LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Patrick Robinson
Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier
Décision rendue le :
2 août 2000
LE PROCUREUR
C/
DUKO SIKIRICA
DAMIR DOEN
DRAGAN KOLUNDZIJA
_____________________________________________________________________
DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE DE KOLUNDZIJA AUX FINS
DE DISJONCTION
DES CHEFS DACCUSATION ET/OU DINSTANCE
_____________________________________________________________________
Le Bureau du Procureur :
Mme Brenda Hollis
Le Conseil de la Défense :
M. Veselin Londrovic, pour Duko Sikirica
M. Vladimir Petrovic, pour Damir Doen
M. Duan Vucicevic, pour Dragan Kolundija
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 ("le Tribunal international"),
VU la «Requête de la Défense aux fins de disjonction des chefs daccusation et/ou de dédoublement dinstance» déposée le 22 mai 2000 (la «Requête») par le Conseil de laccusé Dragan Kolundija («la Défense»), demandant r la Chambre que les chefs relatifs r la responsabilité individuelle de laccusé soient dabord entendus et définis et quil soit ensuite procédé, dans le cadre dun procès disjoint («disjonction dinstance») ou dun «dédoublement dinstance» (cest-à-dire une phase distincte dune même instance), à lexamen des questions relatives à la responsabilité dérivée,
VU la «Réponse de lAccusation» déposée le 5 juin 2000, par laquelle le Bureau du Procureur («lAccusation)» soppose à la Requête,
VU que la Défense reconnaît quaucune disposition du Statut du Tribunal international ou de son Règlement de procédure et de preuve (le «Règlement») ne traite spécifiquement de la demande de disjonction, et quelle se fonde par conséquent exclusivement sur des exemples tirés de juridictions internes,
VU que la Défense invoque quil existe des avantages économiques et pratiques à conduire des procès séparés, lun consacré aux crimes qui auraient été commis en dehors du camp de Keraterm («responsabilité dérivée») et lautre aux crimes qui auraient été commis à lintérieur de ce camp («responsabilité individuelle»), et quil est dans lintérêt de la justice de conduire ces procès séparément,
VU que la Défense fait valoir quordonner une telle disjonction dinstance permettrait de gagner du temps, «éliminerait plusieurs causes de préjudice à lencontre de laccusé, permettrait de cibler les débats dans les deux phases du procès et déviter bon nombre de motifs dappel», que le préjudice et les désagréments causés à lAccusation sont inexistants, que cette dernière peut aisément séparer ses témoins et éléments de preuve documentaires entre ceux traitant exclusivement des événements survenus au camp de Keraterm et ceux portant exclusivement sur les événements survenus en dehors de ce camp,
VU que lAccusation fait valoir que rien dans le Statut ou le Règlement ne justifie que lon procède à une disjonction dinstance sous prétexte que lon dispose de différents types de responsabilité pénale individuelle pour les crimes reprochés, et que la Défense considère à tort les différents éléments des crimes retenus contre laccusé comme des infractions distinctes,
VU également que lAccusation affirme que les éléments de preuve en question sont pertinents pour les formes de responsabilité et les éléments constitutifs des infractions, que lAccusation doit prouver quune attaque systématique ou généralisée contre une population civile est un élément des crimes contre lhumanité visés à larticle 5 du Statut, que procéder à un «dédoublement dinstance» ne permettrait pas de gagner du temps, car il faudrait alors citer pratiquement tous les témoins à charge à comparaître deux fois, et que la Chambre de première instance ne pourrait prendre aucune décision concernant les crimes contre lhumanité jusquà ce que la deuxième phase du procès «dédoublé» ait été menée à son terme,
VU que lAccusation affirme que les événements survenus à lintérieur du camp de Keraterm étaient naturellement liés à ceux qui se déroulaient en dehors du camp et quil ny a pas lieu, au titre du droit, des faits ou de léconomie judiciaire, de procéder à une disjonction des chefs ou à un «dédoublement dinstance»,
OUÏ les arguments des parties le 23 juin 2000,
ATTENDU que, sagissant de la Requête de la Défense aux fins de disjonction dinstance, rien dans le Statut ou dans le Règlement ne justifie que lon procède à une disjonction dinstance sous prétexte quil existe différentes formes de responsabilité,
ATTENDU que, sagissant de la Requête de la Défense aux fins de «dédoublement dinstance», larticle 90 G) du Règlement confère à la Chambre de première instance la compétence générale d «?exercerg un contrôle sur les modalités de linterrogatoire des témoins et de la présentation des éléments de preuve, ainsi que sur lordre dans lequel ils interviennent»,
ATTENDU, cependant, quil nexiste aucun motif convaincant justifiant que la Chambre de première instance conduise ce procès en deux phases distinctes et que la Requête de la Défense est peu réaliste,
PAR CES MOTIFS,
REJETTE la requête.
Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
signature
Richard May
Fait le 2 août 2000
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]