyage ethnique et qu'il fallait donc considérer d'autres modes de

 16   responsabilité qui sont prévus par le Statut.

 17   Et pour conclure cette partie concernant le présumé nettoyage ethnique. A

 18   Gornji Vakuf, en janvier 1993, la population musulmane n'a pas été

 19   déplacée, n'a pas été expulsée. A Jablanica, en avril 1993, non plus. De la

 20   même façon, à Prozor, en avril 1993, la population musulmane n'a pas été

 21   expulsée, ni de Mostar jusqu'au mois de juin 1993, il n'y a pas eu

 22   d'expulsion, ni de déplacement et de transfert forcé. La même chose

 23   s'applique à la municipalité de Vares et à Stupni Do.

 24   C'est pour cela que, Monsieur le Président, nous estimons que pour ce qui

 25   est de tous ces crimes commis sur ces localités, il n'y a aucun fondement

 26   pour prononcer une déclaration de culpabilité pour ce qui est de

 27   l'entreprise criminelle commune.

 28   Et nous sommes arrivés au sujet lié au 30 juin 1993.


Page 501

  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Juste un moment, Maître Alaburic. Le

  2   Juge Meron a une question à poser.

  3   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

  4   Pouvez-vous, Maître, expliquer à la Chambre d'appel si ces documents sur la

  5   base de ce vous essayez de montrer qu'il n'y avait pas de modification

  6   démographique dans certaines régions sont les documents qui ont été

  7   produits devant la Chambre de première instance ? C'est la première chose.

  8   Et la deuxième chose, pourriez-vous nous dire quelle est la source des

  9   informations officielles sur lesquelles vous vous êtes appuyée pour ce qui

 10   est de ces cartes ?

 11   Mme ALABURIC : [interprétation] J'espère que cela ne réduira pas mon temps

 12   de deux heures, ce que je vais dire maintenant. Je peux répondre

 13   brièvement.

 14   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Les Juges ont également le droit de

 15   poser des questions.

 16   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui.

 17   Pendant le procès, nous n'avons pas du tout parlé du plan criminel de

 18   nettoyage ethnique comme étant un seul plan criminel, comme étant la

 19   substance de l'entreprise criminelle commune. L'acte d'accusation a été

 20   dressé de façon à ce que tous les 26 crimes ont été considérés comme étant

 21   les crimes commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de la

 22   première catégorie. Nous avons plutôt traité de ces sujets pour savoir ce

 23   qui s'était exactement et concrètement passé dans les municipalités; mais

 24   pour ce qui est du nettoyage ethnique et l'objectif criminel commun unique,

 25   cela n'était pas au vif de la discussion. Comme je l'ai déjà dit, dans le

 26   jugement, la Chambre de première instance a complètement changé la thèse

 27   qui a été débattue devant ce Tribunal.

 28   Et pour ce qui est des moyens de preuve, tous les moyens de preuve


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  1   que j'ai mentionnés ici, sont en grande partie mentionnés dans le jugement.

  2   Et la plupart des moyens de preuve que j'ai mentionnés sont les moyens de

  3   preuve présentés par le biais des témoins de l'Accusation. Et si vous me

  4   posez la question concernant les informations et les données statistiques -

  5   - excusez-moi, Monsieur le Président, est-ce que vous voulez savoir quelle

  6   est la source des données statistiques ou les moyens de preuve auxquels

  7   j'ai fait référence jusqu'ici ? Vous voulez savoir uniquement la source des

  8   données statistiques ?

  9   M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai simplement voulu être sûr,

 10   Maître, que ces documents que vous venez de citer sont basés sur des

 11   données officielles.

 12   Mme ALABURIC : [interprétation] Tout est dans les documents versés au

 13   dossier, exception faite du tableau concernant l'analyse du jugement que

 14   j'ai préparé moi-même. Et tous les autres moyens de preuve que j'ai

 15   mentionnés ont été présentés durant le procès.

 16   Et pour ce qui est des données statistiques, donc la source c'est le

 17   recensement de la population de 1991, mais je ne crois pas que cela soit

 18   contesté.

 19   Est-ce que je peux poursuivre.

 20   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Donc le 30 juin 1993, moment où la guerre

 22   générale a commencé entre l'armée BiH et le HVO.

 23   Regardez, Messieurs les Juges, ce que la Chambre de première instance a

 24   constaté pour ce qui est de ce qui s'était passé le 30 juin ou jusqu'à

 25   cette date-là. La Chambre de première instance sait ou savait qu'à l'époque

 26   l'armée BiH entreprenait des offensives. La Chambre de première instance

 27   savait que les soldats musulmans qui étaient dans les rangs du HVO avaient

 28   déserté de certaines unités du HVO, et que ces soldats ont rejoint les


Page 503

  1   rangs de l'armée BiH. La Chambre de première instance savait que le HVO, vu

  2   cette trahison, a perdu le contrôle sur une partie du territoire de la

  3   région de Mostar. La Chambre de première instance savait que l'armée BiH, à

  4   l'époque, avait l'intention de faire lier la région de Mostar à la région

  5   de Jablanica et de Konjic. La Chambre de première instance savait que les

  6   autorités de l'Herceg-Bosna ont pris certaines activités en réaction à

  7   l'attaque lancée le 30 juin 1993. Tout cela, ce sont les conclusions du

  8   tome 2, paragraphes 878 jusqu'à 885.

  9   Nous considérons que sur la base de ces conclusions, un Juge raisonnable

 10   des faits aurait conclu qu'il n'est pas fondé la considération selon

 11   laquelle les mesures prises le 30 juin auraient été la seule conséquence ou

 12   la seule conclusion disant qu'ils avaient l'intention de mise en œuvre le

 13   plan visant le nettoyage ethnique de la population musulmane. Nous allons

 14   vous montrer ce qui s'était passé sur les fronts en Bosnie-Herzégovine.

 15   D'abord, regardons ce que le Procureur a dit dans l'acte d'accusation dans

 16   l'affaire Hadzihasanovic. Nous avons déjà vu cela dans ce prétoire pendant

 17   ces jours-là, mais il faut quand même rappeler que le Procureur a dit qu'à

 18   partir du mois d'avril 1993 et en début d'été 1993, l'armée BiH a lancé une

 19   série d'attaques violentes contre le HVO, y compris les municipalités, et

 20   je vais les énumérer, les municipalités de Bugojno, de Busovaca, de Maglaj,

 21   de Novi Travnik, de Travnik, de Vares, de Vitez, de Kakanj, et cetera, mais

 22   ce n'est la liste exhaustive de ces municipalités.

 23   Le Procureur affirme que ces opérations lancées par l'armée BiH ont culminé

 24   en attaque en masse en juin 1993, entre autres, Kakanj, Travnik et Zenica.

 25   Ces affirmations du Procureur sont exactes, et nous allons vous montrer des

 26   documents qui corroborent ça. La totalité de ces documents,

 27   malheureusement, je ne pourrais pas vous les citer tous pour que ce soit

 28   consigné au compte rendu d'audience, mais la totalité de ces documents se


Page 504

  1   trouvent à l'avenant numéro 1, de l'appel de M. Petkovic.

  2   Le document de la fin mars 1993, le 4D438, et je précise qu'il s'agit

  3   d'un document de l'ABiH, nous dit ce qui est en train de se passer à ce

  4   moment-là à Konjic. Fin, mi-avril à Konjic, c'est l'élément crucial de tout

  5   ce qui s'est passé par la suite. Début avril, les rapports du HVO,

  6   notamment le P0813 porte -- 1803 porte sur l'attaque de l'ABiH, un rapport

  7   concernant les activités déployées par leurs effectifs. Je m'excuse, je me

  8   suis mal exprimée.

  9   Il s'agit d'un document du HVO qui confirme les activités de combat de

 10   l'ABiH, et il s'agit du 2D774. Il s'ensuit toute une série de documents

 11   datant de la première moitié du mois d'avril, puis de la mi-avril qui

 12   permettent de voir ce qui se passe à Konjic et dans les environs. Restons-

 13   en un peu sur le transparent 38. Il nous faut demander des mesures de

 14   protection pour ce qui est de ce transparent. Nous demandons donc à ce que

 15   ce ne soit pas diffusé hors du prétoire. C'est un seul document que nous

 16   souhaitons ne pas divulguer au public.

 17   Nous pouvons y aller ?

 18   Je voudrais, Messieurs les Juges, attirer votre attention en particulier

 19   sur un document qui se trouve au coin, en haut à gauche, le 4D599. Il

 20   s'agit d'un rapport émanant de l'ABiH daté du 17 avril 1993, on peut y voir

 21   quelles sont les opérations en cours, et on tire en fin de document la

 22   conclusion suivante. Nous allons terminer la tâche entamée à Konjic, en

 23   terminer au plus vite pour lancer une contre-attaque avec toutes nos

 24   brigades sur deux axes. Le premier axe en direction de Jablanica et Mostar

 25   et l'autre en direction de Prozor et Rama. Dans la suite de mon exposé, je

 26   me propose de parler des premières activités, à savoir celles de lancées en

 27   direction de Jablanica et Mostar.

 28   Tous ces documents, Messieurs les Juges, vous permettent de voir que


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  1   l'ABiH, en mi-avril 1993, a commencé à s'emparer de territoires qui,

  2   jusque-là, avaient été placés sous le contrôle du HVO. Nous attirons votre

  3   attention sur un document qui est protégé. Ça se trouve en bas à droite, où

  4   il y est dit que l'ABiH a réussi à expulser le HVO de bon nombre de

  5   secteurs et il semblerait que la population croate de ces secteurs-là est

  6   en train de fuir. Il s'agit d'un rapport du 14 juin 1993.

  7   Le transparent suivant, on le garde sans présentation publique.

  8   Alors, en haut à gauche maintenant, nous voyons un rapport daté du 13 juin

  9   et il est dit que l'ABiH s'empare de Kakanj à part entière et une offensive

 10   de l'ABiH se poursuit. Nous vous montrons ici le discours tenu par Arif

 11   Pasalic le 13 juin 1993, document 2D448. Cela a également été mentionné par

 12   mon confrère M. Karnavas dans son exposé oral. Ce jour-là, le commandant de

 13   l'ABiH convie chaque citoyen, à même de porter un pistolet ou une pierre, à

 14   commencer à tuer les criminel oustachi et ainsi de suite. Et puis, il y a

 15   un rapport du 1er juillet 1993, il s'agit du document qui se trouve en bas

 16   à gauche, le 2D1389. On y voit quels sont les secteurs dont s'est emparée

 17   l'ABiH. Il ne s'agit pas seulement de la caserne Tihomir Misic, Messieurs

 18   les Juges, comme on tend à le dire de façon simplifiée. Il s'agit de tout

 19   secteur au nord de Mostar, et la phrase qui sert de conclusion, et j'attire

 20   votre attention dessus, qui dit :

 21   "D'après les rapports, bientôt les unités de l'ABiH de Mostar et

 22   Jablanica, à savoir le 4e Corps qui se trouvait à Jablanica et le 6e corps

 23   à Mostar, vont opérer une jonction." 

 24   Oui, les généraux me rectifient pour ce qui est des différents sièges

 25   des corps que j'ai mentionnés.

 26   Mais l'exposé qui suit sur le transparent numéro 80, là, on peut

 27   diffuser vers le public.

 28   Je disais donc que le HVO disposait de l'information au sujet des


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  1   événements qui se produisaient sur le terrain. Le général Petkovic, à cette

  2   époque, fin juin donc --

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez peut-être laissé entendre que

  4   nous étions à huis clos partiel, mais je crois que nous avons diffusé tout

  5   ceci au public. Mais nous n'avons pas diffusé ces deux documents seulement.

  6   Nous étions en audience publique et nous sommes toujours en audience

  7   publique. Merci.

  8   Mme ALABURIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, de ces

  9   précisions.

 10   Je disais fin juin 1993, Petkovic essaie d'informer les représentants de la

 11   communauté internationale. J'ai demandé à ce qu'on nous affiche le

 12   transparent 40. Le transparent numéro 40. Vous les avez; nous, non. Mais

 13   bon.

 14   Fin juin, disais-je. Le général Petkovic essaie d'informer le général

 15   Morillon et les autres représentants de la communauté internationale --

 16   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant. Est-ce que je peux demander

 17   à ce qu'on nous fournisse une aide technique à l'intention du conseil de la

 18   Défense.

 19   Et entre-temps, vous pouvez continuer, parce que c'est votre document, vous

 20   le connaissez.

 21   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui, oui, c'est bon. C'est affiché

 22   maintenant. Je disais qu'il s'agit du document 4D702. Nous avons présenté

 23   un petit extrait du témoignage du général Petkovic et de M. Radmilo Jasak.

 24   Ce sur quoi je voudrais attirer votre attention, c'est les propos tenus par

 25   le général Petkovic :

 26   "Je n'ai jamais pu penser que tout ceci pourrait se produire sous cette

 27   forme et dans ce type de circonstances." Compte rendu 49585.

 28   Transparent 41, c'est un bref rappel au sujet de ce qui s'est passé après


Page 507

  1   le 30 juin.

  2   En juillet 1993, l'ABiH s'empare de Kostajnica, c'était une enclave croate

  3   dans la municipalité de Konjic. Puis, ils s'emparent de Fojnica, puis

  4   Bugojno et Doljani. Je vous rappelle, Messieurs les Juges, le fait que

  5   Doljani, c'est le même village que celui dont nous avons parlé au sujet

  6   d'avril 1993.

  7   En octobre 1993, l'ABiH s'empare de certains villages dans la municipalité

  8   de Vares. Et en novembre 1993, l'ABiH entre dans Vares.

  9   Penchons-nous maintenant sur les cartes. Voyons un peu comment cela se

 10   présente lorsqu'on dessine ce qui s'est passé. La première carte en haut à

 11   gauche nous montre la Bosnie centrale en janvier 1993. En bleu, c'est les

 12   territoires contrôlés par le HVO. En vert, c'est les territoires contrôlés

 13   par l'ABiH. Lorsque ces quatre cartes, vous vous penchez dessus, ce qui

 14   saute aux yeux, c'est que jusqu'à la mi-1993, il y a élargissement du

 15   territoire contrôlé par l'ABiH. Je ne vais pas répéter ce qui s'est passé

 16   au mois par mois, mais le tout peut être constaté de visu sur ces cartes.

 17   Transparent suivant, c'est la suite pour ce qui est de la Bosnie

 18   centrale jusqu'aux fins de l'année. Et en Bosnie centrale, vous voyez qu'il

 19   ne reste que deux enclaves. Et en bas à droite, on voit combien de Croates,

 20   à partir de quelles localités et municipalités s'en vont de là une fois que

 21   l'ABiH s'est emparée du territoire.

 22   Ce qu'on a dit au sujet de Mostar, maintenant. Jusqu'au 30 juin,

 23   c'est la carte de gauche. En bleu, le territoire contrôlé par le HVO. En

 24   vert, le territoire contrôlé par l'ABiH. A droite, c'est la situation après

 25   le 30 juin 1993. Le 30 juin 1993 donc, ce territoire autour de Mostar est

 26   conquis par l'ABiH, et ce, en coopération avec les soldats musulmans dans

 27   les rangs du HVO.

 28   Le transparent 45 nous montre le territoire de Mostar, Jablanica et


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  1   Konjic, donc c'est une image de la région. Vous pouvez voir quelle était la

  2   situation avant le 30 juin. Et on voit comment ça s'est présenté à la date

  3   du 30 juin.

  4   Je vous prie de garder à l'esprit ces cartes-là lorsque nous

  5   commencerons à analyser les mesures de sécurité qui ont été adoptées le 30

  6   juin et cela nous montrera pourquoi le 30 juin est une date pivot pour ce

  7   qui est du conflit entre le HVO et l'ABiH.

  8   Je vais faire un résumé assez bref de ce qui a été dit jusqu'à présent. A

  9   compter du mois d'avril 1993, l'ABiH élargie en continuité le territoire

 10   placé sous son contrôle. Les activités militaires de l'ABiH sont une preuve

 11   pour ce qui est de dire que les activités et mesures prises par les

 12   autorités du HVO ont été la conséquence de ces événements-là et non pas

 13   d'un plan ou avec des plans de nettoyage ethnique de la population

 14   musulmane. Aussi, estimons-nous, Messieurs les Juges, qu'aucun Juge

 15   raisonnable des faits ne saurait tirer la conclusion consistant à dire que

 16   jusqu'au 30 juin 1993, les autorités de l'Herceg-Bosnie, sans raison

 17   aucune, auraient décidé d'intensifier la mise en œuvre d'un plan de

 18   nettoyage ethnique de la population musulmane.

 19   Je vais maintenant vous montrer un transparent avec des documents sous pli

 20   scellé. Je vais donc demander à ce qu'il ne soit pas diffusé vers

 21   l'extérieur de ce prétoire.

 22   Il y a bon nombre de documents sur ce sujet. Nous avons voulu vous le

 23   montrer en parallèle avec les documents des représentants de la communauté

 24   internationale. Ces représentants de la communauté internationale ont

 25   consigné et informé qui de droit du fait que les Musulmans du HVO ont

 26   déserté, ont rejoint les rangs de l'ABiH, et c'est la raison pour laquelle

 27   le HVO ou, entre autres, la raison pour laquelle le HVO a perdu le contrôle

 28   exercé jusque-là à l'égard du territoire autour de Mostar. Si on n'avait


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  1   pas pris certaines mesures, il y avait péril de voir le HVO perdre

  2   complètement son contrôle dans la région de Mostar.

  3   Je vais maintenant vous montrer d'autres transparents qui ne comportent pas

  4   de documents sous pli scellé. Quelques informations seulement, Monsieur le

  5   Juge, au sujet du nombre de Musulmans au sein du HVO. La Défense du Dr

  6   Prlic vous a déjà indiqué que le HVO était la seule armée pluriethnique en

  7   Bosnie-Herzégovine à l'époque. Et nous essayons de conforter cette thèse

  8   pour démontrer, comme la Défense de Bruno Stojic et du général Praljak, le

  9   fait que le HVO avait été créée comme armée conjointe des Musulmans et

 10   Croates qui résidaient sur le territoire de l'Herceg-Bosna.

 11   Et nous souhaitons à présent vous montrer une série de documents démontrant

 12   que l'ABiH avait toujours été en contact avec les soldats musulmans du HVO.

 13   Ces documents se trouvent, soit dit en passant, dans l'avenant 13 dans le

 14   mémoire en clôture de Petkovic, sans le tout premier document que je me

 15   propose d'exposer plus en détail. Il en a déjà été question quelque peu.

 16   Tous les conseils de la Défense en ont parlé. Et nous vous présentons quant

 17   à nous le document, il s'agit du 2D150, c'est un document datant de juin

 18   1993. Je précise bien, juin '93. Epoque à laquelle il y a des conflits

 19   violents entre l'ABiH et le HVO. Ça c'est la composition ethnique des

 20   brigades du HVO. Penchez-vous maintenant sur la 1ère Brigade : 35 % de

 21   soldats musulmans; dans la 2e, presque 21 %; et dans la 3e Brigade, un peu

 22   plus de 13 %. Avant cette date-là, le nombre des soldats musulmans était

 23   bien plus important. Il y avait des unités où les Musulmans étaient au

 24   nombre de même 50 %. Le HVO a donc bel et bien été créé comme étant une

 25   armée commune aux Croates et aux Musulmans.

 26   Quand je le dis, je tiens à vous apporter une explication pourquoi dis-je

 27   "Musulmans" pourquoi ne dis-je pas "Bosniens". Parce qu'à l'époque dont je

 28   parle, l'appellation officielle pour le peuple bosnien était les Musulmans.


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  1   Les documents, que je me propose de vous montrer dans les quelques minutes

  2   qui suivent, montrent que les autorités de l'Herceg-Bosna ont considéré que

  3   cela pouvait constituer un problème sécuritaire du point de vue du nombre

  4   des Musulmans au sein du HVO. Mais jamais personne n'a généré de problème à

  5   ce sujet. Et les Musulmans n'ont, en aucune façon jusque-là, été

  6   discriminés ou entravés dans leur intention de rejoindre les rangs du HVO.

  7   Alors, maintenant, le document en bas à droite le 4D568, daté du 16 avril

  8   1993. Penchez-vous, je vous prie, Monsieur le Juge, sur ce qui au mois

  9   d'avril '93 a été dit. On parle de la possibilité d'un conflit militaire

 10   avec le HVO et la nécessité d'établir un contact avec les soldats musulmans

 11   en son sein, pour que ces soldats, au bon moment, puissent rejoindre les

 12   rangs de l'ABiH.

 13   Messieurs les Juges, je précise que c'est un document de l'ABiH qui parle

 14   du plan établi qui vise à faire en sorte que les soldats musulmans, à un

 15   moment donné, viennent rejoindre les rangs de l'ABiH.

