Page 15092
1 Le mardi 26 janvier 2010
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.
5 [Problème technique]
6 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
7 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
9 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]
10 [Audience à huis clos]
12 (expurgé)
13 (expurgé)
14 (expurgé)
15 (expurgé)
16 (expurgé)
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
26 (expurgé)
27 (expurgé)
28 (expurgé)
Page 15093
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 Pages 15093-15100 expurgées. Audience à huis clos.
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 15101
1 (expurgé)
2 (expurgé)
3 (expurgé)
4 (expurgé)
5 (expurgé)
6 (expurgé)
7 (expurgé)
8 (expurgé)
9 (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
15 Alors, Monsieur, levez-vous parce que je vais vous demander votre nom,
16 prénom, date de naissance. Alors, quel est votre nom, prénom et date de
17 naissance ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Vojislav Dabic. Je suis né le 28
19 juillet 1966 à Mostar.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle est votre profession, Monsieur ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] En ce moment, je travaille comme chauffeur
22 mais en fait, ma profession est la profession d'installateur électrique,
23 c'est-à-dire électricien.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, avez-vous déjà témoigné devant ce Tribunal
25 ou pas ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Jamais de ma vie.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Avez-vous déjà témoigné devant un Tribunal national
28 en Serbie ?
Page 15102
1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vous demande de lire le serment.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] De cette façon-ci ? Non.
4 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien
5 que la vérité.
6 LE TÉMOIN : VOJISLAV DABIC [Assermenté]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Asseyez-vous, Monsieur.
9 Une petite précision. Je vous ai demandé si vous avez témoigné devant ce
10 Tribunal. Vous m'avez dit : "Non." Donc, vous n'êtes jamais venu témoigner
11 ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci, le jour d'aujourd'hui, c'est la première
13 fois que je viens dans ce pays et pas seulement devant ce Tribunal.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : C'est ce que j'avais compris.
15 Alors, Monsieur, je vais vous expliquer comment les choses vont se passer.
16 Vous êtes témoin de la Chambre. C'est la Chambre qui a demandé à ce que
17 vous veniez.
18 Les trois Juges, on s'est réparti les rôles. Moi, pendant 30 minutes,
19 je vais vous poser des questions sur la façon dont vous aviez eu des
20 contacts avec le Procureur et avec les conseils ou collaborateurs de M.
21 Seselj, à savoir dans quelles conditions tout ça s'est passé. Voilà. Donc,
22 je vais vous poser des questions.
23 Après quoi, mes collègues, la Juge Lattanzi et le Juge Harhoff, vous
24 poseront, eux, des questions sur les événements qui se sont déroulés dans
25 l'ex-Yougoslavie pendant les années 1991, 1992, 1993, événements où vous
26 avez été témoin. Ma collègue et mon collègue prendront chacun 30 minutes,
27 ce qui fait que les trois Juges, nous aurons une heure 30.
28 Après quoi, le Procureur - je crois que c'est Mme Biersay - aura une
Page 15103
1 heure trente pour poser toutes les questions qu'elle veut, tous les
2 documents qu'elle voudra vous présenter.
3 M. Seselj aura une heure trente également pour poser toutes les
4 questions qu'il veut.
5 Donc on ne va pas perdre de temps parce qu'une heure trente, plus une heure
6 trente, plus une heure trente, ça fait presque cinq heures, et nous avons
7 que deux jours d'audience, ce qui veut dire que comme maintenant, vous avez
8 prêté serment, vous êtes le témoin de la justice, vous n'avez plus aucun
9 contact avec quiconque jusqu'à demain. Donc, quand vous allez rentrer à
10 votre hôtel, ne téléphonez à personne, ne dites pas ce qui se passe, les
11 questions qu'on vous pose, et puis après, quand ce sera fini, vous ferez ce
12 que vous voulez.
13 Donc, vous avez bien compris comment ça va se dérouler.
14 Questions de la Cour :
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, moi, ma première question est la suivante :
16 Pouvez-vous me dire dans quelles circonstances les enquêteurs du Procureur
17 ont pris contact avec vous et c'est en quelle année, au départ ?
18 R. La première rencontre a eu lieu en 2000. Donc, ce n'est pas moi qui ai
19 pris contact avec eux. Tout cela s'est passé par le truchement d'un certain
20 monsieur, qui a contacté Mme Jasmina Ploskic de Mostar, qui travaille à
21 Sarajevo. Mais à Mostar. Elle a un bureau dans lequel elle s'occupe des
22 personnes disparues. A cinq ou six reprises, elle a essayé de me joindre,
23 elle m'a appelé par téléphone. Finalement, j'ai accepté de la voir et nous
24 nous sommes retrouvés entre la ville de Brcko en Bosnie-Herzégovine et la
25 ville de Tuzla sur le marché qui porte le nom d'Arizona, dans un bâtiment
26 qui portait le nom de "Partner." Son mari, Senad Sejno Hadziomerovic, qui
27 était avec elle, ainsi que M. Luka Radovic. Je suis donc arrivé au rendez-
28 vous, nous nous sommes retrouvés, nous avons déjeuné ensemble et nous avons
Page 15104
1 passé trois heures ensemble pendant le déjeuner. Autrement dit, nous avons
2 discuté du fait qu'elle avait des contacts avec certaines personnes des
3 Nations Unies qui cherchaient un témoin potentiel, c'est-à-dire un homme
4 qui aurait passé toute la durée de la guerre en Bosnie-Herzégovine et pas
5 seulement en un lieu unique mais en plusieurs endroits.
6 Donc c'est ainsi qu'ils ont fini par me trouver, moi, et j'ai accepté. Mais
7 entre-temps, comme après la guerre, j'ai déménagé à Novi Sad où j'ai été
8 employé dans plusieurs métiers. Ma famille m'a appelé à plusieurs reprises
9 à partir de Mostar pour me dire que certaines personnes venaient la voir à
10 la maison pour proférer des menaces, et qu'il y a même eu une fois où ces
11 personnes ont lancé deux grenades vers la maison et qu'ils ont collé un
12 certificat de décès sur lequel figurait ma photo sur la porte de la maison.
13 Si bien que suite à cinq appels insistants de la part de Mme Jasmina
14 Ploskic, j'ai fini par accepter un jour de la rencontrer.
15 Nous nous sommes donc vus, dans -- sur ce marché dans le restaurant qui
16 était baptisé "partenaire," et si cela vous intéresse, je peux vous dire
17 que ce restaurant n'existe plus aujourd'hui. J'ai accepté de rencontrer Mme
18 Brigitte à Sarajevo, dans ce qui était à l'époque le foyer des étudiants,
19 et qui est devenu, aujourd'hui, le siège des Nations Unies dans le quartier
20 de Nedzarici.
21 Donc cela c'était en l'an 2000, et j'ai passé quatre ans dans ce
22 lieu. Le premier jour, on m'a installé dans un quartier appelé Osijek qui
23 est majoritairement habité par des Croates dans un motel dont le nom est
24 Delminium. Un soir je suis descendu pour dîner, donc j'ai effectivement
25 dîné, et j'ai vu arriver dix hommes en uniforme qui portaient les insignes
26 de l'armée croate. Ceci n'a pas été un différend pour moi. Le lendemain,
27 lorsque Mme Brigitte est arrivée, accompagnée de l'interprète Majda,
28 originaire de Tuzla, lorsque cette Mme Brigitte est venue me chercher, je
Page 15105
1 lui ai demandé de déménager de ce motel et c'est ce qui s'est passé.
2 Donc les entretiens ont commencé à 9 heures du matin, nous avons déjeuné
3 dans la grande cantine du siège des Nations Unies à Nedzarici à l'hôtel, et
4 nous avons poursuivi l'entretien jusqu'à 15 heures ou 15 heures 30. Cela
5 dépendait des jours. On a beaucoup parlé de ce que j'avais fait, de ce que
6 je faisais en ce moment, et finalement, on est arrivé au sujet qui elle
7 l'intéressait le plus, à savoir ma participation à la guerre où j'avais
8 été, comment j'avais agi, ce que j'avais fait, qui j'avais vu, qui j'avais
9 vu faire quoi, dans quelles conditions.
10 Toutes mes excuses, Monsieur le Président, mais --
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez, je vous arrête là.
12 Vous avez rencontré Mme St-Germain le 13 novembre 2000. Vous avez eu
13 une conversation - je n'aborde pas le fond - je présume qu'ils ont fait un
14 document retraçant tout ce que vous avez dit. Ce document on vous l'a
15 présenté, vous l'avez signé, vous avez mis votre signature. Est-ce que vous
16 avez mis votre signature sur le document en langue anglaise, ou en langue
17 B/C/S ?
18 R. Monsieur le Juge, ce document était rédigé en langue anglaise, tout
19 comme ce que je vois écrit en cet instant même sur l'écran en face de moi,
20 c'est écrit en anglais, mais vous, vous me parlez en français, et cela n'a
21 pas d'importance.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.
23 Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : [hors micro]
25 Mme BIERSAY : [interprétation] Permettez-moi d'intervenir parce qu'à la
26 page 15, ligne 13, il est dit, au compte rendu d'audience, que ceci s'est
27 passé en 2001. Je pense qu'il y a peut-être une erreur. Je pense que
28 c'était en l'an 2000.
Page 15106
1 M. LE JUGE ANTONETTI : En l'an 2000, novembre 2000. Bien.
2 Quand vous avez signé, est-ce que l'interprète qui était à côté de
3 vous, vous a relu tout le texte dans votre langue ou vous a demandé de
4 signer simplement ?
5 R. Monsieur le Juge, le document c'est certain était rédigé en langue
6 anglaise, dactylographié sur un ordinateur portable. J'ai remarqué au
7 moment où je faisais ma déclaration, parce que tout de même je comprends un
8 tout petit peu l'anglais -- de même que le français que vous parlez, mais
9 je crois que ma déclaration a été modifiée, et je l'ai signée exclusivement
10 en langue anglaise. Je n'ai rien reçu en B/C/S.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : J'ai une autre déclaration de 2004, 10 juin 2004;
12 est-ce que le Procureur vous a contacté à nouveau pour avoir une nouvelle
13 déclaration ?
14 R. Même si tout cela s'est passé il y a longtemps, je crois pouvoir vous
15 dire que M. Rovija, "yes," je crois que c'est à peu près son nom, mais
16 malgré tout j'ai du mal à me rappeler exactement son nom car cela s'est
17 passé il y a longtemps. M. Rovija donc a lu toutes les déclarations que
18 j'avais faites à Mme Brigitte et m'a dit qu'il était très vraisemblable que
19 le Tribunal -- enfin eux -- enfin, les Nations Unies n'auraient plus besoin
20 de moi. J'ai répondu : Je ne crois pas que ce soit le cas vous allez me
21 rappeler; et c'est exactement ce qui s'est passé.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Bon, vous avez signé à nouveau la
23 deuxième déclaration.
24 Est-ce qu'à un moment donné, on vous a dit, Monsieur Dabic, vous
25 allez témoigner dans l'affaire de M. Seselj ou dans une autre affaire ?
26 Est-ce qu'on vous a dit pour quelle affaire vous risquez de témoigner, ou
27 bien ne vous a-t-on rien dit du tout ?
28 R. Si je me souviens bien, ils ne m'ont rien dit.
Page 15107
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ils vous ont rien dit. Est-ce qu'on vous a
2 promis de l'argent, une localisation ailleurs, un travail ? Est-ce qu'on
3 vous a fait des promesses ou des menaces, ou bien, l'entretien a été
4 purement technique et il ne s'est rien passé ?
5 R. Lors de ma première rencontre avec Mme Brigitte, elle m'a proposé -- ou
6 plutôt, elle m'a dit, n'est-ce pas, que je pourrais aller, par exemple, en
7 Amérique pour travailler dans une Ekonomija, que j'aurais un bon salaire,
8 que je recevrais de l'argent. L'argent que j'ai reçu de Mme Brigitte, ce
9 n'était que mes indemnités journalières -- ou plutôt, les indemnités pour
10 mes absences au travail et les billets qui m'ont été payés pour mon voyage.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, maintenant, je veux savoir : comment se sont
12 passés vos contacts avec la Défense de M. Seselj ? Puisque le Procureur a
13 reçu des déclarations, vous n'êtes pas convoqué, comment ça s'est passé ?
14 Est-ce eux qui vous ont appelé ? Est-ce vous qui les avez appelés ? Dites-
15 moi : comment ça s'est passé ?
16 R. Monsieur le Juge -- ou plutôt, Monsieur le Président, Madame, Monsieur
17 les Juges, j'ai envoyé, par mail au siège du Parti radical serbe de Zemun,
18 un message indiquant que je souhaitais entrer en contact avec l'équipe
19 chargée de la Défense de M. Seselj. Donc ce message a été envoyé par la
20 poste, et je suis certain qu'il a été remis à l'entrée du bâtiment du Parti
21 radical serbe de Zemun.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Pourquoi vous avez éprouvé le besoin de faire savoir
23 au Parti radical serbe que vous vouliez témoigner ? Pourquoi ?
24 R. Très franchement et nonobstant le fait que le Pr Seselj y est présent
25 ici, je crois que, pour moi, c'était une injustice à son égard. Donc ce que
26 j'ai fait tout simplement, c'est décider -- après avoir passé des jours et
27 des nuits sans sommeil, j'ai donc décidé de modifier ma déclaration et de
28 ne pas être un témoin à charge dans le procès intenté au Pr Vojislav
Page 15108
1 Seselj.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez rencontré qui parmi les collaborateurs de
3 M. Seselj ? Quel était votre contact ou vos contacts ?
4 R. J'ai rencontré M. Jadranko Vukovic, si tant est que c'est un monsieur,
5 et il est certain qu'il l'est.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Vous les avez rencontrés combien de fois ? Une
7 fois ? Deux fois ? Cinq fois ? Combien de fois ?
8 R. Chaque fois que je recevais une invitation de l'Accusation, je l'en
9 informais. Ou, plus précisément, nous l'informions et nous vous informions
10 vous aussi, les Juges, que je ne souhaitais pas être témoin à charge dans
11 le procès intenté à M. le Pr Vojislav Seselj.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous avez donné des déclarations à la Défense de M.
13 Seselj. Ces déclarations, c'est eux qui les ont établies à partir de ce que
14 vous leur avez dit, et ensuite ils vous ont fait signer ? Comment ça s'est
15 passé ?
16 R. Monsieur le Juge, c'est moi qui ai écrit ces déclarations de ma main,
17 déclaration que nous avons transportée au tribunal de Novi Sad pour
18 certification, ainsi qu'au tribunal de Belgrade. Je me rappelle très bien.
19 C'était au quatrième tribunal régional de Belgrade, pour la municipalité de
20 Zemun. J'ai porté ces déclarations en personne en compagnie de M. Jadranko
21 Vukovic.
22 Mme LE JUGE LATTANZI : Une petite chose, Monsieur le Président.
23 Pour certification, attestation de votre signature ?
24 R. En rapport avec ces déclarations.
25 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui. Mais la signature. Vous n'avez pas rendu la
26 déclaration devant aucune autorité officielle serbe ?
27 R. Non, non, non. Toutes ces déclarations, je les ai signées
28 personnellement de ma main, et je les ai apportées au tribunal de Novi Sad
Page 15109
1 et au tribunal de Belgrade, accompagné de mes papiers d'identité. Quand je
2 dis Belgrade, c'est Zemun. C'est pareil.
3 Mme LE JUGE LATTANZI : Pour attester, pour certifier votre signature ?
4 R. Oui, oui. Oui, oui, absolument. Le sceau du tribunal, pour qu'il y ait
5 le sceau du tribunal.
6 Mme LE JUGE LATTANZI : Sur votre signature ? Le sceau du tribunal sur votre
7 signature, qui confirme que la signature en bas, est la signature de M.
8 Vojislav Dabic ?
9 R. Tout à fait exact et conforme à la réalité, car aucun document
10 provenant d'un tribunal --
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous dites que c'est vous-même qui
12 avez rédigé la déclaration que vous avez remise à la Défense; est-ce que
13 vous avez écrit ce texte à la main ? Est-ce que ça a été ensuite
14 dactylographié, ou est-ce que c'est vous-même qui avez rédigé --
15 dactylographié ce texte ?
16 R. Monsieur le Juge Harhoff, c'est moi personnellement qui ai écrit cela
17 sur une page de cahier, et pour vous dire la vérité, je ne sais pas taper à
18 la machine. Donc, j'ai écrit cela sur une page de cahier avec des lignes,
19 si cela vous intéresse, pas une page avec des carreaux. C'est moi qui ai
20 écrit cela en personne pendant que vous dormiez tout, sans doute, c'est-à-
21 dire la nuit.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Qui est-ce qui a dactylographié ce
23 texte ? Le savez-vous ?
