Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 19 novembre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 8 heures 33.

  5   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Greffier, appelez le numéro de

  7   l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  9   Bonjour à tout le monde dans le prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-03-67-

 10   T, l'Accusation contre Vojislav Seselj.

 11   Je vous remercie.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 13   En ce mercredi 19 novembre 2008, je salue en premier lieu Madame le Témoin.

 14   Je salue tous les représentants fort nombreux du bureau du Procureur ainsi

 15   que leur collaboratrice. Je salue M. Seselj, et je n'oublie pas également

 16   de saluer M. le Greffier, M. l'Huissier et M. le sténotypiste, les

 17   interprètes qui sont dans la cabine d'interprétariat et qui nous assistent.

 18   Nous allons poursuivre la fin du contre-interrogatoire. Je vais demander à

 19   M. le Greffier de me donner le temps exact. Mais il me semble qu'il doit

 20   rester 30 minutes à M. Seselj, sauf erreur de ma part.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Jusqu'à présent, M. Seselj a utilisé 49

 22   minutes, ce qui lui laisse 40 minutes.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà.

 24   Monsieur Seselj, vous avez la parole.

 25   LE TÉMOIN : VISNJA BILIC [Reprise]

 26   [Le témoin répond par l'interprète] 

 27   Contre-interrogatoire par M. Seselj : [Suite]

 28   Q.  [interprétation] Madame Bilic, habitiez-vous à Zagreb entre 1991 et


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  1   1995 ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  A ce moment-là, je sais que vous n'étiez pas fonctionnaire d'Etat, en

  4   tant qu'habitante de Zagreb, avez-vous entendu dire qu'un camp destiné à

  5   abriter des prisonniers d'appartenance ethnique serbe existait à Zagreb ?

  6   R.  Non, je ne suis pas au courant.

  7   Q.  Savez-vous que c'est M. Zarko Puhovski, professeur à l'université, de

  8   philosophie, président du comité d'Helsinki a informé de l'existence de ce

  9   camp pour la première fois ?

 10   R.  Non, je n'étais pas au courant, mais j'en ai entendu parler en lisant

 11   les médias. Sinon, je n'ai eu aucune information autre que celle-ci à ce

 12   sujet.

 13   Q.  En tant que fonctionnaire de haut rang, si vous n'avez eu aucune

 14   information au sujet de l'existence de ce camp qui a vu passer plusieurs

 15   milliers de Serbes habitant à Zagreb, dans ce cas je ne suis pas surpris de

 16   constater que vous n'avez pas connaissance de l'existence des autres 220

 17   camps existant en Croatie et où on plaçait des prisonniers serbes.

 18   Mais je vois que le Procureur saute sur ses pieds.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

 20   M. DUTERTRE : Je saurais gré à M. Seselj, quand il cite des chiffres, de

 21   fournir des documents à l'appui de ses allégations lorsqu'il pose des

 22   questions au témoin. Sans ça, on parle un peu sans avoir aucune référence

 23   et il y a aucun moyen de savoir si tout cela est exact.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, Monsieur Seselj. Hier, je vous avait dit, suite

 25   à l'objection du Procureur, que quand vous indiquez que vous avez telle ou

 26   telle information, donnez la source de l'information en disant : c'est un

 27   rapport de ce professeur, publié tel jour, telle date, tel lieu, tel pays,

 28   pour qu'au moins vos dires soient confortés par un document auquel la


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  1   Chambre pourra, le cas échéant, se référer et lequel le Procureur pourra

  2   aussi, s'il a des questions supplémentaires, examiner. Bon. Mais c'est une

  3   invitation qu'on vous donne.

  4   Vous n'avez pas l'obligation juridique de nous communiquer lesdits

  5   documents.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, l'existence de camps où

  7   étaient placés les civils serbes de Zagreb sur le champ de foire de Zagreb

  8   est de notoriété publique depuis longtemps, plus d'une décennie. C'est un

  9   fait de notoriété publique. Madame le Témoin déclare ne pas être au

 10   courant. Elle en a vaguement entendu parler en lisant les journaux, mais

 11   elle n'a pas de connaissances précises à ce sujet. Sa réponse me satisfait

 12   entièrement. Pour moi, ce qui poserait problème ce serait qu'elle dise :

 13   "Oui, je sais. Ces camps existaient. Ils relevaient de la responsabilité du

 14   ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice. Notre ministère

 15   n'avait rien à voir avec ça, mais ces camps existaient," car tous les

 16   habitants de Zagreb connaissent l'existence de ce camp.

 17   Mais, Monsieur le Président, je vais répondre définitivement à

 18   l'observation du Procureur. Si j'étais Procureur dans la présente affaire,

 19   hier, j'aurais immédiatement appelé le président de l'organisation non

 20   gouvernementale Veritas à la barre, Savo Strbac. Je ne l'ai jamais

 21   rencontré, en tout cas je n'ai pas le souvenir de l'avoir rencontré, alors

 22   que le Procureur collabore avec Savo Strebac depuis longtemps, ainsi

 23   qu'avec son organisation non gouvernementale Veritas, et le bureau du

 24   Procureur a reçu de très nombreux documents de sa part.

 25   Si j'étais le Procureur et si j'avais écouté le contre-interrogatoire

 26   d'hier, en entendant que l'accusé évoque Veritas, cette organisation non

 27   gouvernementale, j'aurais immédiatement dans l'après-midi établi un contact

 28   avec l'organisation en question pour voir si tel et tel point est exact,


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  1   tel et tel point est exact, est-ce que vous nous avez communiqué tel

  2   document et tel document, et cetera. Je ne suis pas surpris, par exemple,

  3   de constater que M. Dutertre ne peut pas contact M. Buha, président de la

  4   RSK en exil, car Milorad Buha est membre du Parti radical serbe et donc il

  5   aurait immédiatement refusé tout contact avec le bureau du Procureur du

  6   Tribunal de La Haye. Mais le Procureur aurait pu contacter Savo Strbac.

  7   Alors vous me liez les mains, vous me bandez les yeux, vous me bloquez les

  8   oreilles, vous m'empêchez d'avoir des contacts avec mes collaborateurs, le

  9   Procureur m'empêche d'envoyer des fax; et moi, je dois préparer des

 10   documents. Pourquoi est-ce que je devrais préparer des documents ? Je

 11   dispose d'informations très sûres.

 12   Sur le champ de foire de Zagreb il existait un camp qui a vu passer

 13   plusieurs milliers de civils serbes habitants de Belgrade.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

 15   M. DUTERTRE : Monsieur le Président, quant aux dernières allégations de M.

 16   Seselj sur ses communications, je me réfère à ce que M. Mundis a dit très

 17   clairement hier sur ce point. Quant au reste, c'est M. Seselj qui invoque

 18   Veritas; donc c'est à lui, s'il le souhaite, de produire les documents au

 19   soutien de ses informations pour permettre à la Chambre de juger de façon

 20   éclairée. Et s'il souhaite l'appeler pendant sa Défense, qu'il le fasse. Ce

 21   n'est pas au parquet d'agir à sa place.

 22   Voilà les quelques observations que je voulais faire sans polémiquer.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui. Monsieur Seselj, pendant que vous parliez, je

 24   me disais, à la limite, quand vous ferez venir votre témoin, vous pourriez

 25   faire venir M. Savo Strbac, le président de cet ONG Veritas pour lui poser

 26   des questions. Parce qu'un témoin de la Défense, ça peut être aussi le

 27   témoin de la vérité. Ce n'est pas nécessairement un témoin à décharge au

 28   sens où l'on entend qu'il vient innocenter quelqu'un, ça peut être un


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  1   témoin utile pour la vérité. Donc vous avez toujours la possibilité de

  2   faire venir ce témoin si le Procureur n'avait pas estimé lui en sont temps

  3   de le faire venir.

  4   Bien. Alors par votre question, vous indiquez qu'il y avait un camp où il y

  5   avait des Serbes à Zagreb. Très bien. Le témoin dit qu'elle ne le savait

  6   pas, alors continuez.

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Et le témoin a dit ensuite qu'elle avait eu

  8   connaissance de cela vaguement par les journaux. Elle a dit quelque chose

  9   comme ça.

 10   Monsieur le Président, il ne m'appartient pas ici d'apporter la preuve de

 11   quoi que ce soit. Ma responsabilité, c'est de poser des questions. Je

 12   dispose de certains éléments d'information, et je n'ai même pas le devoir

 13   de vous citer mes sources. Ce que je dois exclusivement faire, c'est poser

 14   des questions. Et mes questions peuvent être les plus idiotes du monde,

 15   quoi qu'il en soit j'ai le droit de poser des questions, même très idiotes.

 16   J'ai ce droit, et je ne veux rien prouver. Que le Procureur prouve quelque

 17   chose ici.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez le droit de poser des questions, je suis

 19   d'accord avec vous. C'est un droit qui vous est reconnu dans le Statut.

 20   Mais par contre je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites : "J'ai

 21   le droit de poser des questions idiotes." Parce qu'à ce moment-là se pose

 22   la question de vous adjoindre un avocat, parce qu'un avocat ne peut pas

 23   poser des questions idiotes. Parce que s'il pose des questions idiotes, il

 24   va se trouver être en infraction à son code de déontologie et à son métier

 25   d'avocat, et à ce moment-là, il risque une sanction. Vous, vous ne risquez

 26   pas de sanction. Voilà. Donc vous devez poser des questions pour votre

 27   défense, mais pas faire perdre notre temps.

 28   Parce qu'en l'espèce, je n'estime pas que la question est idiote de


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  1   savoir s'il y avait des Serbes détenus à Zagreb. Ce n'est pas fondamental

  2   par rapport au rapport de cet expert, ça peut nous donner un contexte

  3   général. Très bien, mais elle, elle vous a répondu d'une certaine manière.

  4   Bon, vous en prenez acte, puis ou vous continuez vos questions sur ce sujet

  5   ou vous abordez d'autres questions.

  6   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi une

  7   phrase, s'il vous plaît.

  8   Monsieur le Président, s'il était vraiment interdit aux avocats de poser

  9   des questions bêtes ou idiotes, je vous garantis que 80 % des avocats

 10   devraient quitter le Tribunal de La Haye, au moins 80 %. Je ne vais pas

 11   citer de noms, mais je peux vous fournir des éléments à l'appui de ce que

 12   je dis pour chacun d'entre eux.

 13   Alors je vous en prie, me dire que vous allez m'imposer un avocat, cela n'a

 14   plus aucun effet sur moi désormais. Je suis totalement indifférent par

 15   rapport à cela. Imposez-moi un avocat. Il n'y aura pas de procès. On me

 16   jugera en mon absence, et tout sera terminé. Pas la peine de revenir là-

 17   dessus.

 18   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je n'ai pas dit que j'allais vous

 19   imposer un avocat. Je vous ai simplement dit que quand on est dans une

 20   situation où un accusé pose des questions idiotes, à ce moment-là peut se

 21   poser la question de savoir s'il ne faut pas amener un avocat pour assister

 22   cet accusé. La situation est différente. Je n'ai pas dit qu'en posant une

 23   question sur la détention de Serbes à Zagreb, la question était idiote. Je

 24   n'ai pas dit ça.

 25   Continuez.

 26   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous m'avez donc

 27   convaincu à l'instant que je n'en suis pas encore arrivé à ce stade. Donc

 28   continuons.


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  1   M. SESELJ : [interprétation]

  2   Q.  Madame Bilic, est-il exact que votre ministère, lorsqu'il suit la trace

  3   des personnes portées disparues, s'occupe en fait de toutes les personnes

  4   portées disparues citoyennes de Croatie, quel que soit le lieu de leur

  5   disparition ?

  6   R.  Ça, c'est exact. Mon ministère s'occupe et travaille exclusivement sur

  7   tous les citoyens de Croatie qui ont disparu dans des conditions en rapport

  8   avec la guerre et dont les familles ont soumis une demande de recherche.

  9   Q.  Donc ce qui est indispensable, c'est que leurs familles déposent une

 10   demande ?

 11   R.  Le dépôt d'une demande de recherche de la part des familles est

 12   l'élément fondamental, en tout cas l'un des critères fondamentaux qui

 13   permet à la personne d'être enregistrée en tant que personne portée

 14   disparue.

 15   Q.  Bon. Donc votre liste des portés disparus recouvre tous les soldats

 16   croates, tous les membres de l'armée régulière de Croatie, qui, dans le

 17   cadre d'unités régulières de l'armée Croate ont fait la guerre en 1993

 18   contre les Musulmans en Bosnie centrale et en Herzégovine, et qui en 1995

 19   ont fait la guerre contre les Serbes de la Republika Srpska, en particulier

 20   sur le territoire de la Krajina bosniaque, n'est-ce pas, pour peu que ces

 21   hommes aient disparu pendant les combats ?

 22   R.  Ce qui est une obligation - et c'est ce qui figure dans les

 23   réglementations en vigueur en Croatie - l'obligation pour le comité c'est

 24   de rechercher toutes les personnes portées disparues suite aux actions de

 25   guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, indépendamment du lieu de la

 26   disparition de ces personnes et indépendamment de l'appartenance ethnique

 27   de la personne portée disparue. C'est uniquement sur la base de ce critère

 28   et de ce principe classique qu'agit également la commission gouvernementale


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  1   de la République de Serbie, qui s'occupe des portés disparus à Belgrade,

  2   elle aussi, dans les listes qu'elle dresse, introduit les membres de la JNA

  3   qui ont disparu sur le territoire de la Republika Srpska, en Bosnie-

  4   Herzégovine, ou en quelque autre lieu. Il s'agit donc d'obligation de

  5   l'Etat qui doit régler toutes les situations de ses ressortissants.

  6   M. DUTERTRE : -- par rapport à ce qui se passe là. Juste, je constate qu'il

  7   y a -- j'ai entendu quelque chose en français qui n'est pas dans le

  8   transcript, j'ai cru entendre que la recherche se faisait indépendamment de

  9   l'appartenance ethnique. Est-ce que -- j'ai eu ça dans les écouteurs en

 10   français, est-ce qu'on peut clarifier cela, et si oui, ce n'est pas reflété

 11   au transcript à l'heure actuelle.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, vous pouvez préciser ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] La Direction chargée des détenus et portés

 14   disparus recherche tous les citoyens disparus, indépendamment de leur

 15   origine, de leur appartenance ethnique, de leur religion, quelle que soit

 16   la partie belligérante à laquelle ils appartenaient au moment de leur

 17   disparition.

 18   De même, la Direction chargée des détenus et portés disparus recherche les

 19   citoyens portés disparus, autrement dit les ressortissants de la République

 20   de Croatie qui ont disparu durant les actions de combat, indépendamment du

 21   fait que ces personnes auraient disparu en République de Croatie ou dans

 22   quelques cas moins nombreux, que ces personnes ont disparu sur le

 23   territoire de la Republika Srpska ou en Bosnie-Herzégovine de façon

 24   générale.

 25   Q.  Madame Bilic, lorsque le régime de Tudjman a vu le jour, je crois que

 26   c'était en 1990, si ma mémoire est bonne, peu de temps après ce régime a

 27   donné la possibilité à tous les Croates, quel que soit leur lieu de

 28   résidence, qu'ils résident en Bosnie-Herzégovine ou ailleurs, aux Etats-


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  1   Unis ou au Canada, il leur a donné la possibilité d'obtenir la citoyenneté

  2   croate s'ils le désiraient, n'est-ce pas ?

  3   R.  Ça vraiment, je ne suis pas au courant.

  4   Q.  Mais vous devez être au courant de cela, Madame. S'il vous plaît, ne

  5   dites pas que vous n'êtes pas au courant. Tous les Croates de Bosnie-

  6   Herzégovine votent pendant les élections en Croatie, présidentielle et

  7   législative. Et ils ont une diaspora à l'étranger, n'est-ce pas ? Vous êtes

  8   au courant ?

  9   R.  Je sais qu'il existe une unité électorale destinée à la diaspora, mais

 10   je ne suis pas au courant du fait que tous les Croates de Bosnie-

 11   Herzégovine aient la possibilité de voter aux élections législatives en

 12   République de Croatie, mais ce que je sais c'est qu'il existe une unité

 13   électorale distincte destinée à la diaspora.

 14   Q.  Comment est-il possible que je sois davantage au courant de tout cela

 15   que vous ? Tous les Croates de Bosnie-Herzégovine, qu'ils soient citoyens

 16   de la République de Croatie, car ils sont enregistrés dans les registres

 17   d'Etat civil suite à la création du régime de Tudjman, s'ils disparaissent

 18   et que leur famille rend la disparition publique, leur nom figure

 19   automatiquement sur la liste, n'est-ce

 20   pas ?

 21   R.  Je peux vous dire que la direction chargée des détenus portés disparus,

 22   peut-être ne serai-je pas tout à fait précise dans les chiffres, mais en

 23   tout cas des demandes de recherche ont été déposées pour une soixantaine de

 24   personnes qui ont disparu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, une

 25   soixantaine à peu près.

 26   Q.  Vous avez un document sur lequel figure ce fait ?

 27   R.  Je ne l'ai pas avec moi, malheureusement.

 28   Q.  Il ne figure pas non plus dans les documents dont nous disposons ici.


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  1   Or, c'est un élément relativement important, car je pense que le chiffre

  2   est supérieur à 60.

  3   R.  Si vous me donnez un peu de temps, je peux essayer de retrouver la

  4   liste des portés disparus par région administrative. Cela fait partie des

  5   documents que j'ai remis au Tribunal, et je suis certaine que dans ces

  6   documents figure le numéro de portés disparus qui ont disparu en dehors du

  7   territoire de la République de Croatie. Donc nous pourrions confirmer le

  8   chiffre exact. En tout cas, ce chiffre existe, il est inscrit dans les

  9   documents que j'ai remis en annexe de ma déclaration.

 10   Q.  Malheureusement, je manque de temps car la fin du contre-interrogatoire

 11   arrive.

 12   Mais dites-moi, je vous prie, selon les éléments officiels dont vous

 13   disposez, on recherche toujours environ 1 000 ou 1 100, combien exactement

 14   de personnes ?

 15   R.  Au moment de la rédaction de mon rapport, la situation des recherches

 16   concernait 1 076 personnes pour lesquelles le dossier était encore ouvert.

 17   Autrement dit, des éléments ont été recueillis qui datent de l'action 1994.

 18   Et pour 834 personnes, il s'agissait de disparus suite aux opérations

 19   Eclair et Tempête, et cela fait au total 1 930 et quelques.

 20   Q.  Ecoutez, vous en parlez dans votre rapport. Donc 874 -- combien vous

 21   avez dit ? Combien de disparus serbes suite aux opérations Eclair et

 22   Tempête d'après vos éléments d'information ?

 23   R.  Au cours des opérations militaro-policières Eclair et Tempête, selon

 24   l'état des dossiers de demandes de recherche déposées par les familles des

 25   portés disparus, donc sur la base des mêmes critères que ceux qui régissent

 26   l'action du CICR, et selon les mêmes critères que ceux qui régissent

 27   l'établissement de listes de portés disparus de 1991, 1992, à l'heure

 28   actuelle, des dossiers de recherche existent pour 874 personnes.


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  1   Q.  Je vous ai dit 874, et vous me tenez toute une conférence pour

  2   confirmer ce chiffre. Et combien vous avez dit jusqu'en 1994 ? Quel est le

  3   nombre total de portés disparus, mais rapidement, je vous prie. 1 000 ?

  4   Combien ? 1 000 ?

  5   R.  Mille soixante-seize personnes au moment de la rédaction du rapport.

  6   Q.  Et sur ces 1 076 personnes, combien sont Serbes, je vous prie ?

  7   R.  Soixante-quatre, si je me souviens bien.

  8   Q.  Alors, soyons précis. Quand on enlève les 64 Serbes, il nous reste 1

  9   012 Croates et autres, quelques Tchèques, Allemands, Ukrainiens, et cetera,

 10   enfin ça n'a pas d'importance. Mais quand on prend ce chiffre de 74 et

 11   qu'on l'ajoute aux 874 évoqués précédemment, cela fait 938 Serbes portés

 12   disparus selon vos documents officiels.

 13   Alors, vous savez que selon les statistiques officielles, le recensement de

 14   1991, même si j'ai doutes importants quant à la validité de ce recensement

 15   de 1991, mais selon ce recensement, en Croatie résidaient environ quatre

 16   millions et demi de Croates. Combien exactement ?

 17    R.  En 1991, d'après ce que je sais, d'après les données issues du

 18   recensement, je crois qu'il y avait moins de quatre millions d'habitants

 19   d'appartenance ethnique croate, mais enfin, ce n'est pas mon domaine de

 20   spécialité. Ce sont des informations publiques. Je ne suis pas tout à fait

 21   certaine.  

 22   Q.  D'accord. Environ quatre millions. Et des Serbes, est-ce que vous savez

 23   combien il y en avait en Croatie selon le recensement de 1991 ? Chiffre

 24   officiel ?

 25   R.  Là encore, je ne garantis pas absolument, mais je dirais 500 à 600 000,

 26   sans certitude absolue.

 27   Q.  Bon. C'est à peu près ça. Selon les chiffres officiels, environ 550

 28   000, mais je n'ai rien contre le fait qu'on arrondisse les chiffres. Donc


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  1   il y avait sept à huit fois plus de Croates que de Serbes sur le territoire

  2   de la République de Croatie et on ne tient pas compte de ceux qui se

  3   déclaraient Yougoslaves, qui étaient le plus souvent issus de mariages

  4   mixtes; c'était une possibilité de déclaration qui leur était offerte.

  5   Mais si sur le territoire de la Croatie vivaient sept à huit fois plus de

  6   Croates que de Serbes, et si de ce total de 1 012, on enlève les Croates

  7   disparus sur le territoire de Bosnie-Herzégovine et qu'on enlève également

  8   les personnes appartenant à des minorités ethniques, le nombre de Serbes et

  9   de Croates portés disparus et figurant encore dans vos dossiers ouverts est

 10   à peu près égal. Est-ce que ce n'est pas un élément frappant pour vous ?

 11   Est-ce que le nombre de portés disparus ne devrait pas être davantage

 12   proportionnel au nombre de population ? Répondez, puis nous avancerons.

 13   R.  Cette question est tellement complexe qu'il est impossible d'y répondre

 14   par "oui" ou par "non."

 15   Et j'aimerais souligner ici deux choses. Premièrement, les chiffres

 16   dont nous parlons représentent la situation actuelle, et le nombre des

 17   portés disparus d'appartenance ethnique serbe et non croate est bien

 18   supérieur au chiffre que nous venons de noter, car un grand nombre de cas

 19   de portés disparus a été résolu.

 20   Excusez-moi, je tiens à continuer, car je considère que ce que j'ai

 21   l'intention de dire maintenant est particulièrement important. Il s'agit du

 22   rapport du nombre de personnes disparues par rapport à la composition

 23   ethnique de la population en 1991.

 24   Sur un plan statistique, une telle comparaison ne se justifie pas. Ce

 25   qui serait justifié, ce serait de tenir compte du nombre de la composition

 26   ethnique que l'on constate sur le territoire frappé par les actions de

 27   guerre et pas sur tout le territoire de la République de Croatie.

 28   Q.  D'accord. Je comprends très bien votre réponse mais il y a une chose


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  1   qui m'intéresse. Car si auparavant, le nombre de portés disparus croates

  2   était bien supérieur et que vous êtes parvenu à régler ces dossiers et que

  3   vous avez ramené le nombre de portés disparus croates à peu près à égalité

  4   avec le nombre de portés disparus serbes qui vous ont été déclarés, car il

  5   y a un certain nombre de portés disparus qui n'ont pas été déclarés aux

  6   autorités de Croatie. Est-ce que ce fait ne pourrait pas signifier que vous

  7   avez été beaucoup plus rapide et beaucoup plus efficace, que vous avez bien

  8   mieux travaillé sur les dossiers des portés disparus croates que sur les

  9   autres, ou est-ce que cela est dû à quelque chose d'autre ?

 10   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Madame Bilic, avant de vous laisser

 11   répondre à la question qui vient de vous être posée par M. Seselj, je

 12   souhaiterais préciser quelque chose. Parce qu'il me semble que vous avez

 13   commencé par nous dire que l'Administration chargée des détenus et des

 14   personnes disparues enregistrait ou recensait uniquement les ressortissants

 15   croates qui avaient disparu; or il apparaît maintenant que des personnes

 16   serbes qui avaient disparu avaient également été recensées. Donc je veux

 17   être bien sûr de savoir la chose suivante : est-ce qu'effectivement les

 18   autorités croates ont entrepris de recenser les Croates qui avaient

 19   disparu, mais aussi ceux qui appartenaient à d'autres groupes ethniques,

 20   Hongrois, Serbes, ou autres, Bosniaques.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] A la Direction des détenus et des portés

 22   disparus on a des listes de tous les ressortissants de la République de

 23   Croatie, indépendamment de leur appartenance ethnique. Donc à la fois ce

 24   sont des Croates, des Serbes, des Hongrois, des Ethènes, tous les citoyens,

 25   tous les ressortissants de la République de Croatie portés disparus pendant

 26   la guerre. Quelle que soit leur appartenance ethnique. Ils figurent sur les

 27   listes et ont les mêmes critères.

