Affaire n° : IT-03-67-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel A. Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
26 mai 2004

LE PROCUREUR

c/

VOJISLAV SESELJ

_______________________________________

DÉCISION RELATIVE À L’EXCEPTION PRÉJUDICIELLE SOULEVÉE PAR VOJISLAV SESELJ POUR INCOMPÉTENCE ET VICES DE FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION

_______________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. Ulrich Mussemeyer
M. Daniel Saxon

L’Accusé :

Vojislav Seselj

Le Conseil d’appoint :

M. Tjaco Eduard van der Spoel

I. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

1. Le 14 février 2003, l’acte d’accusation initial établi à l’encontre de Vojislav Seselj (l’« Acte d’accusation ») a été examiné et confirmé par M. le Juge O-Gon Kwon.

2. Le 24 décembre 2003, l’accusé a soulevé une exception préjudicielle (l’« Exception préjudicielle ») pour incompétence et vices de forme de l’Acte d’accusation.

3. L’Accusation a déposé le 29 janvier 2004 sa réponse à l’Exception préjudicielle (Prosecution’s Response to the Accused’s « Objection to the Indictment »), la « Première Réponse », et le 19 février 2004, sa réponse complémentaire à l’Exception préjudicielle (Prosecution’s Additional Response to the Accused’s Objection to the Indictment) (formant avec la Première Réponse, la « Réponse de l’Accusation  »), dans laquelle elle demande à la Chambre de première instance II (la « Chambre de première instance ») de rejeter l’Exception préjudicielle.

4. L’accusé doit répondre, sur la base de l’article 7 1) du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Statut »), de quatorze chefs de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre. Il est accusé de :

a) crimes contre l’humanité, pour persécutions à caractère politique, racial ou religieux (chef 1), extermination (chef 2), assassinat (chef 3), emprisonnement (chef 5), torture (chef 6), actes inhumains (chef 7), expulsion (chef 10) et actes inhumains (transfert forcé) (chef 11) ;

b) violations des lois ou coutumes de la guerre, pour meurtre (chef 4), torture (chef 8), traitement cruel (chef 9), destruction sans motif de villages ou dévastation non justifiées par les exigences militaires (chef 12), destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’éducation (chef 13) et pillage de biens publics ou privés (chef 14).

5. Il faut tout d’abord noter que l’Exception préjudicielle, rédigée dans un style abscons, comporte bien des lourdeurs et des redites, ce qui a imposé à la Chambre de première instance des efforts inutilement longs pour déterminer avec précision l’ensemble des objections soulevées par l’accusé. Malgré ces obstacles, la Chambre de première instance a relevé des objections dans trois grands domaines :

a) la légalité du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le « Tribunal  ») et la compétence du Conseil de sécurité pour créer le Tribunal,

b) la compétence rationae materiae du Tribunal, principalement en ce qui concerne les crimes contre l’humanité qui auraient été commis en Voïvodine, et

c) la forme de l’Acte d’accusation.

6. La Chambre de première instance examinera l’un après l’autre chacun des principaux arguments avancés par l’accusé.

II. LÉGALITÉ DU TRIBUNAL ET COMPÉTENCE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ

7. S’agissant de la création du Tribunal, l’accusé a avancé dans l’Exception préjudicielle trois grands arguments :

a) le Conseil de sécurité n’est pas compétent pour créer le Tribunal,

b) le Tribunal a violé le principe de légalité en se déclarant compétent pour juger des crimes qui auraient été commis avant le 25 mai 1993,

c) le Tribunal et son Statut ne servent qu’à poursuivre des Serbes.

A. Compétence du Conseil de sécurité

1. La Défense

8. L’accusé déclare que pour être valablement et légalement institué, le Tribunal n’aurait pas dû être créé au mépris des dispositions du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies (la « Charte »), puisque le Conseil de sécurité n’a pas le pouvoir de créer un organe subsidiaire qui soit une juridiction internationale1. L’accusé se fonde sur un certain nombre d’affirmations pour justifier sa position  : un tribunal légitime ne pourrait être créé que par voie de traité (l’adoption du Statut de la Cour pénale internationale – Statut de Rome – est donné en exemple 2) ; la Charte ne donnerait pas compétence au Conseil de sécurité pour créer des tribunaux internationaux ou pour déléguer un pouvoir judiciaire qu’il ne possède pas lui-même3  ; le principe de la séparation des pouvoirs ne permettrait pas à un organe exécutif tel que le Conseil de sécurité de créer un organe judiciaire, ce pouvoir étant réservé au législatif (il en va de même du Pacte international relatif aux droits civils et politiques4) ; la Charte des Nations Unies n’autoriserait aucun organe des Nations Unies à juger des individus5  ; le caractère temporaire du Tribunal jette un doute sur son indépendance et son impartialité6.

2. L’Accusation

9. L’Accusation avance en premier lieu que les objections de l’accusé sortent du cadre de l’article 72 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »). Toutefois, elle affirme que, si la Chambre de première instance souhaitait néanmoins les examiner, l’Arrêt relatif à l’exception préjudicielle d’incompétence, rendu dans l’affaire Le Procureur c/ Dusko Tadic7 (l’« Arrêt Tadic relatif à la compétence ») et faisant autorité sur la question, justifierait le rejet de l’exception d’incompétence de l’accusé.

3. Examen

10. La Chambre de première instance doit tout d’abord établir si ce point de l’Exception préjudicielle entre ou non dans le cadre de l’article 72 du Règlement, lequel article définit le type d’exceptions préjudicielles pouvant être soulevées devant la Chambre de première instance. Les exceptions d’incompétence sont autorisées sous réserve des précisions apportées dans le paragraphe D) de l’article 72, lequel paragraphe a été inséré dans le Règlement en décembre 2000. Aux termes de ce paragraphe, l’exception d’incompétence doit se rapporter exclusivement à des questions relatives  : i) à l’une des personnes visées aux articles 1, 6, 7 et 9 du Statut ; ii) aux territoires mentionnés aux articles 1, 8 et 9 du Statut ; iii) à la période indiquée aux articles 1, 8 et 9 du Statut ; ou iv) à l’une des violations sanctionnées par les articles 2, 3, 4, 5 et 7 du Statut (non souligné dans l’original). Les quatre conditions de validité des exceptions d’incompétence énumérées au paragraphe D) de l’article 72 ne le sont pas à titre d’exemple mais constituent une liste exhaustive.

11. L’examen des objections soulevées par l’accusé montre clairement que celles- ci ne satisfont à aucune des quatre conditions susvisées. Par conséquent, ce point de l’Exception préjudicielle doit être rejeté.

12. De plus, les objections soulevées par l’accusé ont déjà été examinées par le Tribunal dans des décisions antérieures et en particulier par la Chambre d’appel dans l’Arrêt Tadic relatif à la compétence. Même si ces objections entraient dans le champ d’application de l’article 72 du Règlement, elles seraient rejetées eu égard à la jurisprudence établie du Tribunal. La Chambre de première instance considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner plus avant ce point.

