Affaire n° : IT-02-54-R77.4

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge O-Gon Kwon
M. le Juge Iain Bonomy

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
13 mai 2005

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

POURSUITES ENGAGÉES CONTRE KOSTA BULATOVIC POUR OUTRAGE

_______________________________________________

DÉCISION RELATIVE À UNE AFFAIRE D’OUTRAGE AU TRIBUNAL

_______________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice

Le Conseil de Kosta Bulatovic :

M. Stéphane Bourgon

L’Accusé :

Slobodan Milosevic

Les Conseils commis d’office par la Chambre :

M. Steven Kay
Mme Gillian Higgins

L’Amicus Curiae :

M. Timothy McCormack

 

1. Kosta Bulatovic (le « Défendeur ») a déposé comme témoin à décharge dans l’affaire Le Procureur c/ Slobodan Milosevic. Il est accusé d’outrage au Tribunal, dans les termes suivants :

Kosta Bulatovic, né en 1937 dans le village de Dobrusa en Metohija du nord, est accusé d’avoir, en tant que témoin appelé à déposer devant la Chambre de première instance III du Tribunal international les 19 et 20 avril 2005, entravé délibérément et sciemment le cours de la justice en refusant de répondre aux questions posées par l’Accusation, ainsi qu’il est prévu au paragraphe A i) de l’article 77 du Règlement 1.

2. L’audition du Défendeur a débuté le 14 avril 2005. Après l’interrogatoire principal a commencé le contre-interrogatoire, puis les débats ont été suspendus pour le week -end. Lorsqu’ils ont repris le 19 avril, Slobodan Milosevic (« l’Accusé »), souffrant, était absent. Compte tenu de la décision de la Chambre d’appel selon laquelle « [s]i, toutefois, l’état de Slobodan Milosevic vient à s’aggraver, la présence des conseils commis d’office permettra au procès de se poursuivre même si l’Accusé est provisoirement incapable d’y participer2  », la Chambre de première instance a décidé de poursuivre le contre-interrogatoire du Défendeur malgré l’absence de l’Accusé. Le Président de la Chambre a alors déclaré  :

Si la décision de la Chambre d’appel fait en quoi que ce soit autorité, il nous semble qu’elle permet d’achever l’audition d’un témoin en l’absence de l’Accusé3.

À ce moment-là, l’interrogatoire principal du Défendeur était terminé, les Conseils commis d’office étaient présents pour veiller sur les intérêts de l’Accusé, le Défendeur avait déjà dû rester un bon moment à La Haye, et son audition ne devait plus prendre qu’une heure environ. La Chambre de première instance a ordonné que l’enregistrement vidéo et le compte rendu de l’audience soient communiqués à l’Accusé afin de lui permettre de prendre connaissance du reste de la déposition du Défendeur et a indiqué que ce dernier pourrait, si nécessaire, être rappelé à la barre.

3. Quand il a repris sa place dans la salle d’audience, le Défendeur a refusé de répondre aux questions posées par l’Accusation. Il a été informé en détail de la décision prise par la Chambre de première instance, ainsi que des motifs de cette décision, et il a été averti que s’il ne changeait pas d’attitude, il pourrait être poursuivi pour outrage et condamné à la prison ou à une amende. Le Défendeur a persisté dans son refus de répondre aux questions4, expliquant à plusieurs reprises qu’il ne témoignerait qu’en présence de l’Accusé 5. Les débats ont été ajournés jusqu’au lendemain afin de lui donner le temps de la réflexion et de lui permettre de prendre l’avis d’un conseil6. Lors de la reprise des débats le 20 avril 2005, le Défendeur s’est vu rappeler une nouvelle fois qu’il était tenu de répondre aux questions, faute de quoi il pourrait être déclaré coupable d’outrage et condamné. À nouveau, il a refusé de répondre aux questions7, déclarant : « Je m’en tiens à la décision que j’ai prise hier devant vous8.  »

4. La Chambre de première instance a suspendu l’audience afin de faire le point. Elle a considéré l’attitude du Défendeur à la lumière des dispositions de l’article  77 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement  »), qui prévoit notamment :

A) Dans l’exercice de son pouvoir inhérent, le Tribunal peut déclarer coupable d’outrage les personnes qui entravent délibérément et sciemment le cours de la justice, y compris notamment toute personne qui :

i) étant témoin devant une Chambre refuse de répondre à une question malgré la demande qui lui en est faite par la Chambre ;

[…]

C) Si une Chambre a des motifs de croire qu’une personne s’est rendue coupable d’outrage au Tribunal, elle peut :

i) demander au Procureur d’instruire l’affaire en vue de préparer et de soumettre un acte d’accusation pour outrage ;

ii) si elle estime que le Procureur a un conflit d’intérêts pour ce qui est du comportement en cause, enjoindre au Greffier de désigner un amicus curiae qui instruira l’affaire et indiquera à la Chambre s’il existe des motifs suffisants pour engager une procédure pour outrage ; ou

iii) engager une procédure elle-même.

D) Si la Chambre considère qu’il existe des motifs suffisants pour poursuivre une personne pour outrage, elle peut :

i) dans les circonstances décrites au paragraphe C) i), demander au Procureur d’engager une procédure, ou

ii) dans les circonstances décrites au paragraphe C) ii) ou iii), rendre une ordonnance qui tient lieu d’acte d’accusation et soit demander à l’amicus curiae d’engager une procédure, soit engager une procédure elle-même.

E) Les règles de procédure et de preuve énoncées aux chapitres quatre à huit du Règlement s’appliquent, mutatis mutandis, aux procédures visées au présent article.

F) Toute personne accusée ou inculpée d’outrage se verra commettre d’office un conseil, en application de l’article 45 si elle satisfait aux critères fixés par le Greffier pour être déclarée indigente.

5. La Chambre de première instance a considéré que le Défendeur avait, à première vue, enfreint l’article 77 A) du Règlement en refusant de répondre aux questions et a, pour reprendre les termes de l’article 77 C), jugé qu’elle avait des motifs de croire qu’il s’était rendu coupable d’outrage au Tribunal. Elle a décidé, compte tenu des circonstances, qu’il y avait lieu d’engager des poursuites en application de l’article 77 C) iii), poursuites qu’elle exercerait elle-même en application de l’article 77 D) ii)9. L’accusation portée contre le Défendeur a été formulée par écrit dans une ordonnance, et lue au Défendeur en audience publique10.

