Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 5659

1 (Lundi 8 octobre 2001.)

2 (Audience relative aux plaidoiries et réquisitoires.)

3 (L'audience est ouverte à 11 heures 15.)

4 (Audience publique.)

5 (Questions relatives à la procédure.)

6 M. le Président (interprétation): Maître Lawrence?

7 Sir Lawrence (interprétation): C'est Me Ostojic qui va vous répondre.

8 M. le Président (interprétation): Maître Ostojic, nous venons de recevoir

9 votre document qui lui-même est très récent. Que souhaitez-vous dire?

10 M. Ostojic (interprétation): Je souhaiterais vous remercier de nous avoir

11 accordé une période de temps supplémentaire pour apporter des

12 modifications et pour que les affidavits soient conformes au Règlement.

13 Nous voulons vous signaler au nom de Dragan Kolundzija que nous n'allons

14 faire venir aucun témoin en direct et nous demandons respectueusement à la

15 Chambre d'accepter les documents déposés aujourd'hui, 8 octobre 2001, et

16 de retirer les documents déposés précédemment, le 3 octobre 2001.

17 En ce qui concerne les documents déposés aujourd'hui, 8 octobre, il s'agit

18 de déclarations sous serment faites par 17 personnes différentes. Il y a

19 trois lettres qui offrent un emploi; il y a également deux certificats qui

20 montrent que Dragan Kolundzija avait un casier judiciaire vierge et il y a

21 deux rapports de psychiatres qui connaissent Dragan Kolundzija, qui l'ont

22 soigné ici, dans le quartier pénitentiaire.

23 Nous faisons cette demande pour que cela remplace l'audition de témoins en

24 direct. Après consultation avec M. Ryneveld, il s'agit ici de quelque

25 chose que nous faisons dans un souci d'économiser les ressources du

Page 5660

1 Tribunal. Ces déclarations sous serment viennent à l'appui de nos

2 arguments quant au comportement de M. Kolundzija avant, pendant et durant

3 les événements tragiques qui ont eu lieu au cours de l'été 1992.

4 Certes, les déclarations sous serment vont au-delà des éléments à

5 décharge, puisque leur objectif est d'apporter des éléments

6 supplémentaires quant à la personnalité de M. Kolundzija. Et, puisqu'il

7 n'y a pas d'objection à la présentation de ces déclarations sous serment,

8 de ces offres d'emploi, de ces certificats relatifs à un casier judiciaire

9 vierge, ainsi que des deux rapports psychiatriques, nous demandons que

10 ceci soit accepté au lieu de l'audition de témoins ici, dans le prétoire

11 et qu'on leur accorde le même poids que l'audition de témoins. Merci.

12 M. le Président (interprétation): Avant de demander à l'accusation de

13 répondre, je voudrais tout d'abord savoir si les autres conseils de la

14 défense souhaitent intervenir?

15 M. Greaves (interprétation): Non, merci.

16 M. le Président (interprétation): Maître Petrovic?

17 M. Petrovic (interprétation): Non. Merci, Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur Ryneveld?

19 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 D'ores et déjà, je peux dire, en accord avec mon éminent confrère, que

21 l'accusation ne s'oppose pas à la pratique du dépôt de déclaration sous

22 serment au lieu de faire venir les témoins dans le prétoire, comme l'a

23 expliqué mon confrère. L'objectif de ces déclarations sous serment,

24 c'était de fournir un témoignage de personnalité; c'est ce que nous avions

25 compris au départ. Et si j'ai bien compris, il y a également des documents

Page 5661

1 qui ont été déposés pour montrer que l'accusé avait un casier judiciaire

2 vierge et il y a également un certain nombre de rapports.

3 Nous ne nous opposons pas à ces documents; en fait, nous convenons que, du

4 moment que cela fournit à la Chambre les documents dont elle a besoin pour

5 rendre une décision en connaissance de cause, nous estimons donc que c'est

6 une solution tout à fait avisée pour économiser le temps de la Chambre.

7 Cependant, je suis un peu gêné par le processus qui a eu lieu ce matin,

8 qui a entraîné un certain nombre de retards.

9 C'est-à-dire que j'avais initialement indiqué à mes confrères de la

10 défense que les déclarations sous serment devaient apporter une assistance

11 à la Chambre en ce qui concerne la moralité, la personnalité de l'accusé,

12 que je n'acceptais pas que cela aille au-delà de cela, sauf si certains

13 témoins devaient expliquer pourquoi et dans quelles conditions, ils

14 connaissaient M. Kolundzija afin que la Chambre comprenne pourquoi ces

15 personnes s'expriment au sujet de la personnalité et de la moralité de

16 l'accusé.

17 Donc, si j'ai bien compris, la défense a déposé une série de déclarations

18 sous serment et ces déclarations font maintenant l'objet d'une demande aux

19 fins de retrait. D'autre part, la défense demande le dépôt de nouveaux

20 documents. Mon confrère de la défense m'a appelé avant l'ouverture de

21 l'audience; il m'a expliqué quels étaient les changements en ce qui

22 concerne ces documents, sans entrer dans les détails. Il n'en reste pas

23 moins que je suis un peu préoccupé de voir que des déclarations sous

24 serment ont été modifiées et ne correspondent pas à ce qu'a déclaré la

25 personne qui s'est exprimée dans ses déclarations sous serment.

Page 5662

1 Je suis un peu gêné par cette manière de procéder. Et très franchement,

2 beaucoup de changements qui ont été apportés à ces documents, auraient pu

3 faire l'objet d'interventions de l'accusation.

4 Donc la position du Bureau du Procureur est la suivante: ces déclarations

5 sous serment doivent être utilisées uniquement pour évaluer la

6 personnalité de l'accusé, et si cela sort du champ de l'évaluation de la

7 personnalité de l'accusé, nous demandons aux Juges de ne pas en prendre

8 compte. Les faits de l'affaire ont été bien établis dans le cadre du

9 plaidoyer de culpabilité, et lorsque ces déclarations sous serment sortent

10 du champ de la personnalité de l'accusé, nous demandons à la Chambre de ne

11 pas les prendre en compte.

12 M. le Président (interprétation): Ces déclarations sous serment étaient

13 déposées en vertu de l'Article 92 bis.

14 M. Ryneveld (interprétation): Effectivement.

15 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ryneveld.

16 Maître Ostojic, je souhaitais vous poser une question au sujet de ce que

17 vient de dire M. Ryneveld. Je crois que quelqu'un…

18 Veuillez éteindre votre micro, s'il vous plaît.

19 Est-ce qu'il y a un problème technique?

20 Bien, je voulais vous demander de répondre à ce qu'a dit M. Ryneveld, à

21 savoir qu'un certain nombre de modifications ont été apportées aux

22 déclarations sous serment ce matin-même, et pas forcément avec

23 l'autorisation des personnes qui ont fait ces déclarations.

24 Est-ce qu'il s'agit là de modifications d'importance ou est-ce qu'il

25 s'agit simplement de modifications de nature rédactionnelle?

Page 5663

1 M. Ostojic (interprétation): Comme je l'ai dit à M. Ryneveld, ce week-end,

2 j'ai pris contact avec les personnes qui ont fait ces déclarations sous

3 serment, il y en a 6 en particulier pour lesquelles nous avons apporté des

4 modifications rédactionnelles ou typographiques. Et en tout, sur ces 6

5 déclarations sous serment, nous avons modifié au maximum dix lignes qui

6 ont été éliminées par rapport aux documents déposés le 3 et le 4. En ce

7 qui concerne la septième déclaration sous serment, comme il a déjà

8 témoigné, nous avons expurgé son nom ainsi que certains détails pour

9 protéger son anonymat.

10 En tout, il y avait donc 24 déclarations sous serment, et il y a eu des

11 changements sur 6 seulement de ces déclarations. Je pense que cela n'a

12 absolument aucun impact en ce qui concerne l'objectif de la présentation

13 de ces déclarations, à savoir évaluation de la moralité de la personnalité

14 de Dragan Kolundzija. Et en ce qui concerne donc ces 6 déclarations sous

15 serment, nous avons pris contact ce week-end avec nos enquêteurs, nous

16 leur avons demandé de prendre contact avec les 6 personnes qui avait fait

17 les déclarations en question et, comme je l'ai dit à M. Ryneveld, nous

18 pouvons, si nécessaire, prendre contact auprès de ces personnes pour

19 qu'elles attestent que ces modifications ont été apportées avec leur

20 accord.

21 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous donner une

22 idée de ces documents, de la totalité de ces documents et de leur nature?

23 M. Ostojic (interprétation): Il y a, en tout, 24 déclarations sous

24 serment.

25 M. le Président (interprétation): Bien.

Page 5664

1 M. Ostojic (interprétation): En ce qui concerne les lettres d'offres

2 d'emplois possibles, elles sont au nombre de trois. Nous avons ensuite des

3 certificats qui viennent du Tribunal ou du Greffe, de l'endroit où est

4 originaire M. Kolundzija stipulant qu'il a un casier judiciaire vierge et

5 attestant qu'il y a deux certificats de ce type. D'autre part, nous avons

6 déposé deux rapports de psychiatres.

7 Donc, cela nous donne un total normalement de 31 documents et je crois que

8 cela correspond aux informations qui vous ont été communiquées ce matin.

9 M. le Président (interprétation): Je remercie la Greffière d'audience pour

10 les informations qu'elle vient de m'apporter en ce qui concerne le

11 fonctionnement de notre équipement audiovisuel.

12 Dans les documents déposés au départ, vous aviez indiqué -et c'était

13 d'ailleurs très utile, à mon avis- un certain nombre d'extraits du compte

14 rendu d'audience; vous les avez maintenus dans les documentaires qu'ils

15 exhibent actuellement?

16 M. Ostojic (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois, vous

17 parlez là du mémoire écrit que nous vous avons communiqué et non pas des

18 documents déposés, des documents déposés, je veux dire des déclarations

19 sous serment, etc..

20 M. le Président (interprétation): Je comprends.

21 M. Ostojic (interprétation): Nous n'avions fait aucune référence aux

22 déclarations sous serment dans notre mémoire. Nous avons présenté des

23 arguments de nature générale dans ce mémoire.

24 (Les Juges se consultent sur le siège.).

25 M. le Président (interprétation): Fort bien. Il va falloir que nous

Page 5665

1 examinions les documents que vous avez déposés: les déclarations sous

2 serment ainsi que les autres documents. Nous allons donc examiner ces

3 documents mais, pour moi donc, maintenant, ceci, c'est l'essentiel de

4 votre exposé aujourd'hui?

5 M. Ostojic (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Merci.

7 Monsieur Ryneveld, souhaitez-vous intervenir?

8 M. Ryneveld (interprétation): Si vous nous demandez si nous en sommes en

9 mesure de présenter notre réquisitoire à ce stade, oui, nous sommes en

10 mesure de le faire. Je peux commencer dès maintenant si vous le souhaitez.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld, mais vous avez

12 utilisé le terme de "réquisitoire"; nous, ce que nous voulons entendre, ce

13 sont vos arguments en ce qui concerne la peine.

14 M. Ryneveld (interprétation): Oui, merci.

15 Donc je vais vous expliquer d'ores et déjà comment nous allons présenter

16 nos arguments, avec votre autorisation.

17 D'abord, j'ai l'intention de parler d'éléments qui sont communs à tous les

18 accusés, à savoir les conditions qui existaient au camp. Ensuite, je vais

19 demander à M. Mundis de parler de Sikirica. Madame Baly, quant à elle,

20 parlera de M. Dosen et je reviendrai au micro pour parler de Dragan

21 Kolundzija et pour présenter tout élément supplémentaire.

22 Je ne pense pas que nous ayons besoin de plus d'une demi-heure. Est-ce que

23 cela vous convient?

24 M. le Président (interprétation): Oui.

25 (Présentation des réquisitoires de l'accusation relative aux sentences,

Page 5666

1 par M. Ryneveld.)

2 M. Ryneveld (interprétation): Vous savez, Messieurs les Juges, que les

3 conditions qui existaient au camp figurent dans les plaidoyers de

4 culpabilité des trois accusés. Et si vous me le permettez, je souhaiterais

5 mettre en lumière un certain nombre des facteurs et des éléments qui sont

6 contenus dans les accords de plaidoyer. Et aussi, je vais me pencher sur

7 les témoignages que vous avez entendus au sujet des conditions de vie qui

8 existaient au camp.

9 Vous êtes dans une situation assez particulière et privilégiée puisque

10 vous avez pu entendre tous les témoins de l'accusation à ce sujet. Et même

11 si les conseils de la défense ont recommandé aux Juges de bien faire

12 attention à cela, nous n'avons absolument pas l'intention de remplacer les

13 Juges. Puisque c'est à la Chambre, bien entendu, qu'il revient de

14 déterminer quelle est la peine appropriée à prononcer contre chacun des

15 accusés.

16 De nombreux témoins nous ont expliqué, vous ont expliqué qu'une fois

17 qu'ils arrivaient à Keraterm,, ils étaient enfermés dans une des trois

18 salles qui existaient: salles 1, 2 et 3. Nous avons entendu à plusieurs

19 reprises que ces salles étaient surpeuplées, souvent les détenus ne

20 pouvaient même pas s'étendre, ne pouvaient même pas circuler librement. Et

21 les hommes de la région de Brdo, en particulier, vous ont expliqué

22 qu'avant le 25 juillet 1992, ils avaient été séparés des autres et placés

23 dans la salle n°3. Et ils ont vécu dans des conditions particulièrement

24 inhumaines.

25 En ce qui concerne le surpeuplement de ces salles, vous vous souviendrez

Page 5667

1 qu'un certain nombre de témoins nous ont expliqué que, même s'il y avait

2 suffisamment d'espace pour s'étendre dans les salles, eh bien, les détenus

3 n'avaient pas de literie, n'avaient pas de matelas pour le faire. Un

4 témoin nous a expliqués, par exemple, que les détenus dormaient à même le

5 sol en béton. Parfois, il y avait des palettes de bois qui étaient

6 disponibles et ils se servaient d'herbes pour se confectionner des sortes

7 d'oreiller.

8 De plus, vous avez entendu des témoins nous expliquer que le surpeuplement

9 était tel que non seulement il était pratiquement impossible de dormir

10 correctement, mais en plus qu'il n'y avait pas d'air frais dans les

11 salles. Ceci était bien entendu compensé par le fait que les portes

12 avaient des barreaux donc ceux qui se trouvaient près des portes avaient

13 un peu plus d'air frais que ceux qui étaient au fond des salles.

14 Les détenus n'avaient l'autorisation de se déplacer que lorsqu'on le leur

15 permettait et lorsqu'on leur permettait d'avoir accès à de la nourriture,

16 en très petites quantités. Souvent, on ne leur permettait pas de prendre

17 de l'exercice et il n'y avait pas de programme régulier, d'horaire

18 régulier quant aux promenades à l'extérieur.

19 Beaucoup de témoins donc, pratiquement tous les témoins, nous ont expliqué

20 que les conditions sanitaires à Keraterm étaient déplorables. Il n'y avait

21 pas d'installation pour pouvoir…, d'installations d'hygiène dignes de ce

22 nom. La nourriture était distribuée irrégulièrement et elle était le plus

23 souvent en quantité insuffisante. Il n'y avait pas suffisamment d'eau,

24 surtout pendant les mois d'été où il faisait très chaud, et les détenus

25 n'avaient pas accès à des vêtements de rechange. A de très rares

Page 5668

1 exceptions, ils n'avaient pas non plus accès à des médecins.

2 Vous avez entendu les témoins nous expliquer que les détenus devaient

3 faire leurs besoins dans une espèce de tonneau puisqu'ils ne pouvaient pas

4 avoir accès aux toilettes la nuit. Il n'y avait donc pas possibilité de se

5 laver, les détenus étaient sales, ils avaient des poux, sur le corps, la

6 gale.

7 En ce qui concerne la nourriture, les détenus recevaient chaque jour deux

8 tranches de pain qui, souvent, étaient couvertes de mouches parce qu'on

9 les avait laissées entreposées près des toilettes avant de les donner aux

10 témoins. Les détenus recevaient également un bol d'eau et parfois, dedans,

11 il y avait un bout de chou qui flottait dans ce brouet clair.