B. Compétence du Tribunal pour juger des crimes commis avant le 25 mai 1993

1. La Défense

13. L’accusé fait valoir que le Tribunal ne peut se déclarer compétent que pour les crimes commis depuis le 25 mai 1993, date à laquelle le Conseil de sécurité a créé le Tribunal par voie de résolution. L’accusé soulève un certain nombre d’objections à ce propos. Premièrement, il affirme que le Tribunal ne peut se déclarer rétroactivement compétent puisqu’il n’a été créé qu’en mai 19938. Deuxièmement, entre 1991 et mai 1993, il existait en ex-Yougoslavie des juridictions habilitées à juger des personnes accusées de violations du droit international humanitaire. Troisièmement, une personne ne peut être tenue responsable de crimes au regard du droit international que si ceux-ci sont sanctionnés par une convention ratifiée par un État et transposée en droit interne9. Quatrièmement, lorsque le Tribunal et les juridictions nationales sont concurremment compétents pour poursuivre certaines personnes, cas prévu à l’article 9 du Statut, des divergences peuvent se faire jour entre eux quant à la définition et à l’interprétation des éléments constitutifs d’un crime donné10. Enfin, la Défense avance qu’il est contraire aux principes généraux du droit de reprocher à un accusé d’avoir enfreint des lois qui lui sont étrangères et inconnues, et qui n’ont jamais été publiées dans son propre pays11, alors qu’il était de ce fait privé de toute possibilité de s’informer de ce qui est censé être interdit12.

2. L’Accusation

14. Dans sa réplique, l’Accusation met en avant tant l’article 8 du Statut qui définit la compétence rationae temporis du Tribunal que le rapport du Secrétaire général qui voit dans la création du Tribunal un bon moyen de traduire en justice les responsables de crimes tombant sous le coup dudit Statut. L’Accusation cite également des décisions du Tribunal démontrant que le pouvoir qu’il a de juger les graves violations du droit international humanitaire commises depuis 1991 est en tous points conforme au principe de légalité13. Enfin, l’Accusation affirme que, comme le montre la jurisprudence du Tribunal, les Nations Unies n’ont pas érigé en crimes la violation de l’une quelconque des règles du droit international humanitaire, mais qu’elles ont simplement permis au Tribunal d’identifier et d’appliquer le droit international coutumier tel qu’il existait à l’époque où les crimes auraient été commis.

3. Examen

15. Ce n’est pas la première fois qu’un organe judiciaire se voit reconnaître une compétence rétroactive en droit interne ou en droit international. Par exemple, les procès de Nuremberg portaient en fait sur des infractions antérieures à la création du tribunal militaire. Ce qui importe lorsqu’on répond à une objection comme celle qui est soulevée par l’accusé, c’est de savoir si la juridiction en question est reconnue rétroactivement compétente pour juger des actes qui constituaient des crimes avant sa création. En l’occurrence, la Chambre de première instance relève que le Statut du Tribunal n’a créé aucune nouvelle catégorie de crimes en droit international humanitaire. Le Tribunal ne fait qu’appliquer le droit international coutumier existant et il peut par conséquent juger les crimes pour lesquels il est compétent rationae temporis, aux termes de l’article 8 du Statut (1er janvier 1991). Telle était déjà sans conteste la position adoptée par le Secrétaire général des Nations Unies dans son rapport du 3 mai 1993, lequel indique qu’« en confiant au Tribunal international la tâche de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire, le Conseil de sécurité ne créerait pas ce droit ni ne prétendrait “légiférer” à cet égard. C’est le droit international humanitaire existant que le Tribunal international aurait pour tâche d’appliquer14.  » Ce point de vue a été plusieurs fois confirmé par le Tribunal lui-même, notamment dans l’Arrêt Celebici, dans lequel la Chambre d’appel a déclaré qu’elle «  ne fai[sai]t qu’identifier et appliquer le droit international coutumier existant . Par conséquent, l’argument de l’accusé, selon lequel le Tribunal aurait créé de nouvelles règles du droit international humanitaire, nouvelles pour l’accusé ou étrangères à ce dernier, ne tient pas. De même, son argument selon lequel une personne ne peut être tenue pénalement responsable de crimes au regard du droit international que si ceux-ci sont sanctionnés par une convention, ratifiée par un État, transposée en droit interne et rendue publique, est sans fondement. Le concept même de droit international coutumier implique que ses règles sont contraignantes par elles-mêmes et qu’elles n’ont pas à être explicitement adoptées par les États.

16. L’application par le Tribunal du droit international coutumier existant ne devrait toutefois pas donner à penser que le principe de légalité empêche le Tribunal d’interpréter et de préciser les éléments constitutifs d’un crime donné (comme l’a affirmé la Chambre d’appel dans l’Arrêt Aleksovski15).

17. L’argument tiré par l’accusé de l’existence de juridictions nationales compétentes pour juger les crimes commis avant la création du Tribunal ne peut pas non plus être retenu. Le Statut du Tribunal et la jurisprudence existante sont très clairs à ce sujet. Tout d’abord, aux termes de l’article 8 du Statut, la compétence rationae temporis du Tribunal s’étend à la période commençant le 1er janvier  1991. L’objection formulée par l’accusé contre pareille compétence rétroactive a déjà été débattue et rejetée. Ensuite, l’article 9 du Statut reconnaît clairement l’existence de juridictions nationales. Son paragraphe 1) indique que le Tribunal et ces juridictions nationales sont concurremment compétentes, mais son paragraphe  2) donne clairement au Tribunal la primauté sur ces dernières. Qui plus est, la Chambre d’appel a confirmé à ce propos que : « les droits souverains des États ne peuvent pas et ne devraient pas l’emporter sur le droit de la communauté internationale à agir de façon appropriée dans la mesure où ces crimes touchent l’ensemble de l’humanité et suscitent l’indignation de toutes les nations. Il ne peut, par conséquent, y avoir d’objection à ce qu’un tribunal [international] légalement constitué juge ces crimes au nom de la communauté internationale16.

18. Par ces motifs, les objections de l’accusé relatives à la compétence du Tribunal pour juger des crimes commis avant le 25 mai 1993 sont rejetées.

C. Poursuites engagées contre les Serbes

1. La Défense

19. L’accusé affirme dans son Exception préjudicielle que le Statut du Tribunal a été rédigé de manière à ne poursuivre que des Serbes et qu’il n’est poursuivi que parce qu’il est serbe17.

2. L’Accusation

20. L’Accusation rétorque que les articles 16 et 18 du Statut chargent clairement le Procureur d’ouvrir une information et d’engager des poursuites contre les personnes qui seraient coupables de violations graves du droit international humanitaire. De plus, elle affirme que, comme il a été précisé dans l’Arrêt Celebici, c’est à l’accusé d’établir l’existence de poursuites discriminatoires, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

3. Examen

21. La Chambre d’appel a déjà estimé dans l’Arrêt Celebici que le Procureur disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour ouvrir une information et établir des actes d’accusation18. Il tient ce pouvoir de l’article 18 1) du Statut. Il est toutefois évident qu’un tel pouvoir n’est pas illimité19. Le critère adopté dans l’Arrêt Celebici peut s’appliquer en l’espèce. Ce critère impose à l’accusé de démontrer i) que les poursuites sont inspirées par un motif illégal ou illégitime (notamment discriminatoire) et ii) que d’autres personnes placées dans une situation similaire n’ont pas fait l’objet de poursuites. Or, si l’accusé a affirmé n’être poursuivi qu’en raison de sa nationalité, il ne s’en est pas expliqué. De plus, comme le montre clairement la pratique suivie par le Tribunal, des poursuites ont été engagées contre des individus de toute origine ethnique. Par conséquent, la Chambre de première instance rejette cette objection.

