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1 (Mardi 25 Juillet 2000.)
2 (Audience publique sur requête.)
3 (L'audience est ouverte à 9 heures 35).
4 M. le Président (interprétation): La Greffière d'audience peut-elle citer
5 l'affaire?
6 Mme Lauer: Affaire IT-95-9-PT, le Procureur contre Miroslav Tadic, Simo
7 Zaric, Stevan Todorovic, Milan Simic.
8 M. le Président (interprétation): Les parties peuvent-elles se présenter?
9 Nous commencerons par le Bureau du Procureur.
10 Mme Paterson (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je suis Nancy
11 Paterson, au nom du Bureau du Procureur. J'ai à mes côtés Susan Lamb,
12 conseillère juridique auprès du Bureau du Procureur, et Andrew Powell qui
13 est le substitut d'audience.
14 M. le Président (interprétation): Merci. Et pour l'accusation?
15 M. Brashich (interprétation): Je m'appelle Ranko Brashich, je défends M.
16 Todorovic.
17 M. Pantelic (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges. Je m'appelle
18 Igor Pantelic et je défends Miroslav Tadic.
19 M. Zecevic (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges. Je m'appelle
20 Slobodan Zecevic et je défends Milan Simic.
21 M. Lazarevic (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges. Je m'appelle
22 Aleksander Lazarevic et je défends Simo Zaric.
23 M. le Président (interprétation): L'accusé Stevan Todorovic demande à la
24 Chambre d'instance qu'elle émette une ordonnance à l'encontre de la SFOR,
25 Force de stabilisation de la paix, qui exigerait de la part de cette force
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1 de sécurité en Bosnie-Herzégovine qu'elle produise des documents
2 s'agissant d'une audience consacrée à ses requêtes en cours. La SFOR a été
3 priée de se présenter pour fournir ses arguments. La SFOR a fourni ses
4 arguments par écrit dans lesquels elle indique qu'elle ne sera pas
5 présente à l'audience.
6 J'ajouterai que la Chambre a reçu des arguments écrits de la part des
7 accusés et de la part du Bureau du Procureur. Nous ne voulons pas, bien
8 sûr, empêcher que soient présentés des arguments de la part des parties,
9 mais la Chambre rappelle qu'elle ne s'attend pas à ce que cette audience
10 soit très longue. Nous allons commencer par M. Brashich.
11 M. Brashich (interprétation): Bonjour, Messieurs les Juges. A ce stade de
12 la procédure, voici comment je vois la situation. Nous avons peut-être une
13 solution pragmatique à cette impasse dans laquelle nous nous trouvons
14 actuellement.
15 La Chambre voudra-t-elle demander au Bureau du Procureur s'il y a des
16 moyens de preuve quelconques montrant que le Bureau du Procureur voudra
17 peut-être présenter éléments ou moyens de preuve qui seraient
18 contradictoires ou en contradiction de ce qui a déjà été soumis à cette
19 Chambre?
20 En l'absence de tels moyens de preuve, je fais valoir que la Chambre peut
21 estimer qu'il y a un cas de "prima facie". Et si j'interprète bien le
22 droit, cela voudrait dire que cette Chambre pourrait ordonner que M.
23 Todorovic rentre en Yougoslavie, ce qui permettrait d'éviter une
24 confrontation avec la SFOR et de trouver une solution au problème.
25 Ceci ne résout pas, bien sûr, le problème soulevé par la SFOR s'agissant
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1 de la compétence de cette Chambre, mais je suis pragmatique de nature et
2 j'enjoindrai cette Chambre à adopter la solution que je me suis permis de
3 lui soumettre et qu'elle demande à l'accusation où en est la préparation
4 de ses moyens de preuve.
5 Par ailleurs, si ce n'est pas le cas, je serai très bref. Je pense que la
6 Chambre d'appel dans l'affaire de la République de Croatie a montré
7 clairement que ce Tribunal peut exiger d'Etats souverains les informations
8 que je demande. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé ce matin une
9 requête aux fins que cette demande soit adressée aux Etats-Unis
10 d'Amérique, car je pense que ce sont des forces américaines qui avaient la
11 responsabilité de la base aérienne de Tuzla.
12 Puis, j'ai une autre redemande. Fort de l'expérience prise en appel dans
13 l'affaire de la République de Croatie, on pourrait effectivement adresser
14 une injonction de produire au général commandant les forces de la SFOR
15 dans laquelle seraient précisés les documents que je demande. On pourrait
16 aussi émettre une "subpoena ad testificandum", une injonction à
17 comparaître à l'encontre du général dont le prénom n'est pas connu...
18 Pardon, merci, Monsieur Pantelic. Il s'agit du général Erik Chizeki
19 (phonétique), qui était le général commandant à la base aérienne de Tuzla
20 en septembre 1998.
21 Puis il y a les points 1 à 10 que j'ai repris dans la requête que j'ai
22 déposée ce matin.
23 M. le Président (interprétation): Madame Paterson?
24 Mme Paterson (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Vous m'avez
25 admonestée à être brève, je le serai. Il est important que nous
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1 comprenions tous de quoi nous discutons aujourd'hui et, vers la fin,
2 j'aimerais revenir à certaines déclarations par trois de vous, Messieurs
3 les Juges, dans des procédures précédentes.