24 R. Puisque j'ai envoyé donc cela à Belgrade, M. Jadranko Vukovic et
25 l'équipe de Défense de M. le Pr Seselj, c'est eux qui ont dactylographié
26 ça. Donc, tout comme je l'avais écrit, ils l'ont tapé à la machine, et j'ai
27 vérifié. J'ai vérifié entre ma déclaration et le texte qu'ils ont
28 dactylographié.
Page 15110
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question, Monsieur, et après je laisserai
2 ma collègue vous poser des questions, car j'en aurais terminé pour ma
3 partie.
4 Quand vous avez rencontré M. Jadranko Vukovic, est-ce qu'il vous a menacé ?
5 Est-ce qu'il vous a proposé de l'argent ? Est-ce qu'il vous a dit que vous
6 aurez un travail, ou bien il vous a dit : Voilà, vous avez pris contact
7 avec nous, donnez-nous votre déclaration ?
8 R. M. Jadranko Vukovic ne m'a offert aucun poste, aucun travail. Il ne m'a
9 pas donné d'argent du tout. J'étais employé à Novi Sad, là où je réside. Je
10 travaillais dans un bistrot, et je n'avais pas besoin d'argent. Il n'y a
11 pas que lui, cela concerne tous les autres membres de l'équipe de Défense.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Ultime question. Aujourd'hui, est-ce que vous êtes
13 membre du Parti radical serbe ou pas ?
14 R. Monsieur le Juge Antonetti, Madame, Monsieur les Juges, je ne suis
15 membre d'aucun parti. Je ne suis, par conséquent, pas membre du Parti
16 radical serbe, et cela vu que la politique ne m'intéresse nullement.
17 M. LE JUGE ANTONETTI : Dernière question. Tout à l'heure vous avez appelé
18 ma collègue par son nom, et puis là, je vois que vous m'appelez par mon
19 nom. Je ne savais pas que j'étais aussi célèbre que cela. Comment se fait-
20 il que vous connaissiez mon nom ?
21 R. Votre nom, je le vois qu'il s'affiche sous mes yeux à l'écran, en ce
22 moment, mais aussi lorsque j'ai reçu la convocation pour venir déposer
23 devant ce Tribunal. On voyait bien écrit votre nom également, pour autant
24 que je le sache, et j'ai la convocation sur moi.
25 M. LE JUGE ANTONETTI : Effectivement vous avez raison. Mon nom est sur
26 l'écran.
27 Bien. Madame Biersay, c'est Mme la Juge Lattanzi qui va commencer à poser
28 les questions.
Page 15111
1 Mme BIERSAY : [interprétation] Mais j'avais une petite question à vous
2 poser. Nous n'avons pas beaucoup de déclarations, et peut-être pour le
3 compte rendu, serait-il bon de faire référence à leur numéro 65 ter,
4 puisqu'il y a des numéros 65 ter qui leur ont été donnés pour que l'on
5 puisse suivre ce document.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous pourrez donner tous les numéros que vous
7 voulez. Moi, mes questions c'était sur le plan général. Je ne suis pas
8 rentré dans le détail. Mais peut-être que ma collègue va le faire, je n'en
9 sais rien.
10 En tout cas, vous, tout à l'heure, vous pourrez dire que la déclaration du
11 mois de novembre, c'est tel numéro. Mais, moi, j'avais juste 30 minutes, et
12 je ne voulais pas gaspiller le temps.
13 Alors je donne la parole à ma collègue.
14 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur le Témoin, avant tout, une petite chose qui
15 se relie aux questions posées par le Juge Antonetti. J'ai voulu seulement
16 savoir si, pendant les déclarations que vous avez relues à Mme Brigitte -
17 je ne me rappelle pas le nom de famille - y avait-il un interprète présent
18 ?
19 R. L'interprète c'était Mme ou Mlle Majda de Tuzla. Je pense que c'était
20 ça son prénom. Elle était assise juste à côté d'elle, et moi, j'étais
21 installé devant, on avait des échanges.
22 Mme LE JUGE LATTANZI : Qu'est-ce qu'elle a fait cette interprète, elle n'a
23 rien fait ? Elle ne vous a pas lu en serbe la déclaration écrite en anglais
24 ?
25 R. Pour être tout à fait franc, comme je me suis engagé au début. Alors
26 voyons un exemple, je dis, par exemple, à Mme l'interprète une chose, et
27 puis je pense qu'en fait lorsqu'elle s'adressait à Mme Brigitte, elle
28 expliquait différemment. Elle changeait. Donc la déclaration écrite en
Page 15112
1 anglais, tapée sur cet ordinateur portable, elle me l'a lue en serbe, en
2 serbo-croate, comme vous le voulez. Donc, là aussi, j'ai pu arriver à la
3 conclusion qu'il y a eu certains changements qui se sont produits, des
4 changements de détail, quand il y a eu l'interprétation.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : L'interprète aurait changé, n'aurait pas traduit
6 exactement ce que vous disiez ?
7 Bien, Monsieur. Alors quelques questions, très peu de questions en vérité
8 sur le fond de notre affaire. Vous parlez, à un certain moment dans la
9 déclaration de novembre 2000, de certains rassemblements où il y aurait eu
10 des messages pacifistes mais, en présence d'extrémistes avec des cocardes,
11 avec des chants nationalistes; est-ce que vous pouvez identifier ces gens
12 comme appartenant à un groupe particulier ?
13 R. Madame, donc quand je m'adressais à Mme Majda, j'ai dit que c'étaient
14 des rassemblements. J'ai parlé en fait de réunion, elle a traduit cela
15 comme des rassemblements. Là, en fait, je ne connaissais personne, parce
16 que, pendant la guerre, moi-même je portais un calot traditionnel serbe, la
17 sajkaca et la cocarde. Il est possible qu'il y en ait eu cinq ou six qui
18 étaient habillés comme ça. Mais, par exemple, quand on va en match de foot,
19 il faut avoir bu, ou il faut être drogué pour pouvoir jouer son rôle de
20 supporter.
21 Mme LE JUGE LATTANZI : Toujours dans la même ligne, vous parlez à nouveau
22 dans la déclaration de novembre 2000, de volontaires chetniks armés, avec
23 de petites armes automatiques, des grenades. Encore ces volontaires que
24 vous qualifiez de Chetniks; est-ce que vous pouvez les identifier de façon
25 plus précise ?
26 R. Madame, revenons en arrière de nouveau. Moi aussi, j'avais une cocarde,
27 une sajkaca, et on me qualifiait de Chetnik. Quant à savoir d'où étaient
28 ces volontaires, ça, je ne peux pas le savoir.
Page 15113
1 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi, revenons un moment en arrière. J'ai lu
2 dans une de vos déclarations qu'un certain moment, vous dites que votre
3 famille est opposée à votre recrutement pendant la guerre, et on vous a
4 envoyé à Moscou. Vous confirmez cela ? Qu'est-ce des mariages mixtes ?
5 R. C'est exact. Exact, c'est tout à fait juste. A l'approche de la guerre,
6 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, la guerre qui avait déjà
7 éclatée en Croatie, et comme d'orientation, j'étais toujours serbe
8 orthodoxe, c'est-à-dire j'ai épousé l'orthodoxie, mes parents ont eu peur
9 qu'il ne me vienne à l'esprit éventuellement de rejoindre les rangs de
10 l'armée serbe ou de la JNA ou de la Défense territoriale. C'est alors que
11 mes parents m'ont envoyé en Russie, plus précisément à Moscou, il y avait
12 là une parente de mon père et c'est là que j'ai travaillé comme son
13 chauffeur privé.
14 Mme LE JUGE LATTANZI : Comment - excusez-moi, mais je suis un peu malade -
15 comment avez-vous après décidé de rentrer en Serbie et de vous joindre à la
16 guerre ?
17 R. La guerre a donc commencé en Bosnie-Herzégovine et, à ce moment-là,
18 j'ai été complètement coupé du reste de ma famille. Nous n'avions plus
19 aucun contact et ça m'a énormément inquiété. Donc un jour, quand cette
20 parente qui était toujours en déplacement pour des affaires - je peux vous
21 donner son nom, s'il le faut - donc elle est partie pour Milan, en Italie;
22 moi, j'ai pris le train Moscou-Belgrade et je suis arrivé à Belgrade,
23 ensuite de Belgrade, je suis allé à Titograd, qui s'appelle aujourd'hui
24 Podgorica, et de Podgorica à Nevesinje. J'ai passé une journée là-bas et
25 puis je suis descendu à Mostar. Là, bien sûr, je suis rentré dans une ville
26 détruite, je me suis rendu chez moi. A la maison, j'ai trouvé mes parents,
27 ma mère, ma sœur, un neveu, et des voisins musulmans des voisins qui se
28 sentaient en sécurité près de ma maison. Donc j'ai erré en ville, j'étais
Page 15114
1 un civil et ça a déplu à beaucoup de gens.
2 Avant la guerre et aujourd'hui, je dois dire, et à jamais j'aimerais
3 l'orthodoxie donc j'ai rejoint la Défense territoriale de la ville de
4 Mostar dans la partie est de la ville.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : Qui est-ce qui vous a convaincu à rejoindre la
6 TO, la Défense territoriale ?
7 R. J'étais âgé de 25 ans, j'étais un civil, je ne pouvais pas librement
8 circuler en ville pendant que d'autres se faisaient recruter. Je suis allé
9 dans la cité de Zelic qui se trouve à côté où il y avait le siège de la
10 Défense territoriale, la TO, et c'est là que j'ai reçu un uniforme et un
11 fusil, un fusil PAP, et de nuit [imperceptible].
12 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur, toujours dans la déclaration de novembre
13 2000, vous parlez de membres chetniks de l'Unité des Karadjordje, d'un
14 certain Arsen Grahovac. Je voudrais savoir quelque chose en plus de ce
15 groupe et quel lien avait-il s'ils en avaient avec Seselj et les
16 volontaires de Seselj ?
17 R. Madame le Juge, il est exact de dire qu'il y avait à Nevesinje un
18 détachement qui s'appelait Karadjordje. On les appelait Chetniks, c'est
19 parce qu'ils portaient des insignes chetniks, des cocardes, et ils avaient
20 à leur tête feu Arsen Grahovac. On a pu voir ça à la télévision également.
21 Mais les membres de ce Détachement Karadjordje, ils étaient tous membres du
22 Mouvement serbe du Renouveau, et cela, parce qu'à l'époque, à Nevesinje et
23 dans les parages, dans les environs et dans toute l'Herzégovine de l'est,
24 d'ailleurs, il n'y avait pas de Parti radical serbe. Quant au Mouvement
25 serbe du Renouveau, nous savons très bien que son président est Vuk
26 Draskovic. On peut dire que c'est un monsieur.
27 Mme LE JUGE LATTANZI : Vous avez raison, à cette date, il n'y en
28 avait pas. Je voudrais savoir si vous dites que les Serbes, qui étaient à
Page 15115
1 Nevesinje et Mostar, étaient les 70 Serbes qui combattaient là, étaient
2 payés par la JNA. Mais vous ne dites pas par qui étaient payés les membres
3 de l'Unité Karadjordje.
4 R. Il est exact de dire que nous recevions l'argent de l'armée populaire
5 yougoslave de la vallée de la Neretva, car il y avait des Serbes à la fois
6 à Mostar et à Nevesinje - là, vous avez raison - et dans toute la vallée de
7 la Neretva. Le 25 mai, elle s'est entièrement repliée de Mostar et de
8 l'Herzégovine orientale. Puis quant à l'argent donné à Karadjordje, je ne
9 peux vous dire que ce que j'en pense. Je pense que c'est vraisemblablement
10 du Mouvement serbe du Renouveau qu'ils recevaient cet argent.
11 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci. Dans la déclaration de juin 2004, vous parlez
12 de 20, 30 hommes de Seselj qui seraient arrivés de Serbie deux ou trois
13 jours après les réservistes de la JNA; leur commandant local était un
14 certain Boban. Vous savez cela directement ou pour ouï-dire ?
15 R. Madame le Juge, pendant que je me trouvais à Mostar avant que je sois
16 blessé, j'ai entendu dire qu'il y avait un petit groupe qui comptait une
17 trentaine de personnes arrivées de Serbie que je n'ai jamais vues moi-même
18 en ville. En ville, il y avait surtout nous, la Défense territoriale. Mais
19 paraît-il qu'ils étaient stationnés au commandement de la garnison, qu'il
20 ne leur est pas arrivé de descendre en ville, et ils auraient été emmenés
21 par un homme dont le nom commençait par un B. Mais je n'ai pas circulé
22 suffisamment souvent en ville et d'ailleurs. La fois où je me suis promené
23 en ville, j'ai été touché par une balle de tireur embusqué au bras, et je
24 ne me souviens pas de ça. Mais ce qui est certain, ce qui est certain c'est
25 qu'en ville, je ne les ai pas vus.
26 Quant au commandement de la garnison, cela se trouve un peu en surplomb par
27 rapport à la ville.
28 Mme LE JUGE LATTANZI : Est-ce qu'on vous a dit aussi comment étaient-ils
Page 15116
1 habillés ?
2 R. Si je me souviens bien, personne ne m'a parlé de leurs habits. Mais
3 nous étions tous en uniforme gris vert olive, les uniformes qui se
4 trouvaient encore dans les entrepôts laissés par la JNA. Donc, l'uniforme
5 tel ou tel insigne, je vous dis encore une fois, moi, j'avais une sajkaca,
6 une cocarde, j'avais une barbe. Et voilà.
7 Mme LE JUGE LATTANZI : Est-ce que ce groupe qui avait la cocarde, qui avait
8 ces insignes qui n'étaient pas des insignes officiels de la JNA ni de la
9 TO, j'imagine, est-ce que c'est ce groupe qui se rassemblait au café à
10 Jezero ?
11 R. Le café à Jezero, il se situait dans la partie ouest de la ville de
12 Mostar, donc sur le territoire croate. Ces groupes dont vous parlez,
13 c'étaient probablement des réservistes arrivés juste avant la guerre,
14 arrivés à Mostar, et naturellement, comme le propriétaire était un Serbe,
15 ils s'y rendaient et ils buvaient. Mais je pense qu'ils n'étaient pas de
16 Serbie.
17 Mme LE JUGE LATTANZI : Monsieur, encore dans la déclaration de 2000, vous
18 évoquez un check point tenu par les hommes de Seselj; est-ce que vous
19 pouvez être plus précis sur cela ? Comment vous savez cela ?
20 R. Oui.
21 Mme LE JUGE LATTANZI : Vous dites aussi que c'était commandé par un certain
22 Kinez.
23 R. Quand je suis arrivé de Russie à Mostar -- ou plutôt, pendant que je
24 voyageais de Nevesinje à Mostar, il y avait là une sorte de poste de
25 contrôle avec cinq ou six hommes en uniforme. C'est vrai que je suis arrivé
26 avec la police militaire de Nevesinje à bord d'une Renaud 5, et j'ai
27 demandé au chauffeur : Qui étaient ces hommes ? Il m'a dit : Certains
28 l'appellent Kinez. Il est possible qu'il soit venu de Serbie. Ils nous ont
Page 15117
1 arrêté et j'ai vu qu'ils étaient en uniforme. Ils ont demandé pourquoi
2 j'étais en civil ou qui étais-je, et mes compagnons ont expliqué que
3 j'étais quelqu'un originaire de Mostar et que je rentrais chez moi.
4 Il ne s'appelait pas Knez, mais Kinez.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi si je reviens sur les rapports entre M.
6 Seselj et Grahovac, parce que, bon, sur cela, vous ne m'aviez pas répondu
7 avant.
8 Est-ce que vous pourriez me dire -- vous dites qu'il était chargé de la
9 sécurité avec des volontaires chetniks. Vous dites encore, dans votre
10 déclaration de 2004, qu'il est le fondateur du Mouvement chetnik serbe, et
11 aurait rencontré Seselj à Belgrade et Bozidar Vucurevic à Trebinje. Je
12 voudrais des détails sur ces choses que vous dites dans vos déclarations.
13 R. Près de chez moi à Mostar, j'avais un ami qui était originaire de
14 Nevesinje, d'un village des environs, et lui, il connaissait très bien le
15 feu Arsen Grahovac. Quand il venait me voir, il me disait qu'Arsen Grahovac
16 se serait rendu, paraît-il, à Belgrade pour rencontrer M. le Pr Seselj. Ça,
17 j'en doute, vraiment, mais il est tout à fait possible qu'il ait rencontré
18 M. Bozidar Vucurevic, le maire de Trebinje, qui se situe à 100 kilomètres
19 environ de Nevesinje. Et je répète, Arsen Karovac était membre du SPO.
