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1 Le mardi, 28 mars 2017
2 [Audience publique]
3 [Audience d'appel]
4 [Les appelants sont introduits dans le prétoire]
5 [L'appelant Pusic est absent]
6 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît,
8 veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
10 Monsieur le Juge. Il s'agit de l'affaire IT-04-74-A, le Procureur contre
11 Prlic et consorts.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
13 Donc aujourd'hui nous avons une longue journée devant nous, par conséquent
14 je compte sur la coopération de toutes les personnes présentes et je vais
15 commencer par la présentation des parties, s'il vous plaît.
16 L'Accusation, s'il vous plaît.
17 Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Laurel Baig pour
18 l'Accusation. Et assistée de mon collègue, Janet Stewart; et notre conseil
19 principal, Barbara Goy et Douglas Stringer.
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.
21 Et du côté de la Défense.
22 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Monsieur le
23 Juge, toutes les personnes présentes dans le prétoire. Me Karnavas, assisté
24 de Suzana Tomanovic, représentant les intérêts de Jadranko Prlic.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
26 Et pour M. Stojic.
27 Mme NOZICA : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je suis Me
28 Senka Nozica, représentant les intérêts de Bruno Stojic, accompagnée de Me
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1 Ellis et Molly Martin.
2 Merci.
3 Et pour M. Praljak.
4 Mme PINTER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
5 Juges, toutes les personnes dans le prétoire. Le général Praljak est
6 représenté aujourd'hui par Natacha Fauveau-Ivanovic et Nika Pinter.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous salue tous deux.
8 Et ensuite, pour M. Petkovic.
9 Mme ALABURIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Je salue
10 toutes les personnes dans le prétoire. Le général Petkovic est représenté
11 par Me Vesna Alaburic, Me Davor Lazic et Slavko Mateskovic.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
13 Mme TOMASEGOVIC-TOMIC : [interprétation] M. Coric est représenté par le
14 conseil principal, Me Dijana Tomasegovic-Tomic; le co-conseil, Me Drazen
15 Plavec; et notre assistant juridique, M. Ivetic.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, et je vous salue tous
17 et toutes.
18 Et M. Pusic.
19 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
20 les Juges. M. Pusic est représenté aujourd'hui par Me Sahota et Me
21 Ibrisimovic.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
23 Je souhaite simplement avoir une confirmation de la part des appelants
24 qu'ils sont en mesure de suivre la procédure dans leur langue. Très bien.
25 Donc, c'est parfait.
26 L'Accusation, vous avez deux heures.
27 Mme BAIG : [interprétation] Messieurs les Juges, aujourd'hui, je vais
28 aborder les trois premiers moyens d'appel concernant la responsabilité
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1 pénale. Dans chacun de ces moyens, l'Accusation se concentre
2 essentiellement sur des erreurs liées à des omissions, où la Chambre de
3 première instance n'a pas jugé quelque chose de façon complète.
4 Ensuite, je passerai la parole à Mme Goy, qui abordera le moyen numéro 4,
5 qui parle sur le prononcé de la peine.
6 A commencer par le premier moyen, qui soulève cinq erreurs liées entre
7 elles dans l'analyse de la Chambre de première instance portant sur l'ECC
8 de troisième catégorie.
9 Je souhaite tout d'abord aborder l'essentiel du moyen 1, autrement dit, le
10 manquement au fait de juger ou de donner des motifs, branche du moyen
11 d'appel 1(c). Le problème ici est un problème fort simple. Eu égard à
12 différents événements liés à l'ECC de troisième catégorie, la Chambre de
13 première instance n'a pas jugé la responsabilité pénale individuelle pour
14 ces crimes de manière significative. La Chambre de première instance a
15 évalué les éléments de preuve et a conclu que les crimes reprochés dans
16 l'acte d'accusation ont été prouvés de façon factuelle au-delà de tout
17 doute raisonnable, au tome 2 de façon générale ou au début du tome 3.
18 Et ensuite, la Chambre de première instance constate que les événements
19 allégués répondent à tous les éléments constitutifs des crimes sous-jacents
20 au tome 3. La Chambre de première instance poursuit et conclut que les
21 crimes étaient "la conséquence naturelle et prévisible de l'ECC de première
22 catégorie et sa réalisation."
23 Tome 4, paragraphe 72.
24 La Chambre a donné toutes ces conclusions de façon diligente. Cependant,
25 quand il s'agit de savoir qui doit être tenu responsable pénalement, la
26 Chambre de première instance a omis d'aborder de façon systématique la
27 question de savoir si chacun des accusés pouvait personnellement prévoir
28 qu'il puisse y avoir un risque que chacun de ces événements prouvés
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1 pénalement puisse se produire. Dans la mesure où ce manquement au fait de
2 prononcer un jugement constitue un acquittement implicite, l'Accusation
3 fait appel de ce manquement pour les raisons suivantes.
4 Je souhaite indiquer d'emblée que dans le cas de Pusic, les crimes sont
5 techniquement -- font l'objet d'un jugement, mais ce prononcé figure dans
6 une seule peine. Tome 4, paragraphe 1216.
7 La Chambre rejette de façon globale tous les événements constitutifs de
8 l'ECC de troisième catégorie à l'exception de deux. Sans apprécier tous les
9 éléments de preuve, la Chambre de première instance constate simplement
10 qu'elle ne dispose pas des éléments de preuve nécessaires pour déclarer
11 coupable l'accusé en vertu de l'ECC de catégorie 3. De toute façon, ce
12 jugement assez mince pour Pusic fait l'objet d'un appel parce que des
13 raisons motivées n'ont pas été avancées. Messieurs les Juges, je vais vous
14 donner un exemple de ceci. Au paragraphe 161 de l'acte d'accusation,
15 l'Accusation reproche les six accusés du meurtre de Sanida Kaplan, dans la
16 municipalité de Stolac, le 13 juillet 1993. Son nom est précisé dans
17 l'annexe de l'acte d'accusation.
18 Sanida a été tuée après que les forces armées du HVO soient entrées dans un
19 tout petit village qui comprenait seulement 13 foyers musulmans et deux
20 foyers croates. Elle venait tout juste d'avoir 18 ans. Les forces du HVO
21 sont entrées dans le village et ces forces armées ont chassé violemment les
22 familles musulmanes de leurs maisons. Ils ont arrêté les hommes qui
23 n'avaient pas été rassemblés dans des descentes précédentes, ils ont tiré
24 et les ont menacés de mort.
25 Au cours de ces expulsions, un soldat du HVO répondant au nom de Dragan
26 Bonojza est arrivé devant la maison de Kaplan. Et lorsque Sanida s'est
27 présentée à la porte, il l'a tuée à bout portant en tirant de multiples
28 coups. Sa mère, Fata, regardait sans pouvoir rien faire lorsque sa fille a
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1 été tuée de balles dans la tête. Elle a ensuite témoigné devant ce Tribunal
2 et a dit que le meurtrier l'a ensuite contrainte à quitter le corps de sa
3 fille. Avec ses voisins et le reste de sa famille, Fata a été emmenée par
4 le HVO et détenue dans une école dans un village voisin. Constatations
5 factuelles de la Chambre au tome 2, paragraphes 1934 à 1938.
6 La Chambre de première instance a conclu, en outre, que le meurtre de
7 Sanida Kaplan était à la fois un assassinat en tant que crime contre
8 l'humanité au chef 2 et un homicide intentionnel d'un civil au chef 3. Au
9 tome 3, aux paragraphes 684 et 735.
10 La Chambre a conclu que pour expulser les Musulmans de leurs maisons dans
11 le but de réaliser une entreprise criminelle commune, les forces du HVO ont
12 été impliquées dans des actes d'une violence extrême en menaçant et
13 maltraitant les Musulmans, et en tuant des personnes et en commettant des
14 crimes qui étaient une conséquence naturelle et prévisible de l'entreprise
15 criminelle commune. Au tome 4, paragraphe 72.
16 Au tome 4, paragraphe 70, la Chambre de première instance énumère même ce
17 meurtre et le cite à titre d'exemple de crime relevant de l'entreprise
18 criminelle commune de troisième catégorie comme étant prévisible. Malgré le
19 fait d'avoir énuméré ces constatations factuelles au sujet de ce meurtre,
20 que cela s'est produit tel que reproché dans l'acte d'accusation, qui en
21 était l'auteur, qu'il s'agissait d'un crime international, et même quel
22 mode de responsabilité devrait être appliqué, la Chambre n'a pas déterminé
23 si trois des six accusés étaient pénalement responsable. La Chambre ne
24 s'est penchée que sur la responsabilité pénale de Petkovic et de Coric. Et
25 s'agissant de Pusic, cet événement constitue un des trois [comme
26 interprété] événements rejetés sans motif.
27 Il ne s'agit pas du seul meurtre qui a été ignoré. En réalité, la Chambre
28 de première instance n'a pas abordé la question de savoir si Stojic ou
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1 Praljak pouvaient prévoir l'un quelconque de ces 53 meurtres relevant de
2 l'ECC de catégorie 3. Cinquante trois personnes ont été tuées lors de
3 l'exécution de l'entreprise criminelle commune, et la Chambre n'a même pas
4 considéré si Stojic ou Praljak étaient responsables de l'un quelconque de
5 ces crimes.
6 La Chambre n'a pas non plus abordé la question de la responsabilité pénale
7 de l'un quelconque des accusés dans les crimes commis dans la municipalité
8 de Prozor relevant de l'ECC de catégorie 3. Aucun des meurtres commis à
9 Prozor, aucun viol ou violence sexuelle ou destruction de la mosquée de
10 Skrobucani, ni les vols. Et la Chambre n'a pas tenu compte de meurtres
11 commis dans d'autres municipalités par rapport à tous les accusés.
12 Lorsque vous vous pencherez en profondeur sur ces questions, vous
13 constaterez que le traitement de la Chambre est difficile à comprendre et
14 incohérent s'agissant des six accusés.
15 Alors pour vous donner l'idée de l'ampleur de ce problème, je vais
16 vous montrer un tableau, et en me fondant sur l'acte d'accusation et les
17 jugements en première instance que nous avons résumés dans notre mémoire en
18 appel, il y avait environ 36 événements qui relevaient de l'ECC de
19 catégorie 3, chaque événement comprend peut-être plusieurs ou une victime
20 et réparti dans le temps. Vous multipliez ceci par six accusés, vous faites
21 les ajustements nécessaires pour ceux qui ont rejoint l'ECC plus tôt ou
22 plus tard, ceci correspond à peu près à 211 événements pour lesquels nous
23 nous attendions à ce que la Chambre de première instance statue sur la
24 question de la responsabilité pénale.
25 Ce cercle représente ces 211 cas de responsabilité pénale. Sur ces
26 211 cas, 151 [comme interprété] ne sont pas répertoriés. C'est ce qui est
27 dessiné en orange ici. Soit la Chambre n'a pas du tout abordé la question
28 de la responsabilité pénale ou, s'agissant de Pusic, a simplement écarté
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1 les 33 événements liés à Pusic, sans que cela soit inclus dans la peine.
2 Donc pour plus de 70 % des événements prouvés au titre de l'ECC de
3 catégorie 3, nous ne disposons pas de conclusion sur la responsabilité
4 pénale ou, en tout cas, nous n'avons pas d'opinions motivées.
5 L'ampleur de cette omission est sans précédent. On ne peut pas
6 retenir cela. La Chambre de première instance semble avoir oublié de
7 décider si les accusés ont une responsabilité pénale pour ces crimes graves
8 commis contre l'humanité et sachant qu'il s'agit des crimes de guerre. Ceci
9 est une issue inacceptable pour tout un chacun, pour les victimes; pour les
10 victimes, telle que Fata Kaplan, cette femme qui pleurait la mort de sa
11 fille, qui s'est rendue à La Haye pour parler à la Chambre du meurtre de sa
12 fille et de l'épreuve qu'a dû subir sa famille. C'est une issue
13 inacceptable pour la communauté internationale et l'héritage de ce
14 Tribunal. Messieurs les Juges, il s'agit de la responsabilité première qui
15 revient à la Chambre de première instance de se prononcer sur l'acte
16 d'accusation comme il se doit, et la justice n'a pas été complètement
17 rendue en l'espèce.
18 Messieurs les Juges, je vais maintenant aborder les moyens d'appel
19 qui portent sur les événements liés à l'ECC de catégorie 3 qui ont été
20 jugés par la Chambre de première instance.
21 A commencer par le premier moyen d'appel et l'erreur liée à la mens
22 rea, l'élément moral. En résumé, Messieurs les Juges, la Chambre de
23 première instance n'a pas appliqué le critère correct eu égard à l'élément
24 moral de l'ECC de troisième catégorie. Le critère exact concerne la
25 prévisibilité des crimes, à savoir s'il a constitué une conséquence
26 possible ou éventuelle de l'entreprise criminelle commune. D'après la
27 jurisprudence bien établie, ce critère n'est pas satisfait par des
28 scénarios à distance peu possibles. La loi exige qu'il y ait possibilité
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1 que les crimes puissent être commis et que cela est suffisamment important
2 pour que cela soit prévisible pour l'accusé. Et je vous renvois, Messieurs
3 les Juges, à l'arrêt Sainovic, paragraphe 1557; et Karadzic, décision en
4 appel liée à l'entreprise criminelle de troisième catégorie.
5 En l'espèce, la Chambre de première instance s'est penchée sur le
6 fait que c'était probable plutôt qu'une conséquence possible, que les
7 crimes seraient commis plutôt que pourraient ou seraient susceptibles
8 d'être commis. Donc les crimes constituaient l'issue probable de la
9 réalisation de l'objectif commun, donc qu'il s'agissait d'une issue
10 possible. Le niveau de prévisibilité est donc très élevé. Messieurs les
11 Juges, parce que la langue d'origine du jugement est en français, je place
12 l'original et la traduction à l'écran, à savoir le critère juridique est
13 très élevé.
14 Au tome 1, paragraphes 216, la Chambre précise que pour l'entreprise
15 criminelle commune de troisième catégorie, l'accusé a délibérément pris le
16 risque que ce crime soit commis puisqu'il savait qu'un tel crime était la
17 conséquence probable de la réalisation du but commun.
18 La Chambre de première instance a appliqué ce critère élevé dans
19 nombre de domaines au cours de son analyse concernant la responsabilité de
20 l'ECC de catégorie 3. L'analyse de la Chambre de première instance sur la
21 responsabilité pénale de Stojic est un bon exemple de cette erreur, parce
22 que la Chambre de première instance a utilisé ce critère élevé, et ce, de
23 façon cohérente dans toute son analyse.
24 A commencer par le tome 4, paragraphe 433, la Chambre établit si
25 Stojic pouvait raisonnablement prévoir que ces crimes allaient être commis
26 et en a pris le risque. La Chambre de première instance a ensuite appliqué
27 un critère erroné à toutes les autres neuf conclusions. En appliquant le
28 critère erroné, la Chambre a condamné Stojic pour cinq crimes relevant de
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1 l'entreprise criminelle commune de catégorie 3, concluant au paragraphe
2 437, qu'il pouvait prévoir que le HVO allait commettre des violences
3 sexuelles lors des expulsions de Mostar, aux paragraphes 439, 445, 446,
4 447, pouvait prévoir que le HVO allait commettre des vols.
5 Ensuite, la Chambre de première instance n'a pas appliqué le bon
6 critère lorsqu'elle a acquitté l'accusé de quatre crimes, aux paragraphes
7 441, 443, 448, 449, il ne pouvait pas prévoir que les vols ou la
8 destruction d'édifices religieux se produirait au cours de certaines
9 opérations.
10 La Chambre de première instance n'a pas fait preuve de cohérence. Et
11 plus précisément dans son analyse de la responsabilité de Prlic, la Chambre
12 de première instance renvoie au niveau correct de prévisibilité, la
13 possibilité.
14 Mais pour ce qui est de la plupart des crimes jugés au titre de l'ECC
15 de catégorie 3, la Chambre de première instance n'a pas appliqué le
16 standard de probabilité correct. Ce critère juridique ou ce niveau très
17 élevé a donné lieu à des acquittements erronés eu égard à 21 événements.
18 Dans la mesure où l'acquittement global de Pusic était un jugement, il
19 semble que le critère le plus élevé ait été appliqué, ce qui signifie qu'au
20 total, il y a eu 54 acquittements. Tels sont les événements qui font
21 l'objet de l'appel de l'Accusation.
22 Il s'agit de dix événements supplémentaires, les éléments de preuve
23 liés à la prévisibilité étaient tellement importants que la Chambre de
24 première instance les a condamnés au titre du critère le plus élevé. Je
25 vais marquer une pause ici, parce que ceci correspond à la question 10
26 posée par les Juges de la Chambre. Messieurs les Juges, même s'il y a une
27 erreur juridique dans les condamnations existantes, ceci n'invalide pas le
28 jugement. Les éléments de preuve répondent à ce critère le plus élevé, ce
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1 qui correspond au critère correct, exact. Ni l'Accusation, ni la Défense
2 n'ont fait appel de ces erreurs juridiques, parce qu'ils n'ont aucune
3 incidence. En appliquant le critère correct, l'issue serait la même : la
4 déclaration de culpabilité.
5 Plusieurs répondants ont suggéré dans leur mémoire que la Chambre de
6 première instance aurait dû, et que cela était un principe de base,
7 appliquer le critère idoine malgré ce choix terminologique. Mais, Messieurs
8 les Juges, il ne s'agit pas d'une affaire où la Chambre délibérément fixe
9 ou s'occupe de l'analyse des faits par rapport au critère juridique idoine,
10 et ensuite utilise accidentellement plusieurs, quelques mots comme ça au
11 hasard. Non, la Chambre de première instance a fixé le critère juridique
12 qui n'était pas correct, mais ensuite a fait référence à ce critère dans 75
13 % environ des crimes au titre de l'ECC de troisième catégorie qu'elle a
14 jugés. Et seuls 14 des 60 événements jugés pour entreprise criminelle de
15 troisième catégorie semblent être ceux pour lesquelles la Chambre a
16 appliqué le critère idoine.
17 J'aimerais à présent passer au premier moyen d'appel et la branche
18 (b), la division.
19 Dans cette branche du moyen d'appel, l'Accusation n'est pas d'accord
20 avec l'appréciation très restreinte de la Chambre de première instance des
21 éléments de preuve pertinents pour la prévisibilité. Lorsqu'elle a apprécié
22 si les crimes de troisième catégorie étaient prévisibles, la Chambre de
23 première instance devait se pencher sur l'ensemble des éléments de preuve,
24 notamment les circonstances qui entouraient les crimes et la totalité des
25 intentions pertinentes de l'accusé et de sa connaissance. Et, en fait, la
26 Chambre de première instance ne l'a pas fait. Elle s'est concentrée de
27 façon très, très, très stricte sur l'emplacement particulier à envisager et
28 elle a apprécié si un crime particulier était prévisible exclusivement sur
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1 la base des événements et des informations pour cette municipalité en
2 particulier.
3 Alors, je vais vous expliquer cela en prenant l'exemple de cette
4 division.
5 Lorsque les Juges de la Chambre se sont penchés sur la responsabilité
6 de Prlic au titre de la troisième catégorie d'ECC pour le 5 décembre 1993,
7 lorsqu'il y a eu la mort d'un détenu au centre de détention de Vojno, la
8 Chambre de première instance a constaté que Prlic n'a été informé que des
9 meurtres à cet emplacement-là au moyen d'une lettre du CICR datée du 20
10 janvier 1994. Son raisonnement était le suivant. Etant donné que les crimes
11 ont eu lieu avant qu'il ne reçoive la lettre, la Chambre n'a pas pu
12 conclure qu'il aurait pu prévoir raisonnablement que les meurtres allaient
13 être commis.
14 Mais la Chambre a commis une erreur en se concentrant exclusivement
15 sur la lettre du CICR comme le seul élément de preuve fondant cette
16 prévisibilité des meurtres. Cet élément de preuve a été apprécié isolément
17 et, partant, la Chambre de première instance a prononcé un acquittement,
18 mais elle a commis une erreur. Afin d'apprécier comme il se doit si Prlic
19 aurait pu prévoir qu'un risque existait et que des meurtres pouvaient se
20 produire dans le centre de détention de Vojno en décembre 1993, la Chambre
21 de première instance aurait dû aller au-delà de cette information sur les
22 meurtres à cet emplacement en particulier. Et si elle l'avait fait, elle
23 aurait conclu clairement qu'au vu des éléments de preuve apportés au
24 dossier et des constatations qui auraient pu être tirées au mois de
25 décembre 1993, Prlic aurait pu prévoir que des meurtres de Musulmans
26 auraient pu ou allaient être commis dans le réseau de centres de détention
27 du HVO, notamment Vojno. Donc, par exemple, il aurait été pertinent que la
28 Chambre apprécie que Prlic était au courant que des meurtres pouvaient être
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1 commis à Sovici et Doljani au mois d'avril 1993. Tome 4, paragraphe 283.
2 Que Prlic était également au courant des conditions déplorables de
3 détention dans deux autres centres de détention du réseau, Dretelj et
4 Gabela, le 19 juillet 1993 déjà. Tome 4, paragraphe 286. Et que Prlic
5 aurait pu prévoir que des meurtres allaient être commis pendant les
6 expulsions qui avaient commencé, au moins en juin 1993. Tome 4, paragraphe
7 284. N'oublions pas non plus que la constatation de la Chambre pour
8 entreprise criminelle commune de première catégorie selon laquelle Prlic
9 avait partagé l'intention d'expulser la population musulmane d'Herceg-Bosna
10 par la commission de crimes, notamment la persécution et le meurtre, aurait
11 dû être envisagée. Tome 4, paragraphes 276 et 287. Qu'il partageait
12 l'intention de détenir des Musulmans dans des conditions cruelles et
13 inhumaines, de les maltraiter et de les utiliser pour effectuer des travaux
14 forcés, ce qui allait mener à leur mort sur la ligne de front. Tome 4,
15 paragraphes 273, 274 et 287.
16 Si la Chambre de première instance n'avait pas commis d'erreur de
17 droit lorsqu'elle s'est concentrée sur les éléments de preuve séparément
18 pour Vojno, la seule conclusion à laquelle elle serait arrivée à
19 l'appréciation ou à l'examen de l'ensemble des éléments de preuve était la
20 suivante : Prlic était au courant qu'un détenu à Vojno pouvait être une
21 victime et qu'il allait être tué en décembre 1993, et il aurait dû être
22 condamné au titre de l'entreprise criminelle commune de troisième
23 catégorie, pour ce crime.
24 Comme nous l'avons expliqué dans notre mémoire, cette erreur, en
25 raison de cette séparation artificielle des éléments de preuve, a fait que
26 certains acquittements ont été prononcés à tort. Et nous demandons à cette
27 Chambre de bien vouloir corriger ces erreurs, comme nous l'avons expliqué
28 dans notre mémoire.
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1 Je passe à présent à la branche (d) du premier moyen d'appel,
2 Messieurs les Juges. Coric, à présent. Pour cette branche du moyen d'appel,
3 la Chambre de première instance a non seulement limité son analyse des
4 éléments de preuve à un emplacement en particulier comme pour tout à
5 l'heure, mais elle a également exigé que Coric, pour procéder à une
6 condamnation, devait contribuer à un crime particulier au titre de
7 l'entreprise criminelle commune de première catégorie à ces emplacements-
8 là. Donc, la Chambre de première instance ne s'est pas contentée de vouloir
9 que Coric ait participé à des crimes liés à l'entreprise criminelle commune
10 de première catégorie dans les mêmes emplacements, elle a constaté qu'il
11 avait participé à l'arrestation et la détention des hommes à Stolac et
12 Capljina, mais parce qu'il n'avait pas personnellement la main sur les
13 expulsions et qu'il n'avait pas donné l'ordre directement des expulsions
14 des femmes, des enfants et des personnes âgées, la Chambre de première
15 instance a constaté qu'il n'était pas responsable des crimes de troisième
16 catégorie, qui incluaient 16 assassinats ou meurtres, notamment Sanida
17 Kaplan et des vols. Tome 4, paragraphe 1015, renvoyant au paragraphe 953.
18 Ce faisant, la Chambre de première instance ajoute une nouvelle
19 exigence selon laquelle l'accusé devrait avoir contribué de façon
20 particulière à un crime de première catégorie d'entreprise criminelle
21 commune à cet emplacement particulier. Et là, une erreur a été commise. Il
22 n'y a pas de fondement juridique justifiant cette exigence.
23 Et enfin, Messieurs les Juges, je voudrais à présent passer à la
24 branche (e) du premier moyen d'appel, erreur factuelle. L'Accusation
25 soulève également des erreurs de fait. Aucun Juge du fait raisonnable
26 n'aurait pu acquitter les accusés pour ces crimes. Pour les arguments
27 factuels détaillés s'agissant de chaque répondant, nous renvoyons les Juges
28 de la Chambre à notre mémoire. Et lors de mes présentations orales
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1 aujourd'hui, je pense qu'il me suffira de vous indiquer les éléments
2 principaux. Premièrement, appliquer les critères juridiques et de preuve
3 idoine aurait dû avoir lieu. Les condamnations au titre de la
4 responsabilité pénale pour entreprise criminelle commune de troisième
5 catégorie, dans la plupart des cas, auraient pu être prononcées sur la base
6 des propres constatations de la Chambre de première instance.
7 En particulier, la Chambre de première instance a déjà procédé à des
8 constatations pour plusieurs facteurs contextuels que la Chambre d'appel
9 avait identifié précédemment comme étant la commission d'un type
10 particulier de crimes qui n'entrent pas dans le champ d'application de cet
11 objectif commun prévisible. Je vous renvoie là à l'arrêt Sainovic,
12 paragraphe 1089.
13 Par exemple, la Chambre de première instance a constaté que chaque
14 membre de l'entreprise criminelle commune avait l'intention de poursuivre
15 contre les Musulmans et de commettre toute une série de crimes violents et
16 de persécutions. Il s'agit là des moyens par lesquels l'objectif commun
17 devait être atteint, pas seulement des crimes de déplacement forcé, mais
18 aussi des meurtres pendant les attaques et la destruction arbitraire et de
19 grande échelle de biens qui ne sont pas justifiés par des moyens
20 militaires. Le traitement inhumain et cruel de détenus vulnérables, des
21 meurtres et assassinats pendant les travaux forcés dangereux illégaux sur
22 la ligne de front. Et après le 30 juin 1993, les membres de l'ECC - c'est
23 une des constatations - avaient eu l'intention de répandre la terreur, de
24 mener des attaques illégales sur des civils musulmans.
25 Et là, Messieurs les Juges, il ne s'agit pas uniquement d'une intention de
26 poursuivre cet objectif criminel commun en utilisant des moyens violents
27 d'une violence incroyable, ils étaient également au courant des modalités
28 de cette ECC. Chacun savait quel était ce climat d'animosité qui régnait
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1 entre les différents groupes ethniques, une séparation ethnique était leur
2 objectif commun. Chacun des accusés a participé à plusieurs aspects de ce
3 schéma de crimes dans la poursuite de cette ECC dans plusieurs
4 municipalités, dans plusieurs centres de détention. Et, chacun d'entre eux,
5 conjointement avec les autres membres, n'ont rien fait pour arrêter ces
6 agissements. Et chacun d'entre eux était au courant des facteurs qui
7 avaient prévalu dans d'autres circonstances et qui avaient fait que les
8 victimes étaient rendues plus vulnérables, montrant qu'ils étaient au
9 courant du risque encouru.
10 Par exemple, ils savaient que séparer la population en fonction de leur
11 genre devait être fait. Que la population mâle musulmane devait être
12 rassemblée et détenue, qu'il fallait les séparer des femmes et des enfants.
13 Chacun d'entre eux savait que les détenus étaient dans des conditions
14 terribles, ils étaient soumis à des privations, à la violence. Chacun
15 savait que la présence de criminels dans des unités envoyées pour mener des
16 opérations à proximité de civils musulmans allait faire des victimes, tels
17 que le Bataillon des Repris de justice bien connu de Naletilic.
18 Et la Chambre de première instance a divisé ces appréciations des crimes au
19 titre de la troisième catégorie et n'a pas pris en compte ce contexte
20 global. Mais, si l'on regarde les choses séparément et que l'on met tout
21 ensemble, dans la plupart des cas, cela serait suffisant pour suivre notre
22 thèse, Messieurs les Juges.
23 Par exemple, regardez l'appréciation des Juges de la Chambre, de la
24 prévisibilité des vols, pillage et appropriation de biens. La Chambre a
25 constaté que cinq accusés qui étaient membres de l'ECC à cette époque
26 auraient pu prévoir les vols au titre de la troisième catégorie
27 d'entreprise criminelle commune suite à l'attaque de Gornji Vakuf en
28 janvier 1993.
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1 Donc dès le début de la mise en œuvre de l'ECC, chacun savait déjà que les
2 opérations d'expulsion étaient en cours et que, ce faisant, les vols
3 étaient une conséquence prévisibles de l'objectif criminel commun. Et la
4 Chambre a même condamné quatre d'entre eux, parce qu'ils auraient pu
5 prévoir que ce risque existait - risque de vols - et que c'était une
6 conséquence probable de la mise en œuvre de l'ECC à Gornji Vakuf. Qui plus
7 est, chaque accusé, chacun des cinq accusés a été condamné pour vols dans
8 au moins une autre municipalité après Gornji Vakuf, et ce schéma de vols
9 des biens des Musulmans a continué pendant toute la durée de l'exécution de
10 ce plan criminel commun.
