Affaire n° : IT-02-54-AR73.4

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Fausto Pocar, Président
M. le Juge Claude Jorda
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
M. le Juge David Hunt
M. le Juge Mehmet Güney

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
21 octobre 2003

LE PROCUREUR

c/

Slobodan MILOSEVIC

________________________________

OPINION DISSIDENTE DU JUGE HUNT RELATIVE À L’ADMISSIBILITÉ DE DÉCLARATIONS ÉCRITES PRÉSENTÉES PAR L’ACCUSATION DANS LE CADRE DE L’EXPOSÉ DE SES MOYENS

(Décision rendue par la majorité le 30 septembre 2003)

________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
Mme Hildegard Uertz-Retzlaff
M. Dermot Groome

L’Accusé :

Slobodan Milosevic (non représenté)

Les Amici Curiae :

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Timothy McCormack

OPINION DISSIDENTE DU JUGE DAVID HUNT

1. L’Accusation demande pour la troisième fois à la Chambre d’appel de se prononcer sur l’admissibilité de déclarations recueillies par des enquêteurs de l’Accusation auprès de témoins pour les besoins d’un procès, et donc sur le rapport existant entre les articles 89 F) et 92 bis du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »). Ces deux dispositions ont été introduites dans le Règlement à la suite d’une décision rendue antérieurement par la Chambre d’appel sur le même sujet dans Le Procureur c/ Kordic et Cerkez1.

2. Au moment où la Décision Kordic et Cerkez a été rendue, la déclaration présentement en cause (déclaration qui avait été recueillie par un enquêteur de l’Accusation auprès d’un témoin qui était ensuite décédé avant le procès) avait été présentée en vertu de l’article 89 C) du Règlement. Cet article doit être replacé dans le contexte de l’époque :

Section 3 : De la preuve

Article 89
Dispositions générales

A) En matière de preuve, les règles énoncées dans la présente section s’appliquent à toute procédure devant les Chambres. La Chambre saisie n’est pas liée par les règles de droit interne régissant l’administration de la preuve.

B) Dans les cas où le Règlement est muet, la Chambre applique les règles d'administration de la preuve propres à parvenir, dans l'esprit du Statut et des principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause.

C) La Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent qu'elle estime avoir valeur probante.

D) La Chambre peut exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l'exigence d'un procès équitable.

E) La Chambre peut demander à vérifier l'authenticité de tout élément de preuve obtenu hors audience.

Article 90
Témoignages

A) Sous réserve des articles 71 et 71 bis, les Chambres entendent en principe les témoins en personne.

(L’article 71 du Règlement permet de recueillir hors audience des dépositions en vue du procès lorsque l’intérêt de la justice le commande ; l’article 71bis permet de recueillir un témoignage par voie de vidéoconférence dans l’intérêt de la justice).

3. Dans la Décision Kordic et Cerkez, la Chambre d’appel a estimé que le large pouvoir d’appréciation conféré par l’article 89 C) du Règlement était limité par la condition posée par l’article 89 B), à savoir que la Chambre doit appliquer les règles d’administration de la preuve permettant de parvenir, en accord avec l’esprit du Statut et les principes généraux du droit, à un règlement équitable de la cause ; elle doit donc exercer le pouvoir d’appréciation que lui reconnaît l’article 89 C) en respectant autant que possible le Statut et les autres articles du Règlement2. La Chambre d’appel a également conclu qu’il fallait interpréter l’article 89 C) de manière à garantir que la Chambre soit convaincue de la fiabilité des éléments de preuve ; si ceux- ci ne satisfont pas aux conditions posées par les autres articles du Règlement pour déroger au principe de l’oralité des témoignages, il faut apporter la preuve de leur fiabilité3. La fiabilité d’un témoignage par ouï-dire est dès lors à prendre en compte pour juger non pas seulement de sa valeur probante mais aussi de son admissibilité4. Il a été admis que la décision devait dans une certaine mesure tenir compte de la préférence exprimée dans l’article 90 A) pour les témoignages « directs en audience  »5. La Chambre d’appel a donc accueilli l’appel interjeté contre la décision d’admettre la déclaration de témoin recueillie par l’enquêteur de l’Accusation, et enjoint à la Chambre de première instance de l’exclure6.

4. En décembre 2000, cette préférence pour des témoignages « directs en audience  » a été tempérée par la suppression de l’article 90 A) du Règlement, et par l’insertion des articles 89 F) et 92 bis. Ces nouveaux articles sont ainsi libellés :

Section 3 : De la preuve

Article 89
Dispositions générales

[…]

F) La Chambre peut recevoir la déposition d’un témoin oralement, ou par écrit si l’intérêt de la justice le commande.