20 Certains pensaient que c'était un Chetnik, ainsi que ses hommes qui
21 l'accompagnaient et des soldats. Certains pensaient que c'étaient des
22 Chetniks.
23 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais vous parlez de -- excusez-moi. Vous parlez,
24 dans cette déclaration de 2004, de Grahovac aussi comme d'une personne
25 responsable d'une grande partie des massacres et de pillages dans cette
26 région de Nevesinje; et à nouveau, vous l'approchez aux volontaires de
27 Seselj.
28 R. Madame le Juge, je répète. Tous les soldats là-bas, aux champs de
Page 15118
1 bataille, qui arboraient ces insignes naturalistes ou des cocardes, on les
2 appelait des hommes à Seselj. Puis, vous dites -- vous mentionnez ce
3 massacre et qu'Arsen Grahovac est peut-être responsable de ce massacre. Ça,
4 je ne m'en souviens vraiment pas.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : Pas moi. C'est vous dans la déclaration de 2004.
6 R. Je suppose que c'est parce qu'à l'époque, déjà, on a commencé à
7 expulser la population, ils étaient actifs sur le territoire de la
8 municipalité de Nevesinje. Là-bas, il y avait, il y a encore aujourd'hui
9 pas mal de villages musulmans mais que j'ai entendu dire qu'ils aient
10 égorgé, tué quelqu'un, je suppose que cela a dû se produire. Les Musulmans,
11 ils étaient armés, ce n'était pas innocent. Donc quelqu'un est
12 nécessairement responsable, c'est toujours le commandant qui est
13 responsable, car c'est lui qui décide.
14 Mme LE JUGE LATTANZI : Un est certainement responsable. Mais dans la
15 déclaration, vous parlez exactement de Grahovac, et vous le mettez parmi
16 les volontaires de Seselj. Donc, vous, vous démentissez aujourd'hui cela ?
17 Même si une demi-heure ne s'est pas encore écoulée je ne vais pas enlever
18 encore les questions que le Juge Harhoff va poser. Donc celle-ci est ma
19 dernière question que je vous ai posée.
20 R. Madame le Juge, je ne le conteste pas, mais ce qui m'est difficile à
21 comprendre c'est pourquoi vous ne cessez de mettre en parallèle les
22 volontaires de Seselj, pourquoi vous ne cessez d'utiliser cette expression,
23 les "volontaires de Seselj," ça j'ai du mal, ce n'est pas très clair pour
24 moi.
25 Mme LE JUGE LATTANZI : C'est vous qui l'utilisez dans les déclarations, ce
26 n'est pas moi. Ne mettez pas dans ma bouche ce que je prends de votre
27 bouche, de votre déclaration, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin.
28 R. Mais je viens de vous dire très gentiment que je ne le conteste pas.
Page 15119
1 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
3 Alors ma collègue a donc terminé ses 30 minutes. Nous allons faire la
4 pause, parce que c'est l'heure, et après la pause, donc le Juge Harhoff
5 vous posera des questions. Donc nous nous arrêtons pendant 20 minutes, nous
6 faisons le break.
7 --- L'audience est suspendue à 15 heures 48.
8 --- L'audience est reprise à 16 heures 13.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, l'audience est reprise.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
11 Monsieur Dabic, j'ai à vous poser quelques questions à propos de la
12 déclaration que vous avez fournie à la Défense mais j'ai aussi quelques
13 questions qui porteront elles sur des informations contenues dans les
14 déclarations faites à la Défense comme à l'Accusation.
15 Mais en tout premier lieu, Monsieur Dabic, pendant le premier volet de
16 l'audience, je vous ai demandé si vous aviez écrit à la main la déclaration
17 fournie à la Défense de M. Seselj parce que vous ne savez vous servir d'une
18 machine à écrire. Si je vous ai bien compris, c'est vous qui avez contacté
19 l'organisation chargée de la défense à Belgrade et vous l'avez fait depuis
20 Novi Sad où vous vivez; c'est bien ça vous étiez à Novi Sad lorsque vous
21 avez contacté la Défense à Belgrade ? Où est-ce que vous avez écrit cette
22 déclaration exactement ? Est-ce que vous l'avez écrite à la main chez vous,
23 à la maison à Novi Sad, puis vous l'avez envoyé par la poste à Belgrade ?
24 Comment est-ce que vous avez fait ?
25 R. Ce que vous avez dit au début est tout à fait exact. J'ai écrit
26 ces déclarations dans mon appartement de Novi Sad, dans la rue Gradinarova,
27 au numéro 24. Je les ai donc écrites sur un papier tout à fait normal, au
28 stylo Biro, et ensuite je les ai envoyées au siège du Parti radical serbe,
Page 15120
1 de Zemun.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous avez ajouté que vous aviez
3 vérifié la version dactylographiée, que vous avez comparée à votre texte
4 manuscrit, et vous avez déclaré que ces deux versions étaient parfaitement
5 conformes. Donc quand vous avez fini par voir la version dactylographiée de
6 votre déclaration, vous l'avez comparée à votre version manuscrite, et vous
7 étiez à ce moment-là convaincu qu'il s'agissait exactement du même texte;
8 est-ce bien cela ?
9 R. Exact, Monsieur le Juge.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous faut-il comprendre que la
11 version que vous avez fournie à la Défense, nous, nous n'avons que la
12 version dactylographiée, mais que ce texte est parfaitement identique à la
13 version manuscrite que vous avez envoyée ? Vous avez compris ma question ?
14 R. Absolument.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Est-ce qu'on vous a donné
16 des consignes pour vous dire comment il faudrait libeller, formuler ce
17 genre de déclaration ?
18 R. Voyez-vous, j'ai donc écrit ma déclaration comme je croyais savoir le
19 faire ou plus précisément comme l'équipe de la Défense me l'a demandé, et
20 je l'ai fait sur la base de mes souvenirs. Parce que malgré tout, la guerre
21 s'est passée il y a longtemps. Elle était loin, Monsieur, croyez-moi, je ne
22 saurais vous dire aujourd'hui ce que j'ai mangé il y a trois jours.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Moi non plus. Ne vous en faites pas.
24 Non, ce qui m'intéresse, vous voyez, c'est de voir comment vous êtes
25 parvenu à rédiger à cette déclaration. Je vous demandais par ma question,
26 si on vous a donné des instructions sur la façon dont il fallait vous y
27 prendre pour -- est-ce qu'on vous a donné des consignes, des instructions,
28 ou est-ce que vous vous êtes contenté de vous mettre à table et d'écrire
Page 15121
1 cette déclaration ?
2 R. Cette déclaration, je l'ai écrite comme l'équipe de la Défense m'avait
3 demandé de le faire, donc dès que je les ai contactés, ils ne m'ont pas dit
4 que je devrais ne dire qu'est-ce qui pouvait être favorable au Pr Vojislav
5 Seselj. J'ai mis par écrit ce dont je pouvais me souvenir, au sujet de ce
6 qui s'était passé pendant toutes ces journées. Peut-être pourrait-on
7 d'ailleurs apporter la déclaration que j'ai écrite de ma main, que je
8 pourrai la voir pour voir qu'elle est vraie et certifiée au tribunal.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous parlons ici de deux
10 déclarations, n'est-ce pas, une en mai et l'autre en juin 2007; l'une en
11 mai, l'autre en juin 2007, n'est-ce pas ?
12 R. Si je me souviens bien, j'ai écrit cinq déclarations. Celles-ci, ce
13 sont les deux premières.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est bien cela.
15 La première fois que vous avez contacté l'équipe de la Défense à Belgrade;
16 est-ce que vous leur avez passé un coup de fil à ces gens, ou est-ce que
17 vous êtes allé en personne, les voir ? Qu'est-ce que vous avez fait
18 précisément ?
19 R. Une fois que j'ai écrit ma première déclaration, j'ai évidemment apposé
20 ma signature à la fin de cette déclaration. J'ai écrit mon adresse,
21 l'adresse de mon lieu de résidence à Novi Sad. J'ai fourni un numéro de
22 téléphone qui était celui de mon appartement à Novi Sad et aussi celui du
23 petit café où je travaillais, à Novi Sad. Après ça, ils m'ont appelé et
24 j'ai pris place à bord d'un autobus et je suis parti.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc ça, ça s'est passé après que
26 vous les avez rencontrés à Belgrade, c'est après cela que vous avez rédigé
27 cette déclaration ou est-ce que vous l'aviez rédigée auparavant ?
28 R. Non, excusez-moi, Monsieur le Juge. Je les ai rencontrés après avoir
Page 15122
1 envoyé ma déclaration. Donc d'abord, j'ai envoyé ma déclaration, l'adresse
2 de mon lieu de résidence, mon numéro de contact, numéro de téléphone pour
3 pouvoir les rencontrer et nous nous sommes rencontrés, nous avons discuté.
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais, Monsieur Dabic, les deux
5 premières déclarations en tout cas, elles sont précédées d'un préambule,
6 vous vous présentez. Si je cite le préambule de votre déclaration, il est
7 dit, voilà, je soussigné, Vojislav, fils d'untel, né tel jour. Puis vous
8 donnez votre numéro de carte d'identité, déclare par la présente, et puis
9 vous faites votre déclaration; est-ce que, là aussi, c'est vous qui avez
10 choisi ces termes-là, qu'on retrouve dans vos déclarations manuscrites ?
11 R. A 100 %, prouver par des arguments. Il y a mon numéro de carte
12 d'identité, mon numéro d'identification personnelle et tout le reste.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis certain que toutes les
14 coordonnées que vous donniez sont exactes. Uniquement la forme m'intéresse,
15 c'est vous qui avez eu l'idée de commencer cette déclaration par ce
16 préambule assez court où vous donnez tous ces détails vous concernant. Vous
17 dites que je déclare par la présente que, puis nous avons votre
18 déclaration.
19 Je vais vous montrer ce que je veux dire. Regardez, est-ce que vous voyez
20 ce feuillet ? Ça, c'est votre déclaration. Vous voyez, il y a un premier
21 paragraphe; est-ce que c'est vous personnellement qui avait eu l'idée de le
22 formuler ainsi ?
23 R. La mienne, oui.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc ça n'a pas été ajouté par
25 quelqu'un d'autre ? On va trouver ce premier paragraphe dans votre
26 déclaration manuscrite aussi ?
27 R. Oui, c'est exact. C'est moi qui ai écrit personnellement tout cela.
28 Parce que, bon, cela n'a pas de rapport avec le sujet, mais enfin je vivais
Page 15123
1 seul, n'est-ce pas.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
3 Je voulais, en vous posant ces questions, vous demander des précisions sur
4 la façon dont vous avez préparé cette déclaration à l'intention de la
5 Défense. Maintenant cette question est réglée.
6 Ma deuxième série de questions porte sur ce que vous avez indiqué vous-
7 même. Vous avez dit que la politique ne vous intéressait pas du tout, c'est
8 ce que vous avez dit au début d'audition. La politique ça ne vous
9 intéressait pas du tout. Pourtant, vous avez déclaré que vous aviez assisté
10 aux réunions, vêtu d'une sajkaca et portant la cocarde, donc la barbe
11 longue, donc vous aviez l'apparence d'un Chetnik. Or, pour moi, ça c'est
12 déjà un message politique. Ça montre l'opinion politique qui était la
13 vôtre, mais le fichier aussi à l'intention des autres. Votre aspect
14 physique, est-ce qu'il était apolitique car vous affirmiez être apolitique
15 ?
16 R. Voyez-vous, Monsieur, je vivais et travaillais à Mostar le plus souvent
17 dans le métier de chauffeur de taxi, et je transportais donc des gens qui
18 allaient à ces réunions et j'allais avec eux. Quand vous allez quelque part
19 avec quelqu'un, vous n'êtes pas obligé d'y être mais enfin vous voyez ce
20 qui se passe. Ensuite vous entendez des gens, qui vous disent : Il y a
21 telle et telle personne qui est venue à la réunion. Je ne sais pas si c'est
22 à cela que vous pensiez.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Ecoutez, je comprends qu'on
24 vous a vu à ces réunions et que vous aviez l'air d'un Chetnik, mais ma
25 question n'était pas celle-là. Je vous disais que, si vous étiez vraiment
26 sérieux quand vous disiez que vous n'aviez pas d'intérêt du tout pour la
27 politique, que les questions politiques ne vous intéressaient aucunement,
28 je suis surpris de voir ce que vous avez dit, à savoir que vous portiez
Page 15124
1 aussi ce bonnet en fourrure de sajkaca, et que vous arboriez la cocarde
2 entre autres symboles physique typique des Chetniks, par exemple, que vous
3 portiez la barbe longue. Parce que tout du moins pour moi, ça ce n'est pas
4 apolitique; au contraire, c'est très politique. Vous avez fait votre point
5 de vue particulier, peu m'importe lequel. Par ailleurs, vous ne pouvez pas
6 à mon avis continuer de dire que la politique ça ne vous intéresse pas tout
7 en vous habillant comme s'habille quelqu'un qui est manifestement politisé.
8 Vous voyez le dilemme qui est le mien ?
9 Monsieur Dabic, si honnêtement vous n'aviez aucun intérêt pour la
10 politique, le fait de vous habiller comme le fait un Chetnik, ça n'a deux
11 sens : que si l'on dit : Bien, je l'ai fait, je me suis habillé comme un
12 Chetnik simplement. Je [imperceptible] pour être accepté. Mais qu'au fond
13 vous ne vouliez pas véritablement adopter les vues politiques des Chetniks
14 ou de bon nombre d'entre eux. Donc lorsque vous dites que vous n'étiez pas
15 un homme politique, que vous étiez apolitique, ce n'est pas exact ou alors
16 les raisons, qui vous faisiez, que vous vous habilliez comme un Chetnik,
17 étaient fausses. Alors qu'est-ce qu'on choisit entre les deux ?
18 R. Monsieur le Juge Harhoff, si j'avais continué à me rendre à ces
19 meetings à suivre tout cela de près, parce qu'il y avait beaucoup de
20 meetings de ce genre en Bosnie-Herzégovine à l'époque, je ne serais pas un
21 homme simple aujourd'hui et vraiment je me serais investi en politique.
22 Mais on sait bien qui sont les vrais hommes politiques jusqu'où ils vont et
23 tout ce qu'ils font. Donc le fait que, moi, j'allais là-bas en accompagnant
24 quelqu'un, cela ne signifie pas que c'est absolument sur le moindre rapport
25 avec une politique déterminée ou avec une certaine propagande, n'est-ce pas
26 ?
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Laissons ce sujet de côté. Passons à
28 autre chose.
Page 15125
1 J'ai quelques questions à propos des informations que vous fournissez à
2 l'Accusation dans les déclarations que vous lui avez faites. Ces éléments
3 d'information que vous donnez dans ces déclarations à l'Accusation semblent
4 indiquer que vous quelque part vous saviez que M. Arsen Grahovac était
5 trempé, impliqué dans l'assassinat de plusieurs civils non-Serbes. Comment
6 le saviez-vous ? Est-ce que c'est lui qui vous l'a dit ? Est-ce qu'il vous
7 a dit qu'il avait trempé dans ces meurtres ?
8 R. Monsieur le Juge Harhoff, d'abord, Nevesinje se trouve à 45 kilomètres
9 de Mostar. Je vivais à Mostar et le défunt Arsen Grahovac vivait à
10 Nevesinje où avait son Détachement Karadjordje. Donc ce sont des choses que
11 j'ai entendues, je ne les ai pas vues. Si je les avais vues j'aurais fait
12 partie de son unité. Mais, moi, je vivais à Mostar et lui était dans la
13 région de Nevesinje dans la municipalité de Nevesinje.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je comprends mais j'essaie de savoir
15 si les informations que vous avez fournies sont fiables. A plusieurs
16 reprises, vous avez dit avoir entendu dire que lui avait participé à des
17 crimes. Moi, j'aimerais savoir : comment vous l'avez appris ? Est-ce que
18 c'est lui en personne qui vous l'a dit ? Parce que vous avez fait sa
19 connaissance plus tard; est-ce qu'à un moment donné, il vous a dit droit
20 dans les yeux qu'il était membre du Parti radical serbe, et qu'il avait
21 trempé dans ces crimes ou dans d'autres infractions aussi ?
22 R. D'abord, le défunt Grahovac n'était absolument pas membre du Parti
23 radical serbe, il était membre du Mouvement serbe du Renouveau, et ce sont
24 deux instances différentes. Le Mouvement serbe du Renouveau était le parti,
25 si je peux me permettre de l'appeler ainsi, du défunt Vuk Draskovic. Quant
26 au défunt Grahovac, je l'ai rencontré à Nevesinje, il avait son propre café
27 qui s'appelait Ravno Gora, et là, on voyait ses hommes qui venaient, ses
28 soldats qui étaient souvent ivres et disaient toutes sortes. Donc c'était
Page 15126
1 un endroit où il n'était pas difficile d'entendre ce que d'autres
2 racontaient. Vous comprenez. Par exemple, si nous revenions du village de
3 Kljuna, c'était un hameau de la municipalité de Nevesinje, habité par des
4 Musulmans, donc on les entendait dire : Nous revenons de là et nous les
5 avons massacrés les Musulmans, et cetera.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous auriez une idée approximative de
7 la date à laquelle vous avez entendu dire cela dans ce café ?
