Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 20 août 2007

2 [Audience publique]

3 [Conférence de mise en état]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 15.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez-nous l'affaire, s'il

7 vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour Monsieur le Juge, affaire IT-03-

9 67-PT, le Procureur contre Vojislav Seselj.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En ce lundi 20 août 2007, je salue toutes les

11 personnes présentes.

12 Madame Dahl et tous ses collaborateurs, je salue également Monsieur

13 Seselj ainsi que toutes les personnes qui se trouvent dans la salle

14 d'audience et qui nous aident dans nos travaux.

15 Comme vous le savez, cette audience de mise en état n'est que la suite de

16 celle qui s'est interrompue vendredi dernier à 19 heures 10 et nous

17 poursuivons donc le cours de nos travaux, et pour ce faire, je vais donner

18 la parole à M. Seselj qui n'avait pas terminé la dernière fois son

19 intervention. Et j'avais été obligé de le couper en raison de l'heure

20 tardive.

21 De ce fait, Monsieur Seselj, je vous donne la parole.

22 M. SESELJ : [interprétation] Monsieur le Juge, vendredi dernier j'ai

23 commencé à parler de la pertinence des éléments de preuve qui me sont

24 communiqués par le Procureur. Le Procureur a communiqué à ce jour environ 1

25 000 documents sur 4 000 au total, et on me communique par des façons autres

26 des documents tels qu'une demande pour ce qui est de la notification

27 d'éléments de preuve documentaires. Bon nombre de ces documents ne sont

28 absolument pas pertinents et ne font que constituer un fardeau qui

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1 m'ensevelit et m'interdit, en réalité, de fonctionner normalement. Alors,

2 si encore on continue à me communiquer des documents dénués de pertinence,

3 cette cellule, qui est une nouvelle cellule ne suffira pas comme entrepôt,

4 il faudra un étage entier pour m'élargir aux fins d'entreposer tout cela.

5 Je vais illustrer cela, Monsieur le Juge, je vous ai apporté trois

6 classeurs et si vous voulez bien avoir l'amabilité de demander à Mme

7 l'Huissière de prendre ceci pour que vous vous penchiez un instant, et je

8 vous dirai tout de suite de quoi il en retourne. Ce sont ces trois

9 classeurs-ci. On m'a communiqué des photocopies complètes de registres de

10 l'église de Hrtkovci en Vojvodine, les registres de naissance, de baptisés,

11 de mariés, de décédés à partir de 1945 jusqu'à l'an 2000. C'est absolument

12 dénué de pertinence, il y a des renseignements statistiques pour ce qui est

13 de la population de Hrtkovci. On sait par leurs noms et prénoms quels ont

14 été les habitants de Hrtkovci avant et maintenant. C'est un village de

15 quelques milliers d'habitants à peine dans la municipalité de Ruma, et il

16 n'y avait nul besoin de le faire. C'est une illustration seulement pour ce

17 qui est de la façon dont ils procèdent. Vous verrez une copie de la

18 constitution de la SFRY de 1974. Moi, j'en ai reçu déjà trois exemplaires.

19 Le livre de Borislov Jovic intitulé "Les derniers jours de la SFRY" sur 400

20 pages. On me l'a communiqué trois fois; une fois en 2006, et maintenant en

21 deux exemplaires.

22 Alors, que se passe-t-il, dans un paquet, une boîte où l'on peut caser cinq

23 classeurs, j'ai trouvé dans un classeur les photocopies complètes du livre

24 de Borislov Jovic. Dans l'autre classeur, une autre photocopie du livre de

25 Borislov Jovic. Ça été fait par des personnes différentes, et au petit

26 bonheur, on a mis tout cela ensemble sans coordination aucune, et on me le

27 communique.

28 Alors, je sais que le Procureur a pris l'habitude de faire cela dans toutes

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1 les autres affaires. Ils ont pris l'habitude de voir la plupart des avocats

2 ne pas se pencher sur la chose, ne pas lire tout cela, ne pas examiner, et

3 sont tombés maintenant sur quelqu'un qui, au moins, feuillette tout ceci,

4 se penche sur tout ceci, d'où le problème. Alors, si vous vous en souvenez,

5 j'ai dit la fois passée que j'insisterais, conformément au Règlement de

6 procédure et de preuve, sur la nécessité pour le Procureur, s'agissant de

7 tous documents présentés, d'argumenter pourquoi ce document est-il

8 pertinent. Pour dire, donc, sur quoi se fonde la pertinence. Le Procureur

9 est tenu de le faire en application du Règlement. Dans bon nombre

10 d'affaires, cela n'a pas été fait parce que la Défense ne l'a pas demandé.

11 La Défense avait estimé que ces documents ne regardaient pas son client et

12 ça été versé au dossier, puis les dossiers n'ont fait que s'accumuler.

13 Alors, il faut que le dossier soit rationnellement constitué, il faut

14 qu'il comporte des documents uniquement pertinents. Et le procès ne peut se

15 dérouler que sur les documents qui ont de la pertinence, et ici, les

16 procès, en général, ne se déroulent pas ainsi. Il se peut qu'il y ait des

17 exceptions, celles-là que je n'ai pas retrouvées moi-même. Mais dans mon

18 affaire à moi, c'est une illustration. La liste serait fort longue si

19 j'étais censé vous dire tout ce qu'on m'a communiqué. Par exemple, on me

20 donne plusieurs fois le texte du créateur du Parti radical serbe de Jovan

21 Raskovic de la Krajina, puis le statut du Parti démocratique serbe de la

22 Bosnie-Herzégovine à plusieurs reprises, puis des photocopies des

23 différentes lois à plusieurs reprises, une fois de plus, pour les mêmes

24 textes. Puis, ensuite, des manuels de l'Académie militaire, de l'Académie

25 de commandement et du QC et de l'école de guerre. C'est l'école où on forme

26 les généraux, c'est ainsi qu'on l'appelait. Alors, le Procureur continue à

27 me communiquer des documents en langue anglaise, il y a eu deux gros

28 paquets que je leur ai rendus, renvoyés. Et dans la dernière des lettres,

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1 il m'informe qu'il m'envoie cela en serbe et en anglais parce qu'il y a des

2 marquages, des annotations différentes pour ce qui est de la version

3 anglaise, et j'en aurais peut-être besoin, dit-on. Moi, je n'aurais jamais

4 besoin de rien de ce qui est en anglais. S'ils n'ont pas les documents en

5 serbe avec les marquages et les annotations qu'il faut, c'est le problème

6 de l'Accusation, ce n'est pas le mien. Il faudra qu'il m'identifie le

7 document qui est en serbe parce que moi, en langue anglaise, je ne sais pas

8 ce qu'il est dit, et ça ne m'intéresse pas. Par contre, chemin faisant, il

9 y a des documents qui sont communiqués uniquement en anglais. Ils

10 s'attendent à ce que je ne me penche pas sur les dossiers.

11 Alors, je leur ai envoyé deux fois des écritures en disant quels sont

12 les documents que j'ai reçus en langue anglaise uniquement. Parfois,

13 c'était des registres pleins et entiers sur le patrimoine culturel de la

14 Bosnie-Herzégovine, sur la culture islamique, et cetera. Moi, j'en ai

15 besoin en serbe, il faut qu'ils le traduisent en serbe. Et il y a un

16 millier de pages à peu près, d'après moi dans ce document. Ils n'ont pas

17 encore traduit, ils se sont dits que dans la masse, ça passera, mais rien

18 ne passera, absolument rien ne passera, pas un seul moineau ne passera

19 outre mon attention dans cette affaire.

20 Qui plus est, je vous ai déjà dit que ce qui est des documents qui peuvent

21 être disculpatoires, en général, on ne me les communique pas.

22 Sporadiquement, on me donne ça et là des documents, mais c'est négligeables

23 par rapport aux 207 000 pages qu'ils ont reconnu eux-mêmes existaient, et

24 ils ont essayé de me les communiquer sous forme électronique.

25 Puis, je dois faire face à des problèmes de requêtes présentées par

26 l'Accusation demandant à ce que des documents soient versés au dossier en

27 sus des déclarations de témoins qui sont décédés entre-temps. Il y a cinq

28 témoins décédés dans mon affaire, dont trois au moins ont témoigné dans des

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1 procès précédents. Certains sont protégés bien que morts, le Procureur

2 insiste dessus, donc je n'ai pas donné de nom, je n'ai pas donné les noms

3 de ceux qui sont protégés, ni ceux qui ne sont pas protégés.

4 Mais, je vais m'opposer à tout versement au dossier de déclarations de

5 témoins décédés, notamment pour ce qui est de la déclaration de Milan

6 Babic, par exemple, par son suicide au cours du témoignage même dans

7 l'affaire Milan Martin, Babic a démenti tout ce qu'il a déclaré au

8 préalable et tout ce qu'il a témoigné au préalable. C'est de la façon la

9 plus spécifique qu'il a démenti. Il n'y a pas meilleure façon de démentir

10 le fait qu'auparavant ça été des mensonges racontés suite à une demande de

11 l'Accusation. (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé). L'autre a également commis un

14 suicide. Il est protégé encore. Je ne vais donc pas donner son nom. On l'a

15 jugé ici, il a purgé sa peine, il est entré chez lui, et il s'est suicidé.

16 Le Procureur ne m'a pas du tout communiqué le témoignage de Milan Babic et

17 des autres témoins dans les autres affaires. Milan Babic a témoigné dans

18 l'affaire Milosevic, dans l'affaire Krajisnik et en partie dans l'affaire

19 Martic. Le Procureur m'informe du fait qu'il a présenté une requête pour ce

20 qui est du versement au dossier de ces témoignages. On me communique qu'une

21 partie des documents qui accompagnent le témoignage de Babic et qui ont été

22 versés au dossier, mais nulle part on ne retrouve les témoignages en tant

23 que tel. Sur un papier, on dit qu'il y a un accord de reconnaissance de

24 culpabilité ou d'aveux, mais ces documents-là, on ne me les a pas

25 communiqués non plus. Je ne peux pas me prononcer quant à moi à titre

26 définitif si j'accepte le versement au dossier de ces documents ou pas tant

27 que je n'ai pas reçu tous ces documents. Je vous ai déjà fait savoir dans

28 des écritures à moi que je contesterais cela, et j'ai également dit que je

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1 ne pouvais pas contester pour de bon avant que de ne les avoir reçus. Je ne

2 sais pas quand est-ce que je vais les recevoir. Il est grand temps qu'on me

3 les communique. Ce n'est pas à cinq jours avant le début du procès qu'on

4 peut me fournir 300 000 documents d'un coup. Il faudrait que je les

5 obtienne parce qu'on va commencer en novembre. Je veux bien, je suis prêt

6 qu'on me communique les documents, tous les documents. Je serai prêt en

7 novembre mais qu'on me communique cela au moins un mois avant le début du

8 procès. Ça me suffira. Qu'ils mettent 400 000, je vais les lire.

9 Mais qu'adviendra-t-il ici, je sais ce qu'il adviendra, ça s'est passé dans

10 des procès autres. Une partie me sera communiquée, la majeure partie ne me

11 sera pas communiquée mais on me la communiquera par à-coups. Alors, que

12 voulez-vous que je fasse de documents exculpatoires [phon] qui sont connus

13 par l'Accusation, si on me les communique quand le procès en première

14 instance est déjà terminé. Quelle est la finalité de cette communication de

15 pièces ? Il faut que ce soit communiqué avant le début du procès. Je vous

16 propose, Monsieur le Juge, d'imposer au Procureur de me communiquer la

17 totalité des documents, tous les documents pertinents à moi, avant le début

18 du procès en application du 66 et du 68. Et leur faire savoir que suite au

19 début du procès, ils ne pourront plus communiquer un seul document et

20 verser au dossier aucun document dont ils avaient connaissance avant le

21 début du procès et qu'ils ne m'ont pas communiqué en temps utile. Je

22 n'exclus pas la possibilité, bien entendu, qu'ultérieurement, ils se

23 procurent des documents nouveaux, pertinents, ça arrive dans tous les

24 procès. Au cours du procès, on apprend des choses, on se procure certains

25 documents, ça je veux bien être d'accord. Je peux bien respecter la chose,

26 je veux bien que ce soit versé au dossier. Mais ce que le Procureur avait

27 eu avant le début du procès ne pourra pas m'être communiqué à titre

28 ultérieur. Je serais donc victime dans l'affaire. Comment voulez-vous que

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1 je me défende en l'occurrence ?

2 Je vous ai déjà dit que j'étais tout à fait d'accord pour ce qui est

3 d'entamer le procès le 7 novembre. Je suis impatient, ça fait cinq ans que

4 j'attends et je suis impatient de voir ce procès commencer. Mais avant

5 cela, il faut bien qu'on tire bien des choses au clair. Le Procureur a bien

6 plus de témoins dont les noms sont protégés que des témoins dont les noms

7 ne sont pas protégés. Et que ces noms, ils doivent me les communiquer au

8 moins un mois avant le début du procès, non pas avant la comparution dudit

9 témoin devant les Juges de la Chambre. Parce que toute décision prise au

10 fil de l'année écoulée, pour ce qui est de mesures de protection, avait une

11 disposition disant que les noms étaient censés être communiqués un mois

12 avant le début du procès. Je crois qu'il y a eu sept ou huit décisions de

13 ce type. Je n'arrive plus à me souvenir du nombre exact, mais un mois avant

14 le début du procès.

15 L'an passé ils ont essayé d'entamer le procès sans me communiquer ces noms.

16 Cinq ou six noms ont été communiqués 15 jours avant le début du procès. Les

17 autres noms n'ont pas été divulgués du tout et les Juges de la Chambre sont

18 passés outre et ont toléré. Je pense que vous, Monsieur le Juge, n'allez

19 pas tolérer la chose pas plus que vos autres collègues qui seront dans

20 cette Chambre, parce que je vais devoir recourir à des moyens de combat

21 extra-institutionnels. Or, je m'en tiens au Règlement et j'insiste sur mes

22 droits. Alors si mes droits sont bafoués de façon brutale, il faudra que

23 j'aie recours à d'autres moyens de lutte.

24 On a commencé à débattre la fois passée de la question de modalité de

25 présentation des éléments de preuve de l'Accusation. Le bureau du

26 Procureur, récemment, a reconnu dans un document que dans la plupart des

27 cas ils insisteraient sur l'acceptation de certaines déclarations pour ce

28 qui est du versement au dossier. Or, je m'y oppose de façon catégorique.

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1 Les témoins de règle doivent témoigner viva voce dans le prétoire. Les

2 dispositions 92 bis, ter et quater découlant du 89(F) ne sont valables qu'à

3 titre exceptionnel. On dit là-bas "dans l'intérêt de la justice," l'intérêt

4 de la justice doit d'abord être démontré. Pour chaque cas concret, il va

5 falloir démontrer concrètement que c'est dans l'intérêt de la justice

6 qu'une déclaration de témoin pourrait être versée au dossier sans qu'il y

7 ait interrogatoire principal, et ensuite, procéder de la sorte parce que là

8 ils le font à la légère. Ils ont pris l'habitude dans d'autres affaires de

9 procéder ainsi, mais ce n'est pas une pratique positive en matière de

10 justice qui devrait être tolérée ou admise. Ce sont des déformations qui

11 découlent de d'autres procès qui ont eu lieu ici. Ce sont des déformations

12 très graves. Alors je me suis penché sur la question de savoir comment

13 parer à la chose. Et si, par malheur, votre Chambre acceptait la chose dans

14 la mesure où le Procureur est en train de le demander, et je suis en train

15 de me dire - et je n'ai pas encore pris une décision finale - que le mieux

16 pour moi serait ensuite de renoncer au contre-interrogatoire. Il n'y a pas

17 d'interrogatoire principal, il n'y a pas de contre-interrogatoire. Je dis,

18 moi, que le témoin ment. Pourquoi voulez-vous que j'aille contre-interroger

19 pour ma part si l'on voit quelqu'un, un témoin, un zombie venir donc

20 témoigner, s'il n'est même pas en mesure de répéter ce que le Procureur a

21 rédigé dans sa déclaration à lui.

