Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 5 mars 2008

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 49.

5 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

7 l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-03-67-T, le

9 Procureur contre Vojislav Seselj.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur le Greffier. En ce mercredi,

11 je salue les représentants de l'Accusation, je salue

12 M. Seselj, ainsi que toutes les personnes qui nous assistent.

13 Nous devons aujourd'hui continuer l'interrogatoire principal. Je

14 crois que l'Accusation a environ 35 minutes encore pour son interrogatoire

15 principal.

16 Je n'oublie pas également de saluer Monsieur le Témoin qui est donc à

17 la disposition de la Chambre.

18 Je donne la parole à M. le Procureur.

19 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Monsieur le Président, si je me souviens

20 bien, il reste 37 minutes, mais enfin ce n'est pas très important.

21 LE TÉMOIN : MLADEN KULIC [Reprise]

22 [Le témoin répond par l'interprète]

23 Interrogatoire principal par M. Mussemeyer : [Suite]

24 Q. [interprétation] Monsieur Kulic, avant que je ne commence mes

25 questions, je voudrais vous demander d'être aussi précis et concentre que

26 possible. Il ne nous reste que 37 minutes, et je dois passer encore en

27 revue des questions très importantes avec vous.

28 R. Tout à fait.

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1 Q. Hier, nous avons parlé de la disparition de quatre jeunes Croates et

2 vous nous avez expliqué comment vous aviez vécu la chose. Pouvez-vous nous

3 dire à qui étaient subordonnés ces jeunes Croates qui travaillaient dans

4 une brigade de travail ?

5 R. Ils étaient mis à la disposition du commandement local. Ça s'appelait

6 le commandement de la localité, c'était un service civil qui s'est chargé

7 de la logistique dans l'agglomération même de Vocin, qui approvisionnait la

8 cuisine, les premiers secours, la police, et cetera. Donc, ils

9 travaillaient dans l'entrepôt, ce sont les autorités civiles qui ont engagé

10 ces quatre jeunes hommes.

11 Q. Vous souvenez-vous où ont fini ces quatre jeunes Croates ?

12 R. Madame, Monsieur le Juge, j'ai raconté hier comment j'ai rencontré ce

13 problème, en fait, lorsqu'il s'est agi d'organiser mon départ de Vocin à

14 Banja Luka le 8 au soir. Le 8 décembre 1991, au soir, et plus tard, je

15 devais partir à Belgrade, je suis donc tombé sur un groupe de femmes en

16 pleur, et lorsque j'ai demandé quelle en était la raison, elles m'ont dit

17 qu'elles n'avaient pas retrouvé leurs enfants à la maison. A ce moment-là,

18 elles m'ont dit que c'était quatre jeunes hommes qui avaient travaillé à

19 l'entrepôt et qui ne sont pas rentrés chez eux à l'heure habituelle et

20 comme la nuit était déjà tombée.

21 Je suis parti au commandement auprès de M. Bojicic, le commandant des

22 militaires et de la Défense territoriale, et je lui ai demandé de chercher,

23 à savoir où étaient ces jeunes hommes, je pense qu'ils avaient 17 et 18 ans

24 à l'époque.

25 J'ai quitté Vocin, sans savoir ce qui s'est passé par la suite, et ce

26 n'est qu'a posteriori que les gens, qui avaient quitté cette région,

27 m'avaient appris que les jeunes hommes en question avaient été retrouvés

28 inhumés aux abords de Vocin, par rapport à la route Slatina-Vocin. Donc,

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1 avant que l'on rentre dans Vocin même, dans un pré.

2 Q. Savez-vous qui les a tués ?

3 R. A en juger d'après les éléments d'information qui m'ont été transmis

4 par la population, c'est-à-dire plutôt par des personnes qui travaillaient

5 dans cet entrepôt même, Todorovic, en fait, c'est par hasard purement que

6 j'ai appris des choses là-dessus de leur bouche de ces personnes, en fait,

7 c'est d'une manière un peu étrange qu'on les a envoyé au village de Balinci

8 pour prendre en charge des munitions. C'est ce qu'ils m'ont dit.

9 En principe, ils n'étaient pas formés pour faire cela et normalement ils ne

10 faisaient pas cela, et ils n'auraient pas dû approcher les positions

11 militaires, et encore moins, être affectés à l'unité militaire du village

12 de Balinci, et dans ce village il y avait des volontaires.

13 Et d'après ce qu'on m'a dit et d'après que j'en pense à présent, ces jeunes

14 hommes lorsqu'ils étaient de retour, ils ont été tués par ces volontaires

15 et ils ont été inhumés à cet endroit.

16 Q. Quels volontaires ? Pouvez-vous être un peu plus précis ?

17 R. J pense là aux volontaires du Parti radical serbe qui à ce moment-là

18 étaient engagés à Vocin. Je ne peux pas vous préciser le groupe pas plus

19 que le commandant parce que c'est de manière indirecte et plus tard que

20 j'ai appris ces informations de la bouche des habitants de Vocin qui

21 étaient des réfugiés.

22 Q. Merci, je vous prie. Hier, vous nous avez dit que vous aviez dit à

23 Rajko Bojicic que, si on ne trouvait pas ces jeunes Croates, vous le

24 tiendrez irresponsable et vous signaleriez la chose. Est-ce que vous l'avez

25 fait et à qui avez-vous fait cet éventuel rapport ?

26 R. Oui, j'en ai rendu compte, Monsieur le Président. Le lendemain, j'ai

27 fait rapport au commandement du Corps de Banja Luka, auprès du colonel

28 Vukovic, qui était l'assistant du commandant chargé des affaires politiques

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1 à ce moment-là. En fait, ce que j'ai fait plus tard, lorsque j'ai reçu

2 l'information je suis allé voir le commandant Djordjevic qui était

3 procureur militaire de Banja Luka. Donc, ça, je l'ai fait un peu plus tard.

4 Q. Est-ce que ce rapport a eu des conséquences quelles qu'elles soient

5 pour Rajko Bojicic ?

6 R. Non, pas pour autant que je le sache car l'année d'après, donc en 1992,

7 Bojicic, je l'ai retrouvé dans le secteur de Pakrac, et là, il était membre

8 de la Défense territoriale faisant partie de l'armée populaire yougoslave.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous arrête parce que vous avez dit quelque chose

10 qui me paraît important pour la mort de ces quatre jeunes garçons. Vous

11 dites que vous avez rencontré le procureur militaire, Djordjevic, à Banja

12 Luka et vous lui avez parlé de cette affaire. Alors qu'est-ce qu'il vous a

13 dit le procureur militaire ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le procureur militaire,

15 dans le cadre d'une conversation informelle, car il a fallu que j'aille le

16 trouver, je ne l'ai trouvé dans son bureau. Lorsque je l'ai trouvé, comme

17 j'étais moi-même aussi un officier, il m'a répondu en disant qu'il lui

18 fallait des informations adéquates. On s'est mis d'accord sur le fait que

19 j'allais me rendre auprès de lui officiellement pour déposer cette plainte

20 parce que, là, il n'était pas au travail. Et nous parlons de l'année 1992,

21 donc, c'était à peu près deux mois après l'événement qui s'était produit.

22 J'ai demandé voir le commandant Djordjevic pour lui remettre

23 officiellement cette demande, mais, en fait, je ne l'ai plus retrouvé lui

24 en personne. Il n'était plus à ce poste quand je suis revenu. C'était peut-

25 être dix jours plus tard. Donc, officiellement, je n'ai pas signé de

26 plainte -- de dépôt de plainte dont je vous parle, mais j'ai informé un

27 certain nombre de personnes, enfin, des organes officiels de cela, à la

28 fois le procureur et l'assistant du commandant chargé des affaires

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1 politiques dans ce Corps de Banja Luka.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, vous le savez puisque vous êtes, vous étiez

3 officier de réserve, vous savez que le procureur militaire, il est

4 compétent pour des crimes commis par des militaires sur des civils, et

5 donc, le procureur militaire pouvait être compétent. Vous allez le voir, il

6 n'est pas là, mais il devait avoir un adjoint, ou était-il seul procureur

7 militaire à Banja Luka ? Il n'y avait pas un autre collègue que lui ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à partir du 22 décembre

9 jusqu'à peu près la fin du mois de février 1992, j'ai eu l'occasion de

10 travailler avec l'assistant du commandant du Corps de Banja Luka, le

11 général Vukovic avec l'officier chargé de la sécurité. C'était le colonel

12 Stevilovic, il est décédé aujourd'hui. Il était responsable de toutes les

13 questions qui relevaient de la sécurité dans la zone du corps d'armée,

14 s'agissant des militaires.

15 Puisque M. Stevilovic, sur ordre du commandant Vukovic a dû organiser

16 des organes civils, j'ai souvent été en contact avec le colonel Stevilovic

17 et je lui ai fait part des choses, de la situation. Je lui ai dit que je

18 devais aller voir le commandant Djordjevic pour déposer une plainte, qu'il

19 m'a demandé de venir. Et il m'a dit : "Oui, oui, on va arranger ça."

20 Et puis après plusieurs tentatives de le faire, je ne l'ai pas fait.

21 Je reconnais que peut-être je n'ai pas fait preuve suffisamment de

22 responsabilité. Je n'ai pas suffisamment insisté, mais, vous comprenez, je

23 n'étais pas à Banja Luka même, j'étais à 60, 70 kilomètres. J'étais à

24 Okucani, et Banja Luka, c'était une zone complètement différente. Donc, sur

25 le plan du temps -- sur le plan de l'espace, il y avait une telle distance,

26 que ça m'a empêché de m'acquitter de cette obligation à la fois morale et

27 citoyenne, militaire, bien sûr.

28 Mais j'ai informé les instances, les organes compétents, et j'ai été

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1 étonné de voir qu'il n'y avait pas de plainte formelle demandant qu'on

2 diligente une enquête. S'agissant du capitaine Bojicic, au sein du corps

3 d'armée, il a continué de s'acquitter de ses missions, enfin, je n'étais

4 pas proche de lui, mais il m'est arrivé de le croiser. Je ne suis pas un

5 policier tout de même.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous allez voir le colonel Stevilovic,

7 vous lui dites que vous a été voir le procureur militaire, lui, il peut

8 penser que c'est le procureur militaire qui est compétent maintenant, et

9 que lui n'a plus à faire d'enquête, il n'a qu'à attendre ce que va lui

10 dire, ce que le procureur militaire a décidé. Normalement, le procureur

11 militaire aurait dû saisir le juge d'instruction militaire pour faire

12 l'enquête. Donc, votre colonel Stevilovic peut estimer que, dans la mesure

13 où le procureur militaire est informé, il n'a plus lui à faire quoi que ce

14 soit.

15 Si, vous, vous ne faites plus rien non plus, l'affaire, elle reste en

16 l'état. Vous aviez réfléchi à cela ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, les événements qui se

18 sont produits après la disparition de ces quatre jeunes hommes, c'était

19 encore plus atroce à tous les égards. D'abord, il y avait des crimes,

20 ensuite, l'exode de la population. Donc, nous, qui avons été mobilisés de

21 nouveau pour venir travailler dans ce secteur, la situation dans laquelle

22 nous nous sommes trouvés, c'est une situation de catastrophe humanitaire.

23 Tout simplement, je n'avais plus le temps de me poser la question là-

24 dessus, et puis après ces événements, j'ai essayé de voir ce qui avait été

25 fait, et ce qui avait été fait entre-temps. Mais je n'ai pas obtenu de

26 réponse.

27 Je dois vous dire que, sur le plan politique, sur le plan de la

28 sécurité, la situation qui s'est créée sur le terrain était telle que ce

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1 n'était pas vraiment recommandé de trop en parler.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci pour ces réponses.

3 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

4 Q. Quand vous avez quitté Banja Luka, où êtes-vous allé ?

5 R. Monsieur le Président, je l'ai déjà dit hier. Après l'exode de mon

6 peuple de ce secteur en Slavonie occidentale, j'ai mobilisé de nouveau.

7 J'ai été affecté au camp de Banja Luka. Le 22 décembre, je devais entrer en

8 fonction au commandement du poste d'Okucani et c'est ce que j'ai fait.

9 Donc, le 22 décembre, je me suis rendu à Okucani.

10 Q. Vous étiez à Banja Luka, est-ce que vous avez fait votre rapport au

11 procureur, et cetera, et hier, vous nous aviez dit que vous aviez

12 l'intention d'aller à Belgrade ensuite. Est-ce que vous êtes allé à

13 Belgrade ?

14 R. Oui. Madame, Messieurs les Juges, le 9, donc, le lendemain, je suis

15 parti pour Belgrade pour me rendre auprès de ma famille, et c'est là que je

16 me suis trouvé au moment de l'exode. C'est là que j'ai appris que les

17 peuples, les militaires, qu'ils s'étaient tous retirés.

18 Q. A ce moment-là, est-ce que vous êtes allé au QG du SRS, et si c'est le

19 cas, qui avez-vous rencontré ?

20 R. Non, je ne suis jamais allé au siège du SRS. Je suis allé au bureau de

21 la SAO de la Slavonie occidentale - j'en ai parlé hier - et dans ce bureau,

22 j'ai appris que tous les gens et les militaires qui s'étaient tous retirés

23 de la municipalité de Podravska Slatina, et même avant, j'étais présent au

24 moment où les gens étaient partie de Grubisno Polje et Daruvar.

25 Q. Est-ce que vous êtes allé non pas au QG mais à l'état-major de guerre

26 du SRS ?

27 R. Non, pas au QG de guerre du SRS. Je me suis rendu en fait complètement

28 par hasard en 1992. Mais, à ce moment-là, j'étais déjà officier et membre

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1 du commandement de la localité d'Okucani et j'y suis allé parce qu'un de

2 mes collègues, un capitaine, officier d'active, devait y aller sur mission,

3 et moi, c'était complètement par hasard et je n'avais pas d'objectif

4 particulier. Ce n'était pas non plus dans le cadre d'une mission.

5 Q. Pourriez-vous --

6 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît,

7 n'autorisez pas M. le Procureur à interrompre la déposition de témoin. Si

8 le Procureur n'aime pas la réponse, ce n'est pas une raison qui nous

9 permettrait d'interrompre le témoin.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le témoin était interrompu. Monsieur le

11 Procureur, la réponse ne cadrait pas avec l'objet de votre question, ou

12 bien, vous vouliez passer à un autre sujet.

13 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Non, je veux toujours parler de la même

14 chose, mais il me semble que le témoin ne se souvient pas, ou ne comprend

15 pas bien la question que je voulais lui poser. Donc, moi, je voulais lui

16 demander s'il n'avait jamais rencontré le chef de l'état-major de guerre du

17 SRS, Ljubisa Petkovic.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Là, il va répondre.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est la seule personne dont j'ai fait

20 connaissance officiellement, et je me souviens du nom de cette personne, je

21 l'ai vu sur un document qu'ont apporté M. Kovacic et le premier groupe de

22 volontaires quand ils sont arrivés en Slavonie occidentale, plus

23 précisément au village de Ciralije où je me trouvais.

24 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

25 Q. Quand l'avez-vous rencontré et pour quelle raison ?

26 R. Je vais le répéter, Monsieur le Président. Je viens de le dire, et

27 c'est comme ça que les choses se sont passées. Je pense que c'était fin

28 janvier ou début février 1992, et à ce moment-là, c'est avec un officier de

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1 mon commandement, M. Zarko, que je suis parti pour Belgrade. Moi, j'allais

2 me rendre auprès des miens, de ma famille, et lui, c'était un déplacement

3 officiel, il allait au Grand quartier général, et puis, je suis allé chez

4 M. Petkovic. Je ne l'aurais pas connu puisque je ne connaissais pas, et je

5 lui ai demandé : "Est-ce que vous êtes la personne qui a envoyé ce premier

6 groupe de volontaires ?" Il a dit : "Oui." Et donc, j'ai fait d'un certain

7 nombre de remarques que j'avais au sujet de l'assistance et de leur

8 comportement, et lui, il m'a écouté, il avait sa position à ce moment-là.

9 Q. Que lui avez-vous dit ? Est-ce que vous êtes plaint, ou est-ce que vous

10 avez changé les louanges des volontaires ?

11 R. Non, Monsieur le Président. J'ai dit les choses comme elles se sont

12 passées. Les volontaires -- ce premier groupe qui a été envoyé se

13 comportait comme je l'ai lu dans cette instruction. Mais pour ce qui est

14 des autres groupes, je ne peux pas le dire en bloc, mais pour un grand

15 nombre de volontaires, je dois dire qu'ils ne sont pas comportés de manière

16 irresponsable. Ils n'étaient pas sous le commandement de la Défense

17 territoriale, et les doutes qui planent sur eux, à savoir qu'ils aient

18 commis un certain nombre de crimes dans la zone où ils étaient déployés ces

19 doutes sont fondés.

20 Q. Avez-vous des informations ? Savez-vous s'il y avait des criminels

21 parmi ces volontaires ? Avez-vous des informations à ce sujet ?

22 R. Non, Monsieur le Président. Je n'ai pas eu l'occasion d'avoir des

23 conversations avec des volontaires, et ce n'était pas d'ailleurs dans le

24 cadre de mes fonctions. Mais en à juger d'après ce que j'ai appris de mes

25 collègues et de mes amis qui eux ont eu des contacts avec eux, plus

26 concrètement de la part de certains policiers qui travaillaient à Vocin, il

27 y avait des volontaires qui se sont vus pardonner en partie ou complètement

28 la peine qu'ils étaient en train de purger en Serbie, et ça, en contre

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1 partie pour se déclarer volontaires dans une unité.

2 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Monsieur le Greffier, je souhaiterais

3 présenter au témoin la pièce 782 sur la liste 65 ter. Il s'agit d'une pièce

4 qui a déjà été versée au dossier sous la cote P225, mais c'est un document

5 qui s'inscrit bien dans le contexte que je décris.

6 Q. Pendant que le document s'affiche, veuillez nous dire, Monsieur le

7 Témoin, quelle a été la réaction de M. Petkovic.

8 R. Madame, Messieurs les Juges, M. Petkovic n'a pas accepté mes plaintes.

9 J'ai dit : nous n'avons pas reçu de l'aide. En fait, c'était contraire à

10 l'aide de l'arrivée de ces gens parce que la population locale en a peur,

11 et en à juger d'après d'autres témoins, ils se sont livrés à des crimes à

12 Vocin, et ce sera attribué à ce peuple, à la population. Donc, j'en ai

13 parlé du point de vue de la protection de la population locale, et M.

14 Petkovic a rejeté la possibilité que ceci a été fait par des membres de ses

15 Unités de volontaires.

16 Q. Vous a-t-il dit qu'il avait déjà pris des mesures pour empêcher tout

17 agissement contraire à la loi ?

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question

19 extrêmement directrice. Si la réponse a consisté à dire que Petkovic a nié

20 le fait que des volontaires du Parti radical serbe aient commis des crimes,

21 alors la question suivante est impossible, à savoir : est-ce qu'il vous a

22 dit qu'il a entrepris des mesures afin d'empêcher qu'ils continuent de

23 violer la loi ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur, si le témoin se plaint auprès

25 de M. Petkovic du comportement des volontaires, et que M. Petkovic lui dit

26 que pour lui il n'a aucune information, il apparaît intellectuellement

27 difficile de penser qu'il lui a demandé s'il avait pris des mesures.

28 Alors, poursuivez vos questions.

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1 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Ce n'est pas le témoin qui a posé la

2 question; c'était la réponse du témoin, si je ne me souviens bien. Mais

3 avant de parler cela, j'aimerais demander au témoin de regarder le document

4 qui figure à l'écran.

5 Q. C'est une autorisation signée par Ljubisa Petkovic, le 10 décembre

6 1991, et à la première phrase, on voit la chose suivante : "Afin d'établir

7 l'ordre et le contrôle en Slavonie occidentale, Milan Dobrilovic est

8 autorisé à superviser tous les volontaires."

9 Ce document n'aurait aucun sens. Donc, Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous

10 faire part de vos observations au sujet de ce document ?

11 R. Des informations sur les relations entre les volontaires et la Défense

12 territoriale, et de manière générale sur leur coopération, je suis certain

13 que mon QG de la Défense territoriale s'est harmonisé avec le QG qui

14 envoyait ces hommes en Slavonie occidentale.

15 Mais si on examine ce document et si l'on vérifie la date - c'était le 10

16 décembre à Belgrade - j'arriverais à la conclusion que c'était un peu tard

17 sur le plan formel parce que, le 13 décembre, tous ces gens sont partis. La

18 population est partie. Bien entendu, après Pakrac, Okucani, il est resté

19 une partie de la population de Slavonie occidentale.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, ce qui m'intéresse c'est quand vous êtes

21 rendu au "War Staff" dont on a l'adresse sur le document; apparemment c'est

22 dans la rue Obridska peut-être numéro 1, je ne sais pas, il y a même un

23 numéro de téléphone, 011/456-745; c'est bien là que vous avez rencontré M.