8 R. C'était l'été. Je vais vous dire tout de suite. J'ai été blessé au mois
9 de juin, donc à peu près au mois d'octobre, les expulsions de la population
10 non-serbe avait commencé à se faire massivement, parce qu'après le jour où
11 j'ai été blessé le 13 juin, je n'ai pas été dans la région du tout pendant
12 deux mois. J'étais à l'hôpital militaire à Melinje, je crois vous l'avoir
13 dit pas loin de Herceg Novi, il y avait là-bas pas mal de blessés qui se
14 faisaient soigner.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'essaie simplement de me faire une
16 idée plus précise du moment où vous avez entendu dire que feu M. Grahovac
17 avait été impliqué dans des crimes, des meurtres. Est-ce que c'était au
18 cours du printemps ou au cours de l'automne 1992 ?
19 R. Si je me souviens bien, c'était au printemps, pour autant que ma
20 mémoire me serve encore. Vous comprenez, parce que si cela s'était passé à
21 l'automne de 1992, moi, je suis arrivé au mois de juin et l'automne, c'est
22 après le mois de juin.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ça ne fait pas l'ombre d'un doute.
24 Mais est-ce que vous avez entendu dire cela avant d'être blessé ?
25 R. Exact.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bon. Avant le 13 juin 1992, dans ce
27 café, vous avez entendu dire que M. Grahovac avait participé à des meurtres
28 ?
Page 15127
1 R. Je vais vous dire. C'est exact. Mais, aujourd'hui, je ne saurais vous
2 dire que je l'ai vu tuer dix ou 15 personnes, vous comprenez ?
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je comprends parfaitement. On ne
4 parle pas ici du fait que vous vous auriez vu, été témoin de ces crimes.
5 Mais nous parlons uniquement des informations que vous avez données à
6 l'Accusation disant que vous aviez entendu dire que feu M. Grahovac avait
7 été impliqué dans des meurtres. Si nous avons bien compris maintenant, vous
8 avez entendu dire, à un moment donné, mais avant la date du 13 juin 1992.
9 R. Exact.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. J'essaie d'en savoir un
11 peu plus sur ces informations. Est-ce que vous l'avez entendu dire cela
12 lui-même ? Est-ce que c'est lui qui a tenu ces propos, lui-même, ou est-ce
13 que c'est quelque chose qui s'est dit dans le café ?
14 R. Je l'ai entendu dans ce café, mais si j'avais été membre de son unité,
15 je pourrais aujourd'hui vous confirmer à 100 % que les choses sont
16 conformes à la réalité, vous comprenez. Je n'étais pas dans la même
17 formation.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais qui a tenu ces propos ? De qui
19 l'avez-vous entendu dire ?
20 R. Je l'ai entendu de la bouche de ses soldats à lui, qui étaient dans ce
21 café, à moitié ivres, qui parlaient. Lui parlait aussi, et je ne suis pas
22 resté longtemps parce que la majorité d'entre eux était ivre et armé. En
23 effet, en général, pendant la durée de la guerre, c'est dans ces conditions
24 que les meurtres avaient lieu très souvent dans des cafés où il y avait des
25 hommes à moitié ivres avec un pistolet ou un fusil à la main. Tout
26 simplement, la barre part. Vous comprenez ? Ensuite, toutes sortes de
27 choses se racontent.
28 Mais excusez-moi. Je voudrais vous dire aussi, vous savez, un café c'est
Page 15128
1 une très bonne source d'information. Dans un café, on entend toutes sortes
2 de choses et c'est la raison pour laquelle il faut éviter d'y aller.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est peut-être vrai.
4 Est-ce que M. Grahovac était présent dans ce café lorsque vous avez entendu
5 dire cela, ce jour-là, lorsque vous les avez entendus parler des meurtres ?
6 R. Il était là.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc, il était là en chair et en os;
8 est-ce qu'il a confirmé cela ? Il a dit : Oui, oui, oui, c'est ce que j'ai
9 fait; a-t-il dit cela ?
10 R. Si je me souviens bien, oui.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ce qui veut dire que l'information
12 fournie par vous à l'Accusation, c'est que vous avez entendu dire par
13 Grahovac en personne que lui et, ou lui ou ses soldats avaient participé à
14 plusieurs meurtres, et que vous avez entendu dire cela avant le 13 juin
15 1992. Est-ce que j'ai bien compris ?
16 R. Je vous ai dit clairement tout à l'heure que son café n'était pas grand
17 et que, donc, que les conversations étaient faciles à entendre. Je peux
18 vous dire qu'un homme qui est ivre dit la vérité et seulement la vérité.
19 Par ailleurs, il n'était pas le seul à le raconter. Ses collaborateurs
20 aussi l'ont fait.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Il y a un diction qui dit que :
22 "On entend toujours la vérité sortir de la bouche d'un enfant ou d'un
23 ivrogne."
24 Revenons à ce dont nous parlions, il y a un certain temps, à propos de
25 l'affiliation politique à un parti. Nous parlons ici de feu M. Grahovac.
26 Vous nous avez dit qu'il faisait partie du parti de M. Draskovic. Pourtant,
27 dans votre déclaration, je pense de mai 2007 -- non, non, attendez. Dans la
28 déclaration fournie au bureau du Procureur, en juin 2004, vous semblez dire
Page 15129
1 que M. Grahovac était en fait membre du SRS
2 Nevesinje. Je vous demande dès lors ceci : Est-ce qu'à un moment donné,
3 plus tard, est-ce qu'il est devenu membre du SRS
4 Ou est-ce qu'il y a une méprise ? Est-ce qu'on a mal compris ce que vous
5 avez dit au bureau du Procureur ?
6 R. Je vous ai bien dit que je n'affirme pas à 1 000 000 000 000 %,
7 excusez-moi pour cette expression, que le défunt M. Grahovac était membre
8 du Mouvement du Renouveau serbe, mais je ne sais pas comment cela a été
9 interprété parce que c'est tout de même vrai à 99 %, le Mouvement serbe du
10 Renouveau, par conséquent. Je vous répète encore une fois, avec certitude,
11 que ni avant la guerre, ni pendant la guerre à Nevesinje, il n'existait un
12 Parti radical serbe, pas plus qu'il n'y a eu à Nevesinje la moindre
13 initiative dans cette période pour faire exister le Parti radical serbe. Je
14 le dis en dépit de la présence de M. Seselj ici, aujourd'hui.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je comprends, mais je voulais
16 simplement tirer au clair ou avoir des éclaircissements sur l'information
17 contenue dans cette déclaration. Donc, là, peut-être y a-t-il eu une erreur
18 qui s'est glissée dans la déclaration recueillie par le bureau du
19 Procureur.
20 Passons à une question connexe. Nous sommes toujours en train d'examiner la
21 déclaration du mois de juin 2004. En effet, à la page suivante, vous
22 semblez dire la chose suivante, je vais maintenant citer votre déclaration.
23 Voici ce que vous avez dit au bureau du Procureur. Vous parlez de M.
24 Grahovac et vous dites ceci :
25 "Son groupe a été responsable d'assassinats et du nettoyage de lieux comme
26 Ladjice Kula, près de Gacko, Buna, Mostar, Bijelo Polje, mais aussi
27 l'endroit comme celui de Pijesci, qui se trouvait sur la route de Mostar à
28 Stolac. Ce sont eux, ils ont commis les pires crimes à Nevesinje dans le
Page 15130
1 village de Sopilja, où ils ont tué plus de 100 personnes."
2 Bon. Ceci se rapporte à ce que vous avez peut-être entendu dire dans le
3 café. Vous poursuivez et vous dites ceci :
4 "A Mostar, il y avait une autre Unité de Chetniks. Il y en avait à peu près
5 50 dans cette unité. Ces Chetniks portaient -- arboraient les insignes
6 chetniks, la cocarde, l'aigle à deux têtes,
7 et nous savions tous que c'étaient des volontaires de Seselj, qui venaient
8 de Serbie. Cette unité ne portait pas de nom particulier.
9 Monsieur Dabic, j'aimerais savoir comment vous avez appris que cet autre
10 groupe de volontaires qui était environ 50, était les volontaires de Seselj
11 ?
12 R. Excusez-moi, je répète comme un perroquet. Le groupe était cantonné à
13 la garnison de Mostar, au commandement de la ville. Donc ils ne rentraient
14 pas en ville. Ils ne descendaient pas en ville, donc je n'osais pas monter
15 là où ils étaient, parce qu'il y avait beaucoup de tireurs embusqués en
16 ville. Donc je ne pouvais pas connaître avec certitude si c'étaient bien
17 des hommes à Seselj, comme on les appelait des Chetniks. Mais d'autres
18 personnes m'ont dit qu'ils étaient certainement venus de Serbie puisque
19 c'est comme ça qu'ils parlaient à la mode des Serbes de Serbie.
20 Comment ils sont venus, par quel moyen, envoyer par qui. Je ne sais pas, la
21 plupart sont venus en tant que volontaires de leur propre chef, vous
22 comprenez. Ils se rendaient là où il y avait des combats. Et, la plupart
23 d'entre eux sont sans aucun doute venus à l'insu de tout le monde. Comme
24 vous venez de le dire, pour le Groupe d'Arsen, c'était une unité qui se
25 déplaçait partout. Il montait dans un autocar, et puis juste avant la
26 guerre, sur la route Mostar Nevesinje. Ils ont installé, dressé des
27 barricades de leur propre chef. Ils arrêtaient des véhicules, des autocars
28 et la politique n'osait pas toucher à eux. Donc ils faisaient ce qu'ils
Page 15131
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des
12 versions anglaise et française
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
Page 15132
1 voulaient. Je peux vous assurer que ce groupe d'hommes à Seselj, de ces
2 volontaires de Seselj, je ne sais pas comment ils se sont rendus là-bas.
3 Mais il est certain qu'ils ne circulaient pas dans la ville de Mostar, du
4 moins, moi, je n'en ai pas vu.
5 Beaucoup de choses, qui se sont produites, leur ont été attribuées;
6 cependant, il n'y avait pas qu'eux, il y avait aussi la Défense
7 territoriale. Moi-même, j'étais membre de cette Défense territoriale,
8 n'est-ce pas ?
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Certes. Clarifions un peu les choses.
10 Vous étiez membre de la TO parce que vous avez rejoint les rangs de la TO.
11 Vous dites que plusieurs groupes de Chetniks en faisaient aussi partie,
12 mais ils agissaient de façon parfaitement indépendante. Ils faisaient ce
13 qu'ils voulaient, ils allaient où ils voulaient. Donc j'aimerais savoir
14 comment s'est passée la coordination entre la TO et ces groupes ?
15 R. Que je sache et si mes souvenirs sont bons, je m'en souviens très bien,
16 il n'y avait quasiment aucune coordination. A un moment, ils ont même
17 essayé de tuer notre commandant de la Défense territoriale. Ils se sont
18 rendus au QG, voilà, j'ai un exemple. Mon groupe de TO, tout le monde
19 savait qu'on gardait le pont des douanes à Mostar, et c'est très près de ma
20 maison. Puis ces unités paramilitaires, car il faut savoir que la vallée de
21 la Neretva, est vaste, et il y avait partout des gens qui échappaient à
22 tout contrôle et qui étaient armés. Ils se présentaient comme des hommes à
23 Seselj, des Aigles blancs, des insignes noirs, donc des noms à faire peur.
24 Mais je pense que ce qu'ils préféraient dire c'est qu'ils sont des hommes à
25 Seselj.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais ils n'étaient pas contrôlés par
27 des supérieurs, enfin ils n'étaient pas sous le contrôle de la JNA, par
28 exemple, des autorités municipales, personne ne les contrôlait; ou étaient-
Page 15133
1 ils sous le commandement d'une autorité quelconque ?
2 R. Monsieur, pour autant que je le sache non, et j'ai fait la guerre
3 pendant quatre ans. Autrement dit, j'ai parcouru la Bosnie-Herzégovine, et
4 à plein d'endroits, je suis tombé ou j'ai rencontré ces unités
5 paramilitaires. En fait, personne n'osait s'opposer à eux. Ils
6 s'installaient quelque part, ils s'emparaient d'un lieu, ils s'y
7 cantonnaient ou ils se stationnaient. A Mostar, par exemple, il y a eu des
8 conflits entre la TO : nous, d'une part; et eux d'autre part, les unités
9 paramilitaires. Ça, je le sais.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je comprends. Mais imaginons que,
11 dans une zone d'opération de combat, il est essentiel qu'il y ait un
12 commandement total de tous les soldats qui participent à l'opération. Donc
13 il me semble que ce serait un élément perturbateur, d'avoir ces groupes
14 semi autonomes, voire indépendants qui errent en faisant ce qu'ils ont
15 envie de faire, en plein milieu de combat et d'une opération militaire. Je
16 suis un peu curieux, j'aimerais savoir : comment tout ceci pouvait se faire
17 en pratique ? Vous semblez nous dire que, de temps en temps, en effet, il y
18 avait des opérations militaires menées; enfin, je ne sais pas, vous ne
19 l'avez pas dit mais j'imagine que c'est une opération militaire qui avait
20 eu lieu sous le commandement de la JNA ou d'une autorité militaire
21 supérieure quelconque. Mais vous semblez nous dire qu'il y avait aussi ces
22 groupes paramilitaires qui éventuellement participaient à l'opération, mais
23 sans être sous le commandement des autorités militaires supérieures en
24 charge; c'est ce que vous nous dites vraiment ?
25 R. L'armée populaire yougoslave, je doute qu'elle ait pu faire quoi que ce
26 soit contre, vous voyez, par exemple, on lance l'attaque sur un village ou
27 on va nettoyer une ville, par exemple, j'y ai pris part au nettoyage de
28 Mostar. On savait très bien qui allait à l'avant des unités paramilitaires
Page 15134
1 et, bien sûr, là, il y a du pillage et le reste. Le commandement militaire
2 était impuissant vraiment, et les commandants militaires de la JNA,
3 certains d'entre eux étaient incompétents, ils n'étaient pas capables de
4 contrôler leurs propres hommes, à savoir les militaires réguliers de la
5 JNA, et encore moins, avec nous, c'était différent. On avait notre
6 commandant et on savait, par exemple, à Mostar, il y avait beaucoup de
7 ponts. Donc il y avait un groupe qui était chargé de garder un pont. Un
8 autre, autre chose. Un autre, la gare ferroviaire, voir même des pompes à
9 essence, pour qu'on ne vole pas le carburant ou l'aéroport, donc la poste,
10 les endroits importants.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] -- les groupes dont vous parlez, les
12 groupes qui gardaient les ponts, les stations d'essence, s'agissaient-ils
13 de groupes paramilitaires ou de vos propres groupes, donc des membres de la
14 TO ?
15 R. Monsieur, je vous ai bien dit que je faisais partie de la TO. Donc
16 c'est l'abréviation pour la Défense territoriale, et nous avions la charge
17 de garder ces sites, et tant que nous les gardions, je dirais que rien de
18 dangereux ne s'y est produit. Par exemple, jusqu'à ce qu'on se retire de la
19 ville de Mostar, qui avait trois casernes, la JNA ne sortait pas du tout,
20 si vous aimiez connaître cela. Il y a un instant vous m'avez dit que vous
21 vouliez savoir.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Non, non, Monsieur Dabic. J'ai
23 dépassé mes 30 minutes, donc il va falloir que je m'arrête. Mais ce qui
24 m'intéressait, c'était d'avoir un peu votre relation des faits de votre
25 part parce que, souvenez-vous, nous n'étions pas en Bosnie-Herzégovine à
26 l'époque. C'est vous qui êtes notre source d'information. J'aurai aimé
27 savoir qui contrôlaient les groupes paramilitaires. Si j'ai bien compris
28 votre réponse, vous nous avez dit que personne ne pouvait, voire ne voulait
Page 15135
1 les contrôler, même dans le cadre d'opérations de combat. Si j'ai bien
2 compris votre témoignage, dans ce cas, je n'aurai plus de question à vous
3 poser. Pourriez-vous confirmer donc que j'ai bien compris ce que vous nous
4 avez dit ?
