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1 (Lundi 19 mars 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 10 heures.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, veuillez annoncer
5 l'affaire.
6 Mlle Ameerali (interprétation): Bonjour Messieurs les Juges. Il s'agit de
7 l'affaire IT-95-8-T, le Procureur contre Dusko Sikirica, Damir Dosen et
8 Dragan Kolundzija.
9 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?
10 M. Ryneveld (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges. Je m'appelle
11 Dirk Ryneveld, je représente l'accusation, en présence de Mme Julia Baly
12 et M. Daryl Mundis.
13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Et la défense?
14 M. Londrovic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Messieurs
15 les Juges. Je m'appelle Veselin Londrovic et je représente M. Sikirica,
16 avec mon co-conseil de la défense, Michael Greaves. Radislava Petrovic est
17 avec nous, elle aussi, en tant qu'interprète puisque je suis un conseil de
18 la défense qui ne parle aucune des deux langues officielles de ce
19 Tribunal. C'est donc Mlle Petrovic qui nous aide, avec M. Greaves, à
20 communiquer.
21 M. Petrovic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président. Je m'appelle
22 Petrovic Vladimir. Je suis de Belgrade et, avec mon collègue, Me Goran
23 Rodic, je représente M. Dosen.
24 M. Vucicevic (interprétation): Bonjour Monsieur le Président, Messieurs
25 les Juges. Je m'appelle Dusan Vucicevic, et je défends M. Kulundzija.
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1 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Ceci constitue la
2 première journée d'audience de ce procès, et nous la commencerons par la
3 déclaration préliminaire.
4 Auparavant, je voudrais m'enquérir auprès de vous, Monsieur Ryneveld, de
5 la longueur de cette déclaration liminaire.
6 M. Ryneveld (interprétation): Je pense que cela prendra environ une heure
7 et 35 minutes, c'est l'estimation que j'ai faite. Il y aura quelques brefs
8 extraits vidéos qui seront diffusés. Je suis conscient du fait que je de
9 devrais parler lentement, afin que les interprètes puissent me suivre. Je
10 pense donc que ceci durera une heure et 35 minutes.
11 M. le Président (interprétation): Fort bien. Eh bien, nous ferons une
12 pause à 11 heures 30, 11 heures 35?
13 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait.
14 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'un quelconque des conseils
15 de la défense va invoquer et exercer le droit qu'il a de présenter une
16 déclaration liminaire?
17 M. Vucicevic (interprétation): Nous allons faire une déclaration partielle
18 dans laquelle nous allons contester les éléments de l'accusation. Et, dans
19 la mesure du possible, nous aimerions aussi présenter les éléments qui
20 constituent notre défense. Je vous remercie.
21 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si je vous ai bien
22 compris, si je comprends ce concept de déclaration partielle. Vous avez,
23 bien sûr, en vertu du Règlement, le droit de le faire. Mais vous devez
24 décider si vous voulez faire une déclaration liminaire, en tout,
25 maintenant ou au début de la présentation de vos moyens à décharge.
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1 M. Vucicevic (interprétation): Je veux faire une déclaration liminaire dès
2 maintenant.
3 M. le Président (interprétation): Quelle en sera la longueur?
4 M. Vucicevic (interprétation): Quarante cinq minutes.
5 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
6 Maître Ryneveld, vous avez la parole.
7 (Déclaration liminaire de M. Ryneveld.)
8 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie, Messieurs les Juges, mais
9 je vais vous demander si Mme Rebecca Grant peut nous aider à placer
10 quelques cartes sur le rétroprojecteur. Ceci nous aidera dans la
11 présentation de nos déclarations liminaires.
12 M. le Président (interprétation): Mais bien sûr.
13 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie.
14 Messieurs les Juges, j'ai maintenant l'honneur de vous présenter la
15 déclaration liminaire de l'accusation dans les charges qu'elle a retenues
16 contre Sikirica, Dosen et Kolundzija, en vous dressant les grandes lignes,
17 les témoignages que nous avons l'intention de vous soumettre. Je ne vais
18 pas simplement répéter ce qui se trouvait déjà dans notre mémoire
19 préalable au procès. Je vais plutôt, au cours de l'heure et demie qui
20 vient, vous présenter les grandes lignes de nos moyens à charge et mettre
21 en exergue certains des témoignages pertinents que nous allons vous
22 soumettre.
23 A la fin de ce procès, nous pensons que ces éléments de preuve ne
24 laisseront aucun doute raisonnable dans votre esprit quant à la
25 culpabilité des trois accusés, Sikirica, Dosen et Kolundzija.
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1 Messieurs les Juges, il s'agit ici d'un procès portant sur le nettoyage
2 ethnique, la persécution et le génocide commis dans l'opstina de Prijedor,
3 dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine et, en particulier, sur la
4 création de camps de détention à l'intention des habitants non-serbes
5 civils de la région. Camps qui, lorsqu'ils ont été découverts en été 1992,
6 ont ébranlé la conscience du monde. Les dirigeants serbes de Bosnie ont,
7 avec persistance, nié l'existence de camps de détention, de type de camps
8 de concentration dans la zone qu'ils contrôlaient.
9 Vous allez, maintenant, voir un bref extrait de M. Karadzic qui parle au
10 début du mois d'août 1992 et qui nie qu'il y ait le moindre camp de
11 détention qui existe à l'intention des civils.
12 (Diffusion d'une vidéo.)
13 "M. Karadzic (interprétation): Il est hors de question qu'il y ait le
14 moindre camp pour civils."
15 Ces dénégations se sont avérées fausses lorsque des images sont apparues
16 sur nos écrans montrant des détenus émaciés et mal nourris dans certains
17 de ces camps, en été 1992. Et ceci a averti le monde du fait que des
18 atrocités se commettaient contre des civils en Bosnie-Herzégovine.
19 Ce qui va apparaître dans les témoignages que nous allons vous soumettre,
20 c'est que les individus qui étaient emprisonnés dans des camps tels que
21 Keraterm, Omarska et Trnopolje, que ces personnes s'y trouvaient du fait
22 d'une politique de persécution générale et arbitraire et de nettoyage
23 ethnique des Musulmans et des Croates de Bosnie commis par les Serbes de
24 Bosnie.
25 Ce procès va s'intéresser à des événements qui se sont produits dans la
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1 commune de Prijedor, et pratiquement entre le mois d'avril et le mois
2 d'août 1992, au moment où ceux qui étaient les apôtres du fanatisme
3 nationaliste serbe ont déclenché et orchestré une campagne de persécution
4 et de terreur sur toutes les parties qui n'étaient pas serbes dans
5 l'opstina de Prijedor. Une même campagne a été menée simultanément dans
6 d'autres régions de la Bosnie-Herzégovine, et qui s'inscrivait dans le
7 cadre d'un objectif, d'un dessein commun des dirigeants serbes de Bosnie
8 qui voulaient créer une grande Bosnie ethniquement pure.
9 Ceux qui étaient à l'origine de cette entreprise, qui voulaient créer un
10 Etat ethniquement pur, ont accompli leurs objectifs de diverses façons. Il
11 y avait, parmi ces méthodes, la destruction de villages, le fait
12 d'assassiner les habitants, la déportation et la détention forcée des
13 survivants.
14 Dans le contexte d'un conflit armé qui a éclaté en Bosnie-Herzégovine en
15 avril 1992, commença une attaque généralisée et systématique sur la
16 population civile non-serbe. Les forces serbes de Bosnie ont entamé des
17 opérations militaires. Leurs soldats, leurs policiers se sont mis à
18 arrêter les habitants non-serbes.
19 La ville de Prijedor et ses environs où se trouvaient surtout des villages
20 habités par des Musulmans sont devenus un champ de bataille.
21 Les habitants non-serbes de la ville de Prijedor et des villages voisins
22 ont été victimes de rafles. Leurs maisons, leurs lieux de religion, leurs
23 lieux de culte ont été ciblés, tout particulièrement en vue d'être
24 détruits. Les témoins vous le diront au cours de ce procès: leurs mosquées
25 ont été profanées, détruites; leurs foyers, leurs commerces ont été
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1 pillés, incendiés, détruits.
2 Pour vous donner une idée du type de destructions que vous relateront les
3 témoins lorsqu'ils viendront à la barre, nous proposons de vous montrer un
4 bref aperçu de ces destructions. Il s'agit ici d'un bref extrait vidéo qui
5 vous montre le village de Kozarac et vous donne une idée du type de dégâts
6 subis par ces villages. Vous remarquerez que, de temps à autre, vous
7 verrez un bâtiment qui semble avoir échappé à cette destruction.
8 Les témoins qui viendront vous parler vous diront qu'il s'agissait là de
9 maisons, de commerces, d'églises serbes, qui n'avaient pas été ciblées
10 pour être détruites, mais tout ce qui appartenait aux non-serbes a été
11 détruit. Or, dans ces communautés la population était surtout musulmane.
12 (Diffusion d'une vidéo.)
13 Vous allez bientôt voir des images qui vous montrent ce qui reste d'une
14 mosquée.
15 Une composante fondamentale de la campagne menée par les Serbes de Bosnie
16 en vue de créer un Etat purement serbe, uniquement serbe, était de tuer
17 une partie de la population civile croate et musulmane de Bosnie et de
18 chasser de la région ce qui restait de cette population. Ils ont ciblé les
19 dirigeants civils et politique non-serbes, les intellectuels et les gens
20 aisés, les notables. Ils ont aussi ciblé les personnes qui, selon eux,
21 étaient des extrémistes. En l'occurrence, des gens en âge de combattre
22 puisque ces hommes auraient pu résister aux Serbes.
23 La partie meurtrière de cette campagne s'est faite, soit par des
24 opérations militaires exécutées directement, ou par la détention des
25 membres de ces groupes et la soumission de ceux-ci à des conditions qui
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1 étaient censé entraîner leur destruction physique, en tuant directement,
2 sur-le-champ, nombre des habitants et en détenant les autres dans des
3 camps où ils étaient battus à mort, affamés, torturés, assassinés.
4 Les Serbes de Bosnie ont accompli une partie de leur objectif. Les
5 habitants qui sont restés sur place, ont été terrorisés. Ils se sont dits
6 qu'ils n'avaient qu'un choix, celui de quitter leur foyer et d'abandonner
7 la région. Ils ont été chassés. Souvent en emportant les malades, les
8 vieux et les petits. Ils n'avaient pratiquement pas le temps de rassembler
9 quelques effets personnels avant de s'enfuir devant l'attaque de leurs
10 voisins serbes. Ils avaient trop peur pour rester mais ne savaient pas où
11 aller.
12 Ils se sont enfuis en direction du village non-serbe le plus proche ou des
13 montagnes, simplement pour essayer de survivre un jour de plus. Derrière
14 eux, les forces armées serbes qui avançaient laissaient la destruction
15 derrière eux. Ils pillaient, incendiaient, détruisaient les maisons
16 civiles. De cette façon, les autorités serbes de Bosnie ont manifesté leur
17 intention génocidaire, qui consistait à accomplir cet objectif de parvenir
18 à un Etat serbe ethniquement purement.
19 Le nettoyage ethnique de la région de Prijedor ne s'est pas fait par
20 hasard. Au contraire, il s'agissait d'une opération planifiée et exécutée
21 avec minutie. Au début des années 90, parmi les partis politiques
22 nationalistes, il y avait le SDA dominé par les Musulmans et le SDS par
23 les Serbes. Ce sont des partis qui ont cherché à obtenir le pouvoir
24 politique à Prijedor, ouvertement. Et même si le SDA, parti musulman, a
25 obtenu une majorité de sièges au cours des élections de 1990, les
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1 fonctionnaires serbes, les responsables serbes ont réussi à distribuer, à
2 répartir les positions civiles clefs en fonction des résultats électoraux.
3 Le SDS voulait établir un contrôle serbe exclusif sur de grandes parties
4 du territoire au nord-ouest et à l'est de la Bosnie-Herzégovine, alors que
5 dans ces régions résidaient beaucoup de personnes non-serbes. Dans la
6 région de Prijedor, le SDS a mis en place des plans très sérieux en vue de
7 créer un territoire serbe séparant la Bosnie-Herzégovine, au moment où il
8 est apparu clairement qu'ils n'étaient pas en mesure de maintenir la
9 Bosnie dans la Fédération de Yougoslavie.
10 Les tensions qui existaient entre les Serbes et non-Serbes dans la région
11 n'ont fait que monter, de même que le renforcement des forces serbes dans
12 la région.
13 En mars 1992, les extrémistes serbes ont saisi la station-relais de
14 télévision sur le mont Kozara. A la suite de quoi, les résidents de la
15 région ont entendu des programmes de propagande serbe où il y avait aussi
16 des avertissements aux Serbes, selon lesquels les extrémistes non-serbes
17 voulaient les détruire.
18 Le 30 avril 1992, les forces serbes se sont emparé de l'opstina de
19 Prijedor et n'ont rencontré pratiquement aucune résistance ce faisant. Les
20 policiers non-Serbes ont livré les armes à leurs collègue serbes, souvent
21 à la pointe du fusil. Le lendemain matin, les drapeaux serbes flottaient
22 sur tous les bâtiments officiels et la Radio Prijedor annonçait que les
23 Serbes s'étaient emparés de l'opstina.
24 Dans les trois semaines qui allaient suivre, tous les civils avaient reçu
25 l'ordre de livrer leurs armes aux autorités. Mais en fait, cet ordre ne
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1 s'appliquait qu'aux non-Serbes et vous l'entendrez -les témoins qui
2 viendront vous parler-, les civils serbes ont reçu des armes des autorités
3 locales et de la JNA qui était dominée par les Serbes.
4 Les déplacements, les communications étaient limités, restreints pour les
5 non-Serbes. Beaucoup de non-Serbes ont été licenciés et ont perdu leur
6 sécurité sociale du seul fait de leur appartenance ethnique.
7 Le document suivant, qui sera la pièce 12A, et qui a pour auteur le
8 Président de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, cellule de crise
9 de Banja Luka, Radoslav Brdjanin, le 22 juin 1992, ce document vous montre
10 que la décision a été prise au niveau le plus élevé. Elle était censée
11 être exécutée par les cellules de crise de toutes les municipalités de la
12 région autonome de Krajina.
13 Voici le document tel qu'il figure maintenant sur le rétroprojecteur.
14 Je vous lis le passage surligné en orange: "Toutes les positions-clé, les
15 postes qui signifient qu'il y a accès à l'information, protection des
16 biens publics et d'autres postes d'importance pour le fonctionnement de
17 l'économie, ne pourront être occupés que par des personnes de nationalité
18 serbe. Ceci s'applique à toutes les entreprises sociales, aux entreprises
19 mixtes, aux instituts d'Etat, aux entreprises publiques, au ministère de
20 l'Intérieur et à l'armée de la République serbe de Bosnie-Herzégovine.
21 De surcroît, ces postes ne peuvent pas être occupés par des ouvriers qui
22 n'ont pas confirmé leur nationalité serbe au cours du plébiscite, ou par
23 ceux pour qui il n'est pas clair que le seul représentant du peuple serbe
24 est le Parti Démocratique Serbe.
25 La date butoire fixée pour l'exécution de cette tâche est celle du
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1 vendredi 26 juin 1992, à 15 heures. Les présidents des cellules de crise
2 municipales devront faire rapport à cette cellule de crise-ci". Fin de
3 citation.
4 S'il restait le moindre doute quant à la question de savoir si les
5 cellules de crise voulaient véritablement exécuter cette politique dans
6 les municipalités qui constituaient la région autonome de Krajina, eh
7 bien, la réponse vous la trouvez dans la phrase suivante -je cite: "Tout
8 manquement à l'exécution de cette décision entraînera la suspension
9 automatique de ladite personne". Fin de citation.
10 Il apparaîtra clairement à l'examen du dossier que les cellules de crise
11 donnaient des consignes, des instructions qui n'ont fait que marginaliser
12 davantage la population non-serbe en l'empêchant de participer aux
13 organisations publiques et économiques par le contrôle de l'émigration
14 interne, et par la mise au point d'un plan qui avait pour objet
15 d'entraîner ce que l'on a appelé la "réinstallation volontaire" de la
16 population civile non-serbe.
17 Ce faisant, ils ont ainsi préparé la trame pour la commission de ce
18 génocide en partie contre la population civile non-serbe de l'opstina dont
19 les dirigeants civils et politiques, les intellectuels, les notables, et
20 ceux qui avaient résisté aux Serbes, à savoir les hommes en âge de
21 combattre. Même si cette conduite a marqué le début de la persécution de
22 la population non-serbe de l'opstina pour les habitants de Prijedor, le
23 véritable cauchemar, lui, a commencé vers le 22 mai 1992, au moment où des
24 offensives militaires serbes de grande envergure ont été lancées. Au cours
25 de ces offensives, menées par des soldats, par des policiers mais aussi
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1 par des unités paramilitaires équipées par le SDS, il y a eu des
2 pilonnages d'artillerie contre des villages non-serbes.
3 Les villes, les villages dont vous allez entendre parler au cours de la
4 présentation des moyens de preuve, à savoir Prijedor, Donja Puharska,
5 Cejreci, Kozarac, Sivci et les villages qui constituent la région de Brdo,
6 à savoir Rizvanovici, Biscani, et Rakovcani ainsi que Hambarine, ont fait
7 l'objet d'attaques, irrégulières mais systématiques, et de destruction
8 comme vous l'avez vu dans ces images de Kozarac il y a un instant.
9 Et même si dans certaines régions, les non-Serbes se sont organisés pour
10 essayer de repousser les attaques armées, une fois arrivé le milieu du
11 mois de juillet 1992, tous ces villages avaient été conquis par des forces
12 armées serbes mieux équipées. Au cours de ce processus, un nombre
13 innombrable de civils serbes a été tué.
14 Au cours de ces attaques, les hommes, les femmes, les enfants, ont pris la
15 fuite en direction des villages voisins ou dans les forêts et les
16 montagnes proches où la majorité malheureusement inévitablement a été
17 abattue, capturée, ou a dû se livrer aux forces serbes. Leurs maisons,
18 leurs foyers ont été pillés, incendiés, détruits d'une façon ou d'une
19 autre. Leurs bétails abattus. Tout ceci a été exécuté afin que ces
20 personnes n'aient rien vers quoi retourner, aucune raison de rentrer chez
21 eux.
22 Après avoir été capturés, les hommes étaient séparés des femmes et des
23 enfants. Nombre d'entre eux ont été tués sur le champ, d'autres ont été
24 battus sans pitié, et puis transportés comme du bétail dans des camps de
25 détention dans la région, et plus exactement à Keraterm, Omarska et
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1 Trnopolje où ils ont subi des souffrances horribles et des outrages
2 innommables de la part de leurs geôliers serbes.
3 La plupart de ces témoins vous parleront de ce qu'ils ont eux-mêmes vécu
4 et vous entendrez dire comment ils ont été attaqués, rassemblés, frappés,
5 détenus, victimes de sévices, de famine. Vous entendrez aussi ce qui est
6 arrivé de ceux qui ne vivent plus, et qui ne sont plus ici pour vous
7 relater eux-mêmes les faits. Vous verrez comment ces trois accusés, qui
8 sont ici devant vous, aujourd'hui, ont figuré parmi ces geôliers qui ont
9 fait de leur vie un enfer vivant au cours de leur détention à Keraterm.
10 Vous entendrez les dépositions des témoins, eux-mêmes, qui vous donneront
11 les détails de la façon dont les Musulmans et les Croates de Bosnie, tous
12 ces civils, ont été victimes d'exécution sommaire, de passages à tabac, de
13 sévices sexuels, et de détention de façon généralisée, systématique et
14 prolongée. Vous verrez aussi comment nombre d'entre eux ont été transférés
15 dans des camps comme ceux d'Omarska et de Trnopolje où ils ont été soumis
16 à des traitements similaires, sinon pires, avec la complicité de l'accusé
17 Sikirica.
18 Messieurs les Juges, la campagne de persécution était à ce point
19 minutieuse, les conséquences de cette campagne de terreur à ce point
20 énormes, que vous entendrez dire que les autorités serbes de Bosnie ont
21 mis en place un réseau d'environ 39 camps de détention que les Serbes de
22 Bosnie désignaient d'un euphémisme, celui de "centre de rassemblement ou
23 d'enquête".
24 Les éléments de preuve que nous allons vous soumettre se concentreront sur
25 trois de ces camps, Keraterm, Omarska et Trnopolje, parce que les détenus
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1 de Keraterm étaient transférés de là dans les autres camps comme une
2 matière de routine.
3 L'accusé Sikirica, qui est accusé de génocide et de complicité dans l'acte
4 de génocide, de même que de l'accusation de persécution, était le
5 commandant du camp de Keraterm. C'est lui qui mettait à jour la liste des
6 détenus de Keraterm qui se trouvaient donc dans son camp, pour déterminer
7 ceux qui devaient être transférés à Omarska. Beaucoup de ceux qui ont été
8 envoyés à Omarska ont été tués, et beaucoup d'entre eux, eh bien, on ne
9 les a jamais plus revus. Vu l'interaction qui existait entre ces camps,
10 nous avançons que Sikirica connaissait le sort probable qui était réservé
11 à ceux dont il ordonnait le transfert dans cet autre camp. Vous verrez
12 comment ceux qui arrivaient à Omarska de Keraterm étaient ciblés et
13 faisaient l'objet de traitements encore plus horribles à leur arrivée à
14 Omarska. De ce fait, Sikirica est responsable non seulement des actes
15 génocidaires commis par lui-même, personnellement, et par ceux qui se
16 trouvaient sous son commandement au camp de Keraterm, mais aussi d'actes
17 similaires qui se sont produits dans les camps d'Omarska et de Trnopolje.
18 Les actes commis dans ces camps, ainsi que les conditions qui prévalaient
19 de façon générale dans ces camps, ont joué un rôle essentiel dans
20 l'exécution de cette campagne d'expulsion menée par les Serbes de Bosnie
21 dans l'opstina de Prijedor. Le fonctionnement de ces camps, en général, et
22 de celui de Keraterm en particulier, avait une fonction bien particulière
23 qui était la détention, l'assassinat, la torture, l'intimidation, et la
24 soumission à la terreur des Musulmans et des Croates de Bosnie à Prijedor.
25 En tant que commandant du camp de Keraterm, l'accusé Sikirica contrôlait
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1 une partie intégrante de cette campagne de persécution et d'exécution à
2 Prijedor pour mener à bien ce dessein commun.
3 Les camps comme Keraterm, Omarska et Trnopolje avaient comme personnel des
4 forces serbes dont des officiers de police de réserve du poste de sécurité
5 publique de Prijedor, en même temps que d'autres qui sont venus dans le
6 camp. Il se peut que certains de ces hommes aient été du personnel du
7 camp, mais d'autres tels que Zoran Zigic et Duca Knezevic avaient
8 l'autorisation d'entrer dans les camps pour persécuter et assassiner les
9 détenus. En tant que commandant du camp, l'accusé Sikirica s'est rendu
10 responsable d'atrocités, de passages à tabac, d'assassinats, et d'autres
11 crimes de guerre perpétrés par ces individus.
12 Parlons maintenant des conditions qui prévalaient dans le camp.
13 Dans les trois camps, les conditions étaient "abominables". Et il
14 apparaîtra clairement au fil des témoignages, à quel point ces conditions
15 étaient brutales. Le camp de Keraterm se trouvait dans un entrepôt sur le
16 périmètre d'une usine de céramique, aux abords de la ville de Prijedor.
17 Les quelques images qui vont vous être montrées maintenant, vous montrent
18 la zone de l'entrepôt qui servait de site de détention pour beaucoup des
19 hommes non-serbes, des civils en âge de combattre, originaires de la
20 région de Prijedor.
