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1 Le mardi 28 novembre 2006
2 [Déclaration liminaire de l'Accusation - Suite]
3 [L'accusé est absent]
4 [Audience publique]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes dans le
7 prétoire et aux alentours du prétoire.
8 Monsieur le Greffier, veuillez citer le numéro de l'affaire, je vous prie.
9 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment le microphone du Greffier ne
11 fonctionne pas. Je vous demanderais, Monsieur, d'utiliser un autre
12 microphone si possible, uniquement pour citer le numéro de l'affaire.
13 Utilisez le mien, Monsieur, puisque aucun ne semble fonctionner.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Il s'agit
15 de l'affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Il semblerait que la majorité des
17 microphones ne fonctionnent pas ce matin. Il importe de régler ce problème
18 car je vois que cela pose un problème à l'Accusation qui ne peut, dans ces
19 conditions, poursuivre son exposé.
20 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Il fonctionne, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, vous pourrez poursuivre.
22 La Chambre a été informée par le Greffe du fait que M. Seselj ne souhaitait
23 pas venir dans le prétoire, à moins qu'il n'en ait pas l'aptitude, en tout
24 cas il a fait savoir qu'il ne serait pas présent ce matin.
25 Nous avons un certain nombre de points de procédure à discuter mais je
26 préfèrerais que nous le fassions à la fin du propos liminaire de
27 l'Accusation.
28 Madame Uertz-Retzlaff, comme cela vous a été notifié hier, il vous reste 50
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1 minutes ce matin.
2 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
3 J'aimerais que nous parlions maintenant d'un autre groupe de victimes et
4 d'une autre série de crimes -- il me faut une carte. Vous voyez la carte
5 numéro 2 dans vos classeurs. J'appelle votre attention sur Mostar et
6 Nevesinje en Bosnie-Herzégovine méridionale. Ce sont les municipalités
7 pertinentes eu égard aux objectifs poursuivis dans cette région de la
8 vallée de la Neretva, objectifs consistant à donner une ouverture sur la
9 mer. Mostar était importante car elle abritait deux casernes, un aéroport
10 et d'autres installations militaires.
11 Un jeune Musulman, qui vivait dans le bonheur dans un petit village
12 musulman de la municipalité de Nevesinje, a vu son monde de calme et de
13 tranquillité éclater en juin 1992. La famille n'avait rien fait de mal,
14 elle ne faisait pas de politique, elle n'avait rien à voir avec quelque
15 question militaire que ce soit. Elle se sentait en sécurité à Nevesinje,
16 municipalité majoritairement peuplée de Serbes et fermement sous le
17 contrôle des forces serbes. La famille s'est sentie en sécurité, y compris
18 lorsque d'autres Musulmans ont commencé à fuir vers les forêts.
19 En juin 1992, la famille de ce jeune garçon a finalement dû quitter le
20 village, se rendant compte que les Musulmans n'étaient plus en sécurité à
21 Nevesinje et que des civils innocents étaient tués, des maisons détruites
22 et le village pilonné. Le jeune garçon, en compagnie de ses parents, de ses
23 grands-parents, de petits frères et d'autres membres de la famille, a
24 essayé de fuir dans la direction de Mostar mais toute la famille a été
25 capturée par les soldats serbes. Elle a été emmenée dans un lieu de
26 détention dans le village de Zijemlje et à cet endroit, les enfants
27 terrifiés ont dû voir les membres de leur famille se faire frapper et
28 torturer. Les trois enfants ont ensuite été séparés de leurs parents et
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1 grands-parents, et c'est la dernière fois que les enfants ont vu leurs
2 parents et autres membres de leur famille car ces derniers ont été emmenés
3 ailleurs et assassinés. Leurs cadavres ont été retrouvés dans un puits par
4 la suite.
5 Les enfants sont restés en détention, d'abord à Zijemlje puis dans la cave
6 d'un bâtiment du SUP de Nevesinje, dans des conditions insupportables. Ils
7 ont ensuite été rejoints par quatre enfants en bas âge et deux femmes
8 âgées. Après 15 jours de détention, ce groupe d'enfants terrifiés et de
9 femmes âgées a été emmené dans la direction de Stolac où les soldats serbes
10 les ont abandonnés en pleine campagne. Ils ont finalement été sauvés par
11 des soldats croates.
12 Ayant perdu leurs parents et grands-parents, les enfants ont grandi dans un
13 orphelinat après la guerre. Le sort vécu par ces enfants est un exemple des
14 souffrances que la population de Nevesinje et de Mostar a dû vivre.
15 L'Accusation va produire des éléments de preuve grâce à des témoins,
16 soldats et témoins experts qui parleront des tueries commises en juin 1992
17 à Mostar et Nevesinje par les forces serbes; en particulier, de
18 l'assassinat de 88 civils musulmans le 13 juin dans la décharge municipale
19 d'Ubarak à Mostar; ainsi que de l'assassinat de 18 civils non-serbes à
20 l'abattoir de la ville à Sutina, à Mostar, le même jour; l'assassinat de
21 plus de 70 civils capturés alors qu'ils fuyaient Nevesinje, le 22 juin
22 1992, fera également partie des éléments de preuve, parmi les personnes en
23 fuite se trouvaient de nombreux enfants, de nombreuses femmes et des
24 personnes âgées; on parlera aussi du meurtre de deux femmes qui ont été
25 placées en détention et agressées à Boracko Jezero. L'Accusation produira
26 également des éléments de preuve relatifs à d'autres crimes produits par
27 les forces serbes et notamment d'agressions sexuelles dans le même lieu.
28 Pourquoi l'Accusation considère-t-elle que l'accusé est responsable de ces
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1 actes ? Avant la guerre, ni le Parti radical serbe ni le Mouvement chetnik-
2 serbe n'étaient visiblement présents à Mostar. Toutefois, dans le voisinage
3 de Nevesinje, Arsen Grahovac défendait l'idéologie de ce parti. Depuis
4 1991, son café à Ravna Gora est devenu un point de rassemblement du Parti
5 radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe ainsi que de leurs
6 sympathisants. Grahovac a créé une unité dénommée Karadjordje et le Parti
7 radical serbe était actif aussi bien à Mostar qu'à Nevesinje.
8 Le groupe commandé par Grahovac n'était pas le seul groupe de volontaires
9 associé à l'accusé Seselj. Depuis l'automne 1991, et notamment en 1992, le
10 Parti radical serbe et le Mouvement chetnik-serbe, leurs volontaires de
11 Serbie et du Monténégro, ainsi que des champs de bataille de Croatie, ont
12 été impliqués. Ces volontaires étaient commandés par Branislav Vakic, qui
13 est l'homme dont j'ai déjà parlé en rapport avec Vukovar et Radovan
14 Radovic.
15 A la mi-mai 1992, Mostar a été prise par les forces serbes, à savoir la
16 JNA, la Défense territoriale serbe, le Parti radical serbe, les volontaires
17 du Mouvement chetnik-serbe, les Bérets rouges des services de la Sûreté
18 d'Etat serbe, dans une offensive commandée par le général Momcilo Perisic.
19 Nous entendrons parler de l'attaque qu'Oliver Baret, l'un des commandants
20 du Parti radical serbe, a menée. Nous entendrons parler des dirigeants du
21 Parti radical serbe, arrivés de Belgrade, pour s'installer dans la caserne
22 QG de la JNA à Mostar et des activités de l'unité liées au Parti radical
23 serbe.
24 Les volontaires du Parti radical serbe faisaient partie des troupes qui, en
25 juin 1992, ont attaqué les villages musulmans et certains villages de la
26 municipalité de Nevesinje. L'Accusation a déployé de grands efforts pour
27 trouver des personnes qui parleront des exactions subies par la population
28 non-serbe.
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1 Ces volontaires ont participés à tous les meurtres, à toutes les exactions
2 dont je viens de parler dans ces deux lieux. Encore une fois, nous sommes
3 en présence d'un accusé qui se rendait dans la zone de conflit pendant les
4 événements et nous voyons les commandants promus durant la guerre alors
5 qu'ils ont participé à des crimes.