5 R. Je vais vous le confirmer. D'après mes estimations, c'étaient en fait
6 des hommes qui échappaient à tout contrôle et qui étaient armés. Et si on
7 se mettait en mouvement, ce sont eux qui devançaient les autres tout
8 simplement pour piller, pour voler des biens. Qu'il y ait une coordination
9 avec eux, non, vraiment j'en doute. Voire même les commandants militaires
10 du temps de la JNA sur place, ils ne pouvaient pas les contrôler. Mais
11 disons dans la vallée de la Neretva, dans les villages serbes, là où vous
12 aviez la population du cru qui était armée, eux, ils se coordonnaient avec
13 nous, commandant avec la Défense territoriale, à partir du moment où la JNA
14 était partie de la vallée de la Neretva.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de procédure, Madame Biersay. Par
17 requête écrite toute récente en date du 25 janvier 2010, vous avez demandé
18 à la Chambre de vous autoriser à rajouter une vidéo relative aux événements
19 de Nevesinje en 1991, et dans cette vidéo, on évoque Arsen Grahovac.
20 Pouvez-vous me dire depuis quand vous avez cette vidéo ?
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président. Nous avons
22 fait une recherche en 2007 sur cette vidéo, vers la fin 2007, début 2008,
23 et nous n'avons pas réussi à trouver la vidéo. Il me semble qu'on avait
24 réussi à la trouver à la fin de l'année 2009, il faut que je vérifie nos
25 registres pour m'en assurer. Nous avons vérifié les informations, mais il
26 n'y a pas de date bien précise. Je peux vous dire que nous avons fait une
27 demande et une recherche en fin 2007, début 2008 quand le procès a
28 commencé.
Page 15136
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Monsieur Seselj, vous êtes opposé au rajout ou
2 pas de cette vidéo ?
3 L'ACCUSÉ : [interprétation] Je dois vous dire quelque chose pour commencer.
4 Il me semble que c'est hier ou avant-hier que j'ai reçu la vidéo en
5 question avec tous les documents les plus récents et avec l'annonce que le
6 Procureur est susceptible de s'en servir comme d'un moyen de preuve pendant
7 son interrogatoire. Mais je n'ai pas le moyen de visionner ces vidéos dans
8 ma cellule, je n'ai pas de moyen technique me permettant de faire cela.
9 Tout à fait franchement, je vais vous dire que ça m'intéresserait plutôt de
10 voir ces images, donc je ne vais pas m'y opposer.
11 Mais n'oubliez pas que le Procureur ne s'est pas conformé à son obligation
12 de communication, puisque c'est une communication très tardive. Donc il
13 faudrait au moins les mettre en garde de ne pas le réitérer, c'est par
14 curiosité, sinon par autre chose que j'aimerais voir cette vidéo. Je n'ai
15 jamais vu cet homme de ma vie.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Merci, Monsieur Seselj.
17 Alors, la Chambre qui a délibéré décide de rajouter sur la liste 65 ter
18 cette vidéo, étant observé que la Chambre constate, d'après les
19 déclarations de Mme Biersay, que ce n'est que tout récemment que vous avez
20 mis la main sur cette vidéo, ce qui pourrait expliquer le côté tardif.
21 Quoi qu'il en soit donc, cette liste est -- la liste est donc amendée et
22 cette vidéo est rajoutée, et vous pouvez donc l'utiliser.
23 Alors, Madame Biersay.
24 On va demander à M. le Greffier de donner un numéro pour cette vidéo, un
25 numéro IC.
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que vous voulez dire que vous avez
27 rejeté ma demande, puisqu'ils ne me l'ont pas communiqué en temps utile ?
28 M. LE JUGE ANTONETTI : La demande de Mme Biersay est acceptée, donc cette
Page 15137
1 vidéo, elle peut l'utiliser. Simplement, il faut donner un numéro.
2 Alors, Monsieur le Greffier, donnez-moi un numéro pour la vidéo.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. Cette vidéo recevra la cote
4 P879.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame Biersay, je vous rappelle que vous
6 avez une heure 30, donc vous terminez certainement pas aujourd'hui. On
7 continuera demain avec les questions de M. Seselj, et nous serons vigilants
8 quant au temps puisque, comme vous avez vu, les Juges ont respecté le temps
9 qu'ils avaient décidé pour eux-mêmes. Evidemment, on demande à ce que tout
10 le monde le respecte également.
11 Donc vous avez une heure 30, Madame Biersay.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Et
13 avant que le chronomètre ne commence à tourner, j'ai quelques points
14 administratifs à régler. Donc je vais demander que certaines déclarations
15 soient montrées au témoin. Tout d'abord, la déclaration du TPIY en date du
16 30 novembre 2000 a la cote 65 ter 7517. La déclaration TPIY de M. Dabic en
17 date du 10 juin 2004 reçoit le numéro 65 ter 7518 --
18 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Peut-être que c'est dû à une
19 mauvaise interprétation. Mais ce qu'on m'a dit, c'est que ces déclarations
20 ont été données à ce Tribunal. Mais pour autant que je sache, ce Tribunal
21 n'a jamais recueilli de déclarations, puisque ce Tribunal, cela veut dire
22 vous trois, Madame, Messieurs les Juges, donc je suppose qu'il s'agit de
23 déclarations qui ont été recueillies par le Procureur. J'avais plusieurs
24 autres objections à faire au sujet de la mauvaise qualité de
25 l'interprétation, mais là vraiment, je n'ai pas pu ne pas réagir.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, les déclarations du 13 novembre 2000
27 et juin 2004, ce sont les déclarations qui ont été remises au bureau du
28 Procureur ?
Page 15138
1 Mme BIERSAY : [interprétation] M. Dabic a en effet été interviewé par les
2 enquêteurs du bureau du Procureur, de l'OTP.
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Ces deux déclarations, les Juges, dans leurs
4 questions, les ont utilisées. Alors, vous voulez les montrer au témoin ?
5 Mme BIERSAY : [interprétation] Je lui montrerai à un moment où à un autre,
6 en effet. La déclaration de 11 mai 2007 faite devant la Défense, je vais
7 donc l'appeler la déclaration de la Défense à laquelle vous avez fait
8 référence dans vos questions, Madame, Messieurs les Juges, a la cote 65 ter
9 7518. En ce qui concerne la déclaration du 7 juin 2007, la deuxième
10 déclaration de la Défense -- non, il y a une erreur. Il y a une erreur au
11 compte rendu. Donc la déclaration de 2007 faite à la Défense a la cote 7519
12 sur la liste 65 ter, et non pas 7518 comme c'est écrit au compte rendu. La
13 deuxième est à la cote ERN 7520. Il me semble que la Chambre de première
14 instance a aussi en main une autre déclaration à la Défense en date du 14
15 août 2008 qui a la cote ERN 7523.
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, pour que ce soit clair, dites
17 maintenant, d'une part, les déclarations remises au bureau du Procureur
18 avec les dates précises, et puis après les déclarations remises par le
19 témoin à la Défense Seselj, parce que, là, on sait plus où on en est.
20 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, vous avez raison, tout à fait.
21 Donc le numéro 7517 de la liste 65 ter, en date du 13 novembre 2000, est
22 une déclaration qui a été recueillie par le bureau du Procureur. Le numéro
23 65 ter 7518, en date du 10 juin 2004, est aussi la déclaration de ce témoin
24 faite devant le bureau du Procureur. Ensuite, nous avons la pièce 7519 de
25 la liste 65 ter, datant du 11 mai 2007, et il s'agit d'une déclaration qui
26 a été faite à la Défense par ce témoin. La pièce 65 ter 7520, en date du 7
27 juin 2007, est elle aussi une déclaration faite à la Défense par ce témoin.
28 La pièce 7523 de la liste 65 ter, en date du 14 août 2008, est elle aussi
Page 15139
1 une des déclarations faites à la Défense.
2 Pour le compte rendu, je tiens à dire que dans la déclaration du 14 août
3 2008, M. Dabic parle de six déclarations, la déclaration du 14 août 2008
4 étant la septième de ces déclarations. Vous lui en avez parlé, je crois.
5 Vous lui avez posé la question à ce propos.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez qu'on donne un numéro provisoire, parce
7 que l'admission, on verra à la fin.
8 Alors, Monsieur le Greffier, donnez-nous un numéro MFI
9 toutes ces déclarations.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, tout à fait. Donc la pièce 7517
11 recevra la cote P880 MFI; la pièce 75 [comme interprété] ter 7518 recevra
12 la cote P881 MFI; en ce qui concerne la pièce 7519, elle recevra la cote
13 P882 MFI; la pièce 7520 recevra la cote P883 MFI; et la pièce 7523 recevra
14 la cote 884 MFI.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Il doit y avoir une erreur à la ligne 25. La pièce
16 65 ter 7523 doit avoir le numéro MFI P884.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Tout à fait. C'est la pièce P884 MFI.
18 Contre-interrogatoire par Mme Biersay :
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Dabic.
20 R. Bonjour.
21 Q. Nous ne nous sommes pas encore rencontrés, j'aimerais donc me
22 présenter. Je m'appelle Lisa Biersay. Je suis substitut du Procureur et je
23 travaille pour le bureau du Procureur, j'imagine que vous aviez deviné.
24 Nous ne sommes jamais rencontrés, n'est-ce pas, avant aujourd'hui ?
25 R. Premièrement, est-ce que je peux vous regarder lorsque je vous parle ?
26 Q. Vous êtes ici dans le prétoire. Si vous voulez me parler, pas de
27 problème. Normalement, vous parlez aux Juges plutôt qu'autre chose.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous parlez aux Juges, mais vous pouvez regarder Mme
Page 15140
1 Biersay, comme vous pouvez regarder M. Seselj quand il vous posera une
2 question, parce que la politesse et la courtoisie exigent que l'on regarde
3 ceux qui s'adressent à vous, et je présume que vous êtes un homme courtois.
4 Donc vous allez regarder Mme Biersay.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien. Oui. Mais je pensais qu'il était
6 correct de poser la question. Oui, tout à fait, c'est vrai. C'est la
7 première fois que je vous vois. La première fois, sans aucun doute.
8 Mme BIERSAY : [interprétation]
9 Q. J'aimerais que nous nous attardions sur l'année 1994. Nous allons
10 revenir en arrière ensuite pour parler d'événements qui ont eu lieu avant
11 1994. Mais j'aimerais que nous commencions l'interrogatoire par l'année
12 1994.
13 En 1994, vous avez participé au réenterrement [phon] de corps, n'est-ce pas
14 ?
15 R. Je ne comprends pas. J'aurais replacé -- vous voulez dire exhumer ou
16 quelque chose comme ça ?
17 Q. Très bien. Connaissez-vous un endroit appelé la fosse de Breza ?
18 R. Oui.
19 Mme BIERSAY : [interprétation] Il serait peut-être utile de voir à l'écran
20 la pièce MFI P880. Pourrions-nous, s'il vous plaît, voir la page 37 de la
21 version anglaise de cette déclaration, correspondant aux pages 34 et 35 en
22 B/C/S ?
23 Q. En 1994, avez-vous participé aux activités qui ont eu lieu autour de
24 cette fosse qui se trouvait en Herzégovine, cette fosse de Breza ?
25 R. Je ne comprends pas de quelles activités vous parlez. Vous voulez dire
26 l'exhumation ou --
27 Q. Vous trouviez-vous sur place ?
28 R. C'est exact.
Page 15141
1 Q. Qu'avez-vous fait sur place ?
2 R. Je faisais partie d'un groupe avec trois autres camarades d'armes qui
3 ont pris part à l'exhumation de ces cadavres.
4 Q. Comment se fait-il que vous sachiez qu'il fallait se rendre là pour
5 déterrer ces corps ?
6 R. L'ordre est venu du commandement de la brigade, qu'il fallait s'y
7 rendre et qu'il fallait enlever ces cadavres. J'étais au poste de
8 commandement dans mon bataillon. Donc ce jour-là, il n'y avait pas assez
9 d'hommes, et nous étions quatre à partir avec un camion. C'était en été.
10 C'était une fosse de 30 de profondeur sur 30 mètres à peu près. On est
11 descendus, pas avec des cordes, mais il y avait des cordes et des échelles,
12 je ne sais pas comment vous appelez ça. Donc on s'est mis à enlever des
13 pierres, parce que la fosse avait été remblayée. Donc on était deux à
14 l'intérieur de la fosse et deux à la surface, et on sortait ces cadavres de
15 personnes. Combien est-ce qu'on en a enlevé, je ne sais pas, mais on a tout
16 en -- donc d'après nous, c'était environ 42 cadavres de personnes. Il y
17 avait une puanteur insupportable.
18 Q. Je comprends. Je voudrais que vous relatiez aux Juges de la Chambre
19 cette expérience. Vous parliez de l'obtention d'un ordre. Pourriez-vous
20 dire de façon précise de quelle unité militaire vous faisiez partie, et à
21 qui vous rendiez compte, à qui vous faisiez rapport au moment où vous
22 receviez ces ordres ?
23 R. Moi, je faisais partie du 5e Bataillon de ce qu'on appelait la Brigade
24 de Nevesinje. Quand on ne l'appelait pas la 8e Brigade mécanisée, à ce
25 moment-là, le commandant de la brigade est arrivé. Puisque l'on savait que
26 ces cadavres ont existé, moi j'ai appris l'existence de ces cadavres
27 seulement quand je suis revenu après m'être fait soigné, c'est-à-dire
28 pendant l'été 1992. Je suis parti me faire soigner, le 15, ou le 16 juin.
Page 15142
1 J'ai appris l'existence de ces cadavres uniquement quand je suis revenu
2 après m'être fait soigné. Je n'avais aucune connaissance de l'existence de
3 la force avant que nous n'y allions. Donc le commandant ou plutôt le
4 commandant en second de la brigade est arrivé, avec son chauffeur. Moi,
5 d'ailleurs je faisais partie de son bataillon en tant qu'officier chargé
6 des opérations, donc c'était mon devoir d'assister à des événements de ce
7 genre. Donc après avoir discuté avec mon commandant et le commandant en
8 second, moi-même et trois autres soldats, à bord d'un véhicule; si c'est
9 nécessaire je peux indiquer que c'était un 110. Nous avons pris le matériel
10 nécessaire --
11 Q. Excusez-moi de vous interrompre. Vous allez bientôt parler du camion,
12 mais pourriez-vous nous dire comment s'appelait ce commandant qui vous a
13 dit, où vous étiez censé aller et ce que vous étiez censé faire ?
14 Prenez le temps qu'il vous faut.
15 Mme BIERSAY : [interprétation] Dans l'intervalle, est-ce que le Greffier
16 pourrait nous montrer la page 32 en anglais ? Je pense que ce sera la page
17 30 en B/C/S.
18 Q. Monsieur Dabic, est-ce que vous vous souvenez du nom du commandant ?
19 R. Je crois que c'était Novica Gusic.
20 Q. Excusez-moi de vous interrompre une fois de plus. Qui était Nikola
21 Guzina ?
22 R. C'était mon commandant. Le commandant du bataillon, du 5e Bataillon.
23 Q. Quand vous dites "Novica Gusic," où est-ce qu'il se trouve dans la
24 hiérarchie ? A quel échelon ?
25 R. Mais c'était le commandant de la 8e Brigade mécanisée, donc il était le
26 commandant de mon commandant.
27 Q. Vous avez dit qu'en compagnie de trois de vos collègues, dites-moi si
28 je me trompe, vous êtes allé en camion jusqu'à cette fosse; est-ce exact ?
Page 15143
1 R. C'est plus qu'exact.
2 Q. Avant de partir à bord de ce camion, est-ce qu'il vous a été dit que
3 alliez trouver des cadavres dans cette fosse ?
4 R. Puisque nous avons pris la route pour aller là-bas, il faut bien que
5 nous ayons su pourquoi nous y allions. Puis, excusez-moi, je poursuis, je
6 vous ai déjà dit que c'est seulement deux mois plus tard, c'est-à-dire en
7 septembre voire au mois d'août que j'ai eu connaissance de l'existence de
8 ces fosses ou plutôt de cette fosse-là.
9 Q. Qu'est-ce que vous avez appris à propos de cette fosse-là ?
10 R. J'ai appris qu'à cet endroit, un groupe de personnes avait été liquidé,
11 des gens qui étaient de nationalité non-Serbe, qui avaient été capturés sur
12 le mont Velez, au niveau d'un col qui s'appelait Teleca Latsva, et qu'on
13 les avait amenés jusqu'à l'école du village où on les a gardés en détention
14 et qu'en suite on les avait conduits là-bas pour être exécutés.
15 Aujourd'hui, je regrette vraiment ne pas avoir sur moi les documents qui
16 vous permettraient de voir quelle est la période que j'ai passée à
17 l'hôpital et qui vous permettraient donc de voir que je n'étais pas présent
18 sur les lieux, et que j'ai simplement entendu parler de cela.
19 Q. Vous aviez enlevé les pierres. Vous l'avez dit aux Juges. Après
20 qu'avez-vous fait des corps ?