12 Pratiquement tous les détenus nous ont expliqué dans quelles conditions

13 physiques ils ont quitté le camp. La plupart d'entre eux avaient perdu

14 énormément de poids, entre 15 à 30 kilos même. Il est bien évident qu'on

15 ne leur donnait pas suffisamment à manger, c'était flagrant. Et lorsqu'on

16 leur donnait à manger, on ne leur donnait qu'une ou deux minutes pour le

17 faire. Cette nourriture qu'on leur donnait était de très mauvaise qualité,

18 souvent il n'y avait pas suffisamment à manger pour tout le monde. De

19 plus, il ne faut pas oublier ce qui se passait dans le camp, à savoir

20 qu'il y avait des passages à tabac, régulièrement, et que ceux-ci créaient

21 une atmosphère de terreur. Cela aussi fait partie des conditions qui

22 existaient au camp. C'étaient des conditions de vie inhumaine. On peut

23 estimer que c'est là le dénominateur commun à chacune des trois équipes de

24 garde. Et si vous me le permettez, à ce stade de mon intervention, je vais

25 m'interrompre et je vais demander à M. Mundis de nous parler de l'accusé

Page 5669

1 Dusko Sikirica.

2 (Réquisitoire du Bureau du Procureur concernant M. Dusko Sikirica, par M.

3 Mundis.)

4 M. Mundis (interprétation): Dusko Sikirica, en vertu de l'accord de

5 plaidoyer en l'espèce, a reconnu qu'il était commandant de la sécurité au

6 camp de Keraterm. Et en vertu de cet accord de plaidoyer, dans son mémoire

7 relatif à la peine, M. Sikirica, par l'intermédiaire de son conseil,

8 reconnaît qu'il disposait, qu'il avait certaines responsabilités, même si

9 elles étaient limitées en tant que commandant et responsable de la

10 sécurité à Keraterm.

11 Nous avançons que vu les témoins que vous avez entendus et vu les aveux de

12 M. Sikirica qui figurent dans l'accord de plaidoyer, qu'il faisait partie

13 de la structure de commandement du camp de Keraterm. Et d'autre part, il y

14 a des éléments de preuve qui, dans cet accord de plaidoyer, selon lesquels

15 M. Sikirica a signalé des manquements à Zoran Zigic qui se trouvait à un

16 niveau hiérarchique supérieur.

17 Nous avançons donc que M. Sikirica avait des responsabilités en temps que

18 chef de la sécurité pour avoir permis à des personnes extérieures au camp

19 d'entrer dans le camp et de tuer, de maltraiter des détenus, ce qu'a

20 reconnu M. Sikirica. Les témoins que nous avons entendus nous montrent

21 qu'il savait qu'il y avait des personnes étrangères qui entraient dans le

22 camp, et qu'il est même arrivé qu'il signale ces incidents à ceux qui

23 étaient situés plus haut que lui dans la chaîne hiérarchique en dehors du

24 camp.

25 Et nous avançons que sur la base de tous les éléments de preuve dont vous

Page 5670

1 disposez, sur la base de l'accord de plaidoyer, M. Sikirica avait des

2 responsabilités de commandant, même si c'était limité, et qu'il était donc

3 responsable des conditions qui existaient au camp, et notamment des

4 mauvais traitements infligés aux détenus.

5 Il est indéniable aussi que le rôle de M. Sikirica n'est pas limité au

6 rôle qu'il avait en tant que commandant de la sécurité à Keraterm.

7 Monsieur Sikirica a reconnu lui-même qu'il avait tué un des détenus en lui

8 tirant dessus, bien que la défense, dans son mémoire, explique qu'il est

9 probable que la victime ait trouvé la mort instantanément, qu'elle n'avait

10 souffert d'aucune humiliation, d'aucune torture, avant que Sikirica ne

11 l'abatte.

12 Nous avançons, nous, que ce détenu…, aucun élément ne montre donc que ce

13 détenu n'avait provoqué Sikirica d'une manière ou d'une autre. Ce qui

14 s'est passé, c'est que l'accusé Sikirica a assassiné ce détenu sans aucune

15 justification, quelle qu'elle soit. Il l'a fait en plein jour, il l'a fait

16 alors que d'autres détenus étaient présents, étaient conscients de la

17 chose et l'accusation estime que ceci a indéniablement contribué à

18 augmenter l'atmosphère de terreur qui existait au camp de Keraterm pendant

19 l'été de 1992.

20 En plus de ce meurtre, l'accusé a reconnu qu'il y a un nombre très

21 important de meurtres qui ont eu lieu dans le camp, notamment le "massacre

22 de la salle n°3" auquel on reviendra plus tard. Donc, il est indéniable

23 qu'un très grand nombre de personnes ont été tuées, et étant donné la

24 position de l'accusé en tant que commandant de la sécurité et le fait

25 qu'il avait la possibilité de permettre à des personnes extérieures

Page 5671

1 d'entrer dans le camp, donc vu tout cela, nous estimons que ceci doit être

2 considéré comme une circonstance aggravante.

3 En plus des meurtres, il y a un nombre fort important de personnes qui ont

4 été passées à tabac, torturées à l'intérieur du camp de Keraterm. Sikirica

5 a reconnu que des femmes avaient été violées, soumises à des violences

6 sexuelles dans le camp, et M. Ryneveld nous a décrit que les conditions

7 qui existaient au camp étaient tout à fait intolérables, aussi bien pour

8 les hommes que pour les quelques femmes qui y étaient enfermés.

9 En ce qui concerne le "massacre de la salle n°3", nous avons entendu des

10 témoins nous dire que cet événement est le fait de personnes qui venaient

11 de l'extérieur; et, vu le rôle de l'accusé commandant de la sécurité, nous

12 estimons, quant à nous, qu'étant donné qu'il a reconnu qu'une partie de

13 ses fonctions c'était d'empêcher les personnes de l'extérieur d'entrer

14 dans le camp, nous estimons donc qu'il faut qu'il soit tenu responsable en

15 partie de ce massacre, étant donné qu'en tant que commandant de la

16 sécurité, il était en mesure de dire qui entrait ou qui n'entrait pas dans

17 le camp de Keraterm.

18 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avançons que l'accusé

19 Sikirica aurait pu faire plus pour améliorer les conditions qui

20 prévalaient au camp. Il aurait pu également contrôler l'accès au camp et

21 empêcher les étrangers, les personnes extérieures du camp d'entrer à

22 l'intérieur du camp. Et il a omis de faire toutes ces choses pour prévenir

23 les souffrances des personnes.

24 Je demanderai maintenant à ce que l'on passe à huis clos, s'il vous plaît,

25 Monsieur le Président, car j'aurai certains éléments que je voudrais

Page 5672

1 souligner.

2 (Huis clos partiel à 11 heures 45.)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 5673

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page 5673 –expurgées– audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 5674

1 (Audience publique à 11 heures 49.)

2 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, au vu ce que nous vous

3 avons avancé oralement ce matin et par mémoire écrit déposé le 28

4 septembre, ainsi qu'en vertu de l'accord de plaidoyer, l'accusation

5 demande que l'accusé Sikirica se voit attribuer une peine de 17 ans

6 d'emprisonnement.

7 S'il n'y a aucune autre question concernant l'accusé Sikirica, je vous

8 demanderais, avec tout le respect que je vous dois, que le co-conseil, Mme

9 Baly, continue ces présentations concernant M. Damir Dosen.

10 M. le Président (interprétation): Très bien. Merci, Monsieur Mundis.

11 Madame Baly, je vous écoute.

12 (Réquisitoire du Bureau du Procureur concernant M. Damir Dosen, par Mme

13 Baly.)

14 Mme Baly (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

15 ne vais pas parler des questions que j'ai déjà abordées dans mon mémoire

16 écrit, mais je voudrais me concentrer sur quelques questions qui ont été

17 soulevées par les conseils de Damir Dosen dans leur mémoire écrit. Je

18 souhaiterais faire une réplique orale à ce que nous avons reçu par écrit.

19 D'abord, vous vous souviendrez de la position de l'accusation, quant à la

20 position de Damir Dosen au sein du camp. Nous croyons que Damir Dosen

21 tenait effectivement un rôle de confiance au sein du camp. Le conseil de

22 l'accusé Damir Dosen n'est pas d'accord avec cette affirmation et il a

23 essayé de présenter les éléments, tels que nous l'avons vu, disant qu'il

24 n'a pas occupé un tel poste. Mais l'accusation est tout à fait d'accord,

25 en vertu de l'accord de plaidoyer, que l'accusé ne détenait pas un poste

Page 5675

1 d'autorité supérieure dans le sens formel ou de jure.

2 Mais il en ressort de l'accord de plaidoyer que l'accusé a eu un rôle de

3 chef d'équipe et a exercé quand même une autorité sur le nombre de six à

4 douze gardes. Et d'après nous, cela représente une position de supériorité

5 dans le sens de facto; c'est-à-dire que même s'il n'avait pas eu un grade

6 officiel, il a néanmoins agi en tant que supérieur hiérarchique ou en tant

7 que chef d'une équipe au sein du camp.

8 Nous croyons également que c'est tout à fait inapproprié pour cette

9 Chambre de considérer que l'accusé était un policier de réserve à

10 l'époque; il est tout à fait approprié de le penser et de considérer le

11 fait que son poste en tant que tel, que cette position a fait en sorte

12 qu'il a des responsabilités envers tous les citoyens.

13 Et vous vous souviendrez que l'expert appelé par la défense nous a dit que

14 concernant son rôle en tant que policier, il nous a dit qu'une telle

15 personne, une personne qui agit en tant que policier, doit agir et

16 protéger les citoyens. Et donc il ne serait pas tout à fait approprié que

17 vous ne considériez pas que l'accusé était, en réalité, toujours policier

18 lorsqu'il a occupé ce poste, le poste qu'il a occupé au sein du camp et au

19 moment de la commission du crime.

20 M. le Président (interprétation): Oui, mais on a finalement présenté, en

21 vertu de l'Article 7.3, qu'il avait une responsabilité de facto.

22 Mme Baly (interprétation): Oui, c'est tout à fait en vertu de l'Article

23 7.1; mais nous estimons qu'il détenait bien un poste de confiance vis-à-

24 vis des détenus du camp, et que ce facteur-là représente un facteur que

25 vous devriez prendre en considération lorsque vous considérez les

Page 5676

1 circonstances aggravantes, le fait qu'il a bel et bien occupé un poste de

2 confiance en tant que supérieur hiérarchique et qu'il a violé cette

3 confiance qu'on lui accordait.

4 M. le Président (interprétation): Oui, mais pas en vertu de l'Article 7.3.

5 Mme Baly (interprétation): Non, en vertu de l'Article 7.1.

6 Maintenant, je voudrais soulever quelques questions concernant les

7 circonstances atténuantes. La première question parle du fait que l'accusé

8 demande qu'un grand poids soit attribué aux remords que l'accusé a

9 exprimé. Il y a effectivement des éléments de preuve qui démontrent que

10 l'accusé a exprimé certains remords. Et il y a également des éléments de

11 preuve qui sont certainement ou qui sont soulevés plus particulièrement

12 dans leur mémoire écrit. Ce dernier dit que ce qui est arrivé aux détenus

13 dans la pièce 3, il a néanmoins exprimé que c'était quelque chose qu'ils

14 méritaient. Donc, si on tient compte de cela, il faudrait néanmoins

15 équilibrer le tout: ce qui est dit oralement et ce qui a été dit par

16 écrit.

17 M. le Président (interprétation): Oui, mais il faudrait également prendre

18 le moment où cela a été donné, au moment où la déclaration a été faite?

19 Mme Baly (interprétation): Oui, la déclaration a été prise peu de temps

20 après que le "massacre de la chambre 3" ait eu lieu.

21 M. May (interprétation): Vous devez considérer quelle est notre position

22 concernant le remords, notamment lorsque quelqu'un plaide coupable, nous

23 démontre quand même quelque indication concernant le remords.

24 Mme Baly (interprétation): Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, je vais adresser cette question dans quelques instants.

Page 5677

1 L'accusé, si l'on se penche, si l'on regarde le paragraphe 36 du mémoire

2 écrit, nous pouvons lire dans ce paragraphe, qu'il est tout à fait

3 important, et nous sommes d'accord avec cela, il est important que

4 l'accusé ait estimé sa culpabilité et se trouve coupable. et il est très

5 important qu’une personne d'origine serbe, une personne originaire de

6 Prijedor, ait admis qu'il ait commis ce crime. C'est en fait quelque chose

7 d'assez rare. C'est très important pour les victimes du camp de Keraterm

8 et pour la région de Prijedor en général également, et nous espérons que

9 cela sera également un facteur qui pourra contribuer au processus de

10 réconciliation. Néanmoins, il y a quelques difficultés que nous

11 rencontrons, c'est que cette expression de remords n'a pas été appuyée par

12 rien de plus, si vous voulez.

13 Monsieur le Président, si vous regardez, si vous lisez le rapport

14 psychiatrique daté du 20 octobre, il y a absence d'expression de remords.

15 En réalité, le rapport nous suggère ou dit, en fait, qu'il s'agit du

16 contraire. L'expression de remords est quelque chose de…, est vide, selon

17 nous, et perd de sa force car ce remords n'est pas soutenu par rien

18 d'autre provenant de la bouche même de l'accusé.

19 L'accusé, dans cette affaire, vous a demandé, Monsieur le Président,

20 Messieurs les Juges, de trouver qu'à l'époque, de bien voir qu'à l'époque,

21 bien sûr, il avait une capacité mentale diminuée et vous demande, Monsieur

22 le Président, de ne pas prendre en considération… Ils ne vous ont pas

23 demandé de ne pas le trouver non coupable mais ils vous ont demandé de

24 prendre cela comme facteur atténuant et comme circonstances atténuantes,

25 et donc d'imposer à l'accusé une peine un peu plus légère.

Page 5678

1 L'accusation croit que l'accusé n'a pas établi le fait qu'effectivement il

2 bénéficiait d'une capacité mentale diminuée à l'époque, à l'époque des

3 infractions et que, sur le balancier de la probabilité, il faudrait

4 établir le tout, et que les trois témoins experts que nous avons

5 entendus...

6 (Les Juges se consultent sur le siège.)

7 M. le Président (interprétation): Oui, veuillez poursuivre.

8 Mme Baly (interprétation): Les éléments ou les rapports que nous avons

9 reçus et les témoignages des témoins experts que nous avons entendus ici

10 n'ont pas parlé de la capacité mentale diminuée dans quelque sens que ce

11 soit. Et ce que nous trouvons, c'est que l'accusé souffre maintenant d'un

12 désordre post-traumatique. Et pour parler des éléments que l'accusé aurait

13 souffert, il y a des éléments que nous considérons, grâce auxquels

14 l'accusé souffre de ce syndrome post-traumatique, mais nous estimons que

15 sa capacité mentale n'avait pas été diminuée lorsque l'accusé s'est trouvé

16 au camp de Keraterm et, en réalité, l'accusé était en mesure de poursuivre

17 ses tâches même après le "massacre de la pièce n°3" et même après que le

18 camp a été fermé et démantelé.

19 De plus, lorsqu'il a quitté le camp de Keraterm, il était en mesure de

20 fonctionner comme membre d'une société, dans les conditions qui lui ont

21 permis de participer dans l'armée, de prendre part au combat sur la ligne

22 de front et plus tard il a été employé comme garde dans une discothèque.

23 Nous voudrions souligner un peu plus également que le stress dont l'accusé

24 a souffert, c'est le stress qui découle du fait qu'il est maintenant en

25 détention et plusieurs éléments de preuve nous montrent qu'il a souffert

Page 5679

1 ou qu'il souffre présentement du syndrome post-traumatique parce qu'il

2 s'est fait arrêter et parce qu'il se trouve présentement en prison. Mais

3 je crois que cela ne représente pas une circonstance atténuante et vous ne

4 devriez certainement pas prendre cela en considération. Vous devriez

5 également, Monsieur le Président, penser au fait qu'on vous a demandé de

6 prendre en considération sa situation personnelle pendant qu'il était à

7 Keraterm.

8 Oui, nous concevons qu'il a eu certains problèmes mais l'accusé n'a pas pu

9 établir de lien entre ce qui s'est passé à ce moment-là dans sa vie

10 personnelle et les infractions qui ont eu lieu à Keraterm, mais c'est la

11 raison pour laquelle nous pensons qu'il s'agit d'un facteur suggestif mais

12 vous ne devriez pas, Monsieur le Président, prendre cela en considération

13 car je crois que, d'après nous, cela ne devrait pas influer de façon

14 important quant à la réduction de la peine.

15 Je vous demanderais à ce moment-ci, Monsieur le Président, que l'on passe

16 à huis clos partiel, si vous le permettez.

17 M. le Président (interprétation): Très bien, passons à huis clos.

18 (Huis clos partiel à 12 heures.)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 5680

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (Audience publique à 12 heures 02.)

17 Mme Baly (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

18 nous croyons que le crime commis par cet accusé avait été commis pendant

19 qu'il détenait une position de confiance; cela représente donc un crime,

20 une circonstance aggravante dans le crime qu'il a commis. Le système

21 d'oppression existait au camp de Keraterm -M. Mundis et M. Ryneveld ont

22 parlé de la nature de ce système oppressif- et nous croyons que cela

23 justifie une peine de sept ans d'emprisonnement.