24 Petkovic ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, c'est dans ce bureau.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le bâtiment, est-ce qu'il y avait un drapeau ? Y

27 avait-il des gardes, ou bien, c'était un bâtiment de nature civile ou

28 militaire ? Qu'est-ce que vous -- dans votre souvenir ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon souvenir, c'était un bâtiment civil,

2 Monsieur le Juge, et il y avait probablement des inscriptions quelconque.

3 Mais c'était il y a très longtemps, et moi je n'ai pas prêté attention du

4 tout.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Petkovic quand vous l'avez vu, il était habillé

6 en civil ou en militaire ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] En civil, Monsieur le Juge.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous l'avez vu dans un bureau, dans un couloir, dans

9 un ascenseur, dans un escalier ? Vous l'avez-vous vu

10 où ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans son bureau, Monsieur le Juge.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Dans son bureau, est-ce qu'il y avait des cartes,

13 des ordinateurs, des plans avec des flèches sur les lieux, comme dans un

14 état-major classique, ou bien, c'était un bureau comme on en voit dans le

15 civil, ou bien, c'était un bureau à connotation militaire ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il y avait très peu de bureaux

17 civils de ce genre. C'était un bureau civil, en effet, mais avec tout ce

18 qui caractérise le parti, d'un présence de l'Etat, de l'autorité. Peut-être

19 encore des affiches, outre des photos dont je ne me souviens pas à présent.

20 Il est certain qu'il y avait aussi des reliques, à savoir des symboles du

21 Parti radical serbe. Ce qui m'intéressait en personne, c'était M. Petkovic

22 -- c'était lui, c'était la personne que j'avais déjà rencontrée. C'était

23 quelqu'un que je connaissais par la documentation.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : -- si M. Petkovic exerçait une fonction à

25 connotation militaire, parce que d'après le document, on voit qu'il y a un

26 "War Staff," donc, on peut s'attendre à ce qu'il y ait des cartes, qu'il y

27 ait toute une série de téléphones où il est en liaison constante avec les

28 volontaires qui sont sur le terrain, qu'il ait même lui-même un chef

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1 d'état-major, qu'il y ait beaucoup d'agitation, qu'il y ait des

2 informations qui arrivent à tout moment; ou bien, autre situation, un

3 bureau classique de civil qui n'a rien de militaire. C'est ça qui est

4 important pour moi, et donc, j'attends votre réponse.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, il y avait certainement là-

6 bas des cartes. Quels types de cartes maintenant, quelle était leur

7 disposition, il m'est difficile de m'en souvenir. J'y suis allé une fois.

8 Ensuite, j'ai vu d'autres bureaux, et ça a été assez mouvementé. Il y a eu

9 beaucoup de gens qui allaient et venaient. Je ne connaissais pas tous ces

10 gens, donc, je n'ai pas prêté une grande attention à eux.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Mais, dernière question : vous êtes le premier

12 témoin qui est allé sur place, donc, ma question pourra être posée à

13 d'autres témoins, mais vous, il se trouve que vous avez été sur place.

14 Quand vous rentrez dans cet immeuble, est-ce que vous aviez

15 l'impression d'entrer dans un immeuble militaire ou un immeuble civil qui

16 était le siège d'un parti politique ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était certainement un bâtiment à

18 affectation civile. J'aurais certainement reconnu un bâtiment militaire.

19 Après la visite effectuée au QG du Parti radical serbe, je suis allé dans

20 un bâtiment militaire. Par conséquent, le site était différent. L'apparence

21 et la façon de se comporter des gens étaient différentes, et là, je dois

22 dire que c'était un bâtiment tout à fait civil.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand vous avez été voir M. Petkovic pour vous

24 plaindre du comportement des volontaires, vu les -- la réponse de M.

25 Petkovic, pourquoi vous n'avez pas demandé à voir

26 M. Seselj en personne ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, je n'étais pas là-bas

28 en qualité officielle quelconque. Si j'avais eu à le faire, j'aurais eu à

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1 demander que mon supérieur hiérarchique, à savoir feu le général Vukovic,

2 le fasse, si c'était de cela qu'il s'agissait. Mais je n'ai pas estimé que

3 le président d'un parti serait amené à participer à une discussion sur les

4 questions militaires. Je ne l'ai pas pensé à l'époque et je ne le pense pas

5 à présent non plus.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

7 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

8 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez déjà parlé de l'exode qui a commencé

9 le 13 décembre 1991, comme vous nous l'avez dit; quelle était la raison de

10 cet exode ?

11 R. La raison, c'était, en premier lieu, cette guerre civile qui battait

12 son plein, et ensuite, il y a eu cet isolement de la région et le manque

13 d'organisation des autorités, des structures civiles. Et tout ce temps-là,

14 en permanence dans les médias, du côté serbe et en particulier croate, il y

15 a eu intimidation concernant tout ce qui risquait d'arriver à tous ces

16 gens-là. Donc, il y a eu constamment des pressions d'exercées, et je dois

17 reconnaître que l'armée qui se trouvait là-bas, la Défense territoriale, et

18 tous les groupes en faisant partie, à titre formel ou informel,

19 constituaient une intimidation supplémentaire pour ce qui est des témoins -

20 - des citoyens.

21 Si on a mis le feu à une maison dans la rue et qui si on sait que c'est

22 intentionnel, je suis certain que tout le monde aura peur. Je vous parle

23 d'une situation psychologique généralisée, et notamment dans une situation

24 où les gens ont en partie été évacués, parce qu'il convient de dire que les

25 jeunes, surtout les très jeunes et les très âgés, ont été évacués de la

26 région.

27 Pour être concret, le 8 décembre, il y avait déjà eu deux

28 municipalités dont la population s'en était allée de Grubisno Polje et

Page 4477

1 Daruvar. Donc, la partie de la municipalité de Podravska Slatina avait une

2 population civile temporairement présente.

3 Q. Savez-vous si des crimes ont été commis au cours de cet exode, et

4 si oui contre qui ?

5 R. Oui, Madame et Messieurs les Juges. Partant des conversations que j'ai

6 eues avec ces gens qui s'en allaient, qui fuyaient - et je vous rappelle

7 que je l'ai déclaré - c'est ainsi que ça s'est passé. J'ai quitté Vocin le

8 9, très tôt le matin, et jusqu'au 15 décembre, je ne savais pas que cette

9 population s'était retirée puisque j'étais en Serbie. Lorsque je l'ai

10 appris, j'ai rencontré à Banja Luka bon nombre de ces gens. Une fois que

11 j'y suis retourné, une fois que j'ai été mobilisé une fois de plus, j'ai

12 appris qu'on avait abattu là-bas plusieurs civils, je dirais plusieurs

13 dizaines de civils.

14 Ultérieurement, on m'a fait savoir qu'il s'agissait d'une quarantaine de

15 civils. C'étaient essentiellement des personnes âgées. Si je devais

16 expliquer -- ou exposer les détails, je dirais que c'était sur un site le

17 long de la route, là où les militaires et la population se retiraient.

18 Donc, c'était dans la rue même qu'ils ont été abattus, 42 ou 43 personnes,

19 à savoir hommes et femmes confondus.

20 Q. Quelle était l'appartenance ethnique de ces victimes ?

21 R. Très souvent, on dit que c'étaient des Croates, mais il y avait aussi

22 des Hongrois. En général, c'étaient des non-Serbes, et pour l'essentiel des

23 Croates.

24 Q. Aviez-vous des éléments d'information sur qui avait commis ces crimes ?

25 R. Je ne sais pas. Je veux dire les noms, mis à part deux noms. C'est tout

26 à fait par hasard que je sais qu'il y a eu des proches ou plutôt des gens

27 que je connaissais déjà, que j'avais contactés. Il y a eu quatre femmes qui

28 ont vu le groupe qui l'a fait. Dans ce groupe, sur six ou sept personnes

Page 4478

1 qui étaient masquées, elles ont quand même reconnu la voix de deux hommes -

2 - de deux jeunes hommes originaires de Vocin. Elles m'ont donné leurs noms.

3 Les autres, d'après elles, c'étaient des membres des Unités de volontaires.

4 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Monsieur le Greffier, je sais que cela

5 prend beaucoup de temps, mais est-ce que nous pouvions déjà avoir la carte

6 numéro 65 ter 2868, s'il vous plait, je vais revenir aux raisons de

7 l'exode. Pardonnez-moi, ce sera une question directrice.

8 Ce n'est pas que les Croates avaient forcé les Serbes à quitter cette

9 région ?

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] On ne peut pas poser la question ainsi. Ce

11 n'est pas les Croates qui ont chassé les Serbes à quitter cette région,

12 n'est-ce pas ? Je ne pense pas que dans la pratique judiciaire il y ait

13 mémoire de ce type de question à l'occasion de l'interrogatoire principal,

14 enfin, ce qui fait le Procureur n'a plus vraiment aucun sens.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il vaudrait mieux demander au témoin les raisons

16 pour lesquelles il y a eu cette exode, et qui est parti, et après de là,

17 vous déclinez vos autres questions.

18 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

19 Q. Est-ce que les Serbes de cette région ont été contraints par la force à

20 quitter cette région ou non ?

21 R. Oui, ils ont été contraints à s'en aller.

22 Q. Avez-vous des informations sur qui les a contraints à la force à partir

23 ?

24 R. En premier lieu, ils ont été forcés à l'époque par l'attitude de mon

25 Etat -- ou plutôt, de leur Etat à leur égard. C'est ça qui les a chassés

26 parce que les conditions mises en place ont été telles, ils ont pris les

27 armes. Et ensuite, c'est la propagande qui était extrêmement puissante. Les

28 gens ont été apeurés et par peur d'être tués, par peur d'être battus et de

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1 ne pas connaître le sort de leurs parents, 40 ou 50 ans auparavant, ils

2 sont partis.

3 Q. Avez-vous des informations --

4 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai encore une objection. Je pense que le

5 témoin devrait éclairer ses propos. Qu'entend-il par : "Ils ont été chassés

6 par leur propre état" ? Quel Etat est-il en train de mentionner ?

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça peut être une question de contre-interrogatoire.

8 Mais l'Etat, vous faites référence à quel Etat ? A l'ex-Yougoslavie ?

9 A qui faites-vous référence ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, l'ex-Yougoslavie avait six

11 Etats. Chacune de ces républiques était un Etat en application de la

12 constitution de 1974. Donc, la République de Croatie était un Etat, et

13 l'Etat auquel je me suis référé était la Croatie. J'entendais par là les

14 autorités officielles de cet Etat et je me référais notamment à tous ces

15 événements qui prendraient beaucoup de temps pour que je vous relate tout

16 ce qui s'est passé, et ça va au-delà du temps que ce Tribunal a à sa

17 disposition.

18 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez dit que les Serbes, qui sont partis

19 contraints et forcés, l'ont été si je me comprends bien par des Croates

20 dont l'état qui était la République de Croatie ne faisait rien.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] S'il a fait. Il a tout fait pour qu'ils s'en

22 aillent, Monsieur le Juge, c'est ainsi que je pourrais tirer ma conclusion.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : -- les protéger, et vous, vous dites ils ont tout

24 fait pour les faire partir.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Exactement, Monsieur le Juge, parce que c'est

26 ainsi que se présentait l'ambiance à l'époque.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur le Procureur.

28 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

Page 4480

1 Q. Bien. Monsieur Kulic, les gens vous ont dit que deux personnes de la

2 région, deux locaux étaient parmi les personnes qui avaient commis ces

3 crimes, et les autres étaient comme il avait été allégué des volontaires.

4 Quel était le rôle joué par ces locaux ?

5 R. Les gens du cru avaient pour mission de montrer les maisons aux Croates

6 parce qu'autrement, vous ne savez pas faire la différence entre les Serbes

7 et les Croates.

8 Q. Savez-vous qui, parmi eux, a commis les crimes ? Est-ce que des gens de

9 cet endroit ont participé à la commission de ces crimes ?

10 R. L'information dont je dispose, et j'y crois, je l'ai entendu dire par

11 des gens -- des témoins qui ont été sur les lieux; et du reste, ça a

12 plusieurs reprises déjà été évoqué dans des débats au tribunal où l'on a

13 conduit des procès même en mon encontre. Ça a été prouvé. Il y a eu

14 participation de ces deux villageois de Vocin et un groupe de volontaires -

15 - volontaires serbes. Le groupe était constitué de six ou sept personnes,

16 et il se peut qu'il y ait eu un autre groupe encore parce que la région

17 était assez grande.

18 Mais, moi, ce que j'ai reçu comme information, c'est cela parce que les

19 personnes qui me l'ont dit ont protégé un groupe de Croates dans une maison

20 Doric, au bout du village. Ils ont dit qu'il n'y avait plus de maison de

21 Croates au-delà. Donc, de façon évidente, il s'agissait --

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- parce que vous donnez une information. Vous dites

23 qu'il y a eu des débats au tribunal. Donc, j'en tire la conclusion que les

24 meurtres de ces 40 ou 42 personnes, hommes et femmes, c'est ce que vous

25 avez dit, commis par des volontaires avec deux locaux de Vocin, il

26 semblerait qu'il y a eu un procès sur cela. Il y a eu un procès. Et est-ce

27 que, dans le cadre de ce procès, les deux locaux de Vocin ont été

28 poursuivis ?

Page 4481

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge. Ils ont été poursuivis.

2 Ils sont l'objet d'un acte d'accusation. Je ne sais pas si condamnation il

3 y a eue, mais c'est un procès en justice où les événements incriminés où on

4 m'en avait accusé aussi comme auteur, parce que c'est à Bjelovar que le

5 procès a eu lieu en 1995.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, il y a eu un procès en 1995. Où ça vous dites

7 ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça s'est passé au tribunal départemental,

9 c'est le tribunal de la province qui a pour siège la ville de Bjelovar.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Et vous-même, vous étiez accusé dans ce procès ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai été accusé d'avoir assumé des

12 responsabilités pour ce qui est de la perpétration de ces crimes.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et le résultat, vous avez été acquitté;

14 qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que le tribunal a décidé en final ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Le jugement rendu a dit que la mise en œuvre

16 de la loi portant abolition m'exonérait de responsabilité. Le tribunal a

17 déterminé, à l'occasion du procès, pour ce qui est de l'accomplissement des

18 obligations et responsabilités, je ne pouvais pas assumer de responsabilité

19 notamment parce qu'à ce moment-là, je ne me trouvais pas du tout à Vocin.

20 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et les autres, ils ont été condamnés, ceux qui

21 ont commis les crimes; qu'est-ce qui s'est passé pour eux ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans le groupe qui a été jugé en même temps

23 que moi, nous étions cinq du reste, l'un des membres de ce groupe, un homme

24 de Bosnie, a été condamné, pas pour ça, pas pour -- mais pour des crimes

25 commis un peu avant et en corrélation avec ces crimes. On n'a pas prouvé ce

26 crime-là mais il a quand même été condamné pour autre chose. Toutefois,

27 j'ai pu voir l'acte d'accusation et c'est un acte d'accusation accessible

28 au public, à présent. Et je pense que, sur cet acte d'accusation, il y a

Page 4482

1 les noms de ces deux hommes.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : -- accessible au public en Croatie, en Serbie, en

3 Bosnie-Herzégovine, mais pas accessible aux Juges de ce Tribunal, donc,

4 l'Accusation ne communique pas ce type de document. Je ne sais pas pourquoi

5 mais je tiens que ça soit inscrit au transcript. Et c'est par mes questions

6 que je découvre qu'il y a eu un procès sur des faits dont le Procureur vous

7 pose des questions. Pendant ce procès, vous aviez, vous, un avocat ? Il y

8 avait des avocats ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu des avocats. J'en avais un de

10 commis d'office d'abord, puis ensuite, les Nations Unies ont engagé un

11 avocat parce que j'étais un volontaire au profit des Nations Unies au

12 moment où j'ai été arrêté.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Les Nations Unies vous ont payé un avocat,

14 bon, très bien. Les volontaires du Parti radical serbe a priori, qui ont

15 été jugés en même temps que vous, vous étiez -- j'ai cru comprendre, vous

16 étiez cinq; il y avait parmi les cinq des volontaires du Parti radical

17 serbe ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Juge, il n'y en a pas eu. Les

19 cinq ont été mis en accusation, et ils étaient à mes côtés originaires de

20 Podravska Slatina.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Et les volontaires qui étaient là, ils ont

22 échappé à toute poursuite ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas si en Croatie il y a eu des

24 procès à l'encontre de volontaires. Je ne sais pas. Je n'ai pas eu

25 l'occasion de le voir.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, j'estime

28 qu'on ne peut pas passer outre de façon aussi aisée, à savoir que

Page 4483

1 l'Accusation ne m'a pas communiqué la documentation concernant le procès à

2 l'encontre de M. Kulic en Croatie lorsqu'on lui a reproché les crimes

3 commis à Vocin. Le Procureur savait forcément qu'à l'encontre de M. Kulic

4 il y avait un procès en Croatie, et cela figure dans une phrase de la

5 déclaration signée par ce témoin. Donc, il était de leur devoir de se

6 procurer le dossier entier de ce tribunal compétent à Bjelovar de le copier

7 et de me le communiquer d'abord à moi puis ensuite à vous en votre qualité

8 de Juges de la Chambre lors du début du procès.

9 J'estime que cela est très important pour ce qui est de l'audition de ce

10 témoin, pour qu'on puisse s'en servir et d'autre part notamment du point de

11 vue du fait que les autorités croates n'ont jamais mis en accusation l'un

12 quelconque des volontaires du Parti radical serbe pour les crimes commis en

13 Slavonie occidentale, pas un seul, il n'y a pas eu de dépôt de plainte au

14 pénal au non plus. C'est une documentation très importante, et je pense que

15 vous devriez sanctionner le bureau du Procureur pour ne pas avoir fait son

16 travail convenablement.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez -- il apparaît fort étonnant de

18 constater qu'un témoin vient déposer pour l'Accusation alors que ce témoin

19 a été concerné dans un acte d'accusation concernant des crimes commis à

20 Vocin. Le témoin, heureusement pour lui, a été acquitté, mais on constate

21 que, dans cet acte d'accusation, il n'y avait aucun volontaire. Alors,

22 peut-être que le Procureur a estimé qu'il n'avait rien à voir avec ce

23 crime, et ce qui évidemment est un élément très important qui pourrait

24 bénéficier à l'accusé, ou dans l'acte d'accusation, on parlait de ces

25 volontaires qui avaient disparu, ce qui pourrait expliquer qu'ils ne soient

26 pas poursuivis.

27 Mais il n'en demeure pas moins que ces documents, cet acte d'accusation

28 aurait dû être communiqué à l'accusé, qui manifestement ne l'a pas eu, et

Page 4484

1 on découvre cela par le jeu des questions et des réponses.

2 Alors, est-ce que l'Accusation est en mesure aujourd'hui de nous dire : "1,

3 si elle a eu ces documents; si elle ne l'a pas eu, pourquoi elle ne s'en

4 est pas préoccupée de les avoir ? Et puis, troisièmement, pourquoi ne pas

5 informer l'accusé de ces éléments, qui peuvent être à charge ou à décharge

6 ? Mais ça j'en suis totalement incapable puisque personne n'a eu ces

7 documents.

8 Alors, vous pouvez nous dire quoi que ce soit, ou dire que, comme nous vous

9 constatez aujourd'hui, l'existence de ce procès.

10 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je ne suis pas en mesure, en fait, de vous

11 dire si le bureau du Procureur est en possession de ce document. Je vais le

12 découvrir et revenir vers vous. Que le témoin ait été accusé, ceci n'est

13 pas un secret, ceci figure dans la déclaration, si je me souviens bien,

14 dans la déclaration du témoin. Et comme le témoin a été acquitté et qu'il

15 n'était pas là à ce moment-là, au moment où les crimes ont été commis, il

16 n'était pas à Vocin, et il se peut que ce soit la raison pour laquelle

17 l'Accusation n'a jamais demandé à voir ce document. Mais je vais vous

18 donner des éléments précis lorsque j'aurais l'occasion de vérifier tout

19 cela.