III. OBSERVATIONS LIMINAIRES RELATIVES AUX RÈGLES GÉNÉRALES DE PRÉSENTATION DE L’ACTE D’ACCUSATION

22. La Chambre de première instance a établi les règles générales de présentation suivantes qui peuvent s’appliquer en l’espèce20.

23. L’article 21 4) a) du Statut énonce les garanties minimales données aux accusés. En bref, l’accusé doit être informé de façon détaillée de la « nature et des motifs de l’accusation portée contre Slui21 C ». Cet article s’applique également à la forme de l’Acte d’accusation22. Il incombe à l’Accusation d’exposer les faits essentiels qui justifient les accusations portées dans l’Acte d’accusation, mais pas les éléments de preuve qui permettraient de les établir23. Pour qu’un acte d’accusation soit suffisamment précis, il faut en particulier qu’il expose ces faits essentiels de manière assez circonstanciée pour informer clairement l’accusé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui afin qu’il puisse préparer efficacement sa défense24.

24. La Chambre d’appel a clairement déclaré dans l’Arrêt Kupreskic que «  l’on ne peut décider dans l’abstrait qu’un fait est ou non essentiel ». Tout « dépend de la nature de la cause de l’Accusation25 . En outre, la Chambre d’appel a estimé que la nature du comportement criminel reproché à l’accusé26, notamment le lien présumé de ce dernier avec les faits incriminés, constituait un élément décisif pour déterminer le degré de précision nécessaire pour l’exposé des faits de l’espèce dans l’Acte d’accusation27. Les précisions à donner quant aux faits essentiels sont celles qui se rapportent aux agissements de l’accusé, et non aux actes commis par les personnes dont il est présumé responsable 28.

25. Si l’accusé est mis en cause sur la base de l’article 7 1) du Statut, l’Accusation peut être tenue, vu les circonstances de l’espèce, « d’indiquer précisément et expressément, pour chaque chef d’accusation, la nature de la responsabilité alléguée », autrement dit la ou les formes de responsabilité en cause29. Cela peut s’avérer nécessaire pour éviter toute ambiguïté quant à la nature et la cause exactes des accusations portées contre l’accusé30 et pour permettre à celui-ci de préparer efficacement sa défense. Les faits essentiels à exposer dans un acte d’accusation peuvent varier en fonction de la forme de responsabilité en cause, vu l’article 7 1) du Statut31.

26. Lorsqu’il est reproché à un accusé d’avoir « commis » un crime au sens de l’article  7 1) du Statut, l’acte d’accusation doit préciser s’il l’a matériellement « commis  » ou s’il a participé à une entreprise criminelle commune32.

27. S’agissant des précisions à apporter quant à la responsabilité découlant de la participation à une entreprise criminelle commune, la Chambre de première instance rappelle la décision de la Chambre d’appel concernant les éléments objectifs de ce type de participation :

a) Pluralité des accusés. Ceux-ci ne doivent pas nécessairement relever d’une structure militaire, politique ou administrative, comme le montrent clairement l’affaire du lynchage d’Essen et l’affaire Kurt Goebell.

b) Existence d’un projet, dessein ou objectif commun qui consiste à commettre un des crimes visés dans le Statut ou en implique la perpétration. Ce projet, dessein ou objectif ne doit pas nécessairement avoir été élaboré ou formulé au préalable. Le projet ou objectif commun peut se concrétiser de manière inopinée et se déduire du fait que plusieurs individus agissent de concert en vue de mettre à exécution une entreprise criminelle commune.

c) Participation de l’accusé au dessein commun impliquant la perpétration de l’un des crimes prévus au Statut. Cette participation n’implique pas nécessairement la consommation d’un des crimes spécifiques repris dans les dispositions du Statut (meurtre, extermination, torture, viol, etc.) mais peut prendre la forme d’une assistance ou d’une contribution en vue de la réalisation du projet ou objectif commun33.

28. Doivent également être indiqués dans l’acte d’accusation mettant en cause un accusé en raison de sa participation à une entreprise criminelle commune :

a) la nature ou l’objectif de l’entreprise criminelle commune,

b) l’époque où l’entreprise aurait existé,

c) l’identité des participants à cette entreprise – pour autant qu’elle est connue – ou du moins la catégorie à laquelle ils appartiennent en tant que groupe, et

d) la nature de la participation de l’accusé à cette entreprise34.

29. Toutes les conditions juridiques nécessaires pour conclure à la réalité des infractions reprochées constituent des faits essentiels qui doivent être exposés dans l’acte d’accusation35. En ce qui concerne l’élément moral (mens rea), il convient soit de préciser l’intention même qui animait l’accusé (auquel cas les faits permettant d’établir ce point essentiel participent ordinairement des moyens de preuve et un exposé n’est pas nécessaire ), soit d’exposer les faits d’où cette intention devrait être déduite36.

30. En général, tout fait essentiel doit être exposé expressément, bien qu’il suffise, dans certains cas, qu’il soit forcément sous-entendu37. Cette règle fondamentale de présentation n’est toutefois pas respectée si l’existence des conditions nécessaires est simplement présumée dans l’acte d’accusation38.

31. En règle générale, un acte d’accusation, principal instrument de mise en accusation, doit présenter, de manière suffisamment détaillée, les points essentiels de l’argumentation de l’Accusation, faute de quoi il serait entaché d’un vice grave39. Étant donné l’importance fondamentale de l’acte d’accusation, le Procureur ne saurait le purger du vice qui l’entache en présentant des documents à l’appui et un mémoire préalable au procès40. Si l’Accusation ne peut, faute de disposer des informations nécessaires, exposer dans l’acte d’accusation les faits essentiels avec le degré de précision exigé, on doit en pareil cas se demander s’il n’y a pas quelque iniquité, pour l’accusé, à ouvrir le procès41. L’Accusation doit, comme il est indiqué plus haut, informer l’accusé avant le procès de la nature et des motifs des accusations qu’elle porte. Il n’est pas acceptable que l’Accusation passe sous silence dans l’acte d’accusation des faits essentiels afin de pouvoir revoir son argumentaire au fur et à mesure que les éléments de preuve sont dévoilés42. Il arrive que la présentation des moyens de preuve ne se passe pas comme prévu et il se peut alors qu’il faille modifier l’acte d’accusation, que le procès soit suspendu ou que certains éléments de preuve soient exclus parce que débordant le cadre de l’acte d’accusation 43.

32. L’Accusation n’est pas tenue d’exposer les éléments de preuve permettant d’établir les faits essentiels en question44.

IV. COMPÉTENCE RATIONAE MATERIAE

1. La Défense

33. L’accusé fait valoir qu’il faudrait supprimer dans les chefs 1, 10 et 11 de l’Acte d’accusation toute référence à la Voïvodine, le Procureur n’ayant pas montré dans cet Acte d’accusation que toutes les conditions d’application de l’article  5 du Statut (crimes contre l’humanité45) étaient réunies. Tout d’abord, l’accusé avance qu’il n’y avait pas de conflit armé en Voïvodine (et que même s’il y en avait un, on considère que le Plan Vance-Owen y a mis fin46). De plus, il affirme que s’il existait un conflit armé, la population civile n’en a pas été victime. Enfin, il fait valoir que si des attaques ont été dirigées contre les civils, elles n’étaient pas systématiques ou collectives par nature et il n’y avait pas de lien entre ces attaques et le conflit armé contrairement à ce qu’indique l’Acte d’accusation 47. Outre les arguments relatifs aux conditions nécessaires à l’application de l’article 5 du Statut, l’accusé met également en avant le fait que la Voïvodine ne faisait pas partie du territoire relevant de la compétence du Tribunal, tel qu’il est défini aux articles 1 et 8 du Statut, puisque ce dernier n’a été adopté qu’en 1993 et que les crimes reprochés à l’accusé auraient été commis une année auparavant48. Le Tribunal ne pourraient donc pas connaître des crimes qui auraient été commis en Voïvodine avant sa création.

