Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 6 février 2008

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-

8 T, l'Accusation contre Vojislav Seselj.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mercredi 6

10 février 2008, je salue les représentants de l'Accusation, Monsieur Seselj,

11 ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

12 Alors, au point de vue procédure, plusieurs indications à donner : tout

13 d'abord, demain l'audience aura lieu à 8 heures 30. Donc, le greffier en a

14 été avisé, et l'audience débutera à 8 heures 30, jusqu'à 1 heure 15

15 minutes, et ce sera en salle III.

16 Je vais, pendant quelques minutes, demander à M. le Greffier de passer à

17 huis clos, parce qu'il y a deux décisions orales à rendre à huis clos.

18 [Audience à huis clos partiel]

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25 [Audience publique]

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, ceci est relative à la requête aux fins

27 d'ajouter 55 documents à la liste 65 ter. Cette requête a été enregistrée

28 le 24 décembre 2007, et ce sont des documents qui étaient contenus dans le

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1 rapport Theunens.

2 Hier, j'ai abordé cette question, mais je me dois de l'aborder à nouveau en

3 précisant ceci.

4 L'accusé a reçu hier la traduction dans sa langue de la requête de

5 l'Accusation. A l'audience d'hier, Monsieur Seselj, vous nous avez dit que

6 vous n'avez pas eu le temps d'étudier la requête. Alors, la question qui se

7 pose pour nous est la suivante : Voulez-vous répondre à cette requête ? Car

8 je rappelle que le témoin est prévu la semaine prochaine. Si vous me dites

9 oralement que vous avez pris connaissance de la requête et que vous ne

10 faites aucune objection à l'ajout de ces 55 documents ou que vous en faites

11 une objection, ça me permettra à moi et à mes collègues de rendre une

12 décision très rapidement, et pour le moins avant la venue du témoin la

13 semaine prochaine.

14 Voilà, alors, qu'est-ce que vous nous dites, Monsieur Seselj, sur cette

15 question ?

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je m'oppose par principe

17 à cette demande, à cette requête, et ce, de façon à ne pas remettre en

18 question l'ordre de l'audition de ce témoin Theunens. Je m'y oppose parce

19 que l'Accusation n'est pas à jour. Ça fait plusieurs années qu'ils ont

20 engagé ce témoin expert, ils avaient les documents à disposition, et quand

21 bien même certains manqueraient, ils auraient pu les trouver. Ils ont

22 attendu le dernier moment, et c'est cela qui est inacceptable, à mon avis.

23 Mais si mon opposition ou si je devais me prononcer par écrit et si cela

24 devait remettre en question l'audition de ce témoin Theunens, je renonce.

25 Je pense que vous, en votre qualité de Chambre, vous devez donner une leçon

26 à l'Accusation pour son manque de correction. Moi, je ne veux pas freiner

27 le procès pour ça.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Donc, vous nous dites oralement que par

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1 principe vous vous opposez, en explicitant que l'Accusation avait eu

2 largement le temps de faire cette requête et que ce n'est pas au dernier

3 moment. Et que deuxièmement, vous ne voulez pas non plus retarder la venue

4 de ce témoin expert et à ce moment-là, si la Chambre prend une décision

5 rejetant votre position, vous, vous entamerez la semaine prochaine le début

6 du contre-interrogatoire.

7 C'est bien comme cela que je dois comprendre ce que vous venez de

8 dire ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, vous avez bien compris.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, je termine maintenant par un autre sujet.

11 C'est une ordonnance aux fins de clarification des deux requêtes de

12 l'Accusation relatives au constat judiciaire des moyens de preuve

13 documentaires rendue par la Chambre, hier le 5 février 2008.

14 Alors hier, dans sa décision, la Chambre a ordonné à l'Accusation de

15 clarifier ses deux requêtes demandant le constat judiciaire des pièces en

16 apportant des détails supplémentaires, notamment quant à la pertinence et à

17 la description des documents concernés. La Chambre note que l'accusé a

18 d'ores et déjà répondu aux deux requêtes sur le constat judiciaire des

19 pièces.

20 Mais la Chambre rappelle que si M. Seselj le souhaite, il pourra

21 répondre à cette clarification par l'Accusation dans le délai de 14 jours,

22 habituellement impartis par l'article 126 bis du Règlement.

23 Alors, en deux mots, je vais synthétiser ceci. Comme vous le savez,

24 Monsieur Seselj, l'Accusation a formé deux requêtes afin que la Chambre

25 dresse le constat judiciaire de moyens de preuve documentaires qui avaient

26 été admis dans d'autres procès. La Chambre, hier, a rendu une nouvelle

27 décision, donc vous n'avez pas eu la traduction B/C/S, demandant au

28 Procureur d'apporter des compléments sur ces documents, notamment quant à

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1 la pertinence, à la description des documents, au rapport par rapport à

2 l'acte d'accusation, et cetera.

3 Donc, le Procureur va répondre par écrit à notre demande. Lorsqu'il

4 répondra par écrit, vous aurez, vous, la possibilité également de faire

5 valoir vos observations, et à ce moment-là, vous aurez 14 jours à partir du

6 moment où vous aurez dans votre langue la traduction de la réponse du

7 Procureur.

8 Vous avez bien compris, Monsieur Seselj ? Oui ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je m'oppose

10 catégoriquement à ceci aussi, parce que le fait qu'une autre Chambre ait

11 accepté des documents pour les verser au dossier, vous, votre Chambre à

12 vous dans cette affaire-ci, cela ne doit pas avoir une signification par

13 principe, parce qu'il y avait d'autres motifs, d'autres situations là-bas,

14 et la confrontation ou la configuration était tout à fait différente entre

15 l'Accusation et la Défense. Il se peut que la Défense ne s'y soit pas

16 opposée à ces requêtes et quelque chose a peut-être été automatiquement

17 versé au dossier.

18 Il n'y a aucune raison de voir l'Accusation ne pas proposer pour

19 versement de l'une des deux façons possibles. D'abord, en parallèle avec le

20 témoignage d'un témoin de l'Accusation, et l'autre façon c'est de le

21 proposer pour versement direct comme cela d'ailleurs a été fait avec une

22 grande partie des pièces à conviction sur lesquelles je ne me suis pas

23 prononcé. J'attends que vous m'indiquiez quand est-ce que cela doit se

24 faire, et cela devrait être le sort de ces documents aussi.

25 Si l'Accusation estime que l'argument est de dire qu'une autre

26 Chambre a accepté de verser au dossier ces documents-là, alors là il y a

27 erreur, parce que cela ne veut rien dire du tout.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Nous avons bien enregistré votre position

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1 qui est très claire. Donc, quand le Procureur aura fait sa réponse, vous

2 l'aurez donc en votre possession dans votre langue, vous aurez 14 jours. Si

3 vous ne répondez pas à cela, nous aurons à la ligne 19, page 6 jusqu'à la

4 ligne 9 de la page 7 votre position officielle sur ce problème. Voilà ce

5 que je tenais à dire et qui est acté au compte rendu de ce jour.

6 Nous allons maintenant introduire le témoin pour la suite du contre-

7 interrogatoire. Et dès que le témoin sera dans la salle d'audience, je

8 donnerai la parole à M. Seselj pour la suite du contre-interrogatoire.

9 Je pense qu'il doit vous rester deux heures et 15 minutes, mais je

10 vais demander à M. le Greffier ainsi qu'à la juriste de la Chambre de me

11 re-confirmer cela, et je vous le dirai immédiatement.

12 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

13 LE TÉMOIN : YVES TOMIC [Reprise]

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bonjour, Monsieur. Vous pouvez vous asseoir.

15 Bien.

16 Alors, Monsieur, je vous salue. Le contre-interrogatoire va commencer.

17 Et j'indique à M. Seselj qu'il lui reste deux heures et 25 minutes.

18 Voilà, alors, Monsieur Seselj, vous avez la parole.

19 Contre-interrogatoire par M. Seselj : [Suite]

20 Q. [interprétation] Monsieur Tomic, nous allons à présent parcourir le

21 détail de votre prétendue étude d'expert. Déjà, dès l'introduction, page 4

22 de la version serbe, vous affirmez que l'Etat médiéval serbe a été créé

23 dans la région de la Raska. Vous ne savez donc pas quand et où le premier

24 Etat médiéval serbe a été créé, n'est-ce pas ?

25 R. Au Xe siècle il existe plusieurs Etats serbes qui sont mentionnés par

26 l'empereur byzantin Constantin VII Prophyrogénète. Il mentionne les Etats

27 donc de Nurdjana, Travunija, Konavlje, l'Etat de Duklja également, et un

28 Etat donc serbe également à la tête duquel se trouve Ceslav. Donc, les

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1 historiens, mais les historiens serbes considèrent que le véritable Etat

2 serbe qui va se développer donc au cours de l'histoire commence vraiment

3 avec Stefan Nemanja, donc à la fin du XIIe siècle.

4 Q. Quel est l'historien serbe qui estime que le véritable Etat serbe

5 commence avec Stefan Nemanja ? Donnez-nous son nom et prénom.

6 R. L'histoire des Serbes de Vladimir Corovic, par exemple.

7 Q. Ça, vous n'avez pas pu le lire chez Vladimir Corovic, c'est ce que vous

8 croyez. Le premier Etat serbe a été créé dès le IXe siècle. Vous avez

9 mentionné Constantine VII. Et je suppose que vous savez quel est son surnom

10 ? Porphyrogénète. Et c'était un historien. Vous n'avez pas mentionné ce

11 surnom très important.

12 Alors, l'Etat de Neretva serbe, quel est le territoire qu'il

13 englobait ?

14 R. C'est un petit Etat qui se trouvait donc au niveau de la rivière donc

15 de la Neretva, de l'embouchure de la Neretva. C'est un Etat qui était connu

16 pour ses activités de piraterie, et donc les pirates de cet Etat venaient

17 beaucoup en mer adriatique et gênaient notamment le commerce de Venise à

18 l'époque.

19 Q. La Neretva c'était la frontière sud de cet Etat serbe. Quelle était la

20 frontière nord de cet Etat serbe ? Le savez-vous ?

21 R. C'est la limite, disons, entre les populations serbes et croates entre

22 les Etats donc de Nerevnja [phon] et l'Etat croate donc, et la rivière

23 Cetina, donc plus au nord.

24 Q. La rivière Cetina à côté de la ville Omis non loin de la ville de

25 Split, n'est-ce pas ?

26 R. Il me semble, oui, mais plus au nord, vers Split.

27 Q. Oui, c'est cela. Monsieur Tomic, alors ceci, vous auriez dû le préciser

28 dans votre rapport d'expert. Saviez-vous sur quel territoire s'étendait

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1 l'Etat serbe de Hum, et Constantin Porphyrogénète le dit également ?

2 R. -- qui correspond aujourd'hui à la région de l'Herzégovine, n'existait

3 pas encore. On a l'Etat de Zahumje, de Travunija, donc qui correspond à la

4 région de Trebinje. L'Etat de Hum, en fait, rassemblera ces territoires,

5 mais le nom n'apparaît que plus tard.

6 Q. Monsieur Tomic, vous devriez savoir que cet Etat de Hum et Zahumlje

7 c'est la même chose. C'est une variante d'appellation. Travunija c'est un

8 Etat serbe à part, n'est-ce pas ? Sur quel territoire se trouvait cet Etat

9 serbe de Travujina ?

10 R. De la ville de Trebinje, l'actuelle ville de Trebinje.

11 Q. C'est allé jusqu'à Boka Kotorska, n'est-ce pas ?

12 R. -- au sud on a un petit Etat, donc de l'Etat de Konavlje, donc qui est

13 au sud de Dubrovnik, en gros jusqu'à à peu près aux bouches de Kotor.

14 Q. Et Konavlje, c'était également une principauté serbe, n'est-ce pas ?

15 R. Constantin VII Porphyrogénète, en fait, c'est le cas. Il mentionne ces

16 Etats. Donc, c'est des petits Etats, de petites principautés comme étant

17 des Etats serbes.

18 Q. Si vous en souvenez, Constantin Porphyrogénète dit clairement que ce

19 sont des principaux en réalité autonomes qui sont subordonnées ou à

20 l'autorité serbe ?

21 R. -- sur ce point-là.

22 Q. Avez-vous lu --

23 L'INTERPRÈTE : Veuillez à ce qu'il y ait des pauses entre les questions et

24 les réponses, s'il vous plaît.

25 M. SESELJ : [interprétation]

26 Q. -- Constantin Porphyrogénète ? Savez-vous comment s'appelle cette œuvre

27 ?

28 R. Donc, je n'ai pas lu l'original, et j'ai lu par contre des ouvrages qui

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1 portaient son histoire du Moyen Age, donc qui faisaient référence à ce

2 document, puisque c'est l'un des rares documents donnant des informations

3 sur la répartition des peuples de la région. Et ce document est connu sous

4 le nom de "Administrando imperio," et le titre en grec serait apparemment

5 "A propos des peuples," deux titres, en fait, sont mentionnés.

6 Q. Vous avez omis une chose, étant donné que vous n'avez pas lu l'original

7 de Constantin Porphyrogénète. Il parle en effet de ces Etats serbes de

8 Neretva qu'il appelle Pagania, parce que c'est là que les Serbes ont en

9 dernier lieu accepté la chrétienté. Alors, Humska, Zahumlje, Travunija,

10 Konavlje, Diokvija [phon] ou plutôt l'Etat de Duklja. Alors, derrière ces

11 terres serbes, Constantin Porphyrogénète dit que se trouve la vraie

12 Serbie, ça se sont des territoires autonomes dans le cadre de cette Serbie

13 unifiée, ces Etats, et vous l'ignoriez ?

14 R. -- une petite principauté, donc j'ai mentionné tout à l'heure l'état

15 donc de Serbie, une entité qui était donc sous le règne de Caslav, mais les

16 limites de cet état n'était pas connu dans le détail, c'est-à-dire dans les

17 ouvrages d'histoire, on indique la limite de cet état mais de fait elle

18 n'était pas connue dans le détail donc à la moitié du XXe siècle.

19 Q. Savez-vous quand l'Etat serbe a été restauré par Caslav, en quelle

20 année ?

21 R. C'est dans les années peut-être 930, mais je ne suis pas historien

22 médiéviste, donc ce n'est pas une période que je maîtrise.

23 Q. Vous savez à peu près, c'était 927, donc vous n'avez pas raté l'année

24 de beaucoup. Mais pourquoi est-ce qu'il était indispensable de faire cette

25 restauration; qu'est-ce qui s'est passé avant Caslav ? Qui est-ce qui

26 dirigeait l'Etat serbe ?

27 R. -- l'Empire byzantin qui joue un rôle influent dans la péninsule

28 balkanique, mais il y a également donc l'Etat bulgare aussi qui, à

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1 l'époque, s'est étendu sur une bonne partie de la péninsule jusqu'au

2 territoire peuplé de Croates, donc dans le nord-ouest.

3 Q. Vers la fin du IXe siècle, Monsieur Tomic, les Bulgares régissaient

4 l'ensemble des terres serbes et l'Etat serbe a cessé d'exister

5 temporairement jusqu'en 927 quand Caslav l'a restauré, et Caslav est

6 parvenu à restaurer l'Etat serbe parce que les Bulgares subissaient les

7 pressions byzantines. Ce sont tout de même des choses qu'il faut apprendre

8 d'une façon ou d'une autre. Pourquoi est-ce que je vous pose toutes ces

9 questions ? Pour eux, tout cela c'est évident. Si ces terres sont des

10 terres serbes, l'Etat de Nerevta, de Zahumlje, de Konavlje, de Duklja, et

11 si à l'arrière se trouve la Serbie, ces terres sont peuplées de population

12 serbe. Est-ce que c'est clair ?

13 R. C'est ce qu'indique le document de Constantin VII à l'époque.

14 Q. Quelle est la première source historique qui évoque la présence de

15 Serbes dans les Balkans, la source la plus ancienne ?

16 R. Il y a parmi les documents les plus anciens peut-être des chroniques

17 émanant des Francs.

18 Q. Vous savez comment s'appellent ces chroniques des Francs, il n'y en a

19 qu'une de chronique comme celle-là, il y a un titre et un auteur précis ?

20 R. -- existe, je ne connais pas de nom précis de l'auteur, ce n'est pas

21 une période que j'ai vraiment étudiée dans le détail. Je sais que cette

22 chronique existe dans la mesure où les Francs donc contrôlaient à l'époque

23 ce qui correspond à la Croatie actuelle, comme territoire.

24 Q. Les Francs contre le territoire croate qui allaient de la rivière

25 Cetina jusqu'à la montagne de Gvozd au nord, c'est bien cela, c'est le

26 premier Etat croate ?

27 R. Si on parle du IXe siècle, c'est le cas, mais après cet Etat va

28 connaître une extension sous Tomislav, donc dans la première moitié du Xe

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1 siècle.

2 Q. Jusqu'où cet Etat s'étendait-il sous Tomislav ?

3 R. -- s'est élargi donc à la plaine de Panoni mais également aussi des

4 territoires donc Croatie à l'actuelle Bosnie-Herzégovine.

5 Q. Vous voulez dire qu'il recouvrait l'ensemble du territoire de la

6 Bosnie-Herzégovine ?

7 R. -- toujours est-il que c'est un Etat qui a connu une large extension à

8 ce moment-là. C'est-à-dire à l'époque, en fait, les limites des frontières

9 des Etats n'arrêtent pas d'évoluer en fonction des conflits donc.

10 Q. Monsieur Tomic, savez-vous qui est celui qui connaît le mieux en

11 Croatie l'histoire médiévale de la Croatie en particulier, quel est son

12 nom, historien croate très connu ?

13 R. Il me semble que c'est un certain M. Klaic.

14 Q. Non. Ce n'est pas Klaic parce que lui est du XIXe siècle. Je vous parle

15 d'un moderne, le nom est le même Klaic mais son prénom est Nada, Nada

16 Klaic, professeur à Zagreb. C'est celle qui est la meilleures historiennes

17 du Moyen Age en Croatie, et c'est elle qui a établi que l'Etat croate

18 allant de la rivière Cetina jusqu'à la montagne de Gvozda, et qu'à l'époque

19 de Tomislav, elle s'est élargie jusqu'à derrière la Livna et au nord

20 jusqu'à la rivière Sava. Mais quand est-ce que l'Etat croate avait les

21 frontières les plus vastes, est-ce que vous le savez ?

22 R. Précisément, non.

23 Q. Au XIe siècle, à l'époque du roi Petar Kresimir IV, elle est arrivée

24 jusqu'à la rivière Vrbas, c'était la frontière la plus éloignée au sud,

25 quant au nord, on ne sait pas exactement, mais on dit qu'elle est allée

26 jusqu'à la Drava, donc, pratiquement jusqu'à la Drava. Vous ne le savez

27 pas, par conséquent vous connaissez très mal l'histoire médiévale.

28 Mme LE JUGE LATTANZI : Evitez, s'il vous plaît, de témoigner vous-même.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je ne témoigne pas, Madame le Juge, mais je

2 cite des connaissances au témoin en tant que faits.

3 Mme LE JUGE LATTANZI : [chevauchement]

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous pouvez m'enlever le droit d'interroger le

5 témoin, vous pouvez tout faire. Mais ici je vous apporter la preuve que ce

6 témoin ne sait rien et que ses connaissances sont tout au plus

7 superficielles.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, personne ne veut vous enlever le

9 droit de poser vos questions. Simplement, comme vous le savez, on est dans

10 le cadre d'une procédure de type anglo-saxon. Et donc, dans le cadre du

11 contre-interrogatoire, vous devez poser des questions, et non pas

12 témoigner. De ce fait, vous auriez dû dire : Au XIe siècle, si je vous dis

13 que c'est le roi Petar Kresimir IV, est-ce que vous seriez d'accord avec

14 moi ou pas ? Alors, il répond : Je suis d'accord, je ne suis pas d'accord.

15 Et puis, hop, vous continuez.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est tout à fait correct, Monsieur le

17 Président, que je dise au témoin : vous ne savez pas que l'Etat croate

18 était le plus vaste à l'époque du roi Petar Kresimir IV et que cet Etat

19 recouvrait tel ou tel territoire. Cette question est tout à fait correcte

20 dans la procédure en vigueur ici.

21 M. SESELJ : [interprétation]

22 Q. Monsieur Tomic, savez-vous sous quel pouvoir était les Serbes au cours

23 des premiers siècles de leur existence dans les Balkans, sous quel pouvoir

24 religieux ?

25 R. Sous quelles autorités religieuses ?

26 Q. Ecoutez, tout relevait de la chrétienté, du christianisme. Je vais vous

27 préciser ma question. Il n'y avait pas eu encore la scission entre les

28 Chrétiens qui arrivent de Shitmlje [phon], mais il y avait des archevêchés,

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1 et je vous demande de quel archevêché relevait les Serbes au début du Moyen

2 Age ?

3 R. A cette époque précise, je ne sais pas précisément, non.

4 Q. Donc, vous ne savez pas que les Serbes dépendaient de deux archevêchés,

5 celui de Split et celui de Drac. Vous ne le savez pas, n'est-ce pas ?

6 R. Moi, je n'ai pas étudié l'histoire de l'église. Je sais que l'église

7 serbe sera créée en 1219 par Sava, Sveti Sava. Et qu'à partir de ce moment-

8 là, donc il y a une église serbe orthodoxe qui est crée et qui va s'élargir

9 donc vers les territoires donc le long du littoral dalmate. Donc, là seront

10 créés des évêchés puisqu'à l'époque il n'y avait peut-être que trois

11 évêchés donc --

12 Q. Monsieur Tomic, vous n'avez pas de connaissances en matière de

13 questions religieuses et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas été

14 en mesure d'écrire un rapport de qualité, car vous ne connaissez pas les

15 problèmes de fond liés à l'Eglise qui régissent les rapports entre les

16 Serbes et les Croates, n'est-ce pas ? Vous ne connaissez pas cela ? Vous

17 parlez de Saint-Sava qui est arrivé deux cents ans plus tard. Pour vous,

18 les siècles n'ont aucune signification, n'est-ce pas ?