Article 92 bis
Faits prouvés autrement que par l’audition d’un témoin

A) La Chambre de première instance peut admettre, en tout ou en partie, les éléments de preuve présentés par un témoin sous la forme d’une déclaration écrite, au lieu et place d’un témoignage oral, et permettant de démontrer un point autre que les actes et le comportement de l’accusé tels qu’allégués dans l’acte d’accusation.

i) Parmi les facteurs justifiant le versement au dossier d’une déclaration écrite, on compte notamment les cas où lesdits éléments de preuve :

a) sont cumulatifs, au sens où d’autres témoins déposeront ou ont déjà déposé oralement sur des faits similaires ;

b) se rapportent au contexte historique, politique ou militaire pertinent ;

c) consistent en une analyse générale ou statistique de la composition ethnique de la population dans les lieux mentionnés dans l’acte d’accusation ;

d) se rapportent à l’effet des crimes sur les victimes ;

e) portent sur la moralité de l’accusé ; ou

f) se rapportent à des éléments à prendre en compte pour la détermination de la peine.

ii) Parmi les facteurs s’opposant au versement au dossier d’une déclaration écrite, on compte les cas où :

a) l’intérêt général commande que les éléments de preuve concernés soient présentés oralement ;

b) une partie qui s’oppose au versement des éléments de preuve peut démontrer qu’ils ne sont pas fiables du fait de leur nature et de leur source, ou que leur valeur probante est largement inférieure à leur effet préjudiciable ou

c) il existe tout autre facteur qui justifie la comparution du témoin pour contre -interrogatoire.

B) Une déclaration écrite soumise au titre du présent article est recevable si le déclarant a joint une attestation écrite selon laquelle le contenu de la déclaration est, pour autant qu’il le sache et s’en souvienne, véridique et exact et

i) la déclaration est recueillie en présence :

a) d’une personne habilitée à certifier une telle déclaration en conformité avec le droit et la procédure d’un État ou

b) un officier instrumentaire désigné à cet effet par le Greffier du Tribunal international et

ii) la personne certifiant la déclaration atteste par écrit :

a) que le déclarant est effectivement la personne identifiée dans ladite déclaration ;

b) que le déclarant a affirmé que le contenu de la déclaration est, pour autant qu’il le sache et s’en souvienne, véridique et exact ;

c) que le déclarant a été informé qu’il pouvait être poursuivi pour faux témoignage si le contenu de la déclaration n’était pas véridique et

d) la date et le lieu de la déclaration.

L’attestation est jointe à la déclaration écrite soumise à la Chambre de première instance.

C) Une déclaration écrite ne se présentant pas sous la forme prévue au paragraphe B) peut néanmoins être recevable si elle provient d’une personne décédée par la suite, d’une personne qui ne peut plus être retrouvée malgré des efforts raisonnables ou d’une personne qui n’est pas en mesure de témoigner oralement en raison de son état de santé physique ou mentale, sous réserve que la Chambre de première instance :

i) en conclut ainsi sur la base de l'hypothèse la plus probable et

ii) estime que les circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite et enregistrée présentent des indices suffisants de sa fiabilité.

D) La Chambre peut verser au dossier le compte rendu d’un témoignage entendu dans le cadre de procédures menées devant le Tribunal et qui tend à prouver un point autre que les actes et le comportement de l’accusé.

E) Sous réserve de l’article 127 ou de toute ordonnance contraire, une partie qui entend soumettre une déclaration écrite ou le compte rendu d’un témoignage le notifie quatorze jours à l’avance à la partie adverse, qui peut s’y opposer dans un délai de sept jours. La Chambre de première instance décide, après audition des parties, s’il convient de verser la déclaration ou le compte rendu au dossier, en tout ou en partie, ou s’il convient d’ordonner que le témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire.

5. Toutes ces modifications ont été apportées au Règlement dans le cadre d’une même révision. La Chambre d’appel a considéré à deux reprises qu’elles avaient pour effet de tempérer la préférence donnée jusqu’alors aux témoignages « directs en audience  » et d’autoriser, lorsque l’intérêt de la justice le justifie, la présentation d’éléments de preuve par écrit, à condition qu’ils soient probants et fiables7. À deux reprises, il a été jugé que l’article 92 bis du Règlement s’applique à une situation particulière où, sous réserve des conditions qu’il énonce, et dans la mesure où les éléments de preuve ont une valeur probante au sens de l’article 89 C), il est en principe dans l’intérêt de la justice, au sens de l’article 89  F), d’admettre les preuves par écrit8. Il a également été jugé à deux reprises que l’article 92 bis A) avait pour objet d’insister sur la nécessité de garantir la fiabilité des éléments de preuve, et qu’il concernait les déclarations écrites faites pour les besoins d’une procédure judiciaire, qui auraient été auparavant admissibles au regard de l’article 89 C)9. La Chambre d’appel a reconnu à deux reprises que cette garantie était particulièrement nécessaire dans le cas de déclarations écrites de témoins potentiels recueillies par des enquêteurs de l’Accusation10. En particulier, il a été dit à deux reprises que l’Accusation ne pouvait être autorisée à présenter une telle déclaration écrite en vertu de l’article 89 C) pour tourner l’article 92 bis, mais que ce dernier n’avait aucun effet sur les preuves indirectes qui n’avaient pas été établies pour les besoins d’une procédure judiciaire 11.