11 Et ces constatations suffisent, Messieurs les Juges, à combler les fossés
12 et à pouvoir appliquer le critère juridique idoine qui suffit à condamner
13 chacun des accusés au titre de vols dans le cadre de cette entreprise
14 criminelle commune de troisième catégorie. Et étant donné que chaque
15 répondant savait déjà en janvier 1993 que des vols pouvaient avoir lieu
16 dans le cadre de la poursuite de cette ECC, ils auraient également pu
17 prévoir ce risque en avril pour Jablanica, en mai à Mostar, en juillet à
18 Stolac et Capljina, et puis à Prozor et à Vares, tout particulièrement,
19 compte tenu de leur connaissance des opérations violentes,
20 discriminatoires, et de l'augmentation de leur échelle et de leur ampleur,
21 et, particulièrement également, compte tenu du fait qu'ils n'ont rien fait
22 pour arrêter ces violences.
23 Messieurs les Juges, la prévisibilité ne dépend pas du fait de savoir si
24 oui ou non un répondant en particulier savait ou ne savait pas qu'une
25 attaque militaire avait été prévue un jour précis, à un endroit précis. La
26 prévisibilité n'exige pas une prévision aussi précise de l'avenir.
27 La Chambre d'appel a déjà rejeté cette approche dans l'affaire Krstic. En
28 réponse à un argument de la Défense selon laquelle il avait été tenu
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1 responsable de crime dont il n'avait pas connaissance et qui avait vraiment
2 lieu, la Chambre d'appel a expliqué dans cette affaire-là que pour pouvoir
3 prononcer une condamnation au titre de l'entreprise criminelle commune de
4 troisième catégorie :
5 "Il n'est pas nécessaire d'établir qu'il avait connaissance du fait que les
6 autres actes auraient pu avoir lieu."
7 Il suffit à la Chambre de première instance de déterminer si l'accusé :
8 "…était, en fait, au courant que ces autres actes criminels étaient commis;
9 et il suffit de savoir que l'on pouvait prévoir leur occurrence, qu'il le
10 savait, et que les autres crimes avaient eu lieu effectivement."
11 Je renvoie les Juges de la Chambre à l'arrêt Krstic ici, paragraphe 150.
12 Dans une ECC de cette nature et de cette ampleur, d'un point de vue
13 juridique, il suffit de déterminer le type de crimes et sa prévisibilité.
14 Je vous renvoie là à l'arrêt Sainovic, paragraphe 1089.
15 Compte tenu de la nature de l'ECC et des moyens utilisés pour la mettre en
16 œuvre sur le terrain, les quatre types d'ECC de troisième catégorie étaient
17 prévisibles pour chacun des accusés en l'espèce. Ils étaient prévisibles
18 nonobstant la connaissance ou non de l'un des accusés en particulier et
19 leur participation personnelle dans les activités d'ECC de première
20 catégorie.
21 Messieurs les Juges, la jurisprudence est claire sur ce point. Pour ce qui
22 est des responsabilités en application de l'ECC de catégorie 3, il n'est
23 point nécessaire que l'accusé ait eu à connaître de ce qui s'était produit
24 comme crime précédemment afin qu'il puisse prévoir les choses. Stanisic et
25 Zupljanin, paragraphe 627, par exemple. Les informations positives
26 relatives aux crimes passés ne sont pas requises. Mais tous les répondants
27 ici présents étaient au courant de ce qui s'était passé auparavant : Prlic
28 comme président, Stojic à la tête du département de la défense, Praljak et
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1 Petkovic au sommet de l'état-major principal du HVO, Coric lui qui était
2 chargé de l'administration de la police militaire et de la mise en liberté
3 et des échanges de prisonniers. Partant de leurs positions et de leurs
4 liens mutuels, tous ceux qui avaient été au courant des informations
5 relatives aux crimes graves contre des personnes et contre leurs biens - et
6 cela allait même au-delà des crimes qu'on avait eu l'intention de commettre
7 - parce qu'il y a eu une campagne de nettoyage ethnique.
8 Alors je vais parler maintenant de la question 4(c) s'agissant de l'appel
9 interjeté par l'Accusation. Si les Juges de la Chambre d'appel venaient à
10 invalider les conclusions des Juges de la Chambre de première instance
11 concernant les meurtres de la maison de Sljivo à Dusa, est-ce que cela
12 aurait un impact quelconque pour ce qui est de la responsabilité au terme
13 de l'ECC ? Concernant l'Accusation, notre réponse est de dire : Non.
14 S'agissant, par exemple, de certains appels interjetés par la Défense la
15 semaine passée, je vais présenter un certain nombre d'arguments qui sont
16 les nôtres. Indépendamment du fait de savoir si les sept civils et la mort
17 de ces sept civils pouvait être qualifiée comme homicide ou indépendamment
18 du fait de savoir si les répondants avaient eu à connaître la teneur du
19 rapport de Siljeg du 28/29 janvier, le fait est, que le modèle d'attaques
20 est clair pour ce qui est des attaques lancées contre la municipalité de
21 Gornji Vakuf le 18 janvier et les journées d'après avaient suivi un
22 planning préconçu pour ce qui est d'une atmosphère d'extrême violence. Et
23 cette violence extrême s'est poursuivie au fil de la mise en œuvre de l'ECC
24 entière, ce qui démontre que c'était la façon dont on avait eu l'intention
25 de mettre en œuvre l'objectif criminel commun.
26 Dans l'affaire Sainovic, la Chambre d'appel a conclu du fait que l'accusé
27 avait pu prévoir les homicides, et non seulement il devait être au courant
28 de l'existence des violences, mais aussi de la gravité de ces actes de
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1 violence, ce qui fait que les homicides étaient tout à fait prévisibles.
2 Qu'est-ce qui diffère dans cette affaire, Messieurs les Juges ? Eh bien,
3 tous les membres de l'entreprise criminelle commune avaient déjà eu
4 l'intention, non seulement de déplacer par la force les Musulmans, mais
5 aussi de les exécuter en application de l'entreprise criminelle commune,
6 catégorie 1. La Chambre a fait une distinction pour ce qui est des tueries
7 lors des attaques et lors des travaux forcés, ECC catégorie 1, et c'est
8 différent de ce que l'on envisage dans la détention ou les expulsions, mais
9 cela avait eu une influence sur la prévisibilité des autres meurtres ou
10 homicides. Le fait est que les Musulmans avaient déjà été tués dans le
11 cadre de la réalisation de cet objectif criminel commun.
12 Donc, en somme, jusqu'au moment où il y a eu les premières missives dans
13 l'application de la catégorie 3 de l'ECC, tous les répondants avaient déjà
14 eu à commettre des violences extrêmes qui avaient été mises en œuvre pour
15 l'accomplissement de l'objectif final, l'objectif criminel commun, ce qui
16 fait que les homicides étaient prévisibles en application de l'ECC
17 catégorie 3, indépendamment de la façon dont on qualifierait les exécutions
18 de Dusa ou qui avait communiqué l'information à qui pour ce qui est de ces
19 meurtres.
20 Donc, la Chambre de première instance, au niveau de l'ECC catégorie 3, est
21 pleine d'erreurs. Il n'y a pas eu de définition pour ce qui est des
22 répondants qui avaient une responsabilité pénale pour plus de 70 % des
23 incidents de l'ECC catégorie 3; et ce qui a été analysé a fait l'objet
24 d'erreurs de droit. Donc je vous prie de procéder à la rectification de ces
25 erreurs et de condamner les répondants comme nous l'avons demandé dans
26 notre mémoire en appel.
27 Messieurs les Juges, je crois que je devrais procéder à un rectificatif,
28 compte rendu d'audience page 14, ligne 5. Je crois que je me suis mal
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1 exprimé j'ai dit qu'"après juin 1993" les membres de l'entreprise
2 criminelle commune avaient eu l'intention de répandre la terreur; j'aurais
3 dû dire "à compter de juin 1993", et non pas "après". Le volume 4,
4 paragraphe 59.
5 Autre moyen d'appel, maintenant, de l'Accusation, numéro 2. Une fois de
6 plus, la Chambre a laissé inachevée une analyse requise et a prononcé un
7 jugement en acquittement avant que de s'être prononcée sur les autres chefs
8 d'accusation.
9 Dans l'acte d'accusation, tous les accusés sont mis en accusation sous les
10 articles 7(1) et 7(3). Et lorsque la Chambre a acquitté en application du
11 7(1), la tâche n'était pas encore terminé; il aurait dû y avoir une analyse
12 et un jugement pour ce qui est de savoir si les défendants avaient une
13 responsabilité pénale en leur qualité de supérieurs. Cela a été fait pour
14 ce qui est des crimes commis à Prozor en 1992. Une fois que l'on a conclu
15 qu'à ce moment-là il n'y avait pas eu d'objectif criminel commun, la
16 Chambre s'est penchée sur une analyse pour ce qui est de savoir si l'un
17 quelconque des répondants avait assumé des responsabilités criminelles pour
18 ce qui est de la responsabilité criminelle telle qu'envisagée à l'acte
19 d'accusation. Mais pour ce qui est de ces actes criminels, la Chambre a
20 interrompu ses analyses lorsqu'elle a constaté qu'il n'y avait pas de
21 responsabilité pénale en application de l'ECC. Donc, cela a été fait
22 prématurément parce qu'on n'avait pas analysé la totalité des chefs
23 d'accusation à l'acte d'accusation.
24 Nous nous sommes concentrés sur l'omission de punir, parce que pour que
25 quelque chose fasse partie de la catégorie des délits au pénal qui n'ont
26 pas fait l'objet de condamnation, et on a dit qu'il n'y avait pas eu
27 d'intention criminelle pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune
28 catégorie 1 et que ces crimes n'avaient pas été prévisibles en application
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1 de l'entreprise criminelle commune catégorie 3. Mais la seule modalité de
2 responsabilité qui ne fait pas partie de cette analyse, c'est l'omission de
3 punir en application de l'article 7(3).
4 Et dans notre appel, nous avons énuméré les faits et les conclusions qui
5 devraient faire l'objet de condamnations, parce que la Chambre a acquitté
6 Petkovic pour ce qui est de l'ECC catégorie 3 s'agissant de l'exécution de
7 détenus musulmans à Dretelj, en mi-juillet 1993; il y en a un qui est mort
8 suite à une déshydratation et trois autres ont été abattus. La Chambre a
9 estimé que Petkovic ne pouvait pas prévoir ces meurtres parce qu'il n'a été
10 informé de la chose que le 20 janvier 1994, et ce, par les soins du Comité
11 de la Croix-Rouge internationale.
12 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sauraient gré à l'Accusation de ralentir.
13 Mme BAIG : [interprétation] Mais avant que de prononcer un jugement en
14 acquittement, la Chambre de première instance aurait dû analyser la
15 responsabilité du supérieur hiérarchique pour le même incident. Et il ne
16 s'agit pas d'une décision optionnelle, ce n'est pas un droit
17 discrétionnaire; ce n'est pas une option qu'on peut ne pas adopter. Il
18 s'agit des modalités qui sont prévues par l'acte d'accusation. Et d'après
19 les constatations des Juges de la Chambre, nous estimons que cette
20 constatation serait tout à fait justifiée.
21 Parce que Petkovic, à l'état-major principal était un supérieur
22 hiérarchique et avait exercé un contrôle effectif à l'égard des auteurs.
23 Volume 4, paragraphes 663 et 679.
24 Comme je viens de le dire, les Juges de la Chambre de première instance ont
25 constaté qu'il a, de fait, été informé par le courrier du CICR de ces
26 homicides concrets, bien que la chose n'ait été communiquée qu'après coup.
27 La Chambre a constaté que Petkovic avait admis qu'il y a eu de mauvais
28 traitements de détenus à Dretelj, y compris des homicides et mauvais
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1 traitements, et qu'il n'y a rien eu d'entrepris contre les auteurs.
2 Paragraphe 816.
3 Donc, tous les éléments de responsabilité du supérieur hiérarchique se
4 trouvent être constatés, et quand bien même il n'y a pas eu de condamnation
5 en application de la responsabilité du supérieur hiérarchique.
6 A la place, Petkovic a été acquitté de ces crimes alors que la Chambre a
7 constaté que les éléments de ces crimes et les modalités de ces crimes
8 avaient été prouvés.
9 Nous faisons ici référence à l'argumentation présentée dans notre mémoire
10 en appel et nous estimons que cet acquittement devrait être annulé.
11 Une mission autre pour ce qui est des Juges de la Chambre de première
12 instance était d'établir la responsabilité première concernant les chefs
13 d'accusation; et là aussi, la justice a été faite, mais de façon
14 incomplète.
15 Dans le moyen numéro 3, l'Accusation remet en question ce qui a été fait de
16 façon incomplète. Il s'agit d'une omission technique pour ce qui est de
17 l'application des règles relatives à la condamnation cumulative. Et pour ce
18 qui est de la mise en œuvre de cette règle, la Chambre a fait une erreur en
19 autorisant à ce que quatre groupes d'incidents soient omis du jugement
20 rendu. Cette erreur doit être rectifiée parce que la Chambre a conclu du
21 fait que les défendants avaient commis les crimes, mais il n'y a pas eu de
22 jugement rendu et de peine prononcée.
23 Je vais m'expliquer. La Chambre a, à très juste titre, constaté que les
24 condamnations cumulatives devaient se baser sur les faits pour ce qui est
25 de l'article 2, violations graves et destructions de propriété à grande
26 échelle, et je parle ici du chef d'accusation 19; article 3, crime de
27 destruction, tel que prévu au chef 20.
28 Ceci s'est produit parce que seules les destructions à grande échelle en
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1 application de l'article 2 constituaient un élément distinct pour ce qui
2 est de la propriété, qui est généralement protégée par les conventions de
3 Genève si elle se trouve sur des territoires occupés. Tous les éléments de
4 cette destruction arbitraire de l'article 3 se trouvent également à
5 l'article 2 de violations graves. Par conséquent, lorsque les éléments des
6 deux crimes ou types de crimes sont réunis pour ce qui est des mêmes faits,
7 la condamnation peut être rendue pour ce qui est de destruction à grande
8 échelle en application de l'article 2. Ça se trouve comme analyse au volume
9 4, paragraphes 1264 à 1266.
10 La Chambre de première instance a, à juste titre, analysé ceci, et jusque-
11 là, il n'y a aucune contestation pour ce qui est des parties en présence,
12 s'agissant des erreurs éventuelles du jugement rendu en première instance.
13 L'erreur se produit lorsque la Chambre de première instance a mis en
14 œuvre l'article en question. La Chambre a, en termes simples, omis de
15 constater que, s'agissant de quatre groupes d'incidents, il n'y a pas eu
16 constatation de comportement criminel en application de l'article 2 et
17 article 3. Par conséquent, la Chambre n'a pas relevé le fait qu'il
18 s'agissait là d'une situation avec risque de condamnation cumulative. Mais
19 ici, il s'agit de destruction de maisons musulmanes dans différents
20 villages, quatre villages de la municipalité de Gornji Vakuf, le 18 janvier
21 1993, les biens musulmans à Prozor, dix mosquées à Mostar est, et la
22 destruction du vieux pont. Chacun de ces quatre incidents a fait l'objet
23 d'une constatation de crime de destruction arbitraire, ce qui est une
24 violation des lois et coutumes de la guerre, ce qui se trouve être prévu à
25 l'article 3, chef d'accusation 20.
26 Mais s'agissant du chef d'accusation 19, violations graves en
27 application de l'article 2, la Chambre a constaté que ces éléments
28 n'avaient pas été satisfaits pour ce qui est de ces quatre incidents-là, et
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1 ce, parce que la destruction ne s'est pas faite sur un territoire occupé.
2 Alors, cet élément ne se trouve pas être autrement défendu par les
3 conventions de Genève.
4 Donc à la fin du jugement rendu, la Chambre s'est rendu compte de
5 condamnation cumulative pour ce qui est du chef en question, et il y a eu
6 coïncidence des chefs d'accusation et des crimes commis en application des
7 deux articles de la plainte déposée par l'Accusation.
8 Donc il n'y a pas eu condamnation en application du chef 20, pages 430 et
9 431 du volume 4. Et cela a été une erreur, il convient de rectifier cette
10 erreur parce que les condamnations en application du chef 20 doivent être
11 réinstallées pour ce qui est des quatre groupes d'incidents dont je viens
12 de parler.
13 Et ceci m'amène à la question que vous avez posée en dernier lieu, à savoir
14 la question numéro 5, qui se rapporte, quant à elle, aux constatations
15 juridiques qui se trouvent au fondement même des constatations des Juges de
16 la Chambre de première instance pour déterminer si les attaques des
17 villages à Gornji Vakuf avaient constitué des destructions arbitraires et
18 des dévastations qui ne sont pas justifiées par des nécessités militaires,
19 en violation de l'article 3 des lois et coutumes de la guerre, telles que
20 prévu au chef d'accusation numéro 1. Il s'agit d'un chef d'accusation que
21 les Juges de la Chambre n'ont pas prévu dans leur condamnation parce qu'ils
22 ont appliqué la règle relative aux condamnations cumulatives.
23 Alors s'agissant de cette question, vous avez demandé à ce que je parle des
24 fondements mêmes des constatations des Juges de la Chambre pour ce qui est
25 de la destruction de biens pendant les attaques des villages de Dusa,
26 Hrasnica et Zdrimci et Uzricje qui avaient été arbitraires et non justifiée
27 par la nécessité militaire.
28 Alors, Messieurs les Juges, lorsqu'il y a eu adoption d'une
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1 constatation raisonnable pour ce qui est de dire que cela a été justifié,
2 les Chambres ont estimé que l'attaque lancée contre ces quatre villages le
3 18 janvier 1993, avait été telle, que le HVO avait détruit ou endommagé un
4 grand nombre de maisons musulmanes sur le territoire de la municipalité
5 tout entière. Ce n'est pas une coïncidence. Les attaques lancées sur ces
6 quatre villages se sont produites d'une façon tout à fait identique. Il y a
7 eu d'abord pilonnage des maisons musulmanes, ensuite le HVO entrait dans
8 les villages, procédait à des arrestations de la population, détruisait le
9 reste des maisons et emmenait ailleurs les villageois. Volume 4,
10 paragraphes 561, 704 et 922.
11 Partant donc de cette analogie complète concernant les modalités de
12 conduite des opérations et de la perpétration des crimes dans chacun de ces
13 villages, les Juges de la Chambre ont conclu que cela correspondait à un
14 planning préconçu. La Chambre a constaté que le HVO s'était attaqué à
15 chacun de ces quatre villages aux mortiers, mitrailleuses lourdes et
16 artillerie. Volume 2, paragraphe 357. Ça a été caractérisé comme pilonnage
17 arbitraire, indiscriminé.
18 Et le HVO s'est servi de ces armes pour tirer directement sur des
19 civils musulmans, tels que cela a été le cas de Dusa, où un char du HVO a
20 tiré et délibérément endommagé la maison de Sljivo. La Chambre de première
21 instance a raisonnablement conclu du fait que la destruction de ces maisons
22 musulmanes a été faite sans justification militaire aucune, et cela est une
23 conclusion raisonnable. Aucune des maisons détruites ne constituait une
24 cible militaire en soi. La Chambre a également pris en considération le
25 fait que dans ces villages à l'époque de l'attaque, il y avait un certain
26 nombre de membres de l'ABiH. On peut retrouver cette analyse au volume 2
27 [comme interprété], paragraphe 1569 et volume 4, paragraphe 45. La Chambre
28 de première instance a pris en considération le fait aussi, que dans un
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1 village à Zdrimci, certains Musulmans armés s'étaient cachés de temps en
2 temps dans certaines maisons. Volume 3, paragraphe 1569 et paragraphe 2382
3 [comme interprété]. Compte tenu de ces villages, de leur petit nombre et du
4 fait aussi qu'ils étaient armés d'armes de chasse ou d'armes à petit
5 calibre, ce fait-là ne constitue pas une justification militaire crédible
6 pour ce qui est d'une telle destruction des biens musulmans lors de
7 l'attaque.
8 Donc l'inexistence de la justification militaire pour ce qui est des
9 attaques destructives sur les maisons civiles du 18 janvier 1993 confirme,
10 encore une fois, que ces destructions ont continué pendant les jours qui
11 s'en sont suivis, après la prise de contrôle de la part du HVO dans chacun
12 de ces quatre villages. Qu'est-ce que le HVO a fait après la prise de
13 contrôle ? D'abord, il a fait déplacer la population civile, a
14 systématiquement incendié tous les biens musulmans qui n'avaient pas déjà
15 été détruits pendant les opérations de pilonnage, et la Chambre de première
16 instance a conclu que cela a été fait avec le but de prévenir le retour des
17 Musulmans. En même temps, les biens des Croates sont restés intacts. Tome
18 2, 414, 432, 456. A la lumière de l'ensemble des moyens de preuve, la
19 conclusion de la Chambre selon laquelle la destruction pendant l'attaque
20 n'était pas justifiée par les nécessités militaires, et c'était sans motif,
21 est raisonnable et doit être confirmée.
22 Dans la deuxième partie de la question numéro 5, vous avez posé la
23 question de savoir s'il y avait une incidence sur la conclusion selon
24 laquelle la destruction des biens causée pendant des attaques dans
25 plusieurs localités et dans ces municipalités était extensive, si cette
26 conclusion était infirmée.
27 Notre réponse est négative. Cela n'aurait aucune incidence sur le
28 jugement de première instance, et j'ai déjà expliqué cela. Et étant donné
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1 que la Chambre de première instance n'a pas tenu compte de la règle
2 concernant le cumul des déclarations de culpabilité, il n'y a pas de
3 déclaration de culpabilité pour ce qui est des crimes de destruction à
4 grande échelle, le 18 janvier dans ces quatre villages. Et ce critère
5 serait le critère qui est rempli pour ce qui est des articles 2 et 3.
6 Pour ce qui est de ce moyen d'appel de l'Accusation, notre réponse
7 serait donc oui. Il ne reste que la destruction à la date du 18 janvier
8 dans la ville de Gornji Vakuf. Et l'Accusation, Monsieur le Président, n'a
9 pas interjeté appel de l'erreur concernant le cumul de déclaration de
10 culpabilité eu égard à la ville de Gornji Vakuf.
11 Au moyen d'appel numéro 3, l'Accusation se concentre sur les faits
12 que le jugement n'a pas été complet. La Chambre de première instance a
13 conclu que tous les appelants étaient coupables, mais n'a pas prononcé de
14 déclaration de culpabilité. Et de cette façon-là, la justice n'a pas été
15 rendue de façon complète.
16 Donc j'en ai conclu avec mes arguments, et je donne la parole à ma
17 collègue, Mme Goy qui va donc répondre à d'autres questions.
18 Mme GOY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
19 Juges.
20 Par le fait que les appelants ont été condamnés à des peines de 10 à 25 ans
21 d'emprisonnement, la Chambre de première instance a abusé de son pouvoir
22 discrétionnaire. Donc, ces peines sont manifestement inadéquates.
23 Les appelants ont été condamnés pour avoir mis en œuvre une campagne
24 soutenue de nettoyage ethnique visant à créer une situation où les Croates
25 domineraient en Herceg-Bosna. Les crimes ont été commis dans une large
26 partie de la Bosnie-Herzégovine qui couvraient huit municipalités. Ces
27 crimes ont été commis en masse. Plusieurs centaines de milliers de
28 Musulmans ont été expulsés de leurs maisons, souvent ont été forcés de
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1 passer la frontière en appliquant un système élaboré, plusieurs milliers de
2 Musulmans ont été arrêtés et détenus dans des conditions déplorables.
3 Beaucoup d'entre eux ont été forcés d'effectuer des travaux dangereux sur
4 la ligne de front. Pendant ces attaques, les Musulmans ont été tués ou ont
5 été tués pendant qu'ils effectuaient ces travaux sur la ligne de front. Ils
6 ont été violés, ont fait l'objet de violences sexuelles. Les maisons de
7 Musulmans ainsi que les mosquées ont été détruites et les biens des
8 Musulmans ont été pillés. Plus de 55 000 [comme interprété] personnes ont
9 été piégées à Mostar est où ils ont été donc pilonnées et ont fait l'objet
10 de tirs isolés incessants.
11 Les appelants ont joué les rôles-clés pour ce qui est de l'entreprise
12 criminelle commune visant à créer la domination croate en utilisant des
13 moyens criminels. Ils ont été ceux qui ont créé l'entreprise criminelle
14 commune. A la lumière de la gravité des crimes et de leur rôle-clé que les
15 appelants ont donc joué, les peines allant de 10 à 25 ans d'emprisonnement
16 sont déraisonnables et constituent l'abus de pouvoir discrétionnaire.
17 Aujourd'hui, Monsieur le Président, je vais me pencher sur l'analyse
18 des peines prononcées par la Chambre de deux différents aspects. Ces deux
19 aspects montrent que ces peines imposées sont de courte durée et
20 constituent un abus de pouvoir discrétionnaire. D'abord, je propose qu'on
21 regarde les conclusions de la Chambre concernant la gravité des crimes et
22 concernant le rôle joué par les accusés. Nous allons voir que les
23 conclusions de la Chambre de première instance ne sont pas conformes avec
24 les peines prononcées par la Chambre, ce qui montre que la Chambre n'a pas
25 octroyé un poids adéquat à ces crimes concernant leur gravité.
26 Deuxièmement, je propose qu'on se penche sur plusieurs points
27 caractéristiques de cette affaire qui confirment également que les peines
28 prononcées sont manifestement inadéquates.
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1 Je vais commencer par le premier argument, les peines
2 d'emprisonnement de 25 ans pour Prlic, de 20 ans pour Stojic, Praljak et
3 Petkovic, de 16 pour Coric et 10 pour Pusic sont manifestement
4 déraisonnables lorsqu'on examine les conclusions de la Chambre dans la
5 partie du jugement qui concerne le prononcé des peines. Et là, nous
6 admettons que la fixation des peines est une question qui concerne le
7 pouvoir discrétionnaire de la Chambre, mais ce pouvoir discrétionnaire doit
8 être exercé de façon telle qui permet d'accorder un poids adéquat à la
9 gravité des crimes, ainsi qu'à la forme et le degré de participation à ces
10 crimes.
11 Les peines les plus lourdes prononcées à ce Tribunal et au Tribunal
12 international pour le Rwanda étaient les peines d'emprisonnement d'une
13 durée de 40 ans imposées à Milomir Stakic, et 47 ans d'emprisonnement
14 prononcées par la Chambre d'appel à deux accusés dans l'affaire Butare.
15 Donc, c'est le cadre dans lequel la Chambre doit exercer son pouvoir
16 discrétionnaire. Et, en ayant cela à l'esprit, je vous invite d'examiner
17 trois aspects de l'analyse et de la gravité des crimes de la Chambre.
18 D'abord, les conclusions de la Chambre de première instance concernant la
19 gravité des crimes eux-mêmes : la Chambre de première instance a formulé
20 les conclusions concernant la forme de responsabilité; ainsi que le degré
21 de participation.
22 Concernant les conclusions de la Chambre de première instance eu
23 égard à la gravité des crimes. La Chambre de première instance a conclu que
24 les crimes pour lesquels il a été constaté que les accusés en étaient
25 responsables sont extrêmement sérieux et graves. La Chambre a dit :
26 "L'ampleur et la brutalité des crimes, d'un côté, ainsi que de la
27 nature des infractions pénales commises, de l'autre, montrent que les
28 crimes commis par les accusés sont extrêmement graves."
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1 Tome 4, paragraphe 1302.
2 Pour ce qui est du reste du jugement, on voit que cette conclusion
3 représente la qualification appropriée des crimes commis par les appelants.
4 Cela englobe l'expulsion de plusieurs centaines de milliers d'hommes, des
5 meurtres commis pendant des attaques. On voit sur la ligne de front pour
6 effectuer des travaux forcés, la détention dans des conditions déplorables,
7 les pilonnages quotidiens, les tirs isolés dans une petite partie de Mostar
8 est où il y avait plus de 55 000 [comme interprété] personnes piégées.
9 Regardons maintenant les conclusions de la Chambre concernant la
10 forme de responsabilité. La Chambre de première instance a conclu que tous
11 les appelants étaient coupables au pénal en tant que membres d'une
12 entreprise criminelle commune. Donc, la responsabilité au titre de
13 l'entreprise criminelle commune et sa participation à cette entreprise
14 criminelle commune est considéré comme étant l'une des formes les plus
15 sérieuses de responsabilité. Arrêt dans l'affaire Mrksic, paragraphe 407;
16 et dans l'affaire Krnojelac, paragraphe 75.
17 Pour ce qui est de la conclusion de la Chambre de première instance
18 concernant le degré de participation, la Chambre a conclu que tous les
19 appelants ont joué un rôle-clé, en français "un rôle majeur", pour ce qui
20 est de la commission des crimes. Concernant Prlic, tome 4, paragraphes
21 1317, 1318; tome 4, 1329, 1330 pour ce qui est de Stojic; tome 4,
22 paragraphes 1341, 1342 pour ce qui est de Praljak; tome 4, paragraphes
23 1354, 1355 pour ce qui est de Petkovic; tome 4, paragraphe 1369, 1377
24 [comme interprété] pour ce qui est de Coric; et tome 4, paragraphe 1381
25 pour ce qui est de Pusic.
26 Quatre des accusés, Prlic, Stojic, Praljak et Petkovic, ont été
27 considérés comme étant membres-clés de l'entreprise criminelle commune.
28 Dans l'original en français, "des membres les plus importants de
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1 l'entreprise criminelle commune". Paragraphe 1315 du tome 4 pour Prlic;
2 pour Stojic, paragraphe 1328; pour Praljak, paragraphe 1340; Petkovic,
3 paragraphe --. Pour résumer, la Chambre a conclu que les crimes commis ont
4 été extrêmement graves et elle a conclu que tous les accusés sont coupables
5 au titre de l'une des formes les plus sérieuses de responsabilité, au titre
6 de leur participation à l'entreprise criminelle commune, et elle a conclu
7 que Prlic, Stojic, Praljak et Petkovic étaient les membres les plus
8 importants, les membres-clés de l'entreprise criminelle commune et que tous
9 les appelants, y compris Coric et Pusic, ont joué un rôle-clé ou important
10 pour qui est de la commission des crimes.