2. L’Accusation

34. L’Accusation demande que l’argument tiré de l’absence de conflit armé soit rejeté pour trois raisons. Premièrement, elle avance que la preuve de l’existence d’un conflit armé doit être apportée pendant le procès et qu’en tout état de cause, les agissements de l’accusé sont liés sur le plan géographique et temporel à ce conflit armé. En outre, la Chambre d’appel aurait apporté des précisions quant à la définition du conflit armé en déclarant que le droit international humanitaire s’applique dès le début de ce genre de conflit armé et, par-delà la fin des hostilités, jusqu’à la conclusion de l’accord général de paix. Jusque là, le droit international humanitaire continue de s’appliquer sur l’ensemble du territoire des États belligérants, qu’il y ait effectivement ou non des combats dans une région particulière49. Deuxièmement, l’Accusation attire l’attention sur les interrogatoires de l’accusé qui selon elle démontrent qu’il a admis l’existence d’un conflit armé50. Troisièmement, l’Accusation considère que le Plan Vance-Owen n’a en 1992 rien changé à l’état de conflictualité qui régnait alors, un règlement général n’étant intervenu qu’avec la signature des Accords de Dayton en décembre 1995.

35. L’Accusation demande que les autres objections de l’accusé portant sur la compétence rationae materiae du Tribunal soient rejetées, la Chambre de première instance n’étant tenue de se prononcer que sur les vices de forme de l’Acte d’accusation. De plus, l’Accusation fait valoir que la Chambre d’appel a souligné dans l’Arrêt  Kunarac que « dans le contexte des crimes contre l’humanité, l’attaque ne se limite pas au recours à la force armée et comprend également tous mauvais traitements infligés à la population civile51 . Enfin, et pour répondre à l’accusé qui a affirmé que les attaques n’étaient pas systématiques ou collectives par nature, l’Accusation indique qu’elle a exposé comme il convient au paragraphe 14 de l’Acte d’accusation l’élément juridique de l’attaque systématique dont elle ne peut apporter la preuve qu’au procès.

3. Examen

36. L’Accusation a indiqué dans l’Acte d’accusation que « la Croatie et la Bosnie -Herzégovine étaient le théâtre d’un conflit armé » et qu’« [i]l existait un lien entre ce conflit armé et les crimes présumés commis en Croatie, en Bosnie Herzégovine et dans certaines parties de la Voïvodine, en Serbie52 . Au chef 1 de l’Acte d’accusation (Persécutions) [paragraphe 17 g)], l’Accusation reproche à l’accusé « l’application de mesures restrictives et discriminatoires à l’encontre des civils non serbes, notamment croates et musulmans » dans plusieurs régions dont « certaines parties de la Voïvodine, en Serbie ». De même, il est fait état dans ce même chef [paragraphe 17 i)] de l’expulsion ou du transfert forcé de civils hors de plusieurs régions dont « certaines parties de la Voïvodine, en Serbie. Toutefois, l’Acte d’accusation n’indique pas explicitement si la Voïvodine était le théâtre d’un conflit armé.

37. Dans sa réponse complémentaire à l’Exception préjudicielle de l’accusé, l’Accusation est plutôt vague quant à la situation en Voïvodine. Elle fait parfois fait état d’un « conflit armé en cours en ex-Yougoslavie53  » et parfois d’« un lien […] entre le comportement de l’accusé à Hrtkovci [Voïvodine]  » et le « conflit armé qui embrasait alors d’autres régions de l’ex-Yougoslavie54 ». L’accusé ignore par conséquent si l’Accusation affirme que l’ensemble du territoire de l’ex-Yougoslavie, Voïvodine comprise, était le théâtre d’un conflit armé ou seulement la Croatie et la Bosnie -Herzégovine.

38. La Chambre de première instance rappelle les règles de présentation applicables énoncées dans la troisième partie (supra) et ajoute que pour qu’un acte d’accusation soit suffisamment précis, il faut en particulier qu’il expose les faits essentiels de manière assez circonstanciée pour informer clairement l’accusé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui afin qu’il puisse préparer sa défense55. Comme il a été signalé plus haut, bien que l’Acte d’accusation indique que la Croatie et la Bosnie-Herzégovine étaient le théâtre d’un conflit armé, il ne précise pas si la Voïvodine l’était également.

39. Certaines conditions doivent être réunies pour qu’un crime tombe sous le coup de l’article 5 du Statut. Aux termes de cet article, le Tribunal n’est compétent pour juger des crimes contre l’humanité que « lorsqu’ils ont été commis au cours d’un conflit armé, de caractère international ou interne ». Selon la jurisprudence bien établie du Tribunal, dont l’Arrêt Kunarac est l’expression, l’« exigence énoncée à l’article 5 du Statut n’est qu’une condition préalable à l’exercice de la compétence, et elle est satisfaite dès lors qu’est prouvée l’existence d’un conflit armé et qu’il est établi qu’il existait un lien objectif du point de vue géographique et temporel entre les actes de l’accusé et le conflit armé56. Il est clair que le Tribunal ne peut juger en application de l’article 5 du Statut les crimes qui, selon l’Accusation, auraient été commis en Voïvodine que s’il existait un conflit armé dans cette région à l’époque des faits57.

40. L’Accusation est dès lors invitée à lever toute ambiguïté dans l’exposé des faits (ainsi que dans les allégations et accusations ou une partie des accusations qu’il sous-tend) s’agissant de la Voïvodine et de la question du conflit armé. C’est à l’Accusation de décider de conserver ou non les chefs d’accusation retenus contre l’accusé à propos de la Voïvodine. Si l’Accusation décide de ne pas faire état de l’existence d’un conflit armé en Voïvodine, il lui faudra supprimer dans l’Acte d’accusation tous les chefs qui se rapportent à cette région. Si elle tient à conserver ces chefs d’accusation, il lui faudra faire état de l’existence d’un conflit armé à l’époque des faits.

41. Mise à part la question de la mention d’un conflit armé en Voïvodine, tous les autres griefs de l’accusé qui sont examinés ici portent sur des points à établir. La question de savoir si l’un des territoires mentionnés dans l’Acte d’accusation ou la Voïvodine était le théâtre d’un conflit armé (si l’Accusation persiste à faire état d’un tel conflit) est un point à établir, de même que la question de savoir si, à supposer qu’il y ait eu un tel conflit, la population civile en a été victime, et si les attaques dirigées contre la population civile étaient systématiques ou collectives par nature et liées au conflit armé. La Chambre de première instance estime que ces griefs n’ont pas à être tranchés dans une décision portant sur une exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation, mais qu’elles devraient être examinées pendant le procès. Ces griefs sont rejetés.