 28   Maintenant, est-ce que je peux répondre aux questions posées par M. Seselj.


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  1   Mme LE JUGE LATTANZI : Madame, j'ai besoin de m'éclaircir une petite chose.

  2   Quand vous vous référez à la République de Croatie, vous entendez la

  3   république qui était partie de l'Etat fédéral yougoslave ou vous vous

  4   référez à la république dans ses territoires actuels ?

  5   L'ACCUSÉ : [interprétation] Les frontières sont les mêmes. Peu importe à

  6   quoi on songe puisque les frontières sont les mêmes.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, moi, je suis clair, mais j'ai l'impression

  8   qu'il peut y avoir un léger doute.

  9   Le recensement que vous faites des personnes disparues dans la

 10   République de Croatie, vous avez été très claire, ce sont les citoyens de

 11   la République de Croatie, sans appartenance ethnique. Ce qui veut dire que

 12   les 1 000 Serbes disparus, enfin à l'unité près, que M. Seselj met en

 13   avant, ces 1 000 Serbes disparus avaient la nationalité croate, c'étaient

 14   des Serbes vivant en Croatie appartenant à la République de Croatie ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : Voilà. C'est bien ce que j'avais compris.

 17   Pour essayer de gagner du temps, il ressort de l'ensemble des questions qui

 18   vous ont été posées par la Défense, qu'au jour d'aujourd'hui il semblerait

 19   qu'il y a le même nombre, enfin, aux unités près, de disparus croates que

 20   de disparus serbes­ Grosso modo il y aurait le même nombre, 1 000 d'un

 21   côté, 1 000 de l'autre. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce constat ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Il est possible maintenant qu'il y ait

 23   légèrement un plus grand nombre de Croates portés disparus, mais les

 24   différences pour ce qui est des chiffres pour ce qui est des portés

 25   disparus croates et serbes, vraiment ces différences ne sont pas si

 26   grandes.

 27   Mais par souci d'objectivité et pour vous présenter tous les faits, je

 28   tiens à dire que le nombre de personnes considérées comme disparues en


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  1   République de Croatie, qu'il y avait là bien plus de Croates que de Serbes,

  2   donc d'appartenance croate que d'appartenance serbe. Mais actuellement,

  3   comme vous venez de le dire, ces chiffres se sont rapprochés.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors pouvez-vous maintenant répondre à la

  5   question d'origine de M. Seselj ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais essayer. M. Seselj a dit que les

  7   familles des Serbes portés disparus ne souhaitaient pas déclarer la

  8   disparition de leurs proches auprès des autorités croates. Mais ils

  9   n'étaient pas tenus de le faire non plus. S'ils ne souhaitaient pas

 10   s'adresser aux autorités croates, ils n'étaient pas obligés de le faire.

 11   Mais quoi qu'il en soit, les familles déposaient leurs demandes de

 12   recherche auprès du CICR, et toutes ces demandes --

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais ce n'est pas ce que j'ai demandé.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes ces demandes de recherche figurent dans

 15   nos archives. Donc mêmes les familles qui ne se sont pas présentées aux

 16   autorités croates, si la disparition de leurs proches relate de la

 17   compétence de la Direction des détenus et des portés disparus figure dans

 18   nos documents officiels, donc de la direction. Et c'est un élément assez

 19   important pour pouvoir bien comprendre que tous ces documents, toutes ces

 20   listes sont en fait complètes.

 21   En plus du CICR, les familles donnaient --

 22   M. SESELJ : [interprétation]

 23   Q.  Ça n'a rien à voir avec ma question. Vous êtes en train d'utiliser mon

 24   temps. Ça ne me gênerait pas si c'était le temps qui était celui du

 25   Procureur ou des Juges, mais là vous êtes en train de prendre sur mon

 26   temps.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Attendez, vous avez une constatation.

 28   Et là, s'agissant de votre question, je peux vous dire que pendant l'année


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  1   passée, l'année d'avant, la Direction des détenus et des portés disparus a

  2   pu déterminer le sort et a pu classer des dossiers, je pense, pour un

  3   nombre à peu près équivalent de personnes d'appartenance croate que dans le

  4   cas des personnes d'appartenance serbe.

  5   Mais jusqu'au moment où nous n'avons pas reçu les informations sur les

  6   portés disparus d'appartenance serbe, tant que nous n'avions pas de données

  7   de bonne qualité pour pouvoir procéder à la recherche, nous n'étions pas en

  8   mesure de régler leurs dossiers non plus. A partir du moment où on a

  9   recueilli ces données, à partir du moment où on a procédé à des

 10   exhumations, à des identifications des corps, le nombre de dossiers classés

 11   de personnes d'appartenance croate a commencé à correspondre à peu près à

 12   celui des personnes d'appartenance serbe.

 13   M. SESELJ : [interprétation]

 14   Q.  Madame Bilic, pendant les entretiens préparatoires avec l'Accusation,

 15   vous avez affirmé que vos accès aux archives de votre ministère, que votre

 16   accès ne peut pas être illimité. Qu'il y a une partie des archives

 17   comportant des éléments sensibles auxquels vous n'avez pas accès; est-ce

 18   que cela est exact ?

 19   R.  J'ai déclaré que pour l'essentiel j'ai un accès illimité aux archives.

 20   Q.  Mais pas illimité ?

 21   R.  Mais je n'ai pas besoin d'avoir un accès illimité. J'ai accès aux

 22   archives dans la mesure où je peux accéder à toutes les archives qui sont

 23   pertinentes par rapport à mon poste de chef de mon département.

 24   Q.  Dites-moi, qu'est-ce qui a ce caractère de confidentialité, qui est

 25   aussi sensible pour que vous, haut fonctionnaire du ministère, vous ne

 26   puissiez pas avoir accès, seul le colonel Ivan Grujic y aurait accès ? Et

 27   maintenant il est devenu général de brigade; c'est bien cela ? Il a été

 28   promu.


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  1   R.  Comme je l'ai déjà dit, quant à mon accès aux archives il est pour

  2   l'essentiel illimité.

  3   Q.  S'il vous plaît, répondez à ma question. Mais quel document peut être

  4   aussi sensible contre les autres pour que vous ne puissiez pas le consulter

  5   ?

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Ne tournez pas autour du pot, comme on dit en

  7   français. Il semble que lors de l'entretien du récolement avec le

  8   Procureur, vous lui avez dit que vous n'avez pas accès à certaines archives

  9   qui seraient sensibles. M. Seselj a constaté cela. Il vous pose la

 10   question, donc c'est très simple. Avez-vous le droit d'avoir accès à toutes

 11   les archives, toutes, ou bien il y a des archives, peut-être couvertes par

 12   un secret de défense -- ou Défense nationale croate où vous n'avez pas

 13   accès, parce que ce sont des archives à connotation militaire secrète et

 14   vous n'y avez pas accès ? Répondez franchement.

 15   Vous avez prêté serment de dire toute la vérité. Sur ce point, il est

 16   important que nous, les Juges, savions si vous avez eu accès à tout, ou

 17   partiellement à l'ensemble des archives.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai accès à la plus grande partie des

 19   archives. Je ne peux pas accéder à un certain nombre de documents que je

 20   n'ai pas besoin de consulter compte tenu de mon domaine de compétences et

 21   compte tenu de mes attributions. Et je ne connais pas la teneur de ces

 22   documents puisque je n'y ai pas accès.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Un exemple très simple.

 24   Dans le cadre de votre travail, imaginons que vous vouliez avoir accès à

 25   des documents détenus par l'armée. Est-ce que vous pouvez aller au

 26   ministère de la Défense croate et regarder leurs archives ? C'est très

 27   précis. Quelle est votre réponse ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne peux pas me rendre au ministère de la


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  1   Défense pour accéder à leurs archives. Cependant, par voie de demande

  2   officielle, qui peut aussi être couverte d'un certain degré de

  3   confidentialité et où j'exposerais mes motifs, la raison pour laquelle je

  4   dois accéder à tel ou tel document de leurs archives, je peux leur demander

  5   de me le communiquer.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais prendre un exemple très précis. Imaginons

  7   qu'une famille serbe à Belgrade saisit à Belgrade les bureaux compétents

  8   disant : Voilà, le membre de ma famille qui était en Croatie a disparu. Il

  9   était dans un camp tenu par des militaires. Vous nous avez expliqué que

 10   ceci va transiter par le CICR, et après quoi vous allez en avoir

 11   connaissance. Vous, vous avez connaissance de ce cas. L'information est :

 12   il était détenu dans un camp militaire. Qu'est-ce que vous faites ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'adresse une demande au ministère compétent

 14   pour qu'il nous réponde ce qui en est du cas concerné.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.

 16   M. SESELJ : [interprétation]

 17   Q.  Vous dites que vous ne savez pas ce qui est contenu dans cette partie

 18   sensible et confidentielle des archives auxquelles vous ne pouvez pas

 19   accéder. Je vais vous rafraîchir la mémoire, et vous allez me dire ce que

 20   vous en pensez.

 21   Cette partie confidentielle et sensible des archives, à laquelle ne peut

 22   accéder que le colonel Grujic, comporte des données portant sur

 23   l'exhumation des Serbes tués, dans 135 fosses communes; et comporte des

 24   données présentant la manière artificielle dont on a réduit le nombre de

 25   victimes pour ce qui est de Pakracka Poljana et Malino Selo, par exemple.

 26   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur le Procureur.

 27   M. DUTERTRE : Oui, Monsieur le Président.J'objecte à cette question pour la

 28   raison suivante : le témoin a indiqué que puisqu'elle n'avait pas accès à


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  1   ces documents, elle ne savait, par définition, pas de quoi il s'agissait;

  2   alors je ne vois pas comment elle peut répondre à une question posée, qui

  3   est d'ailleurs très spéculative.

  4   On ne sait pas comment M. Seselj saurait la teneur de ces documents, par

  5   ailleurs. Ça peut être tout et n'importe quoi, et c'est parfaitement

  6   spéculatif, et il n'y a aucun élément qui permet d'étayer le fait que ces

  7   documents en question seraient ceux que M. Seselj indique.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Vous interrompez l'accusé au moment où il

  9   développait sa question. Moi, je ne sais pas quel était le but final de la

 10   question, alors attendons de voir si c'était spéculatif ou pas.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais nous n'avons pas ici un simple témoin qui

 12   peut ignorer ou connaître certaines choses. C'est un témoin qui se doit de

 13   tout connaître. Et non seulement mieux que M. Dutertre, mais il doit tout

 14   connaître mieux que moi. Nous avons ici un expert, on peut lui demander son

 15   opinion également. On peut lui soumettre des informations, qu'elles soient

 16   fiables ou pas, et lui demander de formuler son opinion d'expert. Ce n'est

 17   pas un expert qui se lance dans des conjectures. C'est un expert qui

 18   réfléchit, et nous avons vu, qui réfléchissait bien mieux que M. Dutertre.

 19   Du moins, je suis très satisfait de la manière dont le témoin --

 20   M. LE JUGE ANTONETTI : Evitez des connotations personnelles des uns et des

 21   autres. Bien. Posez votre question, parce que votre question peut être

 22   intéressante, mais encore faut-il la connaître.

 23   M. SESELJ : [interprétation]

 24   Q. Par conséquent, je vais vous présenter seuls quelques exemples sur ces

 25   135 fosses à Pakracka Poljana et à Malino Selo, c'est dans la Slavonie

 26   occidentale. Depuis octobre 1991 jusqu'en mars 1992, on a tué plus de 300

 27   civils serbes, or votre ministère, pour ce qui est de ce chiffre, le réduit

 28   15 fois, et pour ce qui est des données secrètes sur le nombre de cadavres


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  1   retrouvés véritablement, seul Ivan Grujic les a, personne d'autre. Et

  2   l'excédent de cadavres par rapport à vos chiffres officiels, c'est ce qu'on

  3   a détruit et on a perdu toute trace de cela.

  4   Je cite cela à titre d'exemple, la même chose vaut pour l'exhumation des

  5   corps des civils serbes fusillés à Medak Kigep [phon], 86, puis près de

  6   Gospic, on a tué près de 200 serbes -- un petit peu moins que 200. Et vous,

  7   officiellement, dans vos chiffres, vous faites état de 11 cadavres serbes

  8   seulement. Ça, c'est Gospic. Cela se situe vers le mois d'octobre 1991,

  9   quand on les a tués.

 10   Ensuite, nous avons d'autres situations dans bien d'autres localités. Et ce

 11   qui est le plus frappant, un grand nombre de civils serbes ont été tués à

 12   Osijek, or, Ivan Grujic était chef de la Sûreté de l'Etat, ou je ne sais

 13   pas comment ça s'appelait à l'époque, Sécurité de l'Etat, puis après cela a

 14   changé de nom. Les cadavres de Serbes, en septembre et en décembre 1991,

 15   tués à Sarvas et à Paulin Dvor, c'est à proximité d'Osijek.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Osijek, Monsieur le Président, Madame,

 17   Messieurs les Juges, c'est pratiquement sur les rives du Danube, à

 18   l'embouchure de la Drava dans le Danube, donc à l'est. Les Serbes de Paulin

 19   Dvor et de Sarvas, leurs cadavres ont été retrouvés au mont de Velebit,

 20   Rizvanusa s'appelle la localité.

 21   M. SESELJ : [interprétation]

 22   Q.  Vous connaissez ces données, que ces cadavres d'Osijek ont été

 23   retrouvés au mont de Velebit ?

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Dutertre.

 25   M. DUTERTRE : Non, je pensais que M. Seselj était en train de témoigner. Je

 26   m'attendais quand allait venir la question, elle est venue.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. M. Seselj vous a posé une question. Répondez,

 28   parce que là on est au cœur même de votre rapport.


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  1   La thèse de M. Seselj, c'est que dans votre rapport vous indiquez le nombre

  2   de Serbes tués, et lui, il conteste les chiffres en citant des exemples, en

  3   disant qu'il y en avait beaucoup plus.

  4   Alors qu'est-ce que vous lui répondez ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans mon rapport, on trouve les données

  6   portant sur tous les corps exhumés et identifiés, lorsqu'il s'agit

  7   d'individus d'appartenance serbe également. Mon rapport parle également de

  8   l'exhumation de Rizvanusa. On y a retrouvé les victimes de Paulin Dvor, au

  9   nombre de 17. C'est précisément l'institution dont je suis l'employée qui

 10   s'est employée à exhumer les cadavres de Rizvanusa et s'est employée

 11   également à identifier les cadavres de Rizvanusa par l'ADN, et cette

 12   institution a organisé les funérailles conformément aux souhaits des

 13   proches des victimes.

 14   M. SESELJ : [interprétation]

 15   Q.  Je vous rends hommage pour ce que vous avez fait. Cependant, Osijek se

 16   situe à l'embouchure de la Drava dans le Danube, c'est exact?

 17   R.  A peu près, oui.

 18   Q.  A peu près par à peu près ? Et Rizvanusa se situe au mont Velebit,

 19   c'est à l'ouest de la Lika ?

 20   R.  C'est exact.

 21   Q.  A vol d'oiseau, la distance c'est de l'ordre de 400 kilomètres, voire

 22   plus ? Vous ne savez pas ? Moi non plus je ne sais pas exactement.

 23   R.  A peu près 400 kilomètres.

 24   Q.  Quatre cents kilomètres. Donc quelqu'un d'Osijek ou plutôt de Paulin

 25   Dvor et de Sarvas près d'Osijek a transporté des cadavres serbes pour les

 26   cacher au mont le plus inaccessible des Balkans, à savoir au mont Velebit;

 27   et ces cadavres ont été retrouvés. Cependant, près de 200 Serbes ont été

 28   tués près de Gospic et leurs cadavres n'ont toujours pas été retrouvés;


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  1   c'est bien ça ? Donc les cadavres des Serbes tués à Osijek ont été

  2   retrouvés lorsque cela convenait au régime pour des raisons politiques, à

  3   savoir lorsqu'il a voulu régler son compte à Branimir Glavas, qui n'était

  4   plus sur la droite ligne, c'est lui qui est responsable de ces liquidations

  5   même s'il est général de l'armée croate. Cependant, les cadavres des

  6   victimes de fonctionnaires qui sont toujours sur la droite ligne ne sont

  7   toujours pas retrouvés et on est encore en train de détruire des ossements

  8   que l'on retrouve. Est-ce que j'ai raison de dire cela ?

  9   M. DUTERTRE : -- il faudrait qu'on la coupe.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. La question est longue et complexe, mais je

 11   peux peut-être la résumer.

 12   D'après M. Seselj, on trouve les cadavres de ceux qui ne sont pas dans la

 13   droite ligne politique, par contre, ceux qui sont dans la ligne politique

 14   actuelle, les cadavres qui pourraient leur être imputés, on ne les trouve

 15   pas. Enfin, c'est ce qu'il dit. Qu'est-ce que vous dites, vous ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Premièrement, dans la question qui m'a été

 17   posée par M. Seselj, il cite des données portant sur des victimes, sur des

 18   victimes d'appartenance serbe, qui ne trouvent pas leur fondement dans les

 19   documents.

 20   Je ne nie pas qu'il y ait eu des victimes d'appartenance serbe,

 21   cependant, concrètement si l'on parle de Gospic, on a exhumé une fosse où

 22   on a retrouvé des restes de 17 individus. A Medak Kigep, on a exhumé une

 23   fosse où on a retrouvé des cadavres de 11 personnes. A Pakracka Poljana,

 24   Monsieur Seselj, en 1995 on a exhumé une fosse où on a retrouvé des restes

 25   de 19 individus. Donc il en ressort que les autorités croates, la Direction

 26   des détenus et des portés disparus, ont fait des exhumations à tous les

 27   endroits où il a été déterminé qu'il s'y trouve peut-être des fosses,

 28   indépendamment de l'appartenance ethnique des victimes dont les cadavres se


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  1   trouvaient dans ces fosses.

  2   Il n'y a pas eu de report ou d'adaptation à des circonstances politiques,

  3   pas du tout lorsqu'il s'agit d'exhumation des dépouilles. Lorsqu'il s'agit

  4   des exhumations, on y a procédé sur le champ, dès qu'on apprenait qu'il y

  5   avait la possibilité qu'une fosse soit commune, soit individuelle, se situe

  6   à un endroit, et on a agi ainsi dans tous les cas.

  7   M. SESELJ : [interprétation]

  8   Q.  Mais vous ne savez pas ce que contiennent les archives secrètes

  9   auxquelles vous n'avez pas accès au sein de votre ministère, donc vous ne

 10   pouvez pas le savoir.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Dites-moi combien de temps il me reste, s'il

 12   vous plaît. Je ne sais pas si je pourrai tout couvrir.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous dire : 17 minutes.

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

 15   M. SESELJ : [interprétation]

 16   Q.  Votre ministère a pris part à l'action idéologique menée par le régime

 17   qui consistait à réhabiliter le mouvement oustachi, et de le mettre sur un

 18   pied d'égalité avec le mouvement de la résistance de la Seconde Guerre

 19   mondiale. Et cela de la manière suivante, vous avez amorcé des exhumations

 20   des Oustachi tués pendant la Seconde Guerre mondiale, et vous vous êtes

 21   employés à les réenterrer et ces funérailles étaient accompagnées des

 22   hommages rendus ?

 23   R.  Pour ce qui est de la compétence de mon ministère, il n'a pas des

 24   attributions sur les exhumations relatives à la Seconde Guerre mondiale.

 25   Cependant, dans un certain nombre de cas, sur la base d'une décision

 26   spécifique prise par le gouvernement croate, on nous a confié d'exhumer les

 27   restes, en fait, de procéder à des actions techniques d'exhumation afin de

 28   conserver les dépouilles de manière permanente. Et cela a été fait dans


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  1   tous les cas où le gouvernement croate a pris une telle décision. Et encore

  2   une fois, c'était fait indépendamment de l'appartenance ethnique des

  3   victimes.

  4   Q.  Ecoutez-moi attentivement, s'il vous plaît. L'Etat indépendant croate

  5   avec le régime oustachi de Pavelic, qui était l'allié d'Hitler, a envoyé 10

  6   000 volontaires oustachi faisant partie de la Légion croate sur le front de

  7   l'Est. Cette légion croate a été brisée à Stalingrad, dans leur majorité

  8   ses membres y ont péri; 16 Oustachi faisant partie de cette Légion croate

  9   ont perdu la vie par hasard avec un groupe de soldats italiens.

 10   Il y en avait à peu près une division sur le front de l'Est, et puisque les

 11   autorités militaires italiennes ont évacué leurs tués ou les ont échangés,

 12   puisqu'ils ont transporté leurs dépouilles à Rome, en passant, ils se sont

 13   chargés également de transporter les corps de 16 Oustachi et les ont

 14   inhumés au Cimetero del Verano, la partie militaire de ce cimetière.

 15   Et vous, Madame, avec Ivan Grujic, en 2007, le 20 décembre, vous vous êtes

 16   rendus à Rome afin de vous charger, dans de petits coffres, ce qui restait

 17   des dépouilles des 16 soldats croates, et vous vous êtes chargés de les

 18   transporter en Croatie. Et cela s'est déroulé, on leur a rendu hommage,

 19   c'est-à-dire les autorités religieuses se sont chargées de cela. Et j'ai

 20   des documents qui l'attestent, même une photographie, on n'arrête pas de me

 21   demander des documents.

 22   Mais M. Dutertre aurait pu chercher cela tout seul sur internet.

 23   M. DUTERTRE : -- la pertinence de cette question par rapport aux questions

 24   que la Cour va devoir régler et cela sort, par ailleurs, du domaine

 25   d'expertise de Mme Bilic, mais surtout, d'abord, quelle est la relevance de

 26   cette question ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est la --

 28   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je vais expliquer, s'il vous plaît, Monsieur le


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  1   Président, je vais expliquer la pertinence.

  2   A Belgrade, au centre-ville, au nouveau cimetière municipal, l'on trouve un

  3   cimetière spécial français où on a inhumé plusieurs centaines de militaires

  4   français, qui ont péri pendant la Première Guerre mondiale. C'est là que se

  5   situe également un cimetière militaire soviétique, on y a enterré des

  6   militaires russes qui ont péri pendant la Seconde Guerre mondiale pour

  7   libérer Belgrade. Donc si on peut dire qu'un cimetière est beau, là, ce

  8   sont des cimetières qui sont très joliment aménagés. Et ça n'est venu à

  9   l'esprit de personne, jamais, pour ce qui est de ces militaires russes ou

 10   français, de les rapatrier, parce que c'est en toute dignité qu'ils sont

 11   inhumés à Belgrade.

 12   Voilà. Et maintenant, l'Italie qui est un Etat civilisé a son propre

 13   cimetière militaire. Cimitero del Verano est un cimetière qui a une partie

 14   réservée militaire très joliment aménagée, et c'est là que 16 Oustachi

 15   croates qui ont péri sur le front de l'est ont été inhumés. C'est par

 16   hasard qu'ils se sont trouvés quelque part en la compagnie des corps

 17   militaires italiens, et ils ont été transportés ensemble.

 18   Au bout de tant d'années, des autorités qui, de par leur nature, de par

 19   leur idéologie, leur programme se rapproche beaucoup du régime oustachi de

 20   la Seconde Guerre mondiale, a l'idée de demander qu'on se rende à Rome pour

 21   rapatrier des dépouilles du 16 Oustachi et de les transporter en Croatie.

 22   Cela nous en dit beaucoup sur le caractère des autorités et du ministère où

 23   travaille Mme Bilic.