21 Vous voyez maintenant l'endroit où se trouvaient les salles 1, 2, 3, et 4,
22 dont vous entendrez parler. C'est l'entrepôt qui faisait partie de l'usine
23 de céramique.
24 On voit maintenant en plan plus rapproché, l'endroit qui servait de centre
25 de commandement pour le commandant du camp, Sikirica.
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1 Vous avez une vue latérale des pièces qui sont plus en-deçà, vous avez les
2 salles 1 et 2, et puis à droite, les salles 3 et 4. Voici les portes en
3 métal, qui mène à la salle 3. Nous reparlerons de cette salle 3 et de ce
4 que l'on appelait "le massacre de la salle 3".
5 Vous voyez maintenant des traces de balles au-dessus de la porte. C'est là
6 qu'apparemment se sont retrouvées certaines balles tirées au moment du
7 massacre.
8 M. le Président (interprétation): Mais nous allons avoir des plans du
9 camp, n'est-ce pas? Nous pourrons ainsi mieux suivre ce qui se passe.
10 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Au cours de la présentation des
11 témoins, nous avons l'intention de vous soumettre des documents qui vous
12 seront utiles.
13 Ici, il s'agit simplement de certaines images que j'utilise à la seule fin
14 de ma déclaration liminaire.
15 M. May (interprétation): Je comprends bien. Est-ce qu'il y a déjà une cote
16 qui a été apposée?
17 M. Ryneveld (interprétation): Pour la photographie?
18 M. May (interprétation): Pour la vidéo.
19 M. Ryneveld (interprétation): Nous n'avons pas encore de cote pour la
20 vidéo, mais au cours du procès nous allons reprendre beaucoup de ces
21 documents que j'utilise pour ma présentation, et ces documents recevront
22 une cote, deviendront des pièces à conviction. Pour autant, bien sûr,
23 qu'elles soient admises au dossier.
24 Le camp de Keraterm servait de camp pour les détenus d'avril à mai, ou à
25 partir du 23 mai 1992 jusqu'au moment de sa fermeture en août 1992. Il a
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1 fonctionné pendant deux mois et demi à peu près, et il y a eu quelque
2 1.500 détenus qui étaient pratiquement tous des hommes non-serbes en âge
3 de combattre. Les gardes étaient des Serbes et la plupart, si pas la
4 totalité d'entre eux, étaient des officiers de réserve de la police qui
5 étaient reliés au poste de police Prijedor II.
6 La détention a entraîné le déclin physique et la mort des détenus non-
7 serbes. Les détenus étaient souvent transférés à Keraterm, en provenance
8 d'autres camps, y étaient soumis à des interrogatoires très brutaux,
9 violents. Après qu'ils aient été "traités" comme disaient leurs geôliers
10 serbes, beaucoup ont été envoyés à des camps comme Omarska où ils n'ont
11 pas survécu aux traitements qui leur ont été infligés. A savoir, la
12 torture, les passages à tabac, la famine ou le meurtre tout simplement.
13 Pour ceux qui sont restés à Keraterm après les interrogatoires, la vie
14 n'était pas beaucoup meilleure. Tortures, passages à tabac, famine,
15 meurtres, massacres, tout ceci s'inscrivait dans le plan qui était réservé
16 aux détenus de Keraterm.
17 Lorsque ce camp a fermé au début du mois d'août 1992, beaucoup des détenus
18 qui s'y trouvaient ont été transférés à Trnopolje. Lorsque des équipes de
19 télévision ont réussi, en dépit des résistances qui leur ont été faites, à
20 avoir accès au camp de Trnopolje, ils ont filmé et ils ont maintenu dans
21 ces images l'état dans lequel se trouvaient les détenus.
22 Au moment où une commission internationale, composée de l'équipe de
23 journalistes, a eu l'autorisation d'aller dans ces camps, les autorités
24 serbes de Bosnie avaient déjà donné des instructions le 3 août à ces
25 différents camp pour que –je cite: "toutes les mesures nécessaires soient
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1 prises pour mettre ces camps dans un état acceptable ou satisfaisant" en
2 l'espace de deux jours.
3 Vous allez maintenant voir une pièce qui porte la cote 8.4.3. Vous verrez
4 que le général de brigade Talic était à l'origine de cet ordre secret
5 militaire qui dit notamment ceci –je cite: "En ce qui concerne cette
6 visite, prenez toutes les mesures nécessaires de façon à ce que les
7 conditions qui prévalent dans le camp deviennent satisfaisantes. J'entends
8 par là qu'il y ait de l'ordre, de la propreté et que le service médical
9 fonctionne pour les prisonniers, et qu'il y ait des registres montrant
10 l'arrivée des prisonniers, leur libération et, s'ils sont morts, la raison
11 de leur mort". Fin de citation.
12 En dépit de ces avertissements, ce que les journalistes ont pu voir une
13 fois qu'ils sont arrivés, et les images qu'ils en ont montré à la
14 communauté internationale ont galvanisé cette dernière pour qu'elle prenne
15 des mesures. Parce qu'une image parle beaucoup plus qu'un texte.
16 Je vous invite à voir la condition, l'état dans lequel se trouvaient les
17 détenus eux-mêmes. En examinant ces images prises à Trnopolje, au début du
18 mois d'août 1992, beaucoup des détenus que vous allez voir avaient déjà
19 été détenus auparavant à Keraterm.
20 (Diffusion de la vidéo.)
21 Vous entendrez certains témoins, comme Jusuf Arifagic, Hajrudin Zubovic.
22 Ils vous diront qu'ils ont été emmenés à Trnopolje au moment où Keraterm a
23 été fermé et qu'ils se trouvaient dans ce camp au moment où ces images ont
24 été filmées. Ils vous diront tous les deux qu'ils figurent sur ces images
25 et pourront identifier certains des détenus que nous voyons sur ces images
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1 car certains d'entre eux n'ont pas survécu pour venir déposer, ici même,
2 devant vous.
3 Vous vous demandez sans doute quelles conditions il fallait avoir sur
4 place pour que les gens aient l'aspect qu'ils avaient sur ces images. En
5 guise de réponse, j'aimerais vous décrire le traitement classique qu'on
6 réservait aux prisonniers à leur arrivée à Keraterm.
7 D'emblée, vous verrez qu'à l'arrivée, en général ils arrivaient par bus,
8 les détenus étaient fouillés avec beaucoup de violence et de minutie. Ils
9 étaient battus quand quelquefois ils se trouvaient encore dans le bus ou
10 alors sur le périmètre du camp, à proximité de cette hutte qui servait de
11 commandement pour les gardes, ou de quartier-général de commandement pour
12 les gardes.
13 Voici une photographie de cette hutte, cet endroit où se faisait la pesée.
14 Et vous voyez les autres installations à l'arrière-plan. Quand je parle de
15 l'installation, ce sont ces salles 1, 2, 3 et 4, qui constituent la partie
16 gauche de l'entrepôt. Tout que ce qui avait de la valeur: l'argent, les
17 bijoux, les documents, tout ceci leur était confisqué.
18 A ce moment-là, ils étaient battu à coups de crosse de fusil ou avec
19 d'autres objets avant d'être contraints d'entrer dans une de ces quatre
20 salles d'entreposage, qu'on nommera par leur chiffre: salles 1, 2, 3 et 4.
21 Ils se trouvaient incarcérés derrière des portes en métal, dans des
22 conditions où ils étaient entassés les uns sur les autres. Ils étaient à
23 ce point entassés qu'ils n'avaient même pas d'espace pour s'allonger, pour
24 se déplacer et a fortiori pas pour trouver un lit ou un matelas.
25 Quand je vous dis que ces pièces étaient surpeuplées, soyons plus précis.
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1 Ces salles qui n'avaient pas toutes la même taille, étaient utilisées pour
2 accommoder, pour accueillir 200, 450 prisonniers. Dans la salle 2, à un
3 moment donné, alors que cette salle ne faisait que 20 mètres carrés, il y
4 a eu jusqu'à 570 personnes, au moment où ils ont vidé la salle 3 avant le
5 massacre. Nous reparlerons de ce massacre. Mais ces prisonniers qui en
6 avaient été enlevé, ont été placés dans la salle 2, afin que puissent être
7 installés dans la salle 3 les récents arrivés de la région de Brdo. Je
8 reviendrai à la raison de ce déplacement lorsque je parlerai du massacre
9 de la salle 3.
10 Les prisonniers, en général, devaient survivre sur des rations de famine.
11 Il n'y avait pas assez de nourriture, et le peu de nourriture qu'ils
12 recevaient, ils le recevaient de façon aléatoire, de temps à autre. Il n'y
13 avait aucun élément nutritif dans ce qu'ils recevaient et ils étaient
14 toujours… Il n'y avait pratiquement plus rien au moment où les derniers
15 prisonniers devaient être nourris. S'ils étaient à la fin de la file, ils
16 ne recevaient rien. Il n'était pas facile de recevoir cette nourriture et
17 de l'avaler parce que, comme vous le dira un témoin, les prisonniers
18 devaient franchir deux haies de personnes qui les battaient à coups de
19 bâton et de crosse de fusil pour arriver à cette nourriture. Et lorsqu'ils
20 prenaient cette nourriture, ils devaient l'avaler en l'espace d'une minute
21 ou deux, sinon ils étaient battus et on jetait leur nourriture sur le sol
22 même s'il n'y avait pas grand-chose.
23 M. le Président (interprétation): Quand on parle de 20 mètres carrés, pour
24 moi ce n'est pas très familier. Par rapport à cette salle d'audience, ici,
25 qu'est-ce qu'elle représente?
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1 M. Ryneveld (interprétation): Moi, non plus, je ne suis pas le mieux placé
2 pour vous dire ce que font des mètres carrés en pouces carrés ou en pieds
3 carrés. Puisque, moi aussi, j'ai eu cette éducation comme vous.
4 Mais je suppose que 20 mètres carrés, cela ferait à peu près la moitié de
5 la salle, depuis notre banc jusqu'aux murs.
6 M. le Président (interprétation): N'insistons pas là-dessus. Nous tirerons
7 ceci au clair au moment de la présentation des témoins.
8 M. Vucicevic (interprétation): Moi, j'ai vécu et j'ai grandi dans ce
9 système, du moins pour la moitié. Vingt mètres carrés, cela fait à peu
10 près 22 yards au carré. Donc s'il parle de 20 mètres carrés, cela ferait
11 par exemple 1 yard en large sur 20 yards en longueur. C'est un petit
12 espace. Je pense que l'espace dont il parle est beaucoup plus grand.
13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
14 Poursuivez, Monsieur Ryneveld.
15 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie.
16 Vous apprendrez que si la journée était bonne, un prisonnier recevait pour
17 tout repas deux tranches toutes fines de pain, couvertes de mouches,
18 puisqu'elles avaient été gardées près des toilettes avant d'être servies.
19 De temps en temps, il y avait un bol d'eau avec une morceau de chou ou de
20 macaroni qui flottait dedans. Certaines salles recevaient de la meilleure
21 nourriture, de façon plus régulière que d'autres. C'était le cas de la
22 salle 1.
23 Au début, comme Keraterm se trouve précisément aux pourtours de Prijedor,
24 des membres de la famille des détenus pouvaient venir au portail du camp
25 pour apporter de la nourriture. Au début, certains prisonniers ont eu le
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1 droit de recevoir de cette nourriture, mais ce fut interdit après une
2 semaine environ.
3 Il est inutile de le rappeler, au cours d'une détention de deux ou trois
4 mois, tous les prisonniers ont perdu du poids, certains ont perdu jusqu'à
5 35 kilos. La preuve qu'il n'y avait pas de nourriture et la conséquence de
6 cette absence de nourriture, vous la voyez sur ces images qui viennent de
7 vous être diffusées. Mais la nourriture -ou l'absence de nourriture-
8 n'était pas le seul problème puisque la détention s'est surtout passée au
9 cours de l'été. Les gens étaient entassés comme des sardines dans ces
10 salles où il faisait une chaleur insupportable, où il n'y avait pas d'eau.
11 Il n'avaient pas d'autres vêtements que ceux qu'ils portaient au moment où
12 ils ont été capturés. Il n'y avait aucun endroit pour se laver, rien qui
13 servait de literie, et il n'y avait aucun soin médical. Il n'y avait pas
14 de conditions d'hygiène non plus. Rares étaient les toilettes. Les
15 prisonniers avaient rarement le droit de les utiliser, ils risquaient de
16 se faire tabasser s'ils y allaient. Lorsqu'ils allaient à la toilette, ils
17 devaient passer dans une boue d'excréments et de saleté; la puanteur qui
18 en sortait était si forte, l'odeur d'ammoniaque était à ce point forte
19 qu'il était difficile, pour ceux qui se trouvaient près des toilettes, de
20 respirer. La nuit, les prisonniers n'étaient pas autorisés à sortir pour
21 aller aux toilettes. Ils devaient utiliser des tonneaux qui se trouvaient
22 à l'intérieur des pièces.
23 Et comme si ces conditions ne suffisaient pas en elles-mêmes, vous verrez
24 que les prisonniers ont souvent été soumis à des interrogatoires qui
25 s'accompagnaient régulièrement de passages à tabac et de tortures. Au
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1 cours de leur détention, ces détenus ont été soumis à des passages à tabac
2 violents, à des tortures, à des sévices sexuels, à des tueries et à
3 d'autres formes de sévices physiques et psychologiques.
4 Ceux-ci étaient imposés par des gardes du corps mais aussi par des
5 visiteurs à ce camp, comme Zoran Zigic et Dusko Knezevic, qui venaient
6 s'amuser, exercer leur plaisir pervers au camp de Keraterm en passant à
7 tabac et en torturant les détenus. Tout ceci s'est produit avec la
8 connaissance et l'approbation tacite du commandant du camp et des
9 commandants d'équipe qui étaient chargés de la responsabilité et de la
10 sécurité du camp, qui étaient souvent présents au moment de ces épisodes.
11 Vous verrez et vous entendrez parler des incidents spécifiques qu'ont subi
12 ces témoins.
13 Vous verrez qu'après qu'il y eût interrogatoire des détenus de Keraterm,
14 ils étaient groupés en catégorie: certains qualifiés d'"extrémistes" après
15 l'interrogatoire, étaient envoyés notamment par Sikirica et d'autres par
16 bus à Omarska. Vous verrez que plus de 6.000 de ces "interrogatoires
17 préliminaires" -comme ils étaient appelés-, se sont déroulés à Keraterm, à
18 Omarska et à Trnopolje.
19 Je vais maintenant parler du camp d'Omarska. Même si aucun de ces trois
20 accusés n'étaient officiellement rattachés au camp d'Omarska, il est
21 important de comprendre que dans le cadre de la campagne générale de
22 terreur et de persécution, et surtout pour ce qui est des accusations de
23 génocide et de complicité au génocide qui sont retenues contre Sikirica,
24 le camp d'Omarska a joué un rôle important.
25 Maintenant, je vais demander que l'on place les photos d'Omarska. Ici, sur
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1 le rétroprojecteur, vous pouvez voir un grand bâtiment industriel appelé
2 "le hangar", où de nombreux détenus ont été placés.
3 Devant se trouve la "pista" où les détenus devaient se trouver au cours de
4 la journée. A droite de la photographie, se trouve la "maison blanche" où
5 les soi-disant "extrémistes", beaucoup d'entre eux de Keraterm étaient
6 détenus, torturés et tués.
7 Omarska était établi par la cellule de crise de serbe le 31 mai 1992, dans
8 le centre administratif d'Omarska, de la mine de fer d'Omarska qui se
9 trouvait au sud-est de la zone de Kozarac, pas loin de Prijedor.
10 Vous pouvez voir maintenant sur le rétroprojecteur une carte, où il est
11 marqué en bleu où se trouve la ville de Prijedor, alors que Keraterm se
12 trouve juste à côté. En suivant presque une ligne droite, vous allez voir
13 d'abord Trnopolje et par la suite Omarska.
14 Dès le début, à Omarska, se trouvaient beaucoup de membres de l'élite
15 croate et musulmane, y compris les leaders politiques, administratifs et
16 religieux, les académiciens, les intellectuels, les personnalités du monde
17 des affaires, et d'autres qui se trouvaient à la tête de la population
18 non-serbe. Vous allez entendre de la part des témoins que de nombreux
19 détenus de Keraterm, suite aux interrogatoires, ont été considérés comme
20 des extrémistes et ont été transportés à Omarska où ils ont été entassés,
21 affamés, et soumis aux conditions hygiéniques semblables à celles qui
22 prévalaient à Keraterm.
23 Ils ont été soumis aux mauvais traitements: passages à tabac, tortures,
24 sévices sexuels, et meurtres. Des abus de tout genre se produisaient
25 quotidiennement. Des cadavres, qui étaient le résultat de passages à tabac
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1 et des meurtres, pouvaient se voir pratiquement tous les matins avant que
2 les camions ne les enlèvent ailleurs.
3 Beaucoup de témoins vous parleront de vive voix ou bien, par le biais de
4 comptes rendus d'audience émanant d'autres procès concernant les faits
5 accomplis par les cinq accusés. Zoran Zigic, qui est accusé en ce moment
6 dans le cadre d'une autre affaire devant ce Tribunal, était le
7 dénominateur commun dans les deux camps: celui d'Omarska et de Keraterm.
8 Il persécutait, battait et assassinait les détenus des deux camps, semant
9 la terreur et créant le désastre dans les deux camps.
10 A Trnopolje, se trouvait un camp qui était logé dans l'ancien bâtiment de
11 l'école où étaient détenus des milliers de détenus, pour la plupart des
12 hommes âgés, des femmes et des enfants.
13 Vous allez voir maintenant la photographie du complexe de Trnopolje. Même
14 si les conditions à Trnopolje n'étaient pas aussi mauvaises qu'à Omarska
15 et Keraterm, la vie pour les détenus était tout aussi horrible. Il y avait
16 peu de nourriture, presque pas d'eau, et les conditions hygiéniques sales.
17 La dysentrie se propageait. A cause du fait d'avoir été entassé, beaucoup
18 de détenus devaient vivre à l'extérieur. Non seulement il y avait des
19 passages à tabac et des meurtres à Trnopolje, mais les femmes et les
20 jeunes filles étaient souvent violées.
21 Au moment de la fermeture de Keraterm, le 5 août, beaucoup de détenus ont
22 été transférés à Trnopolje dans des cars pleins de jeunes hommes qui les
23 ont emmenés à un endroit lointain appelé Vlasic, et où les hommes ont été
24 massacrés. Trnopolje faisait partie du plan d'expulsion et de persécutions
25 génocidaires en tant que centre depuis lequel les survivants non-serbes
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1 ont été expulsés de Prijedor vers d'autres parties de Bosnie, et vers
2 d'autres pays. Vous allez entendre que les derniers 1.500 détenus ont été
3 expulsés de Trnopolje en novembre, décembre 1992.
4 Dans ces camps, le plan du nettoyage ethnique des non-Serbes a été
5 réalisé. Les détenus ont été parfois tués sur-le-champ, souvent passés à
6 tabac, ou affamés à mort. Et ceux qui ont survécu ont été dépourvus de
7 leurs possessions et de leur logement et terrorisés au point de quitter la
8 région, alors que les Serbes qui les ont capturés se sont assurés qu'ils
9 ne pouvaient retourner nulle part. Souvent, avant de partir, ils devaient
10 signer un papier indiquant qu'ils abandonnaient leurs biens de leur propre
11 gré.
12 D'après les affirmations du Procureur, Dusko Sikirica qui était le
13 commandant du camp de Keraterm savait que les autres camps existaient, et
14 que leur but était de détruire les Musulmans bosniens et les Croates de
15 Bosnie en tant que groupes. Dans ces agissements, il a participé au
16 génocide et il s'est rendu complice dans la réalisation du but commun
17 d'opérer un génocide contre les non-Serbes de la zone de Prijedor. Ce plan
18 a été tellement efficace et tellement profond qu'au mois d'août 1992,
19 d'après ce qu'ont pu voir les journalistes étrangers qui se sont rendus à
20 Kozarac, il n'y avait plus aucun Musulman qui était resté, alors
21 qu'auparavant, c'était une ville musulmane. Le programme de téléjournal
22 américain Nightline a montré un reportage concernant Kozarac, et voici un
23 extrait.
24 (Diffusion de l'extrait vidéo.)
25 S'il reste un quelconque doute concernant l'intention des Serbes de
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1 purifier la région des non-Serbes, il est important de noter qu'ils ont
2 même donné de nouveaux noms. Par exemple, à Kozarac, qui portait un nom
3 musulman avant et, par la suite, Radmilovici après l'attaque des Serbes
4 contre Kozarac. D'autres exemples de la manière dont les Serbes ont
5 purifié la Bosnie du nord-ouest est reflété par les nouveaux noms de
6 Bosanska Krupa qui est devenue Krupa-na-Uni; Bosanska Gradiska qui est
7 devenue Gradiska et Skender Vakuf qui est devenu Knezevo.
8 Avant le mois d'avril 1992, la population de Prijedor était pratiquement
9 50-50% entre les Musulmans et les Serbes. Les Musulmans constituaient une
10 légère majorité. D'après le recensement de 1991, l'opstina de Prijedor
11 comportait une population totale de 112.470 personnes dont 44% étaient des
12 Musulmans, 42,5% Serbes, 5,6% Croates, 5,7% se sont déclarés comme
13 Yougoslaves, et les 2,2% qui restent étaient un mélange des Ukrainiens,
14 des Russes et des Italiens.
15 Maintenant, vous allez voir la carte de Prijedor au centre, et vous verrez
16 des points dans des couleurs différentes. La couleur verte représente les
17 Musulmans, et le violet les villages serbes. Vous allez voir la
18 concentration autour de Prijedor, la concentration de petits villages. Au
19 sein de l'opstina, certaines villes et villages étaient à majorité
20 musulmane ou serbe. Vous allez voir, entendre parler des moyens de preuve
21 démographiques concernant la structure ethnique de Prijedor avant la
22 guerre et après la guerre.
23 Mais je vous propose de regarder l'organigramme sur le rétroprojecteur qui
24 compare les chiffres de la population à Prijedor avant le recensement de
25 1991, par rapport au recensement en 1997 après la guerre.
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1 Vous pouvez voir qu'en 1991, les Musulmans et Serbes étaient représentés à
2 pied d'égalité, en ce qui concerne la population à Prijedor. C'est-à-dire
3 que les deux populations s'élevaient à 43%. Vous pouvez voir les parties
4 en rouge et en vert. En 1997, par contre, les Serbes constituaient une
5 majorité de 89% alors qu'il n'y avait que 1% de Musulmans -vous pouvez
6 voir cela sur l'organigramme- et il n'y avait que 2% de Croates. Il est
7 nécessaire de noter que le pourcentage des Musulmans à Prijedor a baissé
8 de 42%.
9 Les autorités bosno-serbes ont réalisé un recensement de la population en
10 1993. Je suppose que ceci a été fait afin de voir le taux de réussite de
11 la réalisation de leur plan.
12 Le 5 août 1993, le chef de centre de sécurité publique de Banja Luka a
13 écrit aux officiels de Prijedor. Il a demandé dix questions concrètes.
14 Les questions 4, 5 et 6 sont particulièrement importantes parce qu'elles
15 portent sur le nombre des Serbes, Croates et Musulmans dans la
16 municipalité de Prijedor. Nous pouvons voir ici dans le document dont j'ai
17 parlé, qui date du 5 août 1993, en ce qui concerne les points 4, 5 et 6,
18 ceux-ci portent sur le nombre total des Serbes, Croates et Musulmans.
19 Nous pouvons examiner maintenant 9.6. La réponse est arrivée deux jours
20 plus tard, de la part du chef de poste de sécurité publique de Prijedor.
21 Cette réponse se réfère directement aux questions qui figurent aux points
22 4, 5 et 6.
