Affaire n° : IT-03-67-AR73.2

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Mehmet Güney
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
29 janvier 2004

LE PROCUREUR

c/

Vojislav SESELJ

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DÉCISION RELATIVE À L’APPEL INTERLOCUTOIRE CONCERNANT LE REFUS OPPOSÉ À LA DEMANDE D’UN ACCUSÉ AUX FINS DE RECEVOIR UNE VISITE AU QUARTIER PÉNITENTIAIRE

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Le Bureau du Procureur :

Mme Hildegard Uertz-Retzlaff 
M. Daniel Saxon

L’Accusé :

Vojislav Seselj

Le Conseil d’appoint :

M. Aleksandar Lazarevic

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (la « Chambre d’appel » et le « Tribunal » respectivement),

Vu la vingt-septième requête, déposée (après traduction) le 12 janvier 2004 par l’accusé Vojislav Seselj (l’« Accusé »), par laquelle ce dernier interjette, en application de l’article 73 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, un appel interlocutoire (l’« Appel interlocutoire ») de la « Décision relative à la dix-neuvième requête » rendue par la Chambre de première instance II le 30 septembre 2003 (la « Décision attaquée »), qui portait notamment rejet de la requête déposée par l’Accusé le 9 septembre 2003 aux fins de recevoir au quartier pénitentiaire la visite de Monseigneur Filaret, évêque de Mileševo (la « Requête »),

VU la réponse de l’Accusation à l’Appel interlocutoire (Prosecution’s Response to the Accused’s Appeal of the Trial Chamber’s "Decision on Motion Number 19"), déposée le 22 janvier 2004,

VU la « Décision relative à la certification d’un appel et portant prorogation du délai prévu pour le dépôt de certaines exceptions préjudicielles » rendue par la Chambre de première instance le 18 novembre 2003, qui certifiait notamment l’Appel interlocutoire,

VU la « Décision relative à la vingt-huitième requête » rendue par la Chambre de première instance le 19 décembre 2003, qui octroyait notamment à l’Accusé une prorogation du délai de dépôt de l’Appel interlocutoire (la « Décision accordant prorogation de délai »),

ATTENDU que l’Accusé demande, dans l’Appel interlocutoire, l’autorisation de recevoir au quartier pénitentiaire la visite de Monseigneur Filaret, évêque de Mileševo, principalement au motif qu’en vertu de l’article 70 du Règlement portant régime de détention des personnes en attente de jugement ou d’appel devant le Tribunal ou détenues sur l’ordre du Tribunal (IT/38/Rév. 8) en date du 22 novembre 1999 (le « Règlement portant régime de détention »), il est en droit de recevoir la visite d’un représentant de sa religion, et que le fait que Monseigneur Filaret soit interdit de séjour dans tous les États membres de l’Union européenne ne devrait pas être une raison pour refuser qu’un détenu reçoive sa visite au quartier pénitentiaire, car le « Tribunal international des Nations Unies et son quartier pénitentiaire devraient jouir de l’extraterritorialité »,

ATTENDU que la règle 32 du Règlement interne définissant les modalités des visites et des communications avec les détenus du quartier pénitentiaire des Nations Unies (IT/98/Rév. 3), daté de juillet 1999, prévoit que « [t]ous les visiteurs, autres que le conseil du détenu ou qu’un représentant du Tribunal, qui se présentent au quartier pénitentiaire doivent demander au préalable au Greffier l’autorisation de rendre visite au détenu, nommément désigné »,

ATTENDU que les paragraphes A) et B) de l’article 63 du Règlement portant régime de détention disposent respectivement que « [t]out détenu a le droit de recevoir des visites de sa famille, de ses amis et d’autres personnes, sous réserve seulement de l’article 66 ainsi que des restrictions et des mesures de surveillance que peut imposer le Commandant en consultation avec le Greffier1 », et que « le Greffier peut interdire à toute personne de visiter un détenu s’il a des raisons de croire que le but de la visite est d’obtenir des informations qui pourraient par la suite être diffusées par les médias »,

ATTENDU qu’à la lumière des dispositions qui précèdent, c’est au Greffe (dont dépend également le Commandant du quartier pénitentiaire) et non aux Chambres qu’il revient de déterminer quelles visites un accusé est autorisé à recevoir durant sa détention au quartier pénitentiaire,

ATTENDU que l’Accusé n’a fait état d’aucune demande adressée au Greffier de sa part ou de la part de Monseigneur Filaret aux fins d’autoriser la visite de ce dernier, et que c’est le Greffier et non la Chambre de première instance qui avait compétence pour trancher les questions soulevées dans la Requête,

RAPPELANT que nonobstant la mesure prise par la Chambre de première instance dans la Décision accordant prorogation de délai, il relève exclusivement de la compétence de la Chambre d’appel de se prononcer sur des demandes de prorogation de délai pour le dépôt d’appels interlocutoires, mais qu’en l’occurrence, celle-ci considère qu’il existe des motifs valables de reconnaître, ainsi qu’elle le fait par la présente décision, la validité du dépôt de l’Appel interlocutoire,

PAR CES MOTIFS,

1. REJETTE l’Appel interlocutoire,

2. DEMANDE à l’Accusé d’adresser au Greffier toute demande concernant des visites.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 29 janvier 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
___________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1. L’article 66 (en son passage pertinent) dispose ce qui suit : « Le Procureur peut demander au Greffier ou, en cas d’urgence, au Commandant d’interdire, de réglementer ou d’imposer des conditions à tout contact entre un détenu et toute autre personne, si le Procureur a des raisons de penser qu’un tel contact a i) pour but d’organiser l’évasion du détenu, ii) pourrait compromettre ou affecter de quelque manière a) l’issue des poursuites engagées contre l’intéressé ou b) celle de toute autre enquête, iii) pourrait nuire au détenu ou à toute autre personne, ou iv) si le détenu pouvait utiliser ce contact pour enfreindre une ordonnance de non divulgation rendue par un Juge ou une Chambre en vertu de l’article 53 ou de l’article 75 du Règlement de procédure et de preuve. »