6 Pour gagner du temps, je ne vais pas vous montrer l'ordre de promotion,
7 pièce 2015, l'ordre 124 non plus, mais nous y trouvons le nom de Vakic
8 entre autres. Mais je vais vous montrer un autre ordre de promotion du 20
9 mars 1994 qui est très semblable. Si vous regardez en haut de cette page,
10 vous voyez que le Vojvoda Seselj promeut les hommes dont les noms figurent
11 dans la suite du texte, on trouve entre autres mention du nom de Radovic
12 qui est évoqué pour sa participation à des actions dans la vallée de la
13 Neretva et dans la région de Dubrovnik et nous voyons le nom de Nevesinje
14 figurant dans le texte. En regard du numéro 5, ainsi que le nom d'Oliver
15 Baret qui a participé aux événements de Croatie et de Slavonie occidentale
16 pour finalement se retrouver en Herzégovine, à savoir à Mostar.
17 L'acte d'accusation traite également des événements survenus à Sarajevo;
18 mais ce n'est pas le pilonnage et les tirs de tireurs embusqués qui nous
19 intéressent dans l'acte d'accusation que nous considérons. Ce qui nous
20 intéresse et qui est décrit dans l'acte d'accusation ce sont les crimes
21 commis par certains des associés les plus proches de l'accusé, à savoir
22 Vidovic, Slavko Aleksic et Branislav Gavrilovic, entre autres, qui plus
23 tard ont été félicités par l'accusé et promus pour leur comportement à
24 Sarajevo.
25 D'emblée, j'aimerais vous montrer une carte. Le plan de Sarajevo, vous
26 voyez les parties rouges dans ce plan qui représentent les municipalités
27 qui nous intéressent au cours de ce procès, à savoir Ilijas, Vogosca,
28 Ilidza et Novo Sarajevo.
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1 Le 20 mars 1994, selon l'ordre que vous venez de voir de la pièce 2288,
2 l'accusé promeut Vasilije Vidovic pour ses hauts-faits dans la zone de
3 Sarajevo et de ses environs. Ce faisant, l'accusé a promu un homme qui, le
4 5 juin 1992, en compagnie de ses hommes, a assassiné 22 civils musulmans à
5 Ljecevvo, des hommes et des femmes. Il a promu un homme dont les
6 subordonnés ont assassiné des prisonniers de guerre au cours de l'été 1993
7 à Crna Rijeka, ont coupé la tête d'un civil, également durant l'été 1993;
8 un homme qui a assassiné 27 Musulmans pour se venger des pertes subies par
9 les Serbes sur le front. Seselj y a promu un homme qui a placé de nombreux
10 civils non-serbes dans divers lieux de détention à Ilijas, dans les
11 municipalités d'Ilijas et de Vogosca, pendant des périodes prolongées en
12 les soumettant à toutes sortes d'exactions, notamment à des coups, des
13 tortures, le viol, le travail forcé dans des conditions dangereuses sur le
14 front, ainsi que l'assassinat.
15 Vasilije Vidovic est originaire d'Ilijas. En 1991, il organise un
16 groupe de volontaires du Parti radical serbe/Mouvement chetnik-serbe et
17 passe du temps sur le front de Croatie. Je vais vous montrer un document
18 militaire qui montre sa présence dans la SAO de Krajina. Lorsque le conflit
19 démarre en Bosnie-Herzégovine, Vasilije Vidovic revient avec une vingtaine
20 de volontaires du Parti radical serbe et Mouvement chetnik-serbe des champs
21 de bataille de Croatie. Vasilije Vidovic est en contact étroit et collabore
22 de près avec la cellule de Crise locale du SDS. Lui-même et ses hommes
23 pouvaient faire ce qu'ils voulaient en toute impunité.
24 Nous entendrons des témoins nous dire que Vasilije Vidovic était un
25 homme particulièrement violent et impitoyable qui circulait en jeep avec un
26 crâne humain fixé sur le capot. Lui-même et ses hommes étaient très connus
27 pour leur brutalité, ainsi que pour l'assassinat de civils et de
28 prisonniers de guerre.
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1 En dépit de tout cela, Vasilije Vidovic était un associé de l'accusé,
2 travaillant en étroite collaboration avec lui. L'accusé venait à Ilijas et
3 y rencontrait Vasilije Vidovic et ses hommes à qui il apportait des
4 cigarettes et de l'argent. Vasilije Vidovic s'est également rendu à
5 Belgrade où il a rencontré l'accusé. Vidovic est demeuré proche de l'accusé
6 après la guerre puisqu'il lui a servi de garde du corps.
7 J'aimerais maintenant que nous parlions d'un autre associé de
8 l'accusé. Vous voyez ici une photo de Slavko Aleksic. Au milieu de la
9 photographie, on voit cet homme. Lui-même et ses volontaires du Parti
10 radical serbe/Mouvement chetnik-serbe ont agi dans le secteur du cimetière
11 juif de Grbavica. Il a également été promu, toujours par l'ordre numéro
12 124, dans lequel il est fait mention de lui en tant que commandant du
13 détachement chetnik de Novo Sarajevo. Après la guerre, l'accusé a
14 publiquement vanté les qualités d'Aleksic et des volontaires du Parti
15 radical serbe de Grbavica en disant qu'ils avaient rendu un grand service
16 au Parti radical serbe et au nationalisme serbe.
17 Qu'est-ce que Slavko Aleksic avait à voir avec la cause serbe. Lui-
18 même et ses hommes ont soumis les non-Serbes de Grbavica à une campagne de
19 persécution qui s'est menée par voie de fouilles arbitraires de leurs
20 domiciles, pillages, viols, passages à tabac et assassinats. Des hommes et
21 des femmes ont été envoyés au travail forcé dans des conditions
22 dangereuses. Plus de 80 civils ont été assassinés alors qu'ils effectuaient
23 ce type de travail.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Uertz-Retzlaff, je vois que la
25 cabine française est un peu en retard sur vous, je voudrais donc de
26 ralentir, si vous voulez bien.
27 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Enfin, Branislav Gavrilovic dit Brne
28 a également agi dans le secteur de Sarajevo et des villages environnants de
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1 Sarajevo. Gavrilovic est devenu chef du Mouvement de la jeunesse serbe en
2 Bosnie-Herzégovine et son organisation a rejoint le Mouvement du Parti
3 radical/Mouvement chetnik-serbe dirigé par l'accusé après que Gavrilovic a
4 rencontré l'accusé à Bijeljina en 1991.
5 L'accusé l'a plus tard nommé commandant des volontaires du Parti
6 radical serbe/Mouvement chetnik-serbe de Slavonie Baranja et Srem
7 occidental. Nous verrons la pièce 1258, certificat signé par l'accusé et
8 Ljubisa Petkovic qui confirme que Gabrilovic avait ce poste dans la période
9 située entre juin et décembre.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Uertz-
11 Retzlaff.
12 Mme UERTZ-RETZLAFF : [interprétation] Gavrilovic était également l'un des
13 chefs du Parti radical serbe d'Ilijas. Pendant la guerre, il était
14 responsable d'une grande unité de volontaires du Parti radical serbe,
15 Mouvement chetnik-serbe. L'Accusation présentera des éléments de preuve
16 montrant que Gavrilovic, pendant son séjour en Croatie et plus tard
17 également en Bosnie-Herzégovine, recevait ses ordres du bureau du Parti
18 radical serbe de Belgrade et qu'il rencontrait souvent l'accusé, aussi bien
19 à Belgrade qu'à Sarajevo. Lui aussi a été nommé "Vojvoda" en mai 1993 par
20 le biais de l'ordre 124 dont nous avons déjà parlé.
21 Maintenant, je vais vous montrer une autre photo où vous voyez Branislav
22 Gavrilovic qui est le deuxième homme que l'on voit à partir de la gauche.
23 J'aimerais vous donner maintenant un exemple de ce qu'a fait
24 Gavrilovic. Je disais qu'il était le deuxième à partir de la gauche. Il est
25 le deuxième sans compter les hommes dont les noms n'ont pas été cités.
26 Je vais maintenant vous donner un exemple de ce qu'a fait Gavrilovic à
27 Sarajevo. Le 17 juillet 1993, Branislav Gavrilovic et ses volontaires du
28 Parti radical serbe/Mouvement chetnik-serbe ont capturé quatre membres de
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1 la Défense territoriale de Sarajevo sur les positions de Golo Brdo sur le
2 mont Igman, en face d'Ilijas, qu'ils occupaient à ce moment-là. Ils ont
3 abattu l'un de ces hommes, un jeune garçon de 17 ans sur place. Les autres
4 prisonniers de guerre ont été interrogés par Gavrilovic et ses subordonnés.
5 Pendant l'interrogatoire, ils ont subi des coups, des coups de pied et
6 autres violences. Deux des prisonniers ont été assassinés par la suite.
