TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

Affaire n° IT-99-37-I

LE PROCUREUR DU TRIBUNAL

CONTRE

SLOBODAN MILOSEVIC
MILAN MILUTINOVIC
NIKOLA SAINOVIC
DRAGOLJUB OJDANIC
VLAJKO STOJILJKOVIC

 

ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ

Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (le "Statut du Tribunal") accuse :

SLOBODAN MILOSEVIC
MILAN MILUTINOVIC
NIKOLA SAINOVIC
DRAGOLJUB OJDANIC
VLAJKO STOJILJKOVIC

de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et de VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, ainsi qu’il est exposé ci-après :

LES ACCUSÉS

1. Slobodan MILOSEVIC est né le 20 août 1941 dans la ville de Pozarevac sur le territoire de l’actuelle République de Serbie (Serbie). Diplômé en droit de l’Université de Belgrade en 1964, il a commencé une carrière de gestionnaire et de banquier. Slobodan MILOSEVIC a occupé le poste de directeur adjoint, puis de directeur général de Tehnogas, une importante société gazière, jusqu’en 1978. Il a ensuite exercé jusqu’en 1983 les fonctions de président de Beogradska Banka (Beobanka), l’une des plus grandes banques de l’ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY).

2. Slobodan MILOSEVIC a commencé sa carrière politique en 1983. Il est devenu Président du Comité de la Ligue des communistes de la ville de Belgrade en 1984. Il a été élu Président du Présidium du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie en 1986, et réélu en 1988. Le 16 juillet 1990, la Ligue des communistes de Serbie et l’Alliance socialiste du peuple travailleur de Serbie ont fusionné pour former un nouveau parti, appelé Parti socialiste de Serbie (SPS), dont Slobodan MILOSEVIC a été élu Président. À la date du présent acte d’accusation, il occupe toujours le poste de Président du SPS.

3. Slobodan MILOSEVIC a été élu Président de la Présidence de Serbie le 8 mai 1989, et réélu le 5 décembre de la même année. Après l’adoption de la nouvelle Constitution serbe le 28 septembre 1990, Slobodan MILOSEVIC a été élu au poste nouvellement créé de Président de Serbie à la suite des élections pluripartites qui se sont tenues les 9 et 26 décembre 1990. Il a été réélu à ce poste le 20 décembre 1992.

4. Au terme de son deuxième mandat de Président de Serbie, Slobodan MILOSEVIC a été élu Président de la République fédérale de Yougoslavie (RFY) le 15 juillet 1997. Il est officiellement entré en fonction le 23 juillet 1997. Suite à sa défaite aux élections présidentielles de septembre 2000, Slobodan MILOSEVIC a quitté ces fonctions le 6 octobre 2000. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Slobodan MILOSEVIC occupait les fonctions de Président de la RFY.

5. Milan MILUTINOVIC est né le 19 décembre 1942 à Belgrade sur le territoire de l’actuelle Serbie. Il est diplômé en droit de l’Université de Belgrade.

6. Durant sa carrière politique, Milan MILUTINOVIC a occupé de nombreux postes importants dans l’appareil d’État de la Serbie et de la RFY. Il a été député à la Chambre des organisations sociales et politiques et membre du Comité de politique étrangère de l’Assemblée fédérale ; il a été Secrétaire serbe à l’éducation et aux sciences, membre du Conseil exécutif de l’Assemblée serbe et directeur de la Bibliothèque nationale serbe. Milan MILUTINOVIC avait rang d’ambassadeur au sein du Ministère fédéral des affaires étrangères, et il a été Ambassadeur de la RFY en Grèce. Il a été nommé Ministre des affaires étrangères de la RFY le 15 août 1995. Milan MILUTINOVIC est membre du SPS.

7. Le 21 décembre 1997, Milan MILUTINOVIC a été élu Président de Serbie. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Milan MILUTINOVIC occupait le poste de Président de Serbie.

8. Nikola SAINOVIC est né le 7 décembre 1948 à Bor en Serbie. Diplômé de l’Université de Ljubljana en 1977, il est titulaire d’une maîtrise d’ingénieur chimiste. Il a débuté sa carrière politique dans la municipalité de Bor, où il a occupé le poste de Président de l’Assemblée municipale de 1978 à 1982.

9. Durant sa carrière politique, Nikola SAINOVIC a été un membre actif de la Ligue des communistes, puis du Parti socialiste de Serbie (SPS). Il a exercé les fonctions de Président du Comité de la Ligue des communistes de la ville de Bor. Le 28 novembre 1995, Nikola SAINOVIC a été élu membre du Comité directeur du SPS et membre de son Conseil exécutif. Il a également été nommé Président du Comité chargé de la préparation du Troisième Congrès ordinaire du SPS (qui s’est tenu à Belgrade les 2 et 3 mars 1996). Le 2 mars 1996, Nikola SAINOVIC est devenu l’un des Vice-Présidents du SPS, et il l’est resté jusqu’au 24 avril 1997.

10. Nikola SAINOVIC a occupé plusieurs postes dans l’appareil d’État de la Serbie et de la RFY. En 1989, il a été membre du Conseil exécutif de l’Assemblée serbe et, la même année, Secrétaire serbe à l’industrie, à l’énergie et aux travaux publics. Il a été nommé Ministre des mines et de l’énergie de Serbie le 11 février 1991 et à nouveau le 23 décembre 1991. Le 23 décembre 1991, il a également été nommé Vice-Premier Ministre de Serbie. Nikola SAINOVIC a reçu le portefeuille de Ministre de l’économie de la RFY le 14 juillet 1992, et a été reconduit dans ses fonctions le 11 septembre 1992. Il en a démissionné le 29 novembre 1992. Le 10 février 1993, Nikola SAINOVIC a été élu Premier Ministre de Serbie.

11. Le 22 février 1994, Nikola SAINOVIC a été nommé Vice-Premier Ministre de la RFY. Il a été reconduit dans ces fonctions dans trois gouvernements successifs : le 12 juin 1996, le 20 mars 1997 et le 20 mai 1998. Slobodan MILOSEVIC a chargé Nikola SAINOVIC de le représenter sur la question du Kosovo. Nikola SAINOVIC a présidé la Commission de coopération avec la Mission de vérification de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au Kosovo, et il faisait partie de la délégation officielle serbe aux négociations de paix de Rambouillet en février 1999. Nikola SAINOVIC a quitté ses fonctions de Vice-Premier Ministre de la RFY le 4 novembre 2000 ou juste avant cette date, lorsqu’un nouveau gouvernement fédéral a été constitué. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Nikola SAINOVIC occupait les fonctions de Vice-Premier Ministre de la RFY.

12. Le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC est né le 1er juin 1941 dans le village de Ravni, près d’Uzice sur le territoire de l’actuelle Serbie. En 1958, il a terminé l’École des sous-officiers d’infanterie et en 1964, l’Académie militaire de l’armée de terre. En 1985, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC a terminé sa formation à l’École d’état-major et a obtenu une maîtrise de sciences politiques de l’École de la défense nationale. Il a été un temps Secrétaire de la Ligue des communistes du 52e corps de l’armée populaire yougoslave (JNA), le précurseur du 52e corps des Forces armées de la RFY (VJ).

13. En 1992, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC était commandant adjoint du 37e corps de la JNA, puis de la VJ, stationné à Uzice en Serbie. Il a été promu général de division le 20 avril 1992, et il a pris le commandement du corps d’Uzice. Sous ses ordres, le corps d’Uzice a participé à des combats en Bosnie orientale durant la guerre en République de Bosnie-Herzégovine (Bosnie-Herzégovine). En 1993 et 1994, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC était Chef de l’état-major général de la première armée de RFY. De 1994 à 1996, il était Commandant de la première armée. En 1996, il est devenu Chef adjoint de l’état-major général de la VJ. Le 26 novembre 1998, Slobodan MILOSEVIC l’a nommé Chef de l’état-major général de la VJ, en remplacement du général Momcilo Perišic. Le 15 février 2000, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIĆ a été nommé Ministre fédéral de la défense, poste qu’il a occupé jusqu’au 3 novembre 2000. Il a été mis à la retraite des cadres de l’armée par décret présidentiel daté du 30 décembre 2000. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC occupait le poste de Chef de l’état-major général de la VJ.

14. Vlajko STOJILJKOVIC est né à Mala Krsna en Serbie. Diplômé en droit de l’Université de Belgrade, il a été employé au tribunal municipal. Plus tard, il est devenu Chef du Secrétariat inter-municipal de l’intérieur à Pozarevac. Il a été Directeur de la société PIK à Pozarevac et Vice-Président, puis Président du Conseil économique de Yougoslavie et du Conseil économique de Serbie.

15. En avril 1997, Vlajko STOJILJKOVIC est devenu Vice-Premier Ministre et Ministre de l’intérieur de Serbie. Le 24 mars 1998, l’Assemblée serbe a élu un nouveau gouvernement avec Vlajko STOJILJKOVIC comme Ministre de l’intérieur de Serbie. Il est aussi membre du Comité directeur du SPS. Vlajko STOJILJKOVIC a démissionné de son poste de Ministre de l’intérieur de Serbie le 9 octobre 2000. Il est député à la Chambre des républiques de l’Assemblée fédérale. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Vlajko STOJILJKOVIC occupait le poste de Ministre de l’intérieur.

ACCUSATIONS

CHEFS D’ACCUSATION 1 À 4
CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE

16. De janvier 1999 au 20 juin 1999, Slobodan MILOSEVIC, Milan MILUTINOVIC, Nikola SAINOVIC, Dragoljub OJDANIC et Vlajko STOJILJKOVIC ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé une campagne de terreur et de violence dirigée contre les civils albanais du Kosovo vivant au Kosovo en RFY. Par le terme "commettre", le Procureur n’entend pas suggérer dans le présent acte d’accusation que l’un quelconque des accusés ait personnellement perpétré physiquement les crimes visés.

17. La campagne de terreur et de violence dirigée contre la population albanaise du Kosovo a été menée par la VJ, les forces de police de la RFY et de la Serbie ainsi que des éléments paramilitaires (forces de la RFY et de la Serbie) agissant sur les instructions, avec les encouragements ou avec le soutien de Slobodan MILOSEVIC, Milan MILUTINOVIC, Nikola SAINOVIC, Dragoljub OJDANIC et Vlajko STOJILJKOVIC. Les opérations dont ont été victimes les Albanais du Kosovo avaient pour objectif de préserver le contrôle serbe sur la province en en chassant une partie importante de la population albanaise. Dans ce but, les forces de la RFY et de la Serbie, agissant de concert, ont lancé des opérations minutieusement planifiées et coordonnées, dont on trouvera la description aux paragraphes 18 à 24 ci-après.

18. Dans tout le Kosovo, les forces de la RFY et de la Serbie ont, systématiquement et par la force, expulsé de la province et déplacé à l’intérieur de celle-ci des centaines de milliers d’Albanais du Kosovo. Afin de faciliter ces expulsions et ces déplacements, les forces de la RFY et de la Serbie ont délibérément créé un climat de peur et d’oppression en faisant usage de la force ou en menaçant de le faire, ou encore en se livrant à des violences.

19. Partout au Kosovo, les forces de la RFY et de la Serbie ont saccagé et pillé les biens personnels et commerciaux appartenant à des Albanais du Kosovo contraints à quitter leur foyer. Des policiers, des soldats et des officiers de l’armée se sont livrés à des fouilles systématiques ou à des violences, ou encore ont menacé de recourir à la force pour dépouiller les Albanais du Kosovo de leur argent et de leurs objets de valeur et, systématiquement, aux postes frontière de la RFY, les autorités ont volé les véhicules privés et les autres biens des Albanais du Kosovo expulsés de la province.

20. Partout au Kosovo, les forces de la RFY et de la Serbie ont entrepris une campagne systématique de destruction de biens appartenant aux civils albanais du Kosovo. Elles ont pour cela bombardé de manière généralisée des villes et des villages, incendié des habitations, des exploitations agricoles et des commerces, et détruit des biens personnels. Ces actions orchestrées ont eu pour effet de rendre inhabitables pour les Albanais du Kosovo des villages, des villes et des régions entières.

21. Sur tout le territoire du Kosovo, les forces de la RFY et de la Serbie ont, par des violences physiques et verbales, harcelé, humilié et rabaissé les civils albanais du Kosovo. Les Albanais du Kosovo étaient constamment en butte, de la part des policiers, des soldats et des officiers de l’armée, à des injures, des insultes à connotation raciale, à des actes dégradants, des sévices corporels et à d’autres formes de mauvais traitements physiques, pour des raisons raciales, religieuses et politiques.

22. Sur tout le territoire du Kosovo, les forces de la RFY et de la Serbie ont systématiquement confisqué et détruit les pièces d’identité ainsi que les papiers d’immatriculation des véhicules appartenant aux civils albanais du Kosovo. On a obligé les Albanais du Kosovo, contraints de quitter leur foyer et de gagner les frontières du Kosovo, à remettre leurs papiers d’identité à des points choisis sur la route qui conduisait aux postes frontière, ainsi qu’aux postes frontière mêmes de la République d’Albanie et de l’ex-République yougoslave de Macédoine. Il s’agissait de supprimer toute trace de la présence au Kosovo des Albanais expulsés et de leur dénier le droit de retourner chez eux.