4 Nous avons eu des arguments, des échanges d'arguments oraux en mars 1999
5 et le Juge Bennouna a précisé qu'il y avait deux questions en jeu. Il
6 s'agissait tout d'abord de voir s'il y avait une collusion quelconque
7 entre le Bureau du Procureur ou tout membre du Tribunal, et un type
8 quelconque d'activité illicite ou illégale. Comme le disait le Juge
9 Bennouna -et là je cite le transcript-, "vous -et il s'adressait à Me
10 Brashich- "vous nous avez dit dans vos documents écrits que la réponse
11 était négative". Et je suppose que vous campez sur cette position, à
12 savoir que M. Brashich a déjà concédé le fait qu'il n'a pas le moindre
13 moyen de preuve attestant le fait que d'une quelconque façon le Bureau du
14 Procureur se serait livré à des activités illicites dans le cadre de
15 l'arrestation de M. Todorovic.
16 Le second point soulevé par le Juge Bennouna était de savoir si les droits
17 accordés à M. Todorovic par le Pacte international des droits civils et
18 politiques ou par la Convention européenne des droits de l'homme, si aucun
19 de ces droits a été violé. Le Juge Bennouna a soulevé que ces droits
20 portent sur des questions de procédure, sur la question de savoir si
21 l'arrestation de M. Todorovic s'est faite suite à la délivrance d'un
22 mandat d'arrêt.
23 Puis, au cours de cette audience, le Juge Robinson a déclaré également
24 que, si l'on accordait la tenue d'une telle audience, il a demandé si
25 cette audience, pour autant qu'elle soit accordée, montrerait qu'il y ait
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1 eu le moindre lien entre l'enlèvement et l'activité du Bureau du
2 Procureur. Donc il demandait si, effectivement, le Bureau du Procureur
3 s'était livré à des activités illégales.
4 Rappelons que, si nous voyons la requête déposée par Me Brashich, il
5 demande de la SFOR des documents tels que, par exemple, le nom ou la
6 participation de la personne qui était le pilote de l'hélicoptère, celle
7 qui a placé l'accusé sous arrestation, des copies des cassettes vidéo et
8 audio à la base aérienne de Tuzla, aussi le rapport d'opérations de la
9 SFOR.
10 Nous ne pensons pas que, même si ces documents étaient fournis, on verrait
11 par là, d'une quelconque façon, que le Bureau du Procureur se serait livré
12 à des activités illégales.
13 Si M. Brashich veut alléguer que l'arrestation était illégale, à ce
14 moment-là, il faut présenter le sujet devant un Tribunal de Serbie et pas
15 à ce Tribunal-ci. Comme vous l'avez dit tous trois, la question de savoir
16 s'il y a eu participation quelconque du Bureau du Procureur et si
17 l'arrestation s'est faite suite à la délivrance d'un mandat d'arrêt légal.
18 En réponse à une question qui avait été posée par l'accusation, si nous
19 poursuivons l'audience qui a commencé en novembre, effectivement, le
20 Bureau du Procureur va avoir l'occasion de présenter certains moyens de
21 preuve. Ce serait une copie certifiée conforme du mandat d'arrêt, ainsi
22 qu'une copie du rapport d'arrestation établi par la personne qui a
23 effectué cette arrestation.
24 Nous pensons que ces deux éléments de preuve, ainsi que les autres
25 arguments soumis par le Bureau du Procureur vous montreront qu'il n'y a
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1 pas eu d'activités illégales de la part du Bureau du Procureur.
2 Quant à savoir si cette Chambre a compétence pour délivrer des ordonnances
3 ou des "sub poena" à la SFOR, nous estimons que ce n'est pas la question
4 qui se pose à la Chambre aujourd'hui. La question qui se pose est de
5 savoir si ce que M. Brashich demande répond à cette question, à savoir la
6 participation du Bureau du Procureur et le caractère légal ou pas du
7 mandat d'arrêt. Nous estimons qu'aucune des informations demandées par M.
8 Brashich ne fournirait une réponse à ces questions.
9 A moins qu'il ne prouve le contraire, nous pensons qu'il apparaît
10 clairement que ce n'est pas le cas et nous demandons à cette Chambre
11 qu'elle revienne à l'Article 44 bis et, plus particulièrement, au
12 paragraphe qui permet à la Chambre de première instance de rejeter une
13 requête si les documents demandés par cette requête ne sont aucunement
14 pertinents en l'espèce.
15 Nous estimons que les documents et les informations requises par M.
16 Brashich ne sont pas pertinents lorsqu'il s'agit de savoir si le Bureau du
17 Procureur a participé de façon illégale à l'arrestation.
18 M. Hunt (interprétation): Madame Paterson, est-ce que vous avez bien perçu
19 quelle est la nature de la requête déposée par M. Brashich? Il commence
20 par cette exposition de dragage, comme on l'appelle aux États-Unis ou dans
21 les pays anglo-saxons mais qui n'est pas autorisée ici. La Chambre d'appel
22 l'a dit.
23 Et puis, il a essayé de savoir quels étaient certains documents en
24 particulier, par exemple, une cassette audio. Il a aussi demandé la
25 comparution de certains témoins. Il fait une concession en disant qu'il
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1 n'a pas de moyens de preuve; et c'est bien vrai, il n'en a pas. Mais ce
2 qu'il fait, si je le comprends bien, c'est qu'il cherche des éléments de
3 preuve qui seraient de telle nature qu'ils montrent qu'il y a peut-être
4 une participation du Bureau du Procureur dans cette arrestation.
5 Il a peut-être raison, il se trompe peut-être.
6 Mais effectivement, il a dit qu'il y avait un représentant du Bureau du
7 Procureur au moment de son arrivée et il dit -il se trompe peut-être ce
8 faisant- que cette présence est une base suffisante pour lui permettre de
9 demander ces rapports d'arrestation.