6. La Chambre d’appel a expliqué la nécessité de fixer des limites à l’admission des déclarations écrites préparées par une partie au procès pour les besoins de la procédure en cours, dans la première de ses deux décisions portant sur le rapport existant entre les articles 89 F) et 92 bis du Règlement12. Avant d’en venir à cette explication, il faut toutefois souligner que le Tribunal n’a pas adopté le système en vigueur dans de nombreux pays de droit romano-germanique, où un magistrat est appelé à instruire à charge et à décharge avec une égale détermination, sans jamais favoriser l’accusation ni la défense. Comme indiqué précédemment, les déclarations concernées par l’article 92 bis sont celles préparées par l’une des parties pour les besoins de la procédure judiciaire dans le cadre de laquelle elles doivent être présentées, et non par un magistrat indépendant de ces parties. Dans la Décision Galic, la Chambre d’appel a expliqué que les premières preuves indirectes admises par les juridictions de common law aux fins de prouver la véracité de ce qui était dit avaient été les registres tenus par une entreprise. Cependant, les documents établis pour les besoins d’une procédure judiciaire pendante ou à venir et tendant à rapporter la preuve d’un fait litigieux étaient systématiquement exclus. Cette exclusion partait de l’idée que ces pièces ne sont généralement pas établies par des personnes qui n’ont d’autre intérêt que de consigner de la manière la plus exacte possible les faits se rapportant à leur entreprise. Elle s’expliquait également par le fait que ces documents pouvaient être fabriqués de toutes pièces, que leurs auteurs pouvaient faire de fausses déclarations et que les avocats ou d’autres pouvaient élaborer soigneusement de telles pièces pour garantir qu’elles contiennent la version des faits qui leur est la plus favorable13. Le Tribunal a cependant pris la décision d’encourager l’admission de déclarations écrites préparées par une partie pour les besoins d’une procédure engagée devant lui au lieu et place de témoignages oraux, parce qu’il y voyait une heureuse combinaison des deux systèmes juridiques. Il a cependant souligné qu’il convenait d’insister, dans les dispositions régissant tout particulièrement l’admissibilité de ce genre d’éléments de preuve, sur la nécessité de garantir leur fiabilité14.

7. En outre, l’administration de la preuve des actes et du comportement de l’accusé est apparue comme un point particulièrement délicat au moment de l’adoption de l’article 92 bis et, pour les raisons exposées au paragraphe précédent, ledit article interdit expressément d’en rapporter la preuve par des déclarations écrites. La Chambre d’appel a également considéré que l’étroitesse des liens entre l’accusé et la personne dont les actes et le comportement sont décrits dans la déclaration écrite était à prendre en compte pour décider, comme le prévoyait l’article 92 bis15 :

i) si l’auteur de la déclaration comparaîtrait pour être contre-interrogé conformément à l’article 92 bis E), et

ii) si la Chambre de première instance devait user de son pouvoir d’appréciation pour admettre les éléments de preuve sous forme écrite.

La Chambre d’appel a affirmé clairement que lorsque ces éléments sont d’une importance cruciale pour la cause de l’Accusation, et lorsque la personne dont les actes et le comportement sont décrits dans la déclaration écrite est très proche de l’accusé, la Chambre de première instance peut décider d’exclure cette déclaration au motif qu’il ne serait pas équitable envers ce dernier de permettre que les éléments de preuve soient produits sous forme écrite16. Elle a également conclu que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire devient particulièrement ardu dans la situation délicate où l’accusé est mis en cause en tant que supérieur hiérarchique sur la base de l’article 7.3 du Statut du Tribunal17. Elle a cependant reconnu que cette décision limitait les avantages qu’était censé apporter cet article quant à la rapidité des procès18.

