Affaire n° : IT-03-67-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
30 novembre 2004

LE PROCUREUR

c/

VOJISLAV SESELJ

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DÉCISION RELATIVE À LA PROROGATION DU DÉLAI DE DÉPÔT D’UNE RÉPONSE

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Le Bureau du Procureur :

Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. Ulrich Mussemeyer
M. Daniel Saxon

L’Accusé :

Vojislav Seselj

Le Conseil d’appoint :

M. Tjarda Eduard van der Spoel

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II (la « Chambre de première instance ») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »),

Vu la demande d’autorisation de modifier l’acte d’accusation et les pièces confidentielles et ex parte qui lui sont jointes (Prosecution’s Motion for Leave to Amend the Indictment with Confidential and Ex Parte Supporting Materials) (la « Demande de modification de l’acte d’accusation »), déposée par le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») le 22 octobre 2004, ainsi que le document n° 48 (Submission No. 48) (la « Requête aux fins de prorogation de délai ») déposé le 5 novembre 2004 par Vojislav Seselj (l’« Accusé »), dans lequel ce dernier demande une prorogation du délai de dépôt pour sa réponse à la Demande de modification de l’acte d’accusation,

ATTENDU que dans la Requête aux fins de prorogation de délai, l’Accusé informe la Chambre de première instance qu’il répondra à la Demande de modification de l’acte d’accusation trois jours après avoir obtenu « la version intégrale en serbe » des documents que l’Accusation cite en partie dans la Demande de modification de l’acte d’accusation, à savoir :

  1. Le Procureur c/ Ferdinand Nahimana et consorts, affaire n° ICTR-99-52-T, Jugement, 3 décembre 2003 (le « document n° 1 ») ;
  2. Le Procureur c/ Georges Ruggiu, affaire n° ICTR-97-32-I, Jugement et sentence, 1er juin 2000 (le « document n° 2 ») ;
  3. Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, affaire n° IT-95-14-A, Arrêt, 29 juillet 2004 (le « document n° 3 ») ;
  4. Le Procureur c/ Miroslav Deronjic, affaire n° IT-02-61-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation, 25 octobre 2002 (le « document n° 4 ») ;

ATTENDU que le procès-verbal d’audience du 5 novembre 2004 confirme que l’Accusé a reçu du Greffe la traduction en bosniaque, croate ou serbe (« B/C/S ») de l’intégralité du document n° 4,

ATTENDU que le document susmentionné a été traduit en B/C/S conformément à l’usage du Tribunal1,

ATTENDU qu’il ressort également du procès-verbal d’audience du 5 novembre 2004 que l’Accusé n’a pas accepté de prendre réception de la version en anglais des documents n° 1 et 2,

ATTENDU que les documents susmentionnés sont deux jugements du Tribunal pénal international pour le Rwanda dont le Statut dispose que « [l]es langues de travail du Tribunal international sont l’anglais et le français2 »,

ATTENDU que la Demande de modification de l’acte d’accusation a été traduite en B/C/S dans son intégralité, y compris la partie du paragraphe du document n° 1 que l’Accusation y a citée, et que cette traduction a été remise à l’Accusé3,

ATTENDU que la Demande de modification de l’acte d’accusation fait référence – dans une note de bas de page – au paragraphe 22 du document n° 2 dont le texte est reproduit dans la note de bas de page ci-dessous4, ce qui permettra à l’Accusé d’en obtenir une traduction en B/C/S dès le moment où la présente décision sera déposée et lui sera remise,

ATTENDU en outre que l’Accusé n’est pas de plein droit habilité, en vertu du Statut du Tribunal international (le « Statut »)5 ou de son Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »)6, à obtenir une traduction en B/C/S de l’intégralité de ces deux documents,

ATTENDU par conséquent que l’absence d’une traduction en B/C/S de l’intégralité des documents n° 1 et n° 2 ne porte aucun préjudice réel à l’Accusé en ce qui concerne sa réponse éventuelle à la Demande de modification de l’acte d’accusation puisque la traduction en B/C/S des parties pertinentes desdits documents lui a été remise ou le sera,

ATTENDU que le Greffe a informé la Chambre de première instance que la traduction en B/C/S de l’intégralité du document n° 3, que l’Accusé est habilité à obtenir conformément à la pratique en usage au Tribunal, sera disponible dans le courant du mois de décembre 2004,

ATTENDU cependant que la Demande de modification de l’acte d’accusation a été traduite en B/C/S dans son intégralité, y compris la partie du paragraphe du document n° 3 que l’Accusation y a citée, et que cette traduction a été remise à l’Accusé, et qu’en outre cette partie de paragraphe est, à quelques différences négligeables près, une reproduction fidèle d’une partie du paragraphe 31 du document n° 4 que l’Accusé a reçu intégralement traduit en B/C/S7,

ATTENDU par conséquent que le fait de ne pas encore disposer de la traduction en B/C/S de l’intégralité du document n° 3 ne porte aucun préjudice réel à l’Accusé en ce qui concerne sa réponse éventuelle à la Demande de modification de l’acte d’accusation,

ATTENDU finalement que l’Accusé affirme dans la Requête aux fins de prorogation de délai qu’il n’a pas encore reçu les pièces jointes confidentielles et ex parte fournies à l’appui de la Demande de modification de l’acte d’accusation,