6. Le Défendeur a terminé sa déposition lorsque l’Accusé a regagné la salle d’audience le 25 avril.

7. Le procès du Défendeur a eu lieu le 6 mai 2005. Le 20 avril 2005, lors de la comparution initiale du Défendeur devant le Tribunal pour répondre à l’accusation portée à son encontre, Me Bourgon, son conseil, avait soutenu que l’affaire devrait être renvoyée devant une autre Chambre de première instance, la question de la culpabilité du Défendeur étant étroitement liée à celle de savoir si la décision de la Chambre de poursuivre le procès en l’absence de l’Accusé était valide. Me Bourgon, estimant que la Chambre de première instance avait commis une erreur en décidant la poursuite du procès en l’absence de l’Accusé, avait avancé que les débats des 19 et 20 avril 2005 étaient fondamentalement nuls et que le Défendeur n’était donc pas tenu de répondre aux questions. Le 6 mai 2005, dès le début de son argumentation, Me Bourgon a formellement reconnu que c’était là un point dont il ne pouvait exciper puisque la Chambre de première instance s’était prononcée dessus à l’audience du 20 avril 2005 suite à la présentation de l’accusation contre le Défendeur11. Avant même que le Défendeur refuse de répondre aux questions de l’Accusation, la Chambre de première instance avait jugé que le procès devrait se poursuivre en l’absence de l’Accusé dans le seul but, à ce moment-là, d’entendre le reste de la déposition du Défendeur. Par conséquent, il était malvenu pour la Chambre de première instance d’examiner cette décision dans le cadre des poursuites engagées pour outrage.

8. Cependant, nullement démonté, Me Bourgon a soulevé une exception préjudicielle d’incompétence en application de l’article 72 A) i) du Règlement en posant la question de la régularité de la décision de poursuivre l’audition du témoin12. Il a affirmé que la Chambre de première instance n’était pas compétente pour connaître de l’affaire compte tenu de l’ordonnance qui avait permis la poursuite de l’audition du témoin. Me Bourgon n’avait cependant pas pris en compte les termes de l’article  72 D), qui précise que « l’exception d’incompétence » s’entend « exclusivement d’une objection selon laquelle l’acte d’accusation ne se rapporte pas :

i) à l’une des personnes mentionnées aux articles 1, 6, 7 et 9 du Statut

ii) aux territoires mentionnés aux articles 1, 8 et 9 du Statut

iii) à la période mentionnée aux articles 1, 8 et 9 du Statut

iv) à l’une des violations définies aux articles 2, 3, 4, 5 et 7 du Statut ».

L’exception préjudicielle d’incompétence fondée sur la nullité de la décision initiale de poursuivre l’audition du témoin n’entrait pas dans le cadre de la définition de l’exception préjudicielle d’incompétence. La requête était donc irrecevable et Me Bourgon a été informé qu’il n’était pas fondé à la présenter13.

9. À l’ouverture du procès, la question qui se posait était donc simple : le Défendeur avait-il délibérément et sciemment entravé le cours de la justice au Tribunal en refusant de répondre aux questions posées ?

10. Me Bourgon a cité deux témoins à comparaître, Dragutin Milovanovic, un ami proche du Défendeur qui l’a toujours accompagné à La Haye pour le soutenir, et Branko Rakic, un conseiller juridique de l’Accusé14, au sujet de l’intention qui animait le Défendeur les 19 et 20 avril 2005. L’argument majeur avancé par Me Bourgon après qu’ils ont eu témoigné était que l’un des trois éléments constitutifs essentiels de l’outrage n’avait pas été établi. Il a reconnu que les deux premiers, le fait que le Défendeur déposait devant la Chambre et qu’il avait refusé de répondre aux questions posées, étaient établis. En revanche, il a affirmé qu’il n’avait pas été prouvé que, par ce refus, le Défendeur avait délibérément et sciemment entravé le cours de la justice. Pour que ce degré d’intention (mens rea) soit établi, il fallait prouver, par des preuves directes ou par un jeu de déductions, que le Défendeur savait effectivement qu’il entravait le cours de la justice15. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des poursuites pour outrage engagées contre le témoin K12, la Chambre de première instance avait, à la majorité, jugé que pour qu’il y ait outrage, il fallait que le refus de déférer à une décision de justice soit réitéré 16. Le Juge Kwon, dans son Opinion dissidente, avait retenu une approche différente en jugeant que pour qu’il y ait outrage, il suffisait de montrer que le témoin avait agi « sciemment et délibérément  », et donc d’établir qu’il avait persisté dans son refus de répondre « sans excuse valable »17. Me Bourgon a exhorté la Chambre à retenir l’interprétation adoptée par la majorité.

11. Me Bourgon s’est aussi prévalu de l’Arrêt Aleksovski relatif à l’outrage pour soutenir que, pour qu’il y ait outrage, le défendeur doit avoir agi avec «  l’intention spécifique d’entraver la bonne administration de la justice par le Tribunal 18 ». C’était là toutefois donner une idée inexacte de la conclusion tirée par la Chambre d’appel dans cette affaire d’outrage puisqu’en l’occurrence, les arguments concernant l’élément moral tournaient autour de la question de savoir si le défendeur avait effectivement connaissance de l’ordonnance rendue par la Chambre de première instance ou s’il avait fait preuve d’un aveuglement délibéré quant à son existence19  ; c’est la Chambre de première instance saisie d’une affaire d’outrage dans le cadre du procès Brdanin qui a jugé que « [p]our chaque forme d’outrage à caractère pénal, l’Accusation doit démontrer que l’accusé a agi avec l’intention spécifique d’entraver la bonne administration de la justice par le Tribunal20  ».

12. Il a également été fait état de l’affaire Le Procureur c/ Hadžihasanovic et Kubura, dans laquelle aucune mesure n’a été prise contre un témoin qui avait indiqué dès le début de sa déposition qu’il ne répondrait pas aux questions. Me  Bourgon a soutenu qu’il était injuste de poursuivre le Défendeur pour outrage car il avait déjà entamé sa déposition alors que, dans les cas où des questions de ce type se posaient au début, l’Accusation avait tendance à en prendre son parti21. La Chambre de première instance est d’avis que cet argument n’est pas pertinent puisqu’en l’espèce, une Chambre de première instance a rendu une ordonnance qui n’a pas été exécutée.