23. À partir du 1er janvier 1999 ou vers cette date, et jusqu’au 20 juin 1999, les forces de la RFY et de la Serbie, agissant sur les instructions, avec les encouragements ou le soutien de Slobodan MILOSEVIC, Milan MILUTINOVIC, Nikola SAINOVIC, Dragoljub OJDANIC et Vlajko STOJILJKOVIC, ont commis les actes décrits aux paragraphes 18 à 22, qui ont provoqué l’expulsion forcée d’environ 740 000 civils albanais du Kosovo. Ces actes ont été commis dans toutes les régions du Kosovo, et ces méthodes et ces moyens ont été utilisés dans toute la province, y compris dans les municipalités suivantes :

a. Dakovica/Gjakovë : le 2 avril 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont entrepris de contraindre les habitants de la ville de Dakovica/Gjakovë à partir. Elles se sont déployées dans la ville et sont allées de maison en maison en ordonnant aux Albanais du Kosovo de quitter leur foyer. Dans certains cas, des gens ont été tués, et la plupart des personnes ont été menacées de mort. Un grand nombre de maisons et de commerces qui appartenaient aux Albanais du Kosovo ont été incendiés tandis que ceux qui appartenaient aux Serbes étaient épargnés. Du 2 au 4 avril 1999, des milliers d’Albanais du Kosovo qui vivaient à Dakovica/Gjakovë et dans les villages voisins ont rejoint un important convoi et, à pied ou en voiture, camion ou tracteur, ils se sont dirigés vers la frontière albanaise. Les forces de la RFY et de la Serbie ont fait passer les fugitifs par des itinéraires fixés à l’avance. Aux postes de contrôle de la police installés le long du trajet, la plupart des Albanais du Kosovo se sont vus confisquer leurs papiers d’identité ainsi que les plaques d’immatriculation de leurs véhicules. Des camions de l’armée yougoslave ont parfois été utilisés pour transporter les personnes à la frontière albanaise.

b. Gnjilane/Gjilan : le 6 avril 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie sont entrées dans la ville de Prilepnica/Përlepnicë et ont ordonné aux habitants de partir, affirmant que la ville serait minée le lendemain. Les habitants de la ville sont partis et ont essayé de se rendre dans un autre village mais la police les a obligés à rebrousser chemin. Le 13 avril 1999, on a de nouveau informé les habitants de Prilepnica/Përlepnicë qu’ils devaient avoir évacué la ville le jour suivant. Le lendemain matin, les Albanais du Kosovo ont formé un convoi d’environ 500 véhicules et sont partis en direction de la frontière macédonienne. Peu après leur départ, les maisons de Prilepnica/Përlepnicë ont été incendiées. Dans d’autres villages de la municipalité de Gnjilane/Gjilan, les Albanais du Kosovo ont également été chassés de leur maison et contraints de rejoindre un autre convoi en direction de la frontière macédonienne. En cours de route, quelques hommes ont été emmenés à l’écart et tués le long de la route. Quand le convoi a atteint la frontière, les Albanais du Kosovo se sont vus confisquer leurs papiers d’identité.

c. Kosovska Mitrovica/Mitrovicë : fin mars 1999, les forces de la RFY et de la Serbie ont commencé à quadriller systématiquement la ville de Kosovska Mitrovica/Mitrovicë. Elles sont entrées dans des maisons d’Albanais du Kosovo et ont ordonné à leurs occupants de partir immédiatement pour la gare routière. Certaines maisons ont été incendiées, ce qui a obligé les habitants à se replier dans d’autres quartiers de la ville. Pendant deux semaines, les forces de la RFY et de la Serbie ont continué à expulser les habitants albanais de la ville. Des biens leur appartenant ont été détruits et on leur a volé leur argent, leurs véhicules et d’autres objets de valeur. Ce scénario s’est répété dans d’autres villages de la municipalité de Kosovska Mitrovica/Mitrovicë, où après avoir contraint les Albanais du Kosovo à quitter leurs foyers, les forces de RFY et de la Serbie ont détruit leurs villages. Les Albanais de la municipalité ont été forcés à se joindre aux convois qui se dirigeaient vers la frontière albanaise. En cours de route, des soldats, des policiers et des officiers de l’armée serbe leur ont volé leurs objets de valeur et leur ont confisqué leurs papiers d’identité.

d. Orahovac/Rahovec : le 25 mars 1999 au matin, les forces de la RFY et de la Serbie ont encerclé le village de Celine avec des chars et des véhicules blindés. Après un pilonnage, elles sont entrées dans le village et ont systématiquement pillé et saccagé tout ce qui avait de la valeur dans les maisons. La plupart des villageois albanais s’étaient réfugiés dans une forêt proche avant l’arrivée de l’armée et de la police. Le 28 mars, des policiers serbes ont obligé les milliers de personnes qui se cachaient dans la forêt à en sortir. Après avoir conduit les civils à un village voisin, ils ont séparé les hommes des femmes, les ont battus, volés et leur ont confisqué tous leurs papiers d’identité. Les hommes ont ensuite été conduits à pied à Prizren et finalement contraints de gagner la frontière albanaise.

Le 25 mars 1999, un groupe important d’Albanais du Kosovo s’est réfugié dans la montagne près du village de Nagafc, qui fait également partie de la municipalité de Orahovac/Rahovec, afin de se protéger des offensives lancées contre des villages aux alentours. Les forces de la RFY et de la Serbie les ont encerclés et, le lendemain, elles ont ordonné aux 8 000 personnes qui avaient fui dans la montagne de partir. Les Albanais du Kosovo ont dû se rendre dans une école proche avant d’être dispersés, de force, dans des villages avoisinants. Trois ou quatre jours plus tard, les forces de la RFY et de la Serbie ont investi ces villages, sont allées de maison en maison et ont ordonné aux gens de sortir. Finalement, ces personnes ont dû retourner dans les maisons et ont reçu l’ordre de ne pas partir. Ceux qui ne trouvaient pas de place à l’intérieur des maisons ont dû s’installer dans les voitures ou les tracteurs garés à proximité. Le 2 avril 1999, les forces de la RFY et de la Serbie ont bombardé les villages, tuant un certain nombre de personnes qui dormaient dans les tracteurs et les voitures. Les rescapés sont partis en direction de la frontière albanaise. Quand ils traversaient d’autres villages albanais du Kosovo, qui avaient été dévastés, ils étaient en butte aux railleries des soldats serbes. Quand les villageois sont arrivés à la frontière, tous leurs papiers d’identité leur ont été confisqués.

e. Pec/Pejë : les 27 et 28 mars 1999, dans la ville de Pec/Pejë, les forces de la RFY et de la Serbie sont passées de maison en maison, forçant les Albanais du Kosovo à partir. Certaines maisons ont été incendiées et un certain nombre de personnes ont été abattues. Des soldats et des policiers étaient postés le long des rues et orientaient les Albanais du Kosovo vers le centre ville. Là, ceux qui n’avaient pas de voiture ni d’autre véhicule ont dû monter dans des cars ou des camions pour être conduits à la ville de Prizren. À la sortie de Prizren, les Albanais du Kosovo ont été obligés de descendre des cars et de parcourir à pied les quelque 40 km qui les séparaient de la frontière albanaise, où ils ont reçu l’ordre de remettre leurs papiers d’identité à des policiers serbes.

f. Pristina/Prishtinë : le 1er avril 1999 ou vers cette date, dans la ville de Pristina/Prishtinë, la police serbe s’est rendue chez les Albanais du Kosovo et leur a ordonné de partir dans les minutes qui suivaient. Lors de ces expulsions forcées, un certain nombre de personnes ont été tuées. Un grand nombre de ceux qui avaient ainsi été contraints à partir se sont rendus directement à la gare, tandis que d’autres cherchaient refuge dans des quartiers voisins. Des centaines d’Albanais du Kosovo, guidés à chaque carrefour par la police serbe, se sont rassemblés à la gare où ils ont dû monter dans des trains ou des cars bondés, après avoir longtemps attendu sans que ni nourriture ni boisson ne leur soit distribuée. Ceux qui se trouvaient dans les trains sont allés jusqu’à Đeneral Jankovic/Hani e Elezit, un village à proximité de la frontière macédonienne. Pendant le trajet en train, beaucoup de personnes se sont vues confisquer leurs papiers d’identité. La police serbe a ordonné aux Albanais du Kosovo descendus du train de marcher le long des rails jusqu’en Macédoine car tout autour, le terrain avait été miné. Ceux qui avaient essayé de se cacher à Pristina/Prishtinë ont été expulsés quelques jours plus tard dans les mêmes conditions.

Dans le même temps, les forces de la RFY et de la Serbie investissaient les villages de la municipalité de Pristina/Prishtinë, où elles battaient et tuaient un grand nombre d’Albanais du Kosovo, leur volaient leur argent, pillaient leurs biens et mettaient le feu à leurs maisons. Un grand nombre de villageois ont été transportés par camion jusqu’à Glogovac dans la municipalité de Lipljan/Lipjan et de là, en train à Đeneral Jankovic/Hani e Elezit. Ils ont ensuite gagné à pied la frontière macédonienne. D’autres ont été contraints par la police serbe, à leur arrivée à Urosevac/Ferizaj, à prendre le train jusqu’à Đeneral Jankovic/Hani e Elezit, d’où ils ont gagné à pied la frontière macédonienne.

g. Prizren : le 25 mars 1999, le village de Pirana a été encerclé par les forces de la RFY et de la Serbie appuyées par des chars et divers véhicules militaires. Le village a été bombardé et des habitants ont été tués. Ensuite, la police est entrée dans le village et a incendié les maisons des Albanais du Kosovo. Après l’offensive, les villageois restants ont quitté Pirana et se sont rendus dans des villages voisins. Certains des Albanais du Kosovo qui fuyaient vers Srbica ont été tués ou blessés par des tireurs embusqués. Des forces serbes ont alors lancé une offensive dans la région de Srbica et bombardé les villages de Reti e Utlet, Reti et Randobrava. Les villageois albanais du Kosovo ont été contraints à partir et envoyés à la frontière albanaise. À partir du 28 mars 1999, dans la ville de Prizren même, des policiers serbes sont allés d’une maison à l’autre en ordonnant aux Albanais du Kosovo de partir. Ceux-ci ont été forcés de rejoindre les convois de véhicules et de personnes à pied qui se dirigeaient vers la frontière albanaise. À la frontière, les policiers serbes leur ont confisqué tous leurs papiers personnels.

h. Srbica/Skenderaj : le 25 mars 1999 ou vers cette date, les villages de Vojnik, Lecina, Klladernica, Turiqevc Broje et Izbica ont été détruits par des bombardements et des incendies. Un groupe d’environ 4 500 Albanais du Kosovo originaires de ces villages s’est rassemblé aux abords du village d’Izbica où des membres des forces de la RFY et de Serbie ont pris leur argent et ont séparé les hommes des femmes et des enfants. Ils ont alors tué un grand nombre d’hommes. Les femmes et les enfants survivants ont été emmenés à Vojnik, puis à la frontière albanaise.

i. Suva Reka/Suharekë : le 25 mars 1999 au matin, les forces de la RFY et de Serbie ont encerclé la ville de Suva Reka/Suharekë. Pendant les jours qui ont suivi, des policiers du Kosovo se sont rendus de maison en maison, ont menacé les Albanais du Kosovo et ont chassé beaucoup d’entre eux sous la menace de leurs armes. La police a fait partir les femmes, enfants et personnes âgées puis un certain nombre d’hommes ont été tués par les forces de la RFY et de la Serbie. Les Albanais du Kosovo ont été contraints de s’enfuir par camions, tracteurs et remorques en direction de la frontière albanaise. Au passage de la frontière, ils se sont vus confisquer leurs papiers d’identité et leur argent.

Le 31 mars 1999, approximativement 80 000 Albanais du Kosovo, déplacés des villages de la municipalité de Suva Reka/Suharekë, se sont rassemblés près de Bellanice. Le lendemain, les forces de la RFY et de la Serbie ont bombardé Bellanice, contraignant les personnes déplacées à fuir vers la frontière albanaise. À la frontière, elles se sont vues confisquer tous leurs papiers d’identité.

j. Urosevac/Ferizaj : du 4 au 14 avril 1999, les forces de la RFY et de la Serbie ont pilonné les villages de Softaj, Rahovica, Zltara, Pojatista, Komoglava et Sojevo, tuant un certain nombre d'habitants. Des véhicules de la police et de l’armée sont ensuite entrés dans les villages et l’ordre a été donné aux habitants de quitter les lieux. Une fois les villageois partis, les soldats et les policiers ont mis le feu aux habitations. Les villageois déplacés ont rejoint un convoi qui se dirigeait vers la frontière macédonienne. À la frontière, tous leurs papiers leur ont été retirés.