23 Vous allez voir que, d'après le document en date du 7 août 1993, il est
24 dit que le nombre total des habitants de la municipalité est 65.551, dont
25 53.655 Serbes, 3.169 Croates et 6.124 Musulmans. D'après ce document, nous
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1 pouvons voir qu'en moins de deux ans après le recensement de 1991, le
2 pourcentage des non-Serbes de Prijedor a baissé de plus de 48% pour
3 constituer maintenant 14%, alors que le pourcentage des Serbes a monté de
4 44% pour devenir 82%.
5 Si jamais il reste le moindre doute concernant l'exercice, le document
6 versé au dossier dans le cadre de cette procédure 3.48 écarte tout doute
7 possible.
8 Vous allez voir...
9 M. May (interprétation): Vous venez de dire qu'il s'agit d'une
10 présentation qui ne se base pas sur les pièces à conviction. Je suppose
11 donc qu'une cote n'a pas encore été attribuée.
12 M. Ryneveld (interprétation): Non, pas en ce qui concerne les séquences
13 vidéo.
14 M. May (interprétation): Mais les autres pièces à conviction ont déjà reçu
15 une cote?
16 M. Ryneveld (interprétation): Oui.
17 M. May (interprétation): Oui, mais ceci n'a pas encore été versé au
18 dossier?
19 M. Ryneveld (interprétation): Oui, je les ai mentionnées en tant que
20 pièces à conviction. Cependant, il s'agit de pièces qui ont été soumises
21 et qui ont reçu des cotes et qui ont été communiquées et aux Juges et aux
22 conseils de la défense à titre d'information. Mais c'est seulement lorsque
23 les Juges les accepteront en tant que pièces à conviction qu'ils le
24 deviendront.
25 M. May (interprétation): Dans ce cas-là, il ne convient pas de les
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1 mentionner en tant que pièces à conviction à ce stade; donc nous
2 souhaitions simplement comprendre votre point de vue.
3 M. Ryneveld (interprétation): Merci de cette clarification. J'ai souhaité
4 simplement faciliter les choses. C'est pour cela je les ai mentionnées en
5 tant que pièces à conviction.
6 Si je puis, je souhaite me pencher de nouveau sur le document ayant reçu
7 la cote 3.48. Vous pouvez voir qu'en octobre 1992, Dusko Jelisic, un
8 fonctionnaire serbe du poste de sécurité nationale du CSB de Banja Luka,
9 dans un document secret officiel a dit –je cite: "Qu'à la fois les
10 autorités officielles et les citoyens sont de plus en plus sous
11 l'impression que, avec le départ des Musulmans et des Croates, tout a été
12 accompli.".
13 Avant, dans ce même document, il avait déclaré, et d'ailleurs il s'agit
14 des parties du texte soulignées qui figurent dans la couleur orange, -je
15 cite: "La situation en matière de sécurité dans la municipalité de
16 Prijedor a commencé à se détériorer en mai 1992.". Ensuite, un peu plus
17 loin: "Des dizaines de villages ont été pratiquement totalement détruits
18 et personne n'y habite.".
19 Ensuite, nous voyons la liste des noms des villes et villages pertinents
20 dans ce procès. Ensuite, on mentionne un village musulman –je cite: "Cette
21 destruction a été le début de l'exode massif à la fois des Musulmans et
22 des Croates. D'après les estimations, environ 38.000 Musulmans et Croates
23 ont quitté la municipalité de Prijedor.".
24 Un peu plus loin, il est dit: "Lorsque ces personnes sont parties, le
25 pillage massif a commencé de leurs biens qui sont restés sans aucune
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1 surveillance, ni par leurs propriétaires ni par les autorités
2 municipales.".
3 Un peu plus loin: "Cette période est caractérisée par la destruction des
4 bâtiments dont les propriétaires étaient les Musulmans et les Croates, des
5 sites sacrés.".
6 Un peu plus loin: "La police militaire de la ville ne fait presque rien
7 face à ce problème.".
8 Un peu plus loin, le point-clé, il s'agit du document rédigé en octobre
9 1992 par un Serbe qui était fonctionnaire à Banja Luka, travaillant dans
10 le domaine de sécurité –je cite: "Avec le temps, on peut voir qu'à la fois
11 les autorités officielles et les citoyens officiels se relaxent sous
12 l'impression que, avec le départ des Musulmans et des Croates, tout a été
13 accompli.".
14 A notre avis, on ne peut pas être plus clair que cela.
15 Vous allez entendre des détails concrets de la part des différents témoins
16 qui expliqueront de quelle manière cette purification ethnique a été
17 réalisée. Vous pourrez réaliser des statistiques et rapports
18 démographiques de la manière dont les régions musulmanes ont été
19 purifiées. Vous allez constater que, dans la municipalité de Prijedor, à
20 la fois les hommes en âge de combattre -Musulmans et Croates-, et les
21 individus les plus éduqués, les leaders politiques se sont portés disparus
22 à un taux extrêmement élevé. Les moyens de preuve vous feront conclure
23 qu'il s'agissait-là d'une extermination et destruction délibérée d'un
24 groupe particulier au sein de la population croate et musulmane de la
25 municipalité de Prijedor.
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1 Je souhaite me pencher sur les accusés.
2 Dusko Sikirica est né le 23 mars 1974, dans la municipalité de Prijedor.
3 Pendant la période des faits de l'Acte d'accusation, il avait 28 ans,
4 était le commandant du camp de Keraterm et avait la position de
5 supériorité par rapport à tout le monde dans le camp, y compris les deux
6 co-accusés, Damir Dosen et Dragan Kolundzija.
7 Sikirica en tant que commandant du camp avait la compétence sur les
8 conditions de détention à Keraterm, et il avait le pouvoir de sélectionner
9 les chefs d'équipe placés sous ces ordres. Il avait l'opportunité
10 d'empêcher ou de punir ceux qui commettaient des violations du droit
11 international.
12 Sikirica participait personnellement à la campagne de persécutions lancée
13 contre les non-Serbes dans la municipalité Prijedor. Des témoins vous
14 diront qu'il se trouvait aux points de contrôle quand on y arrêtait les
15 non-Serbes. Lorsque le camp de Keraterm a commencé à opérer, Sikirica est
16 devenu commandant. En août 1992, Sikiriac a commis des passages à tabac et
17 des meurtres d'un certain nombre de détenus.
18 En tant que commandant du camp, il savait que les conditions dans le camp
19 était intolérables, que des meurtres, des passages à tabac et des viols
20 s'y déroulaient. Non seulement il n'a rien fait pour éviter ces crimes,
21 mais il a souvent participé à ces actes et il n'a pas puni ceux qui le
22 faisaient.
23 De plus, en gérant le camp de Keraterm, il a agi d'un commun accord avec
24 les autorités serbes, y compris les commandants d'autres camps, afin de
25 créer une région ethniquement pure. Dans le contexte de ce qui s'est passé
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1 dans la municipalité de Prijedor, il s'agissait non seulement de
2 persécutions, mais aussi d'un génocide et du fait qu'il a été complice,
3 complicité au génocide.
4 Dusko Sikirica, dans sa campagne, allait de paire avec les activités du
5 commandant de Keraterm. Des témoins vous diront que Sikirica a participé
6 au nettoyage ethnique du village de Hambarine et aux meurtres des citoyens
7 musulmans et croates de ce village. Le 12 juin, les Serbes ont attaqué le
8 village de Hambarine. Sikirica a été identifié comme une personne ayant
9 participé à cela. Les hommes ont été séparés des femmes et leurs biens
10 personnels et bijoux ont été confisqués. Sikirica était présent quand ces
11 hommes ont été emmenés ailleurs, à Mujadzici, une partie de Hambarine: 30
12 hommes environ ont été regroupés et 28 ont été tués.
13 En ce qui concerne les deux survivants, il y avait une personne qui était
14 l'ancien collègue de travail de Sikirica, dans l'usine Selpak. Lorsque
15 Sikirica l'a reconnu, dans le groupe de cinq ou six autres personnes, il
16 lui a dit simplement de courir où il pouvait courir mais les autres
17 personnes n'ont pas eu une telle chance; et personne ne les a plus revues.
18 Même si cet incident prouve que Sikirica a sauvé son ancien collègue, et
19 donc comporte un élément à décharge, ceci prouve également que Sikirica a
20 participé au processus du nettoyage ethnique. Il a choisi de sauver une
21 personne sachant que les autres allaient être tuées. Ceci montre également
22 qu'il savait qu'il existait un plan de tuer les autres. Ceci montre non
23 seulement qu'il était le commandant de Keraterme, mais qu'il participait
24 de manière active aux rafles des civiles à Hambarine et à la réalisation
25 de la campagne du nettoyage ethnique.
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1 Nous parlerons de sa position de commandant de camp. A notre avis, il n'y
2 aura aucune difficulté de constater que Sikirica était le commandant du
3 camp de Kerartem à partir de juin 1992. La plupart des témoins vous diront
4 que tout le monde le savait. Les témoins vous diront qu'ils pouvaient le
5 conclure sur la base de ce qu'ils observaient, ce que les gardes leur
6 disaient, et ce que Sikirica avait dit aussi à un certain nombre de
7 détenus. Vous pourrez peut-être conclure qu'il n'était pas commandant du
8 camp dès son ouverture, en mai 1992, mais peu de temps après -une semaine
9 environ-, il est devenu son commandant, notamment pendant la période de
10 l'Acte d'accusation. Les témoins vous parleront que les conditions se sont
11 aggravées suite à la venue de Sikirica.
12 Des témoins vous diront aussi que Sikirica était également présent pendant
13 la journée; il était présent quand les détenus arrivaient, qu'il fallait
14 les accueillir et leur confisquer leurs objets de valeur.
15 Les témoins diront également qu'il n'a rien fait afin d'empêcher les
16 incidents qui se produisaient de manière régulière et que, souvent, il y a
17 participé personnellement.
18 Sikirica était de même un homme qui contrôlait la sélection du transfert
19 des prisonniers du camp. Il rédigeait les listes des noms dans son bureau,
20 dans le pesage; ce qui est montré sur les photographies. Ici, vous pouvez
21 voir l'endroit où se trouvait ce pesage, il s'agit de la partie portant un
22 toit blanc. Les témoins vous diront qu'il lisait les noms des personnes
23 qui devraient être battues, transférées à Omarska ou chargées dans des
24 camions pour aller dans des destinations inconnues par les autres
25 prisonniers. Parfois, les prisonniers pensaient qu'ils allaient être
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1 emmenés ailleurs, ils se sont portés volontaires pour entrer dans ces
2 camions. Ces personnes ne se sont jamais retournées. Leurs cadavres ont
3 été trouvés dans des fosses communes.
4 Non seulement Sikirica avait une responsabilité dans les atrocités
5 commises à Keraterm à cause de sa position de supérieur hiérarchique, mais
6 aussi à cause de sa participation personnelle. Il a commis toutes sortes
7 de crimes de guerre. Vous entendrez des dépositions concernant les
8 passages à tabac, actes de persécution et viols qu'il a commis. Une femme
9 vous dira que Sikirica était l'une des personnes qui l'a frappée dans
10 l'œil et l'a violée. De nombreux témoins vous parleront des incidents lors
11 desquels ils ont vu Sikirica en train de tuer des détenus.
12 Parmi les incidents, vous allez entendre parler de ce qui suit: tout
13 d'abord, Salko Saldumovic vous parlera de l'incident dont il a été témoin
14 lorsque Sikirica a tiré de son pistolet sur un prisonnier. Un autre témoin
15 va corroborer ses propos. Le Témoin K6 vous parlera de l'incident lors
16 duquel Sikirica a pris son pistolet et a tiré sur un homme dans son dos
17 trois fois. Par la suite, malheureusement, le Témoin K6 a vu son cadavre
18 près des poubelles.
19 Le Témoin 43 vous parlera du fait qu'un détenu avait besoin de médicaments
20 et, une autre fois, Sikira a tiré et blessé un détenu qui était en
21 douleurs et qui avait besoin d'aide médicale. Sikirica a pris son fusil
22 automatique et a tiré plusieurs fois sur l'homme qui souffrait. Ce témoin
23 vous parlera du fait qu'un témoin à dit à Sikirica qu'il souffrait de
24 diabète et qu'il avait besoin d'insuline et d'aiguille. Sikirica a dit que
25 c'était un médecin militaire oustachi et il a jeté sa trousse. Peu de
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1 jours plus tard, l'homme est décédé.
2 De nombreux témoins, parmi lesquels K35, K32, vous parleront du fait que
3 Sikirica lisait les noms de 120 détenus qui ont été mis dans des cars et
4 qui devaient aller à Omarska. Ces détenus ont été passés à tabac quand ils
5 sont entrés dans ces autobus, ils n'ont plus jamais été revus et, par la
6 suite, leurs cadavres ont été retrouvés dans les fosses communes.
7 Sikirica a joué un rôle dans le massacre de la salle n°3, il était présent
8 quand les prisonniers ont été transférés de la pièce n°3 dans d'autres
9 pièces avant l'incident. Sikirica a surveillé, après le massacre, la
10 distribution des cadavres qui ont été d'abord entassés dans un camion. Et
11 puis, finalement, ceux qui étaient gravement blessés ont été entassés sur
12 ce tas de cadavres.
13 Par la suite, on a fait venir un tuyau à haute pression pour nettoyer les
14 lieux, et Sikirica a insisté pour qu'il ne reste pas de sang. Vous allez
15 entendre parler du matin, du lendemain du massacre de la pièce 3, incident
16 lors duquel Sikirica était présent. Il a participé personnellement à
17 l'exécution de certains survivants du massacre.
18 Je me penche maintenant sur l'autre accusé, Damir Dosen, "Kajin".
19 Tout comme Sikirica, Dosen est un Serbe né à Prijedor. Il est né le 7
20 avril 1967. Il avait 25 ans pendant la période couverte par l'Acte
21 d'accusation. Il était chef d'équipe sous les ordres de Sikirica. Lorsque
22 Sikirica n'était pas dans le camp, et pendant l'équipe de Dosen, c'est lui
23 qui était en charge de la sécurité dans le camp.
24 Pendant son équipe, les témoins vous diront que de nombreux passages à
25 tabac, tortures et même meurtres se passaient. Damir Dosen a, d'après les
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1 dires de nombreux témoins, participé aux assauts et aux passages à tabac
2 des détenus de Keraterm. Il était présent lorsque les gardes passaient à
3 tabac, torturaient et assassinaient les prisonniers. Il n'a rien fait pour
4 les empêcher.
5 Les témoins vous diront que Damir Dosen était plus souvent mentionné en
6 tant que "Kajin". Il était l'un des chefs d'équipe à Keraterm avec
7 Kolundzija et Fustar qui étaient tous, comme je l'ai dit, placés sous les
8 ordres de Sikirica.
9 Souvent, les témoins diront qu'ils ont vu Kajin participer aux passages à
10 tabac. D'autres vous diront qu'ils n'ont pas vu Kajin en train de battre
11 qui que ce soit.
12 Cependant, il est clair -sur la base des moyens de preuve-, que Dosen a
13 participé au passage à tabac des prisonniers personnellement, et qu'il
14 était présent lorsque certaines personnes, y compris les gardes qui
15 étaient placés sous sa surveillance, tabassaient les prisonniers. Il avait
16 le pouvoir d'améliorer les conditions mais, malgré la conscience que les
17 détenus souffraient, il a choisi de ne pas le faire. Souvent, il était
18 sous l'emprise de l'alcool lorsqu'il était de service.
19 Nous nous attendons à ce que les témoins parlent des situations lors
20 desquelles ils ont vu Kajin participer aux passages à tabac et aux
21 meurtres. Ils vont parler également de certains actes commis par les
22 frères Banovic qui étaient placé sous les ordres de Dosen.
23 Kajin a participé à un nombre d'incidents parmi lesquels:
24 1. Le passage à tabac suite à son arrivée à Keraterm, le passage à tabac
25 donc de Jovan Radocaj, qui était le seul détenu serbe et qui a, par la
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1 suite, au cours de la même nuit, été tué.
2 2. Le passage à tabac d'un Adem Jakupovic et Nihad Krivdic.
3 3. Le fait d'avoir coupé la main d'Ahmet Kutic avec un couteau.
4 4. Le passage à tabac de (expurgé).
5 5. Le passage à tabac et le meurtre (expurgé).
6 6. Le passage à tabac (expurgé).
7 7. Le passage à tabac et le meurtre de Tokmadzic.
8 Tous les témoins, bien sûr, n'ont pas vu ou entendu les mêmes événements,
9 et tous les témoins n'ont pas eu les mêmes expériences que les autres.
10 Certains témoins vont dire qu'ils avaient l'impression que Kajin n'était
11 pas le pire chef d'équipe; d'autres diront que, pendant les équipes de
12 Kajin et Fustar, c'était pire que pendant l'équipe de Kole. Probablement,
13 parfois, ils ont fait preuve de pitié et de compassion. Certains témoins
14 vous parleront des exemples de ceux-là. Certains d'entre eux vous diront
15 que Kajin n'a rien fait pour empêcher les passages à tabac, d'autres
16 diront que, parfois, il a empêché les passages à tabac. Parfois, il a
17 empêché les personnes de l'extérieur, telles que Duca Knezevic et
18 d'autres, d'entrer dans le camp lorsque lui et Zigic s'adonnaient à leur
19 sadisme.
20 Cependant, le Procureur affirme qu'il sera établi que lui, tout comme
21 Kolundzija, était un commandant d'équipe qui avait la responsabilité pour
22 la sécurité et le bien-être des détenus de Keraterm. Non seulement qu'il
23 savait qu'il y aurait des passages à tabac, mais il a permis à ses hommes
24 d'attaquer, battre et même tuer les détenus. Il n'est pas seulement
25 coupable de Ces actes mais il est coupable en vertu de l'Article 7.1 mais
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1 aussi en vertu de l'Article 7.3. En tant que commandant, il a donné un
2 mauvais exemple. Il n'a pas puni ni rédigé des rapports concernant les
3 actes commis par ceux qui étaient placés sous ses ordres.
4 Conformément à cela, nous considérons que la Chambre de première instance
5 va trouver qu'il est coupable de persécution en vertu de l'Article 5 du
6 Statut, et des outrages à la dignité personnelle en vertu de l'Article 3.
7 Dragan Kolundzija, surnommé "Kole"; c'est de cette façon-là, par son
8 surnom "Kole" que l'appelleront la plupart des témoins. Il est né le 19
9 décembre 1959. Au moment des faits, il avait 32 ans. Avant de devenir un
10 des trois commandants d'équipe à Keraterm, dans sa vie civile, Kole avait
11 été chauffeur de camion.
12 Lorsque Keraterm a commencé à fonctionner, Kolundzija a démarré comme
13 garde. Bien vite, il a été promu au rang de commandant d'équipe, poste
14 qu'il a occupé jusqu'à la fermeture du camp, au début du mois d'août.
15 C'est au cours de son équipe, de sa pause, que se produit l'infâme
16 massacre de la salle 3, lors de cette funeste nuit du 24 juillet 1992.
17 Vous le savez, et vous le saurez par les témoins, qu'avant le massacre,
18 des forces serbes avaient placé, avaient établi deux nids de mitrailleuses
19 sur le terrain du camp de Keraterm et qu'ils faisaient face aux porte en
20 métal de la salle 3, où se trouvaient plus de 200 prisonniers venant de la
21 région de Brdo.
22 Au cours de la nuit, alors que Dragan Kolundzija était le chef d'équipe,
23 les Serbes ont commencé à tirer à la mitrailleuse dans la salle 3, à
24 travers les portes métalliques. Les prisonniers étaient entassés dans
25 cette salle et, lorsque les rafales ont commencé à se faire entendre, ils
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1 ont été tués comme on tirait des poissons dans un tonneau.
2 Ce carnage s'est poursuivi avec des intermittences pendant des heures. Les
3 corps de nombreuses victimes ont été déchiquetés littéralement, des balles
4 ont frappé les salles 2 et 4 provoquant des blessures là aussi. Et lorsque
5 les conséquences de ce massacre ont été constatées le lendemain matin, les
6 témoins ont vu d'énormes piles de corps et de membres, de parties de corps
7 qui étaient empilés devant la salle 3.
8 Les fonctionnaires du camp, dont Damir Dosen, ont demandé à des
9 "volontaires" de sortir les détenus des autres salles pour que ceux-ci
10 placent les corps dans les camions. On estime qu'il y a eu environ 147 ou
11 180 meurtres ce jour-là, et environ 50 personnes grièvement blessées.
12 Nombre de ces corps blessés ont simplement été déchargés au sommet de la
13 pile des cadavres et emmenés avec eux. Aucun de ces hommes n'a été revu
14 par la suite.
15 Mais ce n'est pas la fin de cet épisode obscène. Le lendemain matin, le 25
16 juillet 1992, l'accusé Sikirica affirmant que ce massacre était une
17 réaction à une tentative d'évasion de détenus dans la salle 3, a ordonné
18 que soient sélectionnés 25 survivants qui devaient être alignés devant la
19 salle. C'est à ce moment-là qu'on leur a dit de s'allonger sur le ventre,
20 dans l'herbe. C'est alors que Sikirica a lui-même tué, assassiné au moins
21 l'un de ces prisonniers. Il était présent lorsqu'il a participé à
22 l'exécution de sang froid du reste d'entre eux. Ce second massacre s'est
23 produit le 25 juillet, le jour qui a suivi le massacre de la salle 3.
24 Quel est le rôle joué par Kolundzija dans le massacre de la salle 3?
25 Une des questions principales qui se poseront à vous, Messieurs les Juges,
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1 c'est de savoir dans quelle mesure Kolundzija a participé à ce massacre.
2 Le fait qu'il y a eu massacre ne vous posera aucune difficulté au niveau
3 de l'administration de la preuve, puisque ces moyens de preuve seront plus
4 que convaincants.
5 Le fait que ce massacre se soit produit au cours de l'équipe de Kolundzija
6 ne posera pas de problèmes non plus. Et je ne pense pas d'ailleurs que
7 l'accusé contestera ce fait. Ce qu'il vous faudra déterminer, c'est le
8 rôle précis joué par Kolundzija au moment même du massacre.
9 La raison pour laquelle je mets cette question en exergue dans ma
10 déclaration liminaire, est qu'au cours de la présentation des moyens à
11 charge, vous entendrez beaucoup de témoins donner des témoignages
12 quelquefois conflictuels ou contradictoires quant au rôle joué par
13 Kolundzija, cette nuit-là. Il vous incombera à vous, Messieurs les Juges,
14 de trancher.
15 Certains témoins vous diront que Kolundzija, on l'a entendu crier à
16 l'intention des soldats afin qu'ils arrêtent de tirer. D'autres vous
17 diront qu'il a dit de ne pas tirer dans les salles 1 et 2 "parce que les
18 personnes qui s'y trouvaient étaient innocentes" aurait-il dit. D'autres
19 encore vous diront qu'ils l'ont entendu dire de ne pas tirer sur les
20 salles 1 et 2 parce que s'y trouvaient des personnes de Prijedor qui
21 avaient déjà été interrogées.
22 D'après d'autres témoins, Kolundzija était présent au moment où les nids
23 de mitrailleuses ont été installés devant la salle 3. D'autres encore
24 disent que c'est lui qui a donné l'ordre de former un demi-cercle à un
25 endroit précis devant la salle 3.
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1 Un autre témoin vous dira, lui, que Kole a dit: "Ne tire pas sur les
2 autres salles! Tu sais très bien où il faut tirer". Si vous retenez ce
3 dernier témoignage, Dragan Kolundzija surnommé "Kole" encourt la
4 responsabilité en tant que commandant d'équipe puisqu'il était présent à
5 l'un des pires massacres commis au cours de ce conflit en Bosnie.