42. L’accusé fait enfin valoir que la Voïvodine ne faisait pas partie du territoire relevant de la compétence du Tribunal (tel que défini aux articles 1 et 8 du Statut ), car le Statut du Tribunal n’a été adopté qu’en 1993 et les crimes en cause auraient été commis en 1992. La question de la rétroactivité a déjà été examinée plus haut 58 et point n’est besoin d’y revenir. Cette objection est également rejetée.

V. FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION

43. L’accusé a soulevé un certain nombre d’objections relatives à la forme de l’Acte d’accusation. Dans un souci de clarté, la Chambre examinera séparément les objections concernant l’exposé se rapportant à l’entreprise criminelle commune et celles plus générales, touchant à la forme de l’Acte d’accusation.

A. Objections relatives à la forme de l’Acte d’accusation

1. La Défense

44. L’accusé avance de manière générale que les éléments de preuve ou les faits exposés dans l’Acte d’accusation sont insuffisants pour étayer les accusations qui y sont portées et il attire l’attention sur plusieurs passages de l’Acte d’accusation qui selon lui présenteraient des lacunes et insuffisances et devraient être supprimés 59. L’Exception préjudicielle se fonde sur un certain nombre d’arguments présentés ci-dessous qui étayent cette position.

a) L’accusé fait valoir que l’Acte d’accusation n’expose pas les faits liés à chacun des chefs d’accusation qui sont retenus contre lui. Ainsi, l’Accusation n’y présente aucun fait ou élément de preuve en ce qui concerne :

i) la liste des personnes expulsées ou des personnes ayant reçu l’ordre de procéder aux expulsions60,

ii) la manière dont ces personnes ont été expulsées et le lieu de destination61,

iii) la liste des victimes des crimes allégués62  ;

b) L’Acte d’accusation ne précise pas où et quand l’accusé a donné l’ordre à des membres de son parti de menacer des civils63  ;

c) L’Accusation n’a exposé aucun fait de nature à établir un lien géographique et temporel entre les propos ou les actes de l’accusé et les crimes qui lui sont reprochés 64 ;

d) L’Acte d’accusation n’établit pas l’existence d’un conflit armé en Voïvodine65  ;

e) L’Acte d’accusation n’apporte pas la preuve que des attaques auraient été dirigées contre la population civile66 ;

f) L’Acte d’accusation n’apporte aucune preuve de l’intention de l’accusé67  ;

g) L’accusation d’expulsion revient à deux reprises dans l’Acte d’accusation : au chef 1 Sparagraphe 17 i)C et au chef 10 (paragraphe 3068)  ;

h) Il n’est pas précisé dans l’Acte d’accusation ce que l’accusé a planifié, commis et ordonné, et à qui ces ordres s’adressaient69  ;

i) L’Acte d’accusation ne précise pas comment l’accusé a aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter des crimes et il ne donne pas non plus de détails sur les discours et communications évoqués70.

2. L’Accusation

45. L’Accusation rétorque que, selon la jurisprudence du Tribunal, l’Accusation n’a pas à présenter dans l’Acte d’accusation des éléments de preuve ou un aperçu des preuves qu’elle entend produire à l’appui de son argumentation et qu’elle n’a en particulier pas à fournir de listes du genre de celles qui sont invoquées par l’accusé. D’après l’Accusation, l’argument de la Défense est dépourvu de pertinence à ce stade de la procédure et devrait donc être rejeté.

3. Examen

46. Comme il a été indiqué plus haut et rappelé dans le cadre des règles de présentation applicables, énoncées dans la troisième partie, l’Accusation n’est pas tenue de présenter dans l’acte d’accusation les éléments de preuve sur lesquels elle s’appuiera au procès. La Chambre de première instance estime que pour ce qui est de la plupart des arguments de l’accusé résumés au paragraphe 44 ci-dessus, l’Acte d’accusation comporte un exposé des faits et des éléments juridiques suffisamment précis pour informer clairement l’accusé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui et lui permettre de préparer efficacement sa défense.

47. S’agissant de l’argument de l’accusé relatif à son intention, la Chambre de première instance relève qu’il est dûment fait référence aux paragraphes 5 à 11 (et notamment au paragraphe 7) de l’Acte d’accusation à l’état d’esprit et à l’intention de l’accusé. Par exemple, il est précisé au paragraphe 7 de l’Acte d’accusation que l’accusé « avait la connaissance et l’intention nécessaires pour la commission de chacun des crimes ». De plus au paragraphe 10, il est donné plusieurs exemples des activités de l’accusé qui sont révélatrices de son intention. La preuve ou la « démonstration » d’une telle intention est une question à examiner au procès et l’appréciation de cette preuve est une autre question que la Chambre de première instance devra trancher à l’issue du procès. Quant à l’accusation d’expulsion qui reviendrait à deux reprises aux chefs 1 et 10 de l’Acte d’accusation, sa réitération se justifie pleinement dans la mesure où l’accusation de persécutions portée en application de l’article 5 h) du Statut peut également inclure celle d’expulsion en tant que forme de persécution relevant de cet article. Dans le Jugement Vasiljevic , la Chambre de première instance a déclaré que l’« acte ou omission constitutif du crime de persécution peut revêtir des formes diverses, et il n’existe pas de liste exhaustive d’actes assimilables à des persécutions. Celles-ci peuvent englober des actes prévus dans le Statut, tout comme d’autres qui n’y figurent pas71.  » L’Accusation est en droit de retenir dans l’Acte d’accusation des crimes en tant que tels et en tant qu’actes constitutifs de persécutions. Enfin, s’agissant des arguments de l’accusé résumés aux points h) et i) du paragraphe 44 de la présente Décision, la Chambre de première instance considère que l’Acte d’accusation est suffisamment précis pour ce qui est de la question de savoir ce que l’accusé aurait planifié, commis et ordonné ou de toute autre manière aidé et encouragé à faire. Pour ne citer que quelques exemples, il est précisé comme il convient aux points e) à g) du paragraphe 10 de l’Acte d’accusation que l’accusé a participé à la «  planification et à la préparation de la prise de contrôle des villages », qu’il a contribué à « fournir un soutien financier, matériel, logistique et politique , qu’il a pris part au recrutement « des volontaires serbes » qui ont ensuite joué un rôle « dans le déplacement forcé » de la population non serbe. Il est indiqué au paragraphe 15 de l’Acte d’accusation que l’accusé « a planifié, ordonné, incité à commettre, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé » la persécution des populations civiles non serbes, notamment croate et musulmane dans certains territoires. L’Accusation précise au paragraphe 16 de l’Acte d’accusation comment plusieurs groupes organisés, dont des unités de volontaires et paramilitaires «  recrutés et/ou poussés par Vojislav Seselj », ont attaqué et pris « le contrôle de villes et de villages », et indique au paragraphe 17 la nature des persécutions qui auraient été commises. De même, l’Accusation indique aux paragraphes 19 à 21 de l’Acte d’accusation la nature des crimes allégués, et précise que l’accusé y a participé.