19 R. -- des éléments de l'histoire religieuse, cela dit mon rapport ne

20 portait pas sur cette dimension-là spécifiquement. Mon rapport porte sur le

21 XIXe et le XXe siècle, et là vous abordez dans le détail la période du Moyen

22 Age, donc ça me semble quand assez éloigné, même si la dimension

23 effectivement religieuse est importante au moment où vont s'affirmer les

24 identités nationales au XIXe siècle. Mais je n'avais pas à me préoccuper,

25 dans mon rapport, de la répartition, disons, des évêchés au Moyen Age, que

26 ce soit au IXe ou Xe siècles.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Une clarification. Le titre du rapport est le

28 suivant : "L'idéologie grand-serbe aux XIXe et XXe siècles." C'était l'objet

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1 de ses travaux. Alors peut-être aurait-il dû remonter au IXe siècle, peut-

2 être, mais apparemment, c'est pas ce qui lui a été demandé.

3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez accès à ce

4 rapport où on prétend qu'on va apporter des éléments sur l'histoire

5 ancienne de la Serbie dans les Balkans. Tout ce rapport est censé présenter

6 les connaissances de ce prétendu expert qui affirme que les Serbes étaient

7 orthodoxes, et que les Croates étaient catholiques. Or je m'efforce de

8 démontrer que le témoin ignore un certain nombre de choses; il ignore que

9 les Serbes étaient répartis entre deux archevêchés, dont l'un relevait de

10 l'Eglise de Rome, et Drac relevait de l'Eglise de Constantinople.

11 LE TÉMOIN : -- l'Etat de Duklja était sous l'influence donc de l'Eglise

12 catholique au moins jusqu'au XIIe siècle. Mihailo, donc le souverain de

13 l'Etat de Duklja, sera couronné par le pape en 1077. Donc il est à l'époque

14 -- je veux dire, donc on est là quelques décennies après le schisme de

15 1054, y compris le fondateur plus tard de la dynastie des Nemanjic, Stefan

16 Nemanja. Et dans un premier temps, comme il est originaire de cette région

17 de Zeta, baptisé dans la foi catholique, il sera rebaptisé ensuite, une

18 fois installé donc dans la région de Racka en serbe, dans la foi orthodoxe.

19 Donc à cette époque, les populations serbes des différentes régions, des

20 différentes entités étatiques qui existent, sont partagées entre les

21 religions, les fois catholique et orthodoxe.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, l'accusé, qui critique votre

23 rapport -- de là, je me pose une question. Votre champ concernait

24 l'idéologie grand-serbe aux XIXe et XXe siècles. Et je constate que la

25 question religieuse n'est pas franchement abordée. Alors, était-ce de votre

26 part une impasse volontaire, ou vous avez estimez que ça n'avait aucun

27 intérêt d'aborder la question des catholiques, des orthodoxes, de l'impact

28 de la religion sur les comportements, sur les écrits idéologiques, et

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1 cetera. Est-ce que c'est de votre part délibéré, ou bien vous avez estimez

2 que ça n'avait aucune importance ? Parce que tout ce à quoi s'est employé

3 tout à l'heure l'accusé visait à resituer tout ça aussi dans un -- dans une

4 dimension religieuse. S'il remonte aux IXe, Xe, XIe, XIIe siècles, c'est que

5 de son point de vue -- mais la Chambre verra plus tard si ça a une

6 importance - mais alors, pourquoi vous, vous n'avez pas abordé cette

7 question ?

8 LE TÉMOIN : Parce que dans les principaux documents où il y a donc une

9 formulation du programme national serbe au XIXe siècle, cet aspect

10 n'apparaît pas de manière probante, puisqu'à l'époque, on va mettre en

11 avant le facteur linguistique plus que le facteur religieux.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je comprends ce que vous dites. Autre question

13 : est-ce que vous avez été amené à lire des ouvrages de M. Seselj ?

14 LE TÉMOIN : Effectivement --

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il en a écrit plus de 80 -- plus de 80. Vous en avez

16 -- est-ce que vous avez vu des ouvrages où il met en cause l'Eglise

17 catholique ?

18 LE TÉMOIN : Oui. Cela dit, pour être -- c'est des ouvrages qui ont été

19 publiés après l'année 2000, donc notamment celui sur l'idéologie du

20 nationalisme serbe, ou sur les ouvrages, donc, concernant le -- donc la

21 nation croate artificielle ou -- donc il y a les critiques du Vatican.

22 C'est des ouvrages qui sont parus après l'année 2000. Or moi, je suis

23 historien, et je porte une attention particulière à la chronologie. Ce qui

24 m'importait, c'était les idées de M. Seselj telles qu'elles ont été

25 formulées pendant les années 80, et pendant les années, donc, du conflit

26 yougoslave. Après -- ce qui a été rédigé après, bien entendu, ça peut être

27 intéressant, mais c'est pas, c'est pas -- ces textes-là n'étaient pas en

28 circulation pour cette -- au cours de la période qui m'intéressait, moi.

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1 Donc on ne peut pas avoir là une démarche complètement a-historique en

2 quelque sorte. Je me suis concentré sur les écrits, vraiment, des années

3 80, et pour la période entre 1991 et 1995.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Merci pour votre réponse.

5 Monsieur Seselj.

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je dois d'abord faire

7 savoir à vous-même et à vos collègues que je m'efforce d'aller à l'encontre

8 de la thèse du témoin selon laquelle les Serbes seraient des Orthodoxes, et

9 les Croates des Catholiques. Je m'efforce, dans le cadre du présent débat,

10 de démontrer qu'avant Saint-Sava une énorme majorité des Serbes

11 appartenaient à l'Eglise de Rome et qu'ils étaient Catholiques romains. Ça,

12 c'est le fond. Je crois que c'est particulièrement important vis-à-vis de

13 ma conception de la Grande-Serbie, même si d'autres n'abordent pas les

14 choses de cette façon.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Sur ce qu'il vient de dire, vous êtes d'accord avec

16 lui ?

17 LE TÉMOIN : Mais je n'ai pas dit le contraire. J'ai dit qu'au moins

18 jusqu'au XIIe siècle, le -- ce qu'on pourrait appeler le monde serbe, donc

19 les zones de peuplement serbe étaient divisées donc en -- il y avait les

20 deux fois qui existaient. Donc plus à l'est, la foi orthodoxe, et plus à

21 l'ouest, donc le long de la mer adriatique, notamment, c'était la foi,

22 donc, catholique romaine. Mais par la suite, l'Eglise orthodoxe va

23 davantage étendre ses structures, donc aux régions dites du littoral, et

24 les Serbes qui étaient catholiques vont de fait devenir, donc orthodoxes

25 par la suite. Mais il est resté jusqu'au XXe siècle, disons, une population

26 aujourd'hui pas très importante, mais de Serbes qui se disaient, donc,

27 catholiques, qui étaient de foi catholique.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Y'a pas de divergence avec ce que M. Seselj a

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1 dit tout à l'heure ?

2 LE TÉMOIN : Je ne vois pas de divergence fondamentale. J'ai dit jusqu'au

3 moins à la fin du XIIe siècle. Et après, l'Eglise orthodoxe, quand elle sera

4 -- lorsque le patriarcat de l'Eglise orthodoxe serbe, donc, sera

5 reconstitué pendant la période ottomane, donc de 1557 à 1776, les

6 territoires qui seront sous le contrôle de l'Eglise orthodoxe seront très

7 larges, et c'est à ce moment-là notamment que de nombreux évêchés vont être

8 créés, des églises construites, dans des territoires où autrefois il n'y

9 avait pas d'églises orthodoxes. Donc on a au départ effectivement une

10 partie occidentale, donc le long du littoral qui est sous influence, donc,

11 catholique romaine, mais qui après, pendant la période ottomane va -- en

12 fait, au cours de cette période, on va assister à un renforcement, disons,

13 du code de l'Eglise orthodoxe.

14 M. SESELJ : [interprétation]

15 Q. Dans la période que nous sommes en train de discuter, Monsieur Tomic,

16 il n'y avait pas d'animosités entre les religions. Il n'y avait pas

17 d'opposition entre les Orthodoxes et les Catholiques, n'est-ce pas ? Il

18 n'existe pas un seul élément historique montrant qu'ils se sont battus les

19 uns contre les autres à cause de la religion, n'est-ce pas ?

20 R. Quelle période précisément, Xe, XIe, XIIe siècles ?

21 Q. Oui. Au Xe, au XIIe aussi. Tout ce qui vient après l'occupation turque.

22 R. -- de troubles effectivement entre les populations locales, sinon les

23 guerres de conquête territoriale menées par les différents féodaux. Mais

24 cela dit, lorsque les croisées à plusieurs reprises traversent la région

25 pour se rendre soit à Constantinople ou au-delà, vers Jérusalem, là

26 effectivement, il y aura donc des troubles, des crimes qui seront commis

27 par les croisées sur les populations locales du moins. Donc là il y aura

28 une dimension religieuse, disons, à ce moment-là dans les conflits -- là,

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1 c'est un facteur disons extérieur à la religion qui -- en l'occurrence.

2 Q. Vous venez de formuler deux contrevérités, Monsieur Tomic, à l'instant.

3 D'abord, le fait qu'il y a eu opposition entre les Serbes orthodoxes et les

4 catholiques.

5 R. Il y a eu un problème d'interprétation. Je n'ai pas dit qu'il y avait

6 eu des conflits entre Catholiques et Orthodoxes.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Madame.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ce que j'ai entendu de la bouche des

9 interprètes, Monsieur le Président.

10 Mme BIERSAY : [interprétation] Je crois que M. Tomic a déjà parlé de ce

11 qu'il en est, mais nous nous opposons à ce que M. Seselj dise que le témoin

12 raconte des contrevérités pendant son témoignage. C'est aux Juges de

13 décider ce qu'il en est.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ce sera aux Juges de déterminer, mais pour

15 déterminer, encore faut-il qu'on ait tous les éléments du débat.

16 Alors, continuez, Monsieur Seselj.

17 M. SESELJ : [interprétation]

18 Q. Y a-t-il eu à quelque moment que ce soit affrontement entre les Serbes

19 et les croisés, Monsieur Tomic ?

20 R. Je sais que lorsqu'il y a eu des croisades, donc des croisées qui ont

21 traversé la région des Balkans, il y a eu des violences qui ont été

22 commises contre les populations locales. Donc c'est une question que je

23 n'ai pas étudiée dans le détail, mais il est possible que donc les

24 populations serbes aient été victimes effectivement de violences, même si

25 par ailleurs il y a pu y avoir des rencontres entre croisés.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Je découvre que les croisés ont pu se livrer à des

27 actes criminels, tel que vous l'indiquez. Mais pour le cas où cela aurait

28 eu lieu, quelle en était la raison ? Raison religieuse ou bien d'autres

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1 raisons ?

2 LE TÉMOIN : Je pense qu'il pouvait y avoir autant de raisons religieuses

3 que la volonté tout simplement de piller -- les raisons pouvaient être

4 multiples à cette époque-là.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que les croisés pouvaient être des pillards ?

6 LE TÉMOIN : D'après ce que j'ai pu lire, du moins sur l'histoire de cette

7 période, ils se sont quand même livrés à ce genre d'opérations

8 effectivement dans la région des Balkans.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, j'appelle votre attention sur

11 le fait que le témoin ne fait que jouer aux devinettes. Il ne connaît aucun

12 élément indiquant que les Serbes et les croisés auraient eu des

13 affrontements. Mais il devine là.

14 M. SESELJ : [interprétation]

15 Q. Monsieur Tomic, savez-vous que l'attaque des croisés contre Byzance a

16 aidé Stefan Nemanja à créer un Etat serbe fort par rapport à Byzance,

17 autonome également par rapport à Byzance.

18 R. Effectivement, il y a eu lors d'une croisade, une rencontre entre

19 Stefan Nemanja et il me semble donc Barbarossa. Donc il y a eu plusieurs

20 croisades, je ne suis pas un spécialiste, je le dis de cette période-là,

21 mais je sais qu'il y a eu de temps à autre des violences qui ont été

22 commises contre les populations locales, et à certains autres moments, il y

23 a eu pu y avoir effectivement convergence sur certains objectifs

24 politiques, disons.

25 Mme LE JUGE LATTANZI : Si j'ai bien compris, le témoin parle -- ne parle

26 pas de confrontation entre les membres des croisades et les populations

27 serbes. Il parle de certains crimes qui auraient pu être commis par ces

28 gens en passant pour leur mission. C'est ce que j'ai compris.

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1 LE TÉMOIN : Oui.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame le Juge, ce qui importe ici, c'est que

3 l'expert ne dispose d'aucun élément historique pour étayer ce dont il

4 parle. L'histoire a inscrit dans le marbre le fait que Stefan Nemanja a

5 attendu Frédéric 1er Barbarossa, qu'il l'a reçu dans son palais, et qu'il a

6 reçu également son armée. Et la prise de Tsarigrad [phon] par les croisées,

7 il l'a appuyée pour libérer les Serbes complètement du pouvoir byzantin.

8 Mais ça le témoin ne le sait pas, et c'est là-dessus que j'insiste.

9 LE TÉMOIN : -- rencontre, mais c'est l'une des croisades. Il y en a eu

10 plusieurs au cours du Moyen Age, elles ne se sont pas toutes produites de

11 la même façon. Mais cette question ne concerne pas mon rapport, encore une

12 fois.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, votre érudition me laisse pantois.

14 Vous savez quasiment tout. Mais le témoin vous indique que ceci n'entrait

15 pas dans son champ d'étude. Et que s'il peut répondre sur certains points,

16 il ne peut pas répondre sur tous les points. Voilà, alors, voyez quel est

17 votre intérêt. Est-ce que vous voulez continuer sur cette voie ou mettre en

18 évidence à l'intention des Juges des éléments importants qui nous

19 permettraient de mieux comprendre la situation ?

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore une question au sujet du Moyen Age,

21 ou plutôt même deux. Je pense qu'elles sont importantes.

22 M. SESELJ : [interprétation]

23 Q. Ma première est la suivante. Monsieur Tomic, savez-vous comment les

24 écrivains byzantins traitent la Bosnie ? Qui d'après eux s'est emparé de la

25 Bosnie ? L'Etat bosniaque appartenait à qui, d'après eux ?

26 R. -- base donc au Xe siècle, donc sur le document de Constantin VII

27 Porphyrogénète, à cette époque-là, donc l'Etat de Serbie, donc de Caslav,

28 s'étend sur une partie donc de ce qui correspond aujourd'hui à la Bosnie.

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1 Donc on parle à ce moment-là donc de population serbe à l'époque.

2 Q. Avez-vous entendu parler de Kinnamos, un écrivain byzantin très connu ?

3 Que dit Kinnamos de la Bosnie ? D'après lui, qui peuple la Bosnie ?

4 R. Il dit que -- il parle de population serbe, donc vivant d'un côté de la

5 Drina, si je ne me trompe pas, et de l'autre donc en Bosnie. Mais il dit

6 également que ces populations donc vivant en Bosnie ont leurs propres

7 coutumes. Donc il laisse entendre qu'il y a quand même malgré tout des

8 différences avec les populations serbes vivant de l'autre côté de la Drina,

9 donc le côté oriental.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Et au point de vue religieux, ces populations qui

11 peuplent la Bosnie, de quelle religion sont-elles ?

12 LE TÉMOIN : La Bosnie fait partie donc de la structure donc des évêchés

13 donc catholiques de l'époque dont la taille a pu varier en fonction donc

14 des siècles, mais donc elle est sous influence plutôt donc de l'église

15 catholique romaine. Et à l'époque donc on parlera d'église chrétienne

16 bosniaque. Donc il semblerait que, disons, cette église se soit distinguée

17 par un certain type de croyances un peu -- ou quelque peu divergent,

18 différent en tout cas du dogme de l'Eglise catholique de l'époque. Donc

19 cette pratique a été qualifiée donc d'hérésie à l'époque. On a parlé

20 d'hérésie bogomile, mais je ne suis pas un spécialiste de cette question-

21 là. Je tiens à le préciser.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Question très précise de ma part. A cette époque, y

23 avait-il en Bosnie une mosquée ?

24 LE TÉMOIN : Mais non, l'Empire ottoman ne s'installe que beaucoup plus tard

25 au XVe siècle, dans la deuxième moitié du XVe siècle. La Bosnie tombe en

26 1462 ou 1463, l'Herzégovine un peu plus tard et le Monténégro encore plus

27 tard. Donc à cette époque-là, il n'y a pas d'Islam dans la région.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, à cette époque-là avant 1462, la Bosnie est

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1 serbe ?

2 LE TÉMOIN : Les frontières -- la Bosnie a été soit intégrée à des Etats

3 serbes ou soit jusqu'à -- à des Etats disons croates, puis hongrois,

4 seulement les frontières n'ont cessé d'évoluer au cours de la période du

5 Moyen Age, puisqu'il y a un pays dont on ne parle pas beaucoup, mais la

6 Hongrie, dans laquelle vint intégrer le royaume de Croatie, donc au début

7 du XIIe siècle, qui joue un rôle important et qui a des visées -- qui

8 essaie donc de s'élargir vers le sud. Et la Hongrie aura une influence

9 importante --

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais avant l'influence de la Hongrie, avant que la

11 Hongrie intègre ces territoires de la Bosnie, est-ce que la Bosnie était

12 serbe ?

13 LE TÉMOIN : Je pense qu'il y avait une influence serbe et une influence

14 croate dans ce qui sera le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine actuelle.

15 C'est une région où il y a des influences, d'une part, venant donc de la

16 Serbie, donc de l'est, et pour ce qui est de certaines régions donc

17 occidentales, l'influence de la Croatie ou de la Hongrie.

18 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi, Monsieur, mais à part les influences

19 pour ainsi dire étatiques, si on peut dire, qu'alors il y avait un Etat

20 dans le sens moderne du terme, mais en tout cas, cela qui nous intéresse de

21 savoir : les populations en Bosnie-Herzégovine, c'étaient des populations

22 serbes ?

23 LE TÉMOIN : C'est difficile -- on n'a pas de recensement pour l'époque. On

24 a des féodaux du moins qui ont produits des documents, donc on se réfère

25 sur les documents de l'époque.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Ceux qui habitaient la Bosnie à cette époque,

27 avaient-ils un langage serbe, une religion, une culture, nonobstant les

28 "influences", comme vient de le dire ma collègue, qui pouvaient être des

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1 influences au sens où on le conçoit maintenant, des influences d'états.

2 Mais au point de vue de culture, de langue, est-ce que ces habitants --

3 prenons un exemple, les gens qui habitaient dans la région de Sarajevo à

4 l'époque, étaient-ils vraiment différents de ceux qui habitaient dans la

5 région -- autour de Belgrade, par exemple ?

6 LE TÉMOIN : Belgrade n'a pas -- a toujours été dans les frontières de

7 l'Etat serbe médiéval, c'est peut-être pas un bon exemple. Mais ce qui est

8 certain, c'est qu'un Etat bosniaque, disons, va se constituer au Moyen Age,

9 et effectivement l'un des derniers rois de Bosnie, Tvrtko, sera couronné

10 plutôt dans la tradition donc orthodoxe et avec une référence donc à l'Etat

11 serbe médiéval. Mais on est là, je pense, dans une région où on a à la fois

12 les influences donc occidentales et orientales, mais -- d'ailleurs je ne

13 suis pas un spécialiste de l'ère -- du Moyen Age. Je ne suis pas un

14 médiéviste, je n'ai pas étudié toutes les sources historiques, je veux

15 dire, il y a des sources --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : Ces questions que l'accusé pose mais que les Juges

17 posent également, vous en voyez la finalité, car la question de fond que

18 nous avons est de savoir si la Bosnie à l'origine était serbe nonobstant

19 les influences.

20 LE TÉMOIN : Dans les sources de l'époque, elle est souvent effectivement

21 mentionnée comme une région serbe.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

23 M. SESELJ : [interprétation]

24 Q. Ce qui importe encore - c'est encore une question - et je suis content

25 d'avoir entendu le témoin confirmer que la Bosnie de l'époque et d'après

26 les documents historiques était serbe. Il y a toutes les sources

27 historiques qui le disent. Il n'y en pas un seul qui dit que c'était

28 croate. Alors, quel était l'archevêché sous l'influence duquel se trouvait

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1 la Bosnie au XIIe siècle et au-delà. Ça c'est très important comme

2 question. Savez-vous nous répondre ?

3 R. A l'époque, je sais qu'il y a une rivalité entre Dubrovnik et Bar et

4 Split, et donc -- je sais que la Bosnie était intégrée à l'archevêché, soit

5 -- donc si Dubrovnik était le siège même de l'archevêché, donc je sais

6 qu'il y a eu un moment, donc une redéfinition des limites des archevêchés.

7 Donc je ne pourrais pas dire précisément. Donc c'est soit Bar ou Dubrovnik,

8 me semble-t-il.

9 Q. Vous savez quand même quelque chose, vous formulez également des

10 hypothèses, Monsieur Tomic. L'archevêché de Dubrovnik à un moment donné

11 englobait un certain nombre de territoires serbes, mais savez-vous nous

12 dire quand est-ce que l'archevêché de Bar a été créé ?