 24   M. DUTERTRE : Je ne vois toujours pas la raison de la question.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, il dit que vous avez été à Rome, alors

 26   qu'est-ce que vous répondez ? Parce que là on touche à la crédibilité du

 27   témoin, alors qu'est-ce que vous dites ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Comme vous pourrez le lire dans mon curriculum


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  1   vitae, j'ai été nommée en 2002 membre de la commission conjointe chargée de

  2   mettre en œuvre l'accord complet entre la République de Croatie et la

  3   République d'Italie, accord qui porte sur les victimes de la Seconde Guerre

  4   mondiale. Et c'est précisément après cette nomination, en tant que membre

  5   de cette commission conjointe et avec les autres collègues qui faisaient

  6   partie de cette commission, que nous avons reçu des informations relatives

  7   à l'existence des ossements de ces 16 ressortissants de la République de

  8   Croatie qui avaient été transportés par le gouvernement croate à partir du

  9   sol russe sur le territoire italien. Les autorités italiennes ont proposé à

 10   ce moment-là que la République de Croatie récupère ces ossements de

 11   citoyens croates puisqu'il s'agit des restes humains des personnes qui

 12   étaient issues de la République de Croatie. Donc ce qui est en cause ici

 13   c'est le travail accompli par la commission conjointe suite à la conclusion

 14   d'un accord entre deux gouvernements, gouvernement de la République de

 15   Croatie et gouvernement de l'Italie, et ce, pour appliquer, mettre en œuvre

 16   l'un des points de cet accord.

 17   M. SESELJ : [interprétation]

 18   Q.  Bien. D'accord. Si vous avez commencé à mettre en œuvre les points de

 19   cet accord, est-ce que vous avez procédé à l'exhumation des cadavres

 20   italiens d'hommes qui ont été tués peu avant la fin de la Seconde Guerre

 21   mondiale en Dalmatie. Il y a eu environ 300 000 Italiens tués ou exécutés à

 22   cet endroit.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Il semble que contrairement à ce qu'affirme M.

 24   Seselj, c'est pas la Croatie qui est allée chercher les 16 cadavres, mais

 25   c'est à la demande de l'Italie que vous vous êtes rendus. Ce sont les

 26   Italiens qui ont proposé le transfert. C'est ce que vous dites à la page

 27   27, ligne 4. Et dans le cadre de l'accord entre l'Italie et la Croatie. Ce

 28   sont les Italiens qui ont dit, "Nous avons 16 corps. Venez les chercher."


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  1   Ou c'est la Croatie qui leur a dit, "Nous savons qu'il y a 16

  2   ressortissants croates enterrés à Rome, nous voulons les récupérer" ? Qui a

  3   agi en premier ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Les informations relatives à l'existence des

  5   restes d'ossements de ces 16 personnes a été reçue des autorités

  6   italiennes, et ce sont les autorités italiennes qui ont proposé que la

  7   République de Croatie récupère les ossements qui existaient encore, ce qui

  8   a été fait, n'est-ce pas.

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.

 10   Donc Monsieur Seselj, contrairement à ce que vous affirmez, le témoin dit

 11   le contraire.

 12   L'ACCUSÉ : [interprétation] C'est son devoir de toujours dire le contraire

 13   de ce que j'affirme, Monsieur le Président. Et lorsqu'elle n'est pas en

 14   capacité de dire le contraire, elle raconte de très longues histoires qui

 15   vont dans tous les sens. Mais enfin, je ne me fâche pas contre elle à ce

 16   sujet.

 17   Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur Seselj, ici on n'est pas à faire à la

 18   Croatie et à son idéologie. Je ne vois pas la pertinence de cette question.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il m'arrive, très sincèrement, Madame le Juge

 20   Lattanzi, d'oublier contre qui se mène ce procès. Parce que quand je vois

 21   tous ces témoins qui me sont présentés, quand je vois tous ces éléments de

 22   preuve qui sont soumis à la Chambre, il apparaît bien souvent que je suis

 23   ici un Procureur et que les représentants du bureau du Procureur jouent le

 24   rôle de défense des intérêts de mes opposants serbes par le passé.

 25   Mais en fin de compte [inaudible]

 26   M. SESELJ : [interprétation]

 27   Q.  Madame Bilic, est-ce que vous savez qu'entre 1991 et 1995  --

 28   M. DUTERTRE : [hors micro]


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais vous dire qu'à titre personnel j'ai horreur

  2   des attaques de la Défense sur l'Accusation ou de l'Accusation sur la

  3   Défense. On est là pour savoir ce qui s'est passé.

  4   Il y a un rapport qui a été fait par un expert. Ce rapport est contesté par

  5   la Défense dans certains aspects, y compris au niveau de la crédibilité de

  6   celui qui a rédigé le rapport. Donc tout ce que les Juges ont à savoir,

  7   est-ce que les données dans le rapport son fiables pour qu'on puisse en

  8   tirer des conclusions. Voilà.

  9   Donc ce que je souhaite, et je demande à M. Seselj et à l'Accusation

 10   de se centrer uniquement sur les aspects de l'acte d'accusation.

 11   Monsieur Seselj, continuez.

 12   M. SESELJ : [interprétation]

 13   Q.  Madame Bilic, je vais à présent vous poser quelques questions faciles

 14   pour vous permettre de vous détendre.

 15   Savez-vous qu'entre 1991 et 1995, à plusieurs reprises, des pourparlers ont

 16   eu lieu entre les représentants gouvernementaux de la République serbe de

 17   Krajina et de la République de Croatie, ils ont discuté d'échanges mutuels

 18   de cadavres tombés au combat. Etes-vous au courant de cela ?

 19   R.  Ce que je sais c'est que dans la période allant de 1991 à 1995, des

 20   pourparlers ont eu lieu, qui ont porté, entre autres, sur la question de la

 21   récupération des restes humains et de leur transport.

 22   Q.  Oui. Est-ce que vous savez que dans un cas précis, en 1994, les

 23   autorités croates ont rendu aux autorités de la République Serbe de Krajina

 24   70 cadavres de civils serbes qui avaient été exhumés sur le territoire de

 25   Zagreb en 1994 ? Est-ce que vous le savez ?

 26   R.  Non, je ne suis pas au courant.

 27   Q.  Etes-vous au courant du fait que pendant ces réunions, il a été entendu

 28   également d'échanger des civils vivants ? Par exemple, le gouvernement de


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  1   la République serbe de Krajina est à la recherche d'un certain nombre de

  2   personnes détenues dans des camps en Croatie, et les autorités de Croatie

  3   recherchent leurs propres ressortissants détenus par les autorités serbes ?

  4   Savez-vous que ces pourparlers ont également porté sur des échanges

  5   concernant ces personnes ?

  6   R.  Je suis au courant que les pourparlers ont porté sur ces échanges et

  7   que des personnes qui étaient détenues entre les mains de l'une ou l'autre

  8   des deux parties ont été recherchées dans ce cadre.Q.  Merci de votre brève

  9   réponse. Etes-vous au courant du fait que la commission compétente de la

 10   République de Croatie, dirigée par Ivan Grujic, a participé également à des

 11   échanges entre les parties belligérantes portant sur des régions situées en

 12   Bosnie-Herzégovine ? Qu'il s'agissait d'échanges de détenus, d'échanges de

 13   restes humains de civils et de restes humains de militaires.

 14   R.  Je suis au courant, et la Commission chargée des détenus et portés

 15   disparus de l'époque a participé aux échanges de prisonniers de guerre et à

 16   la récupération des ossements de personnes tombées au combat, dès lors

 17   qu'il s'agissait de personnes qui avaient péri et qui étaient originaires

 18   de la République de Croatie.

 19   Q.  Mais il y avait aussi des détenus civils qui étaient traités comme des

 20   otages, en fait. Une partie belligérante capture un certain nombre de

 21   civils ressortissants de l'autre partie belligérante, l'autre en fait

 22   autant en chiffre à peu près équivalents, ensuite on marchande pour

 23   procéder à des échanges. Est-ce que vous êtes au courant ?

 24   R.  Dans les échanges concernant des civils de Bosnie-Herzégovine, je n'ai

 25   pas le souvenir d'un seul cas de ce genre.

 26   Q.  Mais si nous parlons d'échanges de civils originaires de Croatie et de

 27   Serbie, là vous avez le souvenir de tels échanges ?

 28   R.  Bien, je sais très concrètement que dans la prison de Knin se


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  1   trouvaient un certain nombre de civils qui venaient du village de

  2   Marinovici, ces personnes étaient incontestablement des civils. Je sais

  3   qu'il y a eu plusieurs cas de civils qui étaient détenus dans cette région

  4   et qui ont fait l'objet d'échanges, parce qu'ils se trouvaient dans les

  5   prisons de Beli Manastir, de Knin et d'autres villages.

  6   Q.  Mais des civils originaires de la partie adverse, c'est-à-dire de votre

  7   partie, ont également été détenus dans des prisons existantes ou

  8   improvisées, donc dans des camps que l'on ouvrait dans des écoles et

  9   d'autres bâtiments du même genre. Vous n'avez pas annoncé par voie de

 10   presse que les civils serbes devaient se déclarer pour être échangés contre

 11   des civils croates détenus dans la République serbe de Krajina, n'est-ce

 12   pas ?

 13   R.  C'est une question très directrice, je préfère ne pas y répondre.

 14   Q.  Mais vous savez, j'ai le droit de poser des questions directrices. Vous

 15   le savez, n'est-ce pas ?

 16   Pourquoi est-ce que je vous pose toutes ces questions ? Parce que

 17   ici, Berislav Pusic, par exemple, est accusé dans un procès. En tant que

 18   président de l'Herceg-Bosna, il a contribué à des échanges de civils, de

 19   prisonniers de guerre et d'autres; mais Ivan Grujic, lui, n'est accusé dans

 20   aucune affaire par ce Tribunal alors qu'il a commis des actes contre des

 21   civils et que ces actes sont illégaux, puisque les civils ne peuvent pas

 22   être traités comme des otages, selon le droit international. Or, même Ivan

 23   Grujic a capturé des civils et procédé à des échanges de civils avec la

 24   partie adverse.

 25   R.  Comme je l'ai dit dans mes réponses précédentes, des personnes ont été

 26   échangées dès lors qu'elles étaient détenues par la partie adverse. Mais

 27   s'agissant de la République de Croatie, j'ai dit de la façon la plus claire

 28   qui soit que je n'avais connaissance d'aucun cas d'échange de civils avec


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  1   la Bosnie-Herzégovine, qui auraient pu être traités par ce qui était alors

  2   la Commission chargée des détenus et personnes disparues et qui,

  3   aujourd'hui, est devenue la Direction chargée des détenus et personnes

  4   disparues. Donc les affirmations selon lesquelles le colonel Grujic aurait

  5   participé à une prise d'otages et à des échanges de civils est inexacte.

  6   Q.  Dans le procès Slobodan Milosevic et consorts ainsi que, si je ne

  7   m'abuse, dans le procès Milan Martic, le colonel Grujic a confirmé avoir

  8   participé à l'organisation de tels échanges; et je dispose de documents

  9   indiquant qu'il s'est trouvé personnellement à Livno pour des pourparlers

 10   relatifs à de tels échanges et vous, vous n'êtes pas au courant ?

 11   R.  Si vous me disiez à peu près à quel moment ces pourparlers ont eu lieu,

 12   je pourrais peut-être vous répondre plus précisément.

 13   Q.  Dans les comptes rendus d'audience, il n'est question que de

 14   pourparlers, et pour Livno je n'ai pas la date, malheureusement. Mais dans

 15   les comptes rendus d'audience que l'Accusation a été obligée de me

 16   communiquer, comptes rendus d'audience relatifs à l'audition d'Ivan Grujic,

 17   il n'est question que de pourparlers sans aucune date. Ivan Grujic avait

 18   prévu de comparaître ici en tant que témoin expert, mais il était tellement

 19   compromis, que malheureusement, le bureau du Procureur a dû changer

 20   d'expert. C'est la raison pour laquelle vous avez été engagée très

 21   rapidement pour le remplacer. Vous savez cela, n'est-ce pas ?

 22   R.  S'agissant de ce que vous dites au sujet de ce qui était prévu, à

 23   savoir qu'Ivan Grujic aurait dû comparaître en tant que témoin expert, je

 24   pense que votre question devrait plutôt être adressée au bureau du

 25   Procureur.

 26   Q.  Vous avez été engagée tellement vite en tant que remplacement d'Ivan

 27   Grujic, que vous avez dû également rédiger très rapidement votre rapport,

 28   et donc vous avez copié des passages entiers du rapport déjà préparé par


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  1   Ivan Grujic à ce moment-là, n'est-ce pas ? Je n'aurais aucune difficulté ou

  2   réticence par rapport à la possibilité de comparer, paragraphe par

  3   paragraphe, votre rapport et le sien.

  4   R.  Je n'ai pas établi mon rapport à la va-vite. Je disposais d'un temps

  5   tout à fait suffisant pour établir ce rapport. Ce qui est un fait, c'est

  6   que le texte du rapport établi par le colonel Grujic, assistant du

  7   ministre, est en grande partie équivalent ou concordant avec le texte du

  8   rapport envoyé par moi, ce qui est tout à fait justifié. D'ailleurs,

  9   pouvait être attendu étant donné la méthodologie de travail appliquée par

 10   lui et par moi, ainsi qu'étant donnés les résultats tirés de cette

 11   méthodologie. En fait, il aurait été très étonnant que les résultats soient

 12   très différents.

 13   Q.  Des rapports, bien sûr, ne peuvent pas être très différents eu égard

 14   aux événements factuels qui y sont traités. Mais lorsque les paragraphes

 15   sont pratiquement identiques, alors il est question de plagiat, n'est-ce

 16   pas, parce qu'un rapport c'est une œuvre d'un auteur déterminé, l'œuvre de

 17   l'auteur Ivan Grujic, l'œuvre de l'auteur Visnja Bilic, et cetera. Et quand

 18   on compare paragraphe par paragraphe - vous voyez, je les ai surlignés -

 19   quand on compare paragraphe par paragraphe votre rapport et celui d'Ivan

 20   Grujic, bien, on a bien l'impression de se trouver en face d'un plagiat,

 21   "plagat [phon]." Est-ce que le mot "plagat" est utilisé dans la langue

 22   croate ? Parce que en Serbie, le plagiat peut donner lieu à une peine de

 23   prison. Un an de prison était la peine que l'on pouvait encourir si un

 24   prétendu auteur, scientifique ou autre, présente un travail comme étant le

 25   sien alors qu'il n'en est pas l'auteur. Donc le plagiat peut être puni par

 26   un an de prison.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : -- je ne suis pas au niveau du plagiat, mais quand

 28   le bureau du Procureur vous a missionnée pour faire ce rapport d'expert, je


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  1   suppose que vous aviez demandé le rapport de M. Grujic et que vous avez

  2   travaillé votre propre production à partir du rapport de M. Grujic. Vous

  3   l'aviez lu avant ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela. C'est exact. J'ai rédigé mon

  5   rapport en me fondant sur le rapport rédigé par l'assistant du ministre, le

  6   colonel Ivan Grujic. Et toutes les parties inchangées du rapport, qui

  7   traitent des questions d'organisation, du recueil des éléments relatifs aux

  8   personnes disparues, des exhumations, des identifications, donc toutes les

  9   parties des deux rapports qui sont identiques, bien, pour l'essentiel,

 10   elles ont été reprises de son rapport dans le mien, car il n'y avait aucune

 11   nécessité de changer quoi que ce soit. Puisque comme je l'ai déjà dit, ceci

 12   a un rapport direct avec la méthodologie employée pour établir ce travail.

 13   Mais toutes les autres parties dont le bureau du Procureur m'avait demandé

 14   de les introduire dans mon rapport ont été établies par moi et introduites

 15   dans mon rapport. Tous les éléments chiffrés ont été mis à jour dans mon

 16   rapport, également.

 17   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, il vous reste deux minutes.

 18   M. SESELJ : [interprétation]

 19   Q.  Mais dans ce cas-là, Ivan Grujic est pour le moins votre co-auteur, ce

 20   qui me donnerait le droit de le contre-interroger lui aussi, et pas

 21   seulement vous.

 22   Bien. Voilà, je viens de trouver une page du compte rendu d'audience tirée

 23   de l'affaire Mrksic où l'on voit que le colonel Grujic, page 10 312 du

 24   compte rendu du procès Mrksic, où le colonel Grujic confirme avoir

 25   participé à des échanges de civils entre la Croatie et la République serbe

 26   de Krajina ainsi qu'entre les parties belligérantes de Bosnie-Herzégovine

 27   Je vais vous donner cet élément d'information, et j'en ai terminé de

 28   mes questions, Madame Bilic.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

  2   Monsieur le Procureur, des questions supplémentaires ?

  3   M. DUTERTRE : Je vais essayer de faire aussi rapidement que possible.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, parce qu'on fait la pause à 10 heures. Donc le

  5   mieux ce serait qu'on termine parce qu'on a un autre témoin.

  6   M. DUTERTRE : Entendu. Je vais aller vite.

  7   Nouvel interrogatoire par M. Dutertre :

  8   Q.  Pour revenir sur cette question du rapport, Madame Bilic,

  9   vous vous êtes basée sur le même document interne que M. Grujic pour

 10   faire votre rapport ?

 11   R.  Exact.

 12   Q.  Basé sur les mêmes données statistiques ?

 13   R.  Exact, sur les mêmes documents officiels, sur les mêmes données

 14   statistiques et avec la même méthode de travail.

 15   Q.  Vous nous avez dit que vous avez mis à jour les informations, pour le

 16   reste, les informations à changer sont des informations dont vous avez pu

 17   vérifier l'exactitude ?

 18   R.  Exact.

 19   Q.  Et elles étaient exactes, les informations ?

 20   R.  Ces informations étaient exactes et représentent, par conséquent,

 21   l'état des dossiers traités par la Direction chargée des détenus et

 22   personnes disparues ainsi que l'état de situation des différents cas

 23   traités par la Direction chargée des personnes disparues.

 24   Q.  Merci. Est-ce que vous pouvez nous indiquer quelle est la distance

 25   entre Velebit et Vukovar ?

 26   R.  Peut-être 450 à 500 kilomètres. Mais je n'ai pas de certitude absolue.

 27   Q.  Entendu. S'agissant des sept personnes non identifiées parmi les 200

 28   victimes d'Ovcara, c'est pages 11 832 à 11 834 du transcript d'hier, est-ce


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  1   qu'il est possible - on vous a posé des questions spéculatives, donc je

  2   n'hésite pas à le faire moi-même - est-ce qu'il est possible que les

  3   proches de ces personnes habitent en Croatie et n'aient pas été touchés par

  4   la campagne de collecte d'informations, et est-ce qu'il est possible que

  5   ces personnes tout simplement soient originaires de la Croatie mais n'aient

  6   pas eu de proches, c'étaient des personnes sans famille, est-ce que ce

  7   serait une explication possible pour la non-identification de ces sept

  8   corps ?

  9   R.  Il est possible également que ces personnes n'avaient aucun proche,

 10   aucun membre de leur famille qui les aurait recherchés, autrement dit que

 11   les familles entières auraient péri, voire qu'il n'existait pas

 12   suffisamment de membres de la famille compatibles pour une analyse ADN.

 13   Q.  Oui. Point suivant - et on va évoquer, pages 11, 14, 15 du transcript

 14   d'aujourd'hui - les questions des proportions des nationalités. Est-ce que

 15   vous me confirmez que parmi les personnes exhumées dont la nationalité a pu

 16   être établie, 87 % étaient des Croates ? C'était la pièce 65 ter 7362 qu'on

 17   a examinée hier.

 18   R.  Exact, 87 % des corps identifiés étaient d'appartenance ethnique

 19   croate.

 20   Q.  On en vient maintenant aux personnes qui sont toujours manquantes,

 21   parce que j'ai du mal à suivre un peu, mais je sais que M. Seselj ne m'en

 22   voudra pas.

 23   Vous avez un document qui est le document 7361 dans le classeur numéro 1,

 24   le classeur bleu. Et dans ce document, si vous pouvez vous y reporter, il

 25   est toujours question des 1 076 personnes toujours manquantes.

 26   Donc document 7361. Il manque toujours le 3 sur le transcript en anglais,

 27   7361.

 28   Et dans ce document, on a, à la sixième page dans la version anglaise, la


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  1   nationalité des personnes déclarées disparues de ces

  2   1 076 personnes déclarées disparues, et on voit qu'en réalité 87 sont

  3   Croates. Est-ce que vous confirmez ce chiffre, et qu'il y a 64 Serbes

  4   seulement qui sont parmi ces personnes manquantes ?

  5   R.  Oui, c'est exact, 87 %.

  6   Q.  Le transcript anglais ne reflète pas ce que j'ai entendu dans mes

  7   écouteurs. Est-ce que vous pouvez répéter votre réponse, Madame Bilic ?

  8   R.  J'ai dit que c'était exact, 87 % des personnes portées disparues sont

  9   d'appartenance ethnique croate, et parmi les portés disparus, on trouve 64

 10   corps de personnes d'appartenance ethnique serbe.

 11   Q.  Très rapidement - et ça vient en complément des questions qu'on a

 12   évoquées ce matin encore - pages 7 et 8, et hier, transcript 11 834, si une

 13   famille française, serbe, italienne, s'adresse à l'Administration pour les

 14   personnes disparues en disant : Cette personne a disparu sur le territoire

 15   de la Croatie entre 1991 et 1995, quelle suite vous donnez à cette requête

 16   ?

 17   R.  Nous acceptons la demande de recherche si elle rentre dans les

 18   conditions établissant, définissant les compétences de la Direction chargée

 19   des détenus et des personnes disparues. Si tel n'est pas le cas, nous

 20   transmettons cette demande au comité international de la Croix-Rouge, le

 21   CICR.

 22   Q.  Entendu. Une dernière question. Hier, pages 11 842 à 11 845 du

 23   transcript, vous êtes interrogée sur les détenus serbes en Croatie,

 24   question sur laquelle on est revenu ce matin. Si votre rapport ne contient

 25   pas d'informations sur les détenus par les autorités croates pendant le

 26   conflit, est-ce que c'est parce que ça relève d'un autre département au

 27   ministère de l'Intérieur, de la Défense, qui a ses informations; et donc,

 28   vous n'avez pas besoin de les chercher, vous n'êtes pas en charge de


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  1   collecter cette information vous-même ? Ou est-ce que c'est un choix

  2   délibéré d'avoir exclu cette question dans votre rapport ?

  3   R. Comme on peut le constater dans les directives qui régissent le travail

  4   de la Direction chargée des détenus et personnes portées disparues de la

  5   République de Croatie, cette direction n'a pas pour tâche de procéder à

  6   l'ouverture de dossiers relatifs à de telles personnes dans le territoire

  7   de Croatie. C'est le ministère de la Défense et le ministère de la Justice

  8   qui sont compétents pour ce genre de travail, et non le ministère de la

  9   Famille et des solidarités intergénérationnelles, dont je relève.

 10   Q.  Je vous remercie.

 11   M. DUTERTRE : Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, votre audition vient de se terminer. Au nom

 13   de mes collègues, je vous remercie d'être venue à la demande du Procureur

 14   pour témoigner sur les disparus qui ont été victimes lors du conflit

 15   survenu dans l'ex-Yougoslavie. Je vous souhaite un retour dans votre pays

 16   dans les meilleures conditions.

 17   M. l'Huissier vous accompagnera afin que vous puissiez prendre votre avion

 18   de retour.

 19   Je vais donc maintenant faire la pause pendant 20 minutes, ensuite nous

 20   introduirons le témoin.

 21   Monsieur le Procureur, pour les documents dont vous demandez l'admission,

 22   vous les avez listés hier ?

 23   M. DUTERTRE : Oui, plus le document 65 ter 7361 que je viens d'utiliser et

 24   dont je demande l'admission.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre rendra une décision écrite en la

 26   matière. Voilà.

 27   Nous faisons une pause de 20 minutes, et après nous reprendrons avec le

 28   prochain témoin dont j'annonce tout de suite que le Procureur aura une


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  1   heure, et M. Seselj, une heure.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 02.

  3   --- L'audience est reprise à 10 heures 22.

  4   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : Pouvez-vous me donner votre nom, prénom et date de

  6   naissance.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Katica Paulic, le 1er avril 1956.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Est-ce que vous avez une profession; si oui,

  9   laquelle ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je travaille comme ouvrière, Elektrocontact.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous, Madame, déjà témoigné devant un tribunal

 12   sur les faits qui se sont déroulés dans l'ex-Yougoslavie, ou bien c'est la

 13   première fois que vous témoignez ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Aujourd'hui c'est la première fois.

 15   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je vous demande de lire le serment que M.

 16   l'Huissier vous présente.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   LE TÉMOIN : KATICA PAULIC [Assermentée]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Madame, vous pouvez vous asseoir.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors quelques éléments d'information.