48. Par conséquent, ces objections sont rejetées.

B. Insuffisance de l’exposé concernant l’entreprise criminelle commune

1. La Défense

49. L’accusé avance que le Statut du Tribunal ne permet pas de recourir à la notion d’« entreprise criminelle commune », et qu’en parlant de la participation de l’accusé à une telle entreprise, l’Accusation se méprend sur le sens à donner à l’article  7 du Statut72. L’accusé se plaint également que l’Accusation n’a pas présenté de liste complète des membres identifiables de l’entreprise criminelle commune et qu’il ne connaît pas ceux de ses membres dont le nom est donné dans l’Acte d’accusation73. Enfin, l’accusé fait valoir que l’Acte d’accusation donne à penser abusivement que des millions de Serbes auraient pris part à l’entreprise criminelle commune74.

2. L’Accusation

50. Citant la jurisprudence du Tribunal, l’Accusation avance qu’elle a exposé comme il convient la théorie de l’entreprise criminelle commune75. Selon elle, les arguments de la Défense ne sont pas pertinents au stade de la mise en état et devraient être rejetés.

3. Examen

51. Bien que la Défense ne soulève aucune objection particulière à ce propos, une remarque s’impose au sujet du libellé du paragraphe 11 de l’Acte d’accusation d’où il ressort que l’accusé est individuellement pénalement responsable au regard de l’article 7 1) du Statut du fait de sa participation à une entreprise criminelle commune : « de même qu’il est responsable Sau regard de ce même articleC pour avoir planifié, ordonné, incité à commettre, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces crimes ». La Chambre de première instance considère que cet énoncé est ambigu puisque l’Acte d’accusation indiquait précédemment que par le terme « commis », elle entendait la participation de l’accusé à une entreprise criminelle commune. La Chambre de première instance enjoint donc à l’Accusation de lever cette ambiguïté.

52. Il faut rappeler que la Chambre d’appel a déclaré que le concept d’entreprise criminelle commune « en tant que forme de responsabilité du coauteur » était déjà bien établi en droit international coutumier avant la création du Tribunal et qu’il a de plus été consacré dans le Statut du Tribunal international76. L’accusé n’a avancé aucun argument nouveau qui n’ait déjà été examiné dans l’Arrêt  Tadic relatif à la compétence ou dans l’Arrêt Ojdanic et qui pourrait convaincre la Chambre de première instance de s’écarter de la jurisprudence établie du Tribunal77. Dès lors, l’objection fondée sur le fait que la théorie d’entreprise criminelle commune serait nouvelle et ne trouverait pas son fondement dans le droit international humanitaire est rejetée par la Chambre de première instance.

53. Pour répondre aux objections soulevées par l’accusé concernant les conditions nécessaires pour faire valablement état d’une entreprise criminelle commune, la Chambre de première instance rappelle les règles applicables de la présentation de l’Acte d’accusation, énoncées dans la troisième partie. Un fait est essentiel ou non selon que l’accusé est plus ou moins étroitement lié aux événements dont il est tenu pénalement responsable78 et en l’espèce, l’accusé n’est pas présumé avoir personnellement commis les crimes allégués.

Exposé concernant l’entreprise criminelle commune

54. La Chambre de première instance va à présent examiner l’exposé fait dans l’Acte d’accusation concernant chacun des quatre éléments dégagés dans l’affaire Krnojelac et mis en exergue dans le cadre des règles de présentation de l’Acte d’accusation, afin de déterminer si l’Accusation a invoqué comme il convenait la théorie d’entreprise criminelle commune.

55. Le premier élément dégagé dans l’affaire Krnojelac concerne la nature ou l’objectif de l’entreprise criminelle commune. Il est indiqué au paragraphe 6 de l’Acte d’accusation que l’entreprise criminelle commune avait pour but de « forcer […] la majorité des non-Serbes, notamment des Musulmans et des Croates, à quitter de façon définitive environ un tiers du territoire de la République de Croatie [...], de vastes portions du territoire de la République de Bosnie-Herzégovine, et certaines parties de la Voïvodine […] afin d’intégrer ces régions dans un nouvel État dominé par les Serbes ». La Chambre de première instance est convaincue que les accusations portées contre l’accusé entrent dans le cadre de l’objectif de l’entreprise criminelle commune et que les faits incriminés peuvent être considérés comme la conséquence naturelle et prévisible de la réalisation de cet objectif.

56. Comme l’a fait remarquer la Chambre de première instance dans l’affaire Krnojelac, on parle d’entreprise criminelle commune lorsqu’il y a entente ou arrangement entre deux ou plusieurs personnes assimilable à un accord : « Cette entente (ou arrangement) n’a pas à être formelle et son existence peut être déduite de l’ensemble des circonstances qui l’entourent. Il n’est pas requis qu’elle soit scellée à un quelconque moment avant la commission du crime79.  » L’Accusation a fait état d’un tel arrangement notamment aux paragraphes suivants de l’Acte d’accusation : en termes généraux au paragraphe 6, précité, et au paragraphe  8 (« [c]haque participant ou coauteur à l’entreprise criminelle commune y a joué un rôle qui lui était propre et qui a largement contribué à la réalisation de l’objectif général de l’entreprise »). Des précisions sont fournies dans plusieurs paragraphes suivants, concernant par exemple les « persécutions visant les populations civiles non serbes, notamment croate et musulmane, des territoires de la SAO de Slavonie occidentale et de la SAO SBSO […] », au paragraphe 15 ; l’« extermination et le meurtre de civils non serbes, notamment croates et musulmans, ainsi qu’il est indiqué aux paragraphes 19 à 23 [de l’Acte d’accusation] », au paragraphe 18 ; l’« emprisonnement dans des conditions inhumaines de civils non serbes, notamment musulmans et croates, vivant dans les territoires [énumérés auparavant dans l’Acte d’accusation] », au paragraphe 24 ; l’« expulsion ou le transfert forcé de civils non serbes, notamment croates et musulmans, hors de leur domicile légal à Vukovar […] en novembre 1991 et à Vocin […] en novembre et décembre 1991, dans la municipalité de Zvornik en Bosnie-Herzégovine entre mars 1992 et septembre 1993 […] », au paragraphe 27 ; et la « destruction […] et le pillage de biens publics et privés appartenant à des Croates, Musulmans et autres non-Serbes […] dans la [SAO SBSO, la SAO de la Slavonie occidentale et dans plusieurs villages de] Bosnie-Herzégovine », au paragraphe 31. En outre, pour chacune des allégations susvisées, l’Accusation a précisé que l’accusé agissait « seul ou de concert avec d’autres personnes connues ou inconnues participant à l’entreprise criminelle commune ».

57. La Chambre de première instance est par conséquent convaincue que l’Accusation a précisé comme il convenait la nature et l’objectif de l’entreprise criminelle commune.

58. Le deuxième élément dégagé dans l’affaire Krnojelac concerne la durée de vie de l’entreprise criminelle commune. Le paragraphe 8 précise comme il se doit la durée de vie de l’entreprise criminelle commune : il indique en effet que celle-ci « a vu le jour avant le 1er août 1991 et s’est poursuivie au moins jusqu’en décembre 1995 ». Bien que la période considérée soit assez longue, la Chambre de première instance n’y voit aucun vice de forme grave en tant que tel. La Chambre de première instance est également convaincue que tous les crimes allégués dans l’Acte d’accusation ont été commis dans ce laps de temps.

