Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 5 février 2008

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Merci. Bonjour, Madame et Messieurs les

8 Juges. Affaire IT-03-67-T, le Procureur contre Vojislav Seselj.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier.

10 En ce mardi, 5 février 2007, je salue tous les représentants de

11 l'Accusation, je salue également M. Seselj, ainsi que toutes les personnes

12 qui nous aident dans notre mission.

13 Avant d'aborder certains points particuliers, je vais demander à

14 l'Accusation de bien vouloir se présenter.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Bonjour, Madame

16 et Messieurs les Juges. Au nom du bureau du Procureur, Daryl Mundis, moi-

17 même; et Mme Lisa Biersay, notre substitut, et Mme Bosnjakovic, notre

18 commis à l'affaire.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous souhaite donc la bienvenue en cette

20 enceinte.

21 Monsieur Mundis, nous vous connaissons déjà. Je vous connais puisque vous

22 avez déjà été le Procureur dans plusieurs affaires, et je crois que mes

23 collègues également sont avec vous dans l'affaire Rasim Delic. Donc, nous

24 vous souhaitons la bienvenue.

25 Alors, j'ai plusieurs sujets à aborder avant d'introduire le témoin.

26 Alors, tout d'abord, Monsieur Seselj, nous avons été informés que trois de

27 vos collaborateurs ainsi que la "case manager" viendraient au Tribunal

28 cette semaine. Et je crois savoir que vos collaborateurs vont assister,

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1 pour le moins, à une audience, peut-être demain ou jeudi, je ne sais pas.

2 Donc, je vous demande de bien me confirmer cela.

3 Deuxièmement, pour le cas où vos collaborateurs viendraient pendant une ou

4 deux audiences, il m'a été indiqué que la salle qui permet de vous reposer

5 pendant les "breaks" ne peut contenir, outre vous-même, que deux autres

6 personnes, ce qui fait que vos quatre collaborateurs ne pourront pas être,

7 pendant la pause, en même temps dans cette salle qui ne peut contenir au

8 maximum que trois personnes. Alors, pouvez-vous d'abord me confirmer si vos

9 collaborateurs viendront bien à une ou aux deux audiences qui va suivre

10 aujourd'hui ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Mes conseillers

12 juridiques : Zoran Krasic; Aleksandar Vucic; Slavko Jerkovic; ainsi que le

13 commis à l'affaire, Marina Ragus, arrivent demain. Nous avons prévu qu'ils

14 soient présents au procès jeudi. Probablement ne seront-ils pas là dès

15 demain parce qu'il y a des affaires administratives à effectuer au

16 secrétariat. Alors, ils pourront venir une fois par mois si on ne

17 réglemente pas le financement de leur arrivée, parce qu'il faut qu'ils

18 fassent le travail pour lequel ils sont payés à Belgrade, et c'est en leur

19 temps libre, pendant leur temps de loisir qu'ils pourront m'aider.

20 Alors, ce qui me surprend c'est que dans cette pièce pour les repos entre

21 les deux audiences ou entre les audiences de la Chambre, qu'il ne

22 semblerait qu'on ne puisse y mettre que deux autres personnes en sus de

23 moi. Je me souviens du procès de M. Slobodan Milosevic où plusieurs

24 personnes ont pu être présentes et on s'était servi des deux pièces

25 avoisinantes. Il avait là ses conseilleurs juridiques, un ou deux parfois,

26 et il avait un groupe d'étudiants qui étaient là, qui faisaient du

27 volontariat, des étudiants hollandais qui s'étaient portés volontaires pour

28 participer aux préparatifs de sa défense. Je les ai vus de mes propres yeux

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1 pendant les 14 journées de témoignage dans son affaire; j'ai pu remarquer

2 la chose. Donc, je suis surpris que pour ce qui me concerne, il y ait une

3 fois de plus des restrictions.

4 Ces restrictions ont cours dans la prison également. Je n'ai toujours

5 pas droit à me servir du fax. Le fax arrive au directeur de l'Unité de

6 Détention. Je n'ai aucune preuve pour ce qui est de l'éventualité où des

7 copies seraient faites pour les besoins du directeur ou de tiers. Enfin, je

8 ne suspecte pas. Je peux me poser des questions. Si j'avais été témoin

9 oculaire, mon attitude aurait été différente. A bien des points de vue, je

10 me trouve à être déprivé ou dépossédé de certains droits pour ce qui est de

11 ma défense. Mais comme vous pouvez le voir, je me défends et je fonctionne

12 assez bien en dépit de tout.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vais essayer d'éclaircir cette histoire.

14 Vous me dites que Slobodan Milosevic pouvait recevoir dans cette pièce plus

15 de deux personnes, et vous ne comprenez pas pourquoi on vous imposerait

16 cela. Alors, je vais le vérifier. Je ne peux pas vous répondre tout de

17 suite, mais de prime abord si cela s'est fait avant, il n'y a pas de raison

18 que vous n'en bénéficiez pas.

19 Concernant donc vos collaborateurs, ils viendront, ils s'installeront au

20 premier rang, et je leur demanderai de se présenter parce que, ne les

21 connaissant pas, je leur demanderai leurs noms afin de faire leur

22 connaissance. Donc, vous nous avez indiqué qu'ils viendront jeudi.

23 Deuxième problème à régler, qui est la question du rapport de l'expert

24 Theunens, l'Accusation a prévu que ce témoin serait auditionné à partir de

25 la semaine prochaine. Mais avant cela, la Chambre souhaite avoir de votre

26 part quelques renseignements.

27 Alors, je rappelle, parce que l'affaire est extrêmement compliquée, mais je

28 rappelle les données fondamentales suivantes : le 31 mars 2006,

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1 l'Accusation, par une requête confidentielle et ex parte qui contenait,

2 donc, le rapport Theunens dans sa totalité, en tant qu'annexe 1 et dans sa

3 version expurgée en tant qu'annexe 2, a donc communiqué ce rapport.

4 Le 2 octobre 2006, la Chambre de l'époque avait ordonné la communication du

5 rapport en entier à la Défense, et ordonné que les passages et informations

6 sensibles de ce rapport ne soient pas communiqués au public. Mais à

7 l'époque, en raison du contentieux qui vous opposait à la Chambre relative

8 à la nomination d'un avocat stand-by et au fait que vous aviez entamé une

9 grève de la faim, vous n'avez pas eu communication, apparemment, du

10 rapport.

11 Ultérieurement, le 17 ou 18 mai 2007 - on ne sait pas si c'est le 17 ou le

12 18 mai - le rapport vous a été communiqué dans sa version expurgée le 17 ou

13 18 mai. Donc, à compter de cette date, vous aviez le rapport dans sa

14 version expurgée.

15 Le 14 juin 2007, la Chambre a rendu une décision suite au réexamen de la

16 décision du 2 octobre 2006. Et la Chambre avait ordonné la communication du

17 rapport en entier, au plus tard 30 jours avant la date du procès, c'est-à-

18 dire avant le 11 novembre 2007. L'Accusation a communiqué le rapport le 3

19 octobre 2007, donc de ce fait, ceci avait été fait.

20 Dans la décision du 14 juin 2007, on avait également indiqué qu'au plus

21 tard 14 jours après réception en B/C/S de la décision du 14 juin 2007,

22 l'accusé devait compléter son objection orale faite le 5 juin 2007. Car le

23 5 juin 2007, je me rappelle, vous aviez fait une objection orale. Et donc,

24 il vous avait été demandé de répondre. Apparemment, vous n'avez pas répondu

25 dans le délai. Et la réponse que nous venons d'avoir est datée du 3 janvier

26 2008, et a priori, cette réponse est hors délai.

27 Alors, le problème que nous avons est le suivant - et cette Chambre étant

28 d'une transparence totale - je dis donc tout ce que vous devez savoir. La

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1 question qui se pose pour nous est de savoir si votre collaborateur, qui a

2 travaillé sur la réponse, a eu, lorsqu'il a travaillé, la version complète,

3 ou la version expurgée.

4 Pourquoi ? S'il a eu la version complète, il n'y a pas de problème. Ces

5 écritures ont pris en compte l'ensemble des éléments. Et de ce fait, nous

6 pourrions commencer dès la semaine prochaine. Mais s'il n'a eu que la

7 version expurgée, à ce moment-là, il se peut qu'il manque quelques

8 éléments. Alors, vous devez, Monsieur Seselj, savoir exactement est-ce que

9 votre collaborateur a travaillé à partir de la version complète, ou de la

10 version expurgée.

11 [La Chambre de première instance se concerte]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, est-ce que déjà vous pouvez nous

13 répondre à ce type de questions, et je vous poserai d'autres questions

14 complémentaires.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, pour ce qui me concerne,

16 il y a une confusion, une petite confusion pour ce qui est de ce rapport

17 complémentaire, de cette partie qui a été omise dans sa version expurgée. A

18 deux reprises, j'ai eu des avenants, la dernière fois il y a quelques

19 jours. Le Procureur a probablement la possibilité maintenant de déterminer

20 à quelle date exactement ai-je reçu cet avenant au rapport de Theunens, et

21 si je prononce bien le nom de Theunens. Alors, mon collaborateur, qui a

22 rédigé sa réponse, n'est pas un juriste, n'est pas un conseiller. C'est un

23 expert militaire. Il s'agit du général Bozidar Delic, c'est l'un des

24 meilleurs experts militaire serbe qui soit encore vivant. Alors, dans son

25 étude il a contesté la partie théorique de ce rapport de l'expert de

26 l'Accusation, M. Theunens. Alors, pour ce qui est des circonstances

27 pratiques, je me propose à l'occasion du contre-interrogatoire d'en parler

28 personnellement.

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1 Toujours est-il que cette réponse que j'ai présentée le 3 janvier et

2 qui a été rédigée par ce collaborateur et membre de l'équipe d'assistance à

3 ma défense, le général Bozidar Delic, se trouve être ma réaction complète

4 au rapport du général Theunens, indépendamment du fait que le général Delic

5 n'ait pas disposé de cette partie expurgée. Mais je ne voudrais pas que

6 l'on remette à plus tard l'audition de l'expert Theunens. Je pense qu'il

7 serait fort important de le faire au plus tôt, parce qu'en votre qualité de

8 Juge de la Chambre, je pense que vous trouveriez la situation bien plus

9 claire, et il est préférable de le faire avant que ne comparaissent un

10 grand nombre de témoins ordinaires, des témoins de faits ou de

11 circonstances.

12 Alors, deuxièmement, le Procureur m'a informé vendredi qu'ils

13 envisageaient huit heures pour l'interrogatoire principal de Theunens. Je

14 pense que cela est bon. Cela m'arrangerait également que d'avoir huit

15 heures à ma disposition à moi. Si vous vous en souvenez, j'ai déjà demandé

16 une fois qu'on augmente le délai de quatre heures à cinq heures, mais huit

17 heures, ce serait une solution excellente et je crois qu'on devrait en

18 rester là. Le Procureur peut vous dire ce que j'ai reçu il y a quelques

19 jours. Je ne sais pas si c'était une semaine ou dix jours - je n'ai pas les

20 dates en tête, je ne m'attendais pas à ce qu'on en parle aujourd'hui, aussi

21 n'ai-je pas apporté ce document. Je ne me suis donc pas rafraîchi la

22 mémoire du point de vue de ce document. Mais eux doivent avoir cela au

23 niveau de leur dossier électronique, tout ceci et ils peuvent vous en

24 informer tout de suite.

25 Donc en tout état de cause, bien que je n'aie reçu qu'à ce moment-là

26 la partie expurgée, je ne demande pas à ce que soit reportée à plus tard

27 l'audition du témoin expert Theunens. Et je crois que c'est dans l'intérêt

28 des Juges, du Procureur et de moi-même, qui me défends tout seul, c'est que

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1 l'on y aille le plus vite possible. Je suis prêt.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj, si je comprends bien, le

3 général Bozidar Delic, qui vous a assisté dans vos écritures déposées le 30

4 janvier 2008, n'a eu que la version expurgée. Car il ne pouvait avoir la

5 version totale qu'en raison d'éléments confidentiels dont l'une ne pouvait

6 pas avoir accès. Donc, vous me confirmez qu'il a eu la version expurgée et

7 vous me dites que pour vous, il n'y a pas de problèmes, vous pouvez

8 commencer dès lundi. Bien. Ça c'est une bonne nouvelle.

9 Concernant le temps, effectivement, le Procureur avait demandé huit

10 heures et vous-même, vous aviez demandé cinq heures. Alors, la Chambre qui

11 a délibéré sur cette question estime que le Procureur peut en 5 heures

12 présenter le rapport par l'expert Theunens. Dans la mesure où il y a un

13 rapport complet, il y aura des documents et présentés donc, à l'expert, des

14 documents pendant cinq heures, c'est largement suffisant. Donc, la Chambre

15 a décidé. J'informe M. Mundis que l'Accusation aura cinq heures et l'accusé

16 Seselj aura cinq heures également.

17 Mais vient se greffer à cela un autre problème. Le problème est le

18 suivant : l'Accusation a adressé le 24 décembre 2007, une requête

19 confidentielle, aux fins d'ajouter 59 pièces à conviction sur la liste 65

20 ter. Il m'a été indiqué, Monsieur Seselj, que vous avez reçu hier la

21 traduction dans votre langue de la requête de l'Accusation. Alors,

22 l'Accusation veut rajouter 59 documents à la liste 65 ter étant précisé que

23 si elle a fait cette demande, c'est parce qu'elle a l'intention de

24 présenter les documents à M. Theunens. Alors, dans la mesure où il y a 59

25 documents, mais dont la liste a dû vous être communiquée, est-ce que le

26 fait même de découvrir cela une semaine avant, puisque nous commencerons

27 avec ce témoin dans une semaine, est-ce que ce n'est pas un obstacle pour

28 vous, et vous pourrez commencer donc le contre-interrogatoire la semaine

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1 prochaine pour le témoin à partir des 59 documents ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai reçu ces documents-

3 là hier soir, après 17 heures. Je n'ai pas eu le temps de me pencher dessus

4 parce qu'hier soir et aujourd'hui je me préparais pour le contre-

5 interrogatoire du témoin expert Tomic. Je ne peux donc pas vous dire quelle

6 est mon opinion au sujet de ce document. Ce que je puis vous dire c'est

7 condamner cette façon de faire de la part de l'Accusation qui a eu cinq ans

8 à sa disposition pour préparer l'acte d'accusation pour le procès, de

9 préparer tous les éléments à charge, et une fois que le procès a commencé,

10 au bout de cinq années, on vient avec un flot de soi-disant documents à

11 l'appui ou complémentaires.

12 Les éléments de preuve de l'Accusation souffrent du même mal, à

13 savoir ils sont submergés de documents dénués de pertinence qui ne prouvent

14 rien. Vous avez déjà eu l'occasion, dans les auditions des deux témoins

15 experts et d'un témoin, de voir deux classeurs ou trois classeurs de

16 distribués par l'Accusation pleins de documents, mais qui ne sont pas

17 utilisés, ou pas tous utilisés et on n'essaie même pas de faire tout verser

18 au dossier. Donc, on me submerge d'une masse de documents inutiles.

19 Il y a de tout dans cela, en principe, je suis d'avis que ce colis de

20 56 ou 59 nouveaux documents ne va pas perturber de façon significative mon

21 contre-interrogatoire de ce témoin Theunens. Mais, à mon avis, il faudrait

22 que vous empêchiez cette pratique, qui est celle de l'Accusation, parce que

23 ce n'est pas à règle.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Mundis, vous n'y êtes pour rien et donc

25 rassurez-vous, ce n'est pas de ma part une quelconque critique. Le rapport

26 de l'expert Theunens a 699 notes de bas de pages, 699. Ce qui veut dire que

27 l'expert a consulté des centaines de documents.

28 Les 59 documents sont dans les notes de bas de page, ce qui fait que

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1 le général Bozidar Delic en a pris connaissance puisqu'elles étaient donc

2 listées en notes de bas de page. Donc, ce qui fait que l'accusé n'a pas de

3 préjudice direct. Mais la question de fond, Monsieur Mundis : comment se

4 fait-il que le dossier de M. Seselj, qui attend depuis des années,

5 l'Accusation, au dernier moment, se rend compte qu'il y a 59 documents qui

6 n'étaient pas sur la liste 65 ter ? Alors, vous n'avez peut-être pas de

7 réponse et je le comprendrai aisément. Mais c'est un peu irritant d'être

8 confronté à ce type de problème. Alors, vous n'êtes pas obligé de répondre,

9 puisque vous démarrez dans cette affaire, mais peut-être que vous voulez

10 nous dire quelque chose ?

11 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Une fois que

12 toutes les questions concernant le rapport d'expert de M. Theunens auront

13 été toutes posées, peut-être plus tard au cours de cet après-midi je

14 pourrai consulter mon équipe et même faire venir le substitut qui va

15 interroger ce témoin, et je suis sûr qu'il serait bien mieux à même que

16 moi, vous pourrez me corriger là-dessus, pour répondre directement à cette

17 question. Je peux vous assurer qu'il suit le compte rendu depuis son bureau

18 et qu'en plus des questions déjà soulevées, s'il y en a d'autres, posées

19 par le Pr Seselj ou par la Chambre, nous ferons l'impossible pour vous

20 donner une réponse plus complète, peut-être dès la fin de cet après-midi ou

21 ce soir, avant la levée de l'audience.

22 Donc, si vous me le permettez, je demanderais un peu de temps pour en

23 parler avec l'équipe et le substitut qui va se charger de l'interrogatoire.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, toutes les questions concernant le rapport ont

25 été abordées. Donc, de ce fait, vous avez en votre possession tous les

26 éléments.

27 Alors, je voudrais maintenant lire à huis clos deux courtes décisions

28 orales.

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1 Donc, Monsieur le Greffier, à huis clos.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

3 le Président.

4 [Audience à huis clos partiel]

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19 [Audience publique]

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, vous vouliez la parole pour

21 préciser un numéro. Non, non.

22 Bien, alors, Monsieur Mundis, est-ce que vous voulez intervenir pour un

23 sujet ?

24 M. MUNDIS : [interprétation] Rien d'autre, Monsieur le Président. Le

25 prochain témoin ou le témoin sera interrogé par ma collègue, Mme Biersay.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, donc, Mme Biersay va terminer

27 l'interrogatoire principal parce qu'il restait 35 minutes.

28 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Et donc, vous allez terminer l'interrogatoire

2 principal.

3 Très bien, alors on va introduire le témoin.

4 Mme BIERSAY : [interprétation] Pour commencer, Monsieur le Président, je

5 pense que vous aviez une question en ce qui concerne les pièces. On m'a

6 fait savoir que ce qui avait été reçu le numéro 155 serait requalifié comme

7 étant la pièce P34. Je voulais le préciser juste aux fins du compte rendu.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Donc, la pièce 155 c'est P34.

9 Très bien. On va introduire le témoin.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 LE TÉMOIN : YVES TOMIC [Reprise]

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez vous asseoir.

13 Bien, alors Monsieur, je vous annonce que donc l'interrogatoire principal

14 va continuer. Mme Biersay, qui est présente, va donc en 35 minutes terminer

15 son interrogatoire principal et par la suite, M. Seselj commencera le

16 contre-interrogatoire.

17 Donc, je donne la parole à Mme Biersay.

18 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.

19 Interrogatoire principal par Mme Biersay : [Suite]

20 Q. [interprétation] Monsieur Tomic, j'aimerais attirer votre attention sur

21 la dernière partie de votre rapport d'expert, page 93, très exactement.

22 L'avez-vous sous la main ?

23 R. Oui.

24 Q. De façon générale, cela parle des résultats électoraux de 1990 à 2000;

25 c'est bien cela ?

26 R. [hors micro]

27 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire les ressources

28 essentielles que vous avez utilisées pour cette partie de votre rapport ?

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1 R. J'ai notamment utilisé des ouvrages publiés par les politologues de

2 Serbie dont, notamment ceux de Vladimir Goati qui était l'un des

3 politologues, disons, qui a analysé, qui a beaucoup travaillé sur les

4 partis politiques en Serbie et en Yougoslavie, et les élections.

5 Mme BIERSAY : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce livre est

6 décrit comme la pièce 2568 de la liste 65 ter.

7 Q. Monsieur Tomic, lors de vos recherches dans ce domaine, dans cette

8 période dont on vient de parler, pourriez-vous nous dire ce que vous avez

9 appris à propos de la participation de M. Seselj dans l'élection

10 présidentielle 1990 ?

11 R. -- dans les précédentes séances, au départ, Vojislav Seselj, donc,

12 était à la tête d'un parti qui n'est pas reconnu par les autorités. Donc,

13 il se présente en tant que candidat, on va dire, indépendant, représentant

14 donc, selon la loi de l'époque, donc un groupe de citoyens. Il obtient un

15 peu plus donc 90 000 voix donc, cela était à l'époque donc un faible score.

16 Q. Pourriez-vous nous dire à quoi cela correspond en terme de pourcentage

17 ?

18 R. Je ne me souviens plus précisément, mais quand on sait que le Parti

19 socialiste avant obtenu 2,3 millions voix et le principal parti donc de

20 l'opposition de l'époque, le Mouvement serbe de Renouveau, avait obtenu un

21 peu plus de 790 000 voix, le score du candidat du Mouvement chetnik-serbe

22 donc, était relativement faible. A l'époque, le Mouvement chetnik-serbe

23 apparaît encore comme une force, disons à la marge, marginal.

24 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai une question. Excusez-moi de vous interrompre.

25 Monsieur le Témoin, rappelez-moi, s'il vous plaît, ce sont les

26 élections pour lesquelles il y a eu très peu de temps pour se préparer, ce

27 sont celles-là ?

28 LE TÉMOIN : Ce sont celles-ci, oui effectivement.

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1 Mme BIERSAY : [interprétation]

2 Q. Et pourquoi n'avait-il pas eu le temps de se préparer pour les

3 élections ?

4 R. Puisqu'en fait en octobre 1990, alors qu'il se trouvait dans le centre

5 de Belgrade pour faire signer donc des pétitions demandant le retrait du

6 tombeau donc du président, de l'ancien président yougoslave donc Tito,

7 puisque donc il a été enterré donc à Belgrade. Il faisait également signer,

8 disons, il essayait disons, de recruter des volontaires pour les envoyer en

9 Croatie. Donc, il a été arrêté avec une liste contenant plus d'une centaine

10 de noms. Il a été condamné, il me semble, à une peine donc de 15 jours,

11 mais il avait été par ailleurs aussi condamné durant l'été 1990 pour avoir

12 organisé des manifestations qui avaient été interdites par les autorités.

13 Donc, à cette peine de 15 jours, je crois qu'il y avait à peu près 45 jours

14 donc de condamnation qui devenait exécutive.

15 Mme BIERSAY : [interprétation] Pour ce qui est de la pièce 65 ter 2568,

16 pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir la version, le ERN en anglais 03599-

17 9966 [comme interprété] à l'écran. Il s'agit de la page qui correspond au

18 livre de Vladimir Goati, son livre sur "Les élections en SFRY qui date de

19 1990 à 1998."