24. À partir du 1er janvier 1999 ou vers cette date et jusqu’au 20 juin 1999, les forces de la RFY et de la Serbie, agissant sur les instructions, avec les encouragements ou le soutien de Slobodan MILOSEVIC, Milan MILUTINOVIC, Nikola SAINOVIC, Dragoljub OJDANIC et Vlajko STOJILJKOVIC, ont assassiné des centaines de civils albanais du Kosovo. Ces assassinats ont été commis de façon généralisée ou systématique dans toute la province du Kosovo, et ont entraîné la mort de nombreux hommes, femmes et enfants. Parmi ces massacres on relève les faits suivants :

a. À l’aube du 15 janvier 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont lancé une offensive contre le village de Racak (municipalité de Stimlje/Shtime). Après son bombardement par les unités de la VJ, la police serbe est entrée plus tard dans la matinée dans le village et a entrepris des fouilles maison par maison. Partout dans le village, des villageois qui tentaient de fuir la police serbe ont été abattus. Un groupe d’environ 25 hommes qui tentait de se cacher dans un bâtiment a été découvert par la police serbe. Ces hommes ont été battus puis emmenés vers une colline proche, où les policiers les ont exécutés. Au total, les forces de la RFY et de la Serbie ont tué environ 45 Albanais du Kosovo à Racak et aux alentours. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe A jointe au présent acte d’accusation.)

b. Le 25 mars 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont attaqué le village de Bela Crkva (municipalité d’Orahovac/Rahovec). Un grand nombre d’habitants de Bela Crkva ont fui en suivant un cours d’eau qui passait près du village, et ont trouvé refuge sous un pont ferroviaire. Tandis que d’autres villageois s’approchaient du pont, une patrouille de police serbe a ouvert le feu, tuant 12 personnes, dont 10 femmes et enfants. La police a alors donné l’ordre aux villageois restants de sortir du lit de la rivière et a entrepris de séparer les hommes des femmes et des jeunes enfants. La police a ordonné aux hommes de se déshabiller et les a méthodiquement dépouillés de tous leurs objets de valeur. Les femmes et les enfants ont alors reçu l’ordre de partir. Le médecin du village a tenté de parlementer avec le chef de la police, mais il a été abattu, ainsi que son neveu. Les autres hommes ont alors reçu l’ordre de retourner dans le lit de la rivière, ce qu’ils ont fait. Après quoi la police a ouvert le feu, tuant environ 65 Albanais du Kosovo. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe B jointe au présent acte d’accusation.)

c. Le 25 mars 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont attaqué les villages de Velika Krusa, Mali Krusa/Krushe e Mahde et Krushe e Vogel (municipalité d’Orahovac/Rahovec). Les habitants des villages ont trouvé refuge dans une zone boisée aux abords de Velika Krusa/Krushe e Mahde, d’où ils ont pu observer la police qui pillait systématiquement leurs maisons avant de les incendier. Dans la matinée du 26 mars 1999 ou vers cette date, la police serbe a repéré les villageois dans la forêt. La police a donné l’ordre aux femmes et aux enfants de quitter le secteur et de partir pour l’Albanie. Ensuite, la police a fouillé les hommes et les garçons, a confisqué leurs papiers d’identité et les a obligés à marcher jusqu’à une maison inhabitée située entre la forêt et Mali Krusa/Krushe e Vogel. Une fois les hommes et les garçons regroupés à l’intérieur de la maison, la police serbe a ouvert le feu. Après plusieurs minutes de fusillade, la police a recouvert les cadavres des hommes et des garçons de paille et y a mis le feu. Quelque 105 hommes et garçons albanais du Kosovo ont ainsi trouvé la mort. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe C jointe au présent acte d’accusation.)

d. Dans la soirée du 26 mars 1999 ou vers cette date, dans la ville de Dagovica/Gjakovë, des hommes serbes armés ont fait irruption dans une maison de la rue Ymer Grezda. Les femmes et les enfants ont été séparés des hommes et ont dû monter à l’étage. Les Serbes armés ont alors tiré, tuant les 6 hommes albanais du Kosovo qui se trouvaient dans la maison. (Les noms des victimes figurent à l’annexe D jointe au présent acte d’accusation.)

e. Dans la matinée du 27 mars 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de Serbie ont attaqué le village de Crkolez/Padalishte (municipalité d’Istok/Istog). À leur arrivée dans le village, ces forces ont tiré sur les maisons et sur les villageois qui tentaient de fuir. Huit membres de la famille de Beke IMERAJ ont été contraints à sortir de leur maison et ont été abattus devant chez eux. D’autres habitants de Crkolez/Padalishte ont été assassinés chez eux et dans le lit d’un cours d’eau près du village. Au total, les forces de la RFY et de Serbie ont tué une vingtaine d’Albanais du Kosovo à Crkolez/Padalishte. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe E jointe au présent acte d’accusation.)

f. Le 27 mars 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la République de Serbie ont attaqué le village d’Izbica (municipalité de Srbica/Skenderaj). Plusieurs milliers d’habitants se sont réfugiés dans un pré à l’extérieur du village. Le 28 mars 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont encerclé les villageois et ont exigé qu’ils leur donnent de l’argent. Après avoir volé les objets de valeur, les soldats et policiers ont séparé les hommes des femmes et des jeunes enfants. Les hommes ont été répartis en deux groupes : l’un a été envoyé sur une colline proche et l’autre dans le lit d’une rivière à proximité. Les deux groupes d’hommes ont ensuite été abattus par les forces de la RFY et de la Serbie. Environ 130 hommes albanais du Kosovo ont ainsi été tués. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe F jointe au présent acte d’accusation.)

g. À l’aube du 2 avril 1999 ou vers cette date, la police serbe a lancé une opération contre le quartier Qerim de Dagovica/Gjakovë. Pendant plusieurs heures, la police serbe est entrée de force dans les maisons appartenant aux Albanais du Kosovo du quartier Qerim, a tué leurs occupants puis a mis le feu aux bâtiments. La police serbe a abattu les 20 occupants de la cave d’une maison de la rue Millosh Gilic puis y a mis le feu. Les fusillades et les incendies provoqués par les policiers serbes ont causé la mort de 20 Albanais du Kosovo, dont 19 femmes et enfants. (Les noms des victimes figurent à l’annexe G jointe au présent acte d’accusation.)

h. Le 2 mai 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie venant du nord de la municipalité de Vucitrn/Vushtrri ont attaqué plusieurs villages, dont Skrone/Skorovna, Bozhlan/Boshlan, Gumnishta/Gumniste, Pasome/Pasoma, Milenica, Kurilova/Kurillovo, Sllakoc/Slakovac et Ceceli/Cecelija. Les villageois ont été forcés à quitter leurs maisons et nombre d’entre elles ont été incendiées. On les a ensuite forcés à se joindre à un convoi d’environ 30 000 à 40 000 personnes cheminant sur la route de la Gorge de Studime, en direction de Vucitrn/Vushtrri. Dans le cadre de ces actions, les forces de la RFY et de la Serbie ont harcelé, battu et tué environ 104 Albanais du Kosovo. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe H jointe au présent acte d’accusation).

i. À l’aube du 27 avril 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont lancé une attaque de grande envergure contre la population albanaise du Kosovo des vallées de Carragojs, Erenik et Trava (municipalité de Đakovica/Gjakove), afin de la chasser du secteur. Un grand nombre de soldats et de policiers ont été déployés et plusieurs poste de contrôle établis. Toute la journée, des villageois directement menacés par les forces de la RFY et de la Serbie ont quitté leurs maisons et rejoint plusieurs convois de réfugiés, comprenant des tracteurs, des charrettes et des voitures. À Meja/Meje, Korenica/Korenice et Meja Orize/Meje Orize, un grand nombre (encore indéterminé) de civils albanais du Kosovo de sexe masculin ont été séparés de la multitude des villageois en fuite et emmenés. Nombre de ces hommes ont été sommairement exécutés et environ 300 personnes sont encore portées disparues. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe I jointe au présent acte d’accusation).

j. À l’aube du 22 mai 1999 ou vers cette date, au complexe pénitentiaire de Dubrava/Dubrave (municipalité d’Istok/Istog), un gardien de prison en uniforme a annoncé à partir d’un mirador que tous les prisonniers devaient ramasser leurs effets personnels et s’aligner sur le terrain de sport du complexe pénitentiaire, afin d’être transférés à la prison de Niš, en Serbie. Très vite, des centaines de prisonniers se sont rassemblés sur le terrain de sport avec leurs sacs d’effets personnels et se sont mis en rangs dans l’attente de leur transport. Sans prévenir, des gardiens de prison en uniforme ont ouvert le feu sur les prisonniers à partir du mirador, de trous dans le mur d’enceinte et de niches de mitrailleuses aménagées dans ce mur. De nombreux prisonniers ont été tués sur le coup et d’autres blessés.

Dans l’après-midi du 23 mai 1999 ou vers cette date, des gardiens de prison et des membres de la police spéciale serbe ont jeté des grenades et tiré dans les canalisations, les égouts, les bâtiments et les caves, tuant et blessant de nombreux autres prisonniers qui s’y étaient réfugiés après les événements de la veille. Au total, environ 50 prisonniers ont été tués. (Nombre des prisonniers assassinés n’ont pas été identifiés mais les noms de ceux qui l’ont été figurent à l’annexe J jointe au présent acte d’accusation).

k. Dans la matinée du 26 mars 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont encerclé un ensemble de maisons appartenant à des membres de la famille BERISHA, à Suva Reka/Suhareke (municipalité de Suva Reka). Des chars ont été positionnés à proximité des maisons, leurs canons pointés vers elles. La police a ordonné aux occupants de l’une des maisons d’en sortir. Les hommes ont été séparés des femmes et des enfants et six membres de la famille ont été tués. Ce qui restait de cette famille a été conduit par les forces serbes à un café, de même que trois autres groupes de membres ou de proches de la famille BERISHA. Des Serbes armés sont alors entrés dans le café et ont ouvert le feu sur les personnes qui s’y trouvaient. Des explosifs ont également été lancés dans le café. Au moins 34 civils ont été tués et d’autres gravement blessés au cours de cette opération. Les cadavres des victimes ont été traînés hors du café et placés à l’arrière d’un camion, qui a pris la direction de Prirzen. Embarquées avec les cadavres, trois personnes blessées ont sauté du camion en route pour Prizren. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe K jointe au présent acte d’accusation).

l. Entre mars 1999 et mai 1999, les forces de la RFY et de la Serbie ont lancé une série d’attaques de grande envergure contre plusieurs villages de la municipalité de Kačanik, qui ont causé la mort de plus de 100 cent civils. Le 24 mars 1999 ou vers cette date, le village de Kotlina/Kotline a été attaqué par les forces de la RFY et de la Serbie. Pendant l’attaque, la plupart des maisons ont été réduites en cendres et 17 personnes ont été tuées. Certaines des personnes tuées ont été capturées dans les bois, exécutées puis jetées dans des puits, où des explosifs ont été lancés. Le 13 avril 1999 ou vers cette date, les forces de la FRY et de la Serbie ont encerclé le village de Slatina/Sllatine et le hameau de Lama/Vata. Le village a été bombardé. Des membres de l’infanterie et de la police y ont ensuite pénétré et ils ont pillé et incendié les maisons. Pendant cette action, 13 civils ont été abattus par balle. Le 21 mai 1999 ou vers cette date, le village de Stagovo/Stagove a été encerclé par les forces de la RFY et de la Serbie. La population a essayé de fuir en direction des montagnes situées à l’est du village. En chemin, 13 personnes ont été tuées. La plus grande partie du village a été pillée et incendiée. Le 25 mai 1999 ou vers cette date, les forces de la RFY et de la Serbie ont encerclé le village de Dubrava/Lisnaje. En entrant dans le village, ces forces ont ordonné à la population de se regrouper à l’école et de quitter le village à bord de tracteurs. Les hommes ont alors été séparés des femmes et des enfants. Pendant cette action, 4 hommes ont été tués. En outre, 4 membres de la famille Qorri ont été abattus alors qu’ils tentaient de s’échapper en direction des bois. (Les noms des victimes qui ont été identifiées figurent à l’annexe L jointe au présent acte d’accusation).

25. À partir du 1er janvier 1999 ou vers cette date et jusqu’au 20 juin 1999, les forces de la RFY et de la Serbie, agissant sur les instructions, avec les encouragements ou le soutien de Slobodan MILOSEVIC, Milan MILUTINOVIC, Nikola SAINOVIC, Dragoljub OJDANIC et Vlajko STOJILJKOVIC, ont eu recours aux moyens et méthodes décrits aux paragraphes 18 à 24 pour mener une campagne de persécution contre la population civile albanaise du Kosovo pour des raisons politiques, raciales ou religieuses.

26. Par ces actes, Slobodan MILOSEVIC, Milan MILUTINOVIC, Nikola SAINOVIC, Dragoljub OJDANIC et Vlajko STOJILJKOVIC ont planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes suivants :

Chef 1 : Expulsion, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par l’article 5 d) du Statut du Tribunal.

Chef 2 : Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par l’article 5 a) du Statut du Tribunal.

Chef 3 : Meurtre, une VIOLATION DES LOIS ET COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par l’article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l’article 3 1) a) (meurtre) des Conventions de Genève.

Chef 4 : Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par l’article 5 h) du Statut du Tribunal.

RESPONSABILITÉ DU SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE

27. élu Président de la RFY le 15 juillet 1997, Slobodan MILOSEVIC est entré en fonction le 23 juillet 1997. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, il était Président de la RFY.