22 A un moment donné, le Procureur dit que certains témoins ont exigé cette

23 façon de faire. C'est l'un des tout derniers documents émanant du bureau du

24 Procureur. Bien sûr, ces pauvres gens ne sont même pas en mesure de répéter

25 tout ce que le bureau du Procureur a rédigé en leurs noms. Alors, ils

26 peuvent le répéter peut-être si je les rappelle au travers du contre-

27 interrogatoire. Mais, de tête, parler de 15 ou 20 pages de leur faux

28 témoignage, ils ne sont pas en mesure de le faire. Ce sont des gens qui ont

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1 fort peu d'intelligence à eux pour ce qui est d'accepter de venir

2 témoigner. Alors, le Procureur s'efforce de les protéger par tous les

3 moyens. Il se peut que parfois des déclarations soient versées au dossier

4 dans des cas justifiés et si cela ne dépasse pas une mesure raisonnable, je

5 ne m'y opposerai pas. Mais si cela devient une pratique régulière, vous

6 pouvez avoir un procès sans que j'y prenne part. Pourquoi voulez-vous que

7 j'aille contre-interroger des témoins dont je n'ai pas entendu le

8 témoignage. Je n'ai aucune raison de le faire. C'est une des variantes. Je

9 n'ai pas encore pris de position finale à ce sujet.

10 Dernièrement, le bureau du Procureur m'a d'abord envoyé des écritures

11 préalables avec une nouvelle date, une date du mois de juin de cette année.

12 Alors le Procureur communique un mémoire préalable mais ça fait déjà

13 quelques années, pourquoi le renouvelle-t-on ? Alors on l'a retrouvé sur

14 Internet. Puis quelques jours plus tard, je reçois un mémoire préalable

15 mais nouveau, mais il n'est pas complet. Pourquoi ? Quelques notes de bas

16 de page ont été biffées avec de l'encre noire. Mais ce n'est pas une

17 version finale du mémoire préalable. La version finale doit être

18 communiquée six semaines avant la conférence de mise en état préalable au

19 début du procès. Si un mot vient à être biffé en noir, ce n'est pas une

20 version finale, et vous allez voir qu'il y a au moins trois notes de bas de

21 page qui ont été biffées, recouvertes de noir. Ces références font parties

22 intégrantes du texte en tant que tel.

23 Qu'est-ce que c'est que ce jeu ? Comment voulez-vous que je réponde à un

24 mémoire préalable au procès si ce n'est pas une version finale ? Le bureau

25 du Procureur, dans ce mémoire préalable, une fois de plus, traite de la

26 même façon qu'auparavant, dans les écritures précédentes, la base du crime

27 en Slavonie occidentale, à Bosinki Samac, Brcko et à Bijeljina. Qu'est-ce

28 que cela vient nous dire ? Est-ce que cela a été réintégré à l'acte

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1 d'accusation ? Je n'ai rien contre qu'on le remette mais qu'on le dise. Ça

2 a été remis dans l'acte d'accusation et c'est ce qui figure maintenant à

3 l'acte d'accusation. Le mémoire préalable n'est pas censé parler de choses

4 qui ne sont pas incluses dans l'acte d'accusation. Le Procureur ne sait pas

5 quoi faire avec son propre acte d'accusation. Dernièrement, il a présenté

6 une demande de modification de l'acte d'accusation. Puis vient une requête

7 de l'Accusation où l'on renonce à cette requête visant à modifier la teneur

8 du paragraphe 5. Je crois que vous l'avez reçue il n'y a pas très

9 longtemps. Qu'est-ce que cela veut dire ? En juin, on demande une

10 modification, maintenant on renonce en partie à cette modification. Jusqu'à

11 quand va-t-on procéder ainsi ? Je me suis à peine adapté à la nouvelle

12 variante, celle-ci vient à être modifiée une fois de plus.

13 Que s'est-il passé ? J'ai eu une conversation téléphonique confidentielle

14 avec mes conseils juridiques. Et nous avons en long et en large discuté de

15 ces modifications du paragraphe numéro 5 et nous avons constaté que le

16 bureau du Procureur avait commis une erreur grave. On s'est même moqué

17 d'eux pour l'erreur qu'ils ont faite et cette conversation téléphonique qui

18 n'était pas censée être mise sur écoute a de façon évidente été mise sur

19 écoute. Les transcriptions étaient communiquées au Procureur et le

20 Procureur, à la va-vite, renonce à ce paragraphe 5. Je ne sais pas

21 interpréter autrement la chose si ce n'est ainsi. C'est ce qui s'est passé.

22 Et bien qu'il ait été interdit de mettre sur écoute ces conversations, je

23 vais vous dire que mes conseils enregistrent. Vous pouvez vérifier. Je peux

24 vous communiquer, moi, j'ai le droit de le faire, de le communiquer à vous

25 cette conversation confidentielle avec mes conseillers juridiques par le

26 biais de cette ligne téléphonique confidentielle que j'ai dans l'Unité de

27 Détention.

28 Dans l'un des documents qui m'a été communiqué il n'y a pas longtemps, il

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1 est dit. Il s'agit d'un rapport du bureau du Procureur pour ce qui est de

2 la communication des documents figurant aux écritures en application du

3 240, ça m'a été communiqué à la date du 31 juillet. Et au paragraphe 4 il

4 est dit : "Le bureau du Procureur a été informé du fait que l'impression de

5 ces documents a été terminée et on est en train de choisir les parties

6 pertinentes qui seront communiquées au service de traduction et

7 d'interprétation."

8 Donc ils n'ont pas l'intention de me traduire la totalité des documents,

9 mais ils sont en train de choisir ce qui, d'après eux, est pertinent et les

10 parties pertinentes pour que seules ces parties-là me soient communiquées.

11 Qu'est-ce que cela signifie ? Mais il ne leur appartient pas à eux de

12 choisir la pertinence des parties, de quelque document que ce soit. Ils

13 sont tenus de me communiquer le document entier et à moi de choisir ce qui

14 est pertinent, pas eux. Il faut que tout soit traduit.

15 Ce serait donc - et là j'espère ne pas avoir été trop long - ce serait en

16 bref ce que j'ai pu vous présenter pour ce qui est des observations que

17 j'ai faites concernant la situation la plus récente quant aux préparatifs

18 en vue du procès.

19 Je vous remercie de votre patience.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Seselj.

21 Bien, alors Madame Dahl, M. Seselj a évoqué toute une série de

22 questions. Je vais vous donner donc la parole pour y répondre, étant

23 précisé que j'interviendrai après votre intervention.

24 Vous avez la parole, Madame Dahl.

25 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

26 J'avoue que je suis un peu préoccupée vu la paranoïa de

27 M. Seselj s'agissant de ses conversations sécurisées avec des personnes

28 privilégiées. Nous n'avons aucun compte rendu de ce genre.

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1 Je suis aussi inquiète, parce qu'il fait preuve de certains oublis

2 s'agissant de notre modification du paragraphe 5 de l'acte d'accusation,

3 ceci faisait suite à son objection. Il avait insisté pour que ce libellé

4 soit repris et il avait indiqué à juste titre que la Chambre précédente

5 avait demandé à l'Accusation d'indiquer la nature des allégations retenues

6 contre M. Seselj. J'ai examiné le document et effectivement ce libellé

7 c'était plutôt un langage juridique qui devait se retrouver dans un

8 mémoire. Ça ne me dérangeait pas de le garder ce texte ou de le sortir de

9 l'acte d'accusation et notre réponse à son objection c'est que ce texte

10 devait se retrouver dans le deuxième acte d'accusation modifié et qu'il n'y

11 a pas d'autres raisons vraiment. Cette allégation selon laquelle nous

12 écouterions ses conversations privilégiées est dénuée de tout fondement.

13 Permettez-moi de demander de passer à huis clos partiel, je pourrais

14 peut-être dissiper ses inquiétudes à propos du problème qu'il avait

15 s'agissant du mémoire préalable au procès.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'oppose énergiquement à

18 la demande de passer à huis clos partiel parce que l'argumentation

19 présentée n'est pas adéquate. L'explication n'est pas conforme aux

20 Règlements de procédure et de preuve. Il n'y a aucune raison de passer à

21 huis clos partiel. L'audience peut être mise en clos ou huis clos partiel

22 seulement si l'on ne fait que mentionner ou si l'on mentionne des documents

23 confidentiels ou des noms de témoins confidentiels.

24 Or, la communication de pièces ne constitue pas l'un des motifs de

25 passage à huis clos.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, vous voulez passer à huis clos

27 pour évoquer les noms qui ont été supprimés dans le mémoire préalable, qui

28 concernait des témoins protégés. C'est la raison de votre demande ou pas ?

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1 Mme DAHL : [interprétation] Oui, pour parler du statut confidentiel de

2 certains documents.

3 Si le Juge de la mise en état ne veut pas d'explication des modifications

4 apportées au mémoire préalable au procès, je peux passer à autre chose.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous voulez aborder le fait que dans le mémoire

6 préalable vous avez biffé des parties du document public ?

7 Mme DAHL : [interprétation] Je ne suis pas prête à discuter de dépôts

8 confidentiels en audience publique. Ce qui me préoccupe c'est qu'il y a une

9 certaine confusion qui règne chez M. Seselj à propos de la procédure et que

10 ceci prouve que s'il n'a pas maintenant l'aide d'un assistant juridique il

11 n'est pas à même de se saisir de ces questions.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Moi personnellement, j'ai écouté

13 M. Seselj avec attention et je n'ai pas noté des confusions. Au contraire,

14 j'en ai même tiré la conclusion que plus le temps passe, plus il devient

15 expert en matière de procédures devant ce Tribunal. De ce fait, je ne vois

16 pas où pourrait avoir la confusion. Alors il n'y a pas lieu de passer en

17 audience publique sauf si vous voulez évoquer le nom d'un témoin protégé,

18 sinon continuez à répondre aux points qu'il a soulevés. Lui-même a bien

19 indiqué qu'il n'a cité aucun nom de témoin protégé.

20 Mme DAHL : [interprétation] Ce qui me préoccupe c'est parce qu'il y a des

21 dépôts d'écriture confidentielles et je ne veux pas en discuter en audience

22 publique, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Les écritures confidentielles concernent, de

24 mémoire, les écritures que vous avez faites pour des mesures de protection

25 de témoins; c'est bien cela ? Je ne me trompe pas ?

26 Mme DAHL : [interprétation] Pour le moment nous parlons du mémoire

27 préalable au procès.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, mais le mémoire préalable au procès que j'ai

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1 sous les yeux qui est devenu public, puisqu'une version publique a été

2 enregistrée le 31 juillet 2007. Je l'ai sous les yeux. Bien. Donc --

3 Mme DAHL : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Juge.

4 M. Seselj --

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Et dans cette version publique il y a quelques

6 pages, mais il y en a très peu, des notes de bas de page qui ont été

7 biffées. C'est de cela que vous voulez parler ?

8 Mme DAHL : [interprétation] Je ne sais pas de quel document

9 M. Seselj parlait, parce que nous avons déposé une version publique du

10 mémoire préalable au procès, après quoi nous avons demandé que des versions

11 déposées auparavant soient maintenant sous un statut confidentiel. Je pense

12 que tout cela a été fait.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors écoutez. Continuez. Il n'y a pas en

14 l'état de raison de passer en confidentiel. Nous savons qu'il y a un

15 mémoire préalable. Nous savons qu'il y a une version confidentielle du

16 mémoire préalable et il y a une version publique du mémoire préalable. Donc

17 argumentez à partir de la version publique puisqu'on est en audience

18 publique.

19 Mme DAHL : [interprétation] M. Seselj a reçu des exemplaires de ces

20 documents pour lui montrer la différence entre la version confidentielle et

21 la version publique. S'il a besoin d'information supplémentaire au sujet

22 des raisons pour lesquelles nous lui envoyons ces documents et d'autres

23 documents, j'aimerais ou je préférerais qu'il m'envoie un courrier, et de

24 cette manière je pourrais lui faire plus facilement comprendre la raison

25 des écritures déposées par l'Accusation. Il a également parlé de la

26 déposition de M. Babic qui fait l'objet d'une requête en vertu de l'article

27 92 quater, tout ceci relève du greffe et une d'une demande de traduction.

28 S'agissant de notre demande de mesures de protection --

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, j'en viens tout de suite à ce qu'il a dit

2 sur M. Babic. J'ai écouté avec attention ce qu'il disait. Pour quelle

3 raison ? Parce qu'il se trouve que par le plus grand hasard, j'ai été le

4 juge de la confirmation de l'acte d'accusation contre M. Babic. Donc autant

5 vous dire que, quand j'ai appris que

6 M. Babic s'était suicidé, ça m'a en quelque sorte un peu interpellé. Alors,

7 d'après ce que nous dit M. Seselj, Babic a témoigné dans plusieurs procès,

8 qu'il a indiqués. Et d'après ce qu'il nous dit, il y a des documents qui

9 concernent ces témoignages, qu'il veut avoir. Pourquoi ?

10 Il a expliqué tout à l'heure que dans la mesure où l'Accusation a fait une

11 requête afin qu'on puisse admettre - que la Chambre puisse admettre - les

12 déclarations de Babic dans certains procès, encore faut-il que lui, ait à

13 sa disposition l'ensemble des documents concernant les témoignages de M.

14 Babic, et M. Seselj nous dit qu'il ne les a pas.

15 Alors, avez-vous, vous-même, pointé exactement toutes les déclarations de

16 M. Babic, et ces déclarations ont-elles été envoyées à M. Seselj ? C'est ça

17 le problème de fond, lui, il dit qu'il lui en manque.

18 Alors, en plus, il a ajouté quelque chose que je découvre à l'instant,

19 parce que c'est en écoutant que bien souvent on est informé. Il a dit ceci.

20 Mais moi, j'ignore totalement le fond. Il explique que Babic aurait démenti

21 ce qu'il aurait dit avant. En quelque sorte, il serait revenu sur ses

22 déclarations antérieures. Alors, il peut y avoir un problème. Si M. Seselj

23 explique que

24 M. Babic est revenu sur sa déclaration, faut-il avoir d'abord ce que Babic

25 a dit lorsqu'il dit : Je démens ce que j'ai dit avant. Et encore faut-il

26 avoir ce qu'il a dit avant.

27 Mme DAHL : [interprétation] Bien entendu, effectivement, s'il est revenu

28 sur ses déclarations, c'est quelque chose que nous communiquerions à M.

Page 1421

1 Seselj. Je n'en ai jamais entendu parler, mais M. Seselj a lancé un certain

2 nombre d'accusations à l'encontre de M. Babic, et nous ne connaissons aucun

3 élément permettant d'étayer ce type d'affirmation.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais poser la question à M. Seselj.