13. À propos des circonstances factuelles22, Me Bourgon a fait valoir qu’elles montraient que le Défendeur ignorait que, par son comportement, il entraverait le cours de la justice. Lorsqu’il est revenu dans le prétoire le 19 avril 2005, le Défendeur s’est retrouvé dans une situation inattendue  : deux personnes étaient absentes, l’Accusé et son représentant, même s’il est vrai que les deux n’en faisaient qu’une. Plus tard dans la journée, lors d’un entretien avec M. Rakic, il a demandé qui, en l’absence de l’Accusé, l’interrogerait à l’issue de sa déposition, ce à quoi il lui a été répondu que ce serait M. Kay. Il a alors demandé à rencontrer ce dernier, mais on lui a dit que c’était impossible. Le témoin craignait de faire du tort à Slobodan Milosevic s’il répondait à des questions dans de telles conditions. Il pensait qu’il risquait d’édulcorer son témoignage et, en fin de compte, de faire le contraire de ce qu’il avait eu l’intention de faire en venant témoigner, à savoir dire la vérité. Me Bourgon a cité à titre d’exemple le contre-interrogatoire, qui a eu lieu lorsque l’Accusé, rétabli, est réapparu dans le prétoire, et les malentendus qui n’auraient pas été dissipés si l’Accusé n’avait pas été présent à ce moment-là. Me Bourgon s’est fondé aussi sur le fait que le Défendeur a déclaré, à l’issue de son témoignage le 25 avril 2005, qu’il était venu à la demande de la Défense animé des meilleures intentions qui soient et qu’il s’en allait la conscience tranquille.

14. Me Bourgon a soutenu qu’il n’était donc pas possible d’affirmer, au vu du dossier d’instance, que le Défendeur savait qu’il entravait le cours de la justice. En outre, le conseil commis d’office ayant affirmé qu’il était impossible de passer à l’audition d’un autre témoin23, tout retard pris dans la procédure n’était pas dû à son comportement mais était une conséquence naturelle des problèmes de santé de l’Accusé, eux-mêmes imprévus.

15. Le 19 avril 2005, lorsque le problème s’est posé pour la première fois, M. Nice, qui représentait l’Accusation, a affirmé que, par son attitude, le Défendeur manifestait sa « volonté » de décider de l’ordre du jour de la Chambre. La Chambre de première instance est d’avis que rien, dans les circonstances de l’espèce, ne permet d’avancer un tel argument. Elle prend note des témoignages de MM. Milovanovic et Rakic, et considère qu’ils vont dans le sens des propos de Me Bourgon concernant l’intention qui animait le Défendeur les 19 et 20 avril 2005. Bien que celui-ci ait eu plusieurs fois la possibilité de s’expliquer sur son refus de se conformer à l’Ordonnance de la Chambre mais se soit abstenu de le faire, la Chambre de première instance examinera les intentions du Défendeur en partant de l’idée qu’il est possible que celui-ci ait effectivement eu à l’audience les pensées qui lui ont été prêtées dans les témoignages et les conclusions.

16. Cependant, c’est sans la moindre hésitation que la Chambre de première instance conclut que le Défendeur était clairement animé de l’intention nécessaire pour être déclaré coupable d’outrage au Tribunal. Après avoir soigneusement analysé la situation qui s’est fait jour le 19 avril 2005, la Chambre de première instance a décidé de mener à bien l’audition du Défendeur. Lorsque le Procureur a tenté de procéder au contre-interrogatoire, le Défendeur a pris le parti de ne répondre à aucune question en l’absence de l’Accusé et s’y est tenu. On lui a expliqué l’importance qu’il y avait à se conformer aux ordonnances rendues par la Chambre et on l’a informé des dispositions prises pour que l’Accusé puisse prendre connaissance de sa déposition, grâce à un enregistrement vidéo et à un compte rendu, et traiter toute question demandant des éclaircissements. Il a également été informé que l’Accusé pourrait demander à le rappeler à la barre s’il restait des points à approfondir, mais il est resté inflexible. Il a persisté dans son refus le lendemain, tandis qu’on lui donnait encore la possibilité de poursuivre sa déposition et, après consultation du conseil, il s’y est tenu. La Chambre de première instance est d’avis que, dans les circonstances de l’espèce, en refusant délibérément de se plier aux injonctions de la Chambre de première instance et en persistant dans ce refus même après avoir été pleinement informé de la situation dans laquelle il se plaçait et avoir eu à nouveau la possibilité de répondre, le témoin a « délibérément et sciemment » entravé le cours de la justice au Tribunal, et qu’il y a dès lors outrage. La Chambre ayant rendu une ordonnance comme elle en avait le pouvoir et comme il y avait lieu de le faire compte tenu des circonstances, le Défendeur était tenu de répondre aux questions posées par le Procureur, quoi qu’il ait pensé de l’ordonnance et de la régularité de la décision prise de poursuivre les débats en l’absence de l’Accusé. Un témoin ne saurait arguer de son désaccord avec la décision prise de l’entendre pour justifier son refus de répondre aux questions qui lui sont posées à l’audience 24.

17. Pour qu’il y ait violation d’une ordonnance rendue par la Chambre, il faut que le défendeur ait connaissance de l’existence de l’ordonnance lui enjoignant de répondre aux questions posées. Il n’est pas nécessaire qu’il ait connaissance en particulier des conséquences de son refus de répondre. Le refus de déférer à une ordonnance de la Chambre a à l’évidence pour conséquence d’entraver le cours de la justice. Dans l’affaire Aleksovski, la Chambre d’appel n’a pas posé de condition plus stricte25. Si les arguments de Me  Bourgon concernant les motifs du Défendeur ont quelque pertinence que ce soit, c’est en ce qui concerne la sanction. Un élément essentiel dans l’administration de la justice est une bonne direction du procès par la Chambre. La méconnaissance d’une ordonnance de la Chambre entrave le cours de la justice. Le Défendeur a indiqué qu’il témoignerait uniquement à ses conditions ; autrement dit, il déciderait des conditions de sa déposition. Le Défendeur a donc fait fi de l’autorité de la Chambre et pris le risque non seulement de la mettre en cause mais aussi de jeter le discrédit sur l’administration de la justice.

