LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Mohamed Bennouna
M. le Juge Patrick Robinson

Assistée de :
Mme Dorothee de Sampayo Garrido-Nijgh, Greffier

Ordonnance rendue le :
29 juin 2000

LE PROCUREUR

C/

DAMIR DOSEN
DRAGAN KOLUNDZIJA

_____________________________________________________________

ORDONNANCE

_____________________________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Brenda J. Hollis
M. Kapila Waidyaratne
M. Daniel Saxon

Les Conseils de la Défense :

M. Vladimir Petrovic, pour Damir Dosen
M. Dusan Vucicevic, pour Dragan Kolundzija

 

NOUS, MOHAMED BENNOUNA, Juge près le Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le «Tribunal international»),

DÉSIGNÉ Juge de la mise en état en l’espèce par l’ordonnance rendue le 3 février 2000 par la Chambre de première instance,

VU la requête aux fins de mesures de protection au bénéfice de douze témoins formulée dans les conclusions confidentielles déposées le 1er juin 2000 par le Bureau du Procureur («l’Accusation») et intitulées «Notification d’exécution par l’Accusation de la "Décision relative à la requête de la défense aux fins d’imposer la communication des moyens de preuve" rendue le 11 mai 2000 par la Chambre de première instance, et de "l’Ordonnance portant prorogation de délai" rendue le 18 mai 2000 par le Juge de la mise en état» (la «Requête»),

VU la «Décision relative à la requête de la défense aux fins d’imposer la communication des moyens de preuve», par laquelle la Chambre de première instance a ordonné le 11 mai 2000 à l’Accusation de communiquer à la Défense une copie non expurgée du document intitulé «Extraits de déclarations» figurant en annexe de l'acte d'accusation ou de sa version modifiée lors de la demande de confirmation, à moins que l'Accusation ne sollicite des mesures de protection spécifiques en faveur des témoins dont les noms sont cités dans ce document,

ATTENDU que l’Accusation demande que les témoins AC et Keraterm 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28 bénéficient des mesures de protection suivantes : désignation par les pseudonymes donnés ; expurgation des «Extraits de déclarations» de façon à en supprimer leur nom ; non-divulgation au public de leur nom et des éléments permettant de les identifier ; divulgation de leur nom et des éléments permettant de les identifier à la Défense au plus tôt trente jours avant l’ouverture du procès ; interdiction pour la Défense de divulguer au public l’identité et les coordonnées de ces témoins, dans la mesure où elle les connaît ; altération de l’image des témoins à l’écran lors de leur comparution au procès,

VU la «Réponse de la défense à la requête aux fins de mesures de protection», déposée le 15 juin 2000 par le conseil de Damir Došen, laquelle Réponse

1) ne s’oppose pas aux mesures de protection demandées, sous réserve que les noms et éléments d’identification des témoins soient communiqués à la Défense soixante jours avant l’ouverture du procès, tel que convenu entre les parties le 5 juin 2000,

2) s’oppose à la non-communication des coordonnées actuelles des témoins,

ATTENDU que la Défense de Dragan Kolundžija n’a pas déposé de réponse r la Requête,

VU «l’Ordonnance portant calendrier» du 9 juin 2000 par laquelle le Juge de la mise en état a pris note de l’accord conclu entre l’Accusation et les conseils de Dragan Kolundžija et de Damir Došen au sujet de la communication des noms des témoins protégés soixante jours avant l’ouverture du procès, et a modifié en conséquence «l’Ordonnance relative à la requête du Procureur aux fins de mesures de protection» et «l’Ordonnance relative à la communication de déclarations de témoins à charge», toutes deux rendues le 11 mai 2000,

VU l’ordonnance accordant des mesures de protection en l’espèce, rendue le 19 octobre 1999 et étendue le 10 mars 2000 aux deux accusés («l’Ordonnance aux fins de mesures de protection»),

ATTENDU que les témoins AC et Keraterm 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24 ont tous exprimé des inquiétudes quant à leur sécurité personnelle et à celle de leurs familles,