21 R. Donc nous avons sorti les cadavres de la fosse, nous les avons extirpés
22 de la fosse un par un, et classés à bord du camion. Après quoi, nous les
23 avons emmenés sur les pentes du mont Velez, dans un lieu déterminé. Mais
24 c'est moi, accompagné de deux autres soldats qui sommes allés là-bas. Le
25 quatrième du groupe initial n'était pas avec nous. Vraiment c'était dans un
26 endroit très isolé de la montagne, très difficile à trouver. Donc nous
27 sommes trois seulement à savoir de quoi il retourne. Non loin de là, il y
28 avait des arbres qui étaient coupés, et il y avait un tronc d'arbre de
Page 15144
1 grande taille que nous avions déplacé, donc cela fait un gros trou. Nous
2 avons mis les cadavres dans ce trou et recouvert de terre et de pierres. Je
3 crois même me rappeler que nous avons recouvert tout cela avec une grume
4 sèche de pin, et ensuite nous sommes retournés au poste de commandement.
5 Mais ceux qui n'étaient pas sur place, avec nous, auraient eu beaucoup de
6 mal à trouver l'endroit.
7 Q. Permettez-moi de vous demander ceci : au moment où vous avez extirpé
8 ces 42 cadavres, qu'est-ce que vous avez trouvé dans la fosse comme objets
9 personnels leur appartenant ?
10 R. Des objets personnels, ce que j'ai pu voir de mes yeux c'était une
11 montre, une jambe en bois donc une prothèse de jambe. Je me rappelle bien
12 avoir trouvé dans la fosse parce que les cadavres étaient déjà en état de
13 décomposition, donc j'ai retrouvé une espèce de carte d'identité ou, en
14 tout cas, papier d'identité qui appartenait à un homme qui avait travaillé
15 à Nevesinje, dans une entreprise qui s'occupait du nettoyage des rues de la
16 ville. Je crois que cet homme s'appelait Mujo Alibegovic. Je n'en suis pas
17 absolument sûr, mais je crois que c'étaient ses nom et prénom. Puis j'ai vu
18 aussi des espèces de baskets de grande taille et voilà. Donc vous
19 m'excuserez de dire que l'odeur ou la puanteur, plus précisément, était
20 insupportable. Mais nous avions un masque, un masque qui permettait de
21 couvrir le visage, mais pas un masque à gaz.
22 Q. Vous et ces collègues dont vous avez parlé, où avez-vous emmené ces 42
23 cadavres ?
24 R. Je crois que j'ai été clair il y a un instant. Nous les avons
25 transportés dans la profondeur du terrain qui se trouve au bas du mont
26 Velez. Nous sommes allés aussi loin que nous pouvions le faire avec ce
27 camion du côté nord.
28 Q. Pourquoi les avoir emmenés à cet endroit ?
Page 15145
1 R. Nous les avons conduits là-bas parce que le commandement de la brigade
2 avait été informé du fait que des membres des Nations Unies qui avaient
3 déjà une présence en Bosnie-Herzégovine s'apprêtait à arriver parce qu'ils
4 avaient entendu dire, de la bouche d'habitants non-serbes de Mostar, qu'il
5 y avait là des corps de non-serbes qui avaient été tués, là, dans cette
6 fosse. Donc il fallait enlever les cadavres de la fosse pour que quand ils
7 arrivent, les représentants des Nations Unies, ils voient qu'il n'y avait
8 personne dans la fosse.
9 Q. Sommes-nous en droit de dire qu'il vous a fallu plusieurs années avant
10 que vous ne transmettiez ces informations à quelqu'un d'autre ?
11 R. Excusez-moi. Pourriez-vous répéter ? Est-ce que j'aurais le courage de
12 dire ou la force ?
13 Q. Non, ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je vous ai demandé si quelques
14 années plus tard, vous avez parlé à quelqu'un du fait que vous aviez
15 déterré ces corps pour les enterrer ailleurs ?
16 R. Absolument exact.
17 Q. Partant des informations que vous avez fournies, est-ce qu'on a procédé
18 en 1999 à l'exhumation de ces corps ?
19 R. Bon. Comment est-ce que je pourrais dire les choses ? C'est exact à 99
20 %, le fait qu'ils ont été exhumés.
21 Q. Avez-vous fourni votre première déclaration au bureau du Procureur
22 après cette exhumation, votre première déclaration faite en 2000 ?
23 R. Quand j'ai rencontré Mme Brigitte, je crois que oui. Enfin, je dirais
24 qu'il est certain que je lui ai transmis cette information et je crois que
25 c'était cette année-là. Mais je suis sûr d'avoir transmis l'information à
26 100 %.
27 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous nous
28 dire combien de temps il me reste et est-ce que je m'arrête maintenant, ou
Page 15146
1 est-ce que je passe à un autre sujet, avant la pause ?
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Vous voulez faire la pause maintenant ?
3 Mme BIERSAY : [interprétation] Je suis pas trop sûre de combien de temps il
4 reste avant la pause.
5 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon, en théorie, il reste encore 15 minutes, là.
6 Vous pouvez continuer pendant 15 minutes. On fera la pause à 17 heures 45.
7 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Une question de suivi, Monsieur.
9 D'après ce qu'on comprend, les 42 cadavres avaient été abattus. C'étaient
10 des civils ou des militaires ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] D'après ce que j'ai entendu, je crois qu'il y
12 avait, y compris à cet endroit, des membres de l'armée musulmane, donc des
13 hommes en armes, des soldats parce qu'on a trouvé des armes à côté d'eux.
14 En dehors des civils.
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Qui les a abattus ? C'était votre bataillon ? Votre
16 brigade ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne peux pas, n'est-ce pas,
18 affirmer quoi que ce soit parce que je ne sais vraiment pas de qui il
19 s'agit. Mais cela s'est passé au moment où on battait en retraite depuis la
20 Neretva. Qui a commis cela ? Vraiment, je ne le sais pas et je ne crois pas
21 - tout à l'heure, j'ai dit que je ne savais pas mais maintenant, je dis que
22 je ne crois pas - que ce soit un membre des formations paramilitaires qui
23 ait fait cela.
24 M. LE JUGE ANTONETTI : Quand le commandant de votre unité vous dit d'aller
25 déterrer les corps et les enterrer ailleurs, quand il vous demande ça,
26 c'était pour cacher aux internationaux qui arrivaient l'existence de cette
27 fosse ? C'est ce qu'on doit comprendre ?
28 LE TÉMOIN : Oui.
Page 15147
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Que voulaient-ils cacher ? Ils voulaient
2 cacher leur propre responsabilité, ou bien, cacher qu'il y avait eu ce type
3 d'exaction ?
4 L'INTERPRÈTE : A la question précédente, le témoin a répondu "oui," en
5 français.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Au moment où cela s'est passé, ce que Mme ou
7 Mlle Biersay vient d'évoquer, le commandant du bataillon n'était pas Nikola
8 Gusic. Je ne sais vraiment qui c'était à ce moment-là, mais au moment où
9 nous avons transporté -- transféré ces cadavres, il l'était. Mais il est
10 certain qu'avant, il ne l'était pas le commandant du bataillon. Qui était
11 commandant du bataillon à ce moment-là ? Je ne sais pas, vraiment.
12 M. LE JUGE ANTONETTI : Une précision d'ordre technique.
13 Le bataillon dans lequel vous étiez, vous, il était un bataillon de la JNA,
14 oui ou non ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, parce que l'armée populaire yougoslave,
16 la JNA, avait quitté la Neretva là-bas, en bas. Quand je dis "la Neretva
17 là-bas," en bas, je parle d'une distance de 50 kilomètres de long, et ceux
18 qui sont restés, c'étaient les membres de la Défense territoriale. Donc, la
19 JNA n'était même pas présente. Ceci s'est passé après le départ de la JNA.
20 Il y a des documents et des preuves qui montrent que la JNA s'est retirée
21 de l'ex Bosnie-Herzégovine le 25 mai. Or, cet événement s'est produit plus
22 tard. Donc, il est sûr à 100 % que la JNA n'était pas là.
23 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. La JNA n'était pas là. L'événement s'est
24 produit après le 25 mai 19 combien ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] 1992.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : 1992. Alors, l'armée qui était là, n'était-ce pas la
27 VRS ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée de la Republika Srpska, la VRS, si je
Page 15148
1 me souviens bien, a été créée après cet événement, si je ne me trompe. Ceux
2 qui étaient présents, c'étaient les membres de la Défense territoriale --
3 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] -- pour autant que je le sache ou si je me
5 souviens bien, parce que quand, moi, je suis arrivé, donc j'ai passé deux
6 mois à l'hôpital, et ensuite a été créée l'armée de la Republika Srpska, la
7 VRS, mais ce qui est certain c'est que la JNA n'était pas présente.
8 Maintenant ne pensez pas que je me porte à leur défense. Je suis venu ici
9 pour dire la vérité et si je me souviens bien il y a trois heures à peu
10 près j'ai fait serment de dire la vérité.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Très bien. Alors si je comprends bien, finalement
12 c'est grâce à vous qu'on a pu trouver les corps car vous avez donné cette
13 information à l'enquêtrice du bureau du Procureur, et après en 1999, on a
14 retrouvé donc les corps grâce à vous, et puis vous avez fait votre
15 déclaration en 2000; est-ce que c'est la chronologie, ou bien ce n'est pas
16 ça ?
17 Mme Biersay dit non de la tête, alors précisez-moi.
18 Mme BIERSAY : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Oui, alors précisez-moi, Monsieur. Est-ce bien,
20 grâce à vous, qu'en 1999 découvert les corps, parce que c'est vous qui
21 l'avez dit à une enquêtrice du bureau du Procureur car, si vous n'aviez
22 rien dit, on n'aurait jamais retrouvé les corps ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, je vais vous dire ce qu'il en est. Ce
24 qui est tout à fait certain c'est que j'ai dit à l'enquêtrice Mme Brigitte
25 à quel endroit exact se trouvaient les cadavres. Mais ce n'est pas moi qui
26 les ai emmenés. C'était un autre homme qui les a emmenés, un homme que
27 j'avais emmené sur place moi-même avant et qui donc leur a montré
28 l'endroit.
Page 15149
1 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors vous avez dit ça pour soulager votre
2 conscience, vous avez dit ça pour la manifestation de la vérité, ou vous
3 avez dit pour la justice internationale ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était pour qu'éclate la vérité parce que les
5 familles de toutes ces personnes bien sûr avaient un intérêt à ce que tout
6 cela soit découvert, et au moment où les cadavres ont été découverts, au
7 moment où on les a fait sortir d'un autre, du deuxième endroit secret, moi,
8 j'étais déjà à Novi Sad. Je vous ai bien dit tout à l'heure, je pense que
9 vous n'avez pas oublié, que c'est un autre homme que moi qui les a emmenés
10 jusqu'à l'endroit. C'est bien connu, y compris dans les archives de la
11 police, de la police serbe et dans les archives des Nations Unies que je
12 n'étais pas présent sur place.
13 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. Madame Biersay.
14 Mme BIERSAY : [interprétation] Puis-je vous demander de consulter la page
15 34, Madame et Messieurs les Juges. Deuxième paragraphe à partir -- parce
16 que ceci concerne la question que la Chambre a posée.
17 Q. Je voudrais revenir si vous me le permettez sur la question de la
18 structure militaire telle qu'elle se présentait à partir de fin 1991
19 jusqu'à disons mai 1992. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce
20 qu'il en était ? Est-ce que vous connaissez la 4e Région militaire ?
21 R. Croyez-moi c'est la première fois que j'en entends parler. La 4e Zone
22 militaire --
23 Q. Qu'en est-il du 13e Corps de la JNA ?
24 R. Non.
25 Q. Avez-vous entendu parler de la 10e Brigade motorisée ?
26 R. La 10e mécanisée, je ne peux pas vous répondre avec une totale
27 certitude, mais je pense que c'est une brigade légère qui était dans le
28 secteur nord de la municipalité de Nevesinje. Je crois que c'est celle-là.
Page 15150
1 Q. Avez-vous entendu parler de la 13e Brigade mécanisée ?
2 R. La 13e mécanisée, la 13e je pense -- enfin, quand je dis "Je pense,"
3 c'est parce que je ne voudrais pas commencer à supputer. Je pense qu'elle
4 était de Gacko.
5 L'ACCUSÉ : [interprétation] Objection. Ecoutez, ça se transforme en un jeu
6 télévisé. Nous n'avons aucun document dans lequel seraient mentionnées ces
7 formations et ces unités. Donc Mme Biersay devrait nous donner un fondement
8 à la base de ses questions. Je suis pris par surprise, pas seulement le
9 témoin. Ce sont des noms d'unités que je n'ai jamais entendu jusqu'à
10 présent. Est-ce que Mme Biersay pourrait nous donner des documents car dans
11 les documents dont je dispose ils ne figurent pas.
12 Mme BIERSAY : [interprétation] Vous voulez que je vous donne des
13 informations, je le ferai volontiers après la pause, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien, d'accord. De toute façon, on va faire la pause
15 parce que c'est 6 heures moins 20.
16 Bien, on fait 20 minutes de pause.
17 --- L'audience est suspendue à 17 heures 43.
18 --- L'audience est reprise à 18 heures 07.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. L'audience est reprise.
20 Madame Biersay, cette brigade, d'où est-ce que vous sortez tous ces
21 chiffres ?
22 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons vous
23 donner la pièce ET04105818-04185818, et nous en demandons le versement ou
24 au moins qu'on puisse marquer ces pièces pour les suivre. Il y a aussi la
25 pièce intitulée : "Commandement du Corps de l'Herzégovine," strictement
26 confidentiel, 134-36 [comme interprété] en date du 20 juin 1992. Au verso,
27 c'est signé du colonel Radovan Gurbac. Gurbac, G-u-r-b-a-c.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : C'était sur la liste 65 ter ?
Page 15151
1 Mme BIERSAY : [interprétation] Non, absolument pas. Non, nous demandons son
2 versement suite à la question des Juges. Nous ne considérons pas que M.
3 Dabic soit un expert militaire et nous n'attendons pas de lui, d'ailleurs,
4 d'être versé en ce domaine. Mais on lui a posé ces questions pour voir
5 quelle était la limite des choses qu'il connaissait. C'est pour ça qu'on a
6 posé la question. Il ne sait pas; très bien, ça nous suffit.
7 Mais nous demandons donc le versement de cette pièce -- vous verrez
8 au paragraphe 2 --
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Est-ce que --
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj.
11 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mme Biersay a mentionné la 4e Région militaire,
12 mais cette 4e Région militaire n'est pas évoquée dans ce document. Ce que
13 l'on voit ici, ce sont la 13e et la 10e Brigade motorisée, et cette 4e
14 Région militaire, où se trouve-t-elle ?
15 Mme BIERSAY : [interprétation] J'attire l'attention de la Chambre sur le
16 témoignage absolument étoffé de Reynaud Theunens, qui a témoigné au début
17 de ce procès. Je pense que tout ceci est abordé dans son rapport.
18 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro MFI
19 Monsieur le Greffier, un numéro MFI pour ce document du 20 juin 1992.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ce sera la cote --
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, mais Mme Biersay
22 pourrait nous dire tout ce qu'elle voulait, par exemple, que M. Theunens
23 aurait rédigé des rapports sur les guerres napoléoniennes. Quand vous
24 prenez la totalité du rapport Theunens, je pense qu'il dépasse même 1 000
25 pages, au vu de toutes les affaires où il a déposé.
26 Pourquoi est-ce que je vous en parle ? Je vais vous révéler ce petit
27 secret, et après je me tairai.
28 La Bosnie-Herzégovine constituait la 6e Région militaire de l'ex-JNA, qui
Page 15152
1 englobait toute la Bosnie-Herzégovine et quasiment toute la Slavonie. Mme
2 Biersay a peut-être fait une erreur, et donc elle a inversé le chiffre VI
3 pour en faire le IV. Donc tout ça pour vous montrer qu'elle ne s'est pas
4 vraiment préparée de manière approfondie pour ce contre-interrogatoire.
5 Mais j'en ai terminé.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : On va donner un numéro MFI
7 Monsieur le Greffier.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce, Madame, Messieurs les Juges,
9 recevra la cote P885 MFI.
10 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, concernant les régions militaires,
11 d'après M. Seselj, la Bosnie-Herzégovine faisait partie de la 6e Région
12 militaire et pas la quatrième.
13 Mme BIERSAY : [interprétation] Là encore, je vous demande de vous référer
14 au passage du rapport de M. Theunens qui parle --
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Quelle page ?
16 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vais vous le dire. Dans son rapport, il
17 parle de la pièce 65 ter 1296. Donnez-moi une minute et je vous donnerai la
18 référence bien précise dans son rapport. Vous trouverez ainsi le passage
19 adéquat.
20 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vous remercie.
