Affaire n° : IT-02-54-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Richard May, Président
M. le Juge Patrick Robinson
M. le Juge O-Gon Kwon

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
12 février 2004

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE L’ACCUSATION AUX FINS D’ADMISSION DE LA DÉCLARATION DU TÉMOIN JERI LABER EN APPLICATION DE L’ARTICLE 92 BIS A) DU RÈGLEMENT

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Le Bureau du Procureur :

M. Geoffrey Nice
Mme Hildegaard Uertz-Retzlaff
M. Dermot Groome

L’Accusé :

M. Slobodan Milosevic

Les Amici Curiae :

M. Steven Kay
M. Branislav Tapuskovic
M. Timothy McCormack

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

Vu la requête de l’Accusation aux fins de l’admission, en application de l’article 92 bis du Règlement, de la déclaration du témoin Jeri Laber et de son annexe A au lieu d’un témoignage en audience (Prosecution Motion for the Admission of the Witness Statement of Ms. Jeri Laber in Lieu of Viva Voce Testimony Pursuant to Rule 92bis And Annex A), déposée le 5 février 2004 (la « Requête »), par laquelle le Bureau du Procureur (l’« Accusation ») prie la Chambre de première instance d’admettre sans contre-interrogatoire la déclaration du témoin Jeri Laber (le « Témoin ») et les pièces afférentes (les « éléments de preuve proposés »), en application de l’article 92 bis (A) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement »),

ATTENDU que 1) le Témoin a déposé devant la Chambre de première instance le 10 décembre 2002, dans le cadre des volets Kosovo et Croatie du procès1, concernant les violations présumées des droits de l’homme et 2) les éléments de preuve proposés dont l’Accusation, par la Requête, demande l’admission portent sur le volet Bosnie du procès,

VU les observations et arguments suivants présentés dans la Requête :

1) les éléments de preuve proposés doivent être admis parce qu’ils a) ne portent pas sur les actes et le comportement de l’Accusé, b) ne se rapportent pas directement à l’Accusé, et c) recoupent d’autres éléments de preuve déjà présentés devant la Chambre de première instance,

2) aucun des facteurs s’opposant à l’admission d’une déclaration écrite visés à l’article 92 bis ne s’appliquent à la Requête, et

3) il n’y a pas lieu de procéder à un contre-interrogatoire du Témoin parce que l’Accusé a déjà eu l’occasion de le contre-interroger lors du volet Croatie du procès,

VU la réponse des amici curiae à la requête déposée le 5 février 2004 par l’Accusation aux fins d’admission, en application de l’article 92 bis du Règlement, de la déclaration du témoin Jeri Laber au lieu d’un témoignage à l’audience (Amici Curiae Reply to Prosecution Motion for the Admission of the Witness Statement of Ms. Jeri Laber in Lieu of Viva Voce Testimony Pursuant to Rule 92 bis Dated 5 February 2004), déposée le 9 février 2004, par laquelle les amici curiae soutiennent qu’il convient d’ordonner que le Témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire, pour les raisons suivantes :

1) la connaissance des faits par l’Accusé est une question cruciale en l’espèce,

2) les éléments de preuve proposés sont utilisés pour démontrer la responsabilité de l’Accusé pour les actes et le comportement d’autres personnes,

3) les éléments de preuve proposés portent sur la question de savoir si l’Accusé avait — ou aurait dû avoir — connaissance des crimes que ses subordonnés auraient commis ou auraient été sur le point de commettre,

4) les éléments de preuve proposés portent sur la question de savoir si l’Accusé a négligé de prendre des mesures raisonnables pour empêcher ces crimes présumés ou en punir les auteurs,

5) les éléments de preuve proposés se rapportent directement à l’Accusé, et

6) l’Accusé doit pouvoir contre-interroger le Témoin sur les points soulevés dans les éléments de preuve proposés qui se rapportent à l’acte d’accusation relatif à la Bosnie,

ATTENDU que l’article 92 bis du Règlement dispose, en ses paragraphes A) et E), que la Chambre de première instance 1) peut admettre, en tout ou en partie, les éléments de preuve présentés par un témoin sous la forme d’une déclaration écrite, au lieu et place d’un témoignage oral, et permettant de démontrer un point autre que les actes et le comportement de l’accusé tels qu’allégués dans l’acte d’accusation, et 2) décide s’il convient d’ordonner que le témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire,

ATTENDU que les éléments de preuve proposés ne tendent pas à démontrer les actes et le comportement de l’Accusé et sont par conséquent admissibles en application de l’article 92 bis A) du Règlement,

ATTENDU que les éléments de preuve proposés portent sur des questions qui pourraient être d’une importance cruciale pour la défense de l’Accusé, notamment celle de savoir s’il avait été informé des faits ou en avait connaissance, et que, par conséquent, il convient que le Témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire,

EN APPLICATION des articles 54 et 92 bis du Règlement,

ORDONNE ce qui suit :

1) la déclaration du Témoin et les pièces afférentes seront admises au dossier, à condition que le Témoin comparaisse pour être soumis à un contre-interrogatoire.

2) l’Accusation ne peut citer le Témoin à comparaître avant le 19 février 2004.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

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M. le Juge Patrick Robinson

Le 12 février 2004
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1. Voir compte rendu d’audience, p. 14236 et suivantes.