59. Le troisième élément dégagé dans l’affaire Krnojelac concerne l’identité des participants. L’Accusation a indiqué de manière générale que l’accusé « agissait seul ou de concert avec d’autres personnes connues ou inconnues participant à l’entreprise criminelle commune ». En outre, l’Acte d’accusation donne le nom d’un certain nombre de personnes qui auraient participé à l’entreprise criminelle commune dont celui de Slobodan Milosevic, du général Veljko Kadijevic, du général Blagoje Adzic, du colonel Ratko Mladic et de Jovica Stanisic. D’autres participants à l’entreprise criminelle commune sont également désignés par la catégorie à laquelle ils se rattachent80. Comme l’a relevé la Chambre de première instance dans l’affaire Krnojelac, une telle pratique est admise si l’identité précise de l’auteur de l’infraction n’est pas connue81. Parmi les participants à l’entreprise criminelle commune, l’Acte d’accusation inclut des membres de l’armée de la Republika Srpska Krajina, de l’armée de la Republika Srpska, des forces de police serbes locales, des forces de police de la République de Serbie et de la Republika Srpska et des forces de la sûreté de l’État /Drzavna bezbednost/ du Ministère de l’intérieur de la République de Serbie. La Chambre de première instance estime que l’Accusation a précisé, comme il fallait, l’identité des participants. Les précisions demandées par l’accusé quant au nom des membres de l’entreprise criminelle commune sont des points à établir et l’Accusation n’est pas tenue de les apporter dans l’Acte d’accusation82. De même, l’argument de l’accusé selon lequel l’Acte d’accusation donnerait à penser que quelques « millions de Serbes ont pris part » à l’entreprise criminelle commune est sans aucun fondement et par conséquent rejeté.

60. Le dernier élément dégagé dans l’affaire Krnojelac porte sur la nature de la participation de l’accusé à l’entreprise criminelle commune. L’Accusation indique la nature de cette participation notamment aux points a) à g) du paragraphe  10 et au paragraphe 29 de l’Acte d’accusation. Ainsi, le paragraphe 10, évoquant le comportement de l’accusé, indique que ce dernier aurait : prononcé des « discours virulents diffusés par les médias », incité les forces serbes à « commettre des crimes sanctionnés par […] [le] Statut du Tribunal », participé à la « planification et à la préparation de la prise de contrôle des villages », contribué à « fournir un soutien financier, matériel, logistique et politique », recruté des « volontaires serbes » qu’il aurait endoctrinés « à coup de propos discriminatoires » et participé au « recrutement, à la formation, […] à l’approvisionnement et à l’encadrement des volontaires serbes apparentés au Parti radical serbe, généralement appelés “Tchetniks ” ou Seseljevci ». L’Accusation a suffisamment décrit la part qu’aurait prise l’accusé à l’entreprise criminelle commune, en relation avec chacun des chefs de l’Acte d’accusation. La Chambre de première instance est convaincue que l’Accusation a suffisamment précisé la nature de la participation de l’accusé à l’entreprise criminelle commune.

61. Par ces motifs, et mise à part la clarification demandée par la Chambre de première instance au paragraphe 51 ci-dessus, les objections de l’accusé relatives à l’exposé concernant l’entreprise criminelle commune sont rejetées.

VI. DISPOSITIF

62. Par ces motifs, la Chambre de première instance ordonne ce qui suit :

1) L’Accusation est tenue de lever l’ambiguïté constatée au paragraphe 12 de l’Acte de l’accusation – et dans les allégations et accusations ou une partie des accusations qu’il sous-tend – s’agissant de la Voïvodine (Serbie) et de la question du conflit armé83. Si l’Accusation décide de faire état de l’existence d’un conflit armé en Voïvodine, elle devra indiquer et communiquer des documents, nouveaux ou non, à l’appui.

2) L’Accusation est tenue de lever l’ambiguïté constatée au paragraphe 11 de l’Acte d’accusation concernant la signification du terme « commis84.

La Chambre de première instance rejette les autres objections formulées dans l’Exception préjudicielle.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 26 mai 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
Carmel A. Agius

[Sceau du Tribunal]