10 La Chambre de première instance a rendu une ordonnance tout d'abord à
11 l'encontre du Bureau du Procureur, a exigé de celui-ci qu'il transmette
12 des rapports reçus de la SFOR. Par la suite, après certains retards,
13 l'accusation a dit ne pas être en possession de tels rapports. Je
14 m'empresse de dire que l'accusation a dit qu'elle n'a jamais eu de tels
15 rapports. Vous pourrez peut-être nous le préciser. Il aurait peut-être été
16 suffisant que le Bureau du Procureur, s'il avait ces rapports, les
17 produise. Mais si le Bureau du Procureur, parce qu'il s'est débarrassé de
18 ces rapports, ne les avait pas et n'a pas pu exécuter l'ordonnance, M.
19 Brashich fait machine arrière et demande une ordonnance à l'encontre de la
20 SFOR aux fins de production forcée.
21 Mais vous ne pouvez pas dire parce que simplement il n'a pas encore eu de
22 moyens de preuve qu'il doit échouer dans sa tentative. Il essaie pour le
23 moment encore d'obtenir ces éléments de preuve. Il peut y parvenir ou pas.
24 J'ajouterai aussi ceci: ces arguments et ces écritures très circonstanciés
25 semblent dépasser cette prémisse qui est la vôtre, à savoir qu'il cherche
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1 à produire des éléments de preuve contre le Bureau du Procureur. Si j'ai
2 bien compris ses nouvelles écritures, il dit ceci: peu importe qu'il y ait
3 eu participation ou pas du Bureau du Procureur, il veut aller plus loin,
4 plus loin qu'une décision purement interne. Il dit que le droit
5 international est tellement pur que si un problème quelconque se pose à un
6 moment donné dans la ligne conduite qui a présidé à l'arrestation, à ce
7 moment-là l'homme qu'il défend doit être libéré. Il se peut qu'il se
8 trompe. Il se peut qu'il ait raison. C'est une expédition à la recherche
9 des documents, mais pas comme vous le disiez, à savoir qu'il chercherait à
10 montrer uniquement qu'il y avait eu participation du Bureau du Procureur.
11 Je crois qu'il faut faire face à ce type d'argument.
12 Personnellement, je ne sais pas et j'aimerais savoir si le Bureau du
13 Procureur a jamais eu en sa possession des rapports de la SFOR.
14 Mme Paterson (interprétation): Je le dirai aujourd'hui comme je l'ai déjà
15 dit à maintes reprises: le Bureau du Procureur n'a eu aucune participation
16 dans l'arrestation de Todorovic. Jamais le Bureau du Procureur n'a eu en
17 sa possession aucun document relatif à l'arrestation de M. Todorovic, mis
18 à part un seul document que nous avons déjà communiqué à la défense. C'est
19 un rapport d'une page, écrit par l'enquêteur qui a procédé à l'arrestation
20 à la base de Tuzla ce jour-là.
21 M. Hunt (interprétation): Nous n'avons pas vu la totalité de ce document.
22 Mme Paterson (interprétation): Eh bien, c'est tout!
23 M. Hunt (interprétation): Quelle est la base?
24 Mme Paterson (interprétation): Eh bien, c'est le style de l'auteur de ce
25 rapport. Nous pourrions peut-être poursuivre l'audience commencée en
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1 novembre et appeler à la barre l'enquêteur. Nous sommes tout à fait prêts
2 à ce qu'il comparaisse en tant que témoin, qu'on lui pose des questions,
3 qu'il s'explique, qu'il explique exactement ce qu'il a fait, ce qu'il
4 connaissait, ce qu'il ne savait pas.
5 A ce moment-là, peut-être la Chambre pourra-t-elle mieux savoir si l'un
6 quelconque des documents requis par M. Brashich est pertinent, parce que
7 moi je peux vous faire une offre de preuve, je peux vous dire que
8 l'enquêteur est prêt à déclarer sans aucune équivoque qu'il n'était pas
9 informé auparavant de l'arrestation de M. Todorovic, que nous n'avons
10 aucunement participé à cette arrestation en tant que Bureau du Procureur
11 et que cet enquêteur était là en qualité de représentant de l'accusation
12 simplement pour assurer la garde de l'accusé, pour l'informer de ses
13 droits et pour lui fournir copie du mandat d'arrêt.
14 Le Bureau du Procureur a un enquêteur qui est présent à chacune des
15 arrestations réalisées en Bosnie ou en Croatie s'agissant des personnes
16 mises en accusation par ce Tribunal. C'est ce qui se passe aussi dans
17 d'autres pays où sont faites des arrestations. Si vous dites que le seul
18 fait qu'il y ait présence d'un enquêteur pour effectuer l'arrestation
19 permet à toute défense de demander des documents de la SFOR, je crois que
20 l'on ouvre la boîte de Pandore et qu'il serait difficile de la refermer.
21 Il n'est pas possible de dire que le Bureau du Procureur n'a pas le droit
22 d'envoyer sur place un enquêteur pour une arrestation. Le seul fait qu'il
23 soit là pour effectuer l'arrestation n'entraîne pas, pour la défense, le
24 droit de requérir des documents et des preuves de la SFOR.