8. La réserve introduite dans l’article 92 bis du Règlement concernant l’exclusion des déclarations écrites se rapportant aux actes et au comportement de l’accusé (ou, selon l’appréciation de la Chambre, aux actes et comportements de personnes très proches de l’accusé) a dès lors toute son importance, d’autant que l’accent est mis sur cette question dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Le fait que la Chambre d’appel ait insisté dans ses décisions sur l’exclusion de telles déclarations montre que cette réserve n’est pas de pure forme. Quiconque a l’expérience des procès où les témoignages doivent être livrés à l’audience sait que les dépositions faites dans le prétoire s’écartent souvent des déclarations recueillies par la partie qui cite le témoin, non seulement par leur formulation mais également par leur contenu. Tout ce qui a été dit par la Chambre d’appel avant le présent recours concernant le rapport existant entre les articles 89 F) et 92 bis du Règlement montre clairement que, si elle estime que les déclarations écrites préparées pour les besoins d’une procédure ne sont admissibles que si elles entrent dans le champ d’application de l’article 92 bis, c’est pour d’importantes questions de principe et pour l’équité du procès, et pas uniquement pour des considérations d’utilité pratique telles que le souhait d’en finir le plus vite possible avec une affaire.

9. Bien que chaque Chambre du Tribunal ait le pouvoir inhérent (dérivé de sa fonction judiciaire) d’admettre des éléments de preuve pertinents et probants19, l’article 89 A) du Règlement exige d’elle qu’elle applique dans l’exercice de ce pouvoir les dispositions de cet article et celles des articles 90 à 98 qui conviennent. Comme son titre l’indique, l’article 89 énonce les règles générales qui sont applicables dans tous les cas où il est question de l’admissibilité d’éléments de preuve. Chacune de ces règles est nécessairement restrictive par nature, en ce qu’elle fixe des limites aux éléments de preuve potentiellement pertinents. Dès lors, la Chambre d’appel a affirmé clairement dans des affaires précédentes que les éléments de preuve qui entraient dans le cadre de l’article 92 bis n’en devaient pas moins présenter une valeur probante (comme l’article 89 C) l’exige)20. De même, la Décision Kordic et Cerkez, fondée sur l’article 89 B), précisait que pour être admissibles, les éléments de preuve indirects devaient respecter autant que possible le Statut et les autres articles du Règlement21. Il s’ensuit que lorsque l’on demande le versement au dossier d’éléments de preuve sous la forme de déclarations écrites préparées par l’une des parties pour les besoins d’une procédure, l’intérêt de la justice auquel fait référence l’article 89 F) ne peut en permettre l’admission s’ils ne respectent pas les dispositions de l’article 92 bis ou s’ils ne satisfont pas aux conditions minimales énoncées par les autres articles applicables.

10. En l’espèce, l’Accusation a demandé à la Chambre de première instance l’autorisation de présenter par écrit la déposition de ses témoins dans le cadre de l’exposé de ses moyens, l’auteur de chaque déclaration devant être appelé à la barre afin d’attester la véracité de sa déclaration signée (ou d’un résumé de cette déclaration) et se tenir prêt ensuite pour un contre-interrogatoire22. Cette procédure a été proposée pour économiser le temps des juges sans léser l’accusé23. Il s’ensuit nécessairement que la déclaration écrite devait être présentée comme pièce à conviction afin de gagner du temps. La Chambre de première instance a rejeté cette demande à la majorité, considérant que ces déclarations écrites n’étaient admissibles qu’en application de l’article 92 bis et qu’elles ne satisfaisaient pas aux exigences de cet article24. Le Juge Kwon s’est désolidarisé de cette décision, estimant que l’article 92 bis ne devait s’appliquer que lorsque l’auteur de la déclaration n’était pas soumis à un contre-interrogatoire 25. Il a cependant considéré qu’il ne fallait admettre ces déclarations que dans la mesure où elles ne concernaient pas les actes et le comportement de l’accusé26.

11. Pour ma part, je considère que ces déclarations étaient admissibles au regard de l’article 92 bis du Règlement, dans la mesure où elles ne portaient pas sur les actes et le comportement de l’accusé et sous réserve de la possibilité qu’ont les juges d’exclure les déclarations portant sur les actes et le comportement de son entourage immédiat, même si les conditions de forme prévues au paragraphe B) de l’article étaient remplies oralement et non pas au moyen d’une déclaration écrite. Le non-respect des formes prévues est sans conséquence, puisque la procédure proposée offre exactement les mêmes garanties de fiabilité. La disposition de l’article 92bis B) ii) c), qui impose d’informer le déclarant qu’il peut faire l’objet de poursuites si le contenu de sa déclaration n’est pas véridique, est respectée puisque le témoin doit prononcer une déclaration solennelle. Je n’ignore pas l’argument avancé par la Chambre de première instance qui estime que l’article 92 bis exige que le déclarant certifie la véracité de sa déclaration avant de se présenter à l’audience et après toute modification apportée à celle-ci27. Je suis certain que, si l’Accusation souhaite vraiment suivre la procédure qu’elle propose pour gagner du temps, elle s’assurera que chaque témoin a lu attentivement la déclaration à certifier avant de se présenter à l’audience et que toutes les modifications à apporter (un phénomène très courant) l’auront été avant que le témoin ne se présente à la barre. Cependant, même si les choses ne se passent pas ainsi et que l’on perde du temps pendant que le témoin lit et corrige à la barre sa déclaration avant qu’elle ne soit produite, il n’y a pas violation de l’article 92 bis du Règlement.

