Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 2950

1 Le mercredi 30 janvier 2008

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 30.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 LE TÉMOIN : YVES TOMIC [Reprise]

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

8 l'affaire, s'il vous plaît.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Président,

10 Madame, Messieurs les Juges. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre

11 Vojislav Seselj.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

13 En ce mercredi 30 janvier 2008, je salue M. le Témoin, je salue Mme Dahl,

14 je salue M. Seselj ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

15 Avant de donner la parole à Mme Dahl pour qu'elle continue son

16 interrogatoire principal, je voudrais m'adresser à M. Seselj sur deux

17 points. Le premier point sera relatif aux objections qu'il formule, et le

18 deuxième point sera relatif donc au ton de sa voix.

19 Les objections.

20 Monsieur Seselj, comme vous le savez, les objections sont permises

21 notamment dans le contexte des procès de la ""common law."

22 Pourquoi ? Parce qu'en règle générale, dans les pays de ""common law"," ce

23 sont les jurys qui se prononcent sur la culpabilité, le Juge n'ayant qu'un

24 rôle d'arbitre et que c'est le jury qui se prononce sur les éléments

25 constitutifs des infractions pour savoir si l'accusé doit être déclaré

26 coupable. Et comme les jurys sont des jurys populaires, il convient de ne

27 pas obérer leur point de vue ou leur sentiment au travers des questions qui

28 seraient biaisées. Et c'est pour cela que lorsqu'il y a des questions

Page 2951

1 directrices, il est permis pour les parties de faire des objections. Mais

2 la différence entre ces pays de "common law," et ce Tribunal international

3 est constituée de Juges professionnels. Les trois Juges qui sont dans cette

4 Chambre ont tous une grande expérience des procès pénaux internationaux

5 puisqu'ils ont siégé déjà dans plusieurs procès.

6 Et que de ce fait s'il arrivait que par extraordinaire une question

7 soit directrice, les Juges s'en rendent immédiatement compte et de ce fait

8 restitueront d'eux-mêmes la portée de la réponse en prenant compte le côté

9 directeur de la question. Et de ce fait, s'il y a une question directrice,

10 faites confiance aux Juges pour la comprendre comme telle, ce qui à ce

11 moment-là permet d'éviter de perdre du temps.

12 Bien, souvent quand auquel - et c'est l'expérience qui parle - quand

13 il y a des questions directrices, c'est qu'en fait celui qui pose la

14 question, il essaie de gagner du temps, de bien faire, sans une volonté de

15 sa part de manipuler les Juges. Et bien souvent la raison principale c'est

16 qu'on veut aller vite et de ce fait voulant allez vite, on est conduit à

17 poser une question directrice.

18 Donc, ça c'est pour les objections. Alors, quand vous estimez qu'il y

19 a des objections fondamentales à faire, faites-les, mais quand ça touche

20 parfois à des questions borderline, évitez d'intervenir à tout bout de

21 champ. Ça c'était le premier point que je voulais vous indiquer.

22 Le deux -- et tout ce que je vous dis aujourd'hui, ce ne sont pas des

23 reproches. C'est simplement des conseils afin que l'audience puisse se

24 dérouler le mieux possible dans l'intérêt de tout le monde.

25 Le deuxième point, c'est la question du ton de la voix. Vous nous

26 l'avez dit - et on l'a constaté - vous parlez très fort. C'est votre passé.

27 C'est votre enfance. Vous nous l'avez expliqué le fait que vous avez été

28 professeur d'université et que, dans l'enseignement, on doit s'adresser à

Page 2952

1 ses étudiants parfois quand ils sont nombreux de voix très forte. Vous avez

2 été également un homme politique d'envergure, et donc, vous avez l'habitude

3 également des discours où la voix aide celui qui s'adresse à des auditeurs.

4 Mais ici on est dans une petite enceinte, on n'est pas dans des distances

5 colossales, on peut s'entendre à quelques mètres, et de ce fait, le ton

6 pourrait gagner en diminution de décibels. D'autant plus que j'ai constaté

7 en regardant certaines vidéos que l'Accusation nous a communiquées dans ses

8 multiples requêtes, que quand vous aviez donné des interviews à des

9 journalistes, vous vous adressiez sans élever la voix. Alors, je me suis

10 dit : pourquoi quand il donne une interview à un journaliste, il parle

11 calmement, et pourquoi à l'audience, il ne ferait pas de même ?

12 Alors, essayez d'être -- de parler moins fort, et à ce moment-là, on

13 y gagnerait.

14 Et je vais vous donner un exemple. Hier, par exemple, vous êtes

15 intervenu sur deux -- deux événements. Le premier, vous avez contesté le

16 fait qu'un document soit véridique en disant que c'étaient les communistes

17 qui l'avaient -- qui avaient falsifié cette directive de décembre 1941 -

18 voyez, je cite ça de mémoire - et ça vous l'avez dit d'une voix très forte.

19 Et puis tout à la fin de l'audience, est arrivé la communication par Mme

20 Dahl de ce document, et de la même manière, vous vous êtes élevé et de vois

21 très forte, vous avez demandé d'où venait ce document. Et vous avez employé

22 le même ton pour ces deux événements. L'un était évidemment important.

23 C'est la question de l'éventuelle falsification et l'autre était vraiment

24 accessoire parce que ce document on allait savoir d'où ça venait.

25 Alors, en employant le même ton de la voix pour le principal et pour

26 l'accessoire, parfois les Juges pourraient avoir du mal à distinguer le

27 principal de l'accessoire. A titre d'exemple, quand quelqu'un parle

28 calmement et puis brusquement le ton de sa voix augmente, là on peut se

Page 2953

1 dire : tiens, il y a quelque chose d'important qui est en train de se

2 passer. Mais quand le ton est toujours à un niveau très élevé, il est très

3 difficile pour celui qui écoute de saisir quel peut être l'importance ou

4 pas.

5 Alors, voilà ce que je tenais à vous dire pour qu'on essaie de

6 travailler le mieux possible afin que (1) : le climat de l'audience se

7 déroule dans les meilleures conditions; que (2), on puisse se consacrer à

8 l'essentiel qui est le fond du dossier et non pas des questions

9 procédurales qui nous font perdre du temps car je l'ai déjà dit à de

10 multiples reprises, le jugement ne se fera pas sur la procédure mais sur le

11 fond. Et c'est ça qui, moi, m'importe et qui doit importer tout le monde,

12 le fond. Donc, allons toujours au fond et évitons de perdre du temps dans

13 les questions de procédure.

14 Maintenant, quant au ton de votre voix, essayez de faire pour le

15 mieux.

16 Voilà ce que je tenais à vous dire. Alors, si vous voulez intervenir,

17 Monsieur Seselj, je vous donne la parole; sinon, on continue

18 l'interrogatoire principal.

19 Oui, Monsieur Seselj.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, premièrement, j'ai trois

21 choses à vous dire. Premièrement, je pense qu'il faudrait que vous preniez

22 en compte toutes mes interventions sur le plan de la procédure ainsi que

23 toutes les interventions de la part de Mme Dahl qui ont eu lieu entre le

24 début et maintenant. Ce n'est que notre troisième témoin et vous verrez que

25 mes objections étaient bien plus appropriées ou adéquates que celles de Mme

26 Dahl.

27 A chaque fois que je suis intervenu -- ou plutôt, dans la majorité des cas,

28 c'était justifié. Hier, à deux reprises, vous m'avez dit que mes

Page 2954

1 interventions n'étaient pas justifiées mais le plus souvent, les

2 interventions de Mme Dahl ne sont pas, elles, justifiées.

3 Deuxièmement, les questions directrices pendant l'interrogatoire principal

4 ne sont autorisées, ni dans le droit anglo-saxon, ni dans le droit

5 civiliste, elles ne sont autorisées ni devant ce Tribunal et elles n'ont

6 été autorisées dans aucune affaire ici jusqu'à présent. Les avocats de la

7 Défense parfois ont peur de faire face à l'Accusation et n'interviennent

8 pas. Ça c'est une autre chose et c'est un problème très grave, et ce

9 Tribunal sera de triste notoriété dans l'histoire des juridictions

10 internationales à cause de cela.

11 S'agissant maintenant de mon ton -- du ton de ma voix, Monsieur le Juge,

12 vous ne pouvez pas contrôler la nature des hommes. Même moi, je n'y

13 parviens pas en dépit de mes efforts. Voilà, maintenant je déploie des

14 efforts maximums et j'y arrive, mais à un moment donné, il arrive que vous

15 me voyiez dans l'état où je suis normalement, ma condition dans la vie de

16 tous les jours. Dans le cadre d'un entretien avec un journaliste, vous avez

17 remarqué que j'étais particulièrement silencieux. Mais peut-être étais-je

18 très fatigué, avais-je veillé pendant plusieurs nuits de suite, fait des

19 nuits blanches, était malade mais quand je suis dans mon état normal, je

20 suis quelqu'un qui a un tempérament très fort, peut-être quelqu'un peut

21 bégayer -- bégayer, vous êtes obligé de l'écouter, et cependant, personne

22 ne peut l'entendre. Puis vous avez des gens qui parlent très bas, puis

23 quelqu'un qui s'est fait opérer de la gorge, a un appareil, et donc, c'est

24 particulièrement fort et très désagréable pour celui qui l'écoute lorsqu'il

25 s'exprime. Donc, voyez-vous c'est très spécifique, ça dépend des

26 différentes affaires. Ça varie.

27 Je vais faire en sorte que ma voix soit la plus douce, basse possible, mais

28 je pense que la régie doit trouver un moyen de moduler la voix sur les

Page 2955

1 micros et ils n'ont même pas cherché d'essayer de le faire.

2 Et puis un troisième point, c'est très important. Peu importe le témoin. Le

3 témoin que nous avons c'est un membre de l'équipe de l'Accusation. Ça fait

4 quatre ans qui travaille pour eux, donc, dès le départ, d'emblée, il est

5 partial. Mais imaginez que vous me fassiez la leçon, comme vous l'avez fait

6 ce matin devant quelqu'un d'autre, qui vient déposer ici, ça aurait

7 complètement terni mon image à ses yeux. C'est le Juge May qui faisait ça

8 très souvent dans l'affaire contre M. Milosevic. Donc, il ternissait son

9 image devant le témoin puis le témoin était influencé.

10 Je ne pense pas qu'on puisse faire la leçon comme ça devant les témoins ou

11 l'Accusation -- ni contre l'Accusation ni contre l'accusé. Peu important ce

12 témoin-ci puisqu'il fait partie de l'équipe de l'Accusation, mais, s'il

13 vous plaît, avant que le témoin ne rentre dans le prétoire, si vous avez

14 des remarques de ce genre, faites-les.

15 Bien sûr, vous êtes en droit de le faire. Vous êtes même en droit de le

16 faire en la présence du témoin, bien sûr, je ne peux pas vous l'interdire,

17 mais je pense que ce n'est pas correct.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, concernant le temps qui -- alors, Mme Dahl

19 aurait utilisé, m'a-t-on dit, une heure 34 minutes. Voilà l'information que

20 le Greffier m'a donnée tout à l'heure.

21 Alors, Madame Dahl, je vous redonne la parole.

22 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

23 enchaîner sur le document que nous avons remis hier, le document en langue

24 serbe, vous l'avez mentionné en vous adressant à M. Seselj, 06198785, le

25 numéro d'enregistrement, je voudrais que ce document reçoive une cote.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce MFI P149.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Juge, je considère

28 qu'aucun moment, on ne peut recevoir une cote aux fins d'identification si

Page 2956

1 ce document n'a pas de titre, et s'il n'est pas précisé sur le document qui

2 est son auteur, quel est le titre, de quelle publication il s'agit, ni

3 l'année de publication, le lieu de publication.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Mme Dahl, va nous dire d'où vient ce document ?

5 Madame Dahl, d'où vient ce document ?

6 Mme DAHL : [interprétation] Bien entendu, M. Tomic pourrait nous dire de

7 quoi il s'agit c'est un document qu'il nous a fourni. J'ai ici un document

8 de deux pages. C'est un extrait d'un livre de Djuro Stanisavljevic, pages

9 96 et 97 en serbe.

10 Interrogatoire principal par Mme Dahl : [Suite]

11 Q. [interprétation] Monsieur Tomic, sauriez-vous me dire de quoi il

12 s'agit, d'où vient cet extrait ?

13 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Monsieur le Témoin.

14 LE TÉMOIN : C'est un texte de Djuro Stanisavljevic, donc, qui porte sur le

15 développement du Mouvement chetnik en Croatie en 1941 et 1942. Qui est paru

16 donc dans la publication Istorija XX. veka. Donc, c'est un recueil en fait

17 de travaux universitaires, donc, paru en 1962 à Belgrade.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez redire le nom en épelant de ce

19 journaliste parce que la --

20 LE TÉMOIN : C'est un historien.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Ah, bon, parce que dans le texte anglais, il y a

22 marqué journaliste. Alors --

23 LE TÉMOIN : Non, il est --

24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- c'est historien.

25 LE TÉMOIN : -- il est historien.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, quel est son nom exact parce qu'on a mis un

27 accent circonflexe parce que le nom n'a pas été --

28 LE TÉMOIN : Stanisavljevic. Donc, S-t-a-n-i-s-a-v-l-j-e-v-i-c.

Page 2957

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, d'accord. Donc, on voit le nom tout en haut à

2 gauche. Et le titre de la publication ?

3 LE TÉMOIN : Il est -- il figure en haut de la deuxième page. Donc c'est

4 l'émergence ou apparition et développement du Mouvement chetnik en Croatie

5 1941, 1942.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et j'espère que M. Seselj est satisfait de la

7 réponse qui a été donnée.

8 Juste une question technique à l'intention de M. Seselj. Oui, je vais le

9 dire. Ce livre a été publié en 1962; c'est ça ?

10 Oui. Monsieur Seselj, quand un chiffre est donné aux fins d'identification,

11 ça veut dire que le document n'est pas admis parce qu'il manque des

12 éléments. Soit la traduction soit ce type de précision. Donc voilà ce que

13 je vous indique, pour votre information. Il sera de même quand vous

14 présenterez des documents si on n'a pas les traductions ou s'il manque des

15 éléments votre document aura un numéro aux fins d'identification.

16 Madame Dahl, poursuivez.

17 Mme DAHL : [interprétation]

18 Q. Vous êtes-vous reposé sur ce texte portant sur l'émergence et le

19 développement du Mouvement chetnik en Croatie en 1941 et 1942, dans le cas

20 de la rédaction de votre rapport ?

21 R. Oui. C'est une des sources que j'utilisais donc à propos de la division

22 chetnik Dinaric dans la mesure où dans cet article, il y a une analyse et

23 une présentation du programme donc qui a été -- du programme politique qui

24 a été élaboré en mars 1942 donc par cette division. Donc, les deux pages

25 contiennent des éléments de ce programme.

26 Q. Ce livre on le retrouve citer dans votre bibliographie; ai-je raison ?

27 R. C'est exact.

28 Q. Je vous invite à vous reporter à votre note de bas de page 97 dans le

Page 2958

1 rapport. Pourriez-vous me dire si ce texte est celui que vous citez ?

2 R. [hors micro]

3 Q. S'agissant de la réputation des Chetniks et des combats qu'ils ont

4 menés pendant la Seconde Guerre mondiale, pourriez-vous dire aux Juges de

5 la Chambre comment était cette réputation et était-ce quelque chose que

6 tout le monde connaissait ?

7 R. Lorsque des massacres effectivement étaient commis, il y avait des

8 violences donc qui étaient perpétrées donc et les atteintes au corps des

9 personnes. Cela dit, dans le conflit ce qu'il faut avoir en vue c'est que

10 c'était une guerre civile aussi sans merci où chacune des parties se

11 livraient à des exactions. Et on a de nombreux exemples -- chez les

12 Chetniks mais également chez les Oustachi croates que chez les partisans

13 communistes, mais il est certain qu'il y avait une violence particulière

14 qui était perpétrée donc par les soldats donc du Mouvement de la Ravna

15 Gora, à tel point que même Dragisa Vasic, donc qui était l'un des

16 idéologues du mouvement, qui était le numéro 2 au début donc entre 1941 et

17 1943, s'en était plaint auprès de Draza Mihajlovic. Donc, il y avait des

18 comportements effectivement qui choquaient même les membres de la direction

19 du mouvement.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous venez d'aborder le sujet de

21 ce qui s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Au travers de votre

22 rapport mais également avec des témoins qu'on a déjà entendu, se pose -- a

23 été évoquée, à de nombreuses reprises, la question des victimes serbes

24 pendant la Seconde Guerre mondiale.

25 D'après vos études, il y aurait eu combien de Serbes qui auraient été

26 tués pendant la Seconde Guerre mondiale ?

27 LE TÉMOIN : Il y a des divergences disons sur le nombre de victimes pendant

28 la Deuxième Guerre mondiale. Il y a disons les chiffres officiels qui ont

Page 2959

1 été fournis par le régime communiste au lendemain de la Deuxième Guerre

2 mondiale, qui faisaient état de

3 1 700 000 morts, mais certains chercheurs, par la suite, ont critiqué ces

4 chiffres, et à partir de calculs, à partir des données démographiques

5 d'avant guerre, en tenant compte des dynamiques démographiques potentiels

6 entre les années 30 et disons l'après guerre, sont arrivés en fait à

7 d'autres chiffres.

8 On a notamment Bogoljub Kocevic, donc, un Serbe qui arrive donc à un

9 chiffre quelque peu supérieur à un million de victimes. Mais on a

10 également, du côté croate, M. Zeljevic qui a fait une étude du même type et

11 qui arrive à la même conclusion.

12 Donc, en fait, on suppose que le régime communiste a voulu gonfler le

13 nombre de victimes pendant la Seconde Guerre mondiale, en fait, pour

14 obtenir le maximum de réparation de la part de l'Allemagne. Et ce que l'on

15 sait c'est qu'aussitôt après la Deuxième Guerre mondiale, en fait, il n'y a

16 pas eu de recensement des victimes en Yougoslavie, ce n'est que dans les

17 années 1960 où les autorités se sont vraiment penché sur la question, donc,

18 quelques 20 ans plus tard, et il m'est arrivé à collecter à peu près 600

19 000 noms. Donc, c'était un travail qui n'était pas abouti.

20 Maintenant, ce que je peux dire c'est que, si je prends des chiffres

21 de Bogoljub Kocevic, il est certain que les Serbes ont été les principales

22 victimes en Bosnie-Herzégovine parce qu'elles représentent les victimes

23 serbes, plus de la moitié des victimes en Bosnie-Herzégovine, donc, qui

24 faisaient partie de l'Etat croate indépendant à l'époque; de même en

25 Croatie, une bonne partie des victimes donc était serbe.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle sont la fourchette basse et la fourchette

27 haute, le chiffre minimal et maximal ?

28 LE TÉMOIN : Pour les victimes serbes ? Pour l'ensemble du territoire, vous

Page 2960

1 voulez dire de -- donc, si on part d'un million, je n'ai plus -- je n'ai

2 plus en tête le chiffre, mais, bon, on n'est pas loin je pense de la

3 moitié. Il faudrait vérifier, en tout cas, dans

4 -- on pourrait vérifier la donnée précisément dans l'ouvrage de Bogoljub

5 Kocevic. Je n'arrive plus à --

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Et bien, si --

7 LE TÉMOIN : -- mémoriser ce chiffre --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- d'après ce que vous dites, il y aurait 1 700 000

9 et puis il y aurait des études qui diraient un million.

10 LE TÉMOIN : Voilà.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, donc, l'hypothèse basse plutôt un million ou

12 moins d'un million. Hypothèse haute, un million sept.

13 LE TÉMOIN : Pour l'ensemble des victimes.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour l'ensemble des victimes.

15 LE TÉMOIN : Toutes nationalités confondues.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur une population à l'époque de combien de gens ?

17 LE TÉMOIN : 14 millions à peu près d'habitants.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, c'était uniquement en Serbie ou dans toute la

19 Yougoslavie ?

20 LE TÉMOIN : C'est pour toute la Yougoslavie.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour toute la Yougoslavie.

22 LE TÉMOIN : Toutes nationalités confondues.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, on pourrait établer 1 000 000 sur 14 000 000

24 d'habitants ?

25 LE TÉMOIN : A peu près.

26 M. LE JUGE HARHOFF : Monsieur le Témoin, parmi les victimes, est-ce que

27 nous savons le nombre de civils en comparaison avec le nombre de soldats ?

28 LE TÉMOIN : Et bien, c'est difficile à établir dans la mesure où donc, le

Page 2961

1 Royaume de Yougoslavie a été complètement démantelé en plusieurs Etats. On

2 à faire parfois à des armées régulières et parfois à des armées de

3 partisans ou de résistants. Donc, il n'y a pas toujours eu un

4 enregistrement des combattants même si effectivement, que ce soit le

5 mouvement de Ravna Gora, donc l'armée yougoslave dans la partie ou que ce

6 soit le mouvement des partisans, il y a eu des tentatives malgré tout

7 d'organiser, et donc de recenser les combattants. Mais il est difficile

8 d'établir un chiffre précis du simple fait de la situation de la guerre

9 civile.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Et quand on a des proportions pareilles, un habitant

12 sur quatorze qui est tué, est-ce que vous avez fait des comparaisons avec

13 d'autres drames qui se sont déroulés dans d'autres pays ou la Yougoslavie

14 est quelque chose de tout à fait notable sur le plan du rapport entre le

15 nombre de tués et d'habitants lors d'un conflit ?

16 LE TÉMOIN : Il est certain effectivement que la Yougoslavie figure parmi

17 les pays qui ont été le plus touchés donc par la Deuxième Guerre mondiale,

18 donc, c'est un des pays qui présente le plus grand nombre de victimes

19 effectivement en Europe, avec la Pologne notamment.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Et au travers de tous les ouvrages que vous avez pu

21 lire par les auteurs serbes, croates, de toute origine, est-ce que cet

22 événement a causé un traumatisme profond dans la population de telle façon

23 que ce traumatisme, tout le monde en parlait des années après ?

24 LE TÉMOIN : Bien, il est certain que ces événements ont créé un traumatisme

25 parmi toutes les populations qui ont été touchées par les conflits parce

26 que des victimes effectivement il y en a eu de tous les côtés, bien sûr, il

27 y en a eu plus parmi certaines nationalités. Mais la guerre, effectivement,

28 pendant la Deuxième Guerre mondiale, a mis fin en fait à un mode de vie

Page 2962

1 puisqu'en fait, il y avait quand même une certaine tolérance entre les

2 différentes populations; il est clair que le conflit a contribué disons à

3 créer un fosse à l'époque entre les différentes populations, croates,

4 serbes et musulmanes.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Ça peut nous permettre d'y voir plus

6 clair.

7 Madame Dahl.

8 Mme DAHL : [interprétation]

9 Q. Dans votre recherche ou études concernant les activités du temps de

10 guerre de ce commandant Djujic, avez-vous pu déterminer le nombre de morts

11 de la Deuxième Guerre mondiale où il a été considéré comme responsable pour

12 celle-ci ?