22 Pourrais-je, s'il vous plaît, avoir à l'écran la pièce 880 MFI, la page 27
23 de ce document. Pour le compte rendu, je tiens à dire qu'il s'agit de la
24 déclaration faite devant le bureau du Procureur en date de novembre 2000.
25 Q. Monsieur Dabic, j'ai une question à vous poser à propos de certains
26 noms. Avez-vous déjà entendu parler d'une personne appelée Zdravko Kandic ?
27 Je suis désolée d'écorcher ce nom. Connaissez-vous ce Zdravko Kandic ?
28 R. Oui.
Page 15153
1 Q. Quel était son poste en 1992, sa fonction, aux environs du mois de juin
2 1992 ?
3 R. En 1992, il était chargé d'opérations au commandement de la brigade,
4 mais il est resté très peu de temps au 5e Bataillon. Il est parti, parce
5 que c'était un haut gradé. Enfin, il avait été officier de réserve avant la
6 guerre, donc il avait déjà un grade très élevé de la JNA.
7 Q. Connaissez-vous une personne appelée Dragan Djurdjic ?
8 R. Mais bien sûr que si.
9 Q. Comment le connaissez-vous ?
10 R. Il était l'adjoint du commandant, Nikola Guzina, et il avait le grade
11 de lieutenant.
12 Q. A un moment ou à un autre vous a-t-il parlé du massacre qui avait eu
13 lieu à Teleca Lastva ?
14 R. Mais, voyez-vous, je l'ai déjà dit. J'ai dit que j'ai appris ce qui
15 s'était passé à Teleca Lastva et pour ce qui est de cette fosse de Breza
16 quand je suis arrivé au 5e Bataillon serbe, 35 kilomètres au nord de
17 Nevesinje vers Sarajevo. Nous avons également parlé de ça. Donc on se
18 disait qui se trouvait où jusqu'à ce moment-là, au front et qui a fait
19 quoi. Il n'y avait pas que lui qui a raconté son histoire. D'autres qui
20 étaient présents. Et le massacre ne s'est pas passé à Teleca Lastva. Il y a
21 eu juste l'arrestation là-bas.
22 Q. D'après les informations que vous disposiez, où s'est passé ce massacre
23 ?
24 R. D'après ce que j'ai entendu dire et d'après ce que j'ai appris, le
25 massacre a eu lieu juste plus haut que cette fosse de Breza.
26 Q. Lorsque vous avez obtenu ces informations, vous a-t-on aussi parlé de
27 membres de la police qui auraient été impliqués dans ce massacre ?
28 R. J'ai entendu de son récit à lui, mais pas que ça -- quand je suis sorti
Page 15154
1 de l'hôpital, je suis arrivé au 5e Bataillon, c'est là qu'on m'a dirigé, et
2 j'ai entendu dire qu'il y avait des réservistes de la police, pas la police
3 d'active, mais des réservistes de la police.
4 Q. Savez-vous si ces forces de police de réserve étaient subordonnées à
5 une autorité quelconque ?
6 R. La police de réserve, peut-être une vingtaine d'hommes qui étaient au
7 5e Bataillon et qui étaient cantonnés à l'école élémentaire, ils rendaient
8 compte au commandant du 5e Bataillon. Puis, au bout d'un certain temps, ils
9 ont quitté le 5e Bataillon, ils sont partis dans des écoles, qu'en sais-je,
10 et ils sont devenus de vrais policiers.
11 Q. Lorsque vous parlez du "5e Bataillon," que voulez-vous dire exactement
12 ? Le 5e Bataillon de quoi ?
13 R. Le 5e Bataillon, c'est la 8e Brigade motorisée. Elle avait cinq
14 bataillons, et nous, on était le cinquième, qui était déployé le plus au
15 nord. Il faisait partie de la de la 8e Brigade motorisée. Il comptait
16 environ 1 500 hommes, donc ce n'est pas beaucoup pour un bataillon
17 vraiment.
18 Q. Pourriez-vous décrire aux Juges de la Chambre ce que vous avez appris à
19 propos de ce groupe de gens qui avaient été, comme vous nous l'avez dit,
20 arrêtés et exécutés par la suite, puisque que vous avez entendu par la
21 suite qu'ils avaient été exécutés ? Qui faisait partie de ce groupe
22 exactement ?
23 R. Vous voulez dire qui a été capturé ?
24 Q. Oui, et assassinés --
25 R. Il y avait là peut-être une dizaine de soldats musulmans armés, et le
26 reste était des civils. Puisqu'ils ont été arrêtés, on les a emmenés dans
27 la localité voisine, Zijemlja, où il y avait une école élémentaire, et là,
28 on les a placés dans les salles de classe. Ils étaient gardés comme
Page 15155
1 capturés là-bas. Bien sûr, on leur a pris leurs armes.
2 Q. Dans votre déclaration, vous dites qu'il s'agit d'un groupe d'environ
3 70 personnes. Donc basé sur les informations que vous avez obtenues, n'est-
4 il pas vrai qu'il y avait des femmes qui faisaient partie de ce groupe,
5 n'est-ce pas ?
6 R. Oui, cette information est exacte disant qu'il y avait 70 personnes. Il
7 y avait des femmes. Mais si elles ont été emmenées de l'école, je ne sais
8 pas, peut-être que les 30 autres ont été emmenées pour Nevesinje ou dans
9 une autre direction.
10 Q. Y avait-il aussi des enfants dans ce groupe, d'après ce que vous avez
11 entendu ?
12 R. Oui.
13 Q. Des personnes âgées ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous nous avez dit, j'ai peut-être -- vous avez dit qu'il y avait sept
16 Musulmans armés dans ce groupe. Dans votre déclaration, vous dites que ces
17 personnes ont été fouillées et qu'on avait trouvé deux armes personnelles,
18 deux pistolets. Sur quoi vous basez-vous pour dire qu'il y avait sept
19 personnes armées dans ce groupe ?
20 R. Vous venez de me demander à l'instant comment j'ai été mis au courant
21 de Teleca Lastva et tout ça, et je vous ai dit que j'ai appris cela au 5e
22 Bataillon, quand je suis arrivé là-bas, de la bouche des hommes qui étaient
23 là. Il y avait Djurdjic et il y avait d'autres personnes, des soldats.
24 Q. Avez-vous eu des informations à propos de la personne qui aurait
25 interrogé les hommes dans ce groupe dont vous venez de nous parler ?
26 R. Je ne m'en souviens pas, croyez-moi.
27 Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous voir la page 25 de la version
28 en B/C/S de cette déclaration. Il s'agit de la phrase qui commence par les
Page 15156
1 mots : "Les hommes ont été séparés…" Pourrions-nous agrandir ce passage
2 pour le témoin. C'est le quatrième paragraphe à partir du haut. En version
3 B/C/S, page suivante, je crois. Page suivante en ce qui concerne la version
4 B/C/S. Page 26.
5 Q. Cela commence par les mots "Zene i --" Est-ce que c'est le paragraphe
6 où il est écrit que les hommes ont été séparés des femmes ?
7 Pourriez-vous, s'il vous plaît, agrandir ce passage.
8 R. Excusez-moi.
9 Q. C'est juste au-dessus, c'est : "Les hommes et les femmes ont été
10 séparés. Les hommes étaient interrogés par Kandic et Djurdjic et n'ont été
11 que très légèrement passés à tabac à ce moment-là…"
12 Cela correspond à ce que vous avez dit ?
13 R. Oui.
14 Mme BIERSAY : [interprétation] Pourrions-nous maintenant passer à la pièce
15 P881 MFI. Pourrions-nous avoir le paragraphe 22 de cette déclaration à
16 l'écran en B/C/S et en anglais.
17 Q. Dans cette déclaration, vous y décrivez le groupe de 70 hommes, de 70
18 personnes, et vous avez donné les noms de certaines des personnes qui
19 étaient responsables qui étaient responsables des meurtres, de leurs
20 meurtres, n'est-ce pas ?
21 R. Pour ce qui est de la fosse de Breza ?
22 Q. A la fin de ce paragraphe que nous venons de lire, il est écrit :
23 "Un groupe d'environ 70 hommes, femmes, personnes âgées et enfants civils
24 ont été capturés" - et je tiens à ajouter - "ce sont les mêmes personnes
25 qui sont responsables de ces meurtres."
26 Entre parenthèses, il est écrit : "Bérets rouges" et "Seseljevci;"
27 voyez-vous cela à l'écran ?
28 R. Oui, oui. Mais vous voyez bien. Les Bérets rouges, ils étaient arrivés
Page 15157
1 de Borac Kojeselo [phon], du lac Boracko. C'est là qu'ils étaient et qu'on
2 tenait, et je vous dis simplement ce que j'ai entendu dire, et je répète
3 encore une fois qu'il y avait là pas mal de personnes qui portaient la
4 sajkaca et des cocardes, et on disait que c'étaient des hommes à Seselj.
5 Mais vraiment, je ne pense pas que c'étaient de vrais hommes à Seselj.
6 Q. Bien. J'attire maintenant votre attention sur le paragraphe 24 de ce
7 même document. Vous y décrivez un massacre qui aurait eu lieu sur les
8 hauteurs de Nevesinje, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. De quel massacre s'agit-il ? 200 personnes ont été tuées.
11 R. C'est au pied du mont Velez, également. C'est près de la fosse qu'on
12 appelait la fosse Sopilska Jama [phon]. Donc ces gens étaient partis des
13 villages musulmans sur les pentes pour se replier vers Mostar depuis Velez,
14 et ils n'y sont pas parvenus. Ils ont été encerclés, et j'ai entendu dire
15 qu'on les a abattus près de cette fosse, la Sopilska.
16 Q. Vous donnez les noms des personnes qui selon vous, étaient responsables
17 de ce massacre. Cela comprend-il aussi le colonel Novica Gusic ?
18 R. Ils ont été encerclés, en fait, de trois côtés. Et c'est dit clairement
19 qui étaient les commandants sur place.
20 Q. Ce qui est dit ici, est-ce exact ? Il s'agit de votre déclaration de
21 2004.
22 R. Oui, entièrement.
23 Q. Ici aussi, vous donnez le nom du colonel Boro Antelj, n'est-ce pas, qui
24 a participé, lui aussi, au massacre ?
25 R. C'était un commandant. Donc, il devait bien être à la tête des hommes.
26 On peut pas lancer une action en l'absence du commandant.
27 Q. Vous donnez aussi le nom du capitaine Zdravko Kandic.
28 R. Ça aussi, j'ai entendu dire qu'il était là, également. Donc, j'ai dit
Page 15158
1 tout ceux dont j'avais entendu parler.
2 Q. Je comprends. Baca Milosevic. Vous avez entendu mentionner son nom à
3 lui aussi dans le cadre de ce massacre?
4 R. Oui, oui. C'était le commandant des Bérets rouges, mais c'étaient pas
5 des Bérets rouges traditionnels. Ils se sont donné ce nom, c'est tout.
6 Q. Vous dites que ce n'était pas des Bérets rouges classiques, alors,
7 qu'est-ce que vous voulez dire exactement par là ?
8 R. D'après ce que j'ai entendu et pour autant que je le sache, les vrais
9 Bérets rouges c'étaient des membres de la police à Belgrade. Ils avaient le
10 béret rouge et la police militaire aussi avait le béret rouge. Donc, tout
11 un chacun --
12 Q. Désolée de vous interrompre, mais est-ce que je peux poursuivre ma
13 question ? Vous avez dit d'Arsen Grahovac qu'il avait, lui aussi, participé
14 à ce massacre; est-ce exact ?
15 R. Il était à la tête de son groupe, donc il était là. Donc c'était une
16 action qui avait été bien planifiée et bien organisée.
17 Q. Vous dites qu'il s'agissait là d'une opération militaire conjointe
18 menée par ces cinq groupes différents qui avaient chacun à leur tête un
19 homme différent; est-ce exact ?
20 R. C'est exact.
21 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur, vous dites qu'il y avait une opération
22 militaire coordonnée. Quelle date à peu près, précise ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que c'était, en fait, je me rappelle
24 pas du tout la date, mais il est tout à fait possible que ce soit en juin.
25 Car encore une fois, je n'ai pas de cesse de répéter que tout ça, je l'ai
26 entendu, j'en ai entendu parler. Je n'ai pas vu, je n'ai pas participé.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : Juin de quelle année ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992.
Page 15159
1 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous nous
2 donner la page 24 de la pièce provisoire P880 ? Je crois que ce sera la
3 page 22 en B/C/S.
4 Q. Vous décrivez les cinq bataillons. Vous, vous étiez membre du 5e; c'est
5 bien cela ?
6 R. Oui. Donc, le 5e Bataillon, pas cinq bataillons. Et la Brigade en avait
7 cinq. Vous avez raison.
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Je regarde ce que vous indiquez, les cinq
9 bataillons. Puis, vous rajoutez, parce qu'on en a parlé tout à l'heure
10 déjà, qu'il y avait un petit groupe paramilitaire de 150 hommes, dont le
11 leader était Vuk Draskovic. Ce Vuk Draskovic, est-ce le même qui a été
12 ministre des affaires étrangères en Serbie ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Non, ça n'a rien à voir.
14 M. LE JUGE ANTONETTI : Ça a rien à voir. Bon.
15 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vous propose de ne
16 pas abandonner si facilement. C'est impossible qu'il --
17 Mme BIERSAY : [interprétation] Monsieur le Président, M. Seselj est
18 parfaitement capable d'en parler pendant son contre-interrogatoire.
19 M. LE JUGE ANTONETTI : Attendez.
20 Monsieur le Témoin, mon attention est attirée par Vuk Draskovic, je me pose
21 des questions à son sujet. Je sais qu'il y a un Vuk Draskovic qui a été
22 ministre des affaires étrangères. Je sais également qu'il y en a un qui a
23 le même nom qui était venu en France, grâce à Mme Mitterrand. Alors je me
24 demande : est-ce bien le même individu ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Vraiment je ne sais pas --
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien.
27 L'ACCUSÉ : [interprétation] Mais de toute évidence, le témoin ne connaît
28 pas tous les noms de ministres des affaires étrangères; il y a eu beaucoup
Page 15160
1 de va-et-vient à ce poste. Mais ce qui est important ici c'était qu'il
2 était chef de file enfin à la tête du parti. Ça, on le voit clairement dans
3 le texte.
4 M. LE JUGE ANTONETTI : Bon. On aura peut-être l'occasion d'y revenir.
5 Madame Biersay, continuez.
6 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.
7 Q. Dans votre déclaration, vous décrivez la Brigade de Nevesinje et vous
8 disiez que ce n'était pas juste qu'on l'appelle comme ça parce qu'il n'y
9 avait que 1 500 Serbes de Nevesinje; est-ce exact ? Est-ce que ceci
10 correspond à la vérité ?
11 R. Voyez-vous la Brigade de Nevesinje --
12 Q. Excusez-moi, est-ce que c'est véridique ? Parce que j'aurais une
13 question de suivi mais je veux savoir si c'est vrai ou pas.
14 R. Oui, oui.
15 Q. C'est vrai ?
16 R. [aucune interprétation]
17 Q. Vous dites, oui, vous faites signe que, oui ou non ?
18 R. Oui, oui, oui. Mais est-ce que je peux simplement --
19 Q. Un instant, s'il vous plaît.
20 R. D'accord.
21 Q. Vous dites que certains hommes sont restés à Nevesinje tandis que
22 d'autres sont allés ailleurs, comme, par exemple, à Trebinje au lac
23 Boracko; est-ce exact ?
24 R. Je peux maintenant revenir un petit peu en arrière. Vous m'y autorisez
25 ?
26 Q. Un instant. Il fallait faire le suivi. Mais je voulais revenir sur
27 cette question.
28 R. La question est exacte.
Page 15161
1 Q. Vous avez ajouté qu'à cette époque, il y avait environ 150 hommes qui
2 formaient ce groupe paramilitaire constituée par le SPO
3 dont nous venons de parler, n'est-ce pas ?
4 R. C'est exact. En fait, ils sont venus à bord de deux autocars de Serbie.
5 Envoyés par Vuk Draskovic en personne. Ça c'est exact. J'ai entendu dire
6 cela, et ils ont rejoint la 2e Brigade légère. C'était au lac de Boracko.
7 Q. Vous donnez une description séparée, certes, à part ce groupe du SPO de
8 150 paramilitaires, vous dites qu'il y avait environ 100 hommes de Seselj ?
9 R. Madame, je vous ai bien dit si vous pensez que c'était de vrais hommes
10 à Seselj, en fait, c'était des gens des villages du cru qui étaient
11 simplement vêtus comme ça, et comment --
12 Q. -- Monsieur Dabic, je comprends parfaitement votre situation. Ma
13 question était simple : Ici dans votre déclaration, vous décrivez dans un
14 paragraphe le groupe militaire du SPO
15 paragraphe dans lequel vous décrivez 100 des hommes de Seselj; est-ce exact
16 ?