13 R. Je pense que c'est au XIe siècle, mais je ne sais pas précisément. Ce

14 n'est pas une période que j'ai étudiée vraiment dans le détail. Mais

15 c'était un élément important pour chaque souverain à côté du pouvoir

16 politique que d'avoir une structure religieuse qui couvre le territoire

17 contrôlé par le souverain lui-même.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : A cette époque du haut Moyen Age en Europe, le

19 pouvoir politique n'est-il pas sous l'influence de la religion ?

20 LE TÉMOIN : On estime qu'à l'époque, de toute façon effectivement, le

21 pouvoir émane du divin; donc il y a une prééminence effectivement de tout

22 ce qui est religieux.

23 M. SESELJ : [interprétation]

24 Q. Tout à l'heure, vous avez bien dit une chose, à savoir qu'en 1077, le

25 pape de Rome a couronné Mihailo Vojislavjevic, fils de Stefan Vojislav,

26 pour en faire un roi serbe. Ça, vous l'avez dit à juste titre. Mais vous ne

27 savez pas que, dix ans avant cela, le pape avait créé un archevêché à Bar,

28 à savoir en 1067. Vous ne le saviez pas ?

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1 R. Peut-être plus de l'année précise, mais je savais qu'à l'époque il y

2 avait une volonté pour les souverains donc de l'Etat de Zeta d'avoir leur

3 propre archevêché, de ne plus dépendre de celui de Dubrovnik.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Il doit y avoir une erreur à la ligne 3 et à la

5 ligne 6. Ce n'est pas 1777 et 1767. Ça doit être 1077 et 1067.

6 M. SESELJ : [interprétation] Oui, certes.

7 Q. Savez-vous nous dire quel est le territoire englobé par l'archevêché de

8 Bar une fois créé ?

9 R. Je pense qu'il englobait donc les territoires donc de l'Etat de Zeta de

10 l'époque et s'étendait probablement donc effectivement à la Bosnie.

11 Q. Vous dites probablement. Vous n'en êtes pas sûr. Mais vous avez dit

12 vrai. Donc vous n'avez pas connaissance du tout que ça englobait Duklja,

13 Travunija, les terres de Hum et la Bosnie. Vous avez répondu en partie,

14 mais votre réponse est bonne. Quel a été le titre officiel de l'archevêque

15 de Bar ?

16 R. [chevauchement]

17 Q. Vous ne savez donc pas que son titre officiel était primas de

18 Serbie. Vous ne saviez pas cela ?

19 R. [chevauchement]

20 Q. Donc vous ne savez certainement pas non plus que l'archevêque de

21 Bar de nos jours est également le primas de Serbie, bien qu'Albanais de par

22 son origine ethnique, vous ne le saviez pas ?

23 R. [chevauchement]

24 Q. Si vous aviez étudié plus sérieusement l'histoire serbe, vous le

25 sauriez. Monsieur Tomic, puisque vous avez dit erronément ici que l'Etat

26 serbe a été créé dans la région de Raska, je dirais que vous avez également

27 indiqué que ça s'est développé et élargi vers le sud, vers le Kosovo et la

28 Macédoine. De qui cet Etat a-t-il pris ces territoires, de quel Etat ?

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1 R. Aux dépends de l'empire byzantin.

2 Q. Très bien. Au détriment du Byzance. Quelle est la population qui vivait

3 sur ces territoires vers lesquels s'étirait ou s'élargissait l'Etat serbe ?

4 R. Il y avait des populations slaves et, plus au sud, grecques, et

5 albanaises également, plus au sud.

6 Q. Mais vous devriez savoir que d'après Constantin VII Porphyrogénète, il

7 n'y avait que deux peuples slaves dans les Balkans, les Serbes et les

8 Croates, il n'y a pas de troisième peuple, n'est-ce pas ?

9 R. -- slaves donc à l'époque donc de l'arrivée des slaves dans la région,

10 mais disons que certaines ont retenu davantage l'attention parce qu'elles

11 étaient peut-être mieux organisées, plus puissantes que d'autres. Mais lez

12 Byzantins, au VIIe siècle, ont enregistré du moins plusieurs états et

13 plusieurs tribus, puisque les slaves sont descendus jusqu'à Salonique et

14 donc il y avait des slavénies à l'époque, chacune ayant un nom qui

15 correspondait au nom de ces tribus-là. Donc il y avait beaucoup plus de

16 variétés comme le laisserait entendre Constantin VII Porphyrogénète. Mais

17 disons qu'après il va y avoir peut-être une réunion de plusieurs tribus --

18 certaines tribus, donc notamment les Serbes et les Croates, vont réussir à

19 agréger autour d'elles d'autres populations slaves.

20 Q. Pourquoi confondez-vous les peuples et les tribus ? Ne savez-vous pas

21 que les Serbes avaient plusieurs tribus une fois qu'ils sont arrivés dans

22 les Balkans ? Saviez-vous cela ?

23 R. Il a pu y avoir plusieurs tribus serbes et croates, mais il pouvait y

24 avoir d'autres tribus slaves qui n'étaient ni serbes, ni croates.

25 Q. Mais s'agissant des autres tribus, il n'y a aucune source historique, à

26 moins qu'elles n'aient été serbes ou croates, n'est-ce pas ? Il n'y a

27 aucune source historique disant qu'un autre peuple slave, mis à part les

28 Serbes et les Croates, seraient arrivés dans les Balkans, ai-je raison de

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1 le dire ?

2 R. -- allés en Bulgarie, ils ont pris -- donc ils sont devenus bulgares.

3 Les Bulgares, à l'origine, ce sont une population turcophone venant d'Asie

4 mineure, donc il y a eu, disons, un mélange entre cette population venant

5 d'Asie mineure et les Slaves, et cette population d'Asie a été slavisée. Et

6 à l'époque donc, pour ces territoires-là, on parle ni de Croates ni de

7 Serbes, mais de Slaves. Donc ce qu'on appelle l'invasion des Slaves aux VIe

8 et VIIe siècles, je veux dire, ça ne concerne pas uniquement des

9 territoires qui seront intégrés plus tard à l'Etat de Yougoslavie -- à ce

10 qui correspond à la Yougoslavie, je veux dire, ça concerne également

11 l'autre partie de la péninsule balkanique.

12 Q. Monsieur Tomic, savez-vous quelles sont les deux grandes tribus serbes

13 qui ont peuplé la Macédoine ? Comment s'appelait ces deux tribus, c'est

14 resté ça dans les textes historiques ?

15 R. [chevauchement]

16 Q. Vous n'avez pas entendu parler des Mijaci et Brsjaci. Les Mijaci et

17 Brsjaci sont deux tribus serbes qui ont peuplé la Macédoine. Vous ne le

18 saviez pas ?

19 R. [chevauchement]

20 Q. Puisque vous êtes linguiste --

21 R. [chevauchement]

22 Q. Mais vous avez étudié les langues slaves pour autant que je sache

23 à cette faculté, à cet institut. Connaissez-vous la dialectologie

24 fondamentale de la langue serbe ?

25 R. J'ai fait des études de langues mais j'ai très vite choisi une

26 spécialisation donc qui était -- donc qui portait sur l'histoire. Donc je

27 n'ai pas fait d'étude de linguistique.

28 Q. Donc vous ne savez pas --

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1 R. -- donc soit chtokavien -- dans tout cet espace, disons, on a distingué

2 plusieurs parlers, donc chtokavien, cakavien, ou kajkavien, et avec des

3 variantes pour chacun de ces parlers, soit ékavien, ijkavien, il n'y a pas

4 de sous-variantes à l'intérieur même d'un même ensemble linguistique.

5 Q. Etant donné que vos connaissances sont insuffisantes en la matière, je

6 vais vous demander, ai-je raison de dire que le serbe, à savoir le

7 chtokavien, se compose du vieux chtokavien, du chtokavien moyen et du

8 nouveau chtokavien; ai-je raison de dire cela ?

9 R. J'ai déjà lu cela effectivement. Ça ne m'est pas inconnu.

10 Q. Ai-je raison de dire que le vieux chtokavien est parlé dans la

11 Macédoine de nos jours ?

12 R. Ça, je ne pourrais pas dire précisément. Je ne connais pas.

13 Q. Aurais-je raison alors de dire que le chtokavien central est parlé dans

14 la région de Prizren et de Timok et ça s'appelle le dialecte prizreno-

15 timokien ou de Prizren et Timok; ai-je raison de dire cela ?

16 R. -- la linguistique dans ce détail-là, à ce niveau-là.

17 Q. Bon. Mais vous avez entendu parler du parler nouveau chtokavien ?

18 R. [chevauchement]

19 Q. Ai-je raison de dire que le nouveau chtokavien se subdivise en ékavien

20 et ijkavien, comme deux langues littéraires, et l'ékavien comme un parler

21 non littéraire ?

22 R. Il me semble avoir lu effectivement des choses proches de ça.

23 Q. Monsieur Tomic, mais n'avez-vous pas jugé que c'était indispensable

24 pour rédiger une étude sérieuse au sujet de ce concept de Grande-Serbie, un

25 concept qui se rattache à une idéologie à laquelle j'ai donné un sceau

26 personnel ?

27 R. La dimension linguistique, je l'ai mentionnée pour le XIXe siècle,

28 notamment dans les écrits de Vuk Karadzic. Et c'était à l'époque un point

Page 3221

1 de vue, disons, dominant parmi les slavistes, y compris tchèques, slovaques

2 ou slovènes qui associaient donc la nation serbe aux locuteurs du parler

3 chtokavien. Mais c'est une définition qui était donnée donc par les

4 intellectuels et qui ne reposait pas nécessairement sur l'identité réelle

5 des individus dans les différentes régions concernées.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, on aborde des questions

7 linguistiques très pointues, très compliquées, où il semblerait, d'après

8 les questions que vous posez, l'ijkavien serait donc la langue parlée non

9 littéraire. Alors tout ce que vous dites qui ne peut pas de la part du

10 témoin faire l'objet de contradiction ou de confirmation à 100 %, c'est

11 pour établir quoi ?

12 En réalité que voulez-vous nous démontrer ? Alors est-ce que par une

13 question vous pourriez -- par une question posée au témoin nous faire

14 comprendre ce que vous voulez nous démontrer. Et comme ça tout le monde

15 gagnerait du temps.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, tout d'abord, ce que je

17 veux, c'est vous prouver que ce témoin est absolument dénué de compétence

18 et il ne peut pas être un témoin expert en la matière. Pour être expert en

19 la matière, s'agissant de ses connaissances sur ces questions, il faudrait

20 qu'il ait des connaissances plus approfondies académiciennes. Alors, si moi

21 je suis professeur à titre permanent, il faudrait que nous ayons au moins

22 un académicien, membre de l'académie, qui dirait telle chose, telle chose,

23 telle chose au sujet de son idéologie. On fait venir un homme qui on se

24 demande s'il a les qualifications relatives ou nécessaire pour un assistant

25 pour interpréter mon idéologie, or il n'en sait rien. C'est ce que je vais

26 vous démontrer. Il est pire qu'Oberschall. Il n'y connaît rien.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Indépendamment de cela, il y a des choses qu'il

28 connaît. Notamment ce qu'il a fait sur le XIXe et XXe siècle. Alors dans

Page 3222

1 votre défense, il y a des éléments que vous voulez faire ressortir. Pour

2 que nous, nous comprenions votre démarche, encore faut-il poser des

3 questions qui nous font comprendre ce que vous voulez démontrer. Alors,

4 peut-être ai-je tort ou ai-je raison, j'ai cru comprendre que dans un

5 premier temps vous vouliez démontrer que la Bosnie était à l'origine serbe.

6 Et que maintenant, sur le plan de la langue, vous semblez vouloir

7 démontrer que dans ces régions dites serbes ou de la "Grande-Serbie",

8 toutes ces personnes à l'époque parlaient une langue qui était, au point de

9 vue littéraire, l'ékavien, ou dans la langue parlée de tous les jours,

10 l'ijkavien. Alors, est-ce cela que vous voulez faire ressortir ? Si c'est

11 ça, posez la question au témoin et puis, il dira "Je suis d'accord avec

12 vous" ou " Je ne suis pas d'accord avec vous."

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ce n'est pas tout à fait cela, Monsieur le

14 Juge, ma thèse c'est que tous les Chtokaviens sont des serbes et le témoin,

15 lui, sait que les slavistes les plus réputés du monde au XIXe siècle

16 défendaient cette position, ce point de vue et je lui pose la question.

17 M. SESELJ : [interprétation]

18 Q. Vous avez entendu parler de Joseph Dubrovski, qui était un moine

19 catholique, grand slaviste Safret [phon] Kopitar, et Jernej Kopitar, n'est-

20 ce pas ? Est-ce que ces trois hommes, qui étaient les plus grands slavistes

21 du XIXe siècle, ont ou pas considéré que tous les Chtokaviens étaient des

22 Serbes et que les Cakaviens étaient Croates et que les Kajkaviens étaient

23 Slovènes. Est-ce vrai ou pas ?

24 R. C'était la vision effectivement de l'époque, c'est slavistes. Donc, les

25 locuteurs qui parlaient chtokavien étaient selon eux Serbes, qui soient

26 donc Orthodoxes, Catholiques, ou Musulmans. Mais c'était un point de vue

27 établit sur les connaissances de l'époque. Toujours est-il qu'ensuite les

28 différentes identités nationales se sont cristallisées selon d'autres

Page 3223

1 critères, pas uniquement linguistique. De fait, les populations parlant le

2 chtokavien, parmi les Catholiques, vont s'identifier comme Croates

3 catholiques et non pas Serbes.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : On va procéder pas à pas, "step by step". Vous venez

5 de dire quelque chose en répondant à une question qui est importante. Est-

6 ce que les personnes qui parlaient chtokavien étaient considérées comme des

7 Serbes ? Et vous semblez dire qu'au XIXe siècle, c'était ce qui était non

8 contestés. Ceux qui parlaient chtokavien étaient Serbes. Est-ce que bien ce

9 que l'on doit comprendre ?

10 LE TÉMOIN : Mais en l'occurrence, on a affaire à des Slavistes qui vont

11 définir des identités nationales, mais on n'a pas pour autant demandé

12 l'avis aux populations concernées, car c'est une définition par le haut en

13 quelque sorte.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais à l'époque, au XIXe siècle, il y a des

15 personnes qui figurent, dont les noms à la ligne 2 de la page 33, semblent

16 dire que tous ceux qui parlent chtokavien sont des Serbes.

17 LE TÉMOIN : C'est effectivement le point de vue dominant à l'époque.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est le point de vue dominant des slavistes de

19 l'époque, XIXe siècle. On est bien d'accord ?

20 LE TÉMOIN : Hm.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, au moins comme ça on progresse.

22 LE TÉMOIN : Vers le milieu, disons, des années 30, 40, 50.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, donc ça vous confirmez ? Oui ?

24 LE TÉMOIN : C'était un -

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors, on va essayer d'aller de l'avant.

26 M. SESELJ : [interprétation]

27 Q. Nous en arrivons au XXe siècle. Avez-vous ouï-dire qui était Aleksandar

28 Belic ?

Page 3224

1 R. Il me semble qu'il a joué un rôle pendant la Première Guerre mondiale,

2 lorsqu'il était historien, j'ai oublié, je n'arrive plus à me souvenir,

3 mais ce nom me dit effectivement quelque chose.

4 Q. Alors, le nom vous dit quelque chose, mais vous ne savez pas que

5 c'était l'un des plus grands Slavistes du XXe siècle, n'est-ce pas ?

6 R. Du XXe siècle, je ne sais pas. Je ne suis pas linguiste, donc je ne

7 peux pas parler en tant que spécialiste. Donc, il faudrait qu'un linguiste

8 serbe se prononce plutôt.

9 Q. Monsieur Tomic, vous ne savez donc pas qu'Aleksandar Belic a été

10 président de l'Académie serbe des sciences et des arts ?

11 R. -- président de l'Académie serbe des sciences.

12 Q. Vous n'avez jamais entendu parler de l'œuvre capital de Belic, la

13 linguistique slave en deux tomes, n'est-ce pas ?

14 R. Je n'ai jamais fait d'étude de linguistique, moi. J'ai appris les

15 langues, mais on n'a pas -- lorsque j'ai eu des cours de serbo-croate à

16 l'époque, c'était des cours de langue, donc pour apprendre le vocabulaire,

17 la grammaire. Mais on n'avait pas de cours de linguistique vraiment

18 détaillé.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez que la science linguistique va au cœur

20 des langues et permet de déterminer d'où vient une langue.

21 LE TÉMOIN : Je connais certains aspects, effectivement, linguistiques quand

22 ils sont liés à la question nationale, mais pour autant, il ne m'était pas

23 nécessaire d'entrer dans tous les détails concernant cette discipline. Et

24 il y a eu une définition de la nation serbe sur la -- donc sur la base donc

25 du parlé chtokavien. Cette donnée pour moi est importante, effectivement,

26 mais il n'est pas nécessaire pour autant d'entrer dans tous les détails de

27 cette problématique-là. Je sais que dans l'histoire il y a une définition

28 donc de la nation serbe sur la base de ce critère, et cela me suffit.

Page 3225

1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Donc, vous ne savez pas, Monsieur Tomic, qu'Aleksandar Belic a prouvé

3 que le chtokavien, à savoir la langue serbe, appartient au groupe des

4 langues des slaves de l'est, comme le russe, l'ukrainien, le biélorusse, le

5 bulgare et le macédonien de nos jours. Le cakavien ou croate, ou kajkavien

6 en ou slovène, font partie de ce groupe des langues occidentales, tel que

7 le polonais, le tchèque et le slovaque. Ça vous ne le saviez pas ?

8 R. C'est de cette façon-là qu'on m'a présenté les langues slaves. Moi, on

9 m'a parlé effectivement de langues slaves orientales, donc concernant donc

10 le russe, le biélorusse, l'ukrainien, de langues slaves, donc d'Europe

11 centrale, polonais, tchèque, slovaque. Et des langues slaves du sud, moi,

12 c'est les trois familles, donc les langues slaves du sud comprenant outre

13 les langues donc serbe, croate, mais également donc comprenant le bulgare.

14 Donc, c'est les trois principales familles qui m'ont été présentées,

15 exactement. Je n'ai jamais entendu parler d'une association du serbe avec

16 le russe.

17 Q. Mais alors, Monsieur Tomic, comment se fait-il que je comprenne un

18 Russe et que je ne comprenne pas ce que me dit un Polonais ? Ne trouvez-

19 vous pas cela étrange ?

20 R. -- le Polonais, il y a beaucoup de mots communs aux langues slaves. Ils

21 sont prononcés peut-être un peu différemment du polonais, mais le mot

22 "lait," par exemple "Mleko" est identique quasiment dans toutes les langues

23 slaves. Donc, en faisait un peu d'effort, on arrive à se comprendre les uns

24 et les autres, malgré tout.

25 Q. -- il y a bien des mots qu'on comprendra, mais lorsqu'un Polonais me

26 parle, moi je ne comprends pas, n'est-ce pas ? J'ai besoin d'un interprète

27 pour le Polonais.

28 R. -- parce qu'il y a beaucoup de chuintantes, des "Chur", "CH", donc

Page 3226

1 c'est beaucoup plus simple, par exemple, pour un Serbe de comprendre un

2 Tchèque ou un Slovaque qu'un Polonais, mais malgré tout on peut comprendre

3 des mots dans le polonais. C'est sûr que pour un Serbe il sera facile de

4 comprendre un Bulgare et un Russe. Peut-être que là le cas Polonais est un

5 peu spécifique parce qu'il y a toutes ces nasales dans la langue polonaise

6 et toutes les chuintantes que n'ont peut-être donc pas les autres langues

7 slaves d'Europe centrale et orientale.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, posez votre question pour nous

9 faire comprendre ce que vous voulez démontrer. On s'aperçoit qu'il y a donc

10 trois familles de langue slave. Que voulez-vous démontrer ?

11 Alors, lui dit qu'il y en a trois. Vous, vous dites qu'il y en a deux.

12 Alors, essayez de nous faire comprendre ce que vous voulez nous démontrer,

13 parce que --

14 M. SESELJ : [interprétation] Deux seulement…

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, il y en a deux ou trois ?

16 LE TÉMOIN : Moi, on m'a appris qu'il y avait trois familles de langue

17 slave.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour vous, il y en a trois. L'accusé dit deux.

19 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi. Mais, moi aussi, j'ai appris qu'il y en

20 a trois.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, Monsieur Seselj, il y aurait trois

22 familles de langue slave, vous, vous dites deux. Alors, pouvez-vous par une

23 question le démontrer ou tenter de le démontrer ?

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux vous répondre à vous, pour ne pas

25 perdre mon temps en posant des questions au témoin. Lorsqu'on a créé la

26 Yougoslavie par des mesures politiques, on a dit que le chtokavien, le

27 kajkavien et cakavien étaient de la même famille et on a créé un troisième

28 groupe des langues du slave du sud, mais la linguistique ne supporte pas ce

Page 3227

1 genre ce chose. La linguistique connaît la variante, le groupe occidental

2 et oriental. Mais moi j'en suis arrivé à un endroit où c'est M. Tomic qui

3 traite de questions linguistiques.

4 M. SESELJ : [interprétation]

5 Q. Vous mentionnez, Monsieur, ici qu'il y a eu un accord entre un certain

6 nombre d'intellectuels serbes et croates en 1850.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, vous poserez votre question après,

8 parce qu'on est obligé de faire la pause. Alors, j'ai cru comprendre que

9 vos collaborateurs sont là et qu'ils viendront tout à l'heure dans la salle

10 d'audience. Comme il va falloir leur expliquer comment les ordinateurs

11 fonctionnent, on m'a dit qu'on va faire une pause de 30 minutes. Comme ça,

12 pendant la durée de la pause on pourra leur expliquer qu'il faut appuyer

13 sur tel bouton, et cetera, pour comprendre le fonctionnement des

14 ordinateurs. Ce qui fait que nous reprendrons l'audience à 4 heures 15, vos

15 collaborateurs étant présents et je leur demanderai à ce moment-là qu'ils

16 se présentent avant que vous continuiez à poser vos questions.