5 Vous avez dit tout à l'heure que M. Babic avait démenti des propos. Alors,

6 à quelle occasion, quand, comment ? Quand il a témoigné dans Martic ? Dans

7 quelle affaire ? Parce qu'apparemment, Mme Dahl ne le sait pas et moi, je

8 découvre à l'instant cet événement.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, il se peut qu'il y eu des

10 problèmes d'interprétation. Je pense avoir été tout à fait clair et précis

11 en langue serbe. J'ai déclaré que le fait même de s'être suicidé au cours

12 de son témoignage dans l'affaire Milan Martic, Milan Babic a dénié tout ce

13 qu'il a dit dans ses témoignages précédents. Le fait de se suicider est un

14 déni par excellence. Il s'est tué à l'occasion du témoignage même, c'est

15 ainsi que j'interprète le fait du suicide. J'ai été précis en langue serbe.

16 Je ne sais pas comment cela vous a été interprété.

17 Dans l'autre affaire où je n'ai pas mentionné le nom du témoin, parce que

18 c'est toujours un nom de témoin protégé, le témoin a purgé sa peine, il est

19 rentré chez lui. Apparemment, pendant plusieurs semaines, il a vécu

20 paisiblement, puis il s'est suicidé. Il n'y avait aucune raison extérieure

21 pour qu'il se suicide. Ce sont là des formes de déni de témoignage ou de

22 faux témoignage. C'est ainsi que j'interprète la chose.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, donc vous nous dites, c'est vous qui

24 interprétez cela, vous partez de l'idée que quelqu'un qui se suicide, par

25 son acte, remet en cause en quelque sorte, ce qu'il a pu dire avant. Mais

26 ça, c'est une interprétation que vous, vous faites de la mort de Babic et

27 de celui qui, ayant purgé sa peine, rentre chez lui et se suicide

28 apparemment sans raison bien précise. Donc c'est une interprétation que

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1 vous, vous faites.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est mon interprétation avec une série

3 d'arguments que j'évoque pour étayer ma thèse.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Continuez, Madame Dahl. Pour

5 M. Babic, donc, on est au clair.

6 Mme DAHL : [interprétation] Oui. J'étais en train de parler de notre

7 demande de mesures de protection. Vendredi, vous nous avez donné un certain

8 nombre d'instructions au sujet de l'ordre de comparution des témoins. Je

9 vais donc modifier notre demande et l'adapter aux instructions et consignes

10 que vous nous avez données vendredi.

11 S'agissant de la communication relative aux témoins dont nous avons

12 demandé une communication reportée avant l'ouverture du procès, nous

13 demandons que cette communication soit encore reportée jusqu'à un délai

14 raisonnable avant leur comparution au procès. Quand on en a parlé vendredi,

15 vous nous avez dit qu'étant donné que ces témoins avaient attendu longtemps

16 avant de déposer, peu importe qu'ils attendent un peu plus. Ce qui nous

17 préoccupe, ce n'est pas le retard dans la déposition de ce témoin, c'est la

18 durée pendant laquelle leur identité est communiquée et rendue publique, ce

19 qui peut leur faire courir des risques. Et je veux être sûre que nous

20 prenons pleinement en compte les risques qui peuvent résulter de cela pour

21 eux. Et je voudrais vous demander d'aller dans le sens de notre suggestion

22 et d'accepter une communication tardive de leur identité.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame Dahl, vous avez effectivement

24 fait une requête aux fins de mesures de protection de plusieurs témoins. Je

25 ne donne pas de nom ni de numéro.

26 La Défense, en la personne de M. Seselj, a commenté témoin par témoin toute

27 votre argumentation. J'ai énormément travaillé sur cette question et la

28 Chambre, moi en l'occurrence, je dois rendre une décision dans quelques

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1 jours, dans moins de deux semaines sur la question parce que le travail a

2 déjà été fait. Donc on en est au stade de la finalisation de la décision.

3 Vous venez de m'annoncer à l'instant que suite à notre audience de

4 vendredi, en quelque sorte le plan de travail que je vous avais soumis,

5 vous l'agréez dans la mesure où les témoins qui étaient dans le paragraphe

6 I vont passer à la fin.

7 Donc, il y aura des témoins qui viendront d'abord déposer sur le factuel,

8 c'est-à-dire les crimes qui sont intervenus dans les différentes

9 municipalités. Bon. Très bien, cela va dans le bon sens.

10 Mais vous rajoutez autre chose. Vous dites que, de votre point de vue - et

11 là, évidemment, c'est contraire au point de vue de M. Seselj - vous

12 souhaiteriez qu'un certain nombre de témoins protégés, leur identité

13 définitive ne soit révélée à M. Seselj qu'un mois avant qu'ils viennent

14 témoigner, et non pas, comme le dit

15 M. Seselj, un mois avant le début du procès.

16 Dans la mesure où, de mon point de vue - que j'ai exprimé vendredi

17 dernier - le procès doit commencer début novembre, ça voudrait dire que ces

18 témoins, la liste et leur identité devraient être portées à la connaissance

19 de M. Seselj au plus tard dans la première semaine du mois d'octobre. Mais

20 lorsque ce procès a commencé l'année dernière, la Chambre présidée par le

21 Juge Orie, concernant les témoins protégés, avait pris une décision sur le

22 moment où les témoins devaient déposer. Et dans mon souvenir - mais je fais

23 peut-être une erreur, mais si je fais une erreur la juriste de la Chambre

24 va me corriger tout de suite - dans mon souvenir, il me semble que la

25 Chambre I avait dit que l'ensemble des témoins, la liste de l'ensemble de

26 ces témoins devait être communiquée à M. Seselj au début du procès, et non

27 pas au moment où les témoins devaient déposer.

28 Alors, Madame Dahl, sur cette question pouvez-vous m'éclairer plus en

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1 avant ?

2 Mme DAHL : [interprétation] Si je me souviens bien des décisions

3 précédentes, il n'y a pas eu de décisions de communiquer à M. Seselj au

4 début du procès l'identité de tous les témoins. Si ça avait été le cas,

5 nous ne demanderions plus aujourd'hui une communication tardive de

6 l'identité des témoins. Je suis tout à fait consciente du travail

7 considérable fait par la Chambre au sujet des mesures de protection. Je

8 peux vous donner une liste brève des témoins concernés. Mais je propose de

9 placer ces témoins dans la catégorie I à la fin de la liste et d'en traiter

10 au cas par cas pour faire en sorte que M. Seselj ait suffisamment de temps

11 pour se préparer.

12 Il s'agit de contrebalancer les risques en matière de sécurité pour

13 les témoins et la nécessité de notifier suffisamment à l'avance l'accusé

14 des témoins qui vont venir déposer contre lui. Nous voulions faire venir en

15 premier les témoins pour lesquels nous avions demandé des mesures de

16 protection de manière à ce que les risques soient minimisés. Je veux éviter

17 de submerger l'accusé sous des nouvelles informations, c'est pourquoi je

18 proposais que la communication tardive se fasse en mesure avec la

19 comparution des témoins au procès.

20 L'INTERPRÈTE : Micro.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis préoccupé par la

22 paranoïa dont fait preuve ici Mme Dahl du point de vue des risques, des

23 prétendus risques du point de vue de la sécurité pour ce qui est des

24 témoins ou de la majeure partie des témoins. Sa méconnaissance du dossier

25 en cette affaire fait preuve --

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, on va passer en audience à huis

27 clos, je vais vous dire pourquoi.

28 Monsieur le Greffier, huis clos.

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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

2 le Président.

3 [Audience à huis clos partiel]

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3 [Audience publique]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors, --

5 Mme DAHL : [interprétation] Permettez-moi de faire marche arrière.

6 La communication des témoins, une ordonnance avait été rendue le 8 novembre

7 2006 qui dit à l'Accusation qu'elle devait communiquer l'identité de tous

8 les témoins s'agissant de la base de crimes à Hrtkovci, ça été fait. C'est

9 ce que nous allons utiliser. C'est ce que nous avions fait au début du

10 procès l'année dernière et c'est ce que nous referions cette année

11 également, bien entendu.

12 S'agissant des pièces, nous faisons de notre mieux pour éviter les doubles

13 emplois, les doublons. Nous avons suivi un ordre chronologique, nous

14 n'avons pas retenu l'ordre de pertinence qui avait été le premier, il y

15 avait effectivement beaucoup de doublons. Et je pense que M. Seselj, lui,

16 fait des objections qui ont trait surtout à la pertinence, mais on en

17 parlera pendant le procès lorsqu'on va demander le versement de ce

18 document. S'il y a des doublons, est-ce qu'ils sont nécessaires ou pas.

19 Effectivement, s'ils ne le sont pas, on n'en demandera pas le versement,

20 mais nous faisons l'impossible pour qu'il y ait impression des documents,

21 bon étiquetage, et que ce soit réduit pour être sûrs que ce sont là les

22 seuls documents qui seront utilisés au procès.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame Dahl.

24 Monsieur Seselj, vous avez évoqué tout à l'heure un sujet auquel je

25 vais vous apporter des éléments d'information.

26 Vous avez expliqué que les témoins qui n'avaient aucune éducation ou

27 connaissance, avaient fait des déclarations recueillies par le bureau du

28 Procureur et avaient signé ces déclarations en anglais. Puis,

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1 ultérieurement, ces témoins, d'après vous, vont contester la teneur de

2 leurs déclarations.

3 Alors, je vais de manière précise vous dire comment se passent les

4 enquêtes.

5 Le bureau du Procureur rencontre un témoin potentiel, X, Y ou Z, il le

6 rencontre. Et il y a entre les enquêteurs du bureau du Procureur et un

7 témoin potentiel des conversations qui peuvent parfois durer des journées.

8 Ces conversations parfois sont longues, durent des heures, voire des

9 journées. Et à la suite des discussions entre les enquêteurs et le témoin,

10 il y a une déclaration écrite du témoin qui est rédigée. Et vous avez tout

11 à fait raison, qui est rédigée par le bureau du Procureur qui va faire la

12 déclaration écrite qui est censée correspondre exactement à ce qu'a dit le

13 témoin.

14 Et cette déclaration est, à ce moment-là, rédigée en anglais quand il

15 s'agit de l'enquêteur qui travaille en anglais, parfois il y a quelques

16 déclarations qui sont faites en français mais il y en a très peu. La

17 plupart du temps, c'est en anglais. Et le témoin signe cette déclaration en

18 anglais. Mais normalement, le bureau du Procureur relit la déclaration qui

19 est en anglais et l'interprète, en B/C/S, traduit au témoin ce qu'il y a

20 dans la déclaration en anglais. Et donc, le témoin écoute la relecture dans

21 sa langue de ce qu'il a signé en anglais.

22 Voilà comment ça marche. Et ce sont ces éléments de preuve qui sont

23 produits devant ce Tribunal.

24 Alors, quand il y a un témoin viva voce, la déclaration écrite que vous

25 avez, que le Procureur a et que la Chambre a eu pour information n'est pas

26 versée au dossier. Quand il y a un témoin viva voce, la déclaration n'est

27 pas versée. Et ce qu'il y a simplement à ce moment-là, c'est le transcript

28 qui est l'ensemble des réponses données par le témoin aux questions posées

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1 par le Procureur au témoin et également les questions posées par l'Accusé

2 lors du contre-interrogatoire. Donc, cette déclaration écrite n'est pas

3 versée au dossier.

4 En revanche, lorsqu'il y a une requête en 92 bis, si la requête 92 bis est

5 admise, la déclaration écrite, elle, est versée au dossier.

6 Quand il y a la procédure du 92 ter, le témoin vient. La déclaration écrite

7 est confirmée par le témoin qui répond à la question du Procureur qui lui

8 demande : est-ce que si aujourd'hui je vous posais des questions dans votre

9 déclaration écrite, est-ce que vous répondriez de la même façon ? Le témoin

10 dit oui, je répondrais pareillement. A ce moment-là, cette déclaration

11 écrite est versée au dossier.

12 Ce qui fait que vous, en ce qui concerne le droit de la Défense, concernant

13 les témoins viva voce, la déclaration écrite n'a aucun intérêt, car ce qui

14 comptera ce sont les réponses qu'il va donner aux questions. Quand il y a

15 du 92 ter, vous pouvez, à ce moment-là, contester ce qu'il a pu dire par

16 rapport à la déclaration écrite puisque vous poserez des questions. En

17 revanche, concernant le 92 bis, nonobstant le fait que vous aviez fait part

18 de vos remarques par écrit avant la décision de la Chambre, une fois que la

19 décision de la Chambre est prise, la déclaration écrite est versée au

20 dossier.

21 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que dans la phase d'enquête, le témoin

22 a un entretien avec les enquêteurs du bureau du Procureur, voire avec les

23 représentants du Procureur lui-même, et la déclaration écrite qui en

24 ressort n'est que la synthèse de tout le temps qui a été passé entre le

25 témoin, les enquêteurs et les membres du bureau du Procureur.

26 Donc j'ai bien écouté ce que vous avez dit, j'ai bien compris les

27 craintes que vous avez. Il est vrai que lorsqu'un témoin vient, il peut ne

28 pas se souvenir de ce qu'il a dit il y a 14 ou 15 ans. Parfois, il peut

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1 dire le contraire de ce qu'il a pu dire par déclaration écrite. Ça peut

2 arriver. Mais ce sont les questions pendant l'audience qui vont permettre

3 de dégager les dires du témoin, soit en résultat de l'interrogatoire

4 principal, soit par les questions du contre-interrogatoire, soit le cas

5 échéant par les questions des Juges.

6 Donc sur ce plan, je tenais à vous apporter ces précisions. Il est

7 vrai que parfois des témoins à l'audience ne disent pas la même chose

8 qu'ils ont pu dire lors de leur audition. Ça peut arriver, soit parce

9 qu'ils ont réfléchi, soit parce qu'ils ont modifié leur déclaration, soit

10 parce qu'ils ont oublié, soit parce qu'ils rajoutent d'autres éléments, ce

11 sont des choses qui arrivent.

12 Mais la force du contre-interrogatoire, c'est que ça vous permet à ce

13 moment-là, vous, de restituer les dires du témoin dans le cadre général de

14 son audition.

15 Voilà. Donc je tenais à vous apporter ces précisions en la matière.

16 Oui, Monsieur Seselj.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, peut-être est-ce un problème

18 que de me voir être au courant de la façon dont travaille le bureau du

19 Procureur. Ils sont en train d'auditionner deux types de témoins : des

20 victimes et des témoins oculaires, et des participants. D'habitude, les

21 participants se font prévenir du fait qu'ils sont potentiellement suspects.

22 Alors il faudrait que l'on enregistre la conversation entière. Très souvent

23 ces enregistrements vidéo sont non faits et les questions posées par les

24 enquêteurs sont très souvent suggestives et la déclaration est modelée à

25 titre ultérieur, conformément aux intérêts de l'Accusation notamment.

26 Où est le problème là ? Le Procureur prépare chacun de ses témoins

27 comme le fait d'ailleurs la Défense. Le bureau du Procureur le fait parfois

28 pendant des journées entières, des semaines entières. L'audition du témoin

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1 est complètement préparée. On lui prépare les questions qui vont lui être

2 posées à l'occasion de l'interrogatoire principal. Le témoin a la

3 possibilité de bien apprendre la teneur de sa prétendue déclaration, et là

4 encore, il redoute la comparution de ce témoin pour ce qui est de

5 l'interrogatoire principal par l'Accusation même. Ils ont peur de le voir

6 ne pas avoir appris toutes les réponses aux questions qui lui ont été dites

7 par avance. Et il aurait été plus approprié de faire en sorte que ce soit

8 versé au dossier directement comme chose faite. De là à voir ce que

9 j'aurais fait au contre-interrogatoire, ce sera autre chose. Mais il faut

10 que l'intérêt de la justice soit manifesté pour ce qui est du versement au

11 dossier et dans aucun des cas à ce jour ça n'a été fait. Et j'insiste pour

12 que cet intérêt de la justice fasse en sorte que le témoin témoigne viva

13 voce afin que le Procureur l'interroge au titre du principal pour qu'il

14 témoigne. Et il faut qu'il se donne la peine de le faire.