6 Alors, qu'est-ce qui a été dit ce jour-là exactement par Kolundzija? Il
7 n'est pas facile de l'établir, mais c'est à vous de juger, Messieurs les
8 Juges. Ce qui sera assez clair, c'est l'essentiel, la quintessence de ce
9 qu'il avait dit à ce moment-là. Il a dit aux gens de tirer, mais de ne pas
10 tirer sur les salles 1 et 2. Vous conclurez peut-être, des témoignages
11 entendus, qu'il se trouvait debout devant ces salles et avait essayé de
12 plaider pour que les tirs de mitrailleuses s'arrêtent.
13 Mais vous conclurez peut-être aussi, à partir de ces mêmes moyens de
14 preuve, que ce qui l'intéressait ou le préoccupait, c'étaient les
15 personnes innocentes dans les salles 1 et 2, mais pas les autres personnes
16 qui se trouvaient dans la salle 3.
17 Un autre témoin vous dira que Dosen lui a dit après le massacre que –je
18 cite: "tous les prisonniers de Keraterm devaient être tués cette nuit-là.
19 Mais grâce à Kole et à Dieu, ça ne s'était pas produit". Fin de citation.
20 Cependant, ces éléments de preuve il faut les prendre en compte en même
21 temps que d'autres éléments. N'oublions pas que les prisonniers de la
22 salle 3 avaient été ciblés pour faire l'objet d'un traitement particulier
23 depuis leur arrivée. Pourquoi? Parce qu'ils venaient de la région de Brdo,
24 et les gens de cette région étaient qualifiés d'extrémistes parce qu'ils
25 venaient d'une région où il y avait eu une résistance armée à l'avance des
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1 Serbes. Par conséquent, des préparatifs particuliers avaient été mis au
2 point pour leur arrivée au camp de Keraterm.
3 Juste avant leur arrivée, les détenus qui se trouvaient, à ce moment-là,
4 encore dans la salle 3 ont tous été enlevés de la salle et entassés dans
5 les autres. Et lorsque les prisonniers de la région de Brdon, notamment
6 des villages de Carakovo, Biscani et Hambarine sont arrivés de la région
7 vers le 20 juillet 1992, ils ont été soumis à un traitement
8 particulièrement cruel. A leur arrivée, ils étaient forcés de
9 s'agenouiller sous le soleil implacable et sans eau. Ils n'ont pas reçu de
10 nourriture ni d'eau pendant plusieurs jours, n'ont pas été autorisés à
11 sortir pour prendre une bouffée d'air frais. Ils ont été enfermés dans cet
12 air irrespirable pendant des jours. Avec le roulement des équipes qu'il y
13 avait, puisqu'il y avait trois équipes à Keraterm, Kolundzija devait
14 inévitablement s'être trouvé au commandement d'une des équipes au cours de
15 ces journées-là et au moment où ces mauvais traitements ont été infligés à
16 ces détenus.
17 Il faut penser aussi, en ce qui concerne la nuit du 24 juillet 1992 et le
18 massacre de la salle 3, qu'il y a d'autres éléments de preuves qui vous
19 montreront la participation de Kolundzija.
20 Et même si je m'attends à ce que certains disent que les choses allaient
21 mieux pendant son équipe, sa pause, ne vous trompez pas, ne vous méprenez
22 pas. Même pendant son équipe à lui, la vie était horrible pour les
23 prisonniers, les conditions étaient épouvantables. Il se peut qu'il y ait
24 eu un peu moins de passages à tabac, mais il y en a quand même eu. Mis à
25 part le massacre de la salle 3, il se peut qu'il y ait eu moins de morts
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1 pendant sa pause, mais il y en a quand même eu. Il se peut que les
2 prisonniers aient préféré son équipe, mais si l'on compare deux maux, il
3 reste du mal, même si l'un est un peu moins mauvais que l'autre.
4 Quelle que soient les conclusions que vous tirerez, s'agissant des
5 éléments à décharge concernant Kole ou Kolundzija, que vous entendrez
6 pendant toute la présentation des preuves, ou pour ce qui est du rôle
7 qu'il a joué ou qu'il n'a pas joué dans le massacre de la salle 3, vous
8 verrez qu'il est, de toute façon, coupable de persécution.
9 Si vous estimez qu'il a effectivement amélioré les conditions de certains
10 prisonniers, il ne l'a pas fait pour tous. Il avait des préférés, des
11 favoris. Il a permis que certains bénéficient d'un meilleur traitement
12 alors qu'un traitement horrible était infligé à d'autres.
13 Le fait qu'il ait permis à certains de bénéficier de meilleures
14 conditions, montre simplement qu'il avait le pouvoir de modifier les
15 conditions qui prévalaient dans le camp mais il a décidé de ne pas le
16 faire. Alors qu'il savait que les choses étaient mauvaises à Keraterm, il
17 a accepté une promotion pour passer de garde à commandant d'équipe. Et
18 vous verrez qu'il a eu l'occasion d'accorder des privilèges à certains
19 prisonniers. Certains viendront vous le dire. Mais on peut dire que, de
20 toute façon, d'autre part il n'a pas toujours fait preuve de magnanimité.
21 Tous les prisonniers ont souffert même si certains ont bénéficié de l'aide
22 de Kole. Mais il aurait pu et il aurait dû faire davantage pour les autres
23 prisonniers. Le fait qu'il ne l'ait pas fait, le rend coupable de
24 persécution.
25 Mais, Messieurs les Juges, tous les témoins n'auront pas que des bonnes
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1 paroles à dire à propos de Kole, puisque les passages à tabac étaient
2 quelque chose de routinier à Keraterm. Les commandants d'équipe, dont
3 Kolundzija, étaient présents à ces passages à tabac. Certains prisonniers
4 l'ont vu ou l'ont entendu faire sortir des prisonniers. Et lorsque ces
5 hommes revenaient, ils étaient couvert de coups, ensanglantés.
6 Quelquefois, après que des personnes aient été battues à tabac, Kolundzija
7 demandait aux gardes pourquoi ils avaient agi ainsi mais personne n'a
8 jamais été puni ou démis de ses fonctions pour ce qu'il avait fait.
9 Et même si certains vous diront qu'il y avait moins de passages à tabac
10 quand il était au commandement, les conditions qui prévalaient étaient
11 tout aussi terribles que dans les autres équipes.
12 Beaucoup de témoins vous diront qu'à quatre occasions au moins, Kole était
13 là lorsqu'ils ont été battus à coups de barre de fer, de crosse de fusil,
14 de batte, de planche ou de matraque.
15 Il y a un incident où Kole a ordonné à un prisonnier de sortir, et puis on
16 a entendu deux coups de feu. Un autre dira qu'il a été battu par
17 Kolundzija avec un bâton. Il affirme qu'il a été battu qu'avec deux autres
18 prisonniers, il a été battu par Kolundzija jusqu'à perdre conscience.
19 D'autres viendront vous dire que Kolundzija était présent aussi lorsque
20 les frères Banovic et un garde appelé Grujin frappaient les prisonniers
21 pendant qu'ils mangeaient.
22 Tous ces éléments de preuve vous porteront à prendre une décision quant
23 aux faits à retenir. Et nous croyons qu'il ne restera plus aucun doute
24 dans votre esprit. Vous serez convaincu que l'accusé Dragan Kolundzija est
25 coupable en vertu à la fois du 7.1 et du 7.2 pour la conduite des hommes
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1 se trouvant sous son commandement, pour les différents crimes de
2 persécution visés par l'Article 5 du Statut ainsi que pour les outrages à
3 la dignité de la personne, violation des lois et coutumes de guerre, en
4 vertu de l'Article 3 du Statut.
5 Il me reste une dizaine de minutes à peu près, Monsieur le Président. Je
6 vais commencer à parler de la clôture, de la fermeture des camps.
7 Alors, à vous de décider: est-ce que je poursuis ou est-ce que nous
8 procédons à une brève pause?
9 M. le Président (interprétation): Je pense que nous allons faire une pause
10 maintenant et nous reprendrons à midi.
11 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 (La séance, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 12 heures 05.)
13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld?
14 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
15 Comme je vous l'ai annoncé avant la pause, j'aimerais maintenant parler de
16 la fermeture du camp. Comme je l'ai dit d'emblée, c'est seulement au
17 moment où les médias ont réussi à se frayer un passage jusque dans la
18 région de Prijedor et ont pu filmer les camps que les autorités serbes de
19 Bosnie ont été forcées à fermer ces camps.
20 Des journalistes bien connus comme Edward Vulliamy qui a, par la suite,
21 écrit un livre "Les saisons en enfer", et Penny Marshall et son équipe de
22 télévision qui ont été dans certains camps de détention de la région de
23 Prijedor. Ce sont ces journalistes donc qui sont indirectement
24 responsables de la fermeture du camp de Keraterm et d'Omarska et de
25 Trnopolje.
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1 Vous avez déjà vu un extrait assez bref bien connu depuis de ce camp de
2 Trnopolje. Le filmage a pu se réaliser parce que des journalistes
3 occidentaux, qui avaient demandé à avoir accès à Prijedor, ont finalement
4 reçu la permission de le faire par M. Karadzic. En vue de cette visite,
5 les autorités ont décidé de fermer le camp de Keraterm. La plupart des
6 détenus ont été transférés à Trnopolje où les conditions, même si elles
7 étaient exécrables, étaient un peu meilleures que celles qui prévalaient à
8 Keraterm. Donc ces détenus ont été rassemblés à Omarska lorsque Keraterm a
9 été fermé.
10 Beaucoup des prisonniers que l'on a vus dans ce bref extrait de Trnopolje
11 avaient, auparavant, été internés à Keraterm ou Omarska. Et là, on a
12 l'impression que ces camps comme Keraterm et Omarska ont été fermés entre
13 le 5 ou le 8 août 1992.
14 Mais tous les prisonniers de Keraterm n'ont pas eu la chance d'être
15 simplement transférés dans un autre camp. Vous entendrez des témoins, tels
16 que K31, AE, K6, K30 et K13, qui vous diront que deux bus remplis de
17 détenus qui, pour la plupart, étaient des hommes jeunes en âge de
18 combattre…, on transportait les détenus dans un lieu isolé où ils ont été
19 exécutés sommairement. Sikirica a fait l'appel de ces prisonniers à partir
20 d'une liste qu'il avait. Il a présidé au transport de ces hommes.
21 Un témoin, K42, rappelle les noms de plusieurs jeunes hommes qui ont été
22 ainsi emmenés. Mais le sort réservé à ces malheureux hommes n'a pas été
23 connu jusqu'au moment où des restes humains ont été trouvés empilés dans
24 une cave à Hrastova Glavica, près du village de Podvidaca. Vous voyez,
25 ici, cette photographie où l'on voit une pile d'os au fond de la cave.
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1 Des rapports de témoins-experts vous montreront que la majorité des restes
2 humains trouvés à Hrastova Glavica présente des traces de blessures par
3 balle. Ce qui montre qu'ils ont été exécutés par armes à feu.
4 Vous avez maintenant une photographie qui vous montre l'impact d'une balle
5 dans un crâne.
6 De plus, un témoin, K12 , vous dira qu'il a rencontré un des passagers qui
7 se trouvait dans un de ces bus. C'est de cet homme qu'il a appris de
8 quelle façon ces hommes avaient été appelés, chargés, embarqués dans deux
9 bus et, après un détour, avaient été amenés à Omarska puis plus loin, dans
10 une région où il y avait une caverne. Là, ils ont été abattus par des
11 soldats armés qui les attendaient.
12 Le témoin K12 a appris d'un survivant, Ibrahim Ferhatovic, qu'il avait été
13 blessé à la main et était tombé dans cette caverne où il a échappé à
14 l'attention des gardes. Ferhatovic a dit au témoin K12 qu'il connaissait
15 le nom de certaines de ces personnes qui se trouvaient dans ces bus qui
16 avaient été tuées.
17 Ibrahim Ferhatovic et beaucoup des hommes dont il se souvient, se
18 trouvaient parmi les personnes énumérées par le témoin 42.
19 Malheureusement, Ibrahim Ferhatovic a été capturé une fois de plus par les
20 Serbes et n'a pas survécu à cette deuxième arrestation; il ne peut pas
21 venir vous parler de ce qu'il a vécu avant de mourir.
22 Vous entendrez parler par d'autres témoins qui vous diront -notamment le
23 témoin K41-, qu'après la guerre, son mari qui a été assassiné à Keraterm a
24 été exhumé d'une tombe à Pasinac. Ses restes ont été identifiés.
25 Un autre témoin, K36, vous donnera des détails sur la façon dont son mari,
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1 le mari de K41 et d'autres victimes de Keraterm ont fini dans des tombes
2 anonymes à Pasinac, ont été retrouvés soit individuellement ou en masse
3 comme c'est le cas sur cette photographie.
4 La photographie n'est pas très claire, du moins par sur le
5 rétroprojecteur, mais on voit le reste visible de trois corps se trouvant
6 dans une seule et même tombe, corps empilés les uns sur les autres. Il
7 s'agissait de la tombe PC13.
8 Il y a eu quelques individus qui ont échappé à ces massacres, à ces
9 exécutions. Il y a parmi eux Emsud Garibovic, tout comme Ferhatovic -même
10 s'il se trouvait à un autre endroit, à une date différente-, lui aussi a
11 survécu à un tel massacre. Il a déjà déposé dans le procès Omarska. Nous
12 en avons le compte rendu d'audience. Vous verrez que le 21 août 1992, il
13 faisait partie d'un grand convoi de détenus, en provenance de Trnopolje,
14 qui avaient été embarqués dans des bus qui devaient, apparemment, se
15 rendre à Travnik. La plupart de ces jeunes hommes se trouvant dans les bus
16 ont été séparés des autres, ont été emmenés dans un site éloigné sur le
17 mont Vlasic, ont été alignés le long de la falaise, abattus à la
18 mitrailleuse, et jetés dans le gouffre. Cette exécution a été commise par
19 des officiers de police de réserve de Prijedor, la même organisation que
20 celle à laquelle appartenaient les trois accusés dans ce procès Garibovic,
21 ainsi que quelques autres qui ont eu de la chance ont survécu. Ils
22 pourront vous dire ce qui leur est arrivé.
23 Vous voyez ce qu'il se passe lorsque l'on abat des gens en groupe, à la
24 mitrailleuse, avec des armes automatiques. Même si c'est une opération
25 très rapide, impersonnelle et souvent efficace, cela pose un problème pour
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1 les auteurs de ces crimes car tout le monde n'est pas tué d'un coup.
2 Beaucoup sont gravement blessés, meurent plus tard, mais d'autres
3 survivent dans ce tas de corps et peuvent vous dire, aujourd'hui, ce
4 qu'ils ont vécu.
5 Ces trois exemples tout à fait représentatifs de ce qui s'est passé dans
6 ces trois camps, montrent qu'il y avait vraiment des rapports très bien
7 établis entre ces camps. Les prisonniers étaient transportés de Keraterm
8 dans les autres camps où les conditions étaient les mêmes. Il fallait
9 organiser ces transports par bus, il y avait nécessité d'avoir un minimum
10 d'organisation administrative. Tout ceci ne s'est pas passé par hasard, de
11 façon isolée. Les gens étaient interrogés, triés, des listes étaient
12 dressées, des gens étaient appelés à partir de ces listes pour faire telle
13 ou telle chose, subir tel ou tel traitement. Certains étaient transportés
14 vers d'autres camps. D'autres étaient assassinés, d'autres encore battus,
15 d'autres ont été épargnés. Certains ont bénéficié d'un traitement de
16 faveur, certains ont été embarqués dans des bus et emmenés pour faire
17 l'objet d'exécutions massives.
18 Cela ne s'est pas passé seulement à Keraterm mais aussi à Omarska et à
19 Trnopolje. Tout ceci nous montre qu'il y avait un dessein plus large, un
20 dessein commun dont faisait partie Keraterm. Chaque camp a joué le rôle
21 qui lui était donné dans l'exécution de ce génocide général qui a été
22 commis sur la population non-serbe de Prijedor.
23 Vous entendrez des experts, tel le Dr. Richard Wright, professeur
24 d'anthropologie légale, qui a préparé des rapports à la suite des
25 exhumations de corps à Pasinac, à Prijedor, et d'une tombe commune dans le
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1 village de Kevljani.
2 Vous entendrez aussi le Dr. John Clark, pathologiste légal, qui vous fera
3 état des résultats, des post mortem qu'il a exécuté avec son équipe sur
4 des corps de Pasinac, Kevljani et Hrastava Glavica.
5 Vous entendrez aussi le Juge Abdulmedzid Music, le Dr. Eva Klonowski, et
6 d'autres pathologistes qui viendront vous parler de leurs résultats.
7 Ce ne sont pas là tous les témoins qu'entend citer l'accusation. Nous
8 pensons que, dans la totalité, vous entendrez quelques 42 témoins qui
9 viendront à la barre.
10 Nous avions prévu au départ 54 témoins potentiels qui devaient constituer
11 un échantillon représentatif des différents témoignages disponibles. Les
12 autres témoignages que nous vous présenterons seront sous forme de comptes
13 rendus d'audience venant d'autres procès ou sous forme de rapports
14 d'experts. Il se peut que les conseils de la défense veuillent procéder au
15 contre-interrogatoire de certains de ces témoins.
16 Nous avons soumis les rapports de tous ces experts aux conseils de la
17 défense. Et puis, vous aurez aussi à examiner plusieurs classeurs de
18 documents qui ont été classés et qui seront présentés sous forme de pièces
19 à conviction.
20 Nous pensons qu'à la fin du procès, vous serez convaincus que l'accusation
21 a présenté des éléments de preuve qui vous permettront de déterminer sans
22 aucune difficulté que chacun des accusés est responsable et coupable en
23 vertu des charges retenues contre eux.
24 C'étaient donc les remarques liminaires que voulait vous faire
25 l'accusation.
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1 M. le Président (interprétation): Maître Vucicevic?
2 (Hors micro, Me Vucicevic demande s'il peut se déplacer pour être à
3 proximité d'un micro).
4 (Déclaration liminaire de Me Vucicevic.)
5 M. Vucicevic (interprétation): Messieurs les Juges, chers collègues de
6 part et d'autre du prétoire, même si ceci est un exercice difficile, j'ai
7 le devoir et l'honneur de vous présenter le plan et la séquence des
8 événements qui prévalaient dans l'esprit de Kolundzija, mais pas dans
9 l'esprit des extrémistes serbes que vous a présenté M. Ryneveld.
10 Tout d'abord, je ferai une concession. Il n'est pas contesté qu'il y ait
11 eu des faits répréhensibles à Keraterm mais, pour sa défense, Kolundzija
12 affirme qu'il n'a pas participé que ce soit directement, indirectement ou
13 collectivement à ces événements.
14 Je pense que l'accusation commet l'erreur de placer sous le chef de la
15 responsabilité collective, Kolundzija avec les autres accusés car chaque
16 accusé a le droit d'être examiné et jugé séparément.
17 Pour ce qui est de la participation directe, nous pensons que les moyens
18 de preuve apportés par les deux parties montreront que Kolundzija n'avait
19 jamais donné l'ordre de maltraiter quelque que détenu que ce soit. Que
20 lui-même n'a maltraité personne. Qu'il n'était pas présent au moment où
21 des blessures ont été infligées à des détenus, des blessures qu'il aurait
22 pu, lui, empêcher.
23 Au contraire, nous montrerons que ces gardes avaient un bon comportement
24 envers les détenus et que lui, personnellement, s'est bien comporté envers
25 les détenus, et qu'il a pris toutes les mesures qu'il pouvait prendre pour
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1 essayer d'atténuer leurs souffrances, là où c'était possible. Et aussi
2 qu'il avait la réputation de bien se comporter envers les détenus dans le
3 camp. Ce que savait tous les détenus.
4 Mais j'aimerais m'arrêter un instant ici, pour présenter mon client,
5 Dragan Kolundzija, et pour présenter aussi le contexte dans lequel s'est
6 formé son intention, non pas l'intention délictueuse qu'il aurait eu.
7 C'est bien ce que l'accusation veut vous faire croire. Mais pour parler de
8 son intention à lui, personnellement, c'est un homme dont beaucoup de
9 détenus ont dit qu'il s'était très bien comporté à Keraterm.
10 Dragan a 41, il est marié, il a deux enfants de 14 et 16 ans. Sa
11 formation: eh bien, il a fait l'école élémentaire et l'école
12 professionnelle. Il n'avait pas de formation technique qu'il aurait reçue
13 par la suite mais il a été envoyé par un officier de recrutement pour
14 faire son service national en tant que chauffeur de camion. Et il a été
15 montré qu'il n'avait aucune capacité en tant que meneur ou en tant que
16 combattant.
17 Lorsqu'il a terminé son service obligatoire, il a pris un emploi de
18 chauffeur de camion dans une entreprise de transport gouvernementale.
19 Avant que le conflit n'éclate, Kolundzija s'est installé à son compte, en
20 1989, en tant que routier. Les affaires marchaient bien depuis que les
21 chauffeurs musulmans assuraient le déménagement des familles serbes depuis
22 la Slovénie et la Croatie en Bosnie et en Serbie.
23 Alors que Kolundzija, lui, restait tout à fait actif dans son métier, il
24 se déplaçait en Croatie, à partir de la Croatie, car il n'était pas comme
25 les autres, il n'avait pas peur de se déplacer. En fait, il ne pouvait pas
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1 prévoir ce qui allait se passer entre ces deux peuples constitutifs de la
2 Yougoslavie. Son esprit avait été formé par des années de propagande selon
3 laquelle Prijedor était l'étendard de l'idée yougoslave, l'exemple de la
4 classe ouvrière en tant qu'avant garde du communisme qui pouvait réunir
5 les citoyens et panser les plaies causées par le passé ethnique, en dépit
6 de l'intégration de Prijedor.
7 Le révisionnisme historique était présent de façon très forte dans les
8 esprits torturés. Esprits des Serbes qui se souvenaient de Jasenovac, de
9 ceux qui avaient vu ce qui s'était passé et qui transmettaient à leurs
10 enfants et petits-enfants ce témoignage afin que les victimes, leurs
11 parents, n'oublient pas. C'était aussi une épopée de la culture serbe qui
12 a été transmise de génération en génération pendant l'existence du régime
13 islamiste en Bosnie, depuis le début du XVe siècle jusqu'à la fin du XIXe
14 siècle. Cette culture épique a préservé l'identité nationale serbe coincée
15 entre deux empires voisins, qui envahissaient les terres serbes quand bon
16 leur semblait.
17 Cependant, ce qui compte le plus ici, c'est que Kolundzija -à la
18 différence des autres- n'a jamais entendu ces histoires, ces épopées de
19 l'héroïsme serbe parce que les parents de Kolundzija étaient de fervents
20 partisans de l'idée communiste de la fraternité et de l'unité pour tous
21 les peuples de Yougoslavie. Ces actes de loyauté envers ces principes,
22 manifestés par ses parents ont fait que, par exemple, ils ont donné à leur
23 premier enfant, une fille, le nom de Stefica, qui est un nom très croate.
24 Leur second enfant, Dragan est né le 19 décembre 1959, le jour la Saint-
25 Nicolas d'après le calendrier serbe. De plus, il se fait que c'était le
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1 jour où se fêtait le saint patron de sa famille. Par conséquent, une
2 famille traditionnelle serbe aurait donné à ce fils, comme don de Dieu, le
3 nom de Nikola.
4 Ses parents ont rejeté les préjugés nationalistes du passé. La religion,
5 elle aussi, dans leur foyer était secondaire; c'était normal pour des gens
6 qui croyaient dans le nouvel ordre de l'époque.
