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1 (Lundi 29 octobre 2001.)
2 (Comparution initiale de M. Slobodan Milosevic - Affaire IT-01-50-I.)
3 (L'audience est ouverte à 15 heures 04, sous la présidence de M. le Juge
4 May.)
5 (Audience publique.)
6 (Lecture de l'Acte d'accusation relatif à la Croatie par M. James Cook.)
7 M. Cook (interprétation): "Le Procureur du Tribunal contre Slobodan
8 Milosevic. Acte d'accusation:
9 Le Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie , en
10 vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'Article 18 du Statut du
11 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, "le Statut du
12 Tribunal", accuse: Slobodan Milosevic de crime contre l'humanité,
13 d'infractions graves aux Conventions de Genève et de violations des lois
14 et coutumes de la guerre, comme exposé ci-après.
15 L'accusé:
16 Slobodan Milosevic, fils de Svetozar Milosevic, est né le 20 août 1941
17 dans la ville de Pozarevac, dans la Serbie d'aujourd'hui. Diplômé en droit
18 de l'Université de Belgrade en 1964, il commence sa carrière dans la
19 gestion et la banque. Jusqu'en 1978, il a occupé le poste de directeur
20 adjoint, puis de directeur général de l'entreprise Tehnogas, importante
21 société d'hydrocarbures de la République socialiste fédérative de
22 Yougoslavie, ("RSFY"). Il a ensuite exercé les fonctions de président de
23 Beogradska Banka, c'est-à-dire Beobanka, une des plus grandes banques de
24 la RSFY jusqu'en 1983.
25 Slobodan Milosevic adhère à la Ligue des communistes de Yougoslavie en
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1 1959. En 1984, il est devenu président du Comité de la Ligue des
2 communistes de la ville de Belgrade. Il a été élu président du Présidium
3 du Comité central de la Ligue des communistes de Serbie en 1986 et réélu
4 en 1988. Le 16 juillet 1990, la Ligue des communistes de Serbie et
5 l'Alliance socialiste ouvrière de Serbie ont fusionné pour former un
6 nouveau parti, appelé Parti socialiste de Serbie ("SPS"). Le 17 juillet
7 1990, Slobodan Milosevic a été élu président du SPS et est constamment
8 resté à ce poste jusqu'à aujourd'hui, si l'on fait abstraction de la
9 période allant du 24 mai 1991 au 24 octobre 1992.
10 Slobodan Milosevic a été élu Président de la présidence de la République
11 socialiste de Serbie le 8 mai 1989 et réélu le 5 décembre de la même
12 année. Après l'adoption d'une nouvelle Constitution, le 28 septembre 1990,
13 la République socialiste de Serbie est devenue la République de Serbie et
14 Slobodan Milosevic a été élu au poste nouvellement créé de Président de
15 Serbie à l'occasion d'élections pluripartites qui se sont tenues en
16 décembre 1990; il a été réélu à ce poste le 20 décembre 1992.
17 Au terme de son deuxième mandat de Président de Serbie, Slobodan Milosevic
18 a été élu le 15 juillet 1997 Président de la République fédérale de
19 Yougoslavie ("RFY"). Il a officiellement pris ses fonctions le 23 juillet
20 1997. Battu aux élections présidentielles de septembre 2000, Slobodan
21 Milosevic a quitté le 6 octobre 2000 ses fonctions.
22 Responsabilité pénale individuelle, Article 7-1) du Statut du Tribunal:
23 Slobodan Milosevic est individuellement pénalement responsable des crimes
24 sanctionnés par les Articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal et énumérés
25 dans le présent Acte d'accusation, crimes qu'il a planifiés, incité à
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1 commettre, ordonnés, commis ou, de toute autre manière, aidé et encouragé
2 à planifier, préparer et exécuter. Par le terme "commettre", le Procureur
3 n'entend pas suggérer dans le présent Acte d'accusation que l'accusé ait
4 perpétré physiquement les crimes qui lui sont imputés personnellement.
5 Dans le présent Acte d'accusation, on entend par "commettre" la
6 participation, en qualité de coauteur, à une entreprise criminelle
7 commune.