 16   Transparent suivant qui comporte un document sous pli scellé. On voit ici,

 17   Monsieur le Juge, le 4D033, mi-avril '93, une fois de plus. Il est dit :

 18   "Contacter la totalité des membres musulmans du HVO pour leur demander de

 19   se placer du côté de leur propre nation…"

 20   Le document suivant, 18 avril, 4D034.

 21   "…demande de mise en place d'une coopération avec nos soldats dans les

 22   rangs du HVO pour leur indiquer tout le sérieux de la situation…"

 23   Ou encore un document de l'ABiH, qui est le 4D35. Il y avait un plan

 24   particulier visant à informer qui de droit, y compris les soldats musulmans

 25   du HVO, dans les rangs des unités se trouvant dans les municipalités

 26   énumérées par la suite.

 27   Ensuite le document 4D473, où il y a même des menaces de proférées à

 28   l'intention d'un commandant du HVO. On lui dit :


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  1   "Fais bien attention … prends garde du nombre de soldats musulmans que tu

  2   as dans tes rangs pour ne pas en mettre en péril l'organisation de ta

  3   formation…"

  4   Et le dernier document en bas à gauche, document 4D36 daté du 2 mai 1993.

  5   Le commandant de l'ABiH dit quelles sont les activités à entreprendre et

  6   l'ordre a été donné d'établir un contact avec "les hommes du HVO", et il

  7   dit ce qu'il leur convient de faire à Capljina.

  8   Et le tout dernier alinéa dans le document que nous vous montrons, qui

  9   dit:

 10   "S'emparer de la ville de Stolac avec nos hommes dans les rangs du HVO."

 11   Pour conclure, Monsieur le Président, le 30 juin 1993. Et en particulier

 12   par rapport à la décision du général Petkovic concernant l'isolement des

 13   soldats musulmans au sein du HVO ainsi que des recrues d'appartenance

 14   ethnique musulmane, il faut analyser cela par rapport aux événements qui

 15   sont survenus à la date du 30 juin 1993. Et c'est pour cela qu'il faut

 16   savoir ce qui s'était passé ce jour-là. L'ABiH a lancé des offensives

 17   contre le HVO et a élargi le territoire sous son contrôle de façon

 18   continue. L'ABiH a pris le territoire au nord de Mostar, en coopérant avec

 19   les soldats musulmans du HVO. La situation similaire, si c'était -- s'il

 20   s'agissait de la situation similaire dans d'autres unités du HVO, le HVO

 21   aurait pu perdre le contrôle sur d'autres territoires. Et dans cette

 22   situation, les mesures de sécurité devaient être prises, et c'était le cas.

 23   Et grâce à ces mesures, la ligne de confrontation dans la ville de Mostar

 24   n'a pas été changée. La ligne de confrontation reste inchangée dans la

 25   région de Mostar, bien que les combats se soient poursuivis jusqu'au mois

 26   de mai 1994. C'est pour cela que nous considérons, Monsieur le Président,

 27   pour qu'un Juge raisonnable des faits n'a pas pu conclure que les mesures

 28   prises par les autorités de l'Herceg-Bosna le 30 juin 1993 n'étaient pas la


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  1   conséquence des événements survenus sur le terrain et de la nécessité pour

  2   garder le contrôle sur la région de Mostar. Donc, aucun juge raisonnable

  3   des faits, à notre avis, ne peut pas conclure que ces mesures ont été

  4   prises ayant le but la mise en œuvre du plan criminel visant le nettoyage

  5   ethnique de la population musulmane.

  6   La conclusion de cette partie de notre présentation est la suivante.

  7   Aucun juge raisonnable des faits ne peut pas conclure qu'à la mi-janvier

  8   1993, le plan de nettoyage ethnique a été conçu. Aucun juge raisonnable des

  9   faits ne peut pas conclure que la carte ethnique a été modifiée dans les

 10   municipalités dont on a parlé durant la première moitié de 1993, jusqu'au

 11   30 juin, l'armée BiH a continué à élargir le territoire sous son contrôle.

 12   Et vu tous les événements que nous avons mentionnés, aucun juge raisonnable

 13   des faits ne peut pas conclure que, ce jour-là, la décision a été prise

 14   pour intensifier la mise en œuvre du plan criminel visant le nettoyage

 15   ethnique.

 16   Maintenant, je vais passer au sujet concernant Milivoj Petkovic, mais nous

 17   allons continuer à parler de la date du 30 juin. Pour ce qui est de Milivoj

 18   Petkovic, nous allons parler, dans ces huit parties montrées sur le

 19   transparent 52. La première partie concerne les frontières. Les frontières

 20   de la Bosnie-Herzégovine, pour le général Petkovic et pour son équipe de

 21   Défense, représentent un sujet simple. En avril 1993, le général Petkovic a

 22   dit au général Halilovic lors d'une réunion que la Croatie ne pouvait pas

 23   vouloir changer les frontières de la Bosnie-Herzégovine et annexer

 24   certaines parties du territoire de la Bosnie-Herzégovine parce que sur son

 25   propre territoire, à ce moment-là, il existait la République serbe de

 26   Krajina qui voulait également faire sécession de la Croatie et être unie

 27   avec le territoire des Serbes de Bosnie et avec le territoire de la Serbie.

 28   Si la Croatie avait voulu annexer une partie de la Bosnie-Herzégovine, la


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  1   Croatie aurait rendu légitime la demande de la Krajina serbe de Bosnie pour

  2   faire sécession d'une partie de la Croatie. Le général Petkovic en a parlé

  3   en 1993, en a parlé devant cette Chambre, et nous considérons, Monsieur le

  4   Président, que c'est quelque chose qui est à tel point simple et notoire,

  5   que n'importe quelle considération de la modification des frontières, pour

  6   nous, n'est pas nécessaire, en particulier si on sait qu'à partir du

  7   premier moment où le démantèlement de l'ancienne Yougoslavie a commencé, la

  8   conclusion a été faite selon laquelle les frontières des anciennes

  9   républiques ne pouvaient pas être changées par la force, mais uniquement

 10   par les accords. Au début, il faut voir s'il est possible de conclure

 11   qu'une intention criminelle du général Petkovic existait. C'est dans la

 12   partie concernant les tentatives de créer le commandement conjoint de

 13   l'armée BiH et du HVO. Les documents sont contenus dans l'annexe 2 du

 14   mémoire en clôture de la Défense de Petkovic. Ici, Monsieur le Président,

 15   sur trois transparents, nous indiquons quelques documents où vous pouvez

 16   voir qu'à partir du mois de juillet 1992 jusqu'au mois de juin 1993, il y

 17   avait des accords et des pourparlers et des décisions et des tentatives,

 18   ayant pour but de créer un commandement conjoint. Le premier document

 19   concernant cela est le document P00339. C'est l'accord entre Izetbegovic et

 20   Tudjman du 21 juillet 1992. Mais je voudrais attirer votre attention sur

 21   les documents du mois de janvier 1993, à savoir de la période pendant

 22   laquelle un plan criminel visant le nettoyage ethnique aurait été conçu.

 23   Regardons les deux derniers documents dans la colonne à droite sur ce

 24   transparent. Le 27 janvier 1993, on a la déclaration conjointe de Boban et

 25   d'Izetbegovic selon laquelle, à tous les niveaux, il fallait créer des

 26   commandements conjoints sans aucun délai. Et l'ordre de Petkovic de la même

 27   date, P1322. Sur le transparent suivant, également du mois de janvier 1993,

 28   nous voyons l'ordre émanant d'Arif Pasalic et du général Petkovic de la


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  1   date du 28. Egalement, vous pouvez voir qu'en février, en avril, il y avait

  2   eu des tentatives, en avril, en mai également, en 1993. Et pour ce qui est

  3   de l'année 1993, le dernier document est du mois de juin 1993. Donc, tous

  4   ces documents par eux-mêmes démontrent qu'en juin 1993, il s'est passé

  5   quelque chose qui avait empêché des pourparlers concernant la coopération

  6   avec l'armée BiH, au moins pour ce qui est de la façon à laquelle ces

  7   pourparlers étaient menés à l'époque. Le dernier document dans la colonne à

  8   gauche est de l'année 1994, après la conclusion des accords de Washington.

  9   Et après cela, un commandement conjoint a été créé entre l'armée BiH et le

 10   HVO.

 11   Le sujet suivant, Monsieur le Président, est très important pour nous. Nous

 12   voulons attirer votre attention sur les documents démontrant que le HVO,

 13   pendant tout ce temps-là, considérait que l'armée BiH était, en fait, une

 14   alliée, au moins jusqu'au 30 juin 1993.

 15   D'abord, j'aimerais parler d'une note du journal de Herbert Okun, la pièce

 16   à conviction P1038. Il prenait des notes de façon régulière concernant ces

 17   réunions. Il s'agit des notes de Genève datant du 2 janvier, au moment où

 18   les négociations de paix étaient menées. Il a noté que Halilovic et

 19   Petkovic se sont mis d'accord pour organiser des commandements conjoints de

 20   l'armée BiH et du HVO, et que Mladic a riposté qu'il fallait cesser ou

 21   faire arrêter l'alliance militaire entre la Croatie et Izetbegovic contre

 22   le peuple serbe.

 23   Nous soulignons, Monsieur le Président, que pour ce qui est de cette

 24   période de temps-là, la majorité de la Chambre de première instance a

 25   conclu qu'il s'agit de la période pendant laquelle le plan criminel a été

 26   conçu et la période pendant laquelle il y avait eu des tentatives pour

 27   créer des commandements conjoints. Regardons quelles sont les instructions

 28   données par Petkovic à ses unités, le document 4D397 de juin 1993, où


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  1   Petkovic dit qu'il s'agit d'une armée conjointe, qu'il faut éviter les

  2   conflits, qu'il faut combattre contre l'ennemi commun, et non pas combattre

  3   entre eux.

  4   Sur le transparent suivant, nous avons indiqué une série de documents. Mais

  5   puisque je n'ai pas beaucoup de temps, je vais parler seulement du dernier

  6   document dans la colonne à droite, en bas, puisqu'il s'agit du document du

  7   11 janvier 1993; à savoir de l'ordre du général Petkovic, 4D354, où il a

  8   appelé l'ABiH comme étant "une armée alliée."

  9   Le transparent suivant, le 13 janvier 1993, le document P1115, où Petkovic

 10   invite à établir des contacts avec l'armée BiH sans aucun délai et à régler

 11   tous les problèmes en procédant à des pourparlers. Le 11 janvier 1993,

 12   Petkovic a écrit à ses unités dans ces villes en Bosnie centrale, document

 13   P1190, où il dit :

 14   "Nous ne voulons pas que des problèmes surgissent avec les Musulmans -- ou

 15   ressurgissent…"

 16   Le 20 janvier 1993, le document 4D433, où Petkovic, encore, ordonne à

 17   Konjic de prendre contact avec l'ABiH.

 18   Le 27 janvier 1993, le document 4D19, où Petkovic ordonne à nouveau de

 19   procéder à la résolution des problèmes par les pourparlers, par les

 20   négociations.

 21   Egalement en janvier 1993, mais je voudrais attirer votre attention

 22   en particulier sur le document à droite, en bas, 4D75. Petkovic écrit à

 23   Halilovic le 9 février, et lui dit :

 24   "Je me réjouissais à l'arrivée de tout nouveau soldat, croate ou musulman,

 25   puisque je savais qu'ils avaient le même objectif."

 26   Et regardons le transparent suivant maintenant. J'attire l'attention

 27   de la Chambre sur le document, le dernier document. Il s'agit d'un autre

 28   ordre émanant du général Petkovic, adressé à toutes les zones


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  1   opérationnelles. Le document P2599. Petkovic déjà en juin 1993 a dit :

  2   "Vous devez négocier avec les Musulmans et essayez d'apaiser la

  3   situation."

  4   Nous voudrions vous montrer, Monsieur le Président, sur les

  5   transparents suivants une série de documents, et c'est pour cela que je

  6   souligne que tous ces documents sont indiqués dans l'annexe 1 du mémoire en

  7   clôture de la Défense de Petkovic. Il s'agit des documents démontrant que

  8   le HVO et l'armée BiH étaient les composantes égales des forces armées de

  9   la Bosnie-Herzégovine. Et, par conséquent, considérer le HVO comme étant

 10   une armée qui n'est pas légitime, qui n'est pas régulière ou qui est

 11   illégale et qui représente les forces armées paramilitaires est

 12   complètement incorrect et non fondé.

 13   Le 21 juin 1992, l'accord entre Izetbegovic et Tudjman dont on a déjà

 14   parlé où il est question du fait que le HVO était la partie intégrante des

 15   forces armées de la République de Bosnie-Herzégovine.

 16   Le transparent suivant. Ici, nous voyons une série de documents, y

 17   compris les déclarations et les ordres émanant d'Alija Izetbegovic, où le

 18   HVO était considéré comme étant une composante intégrante des forces armées

 19   de la Bosnie-Herzégovine.

 20   Nous attirons votre attention sur quelques documents. Le 20 avril

 21   1993, le document P2002. Halilovic et Petkovic ont signé un accord par

 22   lequel il est déterminé que l'armée BiH et le HVO avaient des positions

 23   égales.

 24   Le 25 avril 1993, la même constatation contenue dans deux documents,

 25   un document et la déclaration commune d'Izetbegovic, de Tudjman et de

 26   Boban; le document P2078. Et le deuxième document est l'annexe à cette

 27   déclaration, c'est l'accord Halilovic-Petkovic, document P2091.

 28   Sur le transparent suivant nous voyons que le HVO a continué à être


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  1   traité comme étant une armée légitime et légale. Et finalement, dans les

  2   dispositions des accords de Washington, le document 4D1234, il a été défini

  3   que le HVO constituait la partie intégrante des forces armées de la Bosnie-

  4   Herzégovine.

  5   Ensuite, nous indiquons des extraits des lois de la Bosnie-

  6   Herzégovine où on peut voir que le HVO était une partie intégrante et égale

  7   des forces armées, et que les soldats du HVO bénéficiaient du même statut

  8   pour ce qui est le droit à la retraite au sein des forces armées de la

  9   Bosnie-Herzégovine. Sur le transparent suivant, nous voyons une sorte de

 10   revue des mouvements de Petkovic en 1993, que nous avons préparés sur la

 11   base des moyens de preuve versés au dossier. Dans ce tableau, vous pouvez

 12   voir qu'en janvier 1993, Petkovic se trouvait à Genève pendant à peu près

 13   deux semaines où il participait aux négociations, et pendant le même mois,

 14   il menait les négociations avec les membres, avec les commandants de

 15   l'armée BiH. Pour ce qui est du mois d'avril et de mois de mai 1993,

 16   Petkovic se trouvait la plupart du temps aux négociations sur le terrain

 17   avec Halilovic et d'autres commandants de l'armée BiH pour inspecter la

 18   situation sur le territoire en essayant de résoudre les problèmes en

 19   procédant aux pourparlers et aux accords.

 20   Petkovic lors de l'entretien accordé à l'époque en février 1993, et

 21   c'est ce qu'on peut voir sur le transparent suivant, c'est le document

 22   4D100, a dit que la démilitarisation de l'Etat constituait la seule

 23   solution puisque sur ce territoire, s'il y a autant un tel nombre d'armées,

 24   les conflits seraient inévitables. Egalement pour ce qui est d'août 1994,

 25   document 4D1355, un autre entretien de Petkovic à l'époque, lors des

 26   activités de combat, donc en temps de guerre, a dit :

 27   "Nous ne nous préparions jamais pour mener une guerre contre les

 28   Musulmans. Jamais nous ne voulions entamer des conflits avec eux, nulle


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  1   part ailleurs."

  2   Petkovic a répété la même chose devant ce Tribunal, à la page du

  3   compte rendu 49414. Devant ce Tribunal, Petkovic a dit, Monsieur le

  4   Président, que sa position était et est aujourd'hui que :

  5   "Il vaut mieux négocier pendant deux ans que mener la guerre ou faire

  6   la guerre une seule journée."

  7   Nous allons vous montrer un extrait bref de l'entretien accordé par

  8   Petkovic en mai 1993, où donc pendant la guerre il a présenté la même

  9   position.

 10   "Sur ces territoires, il convient de faire cesser la guerre. Il vaut

 11   mieux pendant un an ou deux ans négocier plutôt que de faire la guerre

 12   pendant ne serait-ce qu'une seule journée."

 13   [Diffusion de la cassette vidéo]

 14   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Je pense qu'il est grand temps que

 15   l'on mette un terme au combat. Il vaut mieux avoir des négociations pendant

 16   un an ou deux plutôt que de faire la guerre pendant une seule journée."

 17   Mme ALABURIC : [interprétation] Messieurs les Juges, c'est tout ce que nous

 18   voulions vous montrer. Sur le transparent numéro 68, nous montrons que

 19   l'ABiH en juin s'était emparée de Travnik et de Kakanj. Et à ce sujet,

 20   devant ce Tribunal, enfin devant la Chambre de première instance, Petkovic

 21   a dit que :

 22   "Ce n'est que là qu'il avait complètement compris qu'il n'y avait

 23   plus d'espoir de faire en sorte de mettre un terme à ce type d'évolution

 24   par des négociations." Document, compte rendu d'audience 49458.

 25   Maintenant, quelques mots au sujet d'un document qui est un document

 26   crucial dans cette affaire, à savoir un ordre donné par Milivoj Petkovic,

 27   daté du 3 juin 1993, à savoir pièce P3019. C'est adressé à l'intention

 28   d'une zone opérationnelle du HVO, pas le HVO tout entier, ce qui est tout à


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  1   fait important lorsqu'on prend en considération les aspects sécuritaires.

  2   Et je vous prie de vous pencher sur ce que Petkovic a dit au juste. Il a

  3   donné l'ordre de désarmer et isoler les soldats musulmans du HVO. Il a dit

  4   "isoler", c'est ce que je souligne, et il a donné l'ordre aussi d'isoler

  5   les hommes aptes au combat dans les villages musulmans. Il importe

  6   énormément de garder à l'esprit le fait que son ordre a été de ne pas

  7   toucher aux civils, et les civils sont censés rester dans leurs maisons ou

  8   dans leurs appartements. C'est un ordre qui a été mentionné en long et en

  9   large dans notre appel et lors du procès. Petkovic a donné cet ordre

 10   partant de l'ordre donné par Mate Boban, qui était le commandant suprême.

 11   C'est des ordres qui ont été connus du public; on en a informé les

 12   représentants de la communauté internationale. Par conséquent, il n'y a

 13   rien eu de dissimulé, de secret, aucune intention dissimulée ou intention

 14   criminelle.

 15   Je me propose maintenant de montrer un transparent qui est sous pli

 16   scellé, je ne sais pas pourquoi, mais toujours est-il qu'il ne faut pas le

 17   diffuser. Il s'agit d'un extrait d'opinion de deux experts militaires. Il y

 18   en a un qui est un expert de la Défense, Milan Gorjanc, et un autre qui est

 19   un expert de l'Accusation, Andrew Pringle. Les deux ont dit que dans une

 20   situation telle que décrite, à savoir trahison de la part des soldats

 21   musulmans, élargissement des territoires placés sous le contrôle de l'ABiH

 22   et risque de pertes de la totalité des territoires dans le secteur de

 23   Mostar est justifié sur un plan sécuritaire la prise d'une décision portant

 24   désarmement et isolement des soldats musulmans.

 25   Tirons maintenant nos conclusions au sujet de ce désarmement et cette mise

 26   en isolement des soldats musulmans. Nous estimons que c'est justifié pour

 27   plusieurs raisons. D'abord, un grand nombre de Musulmans avaient déserté

 28   les rangs du HVO pour rejoindre les rangs de l'ABiH. Deuxièmement, l'ABiH,


Page 520

  1   du fait de ces trahisons, a élargi son contrôle au niveau de certains

  2   territoires de la région de Mostar. Et troisièmement, le HVO était en

  3   position ou sous risque de perdre le contrôle à l'égard de la totalité de

  4   la région de Mostar. Nous estimons que, compte tenu de ces prémisses, il

  5   est logique est justifié, la nécessité de prendre des mesures sécuritaire

  6   qui s'imposaient. L'ordre de Petkovic était tout à fait légal. Il

  7   s'agissait d'un ordre qui a été donné partant d'un ordre émanant du

  8   commandant suprême du HVO. Deuxièmement, une décision a été prise

  9   consistant à désarmer et mettre en isolement les soldats propres à nos

 10   rangs. Et le temps passé dans des centre de détention, ce temps a été

 11   reconnu comme étant un temps passé dans les rangs d'une unité militaire,

 12   cela a été calculé double pour ce qui est des droits à la retraite, tout

 13   comme s'ils avaient été pendant ce temps-là au combat. Il s'agit du

 14   document 4D1466. La raison suivante, c'est aussi la suivante, il n'y a pas

 15   de réglementation qui interdirait à une armée de mettre en isolement ou

 16   désarmer ses propres soldats.