7 Les crimes que je viens de décrire ont été commis parce que l'accusé
8 et les autres membres participant à l'entreprise criminelle commune
9 souhaitaient établir la domination serbe, notamment sur les territoires de
10 Croatie et de Bosnie-Herzégovine. Pour ce faire, un grand nombre de
11 personnes innocentes ont dû payer le prix fort.
12 J'aimerais maintenant, Monsieur le Président, passer la parole à mon
13 collègue, M. Saxon, qui vous parlera du rôle précis que l'accusé a joué au
14 sein de l'entreprise criminelle commune et des crimes commis en Serbie en
15 tant que tels.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Saxon, vous pouvez poursuivre.
17 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous me dire
18 exactement quel est le nombre de minutes qui sont à la disposition de
19 l'Accusation.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Trente-deux.
21 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je vais m'efforcer de
22 terminer en 32 minutes. Mais il est possible que je vous demande à la fin
23 de ces 32 minutes, quelques minutes supplémentaires.
24 Monsieur le Président, ce procès, peut-être davantage qu'aucun autre procès
25 organisé par ce Tribunal, concerne l'usage des mots de la langue et de
26 diverses expressions. Ce procès concerne l'usage des discours politiques en
27 vue d'empoisonner les esprits d'hommes et de femmes pour atteindre des
28 objectifs criminels bien précis.
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1 Ce procès concerne les capacités de l'accusé qui est face à vous,
2 Vojislav Seselj, de recourir à la propagande pour conditionner les Serbes à
3 la peur, à la violence et aux crimes dont sont victimes les membres de
4 communautés non-serbes de l'ex-Yougoslavie, notamment Croates et Musulmans.
5 La simple définition du mot "propagande" consiste à parler de "tentative de
6 diffuser des idées sans tenir compte de la vérité ou de l'exactitude." Des
7 crimes de grande ampleur tels que massacres et expulsions de communautés
8 entières sont au cœur de l'espèce, ces crimes pour être commis exigent
9 l'aide de personnes qui croient que ces atrocités sont justifiées et
10 nécessaires et peuvent échapper à toute sanction.
11 Avant les années 1990, les rapports interethniques entre Serbes,
12 Croates et Musulmans dans l'ex-Yougoslavie étaient relativement bons. Pour
13 changer cette situation, pour convaincre les Serbes d'accepter ou
14 d'accomplir des actes de violence et de destruction, il fallait réaliser
15 l'objectif qui était celui de l'entreprise criminelle commune décrit par ma
16 consoeur, à savoir expulser par la force des milliers de non-Serbes hors de
17 leur domicile et à cette fin la propagande utilisée par les élites
18 politiques devaient être extrémistes. C'est ce qu'elle a été.
19 Cette guerre a été menée avec des mots et pas seulement avec des armes.
20 J'aimerais vous montrer maintenant un extrait d'une séquence vidéo filmée
21 le 17 avril 1991, dans un lieu qui s'appelle Plitvice en Croatie. Il s'agit
22 de la pièce de l'Accusation 3155.
23 [Diffusion de cassette vidéo]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
25 "JOURNALISTE : Maintenant, le Vojvoda Vojislav Seselj va s'exprimer.
26 VOJISLAV SESELJ : Peuple serbe, ce territoire est serbe et le restera à
27 tout jamais.
28 JOURNALISTE : Au lieu de les calmer, Seselj adresse un message
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1 supplémentaire à la fin.
2 VOJISLAV SESELJ : Nous qui vivons ici en Croatie, nous les Serbes devons
3 nous protéger, protéger nos têtes serbes contre les mains croates. Il faut
4 que des têtes roulent dans la direction du Srem occidental serbe et de la
5 Slavonie. Il faut que le sang serbe soit vengé."
6 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
7 Cette dernière phrase prononcée par l'accusé est prophétique. Sans les
8 aptitudes extraordinaires de communication de l'accusé et de politiciens du
9 même ordre, sans sa capacité et sa détermination d'inculquer sa version de
10 la réalité dans les esprits de beaucoup de Serbes, il y aurait eu beaucoup
11 de fantassins qui étaient prêts à mener à bien les objectifs violents de
12 l'entreprise criminelle commune. Il y aurait eu très peu de fantassins pour
13 accomplir l'objectif personnel de l'accusé, c'est-à-dire, la création de la
14 Grande-Serbie.
15 La vidéo suivante a été tournée le 21 avril 1991, on montre l'accusé qui
16 prend la parole dans la ville de Jagodnjak en Croatie.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
19 "Pour ce qui nous intéresse, les Croates vont quitter la Yougoslavie au
20 moment où ils voudront, mais nous leur faisons savoir ouvertement qu'ils ne
21 vont pas prendre un seul pouce de territoire serbe, pas un seul lopin de
22 terre où se trouvent des villages serbes, des églises démolies, des caves
23 dans lesquelles les Serbes étaient cachées, des camps serbes, des champs de
24 bataille serbes tels que Jasenovac. Si nous le permettions, nous ne serions
25 pas dignes de nos ancêtres glorieux et honteux devant nos descendants. Les
26 Croates peuvent créer leur nouvel Etat, mais uniquement à l'ouest de
27 Karlovag-Ogulin-Karlovac-Virovitica."
28 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
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1 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, pouvons-nous avoir la
2 pièce, s'il vous plaît, il s'agit de la pièce 724. La pièce B 724.
3 L'Accusation est au courant des tensions qui existaient entre les droits
4 qui sont reconnus internationalement de liberté, notamment le droit à
5 l'expression d'idées politiques et l'utilisation de discours de haine qui
6 sont une des bases de l'Accusation et d'accuser la personne ici pour les
7 allégations portées contre lui dans l'acte d'accusation.
8 Il ne s'agit pas d'une première accusation internationale d'un accusé
9 qui utilise la propagande internationale. Suite à la Deuxième Guerre
10 mondiale, le tribunal militaire international de Nuremberg a accusé Julius
11 Streicher de crime contre l'humanité, de persécution pour la façon dont il
12 a incité le peuple allemand à assassiner et à exterminer les Juifs.
13 Tout comme Julius Streicher qui a continué à diffuser sa propagande
14 de la mort, tout en sachant très bien que l'extermination des Juifs dans
15 les territoires occidentaux occupés, Seselj a utilisé la diabolisation et
16 la rhétorique déshumanisante au sujet des non-Serbes au cours du conflit
17 armé dans l'ex-Yougoslavie, tout en connaissant les crimes qui étaient
18 commis par les forces serbes et qui étaient le résultat direct de sa
19 propagande et de ses discours.
20 Le plaidoyer de Streicher en faveur de la "solution finale" au cours
21 de la Deuxième Guerre mondiale a été considéré comme une campagne générale
22 de persécution non pas liée à des actes et à une conduite spécifique. Dans
23 ce cas, la participation de Seselj à l'entreprise criminelle commune, grâce
24 à sa propagande de crainte et de haine à l'égard des non-Serbes représente
25 également une campagne similaire générale de persécution. Mais en outre,
26 Seselj, par son utilisation de la propagande, a poussé à commettre
27 directement des crimes spécifiques à des endroits spécifiques et il a
28 personnellement poussé a commettre ces crimes spécifiques à des lieux
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1 spécifiques.
2 Etant donné sa position dans la société serbe, Seselj possédait la
3 capacité dangereuse de diffuser sa propagande et d'exercer son influence
4 dans le domaine politique et militaire simultanément. Ceci, lui a permis de
5 recruter et d'endoctriner des personnes qui étaient désireuses de faire la
6 guerre et de commettre les crimes nécessaires pour poursuivre son objectif
7 d'établissement de la Grande-Serbie.
8 Je voudrais vous montrer une autre vidéo qui vient de la pièce de la
9 pièce de l'Accusation 747, où on voit l'accusé qui prend la parole devant
10 le parlement serbe en septembre 1991.
11 [Diffusion de cassette vidéo]
12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
13 "Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica doivent être notre objectif, il
14 s'agit de la frontière où l'armée doit retirer ses troupes. Si l'armée
15 n'est pas capable de déplacer ses troupes de Zagreb vers cette ligne sans
16 tirer un coup de feu, elle devrait le faire par la force et avec les
17 bombardements ou le pilonnage de Zagreb. L'armée est encore capable, elle a
18 des capacités qui n'ont pas été utilisées. Si ses troupes sont mises en
19 danger, elle a le droit d'utiliser des bombes au napalm et tout ce qui est
20 disponible dans nos entrepôts. Nous ne pouvons pas jouer des jeux ici. Il
21 est plus important de sauver une unité de l'armée que de se préoccuper de
22 savoir s'il y aura des victimes collatérales. A qui est la faute ici ? Ils
23 veulent la guerre et bien ils l'ont."