24 Merci, Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Merci, Madame Baly.

Page 5681

1 Oui, Monsieur Ryneveld, je vous écoute.

2 (Réquisitoire du Bureau du Procureur concernant M. Dragan Kolundzija, par

3 M. Ryneveld.)

4 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges.

6 Je vais parler de l'accusé Kolundzija de façon très brève; je n'aurai que

7 quelques commentaires en guise de conclusion.

8 Cela me surprend de dire que chaque cas est individuel, mais

9 particulièrement lorsqu'on parle de l'accusé Kolundzija il s'agit bel et

10 bien d'un cas particulier.

11 Monsieur Kolundzija a plaidé coupable concernant son rôle qu'il a tenu

12 quant à la persécution des détenus qui étaient détenus au camp de Keraterm

13 entre le 24 mai et le 5 août 1992. La Chambre a accepté ce plaidoyer de

14 culpabilité. Mais, de nouveau, la Chambre a eu le bénéficie, a pu entendre

15 tous les éléments de preuve qui nous sont provenus de divers témoins. Nous

16 avons également pu voir l'accord de plaidoyer ou lire l'accord de

17 plaidoyer qui a été conclu entre les parties et quelle est la culpabilité

18 donc de l'accusé Kolundzija.

19 J'ai déjà mentionné quelles étaient les conditions qui prévalaient au camp

20 pendant cette période de temps. Monsieur Kolundzija a commencé son travail

21 au sein de ce camp en tant que garde et, ensuite, il a accédé à une

22 promotion de chef d'équipe en toute connaissance de cause, sachant très

23 bien quelles étaient les conditions à Keraterm et que ces conditions

24 étaient belles et bien inhumaines.

25 Je ne crois pas que c'est exagéré que de dire que les conditions au camp

Page 5682

1 de Keraterm étaient vraiment des conditions d'enfer pour les détenus qui

2 s'y trouvaient. Bon nombre de détenus ont trouvé la mort suite à des

3 passages à tabac. Et ils ont été passés à tabac non seulement par les

4 gardes mais également par des visiteurs, des étrangers, des gens qui

5 venaient au camp.

6 Maintenant, j'ai déjà parlé des conditions inhumaines qui existaient au

7 camp, mais nous devons examiner le rôle particulier qu'occupait M.

8 Kolundzija dans ce cadre-là. Et nous aimerions dire que tous les éléments

9 de preuves qui nous sont parvenus nous indiquent que M. Kolundzija n'a pas

10 personnellement soumis aucun détenu à des mauvais traitements; nous

11 n'avons pas non plus reçu des preuves nous disant que les gardes dans son

12 équipe de travail aient maltraité des détenus.

13 Un bon nombre de détenus se sont présentés ici, qui ont parlé soit au nom

14 de l'accusation et ont parlé des bonnes choses que M. Kolundzija a faites

15 pour eux alors qu'ils étaient détenus et pendant que c'était l'équipe de

16 M. Kolundzija qui était de service. Ce sont bien sûr des circonstances

17 atténuantes: ce sont des questions que vous allez certainement prendre en

18 considération vous-mêmes et que nous-mêmes avons prises en considération

19 lorsque nous avons fait nos demandes et nos recommandations à la Chambre.

20 Néanmoins, nous avons des éléments de preuve nous indiquant que M.

21 Kolundzija a donné certains traitements préférentiels à quelques détenus:

22 des gens, par exemple, qu'il connaissait autour de Prijedor, des amis, des

23 voisins. Vous vous souviendrez qu'au cours de certains témoignages, on a

24 entendu dire qu'il a permis à quelques personnes de se servir du

25 téléphone, d'appeler leur famille. Et il permettait également aux

Page 5683

1 familles, aux membres des familles des détenus d'apporter de la nourriture

2 pour, bien sûr, les aider dans leur manque de nourriture qu'ils

3 recevaient.

4 Nous avons reçu un grand nombre de témoignages qui étaient donc très

5 positifs pour M. Kolundzija. Certains détenus disaient même que "Kole"

6 -donc c'était son surnom-, que "l'équipe de Kole était la meilleure

7 équipe". Mais nous devons néanmoins nous souvenir que, même si son équipe

8 était peut-être la meilleure, les conditions néanmoins étaient inhumaines

9 et terribles. Et non seulement que M. Kolundzija savait très bien quelles

10 étaient les conditions qui existaient mais qu'il ne s'est pas opposé à

11 cela, il n'a pas quitté son emploi; il a de plus accepté une promotion et

12 il est devenu chef d'équipe.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, je n'ai pas très bien

14 compris: pourquoi est-ce que vous parlez du fait qu'il a accordé certains

15 traitements préférentiels à certaines personnes qu'il connaissait? Est-ce

16 que vous voulez dire, par exemple, que c'est quelque chose que la Chambre

17 devrait prendre en considération? Et, si oui, dans quel sens exactement?

18 M. Ryneveld (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.

19 La position de l'accusation est la suivante: nous croyons que M.

20 Kolundzija n'était pas bon envers tout le monde, il n'accordait pas des

21 privilèges à tous les détenus. Nous savons qu'il y a eu certaines

22 personnes de la région de Brdo, par exemple, qui étaient enfermées dans

23 les chambres, dans les pièces pendant des jours. Nous avons également des

24 éléments de preuve qui disaient que, pendant l'équipe de M. Kolundzija,

25 ces détenus étaient également détenus; on les gardait enfermés sans leur

Page 5684

1 permettre ni de boire ni de manger ni de faire quelque exercice que ce

2 soit. Les personnes qui sont venues dire qu'il a fait quelque chose de

3 bien pour eux, c'étaient -presque dans tous les cas, sauf quelques

4 exceptions, je suis d'accord avec vous- des gens qu'il connaissait, des

5 gens qu'il côtoyait ou c'étaient des voisins. Donc il a accordé certains

6 privilèges à quelques personnes mais pas à tous les détenus.

7 M. le Président (interprétation): Oui, mais est-ce que vous voulez dire

8 que ces actes de gentillesse étaient des actes isolés ou étaient

9 simplement dirigés envers certaines personnes qu'il connaissait ?

10 M. Ryneveld (interprétation): Non, je ne crois pas que je voulais dire...

11 Je ne veux pas dire que ces actes de bienfaisance étaient simplement

12 isolés, non. Nous avons reçu quelques témoignages de témoins qui nous

13 indiquaient qu'il permettait également à d'autres personnes de se servir

14 du téléphone et qu'il permettait aussi à d'autres familles de venir

15 apporter de la nourriture. Donc je ne pourrais pas dire, de façon tout à

16 fait certaine, qu'il n'accordait un traitement préférentiel qu'aux

17 personnes qu'il connaissait très bien. Non, il aurait peut-être pu en

18 offrir à d'autres personnes aussi. Nous ne pouvons pas dire qu'il a

19 simplement permis à ses amis ou ses voisins de recevoir de la nourriture

20 des membres de leur famille, mais nous estimons que, si quelqu'un

21 connaissait "Kole", cette personne était plus encline à recevoir un

22 traitement préférentiel. Mais, en réalité, j'allais dire qu'il a accepté

23 la promotion de garde à chef d'équipe.

24 Il savait très bien que ces passages à tabac avaient lieu et il avait

25 vraiment une très bonne connaissance du fait que les conditions au camp

Page 5685

1 étaient très mauvaises. Il pouvait voir dans quelles conditions se

2 trouvaient les détenus et, dans certains cas, les conditions empiraient

3 même. Il pouvait voir, par exemple, les corps le matin, il pouvait voir

4 les blessures sur les corps des personnes: il était tout à fait clair que

5 des personnes avaient été battues au cours de la nuit, que les personnes

6 qui avaient été battues avaient des ecchymoses sur leurs corps.

7 Mais il n'a rien fait pour empêcher ce genre de traitement. Il est resté

8 au sein du camp et il n'est pas parti, il ne s'est pas opposé, il n'a pas

9 protesté, il n'a pas démissionné; il a accepté le système qui existait le

10 système, le système qui était en place, ce système de persécution.

11 Maintenant, parlons de circonstances atténuantes. Outre certaines choses

12 que j'ai déjà soulignées, il a certainement fait quelques actes de

13 gentillesse: il a admis, il a enregistré un plaidoyer de culpabilité, il

14 l'a fait après les présentations des éléments à charge, il est vrai, mais

15 il a également sauvé beaucoup de temps à la Chambre en plaidant coupable,

16 il a fait quelque chose qu'il a fait ce matin: il a également demandé la

17 présentation de certaines déclarations sous serment, il n'a pas demandé à

18 ce que des témoins soient entendus. Il aurait été préférable qu'il ait

19 fait cela peut-être un peu plus tôt, mais nous accordons le fait qu'il est

20 bien vrai qu'il a quand même apporté une certaine aide. Mais il aurait été

21 préférable qu'il le fasse avant la présentation des moyens à charge, il

22 est vrai.

23 Maintenant, Mme Baly a parlé du fait que M. Damir Dosen, dans son rôle de

24 policier de réserve, aurait dû protéger les gens, mais nous voulons

25 soulever que M. Kolundzija était dans la même situation: on pourrait

Page 5686

1 s'attendre à ce que les policiers protègent le public général mais, au

2 lieu de cela, nous savons très bien dans quelles conditions les détenus

3 étaient gardés.

4 La persécution représente un crime très grave, qui mérite que soit

5 prononcée à son encontre une sentence rendant compte de l'abomination de

6 ce crime et, comme je l'ai déjà dit, chaque affaire jugée par ce Tribunal

7 est centrée sur les faits spécifiques qui la caractérise.

8 Compte tenu des éléments de preuve qui ont été vus et entendus ici, compte

9 tenu du plaidoyer qui a été fait par l'accusé, compte tenu du fait que M.

10 Kolundzija n'a pas participé personnellement au passage à tabac, nous

11 disons que la sentence qui s'impose dans la présente affaire et s'agissant

12 de cet accusé se monte à cinq ans d'emprisonnement.

13 Nous affirmons également, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,…

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, manifestement, vous

15 n'êtes pas en accord avec les derniers arguments présentés par la défense,

16 à savoir que si l'on prend en compte toutes les circonstances qui ont

17 prévalu, M. Kolundzija devrait voir prononcer à son encontre une sentence

18 égale au temps qu'il a déjà passé en prison et que par conséquent il

19 devrait, suite au prononcé de la sentence, être immédiatement remis en

20 liberté. Donc la sentence recommandée est celle de deux ans et neuf mois,

21 si je ne m'abuse.

22 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, comme je l'ai

23 indiqué, c'est aux Juges qu'il appartient de déterminer la sentence la

24 plus appropriée et le conseil, lui, ne fait que des recommandations.

25 Notre recommandation, du côté de l'accusation, consiste à dire que le

Page 5687

1 crime de persécution est un crime qui doit être considéré comme un crime

2 extrêmement grave et que la sentence inférieure acceptable pour punir un

3 tel crime est celle que j'ai recommandée.

4 Du point de vue de l'accusation, bien entendu, il s'agit d'une

5 recommandation faite à la Chambre, compte tenu de la nécessité de montrer

6 à la communauté internationale et au monde en général que la persécution

7 est un crime grave. Du point de vue de l'accusation, ce crime mérite au

8 moins une sentence de cinq ans.

9 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous soulignons que, le

10 28 septembre, nous avons déposé des écritures sur lesquelles, bien sûr,

11 nous nous appuyons et qu'aujourd'hui nous vous présentons des arguments

12 par oral qui sont extrêmement brefs et qui ne reprennent pas dans leur

13 ensemble les nombreux arguments présentés dans le mémoire en clôture.

14 Finalement, l'accusation vous demande d'imposer une sentence de 17 ans à

15 M. Sikirica, une sentence de 7 ans à M. Dosen et une sentence de 5 ans à

16 M. Kolundzija.

17 Voilà les arguments que nous voulions présenter aujourd'hui. Merci,

18 Monsieur le Président.

19 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ryneveld.

20 Maître Greaves, vous avez la parole.

21 (Présentation des plaidoiries de la défense relatives aux sentences.)

22 (Plaidoirie de la défense de M. Dusko Sikirica, par Me Greaves.)

23 M. Greaves (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

24 Je vais donc prendre la parole maintenant et j'espère en avoir terminé à

25 13 heures.

Page 5688

1 Mais ce que je dois dire d'emblée, Monsieur le Président, Messieurs les

2 Juges, c'est que l'accusé Dusko Sikirica va demander l'autorisation de la

3 Chambre pour pouvoir s'exprimer quelques instants très brefs, si vous lui

4 accordez cette autorisation, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): C'est accepté.

6 M. Greaves (interprétation): Je vous remercie.

7 Le premier point dont je veux traiter est le plaidoyer de culpabilité

8 prononcé par l'accusé, ainsi que le crédit qui revient à un tel plaidoyer.

9 Ce faisant, je tiens compte bien entendu de l'affaire "le Procureur contre

10 Stevan Todorovic", affaire à laquelle vous avez participé en juillet de

11 cette année.

12 Et je reprendrai notamment le paragraphe 81 de ce jugement, à savoir que

13 -je cite- "le plaidoyer de culpabilité est toujours important pour établir

14 la vérité en rapport avec un crime.

15 De façon générale cependant, un plaidoyer de culpabilité ne contribuera à

16 l'avantage public décrit ci-dessus que s'il est fait avant le début du

17 procès attenté à l'accusé. Inutile d'insister sur le fait que, lorsque le

18 plaidoyer est présenté à un stade ultérieur du procès ou après la fin du

19 procès, l'aveu volontaire de culpabilité ne représentera aucune économie

20 de temps, aucune économie d'effort pour le Tribunal pénal international et

21 ne constituera donc pas un avantage important." Fin de citation.

22 Donc, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est dans le contexte

23 de ce jugement déjà prononcé antérieurement que je m'adresse à vous

24 aujourd'hui et que j'essaierai de vous convaincre qu'il serait juste de

25 faire bénéficier l'accusé d'un crédit partiel au moins, du fait qu'il a

Page 5689

1 plaidé coupable dans la présente affaire avant la fin du procès.

2 Il est important, à notre avis, de revenir sur la position qui était la

3 sienne au début du procès: à ce moment-là, le Procureur avait affirmé que

4 cet accusé était coupable de persécutions mais également d'autres

5 infractions, telles notamment le crime de génocide. Ceci figure donc dans

6 les bases factuelles prises en compte par l'accusation à l'encontre de

7 l'accusé.

8 C'est dans ce contexte que le Procureur a présenté ses arguments au début

9 du procès, aussi bien dans le mémoire d'introduction que dans les autres

10 écritures du Procureur préalables au procès.

11 Il y a également les nombreux éléments à prendre en compte du côté du

12 Procureur, à savoir qu'à son avis, au départ, les persécutions étaient

13 pratiquement à égalité avec le génocide. Et ce qui a été retenu contre

14 Sikirica à l'époque se situait à Keraterm et, dans le contexte des

15 événements survenus en 1992. Mais un lien a été également établi entre

16 l'accusé et Omarska et Trnopolje, d'une part, ainsi que d'autres

17 événements beaucoup plus larges, beaucoup plus important, comme par

18 exemple le nettoyage ethnique de Kozarac et le renversement du pouvoir à

19 Prijedor en 1992.

20 Je ne reviendrai pas sur tous ces éléments en détail, mais je pense qu'il

21 est très important d'affirmer que, dans ces conditions, il n'y aurait eu

22 aucune perspective pouvant constituer une base d'accord entre l'accusation

23 et la défense, dans le cadre d'un accord de plaidoyer. Et ceci est

24 confirmé par le Procureur, compte tenu des modalités de ce qui a constitué

25 l'accord de plaidoyer en définitive. En effet, au départ, les parties

Page 5690

1 étaient donc trop loin l'une de l'autre et il n'y avait aucune base

2 permettant à l'accusé de plaider coupable de génocide. Donc le chef

3 d'accusation "génocide" aurait donné lieu à un procès de toute façon. Et

4 les témoins qui sont venus déposer en fait seraient venus déposer dans le

5 cadre du procès pour génocide.

6 Par ailleurs, la jurisprudence, je le dis, est très opposée, va grandement

7 à l'encontre d'un plaidoyer de culpabilité. Regardons l'affaire Erdemovic

8 qui est très souvent citée à l'appui d'un plaidoyer de culpabilité. De

9 nombreux conseils qui sont de ce côté du prétoire vous diront que

10 l'affaire Erdemovic était tout à fait unique et qu'elle était liée à des

11 circonstances assez exceptionnelles et tout à fait spécifiques. Et, même

12 si dans le jugement Erdemovic, il y a des incitations, d'après le Juge

13 Cassese, incitations à plaider coupable, ces incitations ont été

14 complètement détruites par l'affaire Jelisic, car Jelisic a effectivement

15 plaidé coupable et l'on ne peut pas dire qu'il en ait tiré de grands

16 avantages.