ATTENDU que l’Accusation n’a pas été en mesure de prendre contact avec les témoins Keraterm 25, 26, 27 et 28, mais n’en demande pas moins que les mêmes mesures de protection leur soient accordées à titre de précaution,

ATTENDU que le 3 mai 2000, dans le cadre de l’affaire Le Procureur c/ Kvocka (affaire n° IT-98-30/1-T), le témoin AC a bénéficié de mesures de protection identiques à celles actuellement demandées, à l’exception du fait que son nom et les éléments permettant de l’identifier n’avaient alors été communiqués à la défense que trente jours avant l’ouverture du procès,

ATTENDU que l’Accusation a déjà communiqué des passages expurgés des «Extraits de déclarations» concernant neuf témoins (N, X, Y et Keraterm 4, 6, 7, 10, 11 et 12) qui se sont vu accorder des mesures de protection par une ordonnance du 11 mai 2000,

VU les expurgations proposées par l’Accusation,

VU l’article 22 du Statut du Tribunal international («le Statut») et les articles 69 et 75 de son Règlement de procédure et de preuve («le Règlement»), relatifs à la protection des victimes et témoins,

VU les motifs particuliers présentés à l’appui de la Requête en ce qu’elle a trait aux témoins AC et Keraterm 18, 19, 20, 21, 22, 23 et 24,

ATTENDU que l’expurgation, par l’Accusation, des extraits de déclarations vise à protéger l’identité et les coordonnées des témoins jusqu’à une date proche de l’ouverture du procès, et qu’elle n’a pas d’autre objet,

VU les droits des accusés, tels qu’énoncés à l’article 21 du Statut, et en particulier celui de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de leur défense,

ATTENDU que les conseils de la Défense de Došen et de Kolundžija peuvent commencer r préparer leur cause et seront en mesure d’enqueter davantage sur les déclarations des témoins en question suffisamment de temps avant l’ouverture du procès,

ATTENDU que l’Ordonnance aux fins de mesures de protection rendue en l’espèce par la Chambre de première instance le 19 octobre 1999, telle qu’étendue aux deux accusés le 10 mars 2000, reste pleinement en vigueur et s’applique à la communication des déclarations des témoins AC et Keraterm 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28,

ATTENDU que dans l’affaire Le Procureur c/ Kvocka, la Chambre de première instance I du Tribunal international a accordé au témoin AC des mesures de protection analogues à celles actuellement demandées par l’Accusation et que lesdites mesures de protection demeurent à ce jour pleinement en vigueur,

ATTENDU que l’Accusation essaye encore de localiser les témoins Keraterm 25, 26, 27 et 28 pour prendre contact avec eux,

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 20 et 22 du Statut et des articles 66 a) i), 69, 75 et 79 du Règlement,

APPROUVONS les expurgations effectuées par l’Accusation, FAISONS DROIT à la Requête et ORDONNONS comme suit :

1) Au plus tard soixante jours avant la date prévue pour l’ouverture du procès, l’Accusation communiquera à la Défense de Dragan Kolundžija et de Damir Došen les «Extraits de déclarations» avec pour seules mentions expurgées les coordonnées actuelles des témoins AC, Keraterm 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28 ;

2) S’agissant des témoins Keraterm 25, 26, 27 et 28 :

i) l’Accusation informera immédiatement le Juge de la mise en état de tout contact qu’elle aurait réussi à établir avec eux et déposera dans le même temps une requête aux fins de mesures de protection au bénéfice du témoin contacté,

ii) si aucune mesure de protection n’est demandée pour le témoin avec qui le contact a été pris, l’Accusation devra, dans les sept jours suivant la notification de contact, communiquer à la Défense de chacun des accusés les informations qui avaient été supprimées pour établir la version expurgée des «Extraits de déclarations».

L’Accusation pourra demander en temps opportun que soient ordonnées toutes autres mesures de protections qui lui sembleraient s’imposer dans le cadre de la comparution au procès des témoins susmentionnés.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

 

Le Juge de la mise en état
/signé/
Mohamed Bennouna

Fait le vingt-neuf juin 2000
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]