 17   Nous voulons indiquer, Messieurs les Juges, que la totalité des Défenses a

 18   procédé à la présentation des arguments pour dire que le droit humanitaire

 19   international ne s'applique pas sur les agissements qu'une armée entreprend

 20   à l'égard de ses propres forces. L'Accusation a évité de répondre

 21   s'agissant de ses positions et a trouvé une échappatoire pour dire que les

 22   soldats du HVO étaient des hommes ne faisant partie d'aucune armée. Alors,

 23   nous estimons que c'est tout à fait erroné et c'est tout à fait contraire

 24   au bon sens, que de considérer les soldats musulmans du HVO comme étant des

 25   hommes n'appartenant à aucune armée parce qu'à ce moment-là, cela avait été

 26   des soldats du HVO.

 27   Quelques mots maintenant au sujet d'un élément important, la mise en

 28   isolement des hommes musulmans dans les rangs du HVO. Nous allons vous


Page 521

  1   montrer ici un extrait des commentaires des conventions de Genève et des

  2   parties de jugement rendu dans l'affaire Kordic qui montrent de façon

  3   claire, à notre avis, que les hommes en âge de combattre ne sont pas a

  4   priori, ne sont pas des civils présumés, et il y a des raisons justifiées

  5   en matière de sécurité qui pourraient être mis en détention pour constater

  6   si c'est bel et bien des civils ou pas. Alors, si le statut de civils fait

  7   partie d'un élément constituant d'un crime, il faut prouver le statut de

  8   civil pour chaque personne qu'on affirme être un civil. Donc, juridiquement

  9   parlant, c'est tout à fait erroné que de définir un groupe de personnes

 10   comme étant des civils ou des non-civils, exception faite du fait de

 11   personnes âgées, de femmes ou d'enfants, bien entendu. Il convient donc de

 12   déterminer si un homme en âge de combattre est ou n'est pas un civil, parce

 13   que, nous le répétons, a priori ce n'est pas un civil.

 14   Nous voulons attirer votre attention sur l'examen fait par les Juges

 15   de la Chambre d'appel dans l'affaire Kordic, qui dit que le fait est que

 16   l'ABiH et le HVO étaient des armées qui se relayaient, ils passaient

 17   quelques semaines sur le champ de bataille et quelques semaines à la

 18   maison. Et les soldats qui se trouvaient à la maison en vêtements civils,

 19   sans armes, étaient en fait des membres de l'armée. Il en va de même pour

 20   ce qui est des membres de la Défense territoriale qui, par définition, se

 21   trouvent être dans leurs propres maisons. Nous estimons, Messieurs les

 22   Juges, que la décision prise par le général Petkovic consistant à mettre en

 23   isolement les hommes musulmans en âge de combattre se trouve être

 24   justifiée, parce qu'à l'époque, comme on l'a dit, l'ABiH avait lancé des

 25   opérations offensives contre le HVO et les hommes en âge de combattre

 26   étaient physiquement à même et juridiquement tenus de rejoindre les rangs

 27   de l'ABiH, chose qui constituait un risque sécuritaire aux yeux du HVO. La

 28   mise en isolement des hommes musulmans en âge de combattre était légale,


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  1   parce qu'il n'y a pas de loi qui interdirait l'internement d'hommes en âge

  2   de combattre parce que, comme je l'ai dit, l'on ne présume pas de leur

  3   statut de civil. Nous voulons toutefois souligner que cela ne signifie,

  4   bien entendu, pas que ces hommes-là doivent être mis en détention sans

  5   autre constatation de circonstances et autre élément. Il convient de

  6   déterminer si, oui ou non, il s'agit de civils. Ensuite, s'il s'agit de

  7   civils, il faut déterminer si ces civils constituent un risque sécuritaire

  8   ou pas. Et s'il s'agit de civils et s'ils ne constituent pas une menace ou

  9   un risque sécuritaire, ces hommes-là doivent être relâchés de la détention.

 10   Les hommes en âge de combattre, s'ils sont détenus, doivent être considérés

 11   comme étant des prisonniers de guerre, parce qu'ils étaient des conscrits

 12   militaires de l'ABiH et en leur qualité de conscrits militaires de l'ABiH,

 13   ils se trouvaient être une armée de réserve de cette ABiH. Nous l'avons

 14   exposé en long et en large dans notre mémoire en clôture, et je vais sauter

 15   donc cette partie. Je ne veux pas m'étendre davantage.

 16   Mais dans l'arrêt Kordic, cette décision n'a pas été considérée comme

 17   étant de nature discriminatoire, parce qu'elle ne se rapporte pas à la

 18   population musulmane tout entière, mais à un segment de cette population

 19   musulmane, à savoir hommes musulmans en âge de combattre que l'on ne

 20   présume pas être des civils et qui pourrait constituer un risque

 21   sécuritaire. Nous estimons donc, Messieurs les Juges, qu'il convient de

 22   faire une distinction entre la mise en détention initiale et la poursuite

 23   de la mise en détention. Petkovic entreprend ou prend ses responsabilités

 24   pour ce qui est d'une mise en détention initiale des soldats musulmans du

 25   HVO et des Musulmans en âge de combattre, partant d'une décision qu'il a

 26   prise à la date du 30 juin 1993. Son opinion a été celle d'affirmer que

 27   cette mise en détention était justifiée et légale. Mais il n'a pas eu

 28   compétence pour ce qui est de prendre des décisions sur le fait de savoir


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  1   s'il s'agit bel et bien de civils, s'ils doivent être gardés en détention

  2   ou pas. Et pour ce qui est des centres de détention en tant que tel, je ne

  3   m'aventure pas à examiner le sujet.

  4   En juillet 1993, Petkovic a demandé à être relevé de ses fonctions de

  5   chef de l'état-major du HVO, la raison est tout à fait simple. Ce qu'il a

  6   fait jusque-là cela avait été des tentatives de résoudre le problème par

  7   des négociations et des concertations. Mais cela n'était plus la façon de

  8   procéder pour ce qui est des problèmes avec l'ABiH. Donc il retourne au

  9   poste de chef de l'état-major de la Bosnie-Herzégovine en '94 après la

 10   signature des accords de Washington. Et nous voulons souligner que personne

 11   du côté musulman ou de l'une quelconque des parties prenantes à la

 12   communauté internationale n'a eu d'objection à formuler pour ce qui est de

 13   sa nomination à nouveau aux fonctions de chef d'état-major du HVO.

 14   Nous estimons donc que la Chambre de première instance ou la majorité des

 15   Juges de la Chambre a conclu de façon déraisonnable du fait que l'intention

 16   de Petkovic aurait été d'expulser la population musulmane de l'HZ HB ou HR

 17   HB. Nous estimons donc qu'il n'y a pas de conclusion raisonnable qui

 18   pourrait consister à dire que Petkovic avait eu l'intention d'expulser la

 19   population musulmane d'Herceg-Bosna, et nous estimons qu'il n'y a aucune

 20   responsabilité ou intention criminelle de la part de Petkovic pour ce qui

 21   est d'avoir eu l'intention de commettre un crime tel que reproché à

 22   l'intention criminelle ou l'entreprise criminelle commune.

 23   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez huit minutes encore.

 24   Mme ALABURIC : [interprétation] Pendant ces huit minutes, je me propose de

 25   répondre aux questions posées au sujet de ce qui a été présenté par écrit

 26   par la Défense de M. Stojic. Et nous allons ajouter quelques éléments pour

 27   ce qui est de trois questions : Gornji Vakuf, l'occupation, et la

 28   terrorisation [phon] des civils.


Page 524

  1   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Rectification. Il n'y a pas de mémoire

  2   présenté par écrit, à moins que je ne vous aie pas bien compris. A quoi

  3   avez-vous fait référence ?

  4   Mme ALABURIC : [interprétation] Je fais référence au document constituant

  5   squelette d'argument.

  6   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais vous pouvez peut-être

  7   considérer que c'est un mémoire, ce n'est pas un mémoire. Et je tiens à

  8   rectifier ce qui est [inaudible].

  9   Mme ALABURIC : [interprétation] Fort bien.

 10   Mais si quelqu'un prend lecture de ce qui s'y trouve, il verra de quoi il

 11   s'agit.

 12   Alors, Monsieur le Juge, il s'agit d'un rapport de Siljeg. Le document,

 13   c'est le 13 -- donnez-moi un instant, s'il vous plaît, voilà, 1351.

 14   Monsieur le Juge, P1351, nous voulons vous montrer le contexte parce que

 15   nous estimons que, s'agissant de ce contexte, vous allez mieux pouvoir

 16   faire la distinction de savoir de quoi il s'agit et comprendre l'importance

 17   de ce rapport. Alors il s'agit d'abord d'un rapport d'Arif Pasalic, ou,

 18   plutôt d'une lettre d'Arif Pasalic à l'intention de Halilovic datée du 19

 19   janvier 1993, où il est dit qu'ils se sont rencontrés avec la présence de

 20   mon client, M. Petkovic, et il a été convenu de donner des ordres de

 21   cessez-le-feu à Gornji Vakuf. Le même jour, le même ordre relatif à un

 22   cessez-le-feu est donné par Mate Boban, pièce P1211. Mate Boban, je le

 23   rappelle, est le commandant suprême du HVO.

 24   Transparent suivant. Le jour d'après, le 20 janvier, Petkovic et Pasalic

 25   donnent un ordre conjoint portant sur un cessez-le-feu. Il s'agit de la

 26   pièce P1238. Nous attirons votre attention sur l'alinéa 3 de cet ordre :

 27   "Créer une commission qui sera composée de trois membres du HVO et trois

 28   membres de l'ABiH afin de leur faire assurer le monitoring de cet ordre


Page 525

  1   pour résoudre tous les points de dispute avec l'assistance de la FORPRONU

  2   et la Commission européenne."

  3   Donc ce 20 janvier '93, c'est la période où les Juges de la Chambre ont

  4   estimé que c'était le début de la création de la mise en place d'un plan

  5   criminel de nettoyage ethnique. Malheureusement les combats ne cessent pas.

  6   Et le 24 janvier '93, une fois qu'ils ont appris à Genève que les combats

  7   n'avaient pas cessé en application des ordres donnés pour le commandant en

  8   chef, Petkovic donne un nouvel ordre de cessation de combat et de cessez-

  9   le-feu, il s'agit de la pièce P1286. Ensuite, Siljeg à la date du 25

 10   janvier donne un ordre de cessez-le-feu, je me réfère à la pièce P1300. Et

 11   c'est là que les conflits s'arrêtent.

 12   Le 27 janvier, il y a une déclaration conjointe faite par Izetbegovic et

 13   Boban, et je fais référence ici à la pièce P1329, où il est de nouveau

 14   question de la création d'un commandement conjoint. Et, par conséquent, un

 15   ordre a été donné pour Petkovic à la date du 28 janvier '93, pièce P1341,

 16   et un ordre a été donné par Arif Pasalic.

 17   C'est le contexte dans lequel Zeljko Siljeg envoie son rapport, et Mme

 18   Pinter a attiré votre attention hier sur le fait que dans ce rapport il est

 19   dit ce que les commissions chargées d'établir la situation de fait ont

 20   constaté ou a constaté dans les villages où il y a eu des combats. Partant

 21   de ce rapport, que mon client a bel et bien reçu, il s'est ensuivi une

 22   instruction qui porte la référence P1344 :

 23   "Tous nos extrémistes doivent être mis aux arrêts et en détention. Arrêter

 24   également les pilleurs de notre côté aussi…"

 25   Ceci est un rapport qui montre bien que l'on a essayé de déterminer quelles

 26   ont été les conséquences des activités de combat dans lesdits villages, on

 27   a consigné le nombre de personnes qui voulaient quitter lesdits villages,

 28   et on a exprimé auprès de la FORPRONU le souhait de s'en aller. Vous voyez


Page 526

  1   qu'il n'y a que deux villages qui sont abandonnés par un certain nombre de

  2   personnes sur le territoire de la municipalité de Gornji Vakuf; et les

  3   autres restent sur ce territoire de Gornji Vakuf. Nous estimons que ce

  4   rapport et ce document de Zeljko Siljeg montre bien que l'on s'est efforcés

  5   de déterminer la situation de faits, on s'est efforcés de résoudre les

  6   problèmes par des concertations et de façon pacifique, et le HVO a

  7   considéré que tous ceux qui avaient pillé ou commis des crimes ou des

  8   délits au pénal se devaient d'être mis aux arrêts et en détention.

  9   La terrorisation des civils, je vais être brève. Nous sommes d'avis qu'il

 10   s'agit là d'une intention particulière, et ce type d'intention

 11   particulière, elle se doit être constatée par les Juges de la Chambre pour

 12   chaque accusé de façon distincte. On ne peut pas parler d'intention

 13   particulière et tirer des conclusions et un jugement pour la totalité des

 14   accusés, comme on a essayé de le faire. Et l'intention spéciale ou

 15   particulière n'est pas sous-entendue, elle peut découler d'indices, comme

 16   on l'a dit dans l'arrêt Galic, paragraphe 104, mais ce type de conclusion

 17   se doit d'être tiré partant des faits. Et ce qui manque dans le jugement

 18   rendu à l'égard de mon client, c'est une définition explicite, et encore

 19   moins une constatation relative à une intention particulière à ce sujet.

 20   Si j'ai une minute, je vais parler du sujet d'occupation.

 21   L'INTERPRÈTE : Le Président hors micro.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons lever l'audience, et nous

 23   allons reprendre dans une demi-heure.

 24   --- L'audience est suspendue à 11 heures 33.

 25   --- L'audience est reprise à 12 heures 02.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien, merci. Bon après-midi.

 27   L'Accusation, à vous.

 28   M. SCHNEIDER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.


Page 527

  1   Todd Schneider pour le bureau du Procureur.

  2   Le jugement rendu en condamnation du général Petkovic se fonde, de façon

  3   tout à fait bonne, au contraire de ce que la Défense a prétendu.

  4   En sa qualité de chef d'état-major et de chef d'état-major adjoint du HVO,

  5   Petkovic a, de façon délibérée et significative, dirigé le nettoyage

  6   ethnique et une campagne qui avait pour objectif l'expulsion des Musulmans

  7   de Jablanica, en ordonnant de dissimuler les crimes de ses subordonnés.

  8   Tout ceci fait une liste non exhaustive de ce qu'il a fait pour réaliser

  9   l'entreprise criminelle commune.

 10   Pourquoi aurait-il agi ainsi s'il n'y avait pas d'objectif ou de plan

 11   criminel commun, comme l'a avancé la Défense aujourd'hui ? Comme l'a dit la

 12   Chambre de première instance dans ses conclusions, Petkovic était "un des

 13   membres les plus importants de l'entreprise criminelle commune." Jugement

 14   en première instance, tome 4, paragraphe 818. La Défense, aujourd'hui, n'a

 15   pas réussi à minimiser le caractère raisonnable de cette conclusion. Encore

 16   une fois, je vais reprendre la réponse de l'Accusation aujourd'hui en me

 17   concentrant sur ce qui a été contesté par la Défense aux moyens d'appel 3

 18   et 4 de leur mémoire en appel concernant la contribution et l'intention de

 19   Petkovic à l'entreprise criminelle commune.

 20   La Chambre, dans ses conclusions, a indiqué que Petkovic était membre de

 21   l'entreprise criminelle commune. Ceci était fondé sur un comportement

 22   criminel systématique de grande envergure et tenace, et ce, pendant toute

 23   la durée de la campagne de nettoyage ethnique. Petkovic a contribué à

 24   l'entreprise criminelle commune, et je vais me concentrer sur trois

 25   catégories essentielles : la planification et la direction des attaques et

 26   des crimes pour chasser la population musulmane en étant personnellement

 27   impliqué dans le fait de chasser les Musulmans et d'autres crimes, et de

 28   dissimuler les crimes de ses subordonnés, ou alors de fermer les yeux sur


Page 528

  1   ces crimes.

  2   Avant de parler de ces contributions, je vais tout d'abord répondre à

  3   certains arguments qui figurent dans leur mémoire en appel sur ses pouvoirs

  4   en tant que chef et chef adjoint de l'état-major principal du HVO. Je vais

  5   commencer par les pouvoirs de Petkovic sur les forces armées du HVO. La

  6   Défense a fait valoir dans ses mémoires que le général Petkovic était le

  7   chef et le chef adjoint de l'état-major principal du HVO, en haut de la

  8   chaîne de commandement militaire du HVO, et qu'il ne contrôlait absolument

  9   pas ses troupes. Ceci est tout simplement impossible, ce n'est pas

 10   plausible, compte tenu des éléments de preuve au dossier.

 11   Comme l'a constaté de façon raisonnable la Chambre de première instance,

 12   Petkovic exerçait un commandement et un contrôle effectif sur ses troupes.

 13   Tome 4, paragraphe 679. Cette conclusion a été largement étayée par les

 14   nombreux ordres, entre autres, donnés à ses troupes. Regardez cette liste

 15   que vous avez sous les yeux. Il s'agit d'une liste des ordres donnés par

 16   Petkovic et cités au tome 4, paragraphes 661 à 678, pour étayer la

 17   conclusion de la Chambre de première instance en vertu de laquelle il

 18   exerçait effectivement un commandement et un contrôle effectif. Plus de 80

 19   ordres ont été rassemblés ici, couvrant le déploiement et l'aptitude au

 20   combat, les opérations offensives, les inspections, les enquêtes et les

 21   questions disciplinaires. Le jugement est truffé d'exemples d'ordres de ce

 22   type, auxquels se sont conformées les personnes auxquelles cela était

 23   destiné. Tome 4, paragraphes 661 à 800.

 24   Donc, en réponse à l'argument de la Défense indiquant que les pouvoirs de

 25   Petkovic étaient limités, je vous renverrai à cette liste en guise de

 26   réponse. Lorsqu'ils font valoir que Mate Boban, le président et commandant

 27   suprême, détenait tous les pouvoirs réellement sur les forces armées,

 28   encore une fois, je vous renverrai à cette liste.


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  1   Et hormis cette liste, n'oubliez pas quel rôle Petkovic a joué dans les

  2   négociations au niveau international et avec l'ABiH, son rôle dans la mise

  3   en œuvre des cessez-le-feu ainsi que sa participation à des réunions

  4   stratégiques avec le président croate Franjo Tudjman, le général Ratko

  5   Mladic de la VRS, et d'autres personnes, tous ces éléments étayent, en

  6   outre, les conclusions de la Chambre de première instance sur la question

  7   de ses pouvoirs et de son contrôle effectif.

  8   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] On attire mon attention sur le fait que

  9   vous allez trop vite. Veuillez ralentir, s'il vous plaît.

 10   M. SCHNEIDER : [interprétation] Je m'excuse auprès des interprètes.

 11   Pour conclure la citation, il s'agit du tome 4, paragraphes 18, 676 à 684.

 12   La Défense a contesté plusieurs points liés aux pouvoirs de Petkovic. Je

 13   vais maintenant aborder deux de ces points, de ces questions. La Défense,

 14   en premier lieu, fait valoir qu'il a perdu le commandement et le contrôle

 15   lorsqu'il est devenu commandant adjoint au mois de juillet 1993. Encore une

 16   fois, il s'agit de la même liste que celle que j'ai citée auparavant, les

 17   ordres lorsqu'il était commandant adjoint et commandant. Ces ordres sont

 18   mis en exergue sur cette liste. Alors, quelques ordres que je vais prendre

 19   à titre d'exemple, cela inclut l'ordre portant sur le pilonnage de la ville

 20   de Mostar, il s'agissait d'utiliser les prisonniers pour des travaux forcés

 21   dangereux, et il fallait mener des enquêtes et ouvrir une enquête sur les

 22   questions disciplinaires; tous montrent que le commandement et le contrôle

 23   de Petkovic étaient toujours exercés par celui-ci lorsqu'il était chef

 24   adjoint, comme l'a constaté raisonnablement la Chambre de première

 25   instance, tome 1, paragraphes 748 à 755.

 26   Aujourd'hui, la Défense a fait valoir que Petkovic n'avait aucun pouvoir

 27   sur les centres de détention du HVO; les conclusions de la Chambre montrent

 28   le contraire.


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  1   Bien évidemment, il y a eu ces ordres illégaux concernant les travaux

  2   forcés dangereux sur lesquels je reviendrai plus tard. Mais il y a aussi

  3   d'autres ordres qu'il a donnés, il s'agissait de remettre en liberté les

  4   détenus et de réglementer le traitement des prisonniers. Tome 4,

  5   paragraphes 670 et 788 à 800.