15 Je vais vous donner un exemple. PS17, un témoin protégé, a été prévu

16 l'an passé comme étant le témoin principal et le témoin numéro un, a

17 témoigné dans mon procès. Juste avant le début du procès, le bureau du

18 Procureur a présenté une requête pour que sa déclaration soit versée au

19 dossier en application du 92 ter. C'est un témoin-clé. Ils l'ont considéré

20 comme étant quelqu'un parmi les initiés. Alors j'avais donc la possibilité

21 de réfuter, d'annuler son témoignage moyennent présentation de l'argument

22 approprié. Pourquoi l'ont-ils fait ? Ils ont conscience de tous les

23 problèmes qui peuvent survenir du fait de son témoignage. Ils connaissent

24 son caractère, son comportement ou ses comportements sociaux, ses

25 habitudes, et eux-mêmes m'ont communiqué des documents disant qu'il était

26 porté sur l'alcool, et ainsi de suite.

27 Donc ils ont redouté la comparution de ce témoin pour un

28 interrogatoire principal ici. Ils aimeraient bien l'amener ici pour

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1 confirmer que la déclaration qu'il a faite auprès de l'enquêteur est bien

2 la sienne et, pour ce qui est du contre-interrogatoire, au petit bonheur la

3 chance. Ils ont compté sur une pratique découlant de bons nombres d'autres

4 affaires où l'on a pris en considération ce qui a été dit dans la

5 déclaration préalable et le reste a été mis de côté. Ça c'est une petite

6 partie du travail de l'Accusation, et c'est la raison pour laquelle Mme

7 Dahl se présente ici avec une requête pour ce qui est d'un nombre très

8 important de témoins pour ce qui est d'un versement au dossier de leur

9 déclaration.

10 Sur 100 témoins, s'il s'agissait de quatre ou cinq, ce serait

11 compréhensible et même justifié, mais la tendance générale de l'Accusation,

12 c'est de faire en sorte que la plupart des témoins soient traités de la

13 sorte. Or, ça c'est inamissible, parce que ce procès deviendrait par avance

14 une espace de farce. Et la question se pose surtout de la finalité de ma

15 participation au procès. Il vaut mieux que mon rôle soit passif, alors que

16 je reste là assis en attendant que eux aient terminé la présentation de

17 leur affaire. Peut-être est-ce le meilleur des moyens et c'est peut-être la

18 chose à laquelle que je vais être contraint si l'on insiste sur un nombre

19 très important de témoins en application du 92 bis, ter et quater. Et dans

20 la plupart des cas, les témoins doivent comparaître viva voce. Et cela ne

21 peut être qu'une exception. On ne peut pas mettre la majorité des témoins

22 dans le cadre de l'exception pour ce qui est des 92 bis, ter et quater, ce

23 sont des exceptions prévues par le Règlement. C'est ce qui découle de la

24 totalité du Règlement. Si le procès entier va se fonder sur des articles

25 qui sont prévus pour des exceptions, on va avoir un procès très

26 exceptionnel, mais dans un contexte négatif ou dans une connotation

27 négative.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce que vous venez de dire, quelques précisions

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1 de ma part pourraient lever toute ambiguïté.

2 Dans la liste des témoins, vous l'avez dit vous-même, il y a des

3 témoins qualifiés de "insiders", c'est-à-dire des témoins qui vont relater

4 des faits susceptibles de vous mettre, vous accusé, en pleine

5 responsabilité. Alors dans tous les tribunaux du monde, dans les procès

6 pénaux, c'est que les témoins importants y viennent. Il n'y a pas

7 d'admission écrite et on ne les voit jamais. Les témoins y viennent. Donc,

8 les témoins importants de l'Accusation vont déposer.

9 Et vous redoutez la procédure 92 ter. Alors là aussi quelques

10 explications de ma part.

11 Lorsque l'Accusation envisage qu'un témoin va venir au titre du 92

12 ter, l'Accusation fait une requête en la matière. Et le 92 ter ouvre pour

13 la Défense, vous en l'espèce, la possibilité de le contre-interroger.

14 Donc si l'Accusation - vous citiez le témoin 17 - envisage de le

15 faire entrer dans le 92 ter, vous, vous pouvez le contre-interroger et, à

16 ce moment-là, contester par vos questions ce qu'il a pu dire, et vos droits

17 sont donc respectés.

18 Concernant le 92 bis dont la décision reviendra à la Chambre de

19 jugement. Mais comme je fais partie des Juges qui devront se prononcer sur

20 le fond, la pratique dans ce Tribunal, c'est que lorsqu'il y a une requête

21 du Procureur en 92 bis, et lorsque les règles de l'article 92 bis sont

22 respectées, il peut y avoir une omission du témoignage écrit. Mais bien

23 souvent, j'allais dire dans la totalité des cas, lorsqu'un accusé dit qu'il

24 veut contre-interroger le témoin 92 bis, à ce moment-là la Chambre rend une

25 décision comme quoi le témoin qui, dans l'admission de la déclaration

26 écrite devait se faire dans la règle 92 bis, viendra pour le contre-

27 interrogatoire.

28 Donc, ce n'est pas automatique. Il n'y a pas une procédure écrite qui

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1 se ferait à l'encontre de vos propres intérêts. Vous avez un droit absolu à

2 contre-interroger les témoins du 92 ter et à demander le contre-

3 interrogatoire pour le 92 bis. La seule exception à tout ce schéma, c'est

4 le cas d'un témoin qui est décédé, qui ne peut pas par nature être contre-

5 interroger, et à ce moment-là l'Accusation fait une requête aux fins de

6 l'admission du témoignage du décédé.

7 Voilà comment ça fonctionne.

8 Alors, vous dites, Monsieur Seselj, que vous -- que si on l'admet, à

9 ce moment-là, vous ne contre-interrogerez pas. Non. Une requête où le

10 Procureur demande la procédure 92 ter, le Procureur part du fait qu'il y a

11 une déclaration écrite qui est confirmée par le témoin, il y a des

12 documents. Mais vous, après, vous avez la possibilité de contre-interroger

13 ce témoin comme s'il avait déposé viva voce entièrement. Il n'y a pas une

14 différence.

15 Alors, vous avez parlé de l'intérêt de la justice. Vous avez raison.

16 Il est arrivé que dans ce Tribunal il y ait au nom de l'intérêt de la

17 justice l'admission de déclarations écrites sans qu'il y ait contre-

18 interrogatoire.

19 A mon souvenir, il y a même une affaire dont je ne peux pas vous

20 indiquer le nom, il y a eu une affaire où dans un procès qui s'est déroulé

21 ici, un témoin a été entendu hors la présence de l'accusé et de son avocat,

22 parce que dans ce cas l'intérêt de la justice l'exigeait. Vous avez

23 également raison quand vous dites que l'intérêt de la justice doit être

24 justifié et motivé. Alors, il peut y avoir des situations exceptionnelles

25 ou l'intérêt de la justice est supérieur à l'intérêt d'un individu, ou à

26 l'intérêt d'une partie, ou à certain intérêt.

27 Et d'ailleurs, comme je sais que vous lisez tout, vous avez vu que

28 dernièrement l'assemblée plénière des Juges a modifié l'article 75

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1 concernant les procédures de mesures de protection à l'égard des témoins en

2 permettant, au nom de l'intérêt de la justice, le cas échéant, à ne pas

3 demander le consentement d'un témoin à la levée des mesures de protection

4 qui lui avaient été accordées. Donc c'est prévu déjà dans le règlement.

5 Mais dans votre cas personnel et dans le dossier que nous avons et que nous

6 aurons à traiter, je ne vois pas aujourd'hui quelles seraient les

7 déclarations écrites que l'Accusation voudrait introduire dans votre dos

8 sans que vous ayez le droit de contre-interroger, sans que vous ayez la

9 possibilité de faire part de votre point de vue. Ceci ne m'apparaît pas

10 être envisageable.

11 Il est vrai que Mme Dahl l'a répété à plusieurs reprises, il y aura

12 des requêtes pour admettre des déclarations qui ont été faites dans

13 certains procès, ne serait-ce que votre propre témoignage dans l'affaire

14 Milosevic, des requêtes concernant M. Babic, qui est décédé. Evidemment, il

15 ne pourra y avoir là de contre-interrogatoire. Il y aura un certain nombre

16 de requêtes en la matière, mais votre propre de droit ne sera pas obéré

17 parce que, même dans le cas de

18 M. Babic, vous avez la possibilité, vous, par vos écritures, de contester

19 ce qu'il a pu dire. Et tout cela sera examiné par la Chambre de jugement en

20 tenant compte de l'ensemble des éléments de preuve.

21 Voilà ce que je tenais à vous dire pour tenter de lever des

22 inquiétudes que vous pouvez avoir et que vous manifestez.

23 Oui, Monsieur Seselj.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, la finalité de mon

25 opposition est là. Je vais être jusqu'au bout, simple et clair, dans

26 l'explication de ce qui constitue mon raisonnement.

27 Pourquoi je m'oppose. Sur 102 témoins annoncés par les soins de

28 l'Accusation, combien de ces témoins pourrait-il y avoir en application du

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1 92 ter ? La tendance de l'Accusation est celle de faire en sorte que la

2 plupart se passent sous la coupe du 92 bis, ter et quater. Ça a été dit

3 ouvertement par l'Accusation. Est-ce que cela est acceptable ou pas ? A mon

4 avis, c'est absolument inacceptable. Les témoins en application du 92 bis,

5 ter et quater, ne peuvent constituer que des exceptions et les exceptions

6 ne peuvent être que quelques-unes sur un nombre de 102 témoins au total.

7 C'est là la substance même de mon opposition. Si la majorité de ces témoins

8 comparaissent en application du 92 bis, ter et quater, le procès, et bien,

9 ne donnera rien. Ce sera un procès in absentia. Ce sera kafkaïen au vrai

10 sens de ce terme. La grande majorité des témoins doivent venir et

11 comparaître viva voce. Et seules des exceptions ne doivent se faire qu'en

12 application du 92 bis, ter et quater. Dans le cas contraire, ce qui arrive

13 c'est quelque chose qui est inadmissible du point de vue du respect de la

14 justice. C'est là la substance de mon opposition.

15 Je sais qu'il se peut qu'il y ait des témoins qui doivent se

16 présenter ou témoigner en application du 92 bis, ter ou quater, mais pas la

17 majorité des témoins. Or, vous voyez qu'ils ont préparé la majorité des

18 témoins en application de ces fondements-là.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il y aura de ma part, et certainement

20 de Mme Dahl, une réponse, parce qu'après la reprise - on va faire une

21 pause, on est obligé - j'aborderai la question de la durée de la

22 présentation des éléments de preuve, et de ce fait, tout ce qui a été dit

23 jusqu'à présent entrera dans ce schéma d'ordre général.

24 Donc, nous nous retrouvons dans 20 minutes.

25 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

26 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors l'audience est reprise et le sujet que

28 je vais aborder va totalement en continuité de ce que les uns et les autres

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1 venaient d'évoquer.

2 M. Seselj a fait part du fait que l'Accusation avait envisagé 102 à

3 105 témoins, et que lui, veut contre-interroger l'ensemble des témoins.

4 Alors cette question ne pourra être résolue que lorsque la Chambre

5 déterminera la durée du temps accordé à l'Accusation pour la présentation

6 de ses éléments de preuve.

7 Comme vous le savez, c'est lors de la conférence préalable juste

8 avant le procès que la Chambre de jugement prend cette décision.

9 En ce qui me concerne, moi, je ne peux pas aujourd'hui rendre une

10 décision disant que le Procureur à X heures pour présenter sa cause. Mais

11 malgré le fait que je n'ai pas ce pouvoir, je peux néanmoins exprimer mon

12 sentiment en la matière. Et mon sentiment est le suivant.

13 Dans la liste des témoins de l'Accusation, il y a une centaine de

14 témoins prévus par l'Accusation à ce stade. L'Accusation n'a pas fait le

15 distinguo entre les témoins viva voce, les témoins 92 ter, 92 quater, 92

16 bis. Lorsque l'Accusation fera ce travail, inévitablement, en témoins viva

17 voce ou en témoins 92 ter, il n'y en aura pas 100. Il y en aura beaucoup

18 moins.

19 Comment l'Accusation peut travailler afin de préparer cette liste ?

20 L'Accusation a deux paramètres. Le premier paramètre, c'est les 81 heures

21 qui avaient été accordées à l'Accusation pour présenter ses éléments de

22 preuve par la Chambre présidée par le Juge Orie. Ça c'est l'hypothèse

23 basse.

24 L'hypothèse haute, c'est le calcul auquel moi-même et ceux qui

25 m'assistent ont procédé en totalisant le temps prévu dans la liste 65 ter

26 pour les 102 ou les 105 témoins. Nous sommes arrivés à un total de 269

27 heures. Comme il est acquis qu'il n'y aura pas 100 témoins qui viendront,

28 la Chambre devra fixer une durée comprise entre 81 heures et 269 heures.

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1 De mon point de vue, et je militerai en ce sens auprès de mes

2 collègues pour leur dire qu'une durée de 100 heures au Procureur serait

3 largement suffisante.

4 Pourquoi 100 heures ? Pour la raison suivante : nous devons siéger

5 trois jours par semaine et, présidant cette Chambre et ayant parallèlement

6 un autre procès, je ne pourrai tenir trois audiences par semaine pour ce

7 cas. Et par ailleurs, c'est ce que demande

8 M. Seselj lui-même pour bien se défendre.

9 Partant de l'idée que nous aurons audience le mardi, le mercredi, et

10 le jeudi de chaque semaine, par semaine il y aura en heures utiles dix

11 heures. Vous multipliez par quatre semaines, ça fera 40 heures par mois. Si

12 l'Accusation a 100 heures pour présenter sa cause, M. Seselj aura 100

13 heures pour le contre-interrogatoire. Ce qui fait que dans cette phase qui

14 est celle du Procureur, il faut compter 200 heures, c'est-à-dire cinq mois.

15 Cinq mois parce que 40 heures par mois, et s'il nous faut 200 heures, ça

16 fait donc 5 mois.

17 Lorsque la phase de M. Seselj interviendra, si M. Seselj a aussi le

18 même nombre de témoins et si M. Seselj a besoin également de 100 heures, le

19 Procureur aura 100 heures, donc il faudra également cinq mois. Ce qui fait

20 que s'il n'y a pas d'obstacles et d'inconvénients majeurs, en une année,

21 nous pourrions terminer ce procès. Encore faut-il pour cela évacuer tous

22 les problèmes de procédure qui ralentissent la bonne marche d'un procès.

23 Moi, à titre personnel, je préfère consacrer mon temps aux

24 déclarations des témoins, au contenu des pièces plutôt qu'à perdre du temps

25 dans des problèmes de procédure qui, en tout état de cause, ne

26 détermineront pas l'acquittement ou la condamnation. Mais encore faut-il

27 bien préparer le procès, et c'est la raison pour laquelle je m'emploie

28 depuis plusieurs mois à régler au fur et à mesure les problèmes.