ATTENDU que l’Accusé sait pertinemment que s’il n’a pas reçu les pièces jointes en question, c’est précisément parce que l’Accusation les avait déposées ex parte,

ATTENDU cependant que l’Accusation n’a fourni dans la Demande de modification de l’acte d’accusation aucune justification du dépôt ex parte des pièces jointes, mais qu’elle a affirmé en fait que si la Chambre de première instance accorde finalement l’autorisation de modifier l’acte d’accusation, lesdites pièces jointes seront alors communiquées à l’Accusé8,

ATTENDU que l’article 50 A) [i)] c) du Règlement dispose que le Procureur peut modifier l’acte d’accusation après l’attribution de l’affaire à une Chambre de première instance, sur autorisation de la Chambre ou de l’un de ses membres statuant contradictoirement,

ATTENDU en outre qu’aux termes de l’article 50 A) ii) du Règlement, l’autorisation de modifier un acte d’accusation ne sera accordée que si la Chambre de première instance ou le juge saisi est convaincu qu’il existe à l’appui de la modification proposée des éléments de preuve répondant au critère défini à l’article 19, paragraphe 1), du Statut,

ATTENDU par conséquent que, à moins d’ordonnances de non-communication, si l’Accusation souhaite modifier un acte d’accusation après l’attribution de l’affaire à une Chambre de première instance, l’Accusé doit avoir la possibilité de vérifier si les pièces produites à l’appui des modifications de l’acte d’accusation les justifient réellement,

ATTENDU en outre que l’Accusation n’a fourni aucun motif convaincant de ne pas communiquer les pièces jointes à l’Accusé avant que l’autorisation de modifier l’acte d’accusation ne soit accordée,

ATTENDU que l’article 126 bis du Règlement dispose que « [t]oute réponse à la requête d’une partie est déposée dans les quatorze jours du dépôt de ladite requête, à moins que la Chambre n’en décide autrement, à titre général ou dans un cas particulier »,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 54 et 126 bis du Règlement,

  1. ORDONNE à l’Accusation de communiquer les pièces jointes à l’Accusé en les déposant auprès du Greffe dans les sept (7) jours suivant le dépôt de la présente décision, ou de faire état dans ce même délai de motifs valables de ne pas le faire ;
  2. RAPPELLE à l’Accusé que s’il souhaite répondre à la Demande de modification de l’acte d’accusation, il peut le faire dans les quatorze (14) jours du dépôt susmentionné des pièces jointes, à moins que l’Accusation ne parvienne à présenter des motifs valables comme énoncé ci-dessus ;
  3. REJETTE par conséquent la Requête aux fins de prorogation de délai.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 30 novembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1. « Toutes les Ordonnances et Décisions rendues par le Tribunal international sont déposées dans les deux langues de travail et traduites par le Greffe dans la langue de l’Accusé », Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts, affaire n° IT-96-21-T, Décision relative à la requête de la Défense aux fins de transmission des documents dans la langue de l’Accusé, 25 septembre 1996.
2. Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, article 31.
3. La partie du paragraphe que l’Accusation n’a pas reproduite dans la Demande de modification de l’acte d’accusation correspond au paragraphe ci-dessous extrait du Jugement et sentence rendu dans Le Procureur c/ Georges Ruggiu et consorts (affaire n° ICTR-97-32-I, 1er juin 2000), ainsi qu’au paragraphe 627 du Jugement rendu dans Le Procureur c/ Kupreskic et consorts (affaire n° IT-95-16-T, 14 janvier 2000). La traduction en B/C/S de ce dernier document est disponible auprès du Greffe sur demande de l’Accusé.
4. « La Chambre de première instance considère que l’examen des actes de persécution qui ont été reconnus par l’accusé permet de mettre en évidence un élément commun. Ces actes prenaient la forme d’une incitation directe et publique au crime, perpétrée à travers des propos radiodiffusés visant à mettre à l’index et à attaquer le groupe ethnique Tutsi et les Belges, pour des motifs d’ordre discriminatoire, en les privant de leurs droits fondamentaux à la vie, à la liberté et en leur refusant le statut d’êtres humains, qui est reconnu au reste de la population. La négation de ces droits peut être considérée comme ayant pour but ultime sinon la mort de ces personnes du moins leur mise à l’écart de la société dans laquelle elles vivent, aux côtés des auteurs des actes incriminés, voire leur exclusion de l’humanité », Le Procureur c/ Georges Ruggiu et consorts, affaire n° ICTR-97-32-I, Jugement et sentence, 1er juin 2000, par. 22.
5. Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie tel qu’adopté le 25 mai 1993 en vertu de la résolution S/RES/827 (1993) et modifié en vertu de la résolution S/RES/1411 (2002).
6. Règlement de procédure et de preuve, IT/32/Rev.32, 12 août 2004.
7. L’Accusation a par erreur affirmé que ladite partie du paragraphe 226 de l’Arrêt rendu dans Le Procureur c/ Tihomir Blaskic (affaire n° IT-95-14-A, 29 juillet 2004) correspondait à une partie du paragraphe 6 de la Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation rendue dans Le Procureur c/ Miroslav Deronjic (affaire n° IT-02-61-PT, 25 octobre 2002). Ce n’est pas le cas, elle correspond au lieu de cela à une partie du paragraphe 31 du second document.
8. Demande de modification de l’acte d’accusation, par. 19.