  6   Pour être clair, les soi-disant remises en liberté étaient souvent un

  7   prétexte leur permettant de chasser les Musulmans et les ordres concernant

  8   les prisonniers ne permettaient pas de répondre des crimes généralisés

  9   commis dans les centres de détention. Néanmoins, cela montre qu'il exerçait

 10   un pouvoir sur les centres de détention.

 11   En résumé, les arguments de la Défense ne sont pas fondés lorsqu'elle

 12   avance que Petkovic n'avait aucun pouvoir sur ses troupes.

 13   Donc, parlons maintenant de la façon dont il usait de ses pouvoirs.

 14   Petkovic a planifié et ordonné les attaques et les crimes visant à chasser

 15   la population musulmane, une de ses nombreuses contributions qui démontrent

 16   que la Chambre a raisonnablement conclu qu'il était membre de l'entreprise

 17   criminelle commune. La Chambre a conclu que Petkovic avait engagé ses

 18   forces dans cinq municipalités, là où des crimes violents ont été commis

 19   par eux contre les Musulmans, dans le but de contribuer à la réalisation de

 20   l'entreprise criminelle commune, comme à Gornji Vakuf, Prozor et Jablanica,

 21   où ses troupes ont pilonné les villes, ont mis le feu aux foyers musulmans

 22   et ont contraint les Musulmans à partir, tout ceci en fonction d'un plan

 23   qui avait été préparé à l'avance; comme à Mostar, où il avait planifié et

 24   ordonné le pilonnage illégal et ses unités ont chassé de façon violente les

 25   Musulmans de leurs foyers; comme à Vares, lorsqu'il a envoyé des troupes

 26   qui étaient placées sous le contrôle d'Ivica Rajic, des dizaines de

 27   milliers de Musulmans ont été massacrés à Stupni Do, et d'autres crimes ont

 28   été commis. Tome 4, paragraphes 693 à 767.


Page 531

  1   La Défense, aujourd'hui, a contesté si ces cinq municipalités faisaient

  2   partie de l'entreprise criminelle commune. Nous avons répondu dans le

  3   détail dans notre mémoire en réponse aux contestations factuelles de la

  4   Défense sur ce point. La Défense, aujourd'hui, a ignoré le rôle qu'a joué

  5   Petkovic dans les crimes commis dans chacune de ces municipalités, et

  6   comment son rôle minimise leurs arguments aujourd'hui, à savoir qu'il était

  7   en faveur de négociations pour la paix. Tout d'abord, je vais reprendre

  8   deux points qui ont été contestés par la Défense. Tout d'abord, ils ont

  9   fait valoir que Petkovic n'a absolument pas participé à la planification et

 10   la direction des attaques en tant que tel et au fait de diriger les

 11   attaques. Et ils vous feraient croire que le chef ou le chef adjoint de

 12   l'état-major principal du HVO n'était absolument pas impliqué dans de

 13   quelconques opérations militaires couvrant cinq municipalités. La Chambre a

 14   raisonnablement constaté le contraire.

 15   A Gornji Vakuf, Prozor et Jablanica, dans chacune de ces municipalités, il

 16   a personnellement déployé des unités. Il a reçu des rapports au fur et à

 17   mesure des attaques. Il a ordonné aux combats de cesser. A Mostar, où c'est

 18   lui qui a planifié le pilonnage et l'état-major principal a pris le

 19   commandement et a défendu la ville. A Vares, où il a déployé les unités.

 20   Tome 4, paragraphes 691 à 764. Au vu de tout ce qui précède, la Chambre a

 21   raisonnablement constaté que Petkovic avait planifié et dirigé ces

 22   attaques.

 23   Un autre argument présenté par la Défense, une allégation en vertu de

 24   laquelle il n'avait pas l'intention de commettre ces crimes pendant et

 25   après ces attaques. Aujourd'hui, la Défense n'a pas fait valoir que

 26   Petkovic n'avait pas connaissance des crimes pendant et après ces attaques.

 27   En réalité, comme l'a constaté de façon raisonnable la Chambre, Petkovic a

 28   été informé régulièrement des crimes commis par ses subordonnés, tels que


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  1   la destruction de biens à Gornji Vakuf et à Jablanica, d'expulsions

  2   violentes à Mostar, pour ne vous citer que quelques exemples. Tome 4,

  3   paragraphes 710, 718 et 732.

  4   Au vu des éléments de preuve manifestes, Petkovic savait que les

  5   crimes de ses subordonnés commis pendant et après les attaques, la Défense,

  6   en lieu et place de cela, a soumis l'argument suivant. La Défense a indiqué

  7   qu'il n'y avait aucun lien, aucun rapport entre ces attaques et les crimes

  8   violents commis contre les Musulmans dans chaque municipalité, comme si

  9   tous ces crimes s'étaient déroulés de façon spontanée, en même temps. La

 10   Chambre a raisonnablement constaté le contraire, parce que la même chose

 11   s'est reproduite à nouveau et à nouveau, lorsque Petkovic a envoyé ses

 12   troupes, la destruction des foyers musulmans, les détentions illégales de

 13   civils musulmans, ainsi que d'autres crimes, le point culminant étant

 14   l'expulsion des Musulmans.

 15   Le lien est tout à fait manifeste entre les attaques et les crimes.

 16   Cela démontre qu'il était raisonnable pour la Chambre de constater que

 17   Petkovic avait l'intention de commettre les crimes pendant et après les

 18   attaques et que ces attaques et crimes faisaient partie du plan criminel

 19   commun. Tome 4, paragraphes 44 à 66 et 815.

 20   La participation de Petkovic à ces attaques qui avaient commencé en

 21   janvier 1993 réfute l'argument présenté par la Défense aujourd'hui, c'est-

 22   à-dire qu'avant le moins de juin 1993, ce qui intéressait Petkovic

 23   essentiellement, c'était un commandement conjoint entre son armée et

 24   l'ABiH. Ceci réfute l'argument en vertu duquel il cherchait simplement à ce

 25   qu'il y ait une alliance avec l'ABiH, entre le HVO et l'ABiH.

 26   Donc, je vais maintenant aborder le sujet suivant. Petkovic a

 27   participé personnellement à l'expulsion des Musulmans à commettre les

 28   crimes, parmi les nombreuses contributions qui montrent qu'il était membre


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  1   de l'entreprise criminelle commune, constatation raisonnable. Des exemples

  2   de son implication personnelle : il a organisé le déplacement forcé des

  3   Musulmans de Jablanica, il a ordonné des arrestations illégales et des

  4   détentions, il a planifié le pilonnage illégal de Mostar est, il a ordonné

  5   et autorisé que les prisonniers musulmans soient utilisés pour les travaux

  6   forcés illégaux. Confer, par exemple, le tome 4, paragraphe 723, 737, 750

  7   et 793.

  8   Aucun de ces points n'ont été réfutés par la Défense aujourd'hui, à

  9   l'exception du premier. Et ils ont noté rapidement le déplacement forcé des

 10   Musulmans à Jablanica. Petkovic a participé personnellement à l'expulsion

 11   de 450 femmes, enfants et personnes âgées musulmanes de Sovici à Doljani.

 12   La Défense a reconnu que Petkovic a participé au déplacement de ces civils,

 13   mais ils avancent que ceci a été fait pour des raisons humanitaires, parce

 14   que ces personnes souhaitaient partir.

 15   La Chambre a raisonnablement rejeté cette explication. Après tout,

 16   les victimes n'avaient pas d'autre choix en la matière et en grande partie

 17   dû à Petkovic lui-même. Parce qu'au moment où ces personnes ont été

 18   déplacées, les troupes de Petkovic avaient déjà incendié leur village et

 19   les avaient déjà détenues illégalement. Petkovic s'est ensuite rendu à

 20   Sovici et Doljani le 4 mai, accompagné de Pusic et d'autres personnes. Il a

 21   vu les maisons incendiées. Il a constaté les conditions déplorables de

 22   détention à l'école de Sovici. Donc, lorsque Petkovic, par l'intermédiaire

 23   de ses ordres avait pris les dispositions nécessaires pour que ces civils

 24   soient expulsés et soient transportés à bord d'autocars et sont partis de

 25   l'école pour aller à d'autres endroits, il savait où ils étaient détenus et

 26   il n'y avait aucune illusion à avoir sur le fait qu'ils partaient de leur

 27   plein gré.

 28   Rappelez-vous du résultat : Il ne restait plus un seul Musulman à


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  1   Sovici et dans la vallée de Doljani, comme l'a rapporté un témoin. Tome 2,

  2   paragraphe 614; tome 4, paragraphes 717 à 724 et 1100 à 1101 [comme

  3   interprété].

  4   Jablanica constitue une preuve irréfutable qui montre la Chambre de

  5   première instance a raisonnablement constaté que Petkovic avait l'intention

  6   de chasser la population musulmane.

  7   J'aimerais à présent passer à un deuxième exemple de la participation

  8   personnelle de Petkovic que la Défense avait remise en question

  9   aujourd'hui.

 10   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Le Juge Meron a une question.

 11   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui. Merci, Maître, de vos

 12   argumentations. J'entends ce que vous dites s'agissant de l'expulsion, et

 13   cetera, mais j'aimerais que vous me donniez davantage de précisions sur ce

 14   que le conseil de M. Petkovic a dit tout à l'heure, à savoir que dans le

 15   contexte de l'entreprise criminelle commune en vue d'un nettoyage ethnique

 16   et, qu'en fait, compte tenu de la composition démographique de plusieurs

 17   emplacements qui n'a pas changé, on pourrait tirer la conclusion selon

 18   laquelle il n'y a pas eu de nettoyage ethnique.

 19   J'aimerais avoir votre point de vue en la matière.

 20   M. SCHNEIDER : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Juge. Donnez-

 21   moi un instant.

 22   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, le Juge Meron, m'a volé la

 23   question de la bouche. Je voulais la poser également, car elle est très

 24   pertinente.

 25   M. SCHNEIDER : [interprétation] S'agissant des arguments présentés par la

 26   Défense sur la composition démographique qui n'a pas changé et sur le fait

 27   qu'il n'y a pas eu de nettoyage ethnique, Messieurs les Juges, je voudrais

 28   tout d'abord vous dire que la composition ethnique dans la municipalité n'a


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  1   pas besoin d'être modifiée pour que la Chambre de première instance conclut

  2   que les crimes au sein de cette municipalité faisaient partie de cet

  3   objectif criminel commun. Comme l'arrêt Djordjevic l'a mentionné au

  4   paragraphe 154, l'existence d'un objectif criminel commun ne dépend pas de

  5   la preuve que cet objectif ait été atteint. Donc, en l'espèce, la Chambre

  6   de première instance n'avait pas besoin de savoir ou de déterminer combien

  7   de Musulmans avaient été expulsés de façon forcée dans une municipalité

  8   pour conclure que les crimes au sein de cette municipalité faisaient partie

  9   de l'objectif criminel commun. La Chambre de première instance s'est fondée

 10   sur les informations qu'elle avait s'agissant des crimes commis par le HVO

 11   dans différentes municipalités pour conclure qu'au sein de toutes ces

 12   municipalités ces crimes commis faisaient partie de l'objectif criminel

 13   commun. De plus, au bout du compte, la composition ethnique de l'Herceg-

 14   Bosna a changé étant donné que des dizaines de milliers de Musulmans ont

 15   été déplacés de façon forcée d'Herceg-Bosna par les forces du HVO, et nous

 16   avons pu trouver toutes ces constatations dans le mémoire en réponse de

 17   l'Accusation au paragraphe 43, réponse aux arguments de Petkovic.

 18   Je vais reprendre à présent, Messieurs les Juges, ce que je disais tout à

 19   l'heure si cette réponse vous satisfait.

 20   Je vous disais qu'un autre exemple de la participation personnelle de

 21   l'accusé pour contrer l'argument de la Défense d'aujourd'hui est le

 22   suivant, le 30 juin 1993, l'accusé a ordonné quelque chose qui a donné lieu

 23   aux arrestations illégales et aux détentions de milliers d'hommes

 24   musulmans, qui ont ensuite été terriblement maltraités dans les centres de

 25   détention du HVO.

 26   La Défense fait valoir aujourd'hui que cet ordre a été exécuté de

 27   façon correcte et qu'il était logique. Et la Défense s'est concentrée sur

 28   l'attaque de l'ABiH le 30 juin 1993 et la façon dont cet ordre a été


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  1   délivré le même jour. La Défense s'est concentrée sur la façon dont il

  2   avait instruit et donné instructions selon lesquelles les femmes et les

  3   enfants musulmans devaient rester chez eux. La Défense n'a absolument pas

  4   parlé de ce qui s'est passé avant ou après cet ordre. La Défense a oublié

  5   de dire qu'au moment où l'ordre a été donné, Petkovic avait déjà planifié

  6   et dirigé les opérations dans deux autres municipalités, Gornji Vakuf et

  7   Jablanica, où ses troupes avaient arrêté illégalement des Musulmans. La

  8   Défense n'a pas expliqué la façon dont des milliers de Musulmans, hommes,

  9   ont été rassemblés suite à cet ordre et ont été abusés et maltraités une

 10   fois qu'ils sont rentrés dans les centres de détention du HVO. La Défense

 11   n'a pas expliqué comment des femmes et des enfants musulmans ont été

 12   rassemblés également et ensuite expulsés pendant les opérations du HVO qui

 13   ont eu lieu dans les mêmes municipalités au même moment. On ne parle pas de

 14   contexte global, mais s'il s'agissait d'un ordre adéquat de la part de

 15   Petkovic, s'il s'agissait uniquement d'une mesure temporaire, d'une réponse

 16   complètement fallacieuse à l'attaque de l'ABiH, on s'attendrait logiquement

 17   à voir que des milliers d'hommes musulmans rassemblés pour être mis dans

 18   des centres de détention auraient été traités de façon humaine et adéquate.

 19   Mais tout cela n'a pas eu lieu. Les deux groupes visés par cet ordre, les

 20   hommes en âge de porter les armes, des Musulmans, les membres du HVO

 21   musulmans ont été arrêtés, détenus avec d'autres prisonniers musulmans, ils

 22   ont été roués de coups, on les a gardés dans des conditions horribles et on

 23   les a forcés à travailler sur les lignes de front. Et au bout du compte,

 24   ils ont été expulsés d'Herceg-Bosna. Je vous renvoie là aux constatations

 25   dans notre mémoire en réponse, paragraphe 152. Prouver que l'ordre de

 26   Petkovic citait à la fois ces deux groupes, tout cela, pardon -- tout cela

 27   montre que l'ordre de Petkovic ciblait ces deux groupes parce que ce groupe

 28   était composé de Musulmans, et que cela faisait partie de la campagne de


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  1   nettoyage ethnique.

  2   J'aimerais à présent passer aux arguments de la Défense pour chaque

  3   groupe. Tout d'abord, les hommes, les Musulmans en âge de porter les armes.

  4   Parfois, on parle d'hommes en âge de faire le service militaire. La Défense

  5   fait valoir que ces hommes étaient des membres de l'ABiH, et qu'ils

  6   menaçaient de façon légitime la sécurité, donc leurs arrestations et

  7   détention étaient tout à fait justifiées. Les Musulmans en âge de porter

  8   les armes n'étaient pas des membres d'une force armée, c'étaient des

  9   civils. L'appel généralisé à la mobilisation en Bosnie sur lequel s'appuie

 10   la Défense ne suffisait pas, à lui seul, pour que les Musulmans en âge de

 11   porter les armes de l'ABiH soient traités de cette façon-là. Dans le pire

 12   des cas, cet appel à la mobilisation les aurait constitués dans les

 13   réserves, des conscrits comme la Défense les a appelés.

 14   Pour faire partie de l'ABiH, pour perdre le statut civil, une étape

 15   supplémentaire était nécessaire. Les Musulmans en âge de porter les armes

 16   devaient être incorporés dans d'autres forces armées. Tome 3, paragraphes

 17   618 à 620.

 18   Et la Défense s'est fondée simplement sur un élément pour conclure

 19   qu'il s'agissait de membres des forces armées.

 20   Etant donné que les Musulmans en âge de porter les armes étaient des

 21   civils, leurs conditions de détention devaient répondre aux conditions

 22   posées s'agissant des civils dans les prescrits du droit humanitaire

 23   international. Ce qui veut dire qu'on ne pouvait pas tout simplement les

 24   rassembler et les mettre dans le même panier. Chaque Musulman arrêté devait

 25   avoir la possibilité de remettre en question ces conditions de détention

 26   sur une base individuelle. Et comme la Chambre d'appel l'a rappelé, dans

 27   l'affaire Stanisic et Zupljanin, il faut apprécier chaque condition de

 28   détention par civil et voir s'il y a un risque posé à la sécurité.


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  1   Les Musulmans n'ont pas -- cette situation n'a pas été appréciée pour

  2   les Musulmans. On a abusé d'eux, et ceci confirme que leur arrestation et

  3   leur détention faisaient partie de cet ECC.

  4   J'aimerais à présent passer à la façon dont la Défense a essayé de

  5   nous donner des informations sur l'autre groupe ciblé par l'ordre, c'est-à-

  6   dire les membres musulmans du HVO. En résumé, l'Accusation pense et estime

  7   que la Chambre de première instance n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle les

  8   a classés dans la catégorie des personnes protégées au titre de la

  9   quatrième convention de Genève. A ce moment-là, lorsqu'ils étaient détenus,

 10   ils étaient, en fait, entre les mains des ennemis et étaient normalement

 11   couverts par les protections subsidiaires de la quatrième convention de

 12   Genève.

 13   La Défense a aussi présenté un autre argument aujourd'hui, à savoir

 14   que Petkovic savait ou n'était pas au courant, pardon, de l'ordre

 15   d'arrestation en masse. Même s'il n'a pas été mis en œuvre de façon légale,

 16   nous estimons que Petkovic pensait, était au courant de tout cela. Et j'ai

 17   déjà parlé de la façon dont Petkovic avait planifié les opérations pendant

 18   lesquelles ces troupes ont arrêté de façon illégale des Musulmans. Au

 19   moment où cet ordre d'arrestation en  masse a été passé, il avait été

 20   informé de façon répétée du fait que les forces du HVO avaient été en train

 21   de détenir de façon illégale et abusive des prisonniers musulmans. Petkovic

 22   avait également vu cela de ses propres yeux un mois auparavant, à l'école

 23   de Sovici.

 24   J'aimerais à présent vous donner un autre exemple de la participation

 25   personnelle de Petkovic que la Défense a remise en question aujourd'hui. 

 26   Il a planifié et ordonné le pilonnage illégal de l'est de Mostar. La

 27   Défense ne remet en question le fait que les crimes ont été commis par

 28   bombardement. Il s'agit là de la réplique au paragraphe 61, mais la Défense


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  1   fait valoir que Petkovic n'avait pas planifié ni ordonné aucune de ces

  2   actions. Et là encore, c'est le même argument. Il n'avait pas autorité pour

  3   donner ces ordres. La Chambre de première instance a, de façon tout à fait

  4   raisonnable, rejeté cette allégation. Petkovic était chargé des forces du

  5   HVO, notamment l'artillerie pendant tout le bombardement illégal de l'est

  6   de Mostar. Et comme je l'ai déjà abordé tout à l'heure, Petkovic avait le

  7   commandement sur toutes les forces du HVO. Egalement, comme je l'ai dit

  8   tout à l'heure, il exerçait le commandement sur les forces du HVO à Mostar.

  9   Effectivement, l'état-major principal a repris le commandement de la

 10   défense de la ville.

 11   Petkovic avait particulièrement autorité sur les éléments

 12   d'artillerie du HVO. Par exemple, le régiment d'artillerie de Siroki Brijeg

 13   qui était sous le commandement direct de l'état-major principal du mois

 14   d'août au mois de décembre 1993. Ce régiment a dirigé ses tirs sur Mostar,

 15   notamment le vieux pont en septembre 1993. Tome 2, paragraphe 1350.

 16   Petkovic a également exercé son autorité sur l'artillerie du HVO. Par

 17   exemple, il a délivré des ordres s'agissant de l'artillerie du HVO au mois

 18   de mars et au mois de novembre 1993. Volume 4, tome 4, paragraphes 745 et

 19   746.

 20   La Défense également a remis particulièrement en question l'ordre du mois

 21   de novembre de Petkovic, qui a donné lieu à la destruction du vieux pont,

 22   j'aimerais me concentrer là-dessus. Le 8 novembre 1993, Petkovic a ordonné

 23   que le HVO "bombarde la ville de Mostar de façon sélective à plusieurs

 24   intervalles." Ses forces ont exécuté cet ordre. Et un char du HVO a

 25   délibérément ciblé la vieille ville, notamment en tirant sur le vieux pont

 26   jusqu'à sa destruction le 8 novembre. Le char a ensuite poursuivi ses tirs

 27   sur le pont le 9 jusqu'à son effondrement. Tome 4, paragraphes 746, 756; et

 28   tome 2, paragraphes 1306 à 1366.