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1 Et je constate que j'y arrive petit à petit, puisque vendredi j'ai pu

2 indiquer à l'Accusation que les témoins du petit (i) devraient être

3 basculés à la fin, ce que l'Accusation m'a confirmé ce matin. Donc, nous

4 progressons, et nous progressons de manière positive.

5 Et pour conclure de manière positive cette approche sur le temps,

6 Madame Dahl, vous devriez d'ores et déjà penser que dans le cadre des 100

7 heures que vous aurez, quel sera le nombre d'heures consacrées aux témoins

8 factuels, aux témoins experts, aux témoins que l'on qualifie d'"insider",

9 puis aux témoins principaux. En tenant compte, bien entendu, qu'un certain

10 nombre de témoignages pourraient, par la Chambre de jugement, être

11 recueillis à titre du 92 bis, que dans la mesure où ces témoins

12 confirmeraient ou corroboreraient ce que d'autres ont pu dire, avec la

13 réserve près que peut-être que dans les 92 bis, M. Seselj demandera à ce

14 que certains témoins viennent pour qu'il puisse les contre-interroger.

15 De ce fait, Madame Dahl, vous devriez d'ores et déjà penser en termes de

16 100 heures qui, le cas échéant, pourraient être raccourcies ou allongées

17 selon la volonté de mes collègues. Car sur ce problème, je ne suis pas le

18 seul à décider. Mes collègues qui assisteront pour l'audience de jugement

19 auront aussi leur mot à dire. Mais une durée de 100 heures me semble une

20 durée bien appropriée. Car elle permet de tenir un rythme soutenu de trois

21 audiences par semaine et d'une présentation qui durerait à peu près cinq

22 mois.

23 Voilà ce que je voulais dire à ce stade sur la durée. Alors, comme ça

24 intéresse en premier lieu l'Accusation, Madame Dahl, est-ce que vous avez à

25 ce stade quelque chose à nous dire ?

26 Mme DAHL : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Juge. Effectivement,

27 c'est une manière tout à fait raisonnable de procéder, et je voudrais vous

28 dire que si nous avons accepté de modifier l'ordre de comparution des

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1 témoins qui figurent au paragraphe I, ceci, bien entendu, dépend de la

2 décision qui sera prise concernant notre requête relative aux mesures de

3 protection. J'ai ici une liste des témoins concernés, je vais vous la

4 fournir à la fin de l'audience. Nous allons voir s'il vaut mieux que ces

5 témoins viennent à la fin du procès, ou bien si certains de ces témoins

6 devront peut-être témoigner au sujet de certains crimes particuliers.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, sur une durée de

8 100 heures qui seraient 100 heures pour vous également de contre-

9 interrogatoire.

10 L'INTERPRÈTE : Micro.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que c'est une estimation très

12 raisonnable, une centaine d'heures à la disposition de l'Accusation et une

13 centaine d'heures à ma disposition pour le contre-interrogatoire. Il faut

14 bien se dire aussi que je vais insister sur le même temps pour ce qui est

15 des témoins experts et témoins de la Défense, y compris mon témoignage à

16 moi, qui va peut-être durer dix, 15, peut-être même 20 jours, parce que je

17 me réfère à l'expérience dans l'affaire Krajisnik dont le témoignage a duré

18 au total 40 jours; 23 jours pour ce qui est de l'interrogatoire principal,

19 une dizaine de jours pour ce qui du contre-interrogatoire et encore des

20 journées de questions supplémentaires.

21 Alors, je vais y consacrer la plus grande des attentions pour ce qui est

22 des préparatifs de la Défense.

23 Mais il y a un autre problème qui se pose. Il me semble irréaliste de

24 penser qu'en 100 heures l'Accusation pourra faire comparaître 100 ou 102

25 témoins. C'est absolument inconcevable. Ça fait déjà trois Conférences de

26 mise en état, si mes souvenirs sont bons, que j'insiste que pour que l'on

27 me réponde à la question de savoir pourquoi, sur la liste de témoins, il y

28 a des listes de témoins pour ce qui est de la Slavonie occidentale, Samac,

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1 Brcko et Bijeljina, et la base de crime et pourquoi cette base de crime

2 pour ce qui est de ces localités-là est traitée dans le mémoire préalable

3 au procès si ces sites-là ont été évacués de l'acte d'accusation ? Peut-

4 être y a-t-il là moyen d'économiser sur le nombre de témoins.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez tout à fait raison. Vous avez parlé de ça

6 vendredi, et vous faites bien de rappeler cela.

7 Madame Dahl, M. Seselj a déjà parlé de cette affaire. Il a constaté que

8 l'acte d'accusation qui avait été remanié avait fait donc disparaître

9 certains lieux, et on retrouve des témoins qui, normalement, ne devraient

10 pas venir témoigner puisque les lieux en question ne figurent plus dans

11 l'acte d'accusation. Alors, comment expliquer cela ?

12 Mme DAHL : [interprétation] Je voudrais demander à M. Seselj de se référer

13 à la décision du 8 novembre 2006 qui a permis à l'Accusation de citer à la

14 barre des témoins au sujet de ces municipalités dans des circonstances bien

15 particulières. Je vais prendre en compte les observations du Juge de la

16 mise en état au sujet du temps que je dois consacrer aux différentes

17 catégories de témoins, décider quels sont les "insiders", quels sont les

18 experts, quels sont les témoins sur les faits, quels sont les témoins

19 principaux, et cetera. Et il est possible que la nécessité de présenter des

20 témoins qui entrent dans une sorte de schéma, soit moins pressante lorsque,

21 si on décide, par exemple, de nous octroyer tout simplement 100 heures.

22 Mais je remercie M. Seselj de l'observation qu'il faite au sujet de

23 ces conseils pour présenter nos moyens, mais ça c'est à nous d'en décider.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais réfléchissez à cela, parce que peut-être -

25 alors d'une part, la décision du 8 novembre 2006, c'était l'autre Chambre.

26 Je suis incapable de vous dire si la future Chambre sera dans la même ligne

27 de pensée. Moi, là aussi, je vous dis mon point de vue, dans la mesure où

28 des municipalités ont été supprimées, faire venir des témoins, ça peut être

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1 surabondant.

2 Monsieur Seselj.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis tout à fait d'accord.

4 Il convient de tenir compte d'un fait, à savoir que vous avez une requête

5 pour ce qui est de l'adoption d'un deuxième acte d'accusation modifié ou

6 amendé. Alors l'acceptation de cet acte d'accusation modifié pour la

7 deuxième fois rend dénuée de pertinence la décision prise par la Chambre en

8 novembre de l'année passée parce que ça se reportait à l'acte d'accusation

9 modifié de l'époque. Et l'on a enlevé la base de crime, mais on a dit que

10 l'on pouvait présenter, par exemple, des éléments de preuve pour ce qui

11 d'un type de comportement. Je crois que c'est la formulation.

12 Mais étant donné que ce n'est plus du tout évoqué dans cet acte

13 d'accusation-ci, pourquoi n'inclurait-on pas d'autres localités, toute une

14 série d'autres localités, 30, 40, 50 localités autres. Et la possibilité

15 d'évoquer ce mode de comportement ne signifie pas qu'il y a possibilité de

16 présentation d'éléments de preuve pour ce qui est de la base de crime.

17 Donc, de l'avis de ceux qui représentent l'Accusation, il manque une

18 certaine rationalité.

19 En tout état de cause, le représentant de l'Accusation doit

20 travailler sur un nouveau mémoire préalable au procès. Et ce nouveau

21 mémoire préalable au procès doit être communiqué, il ne doit pas englober

22 la base de crime ou le traitement de cette base de crime pour ce qui est

23 des éléments qui ne sont pas mentionnés du tout dans l'acte d'accusation.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais -- vous me donnez l'occasion d'aborder

25 le sujet que je voulais aborder, c'est la question du mémoire préalable.

26 Alors, concernant le mémoire préalable - et là c'est très important

27 pour vous, Monsieur Seselj, écoutez bien ce que je vais dire maintenant.

28 Enfin, je sais que vous m'écoutez, mais particulièrement sur ce sujet du

Page 1450

1 mémoire préalable.

2 L'Accusation, au mois de juillet, a dressé son mémoire préalable

3 modifié par rapport à celui du mois de juin. Donc le mémoire préalable

4 consolidé c'est celui du mois de juin. Ce mémoire préalable que j'ai lu

5 avec intérêt est un document qui est très important pour vous, Monsieur

6 Seselj. Parce que c'est quoi un mémoire préalable ?

7 Un mémoire préalable c'est l'acte d'accusation qui est

8 approfondi, qui est délayé et qui, en réalité, restitue l'argumentation de

9 l'Accusation. Et vous avez, comme moi, certainement étudié ledit mémoire

10 préalable et vous avez remarqué que dans ce mémoire préalable il y a un

11 plan que le Procureur expose. Il y a une introduction. Il y a votre

12 participation dans l'entreprise criminelle commune sous trois volets, à

13 savoir comme propagandiste de la Grande-Serbie, comme recruteur et

14 coordonnateur des volontaires du SRS, et comme participant à l'entreprise

15 criminelle.

16 Il y a ensuite l'implantation de l'entreprise criminelle en Croatie,

17 en Bosnie-Herzégovine et en Serbie. Il y a au chapitre 4 la création et la

18 structure du SRS, ensuite chapitre 5 et suivants il y a les crimes allégués

19 en Croatie, Vukovar Vocin [phon], en Bosnie-Herzégovine, en Serbie. Et puis

20 au chapitre 6 dans le mémoire préalable il y a une analyse juridique au

21 titre de l'article 7(1) et puis concernant l'article 3 et 5 du Statut.

22 Vous avez toute l'argumentation du Procureur avec en note de bas de page

23 les références aux témoins qu'ils vont confirmer ce qui est écrit plus

24 haut.

25 De ce fait, qu'est-ce qui va se passer dans le futur ? Le Procureur,

26 lorsqu'elle va exposer ses moyens de preuve, le premier jour de l'audience

27 elle va reprendre ce mémoire préalable en le synthétisant, et puis les

28 témoins vont venir dans l'ordre que nous avons évoqué déjà vendredi, mais

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1 qui, en fait, est un ordre qui va recouper le mémoire préalable. D'où ce

2 document est fondamental pour vous.

3 Pourquoi il est fondamental ? Parce que quand les Juges auront à se

4 déterminer sur votre responsabilité et sur les crimes qui ont eu lieu, ils

5 se prononceront au-delà du doute raisonnable en fonction de tous les

6 éléments de preuve qui auront été apportés. Et dans le jugement, et vous le

7 savez aussi bien que moi, dans tous les jugements, tous les Juges quand ils

8 délibèrent et en tirent des conclusions, ils font une référence au mémoire

9 préalable et également au mémoire qui est produit par l'accusé en réponse

10 au mémoire préalable.

11 L'article 65 ter(F) dit ceci. Je vous le lis très lentement : "Une fois que

12 le Procureur a déposé les documents mentionnés au paragraphe (E)," c'est-à-

13 dire principalement le mémoire préalable, "le Juge de la mise en état

14 ordonne à la Défense," c'est-à-dire à vous-même, Monsieur Seselj, "dans un

15 délai que je vais fixer et au plus tard trois semaines avant la date de la

16 conférence préalable au procès de déposer un mémoire préalable traitant des

17 points de fait et de droit et contenant un exposé écrit qui précise en

18 termes généraux la nature de la Défense de l'accusé, les points du mémoire

19 du Procureur que l'accusé conteste et pour chacun de ces points les motifs

20 de la contestation par l'accusé."

21 Ce qui veut dire que vous et vos collaborateurs devriez faire ce

22 travail pour donner à la Chambre votre mémoire préalable en réponse au

23 mémoire de l'Accusation contestant, puisque vous plaidez non coupable,

24 contestant l'argumentation du Procureur. Alors vous pouvez le faire, comme

25 vous pouvez aussi ne pas le faire.

26 Mais moi, je vous dis, Monsieur Seselj, que si vous ne le faites pas

27 ça peut être un handicap pour vous, parce qu'on est dans une procédure qui

28 est très différente de ce que vous connaissez dans votre pays. Dans votre

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1 pays, et je sais que malheureusement pour vous vous avez dans le passé été

2 condamné, vous savez que dans les pays romano-germaniques, une fois les

3 témoins sont venus, le Procureur fait ses réquisitions, et puis l'avocat de

4 la Défense plaide pour contrecarrer oralement ce qu'a dit le Procureur, le

5 cas échéant, avec aussi des mémoires. Mais ici on est dans une procédure où

6 il y a un acte d'accusation, il y a un mémoire préalable, il y a des

7 témoins qui viennent, et puis il y a la Défense qui va jouer son rôle qui

8 doit aussi faire un document contestant le mémoire préalable.

9 Si vous ne le faites pas, il n'y a pas une obligation de le faire,

10 mais si vous ne le faites pas, à ce moment-là, les Juges quand ils auront à

11 statuer sur tous les éléments, ils n'auront à ce moment-là que le mémoire

12 de l'Accusation, les transcripts des témoins, vos diverses écritures pour

13 statuer.

14 Alors que le mémoire en réponse de la -- pour l'accusé est

15 quelque chose qui, pour vous, peut être important. J'ai lu avec intérêt ce

16 que vous-même et vos collaborateurs ont fait pour contester les divers

17 rapports d'expert. Ce que vous avez fait pour les rapports d'expert, vous

18 pouvez de mon point de vue, sans aucune difficulté, le faire en réponse au

19 mémoire préalable de l'Accusation. Mais là, le temps commence à presser

20 parce que ce document devrait, compte tenu des trois semaines avant

21 l'ouverture du procès, devrait être terminé vers le 10 octobre. Et comme

22 nous sommes mi-août, il y aura le mois de septembre, le mois d'octobre.

23 Donc vous avez devant vous deux mois pour faire ce travail. Alors, je ne

24 sais pas quelles sont vos intentions, Monsieur Seselj. Est-ce que vous

25 allez le

26 faire ? Est-ce que vous n'allez pas le faire ? J'aimerais connaître votre

27 point de vue en la matière.

28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai décidé de présenter

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1 certainement un mémoire préalable au procès de la part de la Défense et je

2 travaille dessus, et de la sorte je répondrai aux écritures présentées par

3 l'Accusation.

4 Cependant, l'Accusation, elle, ne m'a pas encore communiqué la version

5 finale de son mémoire préalable au procès, chose qui est exigée par le 65

6 ter, point(E), alinéa 1.

7 La version finale de ce mémoire préalable ne peut pas être une

8 version où il y aurait eu des parties de biffées, même si cela semble être

9 minime. La version finale du mémoire préalable doit être une version

10 intégrale. Tout à l'heure, quelqu'un a mentionné l'existence d'une version

11 ou d'une variante secrète et officielle, publique de ce mémoire préalable.

12 Je n'ai reçu communication que de cette version publique. La version

13 confidentielle, je ne l'ai pas reçue. Etant donné qu'on ne me l'a pas

14 communiquée cela signifie qu'on ne m'a pas communiqué la version finale.

15 Cela pourrait être communiqué demain. Peut-être devriez-vous faire une

16 ordonnance en ce sens, parce que j'ai l'impression qu'ils ne vont pas le

17 faire sans cela.

18 Alors, dans le délai qui sera imparti par vous et comme prévu par le

19 Règlement, je communiquerai le mémoire préalable de la Défense et même

20 peut-être avant le délai imparti.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, sur cette question de mémoire

22 confidentiel ou de mémoire public, qu'est-ce que vous dites à M. Seselj ?

23 Parce que lui il a besoin du mémoire définitif, ça c'est évident, pour

24 qu'il puisse évidemment y répondre.