13 R. C'est la Commission chargée d'enquêter -- d'étudier donc les crimes de

14 guerre, donc, une commission officielle au niveau yougoslave, donc après

15 1945, qui a établi les chiffres. Et donc -- et on lui reprochait

16 effectivement donc la mort de 1 800 personnes, ce qui, par rapport disons

17 au nombre total de victimes, peut paraître bas dans la mesure effectivement

18 où son unité intervenait uniquement dans un territoire précis, donné,

19 limité.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y avait une erreur au transcript. C'est 1 800 et

21 pas 1 800 000.

22 LE TÉMOIN : C'est 1 800, oui.

23 Mme DAHL : [interprétation]

24 Q. Est-ce que ce commandant Djujic a parlé de la réunification de ces

25 terres serbes en 1989 ?

26 R. En 1989, effectivement, il déclare effectivement qu'il faut reprendre

27 possession des pays serbes, donc, pensant aux terres serbes, donc

28 occidentales, donc situées donc en Croatie.

Page 2963

1 Q. Où se trouvait-il lorsqu'il fait sa déclaration ?

2 R. Je ne me souviens plus précisément. Est-ce que c'était au moment de --

3 Q. Je m'excuse. Dans quel pays l'a-t-il fait ?

4 R. Depuis les Etats-Unis.

5 Q. Où est-ce que le commandant Djujic a nommé le Dr Seselj, promu au titre

6 de Vojvoda ?

7 R. Oui c'est exact, donc, le 28 juin 1989.

8 Q. Est-ce que cela -- excusez-moi, je vous ai interrompu. Est-ce que c'est

9 la déclaration au sujet de la réunification des termes serbes avait une

10 corrélation avec quelconque avec le fait de nommer le Dr Seselj au titre de

11 Vojvoda ?

12 R. C'est effectivement à l'époque où donc M. Seselj a tenu plusieurs

13 conférences aux Etats-Unis où il a donc exposé son programme politique.

14 Donc, c'est lié à tous ces événements, donc, c'est dans la continuité de

15 cette prise de contact qu'il y a eu entre M. Seselj et le Mouvement chetnik

16 dans l'immigration.

17 Q. Quand nous avons commencé à parler de cela hier, je vous ai demandé de

18 vous pencher sur un document dans le classeur sous la cote 167. Pouvez-vous

19 vous pencher dessus, je vous prie ?

20 Mme DAHL : [interprétation] Je crois que c'est pour ce qui est du compte

21 rendu, la pièce P140.

22 Q. Dans le tout premier paragraphe, le Dr Seselj ne pense-t-il pas

23 indiquer qu'il se trouvait être l'un des prédécesseurs des plus éminents

24 dans ce Mouvement chetnik-serbe ?

25 R. Au début effectivement de cette proclamation, donc, il est indiqué

26 qu'il s'agit de poursuivre les efforts de nos prédécesseurs glorieux, sont

27 ensuite mentionnés les noms donc du général Draza Mihajlovic, Dragisa Vasic

28 et le Dr Stevan Moljevic. Il s'agit de déployer à nouveau les drapeaux

Page 2964

1 chetniks sur toutes les terres serbes. Donc, il y a effectivement trois

2 noms qui sont mentionnés.

3 Q. [aucune interprétation]

4 R. -- à savoir donc Draza Mihaljlovic qui était le chef militaire du

5 Mouvement de Ravna Gora, donc, le commandant suprême, également donc

6 ministre de la Défense du gouvernement yougoslave en exil; et, Dragisa

7 Vasic et Stevan Moljevic étant les deux principaux idéologues du Mouvement

8 de Ravna Gora.

9 Q. Le général Mihajlovic, a-t-il été jugé pour crimes de guerre après la

10 Deuxième Guerre mondiale ?

11 R. Oui, il a été condamné à mort donc en 1946.

12 Q. Je vous fais revenir au début de cette création du Mouvement chetnik-

13 serbe.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites que le général Mihajlovic a été condamné

15 à mort. Là, je vois en -- c'était ce que j'ai entendu en français, et puis

16 là, je vois en anglais et exécuter. Il a été condamné à mort et exécuté ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais il a été condamné par qui ?

19 LE TÉMOIN : Par le nouveau régime communiste donc qui a -- qui ont fait

20 organiser, il faut le reconnaître un procès qui était très peu équitable.

21 La défense n'ayant pas tous les droits requis à l'époque.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Et il lui était reproché quoi dans l'acte

23 d'accusation précisément, si vous le savez ?

24 LE TÉMOIN : En fait, d'avoir collaboré avec les Allemands et les Italiens

25 et d'avoir lutté en fait contre le Mouvement de Libération nationale dirigé

26 par les partisans communistes. Donc, il lui était reproché un certain

27 nombre de crimes à l'époque.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

Page 2965

1 Mme LE JUGE LATTANZI : Il n'a pas été condamné pour crimes de guerre ?

2 LE TÉMOIN : Il était condamné pour de fait ces crimes de guerre.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Et il était seul dans le procès ou il y en avait

4 d'autres avec lui ?

5 LE TÉMOIN : Non, il y avait d'autres dirigeants du mouvement, officiers ou

6 dirigeants du mouvement. Donc, il y avait y compris des personnes qui ont

7 été condamnées par contumace qui n'étaient donc présentes et qui n'avaient

8 été arrêtées par les partisans communistes. Par exemple, Slobodan

9 Jovanovic, donc qui a été le chef du gouvernement en 1942 et 1943, donc, il

10 se trouvait à Londres il a été condamné à 20 ans de prison.

11 Mme LE JUGE LATTANZI : Cela par la juridiction serbe en ex-Yougoslavie ?

12 LE TÉMOIN : Yougoslave, il s'agissait d'un tribunal yougoslave.

13 Mme LE JUGE LATTANZI : Fédéral ?

14 LE TÉMOIN : Je pourrais pas vous répondre précisément, mais, en fait,

15 l'ampleur du procès concernant l'ensemble de la Yougoslavie. Ça dû être

16 donc au niveau de l'Etat central.

17 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame.

19 Mme DAHL : [interprétation]

20 Q. Au bas de cette déclaration, pourriez-vous prendre lecture de ce qui

21 est dit au sujet -- au niveau de la signature du

22 Dr Seselj ?

23 R. "Le président de l'administration patriotique centrale du Mouvement

24 chetnik-serbe" et ensuite, donc "Vojvoda Dr Vojislav Seselj."

25 Q. Est-ce que le slogan du Mouvement chetnik-serbe apparaît au-dessus de

26 ce paragraphe ?

27 R. Il y a effectivement quelques slogans qui sont traditionnels. Donc

28 notamment : "Liberté ou la mort. La Ravna Gora doit l'emporter." Au-dessus

Page 2966

1 : "Donc, avec foi en Dieu pour le roi et la patrie." "Donc, la Serbie est

2 éternelle, donc, ses enfants lui sont fidèles." "Donc, c'est pour la

3 résurrection de la Serbie."

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand on lit les slogans, ça m'a interpellé. "Pour

5 le roi," un non initié pourrait penser que c'est un slogan monarchiste ?

6 LE TÉMOIN : A l'époque où le Mouvement de la Ravna Gora s'est développé,

7 donc, la Yougoslavie était un royaume, donc, il s'agissait d'une armée

8 royale à l'époque qui était fidèle au roi de l'époque. Donc, ce mouvement,

9 dans la plupart de ces documents programmatiques, restait fidèle à la

10 monarchie et à Pierre II de Yougoslavie, donc, Pierre II Karadjordjevic.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais le 18 février 1991, date de ce document, la

12 monarchie, elle est encore d'actualité ou pas ?

13 LE TÉMOIN : A l'époque, non, elle n'est plus d'actualité.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi il y a une référence au roi ?

15 LE TÉMOIN : Il y a une référence au roi, parce que le Mouvement de la Ravna

16 Gora disons était favorable à la monarchie, et donc, une démocratie

17 parlementaire également, donc, la monarchie parlementaire. Cela dit donc

18 l'héritier de la couronne, Aleksandar Karadjordjevic, vit dans

19 l'immigration, il n'est pas question à l'époque pour le pouvoir en place,

20 en tout cas, donc dirigé par Slobodan Milosevic d'organiser un referendum

21 sur la question donc du retour de la monarchie.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Aleksandar Karadjordjevic, il vivait où, aux Etats-

23 Unis ?

24 LE TÉMOIN : Non, il vivait en Grande-Bretagne.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : En Grande-Bretagne.

26 Mme DAHL : [interprétation]

27 Q. Est-ce que le commandant Djujic avait des aspirations visant à

28 restaurer la monarchie ?

Page 2967

1 R. Il était lui effectivement demeuré fidèle à la monarchie et souhaitait

2 la restauration de la monarchie en Yougoslavie.

3 Q. Le Dr Seselj avait-il aussi des aspirations visant à faire restaurer la

4 monarchie en 1991 ?

5 R. Au départ, dans sa position, M. Seselj effectivement est plutôt

6 favorable donc au rétablissement de la monarchie. Cela dit en 1991, 1992,

7 on s'aperçoit qu'il se distancie de la monarchie et qu'il évoque la

8 possibilité donc d'organiser un referendum sur la question, donc laissant

9 le choix du retour de la monarchie aux citoyens de Serbie. Je pense qu'il y

10 avait de sa part en fait une critique sévère à l'égard donc de l'héritier

11 de la couronne, Aleksandar Karadjordjevic qui n'apparaissait pas comme

12 quelqu'un à même de défendre, en tout cas qui n'avait pas d'estime pour ses

13 idées politiques.

14 Q. Est-ce que ces opinions divergentes entre le commandant Djujic et M.

15 Seselj ont donné lieu à des problèmes par la suite ?

16 R. Effectivement, les relations sont devenues problématiques à partir du

17 moment où Vojislav Seselj a soutenu de manière informelle donc le pouvoir

18 en place à l'époque, donc, donc qui, qui était dirigé par le parti

19 socialiste de Serbie un tel point que certains l'ont surnommé donc le

20 Vojvoda Rouge. Et Momcilo Djujic en fait va distancer de Vojislav Seselj à

21 cette époque-là, et on a notamment des déclarations dans la presse serbe à

22 l'époque où il regrette que Vojislav Seselj se soit écarté disons de la

23 voie de monarchie qu'on va dire et collabore avec le parti socialiste au

24 pouvoir à l'époque.

25 Q. Et que s'est-il passé avec ce type de Vojvoda appartenant à M. Seselj ?

26 R. Il a été retiré, si je ne me trompe pas en 1998. Donc, Momcilo Djujic

27 ayant donc regretté le choix qu'il avait fait en juin 1989.

28 Q. Essayons de revenir à la création de ce Mouvement chetnik-serbe.

Page 2968

1 Pourriez-vous nous dire comment ce Mouvement chetnik-serbe a été créé ?

2 R. Au départ, M. Seselj en fait crée un parti sous le nom de Mouvement

3 libertaire serbe, donc, en janvier 1990, à côté de cette organisation on

4 trouve d'autres partis ou mouvements donc de la même obédience si on peut

5 dire. On a notamment le Parti Srpska Narodna Odredna, donc, le Parti

6 Renouveau populaire serbe, qui est créé également en janvier 1990. A la

7 suite donc d'une scission donc de l'exclusion en fait de Vuk Draskovic qui

8 est un des intellectuels serbes qui a contribué également à la

9 réhabilitation de l'idéologie du Mouvement de la Ravna Gora dans les années

10 80. Donc, à la suite de son exclusion du SNO, il va s'associer donc avec

11 Vojislav Seselj, et donc le Mouvement libertaire serbe pour fonder le

12 Mouvement serbe du Renouveau, Srpska Narodna Odredna, donc, en mars 1990.

13 Ensuite, très rapidement, des dissensions apparaissent entre Vuk Draskovic

14 et Vojislav Seselj dans une réunion de la direction du Mouvement serbe du

15 Renouveau, Vuk Draskovic donc aurait été exclu du parti, mais il ne

16 souhaite pas donc reconnaître sa démission et en fait on va assister à une

17 scission puisque donc Vojislav Seselj et ceux qui le soutiennent à

18 l'intérieur donc du Mouvement du renouveau serbe vont créer donc le

19 Mouvement chetnik-serbe en juin 1990. Et à partir de ce moment-là, on a

20 disons une certaine stabilité au sein de ce mouvement au niveau de la

21 direction à part quelques tensions encore en août, septembre 1990, mais

22 après on a un mouvement qui présente disons une structure et une direction

23 stable.

24 Q. Pourriez-vous décrire brièvement quelle est cette plate- forme du

25 Mouvement du Renouveau serbe au sujet des territoires occidentaux de la

26 Yougoslavie, là où des crimes de guerre ont été commis à l'encontre des

27 Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale ?

28 R. Le programme du Mouvement chetnik-serbe donc prévoit le renouvellement

Page 2969

1 donc de la Serbie donc dans en ouvrant ses frontières ethniques, et outre

2 effectivement la Serbie, donc va figurer dans cet Etat la -- la Macédoine,

3 la Bosnie, l'Herzégovine, Dubrovnik, donc la Dalmatie, la Lika, le Kordun,

4 la Banija, la Slavonie, la région de Baranja. Donc, les territoires en gros

5 qui ont été touchés pendant la où la population serbe, ils ont été affectée

6 et touchés pendant la Deuxième Guerre mondiale sont principalement des

7 territoires donc, des confins donc militaires, donc la région dite de la

8 Krajina, donc qui comprend la région de la Lika, le Kordun, la Banija.

9 Q. Pourriez-vous comparer, je vous prie, le programme du Parti du

10 Mouvement chetnik-serbe au sujet de la création de cette Grande-Serbie ?

11 R. Je n'ai pas entendu complètement la question. Qu'est-ce que je pourrais

12 comparer ?

13 Q. Est-ce que vous compareriez ce programme avec celui du Mouvement du

14 Renouveau serbe ? Etait-ce le même ? Etait-ce plus précis ? Etait-ce

15 différent ? Comment le compareriez-vous ?

16 R. Bien, il y a -- il est peut-être plus précis sur la définition des

17 territoires mais globalement à l'époque les deux mouvements visent la même

18 chose, donc, à savoir à la création donc d'une Grande-Serbie. Le Mouvement

19 du Renouveau serbe donc de Vuk Draskovic mettant peut-être davantage

20 l'accent sur les victimes serbes disons pendant la Deuxième Guerre mondiale

21 que ne le fera par la suite le Mouvement chetnik-serbe.

22 Q. Je voudrais vous demander de vous pencher sur votre classeur,

23 intercalaire 83, qui porte le P 27 comme annotation initiale. Il s'agit de

24 la plate-forme politique du Mouvement chetnik-serbe. Je voudrais que vous

25 vous penchiez notamment sur le paragraphe 1.

26 Est-ce que ce paragraphe définit quelles sont les frontières ou les

27 territoires de cette Grande-Serbie ?

28 R. Effectivement, donc c'est une définition des territoires des pays dit

Page 2970

1 Serbes qui doivent intégrer donc l'Etat donc serbe démocratique dans les

2 Balkans.

3 Q. Est-ce que c'est la même déclaration liée au programme que celle que

4 vous avez mentionnée en page 81 de votre rapport ?

5 R. Effectivement, oui, c'est --

6 Q. Je voudrais que vous vous penchiez maintenant sur le paragraphe 20 de

7 cette déclaration relative au programme. A quoi se rapporte donc ce

8 paragraphe 20 ?

9 R. Donc, il se rapporte en fait à la révolte disons des Albanais du Kosovo

10 et aux moyens en fait d'y mettre fin puisque effectivement à l'époque on a

11 un mécontentement de la part des Albanais du Kosovo dans la mesure où

12 l'autonomie dont il bénéficiait à l'intérieur de la Yougoslavie a été

13 réduite. Dans un premier temps au printemps '89 donc par l'adoption

14 d'amendements à la constitution de la République de Serbie --

15 Q. [aucune interprétation]

16 R. -- et donc le Mouvement chetnik-serbe propose donc un certain nombre de

17 solutions pour mettre fin à cette révolte albanaise puisqu'on a eu au

18 printemps 1990 donc de nombreuses manifestations donc de la part des

19 Albanais du Kosovo. Donc, il s'agit pour le Mouvement chetnik-serbe en fait

20 de supprimer l'autonomie de cette province autonome, d'expulser donc du

21 territoire yougoslave les

22 360 000 immigrés albanais qui sont entrés en Yougoslavie après le

23 6 avril 1941.

24 Q. Pouvez-vous donner lecture de cette première étape au sujet de

25 l'expulsion des Albanais ?

26 R. [interprétation] "Territoire de Yougoslavie immédiatement, les 360 000

27 albanais et leurs descendants afin que tous ceux qui après le 6 avril 1941,

28 qui sont venus d'Albanie en Yougoslavie soient remis entre les mains du

Page 2971

1 Haut commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et dans le monde

2 entier, il y a des pays plus grands, plus riches et moins peuplés que ne

3 l'est la Yougoslavie. Donc, c'est pays-là reçoivent ces immigrants et

4 fassent preuve d'humanisme aussi."

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, qu'est-ce qui s'est passé le 6

6 avril 1941 ?

7 LE TÉMOIN : En fait, c'est la date où l'Allemagne donc et ses alliés ont

8 attaqué la Yougoslavie.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Et quand l'Allemagne a attaqué la Yougoslavie, est-

10 ce dire qu'il y a eu un flux d'immigration d'Albanais ?

11 LE TÉMOIN : En fait, le pays a été démantelé, et le Kosovo -- une bonne

12 partie du Kosovo en fait a intégré l'Etat albanais qui était donc sous

13 contrôle italien. Et le chiffre de 360 000 albanais, qui se seraient

14 installés à l'époque au Kosovo, sont tout à fait extravagants puisque la

15 population même du Kosovo à l'époque, donc au recensement de 1931, il y

16 avait 560 000 habitants au Kosovo. Peut-être en 1939, donc, il y a eu un

17 recensement uniquement régional, je crois qu'on est autour de 670 000

18 habitants. Et en 1948, on est autour donc de 720 000 habitants. Donc, si on

19 prenait en compte ce chiffre de 360 000 et qu'on l'ajoutait au nombre de la

20 population total donc de la population de 1939, on aurait eu beaucoup plus

21 d'habitants au Kosovo, donc en 1948. En tenant compte y compris des Serbes

22 qui ont dû quitter le Kosovo pendant la Deuxième Guerre mondiale, qui ont

23 été chassés du Kosovo, et en tenant compte également des victimes pendant

24 la guerre.

25 Donc, en fait, les chiffres officiels yougoslaves émanant du ministère de

26 l'Intérieur fédéral, donc, du chiffre datant d'un rapport donc qui a été

27 rendu public en décembre 1988, faisaient mention d'un chiffre de 15 000

28 citoyens d'origine -- donc, originaires d'Albanie, qui s'étaient installés

Page 2972

1 en Yougoslavie entre 1941 et 1988. Et pour la période de la Deuxième Guerre

2 mondiale, on parlait pour la période de la Deuxième Guerre mondiale, on

3 parlait pour le Kosovo donc d'un peu plus de 3 000 Albanais, nés en

4 Albanie, donc qui s'étaient installés au Kosovo et d'un plus de 500

5 Albanais nés dans le Royaume de Yougoslavie mais qui avaient quitté ce

6 royaume avant la Deuxième Guerre mondiale pour s'installer en Albanie et

7 qui étaient retournés donc au Kosovo pendant la période donc 1941 et 1945.

8 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, est-ce que Milosevic dans sa

9 décision de réduire le statut d'autonomie du Kosovo a été influencé par ce

10 programme du parti de M. Seselj, en ce qui concerne la question albanaise

11 du Kosovo ?

12 LE TÉMOIN : Je ne le pense pas. Cela dit, le programme du Mouvement

13 chetnik-serbe est beaucoup plus radical que ce qu'ont appliqué les

14 autorités serbes à l'époque.

15 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question annexe. Ces Albanais du Kosovo, ceux

17 qui sont arrivés après le 6 avril 1941. Au fil du temps et après 1945,

18 1946, jusqu'en 1991, ils avaient des papiers, ils avaient une nationalité,

19 ils étaient quoi au juste ? Ils étaient toujours considérés comme des

20 clandestins ? Ils avaient été régularisés ? Est-ce que vous vous êtes

21 penchés sur leur situation juridique ?

22 LE TÉMOIN : En fait, ils étaient considérés, après guerre donc des réfugiés

23 pour un certain nombre d'entre eux du moins. Il y a eu plusieurs vagues en

24 fait d'immigration, on a une première vague effectivement pendant la

25 Deuxième Guerre mondiale, et ensuite, on a durant les années 1950, une

26 seconde vague donc d'immigration d'Albanais d'Albanie qui fuient en fait le

27 régime d'Enver Hodza. Pour ce qui est des Albanais donc qui étaient nés

28 dans le Royaume de Yougoslavie et qui avaient quitté la Yougoslavie donc

Page 2973

1 avant l'éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, pardon, ils avaient

2 perdu leur nationalité de Yougoslavie, ils avaient été déchus de leur

3 nationalité yougoslave, et donc, quand ils se sont installés par la suite

4 au Kosovo, donc, le Kosovo faisait partie de l'Albanie. Mais en tout cas,

5 donc le Kosovo a réintégré la Yougoslavie à la fin de la Deuxième Guerre

6 mondiale, ils n'étaient plus citoyens du Yougoslavie. Donc, il y a eu des

7 régularisations effectivement après guerre. Et --mais certains -- quelques

8 centaines en fait on gardé le statut de réfugiés, on comptait quelques

9 centaines je crois autour de 700 personnes qui avaient le statut de réfugié

10 en Yougoslavie en 1988.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, certains avaient encore le

12 statut de réfugié, mais un certain nombre avait la nationalité yougoslave ?

13 LE TÉMOIN : Ils avaient régularisé leur situation.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, ils étaient citoyens yougoslaves ?

15 LE TÉMOIN : Ils étaient devenus, oui, effectivement oui.

16 Mme DAHL : [interprétation]

17 Q. Pouvez-vous nous donner un chiffre officiel pour ce qui est du nombre

18 de ressortissants d'Albanie vivant en Yougoslavie de 1941 à 1988 ?

19 R. Donc, le chiffre, on a une liste en fait. Les autorités fédérales à

20 l'époque ont une liste d'un peu plus 11 000 noms, mais ils estiment que 4

21 000 personnes de plus en fait se sont installés également en Yougoslavie

22 pendant cette période. Donc, on arrive à un total d'environ 15 000

23 personnes.