24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
25 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, dans le "jugement des
26 médias", le Tribunal pénal international pour le Rwanda a accusé Ferdinand
27 Nahimana, Jean-Bosco Barrayagwiza et Hassan Ngeze pour les crimes
28 d'incitation directe et publique à commettre le génocide et le crime contre
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1 l'humanité de persécution. La Chambre de première instance du Tribunal
2 pénal international pour le Rwanda s'est concentrée sur l'impact cumulatif
3 des discours de haine et de l'incitation à la violence qui émanait des
4 articles de quotidiens, de journaux à "Kangura" et des programmes de radio
5 RTLM qui étaient diffusés dans tout le Rwanda.
6 En l'espèce, en utilisant les exemples et les éléments de preuve des
7 experts du Dr Anthony Oberschall, l'Accusation va de même démontrer l'effet
8 cumulatif de la propagande de Seselj. Ce qui différencie cette espèce et
9 qui la sépare de "l'affaire des médias" est le fait que Seselj s'est engagé
10 personnellement dans le crime d'expulsion et de transfert forcé à cause de
11 ses discours publics.
12 N'oubliez pas qu'il y a un point important qui est développé par le
13 prononcé "média". Aux paragraphes 1008 et 1009, la Chambre de première
14 instance observait que les dangers de la censure sont souvent associés à
15 l'oppression des minorités ou de groupes qui sont en opposition au
16 gouvernement. Ces circonstances n'adviennent pas lorsque M. Seselj utilise
17 des expressions politiques entre août 1991 et septembre 1993 parce que M.
18 Seselj faisait un plaidoyer au nom de la population majoritaire de Serbie
19 et pour soutenir le régime au pouvoir de Milosevic ainsi que ses forces de
20 police et ses forces militaires. Il n'est pas question dans cette procédure
21 d'une violation d'un droit d'une minorité de s'exprimer.
22 Les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme reconnaissent les
23 tensions qui peuvent exister entre le droit à la liberté d'expression et
24 d'autres droits de l'homme fondamentaux. Les jugements de la Cour
25 européenne des droits de l'homme nous donne des repères au sujet de ce
26 qu'on appelait les "mots de combats" ou les expressions de communications
27 très dures et même violentes sur un marché démocratique d'idées qui peuvent
28 traverser les frontières entre un discours légal et illégal. Le facteur
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1 déterminant dans cette jurisprudence lorsqu'on essaie de savoir si un
2 discours politique peut être restreint légitiment est celui-ci : Est-ce que
3 le discours ou la communication constitue une incitation à la violence ou
4 est-ce qu'il est en mesure d'inciter la violence ?
5 Voyez, par exemple, aux pages 27, 28 du prononcé ECHR Surek vs
6 Turquie qui a été rendu le 8 juillet 1999.
7 Dans un avis semblable au prononcé de Surek et Ozdemir vous Turquie
8 également rendu le 8 juillet 1999, à la page 40 en anglais, cinq juges de
9 la Cour européenne des droits de l'homme ont proposé qu'il fallait prêter
10 moins d'attention à la forme des mots utilisés et prêter plus d'attention
11 au contexte général dans lequel ces mots ont été utilisés ainsi que leur
12 impact probable.
13 La langue visait-elle à enflammer ou inciter à la violence ? Y avait-il un
14 risque véritable que cela puisse être le cas ? L'auteur du texte qui
15 faisait offense avait-il une forte présence dans la société ou y avait-il
16 probabilité que cette position puisse amplifier l'impact de ses mots ? Est-
17 ce que cette publication a été très visible soit dans un journal important
18 ou grâce à un autre média qui pouvait augmenter l'influence de ce discours
19 qui est mis en question ? Est-ce que les mots s'éloignaient du centre de
20 violence ou étaient-ils sur le seuil de cette violence ?
21 Monsieur le Président, cet avis conforme représente un test plus nuancé,
22 plus rigoureux de restrictions légitimes par rapport à un discours plus que
23 les critères généraux qui sont appliqués par une majorité de juges de la
24 Cour européenne des droits de l'homme. Mais si la Chambre de première
25 instance décide d'appliquer ce test plus rigoureux aux éléments de preuve
26 de la propagande de Seselj qui sont présentés en l'espèce, elle verra que
27 même avec cette exigence très élevée d'examen, le speech de l'accusé était
28 criminel.
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1 L'expert de l'Accusation, le Dr Anthony Oberschall, va identifier un
2 certain nombre de sujets et de méthodes de persuasion qui ont été utilisés
3 pour que cette propagande de l'accusé devienne particulièrement efficace.
4 Par exemple, l'idée que la population serbe est menacée et en danger.
5 Au printemps et en été 1991, Vojislav Seselj a utilisé de plus en plus ses
6 aptitudes exceptionnelles rhétoriques pour convaincre les Serbes que les
7 membres d'autres nationalités, notamment les Croates, représentaient un
8 danger grave vis-à-vis de la survie des Serbes en tant que groupe. Seselj a
9 appelé les Croates des Oustachi pour lier tous les Croates au régime
10 fasciste qui a collaboré avec l'Allemagne nazie pendant la Deuxième Guerre
11 mondiale.
12 Je vous demanderais de passer un clip, la pièce P-755 de l'Accusation qui
13 faisait partie d'un documentaire de la BBC, "La mort de la Yougoslavie" et
14 qui montre l'accusé qui prend la parole devant une assemblée fédérale à
15 Belgrade en été 1991.
16 [Diffusion de la cassette vidéo]
17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
18 "Les racines mêmes des Serbes sont menacées. Des hordes d'Oustachi
19 attaquent des villages serbes, des femmes et des enfants serbes. Des hordes
20 d'Oustachi essaient de terminer le génocide de la nation serbe."
21 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
22 M. SAXON : [interprétation] Autre outil oratoire utilisé par Seselj est la
23 représentation constante de la population serbe en tant que victime des
24 crimes passés et actuels commis par des Croates et par d'autres
25 nationalités. Seselj utilise habilement ce sens de victimisation pour
26 justifier tous les actes de violence collectifs et de revanche y compris
27 les pertes de territoires.
28 La vidéo qui suit vient de la pièce 727. Cela fait partie du discours
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1 prononcé à Jagodnjak en Croatie le 21 avril 1991.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de montrer cette pièce, j'ai
3 l'impression que les parties de vidéo sur lesquelles vous attirez notre
4 attention sont traduites, c'est peut-être sur papier et cela fait partie de
5 votre déclaration d'ouverture. Cela peut être donné aux interprètes. J'ai
6 entendu qu'il y a une présentation en anglais avant que M. Seselj prenne la
7 parole. Je ne sais pas si cela se trouve sur le papier. Je ne sais pas si
8 cette présentation en anglais est également traduite en B/C/S. Cela je ne
9 l'ai pas vérifié. Si cela n'a pas été traduit, il faudrait le faire parce
10 que cela fait partie de ce qu'on entend en anglais. Il faudrait que cela
11 soit traduit en B/C/S également.
12 Je demande à la cabine B/C/S et je vais passer sur le canal B/C/S pour
13 savoir si vous avez traduit l'introduction en anglais.
14 L'INTERPRÈTE : Nous n'avons pas traduit.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors il ne faut pas faire les choses
16 comme cela, Monsieur Saxon. Si vous passez quelque chose en anglais, comme
17 l'introduction, même si vous ne l'avez pas écrit, peut-être que cela fait
18 partie de vos propos liminaires, nous les avons entendus. Je vous demande
19 de repasser cette partie de la vidéo et je demande à la cabine B/C/S et à
20 la cabine française de traduire également la présentation de l'orateur et
21 non pas uniquement la partie que vous considérez comme étant pertinente
22 pour votre déclaration liminaire parce qu'il faut qu'on entende dans toutes
23 les langues.
24 M. SAXON : [interprétation] Nous allons le faire, Monsieur le Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
26 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
27 [Diffusion de cassette vidéo]
28 "JOURNALISTE : Les alliés extrémistes de Slobodan Milosevic ont fait ce
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1 qu'il fallait pour créer un conflit entre les Serbes et les Croates."
