Affaire n° IT-03-67-PT

Le Procureur c/ Vojislav Seselj

DÉCISION

LE GREFFIER ADJOINT,

 

VU la décision rendue par le Greffier le 8 avril 2004 (la « Décision »), suivie d’un corrigendum déposé le 13 avril 2004, concernant les privilèges dont M. Vojislav Seselj (« l’Accusé ») bénéficie en matière de communication au quartier pénitentiaire des Nations Unies (le « Quartier pénitentiaire »), et les décisions rendues précédemment sur la question, qui prévoyaient pour une nouvelle période de trente (30) jours à compter de la date indiquée, « d’interdire, sauf autorisation expresse du commandant du Quartier pénitentiaire, toute communication entre l’Accusé et des tiers, à l’exception des communications avec son conseil juridique (le cas échéant), des représentants diplomatiques ou consulaires et sa famille immédiate, sous réserve que les conversations avec sa famille soient écoutées en temps réel dans les conditions fixées par le commandant du Quartier pénitentiaire »,

ATTENDU que l’Accusé n’a pas modifié son attitude de défi vis-à-vis de la Décision et des décisions rendues précédemment en ce qui concerne ses privilèges en matière de communication et que cela reste un sujet de préoccupation,

NOTANT AVEC PRÉOCCUPATION que, le 15 avril 2004, l’Accusé a adressé une lettre à M. Tomislav Nikolic, vice-président du parti politique de l’Accusé, laquelle a été publiée dans la presse le 21 avril 2004, et qui dénonce de graves manquements de la part de certains fonctionnaires du Tribunal, dont des Juges et des membres du Bureau du Procureur et du Greffe parmi lesquels certains sont nommément désignés,

ATTENDU qu’à la suite de telles allégations formulées par l’Accusé à l’encontre de fonctionnaires du Tribunal, la Chambre de première instance II a, dans sa « Décision relative à certaines allégations figurant dans la vingt-troisième requête » du 18 novembre 2003, prévenu l’Accusé qu’elle « n’appréci[ait] guère son comportement dans cette affaire et qu’à l’avenir, toute tentative de profiter d’une audience publique pour formuler des accusations dépourvues de fondement à l’encontre de membres du personnel ou d’autres personnes en rapport avec le Tribunal sera[it] très probablement sanctionnée »,

ATTENDU qu’en formulant de telles allégations infondées, en particulier lorsque celles-ci sont si graves, l’Accusé profite abusivement de la possibilité qui lui est offerte dans la Décision et les décisions précédentes relatives aux privilèges dont il bénéficie en matière de communication d’exercer son droit de communiquer par écrit conformément aux règles en vigueur et aux pratiques en cours au Quartier pénitentiaire concernant la réception et l’envoi du courrier,

ATTENDU que, dans ladite lettre, l’Accusé a vivement insisté pour que celle-ci soit communiquée aux médias et aux sympathisants de son parti politique, au mépris du Règlement portant régime de détention des personnes en attente de jugement ou d’appel devant le Tribunal ou détenues sur l’ordre du Tribunal (le « Règlement sur la détention »), et que sa publication a donné suite à un battage dans les médias, qui ont largement relayé le fait qu’une personne qui, comme l’Accusé, doit répondre de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, puisse participer aisément à la campagne en cours pour les élections présidentielles en Serbie,

ATTENDU que l’équilibre entre les droits de l’Accusé de communiquer avec des tiers ou de recevoir des visites et le droit du Tribunal de remplir effectivement son mandat et ses fonctions, doit être apprécié dans la perspective des élections présidentielles serbes du 13 juin 2004 et d’après l’attitude de l’Accusé telle que signalée ci-dessus,

ATTENDU, PAR CONSÉQUENT, que la situation particulière en l’espèce nécessite toujours d’ordonner des mesures afin d’éviter que l’exercice illimité du droit de communiquer avec des tiers et de recevoir des visites n’aboutisse à une couverture médiatique potentiellement néfaste,

DÉCIDE, en application des articles 60 et 63 du Règlement sur la détention, et pour une nouvelle période allant du 10 mai 2004 au 13 juin 2004 (date à laquelle auront lieu les élections présidentielles), au terme de laquelle la présente décision sera reconsidérée :

d’interdire, sauf autorisation expresse du commandant du Quartier pénitentiaire, toute communication entre l’Accusé et des tiers, à l’exception des communications avec son conseil juridique (le cas échéant), des représentants diplomatiques ou consulaires et sa famille immédiate, sous réserve que les conversations avec sa famille soient écoutées en temps réel dans les conditions fixées par le commandant du Quartier pénitentiaire;

et que les pratiques en cours relativement aux communications écrites continueront de s’appliquer, de même que les règles en vigueur au Quartier pénitentiaire concernant la réception et l’envoi du courrier.

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Le Greffier adjoint
David Tolbert

[cachet du Tribunal]

Le 7 mai 2004
La Haye (Pays-Bas)