18. Pareil comportement constitue un outrage grave au Tribunal et mériterait normalement l’application immédiate d’une peine d’emprisonnement afin de souligner la gravité de l’infraction et de dissuader le Défendeur, et d’autres personnes qui seraient tentées de suivre son exemple, de braver l’autorité de la Chambre de première instance. Si, en l’espèce, l’affaire n’avait pas présenté une caractéristique particulière, c’est la ligne de conduite qu’aurait suivie la Chambre de première instance. L’élément qu’il convient de prendre en considération est que le Défendeur a de graves problèmes de santé qui rendraient l’exécution d’une peine d’emprisonnement plus pénible pour lui que pour un autre.

19. Par conséquent, la Chambre de première instance condamne le Défendeur à une peine de quatre mois d’emprisonnement assortie d’un sursis de deux ans. Le Défendeur ne devrait donc exécuter cette peine que si, durant cette période, il commet une autre infraction punissable d’une peine d’emprisonnement, y compris s’il se rend coupable d’outrage.

Le Juge Bonomy joint à la présente décision une opinion séparée.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le Président de la Chambre de première instance
_____________
Patrick Robinson

Le 13 mai 2005
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge O-Gon Kwon
M. le Juge Iain Bonomy

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Ordonnance rendue le :
13 mai 2005

LE PROCUREUR

c/

SLOBODAN MILOSEVIC

POURSUITES ENGAGÉES CONTRE KOSTA BULATOVIC POUR OUTRAGE

_________________________________________

OPINION INDIVIDUELLE DU JUGE BONOMY CONCERNANT L’OUTRAGE AU TRIBUNAL

_________________________________________

Le Bureau du Procureur :

Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice

L’Amicus Curiae :

M. Timothy McCormack

L’Accusé :

Slobodan Milosevic

Le Conseil de l’Accusé :

M. Stéphane Bourgon

Les Conseils commis d’office par la Chambre :

M. Steven Kay
Mme Gillian Higgins

 

Décision sur le fond

1. J’approuve tout à fait la Décision rendue par la Chambre de première instance26, mais je voudrais préciser que, dans le cadre de la présente espèce, il ne sert à rien de dire pour définir le terme « contumacious », comme on l’a fait dans l’affaire du témoin K12, que le refus de déférer à une décision de justice doit être réitéré27. L’expression anglaise « contumacious conduct » s’entend d’un refus d’obtempérer réitéré ou délibéré28.

Procédure initiale

2. Je souhaite également exposer les raisons pour lesquelles j’ai estimé qu’il fallait que la Chambre de première instance exerce des poursuites pour outrage.

3. Après avoir été accusé d’outrage, ainsi qu’il a été rappelé dans la Décision, le Défendeur a eu le temps de consulter son conseil29. Une fois la Chambre de nouveau réunie, Me Bourgon, au nom du Défendeur, a présenté deux requêtes30. Premièrement, il a demandé à la Chambre de se dessaisir de l’affaire au profit d’une autre Chambre et de ne plus intervenir dans la procédure. Deuxièmement, il a fait valoir qu’il y avait lieu de reporter le procès pour garantir le respect des droits que l’article  6 de la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît au Défendeur, à présent accusé. Après une brève discussion, Me Bourgon a reconnu qu’il serait préférable de présenter la deuxième requête en se réclamant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 21 du Statut du Tribunal31.

Demande de renvoi devant une autre Chambre de première instance

4. À l’appui de sa première demande, Me Bourgon a fait valoir que la question de la culpabilité du Défendeur était étroitement liée à celle, essentielle, de savoir si la Chambre avait compétence pour conduire une partie du procès en l’absence de l’Accusé. Étant donné que la Chambre avait déjà décidé que le procès devait continuer, elle s’était déjà prononcée sur une question qui devait être tranchée dans le cadre des poursuites pour outrage. Le Défendeur n’était pas tenu de répondre à la moindre question si les débats étaient illégaux. Il était donc malvenu pour la Chambre de première instance de se prononcer sur le moyen de défense opposé par le Défendeur. Elle ne pouvait être considérée comme une instance de décision impartiale32.

5. Cet argument est infondé. La question du refus de la part du Défendeur de répondre aux questions du Procureur s’est posée après que la Chambre eut décidé de mener à bien son audition. Cette question avait déjà été tranchée. Elle n’était pas pendante lorsqu’il a été envisagé de poursuivre le contre-interrogatoire du Défendeur. Le Président de la Chambre a bien expliqué au Défendeur que la question avait déjà été tranchée. Ce dernier a répondu qu’il était venu témoigner en présence de son Président, l’Accusé, et qu’il le ferait uniquement à cette condition. À mon avis, il eût été malvenu pour la Chambre de première instance de reconsidérer sa décision de continuer à entendre la déposition du Défendeur en l’absence de l’Accusé dans le cadre des poursuites pour outrage. Le Défendeur peut évidemment porter l’affaire en appel. Il appartiendra alors à la Chambre d’appel de décider, premièrement, si la Chambre de première instance s’est prononcée à tort pour la poursuite de l’audition du Défendeur en l’absence de l’Accusé, et deuxièmement, s’il était dès lors légitime de demander au Défendeur de répondre. Par conséquent, je ne vois aucune raison de considérer que la Chambre de première instance ne serait pas ou ne pourrait être considérée comme une instance de décision impartiale dans cette affaire d’outrage. Sur ce point, j’étais d’accord avec mes collègues.