25 Mme DAHL : [interprétation] Bien entendu qu'il en a besoin. Nous

26 sommes tout à fait d'accord. Mais à notre connaissance il n'y a pas de

27 raison qui expliquerait pourquoi il devrait avoir les deux copies. Il ne

28 devrait pas les avoir, parce que normalement j'ai fait en sorte qu'elles

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1 lui soient signifiées. Et d'après ce que j'ai entendu dire du greffe, la

2 version intégrale a été fournie pour traduction au service de traduction,

3 et je pense que ceci a été fourni aux interprètes en version électronique

4 pour que la traduction soit assurée. Donc je vais vérifier pour m'assurer

5 que ceci lui a bien été signifié.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, Monsieur Seselj, Mme Dahl est

7 d'accord avec vous. Donc vous devez avoir vos documents traduits dans votre

8 langue.

9 Oui, Monsieur Seselj.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tant mieux, Monsieur le Juge, que de voir

11 que Mme Dahl est tombée d'accord. Mais il me semble assez incroyable

12 d'attendre aussi longtemps alors qu'il s'agit de toutes petites parties

13 biffées en noir. Ce n'est aucun problème pour les services de traduction.

14 Ça peut être surmonté en une demi-heure comme difficulté. Donc ce n'est pas

15 du descriptif. Ce sont des renseignements qui n'ont peut-être même pas

16 besoin d'être traduits. Donc donner un prétexte ou prétexter du service de

17 service de traduction, je crois que ça ne tient pas debout.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame Dahl, donc effectivement, dans -- il y a

19 -- un mémoire préalable, il y a deux parties qui ont été biffées. Donc, à

20 ce moment-là, il suffit de remettre le document dans une forme où tout ce

21 qui est noir disparaît et, à ce moment-là, il n'y a plus de problèmes.

22 Si vous avez le mémoire préalable sous les yeux. Regardez à la page

23 29, par exemple, il y a une note de bas de page. Il y a "statement of," et

24 puis là c'est biffé; et puis ça continue. Donc, il y a peut-être des

25 adaptations à faire qui devraient très rapidement être résolues.

26 Mme DAHL : [interprétation] Permettez-moi de vous demander, Monsieur

27 le Juge, de me donner le numéro d'identification dans le coin supérieur

28 droit. En effet, je suis un peu interloquée. Il n'y avait aucune

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1 expurgation dans le document de juin que nous avons déposé.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : 21 968, page 29, ce qui est en haut à droite,

3 21 968.

4 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

5 pourrions aborder les autres points à l'ordre du jour ? Je vais m'assurer

6 que le bon document est signifié à M. Seselj.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je voudrais aborder maintenant une question

8 très importante qui va se poser lors du déroulement du procès. On en a

9 parlé déjà tout à l'heure très rapidement, mais sans entrer dans le détail

10 technique.

11 C'est la question du "proofing" en anglais, ou en français du récolement.

12 Alors, qu'est-ce qui se passe en la matière ?

13 Imaginons, Monsieur Seselj, qu'un témoin vienne lundi, enfin, vienne

14 témoigner mardi, puisque nous fonctionnerons mardi, mercredi, jeudi. Si le

15 témoin est important, il y a tout lieu de penser que ce témoin arrivera

16 avant au Tribunal. Il sera là le week-end, le samedi, le dimanche et le

17 lundi.

18 Le "proofing" c'est une procédure que vous connaissez parce que vous

19 en avez parlé tout à l'heure, qui consiste pour le Procureur à rencontrer

20 son témoin avant l'audience et à voir avec lui la teneur de sa déclaration

21 écrite qui a été rédigée plusieurs années auparavant, de lui présenter des

22 documents qui seront présentés lors de l'audience. Il y a une forme de

23 training à la préparation du témoin qui viendra.

24 Pendant cette phase de préparation, il arrive - j'allais dire,

25 presque toujours - que le témoin va apporter des modifications à ce qu'il a

26 dit il y a plusieurs années. Je prends un exemple très simple.

27 S'il y a plusieurs années, il a dit que dans son village la majorité

28 des habitations avaient été détruites, et puis le jour où il vient

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1 rencontrer le Procureur il va dire : j'avais dit, mais non je me suis

2 trompé. Ce n'est pas la majorité c'est 30 %. Donc ce n'est pas la même

3 chose. A ce moment-là il y a un élément nouveau qui apparaît.

4 Le Procureur a l'obligation de vous le faire savoir tout de suite. De

5 même, en rencontrant ce témoin, le Procureur n'avait pas envisagé de

6 présenter un document, et il s'aperçoit qu'il lui faut présenter ce

7 document que vous n'aviez pas dans la liste d'origine. A ce moment-là, le

8 Procureur doit informer l'accusé qu'il a l'intention de présenter lors de

9 l'audience un nouveau document.

10 Alors, quel est le problème ? Imaginons que l'audience est mercredi,

11 mercredi matin à 9 heures. Le Procureur rencontre le témoin mardi à 17

12 heures. Et l'entretien qu'il a avec ce témoin dure jusqu'à

13 23 heures, ce qui n'est pas une hypothèse d'école parce que ça se passe

14 bien souvent comme ça.

15 A 23 heures, le Procureur doit informer l'accusé, vous, qu'il y a des

16 changements dans la déclaration du témoin et il y a des nouvelles pièces.

17 Il est 23 heures. Vous êtes dans votre cellule en train de dormir.

18 L'audience débute à 9 heures le lendemain. Quand il y a un avocat c'est

19 l'avocat qui est informé. L'avocat, comme vous le savez, il travaille 24

20 heures sur 24. Donc l'avocat, il n'y a pas de problème. Mais vous, vous

21 êtes dans votre cellule, 23 heures, vous dormez. Et ces éléments doivent

22 être portés à votre connaissance avant l'audience qui débute à 9 heures.

23 Pourquoi ? Parce qu'il faut que vous en ayez connaissance et, le cas

24 échéant, que vous soyez en mesure le mercredi de faire le contre-

25 interrogatoire.

26 Alors j'ai réfléchi à ce problème. Comment faire ? La seule solution,

27 et je m'y suis déjà plongé, serait de mettre dans la cellule qui vous sert

28 de bibliothèque ou de lieu de travail, de vous mettre un fax en ligne

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1 directe avec le Procureur, de telle façon, que si à 23 heures le Procureur

2 doit vous annoncer quelque chose, ça arrive sur votre fax. Bon, vous savez

3 qu'il y a des fax silencieux, à ce moment-là, ça ne vous réveillera pas.

4 Mais comme vous nous avez dit la dernière fois que vous vous levez à 4

5 heures du matin, il n'y a aucun problème à ce moment-là à ce que vous

6 découvriez aux aurores les nouvelles variations des déclarations du témoin

7 et les nouveaux documents pour vous préparer pour l'audience qui débutera à

8 9 heures.

9 Parce que le Procureur, s'il a un nouveau document, vous le faxera

10 également. Ce qui fait que vous aurez tout à votre disposition qui tombera

11 sur votre fax. Alors c'est un problème auquel évidemment personne n'a

12 réfléchi, mais comme je suis un professionnel et que ce type de problème,

13 je l'ai déjà vécu dans d'autres dossiers devant ce Tribunal, où les avocats

14 ou les accusés se mettent à faire des incidents en disant qu'ils n'ont pas

15 été informés des changements, c'est la procédure à mettre en œuvre de telle

16 façon que vous ne soyez pas pris au dépourvu.

17 Alors, sur cette question qui est une question importante, parce que

18 ce sont les conséquences du "proofing" --

19 Madame Dahl, y aurait-il un inconvénient de votre part à informer M.

20 Seselj lorsque ce type de situation se présentera ?

21 Mme DAHL : [interprétation] S'il a besoin d'être avisé sur-le-champ,

22 ça me semble raisonnable comme solution. Moi, je préfère ne pas travailler

23 à 23 heures, mais quelquefois c'est inévitable.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

25 Alors, Monsieur Seselj, vous avez maintenant toutes les données du

26 problème. Quelle est votre position sur cette question qui est technique,

27 mais qui touche au cœur même de l'exercice de votre droit de la Défense.

28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Evidemment cela me dérangerait que d'être

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1 réveillé à 23 heures du soir, mais entre 4 heures et 5 heures du matin, ça

2 ne me gêne pas du tout. Alors, Monsieur le Juge, je ne suis pas certain du

3 fait que les autorités de l'Unité de Détention accepteront le montage d'un

4 fax dans la cellule. Ce serait une solution en effet exceptionnelle, mais

5 je ne sais pas quelles sont leurs possibilités. Il est vrai qu'à l'étage il

6 y a un téléphone non loin de ma cellule, il serait donc possible de faire

7 passer une ligne moyennant quelques activités en matière de génie.

8 Je sais que pour ce qui est de M. Milosevic, il n'avait pas de

9 téléphone et de fax dans sa cellule, mais il avait à côté, le téléphone et

10 le fax dans le bureau qui était juste à côté. Alors si on peut résoudre

11 cela avec la cellule, je n'aurais pas besoin d'un bureau permanent. Je

12 crois que pour l'administration de la prison ce serait une économie

13 certaine. J'espère que ce type de cas serait réduit au minimum et que l'on

14 ne viendra pas me prendre à l'improviste avec des documents aussi urgents,

15 parce qu'il faut que je me prépare à réagir à ce type de documents. Il ne

16 s'agit pas seulement de prendre connaissance mais d'entreprendre des

17 mesures pour vérifier la chose, pour trouver des preuves allant dans le

18 sens contraire, des documents allant dans le sens contraire, et ainsi de

19 suite. Et cela pourra peut-être constituer des exceptions mais cela ne

20 devrait pas constituer une pratique habituelle.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez tout à fait raison. Mais l'expérience

22 montre, Monsieur Seselj, c'est l'expérience qui parle, il y a des témoins

23 qui viennent, mais ça peut-être également plus tard vos témoins, c'est pas

24 simplement les témoins de l'Accusation mais c'est une règle générale. Le

25 témoin il vient, et il rencontre lors du "proofing", soit le Procureur,

26 soit la Défense quand c'est un témoin de la Défense, et il arrive parfois

27 avec des documents.

28 Il arrive avec des documents que le Procureur ignore totalement ou

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1 que la Défense ignore totalement. Et il présente les document en disant :

2 Voilà, j'ai trouvé il y a six mois ce document, voilà. Et à ce moment-là,

3 il y a une découverte au dernier moment parfois de documents très

4 importants.

5 Alors dans le cas d'espèce, le Procureur a l'obligation d'informer

6 l'accusé de l'existence de ce document. Alors parfois, ce sont des témoins

7 internationaux dont on découvre qu'ils ont des carnets de bord où ils ont

8 enregistré toute leur vie administrative à l'époque. Puis ils viennent, ils

9 disent : Voilà, j'ai mon carnet, mon carnet de bord qui est à votre

10 disposition. Alors même qu'il ne l'avait pas dit, qu'il ne l'avait pas dit

11 à l'enquêteur. Voilà le type de problème auquel on est confronté.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je sais que dans d'autres affaires il est

13 arrivé de voir ce genre de problème survenir. Mais si cela arrive, Monsieur

14 le Juge, il va falloir reporter à un peu plus tard le témoignage de ce

15 témoin parce que le document devra forcément être traduit en langue serbe,

16 notamment s'il s'agit de témoins internationaux, parce que même là je

17 n'accepterai rien en langue étrangère.

18 Dans les autres affaires, les avocats étaient tenus de l'accepter

19 parce qu'ils étaient tenus aussi de parler l'anglais; et étant donné que la

20 plupart n'ont pas appris l'anglais mais ont signé des déclarations disant

21 qu'ils parlaient l'anglais et ils ne le parlaient pas, ils n'avaient pas

22 l'obligation de le lire forcément. Donc en l'occurrence, ces nouveaux

23 documents devront être traduits. Une fois traduits, pour moi ils peuvent

24 avoir de la pertinence et être utilisables pour ce qui est du contre-

25 interrogatoire. Mais en attendant leur traduction, pour moi, ce sont des

26 documents qui n'existent pratiquement pas.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame Dahl, M. Seselj soulève un problème

28 qui est la question que lorsqu'il y a ce type de document, si le document

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1 n'est pas traduit, et bien, lui évidemment, il contestera et il demandera

2 le report de l'audition.

3 Alors pour éviter ce type de problème, il y a une façon de pratiquer

4 : c'est que l'Accusation n'attende pas le dernier moment pour découvrir

5 l'ampleur du problème. Et qu'à ce moment-là, si vos témoins, vous preniez

6 leur attache quelques semaines, quelques mois avant pour voir s'ils ont des

7 documents, et cetera, et s'ils vous disent : Oui, j'ai un document. Que le

8 document est en anglais, et bien, à ce moment-là, il faut le faire

9 traduire.

10 Oui, Madame Dahl.

11 Mme DAHL : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord. Il faut

12 effectivement prévoir le coup et prendre les devants. Je suppose que M.

13 Seselj n'aura de cesse d'insister pour que les documents lui soient

14 communiqués dans sa langue. Je ne pense pas qu'il va changer d'avis.

15 Nous avons vérifié pendant l'audience en matière de notification du mémoire

16 préalable au procès et de sa traduction intégrale. J'ai retrouvé un procès-

17 verbal qui montre que ceci lui a été signifié le 10 août.

18 Il doit donc maintenant disposer de tout ce dont il a besoin, sans aucune

19 expurgation, rien ne lui a été dissimulé. Il n'y avait aucune part qui

20 avait été expurgée dans cette version confidentielle qu'il a reçue le 10

21 août. Il y avait des expurgations dans la version publique. On lui a donné

22 ces feuilles-là pour être bien sûr qu'il voyait l'intégralité de ce qui lui

23 avait été signifié.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Apparemment, Monsieur Seselj, le

25 10 août, il y a un document qui vous est arrivé qui doit, d'après le point

26 de vue de Mme Dahl, être le document définitif.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, ce n'est absolument pas vrai.

28 Je signe la réception de toutes pièces. Au cours du mois d'août, j'ai

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1 d'abord reçu l'ancien mémoire préalable avec son complément daté de 2003,

2 voire 2005 pour ce qui est de la date du complément. Et j'ai été surpris de

3 recevoir cela à nouveau. Puis, on m'a envoyé un nouveau mémoire préalable

4 au procès avec des surcharges sur certaines parties. Je n'ai jamais reçu

5 une version finale de ce mémoire préalable au procès. Le bureau du

6 Procureur a des pièces certifiées pour ce qui est des réceptions et le

7 greffe aussi sait quelles sont les pièces qui m'ont été communiquées. Donc

8 ce n'est pas vrai du tout.

9 Mais on ne peut pas m'expliquer pourquoi maintenant me communique-t-on le

10 mémoire préalable précédent, pourquoi ? Quelqu'un a dû délibérément créer

11 de la confusion. J'ai reçu ce mémoire préalable précédent et son complément

12 et quelques jours plus tard, le nouveau mémoire préalable avec des

13 surcharges en noir sur certaines parties, c'est tout ce que j'ai reçu.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, M. Seselj nous dit que, à sa connaissance, le

15 dernier mémoire préalable qu'il a reçu, c'est celui qui a les surcharges.

16 Mme DAHL : [interprétation] Je vais m'enquérir et veiller à ce qu'il

17 obtienne ce dont il a besoin.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

19 Monsieur Seselj, je vais vous rendre les trois classeurs que vous m'avez

20 donnés, et je vais aborder la question que vous avez soulevée à propos de

21 ces classeurs.