20 Il s'agit de la page 103 dans le prétoire électronique. Pourrions-nous,

21 s'il vous plaît, avoir un zoom sur le tableau numéro 3.

22 Q. Monsieur Tomic, ceci reflète-t-il les informations dont vous vous êtes

23 servies pour votre rapport en ce qui concerne les résultats des élections

24 présidentielles de 1990 en Serbie ?

25 R. C'est l'un des ouvrages que j'ai utilisés, donc ce tableau reprenant

26 par ailleurs donc les chiffres officiels communiqués par la commission

27 électorale du pays.

28 Mme BIERSAY : [interprétation] L'Accusation voudrait que cette pièce soit

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1 marquée pour identification, et j'aimerais que les Juges me disent s'ils

2 préfèrent que nous versions la totalité du livre ou si vous préféreriez que

3 nous choisissions plutôt les passages les plus pertinents.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, des objections à la totalité du

5 livre ou pas ?

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je me propose d'en parler à l'occasion du

7 contre-interrogatoire. Voyez-vous, il s'agit d'un auteur qui a toujours été

8 expressément contre le Parti radical serbe. Mais pour ce qui est des

9 données statistiques présentées, elles sont exactes. Les renseignements

10 statistiques se trouvent être exacts. C'est l'interprétation qui est

11 subjective, partiale et tendancieuse, et je me propose d'en parler à

12 l'occasion du contre-interrogatoire.

13 [La Chambre de première instance se concerte]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la Chambre a décidé donc de donner un numéro

15 définitif uniquement au tableau qui figure sous la page 206 de ce livre.

16 Voilà. Donc on admet le résultat de l'élection.

17 Monsieur le Greffier, un numéro.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ce tableau sera la pièce P155.

19 Mme BIERSAY : [interprétation]

20 Q. Monsieur Tomic, qui a gagné l'élection présidentielle de décembre 1990

21 ?

22 R. Slobodan Milosevic, qui était donc le chef du Parti socialiste de

23 Serbie.

24 Q. Savez-vous si oui ou non, après qu'il ait gagné cette élection

25 présidentielle, savez-vous si M. Seselj aurait envoyé une lettre à M.

26 Milosevic ?

27 R. Je n'arrive pas à m'en souvenir.

28 Q. Pourriez-vous nous décrire s'il y avait des expressions publiques de

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1 soutien mutuel réciproque entre M. Milosevic et M. Seselj ?

2 R. A l'époque, on ne peut pas le dire, non, puisque M. Seselj était à la

3 tête d'un parti qui n'est pas reconnu. Il a été donc récemment condamné,

4 donc on l'a vu en octobre 1990, donc à ce moment-là on ne peut dire qu'il y

5 ait une collaboration, un soutien mutuel entre les deux formations

6 politiques, entre le Parti socialiste de Serbie et le Mouvement chetnik-

7 serbe.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, tout en vous écoutant, je

9 regardais les autres candidats. On est actuellement polarisé par les

10 élections présidentielles, donc raison de plus pour s'en intéresser. M.

11 Seselj représente un groupe de citoyens. Il fait 96 277 voix. Mais je

12 constate également que le candidat 9 et le candidat 10, qui font très peu

13 de voix - 19 123 et 17 675 - sont aussi baptisés groupes de citoyens.

14 Alors, ces trois groupes de citoyens, qu'est-ce qu'ils représentent ? Il y

15 avait une plateforme électoral ? Il y avait un projet ? Parce que, quelle

16 différence fait-on entre M. Guzic et M. Seselj, entre M. Aleksov et Guzic ?

17 LE TÉMOIN : Je ne pourrais pas -- je ne me souviens plus -- je ne pourrais

18 pas parler de ces candidats. Toujours est-il donc, à l'époque, pour se

19 présenter à l'élection présidentielle, il fallait réunir un certain nombre

20 -- que si on n'était pas, disons, représentant d'un parti politique

21 reconnu, il fallait réunir un certain nombre de signatures pour pouvoir

22 présenter une candidature. Ce qui est certain, c'est qu'à l'époque on a, en

23 Serbie, la création d'une multitude de partis politiques, puisque plusieurs

24 dizaines, voire même une centaine de partis seront créés. Donc on a eu

25 effectivement des partis politiques qui se sont présentés aux différentes

26 élections, et y compris donc présidentielles, qui en fait ne représentaient

27 rien du tout, ils n'avaient aucune assise dans la société serbe. Donc ces

28 candidats étaient complètement marginaux et ne représentaient rien en

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1 Serbie.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Et selon vous, un candidat qui fait en pourcentage

3 même pas 2 %, est-ce qu'il représentait quelque chose ou rien ?

4 LE TÉMOIN : Un candidat comme Ugljanin Sulejman donc, qui est le candidat

5 du Parti de l'Action démocratique, donc c'est le parti qui représente les

6 Slaves musulmans donc de Serbie, donc en fait a fait 109 000 voix, et donc

7 à peu près 2,18 % des voix. En fait, il a là malgré tout donc réuni une

8 bonne partie des voix des Musulmans de -- donc rapportés à, disons, à sa

9 communauté. Le score n'est pas négligeable, mais il est effectivement

10 marginal sur le plan national effectivement.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Et le candidat Seselj, qu'est-ce qu'il représentait

12 avec 1,91 % des voix ?

13 LE TÉMOIN : A l'époque, ce que l'on voit de toute façon, c'est que le Parti

14 socialiste de Serbie est le parti dominant. Slobodan Milosevic, je veux

15 dire, est élu dès le premier tour, donc c'est -- à l'époque c'est un parti

16 selon moi donc marginal, qui n'a pas vraiment un écho dans la société.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

18 Madame Biersay.

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai besoin d'une clarification. Ce

20 que l'on voit aux colonnes C et D de ce tableau me semble être la chose

21 suivante : dans la colonne C, on voit le nombre des députés, et à la

22 colonne D, on a les pourcentages; c'est bien ça ?

23 LE TÉMOIN : En ce qui concerne l'élection présidentielle, donc c'est -- on

24 a le pourcentage donc du nombre de voix prononcés lors de ces élections, et

25 ensuite c'est le pourcentage par rapport au corps électoral du pays. Donc

26 il y a 65 % des citoyens, des votants, qui se sont prononcés donc, par

27 exemple pour Slobodan Milosevic, cela représente 46,72 % du corps

28 électoral.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : La colonne D est en fait la -- par rapport au taux

2 de participation ?

3 LE TÉMOIN : La colonne D, c'est par rapport à la totalité du corps

4 électoral.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Par rapport aux gens qui ont voté ou aux gens

6 qui pouvaient voter ?

7 LE TÉMOIN : Qui pouvaient voter, c'est-à-dire la colonne C, ça correspond

8 donc au pourcentage de ceux qui ont voté par rapport donc au total du

9 nombre de voix exprimées, et la colonne D correspond donc à la proportion

10 donc par rapport à l'ensemble du corps électoral. Donc 46 % du corps

11 électoral, c'est un score très important à l'époque pour Slobodan

12 Milosevic.

13 Mme BIERSAY : [interprétation]

14 Q. Bien. Passons maintenant à 1992. Y a-t-il eu des élections le 31 mai

15 1992 ?

16 R. Il y a eu des élections fédérales donc à la fin du mois de mai donc

17 1992, puisque donc la Réplique fédérale de Yougoslavie donc réunissant la

18 Serbie et le Monténégro a été donc créée. Donc, il s'agissait donc d'élire

19 des représentants donc du parlement fédéral.

20 Q. Pourriez-vous nous dire exactement quelle était la scène à l'époque ?

21 R. A l'époque, nous sommes au printemps donc 1992, comme je viens de

22 l'indiquer, donc la Réplique fédérale de Yougoslavie a été créée, une

23 constitution a été élaborée, mais elle a été élaborée sans la participation

24 des partis politiques d'opposition. Donc ces derniers vont boycotter les

25 élections fédérales du 31 mai 1992.

26 Il me semble, par ailleurs, dans le contexte donc -- dans un contexte

27 de guerre en Bosnie-Herzégovine, puisque la guerre donc a éclaté, donc en

28 avril, mai 1992.

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1 Q. Aux environs de cette époque, Milosevic appelait-il Seselj son homme

2 politique d'opposition préféré ?

3 R. Effectivement. Quelques déclarations, déclarations début mars 1992 où

4 Slobodan Milosevic, effectivement, a indiqué que parmi les leaders, disons

5 d'opposition, sa préférence allait effectivement à Vojislav Seselj.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce que vous dites, sa préférence idéologique ou bien

7 il avait un adversaire à sa mesure ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'à l'époque il y a une convergence

9 entre les deux partis. A cette époque, il y a une convergence entre les

10 deux partis puisque ces deux partis en fait défendent la cause nationale

11 serbe aussi bien en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine. Disons qu'il y a une

12 convergence idéologique de fait entre les deux formations politiques. Et en

13 mai 1992 d'ailleurs c'est la première fois, semble-t-il, que Slobodan

14 Milosevic donc -- pour la première fois Slobodan Milosevic recevra Vojislav

15 Seselj et lui demandera notamment donc d'intensifier ses efforts disons

16 pour envoyer des volontaires en Bosnie-Herzégovine. Donc là, nous sommes en

17 mai 1992.

18 Mme LE JUGE LATTANZI : Il y a une convergence idéologique, vous avez dit en

19 réponse au Juge Président, mais vous avez encore ajouté aussi en ce qui

20 concerne le conflit en cours. Donc aussi pour une convergence en ce qui

21 concerne les moyens à utiliser dans le conflit ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans l'un des ouvrages de Vojislav Seselj donc

23 il est fait allusion donc à cette rencontre donc de mai 1992 entre le

24 président serbe et Vojislav Seselj, et donc Slobodan Milosevic donc a

25 explicitement donc demandé effectivement à ce qu'il y ait davantage d'envoi

26 donc de volontaires de la part du Parti Radical Serbe en Bosnie-

27 Herzégovine. Slobodan Milosevic donc ayant promis toute l'aide logistique

28 par ailleurs donc pour l'envoi de ces volontaires. Et Vojislav Seselj donc

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1 précise que cette aide en fait a duré jusqu'en -- a été effective par la

2 suite donc jusqu'en septembre 1993.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, il y a quelque chose que je ne

4 comprends pas et vous allez peut-être m'éclairer. Il semblerait d'après ce

5 que vous dites dans votre rapport que Slobodan Milosevic a demandé l'aide

6 de M. Seselj pour l'envoi de volontaires. Si le pays est en guerre ou en

7 situation de conflit, pourquoi n'y a-t-il pas la mobilisation de tous les

8 soldats sans passer par le soutien de M. Seselj ? Comment vous expliquez

9 cela ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, la --

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je prends un exemple. Quand il y a eu la Première

12 Guerre mondiale en 14-18, les pays comme la France, l'Angleterre ou

13 d'autres, ont mobilisé les hommes. Ils n'ont pas demandé aux partis

14 politiques d'envoyer des volontaires. Alors comment vous expliquez que là

15 M. Milosevic a besoin de M. Seselj ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, il y a eu au moment donc de

17 l'éclatement de la guerre en Croatie, donc pendant toutes les opérations

18 militaires en 1991, une mobilisation donc des réservistes et des soldats

19 donc de Serbie donc qui ont été intégrés dans les rangs à l'époque encore

20 donc de l'armée populaire de Yougoslavie. Cela dit, cette mobilisation n'a

21 pas rencontré, disons, de résultats très positifs, il y a eu, comment dire,

22 de nombreuses désertions et un refus, disons, d'intégrer les troupes donc

23 d'une large part de la population donc masculine en Serbie, ceci fait que

24 donc cela a posé des problèmes donc au niveau de -- pour le recrutement

25 tout simplement de soldats et donc le pouvoir se retrouvait à l'époque en

26 difficulté. Beaucoup ont fui les appels à la mobilisation donc en 1991,

27 1992.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc ça serait la véritable raison de la demande de

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1 Slobodan Milosevic auprès de M. Seselj ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça peut être une des raisons. Toujours est-il

3 qu'il y avait aussi donc de la part de Slobodan Milosevic l'idée de retirer

4 l'armée yougoslave donc de -- populaire yougoslave de Bosnie-Herzégovine

5 tout en laissant les armements, du moins les infrastructures à l'armée

6 serbe donc de la République Serbe de Bosnie-Herzégovine. Donc en fait -- il

7 s'agissait en fait de mobiliser principalement les Serbes de Bosnie-

8 Herzégovine. Mais on sait qu'il y a eu effectivement l'envoi de troupes

9 spéciales ou autres donc de Serbie vers la Bosnie pendant la guerre.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, j'ai attendu

11 que vous terminiez vos questions, puisque j'ai tenu compte de votre qualité

12 de Président de la Chambre. Mais j'ai une objection par rapport à la

13 question précédente du témoin. Si le témoin expert déclare que Slobodan

14 Milosevic a fait plusieurs déclarations dans lesquelles il a dit que

15 c'était moi qui lui plaisais le plus parmi les dirigeants de l'opposition -

16 c'est ce que le témoin expert a dit - il faut que le témoin expert indique

17 quand Slobodan Milosevic l'a dit et où, parce que vous savez un témoin peut

18 vous dire ce qu'il a entendu quelque part. Ici nous avons un témoin expert,

19 il faut qu'il apporte des preuves de ce qu'il dit.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Ce point particulier, à quel moment Slobodan

21 Milosevic a dit que M. Seselj était son meilleur opposant. Vous pouvez --

22 et puis quand et où ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il me semble que c'est au début mars 1992 lors

24 d'une réunion peut-être devant des officiers de l'armée yougoslave, je n'en

25 suis pas sûr. Mais à l'époque, j'étais à Belgrade en tout cas et cette

26 information j'ai dû la lire dans le quotidien "Borba" ou l'hebdomadaire

27 "Vreme". Mais elle est rapportée également -- du moins elle est connue de -

28 - quand même, le public qui s'intéresse à la vie politique en Serbie --

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1 cette donnée. Et je sais qu'un auteur, un chercheur britannique Robert

2 Thomas, dans son étude donc sur la vie politique serbe pendant les années

3 1990, mentionne cette affirmation.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire que vous-même vous étiez à

5 Belgrade en 1992.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, oui, j'étais à Belgrade.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

8 Mme BIERSAY : [interprétation] Pour ce qui est maintenant de la pièce 2568

9 de la liste 65 ter, pourrions-nous, s'il vous plaît, avoir à l'écran la

10 page 104 du prétoire électronique, et plus exactement le tableau numéro 5.

11 Donc : "Des votes et mandats de la Chambre 1 de l'assemblée fédérale de la

12 RFY."

13 J'aimerais que cette page reçoive aussi une cote provisoire, s'il vous

14 plaît.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce

16 P156 MFI.

17 Mme BIERSAY : [interprétation]

18 Q. Monsieur Tomic, pour ce qui est de ce tableau numéro 5, pourriez-vous,

19 s'il vous plaît, nous résumer les résultats entre le SRS et le SPS, en

20 termes de bulletins ?

21 R. On se rend compte que le Parti radial serbe donc obtient un grand

22 nombre de voix. Si on prend effectivement le premier score de Vojislav

23 Seselj de décembre 1990 puisque l'on passe de 96 000 à un 1 600 000 voix,

24 donc il s'agit là d'un grand bond, disons, du Parti radical serbe. Ce que

25 l'on constate par ailleurs, c'est qu'il y a une érosion de l'électorat du

26 Parti socialiste puisque celui-ci réunissait 2 300 000 électeurs en

27 décembre 1990, et là il n'a plus qu'un 1 665 000 voix. Donc on peut

28 supposer que le Parti radical serbe, disons, a attiré une bonne partie,

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1 disons, de l'électorat du Parti socialiste de Serbie à l'époque.

2 Et on voit que donc un parti le DZVM, donc un parti représentant la

3 minorité hongroise, obtient donc un score peu important, mais qui est

4 important par rapport à la communauté hongroise de Serbie. Mais on voit

5 bien donc que les partis, l'ensemble des partis d'opposition de l'époque

6 ont boycotté ce scrutin.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : M'intéressant aux résultats de l'élection de

8 1992, je constate que des bulletins ont été annulés ou déclarés invalides,

9 448 779, c'est-à-dire, 12 %. Quelle est la raison ? Vous avez une

10 explication ?

11 LE TÉMOIN : Certains ont préféré plutôt que de boycotter, donc de se rendre

12 aux urnes et manifester leur opposition soit en raturant les bulletins de

13 vote ou ne serait-ce qu'une faible proportion des bulletins valides.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé de vous

15 déranger peut-être par mes remarques, mais je pense que vous ne devriez pas

16 permettre une falsification aussi évidente des données statistiques. Il est

17 impossible de prendre le pourcentage des voix en décembre 1990 des

18 élections présidentielles, on ne peut pas comparer ces pourcentages avec

19 les élections législatives de mai 1992. L'expert devrait vous proposer une

20 comparaison entre le nombre de voix des élections législatives de 1990 avec

21 celle de 1992 pour comparer. Parce qu'en 1990, Slobodan Milosevic a reçu

22 plus de voix que son parti n'en avait auparavant.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : En terme électoral, le tableau que nous avons, n'est

24 pas un tableau comparatif d'élections présidentielles à élections

25 présidentielles. En fait, ce tableau concerne une élection à l'assemblée

26 fédérale puisqu'on voit qu'il y a un système proportionnel et un système

27 majoritaire qui fait que donc qu'il y a un cumul du nombre de députés. Le

28 SPS ayant 73 députés et le SRS 30. Donc, en fait, c'est une élection qui

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1 n'est pas présidentielle. Alors, quand vous vous dites que, est-ce que ça

2 change quelque chose à ce que vous dites ou pas ?

3 LE TÉMOIN : On n'a pas d'éléments de comparaison puisque le Mouvement

4 Chetnik serbe ne s'est pas présenté aux élections législatives de décembre

5 1990, donc on a juste un ordre de grandeur effectivement qui concerne les

6 élections présidentielles et il est plus logique, effectivement, de

7 comparer des élections présidentielles avec des élections présidentielles,

8 mais là, c'était le seul ordre de grandeur dont je disposais. Donc, je

9 conçois tout à fait, effectivement, que lors des élections présidentielles,

10 un candidat émanant d'un parti peut obtenir beaucoup plus de voix que son

11 parti lui-même, s'il s'est présenté aux élections parlementaires.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Et en terme électoral, le fait que le SPS a 1 665

13 485 voix, est-ce que ça montre une érosion de Slobodan Milosevic avec une

14 montée en puissance du SRS ?

15 LE TÉMOIN : Slobodan Milosevic représentera plus tard, donc en décembre

16 1992, à l'élection présidentielle, donc il y aura quand même une érosion,

17 mais beaucoup plus moindre par rapport aux résultats obtenus par le Parti

18 socialiste de Serbie. Mais si on prend,on additionne le nombre des voix des

19 deux partis, on a là des partis qui, en fait, défendent la cause nationale

20 des Serbes à l'époque, et cela donne donc un ordre de grandeur du soutien

21 populaire que pouvaient avoir ces formations politiques.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, Madame.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous pourrez dans le cadre du

25 contre-interrogatoire, réaborder tous ces sujets, à moins que ça ait une

26 importance capitale.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que c'est d'une importante capitale,

28 l'Accusation peut très facilement vous donner les résultats des élections

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1 législatives de 1990, ce qui vous permettrait de voir quel est le total des

2 voix remportées par le parti socialiste, et à cette lumière, vous pourrez

3 apprécier la déclaration du témoin sur le corps électoral votant pour le

4 parti socialiste. Parce que pour l'instant, vous êtes induit en erreur. Les

5 socialistes ont obtenus 1 665 485 voix en mai 1992, l'Accusation dans le

6 même ouvrage, peut vous sortir la page qui vous montrera combien les

7 socialistes ont obtenu en 1990, ce qui vous permettra de voir l'évolution

8 du corps électoral, de voir si le report des voix s'est fait exclusivement

9 sur le Parti radical serbe, ou si le Parti radical serbe a obtenu des voix

10 venant aussi d'autres milieux. Je crois que c'est d'une importance

11 capitale, c'est pourquoi je présente cette objection.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai pris acte de ce que vous avez dit.

13 Effectivement, quand on compare des élections, il vaut mieux comparer

14 présidentielles à présidentielles, ou législatives à législatives, sinon -

15 LE TÉMOIN : Je comprends tout à fait. Je -

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous êtes d'accord, bien. Le témoin est d'accord.

17 Allez-y, Madame.

18 Mme BIERSAY : [interprétation] Page 104, toujours du prétoire électronique,

19 Monsieur le Greffier, est-ce que nous pouvons maintenant voir le tableau 6.

20 Même pièce, 2568 de la liste 65 ter, peut-on montrer la page 105 également.

21 Est-ce que nous pourrions avoir un numéro MFI, Monsieur le Président, pour

22 cette page-ci, aussi.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Peut-être définitive, ce n'est pas la peine de faire

24 MFI, puisque là, il n'y a pas de contestation. Donc, on va donner des

25 numéros définitifs.

26 Monsieur le Greffier.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour le tableau 5, ce sera la pièce de

28 l'Accusation P156 et puis, pour le tableau 6, ce sera la pièce 157, le

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1 tableau 8, ce sera la pièce de l'Accusation P158.

2 Mme BIERSAY : [interprétation] Pour accélérer les choses, nous demandons

3 aussi que soient versés au dossier la page 106, les tableaux 9 et 10,

4 Monsieur le Président.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le tableau 9, ce sera la pièce P159, le

6 tableau 10, la pièce P160.

7 Mme BIERSAY : [interprétation]

8 Q. Monsieur Tomic, regardez le tableau 6, la pièce P157, pourriez-vous

9 nous résumer les résultats qu'on y trouve ?

10 R. On a à nouveau, donc, des élections pour l'assemblée fédérale, ensuite,

11 il y a une crise politique, donc là des partis d'opposition ont participé à

12 ces élections et on s'aperçoit --

13 Q. Quelle année ?

14 R. En 1992. Donc, quelques mois, puisque les premières élections ont eu

15 lieu en mai 1992. Donc, on s'aperçoit que le Parti socialiste de Serbie et

16 le parti radical obtiennent un petit peu moins de voix que quelques mois

17 précédemment. Mais là, il y a effectivement une participation plus large

18 d'autres partis politiques. Donc, l'offre politique à l'époque est beaucoup

19 plus importante. Donc, il n'y a pas disons de grosses variations pour les

20 deux partis disons qui arrivent en première position, qui arrivent en tête

21 par rapport aux votes du mois de mai.

22 Q. Voyons maintenant la pièce P159.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, avant de voir cette pièce, je

24 regardais le corps électoral fait presque 7 millions d'électeurs et ce qui

25 est marqué en anglais le "turn-out", ça veut dire la participation. Donc,

26 c'est un taux de 67,4 %. Donc, il y a eu une forte participation à cette

27 élection.

28 LE TÉMOIN : Cette époque, dans la mesure où justement les partis

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1 d'opposition participaient, ce n'était pas le cas en mai 1992. Donc là, la

2 participation est beaucoup plus large.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que l'élection présidentielle qui vient de se

4 dérouler dimanche dernier, le taux de participation était supérieur à 60 %,

5 je crois que c'était 61 %. Là 67 % c'est un taux record de participation à

6 l'époque ?