2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Les racines mêmes de la cause serbe sont
3 menacées. Des hordes d'Oustachi attaquent des villages serbes, des femmes
4 et des enfants serbes. Les hordes oustachi essaient de mettre un point
5 final au génocide de la nation serbe."
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, s'il vous plaît, Monsieur
7 Saxon.
8 M. SAXON : [interprétation] Un autre outil oratoire utilisé par Seselj est
9 la représentation constante de la population serbe comme des victimes de
10 crimes passés et présents commis par des Croates et par d'autres
11 nationalités. Il a utilisé habilement ce sens de victime comme
12 justification pour tous ces actes collectifs de violence et de revanche, y
13 compris la perte de territoires.
14 La prochaine vidéo vient de la pièce 724 qui s'est passée à
15 Jagodnjak, en Croatie, le 21 avril 1991.
16 [Diffusion de cassette vidéo]
17 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
18 "Le nouveau chef oustachi est Josip Broz, le général Franjo Tudjman
19 et le nouveau gouvernement oustachi en Croatie ont une fois de plus mis le
20 couteau sous la gorge. S'ils veulent lancer un nouveau génocide contre le
21 peuple serbe, nous leur disons que nous allons nous venger pour chaque vie
22 serbe et que nous allons également leur faire payer les crimes du passé,
23 ainsi que les crimes de l'histoire récente. Aucune action ne restera
24 impunie et nous n'allons pas permettre --"
25 M. SAXON : [interprétation] Les discours de Seselj diabolisaient et
26 déshumanisaient les Croates, Musulmans et d'autres non-Serbes en les
27 décrivant comme des personnes qui ont des préjugés négatifs, en liant tous
28 les Croates au régime fasciste des Oustachi, en appelant les Musulmans de
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1 Bosnie des supporters des mouvements fondamentalistes panislamistes qui
2 essaieraient de prendre le contrôle de la Bosnie-Herzégovine.
3 Voici un exemple qui fait partie de la pièce 569 qui fait partie
4 d'une interview que l'accusé a donné à un magazine et qui disait : "Comment
5 peut-on être supposés négocier avec des Oustachi ? Avez-vous vu aujourd'hui
6 que le peuple croate est entièrement Oustachi ? Il y a très peu
7 d'exceptions."
8 En diabolisant et en déshumanisant les Croates et les Musulmans, les
9 discours de Seselj rendaient inutiles toute remise en question de la
10 moralité ou la légalité des crimes commis contre les non-Serbes.
11 Simultanément, les discours de Seselj glorifiaient le peuple serbe et leur
12 comportement en temps de guerre. Ils encourageaient ainsi plus d'agression,
13 de violence contre d'autres groupes nationaux.
14 La pièce suivante que vous allez voir vient de la pièce de
15 l'Accusation 1836. C'est un extrait d'un article qui a été publié dans le
16 journal du Parti radical serbe, Velika Serbia, numéro 10, de 1991. On y
17 reprend les paroles de l'accusé qui dit, par rapport aux Serbes croates :
18 "Nous saluons leur leader héroïque, Milan Babic, qui est sur la ligne
19 de front de la défense de la serbitude dont l'intelligence et le courage
20 l'ont placé parmi les meilleurs fils du peuple serbe. Nous voulons lui dire
21 que des milliers de Chetniks vont lui venir en aide à chaque fois qu'il
22 demandera de l'aide. Nous saluons également le SDS de Bosnie-Herzégovine et
23 de son leader intelligent, M. Radovan Karadzic qui se trouve aussi sur la
24 ligne de front à la défense des intérêts nationaux grâce à la volonté du
25 peuple serbe. Nous voulons leur dire à tous qu'ils ne resteront pas seuls
26 aussi longtemps que les Chetniks serbes sont disposés à suivre l'exemple
27 glorieux de leurs prédécesseurs."
28 C'est ainsi qu'a continué le processus du conditionnement de grandes
Page 910
1 portions de la population serbe qui étaient mises en danger. Les Croates et
2 d'autres non-Serbes étaient des personnes qu'il fallait craindre et
3 détester. Cette action, y compris une action extrême, devait être
4 entreprise rapidement pour détruire cette menace grave vis-à-vis des
5 Serbes.
6 Plusieurs aspects de l'utilisation des mots par l'accusé entre 1991
7 et 1993 rendent cette forme de discours politique criminelle.
8 Tout d'abord, Vojislav Seselj a utilisé ces formes particulières
9 d'expression dans un contexte difficile de guerre et d'émoi politique,
10 lorsque des membres de toutes les communautés nationales et ethniques
11 étaient très fortement sensibles à son message de crainte et de haine.
12 Deuxièmement, Seselj était parfaitement conscient de son pouvoir
13 politique personnel et de sa capacité extraordinaire d'influencer la
14 population grâce à ses discours. Des déclarations faites par l'accusé pour
15 "Vie et mort de la Yougoslavie," ainsi que des déclarations, qui ont été
16 faites par Seselj pendant sa déposition lors du procès Milosevic, nous
17 montrent très bien que c'était le cas.
18 La vidéo suivante vient de l'émission "Vie et mort de la
19 Yougoslavie." C'est la pièce de l'Accusation 756.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
22 "Milan Babic est venu avec moi et la population a commencé à le huer,
23 mais après j'ai fait un discours enflammé et les gens ont commencé à
24 l'applaudir. Babic voulait se réconcilier avec Raskovic, mais Raskovic a
25 refusé sur le moment et c'est pourquoi il a raté politiquement.
26 "Je suis d'abord allé là le 9 mars, alors que Raskovic détruisait Belgrade.
27 Je suis allé en Slavonie pour lever une rébellion du peuple serbe. Je suis
28 honoré du rôle que j'ai joué en 1991. Les Serbes ont demandé pour moi. Ils
Page 911
1 m'ont appelé. Tout d'abord, ils ne faisaient pas beaucoup confiance à
2 Milosevic parce qu'il leur faisait des promesses qu'il ne respectait pas
3 toujours. Ils se sentaient menacés parce que le Mouvement chetnik-serbe
4 réunissait un grand nombre de personnes tout à fait capables et ils ont
5 demandé notre aide."
6 M. SAXON : [interprétation] La pièce suivante vient d'une pièce de
7 l'Accusation. Je pense que c'est la 2828. C'est la déposition de M. Seselj
8 au cours du procès de Slobodan Milosevic. La déposition de l'accusé le 24
9 août 2005, page 43 125, où, Monsieur le Président, vous avez demandé à
10 Seselj, qui était à ce moment-là témoin. Vous avez dit :
11 "JUGE BONOMY: Monsieur Seselj, combien de volontaires y avait-il dans
12 le Parti radical serbe ?"
13 M. Seselj a répondu :
14 "LE TÉMOIN: Pour des raisons de propagande, nous disions qu'il y en
15 avait 30 000, mais le chiffre véritable était plutôt de 10 000."
16 Les éléments de preuve de l'Accusation vont prouver que lorsque Seselj
17 utilisait un discours politique pour créer la crainte et la haine entre
18 différentes nationalités, ses actions étaient calculées et délibérées.
19 Troisièmement, en diabolisant et en dénigrant la population non-serbe, les
20 discours de Seselj, dans l'esprit de ceux qui l'écoutaient, justifiaient
21 les actes de violence commis contre des non-Serbes et permettaient ce genre
22 d'actions.
23 Quatrièmement, ces discours de haine de Seselj en soi compromettaient la
24 dignité humaine des non-Serbes dans l'ex-Yougoslavie et constituaient une
25 forme de persécution.
26 Cinquièmement, comme ma collègue vous l'a dit, les discours de Seselj
27 instiguaient et ont incité directement les hommes et les femmes serbes à
28 commettre des actes de violence contre des non-Serbes.
Page 912
1 Sixièmement, Seselj, grâce à ses discours en faveur de la crainte et de la
2 haine des non-Serbes, a commis personnellement des crimes contre l'humanité
3 d'expulsion et de transfert forcé. Les formes criminelles de Seselj
4 d'expression publique étaient très efficaces dans la province de Vojvodine,
5 en Serbie, qui abrite plus de 72 000 Croates ethniques avant le début de la
6 guerre.
7 Monsieur le Président, je dois m'interrompre ici parce que je vois que
8 j'arrive dans quelques minutes aux 32 minutes qui m'étaient allouées. Si je
9 devais dire le reste de mon discours et présenter les éléments de preuve et
10 les pièces que j'ai choisis, j'imagine que j'aurais besoin d'encore 10
11 minutes, peut-être un peu plus. Je demande à la Chambre de me dire de
12 combien de temps je pourrais encore disposer.