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  1   La Défense a fait valoir que Petkovic n'avait jamais délivré cet ordre.

  2   Mais si l'on lit cet ordre, on voit que c'est tout le contraire. Il s'agit

  3   là de l'ordre, vous l'avez à l'écran, Messieurs les Juges, il s'agit de la

  4   pièce P6534, et je cite ici le tome 4, paragraphe 746. Regardez la partie

  5   signature : Milivoj Petkovic. C'est sans appel. La Défense a essayé

  6   d'éviter cette inscription sur la page et affirme, qu'il n'y a pas de

  7   signature. Mais c'est uniquement dû au fait que cette version de l'ordre a

  8   été envoyée par voie électronique. Les documents envoyés de cette façon-là

  9   n'ont jamais de signature. Tome 1, note de bas de page 1 712. La Défense

 10   affirme également que Petkovic ne se trouvait pas à Citluk, l'endroit d'où

 11   l'ordre a été passé. Mais comme les Juges de la Chambre de première

 12   instance l'ont conclu, Petkovic a délivré cet ordre à distance. Et, au

 13   moins, un autre ordre de Petkovic a aussi été rendu à distance. Voir les

 14   constatations tome 2, paragraphes 607 et 1301. Cet ordre émanait de

 15   Petkovic.

 16   J'aimerais à présent vous donner encore un exemple de la participation

 17   personnelle de Petkovic que la Défense a totalement balayé de la main

 18   aujourd'hui. Ses ordres illégaux concernant les travaux forcés et les

 19   autorisations. Au moins trois ordres similaires en juillet et en août 1993

 20   ont été délivrés. Et au moins cinq autorisations similaires au mois

 21   d'octobre. La Défense affirme que ce qu'il a fait que ses actes n'étaient

 22   pas clairement illégaux et ajoute que ses ordres n'étaient pas en fait des

 23   ordres. Je vais passer en revue chaque argument.

 24   Tout d'abord, la Défense fait valoir que les travaux forcés dangereux dans

 25   ce contexte-là, n'étaient pas clairement illégaux, qu'il y avait une

 26   certaine ambiguïté dans la législation, et que Petkovic avait agi de bonne

 27   foi lorsqu'il avait ordonné et autorisé ces travaux.

 28   Non. Ce qu'il a fait était clairement illégal. Parce qu'il a forcé des


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  1   prisonniers à travailler sur les lignes de front, ce qui, en soi, est

  2   dangereux et, qui plus est, est interdit au titre du droit international.

  3   Voire le tome 1, paragraphes 155 à 164, citant les articles pertinents des

  4   conventions de Genève.

  5   Petkovic avait connaissance de cela à l'époque.

  6   Vous avez à présent à l'écran la pièce P2950, que nous avons citée dans

  7   notre mémoire en réponse au paragraphe 249. Il s'agit d'une lettre datée du

  8   mois de juin 1993, lettre du CICR adressée à Petkovic et à d'autres

  9   destinataires concernant les prisonniers que le HVO a envoyé travailler à

 10   des emplacements assez dangereux. 

 11   "Une telle pratique est une infraction grave, le mot anglais ici est

 12   erroné, ça devrait être "breach" et pas "break". Toutes mes excuses,

 13   Messieurs les Juges, je vois que le document n'est pas à l'écran,

 14   j'attendais que le petit problème technique soit réglé. Donc je reprends ma

 15   citation.

 16   "Une telle pratique est une infraction grave aux conventions de Genève.

 17   Elle est inacceptable et doit être arrêtée immédiatement."

 18   Petkovic a reçu cette lettre juste trois semaines seulement avant son ordre

 19   du 15 juillet pour que les prisonniers soient envoyés sur les lignes de

 20   front.

 21   Donc il y a aucune ambiguïté ici cette pratique est illégale et Petkovic

 22   avait connaissance de cela.

 23   Autre argument de la Défense. La Défense a fait valoir que les ordres de

 24   Petkovic n'étaient pas vraiment des ordres et que les prisonniers avaient

 25   été envoyés sur les lignes de front pour effectuer des travaux. Mais que

 26   cela n'était pas vraiment un ordre. C'est tout à fait faux. Regardons l'un

 27   de ces documents.

 28   L'ordre du 8 août de Petkovic discuté au tome 4, paragraphe 800. Au point 1


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  1   on peut lire : "Fortifier les lignes atteintes immédiatement. Les

  2   prisonniers et les Musulmans détenus peuvent être utilisés pour fortifier

  3   ces lignes."

  4   Rappelez-vous que Coric a fait exécuter ou a exécuté cet ordre. 100 détenus

  5   musulmans ont été envoyés pour réaliser des travaux forcés sur les lignes

  6   de front conformément à l'ordre donné par Petkovic. Tome 4, paragraphes 800

  7   et 801.

  8   Les ordres de Petkovic du mois de juillet sont aussi clairs. Dans chacun de

  9   ces ordres, il a exigé que les prisonniers soient utilisés pour renforcer

 10   ou fortifier les lignes de défense. Tome 4, paragraphe 790.

 11   Au vu de ces éléments de preuve, il était plus que raisonnable que la

 12   Chambre de première instance conclut que Petkovic avait ordonné

 13   illégalement et autorisé les prisonniers à travailler sur les lignes de

 14   front. Tome 4, paragraphes 790 à 802.

 15   En agissant ainsi, il a contribué directement à "l'emploi généralisé et

 16   quasi systématique" des détenus sur les lignes de front afin qu'ils

 17   effectuent des travaux forcés ou qu'ils soient utilisés comme boucliers

 18   humains, ce qui a eu pour résultat leur meurtre ou exaction. Tome 4,

 19   paragraphe 66. En réalité, la Chambre de première instance a conclu qu'au

 20   moins 33 prisonniers ont été tués lors des travaux forcés ou sont morts

 21   lors des travaux forcés. Tome 3, paragraphes 676 et 683.

 22   Il est donc très peu surprenant de constater que ces travaux forcés

 23   illégaux étaient omniprésents, très répandus compte tenu du fait que ces

 24   ordres venaient d'en haut, à savoir de Petkovic lui-même.

 25   Je vais maintenant aborder un nouveau sujet. Petkovic a dissimulé les

 26   crimes de ses subordonnés ou alors il a fermé les yeux sur leurs crimes.

 27   Une autre parmi tant d'autres de ses contributions qui montrent que la

 28   Chambre de première instance a raisonnablement conclu que Petkovic était


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  1   membre de l'entreprise criminelle commune. Petkovic garantissait l'impunité

  2   de ses subordonnés pour les crimes qu'ils commettaient de différentes

  3   manières.

  4   Comme dans le cas du massacre de Stupni Do en octobre 1993, lorsque

  5   Petkovic a ordonné un simulacre d'enquête et a aidé Ivica Rajic à rester au

  6   sein du HVO sous un faux nom.

  7   Comme à Jablanica, lorsqu'il a ordonné à ses troupes de bloquer le passage

  8   des observateurs internationaux et des convois internationaux de façon à ce

  9   que ces derniers ne puissent pas se rendre dans les villages détruits.

 10   Comme dans le cas du Bataillon des condamnés de Tutu et du Régiment de

 11   Bruno Busic, où il a cessé d'utiliser les services de ses hommes tout en

 12   sachant qu'ils étaient au courant des crimes commis contre les Musulmans.

 13   Tome 4, paragraphes 721, 777, et 804.

 14   Encore une fois, la Défense a contesté chacun de ces points aujourd'hui.

 15   Je vais les aborder. Tout d'abord, commencer par le premier, la

 16   dissimulation eu égard à Stupni Do. Lorsque la Défense a parlé de crimes

 17   commis et en indiquant que Petkovic a joué aucun rôle s'agissant de leur

 18   dissimulation. Rappelant les faits pertinents. Les subordonnés de Petkovic,

 19   dirigés par Ivica Rajic, ont tués 28 résidents musulmans et ont détruit

 20   leurs foyers dans le village, après quoi Petkovic a ordonné une enquête

 21   dans les massacres, pour calmer la communauté internationale. Mais le même

 22   jour, il a envoyé un message à Rajic et l'a appelé pour lui expliquer que

 23   l'enquête était une simple formalité; autrement dit, un simulacre. Tome 3,

 24   paragraphes 480 et 484.

 25   La Défense aujourd'hui a avancé que Petkovic n'a pas ordonné  un

 26   simulacre d'enquête. Ils ont essayé simplement de trouver des failles dans

 27   la déposition du Témoin EA à ce sujet. Parce que sa déposition sur le sujet

 28   était corroboré, et ce, de façon importante par les autres éléments de


Page 544

  1   preuve.

  2   J'ai rassemblé en fait ces différents éléments de preuve dans un

  3   ordre chronologique, cela montre ce qui s'est passé entre le massacre du 23

  4   octobre 1993 et le mois de décembre 1993. Premier lieu, Petkovic était

  5   l'auteur d'un message envoyé à Rajic au sujet de ce simulacre d'enquête.

  6   Ici, vous pouvez voir par vous-même la note manuscrite. L'ordre portant sur

  7   l'enquête est une simple formalité.

  8   Passons maintenant à la chronologie des événements. Et ensuite le

  9   procureur militaire adjoint de Travnik qui a tenté d'ouvrir une enquête,

 10   mais les brigades locales du HVO n'ont absolument pas coopéré en la

 11   matière. Troisièmement, Rajic a envoyé deux rapports à Petkovic, aucun de

 12   ces deux rapports n'a clairement indiqué ce qui s'est passé lors du

 13   massacre. Et finalement, Rajic a pris un faux nom et a continué à servir

 14   dans les rangs du HVO malgré le fait que Petkovic et d'autres personnes

 15   avaient connaissance de sa participation dans les meurtres et autres

 16   crimes. Ces éléments de preuve sont cités au tome 3, paragraphes 480 à 495.

 17   Petkovic a même reconnu qu'il avait connaissance du faux nom de Rajic. Au

 18   vu de tous ces éléments de preuve, la Chambre de première instance s'est

 19   raisonnablement fondée sur la déposition du Témoin EA lorsqu'elle a conclu

 20   que Petkovic avait ordonné un simulacre d'enquête.

 21   Je vais maintenant passer à un autre exemple de la dissimulation par

 22   Petkovic des crimes commis à Jablanica. Rappelez-vous que Petkovic a

 23   planifié et dirigé l'attaque et les crimes dans cette localité. Par la

 24   suite, il a ordonné à ses troupes de bloquer le passage des observateurs et

 25   convois internationaux afin de dissimuler les crimes que le HVO avait

 26   commis à Sovici et à Doljani. Tome 4, paragraphe 721.

 27   Aujourd'hui, la Défense ne nie pas le fait que le HVO avait bloqué

 28   l'accès aux représentants de la communauté internationale. Ils ont même


Page 545

  1   reconnu qu'un ordre de l'état-major principal existait à cet effet, daté du

  2   24 avril, aux fins de bloquer les convois internationaux, de les empêcher

  3   de passer dans Jablanica. Au lieu et place de cela, ils ont essayé de faire

  4   porter la responsabilité à d'autres personnes, en affirmant que cet ordre

  5   de l'état-major principal n'émanait pas de Petkovic lui-même parce qu'il

  6   n'était pas dans le pays à l'époque.

  7   La Chambre a conclu raisonnablement que cet ordre émanait

  8   effectivement de Petkovic, fondé sur le fait que Petkovic avait planifié et

  9   dirigé l'attaque de Jablanica, compte tenu de la connaissance qu'il avait

 10   des crimes commis pendant et après l'attaque en question, en se fondant sur

 11   le fait que Petkovic à l'époque était chef d'état-major au moment où

 12   l'ordre a été donné. Tome 4, paragraphe 721.

 13   Je souhaite simplement ajouter que les conclusions de la Chambre

 14   ailleurs montrent que Petkovic pouvait donner des ordres même s'il n'était

 15   pas dans le pays, comme depuis Genève, comme cela a été le cas au mois de

 16   janvier 1993. Tome 2, paragraphe 393. Au vu de tous ces éléments, la

 17   Chambre a raisonnablement conclu que Petkovic avait ordonné la

 18   dissimulation de ce qui avait été commis à Jablanica.

 19   Donc, je vais maintenant vous citer un autre exemple de cette

 20   dissimulation, il a fermé les yeux sur ce qui s'est passé. La Défense a dit

 21   que ce n'est pas lui qui a fait cela. Et dans le détail, ils l'ont expliqué

 22   longuement dans leurs mémoires et ont donné la liste de ces ordres, ils

 23   avancent que ceci avait été conçu pour empêcher les crimes, pour être

 24   conformes aux lois de la guerre, et pour protéger les civils. La vérité est

 25   que Petkovic a protégé ses hommes avec ces dissimulations. Comme l'ont

 26   indiqué les ordres cités par la Défense, il n'y avait aucun élément

 27   important, aucune trace de vérité dans cela. Il s'agissait simplement de

 28   quelque chose qui a été écrit sur le papier comme le démontrent les actions


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  1   qui en ont résulté. Plus particulièrement, il a déployé de façon

  2   régulièrement et eu recours aux unités du HVO alors qu'il savait qu'ils

  3   avaient commis des crimes contre les Musulmans. Comme le Régiment de Bruno

  4   Busic, comme le Bataillon des condamnés de Mladen Naletilic, également

  5   connu sous le nom de Tuta. Il s'agit simplement d'une liste non exhaustive

  6   de ces unités.

  7   Je vais parler en fait ce que conteste plus particulièrement la

  8   Défense s'agissant de ces deux unités auxquelles Petkovic a eu recours à

  9   Gornji Vakuf, Jablanica, et Mostar. A commencer par le Régiment de Bruno

 10   Busic. La Défense reconnaît qu'il pouvait les déployer et utiliser cette

 11   unité. Mémoire en appel, paragraphes 231, 239. Leur argument aujourd'hui

 12   consiste à dire que Petkovic n'était pas au courant des crimes commis par

 13   le régiment. Ceci laisse de côté les éléments de preuve sur lesquels la

 14   Chambre de première instance s'est raisonnablement fondée. Il avait déployé

 15   personnellement ces régiments lors des deux attaques à Gornji Vakuf et à

 16   Jablanica. Il savait qu'il existait des crimes de grande échelle commis par

 17   ses forces à l'encontre des Musulmans pendant et après ces attaques. Il a

 18   donné l'ordre particulier au Régiment de Bruno Busic d'utiliser les détenus

 19   de l'Heliodrom pour du travail forcé illégal. Tome 4, paragraphes 809 à

 20   811.

 21   Et j'aimerais à cet égard justement vous parler brièvement et ouvrir

 22   une parenthèse sur la question que vous avez posée.

 23   La Défense, justement, dit que Petkovic avait délivré un ordre qui se

 24   trouve à la pièce P1344, pour justement traiter avec les crimes de

 25   Jablanica -- pardon, ma langue a fourché, Gornji Vakuf. La Chambre de

 26   première instance a raisonnablement rejeté cette interprétation de l'ordre

 27   de Petkovic, repris à la pièce P1344, et a conclu que son utilisation

 28   constante de ce régiment, le Régiment de Bruno Busic, prouve que cet ordre


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  1   cité par la Défense aujourd'hui n'avait pas l'intention de punir ni de

  2   mettre fin aux crimes à l'encontre des Musulmans. Tome 4, paragraphe 709.

  3   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vois que vous regardez l'heure et

  4   que vous le faites depuis un petit moment. Il vous reste dix minutes.

  5   M. SCHNEIDER : [interprétation] Merci.

  6   Alors mon point suivant est le Bataillon des repris de justice de Tuta et

  7   les groupes antiterroristes. Ici, on peut démonter l'argument de la Défense

  8   facilement. La Défense a accepté qu'il avait connaissance des crimes de son

  9   unité. Mémoire en appel paragraphe 257. Leur argument d'aujourd'hui

 10   consistait à dire qu'il n'avait aucune autorité sur ce bataillon. Et qu'il

 11   ne l'avait pas déployé ni utilisé ce bataillon. Là encore, ceci laisse de

 12   côté les éléments de preuve qui ont étayé les constatations de la Chambre.

 13   Tout d'abord, que le Bataillon des condamnés de Tuta et de ces groupes

 14   antiterroristes abrégés en GAT, ci-après, se trouvaient explicitement au

 15   sein de la filière hiérarchique du HVO. Tome 1, paragraphes 815 à 829.

 16   J'aimerais à présent vous donner un exemple concret. L'ordre de Petkovic,

 17   la pièce P3128, du 2 juillet 1993, cité au volume 1, paragraphe 828, dans

 18   lequel Petkovic a ordonné "Le GAT de Mostar (du GAT de Tuta)" devait être

 19   utilisé dans le cadre de la défense de la ville de Mostar. "Le GAT de

 20   Mostar." Page 2 de cette pièce.

 21   La Défense aujourd'hui a remis en question cet ordre, elle l'a contesté. La

 22   Défense a fait remarquer que Stojic avait cosigné cet ordre comme si d'une

 23   façon ou d'une autre l'autorité de Petkovic est un petit peu diluée sur ces

 24   GAT. La Défense n'a pas pris en compte les ordres de Petkovic et de l'état-

 25   major principal s'agissant du Bataillon des repris de justice et de cet GAT

 26   qui ne contiennent aucune signature de Stojic. Ceci est repris dans notre

 27   mémoire en réponse au paragraphe 125.

 28   Quoi qu'il en soit, l'argument de la Défense passe à côté de l'essentiel.


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  1   L'essentiel étant que Petkovic avait la volonté de continuer à utiliser les

  2   troupes de Tuta à Mostar malgré le fait qu'il avait connaissance des

  3   crimes. Cet ordre est la pièce P3128, du 2 juillet 1993. Seulement trois

  4   semaines après que l'on a informé Petkovic que des membres d'un GAT avait

  5   violé, abusé et expulsé des Musulmans de Mostar. Seulement trois mois après

  6   que Petkovic a été informé du fait que Tuta et que son Bataillon avaient

  7   incendié les maisons de Musulmans à Jablanica et avaient commis d'autres

  8   crimes. Tome 4, paragraphes 718 à 719, et 732.

  9   L'essentiel, ici aussi, c'est aussi ce qu'il s'est passé après cet ordre.

 10   Les membres du Bataillon de Tuta et son GAT ont continué à commettre des

 11   crimes à l'encontre des Musulmans à Mostar pendant le reste de l'année 1993

 12   et encore en 1994, expulsions violentes, vols, viols, et attaques, rouages

 13   de coups des détenus, assassinats ou meurtres de détenus en les forçant à

 14   servir de boucliers humains, violences sexuelles. Tome 2, paragraphes 977 à

 15   987, 1609 à 1633.

 16   Un exemple patent de la façon dont Petkovic a ignoré les crimes de ses

 17   subordonnés et encouragé la commission de plus de crimes à l'encontre des

 18   Musulmans, et la Chambre de première instance s'est fondé là-dessus à juste

 19   titre. Tome 4, paragraphe 816.

 20   Je pense qu'il est temps de passer à ma conclusion s'agissant des

 21   contributions de Petkovic et de son intention, Messieurs les Juges, en

 22   raison de la dissimulation de Petkovic du fait qu'il a totalement fermé les

 23   yeux sur les crimes commis par ses troupes, j'aimerais déborder sur un

 24   autre point. En fait, il n'y a aucune raison de punir vos subordonnés

 25   lorsqu'en fait ils font exactement ce que vous leur avez demandé de faire.

 26   Mais il y a toutes les raisons de dissimuler leurs crimes lorsque vous

 27   faites partie d'une ECC.

 28   Les constatations de la Chambre sur les contributions à l'ECC de Petkovic


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  1   et son intention étaient totalement raisonnables. Et les remises en

  2   question factuelles de la Défense aux moyens 3 et 4 devraient être

  3   rejetées.

  4   Je vous remercie.

  5   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, il y a une question du Juge Meron.

  6   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Effectivement, j'aimerais savoir si

  7   vous pouviez un petit peu m'éclairer sur l'aspect pertinent de l'argument

  8   qui, pour vous, démonte celui de la Défense.

  9   L'article 49 de la quatrième convention de Genève et qui pour vous, veut

 10   dire qu'au cas d'expulsions en groupe de civils, ces agissements sont

 11   illégaux et la jurisprudence du Tribunal appuie également cela et suggère

 12   que des expulsions peuvent également être causées par d'autres

 13   comportements criminels.