7 Il a grandi chez sa tante, qui avait épousé un Musulman, parce que ses
8 parents sont allés travailler en Allemagne dès que l'économie de Tito
9 d'investissement équitable a échoué, entraînant une inégalité entre les
10 gens.
11 Dragan Kolundzija a été tout à fait intégré dans cette société
12 multiethnique. Pendant des générations, dans sa famille, les Croates et
13 les Musulmans étaient considérés comme des frères. S'il y avait des
14 différences entre eux par le passé, c'était –croyait-il- uniquement à
15 cause des convictions communistes, obsolètes qui les divisaient. La
16 religion était à peine pratiquée en Bosnie, puisque le parti communiste
17 qui était la force organisatrice de la société à l'époque n'acceptait pas
18 des dissidents dogmatiques. Le salut communiste devait se faire sur terre,
19 mais ne pouvait pas être mis en oeuvre s'il y avait d'autres formes de
20 gouvernements dans le monde.
21 Dans ses enseignements, le communiste est beaucoup plus extrémiste que
22 l'islamiste, mais il donnait des avantages. Ce qui n'a fait qu'encourager
23 à la corruption des consciences, et tout ceci s'est propagé comme un
24 incendie.
25 Puisque le Procureur voulait faire admettre des faits déjà établis, je
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1 dois revenir à ces questions. Le Procureur a notamment parlé de cette
2 notion d'une grande Serbie. Je n'en parlerai que dans la mesure où ceci
3 peut intervenir dans le cas de Kolundzija.
4 Le grand-père de celui-ci, Simo, est revenu des Etats-Unis, où il avait
5 émigré au début du siècle, pour se porter à la défense de la Serbie au
6 début de la Première guerre mondiale, lorsque la Serbie se trouvait sous
7 l'attaque des empires austro-hongrois et allemands. Le grand-père, Simo,
8 n'a pas seulement lutté pour la liberté de la Serbie qui se trouvait à 400
9 kilomètres de là, mais aussi pour la liberté des autres peuples. Notamment
10 de la Bosnie, de ses frères serbes, de foi musulmane, et aussi pour les
11 Croates qui demandaient une unification avec la Serbie. Simo, que Dragan
12 admirait, était aussi un exemple unique de la fierté serbe pour certains.
13 S'il était unique, mais ce n'est pas le cas, parce qu'il y a d'autres, des
14 Musulmans de Bosnie qui ont lutté pour une grande Serbie, pour autant bien
15 sûr que la Chambre de première instance accepte la théorie avancée par
16 l'accusation.
17 Pourtant, nous pouvons réfuter tout ceci d'un trait. Par un exemple:
18 Sukrija Kostovic, musulman de Bosnie avait étudié à Vienne, mais il s'est
19 porté volontaire aussi cours de la Première guerre mondiale dans l'armée
20 serbe, car il était serbe et musulman. Tout comme Alija Izetbegovic s'est
21 déclaré lui-même serbe dans un recensement consécutif à la Deuxième guerre
22 mondiale. Mais le frère de Sukrija Kostovic était capitaine dans un
23 régiment de la Garde royale serbe, après avoir terminé l'académie
24 militaire de Belgrade.
25 Il aurait pu, lui qui était originaire de Sarajevo, partir pour Vienne,
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1 Prague ou Budapest, pour s'y former. Il a préféré aller chez ses frères en
2 Serbie pour y jouir de la liberté avec eux.
3 Les frères Kurtovic sont devenus célèbres et les citoyens de Bosnie ont
4 envoyé Sukrija à Belgrade en tant que membre du Parlement yougoslave. Il a
5 fallu à peu près 50 ans pour se transforme de façon spontanée la région
6 islamiste la plus radicale de l'empire ottoman. Les Serbes espéraient que
7 les Musulmans éclairés de la région deviendraient leurs frères, comme ils
8 l'étaient avant l'islamisation, ou du moins deviennent des voisins
9 amicaux. Les réformes ont commencé aussi avec le sultan Mehmed II, un
10 calife, en 1822. Et je pense que peu de gens se rappellent aujourd'hui qui
11 s'est d'abord rebellé contre les modifications qui ont frappé tout le
12 monde musulman.
13 Il s'agissait, là, de seigneurs féodaux de Bosnie qui ne voulaient pas
14 accorder les droits civiques à leur serfs de religion orthodoxe. Les
15 seigneurs islamistes de Bosnie ont poursuivi leur insurrection pendant
16 plus de 20 ans, mais le sultan les a finalement battus lors de la bataille
17 de Kosovo en 1847.
18 Cependant, le chef qui avait été battu, le capitaine Gardasevic, qui
19 avait lutté contre les armées du sultan est devenu le deuxième martyre du
20 Kosovo, comme l'était devenu Car Lazar, pour les Serbes, lors de la
21 bataille de 1389. Il était devenu un héros pour ces Musulmans de Bosnie
22 qui voulaient en fait réduire en esclavage leurs voisins, en imposant leur
23 vision d'un Islam intolérant.
24 Kole n'en savait rien. Le régime communiste a déformé l'Histoire, pour la
25 plier à ses besoins idéologiques. Ce qui veut dire que ni dans les livres
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1 scolaire ni dans le discours de la société, il n'y avait un gramme
2 d'histoire relative à l'islamisation.
3 Au cours de deux périodes de démocratie, l'islamisme de Bosnie a connu une
4 résurrection rapide. Après la Première Guerre mondiale, Sukrija a dit ceci
5 dans un discours au Parlement, en s'exprimant de façon très critique à
6 l'égard d'un congénère de Bosnie pour son hypocrisie. Il critiquait, en
7 l'occurrence, M. Mohamed Sparo, qui était dirigeant de l'organisation
8 musulmane yougoslave. Il a dit ceci: "Monsieur Mohamed Sparo demande aux
9 autres citoyens de Bosnie-Herzégovine d'oublier la détermination
10 religieuse des conflits historiques, alors que tout ce qu'il fait, lui, et
11 les personnes qui le suivent, contribue à exacerber les divisions basées
12 sur la religion pour essayer de nous faire remémorer les événements du
13 passé, ce qui va entraîner des conflits, parce que des programmes de haine
14 ont entraîné nos ancêtres à des conflits sanglants. Ceci ne pourra que se
15 poursuivre si un parti politique utilise des raisons religieuses, alors
16 que d'autres ont été décapités et tués pour des raisons religieuses".
17 Ces mêmes conclusions sur la cause des guerres de civilisation, sur ces
18 failles, qui divisent les civilisations ont été exprimées par le Pr.
19 Samuel Huntington, dans le livre qu'il a intitulé "L'affrontement des
20 civilisations et la confection d'un nouvel ordre mondial", ouvrage publié
21 en 1996, et dont je vais demander qu'il soit posé sur le rétroprojecteur,
22 du moins sa première page.
23 Je vais ici vous faire une citation de la page 262, ceci sera versé au
24 dossier par la suite: "Les premières élections démocratiques réalisées
25 dans pratiquement toutes les républiques de l'ancienne Union Soviétique et
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1 l'ancienne Yougoslavie ont été gagnées par des dirigeants politiques qui
2 faisaient appel aux sentiments nationalistes…".
3 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous parler plus lentement?
4 M. Vucicevic (interprétation): "… qui faisaient appel aux sentiments
5 nationalistes et qui essayaient d'utiliser les failles géo-ethniques pour
6 diviser les populations". Cette citation a fait l'objet de commentaires de
7 la part de personnes éminentes, telles que Henry Kissinger, qui a ceci:
8 "Sir Huntington est l'un des spécialistes des sciences politiques les plus
9 éminents à l'ouest. Il nous présente un cadre tout à fait intéressant pour
10 mieux comprendre les réalités globales de la politique du prochain
11 siècle".
12 Mais M. Fikret Abdic, qui est apparu le vainqueur des premières élections
13 démocratiques et le dirigeant de la branche séculaire des Musulmans de
14 Bosnie, au cours des élections de décembre 1992, s'est vu nier sa
15 victoire. Nous allons vous expliquer dans quelles conditions ceci s'est
16 produit. Et qui est devenu le président à la place de M. Abdic? Un homme
17 qui ne pourrait mieux être décrit que par l'ouvrage qu'il a lui-même
18 réalisé. Il avait dit que ces hommes deviendraient des citoyens sans
19 droit, si Izetbegovic réussissait à islamiser l'Etat de Bosnie.
20 Cependant, comme nous allons vous le présenter, la Bosnie constituait une
21 exception à cette règle qui fait qu'il y a des guerres de civilisation sur
22 les lignes de faille géo-ethniques. Les "civilisations", comme les désigne
23 M. Huntington, se divisent en cultures occidentale, orientale, orthodoxe
24 et musulmane. Ici, il fait part d'avis qui étaient bien acceptés, à la fin
25 des années 80, et au début des années 90, selon lesquels les affrontements
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1 les plus sanglants se produisaient le long de ces lignes de failles qui
2 divisent les différentes civilisations.
3 Est-ce que je peux vous soumettre une autre photographie?
4 Vous avez ici la carte de l'Europe avec, en hachurée, une ligne qui part
5 de la mer du Nord jusqu'à l'Adriatique. Et où cette faille présente le
6 plus de méandres? C'est là que vous trouverez les conflits ethniques. Et
7 c'est là qu'il y aura les tremblements de terres les plus forts. Vous
8 trouvez sur cette ligne Prijedor et vous y trouvez aussi Bihac. Si vous me
9 le permettez, je m'approcherai du rétroprojecteur. Voici où se trouve
10 Prijedor. Ici, se trouve Bihac. C'était une enclave où M. Abdic, et
11 d'après les historiens, vivait un peu à l'extérieur de cette ligne de
12 faille.
13 M. le Président (interprétation): (Hors micro)
14 M. Vucicevic (interprétation): Cette ligne, vous la voyez sur cette carte
15 qui a été publiée pour la première fois dans le journal des Affaires
16 étrangères en 1990, avant l'éclatement du conflit en Bosnie. Je demanderai
17 l'admission de cette pièce à un stade ultérieur du procès.
18 Je vous le disais, la Bosnie constitue une exception à cette règle qui
19 veut que les civilisations se divisent suivant les failles que l'on y
20 trouve. Les élections n'ont pas abouti à la guerre, mais c'est plutôt la
21 tromperie que l'on a fait de la volonté du peuple. C'est un acte
22 d'intervention, d'immixtion religieuse dans la politique, contre lequel
23 Kurtovic a mis en garde à l'époque.
24 L'expérience sociale de la Bosnie était un succès, était vouée à l'essor
25 mais, du fait de l'immixtion des pouvoirs régionaux, des problèmes se sont
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1 posés.
2 Les Occidentaux, en Europe, avaient leur démagogie habituelle. D'après
3 eux, la Yougoslavie était morte, était vouée à l'échec dès le départ,
4 puisqu'elle comprenait des Serbes, des Croates, des Musulmans, alors que
5 la Bosnie devait être reconnue comme étant un Etat indépendant, qu'il
6 fallait attacher à un même groupe indivisible ou incompatible.
7 Mais il y a toujours des intérêts à faire preuve d'une attitude hypocrite.
8 En Yougoslavie, les Serbes constituaient la majorité, alors qu'en Bosnie
9 ils étaient une minorité. Après le congrès de Berlin, après les diverses
10 guerres qui ont frappé la région, la Bosnie a été placée sous le tutorat
11 de l'empire austro-hongrois. Après la guerre, il y a eu un regain
12 d'islamisme, et ce sont les nations les plus radicales qui ont contribué à
13 la guerre.
14 Je crois qu'il serait utile que nous examinions ce qu'a fait, il y a
15 quelques jours, la nation extrémiste islamiste, la plus extrémistes du
16 monde. Certains des hauts lieux de la civilisation mondiale ont été
17 plastiqués. Les Serbes ont, dans leur histoire, des événements qui sont
18 tous aussi choquants, et je voudrais que vous vous en souveniez. Je ne
19 vais pas entrer dans les détails dès maintenant, mais les Serbes ont connu
20 ces événements -même si le monde ne le savait pas.
21 Comme l'a dit l'accusation, je conviendrai avec elle pour dire qu'en 1992,
22 ce sont des régions où habitaient surtout les Serbes qui ont fait
23 sécession de la Bosnie. Pendant les années 70, et pendant les années 80,
24 c'était le sujet politique le plus abordé. C'était une époque aussi où
25 beaucoup de peuples de par le monde se sont libérés, se sont émancipés du
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1 régime colonial.
2 Ce qui a motivé les Serbes, c'est qu'ils ne voulaient pas vivre sous
3 l'empire de la charria, et ne voulaient pas être soumis à ces Musulmans
4 extrémistes qui allaient mener une Guerre sainte, la Jihad, contre leurs
5 voisins. C'est ce que vous dira un homme, un Musulman, qui vous dit que
6 c'est la raison pour laquelle il a pris les armes pour lutter contre
7 l'islamisme extrémiste de Bosnie. C'est un fait qu'il y a eu un autre
8 combat, pas seulement un combat entre les Serbes et l'Islam extrémiste,
9 mais il y a eu une guerre civile entre deux différents groupes de l'Islam
10 en Bosnie: les intolérants et les séculaires.
11 Mais revenons à Prijedor. Prijedor était une oasis de tolérance jusqu'au
12 moment où les premiers coups ont été tirés. Le tremblement de terre, le
13 séisme qui s'en est suivi, s'est produit parce que nous voyons qu'il y a,
14 en fait, un croisement de ces lignes de faille à Prijedor. Et les premiers
15 coups qui ont été tirés à Prijedor, auxquels personne ne s'attendait, ont
16 inspiré la peur, ont jeté la peur sur Prijedor du jour au lendemain.
17 Le Procureur vous dira que tous ces actes et leurs conséquences
18 abominables apportent la preuve de l'existence d'un plan de persécution
19 ciblant tous les Musulmans de la région. Cependant, je me permets de faire
20 valoir que cette hypothèse n'est qu'une fabrication.
21 A titre d'illustration, je vais vous parler de la réinstallation de
22 Japonais de souche qui étaient des citoyens américains et qui ont été
23 réinstallés. On leur avait enlevé leur nationalité sans autre forme de
24 procès. Tous ces Japonais ont été réinstallés.
25 La peur n'était pas quelque chose d'étranger au Président Franklin
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1 Roosevelt. Ce fut l'homme qui a sorti ce pays de sa grande dépression.
2 Dans son discours d'ouverture, il a demandé à la nation de surmonter la
3 peur car, selon lui, il n'y avait rien à craindre, il n'y avait qu'à
4 craindre la peur elle-même.
5 Cependant, lui et sa nation, ma nouvelle nation, ont cédé à des peurs
6 irrationnelles de voir une invasion japonaise imminente. Et effectivement,
7 ils ont insufflé la peur à toute une nation du jour au lendemain. Ces
8 actes d'invasion qui se passaient à 16.000 kilomètres de là sans qu'un
9 coup de feu soit tiré, ont donné peur à toute une nation du jour au
10 lendemain.
11 Je vais vous demander d'examiner un bref extrait d'un documentaire qui se
12 trouve sur un site public, qui parle de la détresse subie par des
13 Américains d'origine japonaise. Ceci a été montré par l'Association
14 nationale de la télévision publique et de l'éducation publique aux
15 libertés civiles. Ce film a été primé, notamment au festival du film
16 internationale de Vermont et à celui de Luis Obispo.
17 M. May (interprétation): Quel l'intérêt de ceci dans le cadre du procès?
18 M. Vucicevic (interprétation): Eh bien, son intérêt réside dans le fait
19 que ce documentaire va vous montrer comment, dans une société, des mêmes
20 événements peuvent insuffler une telle peur, qu'une nation aura peut-être
21 une même réaction dans des circonstances analogues sans qu'il y ait
22 prémédication, sans qu'il y ait de plan.
23 C'est vrai lorsque les événements se produisent inopinément et que tout se
24 produit sans qu'il y ait une intention délictueuse, sinon refaire une
25 analogie avec un crime d'ordre commun, les conséquences ne signifient pas
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1 pour autant qu'il y a eu planification ou prémédication.
2 Même le Président Roosevelt a demandé ces camps de concentration. Cet
3 extrait montrera que les gens qui étaient concernés avaient été rassurés.
4 On leur avait dit qu'ils allaient être réinstallés dans des communautés.
5 Pourtant, leurs biens ont été confisqués et les hommes en âge de combattre
6 ont été obligés de se porter volontaires dans l'armée. S'il s'y
7 opposaient, ils étaient emmenés dans le camp de concentration de Mash,
8 camp de haute sécurité où ils étaient tabassés, camp dans lequel il y
9 avait des miradors et des chars tout autour.
10 Je ne suis pas ici pour vous dire que ma nouvelle nation n'a jamais eu
11 l'intention d'infliger des souffrances, qu'elle n'a jamais planifié de le
12 faire, mais la peur avait poussé le Président à commettre quelque chose
13 qui était anticonstitutionnel.
14 Et tous ceux qui ont ainsi agi, ont insufflé de grandes souffrances, et
15 certains crimes. Ma nouvelle nation l'a montré au monde entier, et je ne
16 fais que laisser entendre qu'il vous serait utile de voir ce que peut
17 occasionner la peur. Je crois que j'ai le devoir ici de vous montrer le
18 Président…
19 M. le Président (interprétation): Maître Vucicevic, vous pouvez
20 poursuivre, mais je ne sais pas quelle est votre intention. Montrez cet
21 extrait.
22 (Diffusion de l'extrait)
23 M. Vucicevic (interprétation): Je ne vais pas faire de commentaire,
24 puisque nous pouvons entendre le commentaire.
25 (Diffusion de la vidéo)
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1 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela va durer encore
2 longtemps?
3 M. Vucicevic (interprétation): Encore une minute.
4 M. le Président (interprétation): Très bien, encore une minute.
5 M. Vucicevic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les
6 Juges, de m'avoir permis de partager cela avec vous.
7 Cependant, en ce qui concerne mon client, Kolundzija, il n'avait pas peur
8 de ses voisins. Visiblement, il considérait que la guerre civile n'allait
9 jamais avoir lieu et pendant qu'il travaillait, son camion était l'un des
10 derniers qui a traversé la rivière de Sava pour venir de Croatie en
11 Bosnie, avant l'explosion et la destruction du pont provoqué par les
12 Croates. Quelques jours plus tard, il a répondu à l'appel de la JNA,
13 l'armée populaire yougoslave, croyant que la JNA allait soutenir la
14 Yougoslavie unifiée. Il a réalisé que, ce jour-là, le SDA, le parti
15 d'action démocratique, à Prijedor, avait organisé un grand ralliement à la
16 place publique, en donnant des instructions aux Musulmans de ne pas
17 répondre à l'appel.
18 Un bon ami de Kolundzija, un chauffeur qui travaillait dans la même
19 société, n'a pas répondu à l'appel, à la mobilisation. Cependant, deux
20 jours plus tard, il est venu à l'unité, et il a fait le commentaire
21 suivant: "Je suis allé au rassemblement pour voir ce que mon peuple
22 pensait. Ceci m'a rendu perplexe et je me suis donc décidé, finalement, et
23 je rejoins les rangs de l'armée".
24 Il a été accueilli par tous les autres soldats qui l'entouraient, y
25 compris Kolundzija. Quelques jours plus tard, Kole et son ami sont venus à
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1 Prijedor, afin d'effectuer une tâche et conduire un camion militaire, et
2 ils se sont arrêtés devant leur association. Deux autres Musulmans, qui
3 étaient chauffeurs eux aussi dans la même société, n'ont rien dit à Kole,
4 mais ils juraient, ils proféraient des jurons contre son ami, en disant…
5 Il faut savoir tout d'abord, qu'à l'époque, M. Kadijevic était le chef de
6 l'état-major de l'armée populaire yougoslave. Cette conversation s'est
7 déroulée ainsi: "Kadijevic, (je ne vous dis pas le reste...) pourquoi as-
8 tu mis cette uniforme?". Kole a ri, alors que son ami a dit: "Mais moi, à
9 son retour, je serai Kadijevic". Kole a pensé qu'il s'agissait d'une
10 plaisanterie sans importance et il a continué à penser que ce genre de
11 dispute politique entre les Musulmans tolérants et extrémistes n'allait
12 jamais devenir un problème à Prijedor, si la sécession était empêchée
13 ailleurs.
14 Après son retour de Croatie, où Kole n'était qu'un chauffeur, et où il
15 n'est jamais venu à plus de deux kilomètres de la ligne de front, il a
16 repris son travail de chauffeur de temps en temps, et il obtenait des
17 informations uniquement en regardant le Jutel, une station de télévision
18 dont le siège se trouvait à Sarajevo qui était gérée par un Croate
19 d'orientation pro yougoslave. Donc Kolundzija n'a jamais pensé que la
20 guerre allait éclater à Prijedor.
21 Cependant, par la suite, il a été affecté à une unité de la police de
22 réserve afin d'assurer la sécurité de tous les civils. Ceci s'est produit
23 vers la fin du mois d'avril 1992. Après la prise de pouvoir des Serbes à
24 Prijedor, rien d'important ne s'est passé en ce qui concerne la vie de
25 Kolundzija qui assurait la sécurité et montait la garde devant les
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1 bâtiments publics. Il n'a jamais pensé que Keraterm allait devenir quoi
2 que ce soit d'autre qu'une usine de céramique. Cependant, suite aux ordres
3 reçus, il s'est retrouvé au poste de garde des détenus dans cette même
4 usine, le matin du 3 juin.
5 A l'époque, ceci s'appelait "le centre de détention", ce sont les
6 policiers serbes qui l'appelaient ainsi. Ce centre de détention était déjà
7 créé et gardé par les militaires. Les militaires continuaient à assurer la
8 sécurité et à monter la garde pendant la nuit.
9 Kolundzija, au cours du mois de juin, était un garde ordinaire qui posait
10 des questions à l'égard du mauvais traitement infligé aux prisonniers. Il
11 posait des questions auprès de son commandant, M. Knezevic. Il n'arrêtait
12 pas de protester et de dire que ceci devait s'arrêter: à la fois Keraterm
13 et son affectation là-dedans. La réponse était la suivante: "Dans trois ou
14 quatre jours, tout ceci sera terminé". Il le croyait puisqu'il considérait
15 que son commandant lui donnait des réponses sincères.
16 Peut-être qu'aujourd'hui vous pouvez trouver qu'il ne s'agissait pas de
17 réponses sincères. Cependant, je vais montrer des moyens de preuve que
18 j'ai obtenus récemment -conformément à la demande qui vous a été soumise
19 auparavant-, informant cette Chambre de première instance du fait que ces
20 documents ont été trouvés par notre équipe de la défense. Il s'agit-là de
21 documents qui prouvent que les autorités serbes en charge de la Krajina
22 ont divulgué à la communauté internationale l'existence des prisons et des
23 prisonniers, sept jours après leur établissement et trois jours après le
24 début du service de Kolundzija. Ils ont donc informé la communauté
25 internationale et les fonctionnaires les plus élevés, militaires et
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1 civils, de la communauté internationale sur le territoire de la
2 Yougoslavie.
3 Ils ont demandé des médicaments et de la nourriture, de même que la
4 création de convois pour aller à Banja Luka et à la Krajina, puisque les
5 Serbes manquaient de nourriture et leur réserve n'allait pas durer pendant
6 plus de quelques jours.
7 M. le Président (interprétation): Maître Vucicevic, il est presque 13
8 heures. Il est donc temps de procéder à une pause. Avez-vous besoin
9 d'encore longtemps?
10 M. Vucicevic (interprétation): Je ne pensais pas que j'aurais besoin d'une
11 heure 45 ou de 45 minutes. Mais après la déclaration liminaire du
12 Procureur, j'ai dû ajouter un certain nombre de points. Donc j'aurais
13 besoin d'environ quinze minutes de plus et je préfère poursuivre après la
14 pause.