11 Sur la base de ces conclusions, on s'attendrait à ce que les peines
12 imposées soient élevées pour ce qui est de Prlic, Stojic, Petkovic et
13 Praljak et pour ce qui est de Coric et Pusic parmi les peines également
14 relativement élevées. Est-ce qu'il y a une autre explication pour ce qui
15 est des peines qui ont été prononcées et qui n'étaient pas aussi élevées ou
16 bien est-ce qu'on peut expliquer cela par un abus de pouvoir
17 discrétionnaire ?
18 Est-ce que les éléments atténuants, les circonstances atténuantes
19 peuvent expliquer cette réduction des peines si la Chambre avait accordé un
20 poids adéquat pour ce qui est de la gravité des crimes, la forme et du
21 degré de participation ? La réponse est non.
22 Pour ce qui est de tous les appelants, la Chambre a conclu au titre
23 des circonstances atténuantes leur reddition volontaire, leur comportement,
24 bon comportement en détention, et lors de leur mise en liberté provisoire.
25 La reddition volontaire ainsi que la bonne conduite en détention peut donc
26 justifier le fait que cela a été considéré comme des circonstances
27 atténuantes, arrêt dans l'affaire Kordic, paragraphe 1053.
28 Mais on ne peut pas expliquer le fait que donc les peines imposées ne
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1 sont pas élevées.
2 Par exemple, dans Krajisnik, la Chambre d'appel a conclu que la bonne
3 conduite en détention ne peut avoir qu'une incidence limitée sur la durée
4 de la peine vu la gravité des crimes commis. Appel dans l'affaire Krajisnik
5 paragraphes 816, 817.
6 En tout cas, pour ce qui est des circonstances atténuantes, la
7 Chambre a également tenu compte d'un élément aggravant pour ce qui est de
8 l'abus de pouvoir par rapport à tous les appelants.
9 Pour Prlic et Petkovic, la Chambre a tenu compte d'autres
10 circonstances atténuantes. Pour ce qui est de Prlic, la Chambre a également
11 tenu compte de son comportement après le conflit en tant que circonstances
12 atténuantes, son rôle pendant les accords de Dayton, et pour ce qui est de
13 prôner la réconciliation dans l'ancienne Yougoslavie.
14 Pour ce qui est de Petkovic la Chambre de première instance a conclu
15 qu'il y a deux éléments atténuants : absence de casiers judiciaires et le
16 fait qu'il avait pris part aux négociations. La Chambre a conclu que ces
17 deux éléments n'avaient qu'une incidence limitée pour ce qui est du poids à
18 accorder à la gravité des crimes et pour ce qui est de l'ampleur de la
19 participation de Petkovic et de ses efforts pour dissimuler la
20 responsabilité du HVO. Tome 4, paragraphes 1359, 1361.
21 Donc dans ce cas-là, les facteurs atténuants ne peuvent pas expliquer
22 la réduction de la peine par rapport à la peine qui aurait pu être
23 prononcée de façon raisonnable, à savoir la peine de 20 ans
24 d'emprisonnement.
25 Pour conclure, la Chambre de première instance a constaté que les
26 crimes commis étaient d'une extrême gravité, que les appelants étaient
27 responsables au titre d'une des formes les plus sérieuses de
28 responsabilité, et qu'ils jouaient un rôle-clé pour ce qui est de la
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1 commission des crimes. Prlic, Stojic, Petkovic, et Praljak étaient même
2 parmi ceux qui étaient les membres-clés et les membres importants de
3 l'entreprise criminelle commune.
4 Dans la lumière de ces conclusions, les peines prononcées par la
5 Chambre de première instance sont manifestement inadéquates et ne peuvent
6 pas être expliquées par les circonstances atténuantes. Et cela ne conforme
7 pas aux conclusions de la Chambre elle-même. Et ses conclusions sont en
8 conformité avec les peines demandées par l'Accusation, au procès et
9 aujourd'hui en appel : 40 ans d'emprisonnement pour Prlic, Stojic, Praljak,
10 et Petkovic; 35 pour Coric; et 25 pour Pusic. La seule explication
11 disponible pour ce qui est des peines qui ont été prononcées et qui sont
12 beaucoup moins élevées imposées par la Chambre est que la Chambre n'a pas
13 accordé un poids adéquat à la gravité des crimes ainsi qu'à la forme et le
14 degré de participation de tous les appelants. Donc la seule explication
15 disponible est que la Chambre a abusé de son pouvoir discrétionnaire.
16 Maintenant, je vais parler de la deuxième partie de mes arguments. La
17 Chambre de première instance donc a manifestement abusé de son pouvoir
18 discrétionnaire, ce qu'on peut voir non seulement dans les peines imposées.
19 Parce que les peines sont manifestement inadéquates et également lorsqu'on
20 se penche sur des éléments de gravité de ces crimes. Je vais parler de ces
21 quatre éléments concernant la gravité des crimes commis : l'ampleur des
22 crimes; le siège brutal de Mostar est; le système d'expulsion par le biais
23 d'un réseau de centres de détention; l'utilisation des détenus pour
24 effectuer les travaux forcés dangereux illégaux.
25 D'abord, ces crimes ont été commis à une grande échelle. Des
26 centaines de milliers de Musulmans ont été déplacés, arrêtés, détenus dans
27 des conditions terribles, exposés au mauvais traitement, ou tués; 55 000
28 [comme interprété] Musulmans ont fait l'objet des attaques illégales et à
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1 la terrorisation [phon] à Mostar est.
2 Le siège brutal de Mostar est, c'est une autre caractéristique pour ce qui
3 est de cette affaire qui rend ces crimes particulièrement graves.
4 L'Accusation n'affirme pas que la Chambre de première instance n'a pas tenu
5 compte du siège fait, mais affirme que la Chambre a omis d'analyser la
6 gravité de ce siège et d'accorder un poids suffisant à ce fait. Il y a deux
7 aspects qui indiquent que la Chambre de première instance n'a pas accordé
8 un poids adéquat, suffisant, à ce siège : donc il s'agit du fait que la
9 Chambre s'est occupée de ce siège dans la partie concernant la fixation de
10 la peine du jugement, et quand on compare les peines imposées avec d'autres
11 peines prononcées dans d'autres affaires qui impliquaient un siège.
12 La Chambre n'a pas suffisamment analysé la gravité du siège. La Chambre de
13 première instance n'a pas fait cela. Il a été dit : A Mostar, par exemple,
14 le HVO a donc infligé des souffrances physiques et mentales à la population
15 pendant des mois en les pilonnant et en utilisant des tirs isolés sur la
16 partie de Mostar est qui était densément peuplée par les civils. Donc il y
17 avait également des dommages provoqués sur les mosquées. Et dans cette
18 partie de Mostar, la population de Mostar est vivait dans les conditions de
19 pilonnage et de tirs isolés incessants en étant exposé à des menaces
20 constantes et danger d'être tués ou blessés.
21 La brutalité du siège est clairement démontrée dans un reportage
22 documentaire de la BBC fait par Jeremy Bowen, qui était présent à Mostar
23 est en août et en septembre 1993, pendant le temps où tous les appelants
24 étaient membres de l'entreprise criminelle commune. Pièce P06365.
25 Bowen a dit que Mostar est la ville qui est la ville la plus détruite, par
26 rapport à Sarajevo et Vukovar; 34:56, 35:05.
27 Je vous invite, Messieurs les Juges, à voir trois séquences vidéo
28 maintenant qui montrent les conditions dans lesquelles était assiégée la
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1 ville de Mostar est. Il s'agit aux fins du compte rendu d'audience, 1
2 minute, 25 à 4 minutes, 05; séquence vidéo de 11 minutes, 20 à 12 minutes
3 27; et 16 minutes, 36 à 17 minutes, 20.
4 [Diffusion de la cassette vidéo]
5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
6 "Il n'y a plus d'endroits sûrs à Mostar est. On peut être tué ou mutilé
7 n'importe quand à n'importe quel coin de rue. A moins de l'avoir vu soi-
8 même, il est difficile de réaliser le peu de temps qu'il faut pour détruire
9 une vie. En cette matinée qui s'annonçait tranquille, Franjo Pavlovic,
10 Croate de naissance, a commis l'erreur de sortir pour réparer les dégâts
11 causés par les obus. Son épouse, Raima, étant Musulmane, les Croates les
12 ont chassés et contraints à traverser la ligne de front vers Mostar est en
13 août. Il a eu au moins une chance. Un camion de pompier, le seul qui reste
14 dans cette partie de Mostar, était à proximité. Peut-être allait-on pouvoir
15 l'emmener à l'hôpital à temps. Rien avant la guerre n'avait préparé Mme
16 Pavlovic à tout cela. Elle a 53 ans. Après son mariage, elle a travaillé
17 comme comptable dans une agence de graphisme. Les derniers lambeaux de
18 cette vie ont disparu quand son mari a été touché. Les rues étaient
19 désertes et pas seulement à cause du pilonnage. Pendant la journée, il y a
20 un couvre-feu de six heures pour protéger la population. L'hôpital n'était
21 qu'à quelques minutes de là. Rien n'est loin à Mostar est.
22 Le médecin n'a pas eu à l'examiner longtemps. M. Pavlovic était mort. Il
23 avait été tué par un éclat d'obus dans la poitrine. Pour sa femme, le
24 médecin a accompli les gestes usuels.
25 'Vous ne l'avez pas encore examiné', dit-elle. 'S'il vous plaît, faites un
26 effort.'
27 Depuis l'explosion, il ne s'était écoulé que dix minutes. L'hôpital était
28 prêt à accueillir les victimes suivantes."
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1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
3 "Les réfugiés ont commencé à arriver dans le no man's land.
4 Il leur a dit de se dépêcher et de se mettre à couvert. Souvent, les
5 Croates commencent à tirer après avoir contraint des Musulmans à quitter
6 Mostar ouest en franchissant cette partie de la ligne de front. Fatima et
7 Salin Matic venaient d'être chassés de chez eux par des Croates armés. M.
8 Matic, qui a 72 ans, a réussi à enfiler trois chemises et à se saisir de
9 deux parapluies avant de partir.
10 Sa femme, âgée de 70 ans, était encore en chemise de nuit. Leur voisine de
11 84 ans, Mme Almassa Humo, est arrivée quelques minutes plus tard.
12 'Ne vous asseyez pas là,' lui a-t-on dit, 'ils pourraient vous tuer.'
13 Même si cela importait encore à Mme Humo, elle n'avait plus la force de se
14 déplacer toute seule."
15 [Diffusion de la cassette vidéo]
16 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
17 "Les civils savent que leur seul espoir est de se prendre en main, de tenir
18 jusqu'à la fin de la tuerie, de survivre à l'hiver. Mais comment éviter la
19 pneumonie, la bronchite, et pire encore, quand on habite une maison dont le
20 toit a été détruit par les obus ? Ces gens sont des réfugiés. Ils vivent
21 dans des ruines, comme des milliers d'autres à Mostar est.
22 Elle ne peut pas marcher. Elle gît sur un lit trempé dans des vêtements
23 nauséabonds.
24 'Que puis-je faire ? Soit je meurs, soit je continue à vivre comme ça.'"
25 Mme GOY : [interprétation] Avec le siège de Mostar est, la mise en œuvre de
26 l'entreprise criminelle commune a pris une nouvelle dimension. Les membres
27 de l'entreprise criminelle commune ont ajouté les attaques illégales contre
28 les civils, la terrorisation et la destruction de biens religieux aux
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1 moyens criminels utilisés pour réaliser cet objectif.
2 Les peines imposées montrent que la Chambre de première instance n'a pas
3 accordé suffisamment de poids à ce siège infernal.
4 Une autre indication que la Chambre de première instance n'a pas accordé le
5 poids nécessaire aux pilonnages et tirs isolés incessants pendant le siège,
6 si nous comparons avec les peines imposées dans les affaires contre
7 Stanislav Galic et Dragomir Milosevic, ces deux derniers ont été condamnés
8 à des peines d'emprisonnement de 29 ans respectivement pour avoir pilonné
9 et lancé une campagne de tireurs isolés pendant le siège de Sarajevo.
10 Et nous reconnaissons ici que les affaires de Galic et Dragomir Milosevic
11 ne sont pas identiques à celles des intimés en l'espèce. Mais les attaques
12 illégales contre les civils et la terrorisation pendant le siège, à la fois
13 à Sarajevo et à Mostar, montrent qu'il y a suffisamment de similitudes pour
14 permettre une comparaison. Galic et Dragomir Milosevic ont été condamnés à
15 des peines d'emprisonnement à vie de 29 ans respectivement pour des crimes
16 commis lors du siège de Sarajevo, notamment les attaques illégales et la
17 terrorisation. En l'espèce, les crimes pour lesquels les intimés ont été
18 déclarés coupables incluent les attaques illégales et la terrorisation
19 pendant le siège de Mostar, mais le fondement des crimes est beaucoup plus
20 important. Ceci comprend les travaux forcés illégaux et dangereux, même les
21 meurtres lors des travaux forcés et lors des attaques contre des villes et
22 des villages; ceci comprend la détention illégale dans des conditions
23 terribles; ainsi que l'expulsion de dizaines de milliers de personnes.
24 La comparaison avec les peines prononcées par ailleurs et la peine
25 prononcée en l'espèce de 29 ans dans les affaires Galic et Dragomir
26 Milosevic montre que les peines imposées par cette Chambre de première
27 instance ne sont pas raisonnables.
28 Ce qui me permet d'aborder la troisième caractéristique : le système
Page 783
1 d'expulsion très organisé permettant de chasser les Musulmans de
2 territoires revendiqués par les Croates sur l'ensemble du territoire de la
3 BiH.
4 En l'espèce, ce déplacement fonctionnait quasiment à la perfection, car ils
5 avaient recours à un système organisé très efficace d'expulsion qui mettait
6 à contribution un réseau de centres de détention. Les membres de
7 l'entreprise criminelle commune ont arrêté et détenu des milliers de
8 Musulmans. Ils ont été détenus dans des conditions fort difficiles, ils ont
9 été maltraités, frappés, et ont fait l'objet de violences sexuelles ou de
10 sévices. Pour échapper à des conditions épouvantables, les détenus devaient
11 donner leur accord pour quitter l'Herceg-Bosna et la Bosnie-Herzégovine -
12 souvent avec leurs familles - et leur remise en liberté était
13 conditionnelle. Les Musulmans devaient quitter les territoires revendiqués
14 par les Croates.
15 Ce réseau de centres de détention constitue un aspect-clé de l'entreprise
16 criminelle commune. Ceci se trouvait sur l'ensemble du territoire
17 revendiqué par les Croates. Ceci comprenait l'Heliodrom à Mostar; les
18 prisons de Dretelj et Gabela à Capljina; le camp de Vitina Otok; le centre
19 de détention de Vojno; la prison de Ljubuski; ainsi que de nombreux autres
20 centres que la Chambre a énumérés dans sa note de bas de page 1677 du tome
21 4.
22 Ce système d'expulsion par l'intermédiaire du réseau de centres de
23 détention a été introduit à la fin du mois de juin 1993 [comme interprété],
24 au moins lorsque tous les intimés étaient membres de l'entreprise
25 criminelle commune; et c'est par l'intermédiaire de ce réseau que
26 l'entreprise criminelle commune est devenue plus efficace. Confer tome 4,
27 paragraphe 64. Par exemple, à Stolac, aucun des 8 000 Musulmans qui y
28 vivaient ne sont restés. Les peines imposées laissent entendre que la
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1 Chambre n'a pas accordé un poids adéquat à ce système maléfique.
2 La quatrième caractéristique qui rend ces crimes particulièrement graves
3 est l'utilisation généralisée des détenus pour mener des travaux forcés sur
4 la ligne de front, ce qui était dangereux et illégal. Les membres de
5 l'entreprise criminelle commune ont contraint des prisonniers de guerre,
6 ainsi que des civils, souvent très jeunes, à accomplir des travaux forcés.
7 Une des victimes n'avait que 13 ans. Tome 3, paragraphe 1510. Pendant dix
8 mois, entre mai 1993 et mars 1994, les membres de l'entreprise criminelle
9 commune ont contraint les détenus à construire ou réparer des
10 fortifications militaires et des abris, à creuser des tranchées, à porter
11 des caisses de munition fort lourdes, ou à aller chercher des corps et à
12 les ensevelir, des corps de soldats. Tome 3, paragraphes 1501, 1503, 1505,
13 1508, 1511, 1513 et 1522.
14 Les victimes devaient accomplir des travaux forcés dans des conditions
15 dangereuses; certaines personnes ont été blessées, d'autres voire même
16 tuées. Ceci faisait partie du plan des membres de l'entreprise criminelle
17 commune, et tous les intimés ont joué un rôle important dans la mise en
18 œuvre de ce plan à différentes époques. La Chambre de première instance n'a
19 pas accordé le poids nécessaire à ce recours généralisé aux travaux forcés.
20 Pour conclure, quatre caractéristiques particulières mettent en lumière le
21 caractère grave de ces crimes pour lesquels les intimés ont été déclarés
22 coupables : leur ampleur, le siège infernal de Mostar est; un système très
23 organisé d'expulsions; et l'utilisation généralisée et dangereuse des
24 détenus pour accomplir des travaux forcés, qui étaient illégaux. Tous les
25 intimés ont mis en place ce plan, qui ont permis, par ces moyens criminels,
26 de réaliser la domination croate en Herceg-Bosna. Tous les intimés ont joué
27 un rôle important dans sa mise en œuvre.
28 Les peines imposées montrent que la Chambre de première instance ne
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1 peut pas avoir accordé le poids nécessaire à la gravité des crimes ou à la
2 forme ou au degré de participation des intimés. Si la Chambre avait accordé
3 le poids nécessaire à ces facteurs, elle aurait imposé des peines entre 25
4 et 40 ans d'emprisonnement : 40 ans pour Prlic, Stojic, Praljak et
5 Petkovic; 35 ans pour Coric; et 25 ans pour Pusic.
6 De telles peines seraient conformes aux conclusions de la Chambre de
7 première instance sur la question de la gravité des crimes et ainsi que la
8 forme et le degré de participation des intimés.
9 Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
10 A moins que vous n'ayez des questions, ceci met un terme aux
11 arguments de l'Accusation.
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Donc, nous allons maintenant commencer
15 par les réponses, et c'est à vous, Maître Karnavas. Vous aurez une demi-
16 heure.
17 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
18 les Juges.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Pardonnez-moi. Oui, une heure -- une
20 demi-heure. Une demi-heure, 30 minutes.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Bonjour encore une fois. Le Dr Prlic
22 souhaite présenter ses arguments. C'est lui qui va présenter ses arguments
23 en réponse.
24 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Messieurs les Juges, dans sa réponse,
25 l'Accusation ne propose rien de nouveau s'agissant de son appel. Ceci
26 comprend les arguments d'aujourd'hui. Par conséquent, nous maintenons tous
27 nos moyens d'appel qui étaient fondés sur les quatre moyens d'appel de
28 l'Accusation. Nous demandons à ce que ces moyens d'appel soient rejetés et,
Page 786
1 en particulier, je pense en particulier aux paragraphes 74 et 185 et 243.
2 Notre position doit être analysée au vu de tous les arguments
3 présentés dans les mémoires en appel, mémoires en réponse et tous les
4 arguments présentés par nos équipes de Défense.
5 Vous avez sans doute remarqué que le terme le plus communément
6 employé dans ce prétoire est le terme de "contexte" et de "puzzle". Un
7 puzzle pour lequel différents éléments doivent être imbriqués les uns dans
8 les autres. La même méthode a été utilisée lorsque le jugement a été rendu,
9 ce qui a donné lieu à une omission de milliers de pages d'éléments de
10 preuve et de témoins, dont la crédibilité a été remise en cause. Par
11 exemple, dès le premier jour, nous avons entendu parler des réunions
12 alléguées entre Tudjman et Prlic. Nous constatons que la première réunion
13 s'est déroulée le 17 septembre 1993 et l'autre au mois de novembre 1993.
14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Veuillez ralentir, s'il vous plaît.
15 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] C'est quelque chose qui correspond très
16 précisément ou c'est la définition même d'un puzzle. Et pour ce qui est de
17 l'autre réunion, la seconde, pièce P6454, le Procureur a omis d'expliquer
18 ce à quoi correspond l'Herceg-Bosna. C'est ce que je dis dès le premier
19 jour. Page 34 :
20 "En tant que république comprenant plus de 50 municipalités."
21 Cependant, ils ont utilisé de nombreux autres termes pour nous nous
22 présenter cet ensemble de territoires croates qui, d'après eux,
23 correspondent à l'intention criminelle.
24 "Encore une fois, le gouvernement au printemps dernier a présenté des
25 conclusions ainsi que des transferts de brigades de différentes régions, ce
26 qui comprend un déplacement de la population qui vivait dans ce secteur."
27 Je souhaite poursuivre en disant qu'il s'agissait d'une question
28 militaire et qui portait sur la concentration des forces; cependant, nous
Page 787
1 avons fait valoir que chacun devait rester dans le secteur qui lui avait
2 été alloué. Cette position est constatée dans les pièces P2881; P4208;
3 P8155; 1D3032, page 535; et 1D2230, page 26; et 1D2224.
4 Et il semblerait --
5 Mme BAIG : [interprétation] Je souhaite vous interrompre. Nous avons une
6 objection à soulever. Prlic répond à notre réponse de la semaine dernière,
7 ce qui ne correspond pas à l'appel de l'Accusation d'aujourd'hui.
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je crois que le conseil de l'Accusation
9 a raison.
10 Est-ce que vous êtes ici en qualité d'avocat, Monsieur Prlic, ou pas ?
11 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Nous étions d'accord sur le fait --
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, je vous ai posé une question. Est-
13 ce que vous êtes un avocat professionnel ou pas ?
14 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Non, je ne suis pas un juriste ni un
15 avocat. J'ai enseigné, j'enseigne l'économie politique, et je voudrais
16 qu'on m'autorise à terminer, j'apprécierais grandement.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas la question de
18 savoir de vous autoriser à continuer. Il faut se conformer à la procédure
19 en place. Et je vous ai demandé si vous étiez juriste et, à mes yeux, vous
20 ne l'êtes pas. Donc étant donné que vous avez exprimé auprès de votre
21 conseil la volonté de vous défendre par vous-même, dans un moment crucial
22 de la procédure, je crois que vous devez aussi accepter de respecter les
23 lois de procédure devant ce Tribunal. Autrement, je vais vous interrompre.
24 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président --
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Les choses doivent être tout à fait
26 claires. Vous devez répondre aujourd'hui à ce que l'Accusation ou les deux
27 conseils de l'Accusation ont dit aujourd'hui et non pas à ce qui a été dit
28 la semaine passée. C'est de cela qu'il s'agit. La représentante de
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1 l'Accusation a à très juste titre formulé son objection.
2 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] J'ai déjà répondu au tout début de ce
3 qui avait été dit ici. Et je vais dans la continuation parler de
4 l'entreprise criminelle commune catégorie 3 par la suite. Et si vous me
5 laissez terminer, vous allez voir que les arguments que je vais présenter
6 seront appropriés. Du moins, c'est mon opinion.
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] C'est à vous de le faire, Monsieur
8 Prlic, mais je vais vous interrompre si vous n'observez pas ou ne vous
9 conformez pas aux règlements de ce Tribunal.
10 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Il a été question aujourd'hui du déplacement de la population, et je vais
12 continuer en croate.
13 Cette proposition a été déterminée le 15 juin 1993 à l'occasion d'une
14 session du HVO HZ HB, document 1D--L'INTERPRÈTE : Que l'interprète n'a pas
15 saisi.
16 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Il est proposé au commandant suprême
17 Boban une réunion urgente de la présidence HZ HB, de la présidence HDZ et
18 président des comités municipaux du HDZ pour l'organisation de la Défense
19 des territoires croates. La présidence de la HZ HB et le commandant suprême
20 du HVO ont reçu une proposition visant à demander une assistance militaire
21 urgente de la part de la Croatie pour protéger les Croates de la Bosnie-
22 Herzégovine. On propose à la présidence de la HZ HB et au commandant
23 suprême du HVO de prendre une décision relative au retrait de la totalité
24 des unités militaires de ce territoire, et cetera.
25 Ceci est lié directement au moyen numéro 2 concernant la prétendue
26 responsabilité en application du 7(3). Et vous voyez que ces trois phrases
27 comportent le mot "propose". Pourquoi le HVO HZ HB propose ce type de
28 conclusion ? Eh bien, avant les propositions déterminées du 9 au 13 juin,
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1 il y a eu la chute de Travnik, ville principale avec majorité croate. Et
2 d'après l'acte d'accusation, on était censé vouloir la nettoyer des
3 Musulmans. Or, il y a eu 30 à 40 000 Croates d'expulsés. Et je parle ici
4 des documents 1D1263, 1264, 2875, 2740, 2750.
5 Les informations du département de la Défense à la session du HVO HZ
6 HB et le document --
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, Monsieur.
8 Mme BAIG : [interprétation] Je m'excuse, une fois de plus. Nous sommes en
9 train de parler du septième moyen d'appel de Prlic, ça ne fait pas partie
10 de la réponse à l'appel interjeté par l'Accusation.
11 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Mme Baig a une fois de plus
12 raison.
13 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais est-ce que je peux réagir.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, c'est un moment crucial pour vous.
15 Vous avez pris la responsabilité sur vous-même de vous en occuper. Et
16 plutôt que de vous concentrer sur ce à quoi vous êtes censé répondre
17 aujourd'hui, c'est-à-dire aux allégations ou affirmations présentées
18 aujourd'hui, vous êtes en train de parler de ce que votre avocat a déjà dit
19 la semaine passée.
20 Je vais vous interrompre donc. Je ne peux pas accepter que l'on ne conforme
21 pas au Règlement de procédure et de preuve ici.
22 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je suis d'accord, Monsieur le
23 Président. Mais je suis en train de répondre au moyen d'appel numéro 2, de
24 l'appel de l'Accusation.
25 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais vous avez déjà préparé cette
26 réponse avant que d'être venu dans le prétoire. Je ne suis pas aveugle,
27 vous l'avez écrit avant que de savoir ce que l'Accusation se proposait de
28 dire.
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1 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] L'Accusation n'a rien dit de nouveau.
2 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Ah, bon ?
3 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, mais vous vous exposez une fois de
5 plus au risque d'être interrompu. Si j'entends encore une objection, je
6 vais vous interrompre.
7 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais vous n'allez entendre aucune
8 objection, parce que c'est ce que je vais faire.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais si vous continuez dans le même
10 sens, il y aurait des objections.
11 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je voudrais continuer, et vous allez
12 voir que je vais parler du deuxième moyen d'appel de l'Accusation, et c'est
13 une chose importante à dire. Cela se rapporte aux affirmations relatives à
14 la responsabilité en application du 7(1) du Statut. Si je peux terminer ma
15 phrase, j'estime que cela sera important. Et par la suite, je vais parler
16 de l'entreprise criminelle commune.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant.
18 [La Chambre de première instance se concerte]
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Prlic, voici notre instruction
20 définitive à votre intention. L'appel interjeté par l'Accusation est de
21 façon générale basé sur l'entreprise criminelle commune catégorie 3 et sur
22 la question relative à la peine prononcée. Vous ne pouvez parler que de
23 cela, si vous parlez d'autre chose, je vais vous interrompre.
24 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Bien, si je dois le faire ainsi, je
25 vais le faire.
26 Pourquoi a-t-on parlé de l'entreprise criminelle commune comme intention
27 criminelle unifiée ? Ça a été la question posée ici, on n'a pas parlé de la
28 jurisprudence relative à l'entreprise criminelle commune. On pourrait en
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1 parler en long et en large, mais on a parlé des modalités de sa mise en
2 œuvre, parce que la variante la plus librement interprétée ne serait être
3 appliquée à ce cas de figure-ci. L'entreprise criminelle commune ne peut
4 pas découler de l'intention criminelle seulement. On a vu quels ont été les
5 ordres donnés par l'état-major, il n'y a pas d'ordre de donner pour ce qui
6 est de l'attaque à lancer par le HVO pendant toute cette période. Et cet
7 ordre d'attaquer ne signifierait rien du tout parce que chaque opération
8 militaire pourrait comporter une responsabilité pour celui qui a donné
9 l'ordre. Il faut qu'il y ait une intention criminelle qui doit être
10 déterminée à partir des circonstances, mais au-delà de tout doute
11 raisonnable --
12 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Prlic, je me dois de vous
13 interrompre une fois de plus. Ce que vous êtes en train de nous dire ne
14 sera pas pris en considération, parce qu'il n'est pas question d'entreprise
15 criminelle commune catégorie 3.
16 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais j'y arrive.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Passez à l'entreprise criminelle
18 commune, nous ne sommes pas des Juristes en perfectionnement professionnel.
19 Nous sommes en train de parler de l'entreprise criminelle commune catégorie
20 3, et de la peine prononcée. Et c'est de cela qu'il faut parler.
21 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] J'ai deux phrases à dire.
22 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Non, attendez. Attendez. Vous ne pouvez
23 pas faire les choses comme vous le voulez, Monsieur Prlic. Nous sommes cinq
24 ici à diriger l'orchestre. Faites comme on vous dit de faire ou je vais
25 vous demander de vous rasseoir. Un point, c'est tout.
26 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Lorsqu'il s'agit d'une entreprise
27 criminelle qui se base sur une idée politique, comment parler d'entreprise
28 criminelle commune catégorie 3 avec des normes contestables de probabilité
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1 si l'on ne satisfait pas aux éléments principaux ou essentiels de
2 l'entreprise criminelle commune catégorie numéro 1 ? On arrive à un
3 précédent dangereux. On peut accuser d'entreprise criminelle commune le
4 président ou n'importe qui d'autre, pour ce qui est d'envoyer des soldats à
5 la guerre, et quand bien même quelqu'un comme moi n'étais pas partie
6 intégrante de la chaîne de commandement. Je parle ici du paragraphe 106 du
7 témoin --
8 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.