24 Et ces chiffres à l'époque quand ils sont parus, donc dans la presse,

25 donc en décembre 1988 n'ont pas été contestés à Belgrade, en Serbie. Et on

26 a du mal a imaginer d'ailleurs que ces chiffres aient sous-évalué donc le

27 nombre donc des Albanais d'Albanie installés en Yougoslavie dans la mesure

28 où il y avait un contrôle policier très sévère du Kosovo, donc après guerre

Page 2974

1 puisque quand le pouvoir communiste s'est installé en Yougoslavie, au

2 printemps 1945 on a une révolte albanaise qui dû, qui a provoqué donc une

3 réaction de l'armée yougoslave de l'époque. Et ensuite, au moment de la

4 rupture entre la Yougoslavie et l'Union Soviétique, l'Albanie d'Enver Hodza

5 ayant décidé donc de soutenir Stalin contre Tito, les Albanais donc étaient

6 perçu comme des éléments potentiellement dangereux, et donc il y avait

7 quand même un contrôle policier très important de la population albanaise

8 de l'époque. Donc, on peut supposer effectivement que ce recensement est

9 relativement précis.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Je reviens à la plateforme politique de ce Mouvement

11 chetnik-serbe. Le document que nous avons sous les yeux, moi je suis frappé

12 et c'est pour ça que je voudrais avoir votre avis. C'est que dès le départ

13 du texte, on parle de la restauration de la liberté, l'indépendance et la

14 démocratie. La question des "territoires" vient après. Tous les documents

15 des autres articles concernent, je l'ai déjà dit hier, la restauration de

16 l'économie du marché du système juridique, du système judiciaire, et

17 cetera, et cetera, et au paragraphe 20, il y a la question albanaise.

18 L'Accusation met en évidence la question des territoires, alors vous, qui

19 êtes notre expert aujourd'hui, cette plate-forme politique, quelle était

20 d'après vous l'objectif principal de cette plate-forme politique ?

21 LE TÉMOIN : A ce moment-là, on est dans un contexte de désintégration de

22 l'Etat yougoslave, et les débats portent donc sur l'avenir du pays, sa

23 réorganisation, et donc, le Mouvement chetnik-serbe donc s'inscrit dans ce

24 contexte et propose donc sa vision de l'avenir de la Yougoslavie et c'est

25 la question nationale serbe qui prédomine tous les débats politiques à

26 l'époque.

27 Donc, là, le Mouvement chetnik-serbe est créé en juin '90. La Croatie

28 connaît déjà donc des troubles, des tensions donc entre -- il y a des

Page 2975

1 tensions entre les autorités politiques croates et la population locale

2 serbe. Et dès juin même 1990, il y a l'idée de la part donc de Slobodan

3 Milosevic et de Borisav Jovic, qui à l'époque donc est président de la

4 Fédération yougoslave, d'amputer le territoire de la Croatie. Donc, on est

5 là dans -- c'est vraiment la question nationale qui prédomine et l'idée que

6 si la Slovénie et la Croatie devenaient indépendantes il faudrait donc à ce

7 moment-là que les Serbes en tout cas de Croatie exercent donc leur droit à

8 l'autodétermination.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Dites-là, on le voit dans le document ? Est-ce que

10 c'est exprimé clairement dans ce document ?

11 LE TÉMOIN : Ah, là, j'explique le contexte --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

13 LE TÉMOIN : -- maintenant un programme politique on peut avoir des

14 principes de base qui ne sont jamais respectés par le parti en question.

15 C'est dans un programme politique il y a des choses qui sont appliquées et

16 qui ne sont pas. Donc, toujours est-il qu'au numéro 1 au point A, il y a

17 quand même cette intention clairement affichée de créer donc un grand Etat

18 serbe donc englobant donc des territoires en dehors de la Serbie.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

20 Mme DAHL : [interprétation]

21 Q. Je remarque que, dans ce programme politique, on trouve l'expression :

22 "Restauration d'un Etat libre, indépendant et démocratique de Serbie dans

23 les Balkans." Qu'est-ce qu'implique le recours au terme "restauration" ?

24 R. La restauration ça implique que cet Etat a déjà existé dans ces

25 frontières -- dans les frontières indiquées. Donc, c'est comme cela que je

26 l'interprète. L'Etat de Serbie tel qu'il existait, donc, depuis donc le

27 début du XIXe siècle, on va dire, ne s'étendait pas en tout cas dans les

28 frontières qui sont là mentionnées.

Page 2976

1 Q. Est-ce qu'il avait existé par le passé un Etat de Serbie correspondant

2 à la description qui en est faite au paragraphe 1 ?

3 R. Incluant tous ces territoires ? Non.

4 Q. J'aimerais revenir au paragraphe 20 et vous demander si dans ce

5 programme politique on prévoie la déclaration d'un état de guerre au

6 Kosovo.

7 R. Effectivement, c'est l'un des -- une des mesures qui est envisagée.

8 Q. Combien de temps le Mouvement chetnik --

9 R. -- dix ans.

10 Q. Oui, c'est bien ce que je voulais vous demander. Est-ce que le

11 Mouvement chetnik a pris position par rapport au fonctionnement des

12 autorités civiles et des institutions au Kosovo ?

13 R. Bien, il était question donc de suspendre toutes les autorités civiles.

14 Q. Le Mouvement chetnik a-t-il pris une position déterminée eu égard à la

15 création d'une zone de séparation ou d'une zone tampon entre l'Etat

16 albanais et l'Etat serbe ?

17 R. Le programme effectivement mentionne donc une zone tampon à la

18 frontière donc avec l'Albanie donc qui s'étendrait -- qui aurait une

19 largeur de 20 à 50 kilomètres, et qui donc en raison de son importance

20 stratégique pour la défense du pays, ne devrait donc comprendre de

21 population albanaise.

22 Q. Et que devait-il advenir des Albanais qui se trouvaient sur ce

23 territoire une fois que la zone en question aurait été créée ?

24 R. Il fallait donc -- il -- qu'il fallait les déplacer, peut-être faisait-

25 il partie à ce moment-là des 360 000 Albanais qui -- dont le départ était

26 souhaité.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous ne rajoutez pas, comme le dit texte,

28 il devait déplacer et recevoir également une compensation financière ?

Page 2977

1 LE TÉMOIN : Je n'ai pas descendu --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous comprenez, c'est -- ça change tout. Ce n'est

3 pas la même chose de déplacer des gens sans rien et de déplacer des gens

4 avec des compensations financières.

5 LE TÉMOIN : Hm-hm.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

7 Mme DAHL : [interprétation]

8 Q. Le Mouvement chetnik a-t-il pris une position déterminée eu égard aux

9 Albanais détenteurs d'une citoyenneté serbe qui résidaient à l'étranger et

10 qui participaient à un mouvement séparatiste ?

11 R. Il était question donc de les -- de leur retirer donc la nationalité

12 yougoslave et d'interdire donc leur retour au Kosovo, donc en Yougoslavie.

13 Q. Le Mouvement chetnik a-t-il pris une position déterminée eu égard aux

14 avantages sociaux que percevaient des personnes du Kosovo, les habitants du

15 Kosovo ?

16 R. Bien, il était question des souffrants -- prestation sociale. Tout ce

17 qui était de social dans la mesure à l'époque, on estimait qu'il y avait

18 entre guillemets une démographie galopante des Albanais. Donc, il était

19 question de remettre en cause finalement cette dynamique démographique.

20 Q. Etes-vous en train de parler de ceux qui se disaient quant au fait que

21 les habitants du Kosovo avaient un taux de natalité

22 élevé ?

23 R. Bien, c'était une réalité qu'effectivement, le taux de natalité des

24 Albanais du Kosovo était le plus élevé de Yougoslavie. Donc, il y avait un

25 accroissement de la population albanaise qui était largement supérieure à

26 celui de la population serbe locale.

27 Q. Dans le dernier paragraphe de ce texte le Mouvement chetnik prend-il

28 une position déterminée eu égard à la nécessité d'organiser des élections ?

Page 2978

1 R. Le programme indique qu'effectivement, qui n'est pas question donc de

2 tenir des élections -- d'organiser des élections sur le territoire du

3 Kosovo tant que la structure ethnique de la population ne soit pas ramenée

4 donc aux niveaux de celui qui existait donc le 6 avril 1941.

5 Q. Pourriez-vous dire si cet aspect du programme chetnik a été repris par

6 le Parti radical serbe ?

7 R. Par la suite, donc, quand le Parti radical serbe donc qui est fondé en

8 février 1991, l'ensemble donc de ce programme, bien, des points concernant

9 l'action du Kosovo est repris et même davantage développée. En fait, le

10 nombre de points du programme du Mouvement chetnik-serbe est repris dans le

11 programme du Parti radical serbe en février 1991.

12 Q. Avant de nous intéresser à cela, je vous demande si

13 M. Seselj a pu enregistrer le Mouvement chetnik-serbe en tant que parti

14 politique légal en Serbie ?

15 R. Fin juillet 1990, donc, une demande d'enregistrement a été déposée par

16 la direction du Mouvement chetnik-serbe, et l'enregistrement donc n'a pas

17 abouti jusqu'au début août 1990. Les autorités donc ont indiqué qu'ils

18 n'enregistreraient pas ce mouvement politique dans la mesure où il était

19 associé au Mouvement chetnik de la Deuxième Guerre mondiale et que les

20 chefs du Mouvement chetnik avaient été condamnés pour crimes de guerre par

21 la justice yougoslave donc en 46 et que cela pouvait choquer donc une

22 partie -- choquer l'opinion publique locale.

23 Q. Je vous prierais à présent de vous rendre à l'intercalaire 94 de votre

24 classeur. C'est une pièce de la liste 65 ter.

25 Pourriez-vous lire le titre de cette réimpression et nous dire de quoi il

26 est question dans ce titre ?

27 R. "Interview de Vojislav Seselj, le nouveau Vojvoda chetnik."

28 Q. Au dos de l'article voit-on une indication de date ainsi qu'une

Page 2979

1 indication d'une publication ? Dans la version en serbe cela se trouve en

2 page 21.

3 R. C'est un entretien qui est apparu dans l'hebdomadaire slovène Miladina,

4 le 8 août 1990.

5 Q. Qu'est-ce que cette revue Malidina ?

6 R. Miladina, est un hebdomadaire en fait qui était l'organe de

7 l'Organisation de la jeunesse en Slovénie. C'est une revue qui était très

8 critique surtout dans la seconde moitié des années 80, en particulier

9 contre l'armée yougoslave de l'époque.

10 Q. J'indique à l'intention des Juges de la Chambre et de

11 M. Seselj que ce document constitue une réimpression que j'ai tirée d'un

12 ouvrage intitulé : "Politiques en tant que défi à la conscience," paru en

13 1993 à Belgrade. Et je demande l'enregistrement de ce document.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce MFI P150.

15 Mme DAHL : [interprétation]

16 Q. Pourriez-vous donner lecture à haute voix de la première question et de

17 la première réponse ?

18 R. [interprétation] "Avez-vous l'impression que par vos actes vous ouvrez

19 la voie à un accord entre les Croates et les

20 Macédoniens ?"

21 Q. Avant que vous ne citiez la réponse du journal -- avant la question du

22 journaliste, on voit dans ce texte une déclaration concernant les actions

23 de M. Seselj dans un monastère. Pourriez-vous donner lecture de cela

24 également, je vous prie.

25 R. [interprétation] "Nous avons rencontré le Vojvoda Seselj la dernière

26 fois devant -- alors qu'il déplaçait la plaque du -- une plaque sur un mur

27 du monastère macédonien qui fait partie de Bujanovac."

28 Q. [aucune interprétation]

Page 2980

1 R. [en français] L'interprétation n'était pas terminée, donc je n'ai pas

2 entendu.

3 Q. Que s'est-il passé à ce moment-là ?

4 R. Donc, en fait --

5 Q. Qu'a fait M. Seselj dans ce monastère ?

6 R. En fait, c'est le 3 août 1990, donc Vojislav Seselj avec des membres de

7 son parti, je crois plus d'une quarantaine de personnes se sont rendus au

8 monastère Prohor Pcinjski, donc c'est à la frontière entre la Serbie, la

9 République de Serbie et le Macédoine. Donc, en fait, ce monastère est connu

10 comme étant le lieu où le mouvement des partisans communistes macédoniens

11 ont décidé donc d'établir la République de Macédoine, et donc, de ce fait,

12 on contribue à la reconnaissance de la nation macédonienne.

13 Donc, le Mouvement chetnik-serbe estimait que c'était une sorte de

14 profanation finalement que d'apposer une plaque commémorative relative à

15 cet événement donc de la Deuxième Guerre mondiale, et donc, cette plaque a

16 donc été enlevée par la force donc par les membres du Mouvement chetnik-

17 serbe.

18 Q. Pourriez-vous maintenant répéter la question et la réponse, dès lors

19 que le contexte dans lequel cette question a été posée a été défini.

20 R. [interprétation] "Avez-vous le sentiment que par vos actes vous ouvrez

21 la voie à un accord entre les Croates et les

22 Macédoniens ?"

23 Q. Comment M. Seselj répond-il à cette question ?

24 R. [interprétation] "Je ne sais pas sur quoi nous divergerions et

25 négocierions avec les Slovènes et les Macédoniens, et en particulier avec

26 les Macédoniens qui sont un peuple inventé de toutes pièces. Il ne peut y

27 avoir aucun pourparler avec eux. La Macédoine faisait partie de la Serbie

28 déjà avant la création de la Yougoslavie. Et c'était un pays

Page 2981

1 internationalement reconnu."

2 Q. Quelle a été la question suivante du journaliste et quelle a été la

3 réponse à cette question ?

4 R. [interprétation] "Mais qu'arriverait-il si les Macédoniens

5 n'acceptaient pas de voir leur état intégré à la Grande-Serbie ?"

6 Q. Oui, oui, je vous prie, donnez-nous la réponse.

7 R. [interprétation] "Et bien, dans ce cas-là, qu'ils déménagent."

8 Q. Quel est l'échange qui suit cette réponse ?

9 R. [interprétation] "Avez-vous peur de la guerre ?" Et la réponse : "La

10 guerre avec qui, contre qui ?"

11 Q. Et quand le journaliste donne comme exemple une guerre éventuelle

12 contre les Croates, qu'est-ce que M. Seselj répond ?

13 R. [interprétation] "Une guerre avec les Croates, mais quand se sont-ils

14 battus. La seule chose qu'ils peuvent faire c'est raconté ce qu'ils

15 veulent, faire voler la poussière, faire beaucoup de bruit et c'est tout."

16 Q. Dans cette interview, est-ce que M. Seselj définit les frontières de la

17 Grande-Serbie ?

18 R. [en français] Il mentionne effectivement donc dans la réponse à la

19 question suivante, donc les frontières de la Serbie indique t-il sont :

20 "Karlobag, la rivière Kupa, et Virovitica."

21 Q. M. Seselj exprime t-il un avis quant à la nécessité d'une période de

22 transition et quant à la nécessité d'une armée nationale ?

23 R. Il s'oppose à toute période de transition, et il pense qu'il est donc

24 qu'il faut la créer donc rapidement.

25 Q. Le journaliste interroge-t-il, M. Seselj, au sujet du nouveau nom de

26 son parti politique qui était alors le Mouvement chetnik-serbe ?

27 R. Effectivement, il l'interroge donc.

28 Q. Quelle est la question qui est posée ?

Page 2982

1 R. [interprétation] "Ne considérez-vous pas un peu irréfléchi de donner

2 pour nom à votre parti, Mouvement chetnik-serbe, étant donné l'avis qui

3 concerne les Chetniks, l'opinion qui concerne les Chetniks ?"

4 Q. Quelle a été la réponse de M. Seselj ?

5 R. [interprétation] "Je crois qu'une telle dénomination n'évoque chez les

6 Serbes que des associations optimales -- car les Chetniks se sont toujours

7 battus pour la liberté et la défense de la patrie."

8 Q. Que s'est-il passé dès lors que M. Seselj n'a pas eu la possibilité de

9 faire enregistrer son Mouvement chetnik-serbe en qualité de parti politique

10 à part entière ?

11 R. [en français] Bien, pour ce parti, cette organisation il était

12 difficile d'agir, y compris même d'organiser des rassemblements publics

13 puisque les autorités donc pouvaient tout simplement interdire ces

14 rassemblements sur la base donc du fait que ce mouvement n'était pas

15 enregistré officiellement. Ce qui n'a pas empêché d'ailleurs le Mouvement

16 chetnik-serbe de tenir un certain nombre de rassemblements malgré les

17 interdictions donc proclamés.

18 Donc, ce mouvement est quelque peu dans une situation difficile dans la

19 mesure où un parti n'est pas enregistré, cela devient difficile notamment

20 lorsque les élections approchent, donc, les élections ont lieu, les

21 premières élections libres en Serbie ont eu lieu en décembre 1990. Ce qui

22 fait que donc M. Seselj ne pourra pas se présenter à l'élection

23 présidentielle en tant que candidat du Mouvement chetnik-serbe. Il sera

24 présenté en tant que candidat indépendant, donc émanant donc d'un groupe de

25 citoyens même si effectivement tous ces discours indiquent, et qu'à

26 l'époque, qu'il représente en tant que candidat les chetnik serbes. Donc,

27 la porte de sortie sera en fait la création du parti radical serbe en

28 février donc 1991 puisque ce parti sous ce nom-là, le Parti radical serbe

Page 2983

1 sera reconnu par les autorités donc en mars 1991.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je voudrais, grâce à votre aide, que vous leviez une

3 question que j'ai à l'esprit. Cette interview va porter à la fin sur

4 l'indépendance de la Slovénie. Je voudrais savoir : à l'époque, la

5 Slovénie, il y avait des Serbes en Slovénie ?

6 LE TÉMOIN : Très peu. Principalement des Serbes qui s'étaient installés

7 dans cette république pour travailler, mais on n'a pas de population --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils étaient combien en pourcentage ?

9 LE TÉMOIN : Très peu. Je ne sais pas précisément peut-être quelques

10 milliers. Mais la Slovénie était la république la plus homogène sur le plan

11 national, donc, elle n'avait quasiment pas de problèmes de minorités

12 nationales donc pour aussi bien pour le pouvoir en place à Belgrade à

13 l'époque que pour les autres partis nationalistes. La Slovénie ne

14 représentait pas un problème. Et la volonté même du pouvoir et de Slobodan

15 Milosevic en particulier était de laisser partir la Slovénie le plus vite

16 possible d'ailleurs et qu'on sait donc dans la mesure où il y avait pas de

17 différends, en tout cas, territoriaux entre Slovénie et Serbie ce qui

18 permettait ensuite donc à la Serbie donc de régler ces questions

19 territoriales avec les autres républiques.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais est-ce que le fait de faire partie de la

21 Slovénie dans un Etat indépendant n'était-ce pas d'ouvrir la boite à

22 Pandore dans laquelle allait s'engouffrer d'autres pays comme la Croatie,

23 la Bosnie-Herzégovine ?

24 LE TÉMOIN : Effectivement. A partir du moment où on laisse partir un pays,

25 pourquoi d'autres, la voie -- la porte était ouverte effectivement pour la

26 proclamation d'autre indépendance ou, en tout cas, favorisait, encourageait

27 éventuellement d'autres républiques à vouloir éventuellement sortir de la

28 Yougoslavie, à partir du moment où on laissait partir une république, et la

Page 2984

1 volonté de Milosevic en fait était d'avoir une Yougoslavie qui aurait

2 compris toutes les autres républiques.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Le journaliste, qui reçoit les réponses sur

4 l'indépendance de la Slovénie, il termine en lui posant la question

5 suivante : en lui demandant ce qu'il pensait d'une Confédération.

6 Qu'est-ce que -- qu'est-ce que vous pensez de la question

7 posée ? Est-ce que le journaliste n'a pas été surpris du fait que cette

8 indépendance ne posant aucun problème, il pose des questions, mais est-ce

9 qu'il pourrait pas y avoir une Confédération, c'est-à-dire Slovénie et

10 Yougoslavie ?

11 LE TÉMOIN : En fait, à l'époque, quand on parle de Confédération, on parle

12 d'une Confédération entre les six républiques de la Fédération yougoslave.

13 Mais là, les élections libres ont déjà eu lieu donc en avril 1990 en

14 Slovénie, donc, là, on est en août donc après les élections, et on a un

15 pouvoir en place qui soutient donc une solution plutôt en faveur de la

16 Confédération, une Confédération yougoslave. Mais de fait la Yougoslavie en

17 quelque sorte était déjà plus ou moins une Confédération car c'était

18 formellement une Fédération mais le pouvoir des républiques était déjà très

19 fort, les prérogatives très importantes et on avait un pouvoir au central

20 fédéral plutôt faible ce qui a d'ailleurs impliqué -- ce qui a amené

21 d'ailleurs certaines organisations internationales soit comme le Fonds

22 monétaire international à proposer une recentralisation du pays pour que le

23 pays puisse rembourser le plus efficacement sa dette. Donc, on était déjà

24 plus ou moins dans un contexte confédéral.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire quelque chose qui peut ne pas

26 avoir d'importance mais qui à mes yeux peut avoir un impact sur la suite.

27 Vous venez de dire que le pouvoir fédéral était un pouvoir faible. Vous

28 pouvez préciser ?

Page 2985

1 LE TÉMOIN : Bien. Il y a eu à partir de la fin des années 60 et du début

2 des années 70, une réforme de la Fédération yougoslave qui a accordé donc

3 une très large autonomie aux républiques. Et cette réforme de la Fédération

4 s'est accompagnée également d'une réforme de la Ligue des Communistes de

5 Yougoslavie où finalement chacune des ligues des républiques, de chacune

6 des républiques est devenue plus ou moins autonome. C'est-à-dire que le

7 Congrès de la Ligue des Communistes de Yougoslavie devait tenir compte en

8 fait des décisions prises par chacun des congrès des ligues républicaines.

9 Donc, en même temps, qu'on a donc une fédéralisation au niveau de l'Etat --

10 bon, une co-fédéralisation quasiment on a le même phénomène au niveau du

11 parti.

12 Donc, chacune des républiques en fait avait sa propre politique économique,

13 pouvait éventuellement donc s'endetter auprès de banques étrangères, avait

14 donc chaque république avait son propre système de Défense territoriale.

15 Donc, au niveau fédéral, on avait principalement donc au niveau du pouvoir

16 central, l'armée yougoslave donc qui était restée quand même à un niveau

17 donc fédéral, tout ce qui était donc relations extérieures, relations

18 économiques extérieures --

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Je ne sais pas si vous avez des compétences en

20 matière économique, mais vous abordez la question de l'endettement de

21 chacune de ces républiques, mais ce n'était pas la banque centrale de

22 Belgrade qui assurait la pérennité du système monétaire ?

23 LE TÉMOIN : Si, c'était la banque centrale. Mais après au niveau politique

24 de nombreux projets étaient décidés au niveau des républiques sans qu'il y

25 ait une réelle cohésion en fait avec le pouvoir central.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. On va être obligé de faire la pause parce

27 qu'il est 10 heures.

28 Nous, nous retrouverons dans 20 minutes.

Page 2986

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 02.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 26.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.

4 Madame Dahl.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question

6 au témoin ? Excusez-moi, Madame Dahl.

7 La question que je voudrais bien vous poser, c'est quelle était la raison

8 pour garder la structure de la Confédération yougoslave quand toutes les

9 républiques en effet voulaient obtenir leur indépendance ?