7 LE TÉMOIN : C'est un taux relativement important, mais concernant

8 l'élection présidentielle serbe, c'est qu'il y a eu beaucoup d'élections

9 présidentielles en Serbie après 2000, où il y a eu un taux de participation

10 qui était à l'époque inférieur à 50 % et on ne pouvait être élu s'il n'y

11 avait pas une participation supérieure à 50 %. Donc, la loi a été modifiée

12 et donc aujourd'hui en ayant donc score inférieur à 50 %, on peut donc

13 malgré tout être désigné président de la Serbie. Mais c'est pour ça qu'on

14 fait allusion à la participation, qu'on insiste beaucoup sur le taux de

15 participation quand il y a une élection présidentielle. C'est que pendant

16 de nombreuses années, on a eu des élections présidentielles qui n'ont pas

17 abouti en Serbie.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

19 Mme BIERSAY : [interprétation]

20 Q. Prenons maintenant le tableau 9, P159.

21 Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer ce tableau à M.

22 Tomic.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Neuf.

24 Mme BIERSAY : [interprétation] Il me semble qu'ici on voit le tableau 11.

25 Je vous remercie.

26 Q. Pourriez-vous nous décrire l'effet éventuel qu'a eu le Parti SRS sur la

27 victoire de Milosevic en rapport avec le SPS lors des élections de décembre

28 1992 ?

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1 R. On s'aperçoit que le Parti radical serbe n'a pas présenté, disons, de

2 candidats à l'élection présidentielle en Serbie en décembre 1992. Il a en

3 effet, donc, été appelé à soutenir Slobodan Milosevic à l'époque, dans la

4 mesure où celui-ci apparaît comme défendant, disons, les mêmes

5 orientations, disons, nationales, que le Parti radical serbe. Donc, on a

6 surtout une opposition entre deux candidats : Slobodan Milosevic, donc à la

7 tête du Parti socialiste de Serbie, donc qui était l'actuel -- qui était le

8 président à l'époque donc de la Serbie, et Milan Panic, qui a été donc chef

9 du gouvernement fédéral -- qui était chef du gouvernement fédéral avant

10 l'élection en question.

11 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, peut-on maintenant

12 voir la pièce P160. Il s'agit du tableau 10. Je précise ici que l'intitulé,

13 c'est : "Voix et mandats à l'élection à l'assemblée nationale de Serbie (le

14 13 décembre 1993)."

15 Q. Monsieur Tomic, est-ce que vous pourriez décrire à l'intention des

16 Juges ce qui s'est passé fin 1993 lorsqu'il y a un vote de défiance ?

17 R. En fait, après les élections parlementaires de décembre 1992 en Serbie,

18 le Parti socialiste, en fait, n'avait pas la majorité à l'assemblée

19 nationale. Donc, il a constitué un gouvernement minoritaire qui avait

20 l'appui, donc selon les questions abordées donc au parlement du Parti

21 radical serbe.

22 Donc, la confiance au gouvernement donc a été de fait retirée donc de

23 la part du Parti radical serbe, sans que, bon, un vote n'ait eu lieu pour

24 autant à l'assemblée, puisque Slobodan Milosevic a décidé de dissoudre

25 l'assemblée, donc à l'automne 1993. Et donc, à cette époque-là, il y a une

26 mésentente entre le Parti socialiste de Serbie et le Parti radical serbe à

27 propos donc du plan de paix Vance-Owen. Donc, la divergence, disons, a

28 commencé à se manifester donc au printemps 1993, lorsque le plan a été

Page 3115

1 proposé. Et à ce moment-là, donc à l'automne 1993, on a un conflit très

2 important entre les deux formations politiques. Et une campagne donc qui

3 est lancée par le Parti socialiste de Serbie contre le Parti radical serbe

4 donc, une campagne médiatique très importante, ce qui fait que le Parti

5 radical serbe voit son score diminuer presque par deux à ces élections-là.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : En deux mots, là, vous avez évoqué le plan Vance-

7 Owen. Vous pouvez caractériser en quoi le SPS appuyait le plan, et le SRS

8 s'opposait, ou vice-versa. Vous pouvez apporter une précision si ça fait

9 l'objet de l'enjeu politique.

10 LE TÉMOIN : Alors, au printemps 1993, Slobodan Milosevic opère une

11 réorientation donc dans sa politique, et il décide donc, il accepte donc le

12 plan de paix qui est proposé donc par Vance et Owen, estimant que la

13 République fédérale de Yougoslavie et la Serbie, donc, subissent un embargo

14 économique donc très important depuis juin 1992 et, que somme toute, les

15 intérêts nationaux serbes ont été plus ou moins satisfaits en Croatie et en

16 Bosnie-Herzégovine.

17 Mais cela dit, cette appréciation n'est pas partagée, disons, par d'autres

18 partis, dont le Parti radical serbe. Et donc d'où la divergence, c'est-à-

19 dire certains disent qu'à partir du printemps 1993, en fait, Slobodan

20 Milosevic, du coup, passe disons, d'une politique dite nationaliste à une

21 politique plutôt pacifiste, soutenant des différentes propositions de paix

22 émanant des grandes puissances.

23 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce qu'on peut

24 maintenant voir la pièce 1764. C'est le plan de paix Vance-Owen du 2

25 janvier 1993. Nous allons demander le versement dès maintenant.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P161, Monsieur le

27 Président.

28 Mme BIERSAY : [interprétation]

Page 3116

1 Q. Je vous montre la pièce P161, Monsieur Tomic. Monsieur Tomic, est-ce

2 que c'est bien ce plan de paix Vance-Owen dont vous venez de discuter avec

3 les Juges de la Chambre ?

4 R. C'était le plan de paix, effectivement, qui divisait la Bosnie en dix

5 régions.

6 Mme BIERSAY : [interprétation] Est-ce que je peux savoir combien de minutes

7 j'ai encore, Monsieur le Président ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : On va vous le dire. Le temps passe tellement vite.

9 Mme BIERSAY : [interprétation] Effectivement.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, vous avez donc utilisé globalement 3 heures

11 45. Donc, il vous reste 15 minutes.

12 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Et nous faisons la pause quand, pour que je change un peu ?

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez, on peut faire la pause maintenant.

15 Bien. Alors, on va faire une pause de 20 minutes maintenant. On se retrouve

16 dans 20 minutes.

17 --- L'audience est suspendue à 15 heures 31.

18 --- L'audience est reprise à 15 heures 54.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, il vous reste donc 15 minutes, Madame.

20 Allez-y.

21 Mme BIERSAY : [interprétation]

22 Q. Monsieur Tomic, avez-vous entendu parler de "Vojvoda rouge" ou de

23 "Vojvoda sanglant" ?

24 R. "Vojvoda rouge", oui; mais pas "sanglant", je n'ai pas entendu ces

25 expressions.

26 Q. Dans quel contexte avez-vous entendu parler de ce "Vojvoda rouge" ?

27 R. C'est à partir du moment où on a estimé que Vojislav Seselj en fait

28 était de fait un allié objectif du Parti socialiste de Serbie et de

Page 3117

1 Slobodan Milosevic. Donc à partir du moment où il y a eu un soutien de la

2 part des radicaux au pouvoir en Serbie, cette -- ces termes disons ont

3 circulé de la part de certains dirigeants politiques ou -- donc parmi les

4 partis d'opposition, mais pas uniquement parmi -- aussi les gens qui

5 étaient fidèles à la tradition du Mouvement de la Ravna Gora.

6 Mme BIERSAY : [interprétation] Pouvons-nous, s'il vous plaît, maintenant

7 avoir la pièce 65 ter 1881, s'il vous plaît. Il s'agit de "L'orientation du

8 programme du Parti radical serbe de la Republika Srpska publié dans

9 "Western Serbia" dans le numéro 2 de juillet 1993.

10 Q. Monsieur Tomic, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dire ce que nous

11 avons sous les yeux ? Quel est ce programme du Parti radical serbe de la

12 Republika Srpska ? De quoi s'agit-il exactement ?

13 R. C'est donc le programme du Parti radical serbe de la Republika Srpska,

14 donc qui était l'une des branches du Parti radical serbe, donc le programme

15 datant de 1993.

16 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il

17 vous plaît, agrandir un petit peu le paragraphe 1 pour que nous le voyions

18 mieux ?

19 Q. Monsieur Tomic --

20 Mme BIERSAY : [interprétation] Avant de faire cela, pourrais-je avoir une

21 cote provisoire, s'il vous plaît, pour ce document ?

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P162 MFI.

23 Mme BIERSAY : [interprétation]

24 Q. Monsieur Tomic, pourriez-vous nous lire le paragraphe 1, s'il vous

25 plaît ?

26 R. [interprétation] "Le Parti radical serbe place comme objection

27 fondamentale la réalisation d'une unité entière sur le plan national,

28 spirituel, culturel, économique et politique du peuple serbe. Le Parti

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1 radical serbe de la Republika Srpska s'emploiera en faveur de la mise en

2 place d'un "Etat libre, indépendant, notamment démocratique serbe, qui

3 englobera toutes les terres serbes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie."

4 Q. Maintenant, si nous pouvions passer à la page 2 de la version en

5 B/C/S, s'il vous plaît.

6 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pour avoir le

7 paragraphe 5 à l'écran.

8 Q. Monsieur Tomic, pourriez-vous nous lire le paragraphe 5, s'il vous

9 plaît ?

10 R. [interprétation] "Le Parti radical serbe de la Republika Srpska estime

11 que la République fédérale de Yougoslavie doit être soutenue en sa qualité

12 de solution intermédiaire pour permettre d'éviter de demander la

13 reconnaissance internationale de la souveraineté, ce qui sous-entend éviter

14 les chantages et mises de conditions ou d'obstacles de la part des autres

15 pays vis-à-vis de la République fédérale de Yougoslavie, que nous

16 considérons comme étant la possibilité de l'unification plus rapide des

17 Serbes et des terres serbes dans un Etat commun, pour la sauvegarde de

18 l'état international juridique et la continuité de l'Etat yougoslave."

19 Q. Pourriez-vous nous expliquer comment les objectifs politiques que l'on

20 a dans ce programme se comparent avec ceux que l'on a dans le programme du

21 SRS pour la Serbie ?

22 R. Les objectifs sont les mêmes, mais ils sont formulés différemment.

23 Disons qu'au point 1 donc, il y a le principe d'unification donc des terres

24 serbes, on n'a pas la mention de l'ensemble, disons, des territoires qui

25 doivent entrer donc dans cette Serbie unifiée. Alors que dans le parti --

26 le programme du Parti radical serbe, donc on avait dans le détail, disons

27 l'ensemble des régions devant figurer dans cet Etat serbe. Et là, il y a

28 une prise en compte disons de la réalité politique du moment, donc en 1993,

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1 et à un moment donc le Mouvement chetnik-serbe n'était pas très attaché

2 disons au maintien de la Yougoslavie, mais ils sont obligés disons

3 provisoirement d'accepter cet Etat donc de République fédérale de

4 Yougoslavie à partir du moment où, effectivement, peuvent se rattacher à

5 cet Etat les -- la République serbe de Krajina, par exemple, en Croatie, ou

6 la Republika Srpska. Il y a eu d'ailleurs plusieurs proclamations dans ce

7 sens de la part, disons, des entités étatiques serbes créées en Croatie et

8 en Bosnie-Herzégovine, mais la Serbie a toujours refusé, n'a jamais donné

9 une réponse positive à ces proclamations. Donc la République fédérale de

10 Yougoslavie apparaît comme le moyen, disons, de faire reconnaître un Etat

11 qui rassemblerait tous les Serbes, dans la mesure où il est difficile de se

12 faire reconnaître, disons, en tant qu'Etat indépendant.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, j'ai trois questions à vous poser.

14 Première question : le texte dont vous venez de lire le paragraphe 5, vous

15 le datez de -- à quel moment ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] De 1993, je ne me souviens plus du mois

17 précisément.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. 1993. A l'époque, la Bosnie-Herzégovine avait

19 été reconnue comme Etat --

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle était un Etat effectivement indépendant,

21 oui, reconnue par la communauté internationale.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Au paragraphe 5, la dernière phrase, je vois

23 qu'en fait il est indiqué "la continuité de l'Etat yougoslave." C'est,

24 semble-t-il, le projet qu'ils ont. En fait, ils veulent un territoire serbe,

25 mais qui serait la continuité de l'Etat yougoslave. Est-ce que c'est comme

26 ça qu'il faut interpréter cette phrase ou pas ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est-à-dire que la République fédérale de

28 Yougoslavie s'estimait effectivement être dans la continuité de l'Etat

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1 yougoslave précédent, à partir du moment où donc certaines républiques s'en

2 étaient détachées. Et donc du point de vue du Parti radical serbe, donc

3 c'est un moyen disons de -- juridique, disons, de faire reconnaître donc un

4 Etat qui rassemblerait tous les -- ce qu'ils appelaient les pays serbes.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous, vous interprétez ce paragraphe comme

6 l'idée que les auteurs de ce manifeste politique attendraient de la

7 communauté internationale une reconnaissance juridique d'un Etat serbe.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] D'un Etat serbe, mais qui s'appellerait encore

9 provisoirement République fédérale de Yougoslavie. Donc c'est l'une des

10 possibilités qui est envisagée, comme il a dit, c'est un des scénarios

11 possibles.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est -- oui. Puisqu'on voit que c'est une des

13 options, mais les autres options, ce serait lesquelles ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, il y a eu plusieurs options envisagées.

15 D'une part donc d'unifier la République serbe de Krajina et la Republika

16 Srpska, donc en fait d'unifier ce qu'on appelle donc les pays serbes

17 occidentaux dans un premier temps, donc dans un Etat de ce qui

18 s'appellerait Serbie occidentale éventuellement. Et dans un second temps,

19 donc il y aurait une unification entre cet Etat serbe occidental, à la

20 Serbie ou à la Serbie et le Monténégro.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Et tout ça dans une action démocratique, légaliste ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces Etats ont été constitués dans un contexte

23 de guerre, moi, je parle de la République serbe de Krajina et la Republika

24 Srpska. Toujours est-il qu'il y a eu déjà à l'époque plusieurs

25 proclamations disons d'unification, mais les autorités à Belgrade ont

26 toujours refusé d'approuver disons cette démarche. Elle devait certainement

27 les embarrasser davantage à l'époque.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous venez de rajouter quelque chose

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1 d'important. Cette option d'unification outre la Krajina et puis la

2 Republika Srpska n'avait pas l'heur de plaire à Belgrade.

3 LE TÉMOIN : A ce moment-là -- parce que quand même il n'y a jamais eu une

4 suite positive qui a été donnée donc à ces proclamations soit

5 d'unification, par exemple, la Republika -- la République serbe de Krajina

6 a proclamé qu'elle faisait partie de la Serbie, donc elle appliquait les

7 lois de la Serbie sur son territoire et qu'elle se rattachait de fait à la

8 Serbie, donc elle se détachait de la République de Croatie. Mais la Serbie

9 n'a jamais répondu positivement à cela.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous dites la Serbie --

11 LE TÉMOIN : La République fédérale de Yougoslavie, en l'occurrence.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et Slobodan Milosevic, quel était son point de

13 vue ?

14 LE TÉMOIN : Je pense que l'objectif, c'était --

15 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous parler plus lentement, s'il vous plaît, et

16 ménager des pauses ?

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors il faut parler plus lentement.

18 LE TÉMOIN : L'objectif était effectivement de créer un Etat unitaire de

19 Serbes, mais cela dit, ça pose des questions d'ordre disons pratique, et ça

20 posait des questions à partir du moment où on aurait un Etat serbe agrandi,

21 ça posait un problème de reconnaissance internationale. Donc je pense qu'il

22 y avait malgré tout une prudence quant à cette question de la part du

23 pouvoir à Belgrade, mais la politique disons de soutien donc de Belgrade

24 aux Serbes de Bosnie ou de Croatie allait dans le sens de la création d'un

25 Etat unitaire.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Au moment où ce texte sort, il y a le plan Vance-

27 Owen qui est mis en route. Etait-ce bien compatible avec le plan Vance-

28 Owen ?

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1 LE TÉMOIN : Le plan Vance-Owen posait un problème disons aux défenseurs,

2 disons de ce que j'appelle les défenseurs de la cause nationale serbe dans

3 la mesure où il n'assurait pas une continuité territoriale entre les

4 différentes régions qui étaient créées à l'intérieur de la Bosnie-

5 Herzégovine. Mais ce qui posait notamment un problème, c'est la question du

6 corridor, ce qu'on appelait donc le corridor de Brcko au nord de la Bosnie,

7 puisque là on avait une interruption entre donc des hommes --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : On pourrait peut-être revoir la carte. Est-ce qu'on

9 peut revoir la carte à l'écran, la carte du plan Vance-Owen.

10 Mme BIERSAY : [interprétation] Il s'agit de la pièce P161. La liste 65 ter

11 1764.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. Alors on a le fameux corridor là, vous pouvez

13 l'indiquer ?

14 LE TÉMOIN : C'est le corridor qui correspond à la région numéro 3, donc au

15 nord du pays. Donc on avait ici un axe stratégique très important, disons,

16 pour les dirigeants serbes de l'époque, et donc il était inconcevable pour

17 nombre d'acteurs politiques des partis qui soutenaient donc la Republika

18 Srpska, il y avait une forte opposition à la reconnaissance ou à

19 l'acceptation du plan Vance-Owen dans la mesure où là on avait la Bosanska

20 Krajina qui était complètement isolée et qui n'était pas liée donc à la

21 Serbie par donc un corridor qui était un enjeu important dans les combats

22 entre 1992 et 1995.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est-à-dire la 4 par rapport à la 2.

24 LE TÉMOIN : Il aurait fallu que la 4 soit liée à la zone -- à la région

25 numéro 2.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Et là, elle en était séparée.

27 LE TÉMOIN : Et là, elle en était séparée, oui.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Et donc, ça c'est une raison qui faisait qu'il y

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1 avait une opposition de certains en Serbie sur ce --

2 LE TÉMOIN : En Serbie également, bien entendu, en République serbe de

3 Bosnie-Herzégovine, puisque les Serbes de Bosnie-Herzégovine ont rejeté ce

4 plan de paix.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

6 Bien. Alors, Madame, excusez-moi d'avoir posé des questions, mais pour bien

7 comprendre les enjeux, autant profiter du témoin pour qu'il puisse répondre

8 à certaines questions. Continuez.

9 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.

10 Nous laissons maintenant les événements survenus en 1993, Monsieur le

11 Greffier, peut-on présenter la pièce 264 de la liste 65 ter au témoin. Je

12 précise que c'est écrit comme étant "l'entretien de Seselj avec Pogledi

13 publié dans le livre "Politique : un défi pour la conscience". On trouve

14 surtout les pages qui nous intéressent 66 à 72.

15 Q. Monsieur Tomic, est-ce que vous reconnaissez cette pièce ?

16 R. C'est un des ouvrages que j'ai consulté effectivement et que j'ai cité

17 plusieurs fois dans mon rapport.

18 Q. Est-ce que c'est notamment à la note de bas de page 183, page 88 ?

19 R. C'est quelle note de bas de page ?

20 Q. Je pense que c'est la note de bas de page 183. Excusez-moi, je me suis

21 trompée, c'était 193.

22 R. Dans mon document, ce n'est pas le cas.

23 Q. Mais est-ce que vous reconnaissez ce document; est-ce que c'est bien un

24 document dont vous êtes servi dans votre rapport ?

25 R. Oui. J'ai tiré plusieurs citations de cet ouvrage-là.

26 Mme BIERSAY : [interprétation] Nous demandons le versement du document 264

27 de la liste 65 ter, Monsieur le Président.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P163, Monsieur le

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1 Président.

2 Mme BIERSAY : [interprétation]

3 Q. Dans cet entretien, est-ce que M. Seselj discute de la présence du SRS

4 en Croatie et en Bosnie-Herzégovine ?

5 R. Oui. C'est --

6 Q. Est-ce que vous pourriez, à notre intention, résumer ce que c'est cette

7 présence, en Bosnie-Herzégovine plus particulièrement ?

8 R. Je ne me souviens pas dans le détail du document. Je n'ai pas mémorisé

9 le contenu, mais il fait allusion effectivement à ses voyages à travers la

10 Bosnie, la Krajina, la Slavonie, mais ce sont des thèmes qui, en fait, ils

11 sont assez répétitifs dans chacun des ouvrages, donc je n'ai pas mémorisé,

12 disons, chacun des entretiens.

13 Mme LE JUGE LATTANZI : Est-ce qu'on connaît la date de cet entretien ?

14 Mme BIERSAY : [interprétation] Je pense que la date est celle du 31 mai

15 1991, Madame la Juge.

16 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

17 Mme BIERSAY : [interprétation] Vous trouvez ceci à la dernière page de la

18 pièce.

19 Monsieur le Greffier, pouvez-vous nous montrer la page 3 du prétoire

20 électronique en B/C/S, à l'intention de M. Tomic. Ce sera la page 3 aussi

21 en anglais.

22 Q. Regardez la page que nous avons sous les yeux. A cette page on décrit

23 la participation de M. Seselj en Bosnie, en Krajina, en Slavonie; n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui. Mais précisément en fait on l'interroge sur sa venue en Bosnie-

26 Herzégovine parce qu'on avait déjà vu, dans un précédent document en fait,

27 qu'il avait mis en place un commandement donc chetnik dans la région de la

28 Romanija, et là on se rend compte effectivement donc qu'il devait

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1 participer à une émission de télévision à Sarajevo. Une manifestation

2 d'opposition donc a été organisée à Sarajevo contre la tenue de cette

3 émission dans laquelle il devait donc être invité.

4 Mme BIERSAY : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser à M.

5 Tomic. Pour ce qui est de la pièce P162 MFI, c'est la pièce 1811 de la

6 liste 65 ter, je demande le versement, si vous le voulez bien.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P162.

9 Mme BIERSAY : [interprétation] Avant d'en terminer, pour que le contre-

10 interrogatoire se déroule plus aisément, si M. Seselj a des documents qu'il

11 a l'intention de montrer au témoin, nous aimerions les avoir s'ils ne sont

12 pas déjà disponibles dans le système du prétoire électronique.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, merci Madame.

14 Bien. Alors, Monsieur Seselj, l'Accusation demande si vous avez des

15 documents que vous allez introduire pendant le contre-interrogatoire. Si

16 c'est le cas, donnez-nous les coordonnées de ces documents.

17 L'INTERPRÈTE: Micro.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai en effet plusieurs

19 documents, certains seront montrés. Ils sont importants du point de vue

20 visuel pour ce qui est de les montrer au témoin. Pour ce qui est d'autres

21 documents, je les ferai traduire, ou plutôt copier à l'intention du bureau

22 du Procureur. Parce qu'aujourd'hui encore, on m'a communiqué une certaine

23 quantité de documents. Donc, il m'appartient de proposer ces documents, à

24 vous de les accepter ou pas. Je n'ai pas les ressources dont dispose

25 l'Accusation. Et vous avez vu qu'en dépit de ces ressources-là, ils

26 s'accordent bien des commodités du point de vue de leur présentation des

27 documents.