15 M. le Président (interprétation): Très bien.
16 M. Vucicevic (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
17 M. le Président (interprétation): Cet après-midi, nous allons reprendre à
18 14 heures 30.
19 Après la fin de la présentation de Me Vucicevic, je vais traiter d'un
20 certain nombre de sujets administratifs avant d'entendre les premiers
21 témoins.
22 Cependant, un point inquiète la Chambre de première instance. Je souhaite
23 en parler brièvement dès maintenant. L'accusé Sikirica base sa défense sur
24 l'alibi, il affirme n'avoir pas été là-bas au moment des faits. Le
25 Procureur fera venir les témoins qui diront le contraire.
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1 En ce qui nous concerne et d'après ce que nous pouvons constater, l'accusé
2 Sikirica n'a pas été identifié auparavant par ces témoins-là. S'agissant
3 de son identification en tant que personne qui a commis les crimes, il
4 s'agit-là bien sûr d'un point extrêmement important, voire crucial. Donc
5 ce qui se produira probablement au moment de l'arrivée des témoins de
6 l'accusation, ces témoins-là vont l'identifier. Or, une telle
7 identification pose des dangers bien connus.
8 Je souhaite que les deux parties se préparent afin de présenter leurs
9 arguments à ce sujet-là, devant cette Chambre.
10 Oui, Maître Greaves?
11 M. Greaves (interprétation): J'allais justement en parler, j'allais
12 justement annoncer le fait que je souhaitais soumettre une demande
13 concernant justement ce sujet-là. Mais peut-être qu'il faudrait mieux en
14 parler par la suite, et procéder par le biais des argumentations des deux
15 parties. J'allais, de toute façon, en parler avant l'arrivée des premiers
16 témoins cet après-midi. Je suis sûr que Me Ryneveld en est conscient,
17 puisque je l'ai averti de cela.
18 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Nous en tiendrons compte
19 et nous en parlerons cet après-midi. Nous allons procéder à une pause
20 maintenant et reprendre à 14 heures 30.
21 (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 35.)
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Vucicevic, je pense que vous
23 vous approchiez de la fin de votre déclaration liminaire?
24 M. Vucicevic (interprétation): Permettez-moi de poursuivre.
25 Comme je l'ai dit avant la pause, la défense de Kolundzija possède un
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1 document qui décrit une réunion qui a eu lieu à Belgrade, le 7 juin 1992.
2 Réunion lors de laquelle M. Alexander Buha, qui était le ministre dans le
3 gouvernement des autorités serbes, a assisté à la réunion de même que M.
4 Kraljia du gouvernement de la Krajina.
5 A ce moment-là, ils ont informé les plus hautes autorités des Nations
6 Unies en Yougoslavie de l'existence des détenus. Ils se sont montrés prêts
7 à les échanger contre les prisonniers détenus par le gouvernement de la
8 Bosnie-Herzégovine. Mais ils ont reçu la réponse selon laquelle l'autre
9 partie n'était pas intéressée à l'échange des prisonniers, mais seulement
10 à échanger les prisonniers serbes pour des armes et des munitions.
11 Ensuite, les autorités serbes ont demandé que la Croix-Rouge
12 internationale soit informée. Je pense que ceci va à l'encontre des
13 affirmations présentées par le Procureur dans sa déclaration liminaire. De
14 même, M. Vulliamy, qui a déposé en tant que témoin de l'accusation, a
15 écrit dans un de ses nombreux articles que les organisations
16 internationales savaient, dès le début, que ces camps-là existaient. Deux
17 mois plus tard, lui-même a fait un rapport à ce sujet-là. Cependant, rien
18 n'a été fait.
19 La raison pour laquelle j'évoque cela, c'est pour prouver qu'il n'y avait
20 aucune intention de blesser ou de faire du mal aux détenus au moment de
21 l'établissement des camps.
22 Vers la mi-juillet 1992, les choses se sont détériorées sans que
23 Kolundzija sache pourquoi. Tout ce qu'il sait, c'est qu'un grand groupe de
24 prisonniers a été amené un après-midi. Il a refusé de les admettre
25 puisqu'il y avait trop de monde dans le complexe. Il savait à quoi
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1 ressemblaient les conditions qui prévalaient dans le camp et il ne
2 souhaitait pas aggraver la situation. Il était conscient du fait qu'à
3 l'endroit où, avant, se trouvaient les dalles, maintenant on employait des
4 cartons au lieu de lits.
5 Cependant, dans la pièce 3 étaient détenus les Serbes qui étaient
6 soupçonnés d'avoir commis un certain nombre de crimes. Ces prisonniers-là
7 n'avaient pas de lit non plus, et recevaient la même nourriture et le même
8 traitement que les prisonniers musulmans détenus dans les pièces 1 et 2.
9 Par la suite, lorsque le nombre de Musulmans et de Croates en prison s'est
10 accru, la pièce où les Serbes soupçonnés d'avoir commis des crimes ont été
11 détenus, a été transférée derrière le bâtiment Keraterm. Cependant, les
12 conditions, pour eux, sont restées les mêmes que les conditions pour les
13 Musulmans et les Croates.
14 Kolundzija n'a rien remarqué de bizarre le matin du 24. D'ailleurs, un
15 grand nombre de détenus qui viendront témoigner pour la défense le diront.
16 En ce qui concerne les témoins de l'accusation, ils parleront des soi-
17 disants actes de préparation, mais là, il s'agit des fabrications créées
18 suite aux événements en consultation avec le Procureur, et dans l'espoir
19 d'aider le Procureur dans l'affaire dont le Tribunal traite en ce moment.
20 En ce qui concerne la nuit du 24, Kolundzija avait un pouvoir minime lui
21 permettant d'observer ou faire un rapport au commandant, en ce qui
22 concerne le massacre qui a eu lieu. Il a appelé un haut fonctionnaire de
23 la police et des commandants militaires avant le début des coups de feu en
24 leur demandant de rétablir l'ordre dans le camp, puisque des troubles
25 provoqués par les détenus avaient commencé. Les commandants sont arrivés
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1 sur-le-champ, et après ce moment-là, Kolundzija n'avait plus aucune
2 autorité de supérieur hiérarchique.
3 Et je suppose qu'à la fois les moyens de preuve de l'accusation et de la
4 défense prouveront qu'il n'a pas participé, personnellement, à l'échange
5 de tirs ou de coups de feux qui ont été tirés. Il n'a pas été à même de
6 contrôler ou d'arrêter cela. Il a essayé d'arrêter et d'empêcher les coups
7 de feu de continuer de se produire, et il a essayé de protéger les
8 détenus.
9 Donc, il n'est pas possible de parler de sa responsabilité pénale,
10 puisqu'il est possible de parler de la responsabilité criminelle seulement
11 si l'intention de commettre un acte criminel existait, et si la personne
12 était consciente du fait que son acte s'élevait à la participation, à la
13 commission d'un crime, ou à l'encouragement, ou à l'instigation au crime.
14 Ici, je viens de citer les conditions préalables énoncées dans le jugement
15 Tadic. A notre avis, Kolundzija a sans arrêt essayé de protéger ceux qu'il
16 pouvait protéger et d'empêcher la commission des crimes.
17 En effet, il ne connaissait pas beaucoup de personnes dans le camp
18 puisqu'il se tenait à l'écart de tout le monde avant la guerre. Mais en ce
19 qui concerne toutes les personnes qui sont venues lui demander de l'aide,
20 il n'a jamais refusé. Il a donc aidé beaucoup de personnes qu'il ne
21 connaissait pas. Jamais il n'a refusé de donner de la nourriture
22 supplémentaire à qui que ce soit. Kolundzija se rendait auprès des
23 familles afin de recueillir de la nourriture pour la porter aux détenus et
24 pour la portér au centre.
25 Kolundzija faisait sortir des détenus sans savoir qui étaient ces
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1 personnes, parfois afin de leur donner de l'eau froide à la mi-juillet,
2 alors qu'il faisait extrêmement chaud. Les gardes vivaient eux-mêmes aux
3 alentours du camp.
4 Il s'agissait d'une situation où la discipline n'était pas respectée. Ils
5 rentraient chez eux pour manger, mais il était donc possible également
6 d'apporter à la fois de la nourriture pour les détenus et pour les gardes.
7 Kolundzija a demandé aux personnes en charge de chacune des pièces de dire
8 quels étaient les détenus qui étaient en situation de faiblesse plus que
9 les autres, et il donnait sa propre nourriture à ces personnes-là. Aucune
10 personne qui aurait souhaité infliger des blessures aux détenus n'aurait
11 fait cela.
12 A deux reprises, il a amené les détenus, deux détenus chez lui, pour leur
13 permettre de changer de vêtements. Il a fait cela sans demander, sans
14 avoir consulté qui que ce soit en risquant sa position. Il a fait cela
15 tout en sachant qu'il aurait pu être torturé à cause de cela ou envoyé sur
16 les lignes de front. Mais il n'a pas réfléchi à cela, simplement il
17 souhaitait aider les détenus. Il a permis aux détenus de bénéficier de son
18 téléphone pour appeler chez eux.
19 Parfois, il décourageait un certain nombre de personnes qu'il connaissait
20 parce qu'il ne souhaitait pas faire preuve de préférence personnelle. Et
21 parfois, il disait aux personnes qu'il connaissait déjà qu'il ne fallait
22 pas téléphoner ce jour-là et qu'il fallait laisser la place à quelqu'un
23 d'autre.
24 Il n'y a pas de moyens de preuve indiquant que Kolundzija aurait agi d'un
25 commun accord avec les leaders politiques, dans le cadre de leur politique
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1 présumée. Il n'y a pas de moyens de preuve indiquant qu'il était un chef
2 d'équipe suffisamment important pour avoir le pouvoir de punir les gardes,
3 ou pour leur donner le signal indiquant qu'ils devaient procéder aux
4 passages à tabac ou aux actes de persécution. Il n'y a pas de moyens de
5 preuve permettant de conclure que Kolundzija a permis la commission des
6 actes criminels en sa présence, ou qu'il approuvait les actes de violence.
7 Il n'y a pas de moyens de preuve indiquant qu'il aurait encouragé ce genre
8 de comportement. Il n'y a pas de moyens de preuve indiquant qu'il avait
9 une responsabilité hiérarchique.
10 S'il était chef d'équipe, il était chef d'équipe comme dans l'ancien
11 système d'autogestion en ex-Yougoslavie, où lorsqu'il avait une unité de
12 quinze employés, il y avait un leader, mais ce leader ne pouvait pas les
13 punir ni les sanctionner sur le plan disciplinaire. Il pouvait simplement
14 envoyer des rapports aux autorités supérieures.
15 Kolundzija respectait les autres gardes souvent, mais il avait beaucoup de
16 compassion aussi pour les détenus. Il partageait leurs souffrances et il
17 ne pouvait pas partir. Vous n'allez jamais entendre aucune preuve
18 indiquant que Kole aurait appelé quelqu'un à sortir pour le placer dans un
19 camion, pour que la personne soit exécutée par la suite. Kole a parfois
20 reçu l'ordre d'aller chercher des volontaires, mais il a refusé d'exécuter
21 l'ordre en demandant d'obtenir l'ordre par écrit.
22 Le Procureur indique qu'une nuit, Kole a appelé quelqu'un à sortir. Mais,
23 selon nos moyens de preuve, il sera possible de constater que l'unique
24 fois où Kole est allé dans la pièce 2, c'était lorsque Kole est allé afin
25 d'appeler le nom d'un prisonnier qui a passé une seule nuit là-bas, et qui
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1 est vivant encore aujourd'hui et habite à Prijedor. Avant le conflit, cet
2 homme était le capitaine de l'armée yougoslave, il est devenu le leader
3 militaire de la ville de Kozarac.
4 Mais lorsque Kole est allé dans cette pièce, ces gardes souhaitaient qu'il
5 le fasse sortir pour d'autres raisons. Le nom de la personne est M. Cirkin,
6 il a été capitaine et avocat avant la guerre. Il n'osait pas sortir
7 lorsque les autres gardes l'appelaient. Mais le matin, il est sorti
8 puisque c'est Dragan Kolundzija qui l'a fait sortir et il lui a offert un
9 café.
10 La défense conteste que Kolundzija a commis un quelconque crime. Il a été
11 mobilisé dans les rangs de la police de réserve. Et il considérait -avec
12 raison d'ailleurs-, que s'il avait déserté, il aurait été enfermé dans une
13 cellule ou tabassé jusqu'à la mort, ou peut-être, il aurait été envoyé au
14 front où il serait presque sûr de mourir.
15 De plus, il a souhaité aider les autres détenus et il est resté afin de
16 les aider. Probablement, les témoins de la défense diront également qu'il
17 était un bon chef d'équipe.
18 Lorsque nous constatons qu'il n'y a pas intention délictueuse, reste le
19 fait que le Procureur doit prouver, au-delà de tout doute raisonnable, que
20 Kolundzija savait directement ou indirectement qu'il participait à la
21 commission des actes criminels décrits dans l'Acte d'accusation.
22 A notre avis, le Procureur ne pourra pas prouver ces allégations puisque
23 nos moyens de preuve prouveront le contraire. Nous considérons que Dragan
24 Kolundzija devrait être acquitté selon tous les chef d'accusation avancés
25 par le Procureur.
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1 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Vucicevic.
2 Maintenant, je souhaite parler d'un certain nombre de points avant de
3 procéder à la déposition des témoins.
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 Tout d'abord, en ce qui concerne le calendrier, l'avez-vous reçu?
6 M. Ryneveld (interprétation): Oui, nous avons reçu un calendrier il y a
7 quelques semaines. C'est ce que nous avons en ce moment.
8 M. le Président (interprétation): Non, nous avons une version mise à jour.
9 M. Ryneveld (interprétation): Nous avons une ordonnance à calendrier qui
10 nous donne une idée des heures d'audience et des jours, mais cela est
11 quelque chose qui nous a été remis il y a dix jours.
12 M. le Président (interprétation): Ceci a été mis à jour. Je veillerai à ce
13 que ceci vous soit distribué.
14 Pour ce qui est de l'immédiat, je dois vous dire que nous ne siégerons pas
15 le vendredi 23 mars puisque, ce jour-là, se tient une réception
16 diplomatique. Nous n'aurons pas non plus d'audience le 30 mars, c'est
17 aussi un vendredi.
18 Au cours des deux premières journées du vendredi, nous n'aurons pas
19 d'audience mais je veillerai à ce que ce calendrier, cette version révisée
20 vous soit distribuée sitôt après la fin de l'audience d'aujourd'hui.
21 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 M. le Président (interprétation): Il y a aussi une requête déposée par Me
23 Vucicevic qui demande à être autorisé à utiliser la langue du témoin, le
24 BCS. Inutile de présenter une telle requête puisque ceci est permis par le
25 Règlement.
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1 Abordons ensuite la question des comptes rendus d'audience, requête de
2 l'accusation, pour que soient admises au dossier les transcriptions, les
3 dépositions de témoins dans d'autres procès.
4 Il s'est développé une certaine tradition au Tribunal, nous allons la
5 suivre. Elle consistera à dire que l'accusation devra distribuer la
6 totalité du compte rendu d'audience en surlignant les passages pertinents.
7 Nous saurons ainsi quels sont les passages que l'accusation considère
8 comme pertinents. Il faudra trois copies en anglais et deux en français.
9 L'accusation disposera de deux semaines pour mener cette tâche à bien.
10 Je fais remarquer qu'il n'y a pas eu de réponse de la part de Sikirica sur
11 ce point précis. Ses avocats vont peut-être vouloir y réfléchir, pour
12 autant qu'il veuille fournir une réponse.
13 S'agissant du témoin Edward Vulliamy, il y avait une requête demandant à
14 être autorisé à consulter les notes et cassettes de ce témoin. Ceci sera
15 abordé au moment où nous parlerons de l'admissibilité des comptes rendus
16 d'audience.
17 L'accusation devrait terminer la présentation de ses moyens d'ici au 1er
18 juin. Elle dispose ainsi de dix semaines. Si le besoin s'en fait
19 ressentir, nous prolongerons les audiences. Bien sûr, pour autant que
20 toutes les parties veuillent bien collaborer -l'accusation comme la
21 défense-, afin de veiller à ce que toute la rigueur et la discipline
22 voulues prévalent lors du déroulement du procès, et que chaque partie
23 veille à limiter ses questions au point pertinent.
24 Je vois que l'accusation a prévu 14 témoins pour les deux premières
25 semaines. C'est un objectif tout à fait louable, il faudra veiller à le
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1 réaliser.
2 Dans les 58 témoins, en tout, il y a les 6 témoins par comptes rendus
3 d'audience.
4 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation): Et au fil des journée, vous-même et la
6 Chambre de première instance d'ailleurs, examinerons la question de
7 l'Article 92 bis, pour essayer d'utiliser ces articles au maximum et
8 d'éviter la comparution de témoins, ici à la barre.
9 Voilà les questions que je voulais évoquer avant de revenir à cette
10 question qui va faire l'objet de plaidoiries des deux parties.
11 Maître Greaves, puisque vous aviez manifesté votre intention de prendre la
12 parole, de présenter une requête orale, commençons par vous.
13 M. Greaves (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Permettez-moi
14 de vous parler tout d'abord de ce qui est le droit utilisé dans ce
15 Tribunal s'agissant de cette question.
16 Si l'on examine cette question et le Règlement, on comprendra qu'il n'y a
17 pas d'article précis qui règle la question sur ce point. Ceci étant, je
18 pense que vous devez vous basez sur quatre dispositions, si vous voulez
19 voir quelle est la base vous permettant d'admettre ou de rejeter les
20 témoignages que va sans doute présenter l'accusation.
21 Les quatre dispositions sont les Articles 20 et 21 du Statut, et les
22 Articles 89 et 95 du Règlement de procédure et de preuve.
23 Pardonnez-moi de vous rappeler l'intitulé et le libellé des parties
24 pertinentes de ces dispositions.
25 Article 20 du Statut, alinéa 20: "La Chambre veillera à ce que le procès
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1 soit équitable". C'est un article qui a pour intitulé "Commencement et
2 conduite du procès".
3 Article 21, "Droits de l'accusé", alinéa 2: "Pour statuer sur les charges.
4 Au cours du procès, on va statuer sur les charges retenues contre lui,
5 l'accusé a droit à une audience et un procès juste et équitable".
6 Article 89, dans la partie III du Règlement, l'intitulé est "Dispositions
7 générales". Paragraphes A) à D). Ces quatre paragraphes sont pertinents en
8 la matière:
9 A) La Chambre de première instance applique les Règles énoncées dans la
10 présente section et n'est pas liée par les Règles de droit internes
11 régissant l'administration de la preuve.
12 B) Dans les cas où le Règlement est muet, la Chambre applique les Règles
13 de l'administration de la preuve, propre à parvenir à un règlement
14 équitable de la cause, dans l'esprit du Statut et des Principes généraux
15 du droit.
16 Alinéa C: "La Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent
17 qu'elle estime avoir valeur probante. La Chambre peut exclure tout élément
18 de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l'exigence
19 d'un procès équitable".
20 Et enfin, l'Article 95, qui a pour titre "Rejet de certains moyens de
21 preuve": "ceci ne sera pas possible si les méthodes par lesquelles ces
22 moyens de preuve sont obtenus permettent de douter de sa fiabilité ou si
23 son admission est de nature à compromettre l'intégrité du procès".
24 Ici, je me rappelle qu'il y a eu un cas précis où on a fait état de cette
25 question lors d'un jugement rendu dans ce Tribunal lors du premier procès
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1 intenté dans ce Tribunal contre Tadic. Je pense qu'au niveau du jugement,
2 on a fait brièvement référence à l'identification en prétoire. Ce qui a
3 été admis. Mais je pense qu'on a dit que très peu de poids, de valeur
4 probante avait été attaché à cet élément d'identification.
5 Lorsqu'il y a identification en prétoire, on a affaire à une procédure
6 intrinsèquement inéquitable, qui est contraire aux procédures appliquées
7 dans ce Tribunal.
8 Quelle était la nature de ce processus d'identification dans la plupart
9 des systèmes nationaux, pour autant qu'on puisse en juger par ce qu'on
10 voit à la télévision? Il semblerait qu'il y ait une zone séparée où l'on
11 détient les accusés aux fins d'un procès. Soit qu'ils se trouvent dans ce
12 que l'on appelle le "dock" en anglais, donc au banc des accusés ou à une
13 table séparée. Et la plupart du temps, cette personne est entourée de
14 policiers en uniforme, ou de fonctionnaires du Tribunal, ou de gardes.
15 Pour un témoin un peu malin, il ne sera jamais difficile de déterminer où
16 se trouve dans le prétoire la personne qui est accusée.
17 Je prends l'exemple de la configuration même de ce prétoire-ci. Se posent
18 des questions particulières qui ont une incidence certaine sur ce
19 Tribunal.
20 Voici la première à notre avis. Dans le cadre des enquêtes, de la
21 détention et du jugement de suspects et d'accusés, il y a dissimination
22 très générale, de par le monde et en ex-Yougoslavie, de photographies
23 représentant des personnes soupçonnées ou recherchées. Il y a des affiches
24 de ce genre qui sont placées partout dans le pays.
25 Excusez-moi, ici, de déposer, en quelque sorte. Moi, je me suis trouvé à
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1 Jelena, à Brcko et j'ai vu, de mes yeux vu ces affiches dans certains
2 endroits. On diffuse aussi sur les ondes les procédures de ce Tribunal. Et
3 il y a des hôtels où j'ai séjourné, où la télévision de Bosnie donne des
4 programmes assez importants de ce qui s'est passé assez récemment au
5 Tribunal. Je suis sûr que vu l'importance que revêt ce procès-ci, il y
6 aura une couverture de ce procès et de l'audience d'aujourd'hui en ex-
7 Yougoslavie. J'en suis sûr. Il y a des sites internet qui représentent les
8 photographies des accusés, des personnes soupçonnées. Il est facile…
9 Quiconque a un minimum d'expertise en matière d'internet pourra vite
10 trouver ces photographies.
11 Parlons maintenant de la configuration même de ce prétoire. Il est bien
12 entendu que le témoin est assis à cette chaise-ci que je montre. Mais si
13 vous regardez autour de vous, vous verrez qu'il y a très peu de personnes
14 qui ne sont pas, soit en uniforme ou en toge. Que ce soient les toges du
15 Tribunal Pénal International ou du barreau néerlandais ou de leur système
16 international.
17 Monsieur Ryneveld et ses confrères et consoeurs sont de son côté. Il est
18 manifeste que ce ne sont pas des accusés. Et puis il y a manifestement
19 toute une série, ici, d'avocats qui, à l'exception de l'interprète,
20 portent des toges. L'interprète est de sexe féminin de toute façon. Et
21 puis il y a pour les Juges. Il y a les personnes devant les Juges. Et
22 vous, manifestement, les Juges, vous n'êtes pas habillés comme tout le
23 monde.
24 Il y a, pour le moment, quatre personnes qui sont derrière le bac de
25 l'accusation. Il y a manifestement la sténotypiste, ainsi que trois
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1 personnes, trois hommes, qui sont contre le mur. A ma gauche, il y a un
2 garde, et puis derrière nous, nous avons les accusés, qui sont chacun
3 entourés de gardes en uniforme bleu.
4 Nous faisons valoir que si vous avez un témoin qui arrive dans ce
5 prétoire, eh bien, il n'aura pas de grandes difficultés à déterminer où se
6 trouve l'accusé. Qu'il y ait un ou trois accusés, il sera facile de savoir
7 où ceux-ci sont assis. Le témoin n'aura pas de difficulté à essayer de
8 deviner qui il est censé identifier. Etant donné ce grand nombre de
9 personnes, nous disons que ce processus d'identification est
10 intrinsèquement inéquitable.