17 Voilà, nous nous retrouverons à 4 heures 15.

18 M. SESELJ : [interprétation] Monsieur le Juge, si vous le permettez,

19 j'aimerais qu'ils passent avant cela pour cinq minutes chez moi. Je devrais

20 en principe les voir avant qu'ils ne comparaissent dans le prétoire. Je ne

21 veux pas qu'ils fassent de bêtises.

22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.

23 --- L'audience est reprise à 16 heures 21.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, alors l'audience est reprise. Je souhaite la

25 bienvenue aux collaborateurs de M. Seselj, et afin de faire leur

26 connaissance, je vais leur demander qu'ils se présentent successivement en

27 leur demandant donc qu'ils m'indiquent leur nom, et je vais donc commencer

28 par le premier qui est à droite.

Page 3228

1 M. KRASIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'appelle Zoran Krasic,

2 conseiller juridique de M. le Professeur Vojislav Seselj.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame.

4 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

5 Mme RAGUS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

6 m'appelle Marina Ragus, dirigeante de l'affaire concernant M. le Professeur

7 Seselj.

8 M. VUCIC : [interprétation] Je m'appelle Aleksandar Vucic, je suis

9 conseiller juridique de M. le Professeur Seselj.

10 M. JERKOVIC : [interprétation] Je m'appelle Slavko Jerkovic, conseiller de

11 M. le Professeur Seselj.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Mercie, bien. Donc, je vous souhaite, comme je l'ai

13 indiqué, la bienvenue et on vous a certainement initié au maniement des

14 ordinateurs que vous avez devant vous. Et si jamais vous avez un problème

15 quelconque n'hésitez pas à le demander et le huissier qui est présent ou le

16 greffier vous prêteront assistance.

17 Le contre-interrogatoire va donc continuer, et je redonne la parole à M.

18 Seselj pour la suite des questions.

19 M. SESELJ : [interprétation]

20 Q. Monsieur Tomic, vous avez déclaré qu'un certain nombre d'intellectuels

21 croates et serbes s'étaient rencontrés en 1850 et s'étaient entendu sur la

22 mise au point d'une langue littéraire unique. Où a eu lieu cette rencontre

23 ?

24 R. -- précisément du lieu.

25 Q. Donc, vous ne savez pas que le lieu de la rencontre a donné le nom de

26 cet accord est entre les intellectuels croates et serbes est évoqué comme

27 l'accord de Vienne. Savez-vous quelle était la langue littéraire parlée par

28 les Croates avant l'accord de Vienne ?

Page 3229

1 R. Dans les années 1830, 1840, donc dans les territoires donc de Croatie,

2 Slavonie, il y a plusieurs langues qui sont utilisées. La langue officielle

3 pendant longtemps a été le latin au sein du parlement croate. L'allemand

4 est très répandu également à Zagreb. Donc, qui est connue sous le nom

5 d'Agram également, donc le nom allemand. Et ensuite, pendant la période

6 disons des années 1830 et 1840 on a un mouvement disons de réveil national.

7 Ce mouvement se présente comme étant un mouvement illyrien. Donc on parle

8 plutôt de langue illyrienne pour définir -- appeler et dénommer disons la

9 langue parlée de l'époque. Et les acteurs du mouvement illyrien ayant fait

10 également le choix donc d'adopter le chtokavien dans leur publication à

11 partir du moment où il y avait beaucoup plus de personnes à parler ce

12 dialecte que de personnes parlant soit le cakavien ou le kajkavien.

13 Q. Monsieur Tomic, dans quelle langue a commencé le mouvement illyrien,

14 dans quelle langue a-t-il commencé à publier ses ouvrages ?

15 R. Il était locuteur de l'allemand, donc parlait couramment l'allemand et

16 donc, en fait, les premiers disons - parmi les premiers disons - parmi les

17 personnes les plus influentes dans ce mouvement, c'était le parlé kajkavien

18 qui était utilisé mais qui a été assez rapidement abandonné au profit donc

19 du parlé chtokavien.

20 Q. Dans quel territoire parlait-on le kajkavien ?

21 R. Des zones dans lesquelles on parle le parler kajkavien sont globalement

22 les régions donc autour de Zagreb, mais la carte disons des parlers

23 kajkaviens s'étend un peu au-delà jusqu'à Sisak à peu près, même il me

24 semble - pour avoir vu des cartes disons définissant les espaces où on

25 parle le chakavien, le kajkavien ou le chtokavien. Mais donc on dit

26 habituellement que ce sont les districts situés autour de Zagreb.

27 Q. Si vous savez que la Hongrie de l'époque était divisée en "zebanjas"

28 [phon] et que la Croatie faisait partie intégrante de la Hongrie, je vous

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1 demande dans quels trois "zebanjas" on parlait le kajkavien.

2 R. Il y avait à Zagreb même, et après je ne me souviens plus des noms des

3 unités administratives concernées.

4 Q. Vous ne savez pas par conséquent qu'il s'agissait de Zagreb et de

5 Varazdin, des "zebanjas" concernées. Ainsi que Krizevac ?

6 R. Moi, trois régions, cela dit, moi, ce que j'ai pu voir comme carte dans

7 des ouvrages qui abordaient cette question, les zones s'étendaient au-delà

8 -- donc le parler kajkavien s'étendait au-delà de ces trois "zebanjas".

9 Q. Est-ce qu'au début dans la première moitié du XIXe siècle, la Croatie

10 et la conscience nationale croate était présente en Slavonie ?

11 R. A l'époque, quand on parle donc du territoire de la Croatie actuelle,

12 ce territoire est divisé en fait en plusieurs ensembles. Il y a d'un côté

13 donc la Dalmatie qui est - qui fait partie donc de la - qui est sous

14 l'autorité disons de Vienne directement. Et on a la Croatie et Slavonie qui

15 dépendent directement de Budapest. Donc, on a un morcellement disons des

16 territoires qui intègreront après donc la future Croatie. Et on a, en fait,

17 à cette époque-là, pas encore une identité nationale croate très affirmée,

18 puisqu'on a un morcellement disons des zones de peuplement croate et donc

19 il n'y a pas à proprement parler une identité nationale commune à ces trois

20 régions. En Dalmatie, les populations se déclarent avant tout slaves et ce

21 n'est que dans la deuxième moitié du XIXe siècle qu'on aura une affirmation

22 des deux identités nationales serbes et croates. Par contre, en Croatie et

23 Slavonie, cette affirmation sera beaucoup plus rapide.

24 Q. Qui dirigeait l'imposition systématique de la conscience nationale

25 croate en Slavonie dans la deuxième moitié du XIXe siècle ?

26 R. [chevauchement]

27 Q. Puisque dans la première moitié du XIXe siècle, il n'existait pas de

28 conscience ou d'identité nationale croate, il a bien fallu d'une certaine

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1 façon que cette identité nationale s'assoie, quelqu'un a apporté cette

2 conscience nationale en Slavonie si la source n'était pas en Slavonie. Je

3 vous demande qui a permis d'asseoir cette identité nationale croate en

4 Slavonie ?

5 R. Je ne vois à qui vous vous référez.

6 Q. Vous devriez savoir qu'il s'agissait de Joseph Strossmayer et de Franjo

7 Racki. Savez-vous quelle était la thèse fondamentale de Strossmayer et de

8 Racki et comment ils ont réussi à l'imposer en Slovanie ?

9 R. Des acteurs du mouvement yougoslave en Croatie y ont été -- se sont

10 prononcés en faveur, disons, d'un rapprochement entre Serbes et Croates, y

11 compris dans le champ culturel et politique - dans les champs culturels et

12 politiques. On a eu une coopération d'ailleurs entre Strossmayer et le

13 prince de Serbie, Mihailo, avec une répartition d'ailleurs des tâches à

14 l'époque. La Serbie ayant en gros pour mission d'intégrer la Bosnie-

15 Herzégovine dans un premier temps, et la deuxième étape disons de cette

16 coopération sera ensuite une association donc de cet Etat de Serbie avec la

17 Croatie, Slavonie. Donc, c'est notamment à la fin des années '60 qu'on a ce

18 rapprochement. Donc, Strossmayer et Franjo Racki, en fait, sont des acteurs

19 très important en fait dans la formulation disons du projet d'unification

20 des Slaves du sud. Notamment, Strossmayer va créer une académie des

21 sciences, donc yougoslave, qui fera un cadre disons pour la formulation de

22 ce projet.

23 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, il est

24 indispensable que vous étendiez mon temps de contre-interrogatoire d'une

25 heure car le témoin ne cesse d'utiliser le temps qui m'est imparti en

26 répondant à des questions que je ne lui ai pas posées. Il ne cesse de le

27 faire, je lui demande quelle était la thèse fondamentale de Strossmayer et

28 de Racki et le témoin me raconte toute une histoire au sujet de ces deux

Page 3232

1 hommes qui est plus ou moins exacte, presque exacte ici ou là, mais il ne

2 répond pas à ma question. Donc, je suis dans l'obligation de reposer ma

3 question pour obtenir une réponse.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je me suis aperçu d'un problème. Au départ, M.

5 Seselj vous demande qui est à l'origine de la conscience nationale croate

6 en Slavonie. Vous dites, je ne sais pas. Après quoi, il vous cite les deux

7 personnes, Strossmayer et Racki. A ce moment-là, vous répondez en disant

8 que là vous les connaissez et que ces deux personnes ont œuvré en faveur,

9 semble-t-il, d'un rapprochement serbe et croate. Ce qui est un peu

10 contraire à ce qu'attendait, me semble-t-il, l'accusé. Alors, ce qui

11 explique peut-être son irritation de voir que vous ne répondez pas à la

12 question. Alors, est-ce que vous pouvez nous préciser le rôle de ces deux

13 personnes vis-à-vis du sentiment national croate en Slavonie ou bien vous

14 confirmez que ces deux personnes en fait ne militaient pas en faveur d'une

15 reconnaissance de la conscience nationale croate en Slavonie, mais bien au

16 contraire un rapprochement entre les Serbes et les Croates. Alors, pouvez-

17 vous préciser ?

18 LE TÉMOIN : Ce que je peux dire pour répondre à la question, c'est qu'il y

19 a certains historiens plus récemment donc depuis les années 1990 jusqu'à

20 aujourd'hui qui considèrent que ces deux personnalités avaient pour

21 intention de croatiser finalement les populations, donc de convertir au

22 catholicisme les populations serbes orthodoxes, mais il s'agissait donc

23 d'un objection caché qui n'a jamais été publiquement formulé. Donc, c'est

24 un peu difficile si vous voulez avec une telle affirmation de travailler

25 puisqu'on a toute une série quand même de documents émanant, disons, de ce

26 cercle d'intellectuels si le but était caché et qu'il n'a jamais été

27 exprimé publiquement, comment peut-on se prononcer. Mais je sais que, par

28 exemple, cette affirmation est faite dans un ouvrage par exemple portant

Page 3233

1 sur l'histoire de la Serbie ou sur l'histoire du peuple serbe, donc "Nova

2 Historia Srpska Nardan" sous la direction de Duskan Pospavelic [phon]. Dans

3 la partie concernant Strossmayer, il est fait allusion donc à cet aspect.

4 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais vous avez aussi parlé de leurs rôles de ces

5 deux personnalités dans la tentative d'unification des Slaves du sud. Et

6 donc, cette unification c'était dans le sens de la croatisation ou

7 serbilisation. Comment peut-on dire, je ne sais pas ? Mais vous avez

8 sûrement compris ce que je voulais.

9 LE TÉMOIN : A l'époque, Strossmayer agit plutôt dans le domaine culturel.

10 Il voit, disons, l'intervention en gros des Croates dans ce champ-là

11 laissant à la Serbie plutôt la dimension politique du combat pour

12 l'unification. Cela dit, les projets ont évolué au fil des ans en fonction

13 de la configuration géopolitique aussi du moment. Par moment, il s'agissait

14 davantage d'initier les Slaves du sud à l'intérieur de l'Empire d'Autriche,

15 plus tard de l'Empire austro-hongrois. A d'autres moments, effectivement il

16 s'agissait de s'associer avec les Serbes de Serbie.

17 Donc, c'est un projet, en fait, à dimension variable en fonction de la

18 réalité politique du moment.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

20 Monsieur Seselj, poursuivez.

21 M. SESELJ : [interprétation]

22 Q. Donc, Monsieur Tomic, vous ne savez pas que la thèse fondamentale de

23 Strossmayer et de Racki consistait à affirmer que les Serbes et les Croates

24 constituaient un peuple unifié et unique et que les Catholiques de ce

25 peuple s'appelaient les Croates alors que les Orthodoxes s'appelaient des

26 Serbes parce que tel était l'usage dans le peuple, n'est-ce pas ? Vous ne

27 savez pas que telle était leur thèse fondamentale ?

28 R. L'opinion qui existe puisqu'on estime même que la langue serbe est

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1 équivalente à la langue croate, et d'ailleurs quand on parlait tout à

2 l'heure de l'accord linguistique, donc on appelait cette langue soit le

3 serbe ou le croate.

4 Donc, on est à un moment où on estime effectivement que Serbes et

5 Croates sont vraiment très proches et constituent quasiment donc une même

6 nation, et donc y compris des intellectuels serbes, comme Djuro Danicic,

7 par exemple, sera l'un des collaborateurs de l'académie donc des sciences

8 yougoslaves fondée par Strossmayer. Donc, Djuro Danicic qui notamment va

9 établir un dictionnaire de la langue serbe et de langue croate -- ou de la

10 langue croate.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle année ?

12 LE TÉMOIN : Je crois que c'est en 1857 pour ce dictionnaire.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Et les écrits de Strossmayer c'est --

14 LE TÉMOIN : Les années 1850, 1860, 1870. En fait, il sera aussi un acteur -

15 -

16 M. LE JUGE ANTONETTI : 1950 ou 1850 ?

17 LE TÉMOIN : 1850, 1860, 1870, en fait, il devient aussi un acteur politique

18 puisqu'il est aussi membre du Parti populaire Narodna Stranka.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Pour résumer, Strossmayer, sa thèse principale c'est

20 que Serbes et Croates c'est le même peuple ?

21 LE TÉMOIN : Il estime effectivement qu'il y a une forte proximité entre les

22 deux populations, mais après quand on utilise cette idéologie, on

23 s'aperçoit que c'est un projet d'unification tel qu'il était envisagé a pu

24 connaître, disons, des dimensions --

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Comment résoudre la quadrature du cercle si les

26 Croates sont Catholiques et si les Serbes sont Orthodoxes, comment

27 pouvaient-ils réaliser cette unification ?

28 LE TÉMOIN : Il me semble qu'à l'époque la religion n'est pas considérée

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1 comme étant un facteur de division. L'accent a été mis surtout sur tout ce

2 qui unifiait les populations et, en l'occurrence, la langue. Et on a à

3 faire donc à une population qui vit donc dans l'Empire austro-hongrois et

4 qui cherche à obtenir, disons, le maximum d'autonomie à l'intérieur de cet

5 empire ou donc soit il y a la possibilité d'obtenir une troisième, disons,

6 entité à l'intérieur de l'Empire austro-hongrois puisqu'il est divisé en

7 deux parties en 1867 et les objectifs -- l'objectif, disons, des forces

8 politiques à l'époque en Croatie était d'obtenir une sorte donc de

9 troisième unité à l'intérieur de l'empire qui aurait été donc, -- qui

10 aurait rassemblé donc les Slaves du sud. Donc, ça c'était un des scénarios

11 envisagés. L'autre étant donc en fonction donc des relations que pouvait

12 avoir le pouvoir local en Croatie avec donc soit Budapest ou Vienne, donc

13 s'unir avec la Serbie. Mais cette idée que Serbes et Croates forment une

14 seule et même nation, on ne la trouve pas uniquement chez ces personnes,

15 mais au XIXe siècle. C'est très répandu. Jusqu'à la Première Guerre

16 mondiale beaucoup d'intellectuels considèrent qu'on a affaire à quasiment à

17 la même nation.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Et cette nation est fondée sur la langue pas sur la

19 religion puisqu'il y a des différences ?

20 LE TÉMOIN : Principalement, c'est un des éléments principaux, oui.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais ce concept à l'époque sous l'Empire austro-

22 hongrois, n'est-ce pas en fait une tentative d'unification pour créer cette

23 troisième entité, nonobstant les divergences religieuses pour former un

24 bloc qui aurait toute sa place dans l'Empire austro-hongrois ?

25 LE TÉMOIN : Je pense que la préférence de Strossmayer était d'obtenir donc

26 une autonomie pour une entité qui rassemblerait les Slaves du sud de

27 l'Empire austro-hongrois.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc --

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1 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai une question -- excusez-moi. Dans le signe de

2 cette unification, que je comprends culturelle donc, est-ce qu'il y avait

3 un appui sur la littérature, une littérature, comment des écrivains

4 considéraient les écrivains des Croates et des Serbes ?

5 LE TÉMOIN : A partir du moment où Vuk Karadzic a réformé -- a établi la

6 langue littéraire serbe et qu'on a établi qu'en fait il s'agissait -- donc

7 il y a eu un accord donc pour dire qu'il s'agissait soit du serbe ou du

8 croate comme langue en 1850. On a eu des auteurs qui ont, en fait, suivi

9 les recommandations de ces personnes, donc qui ont --

10 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui, mais cela on peut considérer aussi une

11 opération un peu artificielle. Mais avant cette opération, il y avait des

12 écrivains que les uns et les autres considéraient les représenter ?

13 LE TÉMOIN : Je n'ai pas tellement étudié cette dimension.

14 M. SESELJ : [interprétation]

15 Q. Je suis dans l'obligation de sauter pas mal de chose car le temps qui

16 m'est imparti est en train d'être dépensé intensément.

17 Vous parlez ici du club --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez abordé cette question, qu'est-ce que

19 vous vouliez prouver ? Est-ce que par une question vous pourriez mettre en

20 évidence votre thèse ?

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai essayé de le faire, Monsieur le Président,

22 mais le témoin ne répond pas aux questions que je lui pose.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Posez une question qui synthétiserait votre thèse en

24 la matière, et comme ça, bon, il dira je ne sais pas ou il répondra, mais

25 nous au moins, pour les Juges, on aura la trace de votre question. Et comme

26 ça on percevra ce que vous vouliez démontrer.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais emprunter un autre chemin dans le même

28 sens.

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1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Savez-vous, Monsieur, que l'académie des arts et de la

3 connaissance à Zagreb a publié cinq tomes d'écrits privés de Strossmayer et

4 de Racki ?

5 R. Je sais qu'il y a eu des compilations de leurs écrits, mais je ne sais

6 pas quand est-ce qu'ils ont été publiés précisément.

7 Q. Il n'y a pas eu de textes choisis, qui n'ont jamais été publiés,

8 c'était une série d'écrits.

9 Savez-vous qu'à la lecture de ces écrits, on constate que leur réflexion

10 fondamentale consistait à dire que l'idée yougoslave aurait poussé tous les

11 Serbes à se convertir au catholicisme ?

12 R. C'est un -- je n'ai pas étudié dans le détail l'action politique de ces

13 deux personnes, mais je sais qu'en Serbie Vasilije Krestic a mis en

14 évidence ce phénomène. Mais je ne l'ai moi-même pas étudié dans le détail,

15 mais je sais que c'est la conclusion à laquelle il arrive dans ses travaux.

16 C'est un historien qui a beaucoup étudié l'histoire des Serbes de Croatie.

17 Q. Vasilije Krestic est-il l'un des historiens vivants les plus importants

18 aujourd'hui en Serbie ?

19 R. Je sais que c'est un historien qui travaille à l'académie des sciences

20 et des arts de Serbie. Maintenant, je ne sais pas dans quelle mesure il est

21 reconnu par l'ensemble, disons, de la communauté des historiens du pays.

22 Q. En votre qualité d'historien, vous devriez forcément le savoir. Avez-

23 vous entendu parler de Slavko Gavrilovic, membre de l'académie ?

24 R. [chevauchement]

25 Q. Vous n'avez pas entendu parler de Slavko Gavrilovic, académicien

26 qui a consacré sa vie entière à l'étude de la vie des Serbes en Slavonie et

27 des relations serbo-croates. S'agissant de la conscience nationale croate,

28 qui est-ce qui l'a propagée de façon organisée en Dalmatie dans la deuxième

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1 moitié du XIXe siècle ?

2 R. Il y a un homme politique qui s'appelle Pavinovic, qui a joué un rôle

3 important. En Dalmatie, au départ, on a la formation d'un parti politique

4 dit populaire, "Narodna Stranka", qui va rassembler les Serbes et les

5 Croates. Car en fait, à l'époque, c'est surtout l'identité slave qui est

6 dominante dans la région. Mais ensuite, Pavinovic va défendre davantage,

7 disons, les intérêts croates nationaux et on va assister, en fait, à une

8 divergence entre Serbes et Croates à l'intérieur de ce parti-là au moment

9 de l'arrivée de l'Autriche en Bosnie-Herzégovine en 1878. A partir du

10 moment où la Bosnie-Herzégovine est occupée par l'Autriche, il y a des

11 divergences profondes entre eux, donc représentants serbes et croates à

12 l'intérieur de ce parti, dans la mesure notamment où Pavinovic va demander

13 et soutenir l'intégration de la Bosnie-Herzégovine à la Croatie et

14 Slavonie. Mais la formation des identités nationales, leur consolidation

15 n'intervient justement qu'après 1870, et à la fin des années 70, on a une

16 séparation et la création d'un parti spécifiquement serbe en Dalmatie.