 24   Vous allez devoir répondre à des questions qui vont vous être posées par M.

 25   Ferrara, que vous avez dû rencontrer en vue de la préparation de cette

 26   audience. M. Ferrara vous posera des questions et vous présentera des

 27   documents. Les Juges pourront aussi, le cas échéant, vous poser des

 28   questions. M. Seselj, qui est accusé dans ce procès, vous posera également


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  1   des questions dans le cadre du contre-interrogatoire. Voilà comment va se

  2   dérouler cette audience.

  3   Je ne sais pas si nous terminerons aujourd'hui. S'il n'y a pas d'incident

  4   d'audience, c'est possible, sinon on sera obligés de continuer demain

  5   matin. Mais là je ne peux pas prévoir pour le moment.

  6   Voilà. Comme j'essaye de ne pas perdre de temps, je vais tout de suite

  7   donner la parole à M. Ferrara qui a une heure pour ses questions.

  8   M. FERRARA : [interprétation] Merci.

  9   Le témoin, je vous le signale, a quelques problèmes de santé, donc il est

 10   possible qu'elle demande une pause.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, je ne savais pas que vous aviez des

 12   problèmes de santé. Si vous vous sentez fatiguée à un moment donné, vous

 13   levez la main et vous dites qu'il faut arrêter. Mais cela dépend de vous.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 15   M. FERRARA : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Interrogatoire principal par M. Ferrara :

 17   Q.  [interprétation] Madame Paulic, quand êtes-vous née, et combien de

 18   temps avez-vous habité là ?

 19   R.  Je suis née le 1er avril 1956, et jusqu'en 1992 j'y ai vécu.

 20   Q.  Où ?

 21   R.  A Hrtkovci.

 22   Q.  Quelle est votre appartenance ethnique ?

 23   R.  Je suis Croate d'appartenance.

 24   Q.  Où habitez-vous actuellement ?

 25   R.  Je vis à Zagreb. Là où j'ai échangé ma maison.

 26   Q.  Quelle était votre profession à Hrtkovci ?

 27   R.  Tout d'abord je travaillais sur la terre, donc on n'a pas construit la

 28   maison, après j'ai ouvert ma propre boutique, mon commerce dans ma maison.


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  1   Donc j'étais propriétaire de ma propre boutique.

  2   Q.  Quelle était la composition ethnique de Hrtkovci en 1992 -- jusqu'en

  3   1992 ?

  4   R.  Jusqu'en 1992, en quelques mots, je dirais que c'était super. Il n'y

  5   avait pas de tensions. On était bien d'accord les uns avec les autres. On

  6   se rendait les uns chez les autres pour fêter les différentes fêtes, les

  7   Noël ou les Pâques. C'était très bien.

  8   Q.  Pouvez-vous nous donner une idée de la proportion de chaque groupe

  9   ethnique à Hrtkovci à l'époque ?

 10   R.  A l'époque, il y avait beaucoup de Croates, de Hongrois. C'était la

 11   population qui était là depuis longtemps, très longtemps. C'était un

 12   village hongrois et allemand. Mais les Allemands ont été chassés, expulsés,

 13   les Hongrois sont restés. Les Serbes sont arrivés de Slavonie. Des

 14   Bosniaques, des Dalmates. Des gens de la région de la Lika. Mais ils

 15   étaient minoritaires. Il y avait surtout des Croates, et un petit peu moins

 16   de Hongrois, ils étaient moins nombreux que les Croates.

 17   Q.  Vous dites que tout allait à merveille. Mais quand est-ce que la nature

 18   de ces relations a changé ? A quel moment avez-vous commencé à voir les

 19   choses changer ?

 20   R.  Oui. Les relations elles ont changé lorsque la guerre a commencé en

 21   Croatie. Peu de temps après Vukovar, les Slavoniens [phon] ont commencé à

 22   arriver, toutes sortes de gens inconnus. Ils ont commencé à venir au

 23   village. Ils avaient un comportement contraire à la vie normale. Ils

 24   créaient des tensions. On était nerveux dans le village.

 25   Q.  Quand avez-vous entendu les gens commencer à parler de nettoyage

 26   ethnique ?

 27   R.  Puisque j'avais un commerce, mon voisin d'en face, Slavko Mirazic, on

 28   peut dire que c'était un garçon tranquille, mais il a commencé à dire que


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  1   nous, les Croates, on ne savait pas quel sort nous était réservé, qu'il

  2   allait y avoir un nettoyage ethnique, qu'il avait une liste de tous ceux

  3   qui allaient partir. Et c'est la première chose que j'ai apprise là-dessus.

  4   Q.  Quelle était l'appartenance ethnique de Slavko Mirazic ?

  5   R.  Serbe. Serbe. De par son père et de par sa mère.

  6   Q.  Est-ce qu'il appartenait à un parti politique ?

  7   R.  Oui. Il se vantait qu'il était membre du parti de Seselj et qu'il était

  8   au courant de tout.

  9   Q.  Comment savez-vous qu'il était membre de ce parti ? Il vous l'a dit ?

 10   R.  Oui, c'est lui qui l'a dit. Il venait chez moi dans mon commerce, mon

 11   magasin, puis c'est lui qui l'a dit. Ce sont ses propres mots.

 12   Q.  Vous dites qu'au fur et à mesure que la guerre s'étendait en Croatie,

 13   on a vu arriver des gens de Slavonie dans votre village. A combien de

 14   réfugiés estimeriez-vous ceux qui sont arrivés à Hrtkovci en 1992 ?

 15   R.  Ecoutez, il est très difficile de donner un chiffre, parce que c'était

 16   quelque chose qui se produisait tous les jours. Parfois, ils se promenaient

 17   en groupes. Parfois, par quatre ou cinq, ou dix, ou quatre. Ça dépend

 18   comment se faisaient ces groupes, mais c'était tous les jours et c'était de

 19   manière constante.

 20   Q.  Est-ce qu'ils étaient organisés de quelque manière que ce soit ou bien

 21   est-ce que les gens sont arrivés de leur propre chef ?

 22   R.  Je pense qu'ils étaient organisés, parce que ce qui les intéressait le

 23   plus c'était les grandes maisons. Les petites, pas tellement. Ce qui les

 24   intéressait, c'était les grandes maisons, lorsque il y avait des gens

 25   aisés, d'après la taille de leurs maisons, c'est là qu'ils se rendaient. Et

 26   je peux vous donner quelques exemples.

 27   Des gens qui sont venus chez moi, et je connais aussi la dame d'en face,

 28   pas vraiment d'en face mais un petit peu sur la droite, il y avait là un


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  1   grand-mère. Son fils était en Allemagne et, bien sûr, il s'est fait

  2   construire une nouvelle maison qui était belle, qui était remplie de tout,

  3   des outils, des meubles, tout. La grand-mère est décédée et le fils, il

  4   était en Allemagne. Il a été forcé à vendre sa maison. Il a vendu à un

  5   couple, un homme et une femme, qui vivaient eux aussi à l'étranger, et ils

  6   se rendaient pour des brèves périodes là-bas. Pendant quelques jours, ils

  7   étaient dans la maison. Puis ils allaient revenir en Hongrie, et ils

  8   restaient un week-end. A ce moment-là, des Serbes sont arrivés et en une

  9   nuit ils se sont installés dans la maison. Ils sont entrés par effraction

 10   et ils se sont installés dans la maison.

 11   Quelqu'un en a informé la dame et le monsieur, qu'il y a des gens qui

 12   s'étaient installés dans leur maison. Donc eux, ils sont revenus. La femme

 13   est allée en informer la police à ce moment-là, elle n'a rien pu obtenir

 14   car elle est venue me voir dans mon magasin et elle m'a dit à moi qu'elle a

 15   cherché plusieurs robes.

 16   Q.  Quand est-ce que ça s'est produit ?

 17   R.  Avant que Seselj n'arrive.

 18   Q.  Quand Seselj est-il arrivé à Hrtkovci ?

 19   R.  C'était pendant que ces gens attaquaient. C'est de ça que je parle

 20   maintenant. Alors elle est venue me demander littéralement que je lui

 21   permette d'aller aux toilettes chez moi, parce qu'elle ne pouvait pas

 22   entrer chez elle, dans sa maison. Elle n'a rien obtenu. Elle n'a pas pu

 23   entrer dans sa maison.

 24   Q.  Est-ce que ces réfugiés serbes regardaient seulement les maisons ou

 25   aussi les commerces et les usines ?

 26   R.  C'est cela. Moi, j'avais mon magasin, mon propre magasin. Bien sûr

 27   qu'ils regardaient. Zdenko Basic, lui aussi, il avait son magasin. Il était

 28   secrétaire de la commune locale. Chez lui de même. Voilà, ça je le sais et,


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  1   bien sûr, les gens dont on citait des noms qui étaient tous au pouvoir.

  2   Mais des riches, je peux dire des maisons riches, des maisons un peu plus

  3   costaudes. Mon oncle, il a une petite maison, miniature, pauvre, on n'a pas

  4   touché à lui. Ils ont touché à nous parce que nous avions de grandes

  5   maisons. Quand je dis "grandes," je ne sais pas si pour vous ce serait

  6   grand, mais c'étaient des maisons qui étaient grandes.

  7   Q.  Est-ce que vous avez reçu la visite des réfugiés dans votre magasin ?

  8   R.  Oh que si, beaucoup.

  9   Q.  Quand, et que vous ont-ils dit ?

 10   R.  Voilà : quand on rentre dans le magasin, sur la gauche, j'avais un

 11   entrepôt. Il est arrivé qu'ils ouvrent mon entrepôt et qu'ils disent "C'est

 12   bien, c'est bien. Ça pourrait être à nous." Et ils m'ont dit : "Il vaut

 13   mieux que vous partiez avec un sac," en employant le terme qu'on emploie à

 14   un certain endroit et pas l'autre terme. "Il vaut mieux que vous partiez

 15   comme ça qu'avec un petit sac à la main." Donc ça signifiait qu'il fallait

 16   partir.

 17   Il y en a eu plusieurs. Je pourrais vous en parler pendant toute la

 18   journée, de ces gens-là, mais je vais uniquement en parler de quelques-uns

 19   de ce contexte.

 20   Il y avait un certain Jovo, qui était un homme grand. Il avait la barbe.

 21   C'est lui qui amenait ces gens, ces gens, c'est lui. Une fois, il est

 22   arrivé seul. Je me souviens bien, comme si c'était hier. C'était un

 23   dimanche. Je travaillais seule parce que la personne qui était employée

 24   chez moi, elle était libre ce jour-là, de congé. J'étais seule. Il y avait

 25   beaucoup de gens qui faisaient la queue. Et quand je l'ai vu, j'ai eu peur,

 26   bien sûr. Je servais les clients, et je ne sais même pas comment je le

 27   faisais. Peu importe. Et quand c'était son tour, j'ai trouvé le courage et

 28   je lui ai demandé brièvement, clairement, "Je vous en prie," comme si


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  1   c'était un client normal, et je savais quelle était son intention, pourquoi

  2   il est venu. Il m'a dit qu'il ne voulait rien acheter, mais il m'a reconnue

  3   une chose. Il m'a dit : "Madame, je reconnais que j'amène chez vous

  4   d'autres personnes pour échanger votre maison, pour quitter votre maison.

  5   Voilà, j'ai une maison à Zagreb. Il vaut mieux que vous partiez à Zagreb.

  6   C'est la capitale," et des choses, et ceci, et cela, comme quoi il fallait

  7   que j'aille à Zagreb. Et là, j'ai trouvé le courage, où je ne sais pas, le

  8   courage m'est venu tout seul, et je lui ai dit clairement : "Mais regardez-

  9   vous. Vous êtes un homme grand et fort, et vous êtes venu me chasser, moi,

 10   et avoir affaire à moi toute seule. Allez voir mon époux." Mon mari. Il

 11   était au centre. "Vous le connaissez. Renseignez-vous où il est et allez

 12   lui parler à lui, ne vous adressez pas à moi." Effectivement, c'est ce

 13   qu'il a fait. Il a trouvé mon mari et il lui a dit : "Elle est dangereuse,

 14   votre femme. Elle m'a chassé."

 15   Voilà, c'est comme ça que ça s'est passé. Il y a eu pas mal d'incidents.

 16   Lorsque mon employé travaillait, je suis allée à la banque payer des

 17   factures. Mon mari, il est allé chercher la marchandise, puisqu'à ce

 18   moment-là il travaillait avec comme moi, comme mon employé, parce que le

 19   magasin marchait vraiment bien. L'employé travaillait. Ils ont attaqué un

 20   groupe dans le magasin, l'autre groupe à la porte d'entrée de la maison.

 21   Ils voulaient rentrer. Ils injuriaient la petite -- enfin la petite, cette

 22   femme était mariée. Ils l'injuriaient, ils l'insultaient. Elle voulait se

 23   défendre. Ils lui ont dit : "Mais toi, la petite, qu'est-ce que tu en sais

 24   ?" Son fils cadet fait partie des ZNG. Les ZNG, mais il y a même pas des

 25   ZNG là-bas, comment est-ce qu'un enfant qui fait sa septième année d'école

 26   primaire, donc qui a 14 ans, comment est-ce qu'il peut faire partie des ZNG

 27   ? Et elle n'a pas permis ça. Rapidement, elle a pris le téléphone, elle a

 28   demandé à mon mari de venir parce qu'il y avait des étrangers sur place.


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  1   C'est comme ça qu'on les appelait. Et ils sont repartis en disant qu'ils

  2   allaient revenir, mais quand ils l'ont vu venir, ils ne sont pas revenus.

  3   Q.  Est-ce que vous avez reçu des coups de téléphone, des menaces ?

  4   R.  Oui, c'est cela.

  5   Q.  Pouvez-vous nous relater la chose ?

  6   R.  Oui, tout à fait. A cause du magasin, il fallait que je téléphone

  7   beaucoup, et il fallait que je réponde au téléphone, et c'était au début de

  8   la soirée, j'ai décroché et c'est un petit peu difficile de vous décrire

  9   cela parce que vous connaissez pas les dialectes de Zagreb et serbes; mais

 10   je vais vous expliquer. Il m'a dit explicitement : "Faites attention à

 11   votre enfant. Nous arrivons." Et en Serbie, on n'aurait pas dit "dijete",

 12   on aurait "dete." Et là, j'ai trouvé le courage, et je pense que je suis

 13   assez courageuse, j'ai trouvé le courage et j'ai répondu, même si ce

 14   n'était pas le

 15   cas : "Viens, viens, on verra." Mais qu'est-ce que j'aurais pu dire ?

 16   Mais il m'a menacée -- je suppose, ce n'est pas une conclusion, c'est une

 17   hypothèse; il me faisait des menaces pour mon enfant qui faisait sa

 18   septième année, puis l'autre était dans un internat, il n'était pas à la

 19   maison. Et je m'en suis plainte auprès de mon mari qui en a parlé à la

 20   police, et la police a répondu : "Mais on n'y peut rien. Vous n'avez qu'à

 21   débrancher votre téléphone." Et il a

 22   dit : "Mais je ne peux pas débrancher mon téléphone. J'ai besoin du

 23   téléphone." Donc mon mari leur a dit : "Alors, c'est moi qui dois m'en

 24   occuper." Et la police a dit : "Mais, Monsieur, dans ce cas-là, nous allons

 25   organiser des patrouilles." Donc lorsque c'était quelque chose pour eux,

 26   là, ils allaient patrouiller, mais quand c'était pour nous, c'était

 27   différent.

 28   Voilà.


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  1   Q.  Est-ce que vous avez entendu dire que d'autres personnes auraient été

  2   menacées de la sorte par téléphone ou d'une autre manière ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Qui étaient ces personnes ? Qui les menaçait ?

  5   R.  Tous étaient des Croates et des Hongrois, des Croates, tous, il y avait

  6   aussi des gens qui étaient bien parmi les Serbes, très bien. Et juste

  7   quelques-uns parmi les gens bien, les meilleurs. Des années se sont

  8   passées, le directeur de l'école, Trifunovic, et aussi Dobroslav Markovic.

  9   Il a épousé une Croate, certes, mais ce n'était pas important. C'était un

 10   homme vraiment très bien. Et il y en avait pas mal.

 11   Et je souligne. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ces relations

 12   étaient très bien, merveilleuses entre tous les groupes ethniques. On

 13   n'enseignait pas aux enfants à faire la différence entre les Hongrois ou

 14   les ceci et les cela.

 15   Même si moi, je suis partiellement Hongroise, ma mère est Hongroise. Mais

 16   là, pour ce qui est des Serbes, on était aussi des kum, ou des parrains ou

 17   des marraines, et mon fils aîné a aussi été témoin de baptêmes. Et on

 18   allait fêter les fêtes des uns et des autres et des Pâques et des Noël.

 19   Q.  Est-ce que certaines personnes ont été ciblées plus que d'autres, et

 20   pour quelles raisons, si vous le savez ?

 21   R.  Que voulez-vous dire ?

 22   Q.  Parce que vous nous dites qu'ils cherchaient des grandes maisons, pas

 23   des petites maisons. Est-ce que les personnes les plus riches du village

 24   étaient ciblées par ces menaces plus que les

 25   autres ?

 26   R.  Oui, c'est ainsi. Oui, absolument. Oui, tout à fait. Dans tous les cas,

 27   c'est ça.

 28   Q.  Est-ce que vous avez parlé avec les réfugiés serbes ? Comment


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  1   expliquaient-ils leur arrivée à Hrtkovci ? Pourquoi étaient-ils arrivés à

  2   Hrtkovci ?

  3   R.  Voilà juste un exemple que je vais vous donner. Il est venu dans mon

  4   magasin. Mon mari venait me remplacer de temps à autre. Parce que je suis

  5   une femme, je devais faire à manger et faire des choses que les femmes font

  6   à la maison. Il aimait bien parler aux gens, donc il a demandé à un homme

  7   pourquoi il était venu en Serbie. Et il a répondu : "C'est parce qu'ils

  8   nous promettent que cela sera la Serbie et que tout cela nous

  9   appartiendra." Et mon fils, je ne veux pas qu'il apprenne les caractères

 10   latins. Mon fils, il veut apprendre le cyrillique, et pas les caractères

 11   latins.

 12   Q.  Vous dites que certains de ces événements se sont produits avant

 13   l'arrivée de Vojislav Seselj à Hrtkovci. Est-ce que vous avez assisté au

 14   meeting du 6 mais 1992 ?

 15   R.  Oui. Je suis par nature très curieuse.

 16   Q.  Pourquoi y êtes-vous allée ?

 17   R.  Voilà, par curiosité. Je voulais voir ce que cet homme voulait, quoi.

 18   Je ne sais pas si vous pouvez comprendre cela. C'était une paix aussi

 19   merveilleuse, magnifique, quelqu'un nous détruit ça. Mais pourquoi ? Je

 20   voulais savoir pourquoi, pour quelles raisons, quelle est cette raison que

 21   l'on fasse ça.

 22   Et ça a commencé dans la matinée, j'ai ouvert mon magasin parce que je

 23   devais commencer à travailler la première le matin. Donc j'ai ouvert le

 24   magasin. Je ne peux pas vous donner d'évaluation. Je suis une femme, ça ne

 25   me réussirait pas très bien. Disons, 300 mètres, à distance de 300 mètres

 26   de ma maison, il y a une route, c'est tout droit, et ils lui ont construit

 27   un podium à partir d'une remorque d'un tracteur. Je ne sais pas si vous

 28   pouvez vous représenter cela, mais c'était un podium. Et on a commencé avec


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  1   des chants serbes, et je reconnais que c'est la première fois que je les ai

  2   entendus à ce moment-là. Ça retentissait, j'ai été étonnée, assez étonnée,

  3   plutôt beaucoup. Parce que je me suis dit mais d'où est-ce que ça vient,

  4   ces chansons ? On ne pouvait pas comprendre. Enfin, on n'a pas compris que

  5   ça allait se produire et ils ont commencé à chanter ces chansons serbes.

  6   Au début, je ne voulais pas y aller. Je me disais, mais qu'est-ce qu'il

  7   nous veut maintenant, mais qu'est-ce que c'est que ce spectacle; c'est ce

  8   que je me disais, pour moi. Finalement, malgré tout, par curiosité, je me

  9   suis dit : "Mais si j'y vais, je veux voir. Je veux voir ce qu'il dit." Et

 10   on --

 11   Q.  Est-ce que qui que ce soit accompagnait ou escortait M. Seselj ?

 12   R.  Voilà, quand je suis venue près du podium, j'ai entendu des

 13   applaudissements, des applaudissements très importants. Je me suis dit,

 14   voilà, il est arrivé, c'est ce que je me suis dit. Ensuite, je suis partie.

 15   Il était déjà monté sur le podium. Et autour de lui, sur sa gauche, sa

 16   droite, il n'était pas seul sur le podium. Il y avait -- comme j'arrivais,

 17   j'étais frappée, sidérée. J'arrivais de plus en plus près, parce que ce que

 18   j'ai vu, j'ai vu des choses que je n'avais jamais vues de la vie. Et je

 19   dois dire que c'était affreux. Il y avait sa --

 20   Q.  Qu'avez-vous vu ?

 21   R.  Sans aucun doute, c'était son armée. C'étaient des gens noirs, vêtus en

 22   noir. Ils n'étaient pas noirs. Ils étaient habillés de noir. Voilà, comme

 23   ce cadre-là, noir. Et de la tête au pied, ils étaient en noir. Ils avaient

 24   des cartouchières comme ça et comme ça, avec des balles, des armes, des

 25   fusils. Je ne m'y connais pas vraiment dans les fusils, de quelle

 26   fabrication ou quel type. Ça, je ne vous le dirai pas parce que je ne

 27   connais pas. Ils avaient des bonnets traditionnels serbes, des chajkaca

 28   [phon]. Et ce que j'ai vu pour la première fois, c'était vraiment affreux


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  1   et atroce pour moi, ils avaient des cocardes sur la tête, leurs cocardes.

  2   Et à cause de ces cocardes et de ces chajkaca, j'ai su que c'étaient des

  3   soldats serbes. Je savais que ce n'était pas l'armée régulière. Je connais

  4   l'armée régulière, donc j'ai su que, pour moi, c'étaient des gens atroces,

  5   une armée atroce.

  6   Q.  Vous dites que Seselj n'était pas seul sur la scène. Avez-vous reconnu

  7   qui que ce soit d'autre se trouvant sur la scène à côté de M. Seselj ?

  8   R.  Oui. Je connaissais Zelic, celui qui a dit qu'il ne voulait que son

  9   fils apprenne les caractères latins. Je dirais qu'il était sur sa gauche.

 10   Q.  Est-ce que c'est l'homme qui est venu dans votre magasin ?

 11   R.  Oui. Oui, parce qu'il était près de la maison. Ses parents se sont

 12   installés dans une maison qui était près de chez moi, et il se rendait dans

 13   mon magasin.

 14   Q.  Quand vous êtes arrivée, M. Seselj avait déjà commencé son discours,

 15   parce que vous avez dit, n'est-ce pas --

 16   R.  Il y a eu un discours, et il a commencé après.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire exactement ce qu'a dit M. Seselj au cours de son

 18   discours, autant que vous vous en souveniez ?

 19   R.  La première chose qu'il a dite, ça m'a étonnée qu'il s'adresse à des

 20   frères serbes et à des sœurs serbes. Il ne s'est pas adressé -- il a dit :

 21   "Frères serbes, sœurs serbes." Mais ce n'était pas comme ça qu'on disait

 22   chez nous. On disait : "Camarades, salut." Donc il avait une intention pour

 23   dire ça.

 24   Qu'est-ce qu'il a dit ? Il a menacé qu'il fallait qu'on parte. Il a

 25   parlé de sa politique. Nous, il fallait qu'on sorte, qu'on aille dehors,

 26   qu'il fallait libérer des postes du travail. Normalement --

 27   Q.  Excusez-moi. Quand vous dites "nous", de qui parlez-vous ?

 28   R.  Nous, nous qui avions un travail, des Croates, en fin de compte, des


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  1   Croates, des Croates, et en partie, des Hongrois.

  2   Q.  Continuez, s'il vous plaît. Continuez à nous parler de son discours.

  3   R.  Il fallait qu'on parte, qu'il fallait libérer des postes, que des gens

  4   sont venus qui n'ont pas où se placer, que les maisons vides qui

  5   appartiennent aux gens qui sont à l'étranger, qu'il faut les ouvrir, qu'ils

  6   ne songent pas à revenir dans ces maisons, qu'il faut placer les autres

  7   dans ces maisons, et que nous, il nous faut partir, qu'on allait organiser

  8   des autocars, et que nous, on allait se mettre dans ces autocars jusqu'à la

  9   frontière, les Croates et les Hongrois, les Croates dans la majorité. Et

 10   jusqu'à la frontière, puis à pied jusqu'après la frontière. Et les

 11   autocars, là, je cite ses propos : "Nous, nous allons les organiser. Et le

 12   pouvoir, ce sera nous, nous." Voilà, comme ça. Comme ça. Et il se frappait

 13   à la poitrine. "Nous, nous serons le pouvoir."