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin a déclaré par

21 lui-même qu'il a été exonéré par abolition, donc, hors procédure, et je

22 crois me souvenir qu'en 1995, il y a eu une amnistie; il y a peut-être eu

23 abolition. Je ne peux pas émettre des doutes pour ce qui est donc de savoir

24 si c'était abolition ou amnistie, mais c'est une forme extrajudiciaire

25 d'acquittement. Ce n'est pas un jugement d'acquittement. C'est une

26 exonération par décision des autorités. Je ne sais pas si c'est le

27 président de la république ou le premier ministre qui peut abolir et

28 amnistier. D'habitude, l'amnistie c'est le parlement, l'abolition c'est le

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1 chef du pouvoir exécutif, mais, en tout état de cause, ce n'est pas une

2 autorité judiciaire.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, votre réponse c'est des

4 implications juridiques ne m'avaient pas échappé. Quand vous avez dit que

5 vous avez été acquitté parce que le tribunal a, semble-t-il, tiré les

6 conséquences de la loi, j'ai compris très rapidement, au travers de vos

7 propos, qu'il y a dû avoir dans votre pays une loi votée par le parlement,

8 amnistiant les faits commis en relation avec les événements, et que comme

9 vous étiez poursuivi pour des faits en relation avec ces événements, le

10 tribunal a fait application de la loi en disant que les poursuites

11 n'étaient mises en néant en application de la loi, et donc, de ce fait,

12 vous n'avez pas été jugé au sens où vous auriez été déclaré coupable, ou

13 innocent.

14 Est-ce bien -- parce que vous êtes quelqu'un de très cultivé, qui avez des

15 connaissances, est-ce bien en application de cette loi que vous avez

16 échappé à une condamnation ou un acquittement ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai émis des réserves même

18 avant ce fait. Pour ce qui est de la terminologie et de la procédure

19 législative ou judiciaire, je ne connais pas suffisamment la matière. Je me

20 suis peut-être mal exprimé.

21 Maintenant, que vous êtes en train d'en parler, je sais qu'en Croatie, il y

22 a un terme particulier utilisé pour cette loi relative à l'amnistie. Ils

23 ont dit la loi du pardon. C'est de façon explicite, la façon dont ça

24 s'appelle, je ne veux pas me servir de mots étrangers, alors que c'est

25 celui-là qui a été utilisé.

26 Alors, c'est sous pression, que la République de Croatie, ses autorités,

27 que le parlement croate a adopté -- promulgué une loi disant que tous ceux,

28 qui n'ont pas commis de crimes, se trouvent être exonérés - et là, je suis

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1 en train de me servir de mes mots à moi - par les termes de cette loi pour

2 ce qui est de poursuite.

3 Et partant de cette loi, j'ai été exonéré parce qu'on a trouvé aucun autre

4 point dans le procès partant duquel j'aurais pu être placé en corrélation

5 avec des responsabilités concernant les événements ou les conséquences de

6 ces événements, comme l'a dit l'acte d'accusation.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, maintenant, je crois que

8 le témoin a tiré au clair le fait qu'il ne s'agissait pas d'abolition,

9 parce qu'il s'est servi d'abolition, parce que l'abolition c'est quand le

10 président [imperceptible], et l'abolition donc est un acte individuel pour

11 un suspect pour le libérer de poursuite. Mais s'il s'agit d'une loi, le

12 Procureur aurait dû nous communiquer cette loi parce que cette loi

13 d'amnistie pour certains crimes -- donc, certains crimes se trouvent être

14 exonérés au terme de cette amnistie.

15 Donc, il faudrait qu'on voit le texte de la loi de 1995 pour savoir quels

16 sont les crimes, les délits au pénal, dans un sens large du terme, qui ont

17 été exonérés, même pour ce qui est de l'insurrection armée. Nous avons

18 besoin du texte cette loi.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Apparemment, il y a eu une loi sur le pardon - c'est

20 que dit le témoin - et apparemment, le témoin a bénéficié de l'application

21 de cette loi. Alors, il serait peut-être intéressant de connaître la teneur

22 de ce texte, mais que vous n'avez peut-être pas sous les yeux actuellement.

23 Bon. Tout le monde a bien vu le problème.

24 Alors, continuez, Monsieur le Procureur.

25 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je voudrais demander au Greffier de

26 combien de temps j'ai encore -- je dispose encore.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Vous avez encore 13 minutes.

28 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Kulic, à l'écran, vous avez la carte que vous avez déjà

2 commentée au début de votre interrogatoire principal. Pouvez-vous nous

3 indiquer quel a été l'itinéraire emprunté par cet exode et où a été commis

4 le crime contre les 40 Croates dont vous nous avez parlé ? Pouvez-vous nous

5 montrer où ça a eu lieu sur cette carte ?

6 R. C'est dans l'agglomération même de Vocin que cela a été perpétré, rue -

7 - ou plutôt, une voie de communication qui va de Hum Vocinski. Vous voyez,

8 il y a un cercle qui est tracé. C'est au nord de Vocin. Donc, le long de

9 cet axe-là et à peu près jusqu'au centre de Vocin.

10 Donc, dans cette rue, cette direction-là, et je dirais sur 700 mètres

11 à un kilomètre, et là, je n'oserais pas interpréter librement car je ne me

12 rappelle pas le nombre de foyers ou de maisons appartenant à différentes

13 familles. Mais je sais qu'à l'entrée même de Vocin, dans la direction que

14 je suis en train de montrer, dans une maison, c'est la famille Stimac,

15 puisqu'ils sont près des gens que je connais. A un endroit, on a tué 15

16 personnes dans une maison -- dans cette maison.

17 Mais je ne voudrais pas parler de ces détails. Dans le cadre de ce

18 procès qui a été intenté contre moi, et dans d'autres procès où j'ai été

19 témoin, il en a été beaucoup question. Donc, je sais que des documents

20 existent qui prouvent ces événements.

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Les 40 personnes qui ont été tuées, ils ont

22 été tués en majorité dans la rue ? Parce que vous dites il y en a 15 dans

23 une maison. Mais ils ont été tués dans la rue ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces 15, ils ont été tués dans une

25 maison. Tous les autres dans des basses cours, devant des cours, sur la

26 rue. Donc, c'était soit près de la maison, soit dans les cours qui

27 entourent les maisons.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils ont été tués parce qu'ils avaient été fait

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1 prisonniers avant ou exécutés après, ou bien, des individus sont arrivés et

2 ont tiré sur toutes les personnes qui étaient présentes ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont été tués parce qu'ils étaient

4 des Croates, et je suppose, enfin c'est mon opinion, parce que ceux, au

5 moment de leur repli, étaient frustrés, avaient peur, avaient du

6 ressentiment. Ils ont échappé au contrôle, et voilà ce qui a été fait.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, si je comprends bien, ces crimes sont arrivés

8 au moment même où la population serbe se repliait, quittait Vocin. Tout le

9 monde quittait Vocin, ça devait être le cahot, et -- et à ce moment-là, des

10 individus dont les deux de Vocin plus des volontaires, d'après vous,

11 auraient, à ce moment-là, tué les Croates qui habitaient dans ces maisons.

12 Est-ce que c'est le scénario envisageable ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Oui, c'était un cahot très considérable.

14 A en juger d'après tout ce que j'ai pu entendre, voire que j'ai vu de mes

15 propres yeux, il y avait donc un repli le long de cet axe de circulation --

16 de communication. Il y avait ces gens qui ne s'étaient pas mis à l'abri, et

17 ils étaient croates. Tout simplement ce groupe, voilà, en échappant à tout

18 contrôle, a commis ce crime.

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais le témoin est en

20 train de déposer sur des choses qui se sont produites à 400 kilomètres de

21 l'endroit où il était. J'attire votre attention sur ce détail.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : -- ci n'avait pas échappé parce que, vous, vous

23 n'étiez pas présent. Donc, tout ce que vous nous dites, ce sont d'autres

24 personnes qui vous en ont parlé. Vous avez pu vérifier des informations.

25 Peut-être il y a eu des articles de presse, ou je ne sais pas, ou vous

26 faites état de ce que vous avez appris pendant le procès, parce que pendant

27 le procès, vous étiez là, et tout ceci a dû être évoqué pendant le procès.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, mais je vis à cet

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1 endroit encore aujourd'hui et je connais toutes ces personnes qui se sont

2 trouvées le jour en question à cet endroit. Ils n'étaient pas directement

3 présents dans cette basse cour, mais ils ont croisé ce groupe d'hommes --

4 de personnes, et les ont reconnues. Vous avez des gens qui sont en vie avec

5 qui j'ai parlé, avec qui j'ai des contacts parce que tout simplement je vis

6 là, et nous sommes proches à cause de cela, et je voulais savoir qui l'a

7 fait. Je leur ai demandé s'ils le savaient. Ils m'ont dit qu'ils savaient.

8 Ils ne connaissaient pas leurs noms parce qu'ils étaient tous masqués, mais

9 ils m'ont dit qu'ils ont reconnu ces deux hommes.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, la question qui s'impose

11 est de savoir pourquoi le Procureur n'a pas amener les individus qui ont

12 reconnu certains auteurs de crimes pour qu'eux viennent déposer et non pas

13 la personne à qui on a relaté ce qu'on a éventuellement vu.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

15 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai une question. Mais s'ils étaient masqués et si

16 les personnes de ce village ont été reconnues, si je me rappelle bien, par

17 la voix, les autres, comment ont-ils été reconnus ? Comment peut-on savoir

18 que c'étaient des volontaires ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne voudrais pas me lancer dans des

20 conjectures. Ce que ces personnes m'ont dit c'est qu'avant tout elles ont

21 entendu et elles ont eu peur parce qu'elles ont entendu des coups de feu et

22 elles ont vu des personnes qui étaient mortes. Et après, elles ont croisé

23 un groupe de personnes, et bien entendu elles avaient peur de ces gens.

24 C'étaient des gens qui étaient en route. Donc, c'était le cahot. Ils

25 étaient en train de s'organiser pour partir. Ils cherchaient à voir les uns

26 les autres pour prendre leurs affaires, les charger, pour se mettre en

27 colonne, pour s'enfuir.

28 Et donc, ce n'est pas parce qu'ils ont cherché ces hommes qu'ils les

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1 ont trouvés, mais parce que ces hommes leur ont demandé, à eux, s'il y

2 avait d'autres maisons croates encore, puisque c'était aux abords du

3 village, la fin du village. Et donc, je me contente de vous transmettre ce

4 que j'ai entendu, et aussi parce que j'en suis convaincu moi aussi.

5 En effet, on peut dire que je n'étais pas sur place, mais je vous en

6 prie, je vis avec ces gens-là. J'ai vécu avec eux auparavant. Je continue

7 d'y vivre. Je connais leur mentalité. Je connais ces gens, je les connais

8 bien, et je sais de quoi je peux être convaincu, moi et eux, et c'est la

9 raison pour laquelle je dépose comme je le fais. Bien entendu, je ne veux

10 enfreindre un droit de personne. Je ne veux placer personne dans une

11 situation désagréable, ne gêner personne. Je me suis trouvé dans bien de

12 situations de ce genre.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Si je comprends bien, les deux de Vocin qui

14 faisaient partie de ceux qui ont exécuté les gens habitent encore à Vocin ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Non, absolument

16 pas; c'est hors de question.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Ils sont partis ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ils sont partis.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

20 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

21 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez dit où les crimes avaient été commis

22 à Vocin. Pouvez-vous nous dire où a commencé l'exode ? Si je ne m'abuse, ce

23 n'était pas à Vocin.

24 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Là encore une

25 question suggestive. Mais je pense que [imperceptible] l'impertinence

26 maintenant de la part du Procureur.

27 M. LE JUGE ANTONETTI : La question est très orientée. Pouvez-vous la

28 reprendre, mais pour aboutir au même résultat ?

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais le résultat, il l'a déjà obtenu en posant

2 cette question orientée, donc, maintenant, le témoin peut s'adapter à la

3 question. Maintenant, peu importe. Peu importe la nouvelle version de la

4 question. Peut-être qu'en reformulant la question, la réponse pourrait être

5 très différente, on ne sait jamais.

6 Bon, alors, Monsieur le Procureur, reprenez à zéro, mais sans orienter quoi

7 que ce soit.

8 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, ma

9 question n'était pas directrice. J'ai demandé s'il existait un autre

10 village où l'exode avait commencé. Je n'ai pas donné le nom de ce village.

11 J'ai simplement dit que ça n'avait pas commencé à Vocin. Ce n'est pas

12 directeur du tout. Ce n'est pas orienté. L'objectif de ma question c'est de

13 savoir s'il y a un autre village, je n'ai pas prononcé le nom de ce

14 village, je n'ai pas soufflé au témoin. Je ne pense pas que ce soit une

15 question orientée.

16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --

17 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Procureur, quand vous dites que vous

18 vous êtes informé, le problème c'est de savoir si c'est ce témoin qui vous

19 a informé du fait que l'exode n'avait pas commencé à Vocin. Si ce n'est pas

20 lui, vous ne pouvez pas être informé et dire ici que vous vous êtes

21 informé, et donc, posez la question de cette façon.

22 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Justement c'est ce témoin qui m'a dit que

23 ça avait commencé dans un autre village.

24 Q. Monsieur le Témoin, vous pourrez répondre.

25 Mme LE JUGE LATTANZI : Alors, vous avez raison, ce n'était pas une question

26 directrice.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Je ne me souviens pas que le témoin

28 ait dit cela dans ce prétoire, qu'il ait dit que l'exode avait commencé à

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1 un autre endroit. Corrigez-moi si vous avez la preuve qu'il l'a dit. Peut-

2 être que le témoin lui a dit ça hors du prétoire, pendant les récolements,

3 mais alors, à ce moment-là, il n'a pas le droit de s'en servir maintenant.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Je crois comprendre qu'il a dû vous le dire pendant

5 le "proofing", et c'est ça que vous introduisez maintenant.

6 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Oui, c'est justement la raison pour

7 laquelle je lui pose la question. Mais c'est à dessein, je n'ai pas donné

8 le nom d'un autre village. Je veux que ce soit le témoin qui nous le dise.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous auriez pu aborder la question de la manière

10 suivante en lui disant : "Il y a eu un exode à Vocin, est-ce qu'à votre

11 connaissance c'était un exode particulier ou bien cette situation a pu se

12 dérouler dans la région, et cetera ?" Et là, il aurait dit, ce n'est pas

13 uniquement à Vocin, c'est dans d'autres villages que ça a commencé. Bon,

14 voilà, mais l'objectif était de savoir si c'était le chaos général et il

15 est intéressant de savoir si l'exode se déroulait dans d'autres villages

16 aussi.

17 Bien, alors, Monsieur le Témoin, vous avez compris : qu'est-ce que vous

18 nous dites ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, dans le cadre de

20 ma déposition, je pense avoir dit une ou deux fois que même avant les

21 événements du 13 décembre, la population de Grubisno Polje, plus

22 précisément le 30 octobre et le 1er novembre, donc, ces gens sont passés par

23 Vocin dans leur exode les menant vers la Bosnie.

24 Les 7, 8 et 9 décembre, cela s'est passé pour ce qui est des villages

25 de la municipalité de Daruvar. Le 13, plus précisément le 12, et ça je l'ai

26 appris par hasard des habitants du village de Lisicine qui se trouvent au

27 nord de Vocin sur la carte vous pouvez trouver Lisicine, c'est à cinq

28 kilomètres à peu près. Le colonel Jovan Trbojevic, originaire de là-bas,

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1 ils sont partis la veille au soir, donc la soirée du 12.

2 Et c'est ce que des amis de ce village m'ont dit. Et pendant

3 longtemps, je ne savais pas ça. Je l'ai appris peut-être il y a un an.

4 Donc, c'était un flux très considérable de réfugiés. Une avalanche

5 pourrait-on dire qui a débuté à Lisicine, et parce qu'il y avait deux

6 municipalités qui étaient déjà parties au cours du mois qui a précédé,

7 enfin si je puis, c'est comme ça que je le raconterai.

8 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous nous dites qu'il y avait un flux, très

9 bien. On imagine aisément quelle pouvait être la situation surtout à Vocin

10 qui avait déjà vu passer des gens. On se rend bien compte de l'état

11 d'esprit que pouvait avoir un habitant de Vocin, mais, à ce moment-là,

12 l'autorité militaire des forces territoriales, l'autorité civile, est-ce

13 qu'à votre connaissance des mesures avaient été prises afin d'assurer le

14 maintien de l'ordre public; est-ce que des mesures ont été prises, ou bien,

15 c'était la débâcle générale ? Tout le monde s'enfuyait et plus personne

16 n'exerçait une quelconque autorité ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que

18 c'est cette dernière hypothèse que vous venez de formuler, c'est ce qui se

19 rapproche le plus de la vérité. Personne n'avait aucun pouvoir, et si je le

20 dis c'est parce que, dans cette région où nous nous sommes trouvés, donc,

21 nous étions les 25 agglomérations y compris une partie de la municipalité

22 de Orahovica et de Slatina, il n'y avait pas une structure d'autorité

23 civile. Ces structures n'étaient pas sur place. Donc, il a fallu qu'ils

24 essaient de les mettre sur pied. C'est ce qu'ils ont tenté de faire mais

25 ils n'y sont pas parvenus.

26 Donc, finalement, le seul pouvoir véritable c'était des institutions

27 militaires, la Défense territoriale, les différents QG. Cela étant dit je

28 dois reconnaître que dès fin octobre on a mis sur pied l'assemblée et qu'il

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1 fallait constituer les autorités civiles mais ce n'était pas encore fait.

2 C'était uniquement des tentatives. Et puis l'exode a eu lieu.

3 Ce n'était pas uniquement le 13, le 13 c'était 25 villages et

4 différents hameaux et localités. Mais pendant un mois et plus à partir du

5 30 octobre jusqu'au 13 décembre a duré l'exode. La municipalité de Grubisno

6 Polje qui se trouve --

7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- bien la situation. Mais alors à cette période,

8 que faisait la JNA ? Pourquoi il n'était pas sur place ? Ou bien, eux-mêmes

9 fuyaient également ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Des unités et des services de la JNA ne se

11 trouvaient pas dans le secteur de Podravska Slatina, Grubisno Polje,

12 Daruvar. Là, je veux dire qu'il n'y avait pas de militaires d'active de la

13 JNA ni de leurs services. Ils étaient plutôt du genre de Pakrac, Guca,

14 donc, ils étaient à une trentaine de kilomètres de là. Mais l'armée

15 populaire yougoslave, c'est-à-dire le Corps de Banja Luka se chargeait de

16 la logistique, de l'organisation, de l'aide, je ne sais quoi. Je ne peux

17 pas vous en parler plus précisément parce que je ne faisais pas partie du

18 QG de Slavonie occidentale.

19 Mais en juger d'après ce que j'ai appris, les informations que j'ai

20 eues pour ce qui est des ressources de la JNA, il n'y avait que le colonel

21 Trbojevic qui est arrivé en tant que commandant, donc, quelqu'un de formé

22 et compétent sans aucun doute pour s'acquitter de ce genre de mission.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Si la JNA est à 30 kilomètres. Donc, en voiture, il

24 y a deux routes. 30 kilomètres en 20 minutes, on peut être sur place. La

25 JNA normalement il y a la police militaire qui existe également, et la

26 police militaire a l'obligation d'assurer la sécurité des routes, de

27 l'ordre.

28 J'ai l'impression d'après vos propos que tout ça était totalement

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1 absent et que la JNA se reposait en fait sur la Défense territoriale.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Il en est ainsi, Monsieur le Président. En

3 parlant aux membres de la JNA, du Corps de Banja Luka, justement c'est ce

4 que j'ai entendu dire que leurs unités, leurs brigades à partir de la ligne

5 Pakrac, Pozega, n'iront pas ailleurs, au-delà. Et là où il y avait la

6 Défense territoriale, il l'aiderait à s'organiser seul, enfin, ce sont les

7 informations que j'ai reçues de la part des responsables du corps.

8 Q. Monsieur Kulic, pouvez-vous nous montrer où se trouve ce village sur la

9 carte, le village de Lisicine ?

10 R. J'ai essayé de vous expliquer là par des mots, mais je vais vous

11 montrer avec le pointeur. Sous le mot "Lisicine," d'après moi, ce serait à

12 peu près à cinq kilomètres au nord de Vocin.

13 Q. Est-ce que la route que l'on voit entre Vocin et Lisicine

14 -- est-ce que c'est la route qui a servi à l'exode ?

15 R. C'est ça. C'était ça la direction de l'exode, ou l'un des axes, l'une

16 des directions.

17 Q. Est-ce que vous avez une explication pourquoi l'exode a-t-il commencé à

18 Lisicine ce jour-là ?

19 R. D'après les informations qui me sont parvenues, et je dois dire que

20 j'étais très étonné, c'était de la part des habitants de Lisicine et de

21 retour, ou qui se rendent souvent en Croatie, il y a des maisons qui ont

22 été restaurées, ils m'ont dit qu'au 12 au soir, le colonel Trbojevic, qui

23 était de passage ou qui est venu rendre visite, il a dit aux gens de venir

24 passer la nuit à Vocin s'ils avaient peur et, en fait, ainsi ça a eu une

25 incidence sur le départ de tous, puisque tous sont partis. Le village dans

26 son ensemble s'est mis en branle.

27 M. MUSSEMEYER : [interprétation] J'aimerais demander le versement au

28 dossier de la carte avec les annotations du témoin.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, un numéro, s'il vous plaît.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P26.