25 M. Hunt (interprétation): Je ne vais pas en discuter avec vous parce que
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1 j'ai déjà dit ce qu'affirme M. Brashich, comme, je le répète, il se peut
2 qu'il se trompe, il se peut qu'il ait raison. Il n'en demeure pas moins
3 que vous n'avez pas encore répondu à d'autres arguments qu'il avance, à
4 savoir qu'il importe peu de savoir s'il y a eu participation ou pas du
5 Bureau du Procureur.
6 Mme Paterson (interprétation): Je crois que nous en avons discuté à
7 maintes reprises aussi dans nos écritures.
8 M. Hunt (interprétation): En disant simplement que le Bureau du Procureur
9 n'a eu aucune participation.
10 Mme Paterson (interprétation): Je pense que lorsque nous avons répondu à
11 la première requête afin qu'il y ait tenue de cette audience consacrée aux
12 moyens de preuve, nous avons dit que M. Todorovic n'avait aucun droit à
13 contester ce qu'il disait s'agissant du caractère illégal de son
14 arrestation. Nous l'avons dit en appel aussi et dans plusieurs écritures.
15 Dès le départ, nous avons dit -et je crois que le Juge Bennouna lui-même
16 l'a dit au cours d'une des procédures- que la question qui se pose est de
17 savoir s'il y a eu participation du Bureau du Procureur. Quant à savoir
18 s'il y a peut-être eu participation de la SFOR ou de particuliers qui
19 auraient enlevé M. Todorovic, ce n'est pas une question dont doit être
20 saisi ce Tribunal et pour laquelle il a compétence.
21 M. Hunt (interprétation): Je crois que j'ai dit exactement la même chose
22 que le Juge Bennouna moi-même. C'est ma conviction. Mais ce n'est pas ce
23 que l'on avance ici, ce n'est pas la thèse qui est présentée et qu'il faut
24 examiner.
25 Mme Paterson (interprétation): Voici comment je comprends la requête de M.
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1 Brashich. Il demande précisément ceci: que vous dépassiez la question de
2 la participation éventuelle du Bureau du Procureur, il demande que l'on
3 parle de façon générale de ce scénario d'arrestation et nous, nous
4 affirmons que ce Tribunal n'a pas compétence en telle matière, que même si
5 M. Brashich peut avancer ceci, c'est à présenter devant un tribunal de
6 Serbie et pas ici.
7 M. Hunt (interprétation): Revenons un pas en arrière, laissons ces
8 prétentions de côté pour l'instant. A votre avis, que répondez-vous à
9 l'affirmation qu'il fait selon laquelle il a le droit d'avoir ces
10 documents puisqu'il les a identifiés et qu'il en a besoin pour montrer
11 qu'il y a eu participation du Bureau du Procureur? Tout ce que vous avez
12 dit jusqu'à présent, ici, à l'audience, c'est que vous n'avez pas
13 participé. Mais ce n'est pas vraiment une réponse, n'est-ce pas?
14 Mme Paterson (interprétation): En tant que membre du Tribunal, pour moi,
15 c'est une déclaration tout à fait légitime. Je pense que si l'enquêteur
16 vient et dépose sous serment, il vous le dira aussi: il n'y a pas eu
17 participation du Bureau du Procureur. Vous qualifiez ceci d'"expédition de
18 dragage". Je ne sais pas si c'est bien qualifier la chose.
19 Si M. Brashich ne peut pas avancer d'autres arguments pour montrer qu'il y
20 a de bonnes raisons de croire que le Bureau du Procureur a effectivement
21 participé à une activité illégale, nous estimons que ce n'est rien d'autre
22 qu'une simple expédition.
23 M. Hunt (interprétation): Nous avons déjà émis une ordonnance afin que le
24 Bureau du Procureur présente ces documents et vous avez engagé un recours
25 qui n'a pas abouti. Moi, je n'ai pas changé d'avis. A mon avis, les
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1 documents qui nous ont été soumis la dernière fois justifiaient que nous
2 émettions une ordonnance contre le Bureau du Procureur comme, je le
3 répète, vous n'avez pas réussi dans votre recours en appel. Si ces
4 documents avaient été mis à notre disposition par le Bureau du Procureur,
5 or si vous n'avez pas ces documents, que dites-vous aux différents pays
6 qui composent la SFOR et à qui vous demandez de produire ces cassettes ou
7 vidéos?
8 Vous ne pouvez pas dire que ce sont là des éléments qui ne sont pas
9 pertinents si nous estimons que ce sont des documents qu'il faut produire.
10 Mme Paterson (interprétation): Hormis le fait que dans sa déposition M.
11 Todorovic a affirmé...
12 M. Hunt (interprétation): Non, non, vous l'avez dit tout du long et nous
13 n'avons pas accepté cet argument. Maintenant, il faut faire face au fait
14 que nous avons dit que ces documents, ces cassettes vidéos devraient être
15 produites par le Bureau du Procureur. Vous avez perdu le recours que vous
16 avez engagé, donc cela veut dire que l'ordonnance de production forcée
17 reste d'application.
18 Maintenant, vous dites n'avoir jamais eu ce rapport ou ces éléments de
19 preuve. Monsieur Brashich fait machine arrière et il les demande à la SFOR
20 ou aux généraux. Moi, je pensais que cela devait s'adresser aux pays qui
21 composent la SFOR, qu'il s'agit des questions de documents qu'il faut
22 produire au vu des éléments déjà soumis à la Chambre de première instance.
23 Mme Paterson (interprétation): Peut-être que je pourrais vous poser une
24 question pour m'aider: est-ce que vous dites que vous croyez que M.