17 Donc, au début du procès qui nous intéresse, il n'y avait aucune

18 jurisprudence qu'un avocat aurait pu utiliser dans le cadre de ses

19 obligations professionnelles pour s'adresser à l'accusé et lui dire:

20 "Votre situation sera meilleure si vous plaidez coupable".

21 Donc qu'avons-nous devant nous et de quelle façon pouvons-nous parler des

22 circonstances particulières qui sont celles auxquelles nous sommes

23 confrontés aujourd'hui, à savoir un accusé qui, dans le procès déjà

24 commencé, en cours de procès, décide de plaider coupable? Ce sont des

25 circonstances tout à fait uniques pour ce Tribunal pénal international.

Page 5691

1 Et parlant de cela, je reprendrai des propos tenus par M. le Juge May, non

2 pas pour reprendre ce qui pourrait, à mes yeux, être considéré comme la

3 meilleure jurisprudence ou le meilleur système judiciaire du monde, mais

4 simplement parce que c'est cette jurisprudence du système britannique qui

5 est la plus développée par rapport au plaidoyer de culpabilité.

6 En effet, lorsque vous en arrivez à la sentence d'un accusé, dans le

7 système judiciaire britannique, il y a trois possibilités qui s'offrent à

8 vous s'agissant de prononcer la peine. La première possibilité est celle

9 où un accusé a plaidé non coupable par rapport aux crimes retenus contre

10 lui et que donc un jugement a eu lieu devant un jury. Ce jugement aboutit

11 à une déclaration de culpabilité; le juge peut rendre sa sentence vis-à-

12 vis de l'accusé en tenant compte de la gravité des faits qui lui ont été

13 présentés, qui seront donc à la base de la durée de la peine.

14 Deuxième cas: l'accusé a plaidé coupable et admis sans aucune réserve les

15 éléments matériels importants qui sont retenus à son encontre par le

16 Procureur, à moins qu'un accord ne soit conclu par écrit d'emblée au sujet

17 de ces faits. Dans ce cas, le juge est tout à fait équipé pour rendre une

18 sentence et il n'y a aucune remise en cause des faits. Donc les juges ont

19 toute possibilité de tirer les conclusions qu'ils tirent en toute liberté.

20 Il y a un troisième cas: et c'est celui, je crois, qui permettra aux Juges

21 de cette Chambre de voir de quelle autre façon il est possible de

22 concevoir la situation de l'accusé. L'accusé plaide coupable, mais il le

23 fait sur une base factuelle qui n'est pas acceptée par le Procureur. Je

24 vais vous donner un exemple d'une telle situation qui se présente assez

25 souvent. L'accusé est accusé d'avoir participé à une agression; il admet

Page 5692

1 avoir participé à cette agression effectivement, mais n'admet pas le fait

2 qu'il a participé à une série de coups de pied qui ont été donnés à la

3 victime. Et selon le droit britannique, le fait de donner des coups de

4 pieds à une victime est un élément aggravant lorsqu'il s'agit d'agression.

5 Donc le Procureur n'admet pas que cet accusé n'a pas donné de coups de

6 pied à la victime et, par conséquent, le Juge de première instance ordonne

7 qu'un procès ait lieu sur cette seule question. La question étant donc:

8 est-ce que l'accusé a donné des coups de pied à la victime ou a-t-il

9 simplement participé à l'agression en question d'une façon différente?

10 Le procès se déroule avec les Juges et en dehors de la présence d'un jury.

11 Les Juges entendent donc les éléments de preuve: le Procureur présente ses

12 éléments à charge et des éléments sont présentés à décharge également. A

13 la fin de cette audience, le Juge rend un jugement oral très court. Il

14 indique les faits qui ont été estimés vrais par lui et donc les bases sur

15 lesquelles il entend prononcer la sentence à l'encontre de l'accusé. La

16 défense, à ce moment-là, s'adresse au Juge et ne traite que de la

17 sentence. Si l'accusé est estimé coupable des faits retenus contre lui, il

18 est probable qu'il perdra quelque peu le crédit de son plaidoyer de

19 culpabilité. Mais combien de faits seront pris en compte pour déterminer

20 la véracité de la situation? c'est là que la question se pose.

21 Nous disons que, dans le cas qui nous intéresse, l'accusé, lors de la

22 présentation des éléments de preuve, est parvenu à se défendre avec le

23 plus grand succès contre les accusations de génocide mais également contre

24 les accusations de participation aux événements dont il a été question.

25 Et je reviens ici sur le fait qu'il est important de voir de quelle façon

Page 5693

1 les choses sont prises en compte, de se souvenir du rôle qu'a joué

2 l'accusé: des actions de l'accusé à l'intérieur du camp, des actions de

3 l'accusé à l'extérieur du camp, replacées dans le contexte du début du

4 procès. Un certain nombre de faits ne doivent plus être retenus par la

5 Chambre de première instance comme, par exemple, l'allégation selon

6 laquelle, suite au "massacre de la pièce 3", l'accusé aurait

7 personnellement tué 18 à 20 personnes. Et puis, il y a également

8 l'allégation de viol retenue au départ contre l'accusé et qui ne l'est

9 plus aujourd'hui.

10 Donc, si l'on examine, si l'on prend en compte le paragraphe 5 de l'accord

11 de plaidoyer, nous disons, avec le respect dû à la Chambre, que la

12 situation à laquelle nous sommes parvenus aujourd'hui n'aurait pas pu être

13 la situation du départ du procès si l'on s'en tenait simplement à des

14 extraits de déclarations de témoins, présentées par écrit à la Chambre. De

15 nombreux éléments nouveaux sont apparus depuis, qui expliquent la

16 possibilité de se trouver dans la situation actuelle. Je vais vous donner

17 un exemple.

18 Le Procureur a affirmé que l'accusé que je représente était commandant du

19 camp de Keraterm pendant toute la période prise en compte dans l'Acte

20 d'accusation. Nous disons que nous sommes parvenus à établir, et ceci fait

21 l'objet d'un accord incontesté, que les dates auxquelles notre client a

22 travaillé à Keraterm correspondent bien à sa défense d'alibi. Nous

23 n'aurions pas pu établir ce fait sans avoir entendu les témoins, notamment

24 en ce qui concerne les allégations de l'accusation qui placent notre

25 client dans un poste de garde à un barrage routier à Hambarine avant le 14

Page 5694

1 juin 1992. Nous avons réussi à infirmer ce fait.

2 Avec le respect dû à la Chambre, nous disons que l'accusé est donc dans

3 une situation, du point de vue des faits retenus contre lui, qui est tout

4 à fait différente de celle dans laquelle il se trouvait au début du procès

5 et qui n'aurait pas pu être possible d'atteindre en l'absence d'audition

6 des témoins.

7 Donc, en bref, nous disons que la position très différente de l'accusation

8 et de la défense au début du procès a fini par en arriver à une situation

9 plus proche et que cela n'aurait pas été possible sans l'audition des

10 témoins.

11 Il faut donc voir de façon tout à fait exacte ce qui s'est passé et le

12 rôle de l'accusé dans ce qui s'est passé; voir les choses de façon juste à

13 cet égard n'est possible que grâce à l'audition des témoins qui ont été

14 entendus. C'est suite à l'audition des témoins que les Juges de la Chambre

15 de première instance ont eu la possibilité d'être, de se retrouver dans la

16 situation que l'on qualifie souvent de "processus de recherche de la

17 vérité". Ceci n'a été rendu possible que par l'audition des témoins, que

18 par la présentation des éléments de preuve. Et tout cela permet, en

19 définitive, d'arriver à une position juste car la justice n'est rendue que

20 si un être humain est condamné sur la base de la prise en compte de faits

21 qui sont avérés et établis de la façon la plus juste qui soit.

22 C'est pour toutes ces raisons que nous disons, avec le respect dû à la

23 Chambre, que si l'on tient compte de toutes les circonstances que je viens

24 d'invoquer, mon client devrait bénéficier du côté, du caractère

25 exceptionnel et tout à fait unique de ces circonstances. Mais, bien sûr,

Page 5695

1 la Chambre pourrait dire que cela ne donne pas le feu vert à tout accusé

2 pour profiter de cet aspect assez spécifique. Mais nous disons que,

3 s'agissant du chef d'accusation de persécution, notre client pourrait très

4 raisonnablement être traité par la Chambre comme quelqu'un qui aurait

5 plaidé coupable dès le début et qu'il devrait donc tirer tout l'avantage

6 qu'il est possible de tirer de cet aspect des choses.

7 Par ailleurs, je dirai aux Juges de cette Chambre qu'il existe une

8 jurisprudence assez volumineuse et donc que cette jurisprudence permet aux

9 Juges de traiter la situation dans laquelle un accusé, sur un certain

10 nombre de faits, plaide coupable, mais plaide coupable par rapport à une

11 version qui diffère assez considérablement de celle présentée par

12 l'accusation.

13 C'est pour cela que je vous ai parlé du système judiciaire britannique,

14 qui est sans doute un système perfectible encore mais néanmoins

15 intéressant; c'est un système qui a permis de construire une jurisprudence

16 et même des règlements formels tout à fait intéressants au sujet des

17 plaidoyers de culpabilité.

18 Voilà les arguments que nous souhaitions présenter aujourd'hui en sus des

19 arguments que nous présentons par écrit dans notre mémoire.

20 Maintenant, j'aimerais parler des questions qui ont été traitées au cours

21 du procès.

22 Bien sûr, il y a un certain nombre de questions de fait qui sont

23 présentées par le Procureur dans son mémoire écrit mais, de notre côté, du

24 côté de la défense, nous demandons aux Juges de tenir compte pour

25 l'essentiel du plaidoyer de culpabilité. S'il y a, d'un côté, des faits

Page 5696

1 présentés par le Procureur, de l'autre côté, le plaidoyer de culpabilité,

2 nous demandons aux Juges de donner la priorité au plaidoyer de

3 culpabilité. Nous nous sommes appuyés sur les éléments qui ont été admis

4 dans l'affaire Todorovic et notamment sur le fait que les parties ne

5 devraient pas appeler à la barre des témoins susceptibles de discuter

6 d'éléments qui sont désormais convenus par les deux parties dans le cadre

7 de l'accord de plaidoyer.

8 J'aimerais parler maintenant de la sentence. Les affirmations qui ont été

9 faites et l'impression qui a été acquise, c'est "qu'on rassemblait les

10 prisonniers, qu'ils ont arrêté des gens, qu'ils les ont enfermés à

11 Keraterm et que toutes ces activités étaient exclusivement et uniquement

12 les activités de personnes de nationalité serbe".

13 Or, je demanderai aux Juges de se rappeler que Drago Tokmadzic, un Croate,

14 a participé lui aussi au rassemblement d'un certain nombre de personnes

15 qui ont été amenées à Keraterm à une époque. Donc il y a eu une époque où

16 certaines personnes, qui étaient de nationalité autre que serbe, ont

17 participé avec le plus grand bonheur au processus qui a eu lieu. Et il ne

18 fait aucun doute que cela a eu lieu. Donc décrire les événements comme

19 étant le fait exclusivement de personnes de nationalité serbe est une

20 façon de voiler la vérité selon la défense.

21 Paragraphe 28: le Procureur parle du quartier général du camp de Keraterm.

22 Mais vraiment, avec le respect que nous devons à la Chambre, nous disons

23 que baptiser ce bâtiment, lui donner ce nom est vraiment une exagération.

24 Vous avez vu ce bâtiment, Messieurs les Juges, vous avez vu les

25 photographies produites par l'accusation et par la défense et je vous

Page 5697

1 demanderai de regarder encore une fois ces photographies.

2 Il s'agit d'un entrepôt bien sûr, mais de l'avis de la défense, cela

3 montre bien l'importance du détachement de sécurité chargé de garder ce

4 bâtiment et donc l'importance de Dusko Sikirica et des hommes qui

5 l'accompagnaient. Ils étaient…, ils avaient pour tâche de rester assis

6 dans une petite guérite, à quelque distance du bâtiment principal. Et ce,

7 à quelle fin? Eh bien, avec pour fin de surveiller, de garder et d'assurer

8 la sécurité de ceux qui interrogeaient les prisonniers. Ils avaient donc

9 un rôle tout à fait secondaire par rapport au rôle primordial joué par les

10 officiers qui posaient les questions. Knezevic avait un bureau à Prijedor,

11 au poste de police et Dusko Knezevic dirigeait les installations de

12 Keraterm à partir de ce bureau. Un bureau beaucoup plus présentable. Le

13 Procureur s'est appuyé sur trois témoins pour dire qu'il s'agissait du

14 quartier général du camp de Keraterm. Je crois pouvoir dire, si ma mémoire

15 ne me fait pas défaut, qu'aucun des témoins n'a utilisé ce terme de

16 "quartier général". Je ne vais pas vous donner lecture du compte rendu

17 d'audience des témoignages faits par les trois témoins pour baptiser ce

18 bâtiment de ce nom, mais je demanderais aux Juges de bien vouloir lire une

19 nouvelle fois ces passages du compte rendu d'audience qui montrent bien

20 qu'il est juste de dire, comme le dit la défense, que baptiser ce bâtiment

21 en l'appelant "quartier général" est une grossière exagération.

22 Paragraphe 28 également, il est dit dans le mémoire du Procureur que

23 l'accusé occupait un rôle, une position de supérieur hiérarchique. Avec le

24 respect que je dois à la Chambre, je dis que si nous prenons en compte les

25 éléments de preuves présentés au cours du procès, nous voyons que l'accusé

Page 5698

1 que je représente ne pouvait tout simplement pas occuper une position de

2 supérieur hiérarchique. Vous vous rappellerez avoir entendu des témoins

3 qui ont parlé de quelqu'un qui simplement circulait en toute liberté dans

4 le camp.

5 Donc, nous disons que ceci ne justifie pas de dire qu'il avait une

6 supériorité hiérarchique à celle de militaire car il n'appartenait pas à

7 la chaîne hiérarchique et ne pouvait pas donner des ordres à d'autres

8 officiers. Bien sûr, il était responsable des visiteurs, il avait donc à

9 leur égard une certaine compétence mais ces visiteurs n'étaient pas placés

10 sous son commandement exclusif. Ses charges, ses obligations par rapport

11 au visiteur consistaient simplement à vérifier l'autorisation qu'avaient

12 ces visiteurs de pénétrer dans le camp.

13 Au paragraphe 8 également…

14 M. le Président (interprétation): Maître Greaves, ce qui était entendu par

15 "l'expression position de supérieur hiérarchique par rapport à lui"

16 revenait à dire, selon vous, qu'il avait simplement la liberté de circuler

17 en permanence dans le camp, à la différence d'autres personnes?

18 M. Greaves (interprétation): Oui. Et les équipes de garde relèvent de

19 cette catégorie, dirons-nous. Nous décrivons les choses de façon plus

20 détaillée dans notre mémoire écrit.

21 S'agissant de la responsabilité de commandement, nous disons encore une

22 fois aux Juges de cette Chambre qu'il faut lire ce qui a été dit par le

23 Procureur avec la plus grande attention en tenant compte des détails et en

24 comparant, à chaque instant, avec le contenu de l'accord de plaidoyer.

25 Paragraphe 29, le Procureur affirme que certains biens ont été confisqués

Page 5699

1 par notre client.

2 Nous réfutons ce fait, notamment s'agissant des cartes d'identité qui ont

3 été prises à certains détenus, et finalement restituées à ces détenus par

4 la suite. L'observation selon laquelle un grand nombre de prisonniers, un

5 grand nombre de détenus ont vu leurs biens personnels confisqués et ce, au

6 cours de passages à tabac, est commentée de la façon suivante par la

7 défense. Il est exact que des passages à tabac ont eu lieu mais nous

8 disons, avec le respect que nous devons à la Chambre, qu'il est

9 remarquable de voir le nombre très réduit de témoins qui disent avoir été

10 passés à tabac au moment de leur arrivée à Keraterm.

11 Nombre très réduit, si l'on compare les victimes de Keraterm à celles de

12 Celebici où pratiquement, tous les prisonniers disent avoir été passés au

13 moment de leur arrivée à Celebici.

14 Nous disons donc, dans la présente affaire, que les passages au moment de

15 l'arrivée des détenus dans le camp étaient l'exception plutôt que la

16 règle.

17 Paragraphe 31, la deuxième phrase et la troisième phrase de ce paragraphe

18 utilisent le terme "inspecteur" comme s'il s'agissait d'une description

19 qui ne correspond pas tout à fait aux personnes dont on parle.