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Saxon, la Chambre décide de
15 vous accorder dix minutes; cela vous laisse de quoi aller jusqu'à 10 heures
16 12 minutes.
17 M. SAXON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,
18 La carte que vous avez ici, la carte sortie du registre au numéro 20, c'est
19 ce qui a été distribué hier, vous voyez la province de Vojvodine. C'est une
20 province en Serbie. Vous voyez Belgrade au sud et vous voyez la localité de
21 Hrtkovci qui constitue un point rouge au nord-ouest de Belgrade.
22 La Vojvodine est une province de Serbie qui est limitrophe avec la Croatie,
23 à savoir à la Slavonie orientale, à Baranja et au Srem occidental. Pour
24 finir, la Vojvodine va devenir une place forte du Parti radical serbe.
25 L'accusé a visité bon nombre de sites dans la Vojvodine à bien des
26 reprises.
27 Vous allez entendre un expert de l'Accusation, Mme Ewa Tabeau, qui dit
28 qu'en 1991-1992, à peu près 250 000 réfugiés serbes sont arrivés en Serbie
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1 depuis la Croatie et depuis certaines parties de la Bosnie-Herzégovine.
2 Plus de 85 000 de ces réfugiés ethniques serbes sont arrivés en Vojvodine.
3 Certains sont arrivés à bord d'autocars organisés par le Parti radical
4 serbe. Aux fins de créer de la place pour ces réfugiés pour réaliser ses
5 objectifs politiques, l'accusé a pris la parole à des rassemblements
6 populaires, à des réunions privées et au niveau de l'assemblée pour convier
7 les gens à expulser les Croates de Vojvodine. Il a déclaré que les Croates
8 étaient des citoyens manquant de loyauté qui se devaient d'être chassés.
9 Avec l'aide de notre commis à l'affaire et ainsi qu'avec l'aide des
10 interprètes qui se trouvent dans les cabines, je me propose de mettre de
11 côté la pièce à conviction 745 et la pièce 612 et je vais aller au-delà.
12 Les Croates ont résidé dans un village appelé Hrtkovci qui se trouve à peu
13 près à une heure de Belgrade, au nord-ouest de Belgrade. C'est là que se
14 trouvaient les victimes de cette campagne de Vojislav Seselj et aux fins
15 visant à expulser les Croates de la Serbie. Les tensions ont commencé à
16 croître à Hrtkovci dans le courant de la deuxième moitié de 1991 dès
17 l'arrivée des réfugiés serbes dans cette municipalité. Les Serbes de
18 l'extérieur de Hrtkovci, ainsi que les Serbes du village se sont associés
19 au Parti radical serbe pour persécuter et menacer certains Croates résidant
20 dans le village.
21 Le 6 mai 1992, Seselj a pris la parole à un rassemblement populaire de
22 Hrtkovci organisé par les soins du Parti radical serbe. Des témoins de
23 l'Accusation se proposent de décrire de quelle façon Seselj a demandé à ce
24 que soient expulsés les Croates de cette communauté-là.
25 Ce que vous voyez maintenant sur vos écrans, c'est un extrait d'une pièce à
26 conviction de l'Accusation, la pièce 556. Cela a été extrait du discours
27 tenu par Seselj à Hrtkovci ce jour-là. Cela a été repris dans certains de
28 ses livres, "L'aide du diable et le pape criminel Jean-Paul II". Ce que
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1 l'on voit dans ce premier paragraphe est ce qui suit :
2 "Dans ce village également à Hrtkovci, dans cette localité du Srem serbe,
3 il n'y a guère de place pour les Croates. Quels sont les Croates parmi nous
4 qui ont de la place ici ? Seul les Croates et leurs familles qui ont saigné
5 à nos côtés sur les lignes de front. Du reste, eux, ils n'ont été
6 qu'appelés Croates. Ils ont déjà une conscience qui n'est plus asservie. Il
7 y en avait parmi eux qui ont fait partie de nos volontaires. Ceux-là vont
8 rester avec nous et les autres devront quitter la Serbie."
9 Un peu plus bas, dans le paragraphe suivant, vers le milieu du paragraphe
10 suivant, il est dit :
11 "Très bien, s'il n'y a pas la possibilité de le faire, il faudrait à chaque
12 famille de réfugiés serbes donner l'adresse d'une famille croate. La police
13 le leur donnera. La police fera ce que le gouvernement aura décidé de faire
14 et c'est nous qui allons faire partie du gouvernement bientôt. Chaque
15 famille serbe de réfugiés viendra frapper à la porte des Croates et leur
16 donner leurs adresses à Zagreb et dans d'autres localités Croates. Oh oui,
17 ils vont le faire. Il y aura suffisamment d'autocars. Nous allons les
18 raccompagner jusqu'à la frontière des territoires serbes à partir d'où ils
19 n'auront qu'à continuer à pied, s'ils ne partent pas avant de leur plein
20 gré."
21 Ultérieurement, nous allons voir un autre paragraphe où l'accusé dit à des
22 Croates rassemblés, la chose suivante :
23 "Je suis convaincu que les Serbes de Hrtkovci et des autres villages autour
24 vous saurez préserver l'harmonie et l'unité et que vous allez rapidement
25 vous débarrasser du reste des Croates dans votre village et dans les
26 villages environnants."
27 Des témoins de l'Accusation vont parler de la crainte qu'ont suscité les
28 discours de Seselj et cette campagne d'expulsion des Croates qui s'est
Page 915
1 ensuivie au niveau du village de Hrtkovci. Expulsions qui, dans une large
2 mesure, ont constitué le résultat des instructions données par Seselj dans
3 ses discours.
4 Je vais sauter une partie de mon discours liminaire et je vais passer à la
5 page 18, paragraphe 27.
6 Des éléments de preuve seront présentés pour démontrer que Seselj
7 s'est servi de tous les médias disponibles : la télévision, la radio, des
8 quotidiens y compris les deux publications du Parti radical serbe, l'une
9 imprimée à Belgrade et l'autre à Banja Luka, puis des hebdomadaires et ses
10 interventions personnelles pour propager et disséminer cette haine.
11 Ce que vous allez voir sur une caricature qui est présentée par la pièce
12 0666. On s'est même servi des caricatures pour diffuser des messages
13 s'attaquant aux non-Serbes et encourageant la violence à l'encontre des
14 Croates et des Musulmans. Cette caricature a été publiée en juillet 1993
15 dans une publication intitulée "La Serbie occidentale," c'est un des
16 journaux du Parti radical serbe. On y voit un homme qui est en train de
17 balayer les petites mosquées qui se trouvent dans l'entourage d'une église
18 orthodoxe serbe.
19 Les éléments de preuve présentés par l'Accusation démontreront que lorsque
20 cette caricature a été publiée le message a déjà été diffusé, à savoir le
21 message de la destruction du bien culturel musulman et la destruction de
22 l'identité et de la présence musulmane, chose qui a déjà été réalisée dans
23 bien des communautés en Bosnie-Herzégovine.
24 Je passe maintenant au paragraphe 29.
25 Il est assez raisonnable de se poser la question de savoir comment les
26 propos prononcés et rédigés par Vojislav Seselj, diffusés par la radio et
27 la télévision, publiés et imprimés dans les journaux et les nombreux livres
28 rédigés par l'intéressé ont pu encourager les gens à commettre des crimes
Page 916
1 horribles. La réponse réside dans la nature humaine.
2 Le Pr Anthony Oberschall expliquera que tout être humain est soumis à
3 des sentiments de haine, encouragés par la rhétorique des uns et des
4 autres. Il n'y a qu'un petit pas à faire entre la peur normale que peut
5 ressentir un être humain et un sentiment de haine qui s'ensuit. L'histoire
6 récente montre bien des exemples tragiques où l'on a vu des gens
7 ordinaires, des gens comme vous et moi, encouragés et persuadés de la
8 nécessité de commettre des actes horribles.
9 Les éléments de preuve présentés par l'Accusation vont se centrer sur des
10 Serbes, hommes et femmes ordinaires, qui étaient jeunes et qui ont fait
11 confiance aux messages de Vojislav Seselj, qui ont suivi ces messages, qui
12 ont pris les armes, sont partis en guerre et ont commis des atrocités et
13 des brutalités.