25 Brashich a suffisamment présenté d'arguments pour que cette Chambre pense
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1 qu'il y a peut-être des éléments de preuve montrant la participation du
2 Bureau du Procureur à l'arrestation?
3 M. Hunt (interprétation): Non, ce n'est pas le cas. Je voudrais que vous
4 m'écoutiez. Nous avons suivi la décision prise par la Chambre d'appel qui
5 dit qu'elle n'a pas à montrer qu'il va produire ces pièces, mais que l'on
6 peut penser de façon raisonnable qu'elles vont être produites. C'est la
7 base qui suffit pour exiger que ces documents soient produits.
8 Je le répète -j'espère pour la dernière fois-, vous avez engagé un recours
9 en appel que vous avez perdu. Nous avons dit que ces pièces doivent être
10 produites par quiconque les détient. Vous dites ne pas les avoir et
11 maintenant il dit, M. Brashich, que c'est la SFOR qui doit les produire ou
12 des généraux ou quelqu'un qui les représente. Qu'en dites-vous?
13 Mme Paterson (interprétation): Si dans chaque affaire où il y a
14 arrestation d'un accusé qui est traduit devant ce Tribunal...
15 M. Hunt (interprétation): Non, non, vous n'avez pas le droit de revenir
16 sur cet argument. Vous avez essayé la dernière fois, vous n'y êtes pas
17 parvenue.
18 Nous avons pris une décision selon laquelle, sur la base des documents, ce
19 n'était pas seulement cela mais sur la base des documents présentés, nous
20 avons émis une ordonnance pour dire que ces documents devaient être
21 produits. Vous n'avez pas été en mesure de le faire, ce qui fait que,
22 maintenant, M. Brashich se tourne vers les personnes qui avaient ces
23 documents. Que répondez-vous à cela?
24 Mme Paterson (interprétation): Eh bien, sur ce point précis, je ne
25 représente pas la SFOR, je ne suis pas autorisée à parler en son nom. Moi,
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1 je ne peux parler qu'au nom du Bureau du Procureur. Le Bureau du Procureur
2 s'est conformé à toutes vos ordonnances, a produit tous les documents que
3 nous avons eu en notre possession en rapport avec l'arrestation de M.
4 Todorovic.
5 Quant à savoir si vous avez le droit d'ordonner à la SFOR de produire des
6 documents, je ne sais pas, mais nous affirmons que ce n'est pas un droit
7 que vous avez. Quant à savoir s'il faut présenter un tel argument, en tout
8 cas, pour y répondre c'est la SFOR qui doit répondre et pas moi.
9 M. Hunt (interprétation): Donc vous n'avez rien à dire en plus de ce
10 qu'ils ont dit, parce que la SFOR n'a pas répondu à ce point non plus.
11 Mme Paterson (interprétation): Je pense que nous sommes d'accord avec ce
12 que dit la SFOR dans sa réponse. Ce qui traduit la plupart des arguments
13 que nous avons déjà avancés, mais je ne peux pas parler au nom de la SFOR.
14 M. Hunt (interprétation): Fort bien.
15 M. le Président (interprétation): Juge Bennouna?
16 M. Bennouna: Je voudrais poser une question à M. Brashich.
17 M. Brashich (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.
18 M. Bennouna: Je vais vous aider parce que vous nous dites, dans votre
19 réplique ou réponse de la défense aux documents présentés par la SFOR,
20 vous nous rappelez un certain nombre de choses aux pages 7, 8 et 9; vous
21 nous rappelez la jurisprudence Tadic de ce Tribunal en appel.
22 M. Bennouna (interprétation): Vous nous dites que les individus peuvent
23 maintenant invoquer en tant que défense des violations de la souveraineté
24 d'un Etat et qu'au moins cette Chambre reconnaîtra ceci. Par la suite,
25 vous nous dites que cette Chambre d'appel a déterminé que le droit de
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1 plaider une violation de la souveraineté d'un Etat en tant que moyen de
2 défense n'est pas le droit exclusif des Etats mais aussi le droit de
3 particuliers.
4 M. Bennouna: Alors, si je comprends bien votre position, vous nous dites
5 en fait que cet accusé Todorovic a le droit d'invoquer pour se défendre,
6 comme moyen de défense, la violation de la souveraineté d'un pays qui est
7 la République fédérale de Yougoslavie, et que cette violation, si elle a
8 lieu, il peut d'abord l'invoquer, puis vous nous dites après -et c'est là
9 où il y a un problème-, si l'on constate qu'il y a violation de
10 souveraineté, l'accusé a le droit de revenir à son pays, ce que vous
11 appelez le pays de refuge. Ce n'est même pas son pays, mais le pays de
12 refuge, le pays où il a été en fait illégalement arrêté.
13 Dans le document qu'il a soumis,… la SFOR, "Peace Stabilisation Force",..
14 de leurs conseillers juridiques, et daté aussi du 9 juillet, il dit: "Oui"
15 et il nous tient le raisonnement suivant. Il nous dit: "Mais quelle que
16 soit la façon dont cette personne, M. Todorovic, a été arrêtée, même si
17 elle a été arrêtée en violation du droit de la République fédérale de
18 Yougoslavie, et donc en violation peut-être de la souveraineté de cet
19 Etat, de toute façon, ceci ne peut pas avoir comme conséquence de la
20 libérer, de l'amener à revenir à son Etat de refuge".
21 Le raisonnement, si j'ai bien compris, est le suivant: quel est l'intérêt
22 d'une procédure qui, de toute façon, ne peut déboucher sur aucun résultat
23 puisque l'accusé est là, il est présent? Et je laisse de côté la
24 discussion que vient d'avoir le Juge Hunt avec le Procureur, Mme Paterson,
25 concernant la responsabilité éventuelle du Procureur.