8 Slobodan Milosevic a participé à une entreprise criminelle commune, ainsi
9 qu'il est indiqué dans les paragraphes 24 à 26. Cette entreprise
10 criminelle commune avait pour but de contraindre, par des crimes tombant
11 sous le coup des Articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal, la majorité de
12 la population croate et du reste de la population non serbe à évacuer
13 environ un tiers du territoire de la République de Croatie, dont il était
14 prévu qu'il ferait partie d'un nouvel État dominé par les Serbes. Ce
15 territoire englobait les régions désignées par les autorités serbes et
16 dans le présent Acte d'accusation sous l'appellation "District autonome
17 serbe (SAO) de Krajina", "SAO de Slavonie occidentale", "SAO de Slavonie,
18 de la Baranja et du Srem occidental" (désignées collectivement sous
19 l'appellation "République serbe de Krajina"(RSK) et "République de
20 Dubrovnik" par les autorités serbes après le 19 décembre 1991).
21 Cette entreprise criminelle commune a vu le jour avant le 1er août 1991 et
22 s'est poursuivie au moins jusqu'en juin 1992. Ont participé à cette
23 entreprise Slobodan Milosevic, Borisav Jovic, Branko Kostic, Veljko
24 Kadijevic, Blagoje Adzic, Milan Babic, Milan Martic, Goran Hadzic, Jovica
25 Stanicic, Franko Simatovic alias "Frenki", Tomislav Simovic, Vojislav
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1 Cecelj, Momir Bulatovic, Aleksandar Vasiljevic, Radovan Stojicic alias
2 "Badza", Zeljko Raznatovic alias "Arkan" et d'autres, connus ou inconnus.
3 Les crimes énumérés aux Chefs 1 à 32 du présent Acte d'accusation
4 s'inscrivaient dans le cadre de l'objectif assigné à l'entreprise
5 criminelle commune ou, s'agissant des crimes énumérés aux Chefs
6 d'accusation 1 à 13 et 17 à 32, étaient la conséquence naturelle et
7 prévisible de la réalisation de l'objectif assigné à l'entreprise
8 criminelle commune; et l'accusé avait conscience que de tels crimes
9 étaient l'aboutissement possible de la réalisation de l'entreprise
10 criminelle commune.
11 Pour mener à bien cette entreprise criminelle commune, Slobodan Milosevic
12 a agi de concert avec plusieurs autres personnes ou par personnes
13 interposées. Tous les participants à l'entreprise criminelle commune ou
14 coauteurs y ont joué un rôle qui leur était propre ou qui a largement
15 contribué à la réalisation de l'objectif général de l'entreprise."
16 Les paragraphes 10 à 23 concernent d'autres personnes, raison pour
17 laquelle la lecture de l'Acte d'accusation va reprendre à partir du
18 paragraphe 24.
19 "De 1987 à la fin 2000, Slobodan Milosevic dominait la vie politique en
20 Serbie. Il en est venu à contrôler toutes les facettes de l'appareil
21 d'État serbe, y compris la police et les autres services chargés de la
22 sûreté de l'État. En outre, il est parvenu à exercer son emprise sur les
23 dirigeants politiques du Kosovo, de la Voïvodine et du Monténégro.
24 En sa qualité de Président de la Serbie et du fait de sa place éminente au
25 sein du SPS, Slobodan Milosevic exerçait un contrôle effectif ou une
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1 influence appréciable sur les personnes susmentionnées, qui ont participé
2 à l'entreprise criminelle commune et, soit seul soit de concert avec eux
3 ou d'autres personnes, connues et inconnues, exerçait un contrôle effectif
4 ou une influence appréciable sur les actions de la Présidence fédérale de
5 la RSFY et ensuite de la RFY, du ministère serbe de l'Intérieur ("MUP"),
6 de la JNA et des membres serbes de la TO (Défense territoriale) dans les
7 territoires visés dans le présent Acte d'accusation, ainsi que des groupes
8 de volontaires serbes.
9 Slobodan Milosevic, agissant seul ou de concert avec d'autres participants
10 à l'entreprise criminelle commune, a pris part à celle-ci de la façon
11 suivante:
12 a) en donnant des instructions et en fournissant une assistance à la
13 direction politique de la SAO SBSO, de la SAO de Slavonie occidentale, de
14 la SAO de Krajina et à la RSK en vue de la prise de contrôle de ces
15 régions et, par la suite, du déplacement forcé de la population croate et
16 du reste de la population non serbe;
17 b) en fournissant un soutien financier, matériel et logistique aux forces
18 militaires régulières et irrégulières en vue de la prise de contrôle de
19 ces régions et, par la suite, du déplacement forcé de la population croate
20 et du reste de la population non serbe;
21 c) en donnant pour instruction aux organes d'État de la République de
22 Serbie de créer des forces armées distinctes des forces armées fédérales
23 afin de mener des opérations de combat en dehors de la République de
24 Serbie, en particulier dans lesdites régions de Croatie et, par la suite,
25 de procéder au déplacement forcé de la population croate et du reste des
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1 habitants non serbes;
2 d) en participant à la formation, au financement et à l'approvisionnement