 14   Ma question est la suivante : à quel moment est-ce que les expulsions

 15   deviennent un nettoyage ethnique ? Combien de gens devez-vous expulser

 16   d'une façon ou une autre pour pouvoir donner cette étiquette de nettoyage

 17   ethnique ?

 18   M. SCHEIDER : [interprétation] Monsieur le Juge, pour pouvoir répondre à

 19   cette question, je vous propose d'y répondre après la pause.

 20   M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je me tourne vers le Président.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pas de problème.

 22   Nous allons traiter de cette question après la pause. Nous reprendrons à 14

 23   heures 30.

 24   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 00.

 25   --- L'audience est reprise à 14 heures 30.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez une heure encore.

 27   M. SCHNEIDER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 28   Bonjour à vous.


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  1   Alors je souhaite commencer par revenir sur la question qui a été posée par

  2   M. le Juge Meron concernant le nettoyage ethnique. La question qui a été

  3   posée portait sur le fait de savoir à quel moment l'expulsion se

  4   transforme-t-elle en nettoyage ethnique ? Quelle est la partie de la

  5   population qu'il faudrait chasser pour pouvoir caractériser la situation

  6   comme un nettoyage ethnique ?

  7   A titre préliminaire, le nettoyage ethnique n'est pas un crime en vertu du

  8   Statut ou reproché en l'espèce. M. le Juge Shahabuddeen, dans son opinion

  9   partiellement dissidente dans l'arrêt Stakic, a été très clair à cet effet

 10   : "Le nettoyage ethnique renvoie à une politique, il ne s'agit pas d'un

 11   crime en tant que tel en vertu du droit international coutumier."

 12   Paragraphe 50.

 13   Comme la Chambre d'appel a conclu dans l'affaire Stakic au paragraphe 49 :

 14   "Le nettoyage ethnique peut impliquer le déplacement forcé de civils au-

 15   delà de la frontière ou au-delà de la ligne de front."

 16   Les crimes qui se trouvent au cœur d'une politique de nettoyage ethnique

 17   sont par conséquent l'expulsion et le transfert forcé, tels que reprochés

 18   en l'espèce aux chefs 6 à 9.

 19   Le terme de "nettoyage ethnique" figure dans l'acte d'accusation au

 20   paragraphe 15 et le terme est employé par les Juges de la Chambre au tome

 21   4, paragraphe 41, comme faisant partie d'une définition factuelle de

 22   l'objectif commun. Cette caractérisation factuelle est étayée par les

 23   conclusions en l'espèce qui montrent que le déplacement des Musulmans s'est

 24   produit à grande échelle, à très grande échelle. Ces mêmes conclusions que

 25   nous pouvons analyser réfutent les arguments de la Défense présentés

 26   aujourd'hui sur les questions démographiques.

 27   Quelles ont été ces conclusions donc ? Des centaines de Musulmans ont été

 28   expulsés de Mostar est en direction de Mostar ouest par des vagues


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  1   d'expulsions violentes entre mi-mai 1993 et février 1994. Tome 3,

  2   paragraphes 782 à 783, et 853 à 856.

  3   Suite aux opérations d'expulsion menées par le HVO à Mostar ouest jusqu'à

  4   Stolac et Capljina, la population est passée en mai 1995 à 55 000 en août

  5   1993. Tome 2, paragraphes 1199 à 1200; tome 3, paragraphe 853. En d'autres

  6   termes, 35 000 Musulmans ont été chassés de Mostar est en l'espace

  7   seulement de quatre mois. Plusieurs centaines de prisonniers à l'Heliodrom

  8   ont été expulsés entre le mois de novembre '93, entre le 15 et le 17

  9   décembre 1993. Tome 3, paragraphes 689 [comme interprété] à 792.

 10   Je m'excuse encore une fois auprès des interprètes.

 11   Des centaines ont été chassés de Ljubuski en direction de pays tiers en

 12   août 1993 par ce moyen d'expulsion, leur liberté étant conditionnelle à

 13   leur accord de quitter le territoire de la Bosnie-Herzégovine avec leurs

 14   familles. Tome 3, paragraphes 793 à 795. Le HVO a expulsé des centaines de

 15   prisonniers de Gabela, prisonniers qui ont quitté le territoire de l'ABiH

 16   en décembre 1993. Tome 3, paragraphes 807 à 809.

 17   Au moins 2 500 femmes, enfants, et personnes âgées ont été chassés de

 18   Prozor en direction de territoire de l'ABiH en une seule journée, 28 août

 19   1993. Les soldats du HVO ont rassemblé des habitants musulmans de deux

 20   villages, les ont transportés jusqu'au front, et les ont contraints à

 21   partir à pied en direction du territoire de l'ABiH tout en tirant sur les

 22   victimes et en blessant plusieurs personnes. Tome 3, paragraphes 840 à 842.

 23   Et pour finir, entre le 6 et le 7 juillet et le 2 août 1993, le HVO a

 24   arrêté et détenu des femmes, des enfants, et des personnes âgées

 25   d'appartenance musulmane de Stolac et a chassé quasiment 1 250 personnes en

 26   direction du territoire de l'ABiH. Le HVO a ensuite mené une vague

 27   d'arrestations et ont chassé des femmes, des enfants, et des personnes

 28   âgées de Stolac et après les avoir détenus pendant plusieurs mois, ils les


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  1   ont chassés en direction de la Bosnie-Herzégovine en octobre, novembre

  2   1993. Tome 3, paragraphes 881 à 883.

  3   Donc cela conclut notre réponse à la question que vous avez posée et en

  4   même temps ceci permet de répondre aux arguments présentés par la Défense

  5   sur les questions démographiques ce matin.

  6   Donc je vais maintenant aborder les autres arguments qui ont été présentés

  7   par la Défense ce matin concernant l'acte d'accusation. La Défense avait

  8   été notifiée de l'entreprise criminelle commune et sur quel fondement la

  9   Chambre avait établi cela parce qu'il s'agissait de l'affaire et de la

 10   cause présentée dans l'acte d'accusation. L'Accusation dit de façon express

 11   que l'entreprise criminelle commune consiste -- paragraphe 15 de l'acte

 12   d'accusation. Donc il s'agit de déplacer politiquement, militairement et de

 13   nettoyer les Musulmans de Bosnie ainsi que d'autres personnes. Ceci est

 14   contraire aux arguments présentés par la Défense. L'acte d'accusation

 15   avance en plus que les appelants sont responsables de tous les crimes

 16   reprochés en vertu de l'entreprise criminelle commune ou à titre

 17   subsidiaire en vertu de l'entreprise criminelle commune de catégorie 3.

 18   Paragraphes 221 à 227 de l'acte d'accusation.

 19   Donc il n'y a pas du tout de manque de notification à la Défense concernant

 20   ces points.

 21   Et cela étant dit, je vais maintenant, Monsieur le Juge, conclure mes

 22   arguments et donner la parole à ma consœur.

 23   Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le

 24   Juge.

 25   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon après-midi.

 26   Mme BAIG : [interprétation] Je souhaite aborder aujourd'hui l'argument de

 27   Petkovic concernant la fraction des victimes des crimes de l'ECC qui sont

 28   des Musulmans détenus et des victimes. La Chambre n'a commis aucune erreur


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  1   de fait ou de droit lorsqu'elle a déterminé que les Musulmans détenus qui

  2   avaient par le passé servi dans les rangs du HVO pouvaient être des

  3   victimes de violations graves des conventions de Genève telles que

  4   reprochés en vertu de l'article 2 du Statut du Tribunal du TPIY.

  5   L'élément-clé se rapportant aux protections accordées par les conventions

  6   de Genève aux prisonniers de guerre et aux civils est la question de savoir

  7   si les victimes se trouvent entre les mains de l'ennemi. Ceci, bien sûr,

  8   Messieurs les Juges, est décidé sur le fondement de l'allégeance, ce qui

  9   revient ici à dire que cela relève de l'appartenance ethnique.

 10   La Chambre de première instance a conclu de façon raisonnable, que

 11   nonobstant toute relation antérieure ou officielle avec le HVO, ces

 12   victimes musulmanes détenues étaient à l'époque où les crimes ont été

 13   commis se trouvaient entre les mains de l'ennemi. Et je souhaite vous

 14   signaler à ce stade que ces crimes ne portent que sur des crimes qui se

 15   sont produits au moment où les détenus étaient sous la garde du HVO. Ils

 16   avaient été désarmés et ont été placés sous la garde du HVO. Il s'agit là

 17   d'actes inhumains qui sont reprochés aux chefs 13 à 16, concernant les

 18   conditions de détention et les mauvais traitements lors de la détention, et

 19   au chef 2, s'agissant de meurtres commis en détention.

 20   Donc les arguments de Petkovic ce matin portent sur les raisons des

 21   arrestations, ceci n'a aucune incidence sur les crimes en question.

 22   Et une fois que ces personnes ou ces victimes se trouvaient entre les mains

 23   de l'ennemi, elles étaient alors protégées. Et c'est parce que les

 24   conventions de Genève créent un système fermé. Donc si on applique une

 25   convention ou une autre, si vous êtes entre les mains de l'ennemi, vous

 26   êtes une personne protégée. Il n'y a pas de faille, il n'y a pas de lacune.

 27   Donc je vais commencer par expliquer pourquoi la Chambre de première

 28   instance avait raison sur un plan factuel de conclure que les détenus


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  1   musulmans du HVO se trouvaient entre les mains de l'ennemi et étaient donc

  2   des personnes protégées. Et ensuite j'expliquerai pourquoi la démarche de

  3   la Chambre était correcte sur la question du droit.

  4   Alors pour vous donner le contexte, il est important de comprendre pourquoi

  5   les Musulmans se trouvaient au sein du HVO. Vous avez entendu parler de

  6   cela ce matin. Lorsque le HVO a été créé en avril 1992, elle a indiqué que

  7   ses objections consistaient à protéger le territoire, le peuple croate,

  8   ainsi que d'autres membres de la communauté; à les protéger de l'agression

  9   ou du conflit. Dans ces rangs il n'y avait pas que des Croates. Il y avait

 10   de nombreux Musulmans qui avaient rejoint volontairement le HVO ou qui

 11   avaient été mobilisés. En juillet 1992, les présidents Tudjman et

 12   Izetbegovic ont signé un accord sur l'amitié et la coopération qui

 13   déclarait que la composante armée, le bras armé du HVO constituait une

 14   partie intégrante des forces armées unifiées de la République de Bosnie-

 15   Herzégovine.

 16   Mais au début de l'année 1993, lorsque l'entreprise criminelle commune a vu

 17   le jour et que les crimes reprochés en l'espèce ont commencé, cette

 18   relation d'amitié présumée était fondée essentiellement sur la menace que

 19   constituait l'ennemi serbe commun, ces relations se sont dégradées. Nous

 20   voyons clairement qu'après une série d'affrontements entre le HVO et

 21   l'ABiH, Prlic lance l'ultimatum de janvier 1993 en exigeant que l'ABiH se

 22   place sous le commandement de l'état-major principal du HVO dans les

 23   territoires revendiqués par les Croates. Et étant donné que l'entreprise

 24   criminelle commune a vu le jour, le nettoyage ethnique des Musulmans des

 25   territoires revendiqués par les Croates a véritablement commencé. Il

 26   s'agissait d'un objectif qui visait à séparer les groupes ethniques.

 27   Ceci devenait de plus en plus manifeste et il n'est donc pas

 28   surprenant que nombre d'entre eux ont commencé à quitter le HVO, 6 000


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  1   Musulmans environ. La Chambre a constaté que les Musulmans sont partis en

  2   grand nombre au mois de mai et juin 1993. Tome 1, paragraphe 776.

  3   Comme vous l'avez entendu dire ce matin, le 30 juin 1993, les soldats

  4   du HVO, d'appartenance ethnique musulmane qui avaient déserté le HVO pour

  5   rejoindre l'ABiH ont participé à une attaque de l'ABiH contre la caserne se

  6   trouvant au nord de Mostar du HVO. Conclusion de la Chambre au tome 2,

  7   paragraphes 878 à 886.

  8   Petkovic a alors ordonné l'arrestation en masse des hommes musulmans,

  9   de tous les hommes musulmans. Il a précisé que tous les Musulmans dans les

 10   rangs du HVO devaient être désarmés et placés en isolement. Il a également

 11   ordonné l'arrestation de tous les autres hommes musulmans valides dans ce

 12   secteur. Il s'agit du secteur est.

 13   Ceci a déclenché une campagne généralisée à grande échelle visant à

 14   arrêter les hommes musulmans. Les soldats de l'ABiH, les Musulmans qui

 15   avaient été dans les rangs du HVO, qui étaient encore dans les rangs du

 16   HVO, et des civils qui étaient aussi -- certains n'avaient que 14 ans, et

 17   ce, allant de 14 à 84 ans. Tome 2, 891 et 895.

 18   Les arrestations en tant que telles étaient organisées et

 19   systématiques et suivaient un scénario, et se reproduisaient à l'identique.

 20   Des nombreux hommes musulmans étaient arrêtés pendant la nuit dans leurs

 21   lieux de résidence, souvent la nuit, et ensuite ils étaient emmenés dans

 22   des centres de détention provisoires tels que la faculté de génie

 23   mécanique, avant d'être transféré dans des centres de détention plus

 24   importants tels que la prison de Dretelj ou l'Heliodrom. Tome 2, paragraphe

 25   893.

 26   Et une fois placés sous la garde du HVO, ces Musulmans ont été

 27   traités comme un seul groupe. Aucune distinction n'a été faite par le HVO

 28   par rapport au statut de ces personnes, aucune distinction n'a été faite


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  1   entre les soldats de l'ABiH musulmans et ceux qui avaient servi dans les

  2   rangs du HVO, voire même ceux qui étaient sous la carte du HVO en raison de

  3   leur âge militaire présumé et rien d'autre. Aucune distinction n'a été

  4   faite entre les Musulmans qui avaient servi dans les rangs du HVO et

  5   d'autres détenus musulmans. Aucune distinction n'a été faite au niveau du

  6   traitement entre ceux qui avaient déserté, ceux que l'on soupçonnait

  7   d'avoir participé à l'attaque contre la caserne du nord ou toute autre

  8   personne. Par opposition, des soldats croates du HVO, par exemple, ceux qui

  9   avaient commis des infractions disciplinaires ont été séparés des Musulmans

 10   détenus dans des locaux séparés dans de meilleurs conditions, comme

 11   l'indique le jugement, tome 3, paragraphe 199. Je vous renvoie au

 12   Témoin E.

 13   Les hommes musulmans arrêtés étaient détenus ensemble dans des

 14   conditions épouvantables. Ils étaient frappés, ils étaient envoyés au front

 15   pour accomplir des travaux forcés dangereux. A terme, un bon nombre d'entre

 16   eux a été chassé. Comme les autres prisonniers musulmans, les Musulmans qui

 17   avaient servi au sein du HVO n'ont pas été autorisés à remettre en cause

 18   leur détention, quel que soit leur statut.

 19   Et c'est en se fondant sur ces constatations factuelles que la

 20   Chambre a raisonnablement conclu que les membres musulmans du HVO, qui, par

 21   la suite ont été désarmés et détenus par le HVO, se trouvaient entre les

 22   mains de l'ennemi. Pour arriver à cette décision, la Chambre de première

 23   instance s'est reposée sur le critère de l'allégeance, confer l'arrêt

 24   Tadic, 1989 [comme interprété] au paragraphe 166. Dans l'affaire Tadic, la

 25   Chambre de première instance a souligné que cette approche juridique qui

 26   portait davantage sur les relations importantes que sur des liens

 27   officiels, devient à la lumière de l'espèce, encore plus important à la

 28   lumière des conflits armés actuels, conflits internationaux.


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  1   C'est donc conformément à cette jurisprudence que la Chambre de

  2   première instance a tenu compte des dates de l'attaque contre la caserne du

  3   nord, au nord de Mostar, le 30 juin 1993. Les autorités du HVO elles-mêmes

  4   ont estimé que les membres musulmans dans leurs rangs constituaient une

  5   menace au plan sécuritaire et ceci n'a pas été évalué individuellement,

  6   mais plutôt sur le plan du groupe entier, du groupe ethnique dans sa

  7   totalité.

  8   La Chambre a conclu raisonnablement que c'est depuis le 30 juin 1993

  9   que les Musulmans HVO ont été perçus comme fidèles envers l'ABiH.

 10   Et donc, une fois qu'ils étaient arrêtés, ils étaient entre les mains

 11   de l'ennemi. Tome 3, paragraphe 611.

 12   Et cela est logique. Et la Chambre, dans cette logique, a suivi le

 13   critère approuvé par la Chambre d'appel dans l'arrêt Celebici au paragraphe

 14   98. Dans cette affaire-là, tout comme en l'espèce, les victimes étaient

 15   détenus sur la base de leur appartenance ethnique et les victimes étaient

 16   perçues par les auteurs comme appartenant à l'autre partie belligérante et

 17   qui posait une menace à l'Etat, et donc, en conséquence, elles étaient

 18   entre les mains de l'ennemi.

 19   Messieurs les Juges, il est important de se rappeler à ce stade-ci

 20   que les crimes en l'espèce ont lieu pendant une campagne systématique de

 21   nettoyage ethnique impliquant toute une série de crimes violents et

 22   systématiques à l'encontre de Musulmans. Et dans ces circonstances, le HVO

 23   a rassemblé tous les Musulmans qui appartenaient à ses rangs, les a

 24   désarmés, les a jetés en prison avec d'autres hommes valides musulmans sans

 25   aucune distinction, et les a soumis à des conditions de traitements cruels

 26   et inhumains et à des mauvais traitements et a ensuite utilisé la détention

 27   comme un moyen d'expulsion des détenus du territoire proclamé. Dans ces

 28   circonstances, Messieurs les Juges, la Chambre de première instance a


Page 558

  1   conclu, à juste titre, que tout lien d'allégeance qui avait existé

  2   auparavant n'existait plus. Et à ce moment-là, tous les Musulmans détenus,

  3   notamment ceux qui avaient servi initialement dans les rangs du HVO, se

  4   trouvaient entre les mains des ennemis dans les faits.

  5   D'un point de vue juridique, Messieurs les Juges, une fois qu'une

  6   personne se trouve dans les mains de l'ennemi, la seule question qu'il

  7   reste à se poser est de savoir quelle convention de Genève s'applique.

  8   Les commentaires du CICR confirment qu'il n'existait pas de fossé

  9   dans les protections qu'accordent les conventions de Genève. Le commentaire

 10   de 1958 sur la convention de Genève IV déclare :

 11   "Chaque personne aux mains de l'ennemi doit disposer d'un statut au

 12   titre du droit international … il n'existe pas de statut intermédiaire;

 13   personne entre les mains d'un ennemi ne peut se soustraire à cette loi.

 14   Page 51.

 15   Et le commentaire de 1987 au Protocole additionnel confirme ceci :

 16   "En cas de conflit armé ayant un caractère international, une personne de

 17   la nationalité de l'ennemi qui n'a pas obtenu le statut de prisonnier de

 18   guerre est, en principe, un civil protégé par la quatrième convention, de

 19   sorte qu'il n'existe aucun fossé en terme de protection."

 20   Donc une fois que la Chambre avait déterminé, et ce, après avoir désarmé et

 21   emprisonné les Musulmans qui avaient servi au sein du HVO, une fois que la

 22   Chambre a déterminé qu'ils se trouvaient entre les mains de l'ennemi, la

 23   Chambre de première instance devait savoir quelles conventions devaient

 24   s'appliquer. La Chambre de première instance a d'abord abordé la convention

 25   la plus spécifique, la troisième sur les prisonniers de guerre et elle

 26   s'est rendue compte qu'il n'y avait pas de concordance.

 27   La Chambre dans son raisonnement s'est dit que les victimes ne pouvaient

 28   pas répondre à l'exigence selon laquelle ils appartenaient aux forces


Page 559

  1   armées adverses, c'est-à-dire l'ABiH. En conséquence, ils n'étaient pas

  2   prisonniers de guerre au titre de la troisième convention de Genève, comme

  3   cela est expliqué au tome 3, paragraphes 603 et 604.

  4   Et cela cadre totalement avec les faits. Ces victimes n'ont jamais eu aucun

  5   ou n'ont jamais joui d'aucun des avantages du statut de prisonniers de

  6   guerre et beaucoup de ceux qui en avaient joui ne travaillent pas à moins

  7   d'obtenir le statut d'un élément des forces armées adverses, par exemple,

  8   des avantages portant sur les rangs et les notifications.

  9   La Chambre de première instance a ensuite envisagé la quatrième convention

 10   de Genève. Et elle a constaté qu'une fois arrêtés, les Musulmans qui

 11   avaient été membres du HVO étaient des personnes protégées au titre des

 12   protections résiduelles offertes dans la quatrième convention de Genève. Et

 13   cette conclusion juridique était sensée.