10 LE TÉMOIN : Comme j'ai indiqué tout à l'heure, donc j'ai dit qu'il y avait

11 donc une tendance à la confédéralisation [phon] de la Yougoslavie donc

12 depuis la fin des années 60, donc, il y avait un processus de réforme qui

13 s'est concrétisé donc dans l'adoption de la constitution de 1974.

14 Donc, en fait, en 1990, 1991, on a la Croatie et la Slovénie qui sont les

15 deux républiques en fait à défendre le concept de Confédération, donc, qui

16 sont pour la poursuite de la confédéralisation de la Yougoslavie, tandis

17 que la Serbie elle s'oppose à l'époque à ce processus et souhaite au

18 contraire que le pouvoir fédéral central soit davantage donc renforcé.

19 Donc, on a deux options principales disons qui s'opposent entre donc un

20 projet de confédéralisation davantage poussée, défendue par la Croatie et

21 la Slovénie, et un processus en quelque sorte de recentralisation défendu

22 par le pouvoir à Belgrade par la Serbie.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Est-ce que je pourrais revenir

24 à une petite question en ce qui concerne le Mouvement chetnik. Quelle était

25 la raison pour laquelle ce mouvement n'a pas été reconnu officiellement ?

26 LE TÉMOIN : Et bien, on a estimé que le Mouvement chetnik-serbe donc, dans

27 le nom même du mouvement, il y avait le terme "chetnik," donc qui associait

28 qu'il -- qui laissait donc entendre qu'il y avait un lien avec donc le

Page 2987

1 Mouvement chetnik de la Deuxième Guerre mondiale, et on estimait que cela

2 pouvait choquer les personnes donc qui avaient participé à la guerre de

3 libération nationale, donc, du côté des partisans communistes, donc armée

4 qui a pris pouvoir en 1945.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Alors, c'était pour des raisons

6 idéologiques ?

7 LE TÉMOIN : Bien, on estimait donc, dans la décision il est mentionné donc

8 le Mouvement chetnik de la Deuxième Guerre mondiale, donc qui avait été

9 défait, que ses chefs avaient été condamnés et qu'à partir de ce moment-là,

10 donc ce mouvement ne pouvait pas être reconnu. Donc, c'est effectivement

11 pour des raisons principalement idéologiques.

12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl.

14 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 Q. Avant la pause, nous étions en train de parler de l'échec du Mouvement

16 chetnik, il n'a pas pu se faire enregistrer. Est-ce que ceci a empêché le

17 Dr Seselj de prendre part aux élections en décembre 1990 ?

18 R. Non. Comme donc je l'ai indiqué tout à l'heure, il s'est présenté donc

19 comme candidat donc proposé par un groupe de citoyen. Le problème c'est

20 qu'il a été condamné en octobre donc à une peine de prison d'une quinzaine

21 de jours si je ne me trompe pas, ce qui en fait réduit son temps pour se

22 préparer à la campagne donc électorale.

23 Q. Le Dr Seselj, pendant cette campagne électorale, qu'est-ce qu'il a

24 défendu ? Quelles idées au sujet de la sécession de la Croatie de la

25 Fédération ?

26 R. A l'époque, il défend les idées principales donc du Mouvement chetnik-

27 serbe. Donc, c'est donc l'idée qu'en cas donc d'indépendance de la Croatie,

28 donc, il faut détacher donc les territoires peuplés de Serbes de cette

Page 2988

1 république. Donc, avec l'idée donc d'établir la frontière occidentale de la

2 Serbie donc sur la ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica.

3 Q. Avez-vous cité les positions qu'il a fait valoir pendant la campagne

4 dans votre rapport ?

5 R. Je ne me souviens plus précisément, non.

6 Q. Page 83, si vous voulez bien.

7 R. Il y a une citation effectivement qui date de la période donc de la

8 campagne électorale qui donc regroupe ce que je viens de dire. Donc, c'est

9 un avertissement aux Croates et plus particulièrement donc au chef

10 politique des Croates donc de l'époque Franjo Tudjman.

11 Q. Et que dit le Dr Seselj ici ?

12 R. Pour résumer, donc, les Croates donc peuvent se séparer de la

13 Yougoslavie. Ils peuvent former un Etat indépendant, s'associer à un autre

14 Etat, mais ils doivent savoir qu'à aucun prix au prix de nouveau flot de

15 sang, n'autoriseront qu'ils nous prennent une partie de territoire où se

16 trouvent des villages serbes, des cimetières de masse serbes, des lieux de

17 massacre serbes, des fosses serbes, des camps serbes, des Jasenovac serbe,

18 des églises serbes détruites. Nous ne le permettrons jamais. Donc, à

19 l'époque, donc c'est l'idée donc qu'en cas d'indépendance de la Croatie

20 donc c'est l'idée donc d'exercer le droit à l'autodétermination donc pour

21 les Serbes, donc vivant dans la République de Croatie.

22 Q. Dr Seselj considère-t-il que la Croatie a des fondements lui permettant

23 de devenir un Etat indépendant ?

24 R. Dans la plupart des propos de M. Seselj, il y a une volonté de

25 présenter les Croates en fait comme étant faibles, des lâches, en gros

26 ayant finalement -- n'ayant pas finalement une traduction étatique très

27 forte.

28 Q. Page 84, est-ce que vous avez cité une description en particulier

Page 2989

1 quelque chose dont s'est servi le Dr Seselj lors de sa campagne ?

2 R. Oui. Donc --

3 Q. Pouvez-vous en donner lecture, c'est à la fin de la page, ça commence

4 par : "Les Croates ne sont pas une nation historique."

5 R. Ah, oui, voilà. "Les Croates ne sont pas une nation historique. Prenez

6 l'exemple des Tchèques et des Allemands, le terme 'Tchèque' est synonyme de

7 lâche, tandis que les Allemands sont un peuple guerrier. C'est la même

8 chose avec les Serbes et les Croates. Les Croates sont une nation dépravée.

9 Je n'ai pas encore rencontré un seul Croate correct."

10 C'est donc un entretien qui est accordé à l'agence de presse yougoslave

11 Tanjug qui donc à l'époque la principale agence de presse en Yougoslavie,

12 et qui a été ensuite publié donc dans l'ouvrage "Crveni Tyrant Fa Dedinje,"

13 "le Tyran rouge de Dedinje."

14 Q. Et qui a été l'éditeur de ce livre ?

15 R. Donc, c'est une maison d'édition, ABC Glas donc qui à l'époque publie

16 tous les ouvrages de M. Seselj.

17 Q. Dans le cas de sa campagne en 1990, le Dr Seselj est-ce qu'il a parlé

18 des négociations du Traité de Londres pour justifier ses prises de

19 positions sur le plan des territoires ?

20 R. Effectivement. Moi, j'ai enregistré donc depuis au moins 1989, donc,

21 cette référence toujours au traité de Londres de 1915 donc le traité qui

22 est censé garantir les frontières occidentales de la Serbie donc sur la

23 ligne Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, cette affirmation donc a été

24 répétée à maintes reprises. Cette frontière occidentale, la délimitation

25 également, bon, c'est un élément du discours de Vojislav à l'époque, qui

26 est très important.

27 Q. Maintenant, je vais vous inviter à reprendre votre carte numéro 10 --

28 M. LE JUGE ANTONETTI : -- avant de regarder la carte numéro 10, nous étions

Page 2990

1 à la page 84 de votre rapport et vous avez jugé utile de mettre dans votre

2 rapport l'entretien qu'il a eu à radio Kakaj [phon] en 1991. Et cet

3 entretien a été publié dans son ouvrage intitulé : "Brankovic est sorti de

4 sa tombe," publié à Belgrade en 1994.

5 Le texte qui est assez long qui émane de M. Seselj lui-même, semble dire

6 ceci, et je voudrais, grâce à votre aide, essayer de comprendre ce qu'il a

7 voulu dire.

8 Il parle du postulat que la Yougoslavie a cessé d'exister, il ajoute :

9 "Seule la Serbie demeurera." Donc, par cette phrase, on a l'impression que

10 l'Etat yougoslave, tel qu'il existait n'existe plus puisque la Slovénie est

11 indépendante, ce profil, la Croatie, et cetera, et il rajoute que : "La

12 Serbie demeurera, à savoir le royaume de Yougoslavie est l'héritier du

13 royaume de Serbie," et il continue dans sa démonstration juridique en

14 disant : "Seul l'Etat de Serbie peut être l'héritier sur le plan juridique

15 de la Yougoslavie."

16 Donc, ça c'est son analyse, il y dit : "Il y a plus de Yougoslavie s'il n'y

17 a plus de Yougoslavie qui elle issue de 1945, à ce moment-là, c'est le

18 royaume de Serbie." Et il poursuit dans son discours, l'analyse en disant :

19 "En conformité avec le pacte de Londres," il est possible mais c'est une

20 hypothèse qu'il envisage, de créer une frontière occidentale serbe. Et là,

21 il dit, parce que tous les mots sont importants : "Et elle peut être."

22 Quand on dit "peut être," c'est une hypothèse; ce n'est pas une

23 affirmation. "Sur la ligne Karlobag, et cetera. "Si nous voulons que cette

24 frontière soit ethnique, historique et stratégique." Je crois que cette

25 phrase dit tout.

26 Elle parle du constat de son point de vue qu'il y a pu de Yougoslavie, que

27 doit succéder à la Yougoslavie le royaume de Serbie mais la Serbie, sauf si

28 évidemment il y avait un nouveau roi, mais qu'à ce moment-là, le support

Page 2991

1 juridique, d'après son point de vue, c'est le pacte de Londres, ce fameux

2 traité de Londres de 1915.

3 En deuxième temps il émet l'hypothèse de cette frontière Karlobag-Ogulin-

4 Karlovac-Virovitica. Mais, là, moi, j'analyse ça plutôt comme une

5 hypothèse, dans son esprit. Et il rajoute : "Si nous voulons -- si nous

6 voulons que cette frontière soit ethnique, historique et stratégique."

7 Alors, voilà ce que je lis. Qu'est-ce que, d'après vous, il a voulu dire

8 par cela ?

9 LE TÉMOIN : A l'époque, c'est donc un entretien donc qui a été accordé en

10 septembre 1991. Donc, la Yougoslavie n'est pas encore complètement

11 désintégrée, comme si la Croatie et la Slovénie donc ont proclamé leur

12 indépendance, mais il y a un processus donc en cours sous le contrôle de la

13 Communauté européenne de l'époque et les indépendances ne sont reconnues

14 donc début 1990, au moins l'indépendance de la Croatie c'est en janvier

15 1992 ou décembre, janvier 1992, à partir du moment où notamment l'Allemagne

16 décide de soutenir de reconnaître l'indépendance de la Croatie.

17 Donc, la Yougoslavie n'est pas -- n'a pas complètement disparu, et là

18 dans cette citation, effectivement, il est dit que cette frontière

19 occidentale peut être sous la ligne, donc, c'est une citation parmi

20 beaucoup d'autres où les propos sont complètement moins hypothétiques et

21 beaucoup plus affirmatifs. Dans d'autres citations, c'est plutôt elle doit

22 être sur la ligne. C'est là l'objectif. Donc, là, c'est une citation parmi

23 des dizaines et des dizaines que l'on pourrait relever dans tous les

24 entretiens qui ont été accordés.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous nous dites qu'il y a d'autres citations

26 qui sont beaucoup plus affirmatives, tout en reconnaissant que là il y a

27 quand même une citation à titre hypothétique.

28 LE TÉMOIN : Voilà.

Page 2992

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais vous dites cette interview, septembre

2 1991, dans ses propos il dit au moment où la Yougoslavie cesse d'exister.

3 Bon, parce qu'il y a un processus qui est en cours. C'est ça qu'il dit lui.

4 LE TÉMOIN : -- à partir du moment où la Yougoslavie aura cessé d'exister.

5 Donc, on approche effectivement de la fin de cet Etat yougoslave. Mais

6 avant la création de la Yougoslavie, donc, on avait deux seuls états qui

7 étaient indépendants, donc à savoir la Serbie et le Monténégro, donc, deux

8 Etats qui ont été reconnus par le congrès de Berlin en 1878.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : J'en reviens à la Croatie très rapidement. Sa thèse,

10 telle qu'elle apparaît là, ce n'est pas une nation, ce n'est pas un Etat,

11 c'est ça qu'il semble dire. Et il pose la problématique en disant -- en

12 revoyant, semble-t-il, à la communauté internationale, le soin de statuer

13 sur cette Croatie, puisqu'il envisage plusieurs hypothèses. Il dit peut-

14 être les Italiens, peut-être les Autrichiens, peut-être les Hongrois, bon,

15 il envisage mais il semble pas se déterminer exactement sur l'existence de

16 son Etat, de cet Etat croate.

17 LE TÉMOIN : L'Etat croate, qui serait constitué au-delà de la ligne

18 Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, au-delà de cette linge, il n'est pas

19 préoccupé de ce qui se passera à l'avenir; est-ce que c'est aux Italiens de

20 récupérer ces territoires, aux Hongrois d'avancer éventuellement des

21 revendications territoriales, lui ce qui l'intéresse c'est la ligne ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais dans la mesure où il dit que cette ligne qui

23 empiète, tout le monde l'a compris sur la Croatie, mais lui, dans son

24 discours, c'est qu'il n'y a pas d'Etat croate, et donc, s'il n'y a pas

25 d'Etat croate, il peut empiéter. C'est comme ça qu'on peut interpréter ce

26 qu'il est en train de dire en septembre 1991 : qu'est-ce que vous en pensez

27 ?

28 LE TÉMOIN : A l'époque, il y a une République de Croatie, donc, c'est l'une

Page 2993

1 des composantes de l'Etat fédéral, mais --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais ça il le conteste, lui.

3 LE TÉMOIN : Mais parce que c'est --

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais la République de Croatie à l'époque c'est

5 une des Républiques de la Fédération. Mais c'est une entité administrative

6 en quelque sorte --

7 LE TÉMOIN : Mais à cette époque-là les --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : -- au point de vue international, la République de

9 Croatie à l'époque n'était pas reconnue internationalement, c'était l'ex-

10 Yougoslavie qui était reconnue internationalement.

11 LE TÉMOIN : Oui, mais là on est dans un processus qui va vers où on définit

12 en fait les règles de la reconnaissance de l'indépendance éventuelle des

13 Républiques yougoslaves. Il y a notamment la Commission Badinter, qui sera

14 mise en place pour définir les critères et permettant donc de reconnaître

15 ou pas --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais au moment où il tient ses propos, la République

17 de Croatie n'a pas été reconnue encore ?

18 LE TÉMOIN : Pas encore.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Et c'est une des Républiques de l'ex-Yougoslavie ?

20 LE TÉMOIN : Oui.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : On est bien d'accord. Bien, mais lui dans ce qu'il

22 dit c'est qu'il ne -- bien qu'elle soit une des Républiques de l'ex-

23 Yougoslavie, au point de vue état il conteste la notion d'état et même de

24 nation, puisqu'il va beaucoup plus loin. Il dit les Croates ne sont pas une

25 nation historique.

26 LE TÉMOIN : Oui, c'est effectivement le cas. Dans beaucoup de ses écrits ou

27 propos, il ignore le fait que les Croates ont eu un état au Moyen-Âge,

28 puisqu'en 1102, en fait, les Croates ont associé leur Etat en fait à l'Etat

Page 2994

1 de Hongrie parce qu'il y avait une crise au niveau de la dynastie, il n'y

2 avait pas d'héritier, et donc, l'Etat disons croate de l'époque du coup a

3 intégré la Hongrie, et ça a été le cas par la suite jusqu'à la Première

4 Guerre mondiale, donc, il a effectivement tendance à ignorer --

5 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord, quoi que dans son discours, il reconnaît

6 qu'en 1102, il y avait un Etat, ça il le dit; puisqu'il dit depuis 1102,

7 les Croates n'ont aucun Etat, ce qu'il veut dire qu'avant 1102, il y en

8 avait un.

9 LE TÉMOIN : Oui.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Et que dans son esprit entre 1102 et 1991, il n'y a

11 pas eu d'Etat au sens où l'on peut le comprendre dans un état reconnu

12 internationalement.

13 LE TÉMOIN : A ce moment-là, la Croatie -- le royaume de Croatie, en fait,

14 c'est une composante du royaume de Hongrie, voilà.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous pose ces questions parce que c'est

16 vous l'expert, ce n'est pas moi l'expert. J'essaie de comprendre la portée

17 de ce qu'il a écrit pour intégrer ça dans un plan beaucoup plus important

18 qui est l'acte d'accusation.

19 Mme DAHL : [interprétation]

20 Q. Passons maintenant à votre carte numéro 10, P148.

21 Si l'on prend maintenant les frontières occidentales, et si on situe cela

22 dans le contexte politique où a été publiée cette carte en août 1990,

23 quelle est la conclusion à laquelle vous pouvez arriver ? Est-ce que ces

24 frontières pouvaient être obtenues par des moyens pacifiques ?

25 R. Difficilement dans la mesure où ils englobent des territoires où il y a

26 des populations non-serbes, qui n'adhèrent pas nécessairement, donc, au

27 concept de la Grande-Serbie. La Bosnie-Herzégovine est quand même peuplé de

28 Bosniaques musulmans et de Croates, en Macédoine donc il y a une nation

Page 2995

1 macédonienne, en tout cas, des personnes qui se définissent comme

2 appartenant à une nation macédonienne, qui n'adhère pas nécessairement à

3 l'idéologie de la Grande-Serbie. D'autant plus, il y a là encore la mémoire

4 des événements de la Deuxième Guerre mondiale et ce concept est porteur

5 quand même de sens, pour certains, il évoque donc les conflits de la

6 Deuxième Guerre mondiale. Donc, ce n'est pas un projet auquel peuvent

7 adhérer les populations non-serbes des régions concernées.

8 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui, mais de son point de vue avant tout il nie

9 qu'il y ait des nations, une conscience d'une nation en ce qui concerne les

10 Croates. Il nie qu'il y a une nation en ce qui concerne les Macédoniens. De

11 son point de vue, ces gens, en particulier les Croates, ne vont pas

12 combattre parce qu'ils ne sont pas des guerriers, ils sont lâches. Donc, à

13 la lumière de ces discours-là, je ne vois pas encore que le moyen de

14 s'emparer de ces territoires ce serait le moyen militaire.

15 Est-ce que vous pourriez approfondir cet aspect-là et nous éclairer ou

16 m'éclaircir ? Merci.

17 LE TÉMOIN : Si on prend l'exemple de la Bosnie-Herzégovine, on a, en

18 Bosnie-Herzégovine, donc, trois communautés nationales principales, donc

19 les Bosniaques Musulmans, les Serbes et les Croates. Les Serbes qui ont

20 été, jusqu'à après la Seconde Guerre Mondiale, majoritaires -- majorité

21 relative, passent, en fait, du premier groupe national, donc, sur le plan

22 numérique, au second groupe, les Bosniaques Musulmans devenant le -- la

23 principale nation du pays.

24 On a là un territoire où les populations sont entremêlées, où les visions

25 de l'avenir de la Bosnie-Herzégovine ne sont pas identiques et il est clair

26 qu'à l'époque, que les citoyens croates de Bosnie-Herzégovine et les

27 citoyens croates -- citoyens bosniaques musulmans n'adhèrent pas au concept

28 -- ne souhaitent pas voir la Bosnie-Herzégovine intégrer une Grande-Serbie.

Page 2996

1 Donc, on ne voit pas comment il serait possible d'avoir une négociation, un

2 processus de négociation sur cet objectif-là. Il y a dès l'époque, chaque

3 communauté nationale a sa -- son propre projet, disons, national. On a

4 souvent affaire à des projets concurrents.

5 Mme LE JUGE LATTANZI : Et c'est l'autre point de vue, mais, de son point de

6 vue, je voudrais savoir les moyens, s'il envisageait le moyen militaire ou

7 s'il, en partant de ses points de vue, peut-être erronés, mais il avait ses

8 points de vue; est-ce qu'il pouvait envisager une voie non militaire ?

9 LE TÉMOIN : En 1990, on voit déjà qu'il organise -- qu'il commence à

10 organiser l'envoi de volontaires en serbes en Croatie. Donc, il y a déjà là

11 une -- un Mouvement chetnik, lui-même, donc, à une dimension militaire.

12 C'est -- c'est en ce sens que le -- créer un parti avec le -- la

13 dénomination chetnik pose problème dans la mesure où ce terme-là désigne

14 avant tout une activité de type militaire. Donc, c'est d'ailleurs la raison

15 pour laquelle la création du Parti radical serbe, par la suite, par -- sera

16 une solution à cette question-là, dans la mesure où le Mouvement chetnik-

17 serbe deviendra

18 -- ne sera plus qu'une composante du Parti radical serbe et que, donc, il

19 n'aura plus donc une activité, à proprement parler, politique. Donc, au

20 printemps 1991, pareil, donc, on a l'envoi de -- de volontaires du

21 Mouvement chetnik-serbe et puis du Parti radical serbe. Donc, on a quand

22 même une action de type militaire dans les territoires de la République de

23 Croatie.

24 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai encore un autre problème, alors, à ce point-là.

25 Je me demande si le Mouvement chetnik avait cette dimension militaire, ces

26 intentions belliqueuses seulement quand il y avait déjà une situation de

27 guerre, comme pendant la Deuxième Guerre mondiale, et donc, leur

28 participation violente à cette guerre et en printemps 1991, où il y avait

Page 2997

1 déjà un conflit en ex-Yougoslavie. Et donc, qu'en dehors d'une situation de

2 conflit déjà commencé, il pouvait quand même envisagé la possibilité

3 d'autres moyens, d'autres voies, pour s'emparer -- se voir reconnu ces

4 territoires.

5 Seulement cela, je voudrais éclairer.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Je -- je complète la question de ma collègue, qui a

7 une question fondamentale pour nous, qui est très importante et je la

8 remercie d'avoir poser cette question.

9 Est-ce que dans la démarche de M. Seselj et de son parti politique,

10 l'objectif qu'il recherchait pouvait être atteint par la voie politique, ou

11 bien, dans votre esprit à vous, ça ne pouvait être atteint que par la voie

12 militaire ?