 14   Et quand il a dit ça, on a commencé à applaudir, et j'ai été surprise de

 15   voir des gens applaudir, et certains Serbes, "certains" Serbes, je précise.

 16   Et ces enfants, c'était près de la station d'essence, il y avait ces

 17   buissons d'aménagement de parc, de décorations, ils se sont glissés dans

 18   ces branches et ils criaient : "Oustachi, on vous fera sortir, on vous fera

 19   sortir, Oustachi." C'était ça les propos qu'on entendait dans le public, de

 20   ces gens qui sont venus à ce rassemblement.

 21   Q.  Vous souvenez-vous si pendant ce discours on a cité le nom de quelqu'un

 22   ?

 23   R.  Oui. On a nommé des gens qui occupaient des postes; le docteur Branko,

 24   il était médecin; Mato Sama, qui était le directeur de la scierie; Grizelj,

 25   de la coopérative, il était directeur également; Baricevic, Franjo, on a

 26   cité son nom, il travaillait à la commune locale. On a cité des noms des

 27   personnes qui avaient des postes importants, qui étaient bien placés. Et il

 28   fallait qu'ils quittent leur poste; c'est ce que Seselj a dit, qu'il


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  1   fallait qu'ils quittent leur travail, car il fallait trouver du travail

  2   pour ces gens qui étaient arrivés de Croatie.

  3   Q.  Est-ce que le nom d'un parent à vous a été cité ?

  4   R.  Le plus proche dont le nom a été cité est mon frère, mon frère Franjo

  5   Baricevic. Barisic aussi, qui travaillait dans la communauté locale a été

  6   nommé.

  7   Q.  Le poste de Franjo ?

  8   R.  Franjo était responsable du réseau d'adduction d'eau. Il travaillait à

  9   la communauté locale. Il était employé par la communauté locale.

 10   Q.  Est-ce que M. Seselj a donné une raison qui expliquerait pourquoi les

 11   Croates devaient absolument quitter le pays ?

 12   R.  Il a déclaré que toutes ces personnes devraient partir, de façon à ce

 13   qu'il puisse installer à leur place les gens à lui et que les gens qui

 14   l'appuyaient puissent avoir un emploi. Bien sûr, c'est ce qui s'est passé.

 15   Q.  Ces personnes dont M. Seselj a donné le nom, s'agissait-il uniquement

 16   de Croates ou de non-Serbes ?

 17   R.  Tous Croates, tous, Croates, Hongrois. Mato Sama était Hongrois

 18   d'origine. Franjo était moitié Hongrois, moitié Croate. Des Croates.

 19   Q.  Ces personnes dont les noms ont été prononcés pendant le discours, ont-

 20   ils, par la suite, été en butte à une certaine hostilité ou à de mauvais

 21   traitements ?

 22   R.  Bien, qu'est-ce que ça veut dire des "désagréments." S'il n'y avait eu

 23   aucune pression, les gens qui sont partis n'auraient évidemment pas quitté

 24   leur domicile.

 25   Q.  Vous avez déjà décrit la réaction du public au discours de Seselj.

 26   Maintenant pourriez-vous nous dire quel type de phrases prononcées par M.

 27   Seselj a provoqué des réponses aussi enthousiastes de la part de la foule ?

 28   R.  Bien, le public a surtout réagi lorsque Seselj a dit que le nouveau


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  1   pouvoir allait placer les Croates à bord de plusieurs autobus et que,

  2   lorsque ces autobus partiraient, lui et les siens seraient le pouvoir. Il

  3   n'a pas dit qu'il représenterait le pouvoir à lui seul. Ce qu'il a dit,

  4   c'est qu'il serait à la tête du pouvoir. C'est à ces mots-là que les

  5   personnes qui étaient dans le public ont réagi le plus en applaudissant à

  6   tout rompre. Puis, il y avait aussi des phrases comme, "Les Croates,

  7   dehors, dehors, dehors. Les Oustachi, dehors." Parce que c'est comme ça

  8   qu'ils nous appelaient.

  9   Q.  Avez-vous reconnu qui que ce soit parmi la foule et avez-vous parlé du

 10   discours avec cette personne ?

 11   R.  Oui. D'ailleurs c'est pour ça que je n'ai pas très bien entendu tout ce

 12   qu'il a dit. J'aurais peut-être pu en écouter davantage. Mais Milena

 13   Rajakovic était à côté de moi. Elle était de son parti. Ses parents

 14   habitaient non loin de ma maison. Elle était debout à côté de moi pour voir

 15   et écouter ce que j'allais dire. A côté de moi, il y avait aussi une

 16   personne qui travaillait chez moi. Elle est venue prendre son service, mais

 17   mon mari lui a dit, Va avec Katica, et moi, je prends ta place. Puis, il y

 18   avait aussi un certain nombre de voisins qui étaient là, des voisins à moi

 19   qui, bien sûr, étaient Croates. Mais elle était Serbe. Donc j'ai parlé un

 20   peu trop avec elle à ce moment-là au sujet des mots prononcés, et cetera.

 21   Q.  Qu'a-t-elle dit ?

 22   R.  Elle était favorable au parti dont elle était membre, et moi, je me

 23   suis opposée. J'ai dit : "Mais qu'est-ce que c'est ? Un certain Seselj

 24   arrive ici et il veut me chasser ? Qu'est-ce que j'ai fait pour ça, moi ?

 25   Je n'ai rien fait de mal. J'ai toujours agi légalement. Pourquoi je devrais

 26   être expulsée ? Il n'y a pas de raison." Puis à la fin, j'ai dit aussi  -

 27   c'était peut-être un peu en plaisanterie - j'ai dit : "Ecoute, ma maison,

 28   c'est ma maison. Je viens de finir de la construire, et si quelqu'un vient


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  1   me prendre ma maison, je vais prendre une ou deux bouteilles d'essence et

  2   je mettrai le feu, et il y aura d'autres maisons qui disparaîtront."

  3   Alors c'était peut-être un peu une réaction exagérée, mais enfin, vous

  4   savez, c'était dur d'entendre ce que j'ai entendu.

  5   Q.  Mais comment savez-vous que cette Milena Rajakovic faisait partie du

  6   parti de M. Seselj ?

  7   R.  Je le sais, parce que je la connaissais bien et elle communiquait sans

  8   cesse avec Ostoja Sibincic. Or, Ostoja Sibincic était le numéro un, je

  9   répète, le numéro un de Hrtkovci, parmi ceux qui ont organisé l'événement.

 10   Et parmi ces gens-là, c'est lui qui a donné les noms des familles et établi

 11   une liste des maisons les plus riches, parce qu'il le savait. Il est arrivé

 12   de Slavonie quand il était enfant. Ils ont reçu une maison quand les

 13   Allemands qui occupaient sont partis, donc ils ont reçu leur maison dans

 14   ces conditions, et ils nous connaissaient tous très bien, les habitants du

 15   bourg.

 16   Q.  Vous dites qu'il y avait une liste de toutes les personnes qui

 17   possédaient les plus belles maisons de la ville. Est-ce que vous avez cette

 18   liste ?

 19   R.  Je ne l'ai pas vue, mais tu n'as pas besoin de voir la liste si sans

 20   arrêt on menace telle et telle maison, telle et telle maison, telle et

 21   telle maison, toujours la même. On ne menaçait pas une petite maison qui

 22   n'avait pas de terre à côté et qui n'avait rien. Elle, on ne l'attaquait

 23   pas. Mais très logiquement -- parce que bien sûr, on peut comprendre que

 24   les maisons menacées étaient les maisons des gens riches. Ça, il n'y a

 25   absolument pas besoin de voir la liste. Si quelqu'un vient attaquer votre

 26   maison et pas la mienne, évidemment, il ne va pas attaquer ma maison

 27   puisque je n'ai rien et vous, vous avez tout, et cetera.

 28   Q.  Combien de temps a duré ce discours ?


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  1   R.  Le discours de Seselj vous voulez dire ou l'ensemble ? Parce que il y

  2   en a qui ont déjà parlé avant Seselj, quand je n'étais pas encore là.

  3   Q.  Le discours de Seselj.

  4   R.  Le discours de Seselj a duré - et je le dis avec une assez grande

  5   certitude, parce que c'était à peu près la fin de mes heures de travail - a

  6   duré une heure à peu près.

  7   Q.  En fin de compte, quel est le message que vous avez retenu de ce

  8   discours ?

  9   R.  Quel "message" ? De quel message vous parlez ? Le message. Le message

 10   c'était : "Tu ne pourras pas survivre. Sauve ta tête et celle des autres

 11   membres de ta famille comme tu peux." Très simplement, le message

 12   consistait à dire que nous, les Croates et les Hongrois, il fallait que

 13   nous partions de ce bourg.

 14   Q.  Après ce discours, y a-t-il eu un changement notable dans Hrtkovci en

 15   ce qui concerne, par exemple, les relations entre les différents groupes

 16   ethniques ?

 17   R.  A ce moment-là, les gens ont pris peur. Ils étaient terrorisés. Nous

 18   n'avions même plus envie d'aller au travail. Un très grand tumulte a envahi

 19   le village, le plus grand désordre, vraiment très grand. Il n'y avait plus

 20   de travail. Il n'était plus question d'aller travailler. La seule chose

 21   c'était vivre le moment présent et penser à demain, à comment on vivait. On

 22   attendait qu'un jour meilleur arrive.

 23   Q.  Que vous est-il arrivé à vous ?

 24   R.  Je peux, bien sûr.

 25   Après toutes ces déclarations faites par lui, après cette réunion

 26   publique, une femme est arrivée chez nous. Elle était accompagnée de son

 27   fils qui avait 16 ans. Elle a passé dix jours dans notre maison. La police

 28   n'avait aucune nécessité de venir chez nous jusque-là. J'ai été obligée de


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  1   lui donner ma toute nouvelle chambre à coucher que mon père m'avait offerte

  2   pour inaugurer ma nouvelle maison. Elle dormait dans ma chambre. Elle était

  3   avec son fils. Elle faisait la cuisine dans mes casseroles. Elle prenait ce

  4   qu'il fallait pour préparer son déjeuner et le déjeuner de son fils de mon

  5   réfrigérateur. Cette femme était plus qu'heureuse. Elle ne pouvait pas

  6   croire qu'elle se trouvait dans une maison comme la mienne. Elle a dit,

  7   d'une façon tout à fait sincère qui venait du cœur, elle a dit à son fils :

  8   "Mon Dieu, est-ce vrai que nous ayons une maison comme celle-ci ?" Elle en

  9   était déjà arrivée à penser que c'était sa maison et que nous devrions

 10   partir. Parce qu'elle avait une maison à Zagreb, à Zitnjak, et donc elle

 11   avait décidé que nous devions partir et elle m'a dit que tout ce que

 12   j'avais dans ma maison, elle l'avait dans la sienne.

 13   Ma maison était neuve. Elle avait été construite en 1980 ou 1981.

 14   Enfin, une année de différence, ce n'est pas grave si je me trompe. Elle

 15   était très bien équipée avec tout ce que j'avais acheté, et il n'y avait

 16   pas un dinar de dette sur cette maison. Donc tout ce qui était là était à

 17   moi.

 18   Nous avions aussi un petit terrain que nous avions acheté pour notre

 19   fils aîné, de façon à lui construire une maison parce que notre commerce

 20   marchait très bien. Elle a dit qu'elle avait une maison à Zagreb, ainsi

 21   qu'un petit terrain, et que nous pourrions procéder à un échange. Je lui ai

 22   montré tout ce que j'avais, la nouvelle chambre à coucher et tout ce qui

 23   était équipement de la maison, et cette femme m'a répondu, J'ai ça aussi,

 24   j'ai ça aussi, j'ai ça aussi. Elle m'a dit, Tout ce que je vois ici, nous

 25   l'avons aussi là-bas. Elle avait un fils aîné --

 26   Q.  Est-ce qu'elle était Serbe ?

 27   R.  Elle était Serbe originaire de Zagreb. Elle et son fils sont venus pour

 28   chercher une maison. Quant au fils aîné, il était dans l'armée serbe. Elle


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  1   avait deux fils. Le fils aîné était dans l'armée serbe et le plus jeune de

  2   ses fils était avec elle. Et son mari, elle l'avait laissé à Zagreb dans

  3   leur maison, si bien que --

  4   Q.  Avez-vous essayé d'appeler la police lorsque cette femme a emménagé

  5   chez vous ?

  6   R.  La police n'a pas réagi, non. Au contraire, la police l'a aidée,

  7   puisqu'à l'époque les communications ne fonctionnaient pas, c'est la police

  8   qui lui a donné la possibilité de converser par téléphone avec son mari à

  9   Zagreb. Nous ne pouvions absolument pas le faire puisque les communications

 10   étaient coupées. Je me souviens très bien d'un moment où ma tante est

 11   arrivée et elle avait peur parce qu'elle a vu une voiture de police devant

 12   la maison. Elle m'a dit : "Mais qu'est-ce qui se passe dans ta maison ?

 13   Pourquoi est-ce que la police est devant l'entrée ?" J'ai haussé les

 14   épaules. J'ai dit : "Vous voyez vous-même. Je n'ose rien dire, et voilà."

 15   Et puisque nous n'avions vraiment pas le choix, nous avons fait nos

 16   paquets. Comment est-ce que nous avons fait nos paquets ? Nous ne voulions

 17   faire de tort à personne. Nous avons fait nos paquets comme des gitans.

 18   Q.  Quand ?

 19   R.  Quand elle a dit qu'elle avait chez elle à Zagreb tout ce dont nous

 20   avions besoin, elle a déclaré que nous devrions procéder à l'échange de nos

 21   maisons.

 22   Je répète qu'elle avait passé dix jours dans notre maison. Nous avons

 23   constaté que nous n'avions pas le choix, parce que dès lors qu'un Serbe

 24   pénètre dans une maison, on peut oublier la maison en question. On reste

 25   sans rien.

 26   Il y a un seul habitant, le premier dans la maison duquel ils ont pénétré,

 27   qu'ils ont réussi à expulser. Les autres, non. Mais nous étions prêts tout

 28   de même. Nous savions ce qui nous attendait et nous nous sommes dit qu'il


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  1   valait mieux manger des grives que des merles, et donc nous avons décidé de

  2   partir. Nous avons fait nos bagages dans quelques sacs un peu plus solides,

  3   puis nous avons tout entassé dans la voiture. Nous avons rempli le coffre.

  4   Nous avons mis sur le toit deux gros sacs. Nous n'avons emporté que nos

  5   vêtements. J'ai réussi aussi à emporter quelques pièces de vaisselle,

  6   seulement ça.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, il vous reste huit minutes.

  8   M. FERRARA : [interprétation]

  9   Q.  Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés à Zagreb ?

 10   R.  A notre arrivée à Zagreb, ce monsieur, Mico, son mari qui était resté à

 11   Zagreb, avait transféré la propriété de la maison sur son frère. Donc il

 12   n'y avait pas possibilité d'entrer en possession des papiers relatifs à la

 13   propriété de cette maison. Nous étions là, sans rien, dans la rue. Eux

 14   gardaient tout.

 15   M. Spiric est arrivé. J'étais en larmes. M. Spiric arrive et il me demande

 16   pourquoi je pleure. J'explique ce qu'il en est. Et mon mari retourne chez

 17   nous, parce que nous étions sans rien. Nous étions à la rue. On avait un

 18   fils dans un internat. On n'avait pas de maison. Notre maison avait été

 19   prise par quelqu'un d'autre. Et il est retourné chez nous pour voir s'il

 20   pouvait trouver, pas notre maison, mais une autre maison, pour essayer de

 21   voir s'il y avait des possibilités d'échange. Spiric a proposé d'aller à

 22   Hrtkovci pour trouver une solution. Mon mari l'a conduit jusque-là. Et

 23   quand il a vu notre maison, il a demandé à Mile d'échanger sa maison avec

 24   nous, et nous avons accepté cet échange même si nous obtenions moins que ce

 25   que nous laissions. Il n'y avait qu'une maison et pas de terre. Mais enfin,

 26   nous avons accepté.

 27   Q.  Avez-vous signé un contrat pour cet échange ?

 28   R.  Oui. Les choses se sont passées légalement. Notre maison avait tous les


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  1   papiers de propriété. Il y a l'eau courante. Il y a tout, tout, tout, tout,

  2   tout. Il y a les autorisations de la mairie, alors que là où je suis, je

  3   n'ai rien, puisque lui il n'avait rien de tout ça.

  4   M. FERRARA : [interprétation] Pourrions-nous avoir à l'écran, s'il vous

  5   plaît, la pièce 65 ter suivante, la 1398.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ça, c'est le document d'échange de

  7   maison.

  8   M. FERRARA : [interprétation]

  9   Q.  S'agit-il du contrat que vous avez signé avec M. Spiric ?

 10   R.  C'est ça.

 11   M. FERRARA : [interprétation] J'aimerais verser ce document au dossier,

 12   s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Un numéro pour ce contrat officiel enregistré.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce recevra la cote P631. Je vous

 15   remercie.

 16   M. FERRARA : [interprétation]

 17   Q.  Pourriez-vous rapidement nous décrire l'état de la maison dont vous

 18   avez hérité, si je puis dire, à Zagreb, par rapport à la maison que vous

 19   aviez à Hrtkovci ?

 20   R.  A Hrtkovci, j'ai une photo de la maison, donc je peux vous la montrer à

 21   tous quelle était l'aspect de cette maison. Si cela vous intéresse, je peux

 22   vous montrer la photographie.

 23   M. FERRARA : [interprétation] On peut l'avoir, s'il vous plaît, au

 24   rétroprojecteur.

 25   L'ACCUSÉ : [interprétation] J'appelle simplement votre attention sur le

 26   fait que dans des cas du même genre, lorsque la Défense propose un

 27   document, l'Accusation réagit comme brûlée par le feu. Mais pas d'objection

 28   officielle.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : On va regarder la photo.

  2   M. FERRARA : [interprétation]

  3   Q.  De quoi s'agit-il ?

  4   R.  Sur cette photo, on voit ma maison, la maison que j'ai fait construire

  5   en 1980 et 1981, je le répète. En dessous, il y a un demi sous-sol, une

  6   cave, une vraie cave, c'est une vraie maison, une maison solide.

  7   M. FERRARA : [interprétation] J'aimerais ajouter ce document à notre liste

  8   de pièces, s'il vous plaît.

  9   L'ACCUSÉ : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.

 11   L'ACCUSÉ : [interprétation] Cette photographie ne peut pas être versée au

 12   dossier tant que le Procureur ne se procure pas la photographie de la

 13   maison dans laquelle habite aujourd'hui Mme Paulic à Zitnjak, à Zagreb.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais justement, c'était la question que j'allais lui

 15   poser. Est-ce que vous avez la photo de votre maison aujourd'hui ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai la photo de la moitié de la maison, parce

 17   que c'était une vieille maison, cette année le toit a été détruit, donc

 18   j'ai dû le démolir. Je peux vous montrer sur mon portable une partie de

 19   cette maison qui a été rénovée aussi. Mais la partie supérieure que j'ai

 20   fait reconstruire, on voit qu'elle est nouvelle puisqu'elle a été

 21   reconstruite cette année. On le voit bien.

 22   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous qui êtes représentant du bureau du Procureur,

 23   vous saviez à l'avance qu'en demandant à voir cette photo, inévitablement,

 24   on allait vouloir voir la photo de la maison actuelle. Or, une photo de la

 25   maison actuelle est sur son portable, donc vous auriez dû faire en sorte

 26   d'avoir la photo, pour présenter les deux, et ça, vous ne l'avez pas fait.

 27   Parce qu'elle vient de nous dire que la photo est sur son téléphone.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'est moi qui dis ça, sur ma propre


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  1   initiative.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Mais la photo de votre maison à Zagreb, elle est sur

  3   votre téléphone ? C'est ce que j'ai compris.

  4   M. FERRARA : [interprétation]

  5   Q.  [aucune interprétation]

  6   R.  Oui. Mais ce n'est pas à lui que je disais ça. Je dis ça pour moi.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors je vais demander à mes collègues qu'est-

  8   ce qu'on fait.

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La Chambre n'admet pas la photo. Ni l'une ni

 11   l'autre, ni les deux. Bien. Reprenez votre photo.

 12   M. FERRARA : [interprétation]

 13   Q.  Pourriez-vous nous décrire l'état de la maison à Zagreb ?

 14   R.  La maison de Zagreb est plus petite. Elle était tapissée de papier

 15   peint. Vous savez ce que c'est, du papier peint. Quand on a enlevé le

 16   papier peint, il n'y avait rien de bon dessous. Le papier peint commençait

 17   à se décoller, et quand on l'a enlevé, les larmes nous sont venues aux

 18   yeux. Nous étions vraiment dévastés. Nous avons tout rénové, de A jusqu'à

 19   Z.

 20   L'année dernière, le fils de Spiric est venu voir la maison - c'est lui qui

 21   était dans l'armée serbe - il est venu rendre visite à des voisins. Il a

 22   voulu prendre des photos de l'intérieur. Moi, je lui ai dit : "Pas de

 23   problème. Fais-le sans problème, mais tu n'as rien à prendre en photo parce

 24   que tout a changé. Tout a été rénové."

 25   Evidemment, si vous prenez la fille la plus laide et que vous lui mettez de

 26   beaux vêtements, elle sera jolie. Et voilà ce qui s'est passé avec cette

 27   maison. Et maintenant, pour résumer, il y a peu de temps, quand le toit

 28   s'est écroulé, je peux vous décrire les choses. On a mis des étais. Je ne


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  1   sais pas si vous savez ce que c'est. C'est un peu comme quand on met, sur

  2   une casserole, un couvercle qui n'a pas la taille de la casserole. Tout

  3   passe à travers. Bien, voilà ce qui se passait avec le toit, tout

  4   dégoulinait, oui.

  5   Q.  Dernière question à vous poser. Vous n'avez échangé que votre maison à

  6   Hrtkovci avec ce M. Spiric ou est-ce que vous avez aussi échangé du terrain

  7   ? Qu'avez-vous donné en fait à M. Spiric ?

  8   R.  Le terrain, la maison. Nous avons été obligés de tout donner en échange

  9   de sa maison. Et en plus, il nous a demandé aussi 800 marks allemands. A

 10   l'époque, on parlait de marks allemands. Ce n'était pas des euros,

 11   c'étaient des marks allemands. On a été obligés de lui payer cette somme

 12   pour payer le camion qui devait transporter les objets qu'il voulait

 13   prendre, même si au départ il avait dit qu'il n'en voulait pas. Mais nous

 14   n'étions pas là. Donc on a fait nos paquets, on lui a donné les 800 kuna,

 15   et on est parti sans dire un mot. Voilà.

 16   Q.  Avez-vous entendu parler d'autres non-Serbes qui avaient échangé leur

 17   maison avec des Serbes qui n'habitaient pas à Hrtkovci et qui y ont habité

 18   par la suite ?

 19   R.  Qui n'étaient pas Serbes, vous voulez dire des Hongrois ?

 20   Q.  Ni Croates.

 21   R.  Oui, j'en ai entendu, oui.

 22   Q.  Des parents à vous ?

 23   R.  Ça, il m'est difficile d'en parler. Mon frère avait une maison qui

 24   était encore plus récente que la mienne. Elle datait de deux ans de moins

 25   que la mienne. Et la façade externe, c'était des briques, des briques de

 26   décoration. Il avait une petite maison très bien aménagée. Quand Spiric

 27   quittait la maison, je suis allée par curiosité parler à Franjo puisque je

 28   suis sa sœur.


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  1   Dans les pièces de devant, ou dans les chambres, ils ont mis de la terre.

  2   La maison était affreuse. C'était plus qu'affreux. Ma belle-sœur pleurait.

  3   Je suis assez courageuse, comme vous pouvez le voir, donc je cherchais à la

  4   consoler, et je la consolais : "Tais-toi, pourvu que tu sois en vie ainsi

  5   que tes enfants, comme les miens. Il y aura des maisons, il y aura de

  6   tout." Mais elle, pendant longtemps, elle n'a pas pu accepter les choses,

  7   mais pour vous expliquer, la maison était en très mauvais état, la maison,

  8   la cour, tout ça.

  9   M. FERRARA : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au témoin,

 10   Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ANTONETTI : Merci.