28 Alors, si vous le permettez, je vais commencer avec mon contre-

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1 interrogatoire, et vous êtes là pour intervenir si quelque chose n'est pas

2 fait de façon appropriée à l'occasion de ce contre-interrogatoire.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

4 Contre-interrogatoire par M. Seselj :

5 Q. [interprétation] Monsieur Tomic, quelle est votre année de naissance ?

6 R. 1968.

7 Q. Où êtes-vous né, je vous prie ?

8 R. A Novi Sad, en Vojvodina, donc en Réplique de Serbie.

9 Q. Votre père était de quel groupe ethnique ?

10 R. Mon père était Serbe.

11 Q. De quelle confession êtes-vous ?

12 R. Je suis sans confession.

13 Q. Ça veut dire que vous êtes athée ?

14 R. Je n'ai pas été baptisé, mais ça ne veut pas dire pour autant que je

15 suis athée. Moi, j'ai vécu comme ça, et ça me convient. Moi, je n'ai pas…

16 Q. Je n'ai rien contre le fait que cela vous convienne. Je me dois de tout

17 savoir à votre sujet, chose que je n'ai pas pu apprendre autrement.

18 J'espère que vous ne m'en voulez pas.

19 Quelles sont les études universitaires que vous avez faites ?

20 R. J'ai étudié à l'Institut national des langues et civilisations

21 orientales.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Où ça ?

23 LE TÉMOIN : A Paris, dans un établissement d'enseignement supérieur.

24 M. SESELJ : [interprétation]

25 Q. Quelle est l'appellation exacte de votre diplôme universitaire ?

26 R. Diplôme d'études approfondies, enfin, diplôme de 3e cycle en France que

27 l'on appelle communément DEA.

28 Q. Monsieur Tomic, je vous prie d'être précis. Après la fin de vos études,

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1 avez-vous été agrégé ou avez-vous une maîtrise, ou est-ce que vous avez dû

2 satisfaire à des conditions pour accéder à ce titre, à faire des études de

3 3e cycle, avoir une thèse à défendre, passer des examens ? Ça m'intéresse.

4 R. Pour l'obtention du diplôme dont on vient de parler, j'ai rédigé un

5 mémoire d'une centaine de pages.

6 Q. Je pense que vous évitez d'apporter une réponse à ma question. Combien

7 de temps dure --

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement, Monsieur, vous n'avez pas répondu à

9 la question.

10 LE TÉMOIN : Le point, c'est que j'ai du mal à, comment dire, à entendre

11 complètement parce que M. Seselj parlant fort, moi, j'entends en même temps

12 le français et il y a confusion dans ce que j'entends là.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, la question est la suivante : le DEA est un

14 diplôme de 3e cycle. Avant le 3e cycle, il y a un second cycle et un premier

15 cycle. Donc, avez-vous eu une maîtrise ?

16 LE TÉMOIN : Oui.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Une maîtrise en quoi ?

18 LE TÉMOIN : Une maîtrise donc toujours à l'Institut national des langues et

19 civilisations orientales. Donc, pour obtenir ce diplôme de maîtrise, j'ai

20 rédigé un mémoire pareil d'une centaine de pages à peu près.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Le DEA, c'est antérieur à un doctorat de 3e cycle ?

22 LE TÉMOIN : Voilà.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Après un DEA, on a un doctorat de 3e cycle, si

24 on poursuit ?

25 LE TÉMOIN : Disons qu'on commence une recherche effectivement de DEA, qu'on

26 poursuit ou pas, après donc il y a un doctorat.

27 M. SESELJ : [interprétation]

28 Q. Alors, étant donné que je suis le seul à ne pas avoir compris, alors ce

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1 diplôme de maîtrise, est-ce que cela correspond à des études de quatre

2 années à Belgrade, à des études de faculté ? Est-ce que c'est bien un

3 diplôme de maîtrise ?

4 R. Dans l'institut donc dans lequel j'étudiais, le premier cycle durait

5 trois ans au lieu de deux, ailleurs dans les universités françaises et

6 ensuite donc, il y avait deux années, correspondant à la licence et à la

7 maîtrise, ce qui fait que le DEA arrivait finalement en sixième année

8 d'études. Donc, le système dans cet institut est quelque peu différent du

9 système disons commun dans les universités françaises.

10 Q. Bien. J'ai fini par comprendre. Alors, à la fin de ces trois années

11 d'études, ceci étant le premier cycle. Quel est le titre que vous avez

12 acquis ?

13 R. On ne parle pas à proprement parler de titre. On est titulaire d'un

14 diplôme de premier cycle, et je n'ai pas connaissance d'un titre qu'on

15 utiliserait en France pour ce niveau d'études.

16 Q. Je vais vous poser une question plus simple, peut-être allez-vous mieux

17 comprendre. Lorsque vous avez acquis un diplôme de premier cycle, que vous

18 avez donc terminé ce cycle de trois années, quel est le travail pour lequel

19 vous vous êtes qualifié ? Est-ce que vous allez être professeur de langue

20 dans une école primaire, secondaire ? Serez-vous interprète ou traducteur ?

21 Quelle est la qualification que vous avez acquise au bout de ces trois

22 années d'études ?

23 R. Je n'ai pas tout entendu, au fait.

24 Q. J'espère que ceci sera décompté, parce que je me dois de répéter.

25 Alors, lorsque vous avez terminé ces études de trois années, ce premier

26 cycle, vous avez acquis un titre, une qualification, donc vous vous trouvez

27 qualifié pour l'accomplissement d'une tâche. Quelle est la tâche

28 concrètement parlant que vous pouvez effectuer, accomplir lorsque vous avez

Page 3130

1 terminé ce premier cycle. Est-ce que vous pouvez enseigner une langue

2 étrangère à l'école secondaire, à l'école primaire ? Est-ce que vous pouvez

3 être traducteur, journaliste ? Vous devez être qualifié pour quelque chose.

4 R. Je pense que c'est un diplôme qui est insuffisant, je pense qu'il faut

5 au moins avoir une licence, donc une année supérieure encore d'études pour

6 pouvoir prétendre, passer certains concours, notamment pour des postes

7 d'enseignant ou équivalent.

8 Q. Est-ce que cela signifie qu'avec ces trois premières années, ce premier

9 cycle, en réalité, vous n'avez aucune qualification professionnelle ?

10 R. Certaines connaissances, puisque le diplôme est là pour justement

11 reconnaître les connaissances qui ont été acquises, pour valider les

12 connaissances qui ont été acquises. Après, en fonction de ses propres

13 centres d'intérêts, on peut trouver sur la base de ce diplôme un emploi.

14 Cela est déjà suffisant, mais après tout dépend des postes, si on parle des

15 postes d'enseignant, il s'agit de postes de la fonction publique, et donc

16 il y a un certain nombre de critères auxquels il faut répondre et pour les

17 postes disons, d'un niveau cadre, il faut au minimum avoir donc une

18 licence. C'est ce qu'on appelle la licence en France.

19 Q. Vous ne m'avez encore rien expliqué, mais j'ai compris. Au bout de

20 trois ans de ce premier cycle, en réalité, vous n'avez la possibilité

21 d'effectuer aucune tâche. Donc, si vous n'aviez pas fait ce deuxième cycle,

22 vous n'auriez aucune profession en réalité, ai-je raison de le dire ?

23 R. Ce ne sont pas des études à l'institut national des langues et

24 civilisations orientales dans le but d'obtenir un métier dès la troisième

25 année. Moi, dans mon optique, c'était - il s'agissait de faire des études

26 longues. Donc, je ne me suis pas posé la question d'un emploi à ce moment-

27 là, j'étais encore étudiant.

28 Q. Allons bon. Nous avons perdu beaucoup de temps et vous évitez de

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1 répondre. Vous avez fait des études de langues.

2 R. Nos systèmes universitaires sont différents peut-être.

3 Q. Je comprends cela. Mais vous évitez de répondre à mes questions. Mais

4 alors, vous avez fait ce deuxième cycle, qui fait deux années et vous avez

5 acquis un titre qui correspond à un master.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation.

7 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, car en fait on défend les dires

8 du témoin. Il a en fait répondu aux questions. Or, M. Seselj répète

9 toujours les mêmes questions en dépit des réponses données par le témoin.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Je vais intervenir, parce qu'il semblerait que

11 M. Seselj ne comprend pas le cycle d'étude dans cet institut. Cet institut

12 a pour vocation l'enseignement des langues orientales, c'est bien ça ?

13 LE TÉMOIN : Des langues orientales et avec une option donc, pour ceux qui

14 la choisissent, de civilisation, donc histoire et géographie.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Et quand on sort de cet institut, c'est pour faire

16 quoi au juste ? Interprète, enseignant, journaliste ?

17 LE TÉMOIN : Il y a toute sorte de profils en fonction des centres

18 d'intérêts individuels. Je veux dire, je ne peux pas parler - avoir une

19 généralisation.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous, vous étiez profilé vers quel métier ?

21 LE TÉMOIN : Moi, ce qui m'intéressait c'était l'histoire et donc je visais

22 donc l'enseignement au départ pour l'université.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : L'histoire, l'histoire des Balkans ?

24 LE TÉMOIN : L'histoire des Balkans, oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : L'histoire des Balkans. Bon.

26 Oui, Monsieur Seselj.

27 M. SESELJ : [interprétation]

28 Q. Donc, cette deuxième étape que vous avez achevée vous a permis

Page 3132

1 d'obtenir une maîtrise qui correspond à la dénomination de magistère, de

2 maître, n'est-ce pas ? Est-ce que j'ai raison ?

3 R. Ce qui correspond à la maîtrise, c'était la cinquième année d'études.

4 Puisqu'il y a un décalage d'un an, j'ai dit que le premier cycle durait

5 trois ans, ce qui correspond donc ensuite à la licence qui est 4 ans, la

6 maîtrise 5 ans, et donc le dernier diplôme de troisième cycle, le diplôme

7 d'études appliquées, donc ça correspond à la sixième année. Donc, de fait,

8 je me suis spécialisé en histoire à partir de la 5e année, qui correspond

9 donc au niveau de la maîtrise.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Votre mémoire de maîtrise portait sur quel sujet et

11 votre mémoire de DEA sur quel sujet ?

12 LE TÉMOIN : En fait, j'ai fait une étude sur les mouvements étudiants en

13 Yougoslavie entre 1968 et 1971. Et donc, le sujet était le même pour les

14 deux diplômes, donc le diplôme de DEA étant la poursuite des travaux que

15 j'avais engagés l'année précédente.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

17 M. SESELJ : [interprétation]

18 Q. Est-ce que vous auriez l'amabilité de bien vouloir nous donner la

19 dénomination exacte de ce travail, pas son contenu, mais quelle est la

20 dénomination du travail que vous avez accompli qui vous a permis d'obtenir

21 le grade de magistère ?

22 R. Je suppose "Le revirement autoritaire - je ne sais plus - d'origine

23 yougoslave en 1972". C'est à peu près ça.

24 L'INTERPRÈTE : Note des interprètes : Monsieur le Témoin, ayez l'obligeance

25 d'attendre la fin de l'interprétation française avant de répondre, sinon

26 les canaux vont s'enchevêtrer.

27 M. SESELJ : [interprétation]

28 Q. Donc, le sujet c'était l'histoire contemporaine. A la lecture de la

Page 3133

1 bibliographie des travaux lus par vous, je vois que vous ne vous êtes

2 jamais occupé de l'histoire ancienne de la Serbie.

3 R. Bien sûr l'histoire plus ancienne et l'histoire du Moyen Age est en

4 soit une spécialisation qui implique de connaître un certain nombre de

5 langues et donc, on ne peut pas être à la fois, travailler sur le Moyen Age

6 et sur la période plus contemporaine.

7 Q. Je sais bien ce qui n'est pas possible et ce qui est possible, mais ce

8 qui m'intéresse principalement ici, c'est de déterminer ce que vous avez

9 fait et ce que vous n'avez pas fait. Vous dites que vous avez lu des

10 ouvrages relatifs à l'histoire ancienne. Ça correspond un peu à ce que je

11 pourrais vous dire si je vous disais que j'avais lu toutes les œuvres de

12 Balzac, d'Emile Zola, de Stendhal et d'autres. Ça n'a pas grande

13 signification. Vous n'avez pas une seule référence vous montrant que vous

14 êtes un expert en histoire ancienne de la Serbie.

15 R. Je suivi un cours sur l'Empire Ottoman. Mais cela dit, mes travaux

16 n'ont pas porté sur cette période-là, parce que j'estime qu'il faut

17 connaître le grec, le latin, il faut vraiment étudier toutes les sources

18 disponibles pour cette période. Il faut avoir quand même un certain nombre

19 de qualifications et que je n'avais pas, donc je n'ai pas voulu me

20 spécialiser sur l'histoire du Moyen Age. En règle générale, les historiens

21 se spécialisent sur une période donnée et il est rare d'avoir des

22 historiens qui sont à même d'étudier dans le détail toutes les périodes. Je

23 veux dire, on a une spécialisation, une spécialité. On est spécialiste

24 d'une période. Alors, cette période peut être un siècle, deux siècles,

25 mais…

26 Q. En tant que prétendu spécialiste de l'histoire la plus récente, vous

27 avez été engagé à rédiger un rapport d'expert au sujet de l'idéologie de la

28 Grande-Serbie aux XIXe et XXe siècles. C'est cela qui m'importe

Page 3134

1 principalement. Et à la lecture des références vous concernant, nous voyons

2 que vous n'étiez pas expert pour ce faire, n'est-ce pas ?

3 R. -- ans, de 1999 à 2001, l'histoire des pays slaves du sud, au XIXe

4 siècle. Et j'ai eu par ailleurs dans ma formation, dans mes études, des

5 cours qui portaient sur l'histoire des pays yougoslaves à cette époque-là.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Redites la période parce que les interprètes n'ont

7 pas --

8 LE TÉMOIN : Entre 1999 et 2001. J'étais chargé de cours à l'Université

9 Paris 4 ou Sorbonne.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Et chargé de cours dans quel domaine ?

11 LE TÉMOIN : Donc c'était l'histoire des pays yougoslaves au XIXe siècle.

12 L'INTERPRÈTE : Le témoin pourrait-il, s'il vous plaît, attendre que

13 l'interprétation en français soit finie pour répondre. Sinon, il est

14 impossible de traduire. Merci.

15 M. SESELJ : [interprétation]

16 Q. Si j'étais, par exemple, professeur dans une université française,

17 docteur en sciences, et que devant un tribunal français on me jugeait sur

18 mon idéologie et sur les répercussions pratiques de cette idéologie, est-ce

19 qu'un seul tribunal français, à votre avis, se penchant sur votre cas à

20 vous, qui êtes magistère, vous vous considérez comme un expert pour étudier

21 l'idéologie défendue par un docteur en sciences et un professeur

22 d'université ?

23 R. Je ne sais pas quels sont les critères du système judiciaire français

24 pour faire appel, solliciter des experts. Il y a des expertises qui sont

25 demandées dans différents domaines; la psychologie, mais je ne sais pas

26 quels sont les -- je ne connais pas le système judiciaire français à ce

27 niveau-là.

28 Q. Mais vous connaissez sans doute la logique la plus simple et les

Page 3135

1 comportements universitaires. En tout cas, je l'espère, Monsieur Tomic.

2 Vous avez déclaré ici qu'à partir de 1999, vous avez collaboré avec le

3 ministère de la Défense français chargé des affaires stratégiques, n'est-ce

4 pas ?

5 R. -- pour le ministère de la Défense français, en particulier donc pour

6 la délégation des affaires stratégiques. Donc j'ai rédigé, notamment trois

7 études.

8 Q. Depuis quand, exactement. Quel mois de l'année 1999 ?

9 R. Bien, je me souviens -- je sais que c'était en 1999. Et après, je ne

10 sais plus quel mois précisément.

11 Q. A votre différence, Monsieur Tomic, je me souviens de tout ce que j'ai

12 fait en tant que jeune assistant, il y a 30 ans. Enfin, bon, vous, vous ne

13 vous en souvenez pas --

14 R. [hors micro]

15 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection.

16 M. SESELJ : [interprétation]

17 Q. Pour vous, c'est pas important.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui. Objection.

19 Mme BIERSAY : [interprétation] Ce dont se souvient M. Seselj, ce dont

20 il ne se souvient pas, n'a rien à voir avec ce que le témoin a à nous dire.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Ce qui compte, c'est ce que le témoin sait ou

22 ne sait pas, ou se souvient ou ne souvient pas.

23 Alors, continuez, Monsieur Seselj.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] A mes yeux, c'est une question très importante,

25 car elle peut permettre de mettre en cause la crédibilité de ce témoin

26 expert. Selon ce que je sais, il a travaillé pour le ministère de la

27 Défense français à l'époque des bombardements sur la Serbie et sur la

28 République fédérale yougoslave.

Page 3136

1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Ceci est-il vrai, Monsieur Tomic ?

3 R. -- et que j'ai réalisé après. Mais en fait, quand je travaillais, pour

4 préciser du moins, je n'étais pas salarié du ministère de la Défense. Je

5 faisais partie d'un projet donc, pour lesquels en fait des appels d'offre

6 étaient lancés. Et donc il y avait une sélection sur les propositions

7 éventuelles et -- ou que j'étais tout à fait indépendant de ce ministère-là

8 quand j'ai réalisé ces études. Et l'étude de 1999 portait sur la question

9 du protectorat international en Bosnie-Herzégovine et ne concernait pas à

10 l'époque la République fédérale de Yougoslavie.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous venez de dire que vous avez trois études pour

12 le ministère de la Défense. Vous pouvez nous préciser les sujets ? Là, vous

13 venez d'en dire un et quels sont les deux autres ?

14 LE TÉMOIN : Le second portait sur la question nationale serbe, donc après

15 la chute de Slobodan Milosevic, dans cette perspective.

16 Et ensuite donc, il y avait une étude sur la transition démocratique

17 en République fédérale de Yougoslavie, donc après 2000, et là la question

18 portait sur notamment les aspects sécuritaires.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Et ces études devaient servir à quoi ?

20 LE TÉMOIN : En fait, le ministère de la Défense, donc une équipe suivant,

21 disons, l'évolution de la situation dans les Balkans, et plus

22 particulièrement en ex-Yougoslavie. Ils collectent des informations,

23 disons, par les voies habituelles donc des ambassades, de leurs

24 représentants dans la région. Et en sollicitant des études extérieures, il

25 s'agit en fait de croiser les analyses, donc d'avoir un débat sur des

26 situations données, donc entre les personnes qui travaillent donc dans un

27 ministère et des chercheurs extérieurs.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

Page 3137

1 Monsieur Seselj.

2 M. SESELJ : [interprétation]

3 Q. Monsieur Tomic, à ce moment-là, le ministère de la Défense français

4 était dirigé par Alain Richard, socialiste, n'est-ce pas ?

5 R. [hors micro]

6 Q. Alain Richard était un atlantiste déclaré, par ailleurs, et très

7 favorable à une coopération étroite avec les Etats-Unis d'Amérique, n'est-

8 ce pas ?

9 R. -- positivement. Je ne me suis jamais vraiment posé la question.

10 Q. Bon. Alain Richard est un proche collaborateur de Michel Rocard, n'est-

11 ce pas ?

12 R. Il me semble.

13 Q. Savez-vous que Michel Rocard est l'un des quatre représentants français

14 du Groupe de crise international par ailleurs largement anglo-saxon ?

15 R. C'est possible. Moi, je -- j'ai pas -- je ne connais pas la composition

16 de cette organisation.

17 Q. Savez-vous que le Groupe de crise international a été créé par Morton

18 Abramowitz, ancien ambassadeur américain à Ankara, et par ailleurs

19 principal fournisseur d'armes aux Moudjahidines en Afghanistan à l'époque

20 du soulèvement des Moudjahidines contre le pouvoir soviétique en

21 Afghanistan ? Répondez par oui ou par non, et nous poursuivrons.

22 R. [hors micro]

23 Q. Vous n'êtes pas au courant ? Bon. Je n'insiste pas, si tel est le cas.

24 Etes-vous au courant du fait que Morton Abramowitz était le conseiller

25 spécial de la délégation albanaise terroriste séparatiste durant les

26 pourparlers de Rambouillet, où un ultimatum a été posé aux Serbes ?

27 R. C'est possible. Moi, je sais pas précisément.

28 Q. Etes-vous au courant du fait que les trois autres membres français du

Page 3138

1 Groupe de crise international sont Simone Weill, Jacques Delors et

2 Christine Ockrent ?

3 R. J'en ai entendu parler effectivement de l'appartenance de Christine

4 Ockrent à cette organisation, mais je ne sais pas pour les autres personnes

5 que vous mentionnez.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Les noms ne sont pas au transcript. Vous pouvez

7 répéter, Monsieur Seselj, parce que les noms ne figurent pas.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Simone Weill, Jacques Delors et Christine

9 Ockrent.

10 Q. Christine Ockrent est l'épouse de Bernard Kouchner, ministère des

11 Affaires étrangères actuel en France, n'est-ce pas ?

12 R. [hors micro]

13 Q. Bernard Kouchner est par ailleurs l'initiateur d'une campagne anti-

14 serbe frénétique en France depuis 17 ans; ceci est-il vrai ?

15 R. Je ne me prononcerai pas sur la question. C'est votre appréciations,

16 disons, de --

17 Q. Mais vous êtes un expert, Monsieur Tomic. Vous devriez avoir votre

18 avis, y compris sur ce point. Mais bon, ce n'est pas important, pas

19 tellement.

20 R. -- ministre des Affaires étrangères et en tant que fonctionnaire, j'ai

21 comme un devoir de réserve, j'ai pas à me prononcer sur des questions le

22 regardant.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : L'accusé vous pose une question. Il allègue qu'il y

24 aurait une campagne anti-serbe dont Bernard Kouchner serait un des leaders.

25 Alors vous en avez entendu parler ? C'est vrai ? C'est faux ?

26 LE TÉMOIN : Bernard Kouchner est connu pour étant favorable à un type de

27 diplomatie qui implique une intervention, disons, de la part des Etats

28 extérieurs pour notamment venir en aide à des populations dans le cadre de

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1 conflits. Donc il est connu pour ça, effectivement.

2 M. SESELJ : [interprétation]

3 Q. Ce que vous venez de confirmer, à savoir que vous êtes fonctionnaire,

4 est très important pour moi, ce qui implique que vous ne pouvez pas vous

5 prononcer sur Bernard Kouchner. En tant que fonctionnaire de l'Etat, vous

6 ne pouviez pas être impartial dans votre travail d'expert récent, n'est-ce

7 pas ?

8 R. C'est différent.

9 Q. Par ailleurs, vous êtes membre du conseil exécutif du Courrier des

10 Balkans. Je ne parle pas bien le français, je ne suis pas sûr d'avoir bien

11 prononcé, n'est-ce pas ?

12 R. -- d'administration, mais je ne le suis plus depuis maintenant deux

13 ans.