17 Q. Quelle a été la profession de Mihovil Pavlinovic [phon] ?

18 R. Je ne me souviens plus.

19 Q. Donc vous ne savez pas que c'était un prêtre catholique de Rome ?

20 R. -- aussi bien parmi -- disons, les représentants serbes et les

21 catholiques, il y avait effectivement des religieux qui s'impliquaient dans

22 la vie politique.

23 Q. Ici vous traitez des activités de ce club culturel serbe, et vous dites

24 les noms de certains intellectuels au sommet qui ont fait partie de ce

25 club. Et vous indiquez que les membres du club tenaient des conférences sur

26 des sujets variés.

27 Est-ce qu'à votre avis chacune de ces conférences, tenues par les

28 différents membres individuels du club, exprimeraient ou pas les positions

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1 de la totalité des membres de ce club ?

2 R. [chevauchement]

3 Q. En partant de quoi, la conférence de Vaso Cubrilovic, relative aux

4 départs des Albanais, a-t-elle été attribuée comme étant une position

5 généralement adoptée par tous les membres de ce club serbe ?

6 R. Au moment où plusieurs conférences ont été organisées sur le même

7 sujet, donc à savoir celui de la nationalisation de certaines régions dont

8 le Kosovo, mais aussi la Vojvodine. Quand on parle de nationalisation, il

9 était fait référence à des déplacements de population, des déplacements

10 forcés. A partir du moment où on a au printemps 1937 plusieurs conférences

11 sur le même sujet, il me semble qu'il n'y a pas une désapprobation de la

12 part de la direction du club culturel serbe quant au contenu de ces

13 conférences-là. Il me semble que le fait de multiplier ces conférences

14 n'est pas un signe de dénégation de ce qui est avancé comme solution pour

15 régler la question en particulier des minorités nationales.

16 Mme LE JUGE LATTANZI : A quelle époque, maintenant, excusez-moi ?

17 LE TÉMOIN : On est passé en fait en 1937.

18 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci. Et --

19 LE TÉMOIN : On parle du club culturel serbe.

20 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

21 Mme LE JUGE LATTANZI : -- les mouvements de population sous l'égide de la

22 société des nations.

23 LE TÉMOIN : Oui. Par ailleurs, Vaso Cubrilovic était le secrétaire général

24 du club culturel serbe. Donc ce n'est pas une personne extérieure ou un

25 simple membre. Il faisait partie de la direction de l'organisation. Donc

26 ses propos ont un poids beaucoup plus important du fait de sa simple

27 fonction de secrétaire du club culturel serbe.

28 M. SESELJ : [interprétation]

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1 Q. Y a-t-il d'autres membres de ce club culturel serbe à avoir, à quelque

2 moment que ce soit dans le public, dit qu'il était d'accord avec les idées

3 de Vaso Cubrilovic telles que présentées dans sa conférence ?

4 R. Je n'ai pas trouvé de trace sur -- qui permettrait de dire qu'un tel ou

5 un tel ait soit réfuté ou accepté ses points de vue. Mais comme je l'ai

6 expliqué dans la première phase donc de mon témoignage, il y a également au

7 niveau officiel une politique qui va dans ce sens-là, de réduire le poids

8 des minorités nationales en Yougoslavie. Donc il y a une convergence au

9 niveau politique, mais également parmi les intellectuels serbes sur cette

10 question donc des minorités nationales.

11 Donc j'avais indiqué donc notamment qu'en 1938, le gouvernement

12 yougoslave paraphe avec le gouvernement turc un accord sur le déplacement

13 de 200 000 Musulmans de Yougoslavie, donc accord qui n'a pas pu être

14 concrétisé pour des raisons matérielles. Mais toujours est-il que lorsque

15 ces conférences ont été organisées en 1937, notamment celle de Djoko Perin.

16 Djoko Perin a publié donc, sous la forme d'une brochure, le contenu de la

17 conférence avec l'intention de la distribuer aux parlementaires de

18 l'époque. Donc il y avait une volonté également de peser sur les autorités

19 politiques de l'époque, il s'agissait en quelque sorte de recommandations à

20 suivre. Mais cela dit, donc, le gouvernement yougoslave s'inscrivait disons

21 dans cette tendance de réduction donc des minorités nationales, et en

22 particulier des Musulmans en Yougoslavie.

23 Q. Cette position-là au sein du club culturel serbe, où se trouve-t-elle

24 formulée ? Vous dites que c'était la position formulée par le club culturel

25 serbe. Où est-ce que cela a-t-il été formulé en tant que position du club

26 culturel serbe ? Nulle part, n'est-ce pas ?

27 R. La formulation est peut-être maladroite, mais toujours est-il que ce

28 sont des positions qui n'ont pas été contestées à l'époque. Comme je l'ai

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1 indiqué, elles ont été répétées. Et ces points de vue seront ensuite

2 répétés quand la Première guerre mondiale aura éclaté, puisque certains des

3 intellectuels donc qui étaient membres du club culturel serbe rejoindront

4 le Mouvement de la Ravna Gora avec le même type d'idées. Donc c'est des

5 idées qui circulaient dans ce milieu, qui n'ont peut-être pas été

6 nécessairement développées dans la publication -- dans le journal, disons,

7 du club culturel serbe.

8 Q. Il n'y a qu'un seul homme à avoir tenu des conférences concernant le

9 déplacement des Albanais. C'était Vaso Cubrilovic. Et vous affirmez que ses

10 idées ont été acceptées par tous les autres membres du club, alors que cela

11 n'a été formulé nulle part, alors que ses membres ne se sont jamais

12 prononcés à quelque moment que ce soit, et bien que cela n'ait pas été

13 confirmé dans le journal officiel du club ?

14 R. -- Perin. Je sais que cette question de la nationalisation de certaines

15 régions a été discutée dans plusieurs des conférences. Donc, moi, il m'a

16 semblé qu'à partir du moment où ce sujet, sous différentes formes, a été

17 étudié, il n'y avait pas une réprobation quant aux méthodes envisagées pour

18 régler la question des minorités nationales. Maintenant, effectivement, si

19 on lit le "Srpski Glas", il n'y a pas eu -- le problème, c'est que le

20 journal "Srpski Glas" a commencé à paraître deux années plus tard en fait,

21 en 1939, puisqu'il commence à paraître en novembre 1939. Donc là je parle

22 de conférences qui ont lieu au printemps 1937, par conséquent, on n'a pas

23 les échos de ces conférences-là dans l'organe disons du club culturel

24 serbe. Si le journal avait existé dès l'époque, peut-être y aurait-il eu

25 une présentation de ces conférences. Mais là, on n'a pas disons -- vu qu'il

26 y a un décalage dans le temps.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je pense que c'est assez incroyable, Monsieur

28 le Juge, vous voyez qu'il n'y a pas de réponse à ma question.

Page 3243

1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Qui était Djoko Perin ?

3 R. Il me semble qu'il était ingénieur agricole à Sarajevo. Sa brochure

4 existe d'ailleurs. Je l'ai consultée, elle est à la bibliothèque nationale

5 de Serbie. Je l'avais trouvée mentionnée dans les travaux de l'historien

6 Ljubodrag Dimic qui, dans l'un de ses ouvrages, donc avait consacré un

7 chapitre entier au club culturel serbe.

8 Q. Ce nom Djoko Perin, ne serait-il pas là question d'un pseudonyme,

9 Monsieur Tomic ?

10 R. Sur la brochure, j'ai trouvé la mention de Djoko Perin, et j'ai trouvé

11 donc dans cette étude de M. Dimic des éléments, il me semble, d'information

12 donc qui indiquaient qu'il était de Sarajevo. Ou c'est écrit -- en tout

13 cas, c'était précisé son identité sur la brochure. Et il était même fait

14 mention sur la couverture de la brochure qu'il s'agissait donc -- que cette

15 brochure était publiée à l'intention des sénateurs ou députés de la

16 Yougoslavie.

17 Q. Seriez-vous d'accord pour dire que c'est tout à fait un intellectuel

18 marginal au sujet de qui personne n'a jamais entendu parler ?

19 R. C'est clair que ce n'est pas l'un des principaux intellectuels du club

20 culturel serbe. C'est pas - il n'a pas la même renommée que, par exemple,

21 Slobodan Jovanovic ou Dragisa Vasic, l'un est président et vice-président -

22 - il n'a pas du tout le même profil.

23 Q. Vous avez, s'agissant des interventions de deux individus, Vaso

24 Cubrilovic et un anonyme complet, Djoko Perin, vous avez identifié cela

25 avec la politique totale du club culturel serbe sans avancer quelque preuve

26 que ce soit pour fonder le fait de faire coïncider ceci ?

27 R. -- conclusion-là, la plupart des chercheurs qui se sont penchés sur le

28 club culturel serbe ont bien vu quel était le type de solution proposé pour

Page 3244

1 régler la question des minorités nationales. Et je veux dire, ce n'est pas

2 ma seule -- ma propre conclusion.

3 Q. Qui est-ce qui a abouti à cette conclusion encore ?

4 R. -- au chapitre de Ljubodrag Dimic sur -- donc c'est dans l'histoire de

5 la politique culturelle dans la première Yougoslavie de l'entre-deux

6 guerres, en trois volumes.

7 Q. Ljubodrag Dimic, dans son livre, affirme-t-il que ce club culturel

8 serbe dans son ensemble voulait faire partir les Albanais de Yougoslavie.

9 C'est bien ce que vous affirmez ?

10 R. -- il ne dit peut-être pas ça de la même façon, mais il fait état en

11 tout cas de -- disons du programme national, de toutes les idées qui vont -

12 - qui peuvent constituer un programme national, qui circulent à l'intérieur

13 du club culturel serbe, dont ces idées donc de déplacer les populations.

14 Q. Vous attribuez cela faussement à Ljubodrag Dimic, n'est-ce pas ?

15 R. Je ne dirais pas ça.

16 Q. Le club culturel serbe voulait que soit créé une unité serbe une fois

17 que la Banovina croate a été créé. Et cela était la substance de sa

18 conception. Le reste était les idées individuelles des autres membres. Ai-

19 je raison de le dire ?

20 R. Le club est fondé donc début -- en janvier donc 1937, l'initiative a

21 donc été prise probablement en décembre 1936. Et la question de créer une

22 entité serbe donc à l'intérieur de la Yougoslavie n'est posée qu'à partir

23 de 1939, à partir d'août 1939, puisque au cours du printemps 1939, jusque

24 donc à l'été 1939, on a des négociations donc entre Dragisa Cvetkovic, le

25 chef du gouvernement, et le leader donc du Parti paysan croate, à propos

26 donc de la mise en place donc de cette banovine de Croatie. Donc c'est qu'à

27 partir du moment où cette banovine de Croatie a été mise en place, donc en

28 août 1939, qu'il y a une réaction de la part du club culturel serbe avec

Page 3245

1 une revendication précise, donc d'établir à ce moment-là une entité serbe.

2 A partir du moment où il y a une entité croate, il faut qu'il y ait une

3 entité serbe à l'intérieur de la Yougoslavie. Donc c'est deux années plus

4 tard en fait après la création du mouvement, de l'organisation.

5 Q. Savez-vous que les membres de ce club culturel serbe étaient

6 essentiellement francophiles, des libéraux, des intellectuels libéraux à

7 provenance ou aspiration démocratique, avec bon nombre de Maçons parmi eux,

8 le saviez-vous ?

9 R. -- de ce mouvement, effectivement, si on le caractérise davantage, on

10 ne peut pas l'inscrire dans disons la liste -- disons des mouvements, par

11 exemple, fascistes de l'époque. Effectivement, ce sont souvent des

12 personnes donc favorables à la démocratie libérale. Cela dit, l'un des

13 points essentiels qui est aussi mis en avant par ce club culturel serbe à

14 l'époque c'est la limitation quand même de l'influence étrangère dans la

15 culture serbe. Donc, même si beaucoup de -- certains, disons, des

16 intellectuels du club culturel serbe ont fait leurs études à l'étranger,

17 notamment Slobodan Jovanovic, qui a étudié en Suisse et en France. Il y a

18 comme une volonté donc de s'appuyer uniquement sur les valeurs culturelles

19 nationales serbes en limitant l'influence du marxisme, des courants,

20 disons, artistiques tels que le futurisme, disons, les courants modernistes

21 de l'époque. Et c'est une organisation qui je ne placerais pas

22 effectivement parmi les organisations, disons, qui se sont multipliées à

23 l'époque, donc on est à la fin des années '30 en Europe, donc les

24 organisations de type fasciste.

25 Q. Vous faites passer des choses vers le terrain des arts où il n'y a pas

26 lieu d'aller. Vous oubliez que l'orientation fondamentale de ce club

27 culturel serbe visait à s'opposer aux idées marxistes et fascistes et aux

28 tendances marxistes et fascistes qui arrivaient de l'étranger. Ai-je raison

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1 de dire cela ? Le marxisme et le fascisme étaient considérés comme étant

2 également dangereux en tant qu'adversaires, n'est-ce pas ?

3 R. Quand je parle, je fais référence en fait à des articles que j'ai pu

4 lire dans le Srpski Glas. Il n'était pas fait mention du fascisme, mais

5 cela dit, les membres du club culturel serbe ne soutenaient pas l'Allemagne

6 nazi, ni l'Italie fasciste à l'époque, c'est clair.

7 Q. Quand je parle du fascisme, je parle du nazisme. Et en premier lieu du

8 nazisme. Alors tous ces gens étaient-ils des antifascistes convaincus; est-

9 ce que cela s'est avéré aux fils des événements qui ont suivi à savoir

10 pendant la guerre ?

11 R. Je ne peux pas répondre pour tous, mais une bonne partie d'entre eux se

12 sont investis ensuite soit dans, pour certains des dirigeants, dans le

13 gouvernement yougoslave en exil ou soit dans le Mouvement de la Ravna Gora

14 qui était effectivement un mouvement de résistance à l'époque.

15 Q. La création de la Banovina croate a-t-elle été faite d'une façon

16 conforme à la constitution ?

17 R. La question -- il y avait depuis les années 20, disons, une

18 revendication de la part des Croates pour avoir une autonomie à l'intérieur

19 de la Yougoslavie. Cette question, disons, a entravé disons le bon

20 fonctionnement de la démocratie à l'époque, à un tel point qu'il y a eu un

21 assassinat à l'assemblée donc de Yougoslavie qui a conduit ensuite donc à

22 la proclamation de la dictature en 1929.

23 Donc la question croate a vraiment créé des tensions à l'intérieur de la

24 Yougoslavie et il a fallu quasiment 20 ans pour voir une solution, disons,

25 proposée, pour répondre, disons, aux demandes spécifiques donc des partis

26 politiques croates de l'époque.

27 Maintenant, est-ce qu'ils ont respecté la constitution, disons, ça je n'en

28 sais rien. Il s'agissait pour le pouvoir de l'époque, alors que justement

Page 3247

1 la guerre approchait, on est quand même en 1939 ou '39. Il s'agissait donc

2 de régler la question croate à tout prix pour éviter qu'ensuite l'Allemagne

3 n'ait des motifs, disons, d'intervention ou l'Italie, des motifs

4 d'intervention en Yougoslavie. Il fallait avoir, disons, une unité la plus

5 large possible en Yougoslavie pour faire face, disons, aux menaces qui se

6 montraient à l'époque. Là, on avance vraiment en août '39, il s'est déjà

7 passé beaucoup de choses dans la région en Autriche et en Tchécoslovaquie.

8 Donc, il y a cette menace qui pèse sur les autorités politiques yougoslaves

9 de l'époque.

10 Q. Quelle était la constitution qui était en vigueur à l'époque ?

11 R. Il me semble que c'est la constitution de 1931. Une constitution

12 octroyée --

13 Q. Et cet accord-ci, a-t-il constitué une violation de cette constitution

14 ?

15 R. Cet accord a remis en cause l'organisation administrative du pays.

16 Q. Tel que prescrit par la constitution ?

17 R. Moi, je ne connais pas la constitution yougoslave en détail, toujours

18 est-il que cet accord remettait en cause, disons, l'organisation

19 administrative du pays telle qu'elle existait à l'époque.

20 Q. Monsieur Tomic, ici, vous avez traité la question de ce Mouvement

21 chetnik et vous avez parlé de l'assassinat d'un représentant politique

22 croate et représentant du Parti paysan croate, Punisa Racic, en 1928 à

23 l'assemblée nationale, n'est-ce pas ?

24 R. Je pense.

25 Q. Alors, avez-vous entendu parler de Bogdan Krizman ?

26 R. C'est un historien croate.

27 Q. C'est l'un des plus grands historiens croates du XXe siècle. Etes-vous

28 d'accord avec moi pour le dire ?

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1 R. Je ne peux pas répondre à cette question, mais bon, il a publié de

2 nombreux travaux.

3 Q. Saviez-vous que son père Hinko Krizman était député à l'assemblée

4 nationale du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes ?

5 Vous ne le saviez pas.

6 Saviez-vous que Bogdan Krizman, dans un ouvrage à lui, a décrit que son

7 père lui avait raconté que le prêtre Korosec, président du Parti national

8 et ministre de l'Intérieur avait prévenu ses députés qui étaient au

9 parlement qui se trouvaient derrière les députés du Parti paysan croate. Il

10 leur a dit de s'asseoir à d'autres sièges; le saviez-vous cela ?

11 R. Je ne l'ai jamais vu mentionner d'ailleurs dans tous les ouvrages que

12 j'ai pu lire sur l'histoire de la Yougoslavie entre les deux guerres.

13 Q. C'est parce que vous n'avez pas lu des ouvrages de valeur, Monsieur

14 Tomic ?

15 R. C'est votre appréciation, je veux bien.

16 Q. Avez-vous entendu parler de Vaso Kazimirovic ?

17 R. Son nom, je l'ai vu apparaître effectivement, mais là je ne pourrais

18 pas dire de qui il s'agit précisément.

19 Q. Donc vous ne savez pas que Vaso Kazimirovic a publié une histoire de la

20 Yougoslavie entre la Première et la Deuxième Guerre mondiale, en quatre

21 tomes ?

22 R. Non.

23 Q. Et lui, également se réfère au témoignage de Hinko Krizman, vous ne le

24 saviez pas ?

25 R. Non. Je ne connais pas ce détail.

26 Q. Et si vous le saviez, peut-être auriez-vous tiré la conclusion qui

27 serait celle de dire que le ministre Korosec était au courant, était mis au

28 courant de ces attentats préparés contre Stejpan Radic et il est très

Page 3249

1 probable qu'il l'ait organisé lui-même.

2 R. Je pense à quelle partie, je ne pense pas l'avoir.

3 Q. J'en suis arrivé à la page 38 où vous dites que Punisa Racic avait tiré

4 sur Stjepan Radic dans l'assemblée nationale. Page 38 en version serbe.

5 Moi, je dois aller plus vite parce que je n'ai pas beaucoup de temps pour

6 toutes les questions que j'avais souhaité vous poser. Je suis en train d'en

7 finir avec cette question, je vais aller de l'avant.

8 Ici, vous indiquez le fait que le Parti démocratique entre les deux guerres

9 avait eu une organisation chetnik à elle, n'est-ce pas ? Les radicaux

10 l'avaient et les démocrates aussi. A la tête de cette organisation chetnik

11 du Parti démocratique, il y avait Kosta Pecanac, n'est-ce pas ? Vous savez

12 que Kosta Pecanac était un traître qu'il s'était placé au service de

13 l'occupant allemand ?

14 R. C'est effectivement le cas.

15 Q. Saviez-vous que C'est Draza Mihailovic, en personne qui avait condamné

16 à mort, Kosta Pecanac et avait envoyé Ultoj Kanua [phon] pour le liquider ?

17 R. Je ne me souviens pas de ce détail, mais --

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Un moment, Monsieur le Témoin. Mettez une pause

19 avant la réponse parce qu'on perd des brides. Alors, répondez.

20 LE TÉMOIN : Je ne connais pas -- je ne me souviens pas de ce détail précis,

21 mais toujours est-il que Kosta Pecanac, effectivement lorsqu'il a constitué

22 des unités de Chetniks au moment de l'éclatement donc de la guerre en

23 Yougoslavie fera le choix donc de collaborer avec les Allemands et sera

24 opposé de fait au Mouvement de la Ravna Gora. D'ailleurs certains hommes

25 qui ont combattu dans les rangs de ces unités chetniks vont passer dans les

26 rangs du Mouvement de la Ravna Gora.

27 M. SESELJ : [interprétation]

28 Q. Vous avez dit dans l'interrogatoire principal que le mot voïévode ça

Page 3250

1 veut dire "dirigeant militaire", n'est-ce pas ?

2 R. J'avais parlé de "chef militaire", oui.

3 Q. Alors, savez-vous nous dire quelle est la différence entre un voïvode

4 de l'armée et un voïvodat chetnik.

5 R. Je sais que le terme a été employé dans les unités chetniks qui sont

6 des unités militaires irrégulières, donc qui se livrent principalement à

7 des actions de guérilla, ou donc que le terme voïvodat -- voïvode, était

8 utilisé également pour désigner également des haut officiers de l'armée

9 serbe puisqu'on avait, par exemple, le voïvode Putnik pendant la Première

10 Guerre mondiale. Maintenant, je ne pourrais pas faire l'historique, disons,

11 de l'emploi du terme voïvode pour désigner des membres de l'état-major de

12 l'armée serbe.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, vous nous dites quelque chose

14 qui peut avoir un intérêt. Vous dites que le terme voïvode pouvait être

15 utilisé également par des officiers supérieurs de l'armée serbe ?