3 M. MUSSEMEYER : [interprétation]

4 Q. Monsieur Kulic, autre chose. Vous nous avez dit, au début de votre

5 déposition, que vous aviez été contraint de servir dans la Défense

6 territoriale. Est-ce qu'il y a eu une autre occasion où ça s'est reproduit

7 ?

8 R. Je suis parti le 8 décembre -- c'est-à-dire le 9, je suis parti de

9 Vocin et il a eu le repli de la population de Vocin, l'exode de la

10 population, et c'est à ce moment-là que s'arrête mon rôle. Car tout

11 simplement il n'y avait plus Défense territoriale, pas de QG, et cetera, je

12 me suis retrouvé en Serbie. Et c'est là que j'ai essayé de trouver du

13 travail puisque ma famille était là.

14 On m'a arrêté à ce moment-là, enfin, j'ai considéré que c'était une

15 arrestation; en fait, on m'a emmené, on m'a interpellé dans la rue, parce

16 que j'avais une plaque d'immatriculation sur ma voiture de Podravska

17 Slatina. J'ai été arrêté, on m'a demandé si j'étais un tel. J'ai dit que

18 oui. Ils m'ont demandé de montrer ma pièce d'identité, c'est ce que j'ai

19 fait, et ils m'ont emmené, il a fallu que je signe une feuille de

20 mobilisation à mon nom. Je pense que c'était le 16 ou le 17. Je ne peux pas

21 être tout à fait certain.

22 Donc, de nouveau, je me suis retrouvé dans une situation non pas de

23 reprendre ma voiture, mais tout simplement j'ai été escorté à Mitrovica, de

24 Mitrovica à Bijeljina, puis de Bijeljina à Banja Luka; et à Banja Luka,

25 j'ai été affecté comme j'avais dit d'amblée, j'ai reçu une affectation au

26 commandement du Corps de Banja Luka -- au commandement de localité en tant

27 qu'officier de réserve à Okucani.

28 Q. Pouvez-vous nous dire où vous avez été arrêté, et par qui, si vous le

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1 savez ?

2 R. J'ai considéré que c'était une arrestation; ces messieurs m'ont dit

3 que, non, qu'ils ne sont pas venus m'arrêter. Il y avait un policier en

4 uniforme. C'était dans la localité de Sid. Je suis allé là-bas pour un

5 entretien. Je voulais aller travailler dans une industrie de transformation

6 de la viande. On m'a dit -- des amis m'ont dit qu'ils cherchaient quelqu'un

7 dans la comptabilité des finances.

8 Donc, moi et un civil, on s'est retrouvé devant le secrétariat de la

9 Défense, qui normalement mobilise les gens, et ils m'ont dit que, compte

10 tenu des circonstances, ils étaient en droit de me mobiliser. Bien sûr,

11 j'ai demandé quelle était l'alternative. Ils m'ont dit l'alternative, si

12 vous refusez, vous allez être arrêté.

13 Par la suite, j'ai croisé d'autres personnes. J'ai saisi l'occasion pour

14 dire que beaucoup de gens de ma région qui sont retrouvés réfugiés en

15 Serbie ont été mobilisés, donc, je n'étais pas un cas à part. Mais je le

16 dis, parce que ni à ce moment-là ni plus tard je voulais être volontaire.

17 J'aurais été volontaire pour quelque chose que j'ai choisi moi-même, et non

18 là où on m'a forcé à faire quelque chose.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : -- cinq minutes, Monsieur le Procureur.

20 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Monsieur Kulic, est-ce que, si je vous dis "accord de Daruvar" ça vous

22 dit quelque chose, et si oui, quoi ?

23 R. Les accords de Daruvar les premiers accords de paix entre les Serbes et

24 l'Etat croate, j'ai été l'un des participants ou l'un des signatures de cet

25 accord. Je dirais que c'est l'accord qui a précédé pour ainsi dire l'accord

26 d'Erdut, ou de l'accord Z4, qui n'a jamais été concrétisé.

27 Oui, je sais ce que sait l'accord Daruvar.

28 Q. Est-ce qu'il y avait parmi les Serbes des gens qui s'opposaient à cet

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1 accord parmi les Serbes et parmi les dirigeants serbes ?

2 R. En Slavonie occidentale, j'ai fait partie d'un groupe de personnes qui

3 ont estimé qu'il fallait bénéficier d'un certain nombre davantage, et avec

4 l'aide de la communauté internationale, parvenir à mettre sur pied des

5 négociations de paix. Ce qui était proposé par la communauté internationale

6 donc des négociations avec l'Etat croate, parce que nous nous sommes

7 trouvés dans une région traversée par plusieurs voies de communication

8 internationales, et c'était une occasion donc de saisir cette chance de

9 négocier.

10 Et j'ai prôné cela, j'ai proposé que le projet d'accord de Daruvar offre

11 une nouvelle vie à la population.

12 Q. Je vous demandais s'il y avait des gens qui s'opposaient à cet accord;

13 et si oui, qui étaient ces personnes ?

14 R. Oui, il y avait des opposants. C'était avant tout le gouvernement ou

15 une bonne partie du gouvernement de la République serbe de la Krajina avec

16 Hadzic et Martic à la tête de ce gouvernement parce qu'au bout de quelque

17 temps, il y a eu l'arrestation de moi et de ce groupe, et cetera.

18 Q. Pouvez-vous nous dire qui vous a arrêté et ce qui vous est arrivé

19 ensuite ?

20 R. J'ai été arrêté par l'assistant de Martic, Krsto Zrkovic, ou plutôt son

21 groupe, j'ai été arrêté à Okucani, et j'ai été détenu à Knin; puis ils

22 m'ont accusé, moi, et ce groupe de personnes, et on s'est retrouvé en

23 détention à Glina.

24 Q. Combien de temps êtes-vous resté en détention ?

25 R. A peu près quatre mois de détention, puis suite à des pressions

26 exercées par la communauté internationale, puisque j'avais été un employé

27 des Nations Unies et puis des autres personnes, également, et puis il n'y

28 avait pas de moyen d'étayer l'acte d'accusation de la manière dont c'était

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1 formulé. Donc, on a été relâché, mais des poursuites se sont poursuivies.

2 Ça ce n'est pas terminé, à ce moment-là.

3 Q. Est-ce que vous avez été arrêté une deuxième fois ?

4 R. Non, je n'ai pas été arrêté une deuxième fois. En fait, j'ai été arrêté

5 de nouveau en 1995 mais ça c'était par l'Etat croate. La deuxième fois

6 c'est mon ami Dzakula qui a été arrêté a Belgrade, si on parle des

7 poursuites engagées par les autorités de la Krajina.

8 Q. N'avez-vous jamais été auditionné par Milan Martic à propos de l'accord

9 de Daruvar ?

10 R. Lorsque j'ai été arrêté le 21 septembre 1993, à Knin, Milan Martic en

11 personne s'est entretenu avec moi à ce sujet. En disant : "A peu près à ce

12 sujet, qu'avais-tu besoin de ceci, Kulic ? Tu étais un officier d'une

13 notoriété," et toujours sur ce sujet, "pourquoi es-tu allé nous trahir

14 auprès des Croates ?" Et à ce sujet, donc, il a essayé de me convaincre

15 pour faire savoir que ce que je faisais n'était pas bien, mais au

16 gouvernement et à titre privé, Martic m'a dit que c'était la seule

17 solution, que de s'entretenir. Je ne voyais pas d'autre chose à faire.

18 Q. Savez-vous si d'autres personnes ont été frappées au cours de leur

19 détention ? Par les "autres" j'entends les autres personnes qui ont

20 participé aux négociations de l'accord de Daruvar.

21 R. Oui, Madame et Monsieur le Juge. Nos trois qui avons signé cet accord

22 de Daruvar nous avons été mis en détention. M. Dzakula et moi avons reçu de

23 la part de M. Martic des coups; pas lui en personne mais ses hommes.

24 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

25 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Je n'ai plus de questions --

26 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

27 M. MUSSEMEYER : [interprétation] -- mais j'ai une observation que

28 j'aimerais faire.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

2 M. MUSSEMEYER : [interprétation] M. Seselj a dit au compte rendu à la ligne

3 24 : 7 -- il a parlé de l'année "1975." Il me semble que c'est une erreur

4 ou c'est peut-être une erreur de traduction. En tout cas, on devrait lire

5 ici "1995." Est-ce que l'on pourrait vérifier cela ?

6 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est inscrit.

7 Alors, le mieux, on va faire 20 minutes de pause, et puis on reprendra

8 après la pause avec le contre-interrogatoire de M. Seselj.

9 --- L'audience est suspendue à 16 heures 17.

10 --- L'audience est reprise à 16 heures 41.

11 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise, donc nous allons

12 commencer le contre-interrogatoire, et Monsieur Seselj, deux heures pour le

13 contre-interrogatoire.

14 Bien, Monsieur Seselj, vous avez la parole.

15 Contre-interrogatoire par M. Seselj :

16 Q. [interprétation] Monsieur Kulic, au début de l'interrogatoire

17 principal, en répondant à une question du Juge Antonetti, pourquoi vous

18 aviez changé d'avis et renoncé aux mesures de protection, vous avez précisé

19 que les circonstances avaient changé. Alors, ce qui m'intéresse c'est

20 quelles sont les circonstances qui auparavant, lors du témoignage dans le

21 procès à Slobodan Milosevic, vous avaient incité à demander ces mesures de

22 protection et qu'est-ce qui a changé pour que vous n'ayez plus besoin de

23 mesures de protection à présent ?

24 R. Madame et Messieurs les Juges, une partie de ma famille vit en Réplique

25 de Serbie et une partie vit en Réplique de Croatie. Depuis 2002 à ce jour,

26 tant en Réplique de Serbie qu'en Réplique de Croatie, du point de vue de la

27 sécurité des citoyens, des communications, les relations ont

28 considérablement changé. Je pense que les gens sont bien plus libres. Mais

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1 toujours est-il que, pour répondre directement, les membres de ma famille

2 ont été d'accord pour que je témoigne ouvertement, chose qui d'ailleurs

3 était mon souhait dès le départ, pour ce qui est donc de mon témoignage

4 ici.

5 Q. Vous ne nierez pas le fait que le bureau du Procureur de La Haye,

6 depuis plus de cinq ans, peut-être même plus, donc, depuis votre toute

7 première déclaration, a considéré que vous étiez un témoin à témoigner dans

8 le procès à mon encontre. Avez-vous estimé que vous avez besoin de mesures

9 de protection parce que vous encourriez un danger, un péril quelconque de

10 ma part en personne, vous et votre famille ?

11 R. Madame et Messieurs les Juges, ça fait un an que j'ai été contacté par

12 ce Tribunal pour savoir donc qu'ils seraient intéressés aux fins d'un

13 témoignage de ma part ici, dans cette affaire-ci. Il y en a eu une autre

14 affaire. Pour ce qui est du Dr Seselj, je ne vois aucune raison personnelle

15 -- aucune nécessité personnelle. Je ne dis pas peut-être certains membres

16 de son parti pourraient-ils constituer péril, mais lui en personne, non.

17 Q. Mais pensez-vous que les membres du Parti radical serbe sont dangereux

18 et qu'ils pourraient mettre en péril la vie d'autrui, le travail d'autrui ?

19 R. Madame et Messieurs les Juges, les membres du Parti radical serbe, il y

20 en a parmi des parents et des connaissances à moi. Il y a une partie des

21 réfugiés de l'époque et des réfugiés actuels de la Réplique de Croatie. Il

22 est certain qu'ils n'approuvent pas fort mon témoignage ici devant ce

23 Tribunal.

24 Q. Donc, ce qui vous dérange c'est la réaction à laquelle vous vous êtes

25 attendu de la part de parents à vous qui seraient membres du Parti radical

26 serbe ? Il n'y a pas eu d'autres raisons; ai-je raison de le dire ?

27 R. Madame et Messieurs les Juges, j'ai émis des hypothèses, hypothèses qui

28 m'ont amené à considérer auparavant ces questions de sécurité à l'égard de

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1 ma famille en premier lieu et de moi-même ensuite. Je ne dis pas que cela

2 ne pourrait pas se faire ou se produire aujourd'hui. Je pense que les

3 possibilités sont considérablement réduites. Et j'ai cité un exemple pour

4 répondre à la question du Dr Seselj. Donc, cet exemple c'est de ne pas

5 vouloir parler de la région dont je suis originaire. Et là aussi, les

6 choses ne sont pas tout à fait sûres, si je puis le dire, maintenant.

7 Q. Mais, maintenant, vous vivez à Podravska Slatina, si j'ai bien compris.

8 R. Je vis dans une localité qui s'appelle Slatina et qui s'appelait

9 auparavant Podravska Slatina.

10 Q. De quoi vivez-vous à présent ?

11 R. Madame et Messieurs les Juges, si la question est relative à ma

12 biographie n'ont rien à voir, je préfèrerais ne pas répondre.

13 Q. Vous êtes obligé de répondre à toutes questions, parce que je veux

14 remettre en question votre crédibilité en tant que témoin de l'Accusation.

15 Donc, vous êtes tenu de répondre à toutes les questions.

16 Sur quoi vivez-vous à présent ?

17 R. Madame, et Monsieur le Juge, pouvez-vous me répondre ? Et me dire si je

18 suis censé répondre à des questions qui n'ont rien à voir directement avec

19 mon témoignage ?

20 M. LE JUGE ANTONETTI : -- dans une procédure qui peut vous paraître

21 différente de celles que vous connaissez dans votre pays.

22 L'accusé a le droit de poser des questions pour vérifier la crédibilité du

23 témoin; et à ce titre, il a le droit de vous demander : qu'est-ce que vous

24 faites actuellement et de quoi vivez-vous ?

25 Moi-même, je vous ai d'ailleurs posé la question en vous demandant juste

26 avant que vous prêtiez serment que : "Exercez une profession ou pas" ? Et

27 vous avez dit : "Je suis retraité." Je dis ça de mémoire, donc, j'en ai

28 tiré la conclusion que vous ne travaillez pas et vous avez peut-être une

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1 retraite, voilà, je n'ai pas poursuivi plus loin. Mais M. Seselj a le droit

2 de vous demander de quoi vivez-vous aujourd'hui ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas à la retraite. J'ai dit que je

4 ne travaillais pas. Mon statut pour ce qui est du travail est considéré

5 comme étant celui d'un chômeur mais je ne suis pas non plus inscrit au

6 bureau de l'emploi parce que j'ai une forme de contrat à durée partielle

7 pour le compte d'organisations non gouvernementales. Et je travaille

8 j'interviens au niveau du retour de la population réfugiée vers la Croatie,

9 aux fins de leur trouver des logements, aux fins de leur assurer des soins

10 sociaux, et des lieux d'habitation. Ce sont donc des activités qui peuvent

11 durer un an, six mois, enfin la tâche concrète actuelle que j'effectue dure

12 un an.

13 M. SESELJ : [interprétation]

14 Q. Pour quelles organisations non gouvernementales intervenez-vous ?

15 R. Pour le forum démocratique serbe pour des organisations

16 internationales, pour une autre organisation --

17 L'INTERPRÈTE : Dont l'interprète n'a pas saisi le nom.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] -- et maintenant je travaille pour ce bureau

19 Pakrac qui est chargé des réfugiés.

20 M. SESELJ : [interprétation]

21 Q. Avez-vous travaillé pour une organisation non gouvernementale

22 originaire de Belgrade ?

23 R. J'ai travaillé pour une organisation de Gravujevic [phon].

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Allez doucement, parce que les interprètes ont du

25 mal à vous suivre. Parce que vous parlez dans votre langue, vous allez très

26 vite et du coup les interprètes commencent à éprouver des difficultés.

27 Alors, attendez que celui qui a posé la question qu'il ait terminé avant de

28 répondre. Mais si vous répondez dans la seconde, il y aura un problème.

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1 M. SESELJ : [interprétation]

2 Q. Monsieur Kulic, dans combien de procès en Croatie, avez-vous témoigné à

3 l'égard de Serbes accusés de crimes de guerre, jusqu'à présent ?

4 R. Madame, Monsieur le Juge, dans un seul procès.

5 Q. Contre qui était diligenté ce procès ?

6 R. Ce procès a été conduit contre Branko Oliver, originaire de Vocin.

7 Q. Vous avez déjà dit qu'à l'occasion de votre service militaire

8 ordinaire, vous aviez fait l'école des officiers de réserve, et vous avez,

9 par conséquent, acquis le grade de sous-lieutenant, puis ensuite vous avez

10 travaillé dans une municipalité dans une mairie, et vous avez été à la tête

11 du QG de la Défense territoriale, n'est-ce pas ?

12 R. Non.

13 Q. Comment ça s'est passé alors ?

14 R. J'ai d'abord été employé au QG lorsque celui-ci était en création, cela

15 avait un statut de bureau de la Défense nationale. Ensuite j'ai été agent

16 opérationnel dans ce QG. Cet emploi s'appelait ainsi, j'étais agent

17 opérationnel.

18 Q. Qui se trouvait à la tête de ce QG alors que vous étiez vous-même agent

19 opérationnel ?

20 R. C'était feu Matija Perkovac.

21 Q. Jusqu'à quand avez-vous travaillé dans ce QG ?

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4 (expurgé), donc, je vous donne la parole.

5 M. SESELJ : [interprétation]

6 Q. Monsieur Kulic, d'après votre propre déclaration, vos propres dires le

7 28 août 1991, vous avez quitté Podravska Slatina pour arriver à Vocin,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Ce n'est pas exact.

10 Q. Alors, comment ça s'est passé ?

11 R. Le 29, le deuxième jour de la journée de la vierge Marie, je suis

12 arrivé au village Lukavac non loin de Slatina.

13 Q. Quand étés-vous arrivé à Vocin ?

14 R. Le jour d'après. Je pense que c'était le 30, mais je ne peux pas être

15 plus précis parce qu'il se peut que je n'ai pas bien consigné les choses

16 dans ma mémoire.

17 Q. Chez qui êtes-vous descendu à Vocin ?

18 R. Je me suis installé dans la maison de feu Nikola Radosevic.

19 Q. Est-ce qu'il est membre de la famille de Savo Radosevic ?

20 R. Oui, c'était le frère de Savo Radosevic.

21 Q. Et Savo Radosevic était votre ami le plus intime pour autant que je le

22 sache ?

23 R. Non.

24 Q. Etait-ce votre ami ?

25 R. Oui.

26 Q. Très proche ?

27 R. Non.

28 Q. Proche combien ?

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1 R. Disons un voisin.

2 Q. Alors, à Vocin, vous êtes intervenu au QG de la Défense territoriale.

3 Et vous nous avez dit ici que vous avez été amené ici par la force -- que

4 vous avez été emmené là-bas par la force, et en réalité, vous y êtes allé

5 de votre plein gré ?

6 R. Non.

7 Q. Par la force ?

8 R. J'ai été mobilisé.

9 Q. Avez-vous un papier de mobilisation ?

10 R. Depuis 1991, tous mes effets personnels ont au moins cinq fois été

11 saisis par différents effectifs sur ce territoire, donc, je ne peux pas

12 avoir cela quand bien même aurais-je essayé de tout garder.

13 Q. En septembre 1991, l'unité de la TO de Vocin a tué plus de 20 civils

14 croates au village de Cetekovci, n'est-ce pas ?

15 R. Non.

16 Q. Comment ça s'est passé ?

17 R. Aux villages de Balinci et Cojluk.

18 Q. Et qu'est-ce qui s'est passé à Cetekovci ?

19 R. C'est un village qui est situé au centre -- enfin, pour ce qui est de

20 l'opinion croate, on s'en est servi en particulier -- enfin, les médias et

21 l'adresse où se serait produit ce qu'on a qualifié de massacre. Enfin, il y

22 a eu des assassinats, des meurtres; ça c'est sans aucun doute. Mais ça ne

23 s'est pas produit comme on l'a dit.

24 Q. Et Balinci et Cojluk, est-ce qu'on pourrait dire que ce sont des

25 hameaux de Cetekovci ?

26 R. Ils se situent devant et derrière.

27 Q. Donc, ce sont des hameaux de Cetekovci, au sens large du terme ?

28 R. Oui.

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1 Q. Combien de civils ont été tués là-bas ?

2 R. Je ne sais pas.

3 Q. Plus de 20, n'est-ce pas ?

4 R. C'est ce que la presse en a dit et c'est ce qu'on m'a dit lors de

5 certains procès devant les tribunaux.

6 Q. Et devant -- pour ce qui est de votre procès déposé contre vous ?

7 R. Oui.

8 Q. Et parmi ces civils croates, il y en a eu qui ont été égorgés avec un

9 couteau ?