14 Q. Ce qui m'importe c'est que vous l'avez été. Vous aviez une publication

15 internet. Et le président de ce conseil d'administration était le prince

16 Nikola Njegos, n'est-ce pas ?

17 R. [hors micro]

18 Q. Qui vit à Paris en tant qu'émigrant ? Ce conseil d'administration s'est

19 prononcé clairement pour la division du Monténégro par rapport à la

20 République fédérale yougoslave. Ceci est-il vrai ?

21 R. Le Courrier des Balkans c'était un site qui traduit des articles de la

22 presse de l'ancienne Yougoslavie et donc il ne prend pas de position

23 politique quant à la réalité de chacun de ces pays-là. Ce n'est pas un

24 "think tank" qui fait des recommandations de politique étrangère. Son

25 objectif principal est de traduire des articles de la presse ex-yougoslave.

26 Q. La façon dont vous choisissiez les articles était extrêmement

27 tendancieuse et favorable à la thèse séparatiste; ceci est-il exact ?

28 R. - le rédacteur en chef qui est responsable de ligne éditoriale. Moi,

Page 3140

1 j'étais associé à cette association en tant que chercheur extérieur pour

2 voir éventuellement quel pont pouvait être établi entre le Courrier des

3 Balkans et le milieu, disons, universitaire, le milieu des chercheurs.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : La question du Courrier des Balkans, vous qui avez

5 travaillé au sein de cette institution, certains sont engagés ou ils sont

6 tous neutres ou bien, comme semble l'indiquer M. Seselj, il y aurait des

7 choix éditoriaux, par exemple, sur le Monténégro ?

8 LE TÉMOIN : Mais il y a, il me semble du moins, moi, personnellement, j'ai

9 traduit quelques articles soit à la demande ou des articles que je

10 sélectionnais, mais cela dit, mon apport du moins était très minime et

11 donc, je ne participais pas aux réunions régulières. Le conseil

12 d'administration se réunissait une fois ou deux par an. Dans la gestion

13 courante du site internet, je n'étais pas présent, je n'étais pas associé.

14 Maintenant, c'est un site qui est apparu dans la seconde moitié des années

15 '90, dans l'idée de défendre les médias indépendants des différentes

16 républiques de l'ex-Yougoslavie.

17 M. SESELJ : [interprétation]

18 Q. Monsieur Tomic, j'ai ici sous les yeux un tas important de vos écrits.

19 D'abord, à la lecture de votre bibliographie, je vois que vous avez rédigé

20 très peu de textes scientifiques. Vos travaux sont principalement de nature

21 journalistique, dirais-je. J'en ai donc un grand nombre sous les yeux. Tous

22 les textes dont vous êtes l'auteur sont idéologiquement engagés, n'est-ce

23 pas ?

24 R. J'ai surtout publié des articles pour des revues donc de type

25 académique. Il m'est arrivé de rédiger peut-être quelques tribunes pour des

26 quotidiens. Mais c'est pas là l'essentiel de mon activité intellectuelle.

27 Q. Ce que vous appelez "votre activité intellectuelle", cela consiste à

28 rédiger des pamphlets politiques et dans les textes dont vous êtes

Page 3141

1 l'auteur, chaque fois que vous évoquez le Parti radical serbe, vous dites

2 qu'il s'agit d'un parti extrémiste ou ultranationaliste; ceci est-il vrai ?

3 R. Si on utilise ces adjectifs, en fait, c'est à des fins de

4 catégorisation. Pour identifier des partis, on est obligé de les

5 caractériser en fonction de leur programme, leur idéologie. Les termes que

6 j'ai employés n'étaient pas du tout des termes inappropriés et il ne

7 s'agissait pas, disons, d'un jugement de valeur. Ce n'est pas du tout, par

8 exemple, sur le même registre que le Parti socialiste de Serbie qui, en

9 septembre 1993, a lancé une campagne contre les radicaux en disant que les

10 radicaux étaient des fascistes, des primitifs ou et a rappelé un certain

11 nombre -- a mis l'accent sur les crimes qu'auraient commis les unités de

12 volontaires. Ce n'est pas du tout sur le même plan. Moi, quand je parle de

13 nationalisme ou de parti d'extrême droite, d'ailleurs j'utilise un type de

14 catégorie qu'emploient les chercheurs en science sociale pour définir

15 l'identité des partis politiques. Et aujourd'hui même on voit à propos des

16 élections présidentielles en Serbie récentes, toutes les agences de presse

17 ont parlé de Tomislav Nikolic en tant que très nationaliste. Donc, moi-

18 même, j'ai été interrogé par une radio belge, il y a une quinzaine de jours

19 et j'ai critiqué cet adjectif estimant que le candidat n'avait pas tant mis

20 l'accent sur la question nationale que sur des questions plutôt d'ordre

21 économique et social.

22 Q. Il ressort de ce que vous venez de dire à l'évidence que vous opérez

23 sur la base de catégorie idéologique et non cognitive ou scientifique. Vous

24 vous occupez de politique quotidienne et vous prenez des positions

25 politiques quotidiennes dans vos textes qui n'ont aucun fondement

26 théorique. On ne trouve aucun centre scientifique dans vos textes. Vous

27 voulez que je vous les soumette, ils sont tous en français.

28 L'INTERPRÈTE : -- attendre que l'anglais --

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] -- à des articles qui sont publiés dans des

2 revues académiques ou universitaires qui, eux, ont un appareil

3 scientifique. En France, on a une tradition de tribune dans les quotidiens,

4 il y a des débats intellectuels entre les personnes qui parfois ne pensent

5 pas la même chose ou quand on écrit ce genre texte, on n'indique pas de

6 note de bas page ou de référence bibliographique. On ne peut pas placer sur

7 le même plan ce genre de texte avec les articles qui sont publiés dans des

8 revues, un comité de rédaction qui opère une sélection des articles avec

9 une relecture critique.

10 M. SESELJ : [interprétation]

11 Q. Monsieur Tomic, vous venez simplement de confirmer la thèse défendue

12 par moi, à savoir que vous êtes un auteur de politique quotidienne et non

13 un scientifique, ce qui ressort de la lecture de tous vos textes. Vous me

14 répondez de façon trop générale et vous me faites perdre mon temps

15 précieux.

16 Mme BIERSAY : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, il faut d'abord qu'il réponde.

18 Oui, l'objection --

19 Mme BIERSAY : [interprétation] Quelle est la question ? M. Seselj vient de

20 faire toute une série de déclarations, mais quelle est la question qu'il

21 pose ?

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, il faut poser des questions. Alors

23 la question qui figurait mais qui n'était pas - qui n'a pas été prononcée

24 dans les règles de l'art, l'accusé semble dire que vous êtes plus un

25 journaliste qu'un scientifique. Alors qu'est-ce que vous répondez à cette

26 question ?

27 LE TÉMOIN : M. Seselj met l'accent sur 4 ou 5 textes qui sont donc des

28 tribunes parues dans des médias, mais qui sont une infime partie de ce que

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1 j'ai pu -- représentent une infime partie de ce que j'ai pu publier. Il y a

2 des genres, des registres différents, mais jamais je n'ai porté de jugement

3 de valeur quant à l'accusé ou à son parti.

4 M. SESELJ : [interprétation]

5 Q. Vos travaux sont pleins de jugements de valeur. Je vous ai posé la

6 question de savoir ce que signifiait à votre avis l'expression

7 "extrémiste", et c'est à ce moment-là que la représentante de l'Accusation

8 a pris la parole. Je ne me souviens pas de son nom, malheureusement, pas

9 encore. Que veut dire le mot "extrémiste" ?

10 R. -- définir des différents partis politiques, donc on dit qu'il y a des

11 partis soit de droite ou de gauche, d'extrême droite, d'extrême gauche.

12 Donc effectivement, la plupart des chercheurs qui s'intéressent à la Serbie

13 classifient plutôt le Parti radical serbe comme étant un parti d'extrême

14 droite, extrême, pourquoi ? Donc en général, ces partis se montrent

15 intolérants vis-à-vis des opinions autres que les leurs. Il y a un

16 registre, disons, on se place sur le terrain de ami/ennemi. C'est-à-dire,

17 si on n'est pas d'accord avec la ligne du parti en question, donc on est

18 soit un traître à la nation ou -- donc c'est l'une des raisons pour

19 lesquelles on utilise ce terme.

20 Après effectivement, le terme "extrême", ces partis dits extrémistes

21 n'ont pas recours nécessairement à la violence; certains peuvent, d'autres

22 pas.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voyez, Monsieur le Président, combien de

24 temps s'écoule et je n'ai pas encore reçu de réponse à la question posée

25 par moi, à savoir quel était le sens à donner à l'expression "extrémiste".

26 Ce que le témoin raconte, ce sont des affaires pour enfants en bas âge. Je

27 lui demande de me dire ce que signifie le terme "extrémiste". Alors

28 veuillez décompter cela de mon temps. Il utilise au moins 30 % de mon temps

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1 en le gaspillant.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous définir le terme extrémiste ?

3 LE TÉMOIN : Il n'est pas clairement non plus défini non plus par les

4 chercheurs. Mais c'est en opposition aussi à modéré. Il y a des partis qui

5 ont des objectifs, des -- et pour réaliser ces objectifs donc vont mettre

6 en avant des moyens, et donc en fonction de ces moyens, de ces objectifs,

7 on dira qu'il s'agit de partis politiques modérés. Il y a des partis qui

8 sont moins modérés et donc on les qualifie d'extrémistes. Mais c'est - je

9 veux dire, c'est un terme qui est employé par la plupart des politologues,

10 des historiens, je veux dire, c'est pas moi qui ai inventé cette

11 qualification.

12 Mme LE JUGE LATTANZI : Selon mon opinion personnelle, la réponse qu'il

13 avait donnée avant à propos du fait extrême droite, extrême gauche,

14 l'intolérance, ami, ennemi, était une réponse à la signification du terme.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je constate que le témoin présent ici ne sait

16 pas quel est le sens à donner au mot "extrémiste". Il a dit lui-même que ce

17 n'est pas lui qui avait créé ce mot et qu'il était incapable d'en expliquer

18 le sens. Ce qu'il a raconté, ce ne sont que des applications de ce terme

19 dans le jargon politique. Il utilise un terme dont il ne connaît pas le

20 sens. Mais je poursuis mes questions.

21 M. SESELJ : [interprétation]

22 Q. Que veut dire l'expression "ultra" au sens politique. Vous avez parlé

23 de "ultranationaliste", "ultranationalisme". Que veut dire le terme "ultra"

24 au sens politique ?

25 R. J'ai pas dit que je l'avais utilisé. J'ai dit que les agences de presse

26 utilisaient ce terme et que je ne l'avais pas trouvé adéquat en

27 l'occurrence concernant la dernière élection présidentielle en Serbie. Donc

28 ça veut dire ultra, hypernationaliste, un parti qui mettrait la nation au-

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1 dessus de tout. Ça peut avoir plusieurs sens en fonction de la réalité de

2 chaque pays.

3 Q. Monsieur Tomic, dans les textes dont vous êtes l'auteur, eu égard au

4 Parti radical serbe, vous appliquez le terme d'ultranationaliste, et tout

5 d'un coup maintenant vous ne vous rappelez pas avoir utilisé ce terme. Vous

6 allez même plus loin, vous dites que vous ne l'avez pas utilisé dans les

7 textes écrits par vous.

8 R. Je ne sais plus précisément, mais bon si -- vous parliez de textes qui

9 datent de quand ? Moi, je --

10 Q. Ce qui m'intéresse avant tout maintenant, c'est : est-ce que vous savez

11 ce que veut dire le terme "ultra". Je vois que vous ne le savez pas. Ne me

12 posez pas des questions à moi.

13 R. Il est pris certainement comme équivalent d'extrême, d'extrémiste.

14 Q. Ce que je vous demande, c'est ce que signifie ce terme "ultra" au sens

15 politique. N'évitez pas, si vous ne le savez pas, dites honnêtement que

16 vous ne le savez pas.

17 R. Bien, j'essaie de répondre à la question. J'ai pas --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans votre rapport, est-ce que vous avez utilisé le

19 terme "ultranationaliste" ?

20 LE TÉMOIN : Non, je ne pense pas. Je n'ai pas utilisé ce terme là, et en

21 général dans l'ensemble de mes travaux, moi, je suis comme connu pour être

22 sérieux et donc en général, c'est pas -- ce genre de termes, je ne les

23 utilise pas.

24 M. SESELJ : [interprétation]

25 Q. Alors ces termes d'"ultranationaliste" ou "ultranationalisme", les

26 avez-vous utilisés dans des textes moins sérieux de votre part ?

27 R. Vous mentionnez des textes, mais il faudrait m'indiquer lesquels

28 précisément. C'est-à-dire --

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1 Q. Je vous le lirai quand je voudrai. Savez-vous ce que signifie le terme

2 de "radical" ?

3 R. Il y a plusieurs types de définitions possibles. Ça peut être un moyen,

4 un qualificatif employé quand on a une politique qui défend des principes

5 de manière éventuellement véhémente ou qui sont -- qui défend des principes

6 tout en y étant très fermement attaché. Après il y a une tradition

7 politique radicale.

8 Q. Donc vous ne savez pas ce que cela signifie, le terme "radical". Avez-

9 vous étudié le latin ?

10 R. Non, je n'ai pas fait de latin.

11 Q. Vous ne sauriez pas nous dire ce que signifie "radix" en latin ?

12 R. N'ayant pas fait de latin, je ne peux pas répondre à la question.

13 Q. Fort bien. Vous ne savez pas ce que ces trois termes signifient et vous

14 parlez de Grande-Serbie, du concept idéologique de la Grande-Serbie.

15 Quand est-ce que pour la première fois quelqu'un a parlé de ce projet

16 de réunification de toutes les terres serbes ? Savez-vous cela ?

17 R. Je sais qu'il y a eu un projet d'un serbe vivant dans l'Empire

18 d'Autriche, donc à la fin du XVIIe siècle. Mais je ne me souviens plus

19 précisément de cette personne. Disons que c'est un projet qui n'a pas eu

20 disons de répercussion très importante après.

21 Q. Savez-vous qui est-ce qui a présenté ce projet ? Quel est son nom à cet

22 homme ?

23 R. Je viens de vous dire que je connaissais pas le nom de cette personne,

24 donc qui était un Serbe donc de l'Empire d'Autriche qui avait soumis un

25 projet donc politique allant dans le sens de la Grande-Serbie aux autorités

26 politiques, je crois, de l'Empire. Donc peut-être vers les années 1697, je

27 ne sais pas précisément. Toujours est-il que ce n'est pas une initiative

28 qui a laissé des traces par la suite.

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1 Q. N'inventez rien, Monsieur Tomic, pour ce qui est des dates. Savez-vous

2 quand est-ce que les Turcs ont pour la dernière fois assiégé Vienne ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Vers 1683.

4 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection. Parce qu'il y a un commentaire

5 constant des réponses du témoin. Soit on pose une question et puis on passe

6 à autre chose, mais la façon dont il agit ne convient pas.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous faites exactement comme avait

8 fait M. Milosevic : vous rajoutez des commentaires à des questions. Les

9 règles, c'est vous posez la question et il répond, puis vous posez une

10 autre question, et cetera. Si vous voulez faire un commentaire bien, de

11 manière intelligente, vous l'introduisez dans une question que vous posez.

12 Là par exemple vous avez dit : "Vous inventez des dates." Il a dit

13 aux environs 1697, donc il ne sait pas donc il n'invente pas.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Justement, je constate que le témoin ne sait

15 rien, Monsieur le Président. Mais voilà il a su quand est-ce que pour la

16 dernière il y a eu un siège turc de Vienne et je le félicite, 1683. Mais il

17 n'a jamais entendu parler du comte Djordje Brankovic et de son mémoire à

18 l'intention de l'empereur autrichien. Et il présente une expertise dans mon

19 procès au sujet de la Grande-Serbie. Vous ne le savez pas, allons de

20 l'avant.

21 M. SESELJ : [interprétation]

22 Q. Quand est-ce qu'au fil de l'histoire, la dernière fois ou la fois

23 d'après a-t-on parlé de la Grande-Serbie ? Vous avez cité dans votre

24 bibliographie le livre de mes règles Mihailo Stanisic. Vous l'avez lu.

25 Quand est-ce que pour la fois d'après a-t-on mentionné cela ?

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je relis la question qui vous est posée. Vous étiez

27 chargé de faire un rapport d'expert sur la Grande-Serbie. Donc la démarche

28 d'un historien est de savoir qui a pu écrire sur ce sujet, et là vous vous

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1 faites l'aveu que vous ne saviez pas que le comte Djordje Brankovic -

2 excusez-moi, la prononciation - avait fait à l'époque un travail sur ce

3 thème.

4 LE TÉMOIN : En fait, dans l'ouvrage qui vient d'être mentionné, il est fait

5 référence effectivement à cette personne, mais sans plus de détail. Je

6 crois qu'il n'y a pas d'étude systématique à ma connaissance sur ce projet-

7 là. Donc, en général, quand on parle de cette idéologie, on parle -- on

8 part à partir du XIXe siècle en fait, à partir du moment où il y a la

9 formation d'une idéologie nationale de manière plus claire et plus

10 affirmée. Maintenant, effectivement, il y a peut-être eu des formulations

11 antérieures, mais globalement elles sont rarement prises en considération

12 quand on parle du projet de Grande-Serbie.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

14 Monsieur Seselj.

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce qui importe, c'est que tout ceci soit dit

16 pour l'opinion publique serbe afin que les historiens serbes puissent

17 éclater de rire. Le comte Djordje Brankovic, c'est un phare dans ce

18 concept.

19 M. SESELJ : [interprétation]

20 Q. Ma question suivante s'est rapportée au début du XIXe, qui a été

21 le suivant, début XIXe siècle, qui a parlé de la Grande-Serbie et de la

22 réunification des terres serbes ?

23 M. LE JUGE ANTONETTI : L'Accusation s'est élevée. Madame.

24 Mme BIERSAY : [interprétation] Une fois de plus, objection au fait que M.

25 Seselj ne cesse de faire de commentaire.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous avez fait le commentaire, vous

27 aviez qu'à -- plutôt que de faire le commentaire, reprendre la question en

28 disant : vous venez de me dire que ce concept n'a été mis à l'étude qu'à

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1 partir du XIXe siècle alors même que d'autres personnes s'étaient penchées

2 sur ce thème, comme le comte Brankovic. Alors, il répond oui, non. Voilà.

3 Ce qui évite de faire un commentaire, et ce qui évite à l'Accusation

4 également de se lever.

5 Bien, continuez.

6 M. SESELJ : [interprétation]

7 Q. J'ai deux fois répété ma question. Qui, pour la première fois au XIXe

8 siècle, a parlé de cette notion de réunification de toutes les terres

9 serbes ? La question n'a pas pu être plus directe si le témoin ne le sait

10 pas, qu'il nous dise qu'il ne sait pas.

11 R. Au moment, disons, de la première insurrection serbe, donc à partir de

12 1804, il y a effectivement cette idée qui commence à germer, donc de

13 rassembler tous les Serbes vivant autour de la -- du Pasaluk donc de

14 Belgrade. Donc cette idée a pu être effectivement formulée par des

15 dirigeants, des notables locaux, des dirigeants politiques de l'époque et

16 d'intellectuels. Après le terme est également employé par les Autrichiens.

17 Est-ce qu'on parle du terme "Grande-Serbie" en tant que telle ou d'une

18 unification du peuple serbe ?

19 Q. Monsieur Tomic, vous ne savez donc pas que Arsenije Gagovic,

20 l'archimandrite du monastère de Piva, en 1803, à Petrograd, a présenté

21 devant des représentants officiels du gouvernement russe, un plan relatif à

22 la création d'une Grande-Serbie qui réunirait en soi toutes les terres

23 serbes, n'est-ce pas ?

24 R. -- page d'histoire de la Serbie ait mentionné non plus cette

25 initiative.

26 L'INTERPRÈTE : Le témoin pourrait-il attendre que l'anglais soit fini sur

27 le transcript avant de répondre, sinon il est difficile d'interpréter.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Comme vous maîtrisez parfaitement la langue de

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1 l'accusé, vous répondez tout de suite, laissez un peu de temps parce que

2 sinon les interprètes sont perdus.

3 L'INTERPRÈTE : Ce n'est pas que les interprètes sont perdus, c'est que le

4 canal français est occupé par une seule voix francophone en même temps, et

5 que donc le début de la réponse du témoin ne figurera pas au compte rendu

6 d'audience.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui.

9 M. SESELJ : [interprétation]

10 Q. Qui est le suivant, après Arsenijeje Gagovic, qui dans un texte écrit

11 aurait mentionné cette notion de Grande-Serbie, le savez-vous ? Dans un

12 texte écrit.

13 R. -- un historique de l'emploi de l'expression "Grande-Serbie". Je me

14 suis concentré sur les principaux projets nationaux formulés en Serbie au

15 XIXe siècle qui sont d'ailleurs repris dans la plupart des livres portant

16 sur l'histoire du XIXe siècle. Je ne suis pas entré dans les détails --

17 tous les projets possibles. Je me suis concentré sur les principaux. Je

18 n'ai pas écrit une histoire détaillée de la Serbie. Il s'agit d'un rapport

19 quand même d'une centaine de pages et mon objectif était qu'il soit le plus

20 clair possible.

21 Q. Monsieur Tomic, vous ne savez donc pas qu'il y a eu trois projets très

22 sérieux de Grande-Serbie et de réunification des terres serbes avant le

23 Nacertanije de Garasanin, n'est-ce pas, et vous ne saviez pas que ce

24 troisième projet date de 1804 et a été présenté par le métropolite serbe

25 Stevan Stratimirevic dans son mémorandum à l'intention de l'empereur russe,

26 ça vous ne le saviez pas ?

27 R. -- l'insurrection serbe en 1804 et dans les années qui ont suivi

28 jusqu'à la deuxième insurrection serbe, il y a eu -- a émergé cette idée de

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1 rassembler, donc d'unifier les Serbes.

2 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous répéter votre réponse parce que l'interprète

3 n'a pas pu prendre le micro à temps.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Reprenez parce que ça a été tellement vite que les

5 interprètes n'ont pas pu suivre. Alors, Monsieur Seselj, répétez votre

6 question, ça va tellement vite qu'il y des trous.

7 M. SESELJ : [interprétation]

8 Q. Vous n'avez pas ouï-dire qu'en 1804, le métropolite serbe Stevan

9 Stratimirevic, dans son mémorandum à l'intention de l'empereur russe,

10 aurait présenté un plan de création de Grande-Serbie par la réunification

11 de toutes les terres serbes, n'est-ce pas ?

12 R. Non, je ne m'en souviens plus.

13 Q. Bien. Quand pour la première fois a-t-on lancé un journal intitulé

14 "Grande-Serbie" ?

15 R. C'est à la fin des années 1880.

16 Q. Savez-vous qui est-ce qui a lancé ce journal ?

17 R. -- le nom de la personne.

18 Q. Cela a été l'œuvre d'une institution. Comment s'appelait cette

19 institution ?

20 R. Velika Srbija, peut-être.

21 Q. L'Association de Grande-Serbie, mais vous ne savez pas que cela a été

22 l'œuvre d'un grand poète serbe, Stevan Kacanski.