9 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Alors cette prétendue intention
10 criminelle aurait été l'obsession prétendue de Tudjman par la Banovina. Et
11 quoi qu'on dise ou fasse, il y a tout de suite disqualification en termes
12 de politique à double sens. Et cela aurait été donc un appui inconditionnel
13 apporté par la Croatie aux Croates de Bosnie dans leur lutte contre les
14 Musulmans.
15 Et pour répondre à votre question numéro 5, on parle d'intention
16 criminelle. On parle de transcription présidentielle pour parler d'un
17 puzzle. Si on veut chercher la cohérence des positions prises par Tudjman
18 qui se trouve être à l'origine de la question numéro 5, je disais ce qu'il
19 a dit dans un cercle d'initiés pour ce qui est de différents sujets
20 importants dans l'affaire qui nous concerne, à l'opposition des citations
21 arrachées à leur contexte qu'on nous a lues ici et qui ont servi de base
22 pour ce qui est de la détermination d'un prétendu objectif politique
23 criminel de l'entreprise criminelle commune.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je dois vous interrompre, une
25 fois de plus, Monsieur Prlic. Peut-être s'agit-il ici de votre
26 méconnaissance de la procédure juridique. Et bien que vous ayez dit que
27 vous alliez passer tout de suite à l'entreprise criminelle commune
28 catégorie 3, vous êtes en train de nous donner une leçon d'histoire. Nous
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1 ne sommes pas intéressés par cela. Ce qui nous intéresse, c'est les
2 éléments de l'entreprise criminelle commune catégorie 3 qui ont été avancés
3 par l'Accusation, et je voudrais entendre vos contre-arguments. Tout le
4 reste, vous pouvez l'emmener chez vous.
5 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Je voudrais dire seulement qu'il
6 ne peut pas y avoir une entreprise criminelle commune catégorie 3, sans
7 qu'il y ait catégorie 1.
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais vous l'avez déjà dit, cela.
9 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Mais la chose n'est pas élaborée.
10 Je dois étayer mes thèses. C'est une réponse directe à l'intervention du
11 bureau du Procureur d'aujourd'hui. S'il est possible d'utiliser mon temps,
12 j'apprécierais grandement, si je n'en ai pas la possibilité, je vais me
13 rasseoir et c'est bon. J'estime qu'il est important de dire que si vous
14 voulez avoir la totalité des éléments en partant desquels vous pouvez
15 rendre une décision, tant mieux. J'essaie d'aider les Juges de la Chambre,
16 et rien d'autre.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Mais vous n'êtes pas en train de vous
18 aider vous-même, Monsieur Prlic.
19 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai pris sur
20 moi le risque en question j'ai l'intention de dire ce que j'avais
21 l'intention de dire. Je suis pleinement conscient de ce fait, les 20
22 minutes en question ne signifient pas grand-chose. Mais si vous décidez
23 autrement, je ne peux que me conformer à votre décision.
24 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, allez-y.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Prlic, le Président de la
26 Chambre essaie de vous aider, il a dit qu'il aurait été beaucoup plus utile
27 et plus dans votre intérêt de demander à votre avocat d'en parler.
28 Vous avez encore quelques minutes à votre disposition et je suis disposé à
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1 vous accorder cinq minutes pour le faire mais vous n'êtes pas en train
2 d'intervenir dans votre intérêt.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Monsieur Karnavas, ne me dites pas que
4 vous ne vous êtes pas préparé.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, dans mes 35 ans de
6 carrière de juriste, je n'ai jamais été en prétoire sans préparation. Mais
7 est-ce que je peux savoir de combien de temps je puis disposer ?
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Vous avez 12 ou 13 minutes, si je ne me
9 trompe pas.
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Etant donné que je ne vais pas pouvoir
11 utiliser les 13 minutes avant la pause, est-ce que nous pourrions à présent
12 prendre la pause. Pour moi cela n'importe que peu. Je puis commencer
13 maintenant et faire la pause ensuite, mais je m'en remets à vous.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Allez-y maintenant.
16 M. KARNAVAS : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur le Juge, je
17 vais être bref, très bref.
18 L'Accusation aujourd'hui a avancé un certain nombre de choses
19 intéressantes. D'abord, ils ont dit que l'échelle des omissions n'a pas été
20 égalée jusqu'à présent. Je crois que cela est tout à fait inacceptable
21 comme affirmation. Ils ont aussi dit que la Chambre de première instance
22 avait pour mission de rendre des jugements sur tous les éléments de l'acte
23 d'accusation. Je ne peux pas être plus d'accord que cela. Mais n'ont-ils
24 pas la responsabilité aussi d'évaluer la totalité des éléments de preuve ?
25 N'ont-ils pas pour mission de rendre des opinions sur des raisonnements
26 avancés ? Et si vous vous penchez sur leur mémoire, vous allez voir que
27 cela a fait l'objet de toute la présentation d'aujourd'hui. Vous allez voir
28 qu'à plusieurs endroits, ils ont avancé une chose, à savoir que la Chambre
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1 de première instance a limité la portée des éléments de preuve qu'elle a
2 considérée comme pertinente. Donc elle s'est trompée en procédant à une
3 compartimentalisation [phon] des éléments de preuve, arguant que les
4 éléments de preuve avaient été appréciés isolément, et qu'il faut apprécier
5 l'ensemble des éléments de preuve. Cela se retrouve également dans leur
6 mémoire - et pour une raison ou pour une autre - lorsque la Chambre de
7 première instance est arrivée à cette partie du jugement, eh bien, il n'y a
8 plus eu d'argument avancé par l'Accusation. Cet argument, et tout le reste,
9 n'a pas été apprécié de façon adéquate; c'est l'argument de l'Accusation.
10 Il n'y a pas eu prise en compte dans les constatations des éléments de
11 preuve pertinents, et cetera, et cetera.
12 Et ma question, Messieurs les Juges, est la suivante : n'est-ce pas ce que,
13 nous, nous disons depuis le début ? N'est-ce pas ce que, nous, nous faisons
14 valoir depuis le début s'agissant du jugement et de ces constatations ?
15 L'Accusation nous dit aujourd'hui : Bien, l'accusé Jadranko Prlic et les
16 autres ont commis tous ces crimes, ils étaient prévisibles, et la Chambre
17 de première instance n'a simplement pas étudié et apprécié tous les
18 éléments de preuve. Et donc il y a eu division, séparation des différents
19 éléments. La Chambre de première instance n'a pas fait son travail et n'a
20 pas apprécié, comme il se doit, ces éléments de preuve.
21 Nous, de notre côté, Messieurs les Juges, aujourd'hui ce que nous avançons,
22 c'est que tout cela était fondé. Cet argument est fondé tout comme notre
23 argument selon lequel, si l'on regarde tous les éléments de preuve, la
24 Chambre de première instance n'a pas ou s'est contentée de sélectionner ce
25 qu'elle pensait être pertinent par rapport à la version des événements et à
26 la ligne qu'elle s'était fixée. Nous n'acceptons pas l'idée selon laquelle
27 la Chambre de première instance aurait pu ne pas apprécier comme il se doit
28 les éléments de preuve au regard de l'entreprise criminelle commune de
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1 troisième catégorie. Je pense que la Chambre de première instance était
2 perdue dans la masse d'éléments de preuve présentés. La Chambre était
3 perdue parce que l'Accusation avait un acte d'accusation beaucoup trop
4 large dans lequel elle a essayé de faire un fourre-tout et mettre en
5 accusation les accusés comme s'ils avaient été omniprésents et omnipotents.
6 Si vous regardez nos arguments concernant la peine, et je pense qu'ils se
7 retrouvent aux paragraphes 185 à 248 de notre réponse, nous traitons de la
8 question de la peine à ces paragraphes-là. Et l'Accusation a fait valoir
9 que la peine infligée était beaucoup trop légère compte tenu de la gravité
10 des événements, et cetera, et cetera. Nous ne minimisons absolument pas la
11 tragédie humaine en l'espèce. Nous ne minimisons pas le fait qu'il y a eu
12 énormément de pertes humaines, de destructions de traitements inhumains.
13 Mais si vous regardez ces paragraphes, Messieurs les Juges, les paragraphes
14 de notre mémoire en réponse, nous passons par le menu chaque élément
15 renvoyant à la responsabilité et aux pouvoirs qu'avait l'accusé Prlic. Nous
16 avons essayé d'expliquer pourquoi, à la Chambre d'appel, comment le HZ HB
17 fonctionnait, quelles étaient les responsabilités engagées, quelle était
18 l'intention. Cela ne veut pas dire que des crimes n'ont pas été commis.
19 Mais l'objectif de ce procès est de déterminer qui est responsable des
20 crimes et qui doit être jugé pour ces crimes.
21 Et nous faisons valoir, Messieurs les Juges, que dans tout ce procès, la
22 Chambre de première instance a commis une erreur. Pas seulement comme
23 l'Accusation le fait valoir pour certaines parties mais pour la totalité du
24 jugement. Dans la totalité du jugement, il n'y a pas eu une appréciation
25 adéquate des éléments de preuve à disposition. Et nous faisons valoir que
26 dans le cadre d'une procédure dûment menée, l'égalité des armes doit
27 prévaloir - et je vous renvoie aux ressources à disposition, la façon dont
28 l'affaire a été jugée et, la façon dont ces éléments de preuve ont été
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1 appréciés. Au fond, la Chambre de première instance n'a pas apprécié, comme
2 il se doit, les éléments de preuve, je le répète. Et là-dessus, nous
3 concordons avec l'Accusation. Nous voulons que ces éléments de preuve
4 soient appréciés avec un œil critique. Et regardez ce que nous avons. On
5 nous rabâche sans cesse que les carnets de Mladic devraient être appréciés
6 à leur juste valeur. Bon, cela n'a pas été soulevé aujourd'hui mais je
7 pense que c'est un fil conducteur dans la réponse. Eh bien, regardons le
8 moyen d'appel numéro 5, regardons notre réplique. Et malgré l'opinion
9 raisonnée du Juge Antonetti ou la décision raisonnée de son analyse, selon
10 laquelle 38 des 40 carnets de Mladic devraient être appréciés, cela n'a pas
11 été fait. Mon confrère, M. Stringer, a déclaré que la majorité s'était
12 prononcée en défaveur de tout cela. Et aujourd'hui l'Accusation nous dit
13 que : La Chambre de première instance avait regardé les choses en dehors du
14 contexte s'agissant de l'ECC de troisième catégorie. Nous, nous affirmons
15 que la Chambre l'a fait aussi pour l'entreprise criminelle commune de
16 première catégorie et pour tous les arguments qui ont été soulevés par la
17 Défense.
18 Et, je pense qu'il ne faut pas mélanger les pommes et les poires ici,
19 Messieurs les Juges. Ne regardons pas uniquement un morceau de l'histoire.
20 Je ne veux pas abuser de votre temps, vous avez les mémoires. Je ne
21 vais pas revenir sur tout ce qui a été présenté dans les mémoires, mais je
22 pense qu'il est nécessaire d'insister sur certains éléments et de vous dire
23 exactement pourquoi la Chambre de première instance n'a pas apprécié les
24 choses à leur juste valeur. Alors, dans ce cas-là, nous, nous avançons que
25 pour la majorité, en particulier, la Chambre de première instance n'a pas
26 fixé le bon objectif dès le départ, et qu'elle s'est fourvoyée en chemin
27 pour cette raison.
28 Je pense qu'il y a des transparents qui sont disponibles.
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1 J'en ai deux. Je ne veux pas vous donner l'impression que les Juges
2 n'ont pas fait preuve d'équité dans cette affaire, et je voudrais à cet
3 égard revenir sur l'un des arguments soulevés par Me Khan. Il avait déclaré
4 qu'à un moment, les Juges, en particulier la majorité aurait --
5 Mme BAIG : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
6 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Madame Baig ?
7 Mme BAIG : [interprétation] Vous semblez revenir sur des moyens d'appel qui
8 sont hors sujet pour aujourd'hui, et nous aimerions soulever une objection.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Qu'avez-vous à dire ?
10 M. KARNAVAS : [interprétation] Eh bien, l'Accusation s'est plainte toute la
11 matinée et a dit que pour une raison ou l'autre, s'agissant des éléments de
12 preuve portant sur l'ECC de troisième catégorie, la totalité des éléments
13 de preuve n'a pas été pris dans leur ensemble. Je pense que j'ai le droit
14 de démonter cet argument de la même façon que l'Accusation a démonté les
15 nôtres, Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, oui, mais attendez. Attendez,
17 attendez.
18 Ce n'est pas parce qu'ils se sont trompés que vous pouvez faire la même
19 chose. Vous avez déjà été clair concernant les constatations et les
20 conclusions de la Chambre de première instance. Nous avons bien compris ce
21 que vous vouliez dire. Vous aviez du temps. Vous avez décidé de laisser une
22 partie de ce temps à votre client. A vous de voir si c'était l'utilisation
23 la plus intelligente de ce temps. Ce que nous attendons de vous
24 aujourd'hui, cela étant, c'est de nous dire si Mme Baig et ses collègues
25 ont eu raison de présenter ces arguments aujourd'hui.
26 Et ce que j'entends ici, c'est que la Chambre de première instance -- en
27 tout cas c'est ce que vous remâchez, la Chambre de première instance n'a
28 pas apprécier les éléments de preuve comme il le fallait. Non. Concentrez-
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1 vous sur les arguments présentés aujourd'hui.
2 M. KARNAVAS : [interprétation] Eh bien, je pense qu'il serait difficile de
3 croire, Monsieur le Juge, que l'Accusation aurait eu l'audace de suggérer
4 que la Chambre de première instance n'a été inéquitable que par rapport à
5 l'Accusation et pas par rapport à la Défense. Je pense qu'il est tout à
6 fait possible et crédible de suggérer que ce n'est que lorsque la Chambre
7 de première instance s'est penchée sur certains moyens d'appel à apprécier
8 au regard de l'ECC de troisième catégorie, qu'elle a adopté cette
9 séparation, cette approche séparée et qu'elle a décidé de ne pas apprécier
10 les éléments de preuve dans leur ensemble. Nous faisons valoir, compte tenu
11 de cela, que ce que l'Accusation avance n'est pas totalement vrai et qu'en
12 fait, pour la totalité du jugement, la Chambre de première instance a
13 procédé de la sorte.
14 Et ce que mon client, M. Prlic, essayait de vous dire s'agissant de
15 l'ECC de troisième catégorie, c'est que si vous regardez le rôle qu'il
16 jouait et les fonctions qu'il avait à l'époque et si vous regardez les
17 faits qui ont été présentés, vous constaterez que même pour l'entreprise
18 criminelle commune de première catégorie, l'appréciation n'a pas été la
19 bonne et que, partant, c'est la même chose pour l'entreprise criminelle
20 commune de troisième catégorie. Donc, pour contrer les arguments de l'ECC
21 de troisième catégorie qui ont été soulevées aujourd'hui, nous voulions
22 élargir les choses et dire que cela était valable pour la totalité du
23 jugement et que M. Prlic n'a absolument pas participé à une entreprise
24 criminelle commune, d'une façon ou d'une autre, quelle qu'ait été la
25 catégorie. Regardez les responsabilités qui sont imputées à mon client.
26 Regardez l'analyse de la Chambre de première instance, l'analyse des faits,
27 conclusions de la Chambre disant qu'il y avait une responsabilité, une
28 filière hiérarchique, et cetera, et vous verrez que c'est ce que mon client
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1 essayait de vous dire.
2 Donc, nous apprécions grandement, Messieurs les Juges, le temps que
3 vous nous avez donné et nous vous présentons nos excuses si nous n'avons
4 pas été dans les clous.
5 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. Nous reprendrons à 11 heures
6 45.
7 --- L'audience est suspendue à 11 heures 10.
8 --- L'audience est reprise à 11 heures 44.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, maintenant, c'est l'équipe de la
10 Défense de M. Stojic. Vous avez 30 minutes à votre disposition.
11 Mme NOZICA : [interprétation] C'est notre consultant juridique, Aidan
12 Ellis, qui va donc présenter la réplique de notre équipe de la Défense, la
13 réplique à l'appel de l'Accusation.
14 M. ELLIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
15 Juges. Pour ce qui est de notre réplique à l'appel de l'Accusation, nous
16 n'affirmons pas que le jugement de première instance est parfait. Nous ne
17 pouvons pas affirmer cela puisque, nous aussi, nous avons dit qu'il y a
18 beaucoup d'erreurs dans ce jugement. Vous avez dû remarquer dans notre
19 mémoire d'intimé que certains points qui étaient clairs pour ce qui est des
20 erreurs, mais malgré ces erreurs, nous disons que l'Accusation n'a pas
21 réussi à écarter le doute raisonnable concernant la culpabilité de Stojic
22 par rapport aux moyens d'appel 1, 2, et certains aspects du moyen d'appel
23 3; ils n'ont pas montré non plus que la peine d'emprisonnement d'une durée
24 de 20 ans prononcée à l'encontre de Stojic n'est pas équitable ou
25 raisonnable. Nous maintenons nos arguments concernant ces moyens d'appel.
26 Nous avons répondu à tous les aspects du moyen s'appel numéro 1 de
27 l'Accusation concernant la troisième catégorie de l'entreprise criminelle
28 commune. Lorsqu'on applique le critère juridique correct sur les
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1 conclusions formulées par la Chambre de première instance, on peut voir que
2 l'Accusation n'a pas réussi à écarter le doute raisonnable que les crimes
3 étaient prévisibles pour Stojic. Par conséquent, la Chambre de première
4 instance n'a pas commis une erreur en prononçant des déclarations
5 d'acquittement et de novo une déclaration de culpabilité ne devrait pas
6 être prononcée.
7 Je vais passer maintenant au point concernant le droit, puisqu'il n'y a pas
8 une grande différence entre l'Accusation et la Défense concernant cette
9 question-clé. L'Accusation soumet que la Chambre de première instance a
10 commis une erreur en appliquant le critère concernant la probabilité et la
11 possibilité, puisqu'il a été défini par la Chambre d'appel que ce n'est pas
12 le critère concernant la probabilité qu'il faut appliquer; il ne s'agit pas
13 de la question concernant la pure probabilité. Il s'agit de la
14 prévisibilité. Il est important de dire que l'accusé a été condamné pour ce
15 qui est des crimes qui n'entrent pas dans l'objectif criminel commun pour
16 ce qui est des crimes entrant dans la troisième catégorie de l'entreprise
17 criminelle commune. Et pour ce qui est du critère de prévisibilité, ce
18 critère doit être appliqué par rapport au fait que partager l'intention
19 commune, cela pourrait entraîner la culpabilité pour tous les crimes qui
20 ont été commis par la suite. Donc, le critère raisonnable et censé est le
21 critère établi par les Chambres d'appel.
22 Ce matin, l'Accusation a cité le paragraphe 18 pour ce qui est de l'affaire
23 Sainovic concernant le critère par rapport à la troisième catégorie de
24 l'entreprise criminelle commune. Il y a un degré de prévisibilité, mais ce
25 critère n'est pas aussi élevé que le critère concernant la probabilité et
26 n'est pas aussi bas par rapport au critère concernant la possibilité.
27 Pour ce qui est de tous les détails qui figurent dans notre mémoire
28 d'appel, nous ne voudrions que parler de deux points. D'abord, concernant
Page 802
1 des localités pertinentes, la Chambre d'appel devrait rejeter tous les
2 aspects du moyen d'appel numéro 1 de l'Accusation; et les documents sur
3 lesquels l'Accusation s'est appuyée ne sont pas suffisants pour écarter le
4 doute raisonnable concernant la culpabilité de Stojic. Lorsque je fais
5 référence à certains "incidents" ou à certains "événements", je fais
6 référence aux événements indiqués dans des tableaux de l'Accusation, pages
7 53 à 57 de leur mémoire d'appel.
8 Nous considérons que certaines localités sont importantes pour cette
9 affaire, vu l'ampleur des faits incriminés qui sont reprochés dans l'acte
10 d'accusation. Parce qu'il y a beaucoup de différentes localités où les
11 crimes ont été commis pendant une période de plusieurs mois, ce qui peut
12 être prévisible à un accusé, à une localité, à un moment donné, n'est pas
13 nécessairement prévisible à d'autres accusés, plusieurs mois plus tard, à
14 une localité éloignée. Il semble qu'il y ait un degré d'accord entre les
15 parties concernant cette question. Dans la réponse consolidée de
16 l'Accusation, au paragraphe 12, il a été accepté que les éléments
17 concernant les localités particulières ne sont pas pertinents. Ce qui est
18 important n'est pas de dire que Stojic devait contribuer à la commission
19 des crimes dans chaque municipalité. L'essentiel ici est d'identifier la
20 connaissance dont disposaient les accusés concernant le degré de
21 vulnérabilité particulière d'une certaine population ou si les accusés
22 savaient de quelles unités en particulier il s'agissait. Et pour ce qui est
23 du jugement concernant la troisième catégorie de l'entreprise criminelle
24 commune, à savoir que les conclusions s'appuient sur les connaissances de
25 Stojic concernant beaucoup de localités sont limitées, et c'est pour cela
26 nous vous invitons à prononcer des déclarations différentes par rapport à
27 sa culpabilité.
28 L'Accusation vous a invités à prononcer une déclaration de culpabilité
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1 concernant la troisième catégorie de l'ECC par rapport à deux événements
2 quant au meurtre et un événement quant à l'appropriation des biens. Quelles
3 étaient les conclusions de la Chambre de première instance concernant le
4 rôle de Stojic par rapport aux crimes commis dans cette municipalité ou par
5 rapport à ses connaissances personnelles concernant les opérations qui ont
6 été menées ? Nous disons qu'il n'en savait rien. Et dans de telles
7 circonstances, nous soutenons qu'il n'était pas possible de prononcer
8 d'autres déclarations de culpabilité par rapport à cette municipalité.
9 Il y a beaucoup d'autres exemples, Monsieur le Président, Messieurs les
10 Juges. A Prozor, où l'Accusation vous a invités à prononcer six nouvelles
11 déclarations de culpabilité pour ce qui est des événements aux numéros 1,
12 14 jusqu'à 16, ensuite 21 et 24. Dans la partie du jugement où il est
13 question de la responsabilité de Stojic par municipalité, c'est seulement
14 au paragraphe 329 du tome 4 où il est dit quelque chose par rapport à
15 Prozor. C'est seulement dans ce paragraphe-là. Vous allez souvenir de cette
16 conclusion factuelle concernant le transparent que nous avons fait montrer
17 mardi. C'était le dernier transparent. Il s'agit d'un rapport, c'est P3418,
18 le rapport qui a été reçu par deux accusés. Mais la Chambre de première
19 instance a formulé des conclusions opposées par rapport à leur connaissance
20 en s'appuyant sur ce document. Il faut comparer cela avec le paragraphe 329
21 et paragraphe 799 du tome 4.
22 Mis à part cette conclusion déraisonnable, il n'y a pas d'autre conclusion
23 concernant les connaissances de Stojic par rapport aux circonstances qui
24 prévalaient à Prozor à l'époque où ces crimes pour lesquels il a été accusé
25 se sont passés. De même, pour ce qui est des conclusions factuelles
26 concernant Vares, tome 4, paragraphe 380, même lorsqu'on accorde le plus
27 grand poids à ces conclusions, Stojic était au courant de cela, beaucoup de
28 temps, beaucoup de jours après la commission de ces crimes.
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1 Ici, aujourd'hui, on a entendu l'affirmation selon laquelle vous êtes
2 en mesure de prononcer de nouvelles déclarations de culpabilité concernant
3 l'entreprise criminelle commune sans avoir tenu compte des conclusions
4 factuelles ou le contexte. Et nous considérons que c'est une approche
5 erronée. Et nous disons que faire cela exigerait, pour ce qui est de la
6 Chambre d'appel, d'examiner les conclusions factuelles par rapport aux
7 connaissances de l'accusé concernant toutes les municipalités. Mais il n'y
8 a pas de bases factuelles nouvelles sur lesquelles on pourrait s'appuyer
9 pour prononcer de nouvelles déclarations de culpabilité. Nous considérons
10 que cela traduit des moyens de preuve factuels qui ont été versés au
11 dossier et qui portent sur les connaissances de Stojic pour ce qui est des
12 circonstances dans ces municipalités.
13 Donc, ces crimes ne pouvaient pas être prévus par Stojic. Et donc,
14 prononcer une nouvelle déclaration de culpabilité serait fatal pour ce qui
15 est du moyen d'appel numéro 1, puisque ces documents et ces conclusions sur
16 lesquels la Chambre s'est appuyée pour formuler cette conclusion ne sont
17 pas suffisants pour établir le fait que ces crimes étaient prévisibles pour
18 Stojic.
19 Il y a une erreur commise par l'Accusation à répétition. Il s'agit de
20 documents qui ont été envoyés par le département de la Défense et ils
21 affirment que Stojic était au courant de la teneur de ces documents. Mais
22 cela n'est pas une conclusion qu'on peut formuler nécessairement pour ce
23 qui est de ces documents, puisque le département de la Défense avait ces
24 secteurs. Il ne s'agissait pas d'une institution administrative de petite
25 envergure. Il y avait également des départements chargés de la protection
26 civile, de la sécurité ou morale, de l'approvisionnement. Et à la tête de
27 chacun de ces secteurs, il y avait un adjoint du directeur qui assumait la
28 responsabilité pour ce qui est du travail de ce secteur. Tome 1, paragraphe
Page 805
1 540.
2 Il y a des moyens de preuve montrant ce qui se passait lorsque le
3 département de la Défense recevait un document, puisqu'au sein du
4 département de la Défense, des documents reçus revêtaient un tampon et ce
5 n'est pas surprenant, puisque beaucoup d'organes administratifs procèdent
6 de la même façon. Compte rendu d'audience page 36247, lignes 2 à 21.
7 Parfois, j'avais des difficultés pour distinguer ces différents
8 tampons figurant sur des différents documents, mais pour ce qui est de la
9 pièce P1880, vous pouvez voir qu'il s'agit d'exemples d'un document qui a
10 un tampon pour confirmer que c'est le département de la Défense qui l'a
11 reçu. Il n'y a pas d'autres indices qui pourraient nous emmener à la
12 conclusion qu'il y avait d'autres destinataires de ce document.
13 Mais par rapport à beaucoup de documents sur lesquels s'appuie
14 l'Accusation, il n'y a pas de moyens de preuve ni de conclusions disant que
15 Stojic les avait réellement vus. Au paragraphe 24 de la réplique de
16 l'Accusation où ils ont introduit la pièce P1915 en tant que moyen de
17 preuve disant que le département de la Défense a été informé des
18 préparatifs pour lancer l'opération à Jablanica en avril 1993. Il n'y a pas
19 de document indiquant que c'est le département de la Défense qui l'a reçu.
20 Le tampon, sur l'original du document que vous pouvez voir, concerne
21 l'état-major principal et je suppose que c'est la raison pour laquelle la
22 Chambre de première instance a conclu dans ce cas particulier que ce
23 document a été reçu par l'état-major principal. Tome 4, paragraphe 714.
24 Mais il n'y avait pas de conclusion équivalente disant que le département
25 de la Défense l'a vu en fait. La Chambre de première instance a établi au
26 tome 4, paragraphe 441 que Stojic a été informé des opérations du HVO à
27 Jablanica après que ces opérations avaient eu lieu, ce qui évidemment n'est
28 pas conforme concernant le fait de s'appuyer sur la pièce P119. Il y a
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1 d'autres commentaires également qui peuvent être appliqués ici concernant
2 les pièces P4161, P648, P4177, P2063, pour ne citer que quatre exemples.
3 Ces documents n'ont pas été adressés à Stojic en personne. Il n'y a pas de
4 tampon sur ces documents qui indique qu'il s'agit de département de la
5 Défense. Il n'y a pas de témoin qui aurait déposé que ces documents lui ont
6 été transmis.
7 Donc la Défense a essayé d'aider le Tribunal en indiquant le registre
8 du département de la Défense dans lequel tous ces documents seraient
9 indiqués. Mais malheureusement, nous n'avons pas réussi à retrouver ce
10 registre. Donc, vous pouvez voir dans le document 2D1399 que nous avons
11 déployé les efforts pour retrouver ce document.
12 Et vu l'absence de ce document, on voit qu'en fait l'Accusation s'est
13 appuyée sur d'autres documents. Il n'y a qu'un seul document dont la date
14 est la date qui concerne une période après un nombre d'incidents, et cela
15 par rapport aux meurtres et aux homicides intentionnels en détention. C'est
16 la pièce P3452, P4161 datée du mois d'août 1993. Mais l'Accusation a invité
17 la Chambre d'appel de prononcer des déclarations de culpabilité pour les
18 meurtres survenus en détention et qui ont commencé avec l'incident 2 en
19 avril 1993, à savoir quatre mois avant cela. Et seulement une partie d'un
20 autre incident a été commis à la date indiquée dans la pièce P4352.
21 Pour ce qui est de cette partie du moyen d'appel numéro 1, pour
22 chacun des crimes reprochés, l'Accusation s'est appuyée sur un petit nombre
23 de documents pour prouver que Stojic était au courant du fait que ces
24 crimes pouvaient être perpétrés. Mais si vous excluez ces documents, les
25 documents pour lesquels on ne peut pas établir que Stojic les aurait vus,
26 vous devez exclure les moyens de preuve concernant P1351 par rapport à
27 Gornji Vakuf. Nous soutenons que ces documents ne sont pas suffisants pour
28 écarter le doute raisonnable concernant le fait que les crimes étaient
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1 prévisibles à Stojic et que ce moyen d'appel numéro 1 de l'Accusation doit
2 être rejeté.