3 des forces spéciales du ministère de l'Intérieur de la République de
4 Serbie, ainsi qu'en leur fournissant un soutien et en leur donnant des
5 instructions. Ces forces spéciales ont été créées et appuyées pour
6 contribuer, par des crimes tombant sous le coup des Articles 2, 3 et 5 du
7 Statut du Tribunal, à la réalisation de l'objectif de l'entreprise
8 criminelle commune;
9 e) en contribuant à soutenir, sur les plans financier, logistique et
10 politique, les forces serbes irrégulières et paramilitaires, et en leur
11 donnant des instructions. Cet appui était fourni en vue d'atteindre, par
12 des crimes tombant sous le coup des Articles 2, 3 et 5 du Statut du
13 Tribunal, l'objectif de l'entreprise criminelle commune;
14 f) en participant à la planification et à la préparation de la prise de
15 contrôle de la SAO SBSO, de la SAO de Slavonie occidentale, de la SAO de
16 Krajina et de la République de Dubrovnik et, par la suite, au déplacement
17 forcé de la population croate et du reste de la population non serbe;
18 g) en exerçant un contrôle effectif et une influence appréciable sur la
19 JNA, laquelle a participé à la planification, à la préparation et à
20 l'exécution de l'opération consistant à déplacer par la force la
21 population croate et le reste de la population non serbe de la SAO SBSO,
22 de la SAO de Slavonie occidentale, de la SAO de Krajina et de la
23 République de Dubrovnik;
24 h) en fournissant un soutien financier, logistique et politique aux unités
25 de la TO et aux unités de volontaires serbes opérant dans la SAO SBSO, la
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1 SAO de Slavonie occidentale, la SAO de Krajina et la République de
2 Dubrovnik qui contribuaient, par des crimes réprimés par les Articles 2, 3
3 et 5 du Statut du Tribunal, à la réalisation de l'objectif de l'entreprise
4 criminelle commune;
5 i) en ordonnant effectivement l'adoption de lois et de règlements relatifs
6 à l'intervention en Croatie de la JNA, de la TO et des unités de
7 volontaires serbes;
8 j) en dirigeant, en commandant, en contrôlant ou, de toute autre manière,
9 en fournissant une assistance ou un soutien appréciables à la JNA, aux
10 membres serbes de la TO et aux forces de volontaires déployées dans la SAO
11 SBSO, la SAO de Slavonie occidentale, la SAO de Krajina et la République
12 de Dubrovnik, qui contribuaient, par des crimes tombant sous le coup des
13 Articles 2, 3 et 5 du Statut du Tribunal, à la réalisation de l'objectif
14 de l'entreprise criminelle commune;
15 k) en dirigeant, commandant, contrôlant ou en fournissant de toute autre
16 manière une assistance ou un soutien appréciables aux forces relevant du
17 MUP de la République de Serbie, notamment la DB, dont les membres
18 contribuaient à la réalisation de l'objectif de l'entreprise criminelle
19 commune dans la SAO SBSO, la SAO de Slavonie occidentale, la SAO de
20 Krajina et la République de Dubrovnik;
21 l) en finançant l'armée, la police et les soldats irréguliers serbes qui
22 ont perpétré en Croatie des crimes ainsi qu'il est indiqué dans le présent
23 Acte d'accusation;
24 m) en contrôlant les médias publics serbes ou, de toute autre manière, en
25 s'en servant pour manipuler l'opinion publique serbe, en répandant des
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1 informations fausses ou exagérées faisant état d'agressions perpétrées par
2 des Croates contre des Serbes en raison de leur appartenance ethnique, de
3 sorte à créer un climat de crainte et de haine parmi les Serbes vivant en
4 Serbie et en Croatie. La propagande faite par les médias serbes était un
5 moyen de contribuer à la perpétration de crimes en Croatie.
6 Slobodan Milosevic a délibérément et sciemment participé à l'entreprise
7 criminelle commune, partageant l'intention des autres participant à celle-
8 ci ou ayant conscience des conséquences prévisibles de leur action. A ce
9 titre, il est individuellement pénalement responsable de ces crimes en
10 vertu de l'Article 7-1) du Statut du Tribunal, de même qu'il est
11 responsable, en vertu du même Article, d'avoir planifié, incité à
12 commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à
13 planifier, préparer ou exécuter ces crimes.
14 L'accusé et les autres participants à l'entreprise criminelle commune
15 partageaient l'intention et l'état d'esprit nécessaire à la commission de
16 chacun des crimes visés aux Chefs d'accusation 1 à 32.
17 Article 7-3) du Statut du Tribunal.
18 Slobodan Milosevic, en tant que supérieur hiérarchique, est également
19 individuellement pénalement responsable, en vertu de l'Article 7-3) du
20 Statut du Tribunal, des actes et omissions de ses subordonnés. Un
21 supérieur hiérarchique est tenu responsable des actes criminels commis par
22 ses subordonnés s'il savait ou avait des raisons de savoir que ces
23 derniers avaient commis ou étaient sur le point de commettre de tels actes
24 et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour
25 empêcher que ces actes ne soient commis ou pour en punir les auteurs.