10 R. Non, ça je ne sais pas. De toute façon, j'ai refusé. Monsieur le

11 Président, il y avait des photographies des personnes massacrées au procès

12 de Bjelovar. On m'a apporté ces photographies pour me les montrées. Je ne

13 sais pas pour quelle raison. J'ai la sensation que c'est une pression qu'on

14 a exercée sur moi. De toute façon, à ce moment-là, je me suis senti malmené

15 et sans protection, car je ne connaissais pas ces gens-là. Je ne les avais

16 pas connus. Je ne me suis pas trouvé sur les lieux, donc ça n'a rien à voir

17 avec moi. Bien entendu, en tant qu'être humain, je regrette profondément.

18 Q. Mais on a vu que ce n'était pas par armes à feu que toutes ces

19 personnes ont été tuées. Certaines ont été tuées par des couteaux ou autres

20 objets de ce type.

21 R. Je n'ai pas regardé ces photographies, je l'ai refusé. Mais c'est ce

22 que j'ai entendu, effectivement.

23 Q. Vous avez refusé de regarder ces photographies ?

24 R. Je l'ai refusé.

25 Q. Vous-même, vous avez pris part à cette attaque de Balinci et de Cojluk,

26 contre ces deux hameaux de Cetekovci ?

27 R. Monsieur le Président, ce que vient de dire M. Seselj n'est pas exact.

28 Q. Si, c'est exact. C'est exact. Les autorités croates le savaient, c'est

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1 pour ça qu'ils ont dressé un acte d'accusation contre vous, et vous n'avez

2 pas été accusé de crime de Vocin lorsque vous n'étiez pas en Slavonie

3 occidentale, mais pour le crime du mois de septembre lorsque vous étiez bel

4 et bien à Vocin. Et ça, vous l'avez passé sous silence ici il y a un

5 instant. Lorsque vous avez demandé pourquoi vous avez fait l'objet de

6 poursuite des autorités croates, vous avez dit que c'était à cause des

7 choses qui s'étaient produites lorsque vous n'étiez pas en Slavonie

8 occidentale. Il y a un instant, vous avez dit ça, n'est-ce pas ?

9 R. Non, ce n'est pas ça.

10 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, je pense que vous vous en

11 souvenez, que M. Kulic a dit qu'il a été relâché de prison, qu'il a été

12 libéré et amnistié parce qu'à ce moment-là, il ne s'est pas trouvé sur les

13 lieux du crime. Et maintenant, nous avons un nouvel élément qu'il était

14 bien sûr les lieux de ce crime et qu'il a pris part à ce crime. Et après,

15 on verra bien pourquoi on l'a relâché de prison.

16 Vous avez accu --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

18 Il apparaît, Monsieur le Témoin, d'après M. Seselj - moi, je n'ai aucun

19 document - que vous auriez participé à la commission d'un crime sur 20

20 Croates qui auraient été tués par armes blanches. Alors, vous y étiez, vous

21 n'étiez pas ? Qu'est-ce que vous nous dites ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à

23 cette question; quand j'ai été mobilisé, quelles ont été mes obligations.

24 Egalement à ce sujet, j'attire l'attention des Juges de cette Chambre sur

25 les preuves et le procès du tribunal de district de Bjelovar quant à ce qui

26 est en train de monter de toutes pièces

27 M. Seselj, ça a pour objectif -- en fait, de toute façon -- de toute

28 évidence, ce que je sais et ce qui a à voir avec cette affaire, mais il a

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1 insinué des choses, et je les rejette. J'ai prêté serment devant vous de

2 dire la vérité. Tout ce que je vous ai dit est la vérité et je peux le

3 prouver.

4 Tout le reste, je considère que c'est une attaque personnelle qui

5 peut mettre en danger ma sécurité de manière considérable, Messieurs les

6 Juges, et c'est ça l'objectif de M. Seselj; il n'en a pas d'autres.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, si le Procureur

8 nous avait communiqué les documents du tribunal de Podravska Slatina, vous

9 auriez été en mesure de voir que c'était ce qui figurait dans l'acte

10 d'accusation contre M. Kulic et qu'on a décrit exactement l'événement. Le

11 Procureur, de manière délibérée, nous a passé sous silence toutes ces

12 informations et il est évident qu'il s'agit d'un criminel très dangereux.

13 Et après, j'en viendrai à parler de pourquoi il a été relâché de prison.

14 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, dans la procédure de votre pays,

15 mais qui ne doit pas être différente des pays de civil law, le Procureur

16 dresse un acte d'accusation. Il doit y avoir normalement un juge

17 d'instruction qui fait l'enquête, qui interroge le suspect en présence de

18 son avocat, qui fait une enquête, demande des auditions, et cetera. Et puis

19 après quoi, l'acte d'accusation est définitivement dressé et le tribunal en

20 est saisit à partir des demandes qui existent; sinon, on poursuivrait

21 devant tous les tribunaux n'importe qui sans éléments. Donc, si vous avez

22 comparu devant un tribunal, il devait avoir au moins quelques éléments.

23 Est-ce que vous avez été entendu par un juge d'instruction ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ça, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Et, devant le juge d'instruction vous avez dû dire

26 que vous n'étiez pour rien, je présume.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien entendu, c'est la vérité.

28 M. LE JUGE ANTONETTI : Et, malgré ça, le procureur a décidé de vous faire

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1 juger sur ces crimes.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Contre nous 136 personnes. Il y a eu ces

3 poursuites qui ont été engagées et à part il y avait un groupe de nous

4 cinq.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, bien. Donc, vous confirmez pour vous --

6 Oui, Monsieur le Procureur.

7 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Une petite remarque. L'accusé insinue que

8 l'Accusation a délibérément décidé de ne pas communiquer le verdict du

9 tribunal. Moi, je suis sûr que nous ne disposons pas de ce document parce

10 qu'avant faire venir un témoin à La Haye, nous cherchons tous les documents

11 qui sont en notre possession, et nous communiquons tout ce que nous avons à

12 l'accusé.

13 Nous ne pouvons pas communiquer quelque chose que nous n'avons pas.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, il ne s'agit pas d'un

15 jugement. Si la loi d'amnistie a été appliquée, de toute manière il n'y a

16 pas eu prononcé de jugement. C'est en fait une décision qui a été prise

17 d'appliquer la loi d'amnistie et on libère de toute responsabilité

18 l'accusé. Donc, là, c'est juste une décision. Le jugement, ce serait à la

19 fin d'un procès. Ce sont deux axes juridiques différents.

20 Et puis, il nous faut tout le dossier, tous les documents. La plainte

21 au pénal, l'acte d'accusation, le procès au fond. Il nous faut tout ça pour

22 ce témoin et on ne l'a pas eu. Le Procureur était au courant. S'il ne l'a

23 pas en sa possession il n'a rien fait pour se le procurer.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je

25 peux dire quelque chose.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, à mon encontre,

28 il y a eu un procès qui a été dressé pendant 24 jours devant 86 témoins,

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1 j'étais présent dans un prétoire. Il y a un jugement. M. Seselj se trompe

2 peut-être, est-ce qu'il est en train d'interpréter un autre droit ? Mais en

3 Croatie, à Bjelovar, il y a eu un jugement d'acquittement à mon encontre,

4 faute de preuve suffisante. Et pour ce qui est du soulèvement armé auquel

5 j'aurais pris part, il a fait l'objet de l'application de la loi

6 d'amnistie.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Monsieur Seselj, le témoin donne une

8 précision. Il aurait été acquitté pour ses crimes et la loi du pardon -- la

9 loi d'amnistie se serait appliquée sur le soulèvement armé. Voilà ce qu'il

10 dit. Mais peut-être que vous avez le jugement vous, vous avez peut-être

11 tout ça.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais enfin, lorsqu'il y

13 a un Etat ennemi tel que la Croatie, je pense que c'est au Procureur de se

14 procurer des documents qu'il va me remettre. Ni moi ni mes collaborateurs

15 nous ne pouvons nous rendre là-bas, mais, pour nous, il faut savoir que

16 c'est un Etat ennemi.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, personne ne vous demande et vous

18 auriez été d'ailleurs dans l'incapacité de vous rendre en Croatie, mais

19 rien ne vous empêchait d'envoyer une lettre aux autorités --

20 L'ACCUSÉ : [interprétation] Peut-être que la Chambre me l'aurait autorisé

21 si j'avais demandé.

22 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous n'avez pas besoin d'une autorisation de la

23 Chambre, vous pouvez écrire en Croatie pour demander la communication d'un

24 jugement qui concernait, monsieur, qui va déposer comme témoin de

25 l'Accusation. Et je suis convaincu que la Croatie vous aurait donné ce

26 jugement. Bon, mais de même le Procureur aurait aussi pu le faire. Ce qu'il

27 n'a pas fait.

28 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais ça devient un conte

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1 de fée, que je m'adresse aux autorités croates, qu'elles me répondent par

2 la positive et qu'ils me fournissent ce que j'ai demandé. C'est vraiment du

3 conte fée qu'il s'agit. Mais enfin peu importe.

4 Vous et vos collègues, membres de cette Chambre, vous êtes témoin du fait

5 ce témoin pendant l'interrogatoire principal a dit ici qu'il a fait l'objet

6 de procès en Croatie pour crimes commis à Vocin, qui s'est produit au

7 moment où lui s'est trouvé à Belgrade et qu'il a été acquitté parce qu'il

8 ne s'était pas trouvé sur les lieux du crime.

9 Maintenant, je vous soumets un fait nouveau et le témoin vous

10 confirme. Il confirme qu'il a été jugé pour cela, et c'est la première fois

11 qu'on l'entend dire que c'est faute de preuve qu'il a été acquitté. Je ne

12 sais pas si on peut lui faire confiance, mais, si c'est la vérité, s'il a

13 été acquitté faute de preuve, mais cela ne veut pas dire qu'il n'a pas été

14 auteur du crime. Tout simplement le tribunal n'a pas pu le prouver, à ce

15 moment-là; peut-être qu'un autre tribunal, un autre moment le prouvera.

16 C'est ça la substance. C'est tout cela que vous avez vu ici.

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- acquitté faute de preuve; c'est ça que vous

18 avez dit.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y a eu un acte d'accusation qui

20 a été dressé contre moi, Monsieur le Président, à aucun endroit de cet acte

21 d'accusation du moins c'est mon avocat qui m'a expliqué les choses comme

22 ça, on a trouvé d'élément permettant de savoir quel est l'acte pour lequel

23 on m'a accusé concrètement. Il y avait des évocations, des choses qui

24 s'étaient produites là-bas.

25 Mais il n'y avait aucun autre acte si ce n'est le soulèvement armé.

26 Mais ça, je ne l'ai jamais nié que j'ai été membre de la Défense

27 territoriale. Mais j'ai également décrit comment. Quant à savoir ce qui est

28 en train de fabriquer M. Seselj, c'est du déjà vu dans ce prétoire.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais je suis stupéfait. Comment est-ce que vous

2 pouvez autoriser le témoin a proféré ce genre de commentaire ? Ce qu'on a

3 vu de ma part c'est dans ce prétoire déjà, mais ça n'a aucun sens,

4 vraiment. Le témoin, il peut répondre à vos questions, aux questions du --

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la première fois que vous venez,

6 l'accusé soutient qu'il y a eu un acte d'accusation contre vous, vous êtes

7 d'accord. Vous reconnaissez que vous avez été acquitté en expliquant qu'il

8 n'y avait pas de preuve, très bien. Tant mieux pour vous. Voilà, c'est tout

9 ce qu'on peut en tirer comme conclusion.

10 Bien, Seselj, continuez.

11 M. SESELJ : [interprétation]

12 Q. Monsieur Kulic, la stratégie de votre Défense devant le tribunal croate

13 était la suivante, fait reporter la responsabilité, la culpabilité aux

14 autres. Par l'entremise de votre avocat vous avez essayé de culpabiliser

15 Mile Crnobrnja, qui était à la tête de la police de Vocin, et également

16 Bora Lukic, 0qui était déjà mort parce qu'il est tombé plus tard dans la

17 guerre de Bosnie; c'est exact ?

18 R. Non.

19 Q. Et comment ça s'est passé ?

20 R. Bora Lukic n'est pas tombé sur le théâtre des opérations, à ce moment-

21 là il n'était pas mort, qu'il s'agisse de lui ou de Mile, je n'ai jamais

22 cherché à culpabiliser qui que ce soit au tribunal. J'ai fait part des

23 faits, de ce que j'ai vécu et de ce que j'ai vu.

24 Q. Mile Crnobrnja, qu'est-ce que vous avez dit au sujet de lui devant le

25 tribunal croate ?

26 R. Monsieur le Président, véritablement, je ne vois pas pourquoi je

27 répondrais à ces questions, à savoir sur quoi j'ai déposé, comment me suis-

28 je défendu, en 1995 devant le tribunal de Bjelovar; qu'est-ce que ça a à

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1 voir avec ce procès ?

2 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'attends la réponse, Monsieur le Juge.

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Témoin, Vocin est une localité qui est

4 dans l'acte d'accusation, et de ce fait, il y aurait eu des crimes commis

5 dans cette localité ou à côté, et cetera. L'accusé par l'acte d'accusation

6 est mis en accusation sur des crimes qui ont été commis dans cette

7 localité, crimes commis par des volontaires dont l'appartenance politique

8 était celle du Parti radical serbe dont l'accusé était à l'époque le

9 président du parti.

10 De ce fait, il apparaît que des crimes ont été commis à Vocin. L'accusé

11 semble vouloir indiquer que lui n'a rien à voir avec ces crimes, et encore

12 moins ses volontaires, et que les crimes auraient pu être commis par des

13 locaux.

14 Et on découvre qu'il y a eu un procès concernant 20 Croates qui auraient

15 été tués et dans le [imperceptible] c'est vous qui en étiez un acteur

16 puisque vous étiez poursuivi pour ces crimes. Voilà. Et donc, l'accusé

17 essaie de démontrer qu'il s'est passé des événements à Vocin qui ont pu

18 concerner d'autres personnes que les volontaires serbes, à savoir les

19 locaux. Et vous, vous êtes un local de la région. C'est pour ça qu'il vous

20 pose les questions.

21 J'attire votre attention que l'accusé doit avoir des éléments en sa

22 possession puisqu'il dit au cours du procès vous avez, vous, mis en cause

23 deux personnes dont il cite les noms. Donc, l'accusé a certainement des

24 éléments, soit parce qu'il a fait une enquête, soit parce que ses conseils

25 ou ses avocats lui ont donné des éléments tirés d'articles de presse, et

26 cetera. Et donc, il essaie de savoir par ses questions quelle était votre

27 participation, vous ou d'autres, à des événements qui sont à charge contre

28 lui.

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1 Parce qu'il y a eu des crimes à Vocin commis, d'après l'Accusation,

2 par des volontaires du Parti radical serbe, et il essaie d'établir que ce

3 sont d'autres qui ont pu commettre des crimes. Voilà.

4 Donc, répondez aux questions qu'il vous pose.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, j'accepte ce que

6 vous venez de dire sans aucun doute. Mais M. Seselj ne m'a pas posé de

7 questions sur le rôle joué par telle ou telle personne. Il m'a dit ce que

8 j'ai dit dans ma déposition en 1995 à Bjelovar. Mais je vous en prie, c'est

9 fait 13 ans depuis ce moment-là, comment est-ce que je pourrais me rappeler

10 ce que j'ai dit dans ma déposition ?

11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Messieurs les Juges, le témoin se souvient des

12 événements qui se sont produits il y a 17 ans alors qu'il ne peut pas se

13 souvenir de ce qui s'est passé il y a 13 ans. Sa déposition dans l'affaire

14 contre moi est de second, troisième, allant jusqu'à 43e main. Or ici, c'est

15 de manière directe qu'il a parlé de Mile Crnobrnja et de son rôle. C'était

16 le chef du poste de police de Vocin, Mile Crnobrnja.

17 S'il vous plaît, forcez le témoin à répondre qu'a-t-il dit au sujet de Mile

18 Crnobrnja à Bjelovar devant le tribunal.

19 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, quand vous avez comparu devant le

20 tribunal, vous devez vous souvenir de ce qui a dû se passer quand vous avez

21 mis en cause d'autres personnes, surtout pour établir votre innocence,

22 puisque vous avez été acquitté. Alors, vous devez quand même vous souvenir

23 de cela ou pas.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

25 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, essayez de répondre aux questions posées.

26 Alors, Monsieur Seselj, reposez votre question.

27 M. SESELJ : [interprétation]

28 Q. Monsieur Kulic, ma question est la suivante : devant le tribunal de

Page 4526

1 Bjelovar, qu'avez-vous dit au sujet du rôle joué par Mile Crnobrnja dans le

2 massacre des civils croates de Cetekovci, c'est-à-dire des hameaux de

3 Balinci et de Cojluk ?

4 Qu'avez-vous dit à ce moment-là au sujet du rôle joué par Mile Crnobrnja ?

5 Qu'est-ce qui a été consigné au compte rendu d'audience ?

6 R. Je ne sais pas ce qui figure au compte rendu d'audience de ce procès.

7 Mais la seule chose que je puis dire, Messieurs les Juges, c'est que Mile

8 Crnobrnja, qui était de chef au poste de police de Vocin, lui avec une

9 partie de ces hommes a pris part à cette action. D'autres personnes me

10 l'ont dit, ainsi que des membres de cette unité. Donc, je n'ai rien -- je

11 ne peux dire rien d'autre à ce sujet.

12 Et si j'ai dit -- mais, enfin, je doute que j'ai dit autre chose, puisqu'à

13 l'époque je n'étais pas sur place. Donc, j'ai pu déposer parce que je

14 connais les gens, je connais la structure. Et j'ai pu supposer les

15 responsabilités pour ce type d'action.

16 Q. Mais vous saviez très bien qui a été impliqué au massacre de ces civils

17 croates.

18 R. Non, je ne le savais pas, et je ne le sais pas encore aujourd'hui.

19 Q. Mais qu'avez-vous dit au sujet du rôle joué par Boro Lukic à ce

20 massacre ?

21 R. Boro Lukic, je ne pouvais dire que, pour Mile Crnobrnja, la même chose,

22 que c'est la personne la plus haute responsable du QG de l'époque. Si

23 quelqu'un est au courant de cette action, si quelqu'un l'a planifiée, alors

24 c'est lui. Et c'est sur ces bases-là qu'il a été engagé, et d'ailleurs, ça

25 appartient au tribunal et pas à moi d'établir sa responsabilité. Et puis,

26 qu'il y avait d'autres hommes avec lui au QG, et je les connaissais.

27 Q. Mais dans ce QG, vous étiez capitaine de 1ère classe, le plus haut

28 placé. Est-ce qu'il y avait quelqu'un de plus haut gradé que vous ?

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1 R. Mais il y avait des commandants et des capitaines de première classe.

2 Q. Mais qui était commandant ?

3 R. Feu Boro Lukic.

4 Q. Donc, Boro Lukic. Et d'autres commandants, il y en avait ?

5 R. Peut-être des gens que je ne connaissais pas, mais je ne connais pas

6 d'autres.

7 Q. Et parmi les capitaines de première classe, il y avait qui d'autre ?

8 R. Il y en avait pas mal.

9 Q. "Pas mal," c'est combien ?

10 R. Cinq ou six, disons.

11 Q. Citez-nous les noms.

12 R. Rajko Bojicic, disons, Keleuva, Jorgic. Je n'arrive même pas à me

13 rappeler tous les noms, mais je suis certain qu'il y en avait plus que

14 cinq.

15 Q. Est-ce qu'ils étaient tous des capitaines de première classe ou

16 simplement des capitaines ?

17 R. Capitaines de première classe.

18 Q. Mais vous venez de les promouvoir entre-temps.

19 R. Non, non. C'étaient des gens comme moi, des réservistes.

20 Q. Et qu'est-il advenu de Boro Lukic ?

21 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, pour autant que je

22 le sache, Boro Lukic est décédé. C'est ce que j'ai appris de ses proches.

23 Q. Il est décédé où ?

24 R. En Republika Srpska.

25 Q. A quel moment ?

26 R. Je pense qu'il est décédé -- je ne serai pas très précis, mais je vais

27 essayer de me rappeler. Je pense qu'il est décédé fin 1994.

28 Q. Donc, avant que vous ne soyez arrêté et jugé à Bjelovar; c'est bien ça

Page 4528

1 ? Boro Lukic est décédé, Mile Crnobrnja s'est enfui en Serbie, et libre à

2 vous de les accabler de toute la responsabilité ou culpabilité.

3 R. Il n'en est pas ainsi, Monsieur le Président; c'est une insinuation.

4 Q. Monsieur Kulic, au moment où ce crime s'est produit, juste à deux pas

5 de Vocin, est-ce qu'il y avait ne serait-ce qu'un seul volontaire, un seul

6 volontaire de Serbie en Slavonie occidentale ?

7 R. Il n'y en avait pas un seul, Monsieur le Président.

8 Q. Donc, il n'y avait pas de volontaires venus de Serbie, et vous --

9 certains d'entre vous de Slavonie occidentale - bien entendu pas tous -

10 vous avez pu démontrer qu'il y avait parmi vous des criminels dangereux et

11 des égorgeurs. Donc, on n'avait pas besoin de volontaires de Serbie. Vous

12 étiez tout à fait capables d'égorger vous-mêmes ?