12. Rien dans l’article 92 bis n’autorise l’admission d’un simple résumé de déclaration, si ce n’est d’un commun accord. Cet article autorise cependant l’admission d’une partie d’une déclaration écrite. C’est une des questions qu’a examinées la Chambre d’appel dans la Décision Galic28. Si, comme il est habituel dans les déclarations recueillies par les enquêteurs au tout début de l’enquête, la déposition contient de nombreux éléments sans pertinence pour le procès en cours, l’Accusation peut présenter ce qu’elle estime être la partie pertinente de la déclaration, ainsi que le prévoit expressément l’article 92  bis A) et en cas de contestation, il revient à la Chambre de déterminer si, au vu des circonstances de l’espèce, d’autres parties doivent aussi être admises29. Dans la Décision Milosevic  200230, la Chambre d’appel examinait entre autres la question des résumés d’éléments de preuve, mais il s’agissait en l’occurrence de documents qui résumaient des éléments, fournis par des tiers, qui ne figuraient pas eux-mêmes au nombre des éléments de preuve produits. La Chambre d’appel a déclaré que, dans chaque cas de ce type, la question fondamentale était de savoir si les pièces ainsi résumées seraient elles-mêmes admissibles31.

13. Le mieux serait que l’Accusation prépare une nouvelle déclaration, qu’elle présenterait en application de l’article 92 bis et qui ne porterait que sur les points qu’elle cherche à prouver par l’intermédiaire du témoin concerné, qu’elle demande au témoin de certifier la véracité de cette nouvelle déclaration pour pouvoir la présenter en application de l’article 92 bis. On pourrait alors laisser l’accusé contre-interroger le témoin sur, notamment, tout autre élément qui figurait dans la déclaration antérieure (qui doit, bien sûr, être également remise à l’accusé). La majorité n’a pas jugé utile d’aborder cette question dans sa décision32 ; aussi n’est-il pas nécessaire d’en dire plus dans la présente Opinion dissidente.

14. La conclusion figurant au paragraphe 11 va dans le sens de celle tirée par le Juge Kwon, mais je ne saurais souscrire au raisonnement suivi par celui-ci pour y parvenir. Je ne pense pas que l’on puisse considérer que l’article 92bis ne s’applique que dans le cas où le déclarant ne sera pas soumis à un contre-interrogatoire. Aux termes mêmes de cet article, il s’applique que le témoin soit contre-interrogé ou non. Pour être admissible, une déclaration écrite préparée par une partie pour les besoins du procès doit répondre aux exigences de l’article et c’est au moment de son admission qu’il convient de décider si le témoin doit se présenter pour être soumis à un contreinterrogatoire.

15. La Chambre d’appel a fait droit à l’appel interjeté contre la Décision de la Chambre de première instance33. La Décision de la majorité a avalisé la règle, précédemment établie, qui veut que, lorsque l’article 92 bis s’applique, les conditions qu’il impose soient remplies pour qu’une déclaration écrite préparée par une partie puisse être admise34. Elle poursuit cependant35 :

16. [...] Lorsque le témoin se présente à l’audience et atteste oralement l’exactitude de sa déclaration, on ne saurait considérer les éléments de preuve versés au dossier comme étant présentés exclusivement sous la forme d’une déclaration écrite au sens de l’article 92 bis. Le témoignage est alors une combinaison d’une déclaration orale et d’une déclaration écrite. [...]

18. De fait, même si la déclaration écrite a été établie aux fins de la procédure, cela ne suffit pas en soi à la rendre exclusivement admissible en vertu de l’article  92 bis, sauf dans le cas où l’on envisage d’admettre cette déclaration au lieu et place du témoignage oral. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

La Chambre d’appel a donc considéré que l’article 92 bis ne s’applique que lorsque la déclaration écrite préparée par une partie pour les besoins du procès est le seul élément de preuve présenté (son témoignage est « exclusivement écrit  ») et qu’il est destiné à remplacer un témoignage oral. L’article ne s’applique pas dans le cas où les éléments de preuve sont présentés par le témoin en partie verbalement (ne serait-ce que pour attester la véracité de la déclaration écrite ) et en partie par écrit (« combinaison d’une déclaration orale et d’une déclaration écrite »).