3 Maintenant, je passe au moyen d'appel numéro 4 pour ce qui est de la
4 peine prononcée.
5 Au début de cette audience en appel, Monsieur le Président, vous avez
6 rappelé les parties qu'il ne s'agit pas d'un nouveau procès, que les
7 parties doivent s'abstenir de réitérer des arguments présentés au procès.
8 L'Accusation et l'appel de l'Accusation concernant le prononcé de la peine,
9 ils constituent justement la présentation des arguments déjà présentés lors
10 du procès. L'Accusation continue à demander une peine de 40 ans
11 d'emprisonnement pour Stojic; c'est exactement la peine d'emprisonnement
12 que l'Accusation a demandé au procès. C'est exposé au paragraphe 182 de
13 notre réplique. Beaucoup d'arguments écrits de l'Accusation ainsi que
14 d'autres arguments oraux présentés ici ressemblent aux arguments présentés
15 lors de l'audience en clôture, lors de réquisitoires et plaidoiries.
16 Nous considérons que l'Accusation n'a pas identifié l'erreur dans
17 l'approche de la Chambre concernant le prononcé de l'appel, la Chambre n'a
18 pas imposé la peine que l'Accusation a demandé, ne veut pas dire qu'il
19 s'agit d'une erreur. Le critère a été établi pour un appel similaire de
20 l'Accusation dans l'affaire Galic, et la majorité a conclu dans cette
21 affaire aux paragraphes 455 et 456 que la Chambre d'appel ne devrait
22 intervenir que dans le cas où la Chambre de première instance a imposé une
23 peine à tel point déraisonnable ou pas équitable pour conclure que la
24 Chambre de première instance donc n'a pas exercé de façon correcte son
25 pouvoir discrétionnaire. Donc la Chambre de première instance a un pouvoir
26 discrétionnaire considérable pour ce qui est du prononcé de la peine.
27 Devant cette Chambre, des moyens de preuve ont été présentés pendant
28 quelques années, y compris quelques vidéos concernant Mostar est, et y
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1 compris les dépositions des victimes de ces crimes. Pour ce qui est donc du
2 raisonnement juridique de ces conclusions et concernant l'entreprise
3 criminelle commune, et les faits incriminés, la Chambre de première
4 instance a parlé en détail de ces crimes sur des milliers de pages de ce
5 jugement. Pour ce qui est du contexte, la Chambre de première instance a
6 adopté une approche concernant seulement la gravité des crimes par rapport
7 à la peine prononcée. Nous disons qu'il aurait fallu tenir en compte
8 également d'autres éléments. Et les peines imposées dans d'autres affaires
9 nous amènent à la conclusion que la peine d'emprisonnement d'une durée de
10 20 ans pour Stojic n'est pas juste et n'est pas raisonnable. Alors si nous
11 parlons de causes comparables, aucune comparaison n'est possible. Parce que
12 dès que je commence à établir une comparaison entre différentes affaires,
13 cela peut être perçu comme si je tentais de minimiser les crimes ou la
14 responsabilité de l'accusé. Telle n'est pas mon intention, Messieurs les
15 Juges. Au vu des vidéos présentées par l'Accusation ce qui s'est passé à
16 Mostar est, après avoir lu les éléments de preuve en l'espèce après tant
17 d'années; évidemment ces images nous touchent.
18 Et au nom de M. Stojic, nous avons commencé par présenter nos
19 arguments et en adressant nos plus sincères condoléances à toutes les
20 victimes de la guerre, et il se faisait l'écho des propres paroles de
21 Stojic lorsqu'il s'est adressé à la Chambre de première instance lors des
22 plaidoiries :
23 "Du fond du cœur, je souhaite vous exprimer ma compassion pour
24 ces personnes et en particulier les victimes musulmanes de cette guerre."
25 Nous n'avons pas l'intention, et lui n'a pas l'intention de minimiser ces
26 souffrances non plus. Confer la page du compte rendu d'audience 52964.
27 Néanmoins, il faut se pencher sur les affaires passées pour comprendre
28 quelle est la palette des peines raisonnables. Aux paragraphes 210 et 211
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1 de l'affaire Sainovic, ceci est pertinent, parce qu'il s'agit d'affaires
2 importantes en matière d'entreprise criminelle commune et de l'expulsion de
3 la population sur des bases ethniques, des centaines de milliers de civils
4 ont été déplacés. On ne peut pas parler d'affaires moins importants ou plus
5 petites. Il y a eu des facteurs atténuants qui ont été pris en compte. Il y
6 a eu la coopération avec le Tribunal comme Stojic, Djordjevic n'a pas été
7 arrêté avant quatre ans, ce qui a augmenté la souffrance de victimes. M. LE
8 JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste dix minutes.
9 M. ELLIS : [interprétation] Les peines imposées dans ces affaires après
10 l'appel allaient de 14 à 22 ans, je ne sais pas si cette comparaison est
11 valable, je ne laisse pas entendre que les peines prononcées ne sont pas
12 appropriées, qu'il s'agit de la même chose. Mais l'Accusation fait valoir
13 aujourd'hui qu'il faut imposer une peine plus importante pour tenir compte
14 de la gravité du siège de Mostar. L'Accusation s'est fondée essentiellement
15 sur sa réplique pour ce qui est du niveau de criminalité lors d'une
16 campagne de pilonnage qui a duré neuf mois. Une campagne qui, parce que le
17 siège de Mostar est, au vu des conclusions de la Chambre, a commencé au
18 mois de juin 1993 et s'est terminée au mois de mars 1994. A ce moment-là,
19 Stojic n'était plus à la tête du département de la Défense. Il a quitté le
20 département de la Défense à la mi-novembre 1993. La Chambre de première
21 instance déclare que c'était le 15 novembre, la Défense Stojic parle du 10
22 novembre, mais cela n'a pas d'importance. Aucun élément de preuve n'a dit
23 qu'il est resté membre de l'entreprise criminelle commune après cette date
24 au mois de novembre 1993. Sa responsabilité s'arrête à ce moment-là au
25 milieu du siège de Mostar. Sa peine ne peut pas être fondée sur le niveau
26 de criminalité illustré par neuf mois de siège, et même si vous confirmez
27 sa condamnation pour avoir terrorisé la population civile, nous vous
28 invitons, Messieurs les Juges, à invalider ce jugement en raison d'un
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1 manque de conclusion motivée sur l'intention spécifique.
2 En se fondant sur l'affaire Galic, mes confrères et consœurs de
3 l'Accusation ont cité cela; il y a des différences. D'après l'Accusation,
4 le siège de Sarajevo a touché plus de 300 [comme interprété] civils. La
5 responsabilité de Galic pour ce siège a duré 23 mois, ça a duré beaucoup
6 plus longtemps, il y a eu beaucoup plus de civils en l'espèce. Donc la
7 comparaison proposée par l'Accusation n'est pas d'une grande utilité pour
8 montrer que la peine prononcée était erronée.
9 Messieurs les Juges, une peine de 40 ans telle que proposée par
10 l'Accusation, est-ce que vous pensez que c'est plus adéquat ? Nous avons
11 essayé au paragraphe 215 de l'indiquer dans notre mémoire en réponse, les
12 cas où les Juges de la Chambre ont imposé des peines semblables. Ceci ne
13 correspond pas à cette affaire pour les raisons annoncées dans ce mémoire.
14 Mais nous constatons que la Chambre de première instance a condamné M.
15 Karadzic à 40 ans, c'est ce que souhaite avoir l'Accusation pour Stojic. Il
16 a contribué de façon importante à une entreprise criminelle commune qui
17 visait à déplacer la population musulmane des territoires revendiqués par
18 les Serbes, mais il ne s'agit que d'un aspect de cette affaire-là. Il a
19 également été l'élément moteur derrière l'objectif commun supplémentaire de
20 prendre pour otage du personnel des Nations Unies. Il a également fortement
21 contribué au pilonnage de Sarajevo, et ce, pas pendant quelques mois, mais
22 pendant trois ans et demi. Il a également contribué de façon importante au
23 génocide de Srebrenica, ce qui a donné lieu à la mort de plus de 5 000
24 personnes et transfert d'innombrables hommes, femmes, et personnes âgées.
25 Messieurs les Juges, la peine de Stojic ne doit pas être mesurée ou on ne
26 doit pas imposer une peine à l'aune des affaires précédentes.
27 La peine que demande l'Accusation est beaucoup plus importante. L'appel de
28 l'Accusation, si on fait droit à l'Accusation, et si ces années sont
Page 812
1 imposées à Stojic, il aurait 92 ans. Et nous faisons valoir que ceci n'est
2 pas justifié. L'Accusation n'a pas démontré que la peine ne correspondait
3 pas et n'a pas montré que c'était si déraisonnable et injuste que la
4 Chambre de première instance n'a pas appliqué les pouvoirs discrétionnaires
5 qui sont les nôtres comme il se doit. Pour ce qui est 56.2 qui concerne le
6 cumul des déclarations de culpabilité, et 57 eu égard au temps passé en
7 liberté provisoire, c'est important.
8 C'est la dernière fois que nous pouvons nous adresser à la Chambre. Et nous
9 avons écouté attentivement les arguments de l'Accusation ce matin,
10 l'Accusation a indiqué qu'il y avait des omissions sans précédent dans ce
11 jugement et qu'il y avait des manquements à l'obligation d'apprécier tous
12 les éléments de preuve en l'espèce. Messieurs les Juges, ces erreurs, eh
13 bien, c'est ce qu'a indiqué Me Karnavas un peu plus tôt ce matin, ces
14 erreurs se retrouvent tout au long du jugement. Il s'agit pas simplement
15 des arguments de l'Accusation. C'est exactement la même chose que nous
16 avons mis en exergue. La Chambre de première instance n'a pas tenu compte
17 des armes, des munitions qui ont été utilisées par le HVO et la Croatie,
18 ces erreurs, ces manquements à l'obligation d'analyser tous les éléments de
19 preuve eu égard à cet objectif commun, unique de l'entreprise criminelle
20 commune. Et au fil et à mesure de ces jours d'audience en appel, vous avez
21 entendu des erreurs signalées par les deux parties et la conclusion
22 inévitable, malheureusement, consiste à dire qu'il s'agit d'un jugement qui
23 ne réunit pas les conditions fixées par ce Tribunal. Ceci ne fournit pas
24 d'opinion motivée sur tous les éléments de preuve, n'apprécie pas tous les
25 arguments présentés, et nous faisons valoir, Messieurs les Juges, que la
26 seule réponse possible au vu de toutes ces erreurs est d'infirmer le
27 jugement et d'autoriser l'appel de l'Accusation dans la seule mesure de ce
28 que nous avons indiqué dans notre mémoire écrit est d'annuler la
Page 813
1 déclaration de culpabilité de Stojic.
2 Je crois que j'en ai terminé. Merci.
3 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Ellis.
4 Nous allons maintenant passer à la Défense de M. Praljak.
5 Oui, Madame Fauveau.
6 Mme FAUVEAU-IVANOVIC : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je serai
7 vraiment extrêmement brève.
8 L'appel du Procureur démontre des lacunes du jugement; c'est incontestable.
9 Le Procureur considère que cela est inadmissible pour l'héritage de ce
10 Tribunal et pour la communauté internationale. Le compte rendu
11 d'aujourd'hui, page 7, lignes 4 et 5.
12 Le jugement dans sa totalité est effectivement plein d'erreurs, qui sont
13 ineffaçables et irréparables. C'est effectivement inadmissible. Mais c'est
14 d'abord inadmissible pour l'accusé; ensuite, c'est inadmissible pour ce
15 Tribunal; et finalement, c'est inadmissible pour la justice pénale
16 internationale, dont la crédibilité est mise à rude épreuve dans cette
17 affaire.
18 Le premier et le troisième moyens d'appel du Procureur concernent les
19 crimes qui auraient été conséquence du plan commun pour le premier moyen ou
20 qui auraient été commis dans le cadre du plan commun; le troisième moyen.
21 Or, il n'y avait pas de plan commun. Donc, sur le premier moyen, on ne peut
22 pas parler de l'entreprise criminelle 3 s'il n'y a pas l'entreprise
23 criminelle 1. Et sur le troisième moyen, on ne peut pas parler des crimes
24 commis dans le cadre d'une entreprise criminelle commune si cela n'existe
25 pas.
26 Pour le reste, nous maintenons tous nos arguments écrits exposés dans la
27 réponse à l'appel du Procureur concernant les moyens 1, 2 et 3 du
28 Procureur.
Page 814
1 Je voudrais juste ajouter - sans vouloir entrer dans ce que nous avons dit
2 déjà - une remarque concernant les vidéos que le Procureur nous a montrées
3 déjà aujourd'hui. Ces vidéos ne changent rien à toutes les preuves que la
4 Défense a exposées dans cette procédure concernant le siège de Mostar. Je
5 vous invite de lire particulièrement attentivement nos moyens d'appel
6 concernant Mostar.
7 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous ne nous prononcerons pas
8 sur le quatrième moyen d'appel relatif à la peine. Toute condamnation de
9 Slobodan Praljak serait profondément injuste, mais surtout - surtout - elle
10 serait contraire aux normes et principes élémentaires de droit, car sa
11 responsabilité n'a pas été établie. La condamnation de Slobodan Praljak
12 repose sur les faits déformés, sur les conclusions erronés auxquelles la
13 Chambre de première instance est parvenue à l'issue d'une procédure dans
14 laquelle les droits fondamentaux de l'accusé garantis par l'article 21 du
15 Statut du Tribunal étaient constamment violés. L'appel du Procureur doit
16 être rejeté dans sa totalité et le jugement doit être invalidé également
17 dans sa totalité. Je vous remercie.
18 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant
19 entendre M. Petkovic ?
20 L'équipe de Défense de M. Petkovic. L'équipe de Défense de M. Petkovic,
21 vous pouvez commencer. Merci. Vous avez 30 minutes.
22 Mme ALABURIC : [interprétation] Nous allons essayer d'utiliser nos 30
23 minutes qui, à notre sens, est la meilleure façon d'utilisation de notre
24 temps.
25 Je suis tout à fait d'accord avec ce que mes collègues de l'Accusation,
26 consœurs et confrères, ont dit lorsqu'ils ont dit que le jugement est
27 incohérent et c'est difficile à comprendre. Je sais qu'ils ont consacré des
28 jours et des semaines pour essayer de comprendre ce qui se passait avec les
Page 815
1 211 faits ou événements pour lesquels les accusés ont été condamnés ou pas
2 condamnés, eu égard à chacun de ces événements.
3 Et je vais commencer par parler du moyen d'appel numéro 2 ou le manquement
4 de l'obligation de la Chambre de décider de la responsabilité de l'accusé
5 par rapport à la question de la responsabilité de commandement après avoir
6 établi qu'il n'y avait pas de responsabilité au terme de l'ECC de catégorie
7 numéro 3. Sur le transparent numéro 2, vous pouvez voir quels ont été les
8 arguments présentés par l'Accusation. Moi, je vais parler notamment de la
9 demande de modifier le jugement rendu, et mon client, M. Petkovic, serait
10 censé d'être condamné pour deux crimes, à savoir la responsabilité du
11 commandement supérieur et une proposition alternative demandant à la
12 Chambre d'appel de procéder à la modification de ce jugement ou son
13 annulation pour redémarrage du procès à partir du début.
14 Alors, pour ce qui est des éléments d'acquittement, je voudrais dire que
15 nous sommes conscients d'accéder à un sujet où les Juges de la Chambre
16 d'arrêt ont formulé des positions différentes. Je sais qu'il n'est point
17 sage de s'aventurer dans les sujets où il y avait désaccords, mais nous
18 allons le faire quand même.
19 Au niveau de ce transparent numéro 3, nous pouvons voir une brève
20 explication de ce qui est nécessaire pour notre analyse. M. le Juge Pocar
21 a, dans l'affaire Gotovina, formulé une opinion dissidente, devant ce
22 Tribunal et d'autres tribunaux, l'opinion de jugement d'acquittement ne
23 devrait pas être modifiée indépendamment des attributions de la Chambre
24 d'arrêt si ceci dépossède l'accusé du droit à un recours. Etant donné que
25 le Statut et le Règlement de procédure et de preuve ne prévoient pas de
26 recours pour ce qui est d'une décision de la Chambre en arrêt, la question
27 serait celle de savoir si cela mettrait en péril les droits de nos clients
28 pour ce qui est de faire en sorte qu'un tribunal d'instance supérieure
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1 puisse revoir le jugement rendu ou l'arrêt rendu.
2 Et étant donné que je traite des droits de l'homme, cette position
3 est une position qui est proche de ce que je fais dans ma carrière, étant
4 donné que je vaque à la question des droits de l'homme, ce sont des
5 positions que je connais bien. Et je vais vous dire comment les choses se
6 présentaient en ex-Yougoslavie il y 50 ans. Lorsque vous vous pencherez sur
7 le transparent suivant, vous pourrez voir un extrait du Code pénal de la
8 RSFY. Et on parle de l'année 1986, mais il s'agit en fait d'un texte épuré
9 de la loi qui a été adoptée, en fait, en 1977. Et dans ce texte, vous allez
10 pouvoir vous rendre compte du fait que c'est à l'époque de la Yougoslavie
11 qui était un pays monopartite, communiste et totalitariste, il avait été
12 prévu de faire en sorte que l'accusé ait un droit de recours pour ce qui
13 est même des jugements en arrêt lorsqu'il y a eu modification d'une
14 sentence d'acquittement en peine de condamnation. Et, on s'adresserait à
15 une cour suprême où les choses étaient aménagées de façon à respecter les
16 droits de tout un chacun. Et des dispositions similaires sont gardées dans
17 le Code pénal de la République de Croatie, article 190 de ce Code pénal.
18 Ces mêmes dispositions sont contenues dans la réglementation de la Bosnie-
19 Herzégovine et cela a été le cas dès le début des années 1990, parce que la
20 totalité des pays issues de l'ex-Yougoslavie avaient repris ladite loi
21 relative au Code pénal et ces dispositions existent de même de nos jours
22 dans le Code pénal de la Bosnie-Herzégovine.
23 Par conséquent, dans nos pays respectifs, si ce procès devait se tenir en
24 Bosnie-Herzégovine ou en Croatie, nos accusés se verraient garantir le
25 droit de voir une peine d'acquittement ne pas pouvoir être modifiée en
26 peine de condamnation, sans qu'il y ait pour autant une protection
27 appropriée en matière de recours ou droit de recours auprès d'une cour
28 d'instance supérieure pour réexaminer les décisions ou arrêt d'un tribunal
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1 autre. Et nous nous attendrions à ce qu'on n'accorde pas à nos clients des
2 droits inférieurs à ceux qui devaient être les leurs dans le cas où ils
3 seraient mis en accusation dans un pays communiste, totalitaire et
4 monopartite.
5 Alors, s'agissant maintenant de faire en sorte que l'affaire soit jugée à
6 nouveau, nous avons pu entendre ici parler d'un crime explicite qui est
7 reproché à mon client dans ce contexte-là, à savoir le meurtre d'un
8 prisonnier à Dretelj. Ma consœur de l'Accusation, Mme Baig, a parlé de
9 quatre crimes d'homicide. Je crois qu'il s'agissait d'une erreur, parce que
10 d'après nos registres, et je crois que dans l'appel il est question de six
11 homicides.
12 Dans une colonne, nous avons essayé de vous montrer ce que la Chambre
13 d'appel avait déterminé au sujet dudit incident et pourquoi Petkovic n'a
14 pas été condamné pour ce qui est de la catégorie 3 de l'ECC. La Chambre de
15 première instance a estimé que Petkovic avait été informé sept mois après
16 l'événement en tant que tel et cela n'était pas une chose prévisible pour
17 lui.
18 Dans les colonnes qui suivent, nous parlons de deux paragraphes de
19 l'appel de l'Accusation. L'Accusation estime en effet que les conclusions
20 factuelles des Juges de la Chambre de première instance suffisent pour que
21 le jugement en acquittement soit modifié et soit mué en condamnation. Je
22 vais être bref.
23 Tout ce qui a été dit se fonde sur un document du CICR, le P07636,
24 qui parle des connaissances qu'avait pu avoir Petkovic au sujet des crimes
25 en question. Vous pouvez voir ce document sur le transparent. Sur ce sur
26 quoi nous voulons attirer votre attention est la chose suivante. Le fait
27 est que le document a été envoyé à M. Marjan Biskic. On indique ici qu'il
28 se trouvait être ministre adjoint de Défense. Au fait, il était l'un des
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1 assistants. Mais pour notre sujet, enfin, le sujet qui nous intéresse, ce
2 qui importe de dire, c'était un homme qui était chargé de la police
3 militaire au niveau du ministère de la Défense et du service SIS, chargé de
4 la sécurité, qui a assumé des responsabilités vis-à-vis des poursuites en
5 justice, les auteurs de justice et la conduite d'investigation. C'est donc
6 l'auteur du courrier et cela a été envoyé à Petkovic, Prlic et au bureau du
7 commandant suprême, c'est-à-dire le président, pour information. Alors, si
8 on garde à l'esprit un certain nombre d'autres circonstances et du fait
9 d'avoir peu de temps à ma disposition, je vais faire référence à un seul
10 document, 4D01614. Il s'agit d'un document qui montre de façon claire que
11 Petkovic, bien qu'à l'époque, en décembre 1993, se trouvait être commandant
12 adjoint de l'état-major principal, cela ne signifie pas qu'il est l'homme
13 en chef, si le chef de l'état-major était absent. On peut voir ici que le
14 chef de l'état-major de l'époque était Ante Roso. Et lui, a dit que mis à
15 part Petkovic, les personnes autorisées à le remplacer sont M. Matic et
16 M. Vrbanac. Si on détermine donc de façon exacte qui, à quel moment,
17 pouvait accomplir les missions de chef d'état-major, on doit savoir quelles
18 ont été les circonstances qui prévalaient à l'époque. Et point n'est
19 maintenant nécessaire de parler des dispositions légales pour ce qui est de
20 savoir qui avait les attributions essentielles de punir tel soldat ou tel
21 autre responsable. Nous n'avons pas le temps de le faire.
22 Mais ce qu'on peut conclure ici, c'est que la personne qui était
23 autorisée d'informer quelqu'un des crimes commis et de prendre les mesures
24 nécessaires, nous montre qu'il n'y avait aucune raison pour ce qui est de
25 Petkovic ou le commandant suprême à ce sujet, entreprennent quoi que ce
26 soit de particulier à ce sujet.
27 Le transparent numéro 9 parle des vols commis à Stupni Do. A ce
28 sujet, le Procureur a dit qu'il fallait déterminer la responsabilité de
Page 819
1 Petkovic en fonction de sa responsabilité de commandement. Et il a été dit
2 beaucoup de choses à ce sujet. Je vais essayer d'abréger au maximum,
3 Messieurs les Juges. Il n'est pas contestable que le crime ait été commis.
4 Nous en avons parlé dans notre présentation des arguments, jeudi passé.
5 Mais ce que je voudrais dire ici, c'est - et là, j'aimerais qu'on nous
6 montre le transparent suivant, et que ce ne soit pas diffusé vers
7 l'extérieur, il va y avoir des données relatives à des témoins protégés et
8 on veut être "on the safe side" comme on dit en anglais, donc on veut
9 intervenir en toute sécurité.
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé). Le Témoin Bandic nous a parlé des
13 activités déployées par le procureur militaire. Je me réfère ici à la page
14 du compte rendu d'audience 38101.
15 Le Témoin Jan Koet a parlé des contacts qu'il avait eus avec le
16 procureur public au sujet des accusations relatives à Stupni Do, pièce à
17 conviction P10092, paragraphe 22. Le fait d'avoir recours au procureur
18 militaire départemental pour ce qui est des investigations relatives au
19 crime de Stupni Do nous est montré par le document 4D00499. Donc, Ivica
20 Rajic qui avait dirigé les opérations de Vares, a communiqué de façon
21 directe avec le commandement suprême Mate Boban et les éléments de preuve à
22 ce sujet sont les suivants. (expurgé)
23 (expurgé)
24 Ivica Rajic a envoyé des rapports directs au commandant suprême,
25 pièce à conviction P06291.
26 Boban a ensuite parlé des crimes commis à Stupni Do, de
27 l'investigation et de la nécessité de sanctionner les auteurs à l'occasion
28 d'une réunion avec le président croate, M. Tudjman, à Split en 1993, le 5
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1 novembre. Et le général Petkovic était présent. Document P06575.
2 Le ministre de la Défense de l'époque, Perica Jukic, a eu des
3 échanges à ce sujet avec la FORPRONU pour essayer d'investiguer les crimes
4 commis à Stupni Do; document 4D00506.
5 Je crois que maintenant, on peut montrer le transparent suivant de
6 façon publique, et le suivant sera protégé également. Ici il est question
7 des activités du SIS, à savoir des services de sécurité qui sont chargés
8 d'enquêter au sujet des crimes commis à Stupni Do. Il s'agit du document
9 P06828. Le rapport du SIS a été envoyé à Jukic qui était ministre de la
10 Défense à l'époque et au chef de l'état-major de l'époque M. Roso. Le
11 Témoin Bandic en a parlé. Page du compte rendu d'audience 38324. Le Témoin
12 Jan Koet en a parlé également. Document cité tout à l'heure déjà, P10092.
13 Et si on prend en considération les choses qui ont été constatées par la
14 Chambre d'appel dans l'affaire Blaskic, on voit que les instances chargées
15 d'enquêter et de poursuivre en justice les auteurs de crimes étaient
16 impliquées à part entière pour ce qui est de l'affaire de Stupni Do. Mis à
17 part ce fait, Petkovic se trouvait être, à ce moment-là, chef adjoint de
18 l'état-major, et je vais dire encore, en quelques minutes, un certain
19 nombre de choses sur la façon dont Ivica Rajic a changé de nom pour devenir
20 Viktor Andric. Et je voudrais maintenant que le transparent suivant ne soit
21 pas diffusé vers l'extérieur du prétoire.
22 On peut voir, partant des documents suivants, que le 10 novembre 1993, Mate
23 Boban a formulé une déclaration disant que Rajic était relevé de ses
24 fonctions. P10255. (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé). Compte rendu d'audience T24532 à 533. Ivica Rajic nous a fait
28 savoir que Mate Boban avait décidé de le garder mais de lui faire changer
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1 de nom pour faire de lui Viktor Andric. Page de compte rendu d'audience
2 38306. Toute une série d'autres documents encore qui sont fort nombreux -
3 mais je n'en ai énumérés que quelques-uns - et qui montrent que toute la
4 structure politique et militaire de l'Herceg-Bosna avait été au courant du
5 fait que Rajic avait changé de nom. Et j'excuse si quelqu'un ne le savait
6 pas, mais mon client M. Petkovic le savait.
7 Alors qu'est-il advenu par la suite d'Ivica Rajic ? En avril 1994 il change
8 de nouveau son nom, il devient maintenant Jakov Kovac. En 1995 Rajic se
9 trouve être arrêté, mais il n'a pas été mis en accusation s'agissant des
10 crimes commis à Stupni Do, et le tribunal de Mostar l'a acquitté de toute
11 responsabilité. Et partant de tous ces éléments de preuve et ils sont
12 nombreux encore, Monsieur le Juge, nous pouvons tirer la conclusion qui
13 est celle de dire que Milivoj Petkovic ne peut assumer aucune
14 responsabilité de commandement pour ce qui est des crimes commis à Stupni
15 Do. En terme simple, tous ses supérieurs hiérarchiques avaient, tout comme
16 lui, été informés de ces événements, et les organes, les instances
17 compétentes de l'Herceg-Bosna chargées d'enquêter et de poursuivre les
18 crimes en justice ont été informées de toute chose à ce moment-là.
19 Donc la conclusion à tirer concernant ce moyen d'appel est celle de dire
20 que ce moyen d'appel devrait être rejeté comme dénué de fondement.
21 Pour ce qui est maintenant du moyen d'appel 3, je serai très brève. Je me
22 suis efforcée véritablement et j'ai relu à maintes reprises le jugement. A
23 la première lecture et suivantes, je dirais que l'on a tort de dire que mon
24 client a été condamné pour destruction arbitraire dans quatre localités. On
25 voit dans la colonne de gauche de quelles localités il s'agit. Et j'ai
26 essayé de fournir, à partir du jugement, les éléments pertinents pour ce
27 qui est des crimes en question. Et ma conclusion est celle de dire que mon
28 client a été condamné à cet effet. Et c'est encore une preuve de plus pour
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1 indiquer à quel point il est difficile de prendre lecture de ce jugement.
2 Je pense avoir encore cinq minutes ou dix minutes. Alors je vais peut-être
3 ralentir mon débit.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, vous avez raison, vous avez dix
5 minutes.
6 Mme ALABURIC : [interprétation] Je vais dire quelques mots au sujet du
7 moyen d'appel numéro 1. Je vais en terminer avec le sujet de Mostar et du
8 jugement rendu ou de la peine encourue.
9 Alors pour ce qui est du moyen d'appel numéro 1, le bureau du Procureur où
10 mes consœurs ont dit à juste titre qu'il y avait un désordre terminologique
11 complet. Nous avons essayé de définir quand est-ce que l'on utilise le
12 terme de probabilité ou de possibilité. Et pour mon client, le général
13 Petkovic, nous estimons que les normes ont été correctement établies, et
14 nous avons jugé qu'il s'agissait là d'une confusion totale du point de vue
15 linguistique, mais qu'en substance, on a utilisé la bonne norme, et que ce
16 fondement d'appel ne se trouve pas être justifié.
17 Maintenant pour ce qui est de l'analyse de la base de crime pour ce qui est
18 de la façon d'analyser chaque crime individuel, nous estimons que sur
19 modèle des jugements rendus dans l'affaire Brdjanin, paragraphe 413 et
20 Martic arrêt en appel, article 169, il conviendrait de procéder à une
21 analyse au cas pour cas.