 14   Même si l'on pense généralement que la quatrième convention de Genève et la

 15   convention portant sur les civils, c'est le terme que l'on utilise dans le

 16   jargon, son article 4 définit effectivement les personnes protégées mais

 17   comment :

 18   "…toute personne, qui à un moment donné et de quelle que façon que ce soit,

 19   se retrouve en cas de conflit ou d'occupation, entre les mains d'une partie

 20   au conflit ou d'un pouvoir d'occupation dont ils ne sont pas des

 21   ressortissants."

 22   Donc, on ne parle pas du tout de civils dans la définition des personnes

 23   protégées dans la quatrième convention de Genève.

 24   Et le commentaire du CICR explique que la définition reprise à l'article 4,

 25   paragraphe 1 est "une définition très large", qui inclut des membres des

 26   forces armées prêts à servir, blessés, malades, qui tombent entre les mains

 27   de l'ennemi mais qui, pour une raison ou pour une autre, ne répondent pas

 28   au critère de protection établi dans les trois premières conventions. Vous


Page 560

  1   le retrouverez à la page 50. Donc il n'y a pas d'incohérence dans le

  2   jugement de la Chambre de première instance, la quatrième convention de

  3   Genève dans sa définition de la personne qui se trouve entre les mains d'un

  4   ennemi est simplement une définition beaucoup plus large que celle de la

  5   troisième convention de Genève. Donc il a été exact, la Chambre de première

  6   instance avait raison et cohérente lorsqu'elle a constaté que, d'une part,

  7   ces détenus n'étaient pas des prisonniers de guerre parce qu'ils n'avaient

  8   jamais fait partie formellement des forces ennemies de l'ABiH - tome 3,

  9   paragraphe 604 - mais d'autre part, ces personnes devaient néanmoins

 10   bénéficier d'une protection au titre de la convention de Genève numéro 4,

 11   car dans celle-ci l'ennemi est défini de façon beaucoup plus large en

 12   fonction de sa nationalité ou de son allégeance. Je me réfère ici au tome

 13   3, paragraphe 611.

 14   Et l'approche des Juges de la Chambre était totalement conforme à la

 15   jurisprudence de ce Tribunal et conforme au droit international

 16   humanitaire. Dans leurs mémoires et dans les arguments que nous avons

 17   entendus cette semaine les appelants ont fait valoir que le droit

 18   international humanitaire ne s'applique pas aux propres forces armées d'une

 19   partie. Mais tout cela n'a aucun sens et sans objet et, qui plus est, est

 20   inexact. Cela est sans objet parce qu'à l'époque où les crimes ont été

 21   commis, ces soldats étaient factuellement [phon] entre les mains de

 22   l'ennemi. Et dans le cadre de cette convention de Genève, ils ne faisaient

 23   plus partie des soldats d'une partie belligérante.

 24   Deuxièmement, les arguments présentés sont inexacts, la Défense a simplifié

 25   à outrance la situation. Dans les violations ou les infractions graves

 26   reprises aux conventions de Genève numéro 1 et 2 on parle de crimes de

 27   guerre, qui ne sont pas limités à des personnes entre les mains de l'ennemi

 28   et qui, expressément, incluent des crimes contre les soldats d'une des


Page 561

  1   parties. Article 12 de la première convention de Genève.

  2   Dans le droit-fil de ceci, les crimes établis sur la base de l'article 3

  3   commun, établissant des protections minimales, s'appliqueraient aux membres

  4   des forces armées qui ont été les victimes de leur propre partie. Je vous

  5   renvoie, là, au commentaire de 2016 du CICR s'agissant de la convention de

  6   Genève numéro 1, qui confirme que l'article 3 commun sert de référence

  7   minimale qui s'applique également aux forces armées de sa propre partie

  8   belligérante. Paragraphes 547 et 549 dudit commentaire. L'article 3 commun

  9   n'exige pas que la victime soit entre les mains de l'ennemi.

 10   Et par ce motif, si, Messieurs les Juges, vous estimiez qu'il convient de

 11   renverser ces infractions graves, c'est-à-dire les chefs 13 et 16 de l'acte

 12   d'accusation, eh bien, nous aimerions vous demander de bien vouloir

 13   remplacer les chefs 14 et 17. Car il s'agit des violations correspondantes

 14   et des traitements cruels aux violations aux droits ou coutumes de la

 15   guerre au titre de l'article 3 commun des conventions de Genève. Et de

 16   même, les garanties fondamentales sont énumérées à l'article 75 du

 17   Protocole additionnel numéro 1, et je vous renverrais pour son application

 18   en l'espèce à l'article 45, alinéa (3).

 19   Et, donc, Messieurs les Juges, la conclusion de la Chambre de première

 20   instance selon laquelle les Musulmans détenus qui avaient servi dans les

 21   rangs du HVO étaient des personnes protégées était correcte d'un point de

 22   vue juridique et d'un point de vue factuel.

 23   Si vous n'avez pas de question à me poser, Messieurs les Juges, je voudrais

 24   passer la parole à ma consœur à présent. Ma consœur s'appelle Elizabeth

 25   Elmore.

 26   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y. Nous n'avons pas de question.

 27   Mme ELMORE : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je m'appelle

 28   Elizabeth Elmore et je représente le bureau du Procureur. Je vais aborder


Page 562

  1   la question numéro 8 des questions de la Chambre d'appel où vous avez

  2   demandé si, lors de la condamnation de Petkovic du crime d'avoir infligé de

  3   façon illégale la terreur sur des civils, si la Chambre de première

  4   instance avait établi les constatations nécessaires pour justifier son

  5   intention spécifique de crime de terrorisation et quel aurait été l'impact

  6   au cas où la Chambre d'appel estime que cela n'est pas le cas.

  7   Eh bien, pour répondre à cette question, je commencerai par dire,

  8   Messieurs les Juges, que la Chambre de première instance a établi les

  9   constatations idoines selon lesquelles Petkovic possédait ou était animé de

 10   l'intention spécifique afin d'infliger la terreur ou de répandre la terreur

 11   sur des civils. Tome 4, paragraphe 820, la Chambre de première instance a

 12   conclu que Petkovic était responsable pénalement en sa qualité de membre

 13   d'une entreprise criminelle commune pour le crime de terrorisation. Le

 14   jugement ne dit rien sur une constatation séparée s'agissant de cette

 15   intention spécifique. Mais cette conclusion doit être lue à la lumière de

 16   la dernière conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle il

 17   était responsable pénalement, individuellement, pour le crime de

 18   terrorisation. Et la raison de cela est la suivante. La Chambre de première

 19   instance était consciente des exigences nécessaires pour établir le crime

 20   de terrorisation, notamment l'intention spécifique, et aussi parce que la

 21   Chambre de première instance a présenté des constatations factuelles et

 22   juridiques reflétant l'intention spécifique de Petkovic d'infliger la

 23   terreur, et ce, dans tout le jugement.

 24   Tout d'abord, le tome 1. La Chambre a énoncé, à juste titre, le mens

 25   rea exigé pour pouvoir établir l'intention spécifique de terreur comme

 26   étant l'objectif principal.

 27   Ensuite, au volume 3, la Chambre de première instance a conclu que le

 28   HVO avait commis le crime de terreur à l'est de Mostar en commettant des


Page 563

  1   actes de violence dans l'intention spécifique d'infliger la terreur sur des

  2   civils comme objectif premier. Tome 3, paragraphes 1691 et 1692.

  3   Et ici, j'aimerais juste souligner quelque chose s'agissant de la

  4   question que vous avez posée tout à l'heure. Il ne s'agit pas -- en tout

  5   cas, l'Accusation n'estime pas que le tome 3, dans sa conclusion sur

  6   l'intention spécifique du HVO de semer la terreur est un fondement

  7   suffisant pour conclure que Petkovic était animé de cette intention

  8   spécifique. Non. Il s'agit juste là de l'une des plusieurs étapes dans le

  9   raisonnement de la Chambre de première instance qui l'a mené à cette

 10   conclusion finale selon laquelle Petkovic avait l'intention de répandre la

 11   terreur à l'est de Mostar. Et cette conclusion se retrouve au tome 4, le

 12   volume 4. La Chambre de première instance a expressément conclu que le

 13   crime de terreur faisait partie de l'objectif criminel commun, paragraphe

 14   68, et que Petkovic avait eu l'intention de commettre ce crime, paragraphe

 15   815. A l'appui de la conclusion selon laquelle Petkovic était animé de

 16   cette intention, elle a donné ou elle a fait des constatations bien

 17   précises sur les contributions directes et ses connaissances s'agissant de

 18   cette campagne de terreur.

 19   Je vais vous en parler dans quelques instants. Mais, en gros, la

 20   Chambre de première instance a constaté qu'il avait connaissance des crimes

 21   du HVO à l'est de Mostar, qu'il était manifestement conscient que ces

 22   crimes terrorisaient des civils et qu'il avait personnellement planifié et

 23   ordonné les crimes du HVO qui avaient terrorisé ces civils, tome 4,

 24   paragraphes 750 à 756.

 25   Messieurs les Juges, ces constatations constituent une opinion

 26   raisonnée et justifiant la condamnation de Petkovic pour le crime de

 27   terreur. Ces constatations reflètent la conclusion de la Chambre de

 28   première instance selon laquelle il était animé de l'intention spécifique


Page 564

  1   de répandre la terreur. Et lu dans son ensemble, les conclusions de la

  2   Chambre de première instance sont totalement correctes et on voit

  3   clairement que la Chambre de première instance avait bien compris la

  4   question juridique à déterminer et a étayé suffisamment son raisonnement

  5   pour arriver à ses conclusions. Donc, il n'y a pas eu de manquement à cette

  6   opinion motivée.

  7   Cependant, si vous deviez conclure qu'une intention spécifique

  8   particulière étaient nécessaire et que cette opinion motivée n'est pas

  9   suffisante, vous ne pouvez fermer les yeux sur le fait que la Chambre de

 10   première instance était convaincue au-delà de tout doute raisonnable que

 11   Petkovic était animé de l'intention spécifique d'infliger la terreur sur

 12   les civils. Je vous renvoie ici aux paragraphes 437 à 440 et 459 de l'arrêt

 13   Lukic et Lukic; au paragraphe 122 de l'arrêt Naletilic; et aux paragraphes

 14   356, 376 et 378 de l'arrêt Stanisic et Zupljanin. Toutes ces affaires sont

 15   des affaires dans lesquelles une Chambre d'appel a confirmé la conclusion

 16   ultime des Chambres de première instance, même si une constatation

 17   nécessaire n'était pas explicitement développée dans le jugement. Dans

 18   chacune de ces affaires, les Chambres d'appel ont considéré que le jugement

 19   lu dans son ensemble prouvait que la Chambre d'appel avait déterminé la

 20   question.

 21   Et si vous estimez que cela était nécessaire, vous avez toute

 22   discrétion pour revoir et relire les dossiers dans ses affaires-là. Et la

 23   conclusion implacable à laquelle vous arriveriez serait la suivante :

 24   Petkovic était animé de l'intention spécifique d'infliger la terreur sur

 25   les civils à l'est de Mostar.

 26   J'aimerais à présent prendre quelques instants pour vous guider dans

 27   les constatations pertinentes de la Chambre de première instance s'agissant

 28   des agissements du HVO pour terroriser ces civils et pourquoi la Chambre de


Page 565

  1   première instance a conclu que l'objectif premier était de les terroriser.

  2   Ensuite, je passerai à Petkovic lui-même.

  3   Tout d'abord, les tireurs embusqués du HVO prenaient pour cible des

  4   civils de façon délibérée. Ils leur tiraient dessus pendant neuf mois

  5   consécutifs. Et non seulement sur les femmes, sur les personnes âgées, ils

  6   tiraient de façon délibérée sur les enfants aussi. Ils ont touché un garçon

  7   nommé Orhan Berisa dans le dos, en plus. Il a essayé de ramper jusqu'à

  8   l'abri, mais à la fin de cette journée-là, il est décédé. Il avait 8 ans.

  9   Tome 2, paragraphes 1060, 1154, 1163; tome 3, paragraphe 1689.

 10   Pendant tous ces neuf mois consécutifs, l'artillerie lourde du HVO a

 11   pilonné les civils à Mostar est, en moyenne entre 20 et 100 fois par jour.

 12   Le HVO a utilisé des avions, des aéronefs pour larguer des bombes napalm

 13   sur des civils et lancer les pneus remplis d'explosifs sur leurs maisons.

 14   Ils ont frappé au cœur de la vie culturelle et religieuse de la population

 15   musulmane en détruisant, de façon délibérée, dix mosquées et le vieux pont,

 16   tome 2, paragraphes 1000, 1005, 1006; tome 3, paragraphes 1689 jusqu'à

 17   1690.

 18   En outre, le HVO a forcé plus de 30 000 Musulmans qui ont été

 19   expulsés d'autres endroits et les a forcés de passer à Mostar est et qui

 20   était déjà surpeuplé et graduellement resserrer le piège dans lequel il les

 21   a mis. En plus de la campagne de tirs embusqués et de pilonnage, ils ont

 22   aggravé les conditions de vie brutale de façon intentionnelle en les

 23   isolant et entravant la livraison et l'acheminement de l'aide humanitaire.

 24   Comme la Chambre de première instance a conclu de façon raisonnable, la

 25   population vivait au jour le jour sous la menace constante de mort ou

 26   d'être blessée. En fait, la population était terrifiée. Tome 2, paragraphes

 27   1015, 1199, 1200; tome 3, paragraphes 1689 jusqu'à 1692.

 28   Monsieur le Président, les moyens de preuve ainsi que les conclusions


Page 566

  1   concernant les événements à Mostar est ne corroborent qu'une seule

  2   conclusion, la conclusion à laquelle est parvenue la Chambre de première

  3   instance, à savoir que l'objectif premier des actes de violence du HVO

  4   était de répandre la terreur parmi la population civile.

  5   Permettez-moi maintenant d'aborder les conclusions de la Chambre de

  6   première instance concernant Petkovic. Lorsque la Chambre de première

  7   instance a conclu que Petkovic était animé de l'intention de répandre la

  8   terreur, la Chambre de première instance s'est appuyée sur ses

  9   connaissances de ces actes de violence dont l'objectif était de répandre la

 10   terreur, sur ses contributions directes concernant le fait de répandre la

 11   terreur, et sur sa conscience du fait de savoir que la terreur était

 12   répandue, en fait.

 13   Voyons d'abord quelles étaient ces forces du HVO qui commettaient des

 14   actes de violence dont l'objectif premier était de répandre la terreur

 15   parmi la population civile ? Nous parlons des forces du HVO qui pilonnaient

 16   des familles terrorisées pendant les neuf mois consécutifs, qui ont tiré

 17   dans le dos d'un garçon de 8 ans. Il s'agissait des unités de Petkovic, de

 18   ses subordonnés. Comme M. Schneider a déjà expliqué, Petkovic était chef

 19   et, par la suite, commandant adjoint de l'état-major principal eu HVO

 20   pendant la période de temps pertinente. Il exerçait le pouvoir de

 21   commandement et de direction, ainsi que le contrôle effectif sur les forces

 22   du HVO pendant le siège à Mostar. Tome 4, paragraphe 814.

 23   Et qu'est-ce que Petkovic a fait pour ce qui est de son pouvoir sur ces

 24   forces ? Il a utilisé son pouvoir pour planifier et ordonner les attaques

 25   de pilonnage du HVO pour lesquelles la Chambre a justement conclu qu'elles

 26   ont été entreprises avec l'objectif premier de terroriser les civils, les

 27   attaquer, les tuer et les blesser et détruire les mosquées. En fait, il a

 28   ordonné, justement, l'offensive à laquelle le HVO a pilonné le vieux pont


Page 567

  1   jusqu'à ce qu'il ne se soit effondré. Petkovic a également entravé

  2   l'acheminement de l'aide humanitaire et l'accès des organisations

  3   internationales qui essayaient d'aider les civils piégés. Tome 4,

  4   paragraphes 745 jusqu'à 756.

  5   En outre, il n'y a aucun doute qu'il était au courant, non seulement de

  6   l'existence, mais aussi de l'ampleur de la campagne de terreur. Les témoins

  7   de la communauté internationale ont dit à Petkovic, directement et à

  8   plusieurs reprises, que ses unités prenaient pour cible la population

  9   civile et les membres des organisations internationales qui se trouvaient

 10   sur le terrain et essayaient d'aider les civils. Par exemple, le

 11   responsable du Bataillon espagnol s'est rendu à plusieurs reprises à

 12   Petkovic pour se plaindre des attaques de ses unités sur les civils et sur

 13   le personnel du Bataillon espagnol. Et comme la Chambre a conclu, Petkovic

 14   savait qu'il y avait des morts, des blessures et des destructions qui se

 15   sont ensuivis, et il était évidemment conscient de la terreur qui était

 16   répandue parmi la population civile. Tome 4, paragraphes 748 jusqu'à 750.

 17   Et quelle était sa réponse ? Il a continué à contribuer à la mise en œuvre

 18   de l'objectif criminel commun et il a en fait encouragé la commission des

 19   crimes qui se sont ensuivis en continuant à déployer leurs auteurs sur le

 20   terrain au lieu de les arrêter ou de les punir. Tome 4, paragraphes 815 et

 21   816.

 22   Monsieur le Président, Monsieur le Juge, la Chambre de première instance

 23   s'est penchée sur et a considéré la connaissance de Petkovic concernant le

 24   fait que la terreur était répandue parmi la population civile de Mostar

 25   est, elle s'est penchée également sur ses contributions directes à cette

 26   terreur et à sa décision de continuer à contribuer à la mise en œuvre de

 27   l'objectif criminel commun, et la Chambre de première instance a conclu que

 28   la seule déduction raisonnable était de conclure que Petkovic était animé


Page 568

  1   de l'intention de commettre le crime consistant à répandre la terreur parmi

  2   la population civile.

  3   Monsieur le Président, ces conclusions constituent une opinion motivée et

  4   reflètent clairement la conclusion de la Chambre de première instance que

  5   Petkovic avait cette intention spécifique de répandre la terreur parmi la

  6   population civile de Mostar est.

  7   Pourtant, si la Chambre d'appel est d'avis que la Chambre de première

  8   instance a commis une erreur du fait qu'elle n'a pas formulé une conclusion

  9   concernant l'intention spécifique, et nous vous invitons de ne pas laisser

 10   la responsabilité pénale de Petkovic sans jugement. Vous pouvez vous

 11   appuyer sur les conclusions de la Chambre de première instance, qui sont le

 12   fondement de cette analyse, mais vous ne devriez pas acquitter Petkovic

 13   concernant ce crime parce que la Chambre de première instance n'a pas

 14   formulé la conclusion concernant l'intention spécifique particulière.

 15   Petkovic, ainsi que ses unités, ont piégé plus de 55 000 civils à Mostar

 16   est et les ont terrorisés pendant des mois par la suite. Donc, ces civils

 17   méritent qu'une décision concernant cette question soit rendue.

 18   Je n'ai plus de questions, Monsieur le Président. J'en ai fini avec mes

 19   arguments, et donc je vais finir pour dire que l'appel de Petkovic devrait

 20   être rejeté.

 21   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci.

 22   La Défense de M. Petkovic, est-ce que vous avez quelque chose à dire ?

 23   Mme ALABURIC : [interprétation] Oui.

 24   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez 30 minutes.

 25   Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour à tout le monde, encore une fois.

 26   Notre réponse, nous allons la commencer avec la question de savoir quel est

 27   le nombre d'habitants d'une région expulsés pour considérer qu'il y a eu le

 28   nettoyage ethnique. Regardez à l'écran un extrait de la réponse de


Page 569

  1   l'Accusation, où l'Accusation affirme que le nettoyage ethnique n'est pas

  2   commis et qu'on peut toujours considérer que l'objectif criminel de

  3   nettoyage ethnique a été réalisé. On vient de me dire que cela n'apparaît

  4   pas sur l'écran. Donc, là, au paragraphe 42 de sa réponse, affirme cela, et

  5   mon collègue Schneider a dit aujourd'hui également qu'il n'est pas

  6   nécessaire que le nettoyage ethnique soit commis pour considérer quand même

  7   que quelque chose a été fait pour mettre en œuvre l'objectif criminel

  8   visant le nettoyage ethnique. L'Accusation a fait référence au paragraphe

  9   de l'arrêt dans l'affaire Djordjevic, paragraphe 154. Et j'attire votre

 10   attention sur ce paragraphe parce que vous allez voir que le Procureur a

 11   cité cette partie du jugement de façon erronée et a affirmé de façon

 12   erronée que cela faisait partie de la jurisprudence du Tribunal. Dans ce

 13   paragraphe, il est question du fait qu'il n'est pas nécessaire que le

 14   nettoyage ethnique soit commis de façon permanente, mais aussi de façon

 15   provisoire, pour pouvoir considérer que l'objectif du nettoyage ethnique a

 16   été réalisé. Etant donné qu'on a déjà parlé de cela lors de nos réponses et

 17   de nos répliques, le Procureur et la Défense du général Petkovic ont

 18   utilisé beaucoup de temps pour le faire, et c'est pour cela que dans la

 19   partie introductive de ma présentation, j'ai fait figurer cet extrait de

 20   l'arrêt Djordjevic pour que nous puissions voir que le nettoyage ethnique

 21   doit être commis pour considérer que quelque chose a été commis ayant pour

 22   but le nettoyage ethnique.