23 Est-ce que vous avez eu ce livre entre les mains ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vous prie que ce livre soit remis au témoin.

25 M. SESELJ : [interprétation]

26 Q. Veuillez nous donner lecture du titre. C'est le titre qui nous

27 intéresse seulement, rien d'autre.

28 R. "Réimpression de tous les numéros de ce journal Grande-Serbie de 1888 à

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1 1903."

2 Q. Vous n'avez jamais eu ça entre les mains ?

3 R. -- de ce journal.

4 Q. Cette réimpression, vous l'avez eue entre les mains ?

5 R. --

6 Q. Mais savez-vous qui, en 1903, a lancé une deuxième édition de cette

7 Grande-Serbie ?

8 R. Mais il me semble que c'est une des personnes, justement, qui étaient

9 associées à cette première publication, mais je ne me souviens plus du nom.

10 Q. Vous ne savez donc pas que c'était Dragutin Ilic, le frère du grand

11 poète serbe, Vojislav Ilic, n'est-ce pas ?

12 R. Non. Je -- c'est des éléments qui ne m'ont pas semblé importants. Et

13 quand on parle de l'idée nationale serbe, dans la plupart des études qui

14 ont été faites, on ne mentionnait pas ces périodiques. Je pense

15 qu'effectivement, vous, vous avez été intéressé à partir du moment où vous

16 avez publié un magazine, donc Velika Srbija, de reprendre tous les --

17 disons l'historique des titres parus, donc, avec ce titre, mais je ne suis

18 pas persuadé que ces publications aient eu un rôle aussi important dans la

19 formulation, disons, de l'idéologie nationale serbe.

20 Q. Mais ne gaspillez pas mon temps avec ces explications qui n'ont aucune

21 importance. Savez-vous --

22 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Objection recevable. Oui, Monsieur Seselj, ne

24 critiquez pas la réponse qu'il fait. Et si elle ne vous plait pas, bon,

25 vous passez à autre chose. Mais faites en sorte de le -- le limiter dans

26 ses réponses, parce que vous avez droit à des questions suggestives, de

27 telle façon qu'il répond oui, non, je ne sais pas. Donc, c'est à vous de

28 maîtriser le jeu des questions pour le limiter dans ses réponses.

Page 3154

1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Monsieur Tomic, savez-vous quand est-ce que Grande-Serbie a été publié

3 comme quotidien, donc tous les jours ?

4 R. -- Deuxième Guerre mondiale.

5 Q. --

6 R. De Salonik à Salonik.

7 Q. Avez-vous vu ce livre-ci jusqu'à présent ?

8 R. Ça, c'est la réédition de ce quotidien. Je l'ai dans mon bureau.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, vous voulez voir le livre ?

10 Mme BIERSAY : [interprétation] J'aimerais voir les deux, afin que l'on les

11 marque pour identification aussi.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : -- les donner.

13 Mme LE JUGE LATTANZI : Pardonnez-moi, j'ai une curiosité. J'ai une question

14 à M. Seselj. Pourquoi le sous-titre de ce périodique a un -- c'est en

15 italien : est-ce que vous le savez, étant donné que vous savez tout sur

16 cette question de la Grande-Serbie ?

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout d'abord, je voudrais vous poser une

18 question, là. Est-ce que c'est en français la même chose : "Grande-Serbie"

19 ?

20 Mme LE JUGE LATTANZI : C'est en italien, et ça signifie : "La Serbie sera

21 seule."

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Parce que l'idée de la Grande-Serbie suit

23 l'idée, la grande idée italienne du "risorgimento," parce que cette idée de

24 la Grande-Serbie coïncide avec l'idée de réunification et de libération de

25 l'Italie. Les grands noms du Mouvement national italien ont grandement

26 influé sur les intellectuels serbes, Garibaldi et les autres.

27 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

28 M. SESELJ : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Tomic, étant donné que vous avez eu connaissance de cette

2 édition de Salonik, pouvez-vous jeter un coup d'œil sur l'une quelconque

3 des pages de garde. Que trouve-t-on sous le titre : "Grande-Serbie" ?

4 R. La Grande-Serbie --

5 Q. En français ? En français, on dit : "La Grande-Serbie". Peut-être ma

6 prononciation n'est-elle pas bonne. Mais savez-vous pourquoi ?

7 R. Mais parce que les soldats serbes combattaient aux côtés des soldats

8 français dans la région autour de Thessalonik, donc dans l'armée d'orient à

9 côté donc des soldats français qui étaient donc dans l'armée d'orient.

10 Q. Ai-je raison de dire que ce titre figure en français parce que nous

11 Serbes, à l'époque, nous aimions la France presqu'autant que la Serbie ?

12 R. Il y a une amitié qui va effectivement émerger entre les deux peuples à

13 l'occasion de la Première Guerre mondiale, dans la mesure où la France va

14 accueillir un certain nombre de réfugiés serbes, notamment donc des

15 enfants, et parce que les deux armées, effectivement, vont combattre

16 ensemble à partir de Salonik, et libéraient ensuite les territoires qui

17 entreront dans la Yougoslavie.

18 Q. Monsieur Tomic, est-ce que vous savez quelles sont les autres

19 publications de ce journal "Grande-Serbie" ? Nous avons la publication de

20 Stevan Kacanski, puis nous avons la publication de Dragutin Ilic de 1903,

21 puis nous avions cette publication de 1916, 1918 de Salonik. Ça en fait

22 trois. Quelles sont les autres ?

23 R. Après la guerre, une autre série, mais je ne la connais pas. Une fois -

24 - moi, il me semble que ce sont des documents qui peuvent porter le titre

25 de "Grande-Serbie", mais qui ne nous aident pas, nous, historiens, à

26 travailler dans le sens où on ne trouve pas mention véritablement du projet

27 d'unification des Serbes dans ces journaux. Ce n'est pas clairement établi,

28 ou -- toujours est-il que je ne suis pas le seul à ne pas les mentionner.

Page 3156

1 La plupart des historiens qui ont travaillé sur l'idéologie nationale serbe

2 n'ont pas cité ces périodiques.

3 Q. Monsieur Tomic, j'en tire une conclusion : celle de dire que quand vous

4 n'avez pas lu quelque chose, vous savez d'avance ce que cela est en train

5 de nous dire; ai-je raison ? Vous n'êtes pas au courant de deux

6 publications de Grande-Serbie de 1914, du temps de la guerre; la

7 publication de Voljevo [phon] et celle de Nis ?

8 R. --

9 Q. Vous ne savez pas que dans les années 1920, dans le royaume des Serbes,

10 Croates et Slovènes, il y a eu deux publications, deux éditions entre 1920

11 et 1926. L'une des éditions était par le Parti serbe, et l'autre était

12 l'œuvre d'un groupe d'intellectuels. Vous ne le savez pas non plus ?

13 R. Ce parti devait avoir une position marginale, à tel point que je ne

14 l'ai pas vu mentionner dans les études portant sur l'histoire de la

15 Yougoslavie durant les deux guerres. Donc Srpska Stranka, ça ne me dit pas

16 grand-chose.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ayez l'amabilité de montrer ce livre-ci aussi à

18 M. Tomic.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : --

20 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, je me demande si nous pourrions avoir

21 une cote provisoire pour les trois, mais enfin, il y en a trois, les trois

22 livres que M. Seselj montre.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- si on donne une cote provisoire, bon, il peut

24 toujours y avoir une cote provisoire, mais le tout est de savoir si M.

25 Seselj veut après demander l'admission définitive de tout le livre, d'un

26 passage, de la couverture, de quoi, voilà.

27 Monsieur Seselj, quel est votre objectif ? Bien, si l'objectif est de

28 montrer que la Grande-Serbie et une notion qui remonte à la nuit des temps,

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1 et au moins au début du XIXe siècle, comme vous le prouvez par ce recueil

2 où nous avons constaté que, effectivement, il y a la compilation de

3 plusieurs textes, dont je constate -- tout à l'heure il y avait en italien

4 une mention, mais je constate que dans ce deuxième, c'est en français. Il y

5 a marqué la Grande-Serbie. Alors si c'est ça que vous voulez démontrer, on

6 peut donner une cote définitive, à moins que si c'est le contenu, alors là,

7 ça pose un gros problème, parce que le service de traduction ne pourra pas

8 traduire tout ce qu'il y a dedans.

9 Alors, qu'est-ce que vous voulez, Monsieur Seselj, au juste ? Puisque

10 ce sont des éléments de preuve qui émanent de vous-mêmes.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vais être très

12 précis. Mon objectif final, c'est du point de vue professionnel qu'il me

13 soit donner la possibilité de contester ce rapport d'expert en totalité. Et

14 ces trois grands livres, je veux qu'ils soient versés au dossier en guise

15 d'éléments de preuve pour l'effet visuel. C'est une pièce à conviction qui

16 permet de voir ce que l'expert n'a pas consulté. Il n'est point nécessaire

17 de faire traduire; aucun des textes de ces livres n'est à traduire. De par

18 leur volume, ces livres sont impressionnants. Ils sont des témoignages de

19 ce que l'expert n'a pas témoigné. C'est comme si on versait au dossier le

20 pistolet du crime, le couteau du crime, un élément de preuve au sens

21 véritable de ce terme. Ce n'est pas le document en tant que tel que je

22 montre. J'espère que vous avez compris. Je me suis efforcé d'être précis.

23 C'est donc à cet effet-là. Point nécessaire de faire traduire. Il faut que

24 ça soit au dossier et une fois qu'on pèsera la valeur des éléments de

25 preuve, on saura dire ce que cet expert n'a pas consulté en rédigeant une

26 expertise.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la position de l'Accusation ? M. Seselj

28 explique qu'il a trois livres. Il recherche l'effet visuel, et

Page 3158

1 deuxièmement, il ne demande pas la traduction, parce que c'est pas le fond

2 qu'il veut, mais simplement montrer que la Grande-Serbie était un concept

3 qui était déjà utilisé par d'autres que lui-même et que le témoin expert,

4 sur au moins trois livres, qui sont des recueils, ne les a pas consultés.

5 Alors avant que vous répondiez, il y a le témoin qui veut intervenir

6 et je vous donne la parole. Oui, Monsieur le Témoin.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En fait, le

8 terme Grande-Serbie a pu être utilisé, y compris par un Français, donc

9 l'historien Ernest Denis, qui a publié pendant la Première Guerre Mondiale

10 un ouvrage "La Grande-Serbie". Cette notion a pu être également utilisée

11 par Vladimir Corovic, un historien serbe qui a écrit un ouvrage paru en

12 1924 ayant le titre "La Grande-Serbie," sans que pour autant ces livres ne

13 soient une étude du projet d'unification du peuple serbe. J'ai parcouru,

14 j'ai lu donc l'ouvrage d'Ernest Denis, il décrit en fait la vie politique,

15 l'histoire de la Serbie au XIXe jusqu'à la Première guerre mondiale,

16 parlant plutôt du projet d'unification yougoslave que du projet

17 d'unification serbe. De la même façon, Vladimir Corovic, dans son livre qui

18 est paru dans une seconde édition, non plus sous le titre de "Grande-

19 Serbie", mais sous le titre d'"Unification", parle davantage de l'apport

20 des Serbes dans le processus d'unification yougoslave. Donc effectivement,

21 ces gros volumes peuvent être --apparaître imposant dans la mesure où il

22 s'agit de recueils de périodiques, donc c'est une réédition de quotidiens

23 ou -- il n'en demeure pas moins, pour avoir parcouru notamment le quotidien

24 paru à Solaniki, qu'ils ne sont pas nécessairement importants dans l'étude

25 de l'idéologie nationale serbe.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

27 Alors, position de l'Accusation.

28 Mme BIERSAY : [interprétation] Je pense qu'ici il y a deux questions qui se

Page 3159

1 posent. La première, c'est celle de l'identification de ces livres aux fins

2 du dossier. Je ne sais pas quelle est la manière de s'y prendre. Est-ce que

3 c'est en donnant une cote provisoire ou autrement, avec le titre, par

4 exemple ?

5 Mais la deuxième chose, c'est celle-ci, est-ce que nous pourrions

6 avoir l'occasion de regarder ces livres ? Il est possible que même si M.

7 Tomic n'a pas examiné ces volumes précisément, il a éventuellement consulté

8 des articles qui se retrouvent dans ces volumes. Donc est-ce que nous

9 pourrions avoir l'occasion de les examiner ?

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, pour les examiner vous avez toute la

11 nuit, puisque vous pourrez avoir des questions supplémentaires, donc vous

12 avez toute la nuit. Il y a M. Mundis qui vous assiste. Vous avez

13 l'assistante linguistique. Donc à votre réponse - à votre question, je vous

14 donne une réponse.

15 Alors, on va donner un numéro MFI.

16 Mme LE JUGE LATTANZI : Je dois dire que le numéro MFI, c'est toujours une

17 identification provisoire pour voir si après on va l'admettre au dossier.

18 Donc je ne trouve pas qu'on puisse les admettre jamais au dossier étant

19 donné que c'est en B/C/S. La Chambre ne pourra jamais les utiliser. Donc je

20 serais contraire. Je pense que le compte rendu est suffisant pour les fins

21 que l'accusé est en train de poursuivre.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors, la Chambre, Monsieur Seselj, pense que

23 si personne n'a l'intention d'utiliser le fond des trois livres, et que

24 vous vous contentez simplement de dire que voilà il y a trois livres qui

25 sont des recueils de gazettes parues à l'époque où il y a le thème "Grande-

26 Serbie" qui figure, c'est peut-être suffisant. Maintenant, si l'Accusation

27 veut passer la nuit à regarder, ça c'est son problème. Bon. Alors, on va --

28 bon. Alors, Monsieur Seselj, c'est bien ça, vous voulez simplement que la

Page 3160

1 Chambre prenne conscience qu'il y a des compilations de gazettes de

2 l'époque, XIXe siècle, fin des années 1890, qui parlent de la Grande-

3 Serbie, c'est tout ce que vous vouliez, Monsieur Seselj ? Et je complète et

4 de démontrer que le témoin ne les connaissait pas ou n'en avait pas pris

5 connaissance.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je prierais d'abord le témoin

7 de ne pas m'interrompre.

8 Monsieur le Président, je pense que l'Accusation a démontré ici

9 jusqu'à présent une volonté extraordinaire de présenter en qualité

10 d'éléments de preuve, les éléments les moins pertinents, y compris des

11 manuels d'académie militaire, d'état-major de commandement de ces

12 académies, et de l'école de guerre de la JNA, 500 pages chacun, tout cela

13 traduit en langue anglaise. Pourquoi est-ce que j'insiste pour que ces

14 ouvrages soient inclus au dossier de l'affaire même si personne ne doit les

15 regarder ? Parce que je compte sur la très grande importance historique de

16 ce procès, pour les chercheurs de demain qui devront pouvoir trouver ces

17 ouvrages dans le dossier de l'affaire. Donc il n'est pas indispensable de

18 lire l'un quelconque des textes contenus dans ces ouvrages, il n'est pas

19 indispensable de faire traduire quoi que ce soit, mais ce sont des ouvrages

20 qui sont une preuve tangible du fait que le témoin n'avait pas la moindre

21 idée de tout cela. C'est sur ce point que j'insiste.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner des numéros pour les trois ouvrages.

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] D10, D11 et D12 pour chacun des trois

24 respectivement.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : D10, D11, D12. Bien. Alors ces ouvrages sont gardés

26 par le greffier, parce que comme vous le dites, quand nous ne serons plus

27 là, s'il y a des chercheurs qui veulent savoir ce qui s'est dit, ils

28 retrouveront ces ouvrages.

Page 3161

1 LE TÉMOIN : Je voudrais juste préciser que le volume donc le "Velika

2 Srbija" il y a donc pour l'année 1916, donc, je le possède. Donc, c'est

3 inscrit également.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Monsieur Seselj.

5 Le Greffier me dit, c'est le break. Alors, on va faire 20 minutes de

6 pause.

7 --- L'audience est suspendue à 17 heures 34.

8 --- L'audience est reprise à 17 heures 55.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, le contre-interrogatoire va se

10 poursuivre.

11 M. SESELJ : [interprétation]

12 Q. Monsieur Tomic, savez-vous quand après la Seconde Guerre mondiale est

13 apparu le journal "Velika Srbija", Grande-Serbie ?

14 R. Le premier numéro est paru, donc, en juillet 1990.

15 Q. Y a-t-il eu une édition illégale avant cela ?

16 R. Je ne connais pas disons d'autres numéros avant celui-ci.

17 Q. Donc, vous ne savez pas, vous ne connaissez pas cette parution illégale

18 des années 1940, début 1950 au cours desquelles 17 numéros au total ont

19 paru.

20 R. Une publication qui est parue au lendemain de la Deuxième Guerre

21 mondiale dans les années 1950 et qui a dû être distribuée de la main à la

22 main dans la mesure où ce genre de publication ne pouvait pas être validée

23 par le pouvoir en place, je n'ai pas eu connaissance de ces documents.

24 Sont-ils eux-mêmes à la bibliothèque nationale de Serbie aujourd'hui ? Je

25 ne crois pas.

26 Q. Non, à la bibliothèque nationale ils ne se trouvent pas. Il n'en

27 n'existe qu'une édition unique qui est en la possession des gens qui sont

28 responsables de cette édition. Mais Miodrag Jovicic, vous en avez entendu

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1 parler ? C'était lui le rédacteur en chef.

2 Oui, académicien mais vous ne savez pas que c'est l'un des

3 initiateurs de la parution illégale de "Velika Srbija" après la Seconde

4 Guerre mondiale, vous ne le savez pas. Clandestine.

5 R. J'explique pourquoi dans la mesure où il s'agit d'une publication qui

6 était clandestine et donc qui n'est même pas déposée donc dans les

7 bibliothèques soit universitaires ou à la bibliothèque nationale, il

8 m'était difficile effectivement d'obtenir, de consulter ce document.

9 M. SESELJ : [interprétation]

10 Q. Mais de vrais scientifiques trouvent les moyens de trouver, de

11 localiser, et d'étudier, mais vous n'êtes pas un vrai scientifique, n'est-

12 ce pas ?

13 R. -- exactement ce qui existe est donc par conséquent et s'agissant d'une

14 publication qui n'a circulé que de la main à la main, donc une sorte de --

15 en quelque sorte, c'est des publications qu'il est beaucoup plus difficile

16 à localiser et à trouver.

17 Q. Savez-vous quel est le nom du manuel de philosophie, de sociologie

18 publique et de critique sociale publié par le Parti radical serbe ?

19 R. La septième revue, un trimestriel, me semble-t-il, mais je ne connais

20 pas le titre. Est-ce que c'est "Velika Srbija", je ne sais pas.

21 Q. Ce qui veut dire que vous n'avez jamais eu entre les mains cette revue

22 scientifique.

23 R. Tout dépend quelle année est paru le premier numéro.

24 Q. A vous entendre, je vois que vous ne l'avez jamais eu entre les mains.

25 Le premier numéro est sorti en l'an 2000. Et jusqu'à ce jour, il en est

26 sorti 70 de ce format.

27 R. Ce sont des documents qui ont été publiés donc avant l'éclatement de la

28 guerre en ex-Yougoslavie, et je me suis concentré sur les textes, les

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1 déclarations donc pour la période en gros donc de 1995 - 1991, pardon, à

2 1995. Et pour la période au-delà, j'estimais que c'était hors du cadre de

3 mon rapport. Donc, de mon point de vue, c'était normal de ne pas prendre en

4 considération cette publication.

5 Q. Pour vous, il est logique de ne pas vous occuper d'un ouvrage très

6 raffiné, très élaboré qui a fait paraître un grand nombre de travaux dus à

7 des historiens serbes de renom entre autres ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais auriez-vous l'amabilité, je vous prie, de

9 faire porter à M. Tomic le numéro de cet ouvrage. Il est sorti 70 numéros

10 d'ouvrages du même genre.

11 Q. Monsieur Tomic, ayez l'amabilité, je vous prie, de donner lecture du

12 titre de cet ouvrage.

13 R. [interprétation] "L'esprit libertaire serbe".

14 Q. C'est le volume numéro 13, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Ayez l'amabilité de vous rendre en page 25, je vous prie.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Et j'aimerais que cette page soit affichée,

18 grâce au rétroprojecteur.

19 Q. Qu'est-ce que vous trouvez dans cette page 25, Monsieur Tomic ?

20 R. Il s'agit de l'ouvrage d'Ernest Denis, "La Grande-Serbie."

21 Q. Seriez-vous assez aimable pour vous rendre en page 161, à présent. Vous

22 y trouvez une partie de texte surlignée, je vous demanderais d'avoir

23 l'obligeance de bien vouloir en donner lecture, il est affiché sur le

24 rétroprojecteur. Vous connaissez le serbe, n'est-ce pas ? Uniquement la

25 partie encadrée, dernier paragraphe à peu près.

26 R. [Interprétation] "Le programme en serbe n'est pas le produit de

27 l'imagination d'une poignée de rêveurs. L'histoire et l'ethnographie l'ont

28 imposé. Il ressort de la conscience du peuple qui, depuis des siècles,

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1 aspire à des efforts continus et unanimes pour se réunifier dans le destin

2 de ses membres. Il s'ensuit très clairement que sans violer les principes

3 de justice internationale et sans s'ingérer dans les sentiments les plus

4 profonds, les plus naturels des peuples du sud, elle existe."

5 Q. Passez à la page suivante, je vous prie.

6 R. [interprétation] "Cela doit se passer sans doute dans le cadre du

7 nouveau royaume serbe."

8 Q. Savez-vous quand l'ouvrage d'Ernest Denis a été publié pour la première

9 fois en serbe ?

10 R. --

11 L'INTERPRÈTE : La réponse a déjà été donnée par le témoin.

12 M. SESELJ : [interprétation]

13 Q. Cela ne m'étonne pas que vous ne le sachiez pas, car cet ouvrage

14 n'a jamais paru en langue serbe avant. Ce que vous avez là, c'est la

15 première parution en langue serbe.

16 Monsieur Tomic, avez-vous lu l'intégralité de l'ouvrage d'Ernest Denis, ou

17 simplement l'avez-vous eu entre les mains et êtes-vous un peu tombé un peu

18 par hasard sur le titre en question ?

19 R. Alors il faudrait peut-être vérifier la traduction.

20 Q. Est-ce qu'il est clair pour vous, Monsieur Tomic, puisque vous avez lu

21 cet ouvrage, qu'Ernest Denis évoque lorsqu'il parle du territoire de la

22 Grande-Serbie tous les territoires peuplés par des Serbes, des Croates ou

23 des Slovènes, tous à l'exception de la Bulgarie ?

24 R. -- qui parle avant tout du projet d'unification yougoslave, et il

25 inclut effectivement tous ces territoires dans le projet défendu par le

26 gouvernement serbe à l'époque.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, j'ai une question à vous poser.

28 Ernest Denis, je ne le connaissais pas. Je l'ai découvert lors de

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12 Page blanche insérées d’assurer la correspondance entre la

13 pagination anglaise et la pagination française.