20 Encore une fois, je vous rappellerai que vous avez entendu un grand nombre

21 de personnes qui ont été interrogées à Keraterm et qui vous ont décrit les

22 personnes qui les ont interrogés. Vous avez également entendu une personne

23 qui procédait aux interrogatoires et nous disons que ce terme correspond

24 tout à fait à la réalité du travail effectué par les personnes en

25 question.

Page 5700

1 Ce rôle est remis en cause par l'accusation, mais nous disons qu'il

2 correspond tout à fait à la réalité.

3 L'affirmation de passages à tabac, accompagnant régulièrement les

4 interrogatoires, nous disons que ceci n'est pas étayé par le compte rendu

5 d'audience. Il y a eu deux témoins qui ont affirmé avoir été frappés par

6 des gardes pendant leur trajet jusqu'au lieu d'interrogatoire, et de

7 retour du lieu de l'interrogatoire, et il est éventuellement possible

8 d'admettre que deux personnes aient, à juste titre, parlé de mauvais

9 traitements au cours de l'interrogatoire. Cependant, Monsieur le

10 Président, et Messieurs les Juges, il n'y a pas eu de nombreux témoins qui

11 ont évoqué ces faits, et ceci, d'après la défense, n'est donc pas un

12 événement qui accompagnait régulièrement les interrogatoires.

13 Si cela avait été le cas, l'affirmation de torture, l'allégation de

14 torture aurait pu être retenue par le Procureur, ce qui n'a pas été le

15 cas. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas eu régulièrement des passages à tabac

16 au cours des interrogatoires, c'est ce sur quoi incite la défense.

17 Paragraphe 32, il y est dit qu'après avoir été frappés, les détenus n'ont

18 reçu aucun soin médical. Là encore, avec le respect que nous devons à la

19 Chambre, nous disons que ceci est inexact car, en fait, le Procureur a

20 parlé de la présence de Dusko Sikirica à l'hôpital et tente de vous

21 présenter cette présence à l'hôpital comme un signe négatif, alors qu'en

22 fait sa présence montre bien que des détenus étaient emmenés à l'hôpital

23 pour y recevoir les soins nécessaires.

24 Paragraphe 33, les faits évoqués dans ce paragraphe ne sont pas

25 nécessairement remis en cause mais j'invite les Juges de cette Chambre de

Page 5701

1 se rappeler un certain nombre d'éléments de preuve. Le témoin Z notamment,

2 ainsi qu'un certain nombre de détenus qui ont parlé du recueil des corps

3 et du fait que les corps ont été emportés au cimetière. Donc même si les

4 funérailles n'étaient pas organisées de la façon la plus digne et la plus

5 respectable qui soit, les corps ont tout de même été enterrés. Il faut

6 tenir compte, bien entendu, du grand nombre de personnes qui ont été tuées

7 et du fait que, dans d'autres circonstances, ces morts n'ont reçu aucune

8 sépulture. Mais, dans le cas qui nous intéresse, il y en a tout de même

9 eu.

10 Paragraphe 34, pour finir. Le Procureur utilise l'expression "les

11 autorités serbes ont tiré sur les occupants de la pièce n°3". Encore une

12 fois, les éléments de preuve, les témoins n'ont pas indiqué exactement

13 quel était le poste des auteurs de ce massacre. Selon la défense,

14 l'identité de ces auteurs n'est pas tout à fait claire et il n'est donc

15 pas prouvé, au-delà de tout doute raisonnable, qu'il se soit agi des

16 autorités du camp. Il était possible qu'en fait, il se soit agi de

17 personnes venues de l'extérieur, indépendantes qui, pour une raison

18 inconnue de nous, seraient venues commettre ces actes.

19 Donc la défense affirme, avec le respect dû à la Chambre, que l'emploi du

20 terme, de l'expression "autorités serbes" n'est pas approprié.

21 Maintenant, je vais en revenir non pas au mémoire de l'accusation, mais

22 des observations et des arguments qui ont été présentés au sujet des

23 conditions de vie qui existaient au camp.

24 Premièrement, en ce qui concerne la nourriture, M. Ryneveld a répété les

25 éléments de preuve présentés par l'accusation; c'est malheureux qu'il

Page 5702

1 n'ait pas repris ce qui a été dit par certains témoins de la défense, ce

2 qui a certainement incité à la conclusion de l'accord de plaidoyer par

3 certains de ses collègues.

4 On nous a enfin présenté des arguments au sujet de son devoir de ne pas

5 autoriser n'importe qui à entrer dans le camp. Bien entendu, cela fait

6 partie du travail d'un responsable de la sécurité, mais si l'on condamne

7 ici cet homme pour ce qu'il a fait ou ce qu'il n'a pas fait, à ce moment-

8 là, il faut se poser la question suivante: est-ce que les devoirs et la

9 capacité de faire sont la même chose?

10 Il est possible qu'il ait eu un devoir mais sa capacité d'empêcher les

11 gens d'entrer dans le camp était des plus limitées. Prenez quelqu'un comme

12 Zoran Zigic qui est jugé dans une autre affaire; donc si vous vous trouvez

13 face à cet homme qui est animé d'intentions meurtrières, qui aime tuer

14 -cela apparaît dans les éléments de preuve présentés en l'espèce-, eh

15 bien, il faut vraiment être extrêmement courageux pour s'opposer à cet

16 homme et lui dire: "Non! Tu n'entreras pas dans le camp". Je me demande

17 combien d'entre nous ici, dans ce prétoire, aurait eu le courage de le

18 faire face à un tel homme, un homme à la personnalité et aux tendances de

19 Zoran Zigic. Je pense qu'il y en aurait eu très peu d'entre nous qui

20 auraient pris cette décision.

21 Maintenant, je vais évoquer ce qui a été dit au sujet de Dusko Sikirica.

22 J'en ai parlé avec mes confrères; cela ne figure pas dans les éléments de

23 preuve, mais je pense que ce n'est pas contesté, à savoir que l'accusé

24 était quelqu'un de bonne moralité, à savoir qu'il n'avait jamais été

25 condamné précédemment. C'est un père de famille, il a deux enfants jeunes,

Page 5703

1 qui vont à l'école. Et il faudra également, je pense, Messieurs les Juges,

2 que vous ayez à l'esprit les témoignages de moralité qui ont été présentés

3 dans le cadre de l'audition des témoins. Inutile de revenir sur ces

4 éléments: je pense que vous en tiendrez compte.

5 Je pense qu'il serait ridicule d'avancer que Keraterm était un camp de

6 vacances et loin de moi l'idée de le faire. Et surtout, je ne voudrais que

7 personne ne pense ici, à la lecture de notre mémoire ou après notre

8 intervention, que nous estimions que Keraterm était autre chose qu'un

9 endroit extrêmement désagréable et déplaisant.

10 Cependant, il faut quand même avoir un certain nombre de choses à

11 l'esprit. Premièrement, en ce qui concerne Dusko Sikirica: ce camp avait

12 été mis en place quelques semaines avant son arrivée et c'est l'endroit

13 auquel on lui a dit d'aller travailler. On peut donc dire très justement

14 que le mode de vie qui prévalait à Keraterm, ce n'est pas lui qui l'a mis

15 en place. Quand il a été nommé pour aller travailler à Keraterm, il y

16 avait déjà une culture, si je puis dire, qui existait, un mode de vie qui

17 existait et qu'il n'était pas en mesure de changer ou qu'il aurait été

18 très difficile pour lui de modifier, une fois que ce système avait été

19 établi; en particulier, quand on voit le type d'autorité qui lui avait été

20 conféré par Dusko Knezevic.

21 Nous avançons que, du fait du peu d'autorité dont il disposait et du fait

22 qu'il existait déjà un système de mauvais traitements, lorsqu'il est

23 arrivé, il lui était extrêmement difficile, voire impossible, vu son

24 niveau d'autorité, de modifier la situation, une fois que le système avait

25 été mis en place et qu'il était habituel et admis que des gens comme Zoran

Page 5704

1 Zigic "vaquent à leurs occupations", si je puis dire. Donc, à ce moment-

2 là, il aurait été extrêmement difficile et il aurait fallu faire preuve

3 d'un courage exceptionnel pour modifier la situation.

4 Nous avançons que l'autorité et le rôle de Dusko Sikirica étaient tels,

5 dans les faits, qu'il lui était impossible de faire quoi que ce soit pour

6 modifier la situation. Bien entendu, du fait d'actes de négligence, à

7 savoir du fait de pas faire quelque chose, on pourrait dire qu'il est

8 quand même en faute. Et c'est en partie pour cela également qu'il a plaidé

9 coupable. Mais nous avançons que l'autorité dont il disposait -et c'est

10 sur cela qu'il faut le condamner, qu'il faut prononcer sa peine -, nous

11 estimons que cette autorité était pratiquement inexistante.

12 Ceci m'amène à faire un certain nombre de comparaisons entre l'affaire qui

13 nous intéresse ici et d'autres affaires. Nous savons bien sûr que, dans un

14 certain nombre de jugements et d'arrêts, le Tribunal a indiqué qu'il est

15 malvenu souvent de faire des comparaisons entre diverses affaires. C'est

16 sans doute le cas parce que le Tribunal a jugé d'affaires bien

17 différentes, où les situations et les faits varient grandement.

18 Cela étant dit, nous souhaitons cependant rappeler à MM. les Juges un

19 certain nombre de questions relatives à deux affaires.

20 Premièrement, l'affaire Celebici, aussi bien au niveau de l'instance que

21 de l'appel. Vous vous souviendrez, Messieurs les Juges, ou vous pourrez

22 vous référer aux paragraphes 717 à 721 de l'arrêt dans Celebici, qui

23 précisent toutes les précautions que l'on doit adopter en comparant deux

24 affaires. Donc, cela étant dit, nous avançons que, lorsque les faits sont

25 comparables, il peut être bienvenu de faire des comparaisons et de

Page 5705

1 comparer deux affaires. Nous avançons qu'aussi bien dans Celebici que dans

2 Todorovic, vous avez des éléments qui permettent de dire que les affaires

3 sont comparables avec la nôtre.

4 Au paragraphe 717 dans Celebici, la Chambre d'appel a indiqué que la

5 Chambre de première instance a un pouvoir discrétionnaire considérable

6 lorsqu'il s'agit de déterminer la peine. Pourquoi? Du fait qu'il est

7 nécessaire d'individualiser la peine pour prendre en compte la situation

8 individuelle et personnelle de l'accusé et la gravité du crime et pour se

9 faire la Chambre doit évaluer les circonstances atténuantes et aggravantes

10 pour chaque accusé.

11 Et les circonstances prises en compte par les Chambres de première

12 instance à ce jour apparaissent clairement dans les jugements et dans les

13 peines prononcées des peines variées et ensuite la Chambre d'appel nous

14 indique le nombre de peines qui ont été prononcées.

15 Ensuite, la Chambre d'appel au paragraphe 719 dit -et je cite-: "Il est

16 noté que toutes les parties dans cette affaire demandent à la Chambre

17 d'appel de comparer leur affaire avec d'autres affaires pour persuader la

18 Chambre d'appel soit d'augmenter, soit de diminuer la peine.". Et la

19 Chambre d'appel note que, bien souvent, ce genre de comparaison n'est pas

20 très utile. Mais là et –là- la Chambre d'appel dit quelque chose

21 d'important -je cite-: "Si elle n'est pas en désaccord avec le fait que

22 l'on peut attendre à ce que deux accusés reconnus coupables de crimes

23 semblables, dans des circonstances semblables, ne devraient pas recevoir

24 des peines différentes. Et bien souvent il peut y avoir des circonstances

25 aggravantes et atténuantes très différentes, si bien que le prononcé de la

Page 5706

1 peine est un processus individuel". Fin de citation. Donc nous avançons

2 qu'il est possible de faire des comparaisons.

3 Ensuite, dans le même arrêt au paragraphe 756, la Chambre d'appel dit -je

4 cite-: "La confiance du public dans l'intégrité de l'administration de la

5 justice soit au niveau national ou international est essentielle pour la

6 survie de l'institution judiciaire. L'un des éléments fondamentaux de tout

7 système rationnel et équitable de système pénal, c'est la cohérence des

8 peines prononcées et on a vu au niveau national que la confiance du public

9 peut être affectée si les institutions judiciaires prononcent des peines

10 très différentes pour des crimes semblables."

11 (Note de l'interprète: J'ai fait un bref résumé de ce texte qui est lu à

12 la vitesse de la lumière.)

13 Les deux paragraphes suivants de l'arrêt sont également très intéressants,

14 je vous invite à les lire. Nous avançons donc qu'il s'agit de principes

15 qui doivent s'appliquer à la peine en l'espèce et, peut-être après le

16 déjeuner pourrais-je évoquer deux affaires dont je pense qu'il est juste

17 que je les compare à la nôtre.

18 M. May (interprétation): Veuillez répondre à la chose suivante, Maître

19 Greaves. Si vous avez l'intention d'évoquer Todorovic, je peux d'ores et

20 déjà vous dire que c'est une affaire différente. Il ne s'agit pas d'un

21 camp et ensuite il y a eu des circonstances atténuantes considérables du

22 fait du moment où le plaidoyer de culpabilité a été prononcé et il y a eu

23 coopération importante de la part de l'accusé, ce qui n'est pas le cas en

24 l'espèce.

25 M. Greaves (interprétation): Si vous me le permettez, je pourrais répondre

Page 5707

1 à cet argument.

2 M. le Président (interprétation): Fort bien. Vous pourrez le faire cet

3 après-midi. Nous allons, en effet, faire la pause déjeuner et nous

4 reprendrons à 14 heures 30.

5 Sir Lawrence (interprétation): Puis-je demander respectueusement à la

6 Chambre jusqu'à quelle heure nous allons siéger ce soir?

7 M. le Président (interprétation): Je pense que ce sera peut-être jusqu'à

8 16 heures ou 16 heures 15 et, de toute façon, nous allons siéger demain.

9 Sir Lawrence (interprétation): Merci beaucoup.

10 (L'audience, suspendue à 12 heures 56, est reprise à 14 heures 35.)

11 M. le Président (interprétation): Maître Greaves?

12 M. Greaves (interprétation): Monsieur le Président, M. le Juge May a

13 rappelé qu'il existait des différences entre la présente affaire et

14 l'affaire Todorovic pour trois raisons.

15 Premièrement, le fait qu'au moment où le plaidoyer avait été fait, j'ai

16 déjà expliqué cela et je ne vais pas y revenir.

17 Deuxièmement, il a dit que la deuxième différence c'était le niveau de

18 coopération de l'accusé. Je ne suis pas en mesure, et je le reconnais, de

19 prétendre que l'accusé a beaucoup coopéré dans le cadre de la

20 jurisprudence du Tribunal.

21 La troisième différence qui a été avancée, c'est qu'ici nous avons à faire

22 à un camp alors que l'affaire Todorovic n'était pas une affaire qui

23 impliquait un camp. Et je souhaiterais répondre à cette objection. Certes,

24 dans Todorovic il n'y avait pas de camp mais c'était une affaire qui

25 impliquait la persécution donc il peut être très utile de faire la

Page 5708

1 comparaison, puisque Keraterm c'était un cas de persécutions qui se

2 déroulait à une plus grande échelle que Prijedor. On peut donc faire des

3 comparaisons assez utiles et voir le rôle de Todorovic donc qui avait un

4 rôle qui allait au-delà de la simple détention.

5 Deuxième chose, où je pense qu'il est possible de faire une comparaison

6 utile entre notre affaire et Todorovic. Todorovic était chef de la police

7 à Bosanski Samac, c'était un des membres de la cellule de crise. Si on

8 place cela dans le contexte de Prijedor, la personne qui occupait le même

9 poste à Prijedor était Simo Drljaca, un homme qui a fait l'objet d'un acte

10 d'accusation au tribunal et qui, ensuite, est décédé. C'était à la fois le

11 chef de la police et un membre de la cellule de crise à Prijedor donc,

12 position qu'occupait Todorovic, et les éléments aggravant dans sa

13 persécution des actes de persécutions sont les mêmes que pour Simo

14 Drljaca.

15 Or, notre client –lui- est beaucoup plus bas dans l'échelle hiérarchique.

16 On ne peut absolument pas dire qu'il représente les autorités qui

17 contrôlent et qui organisent les événements. Donc ce n'est pas une

18 similitude que j'avance ici mais c'est un point de comparaison très utile:

19 Todorovic avait une autorité qui allait beaucoup plus long, qui était

20 beaucoup plus importante que mon client.