14 A ce propos, je voudrais vous diffuser un premier enregistrement vidéo de
15 ces jeunes volontaires, hommes et femmes. Cela vient de la pièce à
16 conviction 2875. Il s'agit d'un film documentaire intitulé : "La chute des
17 âmes perdues."
18 [Diffusion de la cassette vidéo]
19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
20 "VOIX NON IDENTIFIEE: [aucune interprétation]
21 CHETNIK NON IDENTIFIE: Chetnik, Chetnik.
22 VOIX NON IDENTIFIEE: [Imperceptible] On entend une chanson.
23 Ce sera Serbe; à nous. Il n'y aura plus d'Oustachi. Il n'y aura plus
24 de fascisme. Nous ne permettrons plus cela. Nous avons subi cela pendant 50
25 ans. Ils n'ont pas cessé de nous détester. Cela suffit maintenant.
26 VOIX NON IDENTIFIEE: On ne peut que les combattre.
27 JOURNALISTE: [aucune interprétation]
28 VOIX NON IDENTIIFIEE: Parce qu'ils tuent les nôtres, nos enfants. On
Page 917
1 a vu une tête se couper avec une tête de cochon sur un corps d'enfant. Vous
2 n'avez jamais vu cela. Non ? Discutez avec des gens pareils. Non. Il ne
3 nous reste plus qu'à nous battre jusqu'à la dernière balle, jusqu'au
4 dernier Oustachi.
5 C'est tout."
6 [Fin de la diffusion de la casette vidéo]
7 M. SAXON : [interprétation] Messieurs les Juges, toutes les guerres et
8 toutes les activités de combat n'ont pas été illégales, mais la guerre des
9 mots de Seselj avait une signification criminelle pour une raison
10 fondamentale. Cet accusé a exercé son droit à l'expression à des fins
11 criminelles, à savoir pour diffuser la haine, la peur, la violence et
12 encourager les souffrances en ex-Yougoslavie dans cette tentative de mettre
13 en place un Etat serbe unifié et une Grande-Serbie.
14 Pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, Seselj mérite d'être
15 tenu responsable pour la perpétration des crimes contre l'humanité et la
16 violation des droits et coutumes de la guerre.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Saxon.
18 Ceci met un terme au discours liminaire de l'Accusation, si j'ai bien
19 compris, Madame Uertz-Retzlaff.
20 Maître Hooper, lorsque je vous ai posé hier la question de savoir si
21 vous alliez tenir un discours liminaire, vous nous avez dit que vous
22 n'étiez pas en mesure en ce moment-ci de tenir un discours liminaire. Nous
23 sommes conscients du fait que M. Seselj préférerait remettre à plus tard ce
24 discours liminaire. C'est ce qu'il nous a dit auparavant. Y a-t-il des
25 évolutions nouvelles à cet effet et dont vous aimeriez nous tenir au
26 courant ?
27 M. HOOPER : [interprétation] Depuis hier, nous n'avons eu aucun contact
28 avec le Dr Seselj. Ce qui fait qu'en réalité, je ne suis pas en mesure
Page 918
1 d'ajouter quoi que ce soit sur ce point. De mon côté, il n'y a certainement
2 aucune intention, comme que je vous l'ai d'ailleurs dit hier, de m'adresser
3 dans le courant de cette matinée-ci en prononçant un discours liminaire. Ce
4 que je voudrais, c'est préserver la possibilité, à l'intention du Dr
5 Seselj, de le faire à un moment ultérieur. Comme je l'ai indiqué hier,
6 j'espère sincèrement que ce moment finira par arriver. Cela fait que je ne
7 ferai pas de discours liminaire au nom de la Défense.
8 Mais peut-être serait-il approprié de ma part de tenir quelques propos de
9 nature générale en raison de la position particulière, quelque peu
10 inhabituelle, dans laquelle je me trouve en ma qualité de conseil commis
11 d'office, ou plutôt dans laquelle nous nous trouvons en tant qu'équipe de
12 la Défense. Je ne pense pas prendre beaucoup de votre temps, si vous m'en
13 fournissez l'opportunité.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez l'opportunité de le
15 faire, Monsieur Hooper.
16 M. HOOPER : [interprétation] Je vous en remercie.
17 Le Dr Seselj, bien entendu, n'est pas présent ici. La raison pour laquelle
18 je suis ici moi-même, comme à mon avis nous devons tous fort bien le
19 savoir, c'est que les Juges, vous-mêmes, avec le soutien de l'opinion des
20 Juges de la Chambre d'appel, avez été d'avis que le Dr Seselj avait adopté
21 sans nécessité aucune eu un comportement obstructif. C'est du fait de ce
22 comportement, je ne vais pas aller au-delà, que l'intéressé n'agit pas dans
23 son propre intérêt et pas plus que dans l'intérêt de la justice. Aussi la
24 Chambre, appuyée par l'opinion de la Chambre d'appel, compte tenu des
25 circonstances, a estimé que son droit à se défendre lui-même devrait être
26 retiré et faire en sorte que moi-même, le Dr O'Shea et les autres membres
27 de l'équipe de la Défense intervenions en qualité d'équipe de la Défense.
28 En bref, en son absence, j'ai estimé qu'il était préférable d'avoir un
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1 conseil de la Défense plutôt que de ne pas en avoir du tout. Je reconnais
2 que cela est loin d'être une situation idéale, très loin de l'être. Je sais
3 que moi-même et les autres membres de l'équipe de la Défense commis
4 d'office aurions préféré, tout comme les Juges, voir le Dr Seselj jouer son
5 rôle à part entière dans ce procès et ceci pour une très bonne raison.
6 Le Dr Seselj se trouve après tout être accusé des chefs d'accusation
7 les plus graves qui sont des chefs d'accusation que nous avons entendus
8 présenter par l'Accusation dans le courant de la journée d'hier et
9 d'aujourd'hui. Le Dr Seselj, lui, a plaidé non coupable s'agissant des dix
10 chefs d'accusation. Il doit être dit également qu'il est arrivé de son
11 plein gré à La Haye. Il s'est rendu lui-même pour répondre à ces
12 allégations et à ces chefs d'accusation.
13 Du fait de ce qui a été dit ici ce matin et du fait de ce qui a été
14 publié dans les médias au fil des quelques dernières années, nous tenons à
15 rappeler qu'il ne nous appartient pas de prouver son innocence. Il n'a pas
16 à prouver qu'il n'a pas fait ce qui lui est reproché. L'Accusation a dressé
17 un acte d'accusation à son encontre et il appartient à l'équipe du
18 Procureur de prouver, avec toutes les normes les plus éminentes en la
19 matière, le fait qu'il a effectivement perpétré ces actes répréhensibles.
20 Nous connaissons l'homme en question, nous le savons, cela relève de notre
21 jurisprudence et en la phase actuelle du procès, il est présumé innocent
22 vis-à-vis de tous les chefs d'accusation dressés à son encontre.
23 Dès le début de cette phase, il importe de dire et de rappeler aux
24 Juges de la Chambre que c'est un homme qui bénéficie de la présomption
25 d'innocence et si préjugés il doit y avoir, préjugés il doit y avoir en sa
26 faveur et non pas contre lui.
27 Il n'est pas présent à présent. Il devrait être présent. Il serait
28 très important de le voir participer à part entière dans ce procès dans la
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1 mesure du possible pour lui. C'est le seul procès qu'il va avoir. Je crois
2 qu'il le sait. C'est un homme intelligent qui a une fort bonne perception
3 des choses. C'est également un homme courageux partant des actes qui ont
4 été les siens au fil des années écoulées, je puis espérer qu'il trouvera le
5 courage de mettre de côté son exaspération qui est peut-être justifiée, de
6 mettre cela de côté et venir ici pour faire face aux accusations que je ne
7 puis faire moi-même. Je souligne une fois de plus que cela est une chose
8 qui se trouve entre ses mains à lui. C'est à lui qu'il appartient de
9 répondre aux chefs d'accusation dressés à son encontre. C'est de lui que
10 dépendra le succès ou l'aboutissement fructueux de ce procès tel qu'il le
11 souhaiterait lui-même.
12 Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir prêté une oreille
13 attentive à mes propos.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est moi qui vous remercie, Monsieur
15 Hooper. Vous avez dit que la situation présente était loin d'être idéale
16 et, à deux reprises, vous avez souligné que vous souhaiteriez que M. Seselj
17 vienne jouer un rôle des plus importants dans le procès présent. Les Juges
18 de la Chambre sont tout à fait d'accord avec cette remarque et vous
19 remercient de l'observation que vous venez de faire.