16. L’article 92 bis ne donne pas à entendre que, pour entrer dans son champ d’application, la déclaration écrite doit être l’unique élément de preuve donné par le témoin. Qui plus est, dans la situation envisagée par la Décision de la majorité, la déclaration écrite est produite au lieu et place d’un témoignage oral sur les faits de l’affaire dans la mesure où ils sont abordés dans la déclaration. L’idée que le témoin pourrait être autorisé à lire intégralement sa déclaration pour que son témoignage devienne oral est doublement irréaliste. Premièrement, tout l’objectif de la procédure proposée n’a d’autre objet que de gagner du temps, ce qui ne serait pas le cas dans une telle éventualité. Deuxièmement, dans les cas où le témoin est tenu de déposer au procès, lui permettre de lire sa déclaration ne suffirait pas si son témoignage porte sur des faits en litige. Ce que dit la majorité en substance c’est qu’une déclaration écrite présentée au lieu et place d’un témoignage oral sur les faits de l’espèce ne constitue pas « un témoignage sous forme de déclaration écrite présentée au lieu et place d’un témoignage oral » parce que le témoin déclare oralement, et non par écrit, que le contenu de sa déclaration écrite est véridique.

17. À mon avis, l’interprétation retenue par la majorité a deux conséquences alarmantes. Premièrement, l’article 92 bis interdit que les éléments de preuve soient présentés sous forme écrite lorsqu’ils concernent les actes et le comportement de l’accusé ou (si la Chambre en juge ainsi) de son entourage immédiat, or la Décision de la majorité autorise sans la moindre restriction la présentation par écrit d’éléments de preuve qui portent sur ces actes et ce comportement — à moins que la Chambre de première instance ne soit prête à user du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 89 F) du Règlement pour les exclure, au motif qu’il ne serait pas équitable pour l’accusé de les admettre36. La Décision de la majorité n’aborde pas la question du pouvoir d’appréciation. Deuxièmement, les éléments de preuve portant sur la question particulièrement sensible des actes et du comportement de l’accusé, ou ceux de son entourage immédiat, figureront dans un document établi par la partie qui cite les témoins. Là non plus, il ne s’agit pas d’une simple question de forme. L’article 92 bis interdisait les déclarations écrites portant sur cette question particulièrement sensible pour garantir la fiabilité des éléments de preuve à ce sujet et pour éviter que les preuves ne soient présentées dans la déclaration sous l’angle le plus favorable à la partie qui la produit. Dire que le témoin peut être contre-interrogé au sujet de sa déclaration ne résout rien. À ce momentlà, des éléments de preuve qui manquent peut-être de fiabilité sont déjà versés au dossier sous une forme inadmissible et ce, d’une manière qui contredit clairement la philosophie qui sous-tend l’article 92bis.

18. L’interprétation de l’article 92 bis donnée dans la Décision de la majorité, à savoir qu’une déclaration écrite versée au lieu et place d’un témoignage oral sur les faits de l’affaire n’entre pas dans le cadre de l’expression « les éléments de preuve présentés par un témoin sous la forme d’une déclaration écrite, au lieu et place d’un témoignage oral », n’est certainement pas le produit du sens ordinaire et naturel des mots de l’expression citée. Elle ne cadre pas non plus avec l’objet manifeste de cet article que la Chambre d’appel a rappelé par deux fois. Enfin, elle ne prend pas en compte les garanties prévues par le Statut du Tribunal et par le droit international coutumier.

19. Aucune source n’a été citée dans la Décision de la majorité pour justifier son interprétation de l’article 92 bis. Lorsque, aux heures les plus sombres de la Deuxième Guerre mondiale, ses quatre confrères de la Chambre des Lords ont de la même manière tenté de bousculer le bon sens en donnant d’un règlement relatif à la Défense du pays une interprétation qui favorisait le pouvoir exécutif, Lord Atkin, un juge anglais fort respecté, a dit de leur interprétation de ce règlement37 :

Je ne connais qu’une source qui puisse justifier la méthode d’interprétation proposée38 :

« Lorsque, moi, j’emploie un mot, répliqua Humpty Dumpty d’un ton de voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu’il me plait qu’il signifie... ni plus ni moins. »
« La question, dit Alice, est de savoir si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce qu’ils veulent dire. »
« La question, riposta Humpty Dumpty, et de savoir qui sera le maître... un point, c’est tout. »

Même si ses décisions ne peuvent pas faire l’objet d’un appel ultérieur, la Chambre d’appel, n’a pas le pouvoir de modifier le sens ordinaire des mots utilisés dans le Règlement. La présentation d’une déclaration écrite au lieu et place de son témoignage oral sur les sujets dont traite la déclaration, et nonobstant le fait que le témoin a certifié verbalement la véracité de ladite déclaration, entre nécessairement dans le cadre des « éléments de preuve présentés par un témoin sous la forme d’une déclaration écrite, au lieu et place d’un témoignage oral » comme le prévoit l’article 92  bis A). Par conséquent, une telle déclaration est admissible dans la mesure où elle porte sur un point autre que les actes et le comportement de l’accusé ou (si la Chambre en juge ainsi) ceux de son entourage immédiat.