16 LE TÉMOIN : Pendant la Première Guerre mondiale, on a la mention de

17 certains, notamment le voïvode Putnik Micic. C'est un terme qui est utilisé

18 dans l'armée et qu'on rencontre dans la plupart des livres traitant de

19 l'histoire de la Première Guerre mondiale. Mais là on parle d'une armée

20 régulière et le terme est également employé pour, donc, des unités

21 irrégulières. Notamment donc au début du XXe siècle, donc à partir de 1903,

22 on a une organisation qui va envoyer des unités chetniks en Macédoine. Donc

23 cette unité, cette organisation donc se dote d'un comité exécutif à

24 Belgrade, et donc c'est ce comité notamment qui va nommer les voïvodes des

25 unités qui sont envoyées et constituées en Macédoine.

26 M. SESELJ : [interprétation]

27 Q. Savez-vous nous dire quel était le grade, qu'est-ce que c'était que ce

28 grade de voïvode dans l'armée serbe ?

Page 3251

1 R. C'est celui de général.

2 Q. C'est un général à cinq étoiles, n'est-ce pas ?

3 R. Je n'ai pas ce détail à ce détail près, moi.

4 Q. Et avez-vous entendu parler d'un général français qui est devenu

5 voïvode honorifique de l'armée serbe ?

6 R. A quelle époque faites-vous allusion ? Au XXe ou au XIXe ?

7 Q. Je parle de la Première Guerre mondiale, un célèbre général français.

8 R. Franchet d'Espèrey.

9 Q. Franchet d'Espèrey, il était maréchal, général, donc avec cinq étoiles,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Général, je me souviens précisément. Mais en tout cas, effectivement

12 c'est --

13 Q. Pour autant que je le sache c'était un maréchal. Ce qui signifie dans

14 l'armée française, général à cinq étoiles. Et il a eu le même rang de

15 reconnu dans l'armée serbe. Le saviez-vous ?

16 R. Je n'en avais pas trouvé mention, mais cela ne me surprend pas vu la

17 collaboration qui y a eu à l'époque, donc entre les armées françaises et

18 serbes.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pouvez redonner le nom de ce maréchal --

20 LE TÉMOIN : Franchet d'Espèrey en deux mots.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Franchet d'Espèrey, vous pouvez épeler pour que ce

22 soit au transcript.

23 LE TÉMOIN : F-r-a-n-c-h-e-t, plus loin d'Espèrey, donc d', il me semble que

24 c'est E-s-p-è-r-e-y.

25 M. SESELJ : [interprétation]

26 Q. A la différence de l'armée, un voïvode chetnik ce n'était pas un grade;

27 c'était un titre, n'est-ce pas ?

28 R. Mais s'agissant du Mouvement chetnik, donc des forces irrégulières, les

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1 règles d'attribution ont pu varier en fonction des configurations. Je sais

2 que dans le cadre du Mouvement chetnik du début du XXe siècle, donc qui

3 concerne l'action, disons, le terrain d'action, disons, était la Macédoine.

4 Les titres étaient fixés par le comité exécutif de cette organisation.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de continuer, Monsieur Seselj, le greffier

6 m'informe qu'il vous reste une heure encore.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 M. SESELJ : [interprétation]

9 Q. Monsieur le Témoin, savez-vous que les voïvodes chetniks, y compris

10 avant la Première Guerre mondiale mais aussi après, pouvaient être appelés

11 voïvode chetniks tout en ayant en même temps un grade au sein de l'armée ?

12 R. Du temps des voïvodes, effectivement qui étaient investis dans les

13 forces chetniks irrégulières, étaient également des officiers de l'armée,

14 de l'armée serbe et --

15 Q. Avez-vous entendu parler du commandant Tankosic ?

16 R. Tankosic qui est l'un des principaux voïvodes.

17 Q. Et le lieutenant-colonel Popovic ?

18 R. Qui était également connu sous le nom de voïvode Vuk.

19 Q. Voïvode chetnik; oui. Vous avez quelques connaissances, Monsieur Tomic.

20 Savez-vous que durant la Seconde Guerre mondiale il y a eu des voïvodes

21 chetniks qui ne commandaient absolument aucune unité chetnik ?

22 R. Mais il est possible que des voïvodes chetniks, des personnes qui aient

23 obtenues, disons, le titre de voïvode avant l'éclatement de la guerre ne se

24 soient pas engagées nécessairement dans les rangs de la -- du Mouvement de

25 la Ravna Gora. De l'armée donc yougoslave dans leur patrie. D'ailleurs, il

26 y a des historiens qui ont étudié les différents mouvements chetniks qui ne

27 voient pas de liens directs nécessairement entre les différentes

28 organisations chetniks de l'entre-deux-guerres et le Mouvement de la Ravna

Page 3253

1 Gora.

2 Q. Je vous interroge en vous demandant si dans le cadre du Mouvement de la

3 Ravna Gora il y avait des voïvodes chetniks qui n'ont jamais été au

4 commandement d'une quelconque unité chetnik. Est-ce qu'il y a eu des

5 voïvodes correspondant à cette définition ?

6 Avez-vous entendu parler du voïvode Dobroslav Jevdjevic ? Etait-il l'un des

7 voïvodes qui n'ont jamais commandé une quelconque unité chetnik ?

8 R. Dobroslav Jevdjevic était justement l'un des Chetniks, disons, investi

9 dans l'entre-deux-guerres dans l'une des organisations chetniks. Il

10 agissait notamment avec Ilija Trifunovic Bircanin, disons, en Dalmatie et

11 en Herzégovine.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Vous voyez, Madame, Messieurs les Juges, et le

13 témoin me répond sur un autre sujet. Il perd mon temps, mais ne répond pas

14 à ma question. Je l'interroge au sujet de la période de la Seconde Guerre

15 mondiale liée au Mouvement de la Ravna Gora : est-ce que Dobroslav

16 Jevdjevic en tant que voïvode chetnik a commandé la moindre unité chetnik,

17 et lui il me répond ce qu'a fait Dobroslav Jevdjevic entre les deux guerres

18 mondiales. Alors, comment est-ce que je peux sortir de cette quadrature du

19 cercle.

20 LE TÉMOIN : Dans les régions que j'ai mentionnées, maintenant je ne peux

21 pas dire précisément s'il était à la tête d'une unité militaire, toujours

22 est-il qu'il a joué un rôle important, notamment de coordination avec la

23 seconde armée italienne, puisqu'à l'époque dans cette région de la Dalmatie

24 et de l'Herzégovine, en fait, on se trouvait en zone d'occupation italienne

25 et les Italiens avaient décidé de soutenir les Chetniks. Et Dobroslav

26 Jevdjevic était justement le principal -- l'un des principaux

27 interlocuteurs donc chetniks pour les autorités italiennes en place.

28 M. SESELJ : [interprétation]

Page 3254

1 Q. Vous savez, j'espère, Monsieur Tomic, que les Oustachi, dès l'année

2 1941, ont commis des crimes terribles contre des civils serbes, n'est-ce

3 pas ?

4 R. [chevauchement]

5 Q. Savez-vous que l'armée italienne, dès qu'elle a entendu parler de

6 ces crimes, s'est ruée pour défendre le peuple serbe ?

7 R. -- italienne est effectivement intervenue pour secourir les réfugiés

8 serbes qui fuyaient donc les massacres des Oustachi.

9 Q. Savez-vous que l'armée italienne, quand son état-major a été informé de

10 ces crimes, a décidé de réaliser une nouvelle fois l'occupation de l'Etat

11 indépendant de Croatie dans sa zone d'intérêt ?

12 R. Je sais qu'en mai 1941 il y a eu un accord donc avec le pouvoir

13 Oustachi à Zagreb, donc sur l'occupation donc d'une partie de la Dalmatie

14 par l'Italie, la définition ensuite des zones d'occupation. Je ne connais

15 pas -- je n'ai pas connaissance disons d'une initiative qui aurait visé à

16 occuper l'ensemble disons du territoire de l'Etat croate indépendant, donc

17 qui comprenait à l'époque la Croatie et -- donc la Bosnie-Herzégovine.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a quelque chose que je ne comprends pas : 1941,

19 il y a les pays de l'Axe, Italie, Allemagne, et apparemment les Oustachi

20 croates marchent la main dans la main avec les Allemands. Est-ce que je

21 fais une erreur ou pas ?

22 LE TÉMOIN : En fait, ils soutenus bien entendu par les Allemands, mais ils

23 ont été soutenus avant la guerre par les Italiens. L'Italie a hébergé les -

24 -

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais en 1941, ils sont en liaison avec les Allemands

26 aussi.

27 LE TÉMOIN : Avec les Allemands et les Italiens, mais en fait ce qui se

28 passe, c'est que les Italiens veulent sécuriser disons -- les territoires

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1 qui doivent leur revenir, donc le long du littoral dalmate, et ils estiment

2 que finalement l'Etat croate est plutôt un danger par rapport donc à leurs

3 objectifs à atteindre dans la région. Donc ils vont s'appuyer sur -- donc

4 les Chetniks, notamment, pour contrer les intérêts croates à l'époque --

5 donc de l'Etat croate indépendant. Donc on est dans une situation

6 paradoxale où finalement l'Italie contribue à mettre en place le pouvoir

7 oustacha à Zagreb, donc en avril 1941, et très rapidement, il y a une

8 méfiance qui va s'établir entre les deux parties, et de fait, donc, la

9 deuxième armée -- donc de l'armée italienne apportera un soutien donc aux

10 civils serbes donc dans les zones d'occupation qu'elle contrôle et choisira

11 également d'armer et de soutenir le Mouvement chetnik et l'utilisera

12 notamment pour lutter contre la résistance communiste.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est une situation fort complexe.

14 LE TÉMOIN : Elle l'est effectivement.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : On essaie d'y voir clair.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attends la fin de l'interprétation. Madame le

17 Juge, j'aimerais vous expliquer brièvement, car je tiens beaucoup à ce que

18 ce soit clair à vos yeux comme à tous les autres Juges de la Chambre. Les

19 Oustachi et Ante Pavelic étaient émigrés en Italie. Après l'attentat contre

20 le roi Alexandre, en France, Pavelic a été jugé par contumace et condamné à

21 mort. Et Mussolini a enlevé son appui aux Oustachi et a interné Pavelic.

22 Pavelic a été emprisonné en Italie avec ses principaux collaborateurs.

23 C'est seulement en 1941 que Mussolini leur permet de quitter l'Italie.

24 Mme BIERSAY : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi -- M. Seselj est en train d'essayer

26 d'éclairer la lanterne des Juges qui peuvent un peu patauger dans ce jeu

27 triangulaire, voire quadrangulaire. Alors elle est fondée sur quoi votre

28 objection ?

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1 Mme BIERSAY : [interprétation] Il nous semble que M. Seselj est en train de

2 déposer, et la Chambre l'a déjà mis en garde. C'est la raison pour laquelle

3 je soulève cette objection.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais nous avons bien compris. Mais d'un autre

5 côté, comme on a besoin aussi d'informations, et là c'est une information

6 précieuse de savoir que Ante Pavelic avait été détenu en Italie, qu'ensuite

7 il va être libéré, et cetera.

8 Alors, terminez, Monsieur Seselj ce rappel.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Si je puis ajouter, Monsieur le Président, que

10 Bogdan Krizman, l'historien croate a écrit l'histoire du Mouvement oustachi

11 en cinq volumes, très objectivement, ouvrage bien accueilli et reconnu dans

12 l'historiographie mondiale.

13 Les Oustachi se sont mis au service des Allemands à Zagreb. Et les

14 Italiens se sont retirés de leur zone d'occupation sur le territoire de

15 l'Italie. Zadar était en Italie à l'époque. Il tenait encore quelques

16 autres villes qui étaient directement rattachées à l'Italie. Les Oustachi

17 quant à eux étaient totalement libres sur leur territoire et c'est là

18 qu'ils ont commencé des massacres. Après ces massacres, les Italiens sont

19 revenus occuper une partie de l'Etat indépendant croate pour sauver les

20 Serbes.

21 M. SESELJ : [interprétation]

22 Q. Monsieur Tomic, est-ce que c'était bien là la raison --

23 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur Seselj, s'il vous plaît, c'est tout très

24 intéressant. Mais vous devez chercher à clarifier ces aspects en

25 interrogeant le témoin.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Alors --

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est ce que j'essayais de faire. J'étais en

28 train d'essayer de poser une question au témoin.

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1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Monsieur Tomic, est-ce que telle était bien la raison qui a poussé les

3 Chetniks à collaborer avec l'armée italienne ?

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Avant de répondre, M. Seselj a posé des prémices, a

5 tout expliqué, et maintenant il vous pose la question. Alors, répondez-

6 nous.

7 LE TÉMOIN : Bien disons que les premiers contacts se sont faits à partir du

8 moment où il y a eu des -- donc une vague de réfugiés, donc des Serbes qui

9 ont quitté les zones où des massacres ont été commis. Ensuite, en fonction

10 des régions, notamment au Montenegro, la collaboration entre les Chetniks

11 monténégrins et les Italiens intervient disons à la suite du conflit qui a

12 opposé les Chetniks aux partisans communistes au Montenegro. Donc les

13 contacts sont -- on les trouve donc au Montenegro, mais également aussi

14 donc en Dalmatie et dans une partie de la région de la Krajina, dans la

15 Lika. Donc le contexte étant un petit peu différent en fonction de chacune

16 des régions.

17 M. SESELJ : [interprétation]

18 Q. Est-ce que la situation était la même en Herzégovine ?

19 R. Une partie de l'Herzégovine faisait partie de la zone --d'une des zones

20 d'occupation qui revenaient à l'Italie.

21 Q. L'armée italienne est retournée là-bas uniquement après les crimes

22 commis par les Oustachi, n'est-ce pas ? Il y a eu un moment où l'armée

23 italienne avait quitté l'Herzégovine, est-ce que j'ai raison ? Et ensuite

24 il y a eu les crimes. Vous ne savez pas ça ? Bon. Je passe à un autre

25 sujet. Je ne vais pas insister là-dessus.

26 Donc nous sommes bien d'accord que les Chetniks de Draza Mihajlovic

27 collaboraient avec les Italiens. Est-ce que nous sommes d'accord sur le

28 fait que ce qui les a poussés à collaborer, c'était que les Italiens

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1 aidaient les Chetniks -- avaient aidé les Chetniks à défendre le peuple

2 serbe vis-à-vis des crimes commis par les Oustachi ? Et autre motif, qu'ils

3 les aidaient contre les communistes ? Est-ce que nous sommes d'accord là-

4 dessus ?

5 R. -- la réalité.

6 Q. Est-ce que vous avez des éléments démontrant la collaboration des

7 Chetniks avec les Allemands en dehors des traîtres que Draza a liquidés.

8 Est-ce que Draza ou un de ses commandants aurait collaboré avec les

9 Allemands ?

10 R. -- des contacts très rares entre Draza Mihajlovic et peut-être des

11 officiers allemands en 1941, mais sans suite. Mais il est possible que des

12 chefs chetniks en Bosnie orientale aient eu des contacts avec les

13 Allemands. C'est -- pendant cette guerre, en fait, il y a eu par moment,

14 disons, des contacts croisés, y compris avec les ennemis supposés, disons,

15 du camp en question. C'est à un moment même où on a les partisans

16 communistes qui vont demander aux Allemands de ne pas les attaquer, donc en

17 1943, à partir du moment où ils étaient, disons, en position de faiblesse.

18 Et ils vont demander à ce que -- donc notamment en argumentant de la façon

19 suivante, donc ils précisaient aux Allemands, donc à Zagreb, que les

20 communistes ne s'attaquaient pas aux forces allemandes, mais principalement

21 aux Mouvement donc chetnik.

22 Donc vous voyez que même pendant cette guerre on a, à certains

23 moments, disons, des négociations inattendues entre des camps, donc entre

24 des parties qui sont a priori opposées, mais il y a des points de

25 discussion à certains moments.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : N'y aurait-il pas une autre raison ? C'est pas à

27 l'époque où il y a eu le pacte germano-soviétique ?

28 LE TÉMOIN : Là, en l'occurrence, il s'agit de 1943. Dans la mesure où il y

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1 avait eu plusieurs offensives donc des occupants allemands, italiens et

2 appuyés par les Chetniks contre le mouvement de résistance communiste, le

3 mouvement de résistance, disons, avait besoin de souffler ils avaient

4 demandé donc en quelque sorte une sorte de trêve avec les -- de la part des

5 Allemands. Donc la situation effectivement est très complexe dans cette

6 guerre-là.

7 M. SESELJ : [interprétation]

8 Q. Ma question était la suivante, mais vous venez d'abuser de mon temps.

9 Ma question c'était : est-ce que vous avez des preuves qui démontrent

10 l'existence d'une collaboration entre les Chetniks et les Allemands en

11 dehors de quelques entretiens ou pourparlers ponctuels pour empêcher la

12 détention d'un certain nombre de prisonniers de guerre, et cetera, ou pour

13 des échanges. Est-ce que vous avez des preuves qui montrent une

14 collaboration militaire entre eux ?

15 R. Il y a eu principalement disons une coopération avec les Italiens mais

16 pas avec les forces armées allemandes.

17 Q. Merci, Monsieur Tomic. J'aimerais que toutes vos réponses soient aussi

18 concises que celle-ci.

19 Vous avez évoqué les pourparlers menés à Zagreb, n'est-ce pas ? Est-

20 ce que vous savez que Tito a envoyé son général le plus important pour ces

21 pourparlers avec les Allemands à Zagreb ?

22 R. [chevauchement]

23 Q. Milovan Djilas, autrement dit, Koca Popovic, et Vladimir Velebit,

24 n'est-ce pas ?

25 R. [chevauchement]

26 Q. Est-ce que dans cet accord du mois de mars il est écrit noir sur

27 blanc que les principaux ennemis des partisans sont les Chetniks et qu'ils

28 n'ont pas l'intention de se battre contre les Allemands, est-ce que c'est

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1 vrai ?

2 R. -- tout à l'heure, effectivement.

3 Q. Merci, Monsieur Tomic. Nous n'avons plus besoin d'insister sur ce

4 point.

5 Vous avez déclaré ici, page 42 de votre rapport, que Draza Mihajlovic

6 n'a pas engagé d'actions militaires importantes contre l'occupant, c'est

7 bien cela ?

8 R. C'était la stratégie du mouvement. A partir du moment où après, disons,

9 quelques actions qui ont été lancées contre les Allemands, il y a eu une

10 forte répression, de fortes représailles. Il a été décidé donc de ne pas

11 provoquer inutilement les forces allemandes, mais d'attendre donc en fait

12 le moment le plus opportun, qui était donc celui du débarquement éventuel

13 des forces alliées dans les Balkans.

14 Q. Savez-vous que les Allemands ont décidé que, pour chacun de leur soldat

15 assassiné, ils allaient fusiller 100 otages serbes, et que si l'un de leurs

16 soldats était blessé, ils fusillaient 50 otages.

17 R. -- lorsque j'ai été interrogé par l'Accusation.

18 Q. Savez-vous que le pouvoir d'occupation allemand a prévu une récompense

19 de cent mille reichsmarks en or pour toute personne permettant d'aider à

20 tuer ou à arrêter Draza Mihajlovic ?

21 R. [chevauchement]

22 Q. Avez-vous connaissance d'une action importante menée contre les

23 Allemands par les partisans ? Avant la fin de 1944 quand tout était déjà

24 fini ?

25 R. Disons qu'au départ, quand la guerre commence en Serbie, il y a eu

26 quelques attaques effectivement de la part des partisans communistes contre

27 les Allemands, mais il est clair que la guerre -- au cours des années qui

28 suivent, on a affaire plutôt à une guerre civile opposant les partisans

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1 communistes au Mouvement de la Ravna Gora. Et moins disons à une guerre

2 contre les occupants.

3 Q. Bon. Monsieur Tomic, essayons de raccourcir tout cela. Savez-vous

4 combien les Allemands ont créé d'unités SS sur le territoire yougoslave

5 durant la Seconde Guerre mondiale ?

6 R. [chevauchement]

7 Q. Vous ne savez pas qu'ils ont créé trois divisions SS, c'est bien cela,

8 n'est-ce pas ?

9 R. -- divisions SS formées d'Albanais, donc, au Kosovo et également de

10 Musulmans en Bosnie-Herzégovine.

11 Q. Au Kosovo, la division Skenderbeg SS a été créée, n'est-ce pas ?

12 R. [chevauchement]

13 Q. En Bosnie-Herzégovine, les Musulmans ont créé la division SS

14 Handzar, n'est-ce pas ?

15 R. [chevauchement]

16 Q. Savez-vous quelle est la 3e Division SS qui a été créée ?

17 R. Probablement toute une division croate qui a dû être envoyée sur le

18 front pour combattre en Russie, en Union Soviétique.

19 Q. La division Princ Eugen a été créée, est-ce que vous la connaissez ?

20 R. [chevauchement]

21 Q. Savez-vous que cette division a commis les crimes les plus graves

22 contre la population civile serbe ?

23 R. En Vojvodine, effectivement, il y a eu beaucoup de crimes perpétrés

24 contre les Serbes, soit de la part des Allemands ou des forces militaires

25 hongroises.

26 Q. Savez-vous que cette division SS Princ Eugen a agi pratiquement sur

27 tout le territoire yougoslave, car les Volksdojcer, les Allemands installés

28 dans la région, parlaient le serbe, donc ça les arrangeait ?

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1 R. J'ai pas étudié -- du moins -- détaillé ces différentes divisions SS.

2 Q. Est-ce que vous savez que les Croates ont créé une légion croate qui

3 comptait 10 000 hommes et qu'elle a été envoyée sur le front de l'est sous

4 commandement allemand et a été complètement vaincue à Stalingrad ?

5 R. [chevauchement]

6 Q. Ça vous le savez. Vous citez un article de Stevan Moljevic que

7 vous imputez comme étant la représentation de l'idée de tout le Mouvement

8 de la Ravna Gora, n'est-ce pas ? En 1941.