6. Cette approche est conforme aux dispositions de la Directive pratique du 6 mai  2004 définissant la procédure à suivre pour enquêter sur les outrages au Tribunal et en poursuivre les auteurs33 ; cette directive prévoit que l’affaire d’outrage sera normalement examinée par la Chambre devant laquelle l’outrage aura été commis. Un outrage peut prendre diverses formes. De fait, il recouvre un large éventail de comportements, dont certains sont clairement criminels, et d’autres pas. Il englobe tout comportement qui entrave le cours de la justice ou est de nature disciplinaire, ainsi que tout comportement qui touche à l’origine des questions en litige devant le tribunal. Il comprend tout comportement qui doit être jugé immédiatement s’il doit l’être efficacement, ainsi que tout comportement qui peut être jugé comme il convient en suivant les procédures pénales de droit commun dans les délais qu’elles imposent. Il peut également comprendre tout comportement devant les juges ou très loin du prétoire, comme des conversations avec des témoins ou la publication d’articles déplacés dans des journaux. Il peut enfin comprendre tout comportement de la part de personnes sur les bancs du public, de conseils, de témoins ou de l’Accusé lui-même. Diverses formes d’outrage nécessitent l’ouverture d’une enquête avant que des poursuites ne soient engagées. Même dans de telles circonstances, la Directive pratique prévoit que c’est normalement la Chambre devant laquelle l’outrage aurait été commis qui se prononce sur l’affaire. Le paragraphe 13 dispose que :

À l’issue de l’enquête sur les allégations d’outrage au Tribunal international prévue à l’article 77 C) i) ou ii) du Règlement, la Chambre devant laquelle l’outrage aurait été commis, si elle estime qu’il existe des motifs suffisants pour engager des poursuites, se prononce sur l’affaire, à moins qu’il n’existe des circonstances exceptionnelles qui mettent en cause son impartialité et justifient son dessaisissement au profit d’une autre Chambre.

Il est par conséquent évident que le Règlement de procédure et de preuve34 et la Directive pratique prévoient tous deux que c’est la Chambre devant laquelle un témoin aurait commis un outrage qui devrait normalement connaître de l’affaire.

7. Cela étant, la Directive pratique reconnaît également qu’il existe des circonstances dans lesquelles l’affaire devrait être déférée à une autre Chambre. Même si ces circonstances sont qualifiées d’« exceptionnelles », l’exemple donné d’une mise en cause de l’impartialité d’une Chambre laisse penser que l’on pourrait renvoyer l’affaire dans d’autres circonstances. Un tribunal doit toujours agir de manière impartiale. Cela signifie que les juges doivent non seulement être « subjectivement  » impartiaux, mais également être perçus « objectivement » comme tels. Un tribunal est généralement présumé libre de tout parti pris subjectif ou personnel jusqu’à preuve du contraire. Cependant, il peut être difficile pour un tribunal d’apparaître comme objectivement impartial s’il a déjà rendu une décision sur des questions de fait qui sont contestées dans le cadre des poursuites pour outrage. Il n’est pas rare que les affaires d’outrage donnent lieu à des litiges sur les faits. On peut assurément en dire de même des questions juridiques qui sont en litige. La Chambre a prêté attention à ces questions en l’espèce35. Lorsqu’elle a examiné l’affaire, la Chambre de première instance n’a pas estimé qu’il y avait des raisons de mettre en cause son impartialité dans les circonstances particulières de l’allégation. La Chambre s’est bornée à définir l’approche qu’il convenait d’adopter dans les circonstances de l’espèce. La diversité des circonstances dans lesquelles peut être commis un outrage exclut forcément une approche unique.

8. Il est essentiel pour la bonne administration de la justice qu’un tribunal fasse preuve d’autorité dans la conduite des procès36. S’il se heurte à un refus de déférer à ses injonctions, le tribunal doit pouvoir prendre des mesures pour tenter d’en assurer l’exécution. Ainsi, après avoir prêté serment comme il se doit, un témoin peut tenter de se soustraire à l’obligation qui lui est faite de dire toute la vérité en multipliant les échappatoires, par exemple en donnant délibérément des réponses confuses ou des réponses qui ne se rapportent pas à la question posée mais portent sur des événements secondaires, quoique connexes, de façon à brouiller les cartes. Ce type de comportement, ces échappatoires qui ne constituent pas véritablement une violation de serment ou parjure doivent être examinés par le tribunal. Ce comportement est souvent patent et incontestable, car il se manifeste devant les juges, et il pourrait empêcher le tribunal d’exercer les pouvoirs qui sont les siens pour trancher les questions essentielles dont il est saisi. Par sa conduite, le témoin pourrait donner au juge l’impression qu’il cherche des échappatoires. Convenablement informé par le juge des risques qu’il encourt à multiplier les faux-fuyants, le témoin fait souvent amende honorable en apportant son témoignage sans plus éluder les questions.

9. La situation est la même en l’espèce. Le Défendeur a refusé de poursuivre sa déposition alors que la Chambre de première instance avait décidé qu’il était dans l’intérêt de la justice – et nécessaire pour assurer un procès rapide et équitable – qu’il continue de témoigner. L’important étant alors que le procès continue, c’était clairement à la Chambre de première instance de décider si le Défendeur était coupable d’outrage, et de décider rapidement afin de faire montre d’autorité et de faire avancer le procès. Si ses injonctions ne sont pas suivies d’effet, le tribunal doit avoir le pouvoir de prendre des mesures pour affirmer son autorité. Il doit s’efforcer de faire en sorte qu’aucune partie au procès ne soit lésée par l’attitude du témoin et que le cours de la justice soit entravé le moins possible. Ce faisant, il a à sa disposition une arme essentielle, la possibilité de mettre le témoin en garde contre le risque qu’il encourt d’être déclaré coupable d’outrage et puni s’il ne change pas d’attitude. Si le témoin est reconnu coupable d’outrage, il peut interjeter appel s’il considère qu’il a été accusé et déclaré coupable à tort. Comme elle est la mieux placée pour se prononcer sur la question, c’est d’abord à la juridiction devant laquelle l’outrage a été commis d’apprécier le comportement du témoin, après s’être assurée que son droit à être entendu équitablement ainsi que tous les droits connexes sont pleinement respectés.

10. Même si je considère que le tribunal devant lequel l’outrage a été commis doit juger l’affaire dans les deux situations que j’ai exposées, je n’entends pas suggérer que cela sera toujours la solution adéquate. Étant donné qu’un outrage peut se produire dans tellement de situations diverses, il y aura inévitablement beaucoup de cas où il ne serait pas souhaitable que la Chambre devant laquelle il a été commis se prononce sur l’affaire.