11 J'ai participé à un procès où ce processus d'identification était encore
12 plus injuste. Du fait que le Président actuel du Tribunal venait le matin
13 et disait au témoin où se trouvait l'accusé dans le prétoire, l'indiquait
14 du doigt. C'est à ce moment-là que cela a été une situation d'injustice
15 caractérisée.
16 Lorsqu'on identifie un accusé, une personne soupçonnée d'avoir commis des
17 crimes, il y a des méthodes beaucoup plus justes qui sont à la disposition
18 de l'accusation comme de la défense. Je pense à trois pour le moment, mais
19 il y en a sans doute d'autres. Il y a d'abord plusieurs personnes en
20 identification. Il y a l'album photographique, la série de photographies
21 ou l'identification par une série d'images vidéos qui sont présentées à un
22 accusé.
23 Tout ceci, pour autant que ce soit fait avec ordre, est en soi déjà plus
24 équitable que la procédure que va proposer l'accusation. Ce sont des
25 méthodes qui sont disponibles, qu'il n'est pas difficile d'exécuter. Et
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1 nous ne voyons pas pourquoi on ne devrait pas les choisir, s'agissant de
2 n'importe quel témoin, si l'accusation était prête à le faire. Tout au
3 moins, l'accusation devrait d'abord épuiser ces moyens-là si elle veut
4 savoir ce qu'il en est à l'encontre d'un témoin en particulier et de
5 l'identification qu'il doit faire.
6 Voilà, si je vous soumets ces arguments, ce n'est pas pour vous dire que
7 le système britannique est le meilleur, que vous devez nécessairement le
8 faire vôtre. Ce n'est pas à cette fin-là que je le dis. Je le dis
9 simplement pour donner une idée dont la façon dont le droit a évolué en
10 Grande-Bretagne et pourquoi elle l'a fait de la sorte. Parce que je crois
11 que nous avons maintenant, de ce fait, une procédure assez raisonnable et
12 qui est tout à fait agréée.
13 Dans les années 70, il y a pas mal de cas perturbants de procès qui ont
14 été soumis à la Chambre d'appel, où était appliquée la question de
15 l'identification. Il y a eu un cas notoire où nous avons un homme, qui est
16 maintenant membre du Gouvernement, qui était accusé de vol. Et lorsque
17 s'est posée la question de l'identification, c'est de cette façon-là
18 d'ailleurs que l'opinion publique en a été informée et en a discuté de
19 façon plus générale. Le résultat, c'est qu'il y a eu beaucoup d'activités
20 judiciaires pour essayer de guider les juges et les praticiens, ainsi que
21 les policiers sur la question de savoir comment résoudre au mieux la
22 question de l'identification et de savoir comment admettre ces éléments
23 d'identification dans un dossier d'audience.
24 Une des conséquences de cette procédure et de cette évolution est que le
25 Procureur général a dit que les personnes qui le représentaient à
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1 l'audience ne demanderaient plus une identification d'un accusé ou d'une
2 personne soupçonnée de crime.
3 Au cours des 25 dernières années, il y a eu une grosse évolution de la
4 question d'identification. Aujourd'hui, nous avons en code de conduite un
5 code de conduite déontologique tout à fait exhaustif sur ces procédures
6 d'identification. Y sont précisées toutes les règles les plus récentes. Il
7 y a notamment un texte qui se trouve ici, à la bibliothèque, que vous
8 pouvez consulter sur la question.
9 Ce code de conduite fournit des règles très rigoureuses sur la manière de
10 mener cette procédure. Si ces procédures ne sont pas bien exécutées et si
11 cet échec, cette impossibilité est trop grande, eh bien, on rejette le
12 moyen de preuve mais tout sera fonction du cas précis. Ce n'est pas une
13 application rigide que l'on fait de la loi lorsque la police a trop de
14 difficultés à rassembler suffisamment de personnes pour avoir plusieurs
15 présentations de témoins. Ils font autre chose. Si vous avez un couloir du
16 poste de police où passent beaucoup de personnes, à ce moment-là, on
17 autorise l'accusé à franchir, à passer ce couloir, on montre la vidéo qui
18 a été filmée au témoin. C'est de cette façon-là qu'il y a identification.
19 La Cour d'appel a estimé que ce n'était pas une procédure inéquitable,
20 qu'elle était dès lors admissible.
21 Je pense qu'en ex-Yougoslavie, il y a aussi cette espèce de parade de
22 présentation de personnages multiples. Maître Petrovic pourrait sans doute
23 vous renseigner davantage sur la question, ainsi que Me Londrovic.
24 En conclusion, ce que nous faisons valoir est ceci: il se peut que,
25 parfois, ce type d'identification réponde à la norme de la pertinence.
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1 Cependant, ce type d'élément de preuve n'a pas grande valeur probante, vu
2 les contraintes qui pèsent sur elle. Je pense qu'au mieux, cela montre que
3 quelqu'un est capable de trouver comme ça un chat dans un sac. Mais même
4 si ceci a valeur probante, nous pensons qu'il conviendrait d'appliquer
5 l'Article 89D), ainsi que l'Article 95, pour dire qu'il ne s'agit pas ici
6 d'un témoignage suffisamment fiable et que, dès lors, il ne faut pas
7 l'admettre.
8 J'ajouterai qu'étant donné la nature même de la procédure, comme je viens
9 de l'indiquer, c'est une procédure intrinsèquement inéquitable qui ne
10 respecte pas les dispositions de l'Article 20, de l'Article 21, et de
11 l'Article 89A) du Règlement.
12 J'en ai terminé, Monsieur le Président.
13 M. May (interprétation): Vous nous dites en résumé qu'il ne devrait pas y
14 avoir d'identification en prétoire?
15 M. Greaves (interprétation): Oui.
16 M. May (interprétation): Mais il faut faire une distinction, n'est-ce pas,
17 entre le cas où le témoin identifie quelqu'un après avoir rejeté sur cette
18 personne un regard furtif?
19 M. Greaves (interprétation): Oui.
20 M. May (interprétation): C'est le cas d'une rixe qui se passe dans la rue,
21 cela se passe en l'espace de quelques secondes. L'auteur du méfait a déjà
22 disparu et c'est surtout dans ces cas-là que l'on a des inquiétudes. Vous
23 en conviendrez avec moi, j'en suis sûr.
24 Mais il faut faire une distinction entre ce type de circonstance et le cas
25 où le témoin connaît l'accusé, le connaît depuis longtemps, et le cas qui
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1 est peut-être celui qui se présente ici -je ne sais pas-, où vous avez
2 l'accusé qui dit: "Oui, j'ai passé trois mois dans ce camp et j'ai fait la
3 connaissance de X, Y, ou Z".
4 Là, c'est davantage le fait de reconnaître quelqu'un plutôt que de
5 l'identifier?
6 M. Greaves (interprétation): Oui.
7 M. May (interprétation): Les circonstances peuvent varier. L'une ou
8 l'autre de ces possibilités peut s'appliquer ici, à ce procès. Mais est-ce
9 que la Chambre de première instance ne va pas devoir établir ce que l'on
10 essaie de prouver davantage que de donner une ordonnance générale? Il
11 faudra que la Chambre tranche au cas par cas pour voir ce que nous demande
12 de faire l'accusation, davantage que de rendre une décision générale dès
13 le début du procès, ce qui pourrait s'avérer inéquitable pour
14 l'accusation.
15 M. Greaves (interprétation): Deux choses, si vous me le permettez.
16 Tout d'abord, il y a la question de la diffusion très généralisée des
17 photographies de l'accusé. Je vois que de nouvelles photographies ont été
18 prises de lui d'ailleurs à deux reprises, aujourd'hui, dans ce prétoire.
19 C'est le véritable danger. C'est que quelqu'un risque de voir une image à
20 la télévision, ou ailleurs, et ne fait, ici, que reconnaître une image
21 qu'il aurait vu ailleurs -à la télévision ou ailleurs-, de Sikirica. Ça,
22 c'est le danger. Il le fera peut-être inconsciemment. Il aura simplement
23 vu la photographie, il aura entendu une émission à la télévision sans se
24 rendre compte de l'importance de ce qu'il fait, et inconsciemment, il va
25 identifier cet homme, ici, de ce fait-là.
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1 Deuxième chose: il se peut qu'il y a parfois des cas de reconnaissance ou
2 de regard furtif. Ce sont des cas importants.
3 Il nous faut, ici, tenir compte d'un fait important à nos yeux: ce n'est
4 pas ici une affaire dont vous êtes saisis six mois après les faits. Vous
5 en êtes saisis près de neuf ans après les faits.
6 M. le Président (interprétation): Est-ce que ce sont des choses qui auront
7 une incidence sur le poids que nous allons donner aux éléments de preuve?
8 M. Greaves (interprétation): Oui, mais cela fait partie intégrante des
9 questions propres à ce Tribunal. J'en ai parlé il y a un instant. Si l'on
10 tient compte de la totalité de ces facteurs, à ce moment-là, selon nous,
11 ce processus apparaît intrinsèquement inéquitable, et en puissance
12 inéquitable quelles que soient les circonstances.
13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
14 M. Greaves (interprétation): Est-ce que vous avez d'autres questions,
15 Messieurs les Juges?
16 M. le Président (interprétation): Non, nous n'avons pas de questions.
17 Maître Ryneveld?
18 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
19 Je pense que les points évoqués par le Juge May et mon collègue de la
20 défense sont justement les points dont je souhaitais traiter.
21 Ici, il faut faire une différence entre la reconnaissance et
22 l'identification opérées par les témoins. Je considère que, dans chaque
23 situation, il faut tenir compte de la situation concrète. Il y a un nombre
24 des témoins où il deviendra clair qu'ils connaissaient l'accusé -ou les
25 accusés-, très bien avant la guerre.
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1 Et bien sûr, en ce qui concerne ces témoins-là, la reconnaissance sera
2 directe, même si l'on tient compte du fait que neuf ans se sont écoulés
3 depuis. Mon collègue de la défense a parlé du fait qu'il n'était pas juste
4 que les témoins ayant vu à la télévision les photographies des accusés
5 procèdent à l'identification. Cependant, quant à la question de savoir si
6 le témoin se rappelle de la personne qu'ils ont vu il y a neuf ans, ceci
7 est différent par rapport à la situation où les photographies qu'ils
8 voient à la télé leur rafraîchissent la mémoire.
9 Mon collègue de la défense a également parlé du fait que la plupart des
10 personnes, ici, portent des robes, alors que les accusés sont entourés par
11 des personnes en uniforme. Cependant, il n'y a pas un seul accusé mais il
12 y en a plusieurs. Donc il serait possible de les mélanger. Bien sûr, il
13 s'agit ici d'un point sans beaucoup d'importance mais il faut quand même
14 tenir compte de cela.
15 Le Juge May a également parlé de la situation qui est différente, un
16 regard furtif jeté vers l'accusé. Or, ici, nous avons différents cas de
17 figures. Il s'agit de personnes qui ont passé plus de deux mois dans le
18 camp, elles voyaient les accusés beaucoup de fois puisqu'il y avait des
19 équipes qui se relayaient toutes les douze heures. Certaines de ces
20 personnes connaissaient l'accusé avant la guerre, certaines l'ont
21 rencontré dans le camp, certaines ont appris le nom de la personne parce
22 que quelqu'un leur avait dit cela. Bien sûr, qu'il s'agit-là de ouï-dires
23 mais cependant, au bout d'une certaine période, il est possible
24 d'identifier la personne même si la personne ne s'est pas présentée elle-
25 même.
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1 Ce que je souhaite donc dire, c'est qu'il ne s'agit pas là d'un regard
2 furtif jeté une seule fois, mais de la situation où il était possible à
3 ces personnes de reconnaître l'individu, parfois sans connaître exactement
4 le nom de la personne.
5 Comme je le dis, avec tout le respect que je vous dois, nous considérons
6 qu'il est nécessaire de voir quel est le poids à accorder à chaque
7 situation individuelle sans prendre une décision générale. Les témoins que
8 je vais citer à la barre vont décrire les personnes au mieux de leurs
9 souvenirs. Souvent, il s'agira de descriptions qui ont lieu beaucoup
10 d'années après les faits. Et souvent, lorsque nous avons eu des
11 discussions avec les témoins, dans leurs déclarations d'origine, on leur a
12 demandé de donner une description de l'aspect physique de la personne.
13 D'après la procédure qui est appliquée devant ce Tribunal, par exemple en
14 ce qui concerne l'affaire Foca -à la fois Kunarac et Krnojelac-, il faut
15 savoir que la situation était semblable à celle que nous rencontrons ici,
16 mais que la décision se prenait au cas par cas.
17 Je me souviens que, parfois, un certain nombre de points des dépositions
18 ont été rejetés, puisque la Chambre de première instance a trouvé que la
19 valeur probante des dépositions des témoins à ce sujet-là n'était pas
20 suffisamment importante.
21 Mais parfois les dépositions des témoins à l'égard de l'identification ont
22 été admises. Donc d'après moi, il faut prendre des décisions au cas par
23 cas.
24 M. le Président (interprétation): Tous ces témoins feront partie de la
25 catégorie des personnes qui connaissaient l'accusé avant les faits. Il
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1 s'agira de la reconnaissance. Ou bien, est-ce qu'il s'agira de la
2 situation où, de toute façon, ces personnes ont passé une période de deux
3 mois ou plus dans le camp, la période pendant laquelle ils avaient
4 l'occasion d'observer cette personne?
5 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Et en ce qui concerne les personnes qui
6 ne le connaissaient pas avant la guerre, il y a une autre difficulté, à
7 savoir que peut-être quelqu'un leur a dit le nom de la personne sans que
8 le nom soit exact. Cependant, ils seront à même de reconnaître la personne
9 puisqu'il s'agit d'une personne qu'ils ont vu plusieurs fois en train de
10 commettre certains actes.
11 M. le Président (interprétation): Vous voulez surtout insister sur le fait
12 qu'il faut résoudre la question des témoins au cas par cas.
13 M. Ryneveld (interprétation): Absolument, c'est la demande du Procureur.
14 M. le Président (interprétation): Souhaitez-vous répondre, Maître Greaves?
15 M. Greaves (interprétation): Oui, il y a un seul problème. Il s'agit de la
16 raison pour laquelle je considère qu'il existe une méthode plus efficace,
17 à savoir le panneau de photos. Puisque, dans le prétoire, nous considérons
18 que l'identification n'est pas satisfaisante. Nous considérons que le fait
19 de présenter la série de photos aux témoins constitue une solution moins
20 satisfaisante, c'est d'ailleurs une solution que nous avons appliquée ici
21 plus fréquemment.
22 M. le Président (interprétation): Merci. Afin de bien profiter de notre
23 temps, la Chambre de première instance ne va pas prendre une décision tout
24 de suite. Nous allons commencer à entendre la déposition du premier
25 témoin. Nous allons nous arrêter avant le moment de l'identification.
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1 M. Ryneveld (interprétation): Avant de citer à la barre le premier témoin,
2 je souhaite traiter d'une autre question, avant donc que l'on cite à la
3 barre le témoin.
4 Comme vous le savez, des demandes ont été soumises aux fins d'accorder des
5 mesures de protection. Beaucoup de témoins ont reçu des pseudonymes. On a
6 attiré mon attention sur le fait que l'on anticipait que le pseudonyme
7 allait être accompagné d'autres mesures de protection, telles que la
8 déformation des traits du visage, etc. Sinon, il n'y a pas de sens
9 d'accorder des pseudonymes.
10 Cependant, quand on passe en revue les demandes de mesures de protection,
11 nous pouvons constater que le Procureur n'a pas parlé concrètement de la
12 mesure de protection, à savoir de la déformation des traits du visage. Je
13 ne suis pas en train de parler de l'altération de la voix, mais simplement
14 de la déformation des traits du visage parce que, sinon, il n'y aurait
15 aucun sens d'accorder un pseudonyme à un témoin.
16 Nous souhaitons donc demander aux Juges d'accorder aux témoins la
17 possibilité d'avoir les traits du visage déformés à la télé pour protéger
18 leur identité.
19 M. le Président (interprétation): Ceci s'applique-t-il à tous les témoins
20 pour lesquels vous demandez les mesures de protection?
21 M. Ryneveld (interprétation): Il n'y a que trois témoins qui font l'objet
22 de cette demande. Deux d'entre eux ont reçu des pseudonymes. Sinon, il y
23 aura un grand nombre de témoins qui n'ont pas demandé des mesures de
24 protection.
25 En ce qui concerne un certain nombre d'autres témoins, nous avons demandé
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1 la déformation des traits du visage. Mais en ce qui concerne les témoins
2 que je viens de mentionner, nous ne l'avons pas fait. Je suppose que nos
3 collègues de la défense n'auront pas d'objection à la déformation des
4 traits du visage puisque, de toute façon, logiquement, cela accompagne le
5 pseudonyme. Je pense que ceci ne pose pas de problème technique,
6 contrairement à l'altération de la voix.
7 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si j'ai bien compris.
8 Lorsque le pseudonyme a été accordé, on a rejeté la possibilité d'accorder
9 la déformation des traits du visage?
10 M. Ryneveld (interprétation): Nous ne l'avons pas demandé concrètement
11 dans notre demande. Nous pensions que ceci était implicite, mais
12 maintenant nous demandons ceci précisément.
13 M. le Président (interprétation): Donc c'est maintenant que vous faites
14 cette demande?
15 M. Ryneveld (interprétation): Oui, c'est maintenant que je fais cette
16 demande parce que sinon notre première demande n'aurait pas de sens.
17 M. le Président (interprétation): Et je pense que vous devrez le faire à
18 l'égard de chacun des témoins, avant l'arrivée du témoin.
19 Y a-t-il des objections?
20 M. Petrovic (interprétation): Je souhaite faire un commentaire au sujet de
21 ce que M. Ryneveld vient de dire.
22 En ce qui concerne la liste que nous avons reçue le 19, il y a 23 témoins
23 dont 7 témoins n'ont pas demandé de mesures de protection. Je n'ai pas
24 d'objection générale, mais comme je l'ai dit, je suppose qu'il serait
25 mieux de procéder au cas par cas plutôt que d'accorder de telles mesures
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1 en bloc, parce que nous nous retrouvons dans une situation où la plupart
2 des dépositions se dérouleront avec ce genre de mesures de protection, ce
3 qui va à l'encontre du principe de base, à savoir le caractère public du
4 procès. Si l'on applique cette possibilité avec exagération, ceci va à
5 l'encontre du principe du procès public.
6 Je ne fais pas d'objections de principe, mais je considère qu'il faut
7 prendre en considération cela au cas par cas. Parce que, comme je viens de
8 le dire, sur les 23 témoins, 7 témoins seulement n'auront pas bénéficié de
9 ces mesures de protection. Dans ce cas-là, nous entrons dans une autre
10 extrême. Merci.
11 M. le Président (interprétation): Maître Londrovic a raison en disant une
12 chose: la Chambre de première instance n'a jamais souhaité accorder ces
13 mesures de protection de manière générale. Le Procureur devra argumenter
14 au cas par cas.
15 M. Ryneveld (interprétation): En ce qui concerne les témoins mentionnés,
16 je considère que ceci s'applique à eux, puisque nous avons des mesures de
17 protection en ce qui concerne d'autres témoins. Il n'y a que quatre
18 témoins qui n'ont pas encore reçu ces mesures de protection, à savoir le
19 premier témoin K3, K4, K6 et K13. Il s'agit donc de quatre témoins pour
20 qui aucune décision concrète n'a été prise à l'égard de la déformation des
21 traits du visage.
22 M. le Président (interprétation): Et donc votre premier témoin est…?
23 M. Ryneveld (interprétation): K3. Il a déjà reçu un pseudonyme. Nous
24 demandons aussi la déformation des traits du visage.
25 M. le Président (interprétation): Sur quelle base?
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1 M. Ryneveld (interprétation): Pour expliquer cela en détail, je propose
2 que l'on passe à huis clos partiel.
3 M. le Président (interprétation): Oui, tout à fait. Huis clos partiel.
4 (Audience à huis clos partiel.)
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13 (Le Témoin A est introduit dans le prétoire.) (audience publique)
14 M. le Président (interprétation): Je vous en prie. Je demande au témoin de
15 donner sa déclaration solennelle.
16 Témoin A (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
18 M. le Président (interprétation):(Nous sommes à huis clos.[sic])
19 (Audience publique.)
20 (Interrogatoire principal du Témoin A par Me Ryneveld.)
21 M. Ryneveld (interprétation): Je vais demander à l'huissier de bien
22 vouloir montrer au témoin le bout de papier.
23 Je vais vous poser la question, Monsieur le Témoin: est-ce que vous voyez
24 le nom inscrit sur le bout de papier?
25 Témoin A (interprétation): Oui.
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1 Question: Est-ce que vous voyez également la date de naissance et votre
2 identité?
3 Réponse: Oui.
4 Question: Maintenant, je vais tout simplement vous informer qu'à partir de
5 maintenant, au cours de ce procès, nous allons vous adresser à vous comme
6 Monsieur le Témoin A.
7 Est-ce que vous me comprenez?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Maintenant, je vais demander à verser au dossier ce document
10 sous la cote P1.
11 Eh bien, Monsieur le Témoin A, si je comprends bien, vous êtes né à
12 Prijedor et avez vécu à Prijedor depuis votre enfance?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Si mes connaissances sont bonnes, c'est là que vous avez suivi
15 votre formation et terminé votre formation en 1971?
16 Réponse: Oui.
17 Question: Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous approcher quelque peu du
18 micro pour que les interprètes puissent vous suivre. Vous vous approchez
19 un petit peu, approchez-vous votre chaise et parlez dans le micro je vous
20 en prie.
21 Eh bien, Monsieur le Témoin A, si je comprends bien, au cours de 1972,
22 1973, vous avez passé quinze mois à l'ex-JNA en tant que conducteur. Par
23 la suite, vous avez travaillé à Prijedor comme commerçant?
24 Réponse: Oui. C'est exact.
25 Question: Vous avez travaillé également dans cette même entreprise
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1 jusqu'aux événements qui ont eu lieu le 29 mai 1992. Quand votre épouse
2 est venue dans le magasin où vous avez travaillé, elle vous a dit quelque
3 chose. Avez-vous un souvenir de cet événement?
4 Réponse: Oui, je m'en souviens.
5 Question: Que s'est-il passé ce jour-là, s'il vous plaît, Monsieur?
6 Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé ce jour-là et ce qui a
7 complètement changé la situation pour vous et votre famille?
8 Réponse: Ce jour-là, mon épouse a travaillé dans un magasin et moi dans
9 l'autre. Mon épouse n'avait pas mon téléphone, elle est arrivée vers 4
10 heures de l'après-midi. Elle a dit: "Vite, vite, il faut que tu fermes le
11 magasin car nous avons été informés qu'ils allaient pilonner notre village
12 à Hambarine".
13 M. le Président (interprétation): Maître Ryneveld, je voudrais simplement
14 attirer l'attention des conseils sur le fait que nous disposons d'un
15 résumé. Par conséquent, tous les conseils disposent d'un résumé. Ils
16 peuvent l'examiner, ils peuvent également faire des objections ou
17 éventuellement, si des questions sont suggestives, tendancieuses, à ce
18 moment-là ils peuvent réagir. Par conséquent, tout le monde peut disposer
19 de ce résumé, suivre le résumé. Si vous avez des objections, si
20 éventuellement les conseils ne permettent pas que vous posiez des
21 questions qui sont tendancieuses, subjectives, à ce moment-là, ils peuvent
22 réagir.
23 M. Ryneveld (interprétation): Merci. De toute façon, je vais essayer de ne
24 pas poser de tels types de questions.