22 Et je vais maintenant sauter un certain nombre de transparents parce que
23 nous n'avons pas suffisamment de temps de le faire. Nous allons rester à la
24 page 20.
25 Et je préfère, lorsque je peux tomber d'accord avec l'Accusation, les
26 remercier d'avoir fait quelque chose en faveur de mon client, et je le fais
27 à présent. Donc le bureau du Procureur, dans son moyen d'appel 1(g) au
28 petit (f), a déterminé que le général Petkovic aurait dû être condamné pour
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1 la destruction d'édifices religieux et il s'agit d'une forme de
2 responsabilité alors qu'il aurait dû être condamné en application de
3 l'entreprise criminelle commune 3. Et comme cela est en faveur de mon
4 client, je les remercie; nous considérons qu'il n'y a pas de fondement pour
5 l'une ou l'autre de ces deux formes de responsabilité concernant ces
6 aspects.
7 Etant donné que mes collègues de l'Accusation ont conclu leur présentation
8 en montrant des vidéos concernant Mostar, moi, je vais faire la même chose,
9 je vais donc en finir avec ma présentation en parlant du siège de Mostar,
10 la destruction survenue à Mostar et le fait que la terreur était répandue
11 parmi la population civile. Il s'agit du transparent 21 qu'on va voir
12 maintenant. Nous ne voulons minimiser aucune victime ou l'importance
13 d'aucune victime. Il s'agissait de témoins protégés, des comptes rendus
14 protégés. Et c'est pour cela que nous n'allons pas montrer ce transparent.
15 Ces trois témoins étaient les représentants de la communauté internationale
16 : BB, BA, et BC. Si vous regardez minutieusement leurs dépositions
17 concernant ce sujet, nous allons voir qu'ils ont établi que les civils de
18 Mostar est voulaient et pouvaient partir mais que les autorités de Mostar
19 est ne leur permettaient pas de faire ainsi. Les dépositions de ces trois
20 témoins sont tout à fait identiques. Et ils disent qu'ils ont également
21 parlé de cela dans leurs rapports. Cela veut dire qu'ils étaient conscients
22 de la situation qui prévalait à Mostar et du fait que les civils voulaient
23 partir de Mostar.
24 Voyons ce que les documents de l'ABiH en disent, à savoir des autorités de
25 Mostar est. Dans le document 4D719 du 14 octobre 1993, il s'agit d'un
26 rapport du commandant de l'ABiH, où il dit que le grand problème représente
27 le transport de la population civile ainsi que d'autres personnes qui
28 partent vers le nord et vers le sud par rapport à Mostar, il s'agit
Page 824
1 d'octobre 1993. Puisqu'il s'agit d'un grand problème pour l'armée BiH,
2 l'armée voulait que les autorités civiles s'en occupent et que les
3 autorités civiles se chargent du transport des civils.
4 Document suivant, c'est 4D545. Un extrait du journal d'Esad Sejtanic,
5 qui était commandant de l'armée BiH, et il a écrit :
6 "Un grand nombre d'habitants veulent partir pour Jablanica et plus
7 loin vers la Bosnie. Et en appliquant les mesures répressives, nous avons
8 dû -- donc le départ de la population à réduire les mouvements de la
9 population au minimum."
10 Nous avons montré cela, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
11 pour tenir compte du fait que la situation à Mostar n'était pas seulement
12 la conséquence des agissements des activités du HVO, c'était également la
13 conséquence des activités de l'armée de BiH. Et comme vous pouvez
14 constater, la population est restée à Mostar du fait également que les
15 autorités de Mostar est ne leur permettaient pas de partir de Mostar est.
16 Etant donné que nous avons montré que dans la première moitié de 1993, il
17 n'y avait pas de départ en masse de la population musulmane et qu'aucun
18 crime commis pendant cette période de temps-là ne peut pas être considéré
19 raisonnablement comme étant un crime commis pour réaliser le plan visant le
20 nettoyage ethnique, étant donné qu'à la mi-1993, la guerre générale a
21 commencé entre le HVO et l'armée de BiH, et que le soi-disant siège de
22 Mostar et les souffrances de la population civile à Mostar étaient la
23 conséquence non seulement des activités du HVO mais aussi des activités de
24 l'armée BiH, en particulier pour ce qui est de l'interdiction imposée à la
25 population civile de Mostar de partir de la ville, donc étant donné toutes
26 ces circonstances ainsi que celles qu'on a mentionnées dans toutes nos
27 requêtes, nous considérons que la peine prononcée à l'encontre de mon
28 client, le général Petkovic, n'est pas déraisonnable, et qui, du point de
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1 vue de l'Accusation, devait être augmentée. Nous considérons qu'il faut
2 annuler cette peine ou la réduire dans une grande mesure.
3 Je pense que j'ai utilisé tout le temps qui m'a été accordé.
4 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Nous allons faire une
5 pause d'une heure et demie, au lieu d'une heure. Donc nous allons reprendre
6 à 14 heures 15. Merci.
7 --- L'audience est levée pour la pause déjeuner à 12 heures 47.
8 --- L'audience est reprise à 14 heures 16.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci. Maintenant, c'est la Défense de
10 M. Coric qui a la parole. Vous avez 30 minutes, Maître Ivetic.
11 M. IVETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour,
12 Monsieur le Président, Monsieur le Juge.
13 Je vais essayer d'utiliser le temps qui nous a été accordé le plus
14 efficacement possible. Mais étant donné qu'on a déjà parlé du moyen d'appel
15 1A de l'Accusation la semaine dernière, et on en a parlé longuement en
16 répondant à l'une des questions de la Chambre d'appel, je crois qu'il
17 s'agissait de la question numéro 10, donc c'est pour cela que nous n'allons
18 pas présenter les mêmes arguments. Aujourd'hui, nous allons nous pencher
19 sur d'autres moyens d'appel de l'Accusation.
20 Et nous maintenons ce que nous avons fait figurer dans nos mémoires écrits,
21 à savoir que nous n'admettons rien, indépendamment du fait si on puisse en
22 parler dans le prétoire.
23 L'appel de l'Accusation présenté dans le mémoire d'appel de l'Accusation
24 ainsi que les arguments présentés aujourd'hui dans le prétoire reposent sur
25 plusieurs moyens d'appel. Ils demandent l'augmentation de la peine
26 prononcée, qui est déjà manifestement excessive et injuste, vu les
27 circonstances. L'Accusation s'appuie sur la position de M. Coric ainsi que
28 sur ses présumés actes et omissions, et cela a généré un climat d'impunité,
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1 et lorsqu'on se penche sur l'ensemble des moyens de preuve, l'Accusation a
2 demandé la même chose à la page du compte rendu temporaire 12, lignes 14 à
3 25, par rapport à Coric, et nous croyons que dans la lumière de cet
4 ensemble des moyens de preuve, les conclusions de l'Accusation concernant
5 M. Coric sont erronées.
6 Je vais dire quelques mots concernant la branche du moyen d'appel 1B de
7 l'Accusation. L'Accusation affirme que la Chambre de première instance n'a
8 pas tenu compte des moyens de preuve de l'Accusation, et ainsi a prononcé
9 une déclaration d'acquittement de façon erronée à l'encontre de M. Coric
10 pour certains incidents. Pourtant, l'Accusation n'a pas montré quels sont
11 les moyens de preuve qui existent et qui n'ont pas été pris en
12 considération et qui montreraient que Coric était au courant de la
13 commission des crimes et qu'il était impliqué dans la commission de ces
14 crimes, ainsi qu'il savait que les auteurs de ces crimes n'ont pas été
15 punis et que les poursuites au pénal n'ont pas été engagées contre les
16 auteurs de ces crimes de la part des autorités judiciaires. Bien au
17 contraire, si on regarde le jugement et les moyens de preuve qui
18 corroborent les conclusions de la Chambre, cela montre que la Chambre n'a
19 pas analysé de façon appropriée les éléments de preuve de la Défense, et
20 maintenant, il faut qu'ils soient analysés dans la lumière de l'appel de
21 l'Accusation.
22 Au paragraphe 29 de notre réponse à l'appel de l'Accusation, nous avons
23 présenté en détail certains moyens de preuve que la Chambre n'a pas pris en
24 considération, les moyens de preuve de la Défense tels que registres
25 contenant plusieurs centaines de plaintes au pénal déposées par les organes
26 de la police militaire et civile contre les auteurs de crimes commis contre
27 les victimes musulmanes. Donc, vous pouvez maintenant demander pourquoi
28 c'est important. Je vais en parler plus tard.
Page 827
1 Aujourd'hui, à la page du compte rendu provisoire 4, nous avons entendu que
2 l'Accusation a décrit de façon pleine d'émotion les événements entourant la
3 mort tragique et le meurtre de Sanida Kaplan. Excusez-moi si je n'ai pas
4 bien prononcé le nom de famille de cette personne - Kaplan, je pense que
5 c'est cela. Et donc, il s'agit par rapport à cela des pièces à conviction
6 versées au dossier en l'espèce P9550, 5D4234, 5D4236. Puisqu'il s'agit
7 précisément des jugements qui ont été rendus contre les auteurs des crimes
8 concernant la famille Kaplan, et ces jugements ont été rendus par les
9 autorités compétentes en Bosnie-Herzégovine. En outre, si on lit ces
10 jugements, on peut voir que les autorités judiciaires après la guerre ont
11 cité des plaintes au pénal qui leur étaient grandement utiles, ainsi que
12 d'autres documents datés de 1993, il s'agit également des registres dont la
13 Défense a fait mention et qui ont été transmis aux organes judiciaires
14 compétents pour en finir avec les enquêtes déjà entamées par la police par
15 le fait que la police avait déjà déposé des plaintes au pénal contre ces
16 auteurs. Le registre dont on parle est 5D4288, et dont on a parlé
17 longuement. Il s'agit d'un grand nombre de procès engagés contre les
18 personnes qui ont commis les crimes, et les personnes d'appartenances
19 ethniques différentes.
20 Donc, nous soumettons que l'Accusation n'avait pas tout à fait raison ce
21 matin en disant que la justice ne sera pas rendue par rapport à la famille
22 Kaplan si M. Coric est acquitté ou si les déclarations d'acquittement
23 restent en vigueur. En fait, la justice a été déjà rendue par les personnes
24 qui se sont occupées de ces crimes commis, au nom des organes compétents.
25 Et il n'y avait aucunement le lien entre les actes ou les omissions de M.
26 Coric et ces crimes.
27 Donc, l'appel de l'Accusation n'est pas fondé. Si on considère l'ensemble
28 des éléments de preuve corroborant la thèse que la police militaire ainsi
Page 828
1 que la police civile ont déposé les plaintes au pénal de façon appropriée,
2 donc il faut prononcer une déclaration d'acquittement à l'encontre de Coric
3 pour plus de crimes par rapport à ceux concernant lesquels la Chambre de
4 première instance a prononcé des déclarations d'acquittement.
5 Vu le principe de présomption d'innocence et le principe de dubio pro
6 rea, à savoir que le doute profite à l'accusé, vu que c'est à l'Accusation
7 que repose la charge de la preuve, nous croyons que l'erreur faite par la
8 Chambre doit être réévaluée par la Chambre d'appel, donc dans la lumière de
9 tous ces principes, et dans ce sens-là, on ne peut pas retenir le moyen
10 d'appel de l'Accusation.
11 Maintenant, je passe au moyen d'appel numéro 2 de l'Accusation
12 concernant l'article 7(3) et concernant la responsabilité qui est régie par
13 cet article. Concernant le moyen d'appel numéro 2 du mémoire d'appel de
14 l'Accusation, et vu que l'Accusation s'appuie sur le fait que M. Coric
15 avait le contrôle effectif sur les policiers militaires et qu'il était
16 architecte, comme ils disent, au paragraphe 404 de leur mémoire d'appel,
17 l'architecte du réseau de centre de détention du HVO. Et on en a beaucoup
18 entendu aujourd'hui, il était beaucoup question de ce réseau de centres de
19 détention du HVO. J'ai noté que cela se trouve aux pages du compte rendu
20 provisoire 32 et 36, l'Accusation a dit qu'elle s'est appuyée sur ce réseau
21 de centres de détention.
22 Et ils affirment que M. Coric a omis de faire quoi que ce soit pour
23 punir ou prévenir ces crimes. Et à la page du compte rendu provisoire 17,
24 ils ont dit qu'il avait, entre autres, la connaissance de ces crimes. Et à
25 la page 14 du compte rendu provisoire, l'Accusation a dit qu'il n'a pas
26 pris de mesures pour combattre les crimes. Nous croyons que les éléments de
27 preuve, ainsi que les incidents sur lesquels l'Accusation s'appuie,
28 n'étayent pas cette conclusion. Par exemple, un événement sur lequel
Page 829
1 l'Accusation s'est appuyée dans leur mémoire d'appel, c'est par rapport à
2 la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune et par rapport à
3 la responsabilité conformément à l'article 7(3), est l'événement du 14
4 juillet 1993. Dans cet événement, une personne a été tuée et deux détenus
5 ont été blessés à Dretelj. Il s'agissait donc des détenus de Dretelj. C'est
6 dans le mémoire d'appel de l'Accusation, au paragraphe 279, et 317 jusqu'à
7 321. Pourtant, si on considère les faits par rapport à ces événements, on
8 voit qu'il n'est pas possible de conclure qu'il s'agit de la responsabilité
9 du supérieur hiérarchique conformément à l'article 7(3) du Statut, et qu'on
10 ne peut pas attribuer à M. Coric cette culpabilité au pénal. Et, encore une
11 fois, Dretelj est mentionné à la page 20 du compte rendu provisoire, pour
12 ce qui est dans un sens plus général par rapport à un autre appelant.
13 Dans la mémoire d'appel de l'Accusation, et je fais référence à P3446
14 et à la note de bas de page 1016, pour ce qui est de ce moyen d'appel, il
15 est dit qu'à Dretelj, un certain Vulic, policier, a commis le crime en
16 tirant sur les détenus. Il y est dit :
17 "Après avoir fait sa déclaration, il a été démis de ses fonctions en
18 tant que policier militaire. Les enquêteurs au pénal vont procéder à une
19 enquête plus détaillée par rapport à tout cela."
20 C'est un document sur lequel l'Accusation s'est appuyée. Et dans ce
21 rapport, il est clair que M. Coric, en tant que directeur de
22 l'administration de la police militaire, une fois informé de cet incident
23 dans lequel une arme à feu a été utilisée, a pris toutes les mesures
24 nécessaires et appropriées conformément à la loi, que les autorités
25 devaient prendre contre l'auteur du crime, qui est leur subordonné pour
26 déterminer les conséquences de cela.
27 Donc il n'y avait pas de raison pour que M. Coric ait des doutes concernant
28 des procédures appropriées, d'enquêtes disciplinaires, y compris des
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1 mesures juridiques, soient prises par les autorités pertinentes et
2 compétentes. Donc on ne peut pas considérer que Coric a été informé de la
3 commission de ce crime, et qu'il n'est pas intervenu par la suite pour
4 punir l'auteur de ce crime ou pour que des mesures disciplinaires soient
5 prononcées à son encontre. On a d'autres éléments de preuve, P3476, un
6 témoin protégé de l'Accusation qui a déposé aux pages 22401 et 22402, pour
7 ce qui est des mesures appropriées qui ont été prises contre l'auteur de
8 cet incident, incluant l'utilisation d'une arme à feu.
9 Et d'après la jurisprudence de ce Tribunal international, lorsqu'un
10 subordonné ou les subordonnés de l'accusé prennent des mesures telles que
11 des mesures disciplinaires, alors l'accusé est disculpé et ne peut pas être
12 considéré comme étant pénalement responsable conformément à l'article 3.
13 C'est également le cas dans le jugement dans Boskoski et Tarculovski, ou
14 bien à l'arrêt dans l'affaire Popovic, paragraphe 1942, pour ce qui est de
15 l'utilisation de mesures disciplinaires qui peuvent être suffisantes pour
16 un supérieur pour s'acquitter de son devoir de punir les crimes
17 conformément à l'article 7(3).
18 Nous avons déjà dit la semaine dernière, et nous soulignons la même chose
19 aujourd'hui, que ni Coric ni la police militaire ne pouvait prendre de
20 mesures ultérieures une fois l'enquête au pénal finie, et une fois la
21 plainte au pénal déposée auprès des organes judiciaires pertinents, donc ce
22 ne sont pas eux qui ont pris des mesures disciplinaires contre les
23 policiers militaires qui auraient pu commettre des crimes.
24 Contrairement à ce que l'Accusation a dit dans leur moyen d'appel, Coric
25 n'avait pas le contrôle effectif sur les policiers militaires à Dretelj et
26 à Gabela, qui étaient donc les prisons militaires placées sous le
27 commandement et le contrôle effectif d'une 1er Brigade de Knez Domagoj et de
28 son commandant Obradovic. C'est dans le document P3731, P4253.
Page 831
1 Les moyens de preuve montrent que le seul devoir de la police militaire, du
2 Bataillon de la police militaire à Dretelj était d'assister la brigade du
3 HVO pour ce qui est de la sécurité sous le commandement du commandant de la
4 brigade et d'envoyer des rapports concernant d'éventuels incidents
5 criminels liés aux crimes de meurtre commis par la police militaire. Les
6 moyens de preuve montrent que l'administration de la police militaire et M.
7 Coric n'avaient pas l'autorité ni l'influence sur les conditions de la
8 détention dans ces deux centres de détention.
9 Cela concerne ce que l'Accusation a dit aujourd'hui, aux pages du
10 compte rendu provisoire 17 et 14 concernant les mesures qui n'ont pas été
11 prises par Coric pour commettre les crimes.
12 Dans notre réponse à l'appel de l'Accusation, aux paragraphes 52 et
13 81 jusqu'à 83, nous avons montré qu'une série de mesures diverses prises
14 par M. Coric, ainsi que ses efforts déployés pour essayer d'avoir une
15 influence positive sur les conditions à Dretelj, malgré le fait qu'il
16 n'avait pas l'autorité sur Dretelj, et c'est pour cela qu'il s'est adressé
17 aux organes supérieurs. Nous n'allons pas répété ces mêmes arguments
18 aujourd'hui, nous aimerions plutôt faire référence à des parties de notre
19 réponse pour examiner ces paragraphes, et les efforts de Coric au moment où
20 la Chambre procède à l'appréciation de l'affirmation de l'Accusation
21 présentée aujourd'hui, si ces affirmations sont fondées ou pas.
22 Nous faisons valoir que la responsabilité de commandement en vertu de
23 l'article 7(3) ne peut être appliquée à M. Coric pour avoir manqué à son
24 obligation de prendre des mesures nécessaires dans le cadre des pouvoirs
25 limités qui étaient les siens, en particulier au vu des éléments de preuve
26 au dossier. Messieurs les Juges, pages du compte rendu provisoire, page 10,
27 lignes 10 à 19, et page 12, lignes 14 à 25. Le Procureur a demandé à la
28 Chambre d'examiner l'ensemble des éléments de preuve. Nous faisons valoir
Page 832
1 que si vous vous penchez sur l'ensemble des éléments de preuve, vous
2 constaterez que M. Coric ne peut être tenu responsable de ces événements.
3 Encore une fois, il s'agit du prolongement de cette même question, je
4 réponds au paragraphe 404 de l'appel de l'Accusation où M. Coric est cité
5 comme étant l'architecte de ce réseau de centres de détention, qui a été
6 cité à deux ou trois reprises déjà aujourd'hui, pages du compte rendu
7 provisoire 32 et 36 - c'est ce que j'ai noté - et aujourd'hui, également,
8 l'Accusation a dit que la Chambre de première instance avait à tort
9 acquitté M. Coric, tout en ayant conclu qu'il aurait dû être déclaré
10 coupable. Si nous utilisons ce même critère pour analyser le jugement de la
11 Chambre de première instance, la Défense fait valoir que des conclusions à
12 décharge et des conclusions contradictoires de la Chambre de première
13 instance ont été rendues à l'égard de Coric lorsqu'il a été déclaré
14 coupable.
15 Et nous le faisons valoir notamment au tome 4, paragraphes 905, 916, 1421
16 et 1426 du jugement, où Coric n'a jamais limité l'accès aux représentants
17 d'organisations internationales lorsqu'on le lui a demandé. Ceci ne cadre
18 pas avec le scénario de l'Accusation tel que l'Accusation l'a présenté
19 aujourd'hui. Donc, on ne peut retenir leur appel.
20 Deuxièmement, tome 4, paragraphe 955, la Chambre de première instance a
21 conclu que Coric n'était pas informé des mauvais traitements et n'avait
22 aucune raison de croire que les détenus étaient maltraités. Ceci ne permet
23 pas d'étayer non plus l'appel présenté par l'Accusation aujourd'hui.
24 Au tome 2, paragraphe 1470, la conclusion en vertu de laquelle au début du
25 mois d'octobre 1992, aucun élément de preuve n'indique que les détenus ont
26 été contraints à accomplir des travaux forcés suite à l'autorisation donnée
27 par Coric.
28 Tome 2, paragraphes 1612, 1617 et 1633, ni l'administration de la police
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1 militaire, ni la police militaire n'a été impliquée dans un quelconque
2 événement eu égard au mauvais traitement allégué des détenus qui
3 travaillaient sur le front.
4 Nous pensons, Messieurs les Juges, que vous devriez également vous pencher
5 sur les conclusions de la Chambre au tome 2, paragraphe 1446, conclusions
6 contradictoires et la Chambre insiste pour dire que Coric a ordonné la
7 libération de personnes détenues après avoir reçu des lettres de garantie,
8 malgré la confirmation que de tels ordres n'existaient pas. Nous souhaitons
9 également vous demander de vous pencher sur le tome 4, paragraphes 960 à
10 961, autrement dit, l'entrave ou la limitation de l'accès aux centres de
11 détention ne peut pas avoir été ordonnée par Coric.
12 Encore deux exemples. Tome 4, 897, 899, et 955, 957, 962, 985, 988 et 1018,
13 qui montrent que Coric ne pouvait pas accéder aux rapports concernant les
14 conditions dans les prisons. Encore une fois, ceci n'étaye pas la version
15 des événements de l'Accusation telle que présentée dans cette partie-là de
16 leur mémoire en appel.
17 Dernièrement, tome 4, paragraphe 904, la conclusion que Coric n'était pas
18 impliqué dans les questions médicales ou logistiques de la prison qui,
19 encore une fois, est contraire à ce qu'avance l'Accusation dans son appel.
20 Encore une fois, si l'Accusation souhaite se pencher sur les erreurs
21 commises par la Chambre, elle doit admettre que ces erreurs s'appliquent
22 aux condamnations de M. Coric eu égard aux centres de détention. Donc, nous
23 pensons que de faire droit à l'appel de l'Accusation, il faudrait à ce
24 moment-là écarter ces autres incohérences ou condamnations erronées, ce qui
25 occasionnerait un déni de justice.
26 Pour ce qui est du troisième moyen d'appel de l'Accusation, nous avons été
27 assez succincts et clairs dans notre mémoire, et donc, nous maintenons ce
28 qui est écrit dans ce mémoire et nous vous demandons de bien vouloir vous
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1 pencher sur le mémoire en question.
2 Je vais maintenant passer au moyen 4, qui porte sur le prononcé de la
3 peine. Vous avez entendu l'Accusation aujourd'hui dire, Messieurs les
4 Juges, que ces peines, et en particulier la peine imposée à M. Coric,
5 étaient insuffisantes ou inappropriées. J'ai noté cela au moins à quatre
6 reprises, aux pages du compte rendu provisoire 26, 27, 31 et 32.
7 Messieurs les Juges, M. Coric a été condamné à 16 ans d'emprisonnement. Aux
8 paragraphes 137 à 140 de notre mémoire en réponse, nous avons indiqué que
9 cette peine va au-delà de la peine maximale qui aurait pu être imposée en
10 vertu de la loi en ex-Yougoslavie et la loi de la Republika Srpska en
11 Bosnie-Herzégovine au moment où les crimes allégués ont été commis. Nous
12 faisons valoir que cette peine est inappropriée et "manifestement
13 insuffisante".
14 Même si le Tribunal a déclaré qu'il n'était pas tenu par les dispositions
15 relatives au prononcé de la peine de la RSFY, nous vous demandons de vous
16 pencher sur le droit international et nullum crimen sine lege. La loi
17 appliquée au moment où les crimes sont allégués est le texte qui est
18 appliqué jusqu'à l'an 2000. La peine d'emprisonnement correspond à cinq à
19 15 ans et la peine de mort pour l'essentiel des crimes, mais la peine de
20 mort a été abolie et remplacée par une peine d'emprisonnement de 20 ans.
21 Articles 38, 142 et 37 de la loi en question.
22 La rétroactivité est interdite, l'application rétroactive de lex gravior,
23 autrement dit la peine la plus lourde, ne peut être imposée. Autrement dit,
24 on ne peut imposer une peine plus lourde qui n'existait pas au moment
25 matériel des faits et une peine moins importante doit être appliquée dans
26 le cas du principe favor liberatis. Messieurs les Juges, il ne s'agit pas
27 simplement d'un argument de la Défense; il s'agit d'une conclusion de la
28 Cour européenne des droits de l'homme, Maktouf contre Damjanovic. Le
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1 principe de légalité et son corollaire, nulla poena sine lege - sans crime,
2 il n'y a pas de loi - énoncent une interdiction de l'application d'un code
3 pénal plus strict que celui qui existait à l'époque où les crimes ont été
4 commis. Nous faisons valoir que cette rétroactivité interdite fait partie
5 du droit international coutumier et des critères péremptoires du droit
6 international. Autrement dit, les dérogations ne sont pas autorisées.
7 Maktouf et Damjanovic contre la BiH, page 46 d'un jugement rendu par la
8 Cour européenne des droits de l'homme.
9 Et donc, si on parle de la même question ici --
10 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Il vous reste quatre minutes.
11 M. IVETIC : [interprétation] Je vous remercie.
12 Alors, au sujet de la même question, une application du Code pénal de la
13 BiH de 2003 plutôt que du Code de 1976 de la RSFY, la Cour européenne des
14 droits de l'homme a conclu qu'il s'agissait là d'une violation et qu'on ne
15 pouvait appliquer le nouveau droit, dont les conditions d'application
16 étaient plus strictes ou, en tout cas, dont les peines étaient plus
17 lourdes. Et donc, dans ce contexte, cette peine prononcée à l'encontre de
18 M. Coric ne peut pas être considérée comme étant appropriée. Et pour cette
19 simple raison, nous vous demandons, Messieurs les Juges, de ne pas
20 augmenter sa peine. Mais nous avons également abordé d'autres arguments
21 dans notre mémoire en réponse que je ne vais pas aborder ici maintenant
22 dans le détail, mais nous pensons que chacun de ces arguments appelle à une
23 réduction de la peine ou, en tout cas, à pas de peine du tout, certainement
24 pas une augmentation de la peine, surtout si vous acceptez les conclusions
25 rendues par l'accord européen des droits de l'homme.
26 Aujourd'hui, le Procureur a invoqué d'autres affaires portées devant le
27 TPIY. Nous en avons parlé aux paragraphes 129 à 133 de notre réponse et
28 nous maintenons ces arguments. Egalement les arguments présentés par M.
Page 836
1 Ellis et la Défense de Stojic concernant les questions du prononcé de la
2 peine.
3 Nous avons vu une vidéo aujourd'hui qui provoque des réactions
4 émotionnelles et qui nous montre les victimes. Nous pensons qu'il faut
5 aborder la loi et les faits en ne tenant pas compte des émotions, mais en
6 vous fondant simplement sur ces éléments de preuve qui montrent que M.
7 Coric, par rapport au poste qu'il occupait, a essayé de réagir en sa
8 qualité de policier respectable chargé de faire respecter la loi et l'ordre
9 public et travaillant pour l'administration de la police militaire, et plus
10 tard, il a travaillé pour le MUP et il a essayé d'empêcher les crimes et
11 faire en sorte que les auteurs soient traduits en justice en déposant des
12 rapports au pénal et en prenant les mesures nécessaires. Et donc, nous
13 rejetons l'appel de l'Accusation, à savoir sa condamnation et sa peine ne
14 doit pas être augmentée de temps.
15 Messieurs les Juges, maintenant, je suis resté dans les temps.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie.
17 Maintenant, Monsieur Sahota, la Défense de M. Pusic. Est-ce que vous
18 souhaitez avancer un petit peu ou rester à votre place ? Très bien, vous
19 avez 30 minutes à partir de maintenant.
20 M. SAHOTA : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaite aborder
21 l'appel de l'Accusation qui porte directement sur M. Pusic, mon client. Et
22 comme nous l'avons fait hier, nous allons essayer d'adopter la même
23 approche : accepter ou comprendre les questions soulevées par l'Accusation.
24 Nous allons nous efforcer d'adopter des arguments présentés par d'autres
25 parties lorsque cela est approprié.
26 Notre thème hier était -- nous avons indiqué que M. Pusic n'était pas un
27 haut représentant et un accusé qui devait être traité différemment. Et
28 d'une certaine façon, ceci est encore plus clair au vu de ces arguments
Page 837
1 présentés dans le cadre de cet appel, à savoir c'est le seul accusé qui n'a
2 pas été condamné pour avoir participé à l'entreprise criminelle commune. Et
3 c'est donc le seul accusé qui, d'après l'Accusation et en vertu de la
4 décision de la Chambre de première instance, pour lequel ses acquittements
5 doivent être annulés.