11. À l’appui de ses arguments, Me Bourgon a également cité certaines recommandations du Judicial Studies Board of England and Wales (le « JSB »), ainsi que l’arrêt Kyprianou c/ Chypre de la Cour européenne des droits de l’homme (Deuxième Section)37. Les recommandations du JSB s’adressent aux juridictions inférieures anglaises et galloises et ne sont pas d’un grand secours dans les circonstances de l’espèce38. L’arrêt Kyprianou énonce en un texte qui tend à faire autorité que l’outrage devrait toujours être jugé par un tribunal différent de celui devant lequel il aurait été commis39. L’arrêt de la Deuxième Section doit être examiné par la Grande Chambre de la Cour. La Deuxième Section a considéré que, lorsqu’un tribunal est confronté à un comportement répréhensible dans le prétoire qui peut constituer un outrage, il convient, pour satisfaire à l’exigence d’impartialité formulée à l’article 6.1 de la Convention, de renvoyer la question au parquet compétent, pour l’ouverture d’une information et éventuellement la mise en mouvement de l’action publique, et de faire juger l’affaire par un collège différent de celui devant lequel le problème s’est posé. Toutefois, cette remarque est incidente, les circonstances étant très différentes de celles dont la Chambre a eu à connaître. On n’a pas affaire en l’espèce à un comportement choquant pour lequel des questions de fait devraient peut-être être tranchées, mais à une détermination polie quoique ferme, une volonté de répondre à des questions uniquement si la situation au procès est telle que le Défendeur l’avait prévue. Je suis d’avis que le jugement  Kyprianou ne couvre pas de telles circonstances et ne permet pas d’exiger que ce soit un tribunal distinct qui se prononce sur une affaire d’outrage chaque fois que celui-ci survient dans un prétoire.

Demande d’ajournement

12. À l’appui de sa deuxième demande40, une demande de report du procès pour garantir le respect des droits fondamentaux du Défendeur, Me Bourgon a affirmé que ce dernier ne pouvait être prêt à répondre aux accusations d’outrage immédiatement, parce que son équipe de la défense aurait peut-être besoin de préparer de longues conclusions juridiques qui pourraient nécessiter des recherches approfondies et qu’il devrait peutêtre citer des témoins. Lorsqu’on lui a demandé quels arguments juridiques il pouvait avancer en plus de ceux qu’il avait fait valoir à l’appui de sa première requête, Me Bourgon a évoqué des « directives ou garanties possibles » qui avaient pu être données au Défendeur lorsqu’il avait été appelé à déposer à décharge. Cela pouvait lui fournir une excuse pour refuser de répondre aux questions. En outre, une relation agissant au nom de l’Accusé avait rencontré le Défendeur dans la soirée du 19 avril, c’est-à-dire entre sa première et sa deuxième comparution, lorsqu’il a refusé de répondre aux questions, et il faudrait enquêter sur les circonstances de cette rencontre. Me Bourgon a également évoqué l’état de santé de l’Accusé sans autre précision. Enfin, il a fait valoir que le Défendeur avait le droit d’avoir un conseil de son choix et souhaiterait peut-être consulter un avocat de son pays.

13. Ces arguments ont été pris en compte quand la question a été posée de savoir s’il était nécessaire ou non de repousser le procès de plus d’un jour ou deux afin de pouvoir mener une enquête approfondie et de permettre au Défendeur de préparer sa défense. Là encore, je pense que les arguments de Me Bourgon ne sont pas fondés. Ils procèdent une fois de plus de l’idée que les raisons pour lesquelles le Défendeur est venu au Tribunal, a commencé à déposer puis a été invité à poursuivre sa déposition devraient être analysées dans le cadre des poursuites pour outrage. Il n’a été fait état d’aucune question qui appellerait des investigations en dehors de celle de savoir si l’Accusé avait le droit de refuser de répondre parce que la situation au procès n’était pas telle qu’il l’avait souhaitée ou escomptée. Je n’ai pas écarté la possibilité que certains des arguments avancés par Me Bourgon à ce sujet, notamment ceux qu’il a présentés à l’appui de sa première requête, puissent se rapporter à la question de la peine à infliger si l’outrage est établi. D’un autre côté, aucun de ces arguments ne touchent à la question de savoir si l’Accusé était tenu de répondre aux questions posées par le Procureur. Je désapprouve par conséquent la décision de mes collègues de reporter le procès au 5 mai. À mon avis, un report d’un jour ou deux aurait suffi.

14. L’idée qu’il faudrait un report important pour permettre au Défendeur de prendre les dispositions nécessaires pour consulter un avocat de son choix et de son propre pays est également erronée. Le droit de l’accusé à avoir un conseil de son choix doit être considéré dans le contexte dans lequel le besoin d’un conseil se fait sentir. S’il dispose des ressources suffisantes, il a le droit de prendre les dispositions nécessaires pour s’assurer les services d’un conseil dans le délai qui lui est imparti dans le cadre des poursuites pour outrage. Lorsqu’il convient de juger une affaire d’outrage dans l’urgence et rapidement, le choix se limite par la force des choses à ceux qui sont alors disponibles. S’il ne peut prendre à sa charge le coût de sa défense, le chef du Bureau de l’aide juridictionnelle et des questions liées à la détention lui procurera un conseil en lui donnant la possibilité d’en choisir un sur la liste de ceux qui sont agréés par le tribunal et qui sont disponibles. Un report du procès au 25 ou 26 avril aurait suffi pour garantir les droits du Défendeur. Puisqu’il s’agissait de défendre l’autorité de la Chambre de première instance, la question devait être tranchée dans l’urgence.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

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Iain Bonomy

Le 13 mai 2005
La Haye (Pays-Bas)

[Sceau du Tribunal]