21 Il suffit de se pencher sur les paragraphes 42 à 47 du jugement que vous

22 avez rendu dans cette affaire pour comprendre le contexte dans lequel

23 évoluait cet accusé, à la différence de notre affaire où vous avez

24 l'accusé qui évolue dans un seul, sur une seule scène, celle du camp de

25 Keraterm.

Page 5709

1 Autres comparaisons que l'on peut faire et nous estimons qu'elles sont

2 pertinentes et appropriées, c'est la chose suivante: tout d'abord, notre

3 client n'a pas été un dirigeant ou quelqu'un qui a organisé la prise de

4 contrôle armée Prijedor puisque c'était un membre des forces de réserve de

5 la police et il a joué son rôle en tant que tel. Au paragraphe 35 du

6 jugement dans Todorovic, on peut voir que l'accusé dans cette affaire-là a

7 joué un rôle bien différent surtout dans la prise de contrôle de la ville.

8 Deuxièmement, Todorovic a fait des aveux en ce qui concerne un meurtre. Je

9 ne vais pas entrer dans les détails sauf pour dire que ce qui a été repris

10 dans le mémoire de la défense, c'est qu'en fait lorsque nous avons dit

11 dans notre mémoire que pour le meurtre commis par notre client, la

12 personne en question n'avait pas souffert et était morte tout de suite;

13 c'était pour comparer cela avec le meurtre commis par Todorovic qui était

14 bien différent.

15 Autre point de comparaison, et cela figure dans l'accord de plaidoyer, il

16 est vrai qu'on a reconnu qu'il y avait eu des viols mais à aucun moment

17 notre client n'a reconnu avoir été coupable de ces viols, c'est bien

18 différent de ce qui concerne Todorovic. Je ne vais pas entrer dans les

19 détails, mais cela figure aux paragraphes 37 et 38, il y a des choses qui

20 se sont passées, des circonstances qui sont différentes de la nôtre.

21 Et on peut également se référer pour s'en convaincre aux paragraphes 39 à

22 41 du jugement, donc circonstances ou éléments différents. Pour continuer

23 dans ce sens, Todorovic, du fait de sa position de pouvoir bien supérieur,

24 du fait de son grade, a participé à des persécutions à beaucoup plus

25 grande échelle; et, si on compare avec l'affaire de Prijedor, c'est comme

Page 5710

1 s'il avait été responsable de la mise en place de Keraterm, Omarska,

2 Trnopolje, du nettoyage ethnique à Kosovac, de tous les autres volets du

3 nettoyage ethnique qui ont eu lieu.

4 Et en utilisant cette comparaison, on se peut se rendre compte du rôle

5 beaucoup plus limité de Sikirica et voir où il s'inscrit dans ce contexte.

6 Autre affaire que l'on peut utiliser pour la comparer à notre affaire,

7 c'est celle de Celebici qui concerne un camp avec le commandant du camp

8 qui s'appelle Pavo Music.

9 Je sais que ceci fait l'objet d'une affaire devant cette Chambre, donc je

10 limiterais mon intervention à ce sujet mais je pense qu'il y a des points

11 de comparaison que l'on peut évoquer et qui sont les suivants. Un instant,

12 je vous prie.

13 Si vous vous en souvenez, dans le jugement portant sentence ou plutôt le

14 jugement de la Chambre de première instance, paragraphe 12000 ou 1241, le

15 camp de Celebici a été mis en place pour y détenir des Serbes de Bosnie de

16 la municipalité de Konjic dont on doutait de la loyauté envers l'Etat de

17 Bosnie-Herzégovine. On a estimé que la solution pour éviter qu'ils ne

18 fassent peser des risques pendant les opérations militaires menées par le

19 Gouvernement de Bosnie, c'était de les détenir dans le camp de Celebici.

20 La Chambre de première instance a estimé que les conditions qui existaient

21 au camp de Celebici étaient insuffisantes par rapport au nombre de détenus

22 et que ceux qui ont mis en place ce camp ne se sont pas posé les questions

23 de savoir si l'endroit était approprié pour y détenir des gens car c'était

24 un endroit qui n'était pas utilisé comme une prison avant la guerre. De

25 plus, les détenus étaient des Serbes de Bosnie qui étaient qualifiés comme

Page 5711

1 étant en opposition à la survie d'un Etat bosniaque indépendant.

2 La Chambre a estimé que les conditions de détention à Celebici étaient

3 très dures et même inhumaines: les détenus recevaient des rations de

4 famine et les conditions sanitaires étaient inacceptables; les gardes

5 étaient hostiles envers les détenus; la torture et les mauvais traitements

6 étaient monnaie courante. Les détenus mouraient souvent; personne ne

7 semblait s'inquiéter de la survie des détenus.

8 Ceci, c'étaient les conditions qui résultaient des intentions de M.

9 Zdravko Music, commandant du camp, puisqu'on a pu voir que Music nommait

10 les gardes et qu'il a également, dans la personne de son adjoint, choisi

11 quelqu'un qui obéissait à ses ordres.

12 De plus, le camp se trouvait dans la caserne de Celebici où les soldats de

13 l'armée de Bosnie pouvaient entrer comme ils le souhaitaient.

14 "Monsieur Music était responsable des conditions de détention au camp et

15 de la détention illégale des personnes qui s'y trouvaient. Il n'a rien

16 fait pour sanctionner ceux qui maltraitaient les prisonniers; il n'a rien

17 fait pour prévenir ce genre d'actes, ce qui entraînait parfois la mort de

18 détenus.

19 En fait, il a été montré qu'il n'était jamais au camp lorsque ces mauvais

20 traitements avaient le plus de chances de se produire." Fin de citation.

21 (L'interprète signale qu'il s'agit d'une traduction approximative en

22 raison de la rapidité de la lecture.)

23 Nous avançons qu'il y a des différences, mais qu'il y a quand même des

24 ressemblances entre Celebici et Keraterm. Il y avait moins de gens à

25 Celebici, mais le camp a duré beaucoup plus longtemps: de mai jusqu'en

Page 5712

1 novembre 1992.

2 Donc il y a des similitudes que l'on peut tout de suite distinguer entre

3 les deux affaires. Il y en a une en particulier que l'on peut considérer

4 comme particulièrement pertinente ici. C'est la suivante: Music c'était

5 quelqu'un -c'était évident- qui négligeait ses obligations. Il

6 disparaissait dès qu'il y avait des problèmes; il allait à la pêche ou il

7 allait voir les membres de sa famille. Ceci a été constaté par la Chambre

8 de première instance. Et c'est du fait de sa négligence, plus que de toute

9 autre chose, plutôt que d'actions positives de sa part, plutôt que par des

10 encouragements, que les mauvais traitements ont eu lieu et que sa

11 responsabilité a été mise en jeu.

12 Nous avançons, quant à nous, qu'il y a beaucoup de choses qui se

13 ressemblent entre ces deux camps, mais il y a une différence cependant:

14 c'est qu'on peut comprendre, d'après ce qu'a dit la Chambre de première

15 instance, que Music avait le pouvoir de sanctionner ceux qui étaient dans

16 le camp où il se trouvait, ce qui est différent avec notre affaire

17 puisqu'il a été admis par les parties que notre client, lui, n'avait aucun

18 pouvoir de ce genre.

19 Et c'est un pouvoir qui est extrêmement important, car le pouvoir de

20 sanctionner, si on ne l'a pas, à ce moment-là, cela fait qu'il est

21 extrêmement difficile d'exercer une autorité quelle qu'elle soit. Parce

22 qu'en fait, on envoie quelqu'un faire un travail sans lui donner les

23 pouvoirs nécessaires pour réaliser ce travail. Et c'est ce qui s'est passé

24 en ce qui concerne Sikirica, c'est qu'on ne lui a pas donné les

25 instruments nécessaires pour faire son travail correctement: on lui a

Page 5713

1 donné quinze hommes pour en surveiller 1.500.

2 Et Zivko Knezevic, tout indique que c'était quelqu'un qui ne souhaitait

3 pas donner à Sikirica, ou à quiconque d'autre à Keraterm, la possibilité

4 de sanctionner les personnes qui se rendaient coupables d'actions indues.

5 Donc, dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de voir ce qui est

6 arrivé dans le camp du fait de la façon dont il était organisé.

7 Nous faisons cette comparaison, car nous estimons que ces comparaisons

8 sont pertinentes. On peut ainsi voir où se trouvent les acteurs dans la

9 hiérarchie, dans leur contexte respectif. Bien entendu, ici, nous n'avons

10 pas un accusé qui a coopéré avec l'accusation, qui a témoigné Todorovic et

11 Sikirica, on peut également distinguer des similitudes.

12 Et c'est pourquoi nous nous permettons de comparer cette affaire avec

13 aussi bien Todorovic que Celebici.

14 C'est pour cette raison que nous demandons une peine de dix ans.

15 Je souhaiterais maintenant que nous passions rapidement à huis clos.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous passons à huis clos.

17 (Huis clos partiel à 2 heures 50.)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 5714

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13 Page 5714 –expurgées– audience à huis clos partiel.

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Page 5715

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (Audience publique à 14 heures 55.)

20 M. Greaves (interprétation): Il y a deux questions que je souhaiterais

21 aborder brièvement. J'ai pris un peu plus de temps que prévu mais il y a

22 deux éléments, je pense, qu'il convient de prendre en compte.

23 Premièrement: vous avez reçu un rapport de M. McFadden, un rapport très

24 bref, mais un rapport qui va droit au but, qui indique que mon client est

25 un excellent prisonnier pendant toute sa détention.

Page 5716

1 Cela a été le cas -deuxième chose- pendant tout le procès: je crois et

2 j'espère qu'il s'est conduit de façon exemplaire. Il n'a montré aucun

3 manque de respect envers qui que ce soit dans le tribunal bien que je lui

4 tourne le dos mais je crois et j'espère et je pense qu'il a toujours fait

5 preuve de beaucoup de respect pour cette institution. C'est à ce stade-là

6 que je souhaiterais que l'on demande la permission à mon client

7 d'intervenir et je vais m'asseoir si vous le permettez.

8 M. le Président (interprétation): Oui, certainement.

9 Monsieur Sikirica, je vous écoute. Vous pouvez prendre la parole.

10 M. Sikirica (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

11 Pour commencer, je voudrais vous remercier de m'avoir accordé la parole.

12 Si vous n'avez pas d'objection, je souhaiterais vous demander la

13 permission de me permettre de lire. J'ai écrit ce texte moi-même car vous

14 savez c'est un peu difficile de parler oralement. Bien, merci.

15 Avant la guerre, nous vivions tous ensemble en harmonie, nous étions de

16 bons voisins, indépendamment de notre appartenance ethnique. C'était un

17 endroit merveilleux pour vivre, Prijedor, avant la guerre. J'avais des

18 amis qui ne tenaient pas compte des nationalités des personnes.

19 Malheureusement, quand la guerre a éclaté, nous avons dû aller là où on

20 nous a dit. Quoi faire? Nous avions soit la possibilité de refuser ou nous

21 n'avions pas la possibilité de refuser. Voulez-vous que je répète cette

22 dernière phrase?

23 Je répète: lorsque la guerre est arrivée, nous avons reçu l'ordre d'aller

24 là où nous avons reçu l'ordre d'aller. Nous n'avions absolument pas le

25 droit de refuser sinon c'était considéré, nous étions considérés comme un

Page 5717

1 déserteur. J'avais été envoyé à Keraterm car je n'ai…, malheureusement, je

2 n'ai pas aimé ce fait, j'aurais préféré aller ailleurs, mais je n'ai pas

3 eu le choix.

4 J'ai dû travailler à Keraterm. C'est la pire des choses qui auraient pu

5 m'arriver. Malheureusement, j'ai vu quelles étaient les conséquences que

6 les réfugiés serbes avaient vécues, les personnes qui s'étaient retrouvées

7 à Prijedor tout d'un coup. J'ai donc pu voir de quelle façon les gens

8 étaient traités, les gens qui ont dû quitter leur ville et leur demeure.

9 Je comprends tout à fait que ces événements ont eu des conséquences

10 néfastes et que même aujourd'hui les Musulmans se sentent opprimés.

11 Certaines personnes-mêmes qui étaient mes amis avant la guerre.

12 Après ce que j'ai vu, après avoir vu, après avoir compris les conséquences

13 de tout cela, je désire dire à cette Honorable Chambre que je regrette

14 énormément tous les événements qui se sont déroulés à Keraterm pendant que

15 j'y ai été. Je ressens seulement une grande tristesse pour toute la vie…,

16 pour toutes les personnes qui ont perdu leur vie et l'harmonie qui

17 n'existe plus à Prijedor et qui existait avant 1992.

18 Je suis vraiment désolé d'avoir contribué à la destruction des vies à

19 Keraterm. Je suis particulièrement désolé de ne pas avoir eu assez de

20 courage et assez de pouvoir pour empêcher les choses qui se sont

21 déroulées, toutes les atrocités qui ont eu lieu.

22 J'aurais adoré pouvoir avoir la possibilité de revenir en arrière et de

23 tout changer. Je comprends qu'en ayant pris la responsabilité de faire ce

24 que j'ai fait, je dois être trouvé coupable, je dois être jugé. J'espère

25 que ce qui m'arrive représente une bonne leçon pour l'avenir pour toutes

Page 5718

1 les personnes qui se trouvent dans une situation semblable et pour les

2 générations à venir.

3 Et j'espère profondément que l'on me pardonnera, car je sais très bien que

4 cela sera très difficile pour certaines personnes. J'espère également que

5 ma famille me pardonnera parce qu'à cause de mes actions, j'ai rendu leur

6 vie difficile. J'espère que les Musulmans vont pouvoir revenir plus tôt

7 dans leurs demeures et que tous les peuples vont pouvoir se réconcilier

8 grâce à ce qui m'arrive.

9 J'espère et je sais que je serai absent de Prijedor pendant une période

10 prolongée, mais je désire vous dire, Monsieur le Président, Messieurs les

11 Juges, quand je retournerai un jour à Prijedor, ce sera moi qui

12 représenterai, qui serai le porte-parole et qui parlerai contre ce genre

13 de comportements.

14 J'espère que vous allez accepter mes regrets, mes remords pour tout ce que

15 j'ai fait et pour tout ce que je n'ai pas fait.

16 Je ne m'apitoie pas sur mon propre sort. Je sais très bien que je dois

17 vivre ce que j'ai à vivre, mais je comprends et j'espère que, Monsieur le

18 Président, Messieurs les Juges, vous allez comprendre et me croire lorsque

19 je dis que je suis terriblement désolé de tout ce qui est arrivé et désolé

20 de ne pas pouvoir être dans ma ville avec ma famille.

21 Je sais qu'il est très difficile également de trouver les vrais mots pour

22 exprimer tout ce regret que je ressens. Mais j'espère que l'Honorable

23 Chambre comprendra le tout et rendra une décision juste.

24 Merci.

25 M. le Président (interprétation): Merci. Vous pouvez vous asseoir.

Page 5719

1 Oui, Monsieur Greaves, je vous écoute.

2 M. Greaves (interprétation): Monsieur le Président, pour terminer, je

3 souhaiterais simplement dire ceci.

4 L'accusation a parlé de la valeur qui doit être accordée à un plaidoyer de

5 culpabilité. Je ne vais pas vous parler comme si j'étais membre du jury;

6 c'est à vous de décider ce qui est juste, mais je vous demande de prendre

7 en considération le tout. Pour toutes les raisons, bien sûr, que nous vous

8 avons exposées, nous vous soumettons respectueusement que la sentence

9 appropriée serait celle de dix ans et que cette sentence pourra rencontrer

10 toutes les circonstances dont cet accusé devrait bénéficier.

11 M. le Président (interprétation): Merci.

12 Maître Petrovic, je vous écoute.

13 (Plaidoirie de la défense de M. Damir Dosen, par Me Petrovic.)

14 M. Petrovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la défense de l'accusé Damir

16 Dosen a présenté ses plaidoiries dans le mémoire final dans lequel nous

17 parlons de toutes les questions que nous considérons importantes lorsqu'il

18 s'agit de la détermination de la sentence. La défense ne souhaite pas

19 répéter tout ce qui a déjà été écrit, mais nous désirons néanmoins

20 souligner certains aspects que nous considérons très importants.

21 Vous avez devant vous, Messieurs les Juges, Damir Dosen qui est né à

22 Prijedor, en Bosnie-Herzégovine. Il est âgé aujourd'hui de 34 ans; à

23 l'époque de la commission du crime, il n'était âgé que de 25 ans.

24 Il a passé deux ans en détention au Tribunal pénal international. Il y a

25 quelques jours, il a plaidé coupable sur le troisième chef du deuxième

Page 5720

1 Acte d'accusation modifié. La défense désire soulever certaines

2 circonstances qu'elle considère importantes lorsqu'il s'agit d'accorder la

3 sentence pour notre client, et tout cela, en prenant en considération le

4 plaidoyer de culpabilité qui a eu lieu le 6 septembre de cette année.