13 R. Non.

14 Q. Mais ces Croates, comment sont-ils morts alors s'il n'en est pas ainsi

15 ?

16 R. Monsieur le Président, c'était dans des circonstances qu'il n'y a pas

17 lieu d'élucider ici, parce que ceci n'intéresse pas

18 M. Seselj.

19 Q. Si, si, ça m'intéresse beaucoup et il faudrait que vous me répondiez à

20 cette question. Dans quelles circonstances a-t-on tué ces civils croates ?

21 M. LE JUGE ANTONETTI : Témoin, il y a des civils croates qui ont été tués.

22 Nous, on n'en est pas -- on n'en est pas saisis. En revanche, on est saisi

23 de ce qui s'est passé à Vocin en ce qui concerne la ligne de conduite

24 délibérée parce que Vocin est un exemple de qu'auraient pu faire, ou ce

25 qu'ont fait les volontaires du Parti radical serbe. Or, il apparaît qu'il y

26 a eu un crime où vous-même vous dites à l'époque, les volontaires du Parti

27 radical serbe n'étaient pas là. Donc, ceux qui ont commis le crime. Vous,

28 vous dites, moi je n'étais pas là. Très bien. Mais ceux qui ont commis le

Page 4529

1 crime dans ces localités étaient des gens qui habitaient sur place. Ce

2 n'étaient des volontaires du Parti radical serbe qui venaient de Serbie.

3 Est-ce que vous confirmez cela ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il en est ainsi, Monsieur le Président.

5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais aucun volontaire de

6 Serbie n'était sur place. Je ne parle même pas de volontaires du Parti

7 radical serbe. Aucun volontaire n'était là, quel qu'il soit. Il n'y avait

8 que des gens du cru; c'est ça la substance. Si vous m'y autorisez, je vais

9 poursuivre.

10 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, poursuivez, poursuivez.

11 M. SESELJ : [interprétation]

12 Q. Donc, Monsieur Kulic, de toute évidence, ce crime de masse, qui sans

13 aucun doute a eu lieu -- a été perpétré, ne pouvait absolument pas être

14 attribué ou mis en relation avec les volontaires de Serbie ?

15 R. C'est ça.

16 Q. Et tous ces individus qui sont les auteurs du crime de Cetekovci --

17 enfin des hameaux de Cetekovci, eux, ils ont continué de vivre et de

18 travailler en Slavonie occidentale au sein de la Défense territoriale;

19 c'est bien ça ?

20 R. Je ne comprends pas la question, Monsieur le Président.

21 Q. Tous les individus de Vocin qui ont commis ce crime sur plus de 20

22 civils croates, le crime de Cetekovci, du mois de septembre 1991, après ce

23 crime ils ont continué de vivre à Cetekovci, dans les environs, sans qu'il

24 se produise rien du tout.

25 R. Monsieur le Président, il me faut dire quelque chose maintenant. Ce

26 n'est pas tout à fait ça. Et la raison en est la suivante : c'est le moment

27 où je suis arrivé à Vocin, je sais que cet événement -- mais personne

28 absolument personne n'en a soufflé mot du moins pas devant moi, donc les

Page 4530

1 informations sur ce crime, je les ai apprises uniquement par la suite.

2 C'était même un an, l'année d'après. Et c'est plus grâce à la presse que

3 par ce que les gens m'auraient dit. Donc ils n'en parlaient pas.

4 Et pour répondre à la question que vous avez posée, oui, il en est

5 ainsi. C'est très vraisemblable que ces gens aient continué de vivre là-bas

6 parce que je ne les connais pas de nom. Je ne sais pas qui sont ces

7 auteurs, et je ne sais pas qui sont ceux qui ont perpétré cela. Je ne peux

8 pas le savoir. Si je le savais je le dirais.

9 Q. Très bien. Il y avait un nombre plus important d'auteurs parce qu'il y

10 avait une attaque sur Cetekovci, 20 civils croates ont été tués de manière

11 différente; par arme à feu, des couteaux, ou d'autres objets. C'était de

12 manière diverse et les photographies le montrent. Les photographies que les

13 autorités croates vous ont montrées. Tous ces criminels qui sont sortis

14 impunis peuvent commettre de nouveaux crimes en restant impunis; c'est bien

15 ça ?

16 R. Je suppose qu'il en est ainsi.

17 Q. Et puis pendant la deuxième moitié du mois d'octobre on voit apparaître

18 des volontaires qui sont arrivés de Serbie, évidemment c'est la chose la

19 plus commode attribuer tous les nouveaux crimes aux volontaires inconnus,

20 anonymes de Serbie; c'est bien ça, Monsieur Kulic, n'est-ce pas ?

21 R. Non, il n'en est pas ainsi, Monsieur le Président. Jamais personne, du

22 moins je ne l'ai pas entendu n'a accusé les volontaires de Serbie pour le

23 crime que nous venons de citer.

24 Q. Non pas ce crime-là mais des crimes à venir, des crimes futures, est-ce

25 qu'on n'est pas en droit de supposer que les hommes qui ont commis un crime

26 de masse était tout à fait prêt à réitérer cela commettre de nouveau crime

27 ailleurs. Et c'est ce qu'ils ont fait, en octobre, en novembre, en

28 décembre. Et puis la chose la plus commode pour eux à partir de la deuxième

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1 moitié du mois d'octobre c'était tout simplement d'imputer, attribuer tous

2 ces crimes aux volontaires anonymes arrivés de Serbie, et c'était ce qu'on

3 fait de manière systématique ce groupe de criminels de Slavonie

4 occidentale. En est-il ainsi ?

5 R. Non.

6 Q. Alors comment ? Ceux qui ont commis le crime de Cetekovci ils n'ont

7 jamais plus commis d'autres crimes ? Ils ont eu des remords ? Ils ont fait

8 amende ? Et ils n'ont plus jamais commis de crime ?

9 R. Monsieur le Président, il n'en est pas ainsi.

10 Q. [imperceptible], ce n'est pas ainsi ? Ils ont continué de commettre les

11 crimes ou pas ?

12 R. Personne ne les a accusés sans fondement, aucun, j'en suis certain,

13 quand bien même l'intention aurait été différente ou autre, donc pas moi

14 encore moins.

15 M. LE JUGE ANTONETTI : -- le Témoin, il y a des crimes qui sont commis en

16 septembre par des membres de la Défense territoriale. Il va y avoir -- on

17 est d'accord. Là, tout le monde est d'accord [inaudible] ultérieurement, en

18 octobre, novembre, dans les semaines qui suivent, il y a d'autres crimes.

19 Quelqu'un pourrait penser que ceux qui ont déjà commis des crimes peuvent

20 recommencer, pourquoi pas, et qu'à ce moment-là, pour s'exonérer d'une

21 quelconque responsabilité imputent les futurs crimes d'octobre, novembre,

22 décembre, à ces volontaires qui arrivent de Serbie qui ont peut-être des

23 problèmes de discipline; et à ce moment-là, ça permet de se dégager de

24 toute responsabilité.

25 Alors, c'est une hypothèse. Je ne dis pas que c'est une certitude mais

26 c'est une hypothèse dont on doit tenir compte. Alors, qu'est-ce que vous en

27 dites, vous ? C'est la question que M. Seselj vous a posée. Qu'est-ce que

28 vous en dites ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais le répéter, Monsieur le Président.

2 S'agissant des événements de Cetekovci, j'en ai entendu parler à titre

3 ultérieur, et il n'est pas question de l'affirmer,

4 M. Seselj n'a aucun élément de preuve ni rien d'autre. Tout simplement il

5 essaie de me ternir ici aux fins d'aboutir à quelque chose dans son procès

6 à lui. Moi, je lui souhaite bien du succès mais pas en me couvrant de boue.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : -- mettez votre cas à part, on part de l'hypothèse

8 où vous vous n'avez rien à voir, puisque vous dites qu'en il y a eu les

9 crimes moi je n'étais pas là. On part de cette hypothèse, mais on a la

10 situation suivante : il y a des membres de la Défense territoriale qui ont

11 participé à la commission de crimes et ces mêmes individus sont encore dans

12 la Défense territoriale. Vous, vous ne le savez pas, mais ces individus

13 sont à la Défense territoriale. Vous ne savez pas qu'au mois de septembre

14 ils ont déjà commis des crimes.

15 Qu'est-ce qui peut les empêcher de continuer de mettre le feu, par exemple,

16 à une maison dont vous aviez vu des lumières, a tué la famille Matanci ?

17 Qu'est-ce qui les empêche de faire ça, et puis d'imputer cela aux

18 volontaires serbes ? Donc, on ne sait pas d'où ils viennent. Tout ce qu'on

19 sait c'est qu'ils viennent de Serbie et ils appartiennent au Parti radical

20 serbe.

21 Alors, est-ce que ça peut se concevoir, ou c'est complètement aberrant ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr que cela est possible. Cela est tout

23 à fait logique comme supposition, comme hypothèse. Mais moi, je suis en

24 train de vous dire ce qui s'est passé là-bas, et non pas ce qui est

25 possible comme hypothèse ou pas.

26 M. SESELJ : [interprétation]

27 Q. Mais tout ce que vous dites au sujet de ce qui s'est passé là-bas, vous

28 en parlez deuxième main. Parce que vous n'avez pas été témoin oculaire.

Page 4534

1 Donc, quelqu'un vous a relaté quelque part que les volontaires ont commis

2 tels crimes et les volontaires ont commis tels autres crimes, mais aucun de

3 ces crimes-là vous ne les avez vus de vos propres yeux, n'est-ce pas ?

4 R. Je n'ai pas vu de mes propres yeux aucun crime. Ça c'est vrai.

5 Q. Donc, tout ce que vous en savez au sujet de ces crimes prétendus,

6 crimes commis par des volontaires sont des ouï-dire de deuxième, troisième,

7 cinquième main. Les rumeurs [imperceptible] langue serbe, n'est-ce pas ?

8 R. Non, non, non.

9 Q. Comment ça s'est passé ?

10 R. Madame, Monsieur le Juge, j'ai précisé qu'à l'époque j'étais là-bas et

11 que j'y réside même à présent. Je rencontre des gens qui ont eu à voir des

12 crimes directement, et je n'ai aucune raison de ne pas prêter foi à ce

13 qu'ils me disent. Ils ne m'ont pas parlé de la chose en cas d'un procès ils

14 ne m'en ont pas parlé sous des pressions.

15 Ils m'ont parlé de la chose tout simplement par nécessité de dire ce qui

16 s'est passé. Souhaite ils compatissaient avec les victimes, souhaite ils

17 étaient révoltés ou apeurés à un certain moment et maintenant on peut en

18 parler, et ils en parlent maintenant d'une façon autre.

19 Q. Mais comment se fait-il, Monsieur Kulic, qu'ils soient disposés à vous

20 parler de tous les crimes mis à part le crime de masse, qui a été commis à

21 Cetekovci ? Le tout premier. Alors, on attend qu'une chose c'est vous dire

22 vous confessez toute chose sur ce qui s'est passé ensuite et sur le premier

23 des crimes personne n'en parle. Comment se fait-il ?

24 R. Madame, Messieurs les Juges, tels gens n'étaient pas impatients pour ce

25 qui était de me présenter leur confession ou de me raconter leur vie. Il

26 s'agit de ce qui suit : lorsqu'il s'agit d'aider les gens à retourner là-

27 bas et en résidant là-bas parmi eux, j'ai été souvent en situation où nous

28 avons parlé ou nous avons évoqué ce qui s'est passé. Il y a eu beaucoup de

Page 4535

1 gens qui ont été poursuivis en justice qui ont fait l'objet de procès, nous

2 avons répété bon nombre d'événements ou relater bon nombre [imperceptible]

3 Donc, il n'est pas difficile de formuler des hypothèses. Si on

4 connaît les circonstances, les faits et les acteurs.

5 Q. Vous avez témoigné partant de suppositions, Monsieur Kulic, n'est-ce

6 pas ?

7 R. Je ne comprends cette question. C'est tellement vague que je ne

8 comprends pas.

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 Mais, bon, Monsieur Kulic, après le crime de Cetekovci, vous avez commandé

12 une unité de reconnaissance de la TO à Vocin, n'est-ce pas ?

13 R. Non.

14 Q. Qui est-ce qui a commandé cette unité -- ce détachement de

15 reconnaissance ?

16 R. Pour ce qui est d'un détachement de reconnaissance il n'y en a pas eu.

17 Q. C'est vous qui aviez créé ce détachement de reconnaissance.

18 R. A la demande du commandement, j'ai participé à la formation, à

19 l'entraînement et à l'organisation d'une partie où certains individus ou

20 groupes pour ce qui est de la reconnaissance. Mais je n'ai ni dirigé ni

21 organisé la chose et cela n'était pas ma mission.

22 Q. Vous avez patrouillé sur la voie de communication entre Slatina-Galina

23 et Lipovac, n'est-ce pas, Monsieur Kulic ?

24 R. Non, Madame et Messieurs les Juges, je n'ai jamais patrouillé où que ce

25 soit. J'ai visité certaines régions, oui, et l'appellation des villages

26 n'est pas exacte.

27 Q. Peut-être que l'appellation des noms des villages n'est-elle pas

28 exacte, je n'y vois pas trop bien non plus; mais, vous avez posé une

Page 4536

1 embuscade, et vous avez tué Zvonko Cubeljic et vous avez blessé un dénommé

2 Sikic, un Croate, qui n'étaient pas armés, n'est-ce pas ?

3 R. Non, ce n'est pas vrai.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur le Procureur.

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6 Alors, poursuivez, Monsieur Seselj, et on va être obligé de faire une

7 courte pause avant de reprendre.

8 M. SESELJ : [interprétation]

9 Q. Nous en sommes arrivés au fait où partant d'une embuscade vous avez tué

10 Zvonko Cubeljic et blessé un Sikic, qui sont des Croates, et qui n'avaient

11 pas d'armes, n'est-ce pas, Monsieur Kulic ?

12 R. Non, ce n'est pas vrai, Monsieur Seselj.

13 Madame et Messieurs les Juges, jamais je n'ai pris part à une action armée

14 quelle qu'elle soit.

15 Q. Qui a tué Zvonko Cubeljic ?

16 R. Je ne le sais pas.

17 Q. Mais qui le sait ? Est-ce que vous savez que Zvonko Cubeljic a été

18 tué ?

19 R. Je sais que Zvonko Cubeljic a été tué, Madame, Messieurs les Juges,

20 c'était le gardien d'un bâtiment où j'ai travaillé.

21 Q. Et c'est la raison pour laquelle vous l'avez tué ?

22 R. Ça, Madame, Messieurs les Juges, c'est une insinuation.

23 Q. Monsieur --

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Il est mort comment ce Zvonko Cubeljic, d'après

25 vous ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai entendu dire de la

27 bouche de membres de sa famille qu'il avait tué. Il a été tué, oui. Mais ça

28 n'a rien à voir avec moi, et c'est des insinuations de la part de M. Seselj

Page 4538

1 que d'affirmer que j'aurais tué qui que ce soit où que ce soit, et suivant

2 la même logique, c'est ce qui s'est dit jusqu'à présent, c'est analogue.

3 M. SESELJ : [interprétation]

4 Q. Et dans une embuscade, vous avez tué un Croate répondant au nom de

5 famille Minauf, qui était à bord d'une fourgonnette. C'était un civil à

6 bord d'une fourgonnette, vous avez organisé une embuscade, vous avez tiré,

7 vous l'avez tué, n'est-ce pas ?

8 R. Non.

9 Q. Qui est-ce qui l'a tué, lui ?

10 R. Enfin, je ne sais pas qui est-ce qui l'a tué. Je sais qu'il a été tué,

11 mais je répète une fois de plus, Monsieur le Président, que je n'ai jamais

12 participé sur le territoire de Vocin à quelque action armée que ce soit où

13 il y aurait eu blessés ou morts d'hommes.

14 Q. Comment s'appelait le dénommé Minauf ?

15 R. Je ne sais pas comment il s'appelait.

16 Q. Mais vous êtes au courant de ce meurtre ?

17 R. Oui, je suis au courant de tous les meurtres.

18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous prie instamment de ne pas

19 mettre en accusation de façon pénale le témoin sans pouvoir apporter la

20 preuve. Si vous pouvez apporter la preuve, soit; sinon, évitez de mettre le

21 témoin en accusation.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Juge, je présente des faits qui

23 sont notoirement connus de toutes les personnes vivants dans la Slavonie

24 occidentale, et je vous communiquerai un grand nombre de déclarations qui

25 confirment ceci, et qui sont visées au tribunal, et faites par des gens qui

26 en savent tout, mais on va commencer avec les déclarations faites par ces

27 gens dans quelques minutes ou peut-être après la pause, ou du moins avec

28 certaines d'entre elles.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : On va faire la pause tout de suite. On va faire une

2 pause de dix minutes, parce que notre temps est réduit. Donc, on fait une

3 pause de dix minutes. On reprend dans dix minutes.

4 --- L'audience est suspendue à 17 heures 53.

5 --- L'audience est reprise à 18 heures 10.

6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise. Alors, pour le timing,

7 Monsieur Seselj, vous avez utilisé 28 minutes. Donc, il vous reste une

8 heure 32 minutes.

9 M. SESELJ : [interprétation]

10 Q. Monsieur Kulic, vous avez fait deux déclarations pour le compte du

11 bureau du Procureur à La Haye, n'est-ce pas ?

12 R. Oui. Oui, il y a, Monsieur le Président, deux déclarations.

13 Q. Dans la déclaration que vous avez faite à la date du 14 novembre 2007,

14 au paragraphe --

15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je peux commencer ?

16 Q. Dans cette déclaration que vous avez faite à la date ou plutôt en l'an

17 2007, 14 novembre 2007, oui, au paragraphe 32, vous avez dit qu'au mois de

18 décembre 1991, lorsque vous étiez au bureau de la Slavonie occidentale à

19 Belgrade, vous aviez fait la connaissance d'une personne qui s'était

20 présentée comme étant celle qui envoyait les volontaires au nom du Parti

21 radical en Slavonie occidentale.

22 Avez-vous bien dit cela ?

23 R. Si c'est ce qui est écrit dans ce paragraphe, je l'ai probablement dit,

24 Monsieur le Président.

25 Q. Donc, ça ne s'est pas passé au siège du Parti radical serbe, et au QG

26 de guerre de ce parti-là, mais au bureau de la Slavonie occidentale ?

27 R. Je pense que ça été comme vous venez de le dire.

28 Q. Donc, vous n'êtes pas allé du tout au bureau du Parti radical serbe,

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1 n'est-ce pas ?

2 R. Une fois je suis allé au bureau du Parti radical serbe, dans la rue

3 Ohridska.

4 Q. Où se trouve la rue Ohridska ?

5 R. Un peu plus haut que le marché - comment il s'appelait ? C'est quand on

6 monte de la rue Balkanska, je ne connais pas très bien Belgrade. Je sais

7 qu'on remonte par la rue Balkanska, la rue des Balkans, et enfin, je sais

8 où c'est. Il y a plusieurs sièges d'organisations non gouvernementales. Je

9 sais où se trouve cette rue Ohridska, je connais le lieu.

10 Q. Monsieur Kulic, la rue Balkanska permet de déboucher sur Zeleni Venac.

11 R. Exact.

12 Q. Mais c'est très loin de la rue Ohridska, et il n'y a aucune

13 organisation non gouvernementale dans le bâtiment où se trouve le siège du

14 Parti radical serbe, pas une seule ONG. La rue Ohridska se trouve non loin

15 de l'église de Saint-Sava. Savez-vous à quelle distance se trouve l'église

16 de Saint-Sava de la rue Balkanska ?

17 R. Très loin.

18 Q. Donc, vous ne savez pas du tout où se trouve le siège du Parti radical

19 serbe ?

20 R. Je sais où se trouve le siège du Parti radical serbe, je suis passé

21 devant. C'est visible.

22 Q. Quel siège ?

23 R. Actuel.

24 Q. Moi, je vous parle du siège en 1991.

25 R. Ça, je ne suis pas au courant.

26 Q. Mais, comment avez-vous été au siège du Parti radical serbe si vous ne

27 savez pas où ça se trouve ?

28 R. Je répète, Monsieur le Président : je suis allé en compagnie d'un homme

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1 qui m'a conduit là-bas. C'est tout à fait par hasard que j'ai rencontré une

2 personne que je connaissant d'avant, c'est de cela qu'il s'agit. Je n'ai

3 jamais affirmé que je sache où se trouve le siège du Parti ou le siège du

4 QG de guerre, j'y ai été emmené. J'ai été dans les pièces, les locaux d'un

5 QG de guerre, parce que j'ai rencontré M. Petkovic, et lui, je l'avais

6 rencontré déjà auparavant.