28. En qualité de Président de la RFY, Slobodan MILOSEVIC présidait le Conseil suprême de la défense de la RFY qui comprenait en outre les Présidents des républiques constitutives de la RFY, la Serbie et le Monténégro. Le Conseil suprême de la défense arrêtait le Plan de défense nationale et prenait des décisions concernant la VJ. En qualité de Président de la RFY, Slobodan MILOSEVIC avait le pouvoir d’"ordonner la mise en œuvre du Plan de défense nationale", et il commandait la VJ en temps de guerre et en temps de paix en conformité avec les décisions prises par le Conseil suprême de la défense. Slobodan MILOSEVIC s’acquittait de ses fonctions de commandant suprême de la VJ au moyen de "commandements, d’ordres et de décisions".

29. Aux termes de la Loi de la RFY sur la défense, Slobodan MILOSEVIC, en sa qualité de Commandant suprême de la VJ, avait également autorité sur les unités de police républicaines et fédérales subordonnées à la VJ en cas de menace de guerre imminente ou en cas de guerre. Une déclaration faisant état d’une menace de guerre imminente a été publiée le 23 mars 1999, et l’état de guerre a été proclamé le 24 mars 1999.

30. Outre les pouvoirs dont il était investi de jure, Slobodan MILOSEVIC exerçait, durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, un important contrôle de facto sur de nombreuses institutions qui ont joué un rôle essentiel dans les crimes répertoriés dans l’acte d’accusation ou y ont trempé. Slobodan MILOSEVIC exerçait un contrôle de fait considérable sur les institutions fédérales qui relèvent nominalement de l’Assemblée ou du Gouvernement de la RFY. Slobodan MILOSEVIC exerçait également un contrôle de fait sur les pouvoirs et institutions relevant nominalement de la Serbie et de ses provinces autonomes, y compris sur les forces de police serbes. Slobodan MILOSEVIC exerçait en outre un contrôle de fait sur de nombreux aspects de la vie politique et économique de la RFY, notamment sur les médias. Entre 1986 et le début des années 90, Slobodan MILOSEVIC s’est progressivement assuré dans les faits le contrôle de ces institutions fédérales, républicaines, provinciales et autres.

31. Le contrôle de fait qu’exerçait Slobodan MILOSEVIC sur les organes d’État de la Serbie, de la RSFY, de la RFY et d’autres organes d’État provenait en partie de ce qu’il a dirigé deux des principaux partis politiques au pouvoir en Serbie entre 1986 et 2000, et en RFY entre 1992 et 2000. De 1986 à 1990, il était Président du Présidium du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie, qui était alors au pouvoir en Serbie. En 1990, il a été porté à la tête du Parti socialiste de Serbie, qui a succédé à la Ligue des Communistes de Serbie et à l’Alliance socialiste du peuple travailleur de Serbie. Pendant toute la durée de ses mandats de Président de Serbie, de 1990 à 1997, puis de Président de la RFY de 1997 à 2000, Slobodan MILOSEVIC a également dirigé le SPS.

32. À partir d’octobre 1988 au moins et durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Slobodan MILOSEVIC exerçait un contrôle de fait sur les pouvoirs publics serbes, y compris sur les forces de police. À partir d’octobre 1988 au moins, il exerçait un contrôle de fait sur les deux provinces autonomes de Serbie - le Kosovo et la Voïvodine - et sur leurs représentations dans les organes fédéraux de la RSFY puis de la RFY. À partir d’octobre 1988 au moins et jusqu’au milieu de l’année 1998, Slobodan MILOSEVIC a également exercé un contrôle de fait sur les pouvoirs publics monténégrins, y compris sur la représentation de la République du Monténégro (Monténégro) dans tous les organes fédéraux de RSFY et de RFY.

33. Dans d’importantes négociations, réunions et conférences internationales depuis 1989, et durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Slobodan MILOSEVIC a été le principal interlocuteur de la communauté internationale. Il a négocié des accords internationaux qui ont par la suite été mis en œuvre en Serbie, en RSFY, en RFY et ailleurs sur le territoire de l’ex-RSFY. Slobodan MILOSEVIC a été le principal représentant de la RSFY et de la RFY notamment lors de la Conférence de La Haye en 1991, lors des négociations de Paris de mars 1993, lors de la Conférence internationale sur l’ex-Yougoslavie en janvier 1993, lors des négociations relatives au plan de paix Vance-Owen de janvier à mai 1993, lors des négociations de paix de Genève durant l’été 1993, lors de la réunion du Groupe de contact en juin 1994, lors de la négociation de cessez-le-feu en Bosnie-Herzégovine, du 9 au 14 septembre 1995, lors des négociations visant à mettre fin aux frappes de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Bosnie-Herzégovine, du 14 au 20 septembre 1995 et lors des négociations de paix de Dayton en novembre 1995.

34. En qualité de Président de la RFY, de Commandant suprême de la VJ et de Président du Conseil suprême de la défense et en raison de l’autorité de fait qu’il exerçait, Slobodan MILOSEVIC était responsable des actes de ses subordonnés dans la VJ et dans toutes les forces de police, fédérales ou républicaines, qui ont commis à partir de janvier 1999 dans la province du Kosovo les crimes allégués dans le présent acte d’accusation.

35. Milan MILUTINOVIC a été élu Président de Serbie le 21 décembre 1997 et l’est toujours à la date du présent acte d’accusation. En qualité de Président de Serbie durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Milan MILUTINOVIC était chef de l’État. Il représentait la Serbie et il était chargé de ses relations avec les États étrangers et les organisations internationales. Il organisait les préparatifs pour la défense de la Serbie.

36. En qualité de Président de Serbie, Milan MILUTINOVIC était, durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, membre du Conseil suprême de la défense de la RFY et il participait à la prise de décisions concernant l’emploi de la VJ.

37. En qualité de Président de Serbie, Milan MILUTINOVIC partageait avec l’Assemblée, durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, le pouvoir de demander des rapports à la fois au Gouvernement de Serbie sur les dossiers ressortissant à sa compétence, et au Ministère de l’intérieur sur ses activités et sur la sécurité en Serbie. En qualité de Président de Serbie, Milan MILUTINOVIC était habilité, mais uniquement en temps de paix, à dissoudre l’Assemblée et, avec celle-ci, le Gouvernement, "sur proposition motivée de ce dernier".

38. En temps de guerre ou en cas de menace de guerre imminente, Milan MILUTINOVIC, en qualité de Président de Serbie, pouvait prendre des mesures ressortissant en temps normal à la compétence de l’Assemblée, y compris adopter des lois ; il pouvait ainsi remanier le Gouvernement et ses ministères, et restreindre certains droits et libertés.

39. Outre ses pouvoirs de jure, Milan MILUTINOVIC exerçait, durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, une influence de fait ou un contrôle de facto considérables sur de nombreuses institutions qui ont joué un rôle essentiel dans les crimes répertoriés dans l’acte d’accusation ou y ont trempé. Milan MILUTINOVIC exerçait dans les faits une influence ou un contrôle considérable sur les pouvoirs et les institutions relevant nominalement du Gouvernement ou de l’Assemblée de Serbie et de ses provinces autonomes, notamment sur les forces de police serbes.

40. Depuis 1995 et durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Milan MILUTINOVIC a été l’un des principaux interlocuteurs de la communauté internationale au cours d’importantes négociations, réunions et conférences internationales. Milan MILUTINOVIC a notamment été l’un des principaux représentants de la RFY lors des négociations préliminaires au cessez-le-feu en Bosnie-Herzégovine, du 15 au 21 août 1995, lors des réunions de Genève pour un cessez-le-feu en Bosnie, le 7 septembre 1995, lors d’autres négociations de cessez-le-feu en Bosnie-Herzégovine du 9 au 14 septembre 1995, lors des négociations visant à mettre fin aux frappes de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine, du 14 au 20 septembre 1995, lors de la réunion des Ministres des affaires étrangères des Balkans à New-York le 26 septembre 1995 et lors des négociations de paix de Dayton en novembre 1995. Milan MILUTINOVIC a également assisté aux négociations de Rambouillet en février 1999.

41. En qualité de Président de Serbie et de membre du Conseil suprême de la défense et en raison de l’autorité de fait qu’il exerçait, Milan MILUTINOVIC était responsable des actes de tous ses subordonnés dans la VJ et dans les forces de police, qui ont commis à partir de janvier 1999 dans la province du Kosovo les crimes allégués dans le présent acte d’accusation.

42. Le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC a été nommé Chef de l’état-major général de la VJ le 26 novembre 1998. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, il occupait le poste de Chef de l’état-major général de la VJ. En cette qualité, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC commandait, ordonnait, donnait des instructions, réglementait et dirigeait par d’autres moyens la VJ, comme le prévoyaient les décisions prises par le Président de la RFY, et comme le requérait le commandement de la VJ.

43. En qualité de Chef de l’état-major général de la VJ, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC décidait de l’organisation, du plan de développement et de la formation des commandements, des unités et des institutions de la VJ, compte tenu de la nature et des besoins de celle-ci, et en application des décisions prises par le Président de la RFY.

44. De par ses pouvoirs, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC décidait également du plan de recrutement et d’affectation aux postes vacants dans la VJ et de la répartition des recrues au sein de celle-ci, fixait les règles concernant l’entraînement de la VJ, déterminait le programme de formation et d’entraînement des officiers de carrière et des officiers de réserve et accomplissait les autres tâches prévues par la loi.

45. En qualité de Chef de l’état-major général de la VJ, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC - ou d’autres officiers par lui habilités - nommait les officiers, les sous-officiers et les soldats et promouvait les sous-officiers, officiers de réserve et officiers jusqu’au grade de colonel. De plus, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC nommait le président, les juges et les procureurs des juridictions militaires, ainsi que leurs adjoints et secrétaires respectifs.

46. Le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC était chargé de la préparation de la conscription des citoyens et de la mobilisation de la VJ, il coopérait avec les Ministères de l’intérieur de la RFY et de la Serbie et le Ministère de la défense de RFY pour la mobilisation des organes et des unités des Ministères de l’intérieur, il supervisait cette mobilisation, proposait des mesures propres à remédier aux problèmes rencontrés et informait le Gouvernement de RFY et le Conseil suprême de la défense de cette mise en œuvre.

47. En qualité de Chef de l’état-major général de la VJ, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC était responsable des actes de ses subordonnés dans la VJ et de ceux de toutes les forces de police fédérales et républicaines subordonnées à la VJ, qui ont commis des crimes à partir de janvier 1999 à juin 1999 inclus, dans la province du Kosovo.

48. Vlajko STOJILJKOVIC a été nommé Ministre de l’intérieur de Serbie le 24 mars 1998. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Vlajko STOJILJKOVIC occupait ce poste. En qualité de chef d’un ministère du Gouvernement serbe, Vlajko STOJILJKOVIC était responsable de l’application des lois, règlements et actes de portée générale adoptés par l’Assemblée de Serbie, le Gouvernement ou le Président.

49. En qualité de Ministre de l’intérieur de Serbie, Vlajko STOJILJKOVIC dirigeait les activités du Ministère de l’intérieur et de son personnel. Il déterminait la structure, la mission et la portée des opérations des unités constitutives du Ministère de l’intérieur. Il avait le pouvoir de convoquer, en temps de paix, les membres du corps de réserve du Ministère de l’intérieur et d’empêcher les activités menaçant la sécurité de la Serbie. Les ordres donnés par lui et par les fonctionnaires de haut rang du Ministère de l’intérieur au personnel de ce ministère étaient contraignants, à moins qu’ils ne constituent un acte criminel.

50. En qualité de Ministre de l’intérieur de Serbie, Vlajko STOJILJKOVIC avait le pouvoir de contrôler les décisions et les actes des agents du Ministère. Il statuait sur les recours introduits contre les décisions prises en premier ressort par les chefs d’unités constitutives du Ministère de l’intérieur. De surcroît, il était habilité à se prononcer sur les recours formés par les individus détenus par la police.

51. Le 8 avril 1999, les pouvoirs dont Vlajko STOJILJKOVIC était investi en temps de guerre en qualité de Ministre de l’intérieur de Serbie ont été élargis pour lui permettre d’affecter les employés du Ministère à d’autres tâches à l’intérieur de celui-ci aussi longtemps que nécessaire.

52. En qualité de Ministre de l’intérieur de Serbie, Vlajko STOJILJKOVIC était responsable du maintien de l’ordre en Serbie. En qualité de Ministre de l’intérieur, il était responsable des actes de ses subordonnés dans les forces de police du Ministère de l’intérieur de Serbie, qui ont commis des crimes dans la province du Kosovo de janvier 1999 à juin 1999 inclus.

ALLÉGATIONS GÉNÉRALES

53. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, le Kosovo en RFY était en état de conflit armé.

54. Tous les actes et omissions qualifiés de crimes contre l’humanité s’inscrivaient dans le cadre d’une offensive généralisée ou systématique dirigée contre la population civile albanaise du Kosovo en RFY.

55. Chacun des accusés est individuellement responsable des crimes retenus contre lui dans le présent acte d’accusation, en vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal. Est individuellement responsable pénalement quiconque a commis, planifié, incité à commettre, ordonné ou aidé et encouragé la planification, la préparation ou l’exécution de tout crime visé aux articles 2 à 5 du Statut du Tribunal.