 23   Monsieur le Président, Monsieur le Juge, étant donné que le Procureur a

 24   conçu ses réponses de façon à ce que dans une réponse concernant un accusé

 25   couvre les sujets évoqués dans le mémoire d'appel de l'Accusation, je me

 26   permets de faire une digression par rapport à la réponse du Procureur

 27   fournie aujourd'hui, et je vais utiliser une minute sur les cartes montrées

 28   par l'Accusation dans ce prétoire. L'Accusation nous a montré la carte de


Page 570

  1   l'Herceg-Bosna ainsi que la carte de la Banovina de 1993, et ces deux

  2   mappes étaient présentées comme étant des éléments de preuve démontrant que

  3   la Banovina devait être recréée sur le territoire de l'Herceg-Bosna.

  4   Donc, nous avons ajouté la carte montrant l'organisation territoriale de la

  5   Bosnie-Herzégovine conformément au plan de Vance-Owen de janvier 1993,

  6   ainsi que la carte conformément au plan Owen-Stoltenberg du mois d'août

  7   1993. A plus ou moins de 10 % du territoire, il s'agit de deux cartes

  8   presque identiques. Il s'agit, en fait, de deux cartes identiques, il

  9   s'agit qu'il s'agit ici des territoires ayant une majorité croate.

 10   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si M. Serge Brammertz est

 11   demandé aujourd'hui de présenter l'organisation territoriale de la Bosnie-

 12   Herzégovine en tenant compte de la composition ethnique de la population de

 13   Bosnie-Herzégovine, il présenterait une carte similaire.

 14   Maintenant, je vais parler de l'occupation. Ce sujet a été abordé par mes

 15   collègues de l'équipe de la Défense du général Praljak mais, quant à moi,

 16   je vais parler de l'occupation en présentant quatre thèses pour lesquelles

 17   je pense qu'elles sont importantes pour notre affaire. D'abord, pour ce qui

 18   est de l'occupation, ce n'est pas important uniquement concernant la

 19   décision du chef 19 de l'acte d'accusation et concernant les crimes commis

 20   et cités dans ce chef d'accusation, mais également c'est important

 21   concernant les crimes de transfert et d'expulsion cités aux chefs 7 et 9 de

 22   l'acte d'accusation qui ne peuvent être commis qu'envers la population

 23   civile, et c'est pour cela que la question concernant l'occupation est

 24   extrêmement importante.

 25   Pour ce qui est de Mostar, la Chambre de première instance a constaté, sans

 26   aucun doute, que la guerre existait sur le territoire de toute la ville de

 27   Mostar à partir de mai 1993 jusqu'au printemps 1994. Si on part de la

 28   prémisse selon laquelle les activités de guerre exclut l'état d'occupation,


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  1   alors sur le territoire de la ville de Mostar des crimes ne pouvaient pas

  2   être commis, les crimes visés aux chefs 7, 9 et 19 de l'acte d'accusation.

  3    La deuxième thèse concernant l'occupation que nous considérons comme étant

  4   importante est la suivante. La Chambre de première instance a accepté les

  5   critères du jugement dans l'affaire Naletilic lorsqu'elle a considéré que

  6   l'état d'occupation était établi, et cela a été fait dans le tome 1 de ce

  7   jugement, au paragraphe 88. Mais, d'après nous, la Chambre a conclu de

  8   façon erronée que ces critères ne devaient pas être réunis de façon

  9   cumulative. Et nous sommes d'avis, que vu l'interprétation du jugement dans

 10   l'affaire Naletilic, paragraphe 587, que ces critères doivent être réunis

 11   de façon cumulative, qu'il faut qu'il y ait le cumul de ces critères. Notre

 12   position est la suivante, si la Chambre avait appliqué le cumul de ces

 13   critères, la Chambre n'aurait pas conclu que sur certains territoires il y

 14   avait l'état d'occupation.

 15   La troisième thèse qui nous importe est la suivante. Nous considérons que

 16   la jurisprudence dit qu'un conflit armé international existe si un Etat

 17   exerce le contrôle global sur les forces d'un autre Etat. C'est sans

 18   conteste. Nous considérons également incontestable la position selon

 19   laquelle l'Etat d'occupation existe si la puissance d'occupation, à savoir

 20   un autre Etat, exerce un contrôle effectif sur le territoire qui est

 21   considéré comme étant le territoire occupé. Notre Chambre de première

 22   instance, à savoir la majorité de cette Chambre de première instance, a

 23   fait introduire par la petite porte, par le biais d'un agent d'Etat, a fait

 24   modifier cette règle et a constaté ce qui suit : à savoir que la Croatie

 25   avait le contrôle général, global, sur le HVO, il n'a pas été du tout

 26   établi l'existence du contrôle effectif de la Croatie. Mais il a été quand

 27   même constaté que la Croatie était la puissance d'occupation sur le

 28   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Nous considérons que cette conclusion


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  1   factuelle concernant l'état d'occupation n'est pas correct et qu'il s'agit

  2   de l'application erronée du droit qui invalide le jugement, qui infirme le

  3   jugement.

  4   Et, en fin de compte, lorsqu'il s'agit de l'état d'occupation, que nous

  5   voulions ou pas, il faut tenir compte des pouvoirs du commandant de la

  6   puissance d'occupation en tant qu'une sorte de gouverneur d'occupation et

  7   il faut voir quels étaient les pouvoirs, les tâches des commandants

  8   militaires, il faut les percevoir différemment par rapport à la situation

  9   où il n'existe pas l'état d'occupation. Et cela a influé de façon directe,

 10   de notre avis, sur la façon de concevoir le rôle et la responsabilité du

 11   général Petkovic en sa qualité de commandant du HVO.

 12   Quelques mots à présent sur Mostar et au sujet des affirmations avancées

 13   dans le jugement et dans les propos tenus par l'Accusation, à savoir que

 14   Petkovic aurait donné l'ordre de pilonner Mostar et qu'il assumerait donc

 15   la responsabilité pour un crime de terrorisation à l'égard de civils.

 16   Messieurs les Juges, tout ce récit relatif à la participation de Petkovic

 17   au pilonnage de Mostar se fonde sur un document P6534, 6534, disais-je, qui

 18   est un ordre qui nous a été montré sur nos écrans, qui n'est pas signé mais

 19   qui comporte le nom du général Petkovic qui aurait donc constitué un ordre

 20   du 8 novembre, au sujet de quoi le bureau du Procureur affirme que cela

 21   vient de Petkovic, et que c'est partant de cet ordre-là que le vieux pont a

 22   été détruit. Nous tenons à vous dire, Messieurs les Juges, que cette

 23   allégation a été présentée par l'Accusation pour une première fois dans son

 24   mémoire en clôture. Très sincèrement parlant, nous avons été choqué parce

 25   que jusqu'à ce moment-là, jusque-là, ce document, et le général Petkovic

 26   non plus, n'ont été jamais en prétoire placés en corrélation avec la

 27   destruction du vieux pont. Cela fait, Messieurs les Juges, que pour ce qui

 28   est de la Défense du général Petkovic, c'est un sujet que nous n'avons pas


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  1   du tout abordé lors de la présentation des éléments de la Défense. Ce n'est

  2   que dans nos propos en clôture que nous avons dû faire l'effort de prouver

  3   qu'il ne s'agissait pas d'un document émanant du général Petkovic. Et

  4   s'agissant des éléments de preuve versés au dossier, nous en avons parlé en

  5   long et en large dans notre appel, et ces éléments du dossier montrent que

  6   ce jour-là le général Petkovic se trouvait à Split; le 4D2026, notamment,

  7   4D2026, et le témoignage du général Praljak, compte rendu 41270.

  8   Il est tout à fait non contesté que ce jour-là, avec le nom du général

  9   Petkovic, on a pondu d'autres documents encore, par exemple, un ordre, le

 10   4D834. Le général Praljak, à l'occasion de son témoignage, a bien dit que

 11   ce document portant le nom de Petkovic n'émanait pas de Petkovic et qu'il

 12   n'était, du reste, pas signé par lui. Le témoignage du général Praljak qui

 13   se trouve à la page 41270 du compte rendu.

 14   Voyons un peu maintenant comment ces éléments de preuve présentés ont été

 15   soupesés par les Juges de la Chambre de première instance. Il s'agit du

 16   jugement, tome 2, paragraphe 1301. Les Juges de la Chambre ont dit

 17   littéralement ce qui suit :

 18   "Petkovic a pu donner cet ordre depuis Split. Les Juges de la Chambre de

 19   première instance n'avaient pas d'élément de preuve pour indiquer que cela

 20   n'avait pas été fait depuis Split, et on a conclu du fait que Petkovic

 21   l'avait forcément fait."

 22   Messieurs les Juges, à le croire ou à ne pas le croire, c'est l'exposé des

 23   motifs du jugement pour une question si importante à nos yeux, qui est

 24   celle de savoir si le général Petkovic a oui ou non donné un ordre crucial

 25   portant sur la destruction du vieux pont.

 26   Pour ce qui est du sujet relatif à Stupni Do. Nous ne contestons pas que

 27   des crimes ont été commis, et ce, absolument pas, mais nous voulons

 28   indiquer les circonstances suivantes. Du fait de l'ordre donné pour le


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  1   général Petkovic, les représentants de la communauté internationale ont pu

  2   avoir accès à Stupni Do deux jours après la perpétration des crimes;

  3   document P6078. Alors, s'agissant de ces prétendus crimes, parce qu'à ce

  4   moment-là, on ne le savait pas, c'est pour cela que je dis "prétendus", ces

  5   prétendus crimes ont été rapportés à lui par le général Ramsey; document

  6   P6144.

  7   Le 2 novembre 1993, l'ABiH s'empare de Vares. On en a parlé dans le courant

  8   de la journée d'aujourd'hui. Par conséquent, deux jours après la

  9   perpétration du crime à Stupni Do, un contrôle plein et entier s'agissant

 10   du terrain où les crimes ont été commis a été exercé par des représentants

 11   de la communauté internationale et par l'ABiH. Aucune personne du HVO, pas

 12   plus que le général Petkovic, ne pouvait absolument rien faire pour

 13   empêcher la détermination du crime. L'enquête a été diligentée par les

 14   représentants de la communauté internationale et par des membres de l'ABiH.

 15   Ce qui est contesté aux yeux de mon client, c'est le fait de savoir s'il a

 16   pris part ou pas, d'une façon ou d'une autre, pour ce qui est de la

 17   détermination des personnes qui ont été coupables de ces crimes et les

 18   punitions à leur infliger. Et nous voulons indiquer que c'est le bureau du

 19   Procureur qui s'est chargé de cette investigation pour ce qui est de crimes

 20   de Stupni Do, le 4D499, 4D500, le témoignage du Témoin EA, puis de M.

 21   Bandic et Petkovic. On peut faire référence à la note de bas de page 398 du

 22   mémoire en appel Petkovic.

 23   Le commandant suprême du HVO, M. Mate Boban, a pris connaissance de

 24   la totalité des informations qui étaient mises à la disposition du HVO à ce

 25   moment-là. De même, le ministre de la Défense de l'époque, M. Jukic. Nous

 26   en avons parlé en long et en large dans les paragraphes 290 à 294 de notre

 27   mémoire en appel. Ce qui est exact, Messieurs les Juges, c'est que le

 28   commandant suprême du HVO Mate Boban a décidé de faire en sorte que le


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  1   commandant Ivica Rajic reste à ses fonctions, mais en changeant de nom et

  2   il est devenu Viktor Andric. La raison de cette décision était la suivante

  3   : on a voulu faire perdre le fil de l'histoire aux représentants de la

  4   communauté internationale pour ce qui est de dire que la personne

  5   prétendument responsable des crimes avait été révoquée de ses fonctions,

  6   mais on voulait garder un commandant, un commandant qui aux yeux du

  7   commandant suprême, était considéré comme étant la seule personne possible

  8   et à même de permettre au HVO de garder le contrôle de Kiseljak. Ce fait a

  9   été connu de mon client, le général Petkovic. Il assume une partie de ses

 10   responsabilités par le fait de l'avoir su à l'époque, mais le fait est

 11   aussi qu'il est à ce moment-là chef adjoint de l'état-major principal et il

 12   ne pouvait rien faire contre ces décisions. C'est la raison pour laquelle

 13   nous estimons qu'il est injustifié de reprocher au général Petkovic.

 14   Je voudrais rectifier. Page 90, ligne 2. Il n'était pas chef d'état-

 15   major, il était chef adjoint, ai-je dit, de l'état-major.

 16   Je reprends. Quelques mots encore. Messieurs les Juges, il me semble

 17   que j'ai encore neuf minutes à ma disposition, n'est-ce pas ?

 18   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous en avez dix, en fait.

 19   Mme ALABURIC : [interprétation] Tant mieux. Merci.

 20   Quelques mots pour ce qui est au sujet de l'unité Bruno Busic et

 21   l'unité des détenus, le Bataillon des détenus. On a affirmé que c'était eux

 22   qui avaient commis des crimes et c'est du fait d'avoir utilisé ces unités-

 23   là dans certaines opérations militaires que Petkovic aurait contribué à la

 24   réalisation de l'objectif criminel. Messieurs les Juges, on en a parlé

 25   longuement et je crois -- nous les avons contestés pour ce qui est de notre

 26   mémoire en appel, paragraphes 331 à 351.

 27   Permettez-moi de parler maintenant de cette unité de Bruno Busic. Il

 28   n'y a aucun document au dossier, aucun rapport qui dirait que l'unité de


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  1   Bruno Busic à Gornji Vakuf aurait commis quel que crime que ce soit en

  2   janvier 1993. Quand je parle de "document", j'entends par là un document

  3   daté de 1993, en janvier 1993 ou un peu plus tard, et qui aurait pu,

  4   objectivement parlant, être accessible à qui que ce soit au sein de l'état-

  5   major.

  6   Je vois que mon collègue Stringer est en train de chercher des

  7   données et je peux dire que cette allégation ou affirmation des Juges de la

  8   Chambre de première instance se fonde sur un document de l'ABiH qui date de

  9   la fin de 1993 et se fonde aussi sur deux témoignages de témoins de

 10   l'Accusation. Mais aucun document, à moins que je n'aie omis de voir une

 11   chose dans mon analyse et je pense que non, donc aucun document daté de la

 12   première moitié de 1993 ne le démontre. Et il n'y a pas de document qui

 13   dirait que l'unité de Bruno Busic aurait commis un crime quelconque à

 14   Jablanica en avril 1993.

 15   Et même les Juges de la Chambre de première instance ont déterminé,

 16   et je ne vais pas vous fatiguer avec tous les détails, Messieurs les Juges,

 17   que plusieurs soldats de cette unité avaient été présents sur un territoire

 18   où il y a eu des mauvais traitements d'infligés à des soldats musulmans

 19   emprisonnés. Mais il n'y a pas un seul mot qui aurait affirmé que c'est les

 20   hommes de cette unité de Bruno Busic qui auraient commis un crime. Or,

 21   affirmer que cette unité aurait été impliquée dans des opérations

 22   militaires dans l'objectif d'autoriser ou de réaliser des activités

 23   criminels ne se trouve être fondé.

 24   S'agissant maintenant de ce Bataillon des condamnés, cette unité

 25   était une unité problématique. Nous nous sommes efforcés au fil de cinq

 26   années de démontrer dans ce prétoire que cette unité faisait bel et bien

 27   partie du HVO, mais qu'elle était subordonnée directement au commandant

 28   suprême, M. Mate Boban. Et Milivoj Petkovic n'avait aucun contrôle direct à


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  1   l'égard de cette unité-là.

  2   Si maintenant vous prêtez attention à ce que l'Accusation a dit à ce

  3   sujet-là aujourd'hui, vous verrez qu'on a fait référence à un seul document

  4   daté du 2 juillet 1993. Et il s'agit du document P3128. Mais le Procureur

  5   aussi a mentionné le fait que Petkovic n'était pas le seul signataire dudit

  6   document. Nous sommes d'avis que ce document ne peut en aucune façon, de

  7   façon rationnelle ou justifiée, permettre de conclure le fait que ce

  8   Bataillon des détenus était placé sous le commandement direct de l'état-

  9   major principal et la Défense a bien indiqué que cette unité était

 10   directement subordonnée non pas à l'état-major, mais au commandant suprême.

 11   Je veux rectifier la ligne 21, affirmation de l'Accusation -- non, non, je

 12   ne peux pas le voir maintenant.

 13   Passons à la chose suivante. Notre confrère, M. Schneider, nous a

 14   dit, comme les Juges de la Chambre dans leur jugement, ont tiré un signe

 15   d'égalité entre deux choses qui se trouvent être tout à fait différentes, à

 16   savoir la planification des opérations militaires et la planification de

 17   crimes, les Juges de la Chambre et le bureau du Procureur aujourd'hui ont

 18   dit : Tu as planifié une opération militaire et au sujet de cette opération

 19   militaire, il y a eu des crimes de commis, par conséquent tu as planifié un

 20   crime ou des crimes. Nous estimons qu'il s'agit d'une erreur de logique. Et

 21   cette façon de tirer des conclusions ne peut, en aucune façon, conduire à

 22   des conclusions précises ou valides.

 23   Penchons-nous maintenant sur la totalité des ordres donnés par le

 24   général Petkovic qui se trouvait à l'avenant 4 de notre mémoire en clôture.

 25   Nous nous sommes efforcés devant les Juges de la Chambre de première

 26   instance de présenter de façon illustrée les types d'ordres donnés par le

 27   général Petkovic. Et dans une première ligne, vous allez voir qu'il s'agit

 28   d'ordres relatifs aux activités de combat. Il y en a deux qui sont donnés


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  1   jusqu'en 1993 et les autres sont datés de dates ultérieures. Et si on se

  2   met à analyser de façon précise ces ordres de Petkovic, il n'y a pas

  3   d'ordre portant sur des actions ou opérations militaires. Ce sont des

  4   ordres consistant à conforter les lignes, à acheminer des

  5   approvisionnements, et cetera. Alors, ce type d'analyse des ordres donnés,

  6   de par leur teneur, montre que le HVO n'avait pas planifié ni diligenté

  7   d'activité offensive contre l'ABiH. Donc partant de la structure même de la

  8   totalité de ces ordres, on peut voir que le HVO avait réagi aux situations

  9   telles qu'elles se présentaient sur le terrain au moment donné. Il s'est

 10   efforcé de renforcer certaines lignes de la Défense et, en termes simples,

 11   ils essayaient de sauver ou préserver la situation telle qu'elle se

 12   présentait jusque-là. Nous estimons donc que ce document réfute directement

 13   la thèse relative à la planification des actions militaires où il y aurait

 14   eu des crimes de commis pour tirer la conclusion de dire que de fait, il y

 15   a eu planification de crimes.

 16   Et s'agissant maintenant de Jablanica, Sovici et Doljani, Messieurs

 17   les Juges, l'Accusation à plusieurs reprises lors de ces trois ou quatre

 18   jours déjà nous a indiqué que début mai --

 19   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez moins d'une minute.

 20   Mme ALABURIC : [interprétation] Début mai, disais-je, à Sovici, il y avait

 21   Petkovic, Pusic et autres. Ces autres, ce sont les généraux Sefer

 22   Halilovic, Arif Pasalic et les représentants de la communauté

 23   internationale. Donc eux, tous ensemble, avaient inspecté le terrain en

 24   essayant de déterminer la situation telle qu'elle se présentait et aider la

 25   population civile dans la mesure du nécessaire. Le HVO, suite à une demande

 26   de la part de Halilovic, a fourni l'assistance demandée par Halilovic.

 27   Et Messieurs les Juges, je vous remercie de votre attention.

 28   M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ceci conclut l'audience d'aujourd'hui.


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  1   Nous reprendrons demain matin à 9 heures 30 pour entendre les arguments de

  2   la Défense de M. Coric.

  3   Merci. Bonne fin de soirée.

  4   --- L'audience est levée à 15 heures 50 et reprendra le vendredi, 24 mars

  5   2017, à 9 heures 30.

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