5 Le Tribunal a entendu tous les événements qui se sont déroulés en Bosnie-

6 Herzégovine en 1992. Les points de vue exposés devant cette Chambre ont

7 été bien divergents. Très souvent, ils étaient très opposés les uns aux

8 autres, mais il y a certains points qui sont communs, qui peuvent bien

9 démontrer la situation qui prévalait à l'époque.

10 Cinquante ans se sont écoulés, cinquante ans pendant que les gens vivaient

11 en harmonie sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Tout d'un coup, presque

12 inopinément, il y a de grands bouleversements. Des oligarchies

13 nationalistes existant dans chaque ethnie ont commencé à s'exprimer et une

14 propagande sans scrupule, telle que l'a entendu Mme Anna Sophie Krever

15 [phonétique], qui était un témoin à charge. Donc les situations ont

16 commencé à être absolument insupportables. On a dit qu'il ne fallait plus

17 vivre ensemble et qu'il fallait tracer de nouvelles frontières. On a

18 inculqué aux gens la pensée qu'il fallait absolument combattre son voisin,

19 sinon son propre peuple n'existera plus.

20 Dans de telles circonstances, qu'un petit nombre de personnes ont pu se

21 mettre à l'écart de cette folie de la guerre, toutes ces personnes qui

22 sont restées dans leurs demeures n'ont pas pu être isolées, n'ont pas pu

23 se cacher de tous les événements politiques et de toute cette guerre. Dans

24 ce chaos qui a prévalu, plusieurs ayant tenu compte des circonstances, ont

25 été mobilisés contre leur propre volonté, ils ont été poussés à commettre

Page 5721

1 le mal international, qui a eu lieu sur le territoire.

2 Lorsqu'on parle de l'ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine, ce

3 qui caractérise cette période-là, c'était la période du début du mois

4 d'avril jusqu'à la fin des mois d'été 1992, lorsque, sur tout le

5 territoire de la Bosnie-Herzégovine, régnait une anarchie absolument

6 totale, un chaos absolument total également.

7 La même chose se voyait sur chaque segment de la vie sur le territoire de

8 Prijedor où l'ordre n'existait plus, où la civilisation n'existait plus et

9 où c'était le primitivisme et l'anarchie totale qui avaient pris le

10 dessus.

11 Ce comportement n'a pas laissé aux personnes ordinaires le choix de

12 décider et, dans ce chaos, dans cette anarchie, on n'a pas pu entendre la

13 voix individuelle de certaines personnes qui auraient voulu crier "non",

14 parce qu'elles étaient étouffées par le chaos de la guerre.

15 Et voilà, nous avons Damir Dosen qui s'est retrouvé dans toute cette

16 anarchie, dans ce chaos de la guerre. Damir Dosen, à l'époque, était un

17 soldat. Il était sans emploi, il était sans grade. Il avait reçu une

18 formation dans la guerre et il a travaillé dans la police. Cet homme

19 aujourd'hui se trouve devant vous et il doit répondre pour ce qui s'est

20 passé, ici, devant vous.

21 En tout début de cette affaire qui a été menée contre Damir Dosen,

22 l'accusation dans l'Acte d'accusation et dans ces déclarations

23 préliminaires a dit qu'il était le commandant de Keraterm et qu'il a

24 participé personnellement a de mauvais traitements à sept reprises, qu'il

25 encourageait les gardes qui se trouvaient dans son équipe. Il les a

Page 5722

1 encouragés, donc il les aurait encouragés à maltraiter les gens, à

2 torturer les gens et qu'il l'aurait fait de façon volontaire.

3 De plus, le Procureur affirme que, par son comportement, l'accusé a donné

4 un très mauvais exemple parce qu'il n'a pas sanctionné les gardes qui se

5 trouvaient sous son commandement lorsqu'ils ont commis des actes qui

6 n'étaient pas adéquats. Et c'est ce qu'on lui reproche selon l'Article 7.3

7 du Statut. Mais indépendamment de cela, il y a eu quatre chefs

8 d'accusation qui pesaient contre Dosen pour tortures et traitements

9 inhumains, il s'agit des points 12 à 15 dans l'Acte d'accusation

10 concernant le groupe de détenus de la pièce n°2, et également pour un

11 point pour lequel Dosen a été libéré devant cette Chambre selon l'Article

12 98bis.

13 Après avoir lu tout l'Acte d'accusation, après cela, lorsque nous avons vu

14 qu'on imputait à Dosen personnellement la responsabilité d'avoir mené tous

15 les mauvais traitements à l'encontre des non Serbes et d'avoir participé

16 au nettoyage ethnique dans la municipalité de Prijedor, l'accusé n'a pas

17 eu le choix et a dû faire partie des procédures qui ont été menées contre

18 lui-même pour essayer de prouver son innocence.

19 Et le 6 septembre, l'accusé n'a pu déclarer sa culpabilité seulement

20 lorsqu'en ayant suivi l'affaire nous avons pu voir à quel point où est-ce

21 qu'on considérait qu'il était coupable, lorsqu'on parle de sa

22 participation personnelle. C'est seulement à ce moment-là, lorsque

23 l'accusation a accepté de voir accepter ce qui existe dans la partie E de

24 l'accord entre les parties et lorsque la Chambre a décidé de donner une

25 décision concernant la libération qui figurait aux chefs de 6 à 15 et

Page 5723

1 lorsque l'accusation a simplement évalué la vraie culpabilité de Dosen au

2 camp de Keraterm, c'est à ce moment-là que Dosen s'est déclaré coupable

3 pour le chef 3 du deuxième Acte d'accusation modifié.

4 L'accusation a démontré aujourd'hui, en essayant de parler des

5 circonstances aggravantes qui existent, l'accusation a donc émis certaines

6 hypothèses qui sortent du champ de l'accord qui existe entre les parties

7 et c'est ainsi que, par exemple, ils ont parlé d'autorité hiérarchique, de

8 responsabilité hiérarchique disant que Dosen avait une position d'autorité

9 disant qu'il avait une position de confiance ou qu'il avait été présent

10 lors de passages à tabac et qu'il n'aurait rien fait pour les empêcher.

11 Aujourd'hui, le Procureur a élaboré, dans sa déclaration, dans son

12 réquisitoire que Dosen avait violé la confiance qu'on lui avait donnée en

13 tant que policier.

14 Aujourd'hui même, ni les témoins à charge ni les témoins à décharge ni les

15 représentants de la défense ni les membres du Bureau du procureur n'ont

16 jamais parlé du fait que Dosen ou que n'importe quel autre accusé présent

17 dans cette Chambre avait reçu la confiance de la population et qu'il

18 aurait violé cette confiance, que la population lui accordait.

19 Dans le manque d'éléments de preuve concernant le commandement, la

20 position de commandement, d'autorité supérieure, l'accusation désire faire

21 ou présenter une autre image de Dosen, même si on n'a rien reçu. On n'a

22 pas reçu d'éléments de preuve pour aller dans ce sens.

23 Si l'on parle de la confiance qu'accordait la population à un représentant

24 officiel, nous pourrions parler de la confiance qu'a un citoyen lorsque le

25 citoyen vote pour quelqu'un.

Page 5724

1 Il est absolument faux de dire que Dosen, en faisant son travail selon la

2 loi, avait été mobilisé et avait été placé dans la police comme policier

3 de réserve. Il faut également tenir en compte que le tout se déroulait

4 pendant la guerre et lorsque l'on observe le tout, cette situation le fait

5 qu'il ait accepté de faire ce travail, représente une obligation

6 militaire, ce n'est pas un poste qu'il a reçu grâce à la confiance que la

7 population lui a donnée.

8 Il était le chef d'équipe, il est vrai, il avait une autorité sur 6 à 12

9 gardes. C'est une façon de dire… Il est vrai qu'on essaie de dire que

10 Dosen ou on essaie de faire en sorte que Dosen ne bénéficie pas de

11 circonstances atténuantes lorsqu'on parle de cela, car effectivement il

12 avait 6 à 12 gardes sous lui et qu'on essaie de dire que Dosen avait un

13 certain contrôle sur les gardes.

14 L'accord de plaidoyer est tout à fait en désaccord avec les réquisitoires

15 du Bureau, des représentants du Bureau du Procureur. Lorsque le Procureur

16 essaie aujourd'hui lors de son réquisitoire, le fait de dire que Dosen

17 avait un poste de supérieur hiérarchique n'est pas tout à fait en

18 conformité avec le Tribunal, donc les Règlements du Tribunal pénal. Donc

19 il faudrait absolument ne pas accepter cette présentation ou cette

20 affirmation.

21 Aucune des affirmations du Procureur ne peut être considérée comme

22 représentant un fait prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Or, selon

23 le Règlement du Tribunal, "il n'est possible de prendre en compte que les

24 éléments confirmés par un fait, et les faits indiqués dans l'accord sont

25 les seuls qui sont au-delà de tout doute raisonnable".

Page 5725

1 Quant au fait que Celebici est mentionné par le Procureur, il indique

2 uniquement que "ne peuvent être considérées comme des circonstances

3 aggravantes que celles qui sont prouvées au-delà de tout doute

4 raisonnable", c'est-à-dire celles qui figurent dans l'accord entre les

5 parties.

6 Tout ce qui est en dehors de ceci est sans fondement, et dans ces éléments

7 sans fondement il n'est pas permis de rechercher des circonstances

8 aggravantes.

9 La défense insiste sur le fait qu'il n'existe aucune preuve démontrant que

10 Dosen aurait fait du mal à qui que ce soit personnellement, aurait

11 maltraité qui que ce soit personnellement, ou aurait nuit à qui que ce que

12 soit d'une quelconque autre manière comme, par exemple, donner des ordres

13 à l'encontre d'une personne.

14 La défense affirme que s'agissant de l'accusé, il n'existe aucune

15 circonstance aggravante. Toutes les circonstances indiquées dans l'accord

16 sont des circonstances qui ne concernent que la commission d'un acte et

17 qui ne peuvent pas être considérées comme aggravantes.

18 Le fait que l'accusé ait été chef d'équipe commandant six à douze

19 personnes montre qu'il avait un contrôle limité sur les gardiens, mais ce

20 ne sont pas des circonstances aggravantes; ce sont des circonstances qui

21 sont à la base de la culpabilité de l'accusé. Et il n'existe aucun autre

22 fait prouvé au-delà de tout doute raisonnable.

23 Keraterm a effectivement existé, mais Dosen n'a eu aucun effet sur le

24 Règlement en vigueur au sein de Keraterm. Les conditions qui régnaient

25 dans le camp étaient effectivement très dures, mais Dosen n'a pas été

Page 5726

1 responsable de la distribution de l'eau, de l'alimentation, du logement

2 des prisonniers ou autre. Il y a eu également des passages à tabac, mais

3 lorsque Dosen savait qu'un passage à tabac se préparait, il a essayé de

4 l'éviter. Les gens qui venaient de l'extérieur du camp pour maltraiter les

5 prisonniers ne pouvaient pas toujours être empêchés de faire ce qu'ils

6 souhaitaient faire.

7 La défense estime que, s'agissant de l'accusé Damir Dosen, il existe un

8 certain nombre de circonstances atténuantes qui doivent être prises en

9 compte lors du prononcé de la peine. Damir Dosen, à l'époque de la

10 commission des actes qui lui sont reprochés, était un homme jeune qui

11 avait à peine 25 ans. Damir Dosen est le plus jeune de tous les accusés,

12 jugés par cette Chambre.

13 A l'époque, Damir Dosen n'avait fini que ses études secondaires, et compte

14 tenu de sa jeunesse, compte tenu de sa faible formation, il importe de ne

15 pas ignorer les conditions de son existence qui étaient très modestes. Dès

16 le début des événements de guerre, il a vécu une tragédie personnelle: il

17 a perdu son fils et cette tragédie personnelle de Dosen correspond à la

18 tragédie vécue par tous les habitants de Bosnie-Herzégovine.

19 Et je répète encore une fois qu'à l'époque, il n'avait que 25 ans. Le

20 décès de son enfant qu'il a enterré lui-même, lui a fait du mal, mais ne

21 l'a pas détruit. En tant que policier de réserve, il a été envoyé à

22 Keraterm pour assurer la sécurité des installations dans lesquelles

23 étaient enfermés ses concitoyens, ses voisins, pour le simple fait qu'ils

24 n'étaient pas Serbes.

25 En tant qu'homme qui n'a pas été éduqué pour commander à d'autres, en tant

Page 5727

1 qu'homme qui, tout au long de sa vie, a eu des relations avec tout le

2 monde, indépendamment de la nationalité, ce qui a été confirmé par un

3 grand nombre de témoins devant ce Tribunal, aussi bien des témoins de la

4 défense que des témoins de l'accusation, Dosen s'est trouvé dans une

5 situation insoluble pour lui. Il ne pouvait pas ne pas répondre à l'appel

6 suite à la mobilisation. Il n'avait aucun endroit où trouver abri, il

7 n'avait aucun moyen d'éviter la mobilisation.

8 Chez lui, il avait une femme plongée dans le chagrin qui se relevait

9 difficilement d'une opération suite à la naissance de son enfant. Des gens

10 étaient arrêtés, envoyés au front et ceux qui refusaient de répondre à

11 l'appel de mobilisation subissaient des sanctions très dures.

12 Il s'est senti impuissant, complètement perdu face à ce qu'il a vu à

13 Keraterm. Ses supérieurs lui ont dit qu'à Keraterm, il ne passerait que

14 quelques jours et que les gens qui étaient emprisonnés à Keraterm, après

15 interrogatoire, seraient renvoyés chez eux. Damir Dosen, en tant que

16 simple soldat et policier de réserve, ne savait pas vraiment ce qui se

17 passait autour de lui; il ne savait pas non plus combien de temps tout

18 cela allait durer.

19 A ce sujet, nous avons entendu aussi bien des témoins de l'accusation que

20 de la défense qui affirment qu'il parlait aux gens, qu'il les rassurait;

21 qu'il disait qu'ils seraient simplement interrogés et, ensuite, renvoyés

22 chez eux. Il a vu que les personnes enfermées étaient innocentes, sales,

23 qu'elles ne savaient pas ce qui arrivait à leurs proches, que ces

24 personnes étaient tabassées. Il a vu les conditions très dures qui

25 régnaient dans le camp. Il a vu dans quelles conditions ils étaient logés,

Page 5728

1 il a vu ce qui leur arrivait et, dans ces conditions, il a fait la seule

2 chose qu'il pouvait faire: il a essayé de leur alléger l'existence, de

3 leur donner du courage, de leur donner la possibilité d'appeler par

4 téléphone leur famille, d'obtenir des paquets contenant de la nourriture,

5 d'améliorer un peu leurs conditions de logement et d'utiliser l'eau pour

6 autant que de l'eau soit disponible.

7 Il a tenté également de leur éviter les mauvais traitements dans la mesure

8 du possible, chaque fois qu'il a pu le faire; ce qui est confirmé

9 également par un grand nombre de témoins, aussi bien de la défense que de

10 l'accusation. Quant Damir Dosen travaillait, les gens pouvaient sortir de

11 leurs pièces sans crainte, ils recevaient des paquets contenant de la

12 nourriture et des vêtements apportés par leurs proches. Les gens pouvaient

13 sans crainte communiquer avec lui, pouvaient s'approcher de lui pour lui

14 demander de l'aide. Il parlait avec eux avec amabilité, d'une façon

15 amicale.

16 Il a permis à des médecins de leur apporter des soins, ce qui est

17 également confirmé par des témoins de l'accusation et de la défense. Dosen

18 a agi de cette façon indépendamment du fait qu'il connaissait ces

19 personnes avant le début des événements. Il s'est comporté de la même

20 façon vis-à-vis de tout le monde: vis-à-vis de ses voisins de Prijedor,

21 vis-à-vis des gens de Kozarac, de Ljubija, de Gomjenica, de Cejreci. Un

22 grand nombre de témoins sont venus le dire ici, devant la Chambre, aussi

23 bien des témoins de l'accusation que des témoins de la défense. La défense

24 a parlé de tout cela en détail dans son mémoire écrit.

25 La Chambre a déjà eu la possibilité d'entendre des témoins parler du

Page 5729

1 comportement de Dosen à Keraterm. Plus de vingt personnes enfermées à

2 Keraterm sont venues parler de lui et chacune de ces personnes, du point

3 de vue de sa propre perspective, a décrit Dosen comme quelqu'un qui

4 protégeait, donnait du courage, qui aidait.