9 R. Stevan Moljevic donc l'a rédigé en juin 1941, il n'était pas encore

10 membre disons du Mouvement de la Ravna Gora, puisqu'il a intégré le

11 Mouvement de la Ravna Gora en août. Cela dit, il a été nommé au sein du

12 comité national central. Et il a été l'un des principaux idéologues du

13 mouvement de la Ravna Gora. Donc les idées qu'il a formulées en juin 1941,

14 il va les défendre auprès de Draza Mihajlovic et à l'intérieur du mouvement

15 de la Ravna Gora. Donc la plupart des historiens qui ont étudié le

16 programme national du Mouvement de la Ravna Gora intègrent ce document dans

17 le programme national du Mouvement de la Ravna Gora.

18 Q. Pour que ce soit un programme national, il fallait que quelqu'un le

19 rende officiel au niveau de ce Mouvement Ravna Gora, et non seulement pour

20 promulguer par les historiens, parce que c'est un acte individuel.

21 R. -- individuel. Le Mouvement de la Ravna Gora, par ailleurs, ce n'est

22 pas un parti politique. Mais cela dit, quand bien même ce mouvement de fait

23 était lié au gouvernement yougoslave en exil, puisque de fait les forces

24 armées du Mouvement de la Ravna Gora correspondaient donc à l'armée

25 yougoslave dans la patrie, il y a eu chez les idéologues, disons, de ce

26 mouvement, donc qui étaient membres du comité national central, des

27 ambitions politiques, donc avec l'idée donc d'instituer un nouvel ordre à

28 l'intérieur de la future Yougoslavie, une fois la guerre terminée.

Page 3264

1 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est moins quart, on est obligé de faire une

2 pause. On va faire 20 minutes, on reprend dans 20 minutes, M. le Greffier,

3 à la reprise, me dira combien de temps il reste à M. Seselj.

4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.

5 --- L'audience est reprise à 18 heures 05.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise. Je confirme à M.

7 Seselj qu'il lui reste 40 minutes, mais que la Chambre ne donnera pas du

8 temps supplémentaire. Les quatre heures accordées à l'accusé sont les

9 quatre heures de réponse aux questions posées par l'accusé et non pas sur

10 le temps pris par les objections ou les questions des Juges. Donc M. Seselj

11 a eu quatre heures, pas une minute de plus, pas une minute de moins. Donc,

12 il vous reste 40 minutes. Essayez d'aborder les questions essentielles si

13 vous le souhaitez.

14 M. SESELJ : [interprétation]

15 Q. Monsieur Tomic, vous avez parlé de faux communistes en vous efforçant

16 de prouver que l'élimination de civils musulmans sur le territoire de Foca

17 et ses environs de la part des Chetniks de Pavel Djurisic auraient eu lieu

18 aux fins de la réalisation d'un nettoyage ethnique. Saviez-vous que ce

19 crime a été précédé par un grand crime commis par les Oustachi et parmi

20 eux, bon nombre était des Musulmans à l'encontre de la population serbe ?

21 R. Il s'agit effectivement d'actions de représailles qui interviennent

22 après des massacres commis donc à la fin de l'année 1942. Cela dit, il ne

23 s'agit pas de documents qui seraient falsifiés, qui seraient faux.

24 Récemment en Serbie il y a eu un débat concernant la réhabilitation du

25 Mouvement chetnik, un texte a été signé par une vingtaine, je crois,

26 d'historiens pour protester contre cette réhabilitation et a évoqué le nom

27 de 30 000 victimes pour la période de janvier à février 1943.

28 Lorsque moi donc, dans mon rapport, reprenant les conclusions de

Page 3265

1 l'historien Jozo Tomasevic, je parlais de 10 000 victimes. Il a été répondu

2 à ces historiens, notamment par Kosta Nikolic, qu'il existait l'original de

3 ces comptes rendus, donc, d'opérations de la part de Pavel Djurisic qui

4 mentionnaient des chiffres bien inférieurs à 30 000. On peut trouver

5 d'ailleurs un article dans le quotidien Vecirnje Novosti, il me semble du

6 15 janvier 2007, où Kosta Nikolic est interrogé par une journaliste du

7 quotidien en question. Sauf que Kosta Nikolic pense qu'il n'y a qu'un seul

8 document et que l'historien Vladimir Dedijer et Antun -- que les historiens

9 Vladimir Dedijer et Antun Miletic puisque dans l'un des rapports on parle

10 de 400 combattants musulmans, donc, parmi les victimes et de 1 000 civils,

11 il pense que ces deux historiens, qui ont fait une compilation de documents

12 concernant ces massacres, ont ajouté un zéro pour atteindre donc le chiffre

13 de 10 000. En fait, il a omis tout simplement le fait qu'il n'y avait pas

14 qu'un seul rapport mais qu'il y en avait deux. Donc, c'est le bilan de ces

15 deux rapports qui permet de dire qu'il y a eu 10 000 victimes.

16 Donc, il s'agit en fait de Kosta Nikolic, d'un historien qui a fait une

17 thèse sur l'histoire du mouvement de la Ravna Gora qui est un des

18 historiens, disons aujourd'hui, les plus reconnus dans sa spécialité, et

19 donc qui a contribué largement à la réhabilitation de ce mouvement, et donc

20 il n'indique pas du tout que ces documents soient des faux.

21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, vous voyez combien de

22 temps a duré la réponse du témoin à cette question et les réponses, les

23 autres réponses sont presque toutes aussi longues. Vous n'avez pas voulu

24 m'accorder du temps supplémentaire. J'ai pris bonne note, mais ici pour ce

25 qui est du contre-interrogatoire, je l'ai organisé et je trouve que c'est

26 saboté systématiquement.

27 Alors, Madame l'Huissier, j'aimerais que vous placiez la page de garde de

28 ce livre auquel se réfère M. Tomic "Le génocide à l'égard des Musulmans de

Page 3266

1 1941 à 1945" par le Dr Vladimir Dedijer et Antun Miletic.

2 On voit cela sur les écrans maintenant ?

3 M. SESELJ : [interprétation]

4 Q. C'est bien ce livre, Monsieur Tomic, oui ou non ?

5 R. Je pense, oui, le titre --

6 Q. Alors, maintenant c'est la trente-et-unième page que je vais vous

7 montrer, l'avant-propos de ce livre signé par Antun Miletic. Ce qui se

8 trouve en bas, je vous demande d'en donner lecture, dernier paragraphe en

9 entier, s'il vous plaît ?

10 R. [interprétation] "La preuve la plus conforme à la vérité pour ce qui

11 est du génocide perpétré et du crime sont les noms et prénoms de 9 435

12 Musulmans tués. Si à ce chiffre l'on ajoute les noms mentionnés dans les

13 documents présentés, le chiffre de victimes dépasse 10 000, ce qui

14 constitue une espèce de monument aux Musulmans tués qui sont tombés du fait

15 du génocide. C'est la seule façon d'arriver à la vérité parce que la peine

16 n'a pas été perdue et les victimes le méritent."

17 Q. Est-ce que vous savez que Vladimir Dedijer et Antun Miletic sont des

18 historiens de grande notoriété d'appartenance communiste, le saviez-vous ?

19 Saviez-vous aussi qu'Antun Miletic était colonel et Croate ?

20 R. Qu'il est Croate cela effectivement je le devine. Je ne savais pas

21 qu'il était -- qu'il avait le titre de colonel, qu'il l'était.

22 Q. C'est un homme qui est vivant encore, il vient de publier un quatrième

23 tome d'un livre sur Jasenovac. Il dit ici pendant toute la durée de la

24 guerre, il a été tué 9 435 Musulmans et il admet la possibilité, lorsqu'on

25 ajoute tout le reste, que le chiffre est dépassé 10 000, n'est-ce pas ?

26 R. C'est les chiffres qui sont indiqués, mais il faudrait savoir sur

27 quelle période ça tombe précisément; est-ce qu'on parle de l'année '43 ?

28 Q. Non, non. Ça se rapporte comme le dit le titre du livre de 1941 à 1945.

Page 3267

1 Je pense que vous avez lu ce livre, n'est-ce pas ?

2 R. C'est l'un des livres mais il fait plusieurs centaines de pages et

3 plusieurs années après je ne me souviens pas précisément de tous les

4 détails.

5 Q. Ceci est l'avant-propos de ce livre où Antun Miletic fait un résumé du

6 chiffre ou de la somme des victimes.

7 R. On parle là -- quand on parle des 10 000 victimes, on parle de la

8 période donc de janvier, février 1943. Il y a eu d'autres massacres.

9 Q. Monsieur Tomic --

10 R. -- et 1944, au moins, il y a eu d'autres victimes. Je pense que c'est

11 un chiffre qui concerne uniquement la période de janvier et peut-être

12 qu'ils ont --

13 Q. -- y a-t-il eu d'autres victimes. Où ? Vous mentez délibérément,

14 Monsieur Tomic, n'est-ce pas, parce que vous voulez présenter le Mouvement

15 chetnik comme un mouvement génocidaire.

16 R. Je mets d'ailleurs dans mon rapport que le nombre de victimes

17 perpétrées par les Chetniks était bien inférieur au nombre de victimes donc

18 du régime oustachi. J'ai bien fait la part des choses, me semble-t-il.

19 Q. Mais est-ce que vous voyez partant des extraits précédents qu'Antun

20 Miletic parle des victimes musulmanes du fait des massacres oustachi ou des

21 Musulmans communistes et autres Musulmans ? Ce chiffre ne montre pas

22 seulement les victimes musulmanes qui sont tombées de la main des Chetniks,

23 mais des Partisans, des Oustachi et tous les autres qui exécutaient des

24 civils, y compris les Allemands. Est-ce que cela est bien ce qui découle de

25 tout ce texte ?

26 R. Non, je ne dirais pas la totalité. Je préfèrerais me prononcer sur la

27 totalité de l'introduction. Ce que je peux dire c'est que Tomasevic, comme

28 d'autres, sont arrivés donc en se basant tout simplement sur les rapports

Page 3268

1 fournis par Pavle Djurisic, on arrive à un chiffre autour de 10 000 pour

2 les opérations donc de janvier, février 1943.

3 Q. Vous l'inventez, cela, parce que vous êtes un faux témoin, n'est-ce pas

4 ?

5 R. Je ne pense pas, non.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, qu'est-ce qui vous permet de dire

7 que c'est un faux témoin ? C'est facile de dire que c'est un faux témoin.

8 Quelle raison ? Sur la question des 10 000, il donne une explication qui

9 vous satisfait ou qui ne vous satisfait pas, mais ce n'est pas pourtant que

10 c'est un faux témoin.

11 LE TÉMOIN : D'autant plus que là, il s'agit, on mentionne une liste et on a

12 réussi à donner des noms, en fait, aux victimes.

13 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, vous m'avez posé une

14 question, et si vous voulez que je réponde, je vais répondre, mais ne le

15 prenez pas sur mon temps. Ce témoin, à l'occasion de l'interrogatoire

16 principal, ainsi que dans son étude, s'est référé à ce livre : "Génocide à

17 l'encontre des Musulmans." Alors, compte tenu de ce titre, vous pouvez voir

18 qu'il s'agit là d'une utilisation politique de ce terme de génocide. Parce

19 que cela ne correspond pas à la définition du génocide qui est celle de la

20 convention relative au génocide, parce que là on a tué au total 9 435

21 Musulmans par rapport à la masse de deux millions de Musulmans, on ne peut

22 pas parler d'un génocide, mais le fait que des Musulmans étaient tués est

23 exact. Le détachement chetnik de Pavel Djurisic a tué des Musulmans, je ne

24 le conteste pas, mais je conteste le fait que cela a eu à voir avec Draza

25 Mihajlovic et avec la politique générale du Mouvement de la Ravna Gora.

26 C'est l'explication que j'apporte si vous la voulez.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, qu'est-ce que vous dites à ce qui vient

28 d'être dit ?

Page 3269

1 LE TÉMOIN : Dans les recueils d'archives existants, ils existent, puisque-

2 là il s'agit donc d'opérations qui ont été faites sur des ordres donnés, et

3 dans les recueils qui ont été publiés en tout cas en Yougoslavie, il y a

4 donc également des ordres donc qui ont été donnés début janvier 1943

5 concernant ces opérations. Ensuite donc, cette unité, donc son commandement

6 de Pavel Djurisic, était intégrée à l'armée de -- à l'armée, pardon,

7 yougoslave dans la patrie, et le commandement du Mouvement de la Ravna

8 Gora, donc le commandement de l'armée yougoslave dans la patrie à cette

9 époque-là se trouve au Monténégro. Entre le printemps 1942 et le printemps

10 1943, le commandement est donc situé dans les environs de Kolasin, et donc

11 cette unité opère justement dans les environs de Kolasin. C'est une

12 proximité géographique entre le commandement et cette unité.

13 M. SESELJ : [interprétation]

14 Q. Monsieur Tomic, savez-vous quelle est la distance entre Kolasin et Foca

15 ?

16 R. Précisément, mais on n'est pas très loin, même si on est dans un

17 environnement montagneux.

18 Q. Est-ce que vous savez que c'est une région assez accidentée, parce

19 qu'il faut, de Foca à Kolasin, presque toute une journée ? Le saviez-vous,

20 cela ?

21 R. On a fait un paysage montagneux, et donc les axes de communication ne

22 sont peut-être pas nombreux. Je n'ai pas eu l'occasion de parcourir. Mais

23 cela dit, on n'est pas si éloigné d'un point de l'autre.

24 Q. Savez-vous que ce Mouvement de la Ravna Gora de Draza Mihajlovic avait

25 une politique d'entente fraternelle entre les Serbes orthodoxes, les Serbes

26 musulmans et les Serbes catholiques ?

27 R. Draza Mihajlovic s'est adressé pendant la guerre, mais pas au tout

28 début, en tout cas pas en 1945 et 1942. Il s'est adressé, effectivement,

Page 3270

1 aux Musulmans ou aux Croates. Mais il est clair quand on regarde tous les

2 documents, que ce soit les articles qui paraissent dans la presse des

3 différentes unités du Mouvement de la Ravna Gora, notamment dans le journal

4 qui porte le titre "Ravna Gora," que l'idée est de constituer donc une

5 unité serbe, donc une Grande-Serbie dans une Grande-Yougoslavie en chassant

6 tous les non-Serbes. Ensuite, comme le Mouvement de la Ravna Gora se trouve

7 dans une situation difficile, donc dans un contexte de guerre civile, ils

8 ne pouvaient pas se permettre d'avoir à dos toutes les populations non-

9 serbes, d'où les tentatives effectivement d'approcher les Croates et les

10 Musulmans, dans la mesure où les Partisans communistes, eux, arrivaient

11 justement à les attirer dans leur rang.

12 Donc je dirais que c'est plus une orientation qui a été prise contre

13 la force des choses, pas seulement aux difficultés que rencontrait le

14 Mouvement chetnik plutôt qu'une réelle volonté d'associer l'ensemble des

15 Musulmans et l'ensemble des Croates au Mouvement de la Ravna Gora.

16 Q. Savez-vous que le vice-président de ce comité national à Draza était un

17 chef musulman, Mustafa Mulalic ?

18 R. -- deux personnes donc, celui vous venez de -- la personne que vous

19 venez de mentionner, également Ismet Popovac [phon] donc qui étaient deux

20 Musulmans qui participaient au Mouvement de la Ravna Gora. Mais cela dit,

21 c'était une représentation assez marginale dont la plupart -- bon, les

22 Musulmans n'étaient pas si nombreux que ça dans les rangs de l'armée

23 yougoslave dans la patrie.

24 Q. A votre avis, combien étaient-ils ?

25 R. Quelque millier d'hommes, je dirais. On suppose que potentiellement il

26 y avait 360 000 hommes mobilisables donc dans les rangs de l'armée

27 yougoslave dans la patrie, mais, de fait, on estimait les forces

28 combattantes réelles donc qui disposaient d'armes à un chiffre bien

Page 3271

1 inférieur, de l'ordre de 30 000 à 40 000. Donc je ne pense pas que tout au

2 plus il y a eu quelque millier de combattants musulmans, mais ils étaient

3 très, très nombreux par rapport au gros des troupes de cette armée.

4 Q. Avez-vous entendu parler d'un commandant chetnik, Zvonko Vuckovic, qui

5 était Catholique ?

6 R. Ce nom me dit quelque chose, mais je ne connais pas -- je ne pourrais

7 pas répondre précisément.

8 Q. Vous ne saviez pas que c'était l'un des plus proches collaborateurs de

9 Draza Mihajlovic ?

10 R. C'est un nom, effectivement, que j'ai rencontré, mais je ne pourrais

11 pas, disons, donner plus d'éléments sur sa biographie, mais je sais,

12 effectivement, que c'est quelqu'un qui était proche du commandement.

13 Q. Vous ne savez pas que, dans l'émigration en Amérique, il a publié un

14 livre de mémoires ?

15 R. C'est possible. Je ne connais pas cet ouvrage.

16 Q. Avez-vous entendu parler d'un commandant chetnik, Nika Bartulovic,

17 originaire de Dalmatie, un Serbe de confession catholique ?

18 R. J'ai rencontré son nom, et effectivement en Dalmatie donc, où opèrent -

19 - il y a Trifunovic Barcinan. Il créé donc un comité qui va rassembler des

20 Serbes et quelques Croates d'orientation yougoslave. Donc, dans cette

21 région effectivement, il y a eu des Croates qui défendaient, disons, le

22 cadre yougoslave, le cadre politique yougoslave, qui ont participé au

23 Mouvement, disons, de la Ravna Gora.

24 Q. Saviez-vous que le Vojvoda Momcilo Djulic, dans la division des Dinara,

25 division des Chetniks, avait deux bataillons de Serbes catholiques

26 originaires du littoral ?

27 R. Je sais qu'il y avait plusieurs unités puisque son unité chetnik des

28 Dinara a été composée à partir de plusieurs unités existantes, donc des

Page 3272

1 unités qui existaient en Bosnie occidentale et dans la Lika ou le nord de

2 la Dalmatie, mais je n'ai jamais vu mention de deux bataillons qui auraient

3 été composés de serbes catholiques spécifiquement.

4 Q. Mais vous aviez voulu accepter pour vrais les faux actes communistes

5 sur les prétendus crimes commis par Djujic.

6 R. -- donc les victimes sur les documents officiels qui ont été établis

7 par la commission donc chargée d'établir en gros les crimes qui avaient été

8 commis pendant la guerre, donc notamment l'unité donc chetnik des Dinara.

9 Q. Avez-vous entendu parler d'Igor Grahovac ?

10 R. Non.

11 Q. Et bien, vous n'avez donc pas entendu parler d'Igor Grahovac. C'est un

12 historien croate qui a établi et publié en Croatie, à Zagreb même, que

13 pendant la Deuxième Guerre mondiale, sur les Chetniks, il y a eu 2 905

14 Croates de tués parmi les Chetniks. Il y avait les Oustachi, qui sont

15 tombés au combat, des Domobrani, des civils. Donc, Croates en tout et pour

16 tout, 2 905 auraient été tués par des Chetniks. Le saviez-vous, cela ?

17 R. -- pas ses travaux. Ce que je peux dire c'est que l'unité chetnik des

18 Dinara était située donc dans une région où les Oustachi n'entraient pas,

19 donc dans la mesure également où ils étaient appuyés par les Italiens qui

20 auraient fait en sorte que justement les Croates, les forces armées

21 croates, disons, ne pénètrent pas dans ce territoire. Et donc, les actions

22 principales de cette unité ont été orientées contre les forces des

23 partisans communistes, et le nombre de victimes qui a été établi, en fait,

24 cela fait référence donc à des combats qui ont été menés donc contre les

25 forces des partisans, et donc il s'agit notamment d'attaques de villages

26 qui avaient abrité des partisans communistes, notamment en Bosnie

27 occidentale. Donc, il n'y a pas eu de fait un affrontement direct entre

28 cette unité et la population croate dans la mesure où ils étaient dans un

Page 3273

1 territoire "libre" avec un appui italien, au moins jusqu'en septembre 1943.

2 Q. Connaissez-vous un crime de masse commis par les Chetniks contre les

3 civils croates ?

4 R. Bien, disons qu'il y a eu des combats en Bosnie-Herzégovine, la Bosnie

5 faisant partie à l'époque donc de l'Etat croate indépendant. Donc, il y a

6 eu des victimes croates surtout en Bosnie-Herzégovine et pas en Croatie à

7 proprement parler.

8 Mme LE JUGE LATTANZI : Des victimes combattantes ?

9 LE TÉMOIN : Mais combattantes et moins combattantes, on va dire. On a bien

10 vu que, dans ce contexte de guerre civile, il arrive que des civils soient

11 la cible de chacune des armées.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : La question était précise. Est-ce que vous avez eu

13 connaissance d'un crime de masse, quelque chose qui aurait frappé l'opinion

14 à l'époque ?

15 LE TÉMOIN : Concernant les Croates, je ne me souviens pas, non, je n'ai pas

16 -- c'est une dimension que j'ai moins peut-être étudiée.

17 M. SESELJ : [interprétation]

18 Q. Mais vous avez su condamner en bloc les Chetniks en disant qu'ils

19 voulaient procéder à un nettoyage ethnique des Musulmans vivant sur les

20 territoires où ils vivaient. Ici apparemment, vous avez aussi traité de

21 certains de mes discours et de mes écrits. Vous en citez quelques-uns. Est-

22 il exact que, de programme en programme et dans nombre de mes allocutions

23 en public, on répète sans cesse que mon but, comme vous le dites dans la

24 page 7 de votre rapport, est la réalisation d'un objectif économique,

25 culturel, politique, historique et spirituel allant dans le sens de l'unité

26 ainsi que la solidarité, l'entente entre les Serbes orthodoxes, les Serbes

27 musulmans, les Serbes catholiques et les Serbes protestants.