17 R. C'est certainement exact, pour ce qui est du SPO
18 dit, je l'ai entendu aussi.
19 Q. D'accord. Maintenant ce même paragraphe où vous parlez des 100 hommes
20 de Seselj, vous faites état de, je cite : "50 volontaires armés"; c'est
21 bien cela, n'est-ce pas ?
22 R. Ces volontaires donc c'était, comment dirais-je ? C'était des gens qui
23 n'appartenaient ni ici ni là-bas. En fait, c'était des volontaires,
24 personne ne savait qui ils étaient ni d'où ils étaient venus --
25 Q. Vous parlez des 50, là ?
26 R. Oui, les cinquante.
27 Q. Fort bien. Vous dites aussi que jamais ces hommes n'ont reçu de carte
28 ou carnet militaire ni inscrit nul part. Qu'est-ce que ça veut dire
Page 15162
1 exactement ?
2 R. Je veux dire que -- donc nous sommes en train de ces 50. Que ce sont
3 des volontaires qui sont arrivés en provenance de différents champs de
4 bataille -- sont arrivés en Herzégovine ? Ils n'avaient pas de livret
5 militaire, et on ne pouvait pas non plus leur en délivrer, parce que nous
6 avions tous d'anciens livrets militaires qui dataient de la JNA. Moi, j'ai
7 servi en 76 --
8 Q. Mais comment savez-vous que ces hommes n'ont jamais reçu de pièces
9 d'identité militaires, n'ont jamais été inscrits nul part ? Comment le
10 savez-vous ?
11 R. Mais j'ai entendu parler de ça. Vous savez on finit par tout savoir. Ce
12 n'est pas une localité très importante. Quand vous venez du front pour vous
13 changer à la caserne on parle de tout. On entend tout.
14 Mme BIERSAY : [interprétation] J'ai combien de temps encore, Monsieur le
15 Président ?
16 M. LE JUGE ANTONETTI : Il doit vous rester, tout à l'heure, il y a au moins
17 cinq minutes le Greffier m'a dit que vous aviez utilisé 45 minutes. Comme
18 vous aviez une heure trente, il doit vous rester à peu près maintenant 40
19 minutes.
20 Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.
21 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, si vous pouviez proposer
22 à Mme Biersay, puisque je n'ai pas eu la possibilité de voir ces images,
23 qu'elle les diffuse ici aujourd'hui, ce soir de façon à ce que je sois prêt
24 demain. Parce que, moi, je ne les ai pas encore vu. Donc si demain je dois
25 réagir, j'aimerais les avoir vues ce soir.
26 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, la vidéo, vous voulez la faire voir
27 tout de suite ?
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Je vais voir comment les choses évolues,
Page 15163
1 Monsieur le Président. J'aimerais arriver à ces deux séquences, pas toutes
2 les 40 minutes, Nous avons sélectionné deux séquences et dans votre
3 classeur vous avez la pièce 65 ter 7514 A et B. Ce que nous pourrions faire
4 c'est mettre ceci à la disposition de tous. On pourrait le graver sur un
5 DVD et si on n'a pas le temps aujourd'hui, il pourra utiliser la soirée.
6 M. LE JUGE ANTONETTI : Madame Biersay, c'est vrai --
7 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président --
8 M. LE JUGE ANTONETTI : Monsieur Seselj, j'essaie de trouver une solution
9 pratique à un problème de fond.
10 Madame Biersay, l'accusé découvre cette vidéo. Bon, il ne l'a pas vue, et
11 il vous demande pour qu'il puisse réfléchir toute la nuit de la montrer
12 maintenant. Comme ça, lui, il aura le temps d'analyser tout cela et demain
13 pour son contre-interrogatoire il sera en meilleure position. Vous, c'est
14 votre élément de preuve. Vous l'utilisez comme vous voulez. Alors si vous
15 ne l'utilisez pas, vous aurez mobilisé la Chambre à s'occuper de cette
16 affaire, parce que, moi, depuis ce matin, je m'occupe de ça alors que je
17 suis en continu depuis 9 heures du matin à cette place. Donc je me suis
18 consacré à cette vidéo, et puis maintenant vous n'allez peut-être pas
19 l'utiliser. Alors quel gâchis.
20 Alors vous avez l'intention de l'utiliser ou pas ?
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Ah, je ne voulais pas dire, Monsieur le
22 Président, que nous n'allions pas l'utiliser. Je vois l'heure qu'il est, et
23 je me disais -- j'essaie de tirer le meilleur par -- c'est encore au sujet
24 du temps. Si je n'ai pas le temps aujourd'hui, je pourrais le faire demain.
25 Mais je tiens à préciser, Monsieur le Président, que nous avons fait une
26 communication complète de toutes les vidéos à M. Seselj, et ceci, c'est une
27 des 16 [comme interprété] parmi tant d'autres. Il a déjà ce DVD
28 n'allons pas diffuser les 40 minutes aujourd'hui. Ça, c'est certain.
Page 15164
1 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vous ai appris que
2 j'avais reçu cela hier et que je n'avais nulle part où diffuser ces images
3 et eu la correction suffisante pour donner mon accord afin que ceci soit
4 inclus dans les documents 65 ter. Je n'ai pas fait de problème. Mais
5 maintenant, il serait correct que je vois ces images aujourd'hui, de façon
6 à ce que s'il y a quelque chose qui devrait faire l'objet d'une réaction de
7 ma part, je puisse le faire demain. Par que tout d'un coup, je sois surpris
8 par des images que je n'ai jamais vues demain. J'ai reçu cela hier, mais je
9 n'avais nulle part où les regarder. Je n'ai pas l'équipement nécessaire
10 pour regarder ces images.
11 M. LE JUGE ANTONETTI : Je vais consulter mes collègues, parce que comme on
12 contrôle les modalités, on peut exiger de l'avoir tout de suite. Alors, je
13 vais poser la question à mes collègues.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ANTONETTI : Alors, Madame Biersay, la Chambre, qui a délibéré,
16 décide de voir la vidéo tout de suite. Donc, vous allez la passer tout de
17 suite.
18 Mme BIERSAY : [interprétation] Dois-je comprendre que ceci ne sera pas
19 déduit du temps réservé à l'Accusation ?
20 M. LE JUGE ANTONETTI : Si vous voulez. On est --
21 Mme BIERSAY : [interprétation] Pendant qu'on essaie de réunir ces deux
22 séquences, je pense qu'on a déjà le numéro 65 ter. M. Seselj a reçu la
23 transcription de cette séquence. Nous lui avons fourni tous les éléments
24 nécessaires dès vendredi.
25 Il s'agit du 7514, et c'est ce que disait Yutel de la situation à
26 Nevesinje, notamment des hommes qui se trouvaient aux postes de contrôle
27 autour de Nevesinje. La date attribuée se situe en juillet 1991.
28 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Je dis que je partirais quand j'aurais vu la
Page 15165
1 vidéo, même si c'est à minuit. Je reste jusqu'à minuit, mais je veux voir
2 cette vidéo.
3 Mme BIERSAY : [interprétation] Notre commis à l'affaire essaie de résoudre
4 la difficulté technique qui est intervenue. Si vous préférez, nous
5 pourrions faire une pause de cinq minutes, Monsieur le Président, pour
6 essayer de relancer.
7 M. LE JUGE ANTONETTI : Nous allons essayer d'utiliser un autre logiciel
8 pour vous diffuser ces images, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ANTONETTI : [aucune interprétation]
10 Mme BIERSAY : [interprétation] Dans l'intervalle, Monsieur le Président,
11 Madame et Monsieur les Juges, je pense qu'une demande avait été formulée à
12 propos de rapport de M. Theunens. Je peux vous dire désormais que son
13 rapport, la pièce de P258 deuxième volume, pages 141 à 149 sont les pages
14 concernées qui montrent qu'à la page 147, la 4e Région militaire englobait
15 la Bosnie orientale.
16 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, ici, il est question de
17 l'Herzégovine, alors que Mme Biersay parle de la Bosnie orientale. C'est
18 juste avant la guerre que tout le territoire de la Yougoslavie a été divisé
19 en trois régions militaires. Avant, il existait des régions de l'armée. La
20 6e Région de l'armée était à Sarajevo. L'Herzégovine n'a rien à voir avec
21 ce dont parle en ce moment Mme Biersay, absolument rien à voir.
22 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Madame Biersay. On verra à la page 147 du
23 rapport Theunens.
24 Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, 47 [comme interprété], mais aussi 141 à
25 149 où là est évoquée la question de la 2e Région militaire qui se trouve
26 en Bosnie aussi.
27 M. LE JUGE ANTONETTI : On verra, on verra cela.
28 Mme BIERSAY : [interprétation] Je pense que maintenant, on peut démarrer.
Page 15166
1 En tout cas, essayer.
2 [Diffusion de la cassette vidéo]
3 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
4 "Nous nous rapprochons du centre-ville de Nevesinje dans l'incertitude
5 complète quant au fait que nous allons rencontrer un représentant, des
6 organisateurs, des dirigeants ou comme ils disent, des chefs de file de ce
7 détachement civil, de civils armés. Etant donné que cela ne nous avait pas
8 convenu tous les jours qui avaient précédé notre départ dans ce voyage de
9 régler un certain nombre de problèmes, de confirmer notre rencontre avec
10 Arsen Grahovac, qui est censé être le créateur, le principal chef de file
11 de ce détachement armé, nous avons eu la chance, néanmoins, au centre-
12 ville, juste devant le café, Rad Megorad [phon] nous rencontrait avec Arsen
13 Grahovac.
14 Sur les images, il se présente comme commandant du Mouvement volontaire
15 serbe. Puisque ce sont des Musulmans, puisqu'en premier lieu, ils ont
16 commencé à s'armer, les Serbes ne s'étaient pas armés. Ils ne se sont pas
17 armés. Ce sont eux qui ont commencé à s'armer et nous, pour une raison ou
18 une autre, nous avons créé des patrouilles pour ne pas que des armes
19 entrent à Nevesinje parce que ce n'était pas nécessaire. Oui.
20 Grahovac : Et bien, que l'on trouve un seul Musulman, que l'on dise qu'un
21 Serbe, n'importe lequel, aurait frappé un homme. Même si ce serait 20 %
22 chez nous, 80 % chez eux. Le temps est passé où les Serbes étaient main
23 nue. Aujourd'hui, on ne peut pas nous qualifier ainsi. On ne veut pas dire
24 ce qu'on est, quand est-ce que -- on ne peut pas nous qualifier de nom
25 d'oiseau même si deux Oustachi sont arrivés en arme, et, ramasse 50 Serbes.
26 Finalement, cela n'a aucun rapport. Nous ne l'autoriserons pas, c'est
27 certain."
28 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
Page 15167
1 Mme BIERSAY : [interprétation] Voilà, ça c'était la première séquence,
2 j'espère que maintenant nous allons voir la séquence B.
3 [Diffusion de la cassette vidéo]
4 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
5 "Le journaliste : Quelle est la collaboration entre ces gens que vous
6 coordonnez et les forces de sécurité officielles à Nevesinje?
7 Grahovac : Ecoutez, ce peuple s'est organisé tout seul. Si le SUP
8 fonctionnait comme il fallait, et ce peuple croyait dans le SUP, mais
9 puisque le peuple n'a pas de confiance dans le SUP
10 municipalité s'est organisé donc tout seul, et il fait des patrouilles, il
11 garde.
12 Le journaliste : Et vous êtes la personne qui coordonne l'activité de ce
13 détachement ?
14 Grahovac : Oui, quelqu'un doit bien le faire, bon dieu.
15 Le journaliste : Oui, oui. Et vous savez ce qu'il en est des effectifs, des
16 nombres, des chiffres ?
17 Grahovac : De l'armée ?
18 Le journaliste : Si ce n'est pas un secret.
19 Grahovac : Et bien, je vais te dire, tu ne peux pas l'imaginer, il y a 90 %
20 de population serbe au moins ici, au moins."
21 L'INTERPRÈTE : Deuxième vidéo.
22 "Mais il faut laisser les gens travailler normalement, faire leur travail.
23 Mais je te demande cela et c'est toi qui me freines.
24 Le premier : Mais n'ergote pas.
25 Réponse : Je n'ergote pas.
26 Question : Tu sais ce que c'est que la sécurité.
27 Réponse : Pourquoi est-ce que je ferais objection.
28 Question : Mais ils ne font pas cela pour rien. Ils le font pour le peuple.
Page 15168
1 Mais nous ne sommes pas les seuls ici. 90 % de la population ici est serbe.
2 Question : Est-ce que vous avez un message à transmettre ou une philosophie
3 à vous, à laquelle vous réfléchissez quand vous montez la garde ici ?
4 Réponse : Moi, j'aimerais simplement que tout cela, ça s'arrête vite.
5 Question : T'as une petite amie ?
6 Réponse : Oui.
7 Question : Et comment ça fonctionne en ce moment ?
8 Réponse : Pas mal, comme ça peut. Elle le sait, elle sait quand c'est mon
9 tour.
10 Question : Combien de fois ton tour arrive ?
11 Réponse : Mais ce n'est pas important.
12 Question : Ce n'est pas important, mais nous sommes tous dans le même état,
13 sur le même pied.
14 Et un autre le jour et la nuit sans arrêt, rien.
15 Allez Pradrag [phon].
16 Bon.
17 Le journaliste : Vous êtes tous deux à Nevesinje ou des villages
18 environnants ?
19 Le premier homme : Mais il y a Nevesinje, il y a autour.
20 Le troisième homme : Chacun son tour.
21 Le deuxième : De Nevesinje et des environs.
22 Le premier : Tous, il y a toute la municipalité qui participe.
23 Le deuxième homme : Dites-moi, nous ne sommes pas payés ici. Il n'y a pas
24 de spécialité.
25 Le deuxième homme : Qu'ils amènent des spéciaux, sans problème. Même les
26 avions ne peuvent rien contre nous.
27 Le deuxième homme : Dites-leur là-bas, exactement ça, rien de plus.
28 Le troisième homme : Et nous sommes des hommes de Martic et de Seselj, rien
Page 15169
1 de plus. Nous l'avons.
2 Le premier : Mais écoutez, ne déconnez pas.
3 Le journaliste : Mais vous êtes en uniforme. Vous l'avez reçu d'une
4 instance officielle ?
5 Le troisième homme : Nous n'avons rien reçu.
6 Le deuxième : Nous faisons comme nous pouvons.
7 Le journaliste : Mais l'uniforme, il est de qui.
8 Le deuxième homme : Lui, il a son propre uniforme.
9 Le troisième : Il a son uniforme de Détachement de sabotage.
10 Le journaliste : Et des armes, vous en avez; est-ce que ça correspond au
11 besoin ?
12 Le deuxième : C'est ce qui a de pire ici, je pense, le fait que nous les
13 portons et que nous les utiliserons quand elles seront nécessaires.
14 Le journaliste : Mais ces armes viennent d'où ?
15 Le deuxième : Mais ce n'est pas important.
16 Le premier homme : Ce n'est pas important. Nous les avons reçus de qui ?
17 Ça n'intéresse personne.
18 Le deuxième homme : Dieu merci.
19 Le premier homme : En effet.
20 Le troisième homme : Les Juifs ont laissé quelque chose.
21 Le premier homme : Tout à fait.
22 Le troisième homme : Nous ne voulons tuer personne. Ces canons ne visent
23 pas nos voisins musulmans. Mais nous nous défendons simplement.
24 Le journaliste : Et d'où vous savez qu'ils étaient prêts à vous tuer ?
25 Le troisième homme : Nous le savons parce que nous avons été les premiers à
26 nous faire tuer, nous ne voulons pas que cela se renouvelle. Nous ne
27 voulons pas tuer qui que ce soit. Nous voulons simplement garder, défendre
28 ce que nous avons."
Page 15170
1 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
2 M. LE JUGE ANTONETTI : Bien. Alors nous avons donc visionné les deux
3 vidéos. Le temps n'aura pas été pris en compte, donc Madame Biersay, il
4 vous restera demain 40 minutes, et puis après, M. Seselj aura une heure et
5 demi, et j'espère qu'on pourra terminer sans problème.
6 Bien. Alors Monsieur le Témoin, je renouvelle mes consignes. Pas de contact
7 avec quiconque, et vous revenez donc tranquillement demain à 14 heures 15
8 puisqu'on commencera l'audience à 14 heures 15. Demain, certainement Mme
9 Biersay vous posera des questions à partir des deux vidéos que nous venons
10 de voir.
11 Voilà. Je vous souhaite à tous, une bonne fin de soirée.
12 [Le témoin quitte la barre]
13 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 27 janvier
14 2010, à 14 heures 15.
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28