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1 Je parle de la question de la violation de souveraineté parce que ce que
2 vous invoquez, c'est la violation de souveraineté qui peut être un moyen
3 de défense. C'est cela le problème.
4 La SFOR vous dit: "Même s'il a été illégalement arrêté, eh bien, cela
5 n'aura pas pour conséquence de le libérer puisque, de toute façon, cette
6 personne doit être arrêtée là où elle se trouve en vertu de l'Acte
7 d'accusation qui est un Acte d'accusation valide, qui s'impose à tous les
8 Etats en vertu du Statut du Tribunal et de l'Article 29".
9 Donc pas d'intérêt, pas d'action en quelque sorte. C'est ce que nous dit
10 la SFOR. Quelle est cette action que vous engagez qui ne peut déboucher
11 sur rien parce qu'elle ne peut pas conduire à libérer M. Todorovic?
12 J'aimerais bien vous entendre sur ce point particulier parce que vous avez
13 toujours soutenu, comme si c'était une évidence, que si une personne a été
14 illégalement arrêtée, le seul remède à cette illégalité serait la
15 libération. Ce qui d'ailleurs, et je termine là-dessus, peut mener à un
16 résultat un peu absurde parce qu'on ramène la personne à l'Etat de refuge
17 et on demande à l'Etat de refuge de la ramener tout de suite par le même
18 avion. Le droit, ce n'est pas uniquement de la théorie, c'est aussi de la
19 pratique.
20 Cette personne est l'objet d'un Acte d'accusation. L'Acte d'accusation est
21 valide. Elle doit être livrée par n'importe quel Etat où elle se trouve.
22 Il se trouve qu'aujourd'hui, elle est à La Haye, que M. Todorovic est à La
23 Haye. On nous dit: "Vous le ramenez à Belgrade et puis vous demandez à
24 Belgrade de vous le ramener tout de suite".
25 Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur ce point parce que cela nous
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1 aiderait beaucoup?
2 M. Brashich (interprétation): Oui, Monsieur le Juge. Voici comment
3 j'interprète la jurisprudence du droit international.
4 Nous commençons par l'affaire Eichman. Là, nous avons un enlèvement
5 illégal qui est rendu légal par le fait que l'Etat dans lequel
6 l'enlèvement s'est effectué n'a pas protesté. Cela, c'est au début des
7 années 60. Mais depuis, le droit international a évolué et je pense que
8 maintenant, il faut dire que, s'il y a enlèvement illégal, ceci enlève à
9 la Chambre toute compétence.
10 Dans la situation présente, il y a violation de la souveraineté d'un Etat.
11 Ce qu'invoque mon client, et la Chambre d'appel a dit que c'est un moyen
12 de défense qui peut être invoqué par un accusé devant ce Tribunal, le
13 résultat pratique -et vous avez tout à fait raison de le dire, Monsieur le
14 Juge- serait que M. Todorovic retournerait ou rentrerait non pas vers la
15 liberté, vers la libération, mais qu'il y aurait retour dans le système,
16 sous la compétence de la RFY et qu'une requête, cette fois en bonne et due
17 forme, serait présentée par le Bureau du Procureur aux fins d'extradition
18 de M. Todorovic afin qu'il soit traduit en justice...
19 M. Bennouna: Je vous arrête, Monsieur Brashich. Le terme "extradition"
20 n'est pas approprié. C'est un terme juridique et technique; vous savez
21 qu'il n'a pas été utilisé pour les juridictions internationales.
22 M. Brashich (interprétation): Je m'en excuse, Monsieur le Juge; je me suis
23 mal exprimé. Je voulais parler de son retour devant ce Tribunal afin
24 qu'une nouvelle procédure soit engagée en application de l'Acte
25 d'accusation.
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1 Comme je l'ai indiqué dans mes dernières écritures, si l'on procédait
2 d'autre manière ou si l'on suivait, si l'on adoptait les arguments de la
3 SFOR qui, selon moi, sont viciés, à savoir que ce serait de toute façon
4 inutile parce que soit il reviendrait immédiatement ou, autre cas de
5 figure, la République fédérale de Yougoslavie ne respecterait pas les
6 engagements qu'elle a pris dans les accords de Dayton et dans le traité de
7 paix de Paris, non évidemment, ceci place ce Tribunal dans une situation
8 très difficile parce qu'il faut là prendre une décision sur la politique
9 d'un Etat souverain.
10 Alors, quant à savoir quelle est la procédure adoptée après le retour, que
11 ce soit à Cuba, en Corée du Nord, en Irak ou aux Pays-Bas, à mon avis,
12 c'est quelque chose qui est extérieur, qui est en dehors du champ de
13 compétence de... -enfin, là, je pense peut-être que le champ n'est peut-
14 être pas le mot qu'il faut-, mais en tout cas qui dépasse les intérêts du
15 Tribunal. A ce moment-là, il faut un format politique à ce type
16 d'activité. Tout comme on le fait si l'on demande à un Etat de fournir des
17 informations, ce type de demande de production ne se fait pas au niveau du
18 Tribunal mais à celui du Conseil de sécurité.
19 M. Bennouna: Essayons d'être technique. Nous ne sommes pas dans une
20 instance politique ici, nous sommes devant un Tribunal international.