 12   Je vais demander à mes collègues s'ils ont des questions.

 13   Madame, j'ai juste une question.

 14   Dans tout ce que vous avez dit, il y a juste un point qui pour moi est

 15   important, c'est le discours de M. Seselj. Vous dites que M. Seselj a donné

 16   des noms. Apparemment, M. Seselj ne connaissait pas les gens dont les noms

 17   ont été cités. Etes-vous bien sûre --

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Il ne les connaissait pas, mais il a reçu une

 19   liste de ces noms. Et c'est vrai, on peut supposer, il ne les connaissait

 20   pas. Il ne nous connaissait pas, il ne connaissait personne, littéralement

 21   personne d'entre nous. Il n'est pas venu à Hrtkovci pour nous rencontrer.

 22   Et ce n'était pas un homme du coin ou de la ville. C'était un étranger pour

 23   nous. Il est venu et il a semé la zizanie dans le village.

 24   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous dites, il a reçu une liste. On vous l'a dit ?

 25   Vous le savez ? Comment arrivez-vous à cette conclusion ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Tous disaient que c'était - comment il

 27   s'appelait - Ostoja Sibincic, que c'est lui qui a fait la liste et qui a

 28   écrit les maisons et le numéro dans la rue, l'adresse puisqu'il fallait la


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  1   rue et le numéro.

  2   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc c'est Ostoja Sibincic qui a fait la liste, qui

  3   l'a donnée à M. Seselj; et M. Seselj, dans son discours a lu la liste et

  4   les noms. Et surtout, vous avez indiqué le nom de votre frère ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.

  6   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Sibincic, il était en conflit avec votre

  7   frère ou pas ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il faisait semblant de n'être en conflit

  9   avec personne.

 10   M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai vu tout à l'heure la photo de votre maison.

 11   C'est une belle maison.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, trop belle, pour moi, trop belle.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. M. Sibincic, à ce moment-là, aurait pu vous

 14   mettre, vous, sur la liste. Pourquoi il ne l'a pas fait ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne sais pas pourquoi il ne

 16   l'a pas fait. Je suppose qu'il avait peur de mon mari. Mon mari est un

 17   homme assez farouche, et ils étaient souvent -- enfin il travaillait à la

 18   commune locale. Il était employé là-bas. Ses raisons ? Oui, ça m'étonne moi

 19   aussi qu'il ne l'ait pas fait.

 20   Je suppose -- excusez-moi. Je suppose que c'est surtout parce qu'il ne

 21   travaillait plus à la commune locale, parce qu'il travaillait pour moi.

 22   Donc il ne pouvait libérer aucun poste.

 23   M. LE JUGE ANTONETTI : En tout cas, vous nous dites que vous êtes sûre que

 24   c'est M. Seselj qui a donné les noms; ça, vous en êtes affirmative, il ne

 25   peut pas y avoir d'erreur ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ces noms ont été prononcés clairement pour que

 27   tout le monde puisse entendre. Je sais car j'étais frappée, stupéfaite

 28   d'entendre, tous les noms, je les connais.


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  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Et ils ont été prononcés par M. Seselj ou par

  2   quelqu'un d'autre ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est lui qui les a donnés.

  4   M. LE JUGE ANTONETTI : Donc vous en êtes sûre et affirmative. Bien.

  5   Monsieur Seselj, commencez le contre-interrogatoire. Vous avez une heure.

  6   Contre-interrogatoire par M. Seselj :

  7   Q.  [interprétation] Madame Paulic, avant de venir déposer ici, est-ce que

  8   vous avez rencontré au préalable le Procureur ?

  9   R.  Un petit peu.

 10   Q.  Pendant cet entretien, est-ce que vous avez examiné cette déclaration

 11   qui vient de vous, que vous avez signée il y a

 12   longtemps ?

 13   R.  Oui, je la connais. Ça, je ne l'oublierai jamais.

 14   Q.  Mais je ne vous demande pas si vous le savez, je vous demande si vous

 15   avez rencontré un représentant du Procureur et si vous avez parcouru cette

 16   déclaration.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Mais alors, pourquoi nombre de ces choses que vous dites aujourd'hui

 19   pour la première fois, vous ne les aviez pas racontées au Procureur ?

 20   Pourquoi vous avez pas demandé qu'on complète la déclaration ?

 21   R.  Mais si je voulais tout dire, il faudrait 500, 600 pages de livre.

 22   Q.  Mais pourquoi vous n'avez pas rédigé ce livre ?

 23   R.  Je ne suis pas du genre à écrire des livres.

 24   Q.  Vous n'êtes pas du type à donner par avance au Procureur des

 25   informations, c'est dans le prétoire que vous voulez prendre par surprise

 26   même le Procureur.

 27   R.  J'ai répondu quand il m'a posé des questions.

 28   Q.  Mais vous vous êtes permise aujourd'hui de dire des choses sur


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  1   lesquelles on ne vous a pas interrogée ?

  2   R.  Bien, oui.

  3   Q.  Très bien. Nous allons procéder dans l'ordre.

  4   Avant de prendre la route pour venir à La Haye, est-ce que vous avez

  5   rencontré des représentants des autorités croates ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Jamais. Est-ce que vous pouvez me regarder pendant que je vous pose des

  8   questions ?

  9   R.  Mais pourquoi pas ?

 10   Q.  Mais soyez aimable. J'aime vous regarder. Mais j'aimerais aussi que

 11   vous me regardiez, vous.

 12   R.  Mais je ne vois pas pourquoi je vous regarderais, je peux jeter un coup

 13   d'œil dans votre direction.

 14   Q.  Mais ça fait partie de la politesse de base, n'est-ce pas ?

 15   R.  Mais c'est le Juge qui est en face de moi. Il faut que je le regarde.

 16   Q.  Oui, c'est vrai. Mais lorsque l'accusé vous pose des questions, c'est

 17   un dialogue avec l'accusé que vous devez avoir.

 18   R.  Mais je l'entends.

 19   Q.  Cela vous suffit de m'entendre, vous n'avez pas besoin de me regarder ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Mais c'est peut-être parce que vous avez des problèmes de conscience

 22   que vous n'arrivez pas à me regarder dans les yeux.

 23   R.  Non.

 24   Q.  Alors c'est par dépit ?

 25   R.  Mais je ne vois pas pourquoi je vous regarderais. Vous êtes un homme

 26   qui est si mauvais.

 27   Q.  Vous n'avez jamais vu un homme aussi beau que moi de votre vie ?

 28   R.  Mais c'est vous qui le dites.


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  1   Q.  Bon. Moi, je vous regarde, mais vous, vous ne voulez pas.

  2   Pourquoi est-ce que vous avez inventé que Slavko Mirazic a déclaré

  3   qu'il était membre du Parti radical serbe alors qu'il ne l'a jamais été ?

  4   Et il ne l'est pas à ce jour.

  5   R.  Non, je ne l'ai pas inventé. C'est ce qu'il a dit.

  6   Q.  Il était membre du Mouvement serbe du Renouveau, tous les gens de

  7   Hrtkovci le savent, et il l'est encore, je suppose, puisque personne n'est

  8   au courant qu'il ait quitté le Mouvement du Renouveau serbe.

  9   R.  Mais c'est son problème.

 10   Q.  Très bien. Si c'est son problème, pourquoi est-ce que vous l'accusez

 11   d'être membre du Parti radical serbe ? Vous avez dit que les réfugiés ont

 12   commencé à arriver à Hrtkovci de différents endroits de Croatie dès 1991 ?

 13   R.  C'est cela.

 14   Q.  La majorité d'entre eux sont arrivés après la chute d'un grand nombre

 15   de localités de Slavonie occidentale en décembre 1991; c'est bien ça ?

 16   R.  Ils n'avaient de cesse d'arriver.

 17   Q.  Mais c'étaient surtout de groupes de Grubisno Polje, de Slatina et

 18   d'autres localités. Vous vous souvenez des noms de ces lieux ?

 19   R.  Je me souviens de Grubisno Polje; et je me souviens de Kule.

 20   Q.  Vous avez raconté un cas qui n'existe pas dans votre déclaration, à

 21   savoir que dans votre voisinage, il y avait une grand-mère qui vivait seule

 22   dans une belle maison. Que son fils vivait à l'étranger. Qu'elle est

 23   décédée. Que son fils a vendu la maison et que par la suite il y a eu des

 24   réfugiés qui se sont installés dans la maison, contrairement à la loi, que

 25   le propriétaire à son retour n'a pas pu les mettre dehors; c'est bien ça ?

 26   R.  Le nouveau propriétaire a acheté la maison.

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Puis ils sont venus.


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  1   Q.  Mais j'ai interprété vos propos. Les réfugiés sont arrivés, se sont

  2   installés dans la maison. Lui, quand il en a entendu parler, il a essayé de

  3   les mettre dehors mais il n'y est pas parvenu. Maintenant, j'aimerais

  4   savoir quel est le nom de cette grand-mère qui est décédée. Vous n'avez pas

  5   dit son nom.

  6   R.  Kata Francuz.

  7   Q.  Mais le nom de famille, Francuz ?

  8   R.  Oui, Kata Francuz.

  9   Q.  Et son fils, quel était son nom ?

 10   R.  Mais comment voulez-vous que je le sache ?

 11   Q.  Mais vous devriez connaître le nom du fils de votre voisine. Vous voyez

 12   la grand-mère tous les jours; et elle ne vous parlait que de son fils tout

 13   le temps, mais il vous a fallu un petit peu de temps pour inventer le nom

 14   de cette grand-mère. Le nom de famille Francuz, je n'en ai jamais entendu

 15   parler, pour ce qui est de Hrtkovci, mais peut-être que je me trompe. Je

 16   vérifierai après votre départ, puis s'il s'avère que ce nom n'existe pas,

 17   la récompense ira au Procureur.

 18   Comment s'appelle cet homme qui a acheté la maison au fils de la mamie Kata

 19   ?

 20   R.  Mais ça ne m'intéressait pas.

 21   Q.  Vous le connaissiez ?

 22   R.  Un petit peu.

 23   Q.  Mais pourquoi vous n'avez pas relaté ce cas au Procureur quand vous les

 24   avez rencontrés pour la première fois ? C'est un cas très intéressant. La

 25   grand-mère, Kata, est décédée. Le fils vend la maison. Les réfugiés

 26   s'installent. Pourquoi vous n'avez pas raconté ? Ils ne vous ont pas posé

 27   la question ?

 28   R.  Non.


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  1   Q.  C'était quoi alors ?

  2   R.  Un instant, s'il vous plaît. Non, ils n'ont pas posé la question. Mais

  3   je vous ai dit, il y a tant de cas qu'on pourrait rédiger un livre. On ne

  4   peut pas se rappeler tout. Et voilà, maintenant, je me suis rappelé ce cas-

  5   là.

  6   Q.  Et il vous faut un petit peu de temps pour retrouver le nom de la

  7   grand-mère, de la mamie Kata ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Puis, vous dites que les réfugiés sont arrivés et qu'ils se

 10   regroupaient dans les rues par quatre, par cinq, par six; c'est bien cela ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et ces réfugiés attaquaient qui ?

 13   R.  Ils attaquaient les bonnes maisons. Mon Dieu, ils n'allaient pas s'en

 14   prendre aux pauvres.

 15   Q.  Est-ce qu'ils se sont organisés pour préparer les pièces d'artillerie,

 16   les mortiers, l'infanterie ? Comment est-ce que s'est organisée cette

 17   attaque ? Ou plutôt, ils frappaient à la porte, ils disaient : "Voilà, nous

 18   venons de quelque part, nous avons une maison à vous -- nous --" en se

 19   présentant, donnant leur nom et -- de quelle nature étaient ces attaques ?

 20   R.  On ne frappait pas. On entrait dans la cour.

 21   Q.  Mais est-ce qu'on frappe lorsque l'on entre dans une cour ?

 22   R.  Mais ça dépend.

 23   Q.  Mais où est-ce qu'on peut frapper pour s'introduire dans une cour ?

 24   R.  Monsieur, on frappe à la porte. Mais là encore, ça dépend. Ça dépend

 25   des gens. Donc s'introduire dans une cour, menacer, insulter, déranger, et

 26   cetera, et cetera.

 27   Q.  Il se peut qu'il y a eu des situations où cela s'est produit. Je ne dis

 28   pas le contraire. Mais vous, vous n'avez pas de cas concret, vous inventez


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  1   et vous généralisez.

  2   R.  Et mon Seselj, hélas, je le sais.

  3   Q.  Mais vous n'osez pas me regarder dans les yeux, donc tout de suite, je

  4   sais que vous ne dites pas la vérité.

  5   R.  Mais si, je peux te regarder dans les yeux.

  6   Q.  On va se tutoyer, maintenant ? Vous me tutoyez ?

  7   L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que je peux poursuivre ?

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, il y a un problème technique.

  9   Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur Seselj, alors, cette question de yeux, ne

 10   la répétez plus. Je peux vous assurer, quand elle parlait -- répondait à

 11   l'Accusation, elle regardait aussi les Juges. Donc chacun est libre de

 12   regarder, surtout de regarder les Juges.

 13   L'ACCUSÉ : [interprétation] Madame Lattanzi, en droit, l'un des principes

 14   les plus importants, c'est le principe de l'immédiateté du témoignage. Il

 15   faut que le témoin soit présent dans le prétoire pendant qu'il fait sa

 16   déposition, c'est la base essentielle de vérification de sa crédibilité. Le

 17   témoin qui est sincère regarde dans les yeux celui qui lui pose la question

 18   à ce moment-là. Il ne fuit pas le regard. C'est ce que j'ai appris quand je

 19   faisais mes études de droit. Cela fait partie du droit pénal et du code de

 20   procédure pénale.

 21   Je ne vais plus le réitérer, mais je vous ai fait la démonstration. Je vous

 22   ai montré à quoi ça ressemble, comment je l'interprète, mais vous, vous

 23   êtes libre de tirer vos conclusions. Enfin, peu importe.

 24   M. SESELJ : [interprétation]

 25   Q.  Comment est-ce qu'on vous a menacée ? Mis à part ces appels par

 26   téléphone, on ne peut pas le vérifier - qui sait s'il y en a eu ou pas -

 27   est-ce qu'on vous a jamais insultée dans la rue ?

 28   R.  Mais est-ce que c'est nécessairement des injures lorsqu'on est menacé ?


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  1   Ils venaient dans mon magasin --

  2   Q.  Attendez. Il n'y a pas eu d'insultes.

  3   R.  Mais il y a eu de tout, Monsieur Seselj.

  4   Q.  Mais je veux bien comprendre ce qu'il y a eu. Des insultes, quel type

  5   d'insultes ?

  6   R.  Mais nous n'allons pas insulter dans le prétoire, maintenant.

  7   Q.  Non, on ne va pas insulter, mais on va informer la Chambre des injures

  8   ou des insultes qu'on a proférées.

  9   R.  Est-ce que c'est vraiment tellement important ? Mais c'est tellement

 10   mal que je reprenne ces insultes adressées à ma mère, à mon enfant qui

 11   faisait sa septième année d'école primaire en disant qu'il était membre des

 12   ZNG. Il y avait toutes sortes de choses, enfin.

 13   Q.  Mais puisque vous hésitez à dire de quelles insultes il s'agissait, je

 14   tire ma conclusion. Après, vous dites que c'était des insultes contre votre

 15   mère, mais finalement, en fait, on ne vous a jamais insultée. Vous êtes en

 16   train d'inventer, et vous avez du mal à endurer le contre-interrogatoire.

 17   R.  Monsieur, je suis une femme catholique et je n'injurie pas. Je ne veux

 18   pas proférer d'insultes. Voilà, je ne suis pas --

 19   Q.  Mais je n'ai pas dit que vous injuriez, et ça ne me dérange pas que

 20   vous soyez catholique. Mais à Hrtkovci, on vous connaît comme une femme qui

 21   a la répartie et qu'il y a peu de gens qui osaient s'engager dans une

 22   discussion, un dialogue avec vous.

 23   R.  Mais ça ne fait pas partie des choses auxquelles je pense.

 24   Q.  Très bien. Vous avez déclaré ici qu'un certain Jovo a emmené des gens

 25   qui voulaient rentrer dans votre maison; c'est bien ça ?

 26   R.  C'est ça.

 27   Q.  Mais vous ne connaissez pas le nom de famille de ce Jovo.

 28   R.  [aucune réponse verbale]


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  1   Q.  Est-ce que c'est un homme du cru ou c'est un réfugié ?

  2   R.  C'est un réfugié, Jovo. Il a une maison à Zagreb, dans le quartier de

  3   Zitnjak, avec son frère.

  4   Q.  Très bien. Et c'est ce Jovo qui vous a incitée à aller à Zitnjak pour

  5   regarder un peu les maisons là-bas et voir avec qui vous pourriez échanger

  6   votre maison ?

  7   Vous attendez longtemps avant de répondre. Je ne sais pas pourquoi.

  8   R.  Pourquoi vous êtes si nerveux ? C'est Jovo qui a fini par me dire, il a

  9   avoué en fait "qu'il amenait chez moi des gens et que lui, il avait une

 10   maison à Zitnjak, et que nous pourrions très bien vivre dans sa maison à

 11   Zitnjak, et lui, dans la nôtre."

 12   Q.  Est-ce que c'est ce Jovo qui vous avait fait faire connaissance de

 13   Dragutin Spiric, celui avec qui vous avez échangé votre maison ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Ça c'est important pour moi. Bien. Parlons maintenant de cette réunion

 16   publique.

 17   Pourquoi est-ce que vous avez été affolée d'entendre diffuser des chants

 18   serbes avant le début de la réunion ? Vous n'aimez pas les chants serbes ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Et c'est pour ça que vous avez été affolée ?

 21   R.  Parce que jusqu'à ce moment-là je ne les avais jamais entendus, et pour

 22   moi ça été terrible. Pourquoi est-ce que tout d'un coup, quand Seselj

 23   vient, on entend des chants serbes diffusés très, très, très fort.

 24   Q.  Avant le début d'une réunion publique, qu'est-ce qu'on diffuse en

 25   général, avant et après ? Quoi d'autre que des chants ?

 26   R.  Moi, j'ai entendu d'autres chants. Il y avait des chansons très jolies.

 27   Q.  Oboj [phon] Jelacic, une chanson à la gloire de Jelacic ?

 28   R.  Non, non, non, pas du tout.


Page 11928

  1   Q.  Enfin, vous dites que vous avez vu pendant cette réunion publique des

  2   hommes à moi qui étaient habillés de pied en cap en noir, qui portaient le

  3   couvre-chef typique serbe et qui arboraient d'horribles cocardes.

  4   Q.  Qu'est-ce qu'il y avait de si terrible dans cette cocarde et qu'ils

  5   avaient aussi des cartouchières avec des munitions ?

  6   R.  Qu'est-ce qui était horrible ? Ecoutez, pour moi, c'était horrible. Je

  7   ne les avais jamais vus avant. Comment est-ce que ça aurait pu être autre

  8   chose qu'horrible ? Ils sont arrivés dans notre joli petit village si

  9   tranquille.

 10   Q.  Vous dites dans votre déclaration écrite qu'il y avait très peu de

 11   policiers à cette réunion publique; c'est bien ça ?

 12   R.  En effet.

 13   Q.  Or, nous disposons d'informations qui viennent d'un homme employé par

 14   le service de Sûreté d'Etat, Slavko Kolundzic, qui était au service à cette

 15   réunion publique et qui déclare que la sécurité était assurée par un grand

 16   nombre de policiers. Mais ce grand nombre de policiers qui assuraient la

 17   sécurité, vous ne les avez pas vus ?

 18   R.  Non.

 19   Q.  Vous avez eu l'impression que les policiers étaient en fait des

 20   militaires de Seselj en uniforme, avec des armes et des munitions; c'est

 21   bien ça ?

 22   R.  Je ne sais pas comment ils sont arrivés là.

 23   Q.  Dans votre déclaration écrite, vous dites que les cocardes arborées

 24   avaient la taille d'une assiette; c'est bien ça ?

 25   R.  Il y en a de tailles diverses.

 26   Q.  Mais les mots qui sont reproduits dans votre déclaration écrite

 27   consistent à dire qu'elles avaient la taille d'une assiette.

 28   R.  Mais quand vous avez peur de quelque chose, ça devient plus grand.


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  1   Q.  Bon. Et ces chajkaca, ces couvre-chefs, quelle était leur taille ?

  2   Parce que si la cocarde a la taille d'une assiette, alors la chajkaca doit

  3   avoir la taille d'un [inaudible] ou d'un gros fait-tout de l'armée; c'est

  4   bien ça ?

  5   R.  Je ne sais pas quelle est la taille d'un [inaudible] ou d'un gros fait-

  6   tout de l'armée, parce que je n'ai jamais fait partie de l'armée, mais

  7   c'étaient des couvre-chefs de couleur noire, pointus, très laids.

  8   Q.  La chajkaca aussi était laide ?

  9   R.  Oui, la chajkaca était laide aussi, grande, pointue, noires.

 10   Q.  La chajkaca faisait partie de l'uniforme qui avait cours dans l'armée

 11   serbe à la fin du X1Xe siècle, et elle a été reprise des parties d'uniforme

 12   de l'armée française de l'époque. Et au cours de la Première Guerre

 13   mondiale, l'uniforme militaire des Serbes était considéré comme l'un des

 14   plus beaux. Est-ce que vous le savez ?

 15   R.  Ça ne m'intéresse pas. Nous, on avait envie de fréquenter les

 16   [inaudible], de chanter, de faire la fête et d'être heureux.

 17   Q.  Les [inaudible], ce sont des catholiques ?

 18   R.  Bien, des catholiques.

 19   Q.  Ce sont des orthodoxes qui ont été convertis à la religion catholique ?

 20   R.  Comment est-ce que vous le savez ?

 21   Q.  Parce que j'ai appris.

 22   R.  Moi, je ne lis pas beaucoup de livres.

 23   Q.  C'est aussi dans mes livres.

 24   R.  C'est comme ça.

 25   Q.  Avançons. Pourquoi est-ce que vous ne cessez d'inventer que durant

 26   cette réunion publique il a été fait mention des Hongrois, alors que

 27   personne n'a parlé des Hongrois à cette réunion publique, à ce meeting ?

 28   R.  Monsieur, je n'invente rien. Je ne suis pas venue ici pour inventer


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  1   quoi que ce soit. Je suis venue ici uniquement pour dire la vérité, la

  2   vérité et la vérité. Et vous, si vous avez eu le courage de faire ce que

  3   vous avez fait là-bas, faites-le ici.

  4   Q.  Ici aussi, je suis courageux.

  5   R.  Bien, que ça se voit. Soyez courageux.

  6   Q.  Ecoutez, dans tout le Tribunal de La Haye, il n'y a personne de plus

  7   courageux que moi, je vous le garantis.

  8   R.  Ça s'entend.

  9   Q.  Ça s'entend. Bon, avançons. Quand j'ai pris la parole à ce meeting,

 10   est-ce que j'ai dit qu'il fallait abattre tous les enfants ici de couples

 11   mixtes ?

 12   R.  J'attends un petit peu.

 13   Q.  Qu'est-ce que vous regardez là-bas ? Est-ce qu'on vous envoie des

 14   messages ?

 15   R.  Bien, venez, approchez-vous et regardez.

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : -- vous pouvez regarder l'écran, mais sur l'écran,

 17   ce sont la traduction en anglais des propos que vous tenez ou que M. Seselj

 18   tient, ou lorsque les Juges posent les questions. Voilà. Mais si vous

 19   voulez apprendre l'anglais, vous pouvez le faire.

 20   Mais pour le moment, l'important est que vous répondiez à la question

 21   de M. Seselj.

 22   M. SESELJ : [interprétation]

 23   Q.  Est-ce que vous voulez bien répondre à ma question ? Ayez l'amabilité

 24   d'essayer. Est-ce qu'à ce meeting, j'ai dit qu'il fallait abattre tous les

 25   enfants ici de couples mixtes ?

 26   R.  A l'aide de mes oreilles, je vous ai entendu dire qu'il fallait annuler

 27   les mariages mixtes, mariages mixtes.

 28   Q.  Et abattre les enfants ?


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  1   R.  Pour les enfants, je n'ai rien entendu parce que, comme vous l'avez

  2   dit, j'ai une grande gueule, et j'ai réagi tout de suite. Parce que cette

  3   Milena, qui est membre de votre parti, était à côté de moi, et elle, elle

  4   est issue d'un couple mixte. Ce n'est pas son sort à elle qui me faisait

  5   tellement mal, mais ce qui me faisait mal, c'était le sort de quelqu'un

  6   d'autre qui est issu d'un couple mixte et qui a des enfants en bas âge.