1 - Le Procureur c/ Slobodan Milosevic, Poursuites engagées contre Kosta Bulatovic pour outrage, affaire n° IT-02-54-T-R77.4, Ordonnance relative à une affaire d’outrage concernant le témoin Kosta Bulatovic, 20 avril 2005 (l’« Ordonnance relative à l’outrage »), p. 3.
2 - Le Procureur c/ Slobodan Milosevic, affaire n° IT-02-54-AR73.7, Décision relative à l’appel interlocutoire formé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office des conseils de la défense, 1er novembre 2004, par. 20.
3 - Le Procureur c/ Slobodan Milosevic, affaire n° IT-02-54-T, compte rendu d’audience, version en anglais, (« CR »), p. 38591 (19 avril 2005).
4 - Voir, en général, ibidem, CR, p. 38592 à 38597, et p. 38606 (19 avril 2005).
5 - Voir supra note de bas de page 4.
6 - Ibidem, CR, p. 38606, 38608 et 38609 (19 avril 2005).
7 - Ibid., CR, p. 38615 et 38616 (20 avril 2005).
8 - Ibid., CR, p. 38616 (20 avril 2005).
9 - Voir Le Procureur c/ Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-AR-R77, Arrêt relatif à l’appel de la décision portant condamnation pour outrage au Tribunal interjeté par Anto Nobilo, 30 mai 2001 (« l’Arrêt Aleksovski relatif à l’outrage »), par. 36 : Les règles que doit appliquer le Tribunal en matière d’outrage ont pour objet de punir toute conduite tendant à entraver le cours de la justice, à y porter préjudice ou à en abuser, afin de garantir que le pouvoir qui lui est conféré expressément par son Statut n’est pas tenu en échec et que sa fonction judiciaire fondamentale est sauvegardée. Les règles applicables en matière d’outrage ne sont pas destinées à rehausser la dignité des juges ou à sanctionner un simple affront fait à une cour ou à un tribunal, ou les insultes qui lui ont été adressées ; c’est plutôt la justice à proprement parler qui est bafouée par un outrage au tribunal, et non pas la juridiction ou le juge qui cherche à administrer la justice. [notes de bas de page non reproduites]
10 - Voir Ordonnance relative à l’outrage, supra note de bas de page 1 ; Le Procureur c/ Milosevic, affaire n° IT-02-54-T, CR, p. 38617 (20 avril 2005). Voir aussi Arrêt Aleksovski relatif à l’outrage, supra note de bas de page 9, par. 56 : Il est donc essentiel, lorsqu’une Chambre engage elle-même une action pour outrage, qu’elle précise la nature de l’accusation avec la même précision que celle requise pour un acte d’accusation, et donne aux parties la possibilité de discuter des points à établir. C’est ainsi seulement qu’une personne accusée d’outrage pourra bénéficier d’un procès équitable.
11 - Poursuites engagées contre Kosta Bulatovic pour outrage, supra note de bas de page 1, CR, p. 6 à 8 (6 mai 2005) ; voir Le Procureur c/ Milosevic, affaire n° IT-02-54-T, CR, p. 38626, 38627, 38633, 38634 et 38642 (20 avril 2005).
12 - Ibidem, CR, p. 6, 8, et 9 à 14 (6 mai 2005).
13 - Ibid., CR, p. 14 et 15 (6 mai 2005).
14 - Voir en général ibid., CR, p. 18 à 42 (6 mai 2005).
15 - Voir en général ibid., CR, p. 43 à 45 (6 mai 2005).
16 - Voir ibid., CR, p. 44 (6 mai 2005) (se référant à Le Procureur c/ Milosevic, Procédure pour outrage engagée contre le témoin K12, affaire n° IT-02-54-T-R77, CR, p. 33 (18 novembre 2002)).
17 - Procédure pour outrage engagée contre le témoin K12, supra note de bas de page 16, Décision de la Chambre de première instance relative au témoin K12, 21 novembre 2002, Opinion dissidente du Juge Kwon.
18 - Poursuites engagées contre Kosta Bulatovic pour outrage, supra note de bas de page 1, CR, p. 45 et 46 (6 mai 2005).
19 - Arrêt Aleksovski relatif à l’outrage, supra note de bas de page 9, par. 39, 42 à 48, et 49 à 52.
20 - Le Procureur c/ Brdanin, Procédure pour outrage engagée contre Milka Maglov, affaire n° IT-99-36-R77, Décision relative à la demande d’acquittement introduite en vertu de l’article 98 bis du Règlement, 19 mars 2004, par. 16 ; voir aussi par. 24, 29 et 41.
21 - Voir Poursuites engagées contre Kosta Bulatovic pour outrage, supra note de bas de page 1, CR, p. 62 et 63 (6 mai 2005).
22 - Voir en général ibid., CR, p. 49 à 53, 55 et 56 (6 mai 2005).
23 - Ibid., CR, p. 63 (6 mai 2005) (faisant soi-disant référence à Le Procureur c/ Milosevic, affaire n° IT-02-54-T, CR, p. 38606 à 38608 (19 avril 2005)) ; ibidem, CR, p. 38642 (20 avril 2005).
24 - Cela ne signifie pas pour autant qu’un témoin ne peut jamais faire valoir son droit de ne pas répondre aux questions. Il peut demander à être dispensé de témoigner, auquel cas la Chambre devrait rendre une nouvelle décision concernant la question de savoir si l’on devrait ou non enjoindre au témoin de répondre. Cela étant, aucune question de ce genre ne se pose en l’espèce.
25 - Voir Arrêt Aleksovski relatif à l’outrage, supra note de bas de page 9, par. 53 et 54 : [I]l n’est pas strictement nécessaire que la Chambre d’appel se prononce sur la question de savoir si l’Accusation doit également établir l’intention de violer ou d’ignorer l’ordonnance en question. Cette question n’est toutefois pas sans importance […] pour les futures poursuites pour outrage et elle a fait l’objet d’analyses approfondies. La Chambre d’appel propose en conséquence d’exprimer son avis à ce sujet. Dans la plupart des cas où il a été établi que la personne accusée d’outrage avait connaissance de l’ordonnance qu’elle a violée (qu’il s’agisse de connaissance effective de ladite ordonnance ou d’aveuglement délibéré quant à son existence), on a presque automatiquement conclu à l’intention de la violer. Il peut cependant exister des cas où la personne accusée d’outrage a agi avec une indifférence totale quant au fait de savoir si elle violait par son acte une ordonnance particulière. De l’avis de la Chambre d’appel, pareille conduite est suffisamment blâmable pour être sanctionnée en tant qu’outrage, même si elle ne prouve pas qu’il existait une intention spécifique de violer l’ordonnance en question. La Chambre d’appel est d’accord avec l’Accusation pour estimer que l’acte constitutif de la violation était délibéré et non fortuit.
26 - Le Procureur c/ Milosevic, Poursuites engagées contre Kosta Bulatovic pour outrage, affaire n° IT-02-54-T-R77.4, « Décision relative à une affaire d’outrage au Tribunal », 13 mai 2005 (la « Décision »).