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1 l'interrogatoire principal mené par Slobodan Milosevic avec le témoin

2 Seselj. Et lors des questions posées est apparu ce nom. Comme vous saviez

3 que vous deviez témoigner, vous ne vous êtes pas penché sur cet auteur, en

4 sachant que ce qu'il avait pu écrire sur la Grande-Serbie, et cetera ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] -- un professeur de la Sorbonne qui

6 travaillait -- qui était surtout spécialiste du monde tchèque et slovaque,

7 et on suppose en fait qu'il a été payé par le gouvernement serbe de

8 l'époque pour défendre les intérêts de la Serbie auprès de la France.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous tenez ça d'où ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans un ouvrage -- j'ai oublié la source

11 précise, mais à l'époque, c'était courant, dans "Le journal illustré", par

12 exemple, ou dans "Le temps", il était fréquent de voir que des journalistes

13 en fait soient payés par des gouvernements extérieurs pour défendre les

14 points de vue de ces gouvernements auprès de l'opinion publique française.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Et de nos jours, ça a changé ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que les pratiques ont évolué, oui.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

18 Monsieur Seselj.

19 M. SESELJ : [interprétation]

20 Q. Autrement dit, en ce moment vous essayez de compromettre ce professeur

21 très connu, Ernest Denis, et ses bonnes intentions. Vous dites que le

22 gouvernement serbe le payait, mais que vous ne savez pas de quelle source

23 vous tirez ce renseignement. Est-ce qu'un scientifique peut se comporter

24 ainsi ?

25 R. Ça demande effectivement vérification. Mais c'est un élément

26 effectivement que j'ai vu apparaître dans des ouvrages que j'ai eus dans

27 les mains. Et cela dit, cet ouvrage parle avant tout du projet

28 d'unification yougoslave, et il a beau avoir pour titre la Grande-Serbie,

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1 il ne s'agit pas d'un ouvrage qui présente clairement et systématiquement,

2 disons, le projet d'unification des Serbes.

3 Q. Monsieur Tomic, manifestement vous n'avez pas lu cet ouvrage, car si

4 vous l'aviez lu vous auriez constaté qu'Ernest Denis considère que tous les

5 Croates sont en fait des Serbes; c'est bien cela, n'est-ce pas ? Mais vous

6 ne l'avez pas lu et donc vous ne le savez pas. Est-ce que j'ai raison ?

7 R. -- certainement deux peuples proches, les Serbes et Croates. Et

8 d'ailleurs à l'époque, parmi les élites intellectuelles, parmi les élites

9 politiques et culturelles, on estimait que les Serbes et les Croates, en

10 fait, formaient une seule et même nation. Donc c'était courant à l'époque

11 parmi les gens, disons, éduqués.

12 Q. Mais l'unification des Serbes, des Croates et des Slovènes, il la

13 considérait finalement dans le cadre de la Grande-Serbie. Est-ce que c'est

14 dit clairement dans l'ouvrage ?

15 R. Mais le titre porte sur la Grande-Serbie, mais en fait on désigne la

16 Yougoslavie sous ce nom-là à l'époque.

17 Q. A cette époque-là, Monsieur Tomic, il n'existait pas de Yougoslavie.

18 Vous devriez comprendre clairement que le premier Etat unitaire s'appelait

19 le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes; c'est bien cela, n'est-

20 ce pas ?

21 R. --

22 Q. Oui. Monsieur Tomic, dans votre rapport d'expert, vous

23 introduisez un élément mensonger, à savoir que le professeur Ernest Denis

24 était payé par le gouvernement serbe pour la rédaction de cet ouvrage, et

25 aujourd'hui vous dites que vous ne savez pas de quelle source vous tenez ce

26 renseignement; c'est bien cela ?

27 R. Je pense que j'ai trouvé cette information dans l'ouvrage "Velika

28 Srbija", de Stanisic, donc qui porte sur les projets de la Grande-Serbie --

Page 3168

1 Mihailo.

2 Q. Chez Stanisic, vous auriez pu trouver des éléments relatifs à

3 tout ce qui précède Vuk Karadzic en matière d'idéologie de la Grande-

4 Serbie, mais nous avons constaté que vous n'en aviez pas le souvenir. Mais

5 maintenant, vous dites que vous n'êtes pas sûr d'avoir trouvé cela chez

6 Stanisic. Vous ne savez pas où vous l'avez trouvé, alors qu'en fait, vous

7 le dites clairement dans le rapport d'expert rédigé par vous. Et dans la

8 note en bas de page, il n'y a pas de source précise. Donc vous émettez une

9 accusation grave contre un professeur de renom, M. Denis, n'est-ce pas ?

10 R. -- au cours d'histoire, on nous avait parlé de ce phénomène, donc

11 notamment concernant le journal, le quotidien "Le temps", et certains

12 professeurs slavisants, qu'il avait été payé donc pour défendre la cause de

13 certains pays. Donc cette information, quand je l'ai trouvée dans cet

14 ouvrage, ne m'a pas apparu infondée. Parce qu'on mentionne cet ouvrage,

15 mais également un ouvrage en russe à peu près de la même teneur.

16 Q. Mais où est la source ? Vous avez des thèses très suspectes car vous

17 n'êtes nullement un intellectuel ou un scientifique, n'est-ce pas, Monsieur

18 Tomic ?

19 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, à l'objection. La question qui aurait dû être

21 mieux posée : êtes-vous un intellectuel ? Vous répondez : oui, non, je le

22 suis, je ne le suis pas. Etes-vous un scientifique ? Oui, non. Alors,

23 qu'est-ce que vous dites, parce que -- il y a une mise en -- M. Seselj vous

24 met en cause. Donc qu'est-ce que vous dites ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] J'occupe une fonction et un emploi qui

26 relèvent des professions dites intellectuelles. Et par ailleurs, j'ai mené

27 des travaux qui ont été validés par des instances universitaires, et donc

28 des travaux de type scientifique. Maintenant, sur ce point peut-être,

Page 3169

1 j'aurais dû être plus curieux et vérifier davantage ce point précis. Mais

2 pour moi, cet ouvrage de la Grande-Serbie n'était pas un élément essentiel.

3 Ce qui m'intéressait avant tout, c'était comment les intellectuels ou les

4 dirigeants politiques serbes eux-mêmes formulaient cette idéologie, et non

5 pas comment pouvaient -- non pas ce que pouvaient penser les universitaires

6 français ou d'autres personnes extérieures, disons, au terrain serbe ou

7 yougoslave. De fait, son livre n'est pas un élément essentiel.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez, Monsieur Seselj.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] D'abord, Monsieur le Président, je vous

10 rappelle que j'ai le droit de poser des questions directrices pendant mon

11 contre-interrogatoire, donc ma question était justifiée. J'ai présenté une

12 thèse et j'ai demandé si tel était le cas, c'est tout à fait justifié.

13 M. SESELJ : [interprétation]

14 Q. Deuxièmement, Monsieur Tomic --

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez raison, ce n'est pas ça le problème. C'est

16 que l'objection de Mme Dahl, c'était une objection qui tendait à dire que

17 vous procédiez par affirmation alors qu'en fait, c'est des questions que

18 vous devez poser.

19 Bon, continuez --

20 Mme Dahl -- excusez-moi. J'ai toujours à l'esprit Mme Dahl. Madame Biersay,

21 excusez-moi. Parce que j'ai passé presque un an avec elle, alors j'ai du

22 mal à me défaire de son nom.

23 M. SESELJ : [interprétation] Moi, j'ai déjà oublié Mme Dahl.

24 Q. Monsieur Tomic, vous dites que vous n'étiez pas intéressé au premier

25 chef par ce que des étrangers écrivaient au sujet de la Grande-Serbie, mais

26 dans votre rapport d'expert, vous citez Ernest Denis et vous rappelez la

27 thèse infondée selon laquelle il aurait été payé par le gouvernement serbe.

28 Dans n'importe quelle université serbe, un scientifique de cette espèce

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1 serait immédiatement expulsé. Comment est-il possible d'agir ainsi ? Si

2 vous n'avez pas de réponse, je peux passer à ma question suivante.

3 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur Seselj, il n'a pas donné une évaluation

4 directe, son évaluation sur le professeur Ernest Denis, mais il a répété ce

5 qu'il avait vu qu'on a écrit sur lui et sur d'autres académiciens français

6 à cette époque-là.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Madame le Juge, c'est bien là que réside

8 le problème. Il ne dit pas qui a écrit qu'Ernest Denis était payé par le

9 gouvernement serbe. Peut-être y a-t-il eu un intellectuel français

10 effectivement payé par le gouvernement serbe. Je ne sais pas. Je ne me suis

11 pas penché sur la question. Mais Ernest Denis, je sais que ce n'est pas le

12 cas. Ernest Denis, c'est un nom très connu, très clair qui a étudié les

13 peuples slaves en général et pas seulement les Serbes. Et ici ce qui s'est

14 dit à son sujet est totalement sans fondement, sans preuve.

15 M. SESELJ : [interprétation]

16 Q. Monsieur Tomic, avec l'aide de Mme l'Huissière, je vous

17 demanderais de vous rendre en page 173 de cet ouvrage dont je demande

18 l'affichage grâce au rétroprojecteur.

19 Ce livre de Milan Jevtic, vous ne l'avez jamais vu, n'est-ce pas, Monsieur

20 Tomic ?

21 R. --

22 Q. Ce livre est sorti en langue serbe à New York en 1919. Puisque vous

23 n'avez jamais eu cet ouvrage sous les yeux, je ne vais pas m'appesantir sur

24 son examen. Vous ne pouvez pas parler d'un livre que vous n'avez pas vu,

25 n'est-ce pas ?

26 Mais passez maintenant à la page 287, je vous prie. On voit ici la page de

27 titre de l'ouvrage de Vladimir Corovic, intitulé "Velika Srbija", et vous

28 connaissez cet ouvrage paru en 1924, n'est-ce pas ?

Page 3171

1 R. --

2 Q. Avez-vous lu ce livre ?

3 R. --

4 Q. A la lecture de ce livre, vous est-il apparu clairement de Vladimir

5 Corovic considère que la Grande-Serbie est réalisée grâce à la naissance du

6 royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, n'est-ce pas la thèse de

7 base de cet ouvrage ?

8 R. -- présente de manière systématique le projet d'unification des Serbes,

9 d'ailleurs Rados Lucic, qui est un historien très renommé en Serbie, dans

10 la postface à cette édition, et ensuite dans l'ouvrage portant sur

11 l'histoire de la Serbie, donc toujours de Vladimir Corovic, il explique

12 bien que, quand il a écrit cet ouvrage "Velika Srbija", il ne pensait pas

13 en fait au projet d'unification des Serbes, mais au projet d'unification

14 yougoslave. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la seconde édition de cet

15 ouvrage ne portait plus le titre "Velika Srbija", qui était quelque peu

16 problématique, semble-t-il, mais "Ojedinjeje" [phon]. Donc l'auteur a

17 changé le titre pour avoir un titre correspondant davantage au contenu

18 parce qu'il ne s'agissait pas dans cet ouvrage, donc "Velika Srbija", de

19 définir le projet d'unification ou de décrire donc ce projet d'unification

20 des Serbes.

21 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, je ne comprends pas une chose.

22 Vous répétez très souvent le terme "yougoslave" pour une période où il n'y

23 avait pas de Yougoslavie. Donc peut-être vous utilisiez ce terme pour

24 indiquer les Slaves du sud ?

25 LE TÉMOIN : Non, le terme existait déjà dès la -- au moins à la seconde

26 moitié du XIXe siècle. Il y avait un projet yougoslave, des gens qui se

27 définissaient comme tels du moins.

28 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais aussi dans des langues différentes, en français

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1 surtout, parce que la France s'en occupait beaucoup -- en France on s'en

2 occupait beaucoup. On parlait de Yougoslavie ou on parlait d'un territoire

3 unifiant les Slaves du sud ?

4 LE TÉMOIN : Je pense qu'on parlait davantage -- on ne parlait pas à

5 proprement parler de Yougoslavie, mais on parlait de Yougoslaves.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour la bonne compréhension de tout le monde, vous

7 pouvez faire une distinction entre la Grande-Serbie et le concept de

8 Yougoslaves. Il y a une différence ? Si oui, sur quel élément ?

9 LE TÉMOIN : En fait, dans l'ouvrage d'Ernest Denis justement, il y a une

10 confusion entre Grande-Serbie et projet d'unification yougoslave. En fait,

11 quand il parle de Grande-Serbie, ce qu'il désigne, en fait, c'est le

12 processus d'unification, donc des Slaves du sud, moins les Bulgares. Mais à

13 l'époque prédomine l'idée que les Croates et les Serbes en fait forment une

14 seule et même nation.

15 Mme LE JUGE LATTANZI : Ce sont des Slaves du sud.

16 LE TÉMOIN : Ce sont des Slaves du sud. Et il y a l'idée du moins qui domine

17 dans de nombreux cercles dirigeants et parmi les intellectuels, parmi les

18 élites culturelles, que les Serbes et les Croates, y compris même les

19 Slovènes, forment une seule et même nation.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien le concept de Yougoslaves, ça a

21 trait aux Slaves du sud.

22 LE TÉMOIN : Aux Slaves du sud, sauf que ce projet d'unification n'a pas

23 inclu les Bulgares qui sont également des Slaves du sud -- donc il

24 concernait principalement les Slovènes, les Croates et les Serbes.

25 Mme LE JUGE LATTANZI : Parce que l'étymologie -- je vous demande --

26 LE TÉMOIN : Oui, c'est Slaves du sud --

27 Mme LE JUGE LATTANZI : -- l'étymologie, "yugo", c'est slave du sud, "yugo"

28 c'est le sud.

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1 LE TÉMOIN : Oui.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, Monsieur --

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois faire observer une chose, Monsieur le

4 Juge, de façon à ce que vous-même et vos collègues compreniez bien tout. On

5 voit que les Croates sont considérés comme des Serbes dont la religion est

6 la religion catholique, car ils parlent serbe, et c'est la raison pour

7 laquelle le concept de Grande-Serbie recouvre l'ensemble des Croates, car

8 il y a très peu de Croates qui ne parlaient pas la langue serbe d'origine,

9 c'est-à-dire qui parlaient le chakavien. J'aimerais maintenant vous montrer

10 ceci, puisque le témoin n'a pas lu l'ouvrage dont je parlais, l'ouvrage de

11 Vladimir Corovic. Dernier paragraphe sur cette page, Monsieur Tomic,

12 pourriez-vous le lire ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] "Tout ce que nous avons de grand aujourd'hui,

14 tout ce que nous avons réalisé en matière d'effort humain, doit être

15 développé et complété par la jeune génération qui, naturellement, va devoir

16 s'élever à un niveau supérieur à celui que nous avons atteint. Nous pouvons

17 en toute bonne conscience dire que ce que la jeune génération a reçu est

18 plus important que ce que nous avons reçu nous-mêmes. Il ne faut à cet

19 égard supporter aucun chantage. Assigner à des individus ou à des régions

20 particulières les difficultés n'est pas une solution, mais il y a une chose

21 qui ne fait aucun doute, le rôle de la Serbie a été le plus dur, le plus

22 grand, le plus noble dans cette affaire. Si un homme peut exprimer ses vœux

23 pour l'avenir, alors nous n'en n'avons qu'un seul."

24 R. Je prends des citations dans un ouvrage qui fait quand même plusieurs

25 centaines de pages, moi, je parle de la teneur de l'ensemble de l'ouvrage.

26 Donc, la démarche n'est pas la même.

27 Q. Là ou j'attire votre attention, c'est le dernier paragraphe du livre.

28 Après cela, il n'y a plus rien dans le livre, n'est-ce pas ?

Page 3174

1 R. S'il s'agit de la conclusion, d'accord.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, je voudrais que ce

3 numéro entier de la revue soit versé au dossier. Bien entendu, au compte

4 rendu se trouve ce qui est pertinent, mais la revue en tant que tel est la

5 preuve de l'ignorance de l'expert. Et au compte rendu, il a été donné

6 lecture de l'essentiel.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, Monsieur le Greffier, vous allez donner un

8 numéro pour cet ouvrage.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D13 MFI.

10 M. SESELJ : [interprétation]

11 Q. Vous avez parlé à l'interrogatoire principal du traité de Londres. Puis

12 vous avez dit que cela a eu des répercussions, ce traité de Londres, ou

13 aurait dû avoir comme répercussions sur la Serbie après la Première Guerre

14 mondiale, et vous avez tracé de votre main de quoi devait avoir l'air la

15 carte de la Serbie après ce traité de Londres. Et je voudrais rappeler cela

16 aux Juges de la Chambre et à cette nouvelle, jeune, sympathique

17 représentante de l'Accusation. Vous avez dessiné ça de votre main à vous,

18 Monsieur Tomic, n'est-ce pas ?

19 R. J'ai tracé un -- tracé de frontière assez grossièrement, parce que je

20 l'ai fait, je veux dire, en quelques secondes. Je n'avais pas vraiment le

21 temps, mais ça correspond donc au littoral qui était donc accordé à la

22 Serbie. Donc, en dessous du Cape Blanca, jusqu'à à peu près la frontière

23 avec le Montenegro et il découlait.

24 Q. Moi, ce qui m'intéresse, c'est la frontière nord. Ça se trouve sur la

25 rivière Sava, n'est-ce pas ?

26 R. C'est à peu près, je n'avais pas de repères géographiques auparavant,

27 donc j'ai fait un trait sommaire. On ne peut pas comparer ça comme un

28 travail de cartographe ou de géographe. J'avais très peu de place, j'étais

Page 3175

1 mal installé. Je ne sais pas, en fait, c'était l'idée qu'était accordé de

2 fait à partir du moment où on donnait une partie du littoral adriatique à

3 la Serbie. Les forces de l'entente pensaient accorder à la Serbie la Bosnie

4 et l'Herzégovine, donc j'ai essayé d'illustrer ça, je ne prétends pas, je

5 ne dis pas que ces frontières notamment au nord, soient précises.

6 Q. Fort bien, Monsieur Tomic. Je ne saurais moi-même précisément vous

7 dessiner cela à la main. Mais nous sommes d'accord, ce n'est qu'après le

8 traité de Londres qu'il y a eu des négociations à titre complémentaire

9 entre le royaume de Serbie et les forces occidentales, sommes-nous d'accord

10 là-dessus ? Les négociations qui ont eu lieu de temps à autre, donc à

11 plusieurs reprises, est-ce que nous sommes d'accord là-dessus ?

12 R. Les possessions entre les pays de l'Entente sur les compensations

13 territoriales accordées à la Serbie à partir du moment où il fallait

14 accorder notamment Banija à la Roumanie, une bonne partie de la Macédoine à

15 la Bulgarie. Durant l'été, notamment les mois de juillet et août 1915, il y

16 a des échanges donc entre les différents ministres des Affaires étrangères

17 des pays de l'Entente et là, disons les territoires accordés à la Serbie

18 pendant cet été-là, effectivement, sont élargis notamment à la Slavonie, à

19 la région du Srem.

20 Q. Monsieur Tomic, cette carte à vous, n'a pas englobé la Slavonie ?

21 R. Du traité de Londres qui a été signé donc le 26 avril, donc quand je

22 dessine ces frontières-là, c'est à un moment très précis. Donc, le 26 avril

23 1915.

24 Q. Monsieur Tomic, le traité de Londres lui-même, n'a pas parlé de la

25 Bosnie-Herzégovine du tout, n'est-ce pas ?

26 R. Oui, c'était une conséquence de ce traité. On serait étonné qu'il y ait

27 une partie du littoral qui soit accordé à la Serbie si l'arrière-pays

28 n'appartient pas à la Serbie. Donc, c'est une conséquence de ce traité. Dès

Page 3176

1 l'époque, en fait, la Bulgarie ayant fait des demandes territoriales en

2 Macédoine, donc contre les intérêts de la Serbie. Dès l'automne 1914, il y

3 a cette volonté d'accorder la Bosnie-Herzégovine en compensation. Donc,

4 c'est la conséquence des demandes bulgares concernant la Macédoine.

5 Q. Monsieur Tomic, vous évitez constamment de répondre. Pourquoi ? Le

6 traité de Londres a cherché à résoudre la question des aspirations

7 italiennes sur l'Adriatique. Le traité a fait jouer à la Serbie un rôle

8 secondaire. Ce n'est qu'après le traité de Londres que les alliés

9 conviennent avec le gouvernement serbe les compensations territoriales à

10 attribuer à la Serbie. Sommes-nous d'accord ?

11 R. C'est ce que j'ai écrit dans mon rapport clairement. J'ai bien dit que

12 le traité de Londres définissait la répartition du littoral entre plusieurs

13 pays et ne s'occupait pas de la question donc des territoires à l'intérieur

14 du continent. Et ce n'est qu'au cours de mois suivants, je veux dire en

15 juillet et août notamment, que de nouvelles propositions, donc il s'agit

16 bien de compensations territoriales, mais la Serbie elle-même n'est pas

17 impliquée dans ces négociations-là. Elle peut éventuellement en avoir

18 connaissance, mais elle n'est pas une négociatrice directe puisque ce sont

19 les pays de l'Entente, la Russie, la France, la Grande-Bretagne et en

20 partie l'Italie. L'Italie à l'époque étant -

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour éclairer cela. Si je comprends bien, l'objectif

22 du traité de Londres est de donner ou d'attribuer à l'Italie des portions

23 de territoire qui sont donc sur le littoral de la mer Adriatique. Et cette

24 carte que l'on voit ici, est très explicite à cet égard puisqu'on a grisé,

25 d'ailleurs on voit marqué "Demandes italiennes du 4 mars 1915". Donc, on a

26 l'impression que c'est l'Italie qui est à la manœuvre, qui veut récupérer

27 des portions de territoire. Et ça, c'est au départ, et la Bosnie et

28 l'Herzégovine, vous nous dites, ça viendra après à titre de compensation ?

Page 3177

1 LE TÉMOIN : C'est-à-dire que dès l'automne 1914, les pays de l'Entente

2 essayent de faire entrer la Bulgarie en guerre contre les puissances

3 centrales. Mais les Bulgares donc ont des visées sur la Macédoine et donc

4 il est envisagé effectivement d'accorder des compensations territoriales à

5 partir du moment où on prendrait à la Serbie une partie de la Macédoine,

6 qui est considérée comme un territoire important pour les Serbes. Donc, on

7 pense qu'il faut attribuer à la Serbie en ce moment-là, la Bosnie-

8 Herzégovine en compensation - à titre de compensation territoriale. Mais ce

9 n'est pas là l'essentiel effectivement du traité qui définit principalement

10 la limite.

11 Mais là ce sont deux mouvements disons qui sont parallèles, disons,

12 qui sont d'un côté la définition du littoral, et aussi en même temps on a

13 donc la question des compensations territoriales accordées à la Serbie.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : A titre de curiosité intellectuelle, je vois en

15 Albanie, il y a une petite zone grisée où je vois Valena.

16 Pourquoi l'Italie voulait ce petit bout-là ?

17 LE TÉMOIN : Pour contrôler en fait l'accès à la mer Adriatique, c'est un

18 point pour eux stratégique. Et pendant la guerre, ils ont tout fait pour

19 installer des soldats italiens y compris en initiant des troubles dans

20 cette localité pour justifier leur intervention. Là, c'est l'entrée en

21 quelque sorte dans la mer Adriatique, c'est un point qu'ils souhaitaient

22 occuper à tout prix.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Oui, Monsieur Seselj.