21 Premièrement, les précédents que vous nous citez concernent la violation
22 de souveraineté d'un Etat par un autre Etat…
23 M. Brashich (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.
24 M. Bennouna: …et non une question de violation de souveraineté d'un Etat
25 par un organisme international. Parce que le problème que vous évoquez ici
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1 est le jugement par un Tribunal international créé sur la base du chapitre
2 VII; or, vous savez très bien que, lorsqu'on se trouve dans le cadre du
3 chapitre VII, la réserve de l'Article 2, paragraphe 7 de la Charte qui
4 protège le domaine réservé à la juridiction nationale des Etats -"Domestic
5 Juridiction"- ne joue pas, ne peut pas être opposée lorsqu'on opère dans
6 le cadre du chapitre VII. Ceci est clair dans le texte même de l'Article
7 2, paragraphe 7 de la Charte. Donc vous ne pouvez pas opposer au Tribunal
8 la juridiction nationale d'un Etat ou la compétence nationale d'un Etat
9 parce que ce Tribunal opère sur la base du chapitre VII.
10 Maintenant, le problème qui se pose ici et que vous nous posez, et sur
11 lequel notre Chambre décidera en temps voulu, c'est le dépassement par la
12 SFOR -la "Stabilization Force", qui est un organisme international créé
13 sur autorisation du Conseil de sécurité- de sa propre compétence. C'est
14 cela le problème que vous nous posez.
15 C'est que le mandat de la SFOR, pour arrêter éventuellement des personnes
16 et venir en soutien au Tribunal, est limité au territoire de la Bosnie.
17 Il se trouve qu'ici, l'opération s'est placée ailleurs ou elle a été
18 commanditée... enfin, il est allégué qu'elle a été commanditée ailleurs,
19 même si elle s'est réalisée en Bosnie. Par conséquent, vous nous dites:
20 "Cet organisme international, dépendant de l'OTAN mais créé sur
21 autorisation du Conseil de sécurité, et ayant reçu un mandat du Conseil de
22 sécurité dans le cadre du chapitre VII, romain a dépassé la compétence qui
23 lui est fixée par les résolutions du Conseil de sécurité."
24 Voilà ce que vous nous dites. Est-ce que c'est cela que vous nous dites?
25 Je voudrais l'entendre de vous. C'est la manière dont je comprends les
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1 choses, mais je voudrais bien entendre de vous comment vous voyez cette
2 question.
3 M. Brashich (interprétation): En partie, Monsieur le Juge. Je concède, et
4 la Chambre a tout à fait raison de le dire- que tous les précédents que
5 j'ai invoqués et cités ont trait à des compétences de juridiction
6 nationale. Et je ne suis pas au courant qu'il y aurait participation d'un
7 organisme international à un enlèvement ou qui serait mis en accusation
8 pour une telle participation. Là, je n'ai pas de précédent à vous citer.
9 Mais je crois que vous avez tout à fait raison, Monsieur le Juge, en
10 disant que l'Article 7 qui porte création de ce Tribunal établit, ce
11 faisant, aussi la IFOR et la SFOR sur le territoire de la Bosnie.
12 Mais je vais un peu plus loin, je franchis un pas de plus en disant qu'il
13 y a un rapport vertical, une corrélation verticale, plutôt qu'une
14 corrélation horizontale, comme le suggère la République de Croatie, entre
15 la SFOR et ce Tribunal. Et je fais une autre suggestion: je soutiens que
16 la participation à un acte d'enlèvement où il y a saisie d'une personne
17 sur le territoire de la RFY, si ceci est prouvé, enlèverait toute
18 compétence à cette Chambre. J'ajouterai aussi que, tout du moins selon
19 moi, on ne peut pas avoir une situation où une instance internationale
20 n'aurait pas à répondre devant quelqu'un d'actes qui pourraient être
21 considérés comme étant illégaux.
22 M. Bennouna: Vous nous dites, et je lis sur le transcript en anglais:
23 "Participation à un enlèvement et saisie d'une personne sur les
24 territoires de la RFY". Mettez-vous en cause la SFOR pour avoir participé
25 à cet enlèvement "illégal" ou bien, mettez-vous en cause le Tribunal au
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1 travers du Bureau du Procureur? Que mettez-vous en cause? Ou bien vous
2 mettez en cause... Pardon?
3 M. Brashich (interprétation): La SFOR, en première instance. Mais comme le
4 disait le Juge Hunt, je cherche à obtenir des informations, des
5 renseignements que je n'ai pas reçus et que le Bureau du Procureur ne m'a
6 pas transmis montrant qu'il y a peut-être eu participation du Bureau du
7 Procureur. Rappelez-vous: vous savez, il a été attiré pour franchir le
8 pont et le Bureau du Procureur a admis qu'il s'agissait d'une opération
9 conjointe. Je ne me souviens plus exactement de la phrase, mais ce fut le
10 cas, Monsieur le Juge. Oui, pardon, c'était dans l'affaire Dokmanovic.
11 Il semble étrange, comme le disait le Juge Hunt que, lorsque j'ai déposé
12 une requête, la Chambre a rendu une ordonnance plutôt que de dire
13 simplement: "Voici le rapport et c'est tout ce que l'on a, rien d'autre".
14 Par contre, il y a eu un mur de silence devant nous; on engage un recours
15 et lorsque l'accusation est déboutée, je ne reçois pas l'original du
16 mandat ou du rapport d'arrestation. En fait, c'est une nouvelle confection
17 que l'on me donne, quelque chose de fabriqué ou c'est un rapport que l'on
18 est en train de fabriquer parce qu'apparemment ce rapport s'est perdu au
19 Bureau du Procureur à Sarajevo.
20 M. Bennouna: Si je comprends bien vous nous dites que vous n'excluez pas
21 une complicité du Bureau du Procureur dans l'opération d'enlèvement
22 illégal. C'est bien cela?