22 Vous vous êtes plaint que beaucoup de documents vous arrivent et vous ne

23 voyez pas la pertinence. Vous avez cité, à un moment donné, un exemple qui

24 concernait les règles dans la JNA, les règles de commandement, de structure

25 de l'armée, et cetera. Bon, vous m'avez parlé de cela. Peut-être que de

26 votre point de vue ce n'est pas important directement, mais ça peut avoir

27 une importance et je vais vous dire laquelle.

28 Dans la mesure où des individus peuvent se voir reprocher d'avoir

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1 commis tel ou tel crime, et que ces individus ont un uniforme quel qu'il

2 soit, à ce moment-là, s'ils ont un uniforme, ils ont dû agir en exécution

3 d'ordre. Il se peut que dans des éléments de preuve il y ait des ordres.

4 Moi, je ne le sais pas. Je n'ai pas vu les documents, donc j'évoque ça à

5 titre de simple hypothèse. S'il y a eu des ordres, ces ordres ont-ils été

6 rédigés en fonction des règles en usage dans l'ex-armée yougoslave, ou en

7 usage dans la JNA, ou en usage dans les formations de Défense du

8 territoire, les TO. Si c'est le cas, pour examiner si l'ordre est conforme

9 aux règles, il faut à ce moment-là que l'accusé ait à sa disposition les

10 règles applicables en la matière. Et c'est, je pense, la raison pour

11 laquelle l'Accusation vous a donné tous ces documents.

12 Il est vrai qu'il y a des documents plus ou moins pertinents. Il est vrai

13 que de votre point de vue, et ça peut être le cas également de la Chambre,

14 parfois on peut avoir des questions sur la pertinence de tel ou tel

15 document. Mais un document qui, apparemment, n'est pas pertinent au jour T

16 zéro, peut être pertinent au jour T plus 80 heures de présentation de

17 moyens de preuve par le Procureur.

18 De ce fait, tous les documents qui vous sont communiqués au titre de

19 l'article 66 et ceux au titre de l'article 68, et qui figurent sur la liste

20 65 ter, sont des documents qui sont à la base de l'acte d'accusation, et

21 qui sont peut-être référenciés dans le mémoire préalable. Alors, avant de

22 dire que ce document n'est pas pertinent, il mérite un examen. Mais il est

23 vrai que vous êtes exposé au risque d'être inondé de documents, et les

24 documents, c'est par milliers, par dizaine de milliers, centaines de

25 milliers de pages que vous avez à gérer. Alors, vous êtes peut-être capable

26 de le faire, mais vous avez des collaborateurs, et tout cela, évidemment,

27 mérite un examen. Le Procureur vous a adressé ces classeurs. Il m'a adressé

28 les mêmes classeurs. J'en ai reçu, certainement comme vous, 29. Je crois

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1 que Mme Dahl va nous en envoyer 150 dans les prochains jours. C'est bien

2 ça, Madame Dahl ? Il en reste encore 120, 130.

3 Mme DAHL : [interprétation] Je pense que oui, je pense qu'il y a un

4 nouveau lot qui va vous être distribué cet après-midi.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ces documents que vous devez, bien

6 entendu, voir -- le classeur numéro 1, il y a des listes, bon, ça vous

7 allez le voir très rapidement. Donc, l'"exhibit number 1" vous allez régler

8 ça très rapidement. Donc, vous allez faire ce travail, vous allez regarder

9 tous ces documents, voir quels sont les documents pour vous essentiels,

10 ceux qui ne le sont pas, et cetera.

11 Mais vous allez avoir tout cela. Parce que tous les documents qui vous

12 arrivent dans ces classeurs sont les documents numérotés de 1 à 3 000 ou 5

13 000, je ne sais plus, qui sont les pièces à conviction du Procureur. Mais

14 vous aurez également, lorsque les témoins viendront, des classeurs de

15 pièces qui seront présentées au témoin avec les cotes, ça, vous aurez déjà

16 la liste avant. Et le jour de l'audience, le Procureur vous remettra un

17 classeur avec les documents uniquement présentés au témoin.

18 Mais ça c'est un autre stade. Alors, c'est ce que je voulais vous dire sur

19 tous ces classeurs.

20 Madame Dahl.

21 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, je viens de penser à une

22 chose, vu la logistique, ceci représente des difficultés que M. Seselj va

23 rencontrer à se défendre lui-même, comment est-ce qu'il va transporter tout

24 ce dont il aura besoin pour un jour donné. La navette entre sa cellule et

25 ici, il ne va pas avoir une petite charrette comme nous, pour ses carnets

26 de notes. Il faudrait peut-être réfléchir à cela auparavant pour veiller à

27 ce qu'il ait tout ce dont il a besoin aussi bien là où il est dans la

28 cellule qu'ici en prétoire.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Mme Dahl vous indique également une chose

2 importante. Vous vous apercevrez, Monsieur Seselj, que lorsqu'un témoin

3 vient, le Procureur arrive avec un chariot dans lequel il y a plusieurs

4 classeurs, il y a plusieurs documents qui concernent le témoin mais qui

5 peuvent concerner d'autres aspects, et donc le Procureur vient avec ses

6 chariots. Dans les procès que j'ai eu à connaître ici, les avocats arrivent

7 aussi avec leurs chariots. Ils ont tous cela.

8 Dans les affaires où l'accusé se défend seul, le seul cas que j'ai vu de

9 mes propres yeux c'est M. Milosevic, qui se défendait, qui a contre-

10 interrogé, je ne me souviens pas qu'il arrivait avec des chariots, je n'ai

11 pas cela bien en tête, mais si vous, vous avez l'intention lorsque le

12 témoin X viendra, il faudra à ce moment-là que vos collaborateurs vous

13 préparent les documents pour vous les mettre à votre disposition.

14 Alors, est-ce que vous avez pensé à cela ?

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais préparer la

16 documentation moi-même. Et à mes côtés, il y aura des gardiens qui devront

17 porter cette documentation, parce que je porte des menottes lorsque je suis

18 véhiculé jusqu'à ici. Ce qui fait que les gardiens devront aller faire de

19 l'entraînement du point de vue physique pour pouvoir porter tout cela, ou

20 alors ce sera aux gardiens qu'il appartiendra de pousser ces chariots.

21 Mais, Monsieur le Juge, il y a un autre point que vous avez évoqué qui

22 revêt pas mal d'importance à mes yeux.

23 L'ex-JNA a publié un manuel officiel à l'intention de tous les officiers,

24 officiers et soldats en 1987. Il s'agit d'un recueil de réglementations

25 régissant le droit de guerre international. Et tous ceux qui ont participé

26 à cette guerre ni les officiers ni les officiers, ni les sous-officiers ou

27 soldats ou programmes politiques, ne sauraient dire qu'ils ne savaient pas

28 que telle chose ou telle autre chose était interdite en matière de droit de

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1 guerre international. Parce que s'ils commettaient des crimes, ils savaient

2 pertinemment bien qu'ils commettaient des crimes de guerre. Donc là il n'y

3 a aucun prétexte à avancer. Ce document que le Procureur m'a communiqué

4 également et dont j'ai été mis au courant bien avant parce que j'ai fait

5 mon service me suffit.

6 Mais le règlement du corps est une chose qui est relative à la stratégie du

7 combat armé. C'est un manuel de combat armé. Ça sort de l'école de guerre,

8 de l'école destinée aux généraux. C'est tout à fait autre chose. Cela ne

9 concerne pas le droit de guerre international mais ça concerne la stratégie

10 militaire. Les corps d'armée se sont des unités stratégiques. Une brigade

11 peut être opérationnelle ou constituer une unité stratégique. Des fois on

12 s'en sert même à des fins tactiques. Une compagnie c'est une unité

13 tactique. Donc l'opérationnel, la tactique, la stratégie, la logistique ce

14 sont des disciplines militaires qui n'ont rien à voir avec le droit de

15 guerre international. Je sais d'ores et déjà que ce ne sont pas des

16 documents pertinents, parce que j'ai plus de connaissances en la matière

17 que l'Accusation. Il y a un autre problème plus grand encore que j'ai

18 essayé d'évoquer à l'une des conférences de mise en état préalable.

19 L'Accusation communique 4 000 documents. Ces documents, d'après la façon

20 dont voit les choses l'Accusation, devaient être versés au dossier. Alors

21 comment ces documents vont-ils être versés au dossier si l'Accusation ne

22 dispose que de 100 heures pour la présentation de ses éléments à charge ?

23 Il y a 4 000 documents. Il faudra dans le prétoire que chaque document soit

24 au moins mentionné et que l'on évoque un élément relatif à ce document. Et

25 je me propose de contre-interroger tout témoin concernant les documents que

26 l'on essaiera de verser au dossier par leur biais dans tous les documents

27 qui seront poussés par le gardien.

28 Le problème ce n'est pas le chariot et le transport des documents. Mais je

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1 veux dire que c'est littéralement impossible. Ce procès est conçu comme un

2 procès énorme, spectaculaire. L'Accusation s'est trompée dans ses

3 estimations en se disant qu'on m'imposera un conseil et que les choses

4 allaient se passer comme prévu. Mais ce procès spectaculaire va être

5 ramené, physiquement parlant, à un tout petit procès, 100 heures pour

6 l'Accusation, 100 pour la Défense et c'est terminé.

7 Et on ne saurait présenter ou faire comparaître tant de témoins et tant de

8 documents en guise d'éléments de preuve. Et je ne permettrai le versement

9 d'aucun document sans qu'il soit établi quelle est la corrélation entre le

10 document et le témoin et sans insister pour demander à l'Accusation

11 pourquoi cela est pertinent. Il serait facile de m'envoyer 4 000 documents

12 et de m'ensevelir avec 150 classeurs. Je ne sais même plus où je vais les

13 mettre.

14 Mais ça c'est un problème qui -- ça me regarde. Cependant il sera difficile

15 de faire en sorte que ces documents soient versés au dossier par la suite,

16 parce que je vais couper les cheveux en quatre pour chaque document. Je

17 vous le garantis. D'ores et déjà il n'y aura pas de versement au dossier

18 automatique. C'est impossible dans ce type de procès. Alors si c'est passé

19 facilement dans les autres affaires, ça ne signifie pas que ça va se faire

20 ainsi ici. Ici on ne mettra pas dans le dossier les documents sans qu'on

21 dise pourquoi cela est pertinent et sans que j'ai l'opportunité de

22 contester la pertinence alléguée, mis à part le fait d'interroger le

23 témoin.

24 Mais l'Accusation n'y pense pas. Je pense que Mme Dahl, étant donné qu'elle

25 n'a pas pensé beaucoup de temps dans ces affaires, et je ne sais pas si

26 elle a des expériences antérieures, mais il est évident qu'elle ne connaît

27 pas la procédure. Elle a des problèmes pour ce qui est de se débrouiller et

28 j'ai l'impression qu'elle aurait besoin d'un assistant plus agile, plus

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1 habile, qui lui indiquerait la nécessité de rationaliser, la nécessité

2 aussi de restreindre les documents utilisés.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, apparemment l'Accusation envisage 4

4 000 documents, peut-être moins, je ne sais pas, peut-être plus. Pour le

5 moment je ne sais pas trop.

6 L'Accusation a fait une liste des documents et dans cette liste, comme je

7 l'avais demandé, il y a des références de ces documents par rapport aux

8 témoins et par rapport aux paragraphes de l'acte d'accusation. Ce qui fait

9 que normalement un document a une pertinence, parce qu'il a un rapport avec

10 un paragraphe de l'acte d'accusation. Et dans cette liste vous devez

11 constater que parfois un document a plusieurs paragraphes par rapport à

12 l'acte d'accusation, parce que le document est pertinent sur plusieurs

13 points. Ce qui fait que lorsqu'un témoin vient, mais dans tous les procès

14 Milosevic ou les autres, le document est présenté au témoin, qui peut

15 connaître le document comme il peut ne pas le connaître.

16 Et vous savez que la jurisprudence de ce Tribunal permet également

17 l'admission de documents pas connus du témoin. Le Procureur lui dit :

18 Voilà, dans ce document il est indiqué ceci, cela. Est-ce que vous êtes

19 d'accord, pas d'accord, et cetera, et cetera. Vous-même, en tant qu'accusé,

20 dans le cadre du contre-interrogatoire, vous pouvez contester en disant :

21 Vous avez dit ça sur tel paragraphe, mais tel autre paragraphe dit le

22 contraire, et cetera.

23 Ce qui fait qu'un document passe au tamis des questions. Et comme les Juges

24 ont le document également sous les yeux, ils posent également des questions

25 à partir de ce document. Ce qui fait qu'ensuite le Procureur demande

26 l'admission du document. La Défense peut contester également l'admission.

27 Alors je voulais justement aborder ce sujet et vous m'en donnez l'occasion.

28 L'admission d'un document se fait en fonction de deux critères. Premier

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1 critère : pertinence; deuxième critère : valeur probante. La valeur

2 probante pour aller de zéro plus quelque chose à l'infini. Mais un document

3 peut au départ avoir une faible pertinence et une faible valeur probante.

4 Ce n'est pas pour autant qu'une Chambre l'écarte. Parce que le document

5 peut à l'origine n'avoir aucun intérêt, puis avec les témoins et les autres

6 documents avoir un intérêt important. De ce fait, il y a deux problèmes que

7 vous venez de soulever. Le nombre de documents, le Procureur n'aura pas le

8 temps de présenter dans les 100 heures, les 4 000 documents. Donc il

9 présentera les documents principaux qui sont normalement mentionnés dans le

10 mémoire préalable en note de bas de page. Donc tous les documents

11 importants sont déjà dans le mémoire préalable. Ils sont mentionnés dans le

12 mémoire préalable. Donc ces documents seront présentés au témoin. Il y aura

13 d'autres documents qui seront présentés. Mais comme on est dans votre

14 procès, mais il y a d'autres procès où il y a des milliers de documents.

15 La jurisprudence de ce Tribunal, c'est que quand des documents n'ont

16 pu être présentés à un témoin, faute de temps ou en raison de leur nombre,

17 par requête écrite l'Accusation peut demander leur admission ultérieurement

18 à la condition que ces documents sont pertinents ou ont une valeur

19 probante, et viennent confirmer, compléter, corroborer ce que le témoin a

20 dit ou ce que d'autres documents ont déjà dit; et que, suite à cette

21 requête, l'accusé accepte ou n'accepte pas. Il fait des écritures, et la

22 Chambre rend une décision.

23 Ce qui veut dire, Monsieur Seselj, que sur les 4 000 documents

24 envisagés, peut-être que l'Accusation n'aura matériellement que le temps

25 d'en montrer 1 000, 2 000 au témoin, je ne sais. Mais que si l'Accusation

26 veut compléter des documents qui n'ont pas été présentés, elle fera une

27 requête écrite pour expliquer pourquoi elle n'a pu les présenter, quelles

28 sont les raisons, et cetera.

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1 Donc en la matière il y a déjà des décisions qui ont été rendues. Il en

2 sera de même pour vous quand vous ferez venir vos témoins.

3 Imaginons que vous avez 20 000 documents. Bien entendu, dans les 100

4 heures que vous aurez, vous n'aurez pas le temps de présenter vos milliers

5 de documents. Donc vous ferez un choix des documents les plus importants,

6 et puis les documents moins importants, mais dont vous estimez qu'ils

7 doivent être connus des Juges, vous ferez une requête par écrit en

8 demandant l'admission de ces documents.