7 Q. Comment se présente-il, quelle est son apparence ?

8 R. Ça, Monsieur le Président, je pourrais peut-être vous décrire quelle

9 était son apparence à l'époque. Maintenant, je ne sais pas.

10 Q. Alors, comment se présentait-il ?

11 R. C'était quelqu'un d'un peu plus grand que moi, d'une apparence, d'un

12 physique agréable, blond ou châtain clair. Enfin, je ne sais pas comment

13 vous le décrire; il n'a pas de signes particuliers.

14 Q. Il est plus grand que vous ?

15 R. Oui, il est plus grand que moi.

16 Q. Vous dites brun châtain ?

17 R. Oui.

18 Q. Le bureau du Procureur a la photo de M. Ljubisa Petkovic. Combien

19 faites-vous de haut ?

20 R. Cent soixante treize centimètres.

21 Q. Donc, Ljubisa Petkovic, il est plus petit que vous, il a une tête de

22 moins que vous, très petit, très brun avec une moustache très foncée.

23 R. Alors, j'ai dû confondre les personnes.

24 Q. Donc, c'est évident, vous ne savez même pas de quoi il a l'air. On va

25 voir ce que dit Ljubisa Petkovic à ce sujet.

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ayez l'amabilité de faire placer ceci sur le

27 rétroprojecteur, c'est ce qui nous est parvenu hier par fax.

28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj et Monsieur Kulic,

Page 4542

1 s'il vous plaît, n'oubliez pas de marquer une pause entre vos questions et

2 vous réponses parce que ceci rend la chose difficile pour les interprètes

3 qui ont du mal à vous suivre.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris, Monsieur le Juge.

5 M. SESELJ : [interprétation]

6 Q. Est-ce que vous avez cela sous les yeux, Monsieur Kulic, sur l'écran ?

7 R. Oui, j'ai cela sous les yeux.

8 Q. Oui, mais moi, je ne l'ai pas encore. Ça y est, je l'ai aussi.

9 Alors, ayez l'amabilité de nous donner lecture de cette déclaration faite

10 par Ljubisa Petkovic. Vous n'avez pas à nous donner ces renseignements en

11 haut, mais vous pouvez commencer par "Je déclare…" et la suite. Mais à voix

12 haute, s'il vous plaît, pour les besoins des Juges de la Chambre.

13 R. "Je déclare que je ne connais aucune personne répondant au nom et

14 prénom de Mladen Kulic, je ne connais absolument personne répondant à ce

15 nom et prénom. Lorsqu'on me mentionne le nom de Mladen Kulic et lorsque

16 j'entends parler de ce nom et prénom, cela n'évoque aucun souvenir en moi,

17 aucune association à des personnalités ou voire des territoires. Tout

18 simplement ce nom et prénom ne veut rien dire pour moi du tout."

19 Q. Continuez.

20 R. "S'agissant de la personne disant, répondre au nom de Mladen Kulic, je

21 ne me suis jamais entretenu avec, et je n'ai jamais vu cette personne de

22 mes yeux. Si quelqu'un se présente comme étant Mladen Kulic et affirme

23 qu'il se serait entretenu avec moi, Ljubisa Petkovic, c'est un mensonge.

24 "Si quelqu'un répondant au nom de Mladen Kulic affirme avoir eu une réunion

25 à Belgrade avec moi, ou ailleurs, est un mensonge des plus ordinaires,

26 parce que tout simplement je n'ai jamais rencontré une personne répondant

27 au nom de Mladen Kulic, je n'ai pas eu de réunion ni de conversation avec.

28 "Je fais cette déclaration de mon plein gré conscient de toute forme de

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1 responsabilités, je fais viser cela au tribunal et permet au Pr Dr Vojislav

2 Seselj de l'utiliser dans le procès devant le Tribunal pénal international

3 pour l'ex-Yougoslavie et dans tous autres procès devant les autres

4 instances. En ma qualité de témoin de la Défense, du Pr Dr Vojislav Seselj

5 j'estime que c'est une façon de contribuer de ma part à l'établissement de

6 la vérité."

7 Q. Est-ce que vous voyez que cela a été hier visé par le tribunal à

8 Belgrade ? Affirmez-vous encore avoir rencontré Ljubisa Petkovic ?

9 R. Monsieur le Président, j'affirme avoir rencontré un dénommé Ljubisa

10 Petkovic, si c'est le même qui a signé le document relatif à l'envoie du

11 premier groupe des volontaires vers Ceralije.

12 Q. Mais vous l'avez décrit de façon erronée. Vous avez dit qu'il était

13 plus grand que vous, vous avez dit qu'il était un brun. Le Procureur sait

14 qu'il est beaucoup plus petit que vous, qu'il fait peut-être 20 kilos en

15 tout et pour tout, parce qu'il est très maigre. Il est très brun et il a

16 une moustache très brune. Le Procureur le sait. Ils ont la photo de Ljubisa

17 Petkovic, donc en appuyant sur un bouton, ils peuvent vous montrer la photo

18 de l'intéressé.

19 Vous ne pouvez pas le décrire donc. Vous ne savez pas où se trouve la rue

20 Ohridska où se trouvait le siège du Parti radical serbe. Vous situez cela

21 de façon erronée non loin de notre marché Zelinevena, c'est de la rue des

22 Balkans. Et Ljubisa Petkovic affirme n'avoir jamais entendu parler de sa

23 vie durant de vous, et encore moins vous a-t-il rencontré ?

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Il y a un grave problème. Dans le courant de

25 l'après-midi, je vous ai demandé de me décrire le bureau de M. Petkovic,

26 vous l'avez décrit, et cetera. Alors, de deux choses l'une, enfin ou vous

27 mentez, ou M. Petkovic ment pour son attestation, ou bien, troisième

28 solution, vous avez été au siège du Parti radical serbe et quelqu'un s'est

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1 fait passer pour Petkovic.

2 Alors, quelle est pour vous la situation ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, tout ce que j'ai dit

4 est vrai. C'est une vérité qui date de 1991, à savoir début 1992. Cette

5 vérité porte le fardeau de 17 ans où les détails et je veux bien l'admettre

6 peuvent s'estomper. Je ne veux convaincre personne de chose dont je ne suis

7 pas sûr. Pour ce qui est du siège du Parti radical serbe, à savoir du QG de

8 guerre - c'est ce qu'on m'a dit - je n'ai pas tiré un signe d'égalité avec

9 le siège du Parti radical serbe.

10 Pour ce qui est de la connaissance des rues de Belgrade, je suis très

11 mauvais. Me demandez maintenant où se trouve ou à quelle adresse se

12 trouvait le bureau de la Slavonie occidentale, je suis allé plusieurs fois

13 - je connaissais les gens - compte tenu du temps qui s'est écoulé il me

14 serait difficile de l'expliquer.

15 Donc, je ne vais pas insister et affirmer avec précision que j'ai été

16 précis pour décrire de façon claire ceci, pour ce qui est de la

17 connaissance de la ville de Belgrade et de les locaux du bureau, je veux

18 bien admettre que j'ai pu me tromper, j'étais de passage moi. M. Petkovic

19 lui m'a été présenté par des gens travaillant dans ce bureau.

20 Et pour ce qui est de cette affaire d'envoie de volontaires, j'ai discuté

21 avec une personne qui s'est présentée comme étant celle-là. Je ne peux pas

22 affirmer que je connais mieux des gens qui sont des proches dans mon

23 entourage. Et si ceci est un descriptif fidèle à la vérité, comme le dit M.

24 Seselj, il est évident que j'ai dû confondre la personnalité, mais mon

25 objectif n'a pas été d'inventer quoi que ce soit ni de mentir. Tout

26 simplement, je ne peux pas être plus précis --

27 M. LE JUGE ANTONETTI : -- paragraphe 40 de votre déclaration écrite, vous

28 dites que vous avez été voir Petkovic parce que vous étiez préoccupé par la

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1 question de la sécurité de la population locale. Et vous avez indiqué que

2 quatre jeunes Croates avaient disparu, et, et cetera, et cetera, et que ces

3 incidents concernaient les volontaires qui étaient hors contrôle, violents,

4 et commettaient des crimes à ce moment-là.

5 Bon. Alors, ce qui est dit c'est l'enquêteur qui vous le fait dire, ou

6 c'est vous qui l'avez dit à l'enquêteur ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. J'ai dit sans aucun doute cela à

8 l'enquêteur du bureau du Procureur. Mais ici quand vous parlez de ces

9 événements, il y a des écarts dans le temps. Les choses dont j'ai eu à

10 savoir concernant les circonstances au sujet des quatre jeunes gens ça

11 suivit les événements de Slavonie occidentale. Lorsqu'il s'agit de la

12 rencontre avec M. Petkovic au bureau de la Slavonie occidentale, ça s'est

13 passé juste après l'exode; et en terme simple, ça été une conversation où

14 je n'ai pas eu à demander

15 M. Petkovic. Il était avec ces gens-là là-bas, je n'affirme pas et je --

16 M. LE JUGE ANTONETTI : -- Petkovic, une fois ou deux fois ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Au bureau de la Slavonie occidentale, je l'ai

18 rencontré. On m'a présenté l'intéressé comme étant cet homme-là. Et avec le

19 capitaine Zarko, je suis allé une autre fois. Et je crois que c'était au QG

20 de guerre, en tout état de cause, ce n'était pas les mêmes locaux. Je sais

21 que ce bureau se trouvait dans la rue du général Zdanob [phon] --

22 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Deux fois.

24 M. LE JUGE ANTONETTI : Et la fois où vous l'avez vu au bureau du QG de

25 guerre, c'était là où vous lui avez parlé des quatre jeunes qui avaient été

26 tués, ou c'est au bureau de la Slavonie occidentale ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Au bureau de la Slavonie occidentale, j'ai

28 juste indiqué lorsque je suis allé que j'étais au courant de certains

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1 événements, je n'ai pas dit qu'à lui, il y avait trois ou quatre personnes,

2 il y avait M. Simpraga, lui, et jusqu'à présent, j'ai toujours pensé que

3 c'était M. Petkovic, cet homme-là.

4 M. LE JUGE ANTONETTI : -- quartier -- au bureau de "War Staff" à Belgrade,

5 c'était pour lui parler de quoi ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas allé

7 intentionnellement là-bas pour le chercher. Je suis allé là-bas avec M.

8 Zarko Loncarevic, qui était un officier, et j'étais là-bas chemin faisant.

9 Je n'ai pas eu cet objectif j'ai rencontré une personne pour laquelle je

10 vous l'affirme, je croyais, que c'était bel et bien M. Petkovic. Il se peut

11 que --

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez des Juges professionnels qui des décennies

13 derrière eux de métier, et là, je vais vous mettre face à vos

14 contradictions. Vous dites que vous avez rencontré M. Petkovic deux fois.

15 Apparemment quand vous allez le rencontrer à Belgrade au "War Staff," vous

16 voyez quelqu'un, et cet individu vous devez le revoir au bureau de la

17 Slavonie occidentale, ça devait être le même. Or, la description que vous

18 faites n'est pas celle qui semble correspondre à Petkovic.

19 Alors, est-ce à dire que à deux reprises vous avez vu un Petkovic qui

20 n'était pas le bon ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, il se peut qu'il y ait

22 eu une confusion au niveau de la personnalité. Moi, j'ai été convaincu que

23 c'était lui, et j'établis un lien entre cette personne et le document où

24 j'ai pu voir le nom de l'intéressé. C'est la raison pour laquelle j'établis

25 la corrélation. Il n'y a pas d'autres raisons.

26 M. LE JUGE ANTONETTI : En Slavonie occidentale, au bureau c'est à

27 quelle époque que vous voyez M. Petkovic ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Ça s'est passé au moi de décembre, mi-

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1 décembre 91.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : Mi-décembre 91. Vous voyez M. Petkovic au quartier

3 général à Belgrade à quelle date ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Au QG à Belgrade je suis convaincu de l'y

5 avoir vu au cours du mois de février 92, et dans mon témoignage je l'ai

6 déjà dit. Je pense que c'était au mois de février.

7 M. LE JUGE ANTONETTI : Deux mois après est-ce que c'est la même personne

8 que vous avez vue ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, c'était la même

10 personne. Maintenant je ne peux pas affirmer que c'est bien ce nom parce

11 que cela est dans le doute.

12 M. LE JUGE ANTONETTI : Donc, vous avez un doute maintenant ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] De la manière de procéder à une comparaison

14 donc entre la forme et le nom. De toute évidence, ce n'est pas la même

15 personne, ce n'est pas l'homme qui s'appelle Petkovic que j'ai vu. J'étais

16 convaincu que c'était --

17 M. LE JUGE ANTONETTI : -- vu en décembre, en février c'est le même, c'est

18 le même individu. C'est comme moi, si je vous vois dans deux mois et que si

19 je vous vois faire deux mètres et des cheveux noirs, je ne peux pas faire

20 de confusion. Et vous, vous nous dites qu'en décembre -- en février c'était

21 la même personne; oui ou non ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge.

23 M. LE JUGE ANTONETTI : Et si celui que vous avez vu en décembre et en

24 février n'est pas Petkovic parce qu'il semble ne pas correspondre, c'est

25 qu'il y a quelqu'un qui s'est fait passer à deux reprises pour Petkovic.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'accepte le fait que

27 cette personne m'a été présentée par quelqu'un d'autre, et ne s'est pas

28 présentée elle-même. Parce que entre les gens qui se connaissent on n'est

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1 pas tellement formel lorsqu'on présente les gens.

2 M. LE JUGE ANTONETTI : D'accord.

3 M. MUSSEMEYER : [interprétation] Nous sommes en mesure de présenter une

4 photographie de Ljubisa Petkovic, si ça peut nous aider.

5 M. LE JUGE ANTONETTI : Présentez-là, comme ça tout le monde va voir sa

6 tête.

7 Alors, est-ce lui que vous avez vu en décembre et en février ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est difficile de l'affirmer. Vous savez

9 il y avait pas mal de gens là, et puis vraiment beaucoup de temps s'est

10 passé. Des gens comme celui-ci, il y en a beaucoup des visages comme ça, je

11 ne peux pas vous affirmer maintenant, je ne veux pas une nouvelle erreur.

12 Je ne sais dire ni oui ni non.

13 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien.

14 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce qu'on peut garder s'il vous plaît encore

15 un petit peu la photographie de Petkovic à l'écran.

16 M. SESELJ : [interprétation]

17 Q. Vous voyez bien que cet homme a des cheveux bruns, Monsieur, est-ce que

18 c'est évident ?

19 R. Monsieur le Président, c'est évident.

20 Q. Qu'il a des cheveux bruns ou marrons ?

21 R. Je ne suis pas daltonien, on voit bien l'image, Monsieur le Président,

22 je vois ce que je vois.

23 Q. Et de quelle couleur sont ses cheveux alors ?

24 R. Je suppose assez foncé sinon noir.

25 Q. Mais est-ce que ça peut être plus foncé que ce que nous voyons ici ?

26 Est-ce que vous voyez que Ljubisa Petkovic est quelqu'un de petite taille ?

27 Vous voyez l'autre épaule qui se dessine, vous voyez que cet homme est

28 corpulent ? Pourquoi vous taisez-vous, Monsieur Kulic ?

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1 R. Monsieur le Président, en 1991 au mois de décembre je me suis trouvé à

2 Belgrade. Professeur Seselj, vous êtes de grande taille, mais même s'il

3 avait été plus grand que vous peut-être que je ne me serai pas rappelé ni

4 de vous; compte tenu des circonstances dans lesquelles je me suis trouvé

5 moi et toutes ces autres personnes. J'admets que j'ai pu faire une erreur

6 mais si la personne que j'ai sous les yeux maintenant était chargée de ces

7 questions-là, il ne fait aucun doute que je l'ai croisé lui aussi. Je n'ai

8 pas pu faire une telle erreur.

9 Mais Monsieur le Juge, peut-être que je ne serai même pas capable de

10 décrire précisément quelqu'un qui m'est proche pendant et de décrire

11 comment il était pendant cette période-là.

12 Q. Mais justement vous n'êtes pas en mesure de décrire quoi que ce soit

13 pendant cette période-là.

14 Et au paragraphe 40, vous dites qu'à la mi-décembre 1991, pendant que vous

15 étiez à Belgrade, que vous vous êtes rendu auprès de Petkovic parce que ce

16 qui vous inquiétait c'était la sécurité de la population locale, donc ce

17 n'était pas en février, c'était en décembre. C'est au paragraphe 40.

18 R. Madame, Messieurs les Juges, la question du mois de décembre, c'est un

19 moment où soit l'exode de la population a déjà eu lieu soit c'est quelque

20 chose qui allait se produire. Mais toujours est-il que à un moment qui se

21 situe après l'exode, je ne peux pas dire précisément si je savais que cela

22 a eu lieu ou non, parce que les communications étaient mauvaises; mais je

23 sais que j'étais au bureau du gouvernement entre autres pour parler de

24 cette question-là, pour voir comment protéger cette partie de la

25 population, enfin cette situation qui s'est produite là-bas. Mais dans son

26 bureau les gens m'ont dit que la personne qui se trouvait là, donc, je ne

27 l'ai pas cherché, je n'ai pas cherché à voir cette personne-là, mais la

28 personne qui était à la tête de ce bureau m'a dit que c'était cette

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1 personne-là.

2 Et en février, j'étais membre d'un commandement militaire, c'était une

3 mission officielle. J'y suis allé avec un officier et je n'ai pas demandé

4 qu'il m'emmène, il m'a emmené là-bas, au QG de guerre.

5 Q. Le Procureur vous a donné une photographie de Ljubisa Petkovic. Cet

6 homme, c'est celui que vous avez vu au bureau de Slavonie occidentale, au

7 siège du Parti radical serbe, que ce soit en décembre ou en février que

8 vous y êtes rendu. Cet homme, est-ce que vous l'avez croisé en pensant que

9 c'était Ljubisa Petkovic ?

10 R. Monsieur le Président, là sur-le-champ je ne peux rien affirmer. Je ne

11 peux pas dire comment était la personne qui était présentée sous ce nom-là.

12 Donc je ne peux pas remettre en question cette photo non plus. Tout

13 simplement en 17 ans ma mémoire compte tenu de toutes les personnes que

14 j'ai vues depuis, compte tenu de tout ce qui s'est passé, tout simplement

15 je ne suis plus certain que ma mémoire soit suffisamment précise pour que

16 je puisse vous en parler. Surtout que l'on vient d'affirmer que cet homme

17 affirme qu'il ne m'a pas vu et je ne veux pas faire d'erreur sur le nom et

18 le prénom.

19 Q. Monsieur Kulic, admettons que vous soyez vraiment venu rue Ohridska, au

20 QG de guerre, que je vous fasse confiance là-dessus. A l'entrée de

21 l'immeuble vous avez vu un écriteau, qu'est-ce qui était écrit là ? Il n'y

22 avait pas beaucoup d'ONG là, en fait, il n'y en avait aucune, il n'y avait

23 qu'un seul panneau, et qu'est-ce qui était écrit ?

24 R. Monsieur le Président, lorsqu'il s'agit de préciser l'adresse -- la rue

25 Ohridska, qui était le siège du QG de guerre, il ressort clairement que je

26 faisais erreur jusqu'à présent, jusqu'à cette déposition. Je pensais que

27 c'était une rue qui va de la rue Balkanska qui surplomb le marché vert. De

28 toute évidence, j'ai fait confusion, mais c'est vrai que je ne connais pas

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1 très bien Belgrade. Quant à situer plus précisément du siège du parti et

2 les locaux du QG de guerre, ce que l'on vient de nous dire, là, ce quartier

3 à côté de Slavija, je connais cet endroit. Je suis passé par là, mais pas

4 suffisamment pour bien connaître les adresses.

5 Monsieur le Président, je n'arrive pas à me souvenir de cet écriteau

6 - c'est la question de M. Seselj - à l'immeuble dont il s'agit.

7 Q. Très bien. Est-ce qu'il y avait un drapeau qui était hissé sur ce

8 bâtiment ?

9 R. Monsieur le Président, là, je ne peux pas m'autoriser le luxe de

10 m'aventurer dans des conjectures. Je ne peux pas me rappeler précisément.

11 Q. Très bien. Mais vous devriez pouvoir vous rappeler quelque chose. Si

12 vous êtes arrivé dans l'immeuble où il y avait le siège du Parti radical

13 serbe et de son QG de guerre, quel est l'étage où cela était situé ?