25 M. Greaves (interprétation): Je n'ai pas discuté de cette question avec
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1 mon collègue. Je ne voudrais pas qu'il croit qu'il peut poser toutes les
2 questions directives qu'il veut.
3 M. Ryneveld (interprétation): Je crois comprendre que, du fait de ce que
4 vous a dit votre femme…, Etes-vous retourné au travail?
5 Témoin A (interprétation): Non.
6 Question: Mais deux jours plus tard, il s'est produit quelque chose,
7 n'est-ce pas?
8 Réponse: Au bout de deux jours, moi, je suis rentré chez moi. J'étais avec
9 mon frère. Ensuite, on nous a fait sortir de notre maison, on nous a fait
10 monter dans un camion, on nous a conduit jusqu'à Omarska. Au moment où
11 nous sommes arrivés devant le portail, le policier a dit qu'il n'y avait
12 plus de place pour les autres. Il a également dit: "Il faut égorger les
13 quatre personnes et après, il y aura de la place". Mais personne n'est
14 descendu du bus et l'on nous a conduit jusqu'à Keraterm.
15 Question: C'est un résumé assez vague de ce qui s'est passé. Je vais vous
16 demander de remonter un peu dans le temps pour nous parler avec davantage
17 de détails, notamment des sujets qui m'intéressent plus particulièrement.
18 Le 31 mai, c'est bien à cette date-là que les soldats sont venus chez
19 vous?
20 Réponse: Oui, c'étaient vers 4 heures, 4 heures de l'après-midi. Tout
21 premièrement à une heure, à une heure mon ami Babic m'a appelé. Il m'a dit
22 d'ériger le drapeau blanc sur ma maison et de mettre les brassards autour
23 des bras.
24 Question: Pourquoi vous demandait-il de faire cela?
25 Réponse: Tout simplement, il fallait dire que nous étions des citoyens
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1 loyaux de Prijedor.
2 Question: Je vois. Est-ce que vous saviez ce qui allait se passer au
3 moment où vous avez reçu ce coup de fil? Je veux parler, ici, des choses
4 qui allaient finir par se passer. Vous a-t-on dit ce à quoi il fallait
5 vous attendre?
6 Réponse: Il m'a dit que des soldat allaient passer, une armée.
7 Personnellement, je ne me doutais pas du tout de ce qui allait se passer.
8 Question: Est-ce que des hommes armés, des éléments de l'armée sont venus
9 chez vous à Prijedor?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Et comment se fait-il que vous et votre frère, vous ayez été
12 arrêtés? Que s'est-il passé?
13 Réponse: Nous avons déjeuné. Je me souviens, nous avons plaisanté quelque
14 peu. J'ai dit à mon frère: "Il faut que tu manges bien, parce que cela
15 peut être très utile pour nous". Bien évidemment, c'était une
16 plaisanterie. Je ne me rendais pas compte de ce qui allait se passer.
17 Ensuite, j'ai entendu un coup, quelqu'un qui frappait sur la porte. Il
18 nous a demandé de sortir. Tous les hommes devaient sortir, lever les bras
19 en l'air. Nous l'avons fait, bien évidemment.
20 Question: Est-ce que vous avez découvert d'où venait cette voix? Est-ce
21 qu'il y avait des gens, des hommes, des soldats là?
22 Réponse: Oui, il s'agissait de soldats, de soldats qui portaient des
23 uniformes de camouflage. Moi, je suis sorti du couloir, j'ai levé les
24 mains en l'air. Ma mère était dans la cour, elle pleurait. Elle demandait
25 où ils nous emmenaient.
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1 Un soldat est venu, a entouré de ses mains ma mère. Il a dit: "Ecoute, ne
2 t'inquiète pas. On va simplement leur faire passer un interrogatoire, et
3 ils vont revenir à la maison. Ne t'inquiète pas.".
4 Question: Ces soldats, avaient-ils des armes?
5 Réponse: Tous avaient des fusils automatiques.
6 Question: Avez-vous reconnu l'un quelconque de ces individus qui ont
7 participé à votre arrestation, la vôtre et celle de votre frère?
8 Réponse: Oui, j'ai reconnu un certain nombre de personnes.
9 Question: Est-ce que vous saviez de quelle appartenance ethnique étaient
10 les hommes qui ont participé à votre arrestation?
11 Réponse: Ils étaient tous de nationalité serbe.
12 Question: Vous souvenez-vous de l'un quelconque des noms de ces individus
13 que vous avez reconnus à l'époque?
14 Réponse: Il y avait Dragan Skoric; ensuite, Zigo, c'était un chauffeur de
15 taxi d'Omarska; ensuite, il y avait Tica; ensuite, Uzelas, Branko Uzelac.
16 Ils étaient nombreux, oui, ils étaient nombreux.
17 Question: Vous avez parlé d'un chauffeur de taxi?
18 Réponse: Oui.
19 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous répéter votre réponse
20 Monsieur le Témoin A?
21 Témoin A (interprétation): J'ai vu beaucoup de personnes, j'ai vu Dragan
22 Skoric, j'ai vu Uzelac, j'ai vu Zigo d'Omarska, il était chauffeur de
23 taxi. J'ai vu Tica également d'Omarska. J'ai vu un autre homme dont le
24 surnom était Joja et qui portait un uniforme noir. Ils étaient nombreux.
25 Question: Est-ce que vous avez revu l'un quelconque de ces hommes qui
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1 avaient participé à votre arrestation par la suite à Keraterm?
2 Réponse: C'est uniquement la personne qui portait l'uniforme noir que
3 j'avais vue. Je me souviens qu'ils lui ont donné un surnom, ils
4 l'appelaient par un surnom "Joja". Il est venu à Keraterm deux jours plus
5 tard, il est entré dans le dortoir. Il a mis à l'écart les armes qu'il
6 portait, ensuite, il a demandé s'il y avait quelqu'un de Bosanski Novi,
7 c'est un village. C'est un village, surnommé... Attendez, excusez-moi un
8 petit moment, je ne peux plus m'en souvenir… Je ne me souviens plus du nom
9 du village, peut-être que cela va revenir plus tard. Il y avait deux
10 personnes qui ont répondu.
11 M. Ryneveld (interprétation): Au moment de votre arrestation, est-ce que
12 vous entendiez des bruits d'origine militaire au lointain?
13 Réponse: Oui, j'ai entendu des obus qui tombaient au-dessus, par rapport à
14 ma maison, peut-être à 200 ou 300 mètres plus loin, ou 150, 200 mètres, je
15 ne suis pas sûr.
16 Question: Est-ce que vous avez découvert quelle était la conséquence de
17 ces bruits de chars et de grenades que vous avez entendus?
18 Réponse: J'ai effectivement entendu les obus, les chars, et il y a eu une
19 maison qui a été touchée, huit ou neuf personnes ont été victimes de cet
20 incident. Hodza aurait dû les enterrer. Je sais qu'on l'avait informé pour
21 lui demander de les enterrer. Quand je suis sorti du camp, j'ai appris que
22 le hodza avait même filmé tout ce qu'il a vu de ses propres yeux.
23 Question: Pour que tout soit clair dans mon esprit, quand vous parlez du
24 "hodza", vous parlez d'un prêtre musulman, en quelque sorte?
25 Réponse: Oui, oui.
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1 Question: Je vois, je vous remercie.
2 Vous nous avez parlé de l'arrestation de votre frère et de vous-même,
3 alors que vous vous trouviez chez vous?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Mais quel est le traitement qui vous a été réservé, une fois que
6 vous avez été arrêtés par ces soldats. Que vous ont-ils dit?
7 Réponse: Ils nous ont dit de lever les mains, de les mettre sur la nuque,
8 et de nous acheminer vers les bus, là où ils ont été garés. Au moment où
9 nous sommes arrivés jusqu'aux bus, le conducteur était déjà sur son siège.
10 Il y avait un soldat qui était à côté, qui nous a confisqué tout ce qui
11 était chaînes, argent et cigarettes, tout ce que l'on avait dans nos
12 poches.
13 Question: Et que s'est-il passé par la suite, une fois que tous vos objets
14 de valeur vous ont été confisqués?
15 Réponse: Après cela, il ne nous a pas permis de rester sur les sièges. Il
16 nous a demandé de nous asseoir sur le plancher. Il y avait cet homme qui
17 portait cet uniforme noir, dont j'ai parlé tout à l'heure, surnommé
18 "Joja", il est monté dans le bus. Il nous a demandé pourquoi on était
19 assis sur le plancher et non pas sur les siège, ce qui aurait été normal.
20 On a répondu que le soldat nous a demandé de nous asseoir sur le plancher.
21 Ensuite, [expurgée], que je connais très bien,
22 il a sorti 200 marks, et quand cette personne en uniforme noir a vu qu'il
23 nous a confisqué l'argent, il est allé vers lui, et lui a donné un coup.
24 Il a rendu l'argent à Muhamed. Ensuite, il a mis tout le reste dans le
25 coffre de la Mercedes, il a pris le conducteur, il a pris ce soldat dont
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1 il a été question tout à l'heure et il leur a imposé de monter dans la
2 Mercedes, et les a conduits quelque part, je ne sais pas où exactement.
3 Question: Pendant que vous étiez dans le bus, on vous a passé à tabac ou
4 non?
5 Réponse: Pas moi personnellement. J'ai vu de mes propres yeux qu'on avait
6 fait subir un certain nombre de sévices à mon voisin, à Hasan également.
7 Question: Mais pour que je sois tout à fait au clair, vous-même, votre
8 jeune frère, et combien d'autres personnes également, on vous a fait
9 monter dans ce bus à côté de la maison dont il était question, à Donja
10 Puharska?
11 Réponse: Nous étions entre 50 et 60 à peu près, au total.
12 Question: Il y avait combien de cars au total, à peu près?
13 Réponse: Si j'ai bien compté, il y en avait 6. Mais tous les cars
14 n'étaient pas garés au même endroit. Mon autobus était à Donja Puharska,
15 il y en avait d'autres. D'autres étaient garés devant la mosquée. Il y
16 avait également un autre parking où ont été garés d'autres cars, je ne
17 peux pas vous dire exactement.
18 Question: Par conséquent, le bus dans lequel vous êtes montés, vous-même
19 ainsi que votre frère, a été garé à côté de votre maison?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Si je vous ai bien compris, les autocars sont partis, vous-même,
22 on vous a conduit jusqu'à Omarska et, sur la route, vous avez traversé
23 également le village de Kozarac?
24 Réponse: C'est exact.
25 Question: Sur la route, en allant vers Kozarac, le 31 mai, en direction
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1 d'Omarska, qu'avez-vous pu voir?
2 Réponse: J'ai vu beaucoup de personnes tuées, le bétail également, aussi
3 bien des vaches et que des chevaux. Egalement, une image est également
4 gravée dans ma mémoire: un homme posé sur sa tête et contre un mur mais il
5 y avait de tout, mort, il y avait de tout. Les maisons ont été incendiées,
6 il y avait de la fumée qui était un peu partout. Il y avait des maisons
7 qui étaient en bon état, mais ce sont les maisons qui appartenaient aux
8 Serbes.
9 Question: Et enfin, vous vous êtes arrivé jusqu'à Omarska, c'est bien
10 cela?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Je pense que vous nous avez dit que vous vous êtes rendu à
13 Omarska et que, là-bas, on a dit qu'il n'y avait plus de place dans ce
14 camp pour vous. Un agent de police, un chauffeur a dit quelque chose?
15 Réponse: Il a dit au conducteur: "Donne-moi les quatre, je vais les
16 égorger, les autres, tu peux les prendre où tu veux".
17 Question: Que s'est-il passé?
18 M. le Président (interprétation): Maître Ryneveld, excusez-moi, je vous
19 interromps mais, si les interprètes sont d'accord, nous allons poursuivre
20 jusqu'à 16 heures 15.
21 M. Ryneveld (interprétation): Merci, je poursuis.
22 Question: Vous êtes partis d'Omarska par conséquent, et vous vous êtes
23 rendus jusqu'à Keraterm?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Au moment où votre bus est arrivé jusqu'à Keraterm, où êtes-vous
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1 arrivé exactement, s'il vous plaît? Y avait-il une localité précise?
2 Pourriez-vous donner une description de Keraterm?
3 Réponse: Oui, nous sommes entrés dans la cour. Un ordre a été donné. On
4 nous a demandé de sortir du bus, de lever les mains en l'air, de nous
5 tourner vers le mur, d'écarter les jambes. Ensuite, quelqu'un s'est
6 approché de moi, il m'a donnée un coup sur la tête, il a proféré des
7 injures sur ma mère. Il m'a dit ensuite: "Comment gardes-tu tes mains? Ce
8 n'est pas correct". Il m'a demandé également de lever les trois doigts.
9 Question: Est-ce qu'il vous a fait quelque chose ou je n'ai pas très bien
10 compris, parce que vous étiez contre le mur…
11 M. Vucicevic (interprétation): Objection! Il y avait de toute façon une
12 question qui contenait également la réponse. La première fois, je n'ai pas
13 réagi au moment où l'on a parlé pour faire sortir les quatre civils pour
14 les égorger. Mais là, je trouve que ce n'est pas correct.
15 M. le Président (interprétation): Je pense que l'accusation, ici, pose la
16 question justement pour être au clair de ce que le témoin veut nous
17 présenter.
18 M. Ryneveld (interprétation): Vous nous avez dit que l'on vous a demandé
19 d'utiliser les trois doigts et non pas les cinq, de les poser contre les
20 murs. Est-ce qu'il y a autre chose qui vous est arrivé?
21 Témoin A (interprétation): Oui. Au moment où, par conséquent, je me suis
22 appuyé contre le mur, comme on me l'a demandé, quelqu'un s'est approché
23 derrière et m'a donné un coup très dur sur la tête. Il a dit: "Tu n'as pas
24 le droit de t'appuyer sur tes deux mains et les cinq doigts. Mais tu as le
25 droit d'utiliser les trois doigts".
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1 Question: Au moment où vous êtes arrivé à Keraterm, est-ce que vous vous
2 souvenez, est-ce qu'à ce moment-là vous connaissiez quelqu'un qui était à
3 Keraterm? Je parle du moment où vous êtes arrivé.
4 Réponse: Oui, je connaissais un certain nombre de personnes.
5 Question: Pourriez-vous nous dire, Monsieur, qui sont les personnes que
6 vous avez reconnues?
7 Réponse: J'ai reconnu Tomica, ensuite Dragan, ensuite Kole, ensuite
8 Civerica, ensuite les frères Banovic. Il y en avait d'autres également.
9 Question: Eh bien, toutes ces personnes-là y étaient au moment où vous
10 vous êtes rendu dans le camp?
11 Réponse: Oui.
12 Question: C'était à quel moment de la journée?
13 Réponse: C'étaient vers cinq heures et demie, six heures de l'après-midi.
14 Question: Et après cet ordre qui a été donné de vous tourner contre le
15 mur, il y avait autre chose qui s'est passé à vous-même, aux autres
16 détenus? Avez-vous disposé de documents? Vous a-t-on demandé des
17 documents?
18 Réponse: On nous a d'abord demandé de nous tourner contre le mur, de nous
19 appuyer comme je l'ai dit. Ensuite, on nous a pris tous les documents que
20 nous avions sur nous, que ce soit le passeport, les cartes d'identité ou
21 n'importe quoi. Ils nous ont tout pris et ils ont détruit tout cela.
22 Question: Et ensuite, que s'est-il passé une fois que l'on vous a
23 fouillés, que l'on a pris les documents et qu'on les a détruits?
24 Réponse: Ensuite, on nous a dit qu'il fallait entrer dans une pièce. Il y
25 avait de toutes petites portes, des portes étroites. Il y avait un soldat
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1 qui était à la porte et il nous donnait des coups avec la crosse de fusil.
2 Moi, j'ai eu de la chance, on ne m'a pas donné de coups avec le fusil
3 parce que je suis passé vite fait, et il n'a pas eu le temps.
4 Question: Est-ce que vous vous souvenez également du numéro de la pièce?
5 Réponse: C'était le n°2, la pièce n°2.
6 Question: Est-ce que vous êtes resté dans cette pièce n°2 tout le temps,
7 pendant votre séjour à Keraterm?
8 Réponse: Non.
9 Question: Ensuite, on vous a transféré dans quelle autre pièce?
10 Réponse: C'est la pièce n°1, car tous ceux qui sont allés pour être
11 interrogés dans la pièce n°2 ont été envoyés ensuite dans la pièce n°1.
12 Question: Votre frère [expurgée], était-il avec vous dans la pièce n°2?
13 Réponse: Mais nous tous qui sommes arrivés jusqu'à Keraterm, nous étions
14 d'abord dans cette pièce n°2. Nous étions les premiers à avoir été
15 arrêtés.
16 Question: Mais cette pièce 2, est-ce que, Monsieur, vous vous souvenez de
17 la dimension de cette pièce? Quelle était la grandeur de la pièce?
18 Réponse: Elle était beaucoup plus grande que d'autres pièces à Keraterm.
19 Il y avait dans cette pièce entre 570 et 580 personnes qui ont été
20 entassées.
21 Question: Si, par exemple, vous vouliez décrire la grandeur de cette
22 pièce, qu'est-ce que vous nous auriez dit? Est-ce que cette pièce était
23 plus grande ou moins grande par rapport à ce prétoire? De combien de fois?
24 Est-ce que vous pouvez vous tourner un peu, regarder autour de vous et
25 essayer de faire la comparaison avec le prétoire dans lequel vous vous
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1 trouvez?
2 Réponse: Oui. Elle était à peu près grande comme cette pièce-là -peut-être
3 pas tout à fait-, jusqu'au banc des conseils, et 15 mètres en profondeur.
4 Il y avait également des grilles en fer et l'on voyait quelques engins,
5 des machines. C'est ce que l'on a vu.
6 Question: Et pour ce qui concerne la largeur de la pièce, vous êtes là où
7 vous êtes et vous regardez les Juges. Vous avez dit que c'étaient 15
8 mètres à peu près. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle était la
9 largeur par rapport aux Juges, au banc des Juges?
10 Réponse: Non, moi, je n'ai pas de parlé de 15 mètres de largeur. J'ai
11 parlé de la profondeur de 15 mètres. Elle était entre six et huit mètres
12 de largeur. J'ai dit qu'il y avait la profondeur, c'est bien plus loin que
13 le banc des Juges.
14 Question: Entre six et huit mètres. Vous faites la comparaison avec le
15 prétoire. Est-ce que vous pouvez dire qu'il s'agissait d'une pièce plus
16 grande ou moins grande par rapport au prétoire? C'est pour que l'on se
17 comprenne.
18 Réponse: Elle était un peu plus grande que ce prétoire, mais vraiment pas
19 trop.
20 Question: Au moment où vous avez été transféré dans cette pièce que vous
21 dites n°1, est-ce que cette pièce n°1 était aussi grande que la pièce n°2?
22 Réponse: Non, elle était plus petite.
23 Question: Est-ce que vous êtes en état, en mesure de nous donner une idée,
24 de dire ce que cela représentait une fois de plus en comparaison avec le
25 prétoire?
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1 Réponse: Elle était douze sur quatre à peu près. C'est tout ce que je peux
2 vous dire. Il y avait donc trois palettes, trois chaînes de machines,
3 d'engins, qui auraient pu éventuellement être placées, situées dans cette
4 pièce.
5 Question: Juste pour être sûr que je vous ai bien compris, vous avez dit
6 par rapport à cette rangée, à ces palettes…, est-ce que vous pouvez une
7 fois de plus, pour que nous voyons un peu plus clair, nous dire par
8 rapport à ce prétoire de combien cette pièce était à peu près?
9 Réponse: Je pense que c'était à peu près comme ce prétoire, mais en plus
10 étroit. En longueur c'est bon, mais en largeur pas tout à fait.
11 M. le Président (interprétation): Maître Ryneveld, je suis désolé, mais je
12 pense que nous allons quand même être obligés de disposer des dimensions
13 exactes.
14 M. Ryneveld (interprétation): Absolument.
15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce sont d'autres témoins qui
16 vont nous ramener également des schémas plus exacts, etc.
17 Je poursuis donc avec mes questions.
18 Combien de temps êtes-vous resté dans la pièce 2 avant d'être transféré
19 dans la pièce n°1?
20 Témoin A (interprétation): Je suis resté entre onze et douze jours dans
21 cette pièce n°2.
22 Question: Pendant que vous étiez à Keraterm, pourriez-vous nous donner une
23 idée en ce qui concerne le nombre d'équipes?
24 Réponse: Il y en avait trois.
25 Question: Sauriez-vous nous dire à combien d'heures à peu près ils se
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1 relayaient? A quelle heure également?
2 Réponse: Je sais, ils ont travaillé de six heures le matin à 18 heures le
3 soir.
4 Question: Est-ce que vous savez également comment ils se sont relayés,
5 quel était l'ordre?
6 Réponse: Non, je ne saurais pas vous donner une réponse tout à fait
7 précise. Ce que je peux dire, c'est qu'il y avait d'abord cette équipe de
8 Fustar, ensuite de Kole, et enfin, la troisième équipe de Kajin.
9 Question: Est-ce que vous vous souvenez également des gardes et des noms
10 des gardes? Est-ce que vous savez qui étaient avec Kole par exemple, dans
11 son équipe?
12 Réponse: Il y avait son adjoint, Batan. Ensuite, je connais Dugi
13 également mais je ne peux pas dire pour les autres parce que tous ceux qui
14 portaient des uniformes avaient le droit de se rendre dans la cour du
15 camp.
16 Question: Eh bien, maintenant, nous allons revenir sur la pièce n°1 pour
17 avoir quelque peu plus de détails. Vous avez passé onze ou douze jours
18 dans la pièce n°2. Ensuite, on vous a transféré dans la pièce n°1.
19 Vous étiez combien? Pouvez-vous donner à peu près le nombre de personnes
20 qui étaient avec vous?
21 Réponse: Il y en avait entre 30 et 40 au moment où je suis arrivé, mais
22 beaucoup plus sont passés à l'interrogatoire. On nous a dit qu'un certain
23 nombre de personnes était retourné chez eux.
24 Ensuite, il y avait cette interdiction de rentrer chez nous.
25 Ce n'est que par la suite que j'ai appris que des personnes relâchées
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1 avaient été arrêtées de nouveau et ramenées au camp.
2 M. le Président (interprétation): Maître Ryneveld, je pense que maintenant
3 il faut peut-être lever l'audience.
4 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je peux
5 m'arrêter tout de suite, ou éventuellement, j'en termine avec le
6 paragraphe 9 et nous levons la séance.
7 M. le Président (interprétation): Avez-vous déjà entamé le paragraphe 9?
8 M. Ryneveld (interprétation): Je me suis préparé pour entamer les
9 questions au sujet du paragraphe 9.
10 M. le Président (interprétation): Nous avons travaillé un quart d'heure de
11 plus. Il ne faut pas abuser de la disposition des interprètes.
12 M. Ryneveld (interprétation): Nous allons continuer demain matin.
13 M. Greaves (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président. A
14 l'occasion d'une conférence de mise en état, j'ai soulevé la question de
15 la communication de l'avocat avec son client après l'audience. Je ne sais
16 pas si nous sommes parvenus à une position définitive sur la question.
17 J'aimerais savoir ce que vous souhaiteriez que nous fassions. Il ne
18 faudrait pas de communication une fois que le serment a été donné, à moins
19 que ce ne soit avec l'autorisation de la Chambre. Nous parlons, ici, de
20 communication avec le témoin.
21 M. le Président (interprétation): C'est bien la procédure. Monsieur le
22 Témoin A, vous n'êtes pas censé vous entretenir avec qui que ce soit. Ceci
23 inclut aussi les représentants du Bureau du Procureur.
24 Ne reprendrons l'audience demain à 9 heures 30. L'audience est levée.
25 (L'audience est levée à 16 heures 15.)