9 Pourquoi on a cette procédure ? Parce qu'on est dans un système mixte

10 "common law" et romano-germanique. Dans votre pays comme dans le mien,

11 qu'est-ce qui ce serait passé ? Dans le cadre de l'enquête, tous les

12 documents auraient été saisis et versés au dossier. Et à ce moment-là, tout

13 le monde a accès à ces documents.

14 Mais ici on est dans une procédure concernant les éléments de preuve

15 qui est fondamentalement "common law". Alors les Juges de ce Tribunal, dans

16 leur grande sagesse, ont amélioré le système "common law" en permettant

17 l'admission de documents non présentés à un témoin, parce que dans le

18 système "common law" l'admission des documents se fait par l'intermédiaire

19 d'un témoin. Mais vous comprenez bien que dans les procédures "common law"

20 lorsqu'on juge un voleur de vache, ce ne sont pas des milliers de documents

21 qui sont présentés au voleur de vache.

22 Mais dans les affaires dont le Tribunal ici a à gérer, nous avons des

23 quantités importantes de documents. Et vu les quantités importantes, il

24 n'est pas possible de voir tous les documents. Et comme tous les documents

25 ne peuvent être vus, parce que sinon il nous faudrait des centaines

26 d'années de procès et on serait tous morts avant, il faut trouver un

27 système.

28 Et le système que la jurisprudence de ce Tribunal a mis en place,

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1 c'est que, la règle générale, les documents sont présentés et admis par un

2 témoin, mais que quand il y a une masse de documents et qu'il n'y pas de

3 temps, à ce moment-là il y a une procédure d'admission de documents par

4 requête écrite. Les droits de l'accusé sont préservés, puisque dans le

5 cadre de cette requête l'accusé peut contester les documents.

6 Donc voilà ce que je voulais vous dire par rapport au nombre de

7 documents qui vont vous poser un problème, qui peuvent poser un problème,

8 mais que les Chambres règlent de la manière que je viens d'énoncer.

9 Monsieur Seselj.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, vous venez d'évoquer la

11 sagesse des Juges de ce Tribunal. Cette sagesse est notoirement connue dans

12 le monde entier. Et c'est ce qui a conduit ce Tribunal à la combinaison des

13 éléments les plus négatifs du droit romano-germanique et anglo-saxon. C'est

14 quelque chose qui est notoirement connu en matière des sciences juridiques.

15 Parce que c'est un juge d'instruction qui décide et c'est lui qui vérifie

16 l'authenticité du document. Ici, l'enquête est diligentée uniquement par le

17 Procureur. Les Juges n'ont pas la possibilité de vérifier l'authenticité

18 des documents, à moins qu'il n'y ait comparution de témoins en prétoire qui

19 confirmeront ces documents.

20 Le Procureur a présenté une requête, pour ce qui est d'un certain

21 nombre de documents qui soient pris en considération pour information.

22 Alors, j'ai préparé des écritures pour ce qui est d'accepter ce type de

23 documents, des documents tels que les lois, textes de loi, constitutions

24 publiées par des journaux officiels, des gazettes officielles, la loi sur

25 la Défense populaire généralisée, le ministère de l'Intérieur, et cetera.

26 Je vais contester tout le reste, notes sténographiées où il n'y a pas de

27 preuves d'authenticité. Je vais contester différentes décisions

28 individuelles, ordres, déclarations, et ainsi de suite. Je vais contester

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1 tout cela même si je devais le contester une centaine d'années durant,

2 parce que cela ne pourra pas être versé au dossier sans qu'il y ait

3 présentation d'éléments de preuve pour ce qui est de leur authenticité.

4 Bien sûr, vous et vos collègues allez rendre une décision pour ce qui est

5 de la pertinence et de la valeur probante, mais il m'appartient à moi de

6 contester la pertinence et la valeur probante de l'Accusation et de croiser

7 les fers avec l'Accusation sur ce point-là. Et je vais le faire de façon

8 obstinée. Il y a des faits notoires. Ce sont les textes de loi et autres

9 questions notoirement connues par tout un chacun. Donc on pourra, par

10 exemple, prendre mes textes de livres que j'ai rédigés. Je n'ai pas à les

11 contester. Je m'y suis référé à maintes reprises.

12 Mais tout ce qui est non prouvé, pour ce qui est de l'authenticité du

13 document, je vais le contester. Si on me communique, par exemple, des soi-

14 disant notes sténographiques d'assemblées constituantes où je n'ai pas été

15 présent, où il n'y a pas d'autres éléments de preuve, le bureau du

16 Procureur devra le prouver. Il faudra quelqu'un qui a été présent à cette

17 assemblée constituante pour dire c'est un document authentique, autrement

18 ça ne pourra pas être versé au dossier. Oui, on pourra le faire, mais alors

19 là par des méthodes violentes. Il y a eu des méthodes violentes d'utilisées

20 devant ce Tribunal.

21 Vous savez, j'ai bien étudié l'affaire de M. Milosevic et c'est surtout

22 dans ce procès-là que j'ai pu puiser des exemples. Le Parti radical serbe,

23 dans 38 manuels, a rédigé ou publié ce procès, mis à part les séances à

24 huis clos partiel. J'ai beaucoup appris en étudiant ce procès. Lorsque M.

25 Milosevic avait demandé que le jugement d'un Serbe soit versé au dossier,

26 le bureau du Procureur contestait et les Juges ont statué qu'il fallait le

27 rejeter parce que ce n'était pas pertinent, on ne pouvait pas faire

28 confiance aux tribunaux serbes. Mais lorsque la moindre des déclarations la

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1 plus dénuée d'importance de la partie adverse dans cette guerre était

2 proposée, automatiquement c'était versé au dossier. A chaque moment, je

3 vais le contester. Parce que la pratique issue des autres affaires peut

4 avoir une force d'obligation, mais pas la pratique négative, pas la

5 pratique où j'ai des éléments de preuve fermes que cela est contraire au

6 droit. Je vais le contester de façon obstinée.

7 Deuxièmement, le Procureur exige qu'un certain nombre de documents soient

8 versés au dossier avec des déclarations en provenance d'autres affaires et

9 émanant de témoins décédés. Comment peut-on faire cela ? C'est tout à fait

10 déraisonnable. Le droit anglo-saxon et même le droit romano-germanique ne

11 peut l'admettre. Cela ne peut être admis nul part. Bien entendu, le

12 document en tant que tel peut être une pièce à conviction, le bureau du

13 Procureur dans le cadre de son mémoire préalable ou de ses propos

14 liminaires peut proposer un certain nombre de documents, mais c'est le type

15 de documents qui ne sont pas de par leur nature contestables. Ce sont des

16 documents officiels, publiés dans les gazettes officielles, en

17 l'occurrence, cela peut être des extraits de mes livres. Je vais donc

18 veiller à ce que cela n'ait pas été falsifié, en général, ils n'ont pas

19 falsifié à ce jour, donc je n'ai pas de raison de les suspecter de vouloir

20 le faire à l'avenir.

21 Mais c'est tout. Ils peuvent présenter des vidéos de mes discours. Je

22 ne vais pas le contester non plus cela. Mais tout le reste, je vais le

23 contester parce que c'est mon droit que de le contester. Si je n'ai pas le

24 temps de contester, ce sera un problème des Juges de la Chambre, pas mon

25 problème à moi. Il faut que j'aie l'occasion, l'opportunité de présenter

26 mes contestations. Dans le cas contraire, il va falloir procéder à des

27 restrictions.

28 Parce que s'ils font une liste de pièces à conviction qu'ils n'ont

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1 pas eu le temps de faire verser au dossier moyennant témoignage de tel ou

2 de tel autre témoin et demander à ce que automatiquement ce soit versé au

3 dossier, c'est une chose qui, à mon avis, est tout à fait inadmissible du

4 point de vue ni du système romano-germanique ni du "common law". Parce que

5 le droit romano-germanique ne fait automatiquement ou a priori confiance à

6 aucun procureur. Dans le droit romano-germanique, le procureur est une

7 partie au procès seulement. Dans le droit romano-germanique, on n'accepte

8 aucun rapport de police, aucune note de police, aucune audition ou

9 interrogatoire policier. Ici, il y a eu des affaires où l'on a directement

10 versé en bloc tout cela au dossier.

11 Dans le droit romano-germanique, les écoutes illégales n'ont jamais

12 constitué une preuve ou une pièce à conviction. Ici, on a pris des

13 transcriptions d'audition ou de mises sur écoute illégales qui ont été

14 directement versées au dossier. On a même contesté l'authenticité de

15 certains enregistrements.

16 On a proposé bon nombre d'enregistrements qui sont dignes de

17 pertinence, à mon avis. Mais pour chacune de ces transcriptions, de mise

18 sur écoute téléphonique, il va falloir présenter des éléments de preuve

19 pour ce qui est de la légalité de cette mise sur écoute, et ensuite,

20 avancer des preuves d'authenticité. Parce qu'aucun témoin avec une école

21 primaire, donc avec peu de formation ou information nulle, ne serait être

22 habilité à reconnaître ma voix à moi ou la voix de mon interlocuteur.

23 Qu'est-ce que c'est comme élément de preuve cela ? Il faut que ce soit un

24 expert pour déterminer l'authenticité de ma voix dans une écoute

25 téléphonique interceptée. Parce que c'est une chose qui est tout à fait

26 incontestable en matière de droit.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce que vous venez de dire, la Chambre de

28 jugement appréciera. Mais là aussi je peux m'exprimer à titre personnel.

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1 Vous venez de parler des écoutes téléphoniques. Je ne connais pas le

2 dossier, je ne sais pas s'il y a des écoutes dans le dossier. Je ne sais

3 pas si votre voix a été enregistrée ou pas.

4 Mais imaginons que votre voix a été enregistrée illégalement, peut-

5 être, je ne sais pas. S'il y a un enregistrement de votre voix, il y aura

6 une diffusion audio de votre voix. Cette diffusion audio vous allez

7 l'entendre. Si vous contestez en disant que ce n'est pas moi, la bande a

8 été trafiquée, et cetera, vous le direz. Le Règlement permet à la Chambre

9 d'exclure tout élément de preuve dont la valeur probante serait inférieure

10 aux conditions d'un procès équitable. Donc il y a toujours une possibilité

11 que cet élément de preuve soit écarté.

12 En vous écoutant bien, j'ai l'impression que vous avez des craintes,

13 vous avez des craintes parce que cela s'est passé comme cela dans tel

14 procès, et vous contestez la façon dont ça se passe. Sachez que la Chambre

15 de jugement qui sera appelée à examiner cela le fera en son âme et

16 conscience avec de ma part des critères élevés concernant l'admission des

17 éléments de preuve. Vous avez parlé tout à l'heure d'authenticité. Si vous

18 estimez qu'un document n'est pas authentique, parce que d'après vous il a

19 été falsifié, et cetera, vous aurez l'occasion de le dire. Les critères de

20 fiabilité d'un document, je vais vous les donner pour votre information.

21 Les documents notamment des documents d'origine militaire, policière

22 ou étatique, il y a en règle générale un cachet, une signature, une date,

23 un numéro d'enregistrement et le contenu. Et une Chambre qui est saisie

24 d'une contestation sur la fiabilité d'un document va passer ce document au

25 tamis de tous ces éléments que je viens de vous indiquer. C'est comme cela

26 que cela se passe. Si vous, vous estimez que le tampon est falsifié, que la

27 signature a été imitée, et cetera, vous le dites et vous pouvez apporter

28 vos contre-preuves en la matière. Croyez-moi, Monsieur Seselj, il se peut

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1 que parfois il y ait des documents qui ont pu être fabriqués ou des faux

2 documents, mais à ce moment-là, des juges professionnels s'en rendent

3 immédiatement compte. Donc rare sont les situations où l'accusé se trouve à

4 voir un préjudice du fait qu'une Chambre admet des documents sans se poser

5 des questions.

6 Le Procureur, même si c'est une partie, a aussi un code de

7 déontologie, il n'a pas le droit non plus d'utiliser des documents qui

8 seraient des faux, car là le Procureur s'exposerait à des poursuites. Et

9 dans ce débat contradictoire qui aura lieu, vous avez l'occasion de

10 contester vous-même ce type de document. Donc on aura l'occasion d'y

11 revenir.

12 Je suis obligé d'interrompre pendant 20 minutes parce que les

13 interprètes doivent se reposer et il faut changer de bande.

14 Donc nous nous retrouverons dans 20 minutes et --

15 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] M. LE

16 JUGE ANTONETTI : Bon alors bien, Monsieur Seselj, on m'annonce que les

17 interprètes travaillent depuis ce matin, et ils ne peuvent pas aller au-

18 delà de 18 heures. Deuxièmement, nous sommes obligés de faire la pause en

19 raison de la bande à changer.

20 Ce qui fait que je n'ai pas pu aborder toutes les questions que je

21 voulais envisager d'aborder avec vous. Nous allons nous rencontrer dès que

22 possible pour continuer ces audiences de mise en état qui préparent le

23 procès.

24 Je vous indiquerai très rapidement à quelle date nous allons nous

25 retrouver. J'avais l'intention d'aborder la question des requêtes en cours

26 mais vous en connaissez vous-même le champ. J'avais l'intention également

27 d'aborder la question de la communication des pièces, mais on en a déjà

28 parlé abondamment; puis j'avais la question d'aborder les problèmes

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1 d'interrogatoire principal ou de contre-interrogatoire, mais là, il faut

2 arrêter.

3 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, on me dit, il nous reste cinq minutes.

5 Dans les cinq minutes qui restent, Monsieur Seselj, est-ce que vous

6 avez quelque chose à rajouter ?

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non, pas du point de vue de ce qui a fait

8 l'objet de notre débat jusqu'à présent. Peut-être pourrais-je entamer des

9 sujets autres, mais je peux laisser la chose pour une autre Conférence de

10 mise en état.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, est-ce que vous avez d'autres sujets à

12 aborder dans les quelques minutes qui nous

13 restent ?

14 Mme DAHL : [interprétation] Non, Monsieur le Juge. Merci.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors juste pour terminer, Monsieur Seselj,

16 les problèmes de vos conditions de détention il n'y a rien à signaler ? Et

17 au point de vue de votre santé, il n'y a rien à signaler ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Non.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La juriste de la Chambre m'indique, nous avons

20 très rapidement hier, abordé la question de votre collaborateur qui doit

21 répondre aux prescriptions de

22 l'article 45 du Règlement. Afin de vous rassurer pleinement, je tiens à

23 apporter cette précision. Dans le paragraphe de la décision relatif à

24 l'application de cet Règle 45, il suffit simplement qu'un des membres de

25 votre "team" général qui comprend ceux qui sont à Belgrade, et le cas

26 échéant, ceux qui viendront à La Haye, un seulement soit avocat, professeur

27 de droit. Vous m'aviez déjà indiqué que dans votre liste il y en avait qui

28 étaient avocats ou professeurs de droit, de ce fait cette condition me

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1 semble remplie, de mon point de vue, elle n'est pas exigible pour ceux qui

2 viendront à La Haye. Il suffit simplement que dans votre groupe de

3 personnes qui vous assistent à Belgrade ou ici ou ailleurs, un seul soit

4 professeur de droit ou avocat.

5 Voilà, ce que je tenais à dire.

6 Donc il est maintenant l'heure de terminer. Je vous remercie. Je remercie

7 également tous les participants pour la courtoisie qui a eu lieu lors de

8 cette audience qui a duré plusieurs heures aujourd'hui et vendredi, et

9 j'aurai grand plaisir à vous retrouver très rapidement. Merci.

10 --- L'audience de la Conférence de la mise en état est levée à 17 heures

11 42.

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