23 M. Brashich (interprétation): Effectivement.
24 M. Bennouna: Je vous remercie.
25 M. le Président (interprétation): Maître Brashich…
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1 M. Brashich (interprétation): Oui.
2 M. le Président (interprétation): Je pense que vous pourrez réagir
3 rapidement si vous le souhaitez à ce qu'a soutenu l'accusation.
4 Auparavant, je voulais apporter ou recevoir une précision de la part de
5 Mme Paterson. Madame, s'il vous plaît, vous avez dit au Juge Hunt qu'il
6 vous était impossible de parler au nom de la SFOR mais, si j'ai bien
7 compris, ce n'est pas ce que l'on vous demande. On vous demande de
8 répondre en tant que représentant du Bureau du Procureur. On vous demande
9 de soutenir les points de droit. Le point de droit étant de savoir si la
10 Chambre a compétence pour émettre une ordonnance à l'encontre de la SFOR.
11 Si je vous ai bien compris, vous faites vôtre les arguments avancés par la
12 SFOR. Est-ce exact?
13 Mme Paterson (interprétation): Je crois que j'avais dit que nous avions
14 déjà répondu à ces arguments à plusieurs reprises par le passé dans nos
15 écritures. Je ne voudrais pas me répéter. Nous estimons que cette Chambre
16 n'a pas compétence pour émettre une telle ordonnance à l'encontre de la
17 SFOR. Nous ne faisons pas nôtre les déclarations de la SFOR, mais je
18 rappelle simplement que ce que la SFOR dit est tout à fait dans le droit
19 fil de ce que nous disons au Bureau du Procureur. Nous reprenons les mêmes
20 arguments. Nous n'avons pas eu l'occasion de contribuer aux arguments de
21 la SFOR, donc je n'affirme pas qu'il y ait un lien quelconque entre nous.
22 Mais ce que nous disons depuis le début est que dans le droit
23 international rien ne fonde les arguments de M. Blaskic. S'agissant de
24 telles questions...
25 M. Bennouna: Attendez, Madame Paterson. Je crois que pour nous aider il
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1 faut répondre complètement à la question du Juge Robinson. Mon collègue,
2 le Juge Robinson, vous a posé une question qui est très importante: est-ce
3 que le Tribunal a la possibilité d'ordonner à la SFOR de produire ces
4 documents? Parce que, jusqu'à présent, on a simplement demandé mais on n'a
5 pas ordonné.
6 Je laisse de côté la question du subpoena qui est une autre question,
7 laquelle -comme vous le savez- relève d'un autre problème qui a été déjà
8 réglé en partie par la jurisprudence du Tribunal notamment Blaskic. Je
9 parle simplement d'ordonner.
10 La question du Juge Robinson est de savoir quelle est votre position là-
11 dessus. Nous savons que le Tribunal peut ordonner à des Etats sur la base
12 de l'Article 29. Personnellement, la question que je vous pose est la
13 suivante: si nous pouvons ordonner à un Etat en particulier, pourquoi ne
14 pouvons-nous pas ordonner à un certain nombre d'Etats qui opèrent au
15 travers d'un organisme international? La question, en quelque sorte,
16 serait la suivante: il suffirait de s'abriter derrière un organisme
17 international pour échapper aux ordres du Tribunal international. C'est
18 cela en fait la conclusion. On voudrait bien avoir votre point de vue là-
19 dessus.
20 Mme Paterson (interprétation): Monsieur le Juge, voici notre position. Au
21 vu des faits soumis à cette Chambre, faits précis relatifs à M. Todorovic,
22 à l'information fournie par M. Brashich, à l'information fournie par le
23 Bureau du Procureur, nous estimons qu'au vu de ces faits il n'est pas
24 approprié et ne relève pas de la compétence de ce Tribunal d'ordonner une
25 production forcée à la SFOR. Il se peut qu'il y ait des circonstances
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1 potentielles. Nous sommes conscients des droits accordés en vertu de
2 l'arrêt Blaskic, du droit d'ordonner à des Etats de produire des
3 documents. Nous sommes conscients de tout cela. Nous le reconnaissons,
4 mais nous disons que les faits, ici, sont différents. Au vu des faits de
5 cette espèce, nous n'estimons pas que le Tribunal a le droit d'ordonner
6 une telle chose à la SFOR. Non pas parce que nous essayons de nous abriter
7 derrière une organisation internationale quelconque. Nous l'avons dit
8 depuis le début, nous nous fondons sur les faits de l'affaire. Nous
9 soutenons que la seule question qui se pose à ce Tribunal est de savoir
10 s'il y a eu participation illégale quelconque du Bureau du Procureur. Ce
11 que dit maintenant M. Brashich porte sur l'extradition, les questions qui
12 sont de la souveraineté d'un Etat qui ne relèvent pas de la compétence du
13 Tribunal.
14 M. le Président (interprétation): Merci, Madame Paterson. Voulez-vous
15 réagir, Monsieur Brashich? Si c'est le cas, faites-le rapidement.
16 M. Brashich (interprétation): Oui, j'ai déjà fourni mes arguments par
17 écrit. Merci, Monsieur le Président.
18 M. le Président (interprétation): Je remercie les parties des arguments
19 qui ont été soumis à la Chambre. La Chambre va s'en saisir et rendra sa
20 décision en temps voulu. L'audience est suspendue.