20. La Décision de la majorité met à mal l’interprétation précédente de l’article  92 bis et nuit gravement à l’accusé comme je l’ai déjà mentionné. J’ai récemment déclaré, dans le cadre d’un appel interjeté contre une décision du Tribunal pour le Rwanda que le fait que le Conseil de sécurité ait fort justement approuvé « de la manière la plus énergique » la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal ne doit pas être compris comme un encouragement à mener des procès au mépris de l’équité39. Il est nécessaire de réitérer ici cette déclaration pour l’appliquer directement à la Décision de la majorité. Cette décision suit malheureusement en cela une tendance qui s’est fait jour dans d’autres décisions récentes de la Chambre d’appel, celle de récuser ou d’ignorer les interprétations antérieures mûrement réfléchies de règles de droit ou de procédure, ce qui a pour conséquence de remettre en cause les droits que le Statut du Tribunal et le droit international coutumier reconnaissent aux accusés. Ces décisions s’expliquent, semble-t-il, uniquement par le désir d’aider l’Accusation à mener à bien le plus rapidement possible la stratégie d’achèvement des travaux. Je n’ai pas pu y souscrire parce que je ne crois pas que, ce faisant, je remplirais mes devoirs « en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience » comme m’y engage la déclaration solennelle que j’ai prononcée lorsque je suis devenu juge de ce Tribunal40.

21. La communauté internationale a confié au Tribunal la tâche de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire. Elle attend de celui-ci qu’il le fasse dans le respect des droits des accusés auxquels il est fait référence dans le paragraphe précédent. Il n’a pas à tenter de le faire d’une manière qui porte atteinte à ces droits si la communauté internationale ne lui accorde pas suffisamment de temps et d’argent pour le faire. Je pense qu’il est malvenu de se fonder sur la stratégie d’achèvement des travaux pour s’écarter d’interprétations antérieures acceptées par la Chambre d’appel lorsque cela se fait au mépris de ces droits.

22. Ce Tribunal ne sera pas jugé sur le nombre de condamnations qu’il prononce ni sur la rapidité avec laquelle il mène à bien la stratégie d’achèvement de ses travaux approuvée par le Conseil de Sécurité mais sur l’équité de ses procès. La Décision de la majorité et d’autres, dans lesquelles la Stratégie d’achèvement des travaux a pris le pas sur les droits des accusés, entachent de plus en plus gravement la réputation du Tribunal.

Dispositif

22. J’aurais pris quant à moi les décisions suivantes :

1. Il est fait droit à l’appel.

2. Il est demandé à la Chambre de première instance d’envisager l’admission de chaque déclaration écrite — pour autant qu’elle ne porte pas sur les actes et le comportement de l’accusé et, si elle en juge ainsi à sa discrétion, sur ceux de son entourage immédiat — au motif que la déclaration est admissible au regard de l’article 92  bis, si l’Accusation cite le témoin et que celui-ci prononce une déclaration

solennelle affirmant qu’il est bien l’auteur de la déclaration et que le contenu de celle-ci est véridique et exact pour autant qu’il le sache.

Fait en anglais et français, la version en anglais faisant foi.

Le 21 octobre 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge David Hunt
_________
David Hunt

[Sceau du Tribunal]