14 R. Monsieur le Président, je sais que mon collègue Zarko était en contact

15 avec quelqu'un, que cette personne nous a guidés dans l'immeuble. Je pense

16 qu'on s'est trouvé dans deux bureaux jusqu'à ce qu'il trouve la personne

17 qu'il recherchait. Je pense qu'on était au rez-de-chaussée, puis qu'on a

18 grimpé l'escalier pour arriver au premier étage. Mais ça non plus, je ne

19 peux l'affirmer, quel est l'étage où étaient situés ces bureaux, ces

20 locaux. Tout de suite après, nous sommes redescendus au secrétariat fédéral

21 chargé de la Défense populaire et puis par la suite au ministère des

22 Affaires étrangères.

23 Donc, en même temps, je me suis trouvé dans plusieurs -- dans la foulée,

24 dans plusieurs bâtiments. Si vous me posez des questions précises sur des

25 endroits que j'ai vus plusieurs fois, par exemple, le bureau du

26 gouvernement en Slavonie occidentale, je pense que c'était au rez-de-

27 chaussée, Monsieur le Président, mais ça ne m'étonnerait pas qu'il y ait eu

28 entre deux étages, même si j'y suis allé plusieurs fois.

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1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Pour abréger, Monsieur le Président, je vais

2 passer à une autre question.

3 M. SESELJ : [interprétation]

4 Q. Monsieur Kulic, en Slavonie occidentale, vous avez croisé le colonel

5 Jovan Trbojevic qui était le commandant de la Défense territoriale ?

6 R. Madame, Messieurs les Juges, Pr Seselj, pourrait-il préciser la

7 question lorsqu'il me demande si je les "croisais," où, comment ?

8 Q. Où que ce soit. Est-ce que vous avez eu l'occasion de le voir ?

9 R. Monsieur le Président, si c'est de cette manière-là, oui, je l'ai

10 croisé, le colonel Trbojevic.

11 Q. Vous lui avez parlé ?

12 R. Il me semble que c'est deux fois que j'ai des conversations avec lui.

13 Q. Et vous a-t-il jamais fait part de ce qu'il pensait de l'arrivée des

14 volontaires du Parti radical serbe en Slavonie occidentale ?

15 R. Monsieur le Président, je n'ai jamais été placé dans une situation où

16 le colonel Trbojevic m'aurait expliqué cela. Mais j'étais présent à deux

17 réunions présidées par le colonel Trbojevic où il s'est adressé aux

18 officiers, et s'agissant de ce sujet-là, mis à part la subordination, il ne

19 me semble pas qu'on ait évoqué cette question.

20 Q. Parmi les officiers, il y en a-t-il eu qui se serait jamais plaint des

21 volontaires du Parti radical serbe ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui ?

24 R. Le chef de compagnie de Ceralije s'est plait. Et je faisais partie d'un

25 groupe de personnes au QG de Vocin où j'ai fait l'objet de menaces d'un

26 groupe de membres du Parti radical serbe.

27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Ayez l'amabilité de placer cette déclaration

28 sur le rétroprojecteur. C'est le colonel Jovan Trbojevic qui a donné cette

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1 déclaration qui était visée au tribunal municipal de Belgrade. La

2 déclaration s'étend sur trois pages, mais trois passages brefs nous

3 intéressent uniquement. Nous allons en donner lecture.

4 M. MUSSEMEYER : [interprétation] C'est la première fois que l'Accusation

5 voit ce document. Il aurait été très bon de pouvoir le consulter dès qu'il

6 est arrivé, immédiatement.

7 L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est aujourd'hui par télécopie que j'ai reçu

8 cela. Vous voyez la date de la télécopie sur la feuille.

9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Mais ce n'est pas un handicap parce que nous

10 aussi on le voit pour la première fois et avec des réflexes professionnels

11 on va en prendre connaissance immédiatement.

12 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vais vous le confier,

13 on peut le photocopier. Mais en fait, il n'y a que trois phrases qui

14 m'intéressent dans -- de ce document, puis l'intégralité du document sera

15 remise au Procureur.

16 Vous l'avez placé sur le rétroprojecteur ? Mais je ne vois toujours rien.

17 Voici, ça suffit.

18 M. SESELJ : [interprétation]

19 Q. Monsieur Kulic, première page, il y a une partie de la déclaration que

20 j'ai cernée avec un crayon, juste là où j'ai tracé un cercle.

21 R. "S'agissant des volontaires du Parti radical serbe, Radovan Novacic et

22 Vojislav Seselj, je peux souligner en toute responsabilité ici que les

23 volontaires du Parti radical serbe j'en garde le souvenir comme étant des

24 combattants disciplinés qui n'ont agi que sous le commandement de la

25 Défense territoriale, et que pendant tout leur séjour au champ de bataille

26 de Slavonie occidentale ils ont fait preuve d'audace en aidant la

27 population serbe mise en danger dans cette région. Je ne peux que faire

28 preuve de gratitude à l'égard des radicaux d'avoir répondu à la

Page 4555

1 l'invitation de la TO de cette région et de s'être rendus dans ma région

2 natale."

3 Q. Est-ce qu'on peut tourner la page, s'il vous plaît. Là encore, juste

4 là, la partie qui est indiquée à l'aide du crayon.

5 R. "Quand je suis arrivé en Slavonie occidentale, l'arrivée des

6 volontaires était en cours. Environ 500 sont arrivés, sur lesquels 250 sont

7 restés à Okucani. Ils ont été affectés aux unités qui étaient subordonnées

8 aux corps d'armée, et l'autre moitié a été affectée et placée sous mon

9 commandement, à savoir le territoire du mont Papuk.

10 "Un auto car avec des volontaires s'est trouvé dans le secteur de Daruvar

11 et l'autre groupe dans le secteur du QG de la TO de Slatina. C'est par

12 groupes que les volontaires arrivaient. Je sais qu'ils ne faisaient pas

13 partie à Vojislav Seselj, ni au Parti radical serbe. Pour autant que je le

14 sache, il y avait des volontaires qui faisaient partie du groupe de Niko

15 Jovic et de Vuk Draskovic. Leur commandant était un officier à la retraite

16 qui n'était pas respecté; c'était quelqu'un d'inefficace et incompétent.

17 "Ce groupe était problématique et ils étaient placés à Vocin. Pour autant

18 que je le sache, ils ont pris part à l'incendie de la maison de la famille

19 Matanci. Pour ceux qui étaient sous la surveillance ou le contrôle de

20 Radovan Novacic, ils ont été placés à Sekulinci, à 11 kilomètres de Vocin,

21 et dans le village de Koricani, à 50 kilomètres de Vocin dans la

22 municipalité de Daruvar.

23 "Ce groupe de Novacic méritait tout louange, et c'est ce que j'ai dit au

24 bureau du Tribunal de La Haye, ce qu'on m'a reproché. Devant eux, j'ai dit

25 du bien du petit Radovan Novacic, qui était excellent, et avec ses

26 volontaires il n'a jamais rien entrepris avant d'être d'accord avec moi et

27 avant d'avoir eu mon aval."

28 Q. Et la page suivante, juste la partie qui est entourée.

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1 R. "Les volontaires du Parti radical serbe ont quitté Vocin cinq jours

2 avant qu'on ne liquide 32 personnes; 29 Croates et deux Serbes. La

3 liquidation a eu lieu le 13 décembre 1991, et les volontaires du Parti

4 radical serbe ont quitté ce territoire le

5 8 décembre 1991."

6 Q. Je vous remercie, Monsieur Kulic.

7 R. Je vous en prie.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Donc, le colonel Jovan Trbojevic viendra en

9 tant que témoin de la Défense, Monsieur le Président. Vous aurez l'occasion

10 de l'interroger de manière plus approfondie à ce moment-là.

11 M. SESELJ : [interprétation]

12 Q. Monsieur Kulic, et qu'en pensez-vous de ces passages dans la

13 déclaration du colonel Jovan Trbojevic ? Est-ce qu'il dit la vérité ou non

14 ?

15 R. Monsieur le Président, on aurait du mal à supposer que le commandant du

16 QG de Slavonie occidentale ne sait pas quelles sont les formations

17 paramilitaires qu'il a, mais je suis sûr que le colonel Trbojevic, vu sa

18 réputation, son intégrité, puis de manière générale, enfin qu'il dit la

19 vérité.

20 Q. Je vous remercie, Monsieur Kulic. A plusieurs reprises dans votre

21 déclaration, vous dites que vous ne pouvez pas précisément distinguer entre

22 les Aigles blancs, les volontaires de Draskovic d'une part, et les

23 volontaires du Parti radical serbe d'autre part; c'est cela ?

24 R. Oui.

25 Q. Donc, à vos yeux, tous les volontaires étaient identiques et vous

26 pensiez que c'était une masse compacte; c'est bien ça ?

27 R. J'étais convaincu, Monsieur le Président, que les volontaires étaient

28 un groupe, une unité qui faisait partie d'un type de commandement et que

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1 c'étaient des gens qui avaient la même provenance.

2 Q. Mais si je vous disais que parmi les partis politiques qui adressaient

3 ces volontaires, le Parti radical serbe, le Mouvement serbe du Renouveau,

4 et le Renouveau populaire serbe, que ces trois partis étaient constamment

5 en hostilité réciproque ?

6 R. Je sais qu'il y avait des différences, mais je n'en sais rien de

7 manière plus précise. Je ne saurais pas en parler.

8 Q. Monsieur Kulic, nous allons revenir à présent à une partie de votre

9 déclaration qui concerne la création du Parti démocratique serbe. Il ne

10 nous reste pas beaucoup de temps, je suppose donc on pourra en terminer

11 avec ce chapitre-là.

12 Pendant l'interrogatoire principal, vous avez souligné en gros dans quelle

13 difficulté s'est rencontré le peuple serbe après que Tudjman ait remporté

14 les élections en Croatie, et vous avez dit comment se sont déroulées ces

15 premières élections législatives, à qui les Serbes ont confié leur vote, et

16 vous êtes arrivé à la création du Parti démocratique serbe.

17 Puis, dans votre déclaration, c'est votre déclaration du 9, 10, 11 mai

18 2002, page 3, vous dites que vous n'étiez pas présent lors du rassemblement

19 du Parti démocratique serbe à l'automne 1990 de Podravska Slatina parce que

20 vous n'appréciiez pas les gens qui se sont trouvés là-bas pas plus que

21 leurs idées; c'est bien ça ?

22 R. Je n'étais pas membre du parti à cause de ce type de personnalités,

23 oui, c'est exact.

24 Q. Ici vous avez dit quelque chose, vous avez dit que la première raison

25 pour laquelle vous n'appréciiez pas leurs idées était que c'était leur idée

26 nationale qui était insignifiante par rapport à l'idée à laquelle vous

27 aviez apporté votre soutien jusqu'à ce moment-là, à savoir celle de la

28 fraternité de légalité ?

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1 R. Oui, c'est vrai, Monsieur le Président.

2 Q. Puis vous avez dit dans la suite : Je n'aimais pas leur esprit

3 nationaliste, je n'aimais pas non plus le fait qu'ils soient à l'origine

4 des incidents, je n'aimais pas le fait qu'il y avait des gens qu'on pouvait

5 facilement manipuler. Autrement dit, ils ont créé une sorte de bande. C'est

6 ce que vous avez dit ?

7 R. Je n'ai jamais dit "bande," certainement pas pour mon peuple.

8 L'ACCUSÉ : [interprétation] Document 0306-5128, est-ce qu'on peut

9 l'afficher, s'il vous plaît. L'avez-vous ? Vous avez ce document ? Moi,

10 j'ai son numéro. C'est le Procureur qui me l'a donné. Vous devez avoir

11 nécessairement avoir ce document. Le document de 1992.

12 Vous vous souviendrez, Messieurs les Juges, j'ai demandé que le

13 Procureur me communique cela et ils n'ont pas voulu me le communiquer à

14 temps. Placez ça sur le rétroprojecteur, le troisième paragraphe à

15 commencer par le bas.

16 A chaque fois que je demande quelque chose, j'ai une raison pour le faire.

17 J'espère qu'on est convaincu maintenant, et le Procureur a toujours une

18 raison pour laquelle il évite de me communiquer un document.

19 M. SESELJ : [interprétation]

20 Q. Vous pouvez lire vous-même ce paragraphe dans cette déclaration, que

21 vous avez signée, votre déclaration. Donnez-en lecture, s'il vous plaît.

22 R. "La première raison pour laquelle je n'aimais pas leurs idées c'est

23 parce que leur idée nationale était insignifiante en comparaison de l'idée

24 que j'avais soutenue jusqu'à ce moment-là, à savoir l'idée de la fraternité

25 de légalité et cette idée qui était plus vaste qui comprenait le

26 multiculturalisme et l'unification des personnes, rassemblement des

27 personnes de nationalité différente. Je n'aimais pas non plus leur esprit

28 nationaliste, le fait qu'ils se suscitaient des incidents, ni qu'il y avait

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1 des personnes qu'on pouvait facilement manipuler. Autrement, ils se

2 associés pour une sorte de bande."

3 Je prends mes distances par rapport à cela. Même si je l'ai signé à

4 l'époque, mais normalement je ne l'aurais jamais signé. Est-ce que c'est dû

5 à la traduction, est-ce que c'est dû à la formulation, mais je n'aurais

6 pas, moi, utilisé ces termes-là parce qu'il n'en a pas été ainsi.

7 Q. En 1992 lorsque vous avez signé cette déclaration, c'est en anglais ou

8 en serbe que vous l'avez signée ?

9 R. Monsieur le Président, je ne peux pas me souvenir du texte. Je pense

10 que c'était à la fois anglais et serbe, ou peut-être juste en anglais. Je

11 ne sais pas. Je ne me souviens pas.

12 Q. Mais ceci ne correspond pas à ce que vous avez dit aux enquêteurs avant

13 qu'ils ne vous rédigent votre déclaration.

14 R. Très certainement ce texte et ces qualificatifs ne correspondent pas.

15 Je n'aurais jamais dit cela.

16 Q. Monsieur Kulic, je vous remercie.

17 L'ACCUSÉ : [interprétation] Voyez-vous, Messieurs les Juges, c'est la

18 raison pour laquelle je n'accepte pas que 92 ter soit appliqué pour les

19 différentes déclarations des témoins. A chaque fois on découvre des choses

20 de ce type, je pense que c'était très utile de vous montrer cela ici.

21 M. SESELJ : [interprétation]

22 Q. Dans votre déclaration, à plusieurs endroits --

23 M. LE JUGE ANTONETTI : On va arrêter avec le témoin parce que c'est

24 quasiment l'heure. Et je dois aborder le témoin de demain.

25 Donc, Monsieur, vous revenez pour la suite du contre-interrogatoire demain.

26 Vous venez donc pour l'audience qui débutera à 14 heures 45 demain, et vous

27 aurez terminé, parce que je pense, que M. Seselj, il doit lui rester une

28 heure, enfin aux environs d'une heure. Mais je n'ai pas le décompte exact.

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1 Voilà, Mme l'Huissière, pouvez-vous raccompagner le témoin.

2 [Le témoin quitte la barre]

3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors, à trois minutes près, vous avez utilisé

4 57 minutes. Donc il vous restera une heure et trois minutes.

5 Alors, quelques minutes, Monsieur Seselj, pour annoncer que donc demain est

6 prévu - je ne donne pas le nom puisque c'est un témoin qui va bénéficier

7 d'altération d'image et de la voix - le Témoin 21 qui sera son pseudonyme.

8 La procédure du Témoin 21 est une procédure 92 ter, il y a donc une

9 déclaration écrite que tout le monde a, qui a été authentifiée par le

10 témoin. Cette déclaration écrite fait 67 paragraphes. Le Procureur a

11 l'intention de présenter quelques documents, ils ne sont pas très nombreux.

12 Il y a des photos et deux documents. Donc en réalité il y aurait cinq

13 documents qui devraient être présentés.

14 De ce fait donc 30 minutes pour l'Accusation sera amplement suffisamment

15 pour présenter un bref résumé de la déclaration écrite, poser quelques

16 questions au témoin, et lui présenter les documents. Suite à cela, donc la

17 Défense de M. Seselj aura une heure 30 pour contre-interroger.

18 Si M. Seselj vous ne voulez pas contre-interroger, c'est votre droit le

19 plus absolu. Vous pouvez ne pas contre-interroger. Et vous nous direz ou

20 vous allez nous dire que vous ne voulez pas contre-interroger. Si vous êtes

21 totalement absent du contre-interrogatoire, les Juges pourront eux poser

22 quelques questions à partir de la déclaration écrite qui concerne

23 principalement ce qui s'est passé à l'hôpital de Vukovar avant, pendant, et

24 après. Voilà. Donc ça va être principalement concerné l'hôpital de Vukovar.

25 Donc voilà, quand on aura donc terminé avec l'actuel témoin, on

26 entamera donc la procédure de l'article 92 ter. Si vous voulez poser vos

27 questions, vous pourrez poser. Si vous ne voulez pas poser vos questions,

28 et bien, vous ne les poserez pas. Voilà tout ce que je pouvais vous dire,

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1 Monsieur Seselj.

2 Alors vous avez jusqu'à demain pour réfléchir. Vous avez démontré

3 jusqu'à présent que vous êtes capable de poser des questions pertinentes,

4 intéressantes, et de mon point de vue il n'y a aucune raison que vous ne

5 posiez pas des questions à partir de l'interrogatoire principal -- enfin à

6 partir de la déclaration écrite qui est très simple et qui me semble moi,

7 poser aucun problème. Votre interrogatoire peut mettre en évidence certains

8 faits, si vous le souhaitez. Si vous ne voulez pas le faire, vous ne le

9 faites pas.

10 Mais de l'avis de la Chambre - et je parle en son nom et je parle au

11 mien - notre intérêt pour ce Témoin VS-21, c'est de savoir qu'est-ce qui

12 s'est passé exactement à Vukovar, qui a commis les crimes et à qui ces

13 crimes peuvent être imputés dans le lien éventuel qui pourrait avoir avec

14 les volontaires du Parti radical serbe. Voilà l'intérêt de ce témoin, ça

15 peut être utile pour tout le monde.

16 Alors, si vous voulez intervenir très vite, parce qu'il faut

17 terminer.

18 L'ACCUSÉ : [interprétation] J'ai deux choses à dire très brièvement.

19 Premièrement, jamais de la vie je n'interrogerai un seul témoin qui est

20 cité ici en application des articles 92 ter, bis ou quater, parce que cela

21 peut se produire aussi qu'on m'amène un témoin comme ça, enfin il n'a pas

22 lieu d'en parler plus en avant.

23 Mais expliquez-moi une chose : comment est-ce possible que ce témoin,

24 Mladen Kulic, vienne déposer viva voce sur des faits incriminés pour la

25 Slavonie occidentale, alors qu'à plusieurs reprises vous avez pris des

26 décisions et vous êtes arrivé à la conclusion qu'on n'allait pas présenter

27 de preuve sur les crimes qui auraient été commis en Slavonie occidentale ?

28 Et puis tout le reste, ce témoin c'est un témoin de seconde main.

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1 M. LE JUGE ANTONETTI : Vocin a été enlevé de l'acte d'accusation, mais est

2 resté concernant la ligne, la conduite délibérée pour établir que ce qui

3 s'est passé à Vocin illustre ce qui a pu se passer en d'autres endroits.

4 C'est ça. C'est la décision qui avait été rendue, pas par ma Chambre, mais

5 par une Chambre qui était antérieure à la nôtre. C'est la ligne de conduite

6 délibérée, voilà, c'est justement pour établir cela.

7 Et c'est pour ça que ce témoin est venu dans ce cadre; pour établir que des

8 volontaires ont pu commettre des crimes. Bon, vous avez mis en évidence

9 grâce au contre-interrogatoire certains faits qui sont pertinents et

10 intéressants. Si vous vous privez du contre-interrogatoire, il y a des

11 éléments que vous ne pourrez pas mettre en évidence. En revanche, pour

12 Vukovar, Vukovar n'est pas dans la ligne de conduite délibérée mais est

13 intégralement dans l'acte d'accusation. Et donc Vukovar, il faut que nous,

14 nous sachions avec les témoins de l'Accusation et les vôtres, voire vous-

15 même, puisque vous nous avez annoncé que vous déposerez, qu'est-ce qui

16 s'est réellement passé à Vukovar afin que la Chambre en tire des

17 conclusions.

18 Donc voilà. Et moi, ce qui un peu m'étonne c'est que vous, vous vous

19 empêchez de vous-même à partir d'un témoin de contre-interroger pour mettre

20 en évidence des éléments favorables à votre Défense, pour contrer la

21 position de l'Accusation. C'est un choix que vous faites, mais qui n'est

22 pas sans risque, je tiens à vous le dire. Donc demain, le Procureur posera

23 des questions, présentera les documents, les Juges poseront des questions.

24 Je tenterai in fine de vous redonner la parole, et vous me direz : Non, je

25 ne veux pas poser de questions. Voilà.

26 Il est donc 19 heures, nous arrêtons et nous reprendrons donc demain à 14

27 heures 45. Je vous remercie.

28 --- L'audience est levée à 19 heures 01 et reprendra le jeudi 6 mars, à 14

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1 heures 45.

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