1. Exception préjudicielle, p. 4.
2. Exception préjudicielle, p. 9 et 13.
3. Exception préjudicielle, p. 6 à 8.
4. Exception préjudicielle, p. 7, 8 et 10.
5. Exception préjudicielle, p. 8.
6. Exception préjudicielle, p. 9.
7. Le Procureur c/ Dusko Tadic, IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995 (« Arrêt Tadic relatif à la compétence »).
8. Exception préjudicielle, p. 15 et 22 à 24.
9. Exception préjudicielle, p 14.
10. Exception préjudicielle, p. 15.
11. Exception préjudicielle, p. 17.
12. Ibid.
13. Le Procureur c/ Zlatko Aleksovski , Arrêt, affaire n° IT-95-14/1-A, 24 mars 2000 (« Arrêt Aleksovski »), Le Procureur c/ Delalic et consorts, Arrêt, affaire n° IT-96-21-A, 20 février  2001 (« Arrêt Celebici »), Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts, Jugement, affaire n° IT-96-21-T, 16 novembre 1998 (« Jugement Delalic »).
14. Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité, S/25704, 3 mai 1993.
15. Arrêt Aleksovski, par. 126 et 127.
16. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 59.
17. Exception préjudicielle, p. 16.
18. Arrêt Celebici, par. 596 à 619.
19. Comme il a été indiqué au paragraphe  603 de l’Arrêt Celebici, « [l]’article 16 2) du Statut impose au Procureur, “qui est un organe distinct au sein du Tribunal international, [d’agir] en toute indépendance”, et lui interdit de recevoir ou de solliciter des instructions de quelque gouvernement ou autre source que ce soit ».
20. Le Procureur c/ Mile Mrksic, affaire n° IT-95-13/1-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation, 19 juin 2003 (« Décision Mrksic »), par.  6 à 14.
21. Article 21 4) a) du Statut.
22. Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-A, Arrêt, 23 octobre 2001 (« Arrêt Kupreskic  »), par. 88.
23. Arrêt Kupreskic (s’agissant des articles 18 4), 21 2) et 21 4) a) et b) du Statut et de l’article 47 C) du Règlement ) ; Le Procureur c/ Hadzihasanovic, Alagic et Kubura, affaire n° IT-01-47 -PT, Décision relative à la forme de l’acte d’accusation (« Décision Hadzihasanovic relative à l’acte d’accusation »), 7 décembre 2001, par. 8.
24. Le Procureur c/ Milorad Krnojelac , affaire n° 97-25-A, Arrêt, 17 septembre 2003 (« Arrêt Krnojelac »)  ; Arrêt Kupreskic, par. 88 ; articles 18 4), 21 2) et 21 4) a) et b) du Statut et article 47 C) du Règlement, qui reprend pour l’essentiel l’article 18 4) du Statut.
25. Arrêt Kupreskic, par. 89.
26. Ibid.
27. Décision Hadzihasanovic relative à l’acte d’accusation, par. 10 ; Le Procureur c/ Brdanin et Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par Momir Talic pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 20 février 2001 (la « Première Décision Brdanin et Talic »), par. 18. Il est essentiel que l’accusé puisse déduire de l’acte d’accusation en quoi consiste exactement ce lien présumé : Le Procureur c/ Brdanin et Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par Radoslav Brdanin pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 23 février 2001 (« Deuxième Décision Brdanin et Talic »), par 13.
28. Deuxième Décision Brdanin et Talic, par. 10.
29. Arrêt Celebici, par. 350. Voir aussi Le Procureur c/ Deronjic, affaire n° IT-02-61-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation, 25 octobre  2002 (« Décision Deronjic »), par. 31.
30. Voir Arrêt Celebici, par. 351 ; Arrêt Aleksovski, par. 171, note de bas de page 319 (renvoyant à Le Procureur c/ Krnojelac, affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000 (« Première Décision Krnojelac »), par. 59 et 60).
31. Ainsi, lorsque l’Accusation reproche à un accusé d’avoir personnellement commis des actes criminels, les faits essentiels, tels que l’identité de la victime, le moment et le lieu du crime et son mode d’exécution, doivent être exposés en détail (Arrêt Kupreskic, par. 89), alors que, dans une affaire d’entreprise criminelle commune, d’autres faits essentiels doivent être exposés (voir aussi Le Procureur c/ Brdanin et Talic, affaire n° IT-99-36 -PT, Décision relative à la forme du nouvel acte d’accusation modifié et à la requête de l’accusation aux fins de modification dudit acte, 26 juin 2001 (« Troisième Décision  Brdanin et Talic »), par. 21 et 22).
32. Voir Arrêt Aleksovski, note de bas de page 319 (citant et confirmant la Première Décision Krnojelac, par. 59 et 60).
33. Le Procureur c/ Dusko Tadic, affaire n° IT-94-1-A, Arrêt, 15 juillet 1999 (« Arrêt Tadic »), par. 227 (souligné dans l’original).
34. Le Procureur c/ Milorad Krnojelac , affaire n° IT-97-25-PT, Décision relative à la forme du deuxième acte d’accusation modifié, 11 mai 2000 (« Troisième Décision Krnojelac »), par. 16. Voir Le Procureur c/ Milutinovic, Nikola Sainovic et Dragoljub Ojdanic, affaire n ° IT-99-37-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle déposée par la Défense de Nikola Sainovic, 27 mars 2003 (« Décision Milutinovic »), p. 5, pour une présentation similaire quant aux éléments devant figurer dans l’acte d’accusation s’agissant d’une entreprise criminelle commune.
35. Décision Hadzihasanovic relative à l’acte d’accusation, par. 10.
36. Troisième Décision Brdanin et Talic, par. 33.
37. Décision Hadzihasanovic relative à l’acte d’accusation, par. 10 ; Le Procureur c/ Brdanin et Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme du quatrième acte d’accusation modifié, 23 novembre 2001, par. 12 ; Première Décision Brdanin et Talic, par. 48.
38. Décision Hadzihasanovic relative à l’acte d’accusation, par. 10 ; Première Décision Brdanin et Talic, par. 48.
39. Arrêt Kupreskic, par. 114.
40. Si la Défense doit attendre le dépôt du mémoire préalable au procès pour obtenir des informations relatives à la nature de la responsabilité pénale de l’accusé pour les événements rapportés, elle sera, dans l’intervalle, quasiment dans l’incapacité de mener des investigations utiles en vue de la préparation du procès (voir Deuxième Décision Brdanin et Talic, par. 11 à 13).
41. Arrêt Kupreskic, par. 92.
42. Ibid.
43. Ibid.
44. Ibid., par. 88.
45. Exception préjudicielle, p. 19 à 21.
46. Ibid.
47. Ibid.
48. Exception préjudicielle, p. 22.
49. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 70.
50. L’Accusation attire l’attention sur ces interrogatoires dans sa réponse complémentaire du 19 février 2004.
51. Le Procureur c/ Dragoljub Kunarac et consorts, affaire n° IT-96-23 et IT-96-23/1-A, 12 juin 2002, par. 86.
52. Acte d’accusation, par. 12.
53. Prosecution’s Additional Response , par. 6 (non souligné dans l’original).
54. Ibid., par. 7 et 9 (non souligné dans l’original).
55. Supra, par. 23 de la présente Décision.
56. Arrêt Kunarac, par. 83.
57. Il est intéressant de relever qu’en examinant les conditions d’application de l’article 3 du Statut, la Chambre de première instance a dans l’affaire Le Procureur c/ Milomir Stakic (« Jugement Stakic  ») déclaré que « le Tribunal [était] compétent pour poursuivre les personnes qui commettent des violations des lois ou coutumes de la guerre, à condition qu’il existe un conflit armé sur le territoire où les crimes auraient été commis  » (non souligné dans l’original). Le Procureur c/ Milomir Stakic, affaire n° IT-97-24-T, Jugement, 31 juillet 2003, par. 566.
58. Supra, par. 15 à 18 de la présente Décision.
59. Voir par exemple l’Exception préjudicielle, p. 30. Les objections relatives à la forme de l’acte d’accusation sont formulées en termes généraux aux pages 26 à 42.
60. Exception préjudicielle, p. 31.
61. Ibid.
62. Ibid.
63. Exception préjudicielle, p. 32 et 33.
64. Exception préjudicielle, p. 34.
65. Exception préjudicielle, p. 25 et 31.
66. Exception préjudicielle, p. 19 à 21.
67. Exception préjudicielle, p. 40.
68. Exception préjudicielle, p. 30 et 31.
69. Exception préjudicielle, p. 29 à 31 et 34 à 37.
70. Exception préjudicielle, p. 28, 37 et 39.
71. Le Procureur c/ Mitar Vasiljevic , affaire n° IT-98-32-T, Jugement, 29 novembre 2002, par. 246.
72. Exception préjudicielle, p. 37 à 39.
73. Voir par exemple l’Exception préjudicielle, p. 26, 29 et 37.
74. Acte d’accusation, p. 28.
75. Arrêt Krnojelac, par. 64 à 123 ; Arrêt Tadic, par. 185 à 229 ; Le Procureur c/ Miroslav Kvocka et consorts, affaire n° IT-98-30/1-T, Jugement, 2 novembre 2001, par. 319 à 321, 398 à 408, 419, 459 à 464, 468 à 470, 497 à 500, 503, 504, 562 à 566, 571 à 578 et 682 à 688 ; Le Procureur c/ Radislav Krstic, affaire n° IT-98-33-T, Jugement, 2 août 2001, par. 621 à 646 ; Le Procureur c/ Blagoje Simic et consorts , affaire n° IT-95-9-T, Jugement, 17 octobre 2003, par. 983 à 992 et 994 à 1053.
76. Arrêt Tadic relatif à la compétence, par. 220 et 226, et repris dans Le Procureur c/ Milutinovic, Nikola Sainovic et Dragoljub Ojdanic, affaire n° IT-99-37-AR72, Arrêt relatif à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par Dragojub Ojdanic – Entreprise criminelle commune, 21 mai 2003 (« Arrêt Ojdanic »), p. 4.
77. Arrêt Aleksovski, par. 2.
78. Le Procureur c/ Stanislav Galic , Décision relative à la requête de la Défense aux fins d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel, affaire n° IT-98-29-AR72, 30 novembre 2001, par. 15 (« Décision  Galic »).
79. Troisième Décision Krnojelac , par. 15.
80. Acte d’accusation, par. 8.
81. Troisième Décision Krnojelac , par. 18.
82. Décision Milutinovic, note de bas de page 17 (citant Le Procureur c/ Strugar, Jokic et consorts, affaire n° IT-01-42-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vice de forme de l’acte d’accusation, 28 juin 2002, par. 18).
83. Supra, par. 40 de la présente Décision.
84. Supra, par. 51 de la présente Décision.