5 La Chambre va certainement se souvenir de ce qu'on dit les témoins qui ont

6 parlé de Dosen: le Témoin A, le Témoin DB, le témoin Husein Ganic

7 notamment. Dans ces trois cas, il s'est agi de témoins qui étaient des

8 personnes âgées, sérieuses, qui avaient l'expérience de la vie et qui

9 n'ont pas pu retenir leur émotion et ont donc versé des larmes au cours de

10 leurs dépositions en parlant de Dosen.

11 La Chambre se souviendra sûrement que sept témoins de la défense, qui

12 étaient d'anciens détenus du camp, sont venus parler en faveur de

13 l'accusé, souhaitant dire du bien de lui, indépendamment de la crainte que

14 pouvait susciter chez eux le fait qu'ils avaient témoigné en faveur de

15 l'accusé et indépendamment du fait que certains sont venus, même de

16 l'étranger, de Suède et d'autres pays, après des voyages de plus de 24

17 heures, alors qu'ils ne connaissaient même pas Dosen avant la guerre.

18 La Chambre se souviendra sûrement du témoin de la défense Husein Ganic

19 qui, dans l'affaire Omarska, était un témoin de l'accusation et qui, dans

20 la présente affaire, a dit dans sa déposition que Dosen lui avait sauvé la

21 vie, à lui ainsi qu'à son fils.

22 La Chambre se souviendra sûrement du témoin Petar Sovilj qui a dit dans sa

23 déposition que Dosen avait sauvé la famille de Crnalic, un Musulman qu'il

24 ne connaissait pas avant la guerre et qui habitait à Prijedor.

25 Tout cela confirme les affirmations de la défense selon lesquelles Dosen,

Page 5730

1 dans Keraterm, a eu des comportements qui, tous, doivent être considérés

2 comme des bases pour des circonstances atténuantes.

3 Le comportement des témoins à l'égard de l'accusé Dosen n'est pas l'effet

4 du hasard car, à plusieurs reprises, l'accusé a dit qu'il avait des

5 remords et qu'il regrettait tout ce qui s'était passé à Keraterm. Les

6 témoins l'ont vu pleurer et les témoins ont reconnu la sincérité de ses

7 propos. Dosen a dit ses regrets, au moment où Keraterm existait encore, à

8 un moment où personne d'autre n'a fait ce qu'il a fait. Quand il était

9 question de regrets et de remords vis-à-vis des victimes, c'était à

10 l'époque source de grand danger. Les regrets de Dosen sont profondément

11 sincères; ils l'étaient à l'époque et ils le sont encore aujourd'hui. La

12 défense estime que la sincérité de Dosen constitue, à elle seule, une

13 circonstance atténuante significative.

14 Le Procureur a aujourd'hui mentionné un témoin qui a dit: "Oui, ils ont

15 mérité cela." Il pensait aux prisonniers de la pièce n°3, mais le

16 Procureur n'a pas cité la totalité de cette déposition dans laquelle il

17 est stipulé que Dosen a affirmé qu'il regrettait tout ce qui s'était passé

18 et qu'il souhaitait apporter de l'aide aux gens. Tous les autres témoins

19 du Procureur, qui ont parlé de cela et qui ont été cités par la défense

20 dans son mémoire écrit, ont parlé d'une façon tout à fait sincère et tout

21 à fait convaincante de cela. Il s'agit de témoins issus de divers endroits

22 pour lesquels Dosen a, de façon tout à fait égale, exprimé des regrets

23 vis-à-vis de ce qu'ils ont vécu, ce qui n'a absolument rien à voir avec

24 les propos tenus aujourd'hui dans ce prétoire par le Procureur.

25 La Chambre de première instance se souviendra certainement du Témoin A

Page 5731

1 qui, en pleurant ici, dans ce prétoire, a dit que l'accusé Dosen avait

2 fait preuve de sincérité dans ces événements très pénibles.

3 Le témoin, mentionné par le Procureur aujourd'hui, n'a pas pu admettre que

4 quelqu'un regrettait déjà les faits à l'époque, qu'il exprimait ses

5 regrets et qu'il se distinguait d'une façon tout à fait claire des autres.

6 Le Procureur mentionne le rapport du psychiatre qui, malheureusement,

7 contient une interprétation erronée de la culpabilité de l'accusé, ce qui

8 a été dit d'une façon très claire au cours de la procédure.

9 La défense prie la Chambre de première instance de considérer comme

10 circonstance atténuante la personnalité de l'accusé. Un grand nombre de

11 témoins ont parlé de Dosen, un jeune homme qui avait un comportement tout

12 à fait correct, qui venait d'une bonne famille, modeste, qui avait des

13 relations avec tout le monde, aussi bien avec les Musulmans qu'avec les

14 Croates et les Albanais. Dosen était un homme amical qui s'intéressait à

15 la moto et au dressage des colombes. C'était un homme qui avait une

16 personnalité tout à fait correcte avant la guerre et qui l'a conservée

17 jusqu'après la guerre.

18 Damir Dosen est une personne qui aime sa famille, il a une épouse il a

19 deux enfants mineurs: Mitar, son fils qui a 8 ans, et son autre fils de 6

20 mois, David. Mitar est né dans des moments très difficiles pendant la

21 guerre et David quelques mois après l'arrestation de son père. Et la

22 situation de Damir, dans sa famille, est un exemple des circonstances très

23 difficiles, très pénibles qui, l'une après l'autre, se sont ajoutées à sa

24 vie personnelle pendant la guerre. Pendant la guerre, Zoran Zigic a tué

25 sans raison la sœur de Dosen et, trois mois après son arrestation, le père

Page 5732

1 de Dosen est décédé d'une crise cardiaque.

2 Aujourd'hui, la famille de Dosen se compose d'une épouse sans emploi, de

3 deux fils, d'une mère déséquilibrée mentale, qui vivent tous ensemble à

4 Prijedor, dans des circonstances tout à fait difficiles. La défense estime

5 que la situation familiale de Damir Dosen constitue également une

6 circonstance atténuante.

7 Les constatations des psychiatres et psychologues experts démontrent que

8 l'état mental de l'accusé, aussi bien au moment de la commission de ces

9 actes que dans la période qui a suivi, indiquent que l'accusé souffre d'un

10 très grand nombre de traumatismes.

11 M. le Président (interprétation): Maître Petrovic, vous avez dit que,

12 pendant la guerre, Zoran Zigic avait tué la sœur de l'accusé? C'est exact?

13 M. Petrovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Zoran Zigic: je

14 crois que nous avons entendu des témoins à ce sujet, bien qu'en cet

15 instant, je ne me rappelle pas exactement; je crois qu'il s'agissait d'un

16 témoin de la défense, dont je pourrais prononcer le nom à huis clos. Mais

17 c'est un témoin que nous avons entendu ici et ce fait est exact. Il ne

18 s'agit pas de sa sœur mais de sa cousine germaine.

19 (Note de l'interprète: le mot en serbe est le même pour "cousine" et

20 "sœur".)

21 M. le Président (interprétation): Donc ce témoignage a eu lieu: nous le

22 retrouverons dans le compte rendu d'audience?

23 M. Petrovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. D'ailleurs, je

24 vais m'efforcer, avant la fin de ma plaidoirie, d'obtenir de mon confrère

25 qu'il retrouve le nom de ce témoin et l'endroit dans le compte rendu

Page 5733

1 d'audience où se trouve la déposition de ce témoin.

2 Monsieur le Président, je vous demanderai quelques instants de huis clos,

3 si vous le voulez bien, pour que je vous dise le nom de ce témoin.

4 M. le Président (interprétation): Oui, tout à fait.

5 (Huis clos partiel à 15 heures 28.)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 (expurgé)

9 (expurgé)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (Audience publique à 15 heures 29.)

16 M. Petrovic (interprétation): Après avoir entendu le psychologue, le

17 témoin expert et le psychiatre, qui étaient également venus déposer en

18 tant que témoins experts, ont démontré que l'état mental de l'accusé,

19 durant la commission du crime et après la commission du crime, représente

20 une accumulation de stress, une accumulation de stress. Et que le stress

21 existait pendant la commission du crime, qu'il a compromis la possibilité

22 ou ne permettait pas à l'accusé de comprendre ce qui se passait. Peu de

23 temps après, l'accusé a commencé à souffrir du stress post-traumatique, ce

24 qui a été suivi par une dépression chronique.

25 L'état mental de l'accusé, au moment de la commission du crime ainsi

Page 5734

1 qu'aujourd'hui, représente en réalité des circonstances atténuantes. La

2 défense considère que la continuité des problèmes psychiques que l'accusé

3 a eus, et ce, depuis la mort de l'enfant, pendant toute la guerre jusqu'à

4 maintenant, existe.

5 Nous avons des déclarations écrites, des documents écrits attestant cela,

6 son état psychologique. L'accusé Damir Dosen se trouve déjà depuis deux

7 ans en prison dans les lieux de détention du Tribunal pénal international

8 et les représentants de la prison n'ont jamais eu aucune complainte,

9 quelle que ce soit, considérant le comportement de Dosen, ce qui

10 représente également une circonstance atténuante à son profit.

11 L'accusé Dosen a avoué avoir commis les actes, et ce, au moment où il a

12 été en mesure d'avouer ce qu'il a bel et bien fait; nous avons déjà

13 énuméré les raisons pour cela. Dosen a prouvé qu'il est tout à fait

14 honnête, il a compris sa responsabilité quant à ce qu'il a fait dans la

15 situation telle qu'elle existait et seul un homme avec beaucoup de

16 sentiments, avec beaucoup de courage peut se montrer face à la justice et

17 avouer sa culpabilité. C'est un acte de prouesse qu'a fait ce jeune homme

18 et cela peut donner un bon exemple à tous ceux qui doivent faire face à la

19 vérité et à leur conscience. Il est certain que, dans le territoire de

20 Bosnie-Herzégovine, il y a un grand nombre de personnes qui pourraient se

21 baser sur cet exemple.

22 Dosen aujourd'hui, en agissant de la sorte, tel qu'il agit maintenant,

23 après avoir avoué la culpabilité, trace le chemin à tous ceux qui ont

24 commis des actes semblables à Prijedor. Il est vrai qu'aujourd'hui, en

25 plaidant coupable, il trace le chemin pour le TPI. En acceptant la vérité,

Page 5735

1 il trace le chemin vers la réconciliation des peuples.

2 Damir Dosen a écourté les procédures, en plaidant coupable et il a renoncé

3 à son droit à l'appel dans le cas où la Chambre de première instance

4 déciderait de prononcer une sentence qui sorte du champ de l'accord de

5 plaidoyer.

6 Et je demanderai maintenant à ce que l'on passe à huis clos partiel, s'il

7 vous plaît, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Oui, très bien.

9 (Huis clos partiel à 15 heures 30.)

10 (expurgé)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 5736

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (Audience publique à 15 heures 34.)

7 (Les Juges se consultent sur le siège.).

8 M. le Président (interprétation): Sommes-nous toujours à huis clos?

9 Retournons à huis clos partiel, Madame la Greffière.

10 (Huis clos partiel à 15 heures 35.)

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

Page 5737

1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (Audience publique à 15 heures 36.)

8 M. Petrovic (interprétation): Monsieur le Président, je demande à la

9 Chambre d'autoriser l'accusé Damir Dosen de s'adresser aux Juges de cette

10 Chambre en quelques mots, avant que j'apporte la conclusion à ma

11 plaidoirie.

12 M. le Président (interprétation): Oui, l'autorisation est accordée.

13 M. Petrovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Dosen, vous pouvez parler

15 maintenant.

16 M. Dosen (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au terme de ce procès dû aux

18 méfaits qui ont eu lieu à Keraterm, je vous remercie de m'autoriser à

19 parler et de bien vouloir entendre ma voix.

20 Je souhaite dire que je me suis trouvé à Keraterm, que j'y ai été envoyé

21 en qualité de policier de réserve, que j'y ai passé deux mois à garder des

22 gens innocents, qui étaient néanmoins enfermés.

23 Je souhaite dire qu'à l'époque, j'étais jeune, inconséquent. Que j'ai

24 perdu mon fils, que je me suis retrouvé dans le chaos de la guerre et de

25 la mort et que je ne m'y suis pas retrouvé.

Page 5738

1 Les prisonniers étaient mes concitoyens. Ils étaient innocents et ont

2 beaucoup souffert. Des méfaits ont été commis contre ces personnes et je

3 suis prêt, pour ce crime, de répondre à hauteur de ma responsabilité.

4 Je me suis efforcé de les aider, de leur faciliter la vie, de parler avec

5 eux, de les protéger. Les conditions dans lesquelles ces personnes étaient

6 enfermées étaient indignes d'un être humain. Je suis coupable parce que

7 j'ai accepté de me trouver à Keraterm. Je suis coupable parce que je ne

8 les ai pas aidées davantage.

9 C'est de cela que je suis coupable devant Dieu, devant ces personnes et

10 devant vous, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

11 Je regrette les souffrances vécues par chacun de ces hommes, je regrette

12 la perte de ces proches par chacune des familles qui ont perdu leurs

13 proches, je regrette la situation de chaque enfant qui a perdu son père,

14 je regrette la situation de chaque femme qui est restée sans fils.

15 Je souhaite que les mots que je prononce ici soient entendus de tous,

16 notamment de mes voisins qui n'ont été enfermés que pour une raison: le

17 fait qu'ils n'étaient pas Serbes.

18 Le mal s'est produit; ce mal ne doit pas se renouveler et ne doit pas

19 s'oublier. Je suis conscient de tout cela aujourd'hui, et notamment du

20 fait que tout être humain, même impuissant, ne doit pas permettre que

21 cette impuissance le dépasse. Il doit, dans toutes les circonstances, se

22 battre pour chaque être vivant. C'est seulement en agissant de la sorte

23 qu'il est possible d'aider les générations suivantes à se soulever contre

24 l'injustice et l'inacceptable.

25 Je souhaite remercier les Juges de cette Chambre ainsi que les

Page 5739

1 représentants du Bureau du Procureur pour leur attitude tout à fait

2 correcte dans la recherche de la vérité, de la justice et de la réparation

3 de l'injustice. J'espère que les Juges de cette Chambre m'accorderont la

4 chance de retourner dans ma famille, auprès de mes enfants, de retourner

5 auprès de mes voisins, de toute confession et de toute nationalité.

6 J'espère que nous aurons une nouvelle fois la possibilité de vivre

7 ensemble dans ma ville, la ville de Prijedor. J'espère pouvoir vivre

8 encore avec mes concitoyens, mes voisins qui étaient mes voisins avant la

9 guerre. J'espère que nous revivrons ensemble et que nous nous entendrons

10 encore aussi bien qu'avant la guerre, malgré le mal qui s'est abattu sur

11 nous.

12 Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

13 M. le Président (interprétation): Merci. Vous pouvez-vous rasseoir.

14 Maître Petrovic, vous avez la parole.

15 M. Petrovic (interprétation): La défense aimerait également présenter ses

16 remerciements à la Chambre pour son impartialité, sa recherche de la

17 justice et de la vérité.

18 La défense souhaite également présenter ses remerciements aux

19 représentants du Bureau du Procureur pour son attitude tout à fait

20 correcte, qui a eu pour but qu'une affaire très compliquée se termine dans

21 un temps tout à fait raisonnable.

22 La défense estime que l'accusé Damir Dosen est parvenu à démontrer son

23 comportement et sa personnalité tout à fait correctes.

24 Pour finir, la défense souhaite dire qu'il n'existe aucune circonstance

25 aggravante contre l'accusé et qu'il existe beaucoup de circonstances

Page 5740

1 atténuantes. Elle affirme que tout permet de croire qu'après son

2 emprisonnement, Damir Dosen sera un citoyen acceptable, correct, qui va

3 consacrer le reste de sa vie à faire le bien pour ses voisins et pour sa

4 famille.

5 La défense propose que les Juges de cette Chambre de première instance

6 condamne l'accusé Damir Dosen à une peine de cinq ans d'emprisonnement.

7 Je vous remercie, Monsieur le Président.

8 M. le Président (interprétation): Merci. Maître Petrovic.

9 M. Petrovic (interprétation): Je souhaite simplement que le rapport

10 émanant du quartier pénitentiaire au sujet de l'accusé Dosen soit versé au

11 dossier en tant qu'élément de preuve et pièce à conviction dans ce procès.

12 M. le Président (interprétation): Oui, ce sera le cas.

13 M. Petrovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

14 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce D50-2.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Ostojic ou Sir Lawrence, je

16 vous écoute.

17 Sir Lawrence (interprétation): Je crois que je ne vais pas pouvoir

18 terminer avant 16 heures 15. Je ne sais pas si vous désirez que je

19 commence et que je fasse ma présentation en deux parties?

20 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons lever l'audience

21 pour aujourd'hui et nous reprendrons nos travaux de main matin à 9 heures

22 30.

23 (L'audience est levée à 15 heures 44.)

24

25