6 Messieurs les Juges, je vais tout d'abord commencer par aborder le moyen
7 d'appel numéro 1 du mémoire en appel de l'Accusation. Je vais brièvement
8 aborder ce qui touche au critère de l'élément moral, la mens rea pour l'ECC
9 de catégorie 3. Nous faisons valoir que la position adoptée par
10 l'Accusation est erronée. Nous n'allons pas réitérer, reprendre toutes les
11 questions qui ont été avancées par l'équipe de Défense de M. Stojic. Nous
12 souhaitons simplement dire que le critère de la prévisibilité aurait dû
13 être adopté par cette Chambre. Ceci a été appliqué par la Chambre, mais il
14 y a un élément subjectif qui a été pris en compte, et vous, les Juges de la
15 Chambre d'appel, vous devez envisager la possibilité que les crimes
16 auraient pu être commis de façon suffisamment importante pour que l'accusé
17 considère qu'ils étaient prévisibles au vu des informations dont il
18 disposait.
19 Alors, deux points qui découlent de cela. Premièrement, tel que cela
20 a été clairement exprimé par la Défense de M. Stojic aujourd'hui, le niveau
21 n'est pas aussi bas, et donc la responsabilité criminelle n'en découle pas,
22 parce que l'accusé aurait dû conclure qu'un événement de ce type aurait pu
23 être possible. Le deuxième point, c'est que le critère de la prévisibilité
24 doit être analysé individuellement. Il y a certains facteurs bien
25 particuliers qui doivent être analysés, et je ne parle pas que de l'endroit
26 où se trouvait l'accusé dans la période couverte par l'acte d'accusation.
27 Nous pensons qu'il faut appliquer le critère de la prévisibilité au cas par
28 cas, individuellement, en vue des éléments de preuve tels que cités par
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1 l'Accusation pour établir la culpabilité de M. Pusic et ces crimes déviants
2 commis dans le cadre de l'entreprise criminelle commune de troisième
3 catégorie.
4 A ce stade, en fait, le droit eu égard à l'ECC de catégorie 3, ce qui
5 est prévisible n'est pas forcément prévisible pour un autre accusé tout en
6 étant membre de l'entreprise criminelle commune. Si vous appliquez cela, si
7 vous appliquez le critère correct, les conclusions de la Chambre ne sont
8 pas erronées, mais nous faisons valoir que si M. Pusic a été acquitté de
9 l'ECC de catégorie 3, il ne faut pas intervenir à ce niveau-là.
10 Messieurs les Juges, ce matin, vous avez entendu l'Accusation citer
11 33 conclusions relatives à l'entreprise criminelle commune de troisième
12 catégorie où l'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance
13 n'a pas fourni d'opinion motivée. Et je vous renvoie à cela. Il s'agit pour
14 moi des crimes restants qui sont abordés par l'Accusation dans leur mémoire
15 en appel aux pages 112 à 116. Nous faisons valoir que ce qui explique la
16 décision rendue par la Chambre d'acquitter Pusic de tous ses crimes
17 relevant de l'ECC de catégorie 3 est le manque d'éléments de preuve ou de
18 très peu d'éléments de preuve concernant ces événements. Les conclusions de
19 la Chambre à cet égard sont très limitées, parce qu'il n'y avait aucun
20 élément de preuve qui le liait à ces événements. Et la Chambre n'a
21 certainement pas trouvé un quelconque élément de preuve permettant
22 d'établir un lien entre M. Pusic et les auteurs de ces 33 crimes relevant
23 de l'ECC de catégorie 3.
24 Messieurs les Juges, néanmoins, l'Accusation avance que M. Pusic
25 devrait être tenu responsable au titre de la troisième catégorie en raison
26 de ces actes déviants qui tombent en dehors du champ d'application de
27 l'intention partagée. Et, Messieurs les Juges, je demanderais à la Chambre
28 d'appel de bien vouloir réfléchir à la question de savoir s'il y a un sens
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1 probable à donner aux faits appliqués au droit et appréciés à la lumière de
2 la législation. Lorsque vous avez entendu nos arguments à propos du rôle
3 qu'avait joué M. Pusic, eh bien, vous aurez constaté qu'ils étaient
4 différents. Vous avez entendu nos arguments concernant les pouvoirs qui lui
5 incombaient, qui sont les vrais, malgré ce que l'Accusation affirme. Et
6 cela s'applique également aux 33 cas où il a été constaté que ces crimes
7 lui étaient imputables ou qu'il en avait connaissance. Mais aucune
8 constatation fondée ne peut arriver à établir ce critère indispensable.
9 J'aimerais à présent, Messieurs les Juges, brièvement aborder la
10 question des autres crimes qui sont plus particulièrement abordés par
11 l'Accusation aux branches 1 à 2 et 3, pages 110 et 111 du mémoire en appel
12 de l'Accusation. Pour ces crimes-là, il y a des constatations factuelles un
13 petit peu plus détaillées que l'Accusation a mis en lumière. Mais lorsque
14 l'on regarde ces constatations factuelles, nous sommes en droit d'affirmer
15 que la Chambre d'appel devrait conclure que la Chambre de première instance
16 avait raison lorsqu'elle avait conclu que les constatations ne justifiaient
17 pas une condamnation au titre de la troisième catégorie d'entreprise
18 criminelle commune.
19 Alors, je vais les reprendre en détail. Premièrement, l'appel
20 interjeté par l'Accusation à propos des crimes qui ont mené à la
21 destruction des mosquées à Sovici et Doljani, page 110 de leur appel, où
22 l'Accusation demande d'appliquer le critère de prévisibilité et fait
23 remarquer que les infractions en question ont eu lieu pendant le même mois
24 au cours duquel la Chambre a conclu, vu que M. Pusic avait rejoint
25 l'entreprise criminelle commune. Donc nous parlons du mois d'avril 1993. Je
26 tiens à faire remarquer que les éléments de preuve qui sont cités à l'appui
27 par l'Accusation, montrent à peine que M. Pusic avait entendu parler de la
28 destruction des mosquées ex post facto, donc après les événements, après
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1 les événements. J'insiste, Messieurs les Juges. Donc ce que nous avançons
2 de notre côté est repris à la lumière d'autres éléments de preuve du
3 contexte qui nous permet de déduire en toute certitude que n'importe quel
4 tribunal n'aurait pas pu tirer la même conclusion.
5 A présent, passons au moyen d'appel 1A(ii), paragraphe 205, c'est là où
6 commence ce point-là dans le mémoire de l'Accusation. L'Accusation estime
7 que M. Pusic aurait dû être condamné au titre de la responsabilité pour
8 participation à une entreprise criminelle commune de troisième catégorie,
9 suite au meurtre d'un détenu au centre de détention de Vojno. De même,
10 l'Accusation s'appuie sur le fait que l'accusé avait connaissance du
11 meurtre, compte tenu du poste qu'il occupait. Nous, Messieurs les Juges,
12 nous avançons que si l'on regarde les autres éléments de preuve, que
13 l'argument de l'Accusation ne tient pas la route et, qu'en aucun cas, mon
14 client aurait pu prévoir que cela allait se passer et que donc leur
15 argument doit être totalement rejeté.
16 S'agissant de ces deux incidents que je viens de vous citer, Messieurs les
17 Juges, je tiens à faire remarquer que l'Accusation a mis l'accent sur
18 l'entreprise criminelle commune de première catégorie, et je pense que la
19 Chambre de première instance, si l'on regarde l'ensemble du jugement, a
20 suivi un raisonnement mais qui n'est pas vraiment celui que l'Accusation a
21 suivi. En résumé, nous, nous estimons que le fondement juridique n'est pas
22 suffisant, en tout cas, pas suffisant pour déduire de façon logique que le
23 critère à appliquer serait celui de la responsabilité pénale au titre de la
24 troisième catégorie d'entreprise criminelle commune.
25 Nous avançons que l'Accusation vous invite en fait à adopter ce que
26 mon confrère qui défend M. Stojic a dit ce matin, c'est-à-dire un critère
27 de prévisibilité à tout-va, à durée indéterminée. Ce que l'Accusation vous
28 demande de faire c'est d'appliquer un critère beaucoup trop bas pour
Page 842
1 pouvoir conclure à cette intention. Si vous allez dans ce sens-là,
2 Messieurs les Juges, vous élargirez le champ d'application tellement que
3 déterminer la responsabilité pour des crimes déviants devrait se fonder sur
4 des éléments de preuve qui ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été pris
5 comme base dans l'arrêt Tadic. Je suis sûr que vous vous en rappellerez,
6 paragraphe 428 :
7 "L'entreprise criminelle commune n'est pas un concept ouvert qui
8 permet de prononcer des condamnations sur la base de la culpabilité par
9 association."
10 Messieurs les Juges, s'agissant de cette branche-là spécifique du
11 moyen d'appel de l'Accusation dans le premier moyen d'appel, nous affirmons
12 que l'Accusation n'a pas pu éliminer ce doute raisonnable s'agissant des
13 crimes déviants.
14 Et je vais conclure très brièvement en abordant le quatrième moyen
15 d'appel. Messieurs les Juges, l'Accusation vous a demandé de relever et
16 d'augmenter la peine imposée par la Chambre de première instance, à savoir
17 dix ans d'emprisonnement. A cet égard, j'aimerais adopter la même approche
18 que la Défense Stojic ce matin, et vous demander d'arriver à la même
19 conclusion pour mon client, M. Pusic. Nous n'acceptons pas cette
20 affirmation concernant la fixation de la peine. Nous estimons également que
21 l'Accusation n'a pas pu démontrer que cette peine imposée est manifestement
22 inéquitable ou simplement injuste, et correspond au critère qui a été fixé
23 dans l'arrêt Galic. L'Accusation a demandé d'infliger une peine plus lourde
24 à M. Pusic car, d'après elle, cette peine ne reflète pas son niveau de
25 participation à l'ECC.
26 Vous avez entendu les arguments hier, l'Accusation a fait valoir
27 qu'il avait joué un rôle-clé dans la libération et les évacuations de
28 prisonniers, malgré nos éléments de preuve apportés et supplémentaires qui
Page 843
1 avaient été ignorés par la Chambre de première instance dans son jugement,
2 à savoir que ces ordres avaient été donnés par d'autres qui se trouvaient
3 plus haut dans la filière hiérarchique, et que ces évacuations et
4 libération avaient souvent lieu dans le cadre d'une participation
5 d'organisation telle que le CICR ou la Mission d'observation des
6 communautés internationales.
7 Alors j'aimerais conclure en disant ceci, l'Accusation a demandé une
8 peine de 20 ans -- que la peine de 20 ans soit augmentée. Il s'agit là
9 d'une demande disproportionnée compte tenu des circonstances.
10 Et pour ces raisons, nous demandons à la Chambre d'appel de rejeter
11 les arguments avancés par l'Accusation s'agissant de notre client, M.
12 Pusic.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Très bien. L'Accusation a la parole à
14 présent. Donc 30 minutes, Madame Baig.
15 Mme BAIG : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bonjour.
17 Mme BAIG : [interprétation] Aux fins du compte rendu, j'aimerais juste
18 mentionner qu'une consœur vient de nous rejoindre. Il s'agit de Mme
19 Houlihan, Sarah Houlihan.
20 En modifiant des facteurs particuliers aux dépends des facteurs d'ensemble
21 qui prouvent que Stojic était bien au courant de la nature et de l'ampleur
22 de l'entreprise criminelle commune, la Défense essaie de démonter toute
23 notre argumentation et notre thèse. Mais en fait Stojic a prévu, savait que
24 ces crimes allaient avoir lieu, et quoi qu'il en soit, sa connaissance et
25 sa prévision ne dépendent pas de facteurs bien particuliers à certaines
26 municipalités contrairement à ce que la Défense a argué ce matin. Cet
27 argument n'est pas du tout étayé ni par les faits ni par le droit. Le droit
28 est clair, et il stipule que la connaissance de la part d'un accusé de
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1 crimes, l'entreprise criminelle commune de troisième catégorie, dépend de
2 l'ensemble des circonstances entourant la mise en œuvre et la mise en
3 marche de l'objectif commun. Et la participation de l'accusé est évidente
4 en l'espèce. Je vous rappelle l'arrêt Sainovic. L'approche morceau par
5 morceau, en division, n'est pas acceptée dans cette affaire-là, aucun des
6 facteurs repris dans la jurisprudence du présent Tribunal, aucun des
7 indicateurs ne se fonde sur l'emplacement. Aucune de ces décisions n'a
8 exigé la possibilité de prévoir où et quand un crime de troisième catégorie
9 d'entreprise criminelle commune allait avoir lieu. Et la Défense dans ses
10 arguments n'a rien présenté pour étayer son affirmation. Chacun des
11 apellants a partagé cet objectif commun. Objectif commun de commettre des
12 crimes de façon systématique dans l'ensemble de l'Herceg-Bosna afin de
13 rendre ce territoire homogène d'un point de vue ethnique, et chacun d'entre
14 eux a joué un rôle dans l'entreprise criminelle commune qui est liée à
15 cette mise en oeuvre dans l'ensemble du territoire d'Herceg-Bosna.
16 Stojic, je me permets de vous le rappeler, Messieurs les Juges, était à la
17 tête du département de la Défense pour le gouvernement d'Herceg-Bosna. Et
18 de son poste, il a été constaté qu'il avait joué un rôle essentiel dans la
19 mise en œuvre de l'objectif criminel commun sur l'ensemble du territoire
20 d'Herceg-Bosna. Stojic, tout comme les autres appelants, compte tenu du
21 rôle central qu'ils ont joué pendant ces événements, étaient responsables
22 compte tenu du fait qu'ils pouvaient prévoir que ces crimes relevant de la
23 troisième catégorie allaient être commis, et il suffit d'établir cela et de
24 l'établir dans une municipalité pour pouvoir le conclure.
25 Les conseils n'ont également pas pu démontrer que les connaissances réelles
26 des crimes passés avaient une incidence; ils se sont trop concentrés là-
27 dessus. Et je vous le rappelle également, Messieurs les Juges, pour pouvoir
28 conclure à une responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune
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1 de troisième catégorie, il s'agit d'un critère indispensable.
2 Mais il y a des rapports qui ont été personnellement adressés à Stojic, et
3 je vais vous donner un exemple en plus du rapport de Siljeg, pièce P2770.
4 Vous en avez entendu parler la semaine dernière. Il a été envoyé à Stojic
5 le 14 juin 1993 et contenait des informations sur des viols qui ont eu lieu
6 dans ce territoire, d'expulsions d'appartements, de passages à tabac et
7 d'"indications de nouveaux meurtres ou assassinats de civils", et cela a
8 accompagné les opérations d'expulsion à l'ouest de Mostar. Vous retrouverez
9 également cela dans notre mémoire en appel. S'agissant de ces informations,
10 eh bien, il y a des faits qui prouvent que des viols avaient eu lieu avant
11 tout incident de violence sexuelle.
12 S'agissant d'autres questions soulevées par la Défense Petkovic,
13 notamment le nombre de détenus à Dretelj - je renvoie-là au moyen 2 d'appel
14 - la Défense est exacte à cet égard : au deuxième moyen d'appel,
15 l'Accusation demande que Petkovic soit condamné pour le meurtre et
16 l'homicide intentionnel de six détenus au lieu de quatre détenus, à la
17 prison de Dretelj.
18 S'agissant des vols à Stupni Do, la Défense nous a présenté une liste de
19 mesures qui avaient été prises en réponse aux vols et à d'autres crimes qui
20 avaient été commis à Stupni Do mais, ce faisant, elle ignore ou elle balaye
21 de la main la façon dont Petkovic a dissimulé ces crimes en donnant des
22 instructions à Rajic pour mener une fausse enquête, comme M. Schneider l'a
23 abordé la semaine dernière. Petkovic ne pouvait pas s'appuyer sur d'autres
24 personnes pour prendre des mesures afin d'enrayer ces crimes, contrairement
25 à ce que la Défense a argué aujourd'hui, et il était au courant que Boban
26 et d'autres essayaient également de protéger Rajic.
27 Comme la Chambre d'appel l'a conclu dans d'autres affaires, un supérieur
28 hiérarchique ne peut pas se fonder sur une mesure particulière s'il a
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1 connaissance de l'éventualité de déclenchement d'une fausse enquête. Et là,
2 je vous renvoie à l'arrête Boskoski, paragraphe 234. Et c'est exactement ce
3 qu'il s'est passé en l'espèce.
4 Je voudrais encore éclaircir un point supplémentaire concernant l'autorité
5 qu'exerçait Petkovic au moment où il a reçu la lettre du CICR, la pièce
6 P7636. A ce moment-là, Petkovic était chef adjoint de l'état-major général
7 du HVO, et comme M. Schneider l'a expliqué la semaine dernière, à ce
8 moment-là il exerçait le contrôle effectif sur les forces du HVO. Donc, la
9 référence à la Défense aujourd'hui à cet égard ne démontre absolument pas
10 les constatations de la Chambre sur ce point.
11 S'agissant des arguments présentés pour l'appelant Coric. Tout d'abord, les
12 condamnations portant sur le meurtre de Kaplan et les crimes à l'époque au
13 même village, les deux documents que la Défense de Coric a cités portent
14 sur des procédures au pénal qui ont eu lieu en 1997 et en 2004. La Chambre
15 s'est attelée à cette question du dépôt de rapports criminels ou au pénal
16 au tome 1, paragraphes 918 et 919, et au tome 4, paragraphes 880 et 882, et
17 a, à juste titre, constaté que Coric n'avait pas remédié à ces crimes,
18 notamment les crimes liés aux expulsions et aux détentions.
19 Messieurs les Juges, ce qui est important ici, c'est qu'il y a une enquête
20 et peut-être même une responsabilité pénale engagée, mais cela ne nous dit
21 rien sur la capacité technique d'un accusé de prévoir que les crimes
22 auraient pu avoir lieu dans un premier temps. Donc, ce type d'action prend
23 du temps pour pouvoir constater la prévisibilité des crimes.
24 Et à la page temporaire du compte rendu numéro 85, s'agissant de
25 l'Heliodrom, les conseils de Coric ont encore affirmé que "la Chambre a
26 même constaté que Coric n'était pas informé des mauvais traitements et
27 n'avait aucune raison de croire que les détenus étaient maltraités."
28 Là encore, le paragraphe cité, tome 4, paragraphe 955, conclut au
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1 contraire, et je cite ce paragraphe : "Valentin Coric avait des raisons de
2 croire que les détenus de l'Heliodrom étaient maltraités pendant la
3 détention."
4 Les versions anglaise et française ne font aucun doute.
5 Et enfin, Coric - ou sa Défense - a affirmé qu'il avait pris les mesures
6 nécessaires lorsqu'il a appris que des meurtres avaient eu lieu à Dretelj
7 en 1993. Nous vous renvoyons ici à notre mémoire en réponse, paragraphe
8 183. En particulier lorsqu'il affirme qu'il avait soulevé cette question
9 lors de la session gouvernementale du 19 juillet 1993. Aucun des témoins
10 qui sont venus déposer à la barre n'ont mentionné Coric ou sa présence
11 indiquant qu'il était là. Pièce P3560.
12 S'agissant maintenant des arguments de manière générale, je vous renvoie
13 vers notre mémoire en réponse, paragraphes 129 et 131 pour des arguments
14 plus étoffés sur ce sujet.
15 Maintenant, pour ce qui est de l'autre point, à savoir ce que la Chambre
16 d'appel a jugé bon d'indiquer pour ce qui est de l'arrêt Dragan Nikolic,
17 c'est le fait d'avoir une loi qui contraint, dans un Tribunal
18 international, qui a été modifiée par une autre loi plus avantageuse et que
19 le Tribunal international est censé mettre en œuvre.
20 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
21 Mme BAIG : [interprétation] Messieurs les Juges, toute une série de
22 répondants ont essayé de procéder à une comparaison entre leur appel et
23 notre appel à nous en affirmant que nos arguments en appel étayaient leurs
24 arguments en appel à eux, mais il n'y a aucun parallèle qui aurait de la
25 signification entre notre appel interjeté et les appels interjetés par la
26 Défense.
27 Quand il s'agit maintenant du fait de procéder à une fragmentation par
28 compartiments, nous avons évoqué le fait que la Chambre avait erré en
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1 matière de droit pour ce qui est d'un domaine particulier d'analyse portant
2 sur l'ECC 3. Ils n'ont pas pris les bons éléments et les bonnes conclusions
3 parce qu'ils ont considéré que les constatations et les éléments de preuve
4 en matière de droit n'avaient pas de pertinence pour ce qui était de
5 procéder à ladite analyse. Il n'y a pas d'analogie dans les arguments
6 présentés par la Défense. Les arguments de l'Accusation pour ce qui est de
7 cette approche compartimentée se trouvent être centrés sur des questions
8 spécifiques de mise en œuvre très restrictive pour ce qui est des normes de
9 l'ECC catégorie 3. Aucun des répondants n'a indiqué qu'il y avait une
10 erreur en matière de droit de cette nature-là.
11 Par analogie, lorsque nous avons dit que la Chambre a omis certains
12 aspects, nous avons indiqué les secteurs où les Juges de la Chambre de
13 première instance ont omis de rendre des jugements s'agissant de
14 responsabilité pour crimes commis qui n'ont pas été sanctionnés, ou alors
15 pour ce qui est du moyen d'appel où la Chambre de première instance a
16 procédé à une analyse des sanctions cumulatives pour omettre de rendre un
17 jugement à ce sujet. Donc aucun des arguments de la Défense ne correspond à
18 ce nous avons dit. Les omissions dans le jugement rendu en première
19 instance n'ont rien à voir avec ce que la Défense a avancé pour ce qui est
20 d'omissions de jugement à rendre en corrélation avec les arguments avancés
21 par la Défense pour indiquer qu'il y avait des points qui avaient des liens
22 tangentiels ou des éléments de preuve isolés ou il n'y a pas eu de
23 constatation explicite de formulée.
24 Lorsqu'il y a eu présentation d'éléments factuels pour ce qui est de
25 l'existence de l'entreprise criminelle commune et l'intention et les
26 contributions respectives des répondants, la Chambre s'est penchée sur la
27 totalité des éléments de preuve, y compris les éléments de preuve de la
28 Défense, les témoins de la Défense, et a procédé de façon express à des
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1 constatations relatives à la crédibilité et la valeur probante des éléments
2 de preuve présentés par les deux parties en présence. Ce qui est clair dans
3 l'argumentation présentée par la Défense c'est qu'ils ne sont pas d'accord
4 avec les constatations de la Chambre de première instance, mais ces
5 constatations se trouvent être raisonnables et se basent sur un examen
6 détaillé des éléments de preuve présentés.
7 Mme BAIG : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Juge, que vous
8 m'accordiez quelques instants.
9 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
10 Mme BAIG : [interprétation] Avant que d'en conclure, Monsieur le
11 Juge, j'aurais une petite question administrative que j'aimerais aborder
12 mais je préférerais l'aborder à huis clos.
13 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bon, on va passer à huis clos.
14 Mme BAIG : [interprétation] Excusez-moi, je voulais dire huis clos partiel.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Huis clos partiel.
16 On y est. On est à huis clos partiel, Madame Baig.
17 [Audience à huis clos partiel]
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
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26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
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1 (expurgé)
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3 (expurgé)
4 (expurgé)
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6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 [Audience publique]
13 Mme BAIG : [interprétation] Merci. Les conclusions des Juges de la Chambre
14 de première instance n'ont pas pris en considération l'échelle complète de
15 la responsabilité au pénal des répondants, des appelants. Et il n'y a pas
16 eu de condamnation pour toute une série de délits au pénal. La
17 responsabilité criminelle n'a pas été soulignée de façon claire à la
18 lumière des destructions arbitraires et de la responsabilité de supérieur
19 hiérarchique. Nous demanderions donc à ce que ces responsabilités pour ce
20 qui est des délits au pénal appropriés soient prises en compte dans le
21 jugement en appel.
22 Merci.
23 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Madame Baig, avant que d'aller de
24 l'avant, le Juge Moloto voudrait vous poser une question.
25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mme Baig, M. Sahota a dit aujourd'hui
26 que le critère de la prévisibilité, pour ce qui est des délits de l'ECC
27 catégorie 3, se devait ou devrait être subjectif. Avez-vous un commentaire
28 ?
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1 Mme BAIG : [interprétation] Le critère de la catégorie 3 de l'ECC doit être
2 subjectif et objectif. Ça doit être lié à la mise en œuvre d'un objectif
3 criminel commun et, par conséquent, l'accusé doit, de son plein gré,
4 assumer le risque de voir un crime de commis; ça doit être subjectivement
5 prévisible pour l'accusé en question.
6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci beaucoup. Si j'ai bien compris,
9 ceci met un terme à votre exposé ou à vos éléments en réponse.
10 Alors pour les besoins du compte rendu d'audience, je tiens à préciser que
11 lorsque M. Ivetic s'est adressé à nous, en page 93 du compte rendu
12 d'audience, entre les lignes 10 et 17, il a fait référence à un paragraphe,
13 le paragraphe 4428 -- ah, non, non, c'était M. Sahota ce n'était pas M.
14 Ivetic - donc je disais, page 428 du jugement en appel dans l'affaire
15 Talic, et en réalité je suis en train de procéder aux rectificatifs de
16 ladite référence. Il s'agit de l'appel Brdjanin, en réalité.
17 M. SAHOTA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. C'est une erreur
18 que j'ai faite. Mais la citation est assez connue.
19 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certes, mais il s'agit de l'affaire
20 Brdjanin. Parce qu'il s'agissait d'un appel qui se rapportait à un jugement
21 rendu par moi-même … merci.
22 On en est arrivé à la dernière phase de notre procédure d'aujourd'hui
23 où nous allons accorder dix minutes à chacun des appelants pour qu'il y ait
24 de leur part une intervention à l'attention des Juges de la Chambre s'ils
25 le désirent.
26 Je vais commencer par vous, Monsieur Pusic. Est-ce que vous souhaitez vous
27 adresser aux Juges de la Chambre, vous avez dix minutes.
28 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] M. Pusic n'est pas là.
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1 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui. Monsieur Prlic, excusez-moi, je
2 pensais à vous, en fait.
3 L'APPELANT PRLIC : [interprétation] Monsieur le Président, membre, estimé
4 membre de la Chambre d'appel.
5 Plutôt que de proférer des termes habituels en ce type de
6 circonstances, je vais donner un texte qui est intitulé, nous avons besoin
7 de gens qui ont de la bonne volonté, des mains propres et un cœur propre.
8 Et il s'agit d'une réception à l'occasion du Ramadan qui publiée par un
9 journal à Mostar le 16 avril 1994. Je vais citer.
10 "En soulignant que le fait que la guerre rendait malheureux la
11 totalité des citoyens de Bosnie-Herzégovine, qu'ils soient Musulmans ou
12 Croates ou Serbes, Prlic a souligné que les autorités de l'Herceg-Bosna
13 étaient tenus d'assurer un traitement sur pied d'égalité l'intention de la
14 totalité des citoyens en place. Nous ne sommes pas satisfaits des
15 traitements jusqu'à présent, mais nous nous efforcerons d'assurer un
16 respect des droits de l'homme pour tout un chacun. En mon nom personnel, et
17 au nom du gouvernement croate de l'Herceg-Bosna, tous ceux qui ont vécu ou
18 subi des désagréments, je me sens contraint de dire la vérité la plus
19 vraie, a déclaré Jadranko Prlic."
20 Ce que j'ai dit il y a 25 ans, je ne puis que le répéter maintenant. Je
21 suis profondément conscient des malheurs profonds subis par les victimes de
22 tous les côtés au fil de cette guerre écoulée. Du reste, cette guerre je
23 l'ai passée à deux postes des plus difficiles, à savoir Mostar et Sarajevo.
24 Je sais ce que signifie la vie sans électricité et sans eau potable,
25 l'occupation en ville, l'exposition à des tirs d'artillerie ou de tireurs
26 embusqués, et je sais ce que c'est que craindre pour ses proches sans qu'il
27 y ait des soins appropriés apportés par la communauté internationale. J'ai
28 donc compati avec tous ceux qui ont souffert et nous avons vécu ensemble
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1 indépendamment du fait de nous être trouvés à des parties opposées du
2 front. Tout ça, ce sont des citoyens de Bosnie-Herzégovine et j'ai fait
3 partie du gouvernement pendant 14 ans presque sans interruption, entre 1989
4 et 2003.
5 Messieurs les Juges, bien que s'agissant de 2016, pour moi -- c'était au
6 fait l'année 2013. Je sais que la vérité en justice ne doit pas forcément
7 correspondre à la vérité vraie. Mais je ne pensais pas que cela pouvait
8 être aussi divergent ou opposé, contraire aux faits. Et là, je trouve que
9 trop, c'est trop. Donc, dans la meilleure des intentions que je me suis
10 efforcé d'intervenir pendant ces journées-ci plus que pendant le procès
11 tout entier. Et je m'en excuse.
12 Dans le jugement qui a été rendu à mon égard, mon erreur la plus grande
13 avait été d'être resté plutôt que de m'en aller. Oui, j'aurais dû m'en
14 aller. J'avais conscience des risques. Certains des témoins dans cette
15 affaire, des étrangers qui, pour l'essentiel ont changé d'avis par rapport
16 au temps de l'époque, me l'avaient conseillé. Mais dans ce cas-là, je me
17 serais considéré coupable pour le reste de ma vie, parce que je n'aurais
18 rien fait pour remédier à la situation. Est-ce que mon départ aurait été
19 utile ?
20 Eh bien, je suis resté sur le même projet depuis 1990 en ma qualité de
21 vice-président ou président en exercice du gouvernement de la Bosnie-
22 Herzégovine. Et j'ai dit en premier, de façon publique, que cela pouvait
23 être un Etat autonome. Si vous vous penchez sur les PV des réunions, des
24 instances où j'ai été président pendant la guerre et il y en a quelque 80
25 que je voulais indiquer ce matin, pendant les temps les plus difficiles, ça
26 n'a pas été, en fait, une interruption de quelle que nature que ce soit.