27 - Voir Le Procureur c/ Milosevic, Procédure pour outrage engagée contre le témoin K12, affaire n° IT-02-54-T-R77, compte rendu d’audience (CR), p. 33 (18 novembre 2002).
28 - Voir, par exemple, The Concise Oxford Dictionary (10e édition, rév. 2001) (Oxford University Press : Oxford, New York).
29 - Le Procureur c/ Milosevic, affaire n° IT-02-54-T, CR, p. 38617 à 38619 (20 avril 2005).
30 - Voir en général ibid., CR, p. 38619 à 38629 (20 avril 2005).
31 - Ibid., CR, p. 38627 (20 avril 2005).
32 - Voir en général ibid., CR, p. 38619 à 38627 et 38633 à 38639 (20 avril 2005).
33 - Directive pratique définissant la procédure à suivre pour enquêter sur les outrages au tribunal et en poursuivre les auteurs, Doc. n° IT/227, 6 mai 2004 (la « Directive pratique »).
34 - Voir article 77 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international (le « Règlement »), cité dans la partie pertinente de la Décision, supra note 1, par. 4.
35 - Voir, par exemple, Milosevic, affaire n° IT-02-54-T, CR, p. 38633 et 38634 (20 avril 2005).
36 - Voir Le Procureur c/ Aleksovski, affaire n° IT-95-14/1-AR-R77, Arrêt relatif à l’appel de la décision portant condamnation pour outrage au tribunal interjeté par Anto Nobilo, 30 mai 2001 (l’« Arrêt Aleksovski relatif à l’outrage »), par. 36.
37 - Requête n° 73797/01/01, Arrêt du 22 janvier 2004.
38 - De même, la note pratique (Practice Note) du Lord Chief Justice à laquelle il est fait référence dans l’affaire Kyprianou ne donne d’indications que sur les poursuites pour outrage dans les juridictions inférieures. Les exemples que j’ai déjà donnés, voir supra, par. 8 et 9, ne sont pas les seules circonstances dans lesquelles un tribunal peut juger une affaire d’outrage et être perçu comme un tribunal indépendant et impartial. Un certain nombre d’exemples anglais et gallois peuvent être cités. Dans l’affaire R. c/ Calum Iain Macleod, [2001] Crim. L. R. 589, dans laquelle l’outrage était le fait d’un accusé qui avait tenté d’intimider un témoin en dehors de la salle d’audience, la Cour d’appel a conclu qu’il n’y avait aucune raison que le juge, qui n’avait pas observé ce qui s’était produit en dehors du prétoire, ne soit pas considéré comme un organe judiciaire indépendant et impartial aux fins des poursuites pour outrage. La Cour est allée plus loin et a estimé que, même si le juge s’était fait une opinion sur la crédibilité du témoin quand celui-ci déposait, cela ne pouvait être considéré comme mettant en cause son indépendance ou son impartialité lorsqu’il examinait les preuves relatives à l’outrage présumé. Il était donc bon que le juge soit saisi de l’affaire d’outrage qui devait être jugée dans l’urgence pour que le procès avance. Cette approche est en conformité avec l’esprit de la déclaration générale faite par Denning M. R. dans l’affaire majeure Balogh c/ St. Alban’s Crown Court, [1974] 3 All E. R. 283, 288 : Ce pouvoir de sanction suivant une procédure simplifiée est un grand pouvoir, mais il est nécessaire. Il vise à défendre la dignité et l’autorité de la Cour et à assurer un procès équitable. C’est le juge qui doit l’exercer de sa propre initiative, et uniquement lorsqu’il est urgent et impératif d’agir sans délai – afin de défendre l’autorité de la Cour – prévenir tout trouble – épargner aux témoins toute crainte – et soustraire les jurés à toute influence fâcheuse – par exemple.
...
Un juge devrait agir de sa propre initiative uniquement lorsqu’il est urgent et impératif d’agir immédiatement. Dans tous les autres cas, il ne devrait pas agir d’office. Il devrait laisser l’Attorney-général ou la partie lésée présenter une requête conformément aux articles du Code pénal canadien, art. 52. La raison en est qu’il ne devrait pas apparaître comme étant à la fois procureur et juge : en effet, ce rôle ne lui sied pas. Postérieurement, dans l’affaire Griffin, [1989] 88 Cr. App. R. 63, 69, la Cour d’appel a conclu : Nous devrions ajouter que certains dicta (par exemple, dans Balogh), peuvent s’interpréter comme donnant à penser que la Cour n’a pas compétence pour suivre une procédure simplifiée à moins qu’il n’y ait urgence. Nous doutons que cela soit tout à fait exact. À notre avis, la question de l’urgence ou non est essentielle, non pas pour l’existence de la compétence, mais pour décider si la compétence devrait être exercée de préférence à une forme de justice moins expéditive.
39 - Il convient cependant de noter que l’analyse du droit américain au paragraphe 22 de la décision Kyprianou ne rend peut-être pas pleinement ou exactement compte de la position des États-Unis. Ainsi, dans l’affaire Mayberry c/ Pennsylvania, l’affaire citée par l’arrêt Kyprianou à l’appui du principe général qu’il énonce, la Cour suprême des États-Unis a souligné que ses conclusions étaient étroitement liées, voire limitées, aux circonstances de l’espèce dont elle était saisie, une affaire d’« insultes adressées à un juge » : Ce principe de précaution [dans l’exercice du pouvoir en cas d’outrage] s’impose davantage lorsque l’outrage en cause comporte un élément de critique personnelle ou d’attaque contre le juge... Tout ce que nous pouvons dire sur toute cette affaire, c’est que lorsque les conditions le permettent, ou lorsque le retard ne peut pas porter atteinte à un droit public ou privé, un juge saisi d’une affaire d’outrage prenant la forme d’une attaque directe contre sa personne peut, sans se dérober à ses devoirs, demander que l’un de ses collègues le remplace pour juger l’affaire en question. 400 U.S., 455, 462, 464 (1971) (non souligné dans l’original). Voir également Pounders c/ Watson, 521 U.S. 982, 987-988 (1997) (faisant remarquer qu’« un précédent ancien confirme le pouvoir des tribunaux de conclure à un outrage en suivant une procédure simplifiée et d’imposer une sanction », et soulignant « l’importance qu’il y a de réserver la procédure simplifiée aux cas d’outrage à l’audience. Lorsqu’un comportement répréhensible se manifeste en audience publique, l’affront à la dignité du tribunal est plus largement observé et justifie le recours à une procédure simplifiée »).
40 - Voir en général ibid., CR, p. 38627 à 38633 (20 avril 2005).