28 Est-ce que ce sont des choses que l'on retrouve très souvent dans mes

Page 3274

1 écrits et dans les documents programmatiques du Parti radical serbe et du

2 Mouvement chetnik ?

3 R. Ça a été souvent répété, mais c'est une -- bien, les Serbes protestants

4 sont très peu nombreux, les Musulmans -- les Slaves musulmans - les Slaves

5 musulmans à se déclarer serbes sont également très peu nombreux.

6 Puisqu'on avait en 1948, donc à une époque où la nation musulmane

7 n'existait pas, à peu près 70 000 Slaves musulmans qui s'étaient déclarés

8 serbes, donc on a affaire là à une population tout à fait réduite, et les

9 Serbes catholiques sont aussi très peu nombreux. Donc, mettre en avant cet

10 aspect de solidarité, pourquoi pas. Mais de fait, les Serbes catholiques ou

11 les Serbes musulmans, les personnes disons à se définir tel quel, ne sont

12 pas aussi importantes numériquement.

13 Q. Mais n'est-il pas évident, cela ne ressort-il pas de mes prises de

14 parole publiques que sur le principe, la façon dont quelqu'un se déclare ne

15 m'intéresse pas énormément, que je considère tous les Stokaviens

16 catholiques comme étant des Croates et que je considère tous les Stokaviens

17 orthodoxes comme étant Serbes ?

18 R. [chevauchement]

19 Q. Mais comment est-ce que je pourrais m'engager en faveur de l'expulsion

20 de personnes que je considère comme étant des Serbes qui ont une autre

21 religion ? Vous avez évoqué mes discours lors de ma tournée aux Etats-Unis.

22 Vous avez dit que ces discours étaient nationalistes, n'est-ce pas ?

23 R. [chevauchement]

24 Q. Vous avez dit que je suis allé aux Etats-Unis dans le cadre de

25 l'organisation du Vojvoda Djujic, organisation chetnik, mais vous ne savez

26 pas que l'organisateur officiel de ma tournée était l'Académie nationale

27 serbe Vukovic Karadzic de Plymouth.

28 R. Je ne connais pas, oui.

Page 3275

1 Q. Savez-vous que j'ai reçu le visa américain, un visa a entrées multiples

2 valable une année avec un nombre indéterminé d'entrées et de sorties des

3 Etats-Unis ?

4 R. Je sais que vous avez séjourné plusieurs mois donc aux Etats-Unis et

5 que vous vous y êtes rendu à plusieurs reprises, à partir du moment où on a

6 pu donc vous autoriser donc à posséder un passeport, puisque c'est après

7 donc '86 seulement que vous obtenez un passeport.

8 Q. Savez-vous que le maire de Cleveland, George Vojinovic, actuellement

9 sénateur, m'a décerné une médaille officielle pour réalisation dans le

10 domaine des droits de l'homme et de l'anticommunisme ?

11 R. -- l'Accusation, à l'époque vous étiez donc présenté comme dissident du

12 régime communisme, de nombreuses associations de défense des droits de

13 l'homme en Europe et aux Etats-Unis, donc vous avez défendu au moment donc

14 du procès de 1984. Donc cette démarche n'est pas en contradiction avec tous

15 ces éléments-là.

16 Q. On constate que mes opinions idéologiques étaient les mêmes

17 qu'aujourd'hui, sauf qu'aujourd'hui elles sont un peu plus développées,

18 n'est-ce pas ?

19 R. Je dois dire pendant la première moitié des années 80, vos idées

20 n'étaient pas développées de la même façon qu'à la fin des années 80. Il a

21 une évolution et une systématisation et un approfondissement, disons, de

22 vos écrits sur la question nationale serbe.

23 Q. Mais quand on parle de la fin des années 80, cela signifie 1989, c'est-

24 à-dire l'année de ma tournée aux Etats-Unis.

25 R. Eté 1989 et plus particulièrement l'année 89, puisque là donc lors des

26 conférences que vous teniez aux Etats-Unis, vous exposiez en fait un

27 programme politique pour la Serbie et au-delà pour le peuple serbe de

28 Yougoslavie, vivant en Yougoslavie.

Page 3276

1 Q. Savez-vous qu'à l'époque de ma visite au sénat, la mairie de Cleveland

2 a fait flotter le drapeau américain sur sa façade et qu'ensuite j'ai reçu

3 une décoration officielle ?

4 R. [chevauchement]

5 Q. Savez-vous qu'à Washington, j'ai été reçu par le ministre chargé des

6 anciens combattants, Edward Darwinski, à l'époque.

7 R. [chevauchement]

8 Q. Savez-vous que j'ai été reçu au "State Department" ?

9 R. [chevauchement]

10 Q. Savez-vous qu'un groupe de sénateurs également et de membres de la

11 chambre des représentants m'a reçu au congrès.

12 R. [chevauchement]

13 Q. Vous ne le savez pas. Donc mon idéologie n'était pas contestable pour

14 les autorités américaines tant que je combattais le communisme. Elle est

15 devenue contestable, lorsque je me suis opposé à la politique menée par les

16 Etats-Unis dans les Balkans; c'est bien cela ?

17 R. Pratique de lobby, qu'il est parfois facile, disons, de rencontrer des

18 sénateurs, des élus du congrès, notamment à partir du moment où il y a des

19 élus d'origine serbe qui peuvent faciliter les rencontres, ça ne veut pas

20 dire pour autant qu'il y a une approbation de la part du pouvoir officiel.

21 Sinon, il est possible, c'est une pratique qui a été étudiée, je dirais,

22 par des sociologues ou autres chercheurs en pratique de lobbying aux Etats-

23 Unis.

24 Q. Je n'ai pas dit qu'ils étaient d'accord avec mon idéologie, mais je

25 n'étais pas une personnalité contestable en raison de mon idéologie. Quelle

26 que soit la personnalité indépendamment des lobbys, toute personne ne peut

27 pas accéder à la Chambre des représentants, au sénat ou par d'autres

28 institutions officielles.

Page 3277

1 R. Dans cette institution, il est facile d'approcher des élus, en tout

2 cas, quand on défend des causes qu'elles soient politiques ou non

3 politiques, ça s'est une [inaudible]

4 Q. Savez-vous que le président américain Truman a décerné au général Draza

5 Mihajlovic une des plus grandes décorations de l'époque.

6 R. [chevauchement]

7 Q. Savez-vous que cette décoration n'a été remise qu'il y a deux ans à la

8 fille de Draza Mihajlovic, Gordana ?

9 R. J'en ai entendu parler, effectivement.

10 Q. Est-ce qu'un président américain, est-ce que le président Truman aurait

11 décoré un criminel de guerre selon la façon dont les communistes

12 présentaient Draza Mihajlovic ?

13 R. Les Américains n'avaient pas la même politique vis-à-vis du mouvement

14 de la Ravna Gora. En tout cas, il n'avait pas du tout adopté les mêmes

15 positions que la Grande-Bretagne. Il a fini par abandonner ce mouvement

16 donc en 1943. Mais c'est un fait donc que Draza Mihajlovic a été décoré

17 après la Deuxième Guerre mondiale.

18 Q. Dans votre rapport d'expert, vous avez menti en disant que Vojvoda

19 Djujic m'avait enlevé le titre de Vojvoda, et vous n'avez eu sous les yeux

20 aucun document vous permettant de fonder une telle affirmation, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Il y a un article qui a paru dans le quotidien Vecernje Novosti. Il m'a

23 semblé crédible.

24 Q. Ce qui veut dire que si tout ce qui a été dit à mon sujet dans les

25 journaux était considéré comme vrai, je serais pire qu'Hitler, n'est-ce pas

26 ?

27 R. Je ne m'exprimerais pas de cette sorte, de la sorte. Mais ça m'a semblé

28 crédible à partir du moment où le Vojvoda Momcilo Djujic avait montré son

Page 3278

1 mécontentement.

2 Q. Savez-vous pourquoi on en est arrivé à une dissension entre moi et

3 Djujic ? Pas à cause d'une coopération avec les socialistes, comme vous le

4 dites, mais connaissez-vous le vrai motif ?

5 R. Il m'a semblé que c'était -- qu'il s'agissait donc d'un différend à

6 propos de la monarchie et la coopération avec les anciens communistes

7 serbes au pouvoir.

8 Q. Vous est-il arrivé de trouver un texte de moi ou une allocution de moi

9 dans lequel ou laquelle j'aurais parlé positivement de la monarchie comme

10 aspect de gouvernement ? Vous n'auriez pu éventuellement trouver qu'une

11 phrase de moi dans laquelle j'aurais dit que le peuple a le droit de faire

12 le choix, mais me voir vanter la valeur de la monarchie, ça vous ne l'avez

13 trouvé nulle part, n'est-ce pas ?

14 R. -- monarchique qu'il faut donc entretenir, mais ce qui ne veut pas dire

15 pour autant qu'il faille établir une monarchie en Serbie, puisque vous avez

16 laissé le choix, donc, vous avez proposé, disons, le choix aux citoyens de

17 Serbie à travers donc une organisation d'un référendum. Mais je sais que

18 vous vous êtes montré très critique vis-à-vis d'Alexandre, donc, le prince

19 héritier de la couronne, donc Aleksandar Karadjordjevic, qui ne défendait

20 pas, selon vos propos, suffisamment la cause nationale serbe qui avait

21 tendance à égaliser, selon vous, Oustachi et Chetniks. Donc j'ai trouvé

22 plusieurs déclarations qui établissaient ce point de vue.

23 Q. Ce qui est important pour moi, c'est que vous n'avez vu nulle part un

24 seul mot de ma part dans lequel j'aurais exprimé un sentiment favorable à

25 la monarchie en tant que mode de gouvernement.

26 Monsieur Tomic, vous savez sans doute que le Parti radical serbe a soutenu

27 l'idée à Belgrade de rendre Staritvo [phon] à la famille du roi et

28 favorable à son retour aussi.

Page 3279

1 R. Envisagé de votre part, mais ça ne voulait pas dire pour autant - et

2 vous avez bien limité et déclaré à l'époque qu'il ne s'agissait pas pour

3 autant d'aller vers le rétablissement de la monarchie en Serbie. On peut

4 distinguer les deux choses, c'est-à-dire autoriser la famille à récupérer

5 ses biens, c'est une chose, et rétablir la monarchie, ç'en est une autre.

6 Q. Et vous ne savez pas que ce différend entre moi-même et le Vojvoda

7 Djujic est arrivé lorsque Djujic a envoyé un Serbe des Etats-Unis à

8 Belgrade pour qu'il soit mon principal conseiller politique, Milos Prica,

9 vous ne savez pas ça, n'est-ce pas ? Vous ne savez pas que je me suis tout

10 de suite rendu compte que le Dr Milos Prica était un espion américain et

11 que je l'ai rejeté en lui refusant le titre de conseiller. Vous ne le savez

12 pas ?

13 R. -- publiée, disons par la presse, vos écrits sans --

14 Q. Mais si vous aviez lu plus attentivement mes livres vous auriez pu y

15 trouver un certain nombre de mes interviews traitant de cela, mais vous ne

16 l'avez pas fait, n'est-ce pas ?

17 Savez-vous que par la suite, le voïvode Djujic s'agissant de Prica et

18 d'autres Américains serbes, il les a envoyés comme conseillers auprès du

19 Biljana Plavsic ?

20 R. Non, je ne connais pas ces détails.

21 Q. Et vous ne savez pas que toutes ces personnes ont convaincu Mme Biljana

22 Plavsic de trahir la Republika Srpska. Vous ne savez pas cela, n'est-ce pas

23 ?

24 Biljana Plavsic se trouve aujourd'hui dans une prison en Suède condamnée

25 pour crimes de guerre et Milos Prica, son conseiller, est aujourd'hui

26 ambassadeur de Bosnie-Herzégovine auprès des Nations Unies à New York. Vous

27 ne savez pas ça non plus ?

28 R. Biljana Plavsic est en Suède, mais je ne connais pas cette personne,

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1 donc Milos Prica.

2 Q. Vous avez pu entendre une seule chose que le voïvode Djujic, dans une

3 déclaration faite pour Studio B, une chaîne de télévision à Belgrade, a

4 déclaré qu'il allait m'enlever le titre de voïvode et il m'a attaqué

5 verbalement. Quant à l'équipe de télévision, elle a été envoyée par Vuk

6 Draskovic qui était au pouvoir à Belgrade à ce moment-là. Est-ce que vous

7 savez ça ?

8 R. La chaîne de télé sous l'influence du Mouvement de Renouveau serbe de

9 Vuk Draskovic, cela dit j'ai vu des entretiens du voïvode Momcilo Djujic,

10 notamment dans l'hebdomadaire Nin de Belgrade. Il y a eu d'autres

11 entretiens da la presse qui faisaient état du différend vous opposant.

12 Q. Le voïvode Djujic sur pression exercée par les Américains était obligé

13 de s'exprimer comme il l'a fait, mais il ne m'a jamais enlevé le titre de

14 voïvode. Est-ce que vous le savez, ça ?

15 R. Je ne sais pas si une pression des Etats-Unis, mais en tout cas il a

16 exprimé à plusieurs reprises dans la presse serbe son point de vue.

17 Q. Et savez-vous qu'il n'existe aucun document officiel dans lequel ce

18 titre me serait enlevé ? Il n'existe pas. On ne peut en trouver nulle part.

19 R. Je sais qu'il y a eu une cérémonie, mais je ne pense pas effectivement

20 qu'il doit exister un document particulier, oui.

21 Q. Il n'y a pas eu non plus où que ce soit une cérémonie, n'est-ce pas ?

22 R. [inaudible]

23 Q. C'est beau. Voyez-vous le voïvode Djujic est mort à 90 ans et plus, et

24 manifestement il était en pleine santé mentale, et il était obligé de

25 satisfaire partiellement aux pressions américaines, mais il ne l'a pas fait

26 jusqu'au bout, n'est-ce pas, Monsieur Tomic ?

27 R. Je n'ai pas d'éléments de réponse à propos d'une intervention

28 américaine, d'une pression américaine, des autorités américaines sur le

Page 3281

1 Momcilo Djujic, pardon.

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux au

3 moins continuer jusqu'à 19 heures ?

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Non, parce que vous avez terminé votre temps. Alors,

5 si vous avez une dernière question vous lui posez la dernière question,

6 parce que peut-être que le Procureur aura quelques questions

7 supplémentaires. Donc, si vous avez une dernière question, posez-lui votre

8 question.

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voilà. J'aimerais bien si vous me le permettez

10 lui poser encore deux questions.

11 M. SESELJ : [interprétation]

12 Q. Premièrement, Monsieur Tomic, vous avez menti en disant que le Parti

13 socialiste m'avait soutenu officieusement en 1990 aux élections

14 législatives de Rakovica. Ceci figure en page 89 de votre rapport dans sa

15 version serbe, n'est-ce pas ? Que le Parti socialiste m'aurait soutenu

16 officieusement en me donnant accès aux principaux médias ? Ce qui signifie

17 que la situation est normale quand je n'ai aucun accès aux médias. C'est

18 seulement dans ces conditions que tout est normal, dès que j'ai accès aux

19 médias peu ou prou, ça signifie que le gouvernement me soutient; c'est bien

20 cela ?

21 R. Donc, en juin 1991, vous êtes élu député. Et à partir de ce moment-là

22 vous avez la possibilité d'intervenir largement à l'assemblée de Serbie. Et

23 vous avez d'ailleurs vous-même publié un recueil de vos interventions à

24 l'assemblée. Donc, ces propos ont pu être ensuite retransmis et diffusés

25 par les médias en Serbie.

26 Q. Monsieur Tomic, vous avez créé une confusion délibérée entre l'époque

27 où le Parti radical serbe envoyait des volontaires pour défendre les

28 villages serbes de Slavonie, avant l'entrée de la JNA dans le conflit, au

Page 3282

1 moment où je m'exposais en tant que commandant des volontaires avec

2 l'époque où la JNA est entrée dans le conflit armé, et où les volontaires

3 du Parti radical serbe étaient exclusivement placés sous le commandement de

4 la JNA. Vous avez créé une confusion délibérée entre ces deux moments dans

5 votre rapport ainsi qu'au cours de l'interrogatoire principal, n'est-ce pas

6 ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Ne répondez pas vite. Réfléchissez, parce que la

8 question est fondamentale.

9 Donc, vous avez bien compris la question et faites votre réponse parce que

10 ça sera après terminé. Et la question, je le rappelle, elle est très

11 importante. Donc la réponse va être à la hauteur de la question. Alors,

12 allez-y.

13 LE TÉMOIN : D'après donc mon travail de recherche, ce que je constate c'est

14 qu'au départ, donc au printemps 1991 des unités paramilitaires sont

15 constituées par des partis politiques, le SNO, donc le Srpska Narodna de

16 Jovic, il y a un parti, Narodna Stranka, également qui envoie des

17 volontaires. Il y a le Mouvement chetnik-serbe, et ensuite au printemps

18 1991, le Parti radical serbe. En juillet 1991, il y a une session à

19 l'assemblée nationale de Serbie qui porte sur les questions de défense

20 nationale, une session qui a lieu à huis clos. M. Seselj, lors de cette

21 session, pose la question justement de ces unités paramilitaires dans la

22 mesure où des combattants sont déjà tombés, qu'il y a des blessés, qu'il y

23 a donc des veuves et des orphelins. Donc la question est posée à l'époque

24 sur l'intégration de ces unités paramilitaires dans la Défense territoriale

25 de Serbie, mais également des régions se situant donc en Croatie.

26 Donc, il y a deux temps à mon sens. Un premier temps où il y a un

27 envoi de volontaires effectué par des partis politiques. Chacun des partis

28 agissant à sa propre façon, et ensuite à partir de l'été et au-delà de

Page 3283

1 l'été, puisqu'on est en juillet 1991, il va y avoir une réorganisation de

2 cet envoi de volontaires et ces unités donc paramilitaires seront ensuite

3 intégrées dans la Défense territoriale, donc liée à l'armée populaire

4 yougoslave.

5 Ces débats donc figurent dans l'ouvrage concernant justement les

6 interventions de M. Seselj à l'assemblée de Serbie.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux encore poser une question

9 complémentaire ?

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Complémentaire à sa réponse et on arrêtera.

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui, oui.

12 M. SESELJ : [interprétation]

13 Q. Est-ce qu'après le mois d'août 1991, vous pouvez citer ne serait-ce

14 qu'un seul cas montrant que les volontaires du Parti radical serbe sont

15 allés sur le front en dépit de la présence de l'armée yougoslave, de la

16 JNA, le mai 1992, la JNA a dû se retirer de Bosnie-Herzégovine sous la

17 pression internationale. Mais est-ce que dans la période en question vous

18 auriez un seul exemple montrant que nous avons envoyé des volontaires sans

19 la JNA ?

20 R. -- phase que j'ai mentionnée tout à l'heure, d'après tout ce que j'ai

21 pu lire, mais je ne suis pas un spécialiste des questions militaires, en

22 tout cas si on suit les propos, les déclarations, les documents du parti,

23 il est fait allusion uniquement à l'engagement des volontaires du Parti

24 radical serbe dans les rangs de la Défense territoriale, donc il y a

25 l'armée populaire yougoslave.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. De toute façon, cette question sera réabordée

27 avec l'expert qui viendra la semaine prochaine.

28 L'Accusation a-t-elle des questions supplémentaires.

Page 3284

1 Mme BIERSAY : [interprétation] Nous en terminons de la déposition de M.

2 Tomic, nous n'avons pas de question à poser. Nous demandons le versement au

3 dossier des pièces qui, pour l'instant, ont reçu uniquement une cote aux

4 fins d'identification, et notamment de son rapport.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

6 Alors, Monsieur Tomic, je vous remercie au nom de mes collègues

7 d'être venu à La Haye pendant quasiment deux semaines. Donc je vous

8 souhaite un bon retour dans votre pays et dans vos activités.

9 LE TÉMOIN : Je vous remercie.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Hier, Monsieur le Juge, vous m'avez fait

13 connaître votre décision selon laquelle vous acceptez de verser au dossier

14 le rapport du témoin Oberschall; dans cette décision, il est dit que je ne

15 me suis pas opposé à ce versement au dossier. Je m'y suis opposé par mes

16 réponses antérieures, et par ce que j'ai dit durant le contre-

17 interrogatoire. Afin de ne pas créer la moindre confusion maintenant, je

18 tiens à vous dire que je m'oppose entièrement au versement au dossier du

19 rapport du témoin Tomic pour cause d'incompétence, d'absence d'objectivité

20 et de grande partialité.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre délibérera, mais il faut qu'on

22 donne un numéro provisoire pour le rapport.

23 Monsieur le Greffier, un numéro pour ce rapport.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Le rapport d'expert de M. Tomic

25 recevra une cote aux fins d'identification MFI P163.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

27 Demain nous aurons un témoin dont je ne dis pas le nom parce qu'il fait

28 l'objet de mesures de protection, c'est le 004. Ce témoin qui fait l'objet

Page 3285

1 donc de mesures de protection, la Chambre a décidé de donner à l'Accusation

2 quatre heures pour l'interrogatoire principal, et à M. Seselj, quatre

3 heures. Ce qui fait qu'en principe demain il y aura l'interrogatoire

4 principal, et lundi -- pas lundi, mardi il y aura le contre-interrogatoire.

5 Voilà le planning pour le Témoin 004.

6 Il est donc 19 heures. Je remercie donc toutes les personnes présentes et

7 je vous invite à revenir pour l'audience qui débutera demain, 8 heures 30,

8 8 heures 30.

9 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le jeudi 7 février

10 2008, à 8 heures 30.

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