24 M. SESELJ : [interprétation]

25 Q. Monsieur Tomic, vous confondez sans cesse les événements de 1915, pour

26 ce qui est de l'entrée de la Bulgarie en guerre et les séquelles ou les

27 répercussions du traité de Londres sur les positions adoptées par les

28 forces de l'Entente vis-à-vis de la Serbie en 1916. Il est exact de dire

Page 3178

1 que les alliés avaient réclamé à la Serbie une partie de la Macédoine pour

2 la Bulgarie afin que la Bulgarie se joigne aux côtés de l'Entente aux

3 efforts de la guerre. Je ne conteste pas. Mais ce qui est arrivé, c'est que

4 la Bulgarie s'est mise du côté des puissances centrales, et il n'y a plus

5 de négociations avec. En 1916, les forces de l'Entente s'entendent sur les

6 compensations territoriales accordées à la Serbie en raison des grandes

7 pertes pendant la guerre et la destinée du peuple serbe tout entier.

8 Vous nous avez dessiné sur la carte le fait que les alliés

9 proposaient la Bosnie-Herzégovine, moi, j'ai un livre ici, livre d'un

10 auteur croate important et de notoriété. Je voudrais qu'on nous montre la

11 page de garde de ce livre.

12 R. "L'Italie, les alliés et la question yougoslave."

13 Q. Vous voyez le nom de l'auteur ?

14 R. Dragovan Jepic.

15 Q. C'est un historien de notoriété. Voyez-vous à quel endroit cela a été

16 publié ?

17 M. SESELJ : [interprétation] Ayez l'amabilité de mettre cette carte sur le

18 rétroprojecteur.

19 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'il n'y a plus de pause entre les

20 questions et les réponses, ça ne sera pas consigné au compte rendu

21 d'audience.

22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je m'adresse au témoin comme à

23 M. Seselj, les interprètes nous disent que vous vous chevauchez sans arrêt

24 et que vous parlez trop vite. Je vous demande de respecter, de faire des

25 pauses et ne pas parler trop vite et n'oubliez pas que vous avez des gens

26 qui interprètent vos propos.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je m'efforcerai de le faire, Monsieur le Juge.

28 Alors, veuillez nous montrer sur le rétroprojecteur, je vous prie, cette

Page 3179

1 carte. Moi, je ne l'ai pas.

2 M. SESELJ : [interprétation]

3 Q. Alors, que dit-on en bas ?

4 Mme BIERSAY : [interprétation] Une petit précision, d'où vient cette carte

5 que M. Seselj montre à ce témoin.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, la carte, elle est tirée du livre

7 de Stjepic ou d'où vient cette carte ?

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette carte est tirée du livre de Stjepic. On

9 voit même le numéro de la page du livre. Je n'ai pas voulu apporter le

10 livre entier. On ne peut pas m'envoyer le livre entier par fax.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Continuez.

12 M. SESELJ : [interprétation]

13 Q. Donnez-nous lecture de ce qui est écrit dans la légende. Veuillez en

14 donner lecture, ayez l'amabilité de le faire, je vous prie.

15 R. "Promesses territoriales des puissances par accord avec la Serbie, 16

16 août 1915."

17 Q. Voyez-vous donc qu'il n'y est pas question de compensation ou n'est

18 plus question de compensation à l'égard de la Bulgarie ?

19 R. C'est clair, c'est ce que nous montre clairement cette carte.

20 Q. Est-ce que vous voyez que la Serbie se voit affecter la moitié de la

21 Dalmatie, tout le littoral de Dubrovnik ?

22 R. C'est l'intention des pays de l'Entente.

23 Q. Est-ce que vous voyez qu'on a également prévu le nord de l'Albanie pour

24 en faire partie de la Serbie, avec Skadar jusqu'à la rivière Drina ?

25 R. D'ailleurs, il y a eu l'idée de partager l'Albanie entre deux, entre la

26 Serbie et la Grèce.

27 Q. Et l'Italie ?

28 R. Une petite partie autour de Verona.

Page 3180

1 Q. Est-ce que vous voyez ici que toute la Slavonie et le Srem étaient

2 prévus pour ce qui était d'en faire, de les attribuer à la Serbie ?

3 R. Les territoires qui ont été promis à la Serbie donc pendant l'été 1915

4 donc, là on ne parle plus du traité de Londres. A partir du moment où on

5 accordait le Banat à la Roumanie. Et la Serbie souhaitait que le Banat

6 fasse partie donc du futur état slave du sud dans la mesure où il

7 considérait que cette région donc qui est juste à côté de Belgrade, qu'il

8 fallait sécuriser Belgrade et donc qu'il fallait un arrière-pays à la

9 capitale. Puisque là on voit bien donc si le Banat appartient à la

10 Roumanie, la frontière roumaine touche quasiment la ville de Belgrade.

11 Donc, en compensation, les pays de l'Entente ont accordé la Slavonie, le

12 Srem, avec la région donc de la Batca [phon]. Mais ça c'est indépendant du

13 traité de Londres parce que moi je parlais à un moment donné du traité de

14 Londres le 26 avril 1915 et là, on est dans des négociations qui ont eu

15 lieu après, durant l'été 1915. Donc, c'est effectivement cette carte, cette

16 carte correspond à la volonté des pays de l'Entente en août 1915. Et je

17 dois constater que dans de nombreux ouvrages, cette carte, en fait, est

18 présentée comme étant la carte du traité de Londres de 1915. Donc, il y a

19 une confusion qui règne notamment en Serbie puisqu'on confond les deux.

20 C'est vrai qu'en quelques semaines, les frontières de la Serbie ont évolué,

21 ça a changé d'un jour à l'autre. J'ai moi-même consulté des archives du

22 Quai d'Orsay du ministère des Affaires étrangères donc concernant donc le

23 traité de Londres. J'ai consulté des dépêches du ministre des Affaires

24 étrangères Delcasi [phon], à destination de l'ensemble des ambassadeurs

25 concernés. Les réponses qui émanaient de la Grande-Bretagne, de la Russie

26 et de l'Italie. Donc cette carte correspond effectivement à la volonté donc

27 des pays de l'entente en août 1915 et non pas le 26 avril 1915

28 correspondant au traité de Londres.

Page 3181

1 Q. Monsieur Tomic, vous avez ramassé dans un texte du traité de Londres au

2 petit bonheur dans les cartes et le traité parce qu'il n'est question là

3 que des aspirations territoriales de l'Italie et le littoral serbe sur

4 l'Adriatique. Tout le reste constitue répercussions du traité de Londres

5 dans les négociations qui ont suivi. Le traité de Londres, vous ne le

6 prenez pas comme étant le tout début d'un processus, n'est-ce pas ?

7 R. Dans un processus qui a déjà eu lieu depuis l'automne 1914, la

8 redéfinition en gros de l'espace balkanique, on n'imagine mal, si à partir

9 du moment où on donne une partie de la côte à la Serbie, on imagine mal que

10 l'arrière-pays, donc là en occurrence l'Herzégovine, ne fasse pas partie de

11 la Serbie.

12 Q. Monsieur Tomic, donc votre carte était l'affaire de votre imagination

13 parce que vous ne pouviez pas concevoir autre chose; est-ce que j'ai bien

14 compris ?

15 R. Ce n'est pas d'ailleurs ma carte, c'est une carte qui émanait d'un

16 travail portant sur l'Italie, qui concernait uniquement le traité de

17 Londres en lui-même.

18 Mme LE JUGE LATTANZI : Pendant l'interrogatoire principal, on s'est aussi

19 arrêté sur cet aspect et vous nous avez clarifié que c'était seulement une

20 conséquence selon lui du traité de Londres. J'avais compris cela.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais, Madame le Juge, ce que je cherche à

22 prouver c'est que le témoin est un ignorant. La conséquence, il y a la

23 Slavonie en entier, et non pas les frontières sur la Sava. Ce qu'il a

24 dessiné à la main au niveau de la carte, ça il ne l'a jamais vu nulle part,

25 ça n'existe nulle part. Il n'existe que cette carte-ci. Ce que je veux

26 démontrer c'est que le témoin n'en sait rien. C'est en substance ce que je

27 voulais démontrer, si vous permettez que j'intervienne.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais on parle de deux moments distincts, bien

Page 3182

1 distincts. Pour avoir consulté les dépêches diplomatiques de l'époque, les

2 frontières n'ont cessé d'évoluer. A un moment on se posait la question de

3 savoir s'il fallait même donner la Croatie à la Serbie. L'Italie s'y

4 opposait fermement. Donc là, il y a un instant qui est -- des négociations

5 concernant donc effectivement, la satisfaction des aspirations italiennes

6 sur la côte Dalmate qui a abouti donc au traité de Londres le 26 avril

7 1915; et ensuite on a des négociations, et ça c'est autre chose, concernant

8 les compensations territoriales accordées à la Serbie. Là, on ne peut pas -

9 - cette carte qu'on a sous les yeux, cette carte correspond à ces

10 négociations concernant donc les compensations territoriales.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, parce qu'on a vu plusieurs

12 cartes, dont l'une tracée par vous-même, celle qu'on a sous les yeux, qui

13 vient du livre de M. Stjepic, cette carte est la résultante des

14 négociations postérieures au traité de Londres, puisque là je vois 16 août

15 1915.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc la carte qu'on a là, elle est après le traité

18 de Londres ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle est après le traité de Londres et elle

20 fait suite à de nombreuses négociations entre les pays d'Entente sur ce

21 qu'il faut accorder comme compensation territoriale à la Serbie.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Et la première carte qu'on avait vue, avec la côte

23 Dalmate, et cetera, ça c'était la carte relative à -- au moment du traité ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà. Le 26 avril --

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Le 26 avril. Bon. Donc, il y a deux cartes. Et quand

26 vous, de votre main, vous avez tracé la frontière, alors c'était une

27 frontière avril ou août ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle découlait du traité de Londres. C'était

Page 3183

1 une conséquence -- à partir du moment où il y a le --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Avril, alors.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] -- la Bosnie-Herzégovine, à l'époque, fait

4 partie de l'Empire austro-hongrois.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc quand vous vous tracez la frontière, vous

6 vous avez à l'esprit, traité de Londres, avril 1915 ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela même, oui, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Alors moi, c'est clair. Je sais pas si pour M.

9 Seselj c'est clair, mais si c'est pas clair, il va continuer à poser des

10 questions.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai compris tout cela

12 il y a longtemps. Je voulais vous montrer que l'expert a tracé au petit

13 bonheur cette frontière, en englobant la Bosnie-Herzégovine et en faisant

14 faire partie de la Serbie. Le traité de Londres est le contrat fondamental,

15 et ses élaborations vont se faire au fil des ans par la suite. La carte que

16 lui a tracé n'a jamais existé nulle part. Il l'a dessinée au petit bonheur,

17 et il a dit encore une chose au petit bonheur, à savoir que de cette carte-

18 ci, on peut voir que le Banat est partagé entre la Serbie et la Roumanie,

19 mais c'est une contre-vérité. Le Banat tout entier était prévu pour faire

20 partie de la Roumanie. La Serbie n'a ultérieurement obtenu qu'une partie,

21 n'a fait que l'obtenir ultérieurement. Et on avait prévu d'en faire partie

22 de la Roumanie. Or, il a dit qu'il était prévu de partager le Banat entre

23 la Roumanie et la Serbie. Il n'est sait rien.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Je comprends mieux le problème maintenant.

25 Quand vous, vous dessinez la carte, que vous tracez la frontière, à

26 ce moment-là ce n'est pas le traité de Londres que vous êtes en train de

27 tracer. C'est vous qui --

28 LE TÉMOIN : [interprétation] -- parce que nous avons eu une discussion -

Page 3184

1 excusez-moi, Monsieur le Président, de --

2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce qu'on --

3 LE TÉMOIN : [interprétation] -- on a eu une discussion sur le traité de

4 Londres et on en arrivait aux conséquences du traité de Londres. Donc à

5 partir du moment où une partie du littoral est donné à la Serbie, il était

6 en fait question dans l'esprit des pays de l'Entente d'accorder la Bosnie-

7 Herzégovine à la Serbie déjà. Donc, j'ai tracé une carte pour illustrer

8 cette conséquence-là.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, mais vous dites : c'était dans l'esprit des

10 négociateurs. Mais quand au mois d'avril le traité est signé entre les

11 parties, c'est pas prévu encore sur papier ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien elle n'a pas -- la carte qui a été

13 dessinée, c'est une carte qui illustre le traité -- les conséquences du

14 traité. Donc, je ne pense pas que c'est une carte officielle qui a été

15 faite -- elle a été faite par le chercheur qui avait travaillé sur la

16 question.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Parce que par rapport à notre acte d'accusation et

18 par rapport à la Grande-Serbie, parce que le problème, il est là. Quand je

19 vois cette carte du mois d'août 1915, les puissances qui sont autour de ce

20 traité de Londres sont d'accord pour donner à la Serbie, la Bosnie,

21 l'Herzégovine, la Slavonie ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Oui.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ça ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Et c'est un consensus de l'Italie, de la -- de

26 tous les pays : de la France, et des deux autres participants ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] L'Italie, elle est beaucoup plus

28 prudente et, notamment la France était prête à proposer, disons, la Croatie

Page 3185

1 à la Serbie pendant l'été 1915, mais l'Italie s'y opposait et a estimé

2 qu'il fallait conserver ce territoire pour éventuellement -- comme appât,

3 en quelque sorte, pour les Hongrois. Pour faire basculer les Hongrois dans

4 la guerre contre l'Autriche, éventuellement. Donc c'était la raison qui

5 était évoquée en tout cas par ce Nino [phon] à l'époque, ministre des

6 Affaires étrangères. Mais le gouvernement serbe lui-même, à l'époque, avait

7 un objectif qui était beaucoup plus large, puisqu'il souhaitait donc

8 l'unification des Serbes, des Croates et des Slovènes. Donc, les frontières

9 qui étaient proposées ici de par les pays de l'Entente ne correspondaient

10 pas au projet, disons, du gouvernement serbe de l'époque, qui était

11 beaucoup plus important, qui avaient des conséquences territoriales

12 beaucoup plus importantes.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

14 Monsieur Seselj, il nous reste dix minutes avant la fin de l'audience

15 d'aujourd'hui.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, vous voyez que je suis

17 d'accord avec les forces de l'Entente, à savoir que la frontière

18 occidentale est presque identique à la mienne. C'est ce que j'avais pour

19 objectif de vous montrer. Etant donné que j'ai encore un peu de temps à ma

20 disposition, je voudrais attirer votre attention - ou l'attention du témoin

21 plutôt, sur le fait qu'il a affirmé qu'il ne s'était pas servi dans ses

22 textes "du Parti radical serbe extrémiste," "la droite extrémiste," ou "les

23 ultranationalistes de Seselj."

24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- s'il vous plaît, un numéro pour les deux

25 documents, la carte et le titre du livre.

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte recevra la cote D14MFI, et le

27 titre du livre, D15.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez-y.

Page 3186

1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je rappelle au témoin maintenant que le 5

2 octobre en l'an 2000, dans la revue "Le Courrier des Balkans," je ne parle

3 par le français, peut-être ma prononciation n'est-elle pas bonne. Il a

4 publié un texte disant : "La Serbie a enfin une révolution démocratique".

5 Q. N'est-ce pas, Monsieur Tomic ? Vous vous souvenez de ce texte à vous ?

6 R. Le titre n'était pas de mon fait par contre.

7 Q. Peu importe. Quelqu'un d'autre a mis ce titre, mais vous vous souvenez

8 de ce texte à vous ?

9 R. Oui.

10 Q. Dans une phrase, au paragraphe 5, vous avez dit :

11 "La scène politique est vraiment nettoyée. Le Parti radical serbe,

12 formation de l'ultra droite et le parti de Vojislav Seselj se trouve

13 presque détruit."

14 R. C'est un peu délicat de discuter d'un texte si je ne l'ai pas sous les

15 yeux dans sa version originale.

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois que M. Seselj a le document. On va le

17 mettre sous le rétroprojecteur.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Le voilà. Voilà, votre texte en français. J'ai

19 tout, Monsieur le Juge. Juste ce qui est noté. Vous l'avez en français

20 aussi.

21 LE TÉMOIN : Mais, je n'ai pas le texte en entier sous les yeux, ce ne sont

22 que des extraits.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est un extrait Monsieur Seselj.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] S'il ne s'en souvient pas qu'il me le rende

25 parce que moi je ne peux pas tout porter en français. J'ai des tas de

26 textes, Monsieur le Président, et comme je ne parle pas le français, je ne

27 peux pas me débrouiller. Si j'avais un assistant parlant le français peut-

28 être pourrais-je le faire plus aisément, mais je n'arrive pas à me

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1 débrouiller dans la totalité du texte.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez écrit, je cite : "La scène

3 politique a effectivement été nettoyée. Le Parti radical serbe, formation

4 ultranationaliste serbe a été laminée." Est-ce que vous avez écrit ça ?

5 Parce que si ça a été cité entre guillemets, c'est que ça a dû être tiré de

6 l'article ?

7 LE TÉMOIN : Je ne me souviens pas précisément, mais moi je ne peux juger

8 que sur le texte en entier, parce que je l'ai écrit en 2000 peut-être.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, posez votre question. Il émet des

10 réserves sur le contenu, mais peut-être que vous avez une question à poser.

11 M. SESELJ : [interprétation]

12 Q. Prenons l'exemple numéro 1, ça a été l'exemple 3, déplacez le texte.

13 Prenez l'exemple numéro 1. Est-ce que vous vous souvenez de ce texte à vous

14 ?

15 R. Oui, c'est effectivement le bilan annuel publié dans "L'état du monde"

16 de 1998 donc dans laquelle je fais le bilan de l'année écoulée sur les

17 événements politiques, sur les données économiques du pays. Je qualifie le

18 Parti radical serbe d'extrême droite, mais je ne suis pas le seul à le

19 faire. Donc, c'est une expression qui sert à identifier, à caractériser un

20 parti pour le présenter au public français.

21 Q. C'est exact, Monsieur Tomic, mais tout à l'heure vous n'avez pas su

22 expliquer ce que voulait dire ce terme "d'extrême", c'est ça le problème.

23 Deuxième exemple, je vous prie.

24 R. C'est du même ordre, de la même façon qu'on parle de l'extrême droite

25 en France, le Parti radical serbe pour les chercheurs en sciences sociales

26 comme pour les journalistes, est un parti plutôt classé à l'extrême droite.

27 Q. Mais ce qu'on peut supposer, c'est que d'autres chercheurs savent ce

28 que signifie cette notion, ce terme "d'extrême", mais vous vous ne le savez

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1 pas. Alors, prenons l'exemple numéro 4, penchez-vous dessus ?

2 R. Ça je m'en souviens effectivement davantage. J'avais mis entre

3 guillemets parce qu'on présentait, disons, un camp démocrate à un camp

4 nationaliste, extrémiste ou autoritaire. Mais ça, ce n'est pas là, ça ne

5 relève pas du jugement a priori de valeur. C'est juste une caractérisation,

6 disons, des deux camps politiques, de deux blocs politiques qui se font

7 face en Serbie.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous dites face au danger extrémiste bien réel

9 dû au SRS; qu'est-ce que vous voulez dire ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je parle là de l'éventualité donc d'une

11 victoire probablement aux élections du Parti radical serbe.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Et en quoi ça serait un danger ? Parce que ça serait

13 un danger pour la démocratie si on lit la phrase d'avant. Il y a le camp

14 démocrate et il y a les autres.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Effectivement, il y a un danger dans le sens

16 où pour le Parti radical serbe la question de la Grande-Serbie est toujours

17 d'actualité, c'est dans ce sens-là principalement.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il va falloir qu'on termine.

19 M. SESELJ : [interprétation]

20 Q. Ayez l'amabilité de vous pencher sur l'exemple numéro 6. Et après on

21 peut en finir, parce que ceci va clore ce jeu de questions. Juste l'exemple

22 numéro 6. Ça sort d'un texte issu de vous-même ?

23 R. Je n'identifie pas.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites en français, "Il en résulte une forte

25 frustration qui se traduit à travers le vote ultranationaliste en faveur du

26 SRS de Vojislav Seselj."

27 Alors, qu'avez-vous voulu dire ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un texte que déjà je n'identifie pas,

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1 parce que ces rencontres de Balkans sont des identités nationales dans les

2 Balkans. Donc il y a eu certainement une réunion comme un colloque et qu'un

3 résumé a été fait. Est-ce que c'est mon texte, j'ai du mal à voir là. Je ne

4 le sais pas.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Il ne le sait pas. Monsieur Seselj alors terminez la

6 question.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur Tomic a participé à ce débat et sa

8 participation figure sur l'internet. Ce débat figure sur l'internet. Mes

9 chercheurs ou mes enquêteurs ont trouvé cela. S'il ne s'en souvient pas peu

10 importe qu'on me restitue mes exemples et on en aura fini. Mais j'ai

11 présenté tout ceci pour vous montrer qu'on se sert des termes "ultra" et

12 "extrémiste" et on ne sait pas ce que cela veut dire. Il n'a pas su nous

13 expliquer ce que signifiaient ces notions. C'est cela, en substance, que je

14 voulais vous dire. S'il ne s'en souvient pas tant mieux pour lui.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour demain, tout d'abord, vous avez,

16 Monsieur Seselj, utilisé une heure 35 minutes. Donc il faut faire la

17 soustraction quatre heures moins une heures 35 et donc, vous aurez donc le

18 temps qui vous reste.

19 Alors, je reviens sur une question parce que la juriste de la Chambre m'a

20 rappelé le point. Quand vos collaborateurs vont venir, ils viennent en

21 civil, ils n'ont pas droit aux robes, on est bien d'accord. Ils n'ont pas

22 de robe noire; ils sont en civil.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout ce qu'ils diront, ils diront leur nom, mais ils

25 n'interviennent pas, ils ne posent pas de questions. Il n'y a que vous qui

26 menez le contre-interrogatoire.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui. Alors, si besoin est, ils vont me passer

28 des papiers ou m'apporter des documents parce que et là je réagirai, mais

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1 sinon, ils ne vont pas participer. Et ils se présenteront auprès des Juges

2 de la Chambre.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Tout est parfaitement clair.

4 Alors, Monsieur le Témoin, donc demain vous revenez pour l'audience qui

5 débutera à 14 heures 15 puisqu'on est dans l'après-midi demain. Donc nous

6 nous retrouvons tous à 14 heures 15 demain.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce qu'il est possible d'ajouter une

8 remarque. Moi, je tiens à la disposition de la Cour l'ensemble de mes

9 publications que ce soit donc ouvrages, articles parus dans les revues, les

10 tribunes parues dans les médias.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. C'est noté au compte rendu. Voilà, alors

12 donc à demain.

13 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 6 février

14 2008, à 14 heures 15.

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