Affaire n° : IT-95-9-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Mehmet Güney, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge Wolfgang Schomburg
Mme le Juge Inés Mónica Weinberg de Roca

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
27 septembre 2004

LE PROCUREUR

c/

BLAGOJE SIMIC

___________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS DE SUPPRIMER CERTAINS PASSAGES DU MÉMOIRE EN RÉPLIQUE

___________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell
M. Mark J. McKeon

Les Conseils de l’Appelant :

M. Igor Pantelic
M. Peter Murphy

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991,

VU le jugement prononcé en l’espèce par la Chambre de première instance II le 17 octobre 2003,

VU l’acte d’appel déposé par l’Appelant Blagoje Simic le 17 novembre 2003 (Appellant Blagoje Simic’s Notice of Appeal), l’« Acte d’appel », et le mémoire d’appel de Blagoje Simic (Appellate Brief of Blagoje Simic), le « Mémoire d’appel », déposé par l’Appelant le 17 juin 2004,

VU le mémoire de l’Accusation en réponse (Prosecution’s Response Brief), le « Mémoire de l’Intimé », déposé à titre confidentiel le 27 juillet 2004,

VU le mémoire en réplique de Blagoje Simic (Reply Brief of Blagoje Simic), le « Mémoire en réplique », déposé à titre partiellement confidentiel le 10 août 2004,

VU la requête aux fins de supprimer des passages (Prosecution’s Motion to Strike), la « Requête », déposée par l’Accusation le 20 août 2004, demandant à la Chambre d’appel de supprimer les paragraphes 14 à 16 du Mémoire en réplique de l’Appelant, notamment pour les raisons suivantes :

i) dans ces paragraphes, l’Appelant soulève un nouveau moyen, à savoir que la Chambre de première instance n’aurait pas dû se fonder sur l’expression « agissant de concert » parce qu’elle a été indûment insérée au paragraphe 13 du troisième acte d’accusation modifié, et que, partant, « la forme du troisième acte d’accusation modifié doit être considérée comme litigieuse » ;

ii) en conséquence, le Mémoire en réplique dépasse le cadre fixé par la Directive pratique du 7 mars 2002 relative aux conditions formelles applicables au recours en appel contre un jugement (la « Directive pratique ») ;

iii) en outre, le nouveau moyen « n’est pas couvert » par l’Acte d’appel ;

ATTENDU qu’en cas de rejet de la Requête, l’Accusation demande l’autorisation de déposer une autre réponse au nouveau moyen dans les dix jours de la date de la décision de la Chambre d’appel concernant la Requête,

VU la réponse de Blagoje Simic ŕ la requęte de l’Accusation aux fins de supprimer des passages, déposée le 27 août 2004, dans laquelle l’Appelant s’oppose à la Requête et soutient que l’argument développé aux paragraphes 14 à 16 de son Mémoire en réplique ne dépasse pas le cadre autorisé puisque la question évoquée dans ces paragraphes porte sur un point de fait soulevé dans le Mémoire de l’Intimé à propos de l’ajout du membre de phrase « agissant de concert » dans le troisième acte d’accusation modifié,

ATTENDU que l’Appelant affirme néanmoins ne pas s’opposer à ce que la Chambre d’appel autorise l’Accusation à « présenter de nouveaux arguments pour expliciter sa démarche sur ce point », « sous réserve d’être autorisé à répliquer succinctement dans un court délai »,

VU la réplique de l’Accusation à la réponse de Blagoje Simic à la requête de l’Accusation aux fins de supprimer des passages (Prosecution’s Reply to Response of Blagoje Simic to Prosecution’s Motion to Strike), déposée le 30 août 2004, arguant essentiellement que l’Appelant « essaie […] de transformer sa réplique en un mémoire d’appel qui entraînerait une réponse de l’Accusation et une réplique de l’Appelant » et que « cela constituerait un retournement complet de la procédure d’appel applicable »,

ATTENDU que le paragraphe 6 de la Directive pratique dispose qu’un mémoire en réplique « ne traitera que des arguments en réplique au Mémoire de l’Intimé »,

ATTENDU que l’argument développé par l’Appelant aux paragraphes 14 à 16 de son Mémoire en réplique répond à l’argument formulé dans le Mémoire de l’Intimé, à savoir que l’Appelant est notifié dans le troisième acte d’accusation modifié qu’il est accusé de participation à une entreprise criminelle commune1,

ATTENDU que le deuxième moyen d’appel soulevé par l’Appelant est libellé comme suit :

« La Chambre de première instance a commis une erreur de droit et a outrepassé son pouvoir discrétionnaire en faisant droit, le 20 décembre 2001, à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation de modifier le troisième acte d’accusation modifié, malgré l’objection soulevée par Blagoje Simic. Cette décision a permis à l’Accusation d’attaquer Blagoje Simic sans l’informer suffisamment qu’il était accusé de participation à une entreprise criminelle commune. Blagoje Simic n’a pas été informé spécifiquement des chefs d’accusation retenus contre lui et, partant, n’a pas eu la possibilité de préparer pleinement sa défense, ce qui frappe la Décision de nullité. [Jugement, par. 150 à 155 (p. 59 à 62), 1137 (p. 395), Opinion individuelle et partiellement dissidente du Juge Lindholm, par. 1 à 5 (p. 358 à 360)]. […] »2

ATTENDU que, dans sa Décision du 20 décembre 2001, la Chambre de première instance indique spécifiquement que l’expression « agissant de concert » figurait déjà dans le troisième acte d’accusation modifié lorsqu’elle a autorisé l’Accusation à déposer un quatrième acte d’accusation modifié et, notamment, à ajouter le membre de phrase « agissant de concert » dans l’énoncé du chef 1 (Persécutions)3,

ATTENDU que l’argument développé aux paragraphes 14 à 16 du Mémoire en réplique soulève la question de la validité de l’ajout du membre de phrase « agissant de concert » dans le troisième acte d’accusation modifié,

ATTENDU, par conséquent, que cet argument exposé dans le Mémoire en réplique est lié, dans une certaine mesure, au deuxième moyen d’appel soulevé par l’Appelant,

ATTENDU que l’argument développé aux paragraphes 14, 15 et 16 s’inscrit dans le cadre d’un mémoire en réplique,

PAR CES MOTIFS,

1. REJETTE la Requête,

2. REFUSE à l’Accusation l’autorisation de déposer une duplique concernant l’argument soulevé par l’Appelant aux paragraphes 14 à 16 de son Mémoire en réplique.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 27 septembre 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
__________
Mehmet Güney

[Sceau du Tribunal]


1. Mémoire de l’Intimé, par. 2.7 et suivants.
2. Notice of Appeal, "Second Ground of Appeal: Form of Indictment – Joint Criminal Enterprise", p. 3, par. 4. Non souligné dans l’original.
3. Le Procureur c/ Simic et consorts, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation de modifier l’acte d’accusation, 20 décembre 2001, par. 22 à 25.