56. Dans la mesure où il avait autorité ou exerçait un contrôle sur la VJ et les unités de police, sur d’autres unités ou individus subordonnés au commandement de la VJ au Kosovo, Slobodan MILOSEVIC, en qualité de Président de la RFY, de Commandant suprême de la VJ et de Président du Conseil suprême de la défense est, aux termes de l’article 7 3) du Statut du Tribunal, également ou subsidiairement, pénalement responsable des actes commis par ses subordonnés, notamment les membres de la VJ et les fonctionnaires susmentionnés des Ministères de l’intérieur de RFY et de Serbie.

57. Dans la mesure où il avait autorité ou exerçait un contrôle sur les unités de police du Ministère de l’intérieur, la VJ ou les unités de police et d’autres unités ou individus subordonnés au commandement de la VJ au Kosovo, Milan MILUTINOVIC, en qualité de Président de Serbie et de membre du Conseil suprême de la défense est, aux termes de l’article 7 3) du Statut du Tribunal, également ou subsidiairement, pénalement responsable des actes commis par ses subordonnés, notamment les membres de la VJ et les fonctionnaires susmentionnés du Ministère de l’intérieur de Serbie.

58. Dans la mesure où il avait autorité ou exerçait un contrôle sur la VJ ou les unités de police et sur d’autres unités ou individus subordonnés au commandement de la VJ au Kosovo, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC, en qualité de Chef de l’état-major général de la VJ est, aux termes de l’article 7 3) du Statut du Tribunal, également ou subsidiairement, pénalement responsable des actes commis par ses subordonnés, notamment les membres de la VJ et les fonctionnaires susmentionnés des Ministères de l’intérieur de RFY et de Serbie.

59. Dans la mesure où il avait autorité ou exerçait un contrôle sur les agents du Ministère de l’intérieur et sur toute autre unité de police régulière ou mobilisée, Vlajko STOJILJKOVIC, en qualité de Ministre de l’intérieur de Serbie est, aux termes de l’article 7 3) du Statut du Tribunal, également ou subsidiairement, pénalement responsable des actes commis par ses subordonnés, notamment des agents susmentionnés du Ministère de l’intérieur de Serbie.

60. Un supérieur est responsable des actes de ses subordonnés s’il savait ou avait des raisons de savoir que ceux-ci s’apprêtaient à commettre ces actes ou l’avaient fait et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour les en empêcher ou les en punir.

FAITS SUPPLÉMENTAIRES

61. La Province autonome du Kosovo-Metohija est située dans la partie méridionale de la République de Serbie, et forme une république constitutive de la RFY. Le territoire de la RFY faisait autrefois partie de la RSFY. La Province autonome du Kosovo-Metohija jouxte au nord et au nord-ouest la République du Monténégro, une autre république constitutive de la RFY. Au sud-ouest, elle s’étend jusqu’à la République d’Albanie, et au sud jusqu’à l’ex-République yougoslave de Macédoine. La Province autonome du Kosovo-Metohija a pour capitale Pristina.

62. En 1990, la République socialiste de Serbie a adopté une nouvelle Constitution qui, entre autres, portait modification de son appellation et de celle des provinces autonomes. Ainsi, la République socialiste de Serbie a été rebaptisée République de Serbie (toutes deux désignées dans le présent acte d’accusation par l’appellation "Serbie"), la Province socialiste autonome du Kosovo est devenue Province autonome du Kosovo-Metohija (toutes deux désignées dans le présent acte d’accusation par l’appellation "Kosovo") et la Province socialiste autonome de Voïvodine a été rebaptisée Province autonome de Voïvodine (Voïvodine). Durant cette période, la République socialiste du Monténégro a pris le nom de République du Monténégro.

63. La nouvelle constitution adoptée en 1974 par la République socialiste fédérative de Yougoslavie prévoyait un transfert de compétences du pouvoir central aux six républiques constitutives. Elle conférait au Kosovo et à la Voïvodine une autonomie considérable au sein de la Serbie, et notamment le contrôle de l’enseignement, du pouvoir judiciaire et de la police. Ces deux provinces ont également été dotées de leurs propres assemblées provinciales et étaient représentées à l’Assemblée, à la Cour constitutionnelle et à la Présidence de la RSFY.

64. En 1981, date du dernier recensement pour lequel la participation était quasiment universelle, le Kosovo comptait au total environ 1 585 000 habitants, dont 1 227 000 Albanais (77 %) et 210 000 Serbes (13 %). On ne dispose que d’estimations en ce qui concerne la population du Kosovo en 1991, les Albanais du Kosovo ayant boycotté le recensement mené cette année-là. Selon les estimations générales, la population du Kosovo durant la période couverte par le présent acte d’accusation se situait entre 1 800 000 et 2 100 000 personnes, dont environ 85 à 90 % d’Albanais et 5 à 10 % de Serbes.

65. Dans les années 80, les Serbes se sont émus des discriminations dont ils faisaient l’objet de la part des autorités provinciales sous le contrôle des Albanais du Kosovo, tandis que ces derniers se montraient préoccupés par le sous-développement économique de la province et revendiquaient une plus grande liberté politique ainsi que le statut de République pour le Kosovo. À partir de 1981, les Albanais du Kosovo ont organisé des manifestations qui ont été réprimées par les forces armées de la RSFY et la police serbe.

66. En avril 1987, Slobodan MILOSEVIC, qui avait été élu Président du Présidium du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie en 1986, s’est rendu au Kosovo. Lorsqu’il a rencontré les dirigeants serbes locaux et qu’il s’est adressé à la foule serbe, il s’est prononcé en faveur d’un programme nationaliste serbe. Il rompait alors avec la politique du Parti et du Gouvernement, qui avait été d’étouffer toute expression du nationalisme dans la RSFY depuis sa fondation par Josip Broz Tito après la Deuxième Guerre mondiale. À compter de ce moment, Slobodan MILOSEVIC a exploité la montée du nationalisme serbe afin de renforcer un pouvoir centralisé dans la RSFY.

67. En septembre 1987, Slobodan MILOSEVIC et ses partisans ont pris le contrôle du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie. En 1988, MILOSEVIC a été réélu Président du Présidium du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie. Tirant parti de l’autorité que lui conférait ces fonctions, il est parvenu à étendre davantage son pouvoir politique.

68. De juillet 1988 à mars 1989, on a assisté, en Voïvodine et au Monténégro, à une vague de rassemblements et de manifestations de soutien à Slobodan MILOSEVIC et à ce qu’il est convenu d’appeler la "Révolution antibureaucratique". Ces mouvements de contestation se sont soldés par l’éviction des gouvernements provinciaux et républicains au profit d’autres, favorables et redevables à Slobodan MILOSEVIC.

69. Au même moment, en Serbie, des voix de plus en plus nombreuses se faisaient entendre pour demander une reprise en main du Kosovo par la Serbie, et de nombreuses manifestations ont été organisées à cet effet. Le 17 novembre 1988, des hautes personnalités politiques albanaises du Kosovo ont été démises des fonctions qu’elles exerçaient au sein de l’administration provinciale, et remplacées par des fonctionnaires loyaux à Slobodan MILOSEVIC. Au début de 1989, l’Assemblée serbe a proposé d’apporter des amendements à la Constitution de la Serbie, privant le Kosovo d’une grande partie de son autonomie, qu’il s’agisse du contrôle de la police, de l’éducation, de la politique économique, du choix d’une langue officielle, ou de son droit de veto sur les modifications ultérieures de la Constitution de la Serbie. Les Albanais du Kosovo ont manifesté en masse contre les amendements proposés. La grève entamée en février 1989 par les mineurs albanais du Kosovo n’a fait qu’accentuer les tensions.

70. En raison des troubles politiques, la Présidence de la RSFY a déclaré le 3 mars 1989 que la situation dans la province s’était détériorée et menaçait désormais la Constitution, l’intégrité et la souveraineté du pays. Le Gouvernement a alors imposé des mesures d’exception, qui confiaient la charge de la sûreté publique au Gouvernement fédéral au lieu du Gouvernement de la Serbie.

71. Le 23 mars 1989, l’Assemblée du Kosovo s’est réunie à Pristina et a approuvé, à la faveur d’une abstention de la majorité des délégués albanais du Kosovo, les amendements constitutionnels proposés. Bien que la majorité des deux tiers, requise en pareil cas, n’ait pas été réunie, le Président de l’Assemblée a néanmoins déclaré que les amendements étaient adoptés. Le 28 mars 1989, l’Assemblée de la Serbie adoptait à son tour les amendements constitutionnels, mettant ainsi un terme au statut d’autonomie accordé à la province par la Constitution de 1974.

72. Au moment où ces changements intervenaient au Kosovo, Slobodan MILOSEVIC renforçait encore son pouvoir politique en se faisant élire Président de la Serbie. Il a été élu Président de la Présidence de la Serbie le 8 mai 1989, et officiellement confirmé dans ses fonctions le 6 décembre 1989.

73. Au début de 1990, les Albanais du Kosovo ont manifesté en masse pour exiger l’abrogation des mesures d’exception. En avril 1990, la Présidence de la RSFY a levé ces mesures et procédé au retrait de l’essentiel des forces de police fédérales, la Serbie prenant le relais du maintien de l’ordre au Kosovo.

74. En juillet 1990, l’Assemblée de la Serbie a décidé de suspendre l’Assemblée du Kosovo, peu après que 114 de ses 123 membres albanais du Kosovo eurent adopté une résolution officieuse tendant à faire du Kosovo une entité indépendante à part entière au sein de la RSFY. En septembre 1990, un grand nombre de ces mêmes délégués ont proclamé une Constitution en vue de la création d’une "République du Kosovo". Un an plus tard, en septembre 1991, les Albanais du Kosovo ont organisé un référendum officieux par lequel ils se sont prononcés massivement en faveur de l’indépendance. Le 24 mai 1992, ils ont organisé un scrutin officieux en vue de la constitution d’une assemblée et de l’élection d’un président de la "République du Kosovo".

75. Le 16 juillet 1990, la Ligue des communistes de Serbie et l’Alliance socialiste du peuple travailleur de Serbie ont fusionné pour former le Parti socialiste de Serbie (SPS), dont Slobodan MILOSEVIC a été élu Président. Succédant à la Ligue des communistes, le SPS est devenu le principal parti politique de Serbie et Slobodan MILOSEVIC, en sa qualité de Président du Parti, est parvenu à s’arroger un pouvoir et une influence considérables sur de nombreux secteurs de l’administration ainsi que sur le secteur privé. Milan MILUTINOVIC et Nikola SAINOVIC ont tous deux occupé des postes de premier plan au sein du SPS. Nikola SAINOVIC a été membre du Comité directeur et du Conseil exécutif et a également exercé les fonctions de vice-président, tandis que Milan MILUTINOVIC a remporté les élections présidentielles en 1997 en Serbie sous la bannière du SPS.

76. Après l’adoption de la nouvelle Constitution de la Serbie le 28 septembre 1990, Slobodan MILOSEVIC a été élu Président de la Serbie lors des élections pluripartites qui se sont tenues les 9 et 26 décembre 1990. Il a été réélu le 20 décembre 1992. En décembre 1991, Nikola SAINOVIC a été nommé Vice-Premier Ministre de Serbie.

77. Après la suppression, en 1989, de l’autonomie du Kosovo, la situation dans la province est devenue de plus en plus conflictuelle. À compter de la fin 1990 et en 1991, des milliers d’Albanais du Kosovo, médecins, enseignants, ouvriers, policiers et agents de la fonction publique ont été révoqués. L’appareil judiciaire local a été réorganisé et de nombreux juges ont été démis de leurs fonctions. La violence policière à l’encontre des Albanais du Kosovo s’est intensifiée.

78. Durant cette période, les dirigeants officieux des Albanais du Kosovo ont poursuivi une politique de résistance civile non violente et commencé à mettre en place un système d’institutions parallèles officieuses dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

79. À la fin juin 1991, la RSFY a commencé à se désintégrer par suite des guerres menées dans la République de Slovénie (Slovénie), la République de Croatie (Croatie) et la République de Bosnie-Herzégovine. Le 25 juin 1991, la Slovénie s’est déclarée indépendante de la RSFY, à la suite de quoi la guerre a éclaté. Un accord de paix a été conclu le 8 juillet 1991. La Croatie a proclamé son indépendance le 25 juin 1991, ce qui a conduit à des hostilités entre les forces armées croates, d’une part et, de l’autre, l’Armée populaire yougoslave (JNA), des éléments paramilitaires et "l’Armée de la République de Krajina serbe".

80. Le 6 mars 1992, la Bosnie-Herzégovine a proclamé à son tour son indépendance, ce qui a conduit à un conflit de grande ampleur après le 6 avril 1992. Le 27 avril de la même année, la RSFY est devenue la RFY. Au même moment, la JNA a été réorganisée et a pris le nom de VJ. Durant la guerre en Bosnie-Herzégovine, la JNA et, plus tard, la VJ, se sont battues aux côtés de "l’Armée de la Republika Srpska" contre les forces armées du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine et du "Conseil de défense croate". Les hostilités actives ont cessé avec la signature de l’Accord de paix de Dayton en décembre 1995.