27 Nous nous sommes efforcés de construire un pays normal, un pays européen
28 composé par trois peuples et non pas seulement par un peuple, conformément
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1 aux plans internationaux. Cela est confirmé par 250 citations des
2 transcriptions présidentielles, et ce, pour les raisons que nous avons
3 avancées dans notre appel. A titre de comparaison, il n'y en a que
4 quelques-uns qui ont été mis de côté dans le jugement rendu pour indiquer
5 qu'il n'y avait pas d'intention criminelle unique et que cela avait été une
6 erreur de constatation dans le jugement rendu en première instance.
7 Je me suis donc efforcé de continuer à travailler davantage, à
8 libérer le pays en 1994 en ma qualité de ministre de la Défense. Et en ma
9 qualité de ministre des Affaires étrangères, j'ai représenté la totalité
10 des citoyens dans le monde pendant plus de cinq ans. Et ici, on me condamne
11 en disant que j'ai été contre ce pays auquel j'ai consacré ma vie entière
12 et que le jugement dit que j'ai occupé.
13 Avec le sénateur Robert Dole, dès le début de la création de ce
14 Tribunal, je savais que les familles des victimes voulaient qu'il y ait des
15 sanctions de prononcées à l'égard des coupables et on connaît les
16 coupables. On sait plus ou moins qui a tiré sur qui pendant cette guerre.
17 Il y a des milliers d'assassins, comme je l'ai dit en 2001 dans une
18 interview à l'intention du Procureur ou comme l'a dit le président de la
19 Chambre, M. Agius, lorsqu'il a rendu visite à la région. Il y a des
20 milliers qui déambulent librement dans les rues de nos villes. C'est la
21 raison pour laquelle moi-même et le gouvernement à la tête duquel je me
22 trouvais avions apporté notre soutien à la création de ce Tribunal. Nous
23 avions collaboré avec. Et le Procureur a dit que la commission chargée des
24 crimes de guerre n'avait jamais été créée. Mais non seulement y a-t-il eu
25 des investigations conjointes, mais les dossiers entiers au sujet des
26 crimes commis ont été communiqués avec des milliers de pages. Il s'agit du
27 1D02243.
28 J'ai participé à la conférence de Rome, j'ai fait partie du groupe
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1 des pays qui ont assuré un lobbying au niveau des Nations Unies pour
2 arriver à la création d'un Tribunal pénal international permanent afin que
3 ce type de décisions entre en vigueur.
4 Ai-je changé d'opinion au bout de ces quelque 13 années que je me
5 trouve en prison et que j'attends un jugement et un arrêt ? Je tiens à être
6 sincère, on l'a montré dans les appels, dans les jugements et le niveau
7 d'injustice dans cette procédure a été insupportable. Ce qui fait que
8 pendant une bonne partie du temps passé, je ne voulais même pas venir
9 assister au procès. J'ai demandé à ce que le Procureur prête serment pour
10 dire la vérité, parce que seul ici le Procureur a une mission au prétoire.
11 Et cela a été rejeté de façon automatique. Ce procès a un côté terni de la
12 justice internationale. Et si au fil des 13 ans écoulés, le prix à payer
13 est le prix que j'ai à payer, ainsi soit-il.
14 De toute façon, les années que j'ai passées ici, rien ne saurait plus
15 me les rendre. Merci.
16 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Certainement pas.
17 Mme TOMASEGOVIC-TOMIC : [interprétation] Est-ce que je peux quitter le
18 prétoire pendant quelques minutes, parce que j'ai un problème médical et je
19 dois prendre des médicaments ?
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Bien sûr.
21 Si j'ai bien compris, Monsieur Stojic, vous avez décidé de ne pas utiliser
22 ce temps --
23 L'APPELANT STOJIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,
24 Messieurs les Juges. Mais quand même, j'aimerais dire quelque chose pendant
25 quelques minutes, deux ou trois minutes.
26 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, bien sûr, allez-y.
27 L'APPELANT STOJIC : [interprétation] Bonjour à tout le monde dans le
28 prétoire. Je soutiens la présentation de mon équipe de Défense, de mes
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1 avocats et je les remercie d'avoir fait cela pendant des années. J'ai eu
2 une bonne coopération avec eux et je les remercie.
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 Il est peut-être quelque peu étonnant de dire aujourd'hui que je
7 remercie le personnel du quartier pénitentiaire pour leurs rapports
8 professionnels humains envers moi pendant tout mon séjour ici à La Haye.
9 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me suis rendu à ce
10 Tribunal, parce que je crois en ce Tribunal, à cette institution
11 judiciaire. Je vous crois, Messieurs les Juges et je crois que vous allez
12 rendre une décision équitable. Et pour finir j'aimerais dire que je suis
13 désolé pour toutes les victimes de la guerre, victimes musulmanes et
14 serbes, et en particulier les victimes musulmanes, parce qu'elles étaient
15 au cœur de ce procès.
16 Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Stojic.
18 Monsieur Praljak, vous avez la parole. Vous avez à votre disposition 10
19 minutes.
20 L'APPELANT PRALJAK : [interprétation] Bonjour. En 2016, le ministère de
21 l'Intérieur de l'Allemagne a enregistré 3 700 incidents contre les réfugiés
22 accueillis par ce pays-là, en moyenne, dix attaques par jour. Des dizaines
23 d'institutions de ce pays démocratique, civilisé, riche n'ont pas réussi à
24 éviter que cela se passe. Pour ce qui est des psychologues qui s'occupent
25 de la société, ces événements étaient prévisibles. Prévoir un nombre
26 d'incidents est plus difficile, mais prévoir des incidents individuels est
27 impossible. Le nombre d'auteurs de ces infractions pénales qui ont été
28 découvertes est minime.
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1 Pour ce qui est d'un autre exemple, en Nouvelle-Orléans, il y a eu 1 700
2 infractions pénales, des centaines de meurtres, des centaines de viols et
3 d'infractions pénales comme des pillages. Les institutions judiciaires des
4 Etats-Unis n'ont pas réussi à éviter que cela en arrive et ont réussi à
5 découvrir un petit nombre d'auteurs de ces crimes et des petits problèmes
6 dans la structure sociale peuvent amener un grand nombre d'infractions
7 pénales commises par un grand nombre d'individus.
8 En 1992, en Bosnie-Herzégovine, après le début de l'agression serbe, toute
9 la structure étatique s'est effondrée. Toutes les fonctions sociales se
10 sont arrêtées et tout a été réduit au niveau d'individus. Dans de telles
11 conditions et circonstances, on peut opérer de deux façons. On peut essayer
12 et à nouveau essayer de reconstruire les formes de pouvoir habituelles et
13 la vie de la société. C'est une tâche qui est lente et incertaine. Le
14 nombre de blessés, de morts, de réfugiés, d'exilés, l'échec des conférences
15 de paix, la trahison de la politique des Musulmans, l'agression contre les
16 Croates, la durée de la guerre minimisent tous ces efforts et sapent tous
17 ces fondements. Dans de telles circonstances, les activités - et c'est sous
18 B - les activités des individus sont en scène.
19 Pour ce qui est de mon exemple, je peux dire que j'ai agi, à l'époque, donc
20 il y a 13 ans, de la même façon à laquelle j'agirais aujourd'hui. Je ne
21 changerais rien pour ce qui est de mes activités, pour ce qui est de mes
22 agissements dans une situation chaotique, parce que la portée de ces
23 activités sont limitées dans le temps et dans l'espace. Et pour ce qui est
24 des prémices qu'on appelle les prémices erronées, c'est quelque chose qui
25 représente un phénomène général de la politique de l'ouest. La même chose
26 s'est passée lors de ce processus.
27 Et mettre le signe d'égalité entre ces deux nations -- de vouloir faire
28 quelque chose et la notion de pouvoir n'a aucun sens. Pourquoi autant de
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1 guerres avec de telles conséquences si personne ne veut qu'une guerre
2 éclate ? Pourquoi le pouvoir est aussi faible ? Le degré d'efficacité de ce
3 qu'on appelle dans l'OTAN commandement et contrôle, ainsi que les
4 communications et le contrôle des communications peuvent être appliqués sur
5 l'exemple du HVO seulement si on considère les définitions de l'armée au
6 sein du HVO et au sein des armées occidentales comme identiques. Mais c'est
7 trop différent, il y a trop d'éléments qui sont différents pour pouvoir
8 faire une telle comparaison. Les prémices erronées ne permettent pas la
9 compréhension de ces éléments et ne nous mènent pas vers la vérité.
10 L'agression de la Bosnie-Herzégovine sur le front qui était d'une longueur
11 de plus de 200 kilomètres, qui avait trois corps d'armée à sa disposition,
12 l'intensité de leurs attaques contre le HVO à l'époque où j'étais
13 commandant a eu pour conséquence de nous trouver dans une situation
14 d'exténuation physique et mentale pour ce qui est de moi-même et de mes
15 soldats, les soldats que je commandais. Dans de telles situations,
16 commander d'un bureau de général n'est pas possible. Vingt heures par jour,
17 vous devez vous trouver sur le terrain avec vos soldats. Vous devez les
18 commander, donner des ordres, les encourager et combattre ensemble avec
19 eux. La frustration des soldats était insupportable, puisque le fait était
20 que c'est leur allié qui les a attaqués et tout ce qu'ils avaient pour les
21 attaquer, ils l'avaient obtenu des Croates. Et scientifiquement parlant, on
22 peut dire que c'est prévisible que ce sont les soldats qui commettraient
23 des crimes, mais on ne peut pas prévoir quand, et où, et qui.
24 En 1992, au printemps, et plus tard également de façon régulière, tous les
25 soldats du HVO connaissaient le droit de la guerre. Cela a été fait en
26 coopération avec le CICR. Nous avons fait tout ce que nous avons pu faire
27 pour éviter cela. Comme le Dr Prlic a dit, d'abord, nous aurions pu partir.
28 Nous aurions pu nous rendre à l'ABiH et à l'armée de la Republika Srpska.
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1 Nous aurions pu partir et se sauver, partir en Croatie, mais cela n'aurait
2 pas diminué le nombre de crimes. Lorsque les alliances des pays occidentaux
3 combattent les soldats de l'Etat islamique, alors il y a des dommages
4 collatéraux inévitables, et c'est ce qui s'était passé. Si vous ne voulez
5 pas avoir des victimes collatérales, alors il ne faut pas que vous les
6 attaquiez. C'est une option.
7 Et pour finir, à Mostar, l'ABiH a attaqué le HVO, et ce n'était pas
8 l'inverse. Ma participation et mes agissements pendant la guerre peuvent
9 être résumés ainsi : la loi de Praljak et d'Archimède. C'est un peu
10 pompeux, mais j'ai lu cela à la Chambre, le 4 mai 2000, et cela se trouve à
11 la page du compte rendu 39481 et 39482 du compte rendu d'audience. Je
12 maintiens ce que j'ai dit, à savoir que cette loi est véridique. Et si les
13 Juges considèrent que je suis coupable, je ne demande pas qu'on prenne en
14 compte les circonstances atténuantes, puisque ma conscience est tranquille.
15 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Merci, Monsieur Praljak.
16 Monsieur Petkovic, vous avez la parole.
17 L'APPELANT PETKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je voudrais
18 d'abord souligner le fait que je ne suis pas un Croate originaire de
19 Bosnie-Herzégovine, mais que je suis né en Croatie, mais c'est mon peuple,
20 le même, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. J'étais officier dans l'ex-
21 Etat et j'ai résidé pendant un certain temps en Slovénie, puis en Croatie,
22 et jamais en Bosnie-Herzégovine.
23 En Bosnie-Herzégovine, je suis arrivé début avril 1992, lorsque l'armée
24 croate préparait la libération de la partie sud de son territoire. C'est un
25 territoire très étroit et il fallait planifier toutes les opérations et
26 déplacer la logistique sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine avec
27 l'approbation de M. Izetbegovic et des autres autorités de cette Bosnie-
28 Herzégovine. L'armée croate, à cette époque, avait coopéré de façon très
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1 étroite avec le HVO et avec certaines unités de l'ABiH sur ce territoire,
2 parce que cette armée protégeait le flanc gauche de l'armée croate, qui
3 avançait vers Dubrovnik.
4 Les combats ne m'ont pas trouvé présent en Bosnie-Herzégovine. J'avais une
5 certaine expérience, depuis le mois de juillet 1991, dans ma ville de
6 naissance, Sibenik, en République de Croatie. En partant vers le territoire
7 de la Bosnie-Herzégovine, j'ai fait la connaissance de M. Boban et de
8 dizaines d'autres personnes qui s'efforçaient d'organiser le Conseil croate
9 de la défense pour s'opposer à l'agression serbe. Etant donné mon
10 expérience professionnelle et mon éducation j'avais considéré comme
11 obligation professionnelle et humaine de les aider. Je pensais que ça
12 allait durer au plus quelques mois. Mais malheureusement j'y suis resté
13 moi-même pendant plusieurs de deux ans.
14 Et pendant les pires conflits avec l'ABiH dans la deuxième moitié de 1993,
15 je suis resté en Bosnie-Herzégovine parce que pour moi ça aurait été de
16 lâcheté et déshonorable que d'abandonner mes collègues et mes soldats. La
17 chose la plus facile aurait été de s'en aller, et probablement ne serais-je
18 pas ici de nos jours. Toujours est-il pour ce qui me concerne, en ma
19 qualité d'officier de profession et de carrière, cela aurait été de la
20 lâcheté que d'abandonner mes collègues et amis dans la difficulté.
21 Je voulais vous dire deux choses, en fait. D'abord, j'ai toujours voulu que
22 le HVO soit une armée des Croates et des Musulmans et je me réjouissais de
23 chaque soldat nouveau recruté. Je n'ai jamais prêté attention à
24 l'appartenance ethnique de tel ou de tel autre soldat. Vers la mi-1992, le
25 HVO a libéré les parties considérables de la Bosnie-Herzégovine aux côtés
26 de certaines parties ou segments de la BiH. A nos yeux c'était une armée
27 alliée, ou plutôt, avions-nous considéré que nous étions deux composantes
28 d'une seule et même armée. C'est du moins la façon dont je voyais les
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1 choses.
2 Je voudrais dire que dans notre avenant numéro 8, vous pouvez voir quel a
3 été l'évolution de ma carrière et mes déplacements. Prenons, par exemple,
4 le mois d'avril et même le mois de mai. Ces mois-là je les ai passés
5 pendant une dizaine ou quinzaine de jours en compagnie de M. Sefer
6 Halilovic en inspectant la totalité des sites de conflits au large de la
7 Bosnie-Herzégovine. Donc j'ai passé pendant ces deux mois-là plus de temps
8 avec Halilovic qu'avec mes propres soldats et nous nous sommes efforcés
9 d'arriver à chaque site possible.
10 Et dans tous mes contacts au niveau du commandement, j'ai insisté sur la
11 nécessité d'un comportement attentif et prévenant à l'égard des femmes,
12 enfants, et vieillards, que nous ne considérons pas de par la loi comme
13 étant des gens aptes au combat. J'ai donné beaucoup d'ordres pour empêcher
14 les agissements incontrôlés d'individus et de groupes, empêcher les
15 destructions de maisons et autres biens, éliminer les extrémistes, et
16 protéger la population civile conformément aux conventions internationales.
17 Bon nombre de documents se trouvent être joints au dossier.
18 J'ai notamment mis en garde la nécessité d'avoir un comportement
19 humanitaire à l'égard des civils et de les protéger. J'ai envoyé les ordres
20 pour éduquer tout un chacun pour dire que les civils n'avaient pas un rôle
21 à jouer dans la guerre et qu'ils ne devaient pas faire l'objet ou la cible
22 d'attaque. Ce n'est peut-être pas le moment de le faire mais ces documents
23 se trouvent dans les avenants et dans notre mémoire en appel.
24 S'agissant de mon point de vue actuel, il me semble que j'aurais
25 peut-être pu faire les choses autrement. J'aurais peut-être dû le faire
26 autrement. Ce qui est certain et ce que je ne modifierais pas de nos jours
27 non plus c'est mon souhait sincère de voir les Croates et les Musulmans
28 défendre leurs maisons ensemble. Les autres en Herceg-Bosna l'avaient
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1 souhaité. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place le HVO en
2 tant qu'armée défensive. Chaque brigade était composée de gens résidant sur
3 ces territoires-là indépendamment du fait de savoir si c'étaient des
4 Croates et des Musulmans. Et il était normal de voir dans certaines unités
5 du HVO les Musulmans à être en majorité. Et en '93, je n'ai pas pu estimer
6 ou prévoir que cela aurait pu constituer un problème sécuritaire pour le
7 HVO.
8 Et pour finir quelques mots encore. Messieurs les Juges, ma Défense a
9 montré qu'en 1993, j'avais estimé qu'il valait mieux négocier pendant deux
10 ans plutôt que de faire la guerre un seul jour. Je le pense même
11 maintenant. Je crois que tout un chacun devrait le penser. Imaginez le
12 malheur qu'une seule grenade peut apporter aux gens pour comprendre que la
13 guerre n'est pas une bonne façon de résoudre les problèmes. Parce que même
14 les guerres finissent à des tables de négociations. Et le problème de
15 l'humanité c'est que précède à ces tables de négociations de grande
16 souffrance.
17 Et, Messieurs les Juges, je regrette énormément la totalité des
18 souffrances et victimes. Notamment les victimes civiles de la guerre
19 pendant ce conflit, et j'espère que rien de semblable ne se répétera sur ce
20 territoire à nouveau.
21 Messieurs les Juges, merci de votre attention.
22 Mme ALABURIC : [interprétation] Excusez-moi, je voudrais procéder à
23 la rectification du compte rendu d'audience.
24 Page 110, ligne 21 : Il n'a pas dit -- Il a dit que : Je n'étais pas
25 en Bosnie pendant la guerre. En fait, le général a dit que : "Il n'était
26 pas en Bosnie au début de la guerre."
27 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Fort bien. Merci de cet
28 éclaircissement.
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1 Je voudrais maintenant, Monsieur Coric, que nous passions à -- avant que
2 vous proposez de prendre la parole, Monsieur Coric, je voudrais que nous
3 passions à huis clos partiel pour un instant, je voudrais tirer quelque
4 chose au clair.
5 Nous sommes à huis clos partiel.
6 [Audience à huis clos partiel]
7 (expurgé)
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19 (expurgé)
20 [Audience publique]
21 L'APPELANT CORIC : [interprétation] Messieurs les Juges, depuis le moment
22 où j'ai été confronté à de graves accusations devant ce Tribunal au fil des
23 14 années de mon séjour à La Haye, j'ai toujours recherché une réponse, à
24 savoir définir si dans le courant de cette guerre, de façon consciente ou
25 inconsciente j'aurais commis quelque mal ou tort que ce soit à l'égard de
26 quelconque individu que ce soit ? J'ai attentivement écouté tous les
27 témoignages et j'ai lu des milliers et milliers de documents pendant la
28 durée de ce procès. Je sais qu'il n'y a pas de gens sans péché aucun. Je
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1 sais que nous, membres du HVO, nous n'avons pas été non plus libérés ou
2 dispensés de péché, mais je sais que la grande majorité des membres du HVO
3 avaient les meilleures intentions possibles et qui ont de façon honorable
4 et digne défendu la totalité des personnes innocentes et leur patrie.
5 J'espère et je veux croire que les membres déshonorant le HVO ne pourront
6 et ne sauraient détériorer l'image qui a été créée à cet effet par la
7 grande majorité des défenseurs croates honnêtes.
8 Monsieur le Juge, l'acte d'accusation de La Haye a visé à me faire
9 comprendre que j'étais du mauvais côté pendant cette guerre ou que j'étais
10 partie prenante à une entreprise criminelle commune. Je vous rappelle
11 qu'une histoire -- une vérité historique vraie, à savoir que les
12 responsables au sommet de la direction politique croate à la différence des
13 autres parties en Bosnie-Herzégovine, avaient accepté toutes les
14 propositions proposées ou accords ou projets d'accord de la communauté
15 internationale pour la Bosnie-Herzégovine, à commencer par le plan
16 Cutileiro, le plan Vance-Owen, le plan de Washington, et pour finir le plan
17 de paix de Dayton. Donc il est illogique et injuste de me voir juger pour
18 ces solutions, et ceux qui nous ont imposé ces solutions, ne sont même pas
19 mentionnés, et encore moins déclarés coupable.
20 Messieurs les Juges, le meilleur des indicateurs des horreurs de la guerre
21 auquel nous avons été exposées c'est justement le renseignement relatif aux
22 membres blessés ou tués de la police militaire. Sur les 2 000 membres que
23 nous avons comptés pendant les 19 mois de la guerre, lorsque j'étais à la
24 tête de l'administration de la police militaire, il y en a eu 164 de tués
25 et 720 de blessés. Lorsque ces souffrances-là se voient rajouter le nombre
26 des membres du ministère de l'Intérieur qui ont péri et en particulier les
27 membres de la police spéciale et les membres de la police militaire, le
28 nombre total de ces policiers s'élève à quelque 300 et le nombre des
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1 blessés est de plus de 1 000.
2 En raison de grandes pertes en hommes, en effectifs, nous avons été
3 constants de renouveler constamment nos rangs par des nouveaux membres.
4 C'est la raison pour laquelle dans notre activité, il y avait un segment
5 important qui est celui de l'éducation et de la formation pour
6 accomplissement de la police militaire. Une partie intégrante de cette
7 formation avait été l'initiation aux conventions de Genève et au droit
8 humanitaire international et au droit de guerre international. Du fait de
9 cette approche et d'un niveau enviable de professionnalisme parmi nos
10 membres, il y a bon nombre de vies humaines de sauvées et il y a eu des
11 résultats exceptionnels de réalisés pour ce qui était d'empêcher ou de
12 poursuivre en justice les activités illégales de groupes criminels ou
13 d'individus animés par des intentions criminelles.
14 Malheureusement, les missions fondamentales de la police, tant
15 militaires que civiles, du fait de la violence des conflits armées, chose
16 que je n'ai pas arrêté de souligner dans mes mises en garde, très souvent
17 ont été placés en deuxième plan indépendamment de mes mises en garde à moi.
18 Et il est un segment très important pour ce qui est de la police militaire.
19 C'est le département de la police criminelle. Les intervenants dans ce
20 département ont coopéré avec les autres membres de la police et c'est dans
21 des circonstances très difficiles qu'ils se sont efforcés de prévenir,
22 d'arrêter et de poursuivre en justice les violations de bon nombre de
23 délits au pénal indépendamment de l'armée ou du peuple dont faisaient
24 partie soit les victimes soit les auteurs de tels agissements. La police
25 militaire, en temps de guerre, a présenté au procureur compétent plus de
26 2 000 dépôts de plaintes au pénal.
27 Messieurs les Juges, la mission d'un chef et d'un ministre a été
28 accomplie par moi dans la continuité au sein de l'Herceg-Bosna et au sein
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1 des gouvernements "post-Daytoniens" de Bosnie-Herzégovine jusqu'en 2002.
2 Pendant toute cette période-là, mes activités et les activités déployées
3 par mes collaborateurs ont été exposées au jugement du public et tout ce
4 que nous avons fait en public pour ce qui est des événements ont été fait
5 en temps utile de façon concrète et tout à fait transparente. Pendant ces
6 temps-là je n'ai jamais planifié, encouragé, commandé ou dissimulé, voire
7 participé de quelque autre façon, à quelque crime que ce soit. Tous mes
8 agissements ont été orientés vers des activités légales et professionnelles
9 pour empêcher la criminalité et tous les actes illicites.
10 Pour ce qui est de l'entreprise criminelle commune, c'est une chose
11 que j'ai eu l'occasion d'apprendre dans l'acte d'accusation. Je n'ai jamais
12 eu conscience de quelque plan, intention ou objectif criminel que ce soit.
13 Et jamais personne ne m'a demandé ou proposé de prendre part à chose
14 pareille.
15 Messieurs les Juges, dans ce prétoire, nous avons assisté au
16 témoignage de plus de 400 témoins et aucun d'entre eux n'a proféré des
17 accusations professionnelles ou simplement humaines à mon égard. C'est la
18 raison pour laquelle je suis étonné de voir le Procureur présenter ses
19 louanges comme étant des éléments à charge pour ce qui est de mon
20 comportement en temps de guerre.
21 Avec tout le respect dû à tout un chacun au fil de ces années
22 écoulées, pour ce qui est des choses utilisés par le Procureur de ce
23 Tribunal dans le procès nous concernant nous six et dans d'autres procès,
24 il me semble évident qu'ils n'ont pas du tout compris les circonstances de
25 la guerre survenue en Bosnie-Herzégovine. Le Procureur ne peut pas ou ne
26 veut pas faire la distinction de ce qui se passe en temps de guerre en
27 dépit des efforts déployés à titre professionnel et humain pour définir ce
28 qu'il est possible de faire et ce qu'il n'est pas possible de faire, pour
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1 distinguer ceux qui se sont battus contre les malheurs de toutes sortes et
2 dans l'intérêt de tout un chacun par rapport aux individus et groupes qui
3 se sont comportés de façon illicite en commettant des crimes pour aboutir à
4 le réalisation de leurs propres objectifs ou intérêts personnels.
5 En sus, le bureau du Procureur n'a pas hésité de recourir à des
6 méthodes indignes pour ce qui est de ses collaborateurs, pour ce qui est
7 d'embaucher un certain nombre d'avocats et des intervenants des services de
8 sécurité, voire même des hommes politiques à des niveaux élevés de l'Etat.
9 Ces gens déshonorés qui venaient des rangs du peuple croate ont présenté
10 des faux témoignages, ont collaboré en secret avec le bureau du Procureur
11 et ont apporté des documents falsifiés du temps de la guerre. Et de cette
12 façon, le Procureur a sciemment "amnestié" bon nombre de criminels de
13 guerre, bien que sachant que parmi eux il y avait des individus qui avaient
14 commis des crimes de guerre, qui avaient dissimulé des délits au pénal, et
15 ce, pour faire incomber des responsabilités à des personnes innocentes
16 devant ce Tribunal et les tribunaux de Bosnie-Herzégovine.
17 Monsieur le Juge, je ne suis pas un homme sans péché. Les membres du
18 HVO ne sont pas des gens qui n'ont pas de péchés de par le passé. Mais à
19 l'étude réaliste de ce qui s'est passé sur le territoire de la Bosnie-
20 Herzégovine et en comparant les indices policiers au sujet des activités,
21 du succès ou insuccès de formations policières, il est difficile de trouver
22 une unité quelle qu'elle soit de la police qui est de par le passé avec
23 plus de succès, professionnalisme et humanité accompli ses tâches si ce
24 n'est la police militaire dans la HR HB.
25 Indépendamment de votre décision quelle qu'elle soit, je serai
26 toujours fier d'avoir effectué la mission de chef de l'unité de
27 l'administration de la police militaire dans la guerre patriotique, les
28 missions de ministre de l'Intérieur et de membre du conseil de la
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1 présidence de la chaire HB. Je remercie donc sincèrement tous ceux qui nous
2 aidés, et tous ceux qui ont rendu les choses plus difficiles pour nous, eh
3 bien, je dirais que Dieu leur pardonne.
4 Messieurs les Juges, je regrette énormément chaque victime civile et
5 les souffrances générées par cette malheureuse guerre. Et si en temps de
6 guerre, de quelque façon que ce soit, à l'égard de qui que ce soit, j'ai
7 apporté de l'injustice ou du malheur, je leur demande pardon.
8 Merci de votre attention.
9 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Coric.
10 Le conseil de M. Pusic, d'après ce que j'ai compris, votre client a décidé
11 de ne pas faire de déclaration. C'est exact ?
12 M. IBRISIMOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, notre client a
13 décidé de ne pas faire de déclaration. Sa position est identique à celle
14 qu'il a présentée dans le prétoire en octobre 2006 lorsqu'il s'est excusé
15 auprès de toutes les victimes. Et il est certain que la Chambre d'appel
16 rendra une décision juste.
17 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît. Je dois
18 consulter un représentant du Greffe.
19 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]
20 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel
21 juste pendant quelques instants.
22 [Audience à huis clos partiel]
23 (expurgé)
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5 (expurgé)
6 [Audience publique]
7 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Oui, Monsieur Stringer.
8 M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Au risque de
9 vous mettre en colère, je souhaite déclarer aux fins du compte rendu
10 d'audience que la Chambre de première instance rejette avec force les
11 allégations faites par M. Coric concernant le fait d'acheter des éléments
12 de preuve, je ne sais quoi d'autre. Il s'agit d'une nouvelle accusation, et
13 nous rejetons cela avec force. Il s'agit d'allégation grave.
14 M. LE JUGE AGIUS : [interprétation] Je m'y attendais. Vous ne me surprenez
15 pas beaucoup.
16 Mesdames et Messieurs, ceci conclut la présentation des sept appels en
17 l'espèce. Je souhaite en particulier remercier les parties, les accusés et
18 les conseils pour leur travail et leur coopération avec la Chambre d'appel.
19 Je souhaite également exprimer ma reconnaissance envers les interprètes, la
20 sténotypiste, le personnel technique et les techniciens chargés des
21 questions audiovisuelles, les officiers chargés de la sécurité, les membres
22 du Greffe qui sont présents dans le prétoire et le dernier, mais pas des
23 moindres, le personnel des Chambres à l'extérieur et à l'intérieur du
24 prétoire. Je souhaite également remercier tous les autres membres du
25 personnel qui ont participé à l'organisation de cette audience, et qui ont
26 permis que cela fonctionne bien au cours de ces 15 derniers jours. Je vous
27 remercie tous pour votre excellent travail et votre concours.
28 Mes collègues et moi-même, nous allons maintenant entrer dans la phase de
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1 délibération de l'appel. Et la Chambre d'appel rendra sa décision en temps
2 utile, d'ici le mois de novembre au plus tard.
3 L'audience est levée, je vous remercie.
4 --- L'audience est levée à 16 heures 09 sine die.
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