Affaire n° : IT-02-54-T
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Patrick Robinson, Président
M. le Juge O-Gon Kwon
M. le Juge Iain Bonomy
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Ordonnance rendue le :
1er mars 2005
LE PROCUREUR
c/
SLOBODAN MILOSEVIC
_______________________________________________
ORDONNANCE RELATIVE À LA NOUVELLE
COMPARUTION D’IVAN KRISTAN
_______________________________________________
Le Bureau du Procureur :
Mme Carla Del Ponte
M. Geoffrey Nice
L’Accusé :
Slobodan Miloševic
Les Conseils commis d’office par la Chambre :
M. Steven Kay
Mme Gillian Higgins
L’Amicus Curiae :
M. Timothy McCormack
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes
présumées responsables de violations graves du
droit international humanitaire commises sur le territoire de
l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),
VU l’ordonnance qu’elle a rendue oralement
le 25 janvier 2005 (l’« Ordonnance »), enjoignant
à l’Accusation « de déposer une pièce
précisant les questions au sujet desquelles celle-ci
souhaitait présenter la déposition de M. Kristan
au cas où elle déciderait de le citer une nouvelle
fois, et d’indiquer également quand M. Kristan serait
disponible »,
VU l’historique de cette question, comme
suit :
- L’Accusation a demandé à présenter
la déposition d’un expert sur des questions relatives
à l’abolition de l’autonomie du Kosovo et au droit
constitutionnel à l’autodétermination et à
la sécession du Kosovo de la République de
Serbie, entre autres questions, par l’intermédiaire
d’un témoin expert, M. Ivan Kristan ;
- Le 23 mai 2003, la Chambre de première
instance a rendu oralement une décision1
relative au rapport d’expert de M. Kristan sur ces
questions, par laquelle elle a estimé que puisque
M. Kristan était un juge de la Cour constitutionnelle
de la RSFY au moment où ces questions ont été
examinées et qu’il avait exprimé une opinion
dissidente, sa déposition serait « fortement
influencée par sa participation aux procédures
engagées devant la Cour2 ».
Elle a en conséquence jugé que les parties
du rapport de M. Kristan traitant a) de l’autonomie
du Kosovo et de l’abolition de celle-ci et b) du droit constitutionnel
du Kosovo à l’autodétermination (les « deux
questions ») ne pouvaient être versées
au dossier3. Néanmoins,
la Chambre a jugé que les autres parties dudit rapport
étaient recevables et que M. Kristan pouvait
être entendu sur les questions qui y étaient
abordées4 ;
- L’Accusation a par la suite affirmé qu’elle n’était
pas en mesure de trouver des experts disposés à
témoigner sur des questions de droit constitutionnel
de l’ex-Yougoslavie ou en mesure de le faire5.
Enfin, l’Accusation a fait observer que se posait une difficulté
supplémentaire pour trouver un expert compétent
en droit constitutionnel du fait que la question est « controversée
… en ex-Yougoslavie ; ce n’est pas forcément
une question juridique facile, et peut-être est-ce
une question qui nécessite d’être examinée
sous un angle différent selon d’où vient l’expert6 » ;
- Au point 15 de l’ordonnance globale rendue par la
Chambre de première instance le 17 juin 2004,
celle-ci a déclaré ce qui suit : « Au
vu des difficultés rencontrées par l’Accusation
pour obtenir les services d’un expert constitutionnel, la
Chambre de première instance ordonnera en temps voulu
aux parties de déposer leurs arguments sur certaines
questions constitutionnelles » ;
- Par la suite, l’Accusé a cité M. Markovic
en tant que témoin des faits qui a déposé notamment sur
les deux questions ;
- Au cours de la déposition de M. Markovic, la Chambre
de premičre instance a examiné la question de savoir
si M. Kristan pourrait ętre cité une nouvelle
fois afin de déposer en tant que témoin des
faits sur les deux questions pour lesquelles il ne pouvait
témoigner en tant qu’expert, et l’Ordonnance a alors
été rendue,
VU la requête de l’Accusation
faisant suite à l’ordonnance rendue oralement par la
Chambre de première instance le 25 janvier 2005
à propos d’éventuels éléments de
preuve supplémentaires devant être apportés
par M. Kristan (Prosecution’s Motion in Response to
Trial Chamber Oral Order of 25 January 2005 Regarding Potential
Additional Evidence to be Given by Dr. Kristan), déposée
le 1er février 2005 (la « Requête »),
par laquelle l’Accusation énumère aux paragraphes 5, 13
et 15 de la Requête un certain nombre de questions
à aborder, de préférence sur la base du
premier rapport d’expert de M. Kristan ou, à défaut,
selon toute modalité que la Chambre pourrait fixer,
VU la réplique des Conseils commis
d’office par la Chambre à la Requête (Assigned
Counsel Reply to Prosecution Motion in Response to Trial Chamber
Oral Order of 25 January 2005 Regarding Potential Additional
Evidence to be Given by Dr. Kristan), déposée
le 8 février 2005 (la « Réplique »),
par laquelle lesdits conseils font valoir que l’Accusation ne
devrait pouvoir citer M. Kristan afin qu’il fasse une nouvelle
déposition dans le cadre de ses moyens en réplique
qu’à condition que celui-ci se limite à déposer
en tant que témoin des faits,
ATTENDU que la Chambre de première
instance a rendu l’Ordonnance avec l’intention d’avoir un tableau
complet des éléments de preuve concernant le statut
du Kosovo et les questions d’ordre constitutionnel liées
à cette question et ce, dans un délai raisonnable
après avoir entendu M. Markovic afin que la Chambre
et les parties aient encore ces questions présentes à
l’esprit,
ATTENDU, en outre, que la Chambre de
première instance ne souhaite entendre M. Kristan
que sur des faits relatifs aux deux questions au sujet desquelles
elle avait estimé que sa déposition n’était
pas souhaitable,
EN APPLICATION de l’article 54
du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal
international,
ORDONNE ce qui suit :
- l’Accusation est autorisée à citer une nouvelle
fois M. Kristan en ce qui concerne a) l’autonomie du
Kosovo et l’abolition de celle-ci et b) le droit du Kosovo
à l’autodétermination afin que, dans la mesure
du possible, M. Kristan dépose sur ces questions
en tant que témoin des faits, et
- la Chambre de première instance, après consultation
de l’Accusé et de l’Accusation, fixera une date et
une heure appropriées pour la nouvelle comparution
de M. Kristan.
Fait en anglais et en français, la version
en anglais faisant foi.
Le Président de la Chambre de première instance
______________
Patrick Robinson
Le 1er mars 2005
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]
1. Compte rendu d’audience (« CR »),
p. 21160 (23 mai 2003).
2. CR, p. 21162 (23 mai 2003).
3. Ibidem.
4. Ibidem.
5. CR, p. 22799 (19 juin 2003). Même lorsqu’elle
a pu trouver des personnes possédant les qualifications
requises pour comparaître comme experts en droit constitutionnel
devant le Tribunal, ces personnes ont « plusieurs fois eu
peur de le faire » (CR, p. 30701, 17 décembre 2003).
6. CR, p. 30702 (17 décembre 2003). Pour
illustrer les difficultés rencontrées par l’Accusation,
deux documents ont été présentés :
1) Expertise en droit constitutionnel sur les questions relatives
au Kosovo : experts juridiques d’ex-Yougoslavie ayant été
sollicités (de septembre à décembre 2003)
et 2) Lettre d’un expert refusant de témoigner (datée
du 12 janvier 2004).