13 LE TÉMOIN : A plusieurs reprises, il dit qu'il n'y a pas de négociation

14 possible, que ce soit avec les Macédoniens, les Croates ou -- donc, cela

15 limite les possibilités de négociations. A partir du moment où on veut

16 inclure, dans une Grande-Serbie, des territoires qui sont peuplés que

17 minoritairement de Serbes, parce que dans -- parmi les territoires de

18 Slavonie notamment, il y a de nombreuses communes où les Serbes ne

19 représentaient que 25 -- à peu près 25 % de la population. Donc, il est

20 clair qu'il ne peut pas y avoir une adhésion de ces -- des populations non-

21 serbes à ce projet de Grande-Serbie. Il ne peut -- on ne peut pas créer un

22 tel projet. Il doit avoir -- il s'adresse principalement aux Serbes et il

23 ne - comment dire - il ne s'accompagne pas de l'adhésion des populations

24 non-serbes.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vois bien votre -- ce que vous essayez de nous

26 dire, mais nous, nous sommes face à la problématique suivante : avant ces

27 années qui vont entraîner des conflits dans cette zone, il y avait l'ex-

28 Yougoslavie qui fonctionnait sous régime communiste, où Serbes, Croates,

Page 2998

1 Musulmans vivaient, apparemment, en bonne intelligence. Arrive le

2 démantèlement, entre guillemets, de l'ex-Yougoslavie, certains, comme lui,

3 mais comme d'autres, vont évoquer la question nationale. Et cette question

4 nationale, il peut y avoir lorsqu'on évoque une question nationale des

5 solutions politiques ou des solutions militaires, et notre souci est de

6 savoir si, au moment où il fait cette carte, au moment où il y a les

7 discours, la création du Parti radical serbe, est-ce que l'option militaire

8 n'était que la seule option, ou bien, n'y avait-il pas d'autres options, et

9 notamment, l'option de la Commission Badinter quand il va y avoir au

10 niveau, par exemple, de la Bosnie-Herzégovine, cette espèce de forme de

11 recensement, de référendum pour savoir ce que l'on veut ou pas.

12 Est-ce que les voies démocratiques ne pouvaient pas être la continuité de

13 ce programme politique dont, effectivement, le Mouvement chetnik avait

14 peut-être une connotation militaire au départ, mais comme l'a dit

15 excellemment ma collègue, ça c'était pendant la Seconde Guerre mondiale,

16 mais, en 1990, 1991, 1992, il n'y a pas, à ce moment-là, un conflit

17 mondial. Et donc, est-ce que vous êtes quasiment certain que ça ne pouvait

18 se résoudre que par la voie militaire et que la voie politique, la voie de

19 l'autodétermination, du référendum, des élections, ne pouvait pas permettre

20 la concrétisation d'une Grande-Serbie ?

21 LE TÉMOIN : Ce que je constate, moi, c'est qu'en 1989 -- dès 1989, lorsque

22 M. Seselj se rend aux Etats-Unis, il évoque l'idée de l'amputation

23 territoriale de la Croatie. Il s'agit, à l'époque, de punir les Croates

24 pour les crimes qui ont été commis pendant la Deuxième Guerre mondiale.

25 Donc, on a cette idée d'amputation de -- du territoire croate.

26 Donc, maintenant, il y a plusieurs processus en cours. En Croatie, on a une

27 population serbe qui a commencé à se mobiliser dès 1989 dans le contexte de

28 la célébration du sixième centenaire de la bataille du Kosovo. On a,

Page 2999

1 ensuite, les élections parlementaires d'avril 1990, qui amènent au pouvoir

2 un parti, donc la Communauté Démocratique Croate, qui est un parti, donc,

3 nationaliste, qui va remettre en cause la position des Serbes à l'intérieur

4 de la Croatie, dans la mesure où les Serbes, qui étaient considérés comme

5 une nation constitutive de la République de Croatie, vont perdre ce statut

6 et devenir, donc, une simple minorité nationale. Et donc, à partir de ce

7 moment-là, on a une volonté chez les Serbes du -- en Croatie, le détaché de

8 la Croatie, une partie des territoires donc où ils sont plus ou moins

9 majoritaires.

10 Donc, du coup l'Etat croate, la République de Croatie, les autorités

11 réagissent, d'où les incidents autour des postes de police que les uns et

12 les autres cherchent à contrôler. Et on a donc au printemps 1991, donc, une

13 dégradation de la situation.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Cette dégradation de la situation que vous venez

15 d'indiquer - et on la comprend de la part des Serbes de Croatie qui voient

16 ce qui était en train de se passer sur place - mais en quoi le Dr Seselj

17 est directement concerné ?

18 LE TÉMOIN : A partir du moment où il y a des tensions, lui envoie donc des

19 volontaires -- des Unités des volontaires donc du Parti radical serbe en

20 Croatie, en Slavonie notamment. Donc, il y a les premiers affrontements

21 donc début mai 1991, notamment dans la petite localité de Borovo Selo,

22 donc, c'est dans ce contexte-là que ces unités de volontaires

23 interviennent.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ils les envoient à titre défensif ou à titre

25 offensif ?

26 LE TÉMOIN : A mon sens, il y a les deux aspects. Dans son discours, c'est

27 effectivement défendre les Serbes menacés donc par le nouveau pouvoir

28 croate. Mais derrière ça, il y a une volonté politique de redéfinir donc

Page 3000

1 les frontières de cette région, et donc, de faire en sorte donc que cette

2 nouvelle frontière approche la ligne objective, donc, la ligne qui a été

3 définie par le programme du mouvement, donc, la ligne Karlobag-Ogulin-

4 Karlovac-Virovitica. Mais cette politique, cet objectif est partagé

5 également par la Ligue des communistes de Serbie qui devient en juillet

6 1990 le Parti socialiste de Serbie. Donc, on a là donc plusieurs acteurs

7 qui agissent à plusieurs niveaux. Les uns ayant le contrôle de l'appareil

8 sécuritaire, donc, de la police et de l'armée et d'autres acteurs comme le

9 Parti radical serbe, ce n'est qu'un parti à l'époque et qui envoie des

10 Unités de volontaires en Croatie. Mais on a de fait une convergence, en

11 tout cas, quant aux objectifs, il s'agit à partir du moment où la Croatie

12 se prononce pour son indépendance, il y a la volonté de détacher une partie

13 des territoires de Croatie peuplés de Serbes.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : En vous écoutant sur l'amputation de la Croatie où

15 apparemment c'est les Croates qui commencent, ce n'est pas les Serbes qui

16 en Croatie ont généré les incidents les premiers ?

17 LE TÉMOIN : [imperceptible] parce que --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, pouvez-vous nous expliciter ça ?

19 LE TÉMOIN : Les tensions commencent à se développer en 1989 au moment donc,

20 comme je t'ai dit tout à l'heure, de la célébration du 600e anniversaire de

21 la bataille du Kosovo. Donc, il y a eu au Kosovo même un grand

22 rassemblement, donc, où Slobodan Milosevic donc a tenu un discours

23 maintenant devenu célèbre. Mais on a également donc en juillet 1989, un

24 grand rassemblement des Serbes donc dans la région de la Krajina, où de

25 nombreux Serbes des autres républiques de Bosnie et de Serbie viennent.

26 Donc, je crois que c'est un rassemblement qui a réuni 60 000 personnes à

27 peu près. Et lors de ce rassemblement déjà, est avancé l'idée de créer une

28 entité serbe à l'intérieur de la Croatie, il y a un projet qui sera

Page 3001

1 diffusé.

2 D'ailleurs, dans la presse chetnik de l'immigration sur la création

3 d'une entité serbe à l'intérieur de la Croatie. Donc, à partir de ce

4 moment-là, on a effectivement des tensions qui vont se développer entre les

5 autorités politiques, le pouvoir en Croatie et une partie de la population

6 serbe de Croatie. Donc, là, on est en 1989, les élections n'ont toujours

7 pas eu lieu et Tudjman n'est toujours pas au pouvoir.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais juste ma dernière question avant de redonner la

9 parole à Mme Dahl. L'ex-Yougoslavie, si elle avait été remplacée purement

10 et simplement par la Grande-Serbie. Etait-ce réalisable ou irréalisable ?

11 LE TÉMOIN : En fait, il faut tenir compte d'une chose très importante. En

12 Serbie même, donc la Serbie est l'une des républiques les plus hétérogènes

13 sur le plan national. Selon les chiffres de 1980 ou même de 1991, on a en

14 1991, donc, à peu près 66 % des Serbes dans la République de Serbie, ce qui

15 est très peu par rapport à d'autres républiques plus homogènes, notamment

16 la Slovénie. Donc, à partir du moment où on crée une Grande-Serbie, la

17 proportion des Serbes en fait va en s'amenuisant très largement. Si on

18 prend ces frontières-ci, il n'est pas sûr que les Serbes mêmes seraient

19 majoritaires, dans cette Etat-là. Donc, en général, l'idée si on veut créer

20 une Grande-Serbie, ce n'est pas pour que les Serbes se retrouvent

21 minoritaires dans cette Grande-Serbie là, c'est un élément de réponse. Il y

22 a 66 % de Serbes à l'époque en Serbie.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, en quelque sorte si je comprends bien, cette

24 Grande-Serbie n'aurait jamais pu être dans les frontières de l'ex-

25 Yougoslavie, ce aurait été de toutefois un Etat beaucoup plus réduit ?

26 LE TÉMOIN : La Grande-Serbie exclut donc la Slovénie, et envisage donc une

27 petite Croatie. Mais quand on regarde la carte, c'est quasiment toute la

28 Yougoslavie donc moins la Slovénie et une partie de la Croatie.

Page 3002

1 L'INTERPRÈTE : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce qui me permet de redonner la parole à Mme

3 Dahl puisqu'on --

4 Mme DAHL : [interprétation]

5 Q. Je demande l'affiche de la carte où l'on voit la ligne KOKV, carte

6 numéro 5 de la série de carte dont le numéro ERN est 06046937. Je vais dans

7 un instant vous donner le numéro 65 ter. 7006, tel est le numéro de la

8 liste 65 ter.

9 Monsieur Tomic, pouvez-vous définir la frontière en rouge ici, qui entoure

10 le territoire de la république ?

11 R. Sur une carte plus précise en fait et mieux dessinée, la transposition

12 donc de la carte de la Grande-Serbie telle que publiée dans le journal du

13 Mouvement chetnik-serbe -- Mouvement chetnik-serbe [imperceptible] Velika

14 Srbija.

15 Mme DAHL : [interprétation] J'aimerais qu'une cote soit donnée à cette

16 carte.

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] P151, Monsieur le Président.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection.

19 Monsieur le Président, n'autorisez pas le versement au dossier de cette

20 carte qui est manifestement est un faux. C'est une carte de la Grande-

21 Serbie tirée du magasine Times de Londres et non de la revue Velika Srbija.

22 La ligne Karlobag-Ogulin qui se termine à Virovitica est tout à fait

23 différente dans la revue Velika Srbija. Je ne pense pas à l'autre carte où

24 l'on avait vu un certain nombre de tracés un peu rapide pour la deuxième

25 édition de Velika Srbija, mais l'Accusation possède l'original, la carte

26 originale de la Grande-Serbie tirée de cette revue Velika Srbija. Or, ici,

27 nous avons une carte qui vient du Times.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, cette carte vient du Times. Il

Page 3003

1 conteste le tracé. Bon, qu'est-ce que vous dites en regardant cette carte ?

2 LE TÉMOIN : La carte parue dans Velika Srbija n'est pas une -- ça ressemble

3 plus à un dessin, bon ce n'est pas une carte très précise quand on regarde

4 par rapport à une carte géographique qui est faite selon les règles, ce

5 n'est pas du tout le --

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais la carte qu'on a sous les yeux là est

7 contestée. Est-ce que cette carte intitulée également Grande-Serbie

8 correspond à la carte qui a été publiée dans la brochure du Parti radical ?

9 LE TÉMOIN : Ecoutez, si le point de départ c'est bien la localité de

10 Karlobag si on passe par Ogulin et Karlovac et ensuite Virovitica. Le

11 problème c'est que, moi, à l'écran, je n'ai pas une bonne lecture des noms

12 des localités, donc si c'est vraiment le cas, si le trait passe par la, la

13 ligne occidentale souhaitée par le Mouvement chetnik-serbe et le Parti

14 radical serbe.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vous en prie,

16 enjoignez à l'Accusation de vous faire remettre l'originale de la carte de

17 la Grande-Serbie tirée de notre revue. Ici, il y a des éléments qui

18 manquent -- qui ne sont pas présents sur une autre carte comme Sisak que

19 l'on voie sur celle-ci. Or, l'Accusation possède la carte originale tirée

20 de notre revue, la carte originale pas une espèce de dessin qui est comme

21 une caricature. Je parle du dessin qui a été montré tout à l'heure.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- l'Accusation a la carte originale.

23 Mme DAHL : [interprétation] Je vais demander au Greffier l'affichage de la

24 pièce 7007. C'est la carte numéro 6 de notre série de cartes.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : -- et la carte originale. Non, parce que M. Seselj

26 demande qu'on affiche la, la carte originale qui est parue dans la revue.

27 Alors, c'est celle-là ?

28 Mme DAHL : [interprétation] Je vais poser la question à

Page 3004

1 M. Tomic.

2 Q. Monsieur Tomic, pouvez-vous identifier cette carte ?

3 R. Oui, elle ressemble effectivement à la carte qui est parue dans Velika

4 Srbija. Mais --

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors, on va demander. Monsieur Seselj, la

6 carte qui est là, c'est bien celle qui est parue dans la revue, celle qu'on

7 voie à l'écran ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Celle-ci c'est la carte originale, bien

9 qu'elle m'a l'air un peu étiré ici. C'est peut-être la projection n'est pas

10 tout à fait exacte me semble-t-il. Elle est un peu trop étirée. Mais c'est

11 bien l'original.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, c'est l'original.

13 Madame -- Madame Dahl.

14 Mme DAHL : [interprétation]

15 Q. Monsieur, revenons si vous voulez bien à la question qui vous a été

16 posée par les Juges. Si les frontières de la Serbie étaient agrandies,

17 étaient élargies, pour correspondre à la ligne que l'on trouve sur la carte

18 de la Serbie, qu'adviendrait-il de la partie de la population serbe si tous

19 les habitants restaient dans leurs lieux de résidence, autrement dit s'il

20 n'y avait aucune expulsion de population, aucun échange de population ?

21 Après le nouveau tracé des frontières correspondant à ce que préconisait M.

22 Seselj ?

23 R. Moi, je pense qu'il faudrait effectivement avoir -- faire une étude

24 très affinée, avoir les statistiques précises en tenant compte des

25 recensements de 1991 ou au mieux de celui de 1981, mais il me semble que

26 les Serbes dans cette Grande-Serbie ne seraient pas majoritaires. Ou ils

27 seraient tout juste majoritaires, autour de

28 50 % parce que les gens en Bosnie-Herzégovine ont, les Serbes ont été

Page 3005

1 autour de 33 % de la population. Donc, les Bosniaques musulmans et les

2 Croates donc étaient globalement donc majoritaires. Et en plus la --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Excusez-moi de vous interrompre, vous dites quelque

4 chose d'important qui ne doit pas échapper à personne. Vous venez de dire,

5 si je comprends bien, en regardant même la carte qu'on a sous les yeux.

6 Vous dites : "Grande-Serbie, vu du côté du Parti radical." Cette -- cette

7 carte, si on se penche démographiquement sur les compositions ethniques,

8 d'après vous, vous pensez que les Serbes ne seraient pas totalement

9 majoritaires.

10 LE TÉMOIN : Ils le seraient tout juste moi c'est

11 M. LE JUGE ANTONETTI : -- toujours --

12 LE TÉMOIN : -- autour de 50 % --

13 M. LE JUGE ANTONETTI : -- au taux de 50 %.

14 LE TÉMOIN : -- mais pour réserve, effectivement, je ne peux pas donner une

15 réponse précise. Il faudrait là tenir compte vraiment des recensements

16 commune par commune pour donner une réponse plus précise. Mais quand on

17 sait déjà que les Serbes ne sont pas majoritaires en Bosnie-Herzégovine.

18 Ils ne sont pas majoritaires en Macédoine puisque les macédoniens slaves se

19 déclarent Macédoniens. Il y a une minorité serbe de quelques milliers de

20 personnes en Macédoine.

21 Dans cet -- dans cet Etat, donc, dans les frontières sont incluses

22 également des populations croates en Slavonie notamment et en partie dans

23 la Krajina. Donc, effectivement, d'après -- même des chiffres qui ont paru

24 dans certaines études, je ne pourrais pas les mentionner précisément, mais

25 il me semble effectivement, clairement, que la population serbe serait

26 autour de 50 % ou tout juste au-dessus de 50 %, mais ce qui poserait

27 effectivement un problème à partir du moment où on crée une Grande-Serbie;

28 est-ce que la nation serbe peut se retrouver dans une position finalement

Page 3006

1 aussi faible ?

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais alors cette notion de Grande-Serbie, si on la

3 prend par l'aspect territoire, sans penser ethnie, à ce moment-là, il

4 pourrait y avoir une Grande-Serbie purement territoriale avec les

5 compositions ethniques telles qu'elles sont et 50 % de Serbes et 50 % de

6 non-Serbes. Ou bien, et ça, à mon avis, ça va, c'est la thèse de

7 l'Accusation. Cette Grande-Serbie, telle qu'elle est et telle qu'on la voie

8 sur la carte, ne serait viable que s'il va y avoir des déplacements de

9 population.

10 LE TÉMOIN : Déplacements au moment des événements donc de 1991, les

11 déplacements de population sont envisagés c'est-à-dire qui -- dans de

12 nombreux entretiens qu'il accorde à la presse, M. Seselj effectivement

13 évoque l'idée donc de déplacer les Serbes qui se trouveraient derrière

14 cette ligne donc Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, donc, les Serbes

15 vivant notamment dans les villes de Zagreb et Rijeka qui ne pourraient

16 selon lui pas du tout continuer donc à vivre donc dans un Etat croate

17 indépendant, et par conséquent, il faudrait les déplacer à l'intérieur de

18 la Serbie et procéder à un échange avec les Croates donc de Serbie.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais ce que vous dites est très important. Dans

20 ce qu'il dit c'est qu'à ce moment-là partant de la situation des Serbes en

21 Croatie, il aurait dit que ces Serbes en Croatie doivent intégrer la

22 Grande-Serbie, de revenir donc en Grande-Serbie et que leur venue

23 s'inscrivait, à ce moment-là, dans un échange de Croates de Grande-Serbie

24 qui partiraient là-bas, que -- mais qui partiraient contraints, forcés,

25 volontairement ou ne partiraient pas ?

26 LE TÉMOIN : En général, quand on vit dans une localité, qu'on y est bien,

27 là t'as pas envie de quitter cette localité-là mais on y sa vie, sa vie

28 professionnelle, familiale -- ce processus peut difficilement être un

Page 3007

1 processus accepté par l'ensemble des personnes.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, c'est votre conclusion. C'est que ce transfert

3 ne pouvait que poser la problématique du fait qu'il y avait un côté forcé

4 dans les transferts, d'échanges.

5 LE TÉMOIN : Un échange de population c'était défini -- définit le parti.

6 Est-ce que c'est un accord entre des Etats ? Est-ce que c'est une politique

7 du fait accompli ?

8 Moi, toujours est-il, moi, ce que je peux dire, c'est qu'en 1991, à

9 maintes reprises, cette idée est évoquée donc de l'échange de population.

10 Donc, Vojislav Seselj le mentionnant notamment 200 000 Serbes à Zagreb et

11 30 000 à Rijeka qui ne pourraient plus vivre donc dans l'Etat croate et

12 qu'il faudrait donc installer en Serbie, et donc, par conséquent, il

13 faudrait procéder à un échange de population, donc envoyer les Croates de

14 Serbie vers la Croatie.

15 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai un problème à propos de vos

16 considérations sur la Grande-Serbie, comme il était conçu par

17 M. Seselj, et à propos du pourcentage de Serbes qui auraient composé cette

18 Grande-Serbie, 50 %, vous pensez qu'en vous parler de ce pourcentage aux

19 Serbes orthodoxes, ou vous pensez aussi à d'autres Serbes ?

20 LE TÉMOIN : Bien, je pense --

21 Mme LE JUGE LATTANZI : -- vous pensez sans d'autre religion ?

22 LE TÉMOIN : Je pense aux personnes qui se sont déclarées serbes lors du

23 recensement, puisqu'on demandait la nationalité des personnes. Donc, on n'a

24 pas à définir à leur place la nationalité à laquelle ils appartiennent.

25 Eux-mêmes se sont définis. Ils se sont auto définis. Donc, je tiens compte

26 tout simplement des recensements organisés par les autorités du pays où les

27 gens s'expriment clairement sur leur appartenance nationale. Donc, je --

28 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais, alors, je me demande : en Bosnie-Herzégovine,

Page 3008

1 y avait-il des Serbes qui se sont proclamés de nationalité serbe, ou se

2 sont -- proclamaient-ils de nationalité bosniaque ?

3 LE TÉMOIN : En Bosnie, les trois nations : bosniaque-musulmane, serbe et

4 croate, étaient reconnues comme étant les nations constitutives de l'Etat,

5 bon, de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc, ils se déclaraient comme

6 étant soit Croate, soit Bosniaque, Musulman, donc Musulman, c'était la

7 nationalité musulmane, donc, le nom officiel. Soit Serbe, mais d'autres

8 pouvaient se déclarer éventuellement Yougoslaves, et il y avait également

9 d'autres petits groupes nationaux à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine.

10 Donc, il n'y a pas à l'époque -- il n'y a pas une identité, je dirais,

11 supra nationale bosniaque qui existe.

12 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc, dans ce calcul que vous faisiez sur 50 % de

13 cette Grande-Serbie, il y a aussi les Serbes de Bosnie --

14 LE TÉMOIN : Oui.

15 Mme LE JUGE LATTANZI : -- qui c'était -- qui avaient choisi cette

16 appartenance nationale ?

17 LE TÉMOIN : Oui, oui.

18 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

19 LE TÉMOIN : -- car je tiens compte des personnes qui se sont déclarées

20 serbes lors des recensements dans tous les territoires considérés ici.

21 Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro]

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Il semblerait qu'il y ait eu deux recensements, 1981

23 et 1991. Vous confirmez ?

24 LE TÉMOIN : Il y avait donc en Yougoslavie donc tous les dix ans, donc la

25 première année donc de chaque décennie. Donc, on a le recensement en 1961,

26 1971, 1981 et 1991.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. En 1981 quand il y a eu le recensement dans

28 l'ex-Yougoslavie, il y avait aussi une catégorie yougoslave ?

Page 3009

1 LE TÉMOIN : Oui.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez nous donner grosso modo, dans votre

3 souvenir les proportions des uns des autres ?

4 LE TÉMOIN : Les Yougoslaves n'étaient pas si nombreux de fait. En général,

5 se déclaraient yougoslaves des personnes qui étaient issues de familles

6 mixtes, de couples mixes. Donc, ils étaient plus nombreux dans certaines

7 régions où les populations étaient mélangées comme en Bosnie-Herzégovine,

8 mais c'était de l'ordre, ça serait à vérifier parce que je ne peux pas

9 mémoriser toutes les proportions de population de l'ordre de cinq à huit

10 pourcent en fonction des régions.

11 Mais le fait l'identité nationale yougoslave n'a jamais été soutenu par le

12 pouvoir communiste yougoslave. Au contraire, il s'agissait d'affirmer des

13 identités nationales, slovènes, croates, serbes, donc musulmanes,

14 macédoniennes, monténégrines, mais on ne voulait pas créer une nation

15 yougoslave comme dans la première Yougoslavie parce qu'on estimait que

16 cette idée finalement c'était le point de vue des dirigeants communistes de

17 l'époque. On estimait que cela allait plus dans le sens des intérêts des

18 Serbes qui étaient plus nombreux donc à l'intérieur de la Yougoslavie.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce recensement de '81 ou '91 à l'intérieur de la

20 Yougoslavie, ils étaient en quel pourcentage ?

21 LE TÉMOIN : Les Yougoslaves --

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Les Serbes.