  7   Alors je n'ai pas entendu dire ce que vous venez de dire. Mais que vous

  8   avez dit qu'il fallait annuler les mariages mixtes, ça, je l'ai entendu, et

  9   je le répète. Les mariages mixtes croates-serbes.

 10   Q.  Qui était présent à ce meeting, de votre famille ?

 11   R.  Je ne suis pas obligée de donner les noms.

 12   Q.  Donnez les noms.

 13   R.  Ma cousine était là.

 14   Q.  Et qui d'autre ?

 15   R.  Il y en avait d'autres, mais c'est elle qui était la plus importante

 16   pour moi.

 17   Q.  Est-ce que votre frère était là ?

 18   R.  Mon frère vit dans un quartier, et moi, dans un quartier à l'autre

 19   bout. Et je répète que le meeting avait lieu dans la rue où se trouve ma

 20   maison.

 21   Q.  Combien de personnes ont assisté à ce meeting ?

 22   R.  Un millier de personnes à peu près, un peu plus, un peu moins.

 23   Q.   Mais votre frère, est-ce qu'il était au meeting ou pas ? Est-ce que

 24   vous l'avez vu ?

 25   R.  Est-ce que dans une foule pareille on peut voir tout le monde ? Enfin,

 26   je crois qu'il y était.

 27   Q.  Est-ce qu'il y était ou est-ce qu'il n'y était pas ?

 28   R.  Je crois qu'il y était.


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  1   Q.  Est-ce qu'à un moment ou à un autre, après le meeting, vous avez

  2   discuté avec votre frère de ce que vous avez entendu déclaré à ce meeting ?

  3   R.  Tout le village en a parlé, pas seulement moi et mon frère. Tout le

  4   monde dans le village ne parlait que de ça.

  5   M. LE JUGE ANTONETTI : -- midi. On va faire la pause. On reprendra à midi

  6   vingt, et on termine à 13 heures 15.

  7   Vous avez dû utiliser déjà 25 minutes, donc il vous restera 35 minutes.

  8   Donc normalement, on doit pouvoir terminer l'audience. Donc on se retrouve

  9   à 12 heures 20.

 10   ---L'audience est suspendue à 12 heures 01.

 11   ---L'audience est reprise à 12 heures 24.

 12   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.

 13   Monsieur Seselj, vous avez la parole.

 14   M. SESELJ : [interprétation]

 15   Q.  Madame Paulic.

 16   R.  Oui ?

 17   Q.  Vous avez dit que dans l'allocution que j'ai prononcée au meeting, j'ai

 18   donné lecture d'une liste de noms. Comment, en ma qualité de président d'un

 19   parti politique, j'aurais pu arriver à un meeting pour me mettre à lire

 20   toute une série de noms d'habitants de Hrtkovci dont j'aurais considéré

 21   qu'il fallait les expulser ? Est-ce que ce n'est pas comique, même

 22   carrément grotesque ? Dans une campagne électorale, je prononce une

 23   allocution, un discours politique, j'indique ce que fera le Parti radical

 24   serbe quand il viendra au pouvoir, je m'exprime à l'avance en faveur d'un

 25   échange entre propriétés serbes et croates, je dis que puisqu'un très grand

 26   nombre de Serbes a déjà été expulsé, nous allons faire la même chose à

 27   l'égard des Croates, et cetera. Puis, tout d'un coup, je sors cette liste

 28   et je me mets à lire les noms des habitants de Hrtkovci ? C'est pas un peu


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  1   curieux, un peu drôle ?

  2   Je dois vraiment attendre longtemps vos réponses ? L'interprétation est

  3   finie depuis longtemps.

  4   R.  A l'époque, ça nous paraissait curieux mais à l'évidence, on voit que

  5   pour vous, ce n'est pas curieux. Vous avez tout de même fait tout cela dans

  6   la plus grande organisation politique.

  7   Q.  D'abord, nous avons expulsé des centaines de milliers de Serbes de

  8   Croatie, ensuite nous avons expulsé quelques milliers de Croates de Serbie.

  9   Tout ça, c'était préparé et organisé de notre part.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'il serait

 11   possible d'éteindre l'écran que Mme Paulic a devant les yeux, sur lequel

 12   elle suit éventuellement le compte rendu d'audience, de façon à ce qu'elle

 13   réponde aux questions parce que le compte rendu vient un peu plus tard.

 14   M. LE JUGE ANTONETTI : Madame, ne perdez pas votre temps sur l'écran. Je

 15   sais pas ce que vous voyez. Vous devez me voir à l'écran actuellement, et à

 16   côté, il y a l'écran avec le texte en anglais qui n'a aucun intérêt pour

 17   vous. A moins que vous vouliez du temps pour réfléchir à la réponse.

 18   L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais est-ce qu'il serait pas possible qu'on lui

 19   envoie des messages sur l'écran. Parce que vraiment ça me paraît très

 20   suspect tout ça.

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas besoin qu'on m'envoie des

 22   messages. Je peux répondre très facilement à ces questions.

 23   M. SESELJ : [interprétation]

 24   Q.  Quand je vous irrite un peu, vous répondez plus vite.

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Bien, je vais continuer à essayer de vous irriter.

 27   Comment est-ce que vous savez qu'Ostoja Sibincic m'a justement donné à moi

 28   la liste de ces noms à ce meeting ?


Page 11934

  1   R.  Qui d'autre aurait pu le faire ? Il était l'organisateur numéro un à

  2   Hrtkovci.

  3   Q.  Ostoja Sibincic était membre de quel parti à l'époque ?

  4   R.  Vous le savez parfaitement bien. Pourquoi est-ce que vous me le

  5   demandez à moi quand vous le savez parfaitement bien ?

  6   Q.  Je le sais, mais je vous le demande en votre qualité de témoin.

  7   R.  Le même parti que vous.

  8   Q.  Il était membre du Parti radical serbe; c'est ça ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Vous en êtes certaine ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Vous êtes certaine ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Bien, si vous êtes certaine, continuons sur la même lancée. Vous avez

 15   déclaré vous être retrouvée à Hrtkovci quand la femme de Dragutin Spiric

 16   est arrivée et a pénétré dans votre maison en compagnie de son enfant,

 17   n'est-ce pas ?

 18   R.  Ce n'était pas l'épouse de Spiric, mais une autre femme avec laquelle

 19   nous devions échanger notre maison.

 20   Q.  Et vous n'avez pas échangé votre maison avec elle ?

 21   R.  Pas avec elle, non.

 22   Q.  Parce que sa maison ne vous convenait pas ?

 23   R.  Non, ce n'est pas ça. Mais son mari, pendant qu'elle a séjourné dix

 24   jours dans ma maison, il a transféré la propriété de sa maison à son frère

 25   avec les documents officiels.

 26   Q.  Ensuite, vous êtes allée à Zitnjak à Zagreb.

 27   R.  Son nom de famille c'est Milutinovic.

 28   Q.  Attendez, attendez. Procédons par ordre. Ensuite, en personne, vous


Page 11935

  1   vous êtes rendue à Zitnjak, non loin de Zagreb ?

  2   R.  Elle nous a invités dans l'intention d'échanger sa maison contre la

  3   nôtre.

  4   Q.  A ce moment-là, quand vous avez vu sa maison --

  5   R.  Ce n'est pas que sa maison n'était pas bien, c'est que son frère avait

  6   déjà transféré la propriété de la maison à quelqu'un d'autre.

  7   Q.  Alors, vous avez circulé dans la maison, dans le quartier, vous vous

  8   êtes renseignée sur Zitnjak ?

  9   R.  Non. J'étais assise, je pleurais quand Dragutin Spiric est arrivé et

 10   m'a demandé pourquoi je pleurais. Je lui ai répondu en lui disant ce qui se

 11   passait, et à cela, il a répliqué en disant : "Ma chère madame, venez et

 12   jetez un coup d'œil à ma maison." Donc je l'ai fait parce que sa maison

 13   n'était pas loin.

 14   Mon mari est ensuite retourné à Hrtkovci, parce qu'il était clair

 15   qu'on n'aurait pas de maison en échange de la nôtre. Les documents

 16   n'étaient pas disponibles. Donc mon mari est retourné pour voir s'il y

 17   aurait une autre maison qui pourrait être échangée contre la nôtre.

 18   Q.  Vous avez déjà dit tout cela. Pas nécessité de répéter.

 19   R.  Mais vous me réinterrogez, alors je vous répond de nouveau.

 20   Q.  Zitnjak, c'est un quartier de Zagreb, n'est-ce pas ?

 21   R.  C'est ça.

 22   Q.  A 4 kilomètres du centre de Zagreb ?

 23   R.  Ce n'est pas vrai.

 24   Q.  Et alors, c'est quoi ?

 25   R.  Sept ou 8 kilomètres.

 26   Q.  Et bien voilà, j'ai une déclaration --

 27   R.  Que vous avez quelque chose, ça c'est votre problème.

 28   Q.  Là, vous êtes en humeur de bagarre. C'est toujours mieux que quand vous


Page 11936

  1   gardez le silence. L'épouse de Dragutin Spiric dit que ce quartier se

  2   trouve à 4 kilomètres du centre de Zagreb.

  3   R.  Bon, d'accord.

  4   Q.  Dans ce quartier il y avait environ 80 % d'habitants serbes avant la

  5   guerre, n'est-ce pas ?

  6   R.  Qu'est-ce que je pouvais en savoir ? Je n'y habitais pas.

  7   Q.  Et maintenant vous y habitez.

  8   R.  J'y habite maintenant, mais pas avant.

  9   Q.  Et vous ne les avez pas comptés quand ils sont partis, effectivement ?

 10   R.  C'est tout à fait ça.

 11   Q.  L'épouse de Dragutin Spiric dit que vous êtes arrivée et que vous avez

 12   circulé dans la cité en recherchant une maison qui vous conviendrait, et

 13   que vous avez visité nombre de maisons serbes. Et que ce n'était pas un cas

 14   rare ou isolé, que beaucoup de Croates venaient se rendre dans les maisons

 15   serbes et venaient se renseigner sur les échanges.

 16   M. FERRARA : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas du tout

 17   compris. M. Seselj est en train de lire une déclaration faite par la femme

 18   de Dragutin Spiric ? Mais ça n'a jamais été communiqué à l'Accusation.

 19   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez que --

 20   L'ACCUSÉ : [interprétation] Le Procureur ne sait absolument pas ce qui lui

 21   a été communiqué et ce qui n'a pas fait l'objet de communication. Cette

 22   déclaration figure dans mon livre, "L'affaire Hrtkovci," et dans la suite

 23   du titre, si je le répète, vous allez demander l'expurgation du compte

 24   rendu d'audience et vous allez passer à huis clos pour cette partie-là de

 25   l'audience. Donc il y a "Affaire Hrtkovci" dans le titre et quelques autres

 26   mots qui suivent. Et cela fait longtemps que j'ai communiqué cela au

 27   Procureur, au moins un mois avant l'arrivée du premier témoin qui devait

 28   parler d'Hrtkovci, le Procureur doit se préparer.


Page 11937

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : -- cette déclaration de cette dame est dans le livre

  2   que vous avez eu.

  3   M. FERRARA : [interprétation] Certes, mais peut-être que M. Seselj aurait

  4   dû nous le dire avant de donner lecture et nous dire : "Je lis une

  5   déclaration tirée de tel livre, et cetera", histoire que nous sachions où

  6   nous en sommes. Je pense que ce serait plus normal.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Poursuivez.

  8   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ce livre, (expurgé)

  9   (expurgé) et cetera, comporte une étude sur l'affaire Hrtkovci, réalisée

 10   par mes collaborateurs, je vous ai communiqué cela en octobre de l'année

 11   passée avec mes objections préjudicielles qui portaient sur l'acte

 12   d'accusation. Et à l'époque vous avez décidé qu'il ne fallait pas traduire

 13   cela en anglais. Vous n'avez traduit que la requête que cela accompagnait.

 14   Si vous aviez fait tout traduire en anglais, toutes les preuves portant sur

 15   l'affaire Hrtkovci vous auraient semblé si convaincantes que vous auriez

 16   décidé d'expurger de l'acte d'accusation tout ce qui porte sur Hrtkovci.

 17   Mais comme cela n'a pas été fait, on l'a dans le livre, donc nous avons

 18   d'abord des déclarations, les procès devant les Tribunaux, et cetera, tout

 19   cela a été regroupé dans le livre.

 20   M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Seselj --

 21   Vous pouvez poursuivre l'interprétation.

 22   Si je ne me trompe pas, Monsieur Seselj, la Chambre de première instance

 23   vous a accordé le droit d'avoir un très grand nombre de pages de documents

 24   traduits en anglais. Mais jusqu'à présent, nous n'avons pas vu le moindre

 25   document en anglais produit par vos soins. Est-ce que c'est parce que vous

 26   n'avez pas demandé que l'on procède à la traduction ou quoi ?

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous l'ai dit la dernière fois, ce livre est

 28   certainement intéressant sur ce qui s'est passé dans cette localité, et de


Page 11938

  1   votre position vous auriez dû avoir à l'esprit que ce livre devait être

  2   porté à la connaissance des Juges.

  3   Quand on a évoqué ce livre il y a longtemps, nous ne savions pas ce qu'il y

  4   a dedans, maintenant je découvre qu'il y a la déclaration de la dame avec

  5   qui il y a eu un échange d'appartement. C'est certainement intéressant. Or

  6   dans les 10 000 pages qu'on vous a données, il fallait peut-être dire à ce

  7   moment-là au service de la traduction : Traduisez telle et telle page pour

  8   que les Juges aient ces éléments. Or ça, vous ne l'avez pas fait.

  9   Donc je constate que ce livre a un certain intérêt, mais nous ne l'avons

 10   pas.

 11   Monsieur Mundis.

 12   M. MUNDIS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'ai

 13   deux points rapidement à soulever.

 14   Comme nous l'avons déjà dit par le passé, ce livre est un recueil qui porte

 15   principalement sur des témoins protégés ou des éléments qui ont été mis

 16   sous pli scellé par vos soins.

 17   Deuxièmement, le livre fait plus de 1 000 pages de long, et nous demandons

 18   à la Chambre de première instance d'ordonner à l'accusé que lorsqu'il va

 19   utiliser des passages de ce livre, ou de tout livre d'ailleurs dans le

 20   cours de son contre-interrogatoire, il doit absolument nous en avertir afin

 21   que nous ayons les passages sous la main à notre disposition.

 22   Parce que dire qu'il nous a communiqué un livre de 1 000 pages avec tout ce

 23   qu'il y a dedans, non, ce n'est absolument pas correct, ce n'est pas juste

 24   pour ce qui est de notre traitement; il faut que nous soyons avertis, après

 25   tout, vous avez besoin aussi de connaître ces pages avant le contre-

 26   interrogatoire.

 27   M. LE JUGE ANTONETTI : Vous savez que les événements liés à cette localité

 28   sont très importants dans l'acte d'accusation, ne serait-ce qu'en raison du


Page 11939

  1   discours qui a été prononcé et de tout ce qui se passe autour de ce

  2   discours. De ce fait, le bureau du Procureur doit avoir connaissance de

  3   l'intégralité de ce livre. Moi, à votre place, ce livre, je le connaîtrais

  4   de A à Z. Donc si l'accusé fait état du livre, automatiquement le bureau du

  5   Procureur a la parade.

  6   Bon. Mais je comprends bien que vous, vous êtes arrivé en cours de route et

  7   vous n'avez pas pu prendre connaissance de l'ensemble de toutes les pièces,

  8   mais le B.A-BA du métier du Procureur, fonction que j'ai exercée, est de

  9   connaître tous les éléments de preuve et de ne pas être surpris par la

 10   Défense.

 11   Donc s'il évoque une partie du livre, normalement vous êtes à même de

 12   répondre sans avoir la nécessité d'être informé de la page, et cetera. Moi,

 13   si j'avais lu le livre, croyez-moi, je vous citerais par cœur la page et le

 14   paragraphe. Mais malheureusement, on ne l'a pas eu.

 15   M. MUNDIS : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

 16   Monsieur le Président, le fait que l'accusé veut contre-interroger le

 17   témoin à partir de certains passages de ce livre, il pouvait simplement

 18   nous en avertir à l'avance, ce n'est pas difficile.

 19   Mais comme nous l'avons déjà dit depuis longtemps, dans ce livre il y a des

 20   informations qui n'auraient jamais dû être publiées et n'auraient jamais dû

 21   tomber dans le domaine public. Et le reste de ce livre, si l'accusé sait

 22   qu'il va employer certains passages de ce livre dans le cadre de son

 23   contre-interrogatoire, il est tenu comme  tout autre équipe de la Défense,

 24   de nous en avertir en temps et heure pour que nous puissions nous préparer.

 25   Là s'il nous tend une embuscade, ce n'est absolument pas juste, ce n'est

 26   juste ni d'un côté ni de l'autre, même si nous voulions faire à notre tour

 27   une embuscade à l'accusé, ce ne serait pas juste non plus. C'est une

 28   question de principe. C'est l'égalité des armes.


Page 11940

  1   Et je tiens à dire à nouveau pour le compte rendu que M. Seselj est en

  2   train de ricaner. Ce qui est un comportement tout à fait inapproprié dans

  3   un prétoire, et nous répétons le fait qu'il faut absolument imposer un

  4   conseil, nommer un conseil d'office à cet accusé immédiatement. Parce que

  5   le procès n'est pas équitable, nous ne sommes pas avertis à temps, quand

  6   nous soulevons des points, il ricane, c'est absolument inacceptable.

  7   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, je ne vous voyais pas. Mais il ne

  8   faut pas ricaner ni sourire aux propos du Procureur. En revanche, il y a

  9   une partie où M. Mundis a raison. Si dans ce livre il y a des aspects

 10   concernant les témoins protégés, bien entendu, il faut faire attention et

 11   ne pas l'évoquer en audience publique. Mais là, ce n'était pas le cas,

 12   puisque madame n'est pas un témoin protégé et encore moins l'épouse de

 13   celui avec qui ils ont échangé l'appartement.

 14   Bien. Alors, il nous reste 35 minutes. On peut terminer. Je vous redonne la

 15   parole.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, premièrement, le rire,

 17   c'est quelque chose qu'on ne peut pas très souvent contrôler. C'est une

 18   réaction spontanée de quelqu'un face à certains événements. Parfois, cela

 19   est possible, mais très souvent on ne peut pas se contrôler. Et on ne peut

 20   pas interdire le rire. Premièrement, je n'ai pas ri à haute voix, et aussi

 21   ce n'était pas quelque chose d'insultant.

 22   Ensuite, ce livre, je l'ai remis au bureau du Procureur, et j'avais

 23   l'intention d'en donner un exemplaire à la traduction. Mais quand j'ai vu

 24   que vous interdisiez que l'on prononce le titre de ce livre dans le

 25   prétoire, j'y ai renoncé.

 26   Troisièmement, je n'ai pas cité le livre, là. J'interprète une partie

 27   de la déclaration de l'épouse de Dragutin Spiric. Je n'ai même pas eu le

 28   temps de noter son nom, donc je n'arrête pas de dire l'épouse de Dragutin


Page 11941

  1   Spiric. Et c'est sur intervention du Procureur que j'explique que c'est

  2   dans ce livre que la déclaration a été publiée. Et j'ai le droit

  3   d'interpréter de mémoire les déclarations des gens.

  4   Quatrièmement, par principe, je m'oppose à ce que les déclarations

  5   recueillies par le Procureur ou par la Défense, sans qu'on ait la

  6   possibilité de contre-interroger pendant qu'on recueille la déclaration,

  7   qu'elles soient versées au dossier, je m'y oppose, tout comme je m'oppose

  8   au 92 ter, donc au versement direct au dossier de déclarations rédigées et

  9   créées par le Procureur -- je ne vous ai pas proposé de verser au dossier

 10   en tant que preuve les déclarations recueillies par mes collaborateurs

 11   parce qu'il faut que les mêmes règles s'appliquent aux deux parties. A

 12   partir du moment où je commencerai à citer des témoins de la Défense, j'en

 13   citerai beaucoup parmi ceux qui m'avaient donné leurs déclarations, peut-

 14   être pas tout, je n'aurai pas besoin de les entendre tous.

 15   Mais maintenant, j'ai le droit d'interpréter et lorsque le Procureur me

 16   demande d'où cela vient, je lui dis, cela a été publié dans le livre. Qu'il

 17   le recherche dans le livre, ce ne sera pas difficile de le trouver.

 18   Et je lui dis que l'épouse de Dragutin Spiric affirme que Katica Paulic est

 19   venue dans le quartier de Zitnjak, qu'elle a visité les maisons serbes en

 20   cherchant à choisir celle dont le propriétaire de laquelle se verrait

 21   offrir par elle l'échange, et nous avons entendu ici le témoin, Mme Paulic,

 22   et je lui ai dit que l'épouse de M. Spiric affirme que la famille Spiric a

 23   fait l'échange de leur maison contre la maison de Mme Paulic et son époux

 24   sans l'avoir vue précédemment.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas vrai.

 26   M. SESELJ : [interprétation]

 27   Q.  Bon. Mais le contrat d'échange, il a été rédigé par un avocat, Igor

 28   Kanajet; c'est bien ça ?


Page 11942

  1   R.  Oui, c'est cela, de Dugo Selo.

  2   Q.  De Dugo Selo ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et le contrat a été certifié à Zagreb ?

  5   R.  A Dugo Selo.

  6   Q.  Dugo Selo, mais ça fait partie de Zagreb.

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Mais vous voyez, moi aussi je ne suis pas ignorant, et ce n'est pas

  9   dans la municipalité de Ruma à laquelle appartient Hrtkovci, où le contrat

 10   a été certifié.

 11   Et j'ai appris que Mme Paulic - et là, je vais lui poser la question - que

 12   Mme Paulic et son époux avaient l'intention de tromper Dragutin Spiric et

 13   son épouse, et au moment de signer le contrat ils ne lui ont pas remis

 14   toutes les pièces nécessaires. Et quand Dragutin Spiric est arrivé à

 15   Hrtkovci, il n'a pas pu enregistrer en son nom la maison de Hrtkovci;

 16   tandis que les Paulic ont pu enregistrer immédiatement la maison de Zagreb.

 17   R.  Je ne comprends pas ce que vous dites. Qu'est-ce que vous voulez dire ?

 18   On n'aurait pas pu le faire si ça n'avait pas été légal. Notre maison,

 19   c'était complètement en ordre, tous les papiers. Il n'y avait pas un sou de

 20   dette. Tout était en ordre, tous les papiers, toutes les pièces.

 21   Q.  Madame Paulic, Dragutin Spiric, vous ne lui avez pas remis tous les

 22   documents nécessaires. Certes, votre maison était légale.

 23   R.  Mais comment est-ce qu'on a pu enregistrer alors ?

 24   Q.  Mais avec ces documents à Zagreb vous avez pu le faire.

 25   R.  Bien entendu.

 26   Q.  Mais Dragutin Spiric, il n'avait pas tous les documents pour pouvoir le

 27   faire à Ruma ?

 28   R.  Mais comment il a pu vendre la maison ?


Page 11943

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Les interprètes se plaignent. Madame, vous l'avez

  2   fait, vous attendez que M. Seselj ait terminé avant de répondre, bon, je

  3   comprends que vous preniez du temps, mais n'en prenez pas trop non plus.

  4   Evitez de répondre tout de suite parce que les interprètes sont perdus.

  5   Bien. Continuez, Monsieur Seselj.

  6   M. SESELJ : [interprétation] S'il vous plaît, dans ce classeur du

  7   Procureur, un document dont n'a pas souhaité se servir le Procureur, je ne

  8   sais pas pour quelle raison. C'est lui qui m'a remis la preuve et le

  9   document montrant que Dragutin Spiric a déposé une plainte contre vous

 10   parce que vous l'avez trompé.

 11   R.  Non.

 12   Q.  Il n'a pas porté plainte contre vous ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Je veux l'afficher à l'écran pour que Mme Paulic le voie.

 15   R.  Si les papiers n'avaient pas été en ordre, il n'aurait pas pu vendre la

 16   maison.

 17   Q.  Mais, Madame --

 18   R.  Et je n'aurais pas pu ouvrir le commerce.

 19   Q.  Il n'a pas vendu la maison immédiatement, il a d'abord porté plainte

 20   contre vous.

 21   R.  Comment est-ce que j'aurais pu avoir un commerce, un magasin, si ça

 22   n'avait pas été en ordre ?

 23   Q.  Mais tant que c'était dans votre propriété, c'était légal. Mais quand

 24   vous avez procédé à l'échange à Zagreb  --

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Avant qu'il ne quitte Zagreb, vous ne lui avez pas remis tous les

 27   documents dont il avait besoin.