1 - IT-95-14/2-AR73.5, Décision relative à l'appel concernant la déclaration d'un témoin décédé, 21 juillet 2000 (« Décision Kordic et Cerkez »). Le fait que l’article 89 F) et l’article 92 bis résultent tous deux de cette décision a été reconnu dans les deux décisions successives de la Chambre d’appel portant sur le rapport entre les deux articles : Le Procureur c/ Galic, IT-98-29-AR73.2, Décision relative à l'appel interlocutoire interjeté en vertu de l'article 92 bis du règlement, 7 juin 2002 (« Décision Galic »), par. 28 ; Le Procureur c/ Milosevic, IT-02-54-AR73.2, Arrêt relatif à l'admissibilité d'éléments de preuve produits par un enquêteur de l'Accusation, 30 septembre 2002 (« Décision Milosevic 2002 »), par. 18 3).
2 - Décision Kordic et Cerkez, par. 20.
3 - Ibidem, par. 22.
4 - Ibid., par. 24. Dans Le Procureur c/ Aleksovski, IT-95-14/1-AR73, Arrêt relatif à l'appel du procureur concernant l'admissibilité d'éléments de preuve, 16 février 1999 (« Arrêt Aleksovski »), par 15, la Chambre d’appel avait déjà conclu que pour qu’une preuve indirecte soit admise, la Chambre de première instance devait être convaincue qu’ « envisagée dans cette perspective [pour prouver la véracité de ce qui y est dit], elle est crédible en ce sens qu’elle est volontaire, véridique et digne de foi ». Dans Le Procureur c/ Delalic et consorts, IT-96-21-AR73.2, Arrêt relatif à la requête de l'accusé Zejnil Delalic aux fins d'autorisation d'interjeter appel de la décision de la Chambre de première instance en date du 19 janvier 1998 concernant la recevabilité d'éléments de preuve, 4 mars 1998, par. 19 à 21, un collège de juges de la Chambre d’appel, refusant d’accorder l’autorisation d’interjeter appel d’une décision de la Chambre de première instance, a cité en l’approuvant apparemment la remarque suivante de ladite Chambre : « Il est implicitement prévu dans le Règlement que la Chambre de première instance accorde une attention particulière [sic] aux indices de fiabilité des éléments de preuve lorsqu'elle en évalue la pertinence et la valeur probante avant de se prononcer sur leur admissibilité ».
5 - Décision Kordic et Cerkez, par. 19.
6 - Ibidem, par. 29.
7 - Décision Galic, par. 12 ; Décision Milosevic 2002, par. 18 2).
8 - Décision Galic, par. 12 ; Décision Milosevic 2002, par. 18 3).
9 - Décision Galic, par. 28 à 30 ; Décision Milosevic 2002, par. 18 3).
10 - Décision Galic, par. 30 ; Décision Milosevic 2002, par. 18 3).
11 - Décision Galic, par. 31 ; Décision Milosevic 2002, par. 18 3).
12 - Décision Galic, par. 30.
13 - Ibidem, par. 29.
14 - Ibid., par. 30.
15 - Ibid., par. 13.
16 - Ibid., par. 13.
17 - Ibid., par. 14 et 15.
18 - Ibid., par. 16.
19 - Le Procureur c/ Tadic, IT-94-1-AR77, Arrêt relatif aux allégations d'outrage formulées à l'encontre du précédent conseil, Milan Vujin, 31 janvier 2000, par. 13, faisant suite à Le Procureur c/ Blaskic, IT-95-14-AR108 bis, Arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d'examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 97, 29 octobre 1997, note 27 (par. 25) ; Le Procureur c/ Tadic, IT-94-1-A, Arrêt (relatif à la condamnation), 15 juillet 1999, par. 322 ; Le Procureur c/ Mucic et consorts, IT-96-21-A bis, Arrêt relatif à la sentence, 8 avril 2003, par. 16.
20 - Décision Galic, par. 12 ; Décision Milosevic 2000, par. 18 3).
21 - Décision Kordic et Cerkez, par. 20.
22 - IT-02-54-T, Décision relative à la requête de l'Accusation aux fins de l'admission de la déposition de ses témoins présentée par écrit dans le cadre de l'exposé de ses moyens, 16 avril 2003 (la « Décision de la Chambre de première instance »), p. 2.
23 - Ibidem, p. 2.
24 - Ibid., p. 2.
25 - Opinion dissidente du Juge Kwon, par. 2.
26 - Ibidem, par. 6.
27 - Décision de la Chambre de première instance, p. 3.
28 - Cinquième partie et notamment le paragraphe 46.
29 - Idem.
30 - Paragraphes 21 à 24.
31 - Paragraphe 21.
32 - Décision relative à l’appel interlocutoire formé par l’Accusation contre la décision relative à l’admissibilité de déclarations écrites présentées dans le cadre l’exposé de ses moyens, 30 septembre 2003 (« Décision de la majorité »).
33 - Décision de la majorité.
34 - Ibid., par. 10.
35 - Ibid., par. 16 et 18.
36 - Voir, par. 7, qui est repris du paragraphe 13 de la Décision Galic.
37 - Liversidge v. Anderson [1942] AC206 at 245.
38 - Lewis Carroll, Alice Through the Looking Glass, chapitre VI. [Le titre exact est Through the Looking Glass and What Alice Found There (1871), publié comme suite à Alice in Wonderland (1865)] [Collection La Pléïade pour la traduction française].
39 - Le Procureur c/ Nyiramasuhuko et consorts, ICTR-98-42-A15bis, Decision in the Matter of Proceedings Under Rule 15bis (D), 24 septembre 2003, Dissenting opinion of Judge David Hunt, par. 17.
40 - Article 14 A) du Règlement.