81. Si Slobodan MILOSEVIC était Président de la Serbie lors des guerres en Slovénie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, il restait également la principale personnalité politique serbe et contrôlait de fait les autorités fédérales et républicaines, et c’est avec lui que la communauté internationale a négocié les divers plans et accords de paix visant à régler ces conflits.

82. Entre 1991 et 1997, Milan MILUTINOVIC et Nikola SAINOVIC ont tous deux occupé différents postes de premier plan dans les administrations fédérale et républicaine et ont continué de travailler en étroite collaboration avec Slobodan MILOSEVIC. Durant cette période, Milan MILUTINOVIC a travaillé pour le Ministère des affaires étrangères de la RFY et occupé pendant un temps le poste d’ambassadeur en Grèce. En 1995, il a été nommé Ministre des affaires étrangères de la RFY, et l’est resté jusqu’en 1997. Nikola SAINOVIC a été Premier Ministre de la Serbie en 1993 et Vice-Premier Ministre de la RFY en 1994.

83. Alors que des guerres étaient menées en Slovénie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, la situation au Kosovo, quoique tendue, n’a pas donné lieu à une explosion de violence et à des combats acharnés comme dans les autres pays. Au milieu des années 90, cependant, une faction d’Albanais du Kosovo s’est organisée pour former un groupe connu sous le nom de "Ushtria Çlirimtare e Kosovës" (UÇK), ou "Armée de libération du Kosovo". Ce groupe prônait une campagne d’insurrection armée et de résistance violente contre les autorités serbes. Vers le milieu de 1996, l’UÇK a commencé à lancer des attaques, essentiellement contre les forces de police serbes et de la RFY. À partir de ce moment et tout au long de 1997, les forces de police serbes et de la RFY ont répliqué par des opérations violentes contre les bases supposées de l’UÇK et ses partisans au Kosovo.

84. À l’expiration de son mandat de Président de la Serbie, Slobodan MILOSEVIC a été élu Président de la RFY le 15 juillet 1997, et il a pris ses fonctions le 23 juillet de la même année. Par la suite, des élections ont été organisées afin de choisir le Président de la Serbie. Milan MILUTINOVIC était le candidat du SPS et il a été élu Président de la Serbie le 21 décembre 1997. En 1996, 1997 et 1998, Nikola SAINOVIC a été réélu Vice-Premier Ministre de la RFY. C’est en partie grâce à ses liens étroits avec Milan MILUTINOVIC que Slobodan MILOSEVIC est parvenu à maintenir son emprise sur le Gouvernement de la Serbie.

85. À partir de la fin du mois de février 1998, on a assisté à une intensification du conflit entre d’une part l’UÇK et, de l’autre, les forces de police de la RFY et de la Serbie. Un certain nombre d’Albanais et de Serbes du Kosovo ont été blessés ou tués durant cette période. Les forces de la RFY et de la Serbie se sont lancées dans une campagne de bombardements des villages et villes à majorité albanaise, de destruction à grande échelle des biens et d’expulsion de la population civile des zones dans lesquelles opérait l’UÇK. De nombreux habitants ont quitté la province en raison des combats et des destructions, ou ont été obligés de fuir vers d’autres régions du Kosovo. Selon les estimations de l’ONU, à la mi-octobre 1998, plus de 298 000 personnes, soit près de 15 % de la population, avaient été déplacées à l’intérieur du Kosovo ou avaient quitté la province.

86. Face à l’intensification du conflit, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a adopté en mars 1998 la résolution 1160 (1998) "condamnant l’usage excessif de la force par les forces de police serbes contre des civils et des manifestants pacifiques au Kosovo" et a imposé un embargo sur les armes à la RFY. Six mois plus tard, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1199 (1998) affirmant que "la détérioration de la situation au Kosovo (République fédérale de Yougoslavie) constitue une menace pour la paix et la sécurité dans la région". Il a par ailleurs exigé un cessez-le-feu général et le "retrait des unités de sécurité utilisées pour la répression des civils".

87. Dans l’espoir de faire baisser la tension au Kosovo, des négociations ont été menées en octobre 1998 entre Slobodan MILOSEVIC et des représentants de l’OTAN ainsi que de l’OSCE. Un accord créant la Mission de vérification au Kosovo de l’OSCE a été signé le 16 octobre 1998. Cet accord, ainsi que l’accord Clark-Naumann, qui a été signé par Nikola SAINOVIC, prévoyaient le retrait partiel des forces de la RFY et de la Serbie présentes au Kosovo, des restrictions quant à l’acheminement de troupes et matériels supplémentaires dans la région, et le déploiement d’observateurs non armés de l’OSCE.

88. En dépit du nombre élevé d’observateurs de l’OSCE déployés sur l’ensemble du territoire du Kosovo, les hostilités se sont poursuivies. Durant cette période, un certain nombre d’Albanais du Kosovo ont été tués, comme ont pu le constater les observateurs internationaux et les organisations de défense des droits de l’homme. Ainsi, le 15 janvier 1999, 45 Albanais du Kosovo non armés ont été assassinés dans le village de Racak, dans la municipalité de Stimlje/Shtime.

89. Afin de tenter une nouvelle fois de mettre fin au conflit au Kosovo, une conférence internationale a été convoquée à Rambouillet (France) le 7 février 1999. Nikola SAINOVIC, le Vice-Premier Ministre de la RFY, faisait partie de la délégation serbe lors des pourparlers de paix, et Milan MILUTINOVIC, le Président de la Serbie, était également présent aux négociations. Les Albanais du Kosovo étaient représentés par l’UÇK et une délégation de personnalités politiques et de représentants de la société civile. En dépit de négociations intensives pendant plusieurs semaines, les pourparlers de paix ont échoué à la mi-mars 1999.

90. Durant les négociations de paix menées en France, la violence au Kosovo n’a pas cessé. Vers la fin du mois de février et le début du mois de mars, les forces de la RFY et de la Serbie ont lancé une série d’offensives contre plusieurs dizaines de villes et villages du Kosovo à majorité albanaise. Les forces armées engagées par la RFY comprenaient des éléments de la 3e armée, plus spécialement le 52e corps, également connu sous le nom de corps de Pristina, et plusieurs brigades et régiments placés sous le commandement du corps de Pristina. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, le Chef de l’état-major général de la VJ, qui commandait la 3e armée et, par voie de conséquence, le corps de Pristina, était le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC. Le commandant suprême de la VJ était Slobodan MILOSEVIC.

91. Les forces de police qui ont participé aux opérations menées au Kosovo se composaient d’agents du Ministère de l’intérieur de la Serbie ainsi que de certaines unités relevant du Ministère de l’intérieur de la RFY. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, l’ensemble des forces de police employées par le Ministère de l’intérieur de la Serbie ou agissant sous son autorité étaient commandées par le Ministre de l’intérieur de la Serbie, Vlajko STOJILJKOVIC. En vertu de la Loi de la RFY sur la défense, les forces de police engagées dans des opérations militaires au cours d’une guerre ou en cas de menace de guerre imminente sont placées sous les ordres de la VJ, dont les commandants étaient, durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC et Slobodan MILOSEVIC.

92. Avant décembre 1998, Slobodan MILOSEVIC avait chargé Nikola SAINOVIC de le représenter sur la question du Kosovo. Les diplomates et autres fonctionnaires internationaux qui souhaitaient s’entretenir avec un représentant de l’État à propos des événements au Kosovo étaient invités à s’adresser à Nikola SAINOVIC. Il a joué un rôle actif dans les négociations qui ont conduit à la création de la Mission de vérification de l’OSCE au Kosovo et il a pris part à de nombreuses autres réunions ayant trait à la situation au Kosovo. Durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation, Nikola SAINOVIC a joué le rôle d’intermédiaire entre Slobodan MILOSEVIC et divers dirigeants albanais du Kosovo.

93. Le 20 mai 1998, Nikola SAINOVIC a été reconduit dans ses fonctions de Vice-Premier Ministre de la RFY. Il était, en tant que tel, membre du Gouvernement de la RFY, lequel était chargé, entre autres, de définir la politique intérieure et extérieure, d’appliquer la législation fédérale, de superviser et coordonner les activités des ministères fédéraux et d’organiser la défense du pays.

94. Durant les offensives, les forces de la RFY et de la Serbie, agissant de concert, ont lancé une campagne soigneusement planifiée et concertée de destruction des biens appartenant aux civils albanais du Kosovo. Les villages et les villes ont été bombardés, les habitations, les exploitations agricoles et les commerces incendiés, et les biens personnels détruits. Ces opérations, orchestrées avec soin, ont eu pour effet de rendre inhabitables pour les Albanais du Kosovo des villes, des villages et des régions entières. De plus, les forces de la RFY et de la Serbie ont, par des violences physiques et verbales, harcelé, humilié et rabaissé les civils albanais du Kosovo. Ceux-ci étaient constamment en butte à des injures, à des insultes à connotation raciale, à des actes dégradants en raison de leur appartenance ethnique ou religieuse, à des sévices corporels et à d’autres formes de mauvais traitements physiques.

95. L’expulsion illégale et le transfert par la force de milliers d’Albanais du Kosovo contraints d’abandonner leur foyer est le résultat d’actions planifiées avec soin et concertées de la part des dirigeants et des forces de la RFY et de la Serbie agissant de concert. Des opérations du même ordre avaient eu lieu durant les guerres menées en Croatie et en Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1995. L’armée, les éléments paramilitaires et les forces de police serbes avaient alors expulsé par la force et déporté les non-Serbes vivant dans les zones sous contrôle serbe en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, en ayant recours aux mêmes méthodes qu’au Kosovo en 1999 : pilonnages intensifs et attaque armée de villages, massacres et destruction des zones d’habitation et des sites culturels et religieux non serbes, et déplacements forcés des populations non serbes.

96. Le 24 mars 1999, l’OTAN a déclenché des frappes aériennes contre des objectifs situés en RFY. La RFY a publié le 23 mars 1999 un décret faisant état d’une menace de guerre imminente et a déclaré l’état de guerre le 24 mars 1999. Après que les frappes aériennes ont commencé, les forces de la RFY et de la Serbie ont intensifié leur campagne systématique et expulsé par la force des centaines de milliers d’Albanais du Kosovo.

97. À partir du 24 mars 1999, les forces de la RFY et de la Serbie se sont livrées non seulement à des expulsions forcées, mais aussi à de nombreux massacres d’Albanais du Kosovo. Ces massacres ont eu lieu en divers endroits, dont Bela Crkva, Mali Krusa/Krushe e Vogel -- Velika Krusa/Krushe e Mahde, Dakovica/Gjakovë, Crkolez/Padalishte, Izbica, Vucitrn/Vushtrii, Meja/Meje, la prison de Dubrava, Suva Reka/Suhareke et Kačanik.

98. La planification, la préparation et l’exécution de la campagne menée par les forces de la RFY et de la Serbie au Kosovo ont été orchestrées, fomentées, ordonnées, commises ou, de toute autre manière, aidées et encouragées par Slobodan MILOSEVIC, Président de la RFY ; Milan MILUTINOVIC, Président de la Serbie ; Nikola SAINOVIC, Vice-Premier Ministre de la RFY ; le général de corps d’armée Dragoljub OJDANIC, Chef de l’état-major général de la VJ ; et Vlajko STOJILJKOVIC, Ministre de l’intérieur de la Serbie.

99. Au 20 mai 1999, plus de 740 000 Albanais du Kosovo, soit environ un tiers de la population albanaise du Kosovo, avaient été expulsés de la province. On pense que des milliers d’autres ont été déplacés à l’intérieur de la province. Un nombre indéterminé d’Albanais du Kosovo ont été tués au cours des opérations menées par les forces de la RFY et de la Serbie.

100. Le 3 juin 1999, la RFY et la Serbie ont accepté une déclaration de principe visant à la résolution de la crise au Kosovo, qui leur avait été présentée par Martti Ahtisaari, au nom de l’Union européenne, et Viktor Chernomyrdin, représentant spécial du Président de la Fédération de Russie. Ce document, à la suite duquel a été adoptée la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, prévoyait une solution politique à la crise du Kosovo, et notamment une cessation immédiate des violences, un retrait rapide des forces militaires, paramilitaires et de police de la RFY et de la Serbie et le déploiement au Kosovo d’une présence internationale civile et de sécurité, sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies.

101. Le 9 juin 1999 a vu la signature de l’Accord militaire technique par le général Michael Jackson, au nom de l’OTAN, et les représentants de la VJ et du Ministère de l’intérieur, accord prévoyant le retrait du Kosovo de toutes les forces de la RFY et de la Serbie. Aux termes de l’Accord militaire technique, la campagne de bombardement par l’OTAN de cibles situées en RFY prendrait fin dès le retrait total des forces de la RFY et de la Serbie. Le 20 juin 1999, la KFOR a annoncé l’achèvement du retrait du territoire du Kosovo de toutes les forces de la RFY et de la Serbie.