 28   R.  [inaudible]


Page 11944

  1   Q.  Mais vous ne lui avez pas donné parce que vous vouliez le tromper.

  2   R.  Non.

  3   Q.  Et Dragutin Spiric arrive à Hrtkovci. Premièrement, il est stupéfait

  4   parce qu'il voit que la maison qu'il y trouve est de plus mauvaise qualité

  5   que la sienne.

  6   R.  Pardon ?

  7   Q.  En plus, il aurait même eu une attaque cérébrale en découvrant ça. La

  8   maison était vide, sans aucun meuble, et il vous a tout laissé à vous, à

  9   Zitnjak.

 10   R.  Monsieur, je vais vous dire, Monsieur, je ne sais pas si je dois vous

 11   appeler monsieur.

 12   Q.  Je ne suis pas monsieur ?

 13   R.  Vous n'avez pas écouté quand j'ai dit que Spiric est parti visiter une

 14   autre maison à Hrtkovci avec mon époux.

 15   Q.  Ça n'a rien à voir avec ce que je vous demande.

 16   R.  Si, bien sûr. Vous n'allez pas me -- il a vu ma maison et il a apporté

 17   une photo de ma maison et il l'a montrée à cette dame qui aurait, paraît-

 18   il, d'après vous, pleuré, se serait plaint. Je ne sais pas. Et elle a dit

 19   comme suit : "Est-il possible que nous aurons cette maison-ci ?" Et de

 20   manière très franche, ils nous ont dit qu'il fallait qu'ils partent pour

 21   être ensemble avec leurs enfants, parce que leur fils, il restait dans les

 22   rangs de votre armée. Et il est allé dans l'armée serbe et leur fille était

 23   restée à Zagreb.

 24   Q.  Il portait une cocarde grande comme une assiette ?

 25   R.  Je n'ai pas regardé.

 26   Q.  Bon. Penchons-nous sur ces documents.

 27   R.  Oui, pourquoi pas.

 28   Q.  C'est le texte de jugement rendu par le tribunal municipal de Ruma.


Page 11945

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Ce jugement a été rendu en l'absence des personnes mises en cause parce

  3   que ni vous ni votre mari n'est venu au tribunal.

  4   R.  On n'a rien reçu. On ne savait pas.

  5   Q.  Vous n'avez rien reçu. Le jugement est rendu le 5 octobre 1993,

  6   on lit :

  7   "Le tribunal municipal de Ruma, tribunal de première instance, avec Stipo

  8   Mandic, président du tribunal, et à la demande de Dragutin Spiric de

  9   Hrtkovci, représenté par Grbic, avocat, met en cause le couple Paulic,

 10   Katica et Mile, de Zagreb.

 11   "Dans le but d'établir la véracité des faits, pendant l'audience

 12   préliminaire, première audience précédant la principale audience du 16

 13   juillet 1993, en présence d'un représentant de celui qui a porté plainte,

 14   et en l'absence de la défense, qui a été citée,   

 15   ce qui suit a été déclaré."

 16   Ensuite on voit le verdict qui est le suivant, je cite :

 17   "Il a été établi que Dragutin Spiric, originaire de Hrtkovci, qui est

 18   propriétaire du bien immobilier enregistré au cadastre de Hrtkovci sous le

 19   numéro 1972; ainsi que d'une parcelle de terrain divisée en quatre

 20   parties," et cetera.

 21   "Les personnes poursuivies sont obligées d'admettre ce qui précède,

 22   et suit un tableau d'enregistrement de noms."

 23   Vous n'avez pas souhaité remettre à ce monsieur les documents

 24   nécessaires pour enregistrer le bien immobilier en question. C'est de cette

 25   façon que vous l'avez trompé ?

 26   R.  Non.

 27   Q.  Il a été obligé de s'adresser aux tribunaux, de porter plainte ?

 28   R.  Il souhaitait vendre la maison, et il l'a fait. C'était son intention,


Page 11946

  1   et il l'a réalisée, alors en quoi est-ce qu'on l'a trompé ? Nous ne l'avons

  2   pas trompé. Nous n'avons pas reçu la convocation cependant.

  3   Q.  Un instant, je vous prie. Il est écrit ici que vous deviez lui donner

  4   les documents nécessaires de façon à lui permettre d'enregistrer la

  5   propriété à son nom, donc le nom de la personne qui a porté plainte. Et je

  6   cite :

  7   "Le présent jugement remplacera tout comportement opposé sur cette question

  8   dans les 15 jours avec possibilité de mise en œuvre."

  9   Donc M. Spiric a dû s'adresser aux tribunaux pour prouver qu'il avait

 10   procédé à un échange de maison avec vous. Et étant donné le jugement

 11   prononcé par le tribunal, il a pu enregistrer sa maison en son nom parce

 12   que vous ne lui aviez pas remis les papiers officiels nécessaires pour le

 13   faire. Il vous avait, quant à lui, donné tous les documents dont vous aviez

 14   besoin et vous n'aviez eu aucun problème pour enregistrer la maison de

 15   Zagreb en votre nom.

 16   Est-ce que c'est bien ce que stipule ce jugement ?

 17   R.  Bien, je vais répéter ce que j'ai déjà dit. Nous n'avons pas reçu le

 18   texte de ce jugement, donc je vais encore me répéter, il n'avait aucune

 19   raison de déposer plainte parce que tous les documents étaient en ordre.

 20   Q.  Dans ce cas, pourquoi est-ce qu'il aurait porté plainte, s'il n'avait

 21   pas la moindre raison ?

 22   R.  Vous devriez lui poser la question à lui. Je ne sais pas.

 23   Q.  Pourquoi est-ce que le Tribunal s'est prononcé dans son jugement comme

 24   il l'a fait si tous les documents avaient été fournis ? Est-ce que ce

 25   jugement ne vous surprend pas quelque peu ?

 26   R.  Oui, naturellement.

 27   Q.  Quand est-ce que la séance de récolement avec le Procureur a eu lieu ?

 28   R.  Quel récolement ?


Page 11947

  1   Q.  Est-ce que vous avez parlé au Procureur hier ou avant-hier ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Quand ? Combien a duré cette séance ?

  4   R.  Elle a été très courte.

  5   Q.  Quand on vous a montré la teneur de la conversation, ou en tout cas, la

  6   liste que vous avez vue, le document dont nous parlons, est-ce que vous

  7   l'avez vu pendant le récolement ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce qu'il vous a demandé ce que cela signifiait ?

 10   R.  J'ai dit que je n'avais rien à voir avec cela. J'ai dit que je n'avais

 11   aucun renseignement à ce sujet.

 12   Q.  Vous avez dit que Dragutin Spiric n'avait pas porté plainte contre vous

 13   il y a un instant.

 14   R.  Je n'ai jamais reçu ce dépôt de plainte.

 15   Q.  Mais l'Accusation vous l'a montré.

 16   R.  Est-ce que vous me comprenez ? Je n'ai pas reçu ce document. J'ai dit

 17   que je ne l'avais pas reçu. Je ne l'ai pas reçu, je ne pouvais pas le lire.

 18   Q.  Est-ce que le Procureur vous a montré ce document hier ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Est-ce que vous l'avez lu ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Est-ce que vous l'avez lu de bout en bout ?

 23   R.  Oui, et j'étais surprise.

 24   Q.  Mais alors pourquoi est-ce qu'il y a un instant vous avez dit que

 25   Dragutin Spiric ne vous avait pas poursuivie en justice ?

 26   R.  Il ne m'a pas poursuivie puisque je n'ai pas reçu le document.

 27   Q.  Mais le Procureur vous a informée en vous disant que Dragutin Spiric

 28   vous avait effectivement poursuivie en justice.


Page 11948

  1   R.  Bon, bon, bon. D'accord. Ecoutez, il a bien réussi ? S'il le voulait,

  2   il a réussi à le faire.

  3   Q.  Qu'est-ce qu'il voulait faire ?

  4   R.  Je ne sais pas. Je n'en ai pas la moindre idée. Il faudrait lui

  5   demander à lui.

  6   Q.  Il voulait simplement enregistrer à son nom la maison qu'il a reçue en

  7   échange de celle dans laquelle vous habitez et qu'il vous a donnée. C'est

  8   tout ce qu'il voulait.

  9   R.  Bien, dans ce cas, il a réussi.

 10   Q.  Il a réussi peut-être, mais seulement un an plus tard.

 11   R.  Et quatre mois après, il la vendait.

 12   Q.  Comment est-ce qu'il pouvait la vendre tant qu'elle n'était pas

 13   enregistrée à son nom dans les registres officiels ?

 14   R.  C'est ce que je me demande.

 15   Q.  Est-ce que vous êtes sûre qu'il l'a vendue quatre mois après l'avoir

 16   reçue ?

 17   R.  Il s'en est vanté. Il l'a dit partout à ses amis.

 18   Q.  Mais il ne pouvait pas transférer officiellement dans les registres

 19   cette cession.

 20   R.  Si vous le dites.

 21   Q.  Et la maison était tellement moche et était tellement mal équipée qu'il

 22   l'a vendue au rabais.

 23   R.  C'est ce que vous dites.

 24   Q.  En échange de la maison, une fois qu'il l'a vendue, il a pu obtenir un

 25   appartement de 60 mètres carrés.

 26   R.  Un seul ?

 27   Q.  Oui.

 28   R.  Il se vantait d'en avoir reçu deux.


Page 11949

  1   Q.  Non, il n'a pas pu se vanter de cela.

  2   R.  Il s'en vantait partout.

  3   Q.  Mais vous, vous avez essayé de l'abuser.

  4   R.  Non.

  5   Q.  Vous ne l'avez pas voulu l'abuser ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Pourquoi est-ce que vous ne lui avez pas donné les documents

  8   nécessaires pour qu'il enregistre la maison à son nom ?

  9   R.  Tout était en ordre. Tout était légal.

 10   Q.  Comment est-ce que cela pouvait être le cas puisqu'il n'a pas reçu les

 11   papiers ?

 12   R.  Je ne sais pas.

 13   Q.  Le jugement que je viens de citer lui a servi en lieu et place de

 14   certificat de cadastre pour enregistrer la maison à son nom.

 15   R.  Je ne sais pas. Tout ça, c'est des affaires bien peu claires.

 16   Q.  Est-ce que ça c'est une affaire peu claire ?

 17   R.  Probablement.

 18   Q.  Dans quel sens ?

 19   R.  Il sait, lui, pourquoi.

 20   Q.  Moi, je n'aurais pas eu connaissance de l'existence de ce document si

 21   le Procureur ne me l'avait pas communiqué. Est-ce que c'est le Procureur

 22   qui a rédigé ce document ?

 23   R.  Je ne sais pas. Je n'ai pas la moindre idée.

 24   Q.  Madame Paulic, vous n'avez tout de même pas réussi à abuser M. Dragutin

 25   Spiric, en tout cas, pas complètement, n'est-ce pas ?

 26   R.  C'est ce que vous dites.

 27   Q.  Quand vous avez échangé votre maison contre la sienne et que vous êtes

 28   partie vivre à Zagreb --


Page 11950

  1   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara.

  2   M. FERRARA : [interprétation] J'aimerais avoir une explication, une

  3   précision.

  4   M. Seselj dit qu'il ne connaît pas ce document, parce que ce document, je

  5   l'ai trouvé dans son livre à lui, ce livre sur Hrtkovci, "L'affaire

  6   Hrtkovci," tout de suite après la déclaration de la femme de M. Dragutin

  7   Spiric.

  8   M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Voyez, Monsieur Seselj, votre livre a été

  9   lu par le Procureur puisqu'il a trouvé ce document dans votre livre.

 10   L'ACCUSÉ : [interprétation] Bien, c'est un grand progrès dans ce cas-là.

 11   M. FERRARA : [interprétation] Que devrait-il répondre au lieu de ricaner.

 12   Il n'y a rien, il n'y a pas matière à rire ici.

 13   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien --

 14   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai dit que je n'aurais

 15   pas eu connaissance de l'existence de ce document si le Procureur ne me

 16   l'avait pas communiqué. Maintenant, on joue des jeux de raffinements

 17   stylistiques. Moi, pour ma part, je vous ai montré l'original du document

 18   qui m'a été communiqué par le Procureur et pas mon livre. Comment est-ce

 19   que je pourrais me rappeler l'intégralité du contenu de mon livre qui

 20   compte 1 200 pages, Monsieur le

 21   Président ? D'autant plus que ce livre a été organisé sur des consignes

 22   données par moi par des collaborateurs à moi. Enfin, c'est moi qui ai

 23   dirigé le travail de réalisation du livre. C'est un livre qui est un

 24   recueil de documents. Ce n'est pas un livre d'auteur. Il se compose

 25   exclusivement d'un certain nombre de documents.

 26   Et maintenant, M. Ferrara essaie d'inverser les rôles. Parce que le

 27   problème qui se pose, c'est de savoir pourquoi le témoin qui est ici a eu

 28   l'intention d'abuser M. Dragutin Spiric dans le cadre de l'échange de


Page 11951

  1   maisons et non le fait de savoir si le document que j'ai reçu par voie de

  2   communication du Procureur se trouve dans mon livre ou pas. Il est bien

  3   entendu que mes collaborateurs ont fait des recherches approfondies et sont

  4   arrivés à un nombre bien plus important de documents que le Procureur ne

  5   pourrait même imaginer.

  6   M. FERRARA : [interprétation] L'Accusation informe M. Seselj que le

  7   document se trouve dans son livre pages 386, 387, 388, après la déclaration

  8   de la femme de Dragutin Spiric.

  9   L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne cessons de

 10   perdre du temps pour rien. Pourquoi est-ce que je devrais me référer à mon

 11   livre pour que M. Ferrara saute sur ses pieds et dise que le livre n'est

 12   pas traduit ? Je pense qu'il est préférable pour moi de me référer au

 13   document qu'il m'a communiqué. Pour ce document-là, il ne peut pas dire

 14   qu'il n'est pas traduit puisque vous l'avez reçu en langue anglaise. Alors

 15   pourquoi tous ces problèmes maintenant ?

 16   M. LE JUGE ANTONETTI : -- un élément accessoire.

 17   Il reste 15 minutes avant la fin de l'audience. Essayez de terminer

 18   dans les 15 minutes.

 19   L'ACCUSÉ : [interprétation] Il est certain que j'en terminerai dans

 20   ce délai, Monsieur le Président, mais je ne suis pas d'accord quand vous

 21   dites que c'est une question secondaire, car ce document anéantit

 22   totalement la crédibilité du témoin que vous avez face à vous, tentative de

 23   tromperie dans le cadre de l'échange de maisons. Je crois que vous n'avez

 24   certainement rien reçu de plus convaincant que ce document que je viens de

 25   vous montrer, le jugement.

 26   Q.  Madame Paulic, Franja Baricevic, il a déménagé pour quelle

 27   localité ?

 28   R.  Jaksic.


Page 11952

  1   Q.  Jaksic, c'est près de Slavonska Pozega; c'est bien ça ?

  2   R.  C'est exact.

  3   Q.  Ensuite, votre fils est allé rendre visite à plusieurs reprises à

  4   Franja Baricevic, n'est-ce pas ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Il n'y est jamais allé ? Quelle est la distance entre Zagreb et Pozega

  7   ?

  8   R.  Combien y a-t-il de kilomètres ? Cent cinquante, comme ça, à vue de nez

  9   ?

 10   R.  Non.

 11   Q.  Y en a combien ?

 12   R.  Trois cent cinquante.

 13   Q.  Entre Zagreb et Pozega ?

 14   R.  Par la nationale, parce que l'autoroute est fermée.

 15   Q.  Donc, il faut contourner ?

 16   R.  C'est tout à fait ça.

 17   Q.  Mais quand vous avez échangé votre maison contre celle de Dragan

 18   Spiric, vous êtes partie pour Zagreb et votre mari et votre fils sont

 19   restés encore quelque temps en Serbie, n'est-ce pas ?

 20   R.  Non, ils sont pas restés quelque temps. Il est rentré pour sauver la

 21   maison parce que Mico n'avait pas les papiers. Puis il y avait notre autre

 22   fils.

 23   Q.  Vous avez attendu que votre fils termine le lycée du ministère des

 24   Affaires intérieures en Serbie avant de venir en compagnie de son fils à

 25   Zagreb. C'était ça la raison ?

 26   R.  C'est cela.

 27   Q.  Donc vous n'êtes, en aucun cas, partie rapidement parce qu'ils étaient

 28   menacés de quoi que ce soit, mais vous auriez pu prendre tout le temps


Page 11953

  1   nécessaire avant de partir. Vous auriez pu choisir la maison qui vous

  2   plaisait le mieux, qui vous convenait le mieux ?

  3   R.  Non, non. Les explications ont été données. Cela ne s'est pas passé

  4   comme ça.

  5   Q.  Mais pourquoi est-ce que vous avez inventé que dans mon discours,

  6   j'aurais même prononcé le nom de Dragutin Vuksanic, le médecin de Hrtkovci

  7   ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Ça aussi vous l'avez inventé.

 10   R.  Non.

 11   Q.  Dragutin Vuksanic était l'un des hommes les plus aimables de  Hrtkovci,

 12   le plus apprécié.

 13   R.  Est-ce qu'il était apprécié ? Je ne sais pas. C'était un médecin.

 14   Q.  C'était un médecin à qui tout le monde faisait confiance, n'est-ce pas

 15   ? Branko Vuksanic.

 16   R.  Branko Vuksanic.

 17   Q.  Oui. Branimir, Branko Vuksanic.

 18   R.  C'est ça.

 19   Q.  Est-ce que tout le monde avait confiance en lui, Croates et Serbes, à

 20   Hrtkovci ?

 21   R.  C'est vrai.

 22   Q.  Etait-il connu dans la localité et ses environs comme un médecin qui

 23   avait un diagnostic phénoménal ? Il lui suffisait de vous regarder

 24   pratiquement pour diagnostiquer votre maladie, n'est-ce

 25   pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Alors, pourquoi est-ce qu'un homme comme lui aurait subi les attaques

 28   ou agressions de qui que ce soit ?


Page 11954

  1   R.  Mais dans ce cas-là, pourquoi a-t-il déménagé ?

  2   Q.  Il a déménagé parce qu'il a été abusé.

  3   R.  C'est vous qui le dites.

  4   Q.  Il a déménagé parce qu'il a été abusé. Des amis serbes sont venus de

  5   Belgrade pour le convaincre de partir en lui disant que s'il ne partait pas

  6   de très nombreux Croates allaient le suivre.

  7   R.  Comme c'était un bon médecin, je ne crois pas qu'il s'en serait arrêté

  8   à des mots comme cela.

  9   Q.  Oui, mais l'offre était attrayante.

 10   R.  C'est ce que d'autres disent.

 11   Q.  Mais vous avez entendu ses pairs dire cela ?

 12   R.  Non, je suppose que c'était vrai.

 13   Q.  Vous supposez. Donc vous témoignez ici au sujet de suppositions de

 14   votre part ?

 15   R.  Non. C'est toi qui est en train d'inventer.

 16   Q.  Nous nous tutoyons de nouveau ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Très bien. Est-ce que vous connaissez Niko Kraljevic, le prêtre du

 19   bourg ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Est-ce que vous le connaissez bien ?

 22   R.  Bien, est-ce que je le connais bien ? Je ne sais pas si je connais bien

 23   même mon mari alors lui, qu'est-ce que je peux dire ?

 24   Q.  Vous ne connaissez même pas bien votre mari ?

 25   R.  Je ne le connais pas bien.

 26   Q.  Comment est-ce que je dois prendre ça ?

 27   R.  Bien, prends-le comme tu veux.

 28   Q.  C'est pas une question à laquelle je peux réfléchir. Excusez-moi. Il va


Page 11955

  1   me falloir vous décevoir. Qu'en est-il de Niko Kraljevic; est-ce qu'il

  2   avait un problème d'alcoolisme ?

  3   R.  Dans une certaine mesure, oui.

  4   Q.  Est-ce qu'il avait tendance à provoquer quelque trouble lorsqu'il était

  5   ivre ?

  6   R.  Non.

  7   Q.  Il n'a jamais agressé personne ?

  8   R.  Non. Il était connu pour aimer faire la fête, chanter, s'amuser.

  9   Q.  Est-ce que vous savez qu'il a agressé Djordje Obric de Sabac alors

 10   qu'il était en état d'ébriété ?

 11   R.  Non, je ne sais même pas qui est ce Djordje, je n'ai jamais entendu

 12   parler d'une affaire de ce genre.

 13   Q.  Vous n'en avez jamais entendu parler. Bon, Madame Paulic, si vous ne

 14   savez pas. Avez-vous entendu parler de Mijat Stefanac ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que Mijat Stefanac avait tendance à boire ?

 17   R.  Je ne sais pas. Il habitait à un bout du village, moi à l'autre.

 18   Q.  Vous ne le connaissiez pas très bien ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Savez-vous qu'il a été tué à Hrtkovci ?

 21   R.  Oui, j'en ai entendu parler quand j'étais déjà à Zagreb.

 22   Q.  Il a été tué entre Hrtkovci et Platic Cevo(Batkovici), n'est-ce pas ?

 23   R.  Je ne sais pas où mais je sais qu'il a été tué dans des conditions

 24   atroces, abominables.

 25   Q.  Savez-vous quel était le motif de cet assassinat ?

 26   R.  Je ne sais pas.

 27   Q.  Il n'a pas été tué chez lui ?

 28   R.  Il a laissé entrer des gens qui habitaient ailleurs dans sa maison.


Page 11956

  1   Q.  Mais ce ne sont pas ces gens-là qui l'ont tué ? Puisque son épouse l'a

  2   quitté, les fils sont partis. Et il a, à ce moment-là, autorisé des

  3   réfugiés à aménager dans sa maison; c'est bien cela ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Mais ce ne sont pas ces réfugiés qui l'ont tué, est-ce qu'on vous

  6   aurait dit que c'étaient ces réfugiés qui l'avaient tué ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Cette histoire m'intéresse parce qu'elle a beaucoup circulé parmi les

  9   habitants de Hrtkovci, notamment les Croates qui étaient partis.

 10   R.  Oui, j'étais à Zagreb quand j'en ai entendu parler.

 11   Q.  Vous avez entendu raconter une histoire selon laquelle c'étaient des

 12   réfugiés serbes qu'il aurait admis à l'intérieur de sa maison qui

 13   l'auraient tué; c'est bien ça que vous avez entendu dire ? Dites-le à haute

 14   voix, sinon ce n'est pas consigné au compte rendu d'audience si vous vous

 15   contentez de hocher du chef.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Savez-vous que par voie de Tribunal, il a été confirmé que c'étaient

 18   des gens très différents, tout à fait d'autres gens qui l'avaient tué ?

 19   R.  Je ne dis que ce que j'ai entendu dire, je n'affirme rien.

 20   Q.  Mais tout le reste de ce que vous avez dit, est-ce que c'étaient aussi

 21   des choses que vous aviez entendu dire sans l'affirmer ?

 22   R.  Ce que j'ai dit précédemment je l'affirme, mais ce que j'ai entendu

 23   dire, je l'ai entendu dire.

 24   Q.  Bon, dans ce cas, j'en ai terminé de ce contre-interrogatoire.

 25   M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Ferrara, quelques questions supplémentaires

 26   ou pas ?

 27   M. FERRARA : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame, au nom de mes collègues, je vous


Page 11957

  1   remercie d'être venue témoigner. Vous avez peut-être été surprise par les

  2   questions posées lors du contre-interrogatoire, mais c'est le Règlement de

  3   ce Tribunal qui permet à la Défense et au Procureur de mener

  4   l'interrogatoire. C'est comme ça. Donc on fait avec.

  5   De ce fait, je vous souhaite un bon retour dans votre pays. Je vais

  6   donc demander à M. le Huissier de bien vouloir vous raccompagner à la porte

  7   de la salle d'audience.

  8    [Le témoin se retire]

  9   M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, pour l'audience de demain, nous avons

 10   l'expert qui viendra dans les mêmes conditions que l'expert précédent. Donc

 11   la Chambre a décidé que le Procureur aurait 45 minutes pour

 12   l'interrogatoire principal et M. Seselj aura une heure 30 pour le contre-

 13   interrogatoire.

 14   Voilà ce que j'avais à dire. Il est donc presque l'heure de terminer. Je

 15   vous souhaite à tous une bonne fin d'après-midi et nous nous retrouverons

 16   demain à 8 heures 30.

 17   --- L'audience est levée à 13 heures 09 et reprendra le jeudi 20 novembre

 18   2008, à 8 heures 30.

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