23 LE TÉMOIN : Pour un peu plus de 30 %, je crois que c'est 36 %, si je ne me

24 trompe pas.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : 36 %, et le reste, vous avez des Croates, par

26 exemple ?

27 LE TÉMOIN : Je sais que dans la première Yougoslavie ils étaient à peu près

28 22 % il ne devait pas être très loin de 18 %,

Page 3010

1 20 %, mais il faudrait --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Et les Musulmans ?

3 LE TÉMOIN : Donc, les Musulmans sont -- je ne pourrais pas donner

4 précisément. Ils étaient 44 % à peu près de la population en Bosnie-

5 Herzégovine à cette époque-là. Il y a également des Slaves musulmans en

6 République de Serbie, dans la région de Sandzak notamment. Donc, c'est près

7 de 2 millions d'habitants donc en Bosnie-Herzégovine.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

9 LE TÉMOIN : 1 800 900 milles, mais c'est vrai, pour travailler, moi, je ne

10 peux pas mémoriser parce qu'on couvre une période très longue et je n'ai

11 pas -- il faudrait avoir des tableaux statistique pour pouvoir vraiment

12 travailler.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si vous considérez, Monsieur le Président, que

15 mon objection est injustifiée, je l'a retiré immédiatement, mais il est de

16 mon devoir d'appeler votre attention sur le fait que l'Accusation, avec

17 l'aide du témoin, vous induit en erreur de façon délibérée. Ici, on voit la

18 projection exacte de la Grande-Serbie. On parle de territoires où on parle

19 uniquement Stokavien à l'exception des Hongrois. Quant aux échanges de

20 population que je préconisais, je les appuyais tout à fait sur la Croatie

21 et sur la Serbie existante. Ça fait déjà plus d'une demi-heure qu'on vous

22 induit en erreur et je pense que c'est délibéré.

23 Car ici c'est une projection virtuelle idéalisée, on a une Grande-Serbie

24 qui est de taille beaucoup plus grande que dans la réalité. Dans ce que

25 vous avez sous les yeux il y aurait plus de

26 2 millions de personnes qui se déclaraient Musulmans et plus de

27 2 millions de ceux qui se déclaraient Croates et que je considère comme des

28 Serbes catholiques. Donc, c'est une projection idéale théorique de la

Page 3011

1 Grande-Serbie.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : M. Seselj vient d'apporter un point de vue à ce

3 problème de population. Qu'est-ce que vous avez à dire ?

4 LE TÉMOIN : Si c'est censé être l'espace où on parle Stokavien, il me

5 semble qu'on parle Chakavien dans la région de -- en Dalmatie aussi bien à

6 Split et au-dessus, il me semble avoir entendu parler Chakavien en dessous

7 de la ligne de Karlobag -- sur la côte dalmate. Donc, ce n'est pas

8 uniquement la zone Stokavien qui est présentée ou on parle le parlé

9 Stokavien.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

11 L'INTERPRÈTE : Micro, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je disais qu'on aura l'occasion d'y revenir.

13 Madame Dahl.

14 Mme DAHL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- je vais vous poser une question, Monsieur le

16 Témoin, parce que vous avez compris qu'on a pris beaucoup de temps, mais

17 c'était nécessaire. Manifestement, on ne terminera pas cette semaine. Vous

18 pouvez revenir lundi ?

19 LE TÉMOIN : [hors micro]

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Bon. Attendez, ce n'est pas -- excusez-moi, ce

21 n'est pas lundi, c'est mardi.

22 LE TÉMOIN : [hors micro]

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, pas de problème. Bien.

26 Mme DAHL : [interprétation] Je voudrais obtenir une cote P pour cette carte

27 qui porte le numéro 7007 en application du 65 ter.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Monsieur le Juge, ce sera la

Page 3012

1 pièce P152.

2 Mme DAHL : [interprétation]

3 Q. Penchons-nous maintenant sur la pièce P26, qui présente les frontières

4 de la Grande-Serbie telles reproduites par les républiques de l'ex-

5 Yougoslavie. Alors, je voudrais demander à M. Tomic de nous confirmer les

6 tracés de cette carte.

7 Monsieur Tomic, au vu de cette carte pouvez-vous nous confirmer si les

8 frontières illustrées ici en rouge coïncident avec la carte de la Grande-

9 Serbie publiées par le Mouvement chetnik-serbe ?

10 R. Elles semblent effectivement très proches, oui.

11 Q. Pour éviter tout doute possible, y a-t-il eu une frontière occidentale

12 historiquement parlant allant de Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica ?

13 R. Une partie de cette limite en fait a été la limite au

14 XVIe et XVIIe siècles entre l'Empire d'Autriche et l'Empire Ottoman.

15 Karlobag est une ville qui a été comme son nom l'indique la racine Karl

16 venant de Charles, en fait, de Habsburg de même que Karlovac qui est une

17 ville fortifiée donc qui a été créée donc au XVIe siècle, donc, toujours la

18 même racine, Karl venant de Charles, donc, en fait, on est là dans la

19 région des confins militaires, mais à cette époque n'est certainement pas -

20 - n'est pas complètement identique, mais au moins jusqu'à Karlovac, après,

21 je -- je peux pas garantir que ça soit exactement la même chose plus au

22 nord.

23 Q. Pendant cette période allant de 1990 à 1993, lorsque

24 M. Seselj se faisait l'avocat de cette configuration-là de la Grande-

25 Serbie, est-ce que le concept a bénéficié d'un appui populaire de la part

26 de personnes qui ne se sont pas identifiées elles-mêmes comme étant des

27 Serbes ?

28 R. Je ne pense pas que des membres de minorités nationales ou d'autres

Page 3013

1 communautés nationales que serbes aient pu soutenir une telle politique.

2 Maintenant, il peut y avoir, effectivement, des cas isolés de personnes qui

3 sont peut-être -- qui sont d'origines minoritaires, qui soutiennent cette

4 politique-là, mais souvent ce sont des personnes qui sont très liées aux

5 Serbes, et donc, ils vivent en -- c'est des personnes qui vivent en

6 symbiose avec la population locale serbe, et donc, ils sont très proches

7 des Serbes, mais c'est une politique qui ne peut être que soutenue que par

8 des Serbes. Je ne vois pas autre -- un soutien populaire émerger de la part

9 des populations non-serbes de la région.

10 Q. Mais vous nous dites que les Musulmans en -- de Bosnie-Herzégovine ont

11 appuyé l'idée de cette Grande-Serbie homogène ?

12 R. On parle bien des années 90-93 ?

13 Q. Oui, on parle de cette période.

14 R. Il est possible que certains Musulmans se soient prononcés en faveur de

15 ce projet. Cela dit, ils ne sont pas nombreux, ça reste un phénomène

16 marginal.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce sujet, dans l'audition de

18 M. Seselj, lorsqu'il a témoigné dans le procès de Milosevic, audition qui a

19 été versée dans le dossier puisque la Chambre a décidé de verser cela, M.

20 Seselj cite le cas de plusieurs Musulmans qui, en réalité, se

21 revendiquaient comme Serbes. Vous avez eu connaissance de -- de célébrités

22 -- d'intellectuels musulmans qui, avant de dire : "Je suis Musulman," ils

23 disaient : "Je suis Serbe" ?

24 LE TÉMOIN : C'est, en gros, le cas jusqu'après la Seconde Guerre mondiale,

25 à partir du moment où la nation musulmane n'était pas reconnue. Donc, soit

26 les Slaves musulmans se reconnaissaient comme étant indéterminés, ou soit

27 certains d'entre eux, effectivement, se reconnaissant comme étant Croates

28 ou Serbes, donc, de confession musulmane. Cela dit, le gros des Musulmans

Page 3014

1 de Bosnie-Herzégovine se reconnaissait comme indéterminés.

2 Et, en fait, on a peut-être une partie, mais infime, d'entre eux qui

3 peuvent se déclarer Serbes ou éventuellement Croates en fonction des

4 configurations locales, des histoires locales, familiales. La plupart des

5 intellectuels, je dirais, renommés de bosniaques-musulmans de l'époque

6 soutiennent plutôt le Parti de l'Action démocratique, le SDA, donc, le

7 parti d'Alija Izetbegovic ou, éventuellement, d'autres partis, comme le

8 parti qui deviendra ensuite le Parti social démocrate, donc, issu de la

9 Ligue des Communistes de Bosnie-Herzégovine.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

11 Mme DAHL : [interprétation]

12 Q. Revenons à la création de ce Parti radical serbe en 1991, et je

13 voudrais que vous vous penchiez sur l'intercalaire 144 du -- de votre

14 classeur.

15 Mme DAHL : [interprétation] Je résume, pour les Juges de la Chambre, qu'il

16 s'agit d'une compilation de documents que nous avons fait imprimer à partir

17 de -- de l'un des livres du Dr Seselj et, notamment, le discours à

18 l'assemblée de création, le manifeste, les programmes, ainsi que le statut.

19 Q. Pouvez-vous décrire brièvement ce qui a fait décider à

20 Dr Seselj de créer ce Parti radical serbe en 1991 ?

21 R. On a deux choses, donc, qu'il faut évoquer. Donc, comme vous avez

22 mentionné préalablement, donc on a le Mouvement chetnik- serbe qui n'a pas

23 été reconnu par les autorités du pays, ce qui pose donc un problème pour la

24 -- la perpétuation du mouvement, de son développement. Et on a, à côté de

25 cela, donc, le Parti radical populaire, qui est l'un des partis qui s'est

26 formé donc au moment de la pluralisation de la vie politique serbe, qui

27 connaît une crise politique. C'est un parti qui est divisé au début de

28 l'année 1991, en partie parce que, justement, il n'a pas aussi obtenu

Page 3015

1 d'élus à l'assemblée de Serbie.

2 Donc, Vojislav Seselj va s'entendre avec l'un des dirigeants du Parti

3 radical populaire, Tomislav Nikolic, pour créer, donc, ensemble, un nouveau

4 parti politique. Donc, ils pensent, au départ, garder le nom de Parti

5 radical populaire, mais de fait, lors de l'assemblée -- lors du congrès

6 fondateur, le parti sera dénommé Parti radical serbe.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de citer un nom qui a une certaine

8 notoriété, celui qui apparaît à la ligne 65, ligne 1. Tomislav Nikolic. Qui

9 était-il ?

10 LE TÉMOIN : Il est originaire et il habite Kragujevac et il est à l'époque,

11 donc, membre du Parti radical populaire et il va devenir, donc, par la

12 suite, l'un des principaux dirigeants du Parti radical serbe. Il est

13 aujourd'hui, donc, le vice-président du Parti radical serbe en Serbie.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Et quelle était sa formation ? C'était un juriste,

15 un universitaire ?

16 LE TÉMOIN : Non, non. Il est pas juriste. Je ne pense pas qu'il soie

17 universitaire. J'ai oublié sa profession d'origine, mais je --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Et au moment de la création de ce parti, c'est un

19 homme fort du parti ou -- ?

20 LE TÉMOIN : Bien, le Parti radical populaire est un parti qui est connu

21 parce qu'en fait, c'était le principal parti politique dans la vie

22 politique serbe à la fin du XIXe siècle et jusque dans les années 20 en --

23 donc dans le Royaume de Yougoslavie. Cela dit, c'est un parti qui n'a pas

24 réussi à s'imposer lors des premières élections libres en Serbie, donc, en

25 décembre 1990. Donc, je ne connais pas suffisamment quelle était la

26 situation à l'intérieur de ce parti, toujours est-il c'est que c'est un

27 parti qui se divise à l'époque, donc après les élections de décembre 90 et

28 qu'une partie des sections de ce parti va adhérer, donc, au projet de

Page 3016

1 création, donc, du Parti radical serbe avec le Mouvement chetnik-serbe.

2 C'est une formation de fait marginal puisqu'elle n'a pas tenue -- elle a

3 obtenu un faible score aux élections.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

5 Madame Dahl.

6 Mme DAHL : [interprétation]

7 Q. Si on se penche sur le discours du Dr Seselj lors de cette assemblée

8 constituante, vous est-il possible d'y voir les engagements par lesquels Dr

9 Seselj rend clairement les positions qui sont celles de son parti ?

10 R. Est-ce qu'il s'agit de -- de quelle page précisément ? Je ne vois à

11 quelle page vous vous référez.

12 Q. Excusez-moi, j'ai pris la version serbe. Page 6 de la version anglaise

13 de la version anglaise [aucune interprétation] apparaît sous le CV11, c'est

14 : "Dans son deuxième -- son deuxième interprétation à l'intention des

15 délégués et des invités que le

16 Dr Seselj en fait état."

17 Mme DAHL : [interprétation] J'aimerais que mon assistante m'aide à ce sujet

18 pour ce qui est du texte en serbe, pour vous donner la page exacte.

19 Q. Vous l'avez retrouvé ?

20 R. Oui.

21 Q. Alors, quels sont les engagements qu'évoque le Dr Seselj pour ce qui

22 est du Parti radical serbe ?

23 R. Il prétend donc se placer dans la continuité donc du Parti radical

24 populaire qui a été fondé donc en 1881 et qui était donc le principal parti

25 politique serbe donc à l'époque, donc, fondé par Nikola Pasic qui était

26 l'un des principaux chefs de gouvernement dans le Royaume de Serbie, puis

27 après même y compris dans le Royaume de Yougoslavie, et donc, il prétend

28 que le programme donc du Parti radical serbe est identique à celui donc du

Page 3017

1 parti fondé par Nikola Pasic en 1881.

2 Q. Est-ce bien le cas ?

3 R. Le préambule des deux programmes est effectivement identique, notamment

4 en préambule il est fait mention de l'objectif donc de l'unification du

5 peuple serbe à l'époque. Cela dit, étant donné la réalité politique de la

6 Serbie de la fin du XIXè siècle et la Serbie du début des années 1990, cela

7 ne pouvait pas être complètement le même programme puisque les demandes

8 faites par les radicaux en 1881, des demandes spécifiques ne pouvaient pas

9 être celles des radicaux en 1991.

10 Q. [aucune interprétation]

11 R. Mais je dirais que le programme donc qui est rédigé, formulé à partir

12 donc du programme du Parti radical populaire de 1881, n'est pas vraiment

13 l'élément, disons, essentiel pour analyser le programme du Parti radical

14 serbe. On a un autre document beaucoup plus important à mon sens, qui est

15 la déclaration programmatique du Parti radical serbe, qui elle reprend en

16 grande partie le programme du Mouvement chetnik-serbe. Mais ce qui est à

17 l'époque --

18 Q. Passons à la partie qui porte en chiffre romain le CXI. Et on parle du

19 : "Manifeste de ce Parti radical serbe." Il y a quelques pages de textes

20 sous vos yeux.

21 Si on se penche sur ce manifeste, comment est-il procédé à la comparaison

22 du Parti radical serbe et du Mouvement chetnik-serbe ?

23 R. Au début de cette déclaration donc il est affirmé que donc le Parti

24 radical serbe s'inscrit donc dans la tradition des radicaux ou du Mouvement

25 radical serbe tel que fondé donc par Nikola Pasic. Et ensuite le programme

26 lui-même est à peu de choses près exactement le même programme en fait que

27 celui du Mouvement chetnik-serbe. Il y a eu disons quelques développements

28 ou des points qui ont été ajoutés, la réalité politique ayant quelque peu

Page 3018

1 évoluée en l'espace d'une année, un peu plus d'un an d'ailleurs.

2 Q. Si on se penche sur le paragraphe 1 de ce manifeste, est-ce qu'il y a

3 régulation de cette réunification des terres serbes ?

4 R. Le premier article est en fait identique à l'article du programme

5 chetnik serbe, donc sont mentionné donc les mêmes territoires qui ont été

6 évoqués déjà précédemment.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Je constate qu'on évoque au 3, la monarchie à

8 nouveau. Qu'est-ce que vous nous dites ?

9 LE TÉMOIN : Mais, en fait, justement les points 2 et 3 ont été ajoutés donc

10 dans le programme du Parti radical serbe. Donc, ce sont deux éléments

11 nouveaux par rapport au programme du Mouvement chetnik-serbe dans la mesure

12 où effectivement le Mouvement chetnik s'inscrit plutôt dans la tradition

13 monarchiste et cet élément n'avait peut-être pas été suffisamment pris en

14 compte dans le précédent programme. Cela dit, le point qui est important

15 c'est le point donc concernant le référendum --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Non, mais vous zappez très vite sur cette question.

17 --

18 LE TÉMOIN : Non, mais il s'agit donc de --

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- la question monarchiste semble être prise en

20 compte par le Parti radical serbe. C'est indiqué noir sur blanc --

21 LE TÉMOIN : La tradition, la tradition monarchiste effectivement est prise

22 en considération, mais à partir du moment où on dit qu'il faut organiser

23 donc un référendum pour le retour, bon, en général, c'est ce qui se passe

24 dans la plupart des pays qui changent de régime, on organise un référendum.

25 Mais cela dit à cette époque-là, Vojislav Seselj semble beaucoup moins

26 favorable au rétablissement de la monarchie en Serbie car il n'a pas

27 confiance dans Aleksandar Karadjordjevic qui selon lui donc a eu tendance à

28 mettre sur le même plan les Oustachi et les Chetniks de la Seconde Guerre

Page 3019

1 mondiale. Donc, il lui apparaît pas comme quelqu'un défendant suffisamment

2 la cause nationale serbe, il serait en quelque sorte un peu trop libéral et

3 donc ce n'est pas une personne qui peut être un soutien pour le mouvement

4 en question.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais dans ce Parti radical serbe, le

6 Dr Seselj était l'alpha et l'oméga du parti, ou bien, il y avait d'autres

7 personnes qui pouvaient dire : nous voulons que la question de la monarchie

8 soit inscrite dans le programme, et cetera ? Et que lui n'était pas l'alpha

9 et l'oméga, accepte ces intégrations dans un texte.

10 LE TÉMOIN : Je pense qu'il y a eu des critiques certainement qui ont été

11 prises en considération, probablement même des critiques émanant des

12 anciens combattants chetniks donc aux Etats-Unis, à partir du moment où on

13 estimait qu'il ne défendait pas suffisamment la monarchie et la dynastie

14 royale donc de Karadjordjevic. Donc, ces éléments sont pris en

15 considération donc dans le programme --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Et qui sont les deux autres familles là, les

17 Obrenovic et Petrovic ?

18 LE TÉMOIN : Donc, les Obrenovic c'était une des dynasties donc qui a régné

19 en Serbie au XIXè siècle, mais depuis 1903, donc, depuis l'assassinat du

20 roi de l'époque, on a que les Karadjordjevic qui ont régné, donc, soit en

21 Serbie ou après à l'intérieur du Royaume de Yougoslavie. Donc, les seuls à

22 pouvoir prétendre au trône sont les Karadjordjevic. Les Petrovic étaient la

23 dynastie donc princière, puis royale donc du Monténégro.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ah, ma collègue me fait signe qu'il est

25 l'heure de faire la pause. Il est moins dix, nous allons faire une pause de

26 20 minutes.

27 Mme DAHL : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut avoir

28 une cote P avant que ceci ne s'en aille de nos écrans ?

Page 3020

1 Mme DAHL : [interprétation] Ce sera le P100 -- MFI ---

2 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le numéro.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que j'aurai l'occasion de commencer mon

4 contre-interrogatoire aujourd'hui ? Je ne sais pas combien de temps Mme

5 Dahl a encore à sa disposition ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors attendez. D'abord, il faut que le Greffier

7 redise le numéro parce qu'il n'a pas été inscrit. Oui, alors redites le

8 numéro.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] MFI 153.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, vous avez encore une heure et sept

11 minutes. Donc, quand on va reprendre vous aurez encore une heure et sept

12 minutes, et malheureusement, Monsieur Seselj, vous commencerez donc demain.

13 Bien. Alors, on se retrouve dans 20 minutes.

14 [Le témoin quitte la barre]

15 --- L'audience est suspendue à 11 heures 53.

16 --- L'audience est reprise à 12 heures 12.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, l'audience est reprise. Alors, il

18 serait souhaitable, et je vais donner la parole à Madame Dahl, si vous

19 pouviez terminer tout pour une heure et quart. Ce serait bien. Je vais

20 essayer de ne plus poser de questions pour vous permettre d'utiliser

21 l'heure qui vous reste, l'heure et sept minutes.

22 Oui.

23 Mme DAHL : [interprétation] C'est ce que je vais m'efforcer de faire mais

24 encore une fois je tiens à dire que les questions de la Chambre sont les

25 bienvenues et je voudrais satisfaire toute curiosité que vous auriez au

26 sujet de l'affaire.

27 Deux points très brefs au sujet de la procédure à suivre. Vous avez demandé

28 à M. Seselj de dire s'il y a des points sur lesquels il pourrait y avoir

Page 3021

1 des points d'accord entre les parties, le 3 janvier, j'ai invité M. Seselj

2 par lettre à nous rencontrer avec une liste de faits, points d'accords ou

3 proposés. Le 7 décembre 2007, j'ai envoyé une liste de documents dont M.

4 Seselj est l'auteur avec une indication lui faisant comprendre que

5 j'aimerais savoir quelle est sa position ? Est-ce qu'il avait des

6 objections et est-ce qu'il acceptait leur versement au dossier ? Je prépare

7 une requête par écrit, j'aimerais savoir quelle est sa post là-dessus. Je

8 n'ai reçu à ce jour aucune réponse sur ces lettres que je lui ai envoyées,

9 donc, est-ce que la Chambre pourrait prendre soin de cela.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : -- très vite. Vous savez que je vous avais incité à

11 vous rapprocher pour essayer de vous mettre d'accord sur certains points

12 qui permettraient de gagner du temps.

13 Alors, Mme Dahl nous dit qu'elle vous a envoyé une lettre récemment

14 le 7 décembre et il n'y a pas de réponse. Vous --

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, or, en votre qualité de

16 juge de la mise en état c'est à la mi octobre, je pense, que vous avez

17 délivré votre ordonnance. Donc, c'était plus de 20 jours avant le début du

18 procès. J'attendais que Mme Dahl s'adresse à moi, ce qu'elle n'a pas fait.

19 Le procès s'est ouvert le 7 novembre.

20 La lettre de Mme Dahl contenant la proposition des faits qui d'après elle

21 sont incontestés et elle me demande mon avis, je l'ai reçu le 3 ou le 4

22 janvier, donc, deux mois et demi après votre ordonnance. Permettez-moi

23 d'avoir le droit maintenant d'attendre deux mois et demie avant de répondre

24 à Mme Dahl.