20 Quelques points liés à la procédure avant que de prendre une pause.
21 Tout d'abord je tiens à dire que les Juges de la Chambre ont reçu de la
22 part du représentant du Greffe un message disant que M. Van der Spoel était
23 en négociation pour ce qui est de se charger du rôle que les Juges de la
24 Chambre avait à l'esprit lorsqu'ils ont rendu leur décision d'hier.
25 Deuxième point, les Juges de la Chambre ont été informés du fait que le
26 bureau du Procureur pourrait renoncer à la requête visant à faire examiner
27 l'état mental de l'accusé. Il se pourrait que celle-ci soit retirée. Les
28 Juges de la Chambre voudraient recevoir cela par écrit.
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1 Le troisième point se rapporte à l'ordre de comparution des témoins. La
2 Chambre a été saisie ce matin d'une liste brève pour ce qui est de "L'ordre
3 de comparution des témoins concernant la période allant du 6 au 14 décembre
4 2006." Je suppose que c'est là un ordre de comparution des témoins sur
5 lequel les parties sont tombées d'accord.
6 M. SAXON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ceci signifie que -- je ne vais
8 pas citer leurs noms. Ceci signifie que le premier va être le Témoin VS-
9 1133; le deuxième VS-1136; le troisième VS-1134; le quatrième VS-1135; puis
10 il y aura un témoin qui témoignera par vidéoconférence. Je crois qu'en ce
11 moment il ne pourrait s'agir que du Témoin VS-053 puisqu'il n'y a pas eu de
12 décision de rendue au sujet du Témoin VS-1141. Le sixième des témoins sur
13 la liste est le VS-017, puis le septième est le témoin expert, Mme Ewa
14 Tabeau.
15 Maître Hooper, hier le bureau du Procureur a présenté une information
16 complémentaire au sujet du Témoin 1141, cela était essentiellement lié à la
17 vidéoconférence. Il y a des écritures de présentées demandant une
18 modification des mesures de protection à mettre en œuvre. Si vous souhaitez
19 répondre au sujet de la requête en question, vous allez avoir l'opportunité
20 de le faire. Bien entendu, si vous souhaitez le faire dès à présent, étant
21 donné que nous n'avons pas reçu d'autres réponses, mais je n'ai pas non
22 plus la certitude du fait que cette requête a été traduite et portée à
23 l'attention de M. Seselj. J'imagine que cela n'a pas encore été le cas.
24 Toujours est-il que si vous souhaitez répondre, peut-être pourrions-nous le
25 faire à huis clos partiel, si votre intention se trouverait à être de vous
26 pencher sur sa teneur.
27 M. HOOPER : [interprétation] Est-ce que je peux avoir un moment pour ce
28 faire, Monsieur le Président ?
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr.
2 [Le conseil de la Défense se concerte]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui allez-y, Monsieur Hooper.
4 M. HOOPER : [interprétation] Nous préfèrerions qu'il soit fourni des
5 preuves médicales au sujet de ce témoin. Excusez-moi, un autre instant, je
6 vous prie.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si vous préfèreriez que cela
8 se fasse par écrit dans le courant de cet après-midi, il pourra
9 effectivement être procédé ainsi.
10 M. HOOPER : [interprétation] Oui, dans ces circonstances, je crois que cela
11 est préférable parce qu'il y a une espèce de confusion. J'en suis navré.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que des écritures officielles
13 avec la courtoisie de l'Accusation pourraient permettre la fourniture d'une
14 copie et cela pourra accélérer une décision en la matière.
15 M. HOOPER : [interprétation] Oui, nous sommes en train en effet de parler
16 du même témoin, c'est une mesure différente mais il n'y a pas d'objection
17 pour ce qui est des déformations des traits du visage et de la voix.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, cela est clair. Je crois que
19 c'est exactement ce qui a été demandé.
20 Il y a une autre question dont je voulais parler.
21 M. SAXON : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse de vous
22 interrompre parce que nous sommes encore en train de parler des témoins.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.
24 M. SAXON : [interprétation] Je voulais juste informer les Juges de la
25 Chambre du fait que nous avons précisé la portée du témoignage du témoin
26 Mme Ewa Tabeau si nous arrivons à la joindre en décembre. Hier, suite à des
27 négociations franches, nous avons décidé de faire en sorte que Mme Tabeau
28 témoigne en décembre. Le témoignage ne portera que sur son rapport d'expert
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1 portant sur les migrations depuis la Vojvodine et en particulier de la
2 ville de Hrtkovci. Ultérieurement, elle pourrait témoigner concernant son
3 rapport relatif à la Bosnie.
4 [La Chambre de première instance se concerte]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous avez dit qu'il a été
6 décidé de la faire témoigner. Je crois que vous avez anticipé un accord de
7 la part des Juges de la Chambre.
8 M. SAXON : [interprétation] Cela est absolument exact, Monsieur le
9 Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre fournit son approbation en la
11 matière.
12 M. HOOPER : [interprétation] Puis-je indiquer que ce n'est qu'hier que nous
13 avons eu accès aux pièces à conviction du témoin, enfin aux éléments de
14 preuve relatifs au témoignage de VS-054, à la totalité des éléments de
15 preuve et je n'ai pu en prendre lecture qu'hier soir. Je crois que le
16 Témoin VS-054 devrait être ouvert pour discussion. L'Accusation a demandé à
17 ce qu'il soit présent pour la première audience, je ne veux pas fatiguer
18 davantage les Juges de la Chambre, mais je tiens à préciser que nous
19 pourrions confirmer l'ordre de comparution des témoins.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais le VS-054 n'est pas en ce
21 moment sur la liste sur laquelle nous sommes tombés d'accord. Si j'ai bien
22 compris, il devrait y avoir un remplacement, n'est-ce pas ? Je crois que
23 les parties devront encore se consulter.
24 M. SAXON : [interprétation] Si cela devient nécessaire parce que nous
25 ferions de notre mieux pour faire venir VS-054 ici, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce témoin n'est pas sur la liste
27 pour le moment. On verra s'il convient de s'attendre à autre chose.
28 M. SAXON : [interprétation] C'est exact.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges de la Chambre vont se pencher
2 sur la situation. Pour le moment, nous n'avons que sept témoins sur la
3 liste.
4 Nous n'avons pas encore quitté le sujet des témoins. La Chambre a été
5 informée hier qu'il y a eu des échanges entre l'Accusation, M. Hooper et M.
6 O'Shea concernant l'ordre de comparution des témoins. La Chambre a pris
7 bonne note du fait que cela s'est situé à une période où M. Seselj était
8 encore en train de se défendre lui-même. Il faudrait peut-être parler de
9 cet ordre de comparution parce que je crois que la question n'a pas été
10 évoquée pendant la tenue de la Conférence de mise en état. Entre-temps, la
11 situation en matière de procédure s'est trouvée modifiée. Par conséquent,
12 nous allons nous conformer à la situation actuelle suite aux échanges de la
13 semaine passée entre les parties en présence. Ce qui se trouve être
14 approuvé par la Chambre.
15 Ce que je veux souligner à présent, c'est qu'il importe énormément d'agir à
16 chaque fois dans le contexte de la situation telle qu'elle a prévalu au
17 moment donné, du point de vue de la procédure et du point de vue de la
18 représentation des parties.
19 Si l'une quelconque des parties en présence souhaiterait évoquer l'un
20 quelconque des points, il faudrait que nous fassions une pause, que nous
21 levions l'audience jusqu'au 6 décembre, date à laquelle nous attendons la
22 comparution du premier témoin.
23 Je vois que vous êtes en train de dire "non" de la tête. Je crois que c'est
24 une réponse négative de la part de l'Accusation.
25 Monsieur Hooper, avez-vous quelque chose à dire ?
26 M. HOOPER : [interprétation] Donnez-moi un instant, je vous prie.
27 [La Conseil de la Défense se concerte]
28 M. HOOPER : [interprétation] Non, il n'y a pas d'autres sujets à évoquer.
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1 Merci.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons lever l'audience pour
4 aujourd'hui. Nous allons reprendre le 6 décembre à 2 heures et quart de
5 l'après-midi dans le même prétoire.
6 --- L'audience est levée à 10 heures 33 et reprendra le 6 décembre 2006 à
7 14 heures 15.
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