Le Procureur
/signé/

Carla del Ponte

Le 29 juin 2001
La Haye (Pays-Bas)

Annexe A
Victimes tuées et identifiées à Racak - 15 janvier 1999

NomÂge approximatifSexe
ASLLANI, Lute30Féminin
AZEMI, BanushMasculin
BAJRAMI, Ragip34Masculin
BEQIRI, Halim13Masculin
BEQIRI, Rizah49Masculin
BEQIRI, Zenel20Masculin
BILALLI, LutfiMasculin
EMINI, AjetMasculin
HAJRIZI, BujarMasculin
HAJRIZI, Myfail33Masculin
HALILI, SkenderMasculin
HYSENAJ, HaqifMasculin
IBRAHIMI, HajrizMasculin
IMERI, HakipMasculin
IMERI, MurtezMasculin
IMERI, NazmiMasculin
ISMALJI, MehaMasculin
ISMALJI, MuhametMasculin
JAKUPI, AhmetMasculin
JAKUPI, Esref40Masculin
JAKUPI, HajrizMasculin
JAKUPI, MehmetMasculin
JAKUPI, XhelalMasculin
JASHARI, Jasher24Masculin
JASHARI, Raif20Masculin
JASHARI, Shukri18Masculin
LIMANI, Fatmir35Masculin
LIMANI, Nexhat19Masculin
LIMANI, Salif23Masculin
MEHMETI, BajramMasculin
MEHMETI, HanumshahFéminin
METUSHI, ArifMasculin
METUSHI, Haki70Masculin
MUSTAFA, AhmetMasculin
MUSTAFA, Aslani34Masculin
MUSTAFA, Muhamet21Masculin
OSMANI, Sadik35Masculin
SALIHU, Jashar25Masculin
SALIHU, Shukri18Masculin
SHABANI, Bajrush22Masculin
SMAJLAI, Ahmet60Masculin
SYLA, Sheremet37Masculin
SYLA, ShyqeriMasculin
XHELADINI, BajramMasculin
ZYMERI, NjaziMasculin

Annexe B
Victimes tuées et identifiées à Bela Crkva - 25 mars 1999

NomÂge approximatifSexe
BEGAJ, Abdullah25Masculin
BERISHA, Murat60Masculin
GASHI, Fadil46Masculin
MORINA, Musa65Masculin
POPAJ, Abdullah18Masculin
POPAJ, Agon14Masculin
POPAJ, Alban21Masculin
POPAJ, Bedrush47Masculin
POPAJ, Belul14Masculin
POPAJ, Ethem46Masculin
POPAJ, Hazer77Masculin
POPAJ, Hyshi37Masculin
POPAJ, Irfan41Masculin
POPAJ, Isuf76Masculin
POPAJ, Kreshnik18Masculin
POPAJ, Lindrit18Masculin
POPAJ, Mehmet46Masculin
POPAJ, Mersel53Masculin
POPAJ, Nazmi45Masculin
POPAJ, Nisim35Masculin
POPAJ, Rrustem Masculin
POPAJ, Sahid40Masculin
POPAJ, Sedat47Masculin
POPAJ, Shendet17Masculin
POPAJ, Vehap58Masculin
POPAJ, Xhavit32Masculin
SPAHIU, FNU
(daughter of Xhemal)
 Féminin
SPAHIU, FNU
(daughter of Xhemal)
 Féminin
SPAHIU, FNU
(daughter of Xhemal)
 Féminin
SPAHIU, FNU
(daughter of Xhemal)
 Féminin
SPAHIU, FNU
(wife of Xhemal)
 Féminin
SPAHIU, Xhemal Masculin
ZHUNIQI, Abein37Masculin
ZHUNIQI, Agim51Masculin
ZHUNIQI, Bajram51Masculin
ZHUNIQI, Biladh67Masculin
ZHUNIQI, Clirim40Masculin
ZHUNIQI, Dardan6Masculin
ZHUNIQI, Dardane8Féminin
ZHUNIQI, Destan68Masculin
ZHUNIQI, Eshref55Masculin
ZHUNIQI, Fatos42Masculin
ZHUNIQI, FNU4Masculin
ZHUNIQI, FNU
(wife of Clirim)
 Féminin
ZHUNIQI, FNU
(son of Fatos)
16Masculin
ZHUNIQI, Hysni70Masculin
ZHUNIQI, Ibrahim68Masculin
ZHUNIQI, Kasim33Masculin
ZHUNIQI, Medi55Masculin
ZHUNIQI, Muhammet70Masculin
ZHUNIQI, Muharrem30Masculin
ZHUNIQI, Qamil77Masculin
ZHUNIQI, Qemal59Masculin
ZHUNIQI, Reshit32Masculin
ZHUNIQI, Shemsi52Masculin

Annexe C
Victimes tuées et identifiées à Velika Krusa/Krushe e Mahde -- Mali Krusa/Krushe e Vogel - 26 mars 1999

NomÂge approximatifSexe
ASLLANI, Adem68Masculin
ASLLANI, Asim34Masculin
ASLLANI, Feim30Masculin
ASLLANI, Muharrem66Masculin
ASLLANI, Nexhat27Masculin
ASLLANI, Nisret33Masculin
ASLLANI, Perparim26Masculin
AVDYLI, Bali72Masculin
AVDYLI, Enver28Masculin
BATUSHA, Ahmet38Masculin
BATUSHA, Amrush32Masculin
BATUSHA, Asllan46Masculin
BATUSHA, Avdi45Masculin
BATUSHA, Bekim22Masculin
BATUSHA, Beqir68Masculin
BATUSHA, Burim18Masculin
BATUSHA, Enver22Masculin
BATUSHA, Feim23Masculin
BATUSHA, FNU
(son of Ismail)
19Masculin
BATUSHA, FNU
(son of Zaim)
20Masculin
BATUSHA, Haxhi28Masculin
BATUSHA, Lirim16Masculin
BATUSHA, Milaim32Masculin
BATUSHA, Muharrem69Masculin
BATUSHA, Njazi39Masculin
BATUSHA, Osman65Masculin
BATUSHA, Sefer19Masculin
BATUSHA, Sejdi68Masculin
BATUSHA, Skifer22Masculin
BATUSHA, Sulejman46Masculin
BATUSHA, Zaim50Masculin
HAJDARI, Abaz40Masculin
HAJDARI, Abedin17Masculin
HAJDARI, Halil42Masculin
HAJDARI, Halim70Masculin
HAJDARI, Hysni20Masculin
HAJDARI, Marsel17Masculin
HAJDARI, Nazim33Masculin
HAJDARI, Qamil46Masculin
HAJDARI, Rasim25Masculin
HAJDARI, Sahit36Masculin
HAJDARI, Selajdin38Masculin
HAJDARI, Shani40Masculin
HAJDARI, Vesel19Masculin
HAJDARI, Zenun28Masculin
LIMONI, Avdyl45Masculin
LIMONI, Limon69Masculin
LIMONI, Luan22Masculin
LIMONI, Nehbi60Masculin
RAMADANI, Afrim28Masculin
RAMADANI, Asllan34Masculin
RAMADANI, Bajram15Masculin
RAMADANI, FNU
(son of Hysen)
23Masculin
RAMADANI, Hysen62Masculin
RAMADANI, Lufti58Masculin
RAMADANI, Murat60Masculin
RAMADANI, Ramadan59Masculin
RAMADANI, Selajdin27Masculin
RASHKAJ, FNU16Masculin
RASHKAJ, FNU18Masculin
RASHKAJ, Refki17Masculin
SHEHU, Adnan20Masculin
SHEHU, Arben20Masculin
SHEHU, Arif36Masculin
SHEHU, Bekim22Masculin
SHEHU, Burim19Masculin
SHEHU, Destan68Masculin
SHEHU, Din68Masculin
SHEHU, Dritan18Masculin
SHEHU, Fadil42Masculin
SHEHU, Flamur15Masculin
SHEHU, FNU
(son of Haziz)
20Masculin
SHEHU, FNU
(son of Sinan)
18Masculin
SHEHU, Haxhi25Masculin
SHEHU, Haziz42Masculin
SHEHU, Ismail68Masculin
SHEHU, Ismet40Masculin
SHEHU, Mehmet13Masculin
SHEHU, Mentor18Masculin
SHEHU, Myftar44Masculin
SHEHU, Nahit15Masculin
SHEHU, Nehat22Masculin
SHEHU, Nexhat38Masculin
SHEHU, Qamil50Masculin
SHEHU, Sahit23Masculin
SHEHU, Sali44Masculin
SHEHU, Sami24Masculin
SHEHU, Sefer44Masculin
SHEHU, Shani34Masculin
SHEHU, Shefqet38Masculin
SHEHU, Sinan50Masculin
SHEHU, Veli28Masculin
SHEHU, Vesel19Masculin
SHEHU, Xhafer38Masculin
SHEHU, Xhavit20Masculin
SHEHU, Xhelal13Masculin
ZYLFIU, Afrim22Masculin
ZYLFIU, FNU
(son of Halim)
18Masculin
ZYLFIU, Halim60Masculin
ZYLFIU, Hamdi62Masculin
ZYLFIU, Hamit22Masculin
ZYLFIU, Hysen50Masculin
ZYLFIU, Njazim24Masculin

Annexe D
Victimes tuées et identifiées à Dakovica /Gjakove - 26 mars 1999

NomÂge approximatifSexe
BEGOLLI, Sylejman48Masculin
BYTYQI, Arif72Masculin
BYTYQI, Urim38Masculin
DERVISHDANA, Emin31Masculin
DERVISHDANA, Fahri37Masculin
DERVISHDANA, Zenel59Masculin

Annexe E
Victimes tuées et identifiées à Crkolez/Padalishtë - 27 mars 1999

NomÂge approximatifSexe
IMERAJ, Afrim2Masculin
IMERAJ, Ardiana13Féminin
IMERAJ, Arijeta11Féminin
IMERAJ, Avdyl67Masculin
IMERAJ, Beke53Masculin
IMERAJ, Feride21Féminin
IMERAJ, Fetije42Féminin
IMERAJ, Florije19Féminin
IMERAJ, Gjylfidan15Féminin
IMERAJ, Hasan63Masculin
IMERAJ, Mihane72Féminin
IMERAJ, Mona72Féminin
IMERAJ, Muhamet19Masculin
IMERAJ, Nexhmedin Masculin
IMERAJ, Rab30Masculin
IMERAJ, Rustem73Masculin
IMERAJ, Sabahat21Masculin
IMERAJ, Shehide70Féminin
IMERAJ, Violeta17Féminin
IMERAJ, Xhyfidane14Féminin

Annexe F
Victimes tuées et identifiées à Izbica - 28 mars 1999

NomÂge approximatifSexe
BAJRA, Bajram62Masculin
BAJRA, Brahim Masculin
BAJRA, Fazli60Masculin
BAJRA, Ilaz Masculin
BAJRA, Sami Masculin
BEHRAMAJ, Demush60Masculin
BEHRAMAJ, Muhamed50Masculin
BEHRAMAJ, Nur85Masculin
BEHRAMI, Ardita Masculin
BEHRAMI, Bemush75Masculin
BEHRAMI, Edona Masculin
BEHRAMI, Muhamet Masculin
BEHRAMI, Nuredin90Masculin
BEQIRI, Ajet Masculin
CAKAJ, Demush65Masculin
CAKAJ, Muhamet60Masculin
CAKAJ, Nura80Masculin
CAKAJ, Thair65Masculin
CAKAJ, Zeqir80Masculin
CELI, Metush62Masculin
CELI, Rexhe Masculin
CELI, Smajl67Masculin
CUPEVA, Hamz46Masculin
DRAGA, Ali65Masculin
DRAGA, Bahim72Masculin
DRAGA, Cen68Masculin
DRAGA, Hajriz43Masculin
DRAGA, Halit Masculin
DRAGA, Hazir Masculin
DRAGA, Ismet28Masculin
DRAGA, Jetulla60Masculin
DRAGA, Murat Masculin
DRAGA, Rahim70Masculin
DRAGA, Rustem70Masculin
DURAKU, Dibran65Masculin
FEJZA, Zyra Masculin
FETAHI, Azem75Masculin
FETAHI, Hetem63Masculin
FETAHI, Muharem80Masculin
FETAHU, Lah67Masculin
GASHI, Beqe Masculin
GASHI, Brahim70Masculin
GASHI, Deli Masculin
GASHI, Hajrullah Masculin
GASHI, Ram57Masculin
HAJRIZI, Fata Masculin
HASANI, Nezir Masculin
HAXHA, Bajram78Masculin
HAXHA, Fejz86Masculin
HOTI, Muhamet Masculin
JETULLAHU, Beqir Masculin
JETULLAHU, Selim Masculin
KELMENDI, Bajram Masculin
KELMENDI, Beqir Masculin
KRASNIQI, Deli80Masculin
KRASNIQI, Mustafe Masculin
KRASNIQI, Rahim62Masculin
KRASINIQI, Rrahim Masculin
LATIFI, Jetullah Masculin
LNU, Qazim70Masculin
MUSLIA, Shaban75Masculin
MUSTAFA, Hasan70Masculin
NEBIHI, Selim95Masculin
OSMANI, Azem75Masculin
OSMANI, Hetem70Masculin
OSMANI, Muharrem90Masculin
RACI, Ramadan56Masculin
RAMA, Halit60Masculin
REXHEPI, Muji47Masculin
REXHEPI, Zaim38Masculin
RUSTEMI, Halit60Masculin
SALIHU, Zeqir Masculin
SEJDIU, Bajram Masculin
SEJDIU, Mustafe41Masculin
SHALA, Kujtim47Masculin
SHALA, Isuf Masculin
SHALA, Sali35Masculin
SPAHIU, Rizah Masculin
TAHAJ, Ethem65Masculin
TAHAJ, Muharem75Masculin
TAHI, Azem60Masculin
TAHI, Hetem50Masculin
TAHI, Muharem70Masculin
TAHIRI, Brahim Masculin
TAHIRI, Rrahim Masculin
THACI, Hamit70Masculin
THACI, Haxhi Masculin
THACI, Jetullah Masculin
THACI, Rame Masculin
THACI, Sahit Masculin
THACI, Salih Masculin
THACI, Uke80Masculin
XHEMAJLI, Esat Masculin
XHEMALI, Demush87Masculin
XHEMALI, Idriz67Masculin