25 Bon, c'est une plaisanterie. J'espère que vous l'accepterez. C'est le 7

26 novembre que le procès s'est ouvert. Mme Dahl et moi nous sommes trouvés

27 dans les arènes maintenant soit l'un, soit l'autre sera "knocked out." Elle

28 a eu sa chance pendant pratiquement cinq ans. Elle et ses collaborateurs

Page 3022

1 auraient pu parvenir à un accord sur nombre de points avec moi. Elle aurait

2 pu renoncer pour sa part à un grand nombre de faits qui me sont reprochés à

3 l'acte d'accusation si elle avait pris en compte des documents que j'ai

4 entre mes mains, ça aurait fait gagner de l'argent, et des ressources au

5 Procureur et au Tribunal, mais l'Accusation n'a pas souhaité le faire. Or

6 ma porte lui a été ouverte pendant plus de quatre ans. Donc, je pense que

7 maintenant cette question est close.

8 Maintenant, nous sommes dans le "ring" et voyons maintenant quels sont les

9 arguments d'une partie et de l'autre. Bien sûr, sa position est plus

10 difficile parce qu'elle n'a pas été capable de vérifier un certain nombre

11 de choses prônant une confrontation directe avec moi mais ce n'est pas de

12 ma faute. Je ne vois pas sur quoi nous -- on pourrait porter nos

13 conversations, nos échanges, puisque le procès vient de commencer.

14 Et puis je n'ai pas de temps pour organiser des rencontres. Moi, je

15 mène des préparatifs très intenses tous les jours pour la suite du procès.

16 Donc, je ne vois pas de quoi on pourrait parler.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- juste très rapidement. Il se trouve que vous avez

18 une double casquette. Vous êtes en même temps accusé mais en même temps

19 votre propre avocat, donc, en quelque sorte, vous êtes aussi avocat. Et

20 dans les procès qui ont lieu devant ce Tribunal, les avocats des accusés

21 rencontrent l'Accusation dans les couloirs, discutent, essayent de se

22 mettre d'accord sur certains points, donc, voilà. C'est dans le souci du

23 dialogue, chacun, bien entendu, pouvant rester sur ses positions.

24 Mais parfois le dialogue peut être fructueux. Il peut y avoir de bonnes

25 surprises.

26 Je vous donne acte effectivement, vous aviez, à l'époque quand j'ai

27 lancé cela, proposé la rencontre, vous n'aviez aucun obstacle et puis

28 l'Accusation a tardé, ce qui m'avait étonné puisque j'avais demandé à

Page 3023

1 l'Accusation : mais, alors, qu'est-ce que vous faites ? Et il n'y avait pas

2 eu de réponse à l'époque. Là, apparemment, la réponse est venue le 7

3 décembre.

4 Alors, vous avez une lettre. C'est à vous de voir. Moi, je ne joue

5 qu'un rôle pour essayer de faciliter les rapports entre les uns et les

6 autres. S'il ne peut pas y avoir de dialogue, il n'y a pas de dialogue. Au

7 moins j'aurai fait le maximum.

8 Donc, voilà, voilà ce que je voulais dire sur cette question.

9 Madame Dahl.

10 Mme DAHL : [interprétation] Je comprends que M. Seselj n'est plus

11 disposé à nous rencontrer -- à me rencontrer pour ce qui est des pièces à

12 conviction à être versées au dossier, les pièces dont il est l'auteur. Est-

13 ce qu'il pourrait s'exprimer sur la liste que je lui ai fournie ? Est-ce

14 qu'il pourrait nous dire s'il aurait des objections à ce qu'on verse au

15 dossier ces pièces-là ? Et il pourrait également apporter des mentions sur

16 sa liste --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- il y a toute une série de documents qui vous

18 concernent, que vous, dont vous êtes l'auteur, et cetera. S'il n'y a pas

19 d'objection, dites-le, et comme ça, Mme Dahl, un jour, dira : voilà je

20 demande le versement de -- et puis elle nous indiquera toutes les pièces en

21 disant qu'elle a recueilli votre -- votre accord. C'est aussi simple,

22 surtout qu'il y a beaucoup de documents qui viennent du Parti radical serbe

23 ou qui sont de votre main ou de vos propres écrits. Alors, essayons de

24 gagner du temps sur ce sujet, Monsieur Seselj.

25 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, premièrement, une petite

26 correction. Il ne s'agit pas du 7 décembre, il s'agit du 3 janvier. C'est

27 la date qui figure sur la lettre envoyée par Mme Dahl qui m'a été envoyée,

28 donc, deux mois et demi, voire plus, depuis votre ordonnance.

Page 3024

1 Deuxièmement, s'agissant de ces documents, Mme Dahl m'a envoyé des

2 documents un petit peu avant que l'on --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : -- s'est levée. D'après ce que je comprends,

4 elle vous a envoyé une lettre le 7 décembre, mais la lettre vous l'avez eue

5 traduite que le 3 janvier; c'est ça ? Madame Dahl, non ? Précisez.

6 Mme DAHL : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Deux lettres

7 sur deux sujets différents. Le 7 décembre, sur les pièces; et le 3 janvier,

8 sur la rencontre portant sur les points d'accord, les deux lettres lui ont

9 été fournies dans une langue qu'il comprend.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, il y a eu deux lettres, une lettre sur

11 les points d'accord et une lettre sur les pièces -- sur les documents.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me semble que, maintenant, nous avons réglé

13 la question de ces propositions portant sur les faits d'accord -- sur les

14 points d'accord. Rien ne fait l'objet d'accord et tout fait l'objet de

15 contestation. Donc, permettez-moi de me focaliser maintenant sur la

16 deuxième question, le deuxième problème.

17 Peu avant qu'élément [comme interprété] le Témoin expert Oberschall ne

18 vienne pas le 7 ou le 8 décembre, j'ai reçu cinq, me semble-t-il,

19 classeurs, comportant des documents et avec une lettre d'accompagnement

20 rédigée par Mme Dahl qui me laisse comprendre qu'après l'audition du Témoin

21 Oberschall, qui avait été prévu mardi à mercredi, et bien que le jeudi qui

22 allait suivre, elle allait proposer le versement au dossier de ces

23 documents. Et immédiatement, je lui ai répondu par une lettre en exigeant

24 en langue serbe le classeur comportant ces documents parce que j'ai reçu

25 une liste uniquement en anglais. Par la suite, elle m'a fait parvenir cela

26 en langue serbe. Tous ces documents, je les ai apportés dans le prétoire.

27 Vous avez vu, la garde a dû porter à ma suite trois, me semble-t-il, grands

28 cartons, mais il n'y avait pas de temps -- temps. Après la déposition du

Page 3025

1 Témoin Oberschall, vous avez mis fin au débat -- levé l'audience.

2 Personnellement, je considère qu'aucun document ne peut être versé au

3 dossier à hors débat, hors audience. Donc, tout document doit être

4 identifié ici avant d'être versé au dossier. Autrement dit, ici, dans le

5 prétoire, j'ai le droit de prendre position sur chacun de ces documents

6 prit individuellement. Je les ai examinés et pour à peu près les deux tiers

7 d'entre eux, je peux accepter leur versement au dossier parce qu'il s'agit

8 de photocopies et de traductions de -- d'extraits de mes livres, et il

9 s'agit de mes textes. Il existe, en gros -- en gros, un tiers de documents

10 auquel je m'opposerais. Donc, je m'opposerais à leur versement au dossier,

11 mais, voyez-vous, chacun de ces documents mérite au moins que -- qu'il soit

12 mentionné dans le prétoire, et non pas qu'on les verse en bloc hors

13 audience, hors débat. Donc, vous pouvez nous annoncer un jour où on

14 examinera cela

15 -- on décidera de cela. On verra les documents un par un. Lorsque j'aurai

16 des objections, je le dirai brièvement. Je dirai pourquoi je m'y oppose et

17 puis, pour les autres, je les accepterai. Je pense que c'est le plus

18 simple.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Dahl, est-ce que la solution ne pourrait pas

20 être la suivante : vous -- vous reformatez une -- une liste de documents,

21 les documents indiscutables, ceux du Parti radical serbe, les documents de

22 M. Seselj, je ne sais pas moi, et vous indiquez, dans cette liste, les noms

23 des témoins qui viendront et auxquels les documents seront soumis. Comme

24 ça, M. Seselj ayant la liste et les témoin saura que le document sera

25 présenté, et, à ce moment-là, il dit "oui", "non" ou, et cetera. Et -- et

26 tous les documents où il dit "oui", on leur donnera un numéro définitif,

27 mais, bien entendu, vous les présenterez au témoin ou lui pourra toujours,

28 dans le cas de contre-interrogatoire, les présenter.

Page 3026

1 Oui, Monsieur.

2 M. SESELJ : [interprétation] Je veux juste faire une remarque avant que Mme

3 Dahl ne prenne la parole. Il ne s'agit pas de documents qui seront

4 concernés par la déposition de tel ou tel témoin. Il s'agit de documents

5 qui sont versés au dossier directement, sans déposition de témoin. C'est

6 comme cela que je l'ai compris, don, pas par l'intermédiaire d'un témoin.

7 Donc, la plupart de ces documents ne posent pas problème à mes yeux, mais

8 il faut que je puisse m'exprimer individuellement sur chacun de ces

9 documents qui doivent être mentionnés dans ce prétoire. Dites-moi

10 simplement quelle date, quel jour, j'apporterai ces documents. Il n'y a pas

11 lieu que Mme Dahl m'envoie de nouveau la liste puisque je l'ai, je l'ai en

12 serbe. Donc, est-ce que vous pouvez juste fixer la date et le moment.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, on a beaucoup de documents, des

14 documents qui ne prêtent pas à contestation parce que ce sont des documents

15 rédigés de votre propre main. Ce que vous voulez, vous, c'est de poser des

16 questions à partir de ces documents. Très bien, et c'est pour ça que je dis

17 à Mme Dahl elle n'a qu'à faire la liste des documents et qu'elle mette,

18 vis-à-vis de chaque document, le nom du témoin qui viendra. Et, à ce

19 moment-là, vous avez votre contrôle.

20 Voilà, c'est ça que je voulais dire. Et comme ça, c'est un ga

21 -- un gagne temps. On pourra donner un numéro et ces documents seront --

22 seront admis sauf si, dans les documents, il y en a qui sont des faux, vous

23 les contestez, mais c'est à vous de les contester.

24 Bien. Alors, donc, Madame Dahl. Retentez à nouveau l'opération. Vous lui

25 refaites un listing, vous marquez les témoins qui viendront pour ces

26 documents, vous lui envoyez, on attend la réponse et puis, à ce moment-là,

27 on gagnera du temps parce qu'on voit bien qu'à chaque fois un document, il

28 faut que le greffier se lève pour donner un numéro, et cetera, alors qu'on

Page 3027

1 peut faire une seule opération. Bien, si on a épuisé le sujet, on va faire

2 entrer le témoin pour continuer. Alors, allez chercher le témoin.

3 Mme DAHL : [interprétation] Entre-temps, mon intention était de travailler

4 entre professionnels, donc, le Dr Seselj me dit ce qui en est de ses

5 différentes déclarations, qu'il n'a pas de contestations là-dessus. Je ne

6 pense pas qu'il y ait un problème portant sur l'authenticité ou la

7 pertinence. Je vais essayer, effectivement, d'établir une liste en

8 parallèle avec les documents et les témoins, mais, dans un premier temps,

9 ce serait utile s'il pouvait tout simplement nous dire quels sont les

10 documents sur lesquels il aurait des objections, donc, qu'il s'opposerait à

11 leur versement ou lesquels il accepterait que l'on verse.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour ça, il faut qu'il ait la liste complète, le nom

13 des témoins, et cetera.

14 [Le témoin revient à la barre]

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il me semble que le problème -- enfin, ce qui

17 pose problème, c'est la manière de procéder. Il me semble que Mme Dahl

18 souhaite que je m'exprime par écrit. Or, moi, j'exige d'avoir la

19 possibilité de m'exprimer oralement, dans le prétoire. Je voudrais avoir

20 entre les mains chacun de ces documents pour dire J'accepte, J'accepte,

21 J'accepte, pour celui-ci je n'accepte pas, pour telle ou telle raison.

22 Donc, c'est ça ce qui nous -- notre différence. C'est un point important et

23 il ne peut pas être traité sous forme d'écriture, de correspondance. Ça

24 doit être fait dans le prétoire.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Le cas échéant, ça peut être fait dans le prétoire.

26 Vous aurez la liste, et puis, un jour, je vous donne la parole et vous

27 direz le document X, je suis d'accord, le document Y, je suis pas d'accord,

28 et cetera. Voilà, et comme ça -- et si vous dites que vous êtes d'accord,

Page 3028

1 on dit au greffier de nous donner un numéro dans la foulée.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il faut m'avertir la veille pour me dire que

3 c'est à tel moment qu'il faut que j'apporte les documents dans le prétoire

4 pour être prêt à me prononcer sur eux.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, normalement, elle va vous donner une liste.

6 Vous allez avoir une liste des documents. Elle va les lister, les

7 documents. Elle va vous faire une colonne témoins. Le cas échéant, même

8 paragraphe de l'acte d'accusation pertinent par rapport au document. Bon.

9 Et, un jour, à votre convenance, avec la liste que tout le monde aura, vous

10 direz : le numéro 1, je suis d'accord; le 2, je suis d'accord; le 3, je ne

11 le suis pas; le 4, je suis d'accord; le 5, je suis d'accord; le 6, non;

12 puis voilà. Enfin, on fera comme ça. Bien.

13 Madame Dahl.

14 Mme DAHL : [interprétation]

15 Q. Monsieur Tomic, est-ce que l'on peut reprendre maintenant les statuts

16 du Parti radical serbe. On en a parlé avant la pause. Est-ce que vous

17 pourriez vous reporter au point CXIII. Est-ce que vous pouvez me décrire,

18 donc, quel était l'objectif de ce -- de ces statuts politiques ?

19 R. Les statuts définissent l'organisation interne du parti, donc des -- de

20 la base vers le sommet. Donc, on définit quelle est la direction du parti,

21 quelle est l'instance, disons, qui dirige le parti jusqu'aux comités locaux

22 de -- du Parti radical serbe. Donc, c'est un document qui se regarde

23 principalement l'organisation interne du -- du parti.

24 Q. Le Parti radical serbe, est-ce qu'il a créé des antennes à l'extérieur

25 de Serbie ?

26 R. Il y avait effectivement des branches du Parti radical serbe en Croatie

27 et en Bosnie-Herzégovine. Et à partir de 93, également en Montenegro.

28 Q. Ces statuts ont-ils été enregistrés auprès des autorités serbes ?

Page 3029

1 R. Les statuts du Parti radical serbe, oui, mais je pense que chacune des

2 branches, donc, devait s'enregistrer auprès des autorités locales puisqu'on

3 avait, donc, le Parti radical serbe de la Republika Srpska de Krajina, et

4 ensuite, le Parti radical serbe de la Republika Srpska. Donc, chacune de

5 ces branches, donc, devait faire l'objet d'enregistrements auprès des

6 autorités des régions en question.

7 Q. Dr Seselj, est-ce qu'il a articulé le programme du Parti radical serbe

8 ?

9 R. Je ne comprends pas le sens de la question, articuler le programme,

10 dans quel sens ?

11 Q. Excusez-moi. Est-ce qu'il y avait un programme -- un programme dans

12 lequel étaient précisés les objectifs du Parti radical serbe ?

13 R. Mais il y a donc la déclaration programmatique que nous avons évoquée

14 tout à l'heure, outre le programme officiel du parti, donc, faisant

15 référence au Parti radical populaire donc de 1881.

16 Q. Quels étaient les objectifs du Parti radical lorsqu'il s'est constitué

17 en 1991 ?

18 R. Ce sont quasiment les mêmes objectifs que ceux qui avaient été fixés

19 par le Mouvement chetnik-serbe, puisque une bonne partie des éléments du

20 programme en fait sont repris sans modification d'ailleurs dans le

21 programme du Parti radical serbe. Donc, c'est l'idée effectivement de

22 constituer donc une Grande-Serbie avec tous les éléments concernant ce dont

23 nous avons déjà parlé, donc, la mise en place d'un état de droit, d'un état

24 démocratique. Une économie de marché. On a également les mêmes points

25 concernant la solution de la question du Kosovo, avec quelques ajouts

26 malgré tout concernant cette question.

27 L'ajout étant le suivant, c'est-à-dire qu'il est proposé d'installer

28 dans la région du Kosovo-Metohija toutes les académies militaires et toutes

Page 3030

1 les académies de la police, de telle sorte à ce que les dizaines de

2 milliers d'officiers de sous-officiers, de policiers ainsi que leurs

3 membres de leur famille s'installent dans la région du Kosovo. Donc, ça,

4 c'est un élément qui avait été évoqué lors du séjour de M. Seselj aux

5 Etats-Unis lorsqu'il avait tenu donc toutes ces conférences dans lesquelles

6 il présentait son programme politique.

7 C'est un point qui avait été déjà évoqué en 1989, donc, il ne

8 figurait pas dans le programme du Mouvement chetnik-serbe donc de juin

9 1990. Donc, là, c'est un élément important puisqu'on voit bien qu'il s'agit

10 là de renforcer la population serbe du Kosovo en y installant donc des soit

11 des administrations ou des institutions. Donc il s'agit là de contribuer à

12 la modification disons de la structure ethnique de la population du Kosovo.

13 Il y a également une incitation donc l'installation au Kosovo donc en

14 parlant de salaires qui seraient plus élevés également pour les personnes

15 qui se trouvaient un emploi dans cette région.

16 Q. Qu'est-il advenu du Mouvement chetnik-serbe après la création du Parti

17 radical serbe ?

18 R. En fait, le Mouvement chetnik-serbe n'a pas été dissout au moment de la

19 fondation donc du Parti radical serbe, le 23 février 1991. Il est devenu

20 une section du Parti radical serbe ainsi que les organisations qui

21 appartenaient collectivement au Mouvement chetnik-serbe, donc, il y avait

22 le club culturel serbe, notamment, mais ces section qui intègrent le Parti

23 radical serbe ne sont pas définies dans les statuts du parti, tels qu'ils

24 ont été publiés.

25 Q. Qu'est-ce que cela signifie d'être membre collectif du Parti radical

26 serbe ?

27 R. Par exemple, le Club culturel serbe, qui a été donc refondé en

28 septembre 1990, a décidé deux jours après même sa fondation de rejoindre le

Page 3031

1 Mouvement chetnik-serbe en tant que organisation, donc, en tant collectif.

2 Cela voulait dire donc l'ensemble des membres du Club culturel serbe

3 devenait membres du Mouvement chetnik-serbe mais il y avait la structure

4 elle-me qui demeurait donc -- qui n'était pas [imperceptible]. Donc, c'est

5 une adhésion collective. Donc, le Club culturel serbe était l'une des

6 sections du Mouvement chetnik-serbe.

7 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi, mais cette adhésion collective c'était

8 seulement un moyen pour l'adhésion individuelle des membres de cette

9 association ou c'était exactement une adhésion individuelle mais aussi une

10 adhésion de l'entité comme telle, collective ?

11 LE TÉMOIN : C'est l'ensemble des membres de cette organisation qui ont

12 décidé d'adhérer, que leur organisation adhère donc au Mouvement chetnik-

13 serbe. Donc, au moment où on créait donc le Parti radical serbe, on garde

14 donc ces organisations qui deviennent donc des sections cette fois-ci du

15 Parti radical serbe. Donc, on a des sections qui sont imbriquées les unes

16 dans les autres, mais quand on regarde y compris le congrès fondateur du

17 Parti radical serbe, on pouvait penser que c'est le premier congrès de

18 cette organisation politique. Mais dans la présentation qui en est donnée

19 par les radicaux, il s'agit en fait du deuxième congrès du mouvement,

20 puisqu'en fait on prend en compte déjà le congrès fondateur du mouvement

21 libertaire serbe en janvier 1990. Donc, ce qui montre bien qu'on est dans

22 la continuité de l'engagement politique finalement de Vojislav Seselj

23 depuis janvier 90. L'historique du Parti radical serbe et en fait

24 l'historique des engagements politiques de Vojislav Seselj à travers le

25 mouvement libertaire serbe, donc, créé en janvier 1990, puis ensuite, du

26 Mouvement chetnik-serbe créé en juin 1990. On a là affaire en fait à une

27 continuité programmatique et également dans l'action.

28 Ce qui m'apparaît également important de souligner par rapport aux ajouts

Page 3032

1 disons dans le programme du Parti radical serbe, c'est le point 8 qui

2 concerne en fait l'installation des membres des minorités nationales serbes

3 des états voisins, donc, d'Albanie, Roumanie, Hongrie, Bulgarie et Grèce --

4 pardon, en Serbie. Il y a d'ajouter également donc également un point

5 concernant l'installation des Serbes vivant donc à l'ouest de la ligne

6 Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica. Donc, cette ligne apparaît désormais

7 dans le programme du Parti radical serbe et rejoint ce que je disais tout à

8 l'heure avec cette volonté donc de vouloir installer les Serbes qui vivent

9 au-delà de cette ligne, donc, à l'ouest de cette ligne donc de vouloir les

10 installer en Serbie.

11 Mme DAHL : [interprétation]

12 Q. Je vous prierais maintenant de vous pencher sur le document que l'on

13 trouve à l'intercalaire 262, à l'intercalaire 62. Il s'agit d'une interview

14 de M. Seselj publiée dans la Revija qui a été reprise ensuite dans

15 l'ouvrage dont il est l'auteur et qui porte le titre : "Destruction de

16 l'entité nationale serbe." Et je crois que l'interview date du 31 mai 1991.

17 Dans votre rapport, vous dites comment M. Seselj -- ou plutôt excusez-moi,

18 comment le Parti radical serbe a organisé des volontaires au moment de

19 l'éclatement des incidents armés en Croatie. Alors, en relisant cette

20 interview, pourriez-vous résumer ce que

21 M. Seselj a dit au sujet de ces volontaires ?

22 R. En fait, je ne suis pas sûr d'avoir entendu le bon numéro de la pièce

23 que vous -- est-ce que c'est 262 ou 162, parce que j'ai

24 --

25 Q. 262. Pourriez-vous expliquer comment M. Seselj -- ou plutôt, excusez-

26 moi, pourriez-vous résumer la façon dont M. Seselj y explique la

27 constitution -- la création de ces détachements chetniks et leur mode de

28 déploiement ?

Page 3033

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Et c'est bien le document 262, Madame ?

2 L'INTERPRÈTE : Micro, Madame le Juge Lattanzi, je vous prie.

3 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi. Alors, je m'excuse d'interrompre, mais

4 je suis en train de chercher le point 8 auquel le témoin a fait référence.

5 A la page 82, ligne 14. Je ne réussis pas à le trouver et c'est une chose

6 assez importante selon moi. Je voudrais bien le voir. Est-ce qu'on pourrait

7 me donner les références

8 précises ? C'était le document précédent, mais je ne trouve pas.

9 Mme DAHL : [interprétation] C'est la pièce 144 de la liste 65 ter.

10 Mme LE JUGE LATTANZI : -- mais la page, s'il vous plaît, parce que je ne

11 réussis pas à le trouver.