Annexe G
Victimes tuées et identifiées à Dakovica / Gjakovë - 2 avril 1999

NomÂge approximatifSexe
CAKA, Dalina14Féminin
CAKA, Delvina6Féminin
CAKA, Diona2Féminin
CAKA, Valbona34Féminin
GASHI, Hysen50 
HAXHIAVDIJA, Doruntina8Féminin
HAXHIAVDIJA, Egzon5 
HAXHIAVDIJA, Rina4Féminin
HAXHIAVDIJA, Valbona38Féminin
HOXHA, Flaka15Féminin
HOXHA, Shahindere55Féminin
NUÇ I, Manushe50Féminin
NUÇ I, Shirine70Féminin
VEJSA, Arlind5Masculin
VEJSA, Dorina10Féminin
VEJSA, Fetije60Féminin
VEJSA, Marigona8Féminin
VEJSA, Rita2Féminin
VEJSA, Sihana8Féminin
VEJSA, Tringa30Féminin

Annexe H
Victimes tuées et identifiées à Vucitrn / Vushtrii - 2 mai 1999

NomÂge approximatifSexe

ABAZI, Musa

55Masculin

ADEMI, H. Rrahman

26Masculin

ALIU, Z. Ramadan

38Masculin

ALIU, B. Remzi

55Masculin
BEKTESHI, M. Afrim23Masculin
BEQIRI, Nezir54Masculin
BUNJAKU, M. Hysni 21Masculin
FEJZULLAHU, Qamile 84Féminin
FERATI, Xh. Istref 27Masculin
FERATI, Milazim 20Masculin
FERATI, Rifat36Masculin
FERIZI, M. Bislim 63Masculin
FERIZI, B. Mihrije 63Masculin
FERIZI, B. Ruzhdi 35Masculin
GERGURI, B. Agim 38Masculin
GERGURI, Sh. Enver 50Masculin
GERGURI, S. Musli 45Masculin
GERXHALIU, Fahri  Masculin
GERXHALIU, A. Haki 39Masculin
GERXHALIU, H. Kadri 42Masculin
GERXHALIU, H. Shaban 49Masculin
GERXHALIU, I. Skender 43Masculin
GERXHALIU, H. Zejnullah 42Masculin
GERGURI, A Shukri 44Masculin
GERGURI, M. Skender 26Masculin
GERGURI, Sh. Naman 39Masculin
GERGURI, N. Ramush 63Masculin
GERXHALIU, B. Avdyl 43Masculin
GERXHALIU, F. Avdyl 47Masculin
GERXHALIU, B. Bajram 40Masculin
GERXHALIU, A. Fatmir  Masculin
GERXHALIU, U. Fatmir 35Masculin
GERXHALIU, I. Imer 42Masculin
GERXHALIU, Sh. Nuhi 25Masculin
GERXHALIU, H. Sejdi 39Masculin
GERXHALIU, N. Xhevdet 18Masculin
GJATA, Meriton 23Masculin
GJATA, Sevdije 48Féminin
GJATA, Tefik 44Masculin
HAXHAJ, Bahri 28Masculin
HAZIRI, Nafije 27Féminin
HYSENI, R. Agim 38Masculin
HYSENI, B. Ali  Masculin
HYSENI, K. Beqir 40Masculin
HYSENI, Kada 86Féminin
HYSENI, Q. Hysen 26Masculin
HYSENI, Q. Hysen 25Masculin
HYSENI, D. Qazim 24Masculin
HYSENI, Ramadan 18Masculin
HYSENI, Rrahman 61Masculin
HYSENI, Q. Xhevdet 24Masculin
IBISHI, H. Selman 63Masculin
IBISHI, I. Sylejman  Masculin
IBISHI, Rahim 72Masculin
IBISHI, Tafil 55Masculin
KURTI, Bajram 43Masculin
KONJUHI, B. Afrim 29Masculin
KONJUHI, Z. Rexhep 40Masculin
KRASNIQI, B. Shaban 64 Masculin 64Masculin
KRASNIQI, R. Syle 70Masculin
LUSHAKU, A. Ibadete 26Féminin
LUSHAKU, H. Shehide 89Féminin
MAXHUNI, Z. Driton 32Masculin
MAXHUNI, F. Sabri 34Masculin
MERNICA, Sh. Ali 49Masculin
MORINA, Sh. Remzi 35Masculin
MULAKU, A. Ekrem 32Masculin
MULAKU, L. Xhavit 30Masculin
MULI, I. Gani 21Masculin
MULI, N. Asllan 49Masculin

MULI, N. Hazir

52Masculin
MULIQI, I.. Bajram  Masculin
MUSA, F. Islam 56Masculin
MUSA, Kadrush 37Masculin
MUSA, H. Nexhmi 54Masculin
MUSLIU, M. Mehdi 24Masculin

MUSLIU, Ragip

 Masculin

MUZAQI, I. Besim

32Masculin
MUZAQI, H. Salih 37Masculin
PARDUZI, Shehide 84Féminin

PECI, Murat Masculin

 Masculin
POPOVA, A. Ismajl 29Masculin
PRRONAJ, Sh. Enver 32Masculin
PRRONAJ, Sh. Zymer 35Masculin

RASHICA, I. Ali

45Masculin
RASHICA, I. Deli 48Masculin
RASHICA, S. Eshref 38Masculin
REXHEPI, I. Ahmet  Masculin
REXHEPI, Ilaz  Masculin

REXHEPI, Ismet

38Masculin

SADIKU, H. Agim

23Masculin

SHALA, R. Hamdi

26Masculin
SFARQA, Shehide  Féminin
SFARQA, Sh. Sherif 43Masculin

SFARQA, S. Skender

39Masculin
TAHIRI, Fetah 39Masculin
TERNAVA, Fehmi 39Masculin
TIKU, A. Sahit 68Masculin
VERSHEVCI, Azemine 75Masculin

VIDISHIQI, Faik

35Masculin

XHAFA, Driton

 Masculin
XHAFA, Nazif 55Masculin
XHAFA, S. Veli 45Masculin
ZHEGROVA, R. Naser 34Masculin

Annexe I
Victimes tuées et identifiées à Meja / Meje - 27 avril 1999

NomÂge approximatifSexe

BERISHA, Halil

50Masculin

DEDA, Linton

16Masculin

DEDA, Mark

47Masculin

DEDA, Pashk

42Masculin

DUZHMANI, Kole

 Masculin

MARKAJ, Bekim

23Masculin

MARKAJ, Marash

26Masculin

MARKAJ, Mark

65Masculin
MARKAJ, Pashuk 38Masculin
MARKAJ, Petrit 27Masculin
MARKAJ, Prend 60Masculin
NDOU, Ndue 69Masculin
NDOU, Sokol 39Masculin
NDREJAJ, Kole 49Masculin
NDREJAJ, Pashk 44Masculin
PJETRI, Skender 27Masculin
SALCAJ, Xhavit 26Masculin

Annexe J
Victimes tuées et identifiées à Dubrava / Dubrave Prison – 22 to 23 mai 1999

NomÂge approximatifSexe

ADEMAJ, Hysen

 Masculin
AGUSHI, Zahir  Masculin

AZEMI, Xhevet

 Masculin
BERISHA, Bajram  Masculin

BISTRICA, Xhevdid

 Masculin

ELSHANI, Agim

 Masculin
GASHI, Avni  Masculin

GJINI, Gjon

 Masculin
GUTA, Napoleon Masculin  Masculin
GUTA (FNU)
(cousin of Napoleon)
 Masculin
HASANRAMAJ, Zek  Masculin
KQIRI (KCIRAJ), Zef  Masculin
KRASNIQI, Januz  Masculin
LEKAJ, Gani  Masculin
LNU, Sait  Masculin

MEMIJA, Ramiz

 Masculin
MULAJ, Mete  Masculin

LNU, Valentin

 Masculin
PAQARIZI, Besim  Masculin
PERVORFI, Krist  Masculin
PROLAGJI, Lush  Masculin
QAMPUZ, Bashkim  Masculin
QOSJA, Shaban  Masculin
RAMUSHI Zahir  Masculin

SPAHIA, Fejz

 Masculin
SYLAJ, Dervish  Masculin

TAFILAJ, Muse

 Masculin
TOPALLI, Enver  Masculin

Annexe K
Victimes tuées et identifiées à Suva Reka / Suhareke – 26 mars 1999

NomÂge approximatifSexe

BERISHA, Altin

11Masculin
BERISHA, Avdi 43Masculin
BERISHA, Bujar 40Masculin
BERISHA, Dafina 15Féminin
BERISHA, Dorentina 4Féminin

BERISHA, Edon

12Masculin
BERISHA, FNU
(son of Bujar)
10Masculin

BERISHA, FNU
(son of Bujar)

8Masculin

BERISHA, FNU
(mother of Avdi)

 Féminin
BERISHA, FNU
(wife of Avdi)
 Féminin

BERISHA, FNU
(sister of Avdi)

 Féminin

BERISHA, FNU
(brother of Avdi)

 Masculin

BERISHA, Eron

10 monthsMasculin
BERISHA, Fatime 48Féminin

BERISHA, Faton

27Masculin
BERISHA, Flora 38Féminin

BERISHA, Gzim

3Masculin
BERISHA, Hava 63Féminin

BERISHA, Ismet

2Masculin
BERISHA, Lirije 24Féminin
BERISHA, Majlinda 15Féminin
BERISHA, Nexhat 43Masculin
BERISHA, Nexhmedin 37Masculin
BERISHA, Perparim 18 monthsMasculin
BERISHA, Rahime 68Féminin

BERISHA, Redon

15 monthsMasculin

BERISHA, Sabrije

25Féminin
BERISHA, Sait 83Masculin
BERISHA, Sebahate 25Féminin
BERISHA, Sedat 45Masculin
BERISHA, Sherine 17Féminin
BERISHA, Vlorjan 17Masculin
BERISHA, Xhevet 33Masculin

Annexe L
Victimes tuées et identifiées à Kacanik - De mars à mai 1999

Kotlina - 24 mars 1999

KUQI, Idriz 55Masculin
KUQI, Ismail 21Masculin
KUQI, Nexhadi 31Masculin
KUQI, Xhemjal 22Masculin
LOKU, Agim 31Masculin
LOKU, Atan 28Masculin
LOKU, Garip 47Masculin
LOKU, Ibush 20Masculin
LUKU, Ismajl 28Masculin
LOKU, Izijah 19Masculin
LOKU, Milaim 34Masculin
LOKU, Naser R. 17Masculin
LOKU, Sabit 20Masculin
LOKU, Zymer 67Masculin
REXHA, FNU 16Masculin
VLASHI, Sali M. 42Masculin
VLASHI, Vesel 55Masculin

Stagovo - 21 mai 1999

  
BELA, Baki 72Masculin
DASHI, Hamdi 53Masculin
DASHI, Ibrahim Avdi 31Masculin
DASHI, Ramadan 58Masculin
ELEZI, Bahrije R. 56Féminin
GUDAQI, Fitim 7Masculin
GUDAQI, Hanife 77Féminin
GURI, Sevdije 54Féminin
JAHA, Elife 83Féminin
JAHA, Ramush 75Masculin
MANI, Fahri 56Masculin
RRUSHI, Ibush 59Masculin
Slatina 13 avril 1999  
CAKA, Ilir Osman 15Masculin

CAKA, Jakup Mustaf

37Masculin
CAKA, Mahmut Hasan 45Masculin
DEDA, Qemajl 47Masculin
ELEZI, Nazmi 29Masculin
ELEZI, Vesel 41Masculin
LAMA, Brahim 52Masculin
LAMA, Hebib 18Masculin
LAMA, Ibrahim 52Masculin
SALIHU, Izahir Ilaz 22Masculin
SALIHU, Kemajl Ilaz 40Masculin
SALIHU, Sabri Ilaz 38Masculin
SHIQERIBER, Haliali 46Masculin

Dubrava 25 mai 1999

  
QORRI, Arton Hajrush 17Masculin
QORRI, Fatije Hajrush 7Féminin
QORRI, Hajrush Mehmet  Masculin
QORRI, Rexhep Zejnulla  Masculin
TUSHA, Ali 17Masculin
TUSHA, Xhemajl 39Masculin
VISHI, Rrahim Beqir  Masculin
VISHI, Milaim Misim  Masculin