12 LE TÉMOIN : Page 10.

13 Mme DAHL : [aucune interprétation]

14 Mme LE JUGE LATTANZI : Ah, oui, je vous remercie beaucoup.

15 Mme DAHL : [interprétation] Ce paragraphe 8 est le paragraphe 8 du

16 manifeste du Parti radical serbe, j'indique cela pour le compte rendu

17 d'audience.

18 Puis-je poursuivre, Madame le Juge Lattanzi ?

19 Q. Bien. Revenons à l'interview accordée par M. Seselj à un journaliste.

20 Je vous demanderais de vous rendre à la fin du document où l'on voit le

21 numéro du journaliste et l'endroit où l'interview a eu lieu ?

22 R. Donc, c'est bien Revija 92. Le 31 mai 1991, l'auteur étant Dusan

23 Milovanovic.

24 Q. Et la date ?

25 R. Le 31 mai 1991.

26 Q. Le journaliste demande à M. Seselj comment les volontaires étaient

27 organisés et quels étaient les principes qui régissaient leur action.

28 Pourriez-vous résumer les idées de M. Seselj eu égard à la création des

Page 3034

1 unités qui sont entrées dans Borovo Selo ?

2 R. En fait, ce que je peux dire c'est un point que j'ai abordé dans mon

3 rapport, mais je n'ai pas étudié l'aspect militaire disons de

4 l'organisation de Mouvement chetnik-serbe. Ce qui, moi, intéressait par

5 rapport au sujet que je -- sur lequel je travaillais. En fait, c'était le

6 fait qu'il y avait un lien entre le Mouvement des Chetniks-Serbes de la

7 Ravna Gora aux Etats-Unis et les volontaires serbes donc chetniks envoyés

8 en Croatie.

9 J'ai trouvé intéressant de relever que lors des affrontements donc de

10 Borovo Selo début mai 1991, donc, à la suite de ces affrontements, le

11 Vojvoda, donc, Momcilo Djujic a attribué des décorations donc militaires à

12 certains des combattants.

13 Donc, on était là donc --

14 Q. Comment M. Seselj se décrit-il lui-même par rapport à ces combattants ?

15 R. Il est leur chef militaire. Il est le Vojvoda dans la patrie comme

16 c'est indiqué à l'époque.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces décorations - ça me fait penser aux médailles en

18 chocolat - ces décorations du parti, cela n'a aucune base juridique, ces

19 décorations. C'est le parti qui décore.

20 LE TÉMOIN : C'est l'organisation chetnik, le Mouvement chetnik qui a attri

21 -- oui, qui décore cela.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- comme une association de quelconque récompense

23 les membres de l'association en leur octroyant un certificat, une médaille,

24 ou n'importe quoi.

25 LE TÉMOIN : Là, on attribue des grades, ce n'est pas uniquement des

26 décorations, c'est-à-dire soit on peut nommer quelqu'un éventuellement

27 Vojvoda ou on peut le nommer major. Ou on lui donne un grade, en fait.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, il y a un grade.

Page 3035

1 LE TÉMOIN : Oui, il y a un grade. Donc là, en l'occurrence

2 M. Todosijevic, donc, qui a participé au combat donc en mai 1991, qui

3 obtient, si je ne me trompe pas, le grade de major, il me semble.

4 Mme LE JUGE LATTANZI : Tous ces volontaires ont été intégrés dans l'armée,

5 ont-ils ces chefs militaires maintenu ces grades ?

6 LE TÉMOIN : Il y a eu par la suite, mais je tiens à préciser que je n'ai

7 pas étudié l'aspect militaire du Mouvement chetnik-serbe. Je m'en suis tenu

8 vraiment à l'idéologie au programme politique, toujours est-il qu'il y a eu

9 effectivement par la suite aussi bien en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine

10 nomination de Vojvoda, donc, de chefs militaires à l'intérieur du mouvement

11 même donc en fait cette fois-ci à l'intérieur du Parti radical serbe.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : La question de ma question était plus précise. Elle

13 voulait savoir si les grades obtenus auprès du Parti radical serbe avaient

14 sur la JNA, puisqu'ils dépendaient, apparemment, de la JNA, un rôle à

15 jouer, ou bien, ils pouvaient être majors, ou n'importe quoi, mais simples

16 soldats dans la JNA ? Est-ce qu'il y avait --

17 LE TÉMOIN : Il y a une structure parallèle en fait dans la [imperceptible]

18 dans l'armée population yougoslave. Ils étaient censés donc s'insérer dans

19 le cadre d'opérations militaires donc globales. Donc, là, ils étaient un

20 appui -- un appoint donc aux opérations, mais cela n'empêchait pas qu'ils

21 aient également donc leurs propres organisations donc parallèlement à

22 l'organisation mise en place par l'armée population yougoslave.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Et qu'est-ce qui vous permet de le dire qu'ils

24 avaient une organisation parallèle ?

25 LE TÉMOIN : Bien, à partir du moment ou dans un premier temps, c'est le

26 Vojvoda, donc, Momcilo Djujic, qui attribue des grades et des décorations,

27 on est là dans un cadre qui n'est pas celui de l'armée population

28 yougoslave. C'est le Mouvement donc chetnik, donc, là, pour le coup dans

Page 3036

1 l'immigration, mais à partir du moment où il y aura un différent politique

2 entre Momcilo Djujic et Vojislav Seselj, donc, ce Momcilo Djujic ne

3 procèdera plus à ce genre donc d'attribution donc de grades militaires.

4 Mais cela sera fait à l'intérieur Parti radical serbe et du Mouvement

5 chetnik-serbe.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : La question que pose ma collègue est -- a une autre

7 portée. Ce que nous voulons savoir si l'attribution de ces grades au sein

8 du Parti radical serbe a un effet sur la JNA, un effet ou aucun effet ?

9 Alors, c'est peut-être technique et à ce moment-là vous dites, Je ne peux

10 pas répondre à cette question, ou vous pourrez y répondre, mais vous nous y

11 -- vous répondez en nous apportant des éléments.

12 LE TÉMOIN : Bien, là, je ne pourrais pas répondre précisément à cette

13 question.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si mon aide à un sens pour vous, je peux vous

16 l'apporter. Il est question ici d'événements survenus avant le 1er août

17 1991. A une époque où la JNA ne participait pas encore au conflit armé avec

18 les paramilitaires croates, les formations paramilitaires croates. Le

19 Vojvoda Djujic au mois de mai veut manifester un signe de reconnaissance et

20 attribue des grades à certains hommes. Mais la JNA n'entre en guerre que le

21 1er août. Donc, à l'époque, c'étaient des volontaires qui sont allés servir

22 dans les rangs de la JNA.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- observation, c'est que le Dr Seselj dit que les

24 grades qui ont été attribués en fait ont été attribués alors même que la

25 JNA n'avait pas incorporé ces gens-là.

26 LE TÉMOIN : Au départ.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, au départ voilà mais la question pour nous

28 c'est après, et ça vous ne pouvez pas y répondre.

Page 3037

1 LE TÉMOIN : Comme je l'ai dit, je n'ai pas traité des questions

2 spécifiquement --

3 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

4 LE TÉMOIN : -- militaires. Je m'en suis tenu aux questions politiques et

5 disons relevant de l'idéologie nationale serbe et je -- je n'ai étudié en

6 détails cette question-là.

7 Mme DAHL : [interprétation]

8 Q. En page 226 du texte serbe, je vous prierais de lire le premier

9 paragraphe entier, dans cette page, paragraphe dans lequel

10 M. Seselj déclare ce qu'il a fait avec les volontaires du Parti radical.

11 R. [Interprétation] Vous m'interrogez sur une question très délicate. En

12 tout état de cause, nous avons la possibilité de faire en sorte que nos

13 volontaires se maintiennent en bonne forme et confirment leurs

14 connaissances militaires.

15 Q. Je suis désolée, mais je vois que vous lisez un passage qui se situe

16 plus bas dans la page que celui qui m'intéresse. Moi, je vous renvoyais à

17 la déclaration de M. Seselj selon laquelle il formait les unités sur place

18 et sa déclaration se termine par le faire qu'il était leur commandant

19 suprême.

20 R. J'ai trouvé le passage.

21 [Interprétation] "Nous constituions les formations sur place. Des

22 sections ou autres unités étaient donc créées dans les endroits où il

23 convenait d'intervenir -- où les Chetniks devaient intervenir parce que

24 cela nous était demandé. Nous ne sommes allés nulle part contre la volonté

25 des habitants serbes. Nous avons des sections de volontaires dans d'autres

26 lieux en Krajina, au Srem Occidental et en Baranja. A moins que nous ne les

27 fassions partir d'ici, c'est-à-dire de la Serbie, ou encore nous pouvions

28 les faire partir d'endroits où des Serbes faisaient partie de la population

Page 3038

1 de lieux -- d'endroits où résidaient des Serbes. Par exemple, en Bosnie-

2 Herzégovine, il n'y avait aucune nécessité pour nous d'y envoyer des

3 Chetniks provenant de Serbie. Nous avons un commandement Chetnik en

4 Romanija, et un Mouvement chetnik fort dans la partie septentrionale de la

5 Bosnie, ainsi que dans l'est de l'Herzégovine. Nous avons, bien sûr, aussi,

6 un commandement Suprême, et c'est moi qui suis le commandant suprême."

7 Q. Comment interprétez-vous cette déclaration du Dr Seselj au sujet des

8 activités militaires de son parti politique ?

9 R. On voit bien qu'il y a, donc, la formation de différentes unités, soit

10 en les composant, donc, à partir d'éléments vivant dans les régions en

11 question, donc, c'est le cas de la Bosnie-Herzégovine, ou soit par l'envoi,

12 donc la constitution d'unités à partir de volontaires serbes, donc venant

13 de Serbie.

14 Mme DAHL : [interprétation] Je voudrais obtenir une cote P pour cette pièce

15 à l'application du 65 ter qui porte 262.

16 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bien, ce sera la pièce P154.

17 Mme DAHL : [interprétation]

18 Q. Est-ce que vous pensez que cette combinaison des activités politiques

19 idéologiques et militaires de la part du Dr Seselj se trouvent être

20 typiques pour ce qui est d'un commandant chetnik ?

21 R. Je crois que je n'ai pas très bien compris, excusez-moi, votre

22 question. J'ai --

23 Q. Historiquement parlant, les commandants chetniks ont-ils exercé une --

24 un triple leadership en tant qu'hommes politiques, en tant qu'idéologues et

25 en tant que responsables militaires ?

26 R. Dans ce cas précis, oui. Il y a -- en fait, on est dans une situation

27 assez ambiguë puisqu'on a affaire à une formation politique, mais qui, de

28 fait, mène une action, de fait, militaire, qui s'inscrit dans une tradition

Page 3039

1 militaire. Donc, les membres de ce parti agissent sur les deux terrains. On

2 n'a pas affaire à un simple parti politique, on a une dimension, donc

3 largement militaire à prendre en considération ici.

4 Q. Dans votre rapport, vous avez résumé certaines des propositions

5 politiques faites par le Dr Seselj pendant la guerre au sujet des échanges

6 de populations. Pourriez-vous, brièvement, nous donner un résumé des points

7 de vue que vous avez relevés lors de ces activités de recherche faites au

8 niveau de ces positions politiques ?

9 R. Il y eu à plusieurs moments, donc, dans des entretiens accordés à la

10 presse, donc, que ce soit en 1991 ou 1992, l'évocation, donc, d'échange de

11 populations. Donc entre Serbes de Croatie et les Croates de Serbie. Donc,

12 dès le printemps 1991, par exemple, Vojislav Seselj déclare que 100 000

13 Croates doivent quitter la Serbie afin d'y installer les réfugiés serbes de

14 Croatie. Cette position, donc, sera répétée également en 92, y compris,

15 donc, à l'assemblée nationale de Serbie, le 1er avril 92, où là, donc, les

16 échanges de populations sont présentés comme une mesure de rétorsion. Donc

17 là, dans son discours, il déclare que, donc : "Nous allons expulser les

18 Croates de Serbie."

19 Q. Et que s'est-il passé après le fait de voir Dr Seselj s'engager en

20 faveur de cette solution concernant les Croates en Serbie ?

21 R. En fait, cette proposition -- cette mesure envisagée, en fait,

22 considère principalement, donc, les Croates de Vojvodina puisque c'est,

23 donc, une région de Serbie dans laquelle ils sont les -- les plus nombreux.

24 Et, par la suite, donc, effectivement, dans -- dans la région de -- de

25 Srem, il y a eu quelques tensions au printemps 1992.

26 Q. Pourriez-vous nous faire un résumé de ce discours du

27 Dr Seselj à l'occasion de la tenue de cette session de l'assemblée

28 nationale de Serbie en 1992 ?

Page 3040

1 R. Mais il est indiqué, donc, il est déclaré --

2 Mme LE JUGE LATTANZI : A la -- à la page 89, ligne 24, le témoin a parlé de

3 mesures de rétorsion, pas d'une mesure positive. Je ne connais pas bien

4 l'anglais, mais ça ne m'apparaît pas la -- la traduction juste.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous -- vous avez dit que c'était des mesures de

6 rétorsion ?

7 LE TÉMOIN : Elles sont présentées comme telles par Vojislav Seselj, oui.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

9 L'INTERPRÈTE : Micro.

10 Mme DAHL : [interprétation]

11 Q. Pouvez-vous donner lecture, je vous prie, de cet extrait du discours du

12 Dr Seselj à l'assemblée nationale de Serbie, le 1er avril 1992 que vous avez

13 reprise, d'ailleurs, dans votre rapport.

14 R. [interprétation] "Une autre chose. Si les Croates chassent ainsi

15 massivement les Serbes de leurs maisons, qu'attendent les Croates ici, à

16 Belgrade, qu'attendent les Croates à travers la Serbie ? L'échange de

17 populations, autant que Tudjman a chassé de Serbes de Zagreb, autant de

18 Croates que nous chasserons de Belgrade. Si une famille serbe arrive de

19 Zagreb, on prendra le domicile de Croate à Belgrade contre les clés de son

20 logement à Zagreb, un échange."

21 Q. Ceci doit-il être compris comme étant un échange volontaire ou forcé de

22 population comme il est fait référence en page 89 de votre rapport, version

23 anglaise ?

24 R. Vu le terme employé il s'agirait plutôt donc d'un échange forcé.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a quelque chose qui éveille mon attention. Dans

26 son discours, il parle des clés, des clés de leur maison à Zagreb en

27 échange. Donc, il y a une remise de clé. Une famille A va prendre un

28 appartement d'une famille B, et la famille B va prendre l'appartement de la

Page 3041

1 famille A. Donc, il y a un échange de clés. Et cet échange, tel que je le

2 lis là, ne se fait pas avec un militaire avec un fusil derrière chaque

3 individu. Il semblerait tel que la phrase l'indique que la famille A, qui

4 vient de Zagreb à Belgrade, par exemple, à ce moment-là, prend les clés de

5 l'appartement qui est à Belgrade et remet les clés de son appartement qui

6 est à Zagreb à la famille croate qui quitte Belgrade pour Zagreb. Si les

7 mots ont un sens.

8 LE TÉMOIN : Mais là, il est indiqué autant que Croates que nous chasserons

9 de Belgrade, donc, c'est un choix; en fait, les Croates de Belgrade n'ont

10 certainement pas le choix. C'est un choix qui sera imposé à ce moment-là à

11 partir du moment où --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : --en français, il y a "chasserons;" qu'est-ce qu'il

13 a dit dans la langue serbe, c'est le mot "chasser" qui est employé ?

14 LE TÉMOIN : Il faut que je vérifie; est-ce que c'était "isterati" le verbe

15 peut-être ?

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Donc, vous dites le fait qu'il a employé le mot

17 "chasser" fait qu'il y a une contrainte.

18 LE TÉMOIN : C'est pas -- ça n'apparaît pas comme un processus pacifié ou

19 pacifique. Il y a quand même de nombreux, le dernier recensement par

20 exemple en Serbie en 2002 indique qu'il y a 8 000 Croates vivant à

21 Belgrade, est-ce que donc -- il y a des couples mixtes notamment serbo-

22 croate; est-ce que ces personnes auraient eu le choix vraiment ? Je ne sais

23 pas. Nous n'avons rien -- il semble qu'on ne laisse pas le choix à ces

24 personnes-là parce qu'on leur a imposé.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

26 Mme DAHL : [interprétation]

27 Q. Est-ce que le Dr Seselj a continué à entretenir des relations de

28 coopération ou autres avec les partis politiques en Croatie ou en Bosnie-

Page 3042

1 Herzégovine pendant la guerre ?

2 R. Le Parti radical serbe soutenait donc le parti démocratique serbe de la

3 République serbe de Krajina, donc, le SDS, et la branche de cette partie

4 qui avait été donc ensuite créée en Bosnie-Herzégovine. Donc, l'intention

5 du Parti radical serbe n'est pas de concurrencer sur le plan électoral et

6 politique donc de ces partis-là, car il estime à l'époque que ces

7 organisations défendent très bien la cause nationale serbe. Donc, ils sont

8 plutôt alliés et se soutiennent.

9 Q. Avez-vous eu connaissance d'occasion où le Dr Seselj aurait rencontré

10 Radovan Karadzic ?

11 R. Cela s'est effectivement produit, je ne peux pas me souvenir

12 précisément quand mais il y a eu effectivement des rencontres, oui.

13 Q. Quelles sont les relations qui sont entretenues entre le

14 Dr Karadzic et ce SDS ?

15 R. Ce sont des relations qui se sont développées donc dans le contexte de

16 la guerre. Donc à cette époque-là, le Parti radical serbe donc apporte un

17 soutien militaire, en envoyant des volontaires en Bosnie-Herzégovine.

18 Q. Pouvez-vous décrire certaines des similitudes idéologiques et

19 politiques entre le Dr Karadzic et le Dr Seselj ?

20 R. On ne peut pas dire qu'il y a disons un accord sur l'objectif donc de

21 créer un état unitaire en rassemblant tous les Serbes de l'ex-Yougoslavie.

22 Cela dit, sur un plan idéologique il y a des différences car à l'époque en

23 1991, 1992, Radovan Karadzic ne se réfère pas disons exclusivement à la

24 tradition du Mouvement de la Ravna Gora.

25 Q. Le Dr Karadzic a défendu quelle position au sujet de la population non-

26 serbe de la Bosnie-Herzégovine ?

27 R. Le souhait du Parti démocratique serbe de Bosnie-Herzégovine était de

28 créer une entité serbe à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine.

Page 3043

1 Q. Et pour ce qui est de la population civile non-serbe ?

2 R. Force de constater que la population non-serbe a été chassée de

3 nombreuses localités donc qui entraient dans ce territoire, dans cette

4 entité appelée par la suite, Republika Srpska.

5 Q. Je voudrais vous demander de vous pencher sur le numéro 237 de sa liste

6 65 ter. Il s'agit d'un extrait du livre du Dr Seselj, une interview

7 accordée à un magazine ON, et il s'agit de la -- où il est question de dire

8 que : "La vengeance des Chetnik sera aveugle." Et

9 Dr Seselj reprend ces idées dans sa politique, dans le livre en question.

10 Est-ce que c'est ce que ce document semble être ?

11 R. Oui.

12 Q. Puis-je avoir un numéro P, je vous prie ?

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Exhibit.

14 Mme DAHL : [interprétation] 237.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs et Madame les Juges ce sera la

16 pièce P155.

17 Mme DAHL : [interprétation]

18 Q. Si on se penche sur le texte de l'interview, il semblerait que le

19 journaliste ait demandé au Dr Seselj s'il avait rencontré le Dr Radovan

20 Karadzic pendant qu'il se trouvait à Pale.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le

22 Procureur se doit d'abord de nous donner la date de l'interview en question

23 parce qu'il serait plutôt déplacé de parler de la teneur sans connaître

24 pour autant la date.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la date, Madame, si vous l'avez ?

26 Mme DAHL : [interprétation] Je crois que l'interview a eu lieu le 24 mai

27 1991.

28 Q. Et si on se réfère à la dernière page de l'extrait, on peut voir et

Page 3044

1 vous pouvez l'indiquer, Monsieur Tomic, qui a été le journaliste et quel a

2 été le journal, la date de la publication ou de l'interview ?

3 R. Il s'agit du magazine ON, publié donc c'est un entretien publié le 24

4 mai 1991.

5 Q. Est-ce que le Dr Seselj indique quelles les positions du Parti radical

6 serbe vis-à-vis de la politique du Parti démocratique serbe de la Bosnie-

7 Herzégovine ?

8 R. C'est une mention donc cette rencontre avec Radovan Karadzic alors

9 qu'il est en visite donc en Bosnie-Herzégovine donc où un commandement donc

10 Chetnik a été mis en place dans la région de la Romanija, donc, il a eu une

11 réunion donc avec les commandants chetnik dans cette région donc qui est

12 située à l'Est de Sarajevo, mais je ne vois pas le point concernant sa

13 prise de position éventuelle. Bien, il répète toujours effectivement son

14 intention d'amputer le territoire de la Croatie.

15 Q. J'attire votre attention sur -- à la réponse, sur la réponse de la

16 deuxième -- à la deuxième question au tout début de l'interview. Il s'agit

17 de la page 58 du texte en serbe qui commence par : "J'ai déjà organisé

18 quelques rencontres ou rassemblements à Sarajevo," et cela continue en

19 décrivant une rencontre qu'il a eue avec Radovan Karadzic. Est-ce qu'il

20 indique si le Parti radical serbe appuie les positions du parti du Dr

21 Radovan Karadzic ?

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore une

23 objection de nature générale. Vous avez probablement remarqué que la

24 journée d'aujourd'hui toute entière le Procureur parle de documents qui

25 n'ont aucune pertinence pour ce qui est des dates comprises par l'acte

26 d'accusation. Si ça ne vous dérange pas, moi, ça ne me dérange pas non

27 plus, mais elle le fait de façon ininterrompue.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais ça c'est, je pense que le Procureur veut

Page 3045

1 poser la toile de fond.

2 Bon. De toute façon, il est l'heure de terminer. Monsieur le Témoin, elle

3 vous a posé une question précise; pouvez-vous m'indiquer -- pouvez-vous

4 répondre ? Vous lisez la phrase.

5 LE TÉMOIN : Et là, j'ai -- le texte est écrit en tout petit caractère donc

6 dans la version serbe et j'ai du mal à le déchiffrer.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Le mieux c'est qu'on reviendra demain sur cette

8 question.

9 Alors, Madame, je pensais qu'on aurait pu terminer avec vous aujourd'hui,

10 mais il vous restera encore 35 minutes demain. Donc, demain, on commencera,

11 et ensuite, M. Seselj commencera le contre-interrogatoire.

12 Voilà. Donc, nous nous retrouverons demain à 8 heures 30.

13 --- L'audience est levée à 13 heures 16 et reprendra le jeudi 31 janvier

14 2008, à 8 heures 30.

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28