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1 De mars 1991 au moins jusqu'au 15 juin 1992, Slobodan Milosevic a exercé
2 un contrôle effectif sur les quatre membres du "Bloc serbe" au sein de la
3 présidence de la RSFY (et ensuite de la RFY), à savoir Borisav Jovic,
4 représentant de la République de Serbie, Branko Kostic, représentant de la
5 République du Monténégro, Jugoslav Kostic, représentant de la Province
6 autonome de la Voïvodine, et Sejdo Bajramovic, représentant de la Province
7 autonome du Kosovo-Metohija. Slobodan Milosevic s'est servi de Borisav
8 Jovic et de Branko Kostic pour en faire ses principaux agents au sein de
9 la présidence et, par leur intermédiaire, a dirigé les actions du "Bloc
10 serbe". À compter du 1er octobre 1991, en l'absence des représentants de
11 la présidence de la Croatie, de la Slovénie, de la Macédoine et de la
12 Bosnie-Herzégovine, les quatre membres "Bloc serbe" ont exercé les
13 pouvoirs dévolus à la présidence et, en particulier, au "commandant en
14 chef" de la JNA.
15 Cette "présidence croupion" a agi sans frictions pour mettre en œuvre la
16 politique de Slobodan Milosevic. La présidence fédérale exerçait un
17 contrôle effectif sur la JNA en tant que "commandant en chef" de celle-ci,
18 ainsi que sur les unités de la Défense territoriale et sur les unités de
19 volontaires opérant en coordination avec la JNA et sous la supervision de
20 celle-ci. Les généraux Veljko Kadijevic et Blagoje Adzic, qui ont dirigé
21 et supervisé les forces de la JNA en Croatie, étaient en communication et
22 en consultation constantes avec l'accusé.
23 Slobodan Milosevic exerçait un contrôle effectif sur le KOS, service de
24 contre-espionnage de la JNA. Le contrôle qu'il exerçait sur les
25 responsables du KOS, en particulier sur le général Aleksandar Vasiljevic,
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1 a permis l'engagement des agents du KOS en Croatie. Les agents du KOS ont
2 mis en œuvre les politiques de Slobodan Milosevic en Croatie en dirigeant
3 les actions des dirigeants politiques serbes locaux, en dirigeant et en
4 soutenant la police et les forces de sécurité locales serbes, en faisant
5 entrer des groupes de volontaires serbes en Croatie et en soutenant les
6 activités de ces derniers.
7 Slobodan Milosevic est par conséquent tenu individuellement pénalement
8 responsable, en vertu de l'Article 7-3) du Statut du Tribunal, de la
9 participation des membres de la JNA, des unités de la Défense territoriale
10 et des unités de volontaires opérant en coordination avec la JNA et sous
11 la supervision de celle-ci, aux crimes recensés dans le présent Acte
12 d'accusation.
13 Dès qu'il est arrivé au pouvoir en Serbie, Slobodan Milosevic a exercé son
14 contrôle sur les principaux responsables du MUP serbe, dont Radmilo
15 Bogdanovic et Zoran Sokolovic, qui étaient tous deux, à des époques
16 différentes, ministres de l'Intérieur de Serbie, et Radovan Stojicic,
17 vice-ministre de l'Intérieur, ainsi que sur Jovica Stanicic et Franko
18 Simatovic, tous deux hauts responsables de la DB. Par leur intermédiaire,
19 Slobodan Milosevic exerçait un contrôle effectif sur les agents du MUP et
20 de la DB qui ont dirigé et soutenu les actions des dirigeants serbes de
21 Croatie locaux, ainsi que la police et les forces de sécurité serbes, et
22 ont fait entrer des groupes de volontaires serbes en Croatie et soutenu
23 leurs activités. L'accusé Slobodan Milosevic est par conséquent
24 individuellement pénalement responsable, en vertu de l'Article 7-3) du
25 Statut du Tribunal, de la participation des membres du MUP serbe et de la
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1 DB aux crimes énumérés dans le présent Acte d'accusation.
2 Accusations:
3 Chef d'accusation 1: Persécutions.
4 Du 1er août 1991 au mois de juin 1992 environ, Slobodan Milosevic,
5 agissant seul ou de concert avec d'autres participants, connus et
6 inconnus, à une entreprise criminelle commune, a planifié, incité à
7 commettre, ordonné, commis ou, de toute autre manière, aidé et encouragé à
8 planifier, préparer ou exécuter les persécutions de la population civile
9 croate et d'autres populations civiles non serbes sur le territoire de la
10 SAO SBSO, de la SAO de Slavonie occidentale, de la SAO de Krajina et de la
11 République de Dubrovnik.
12 Durant toute cette période, les forces serbes, composées d'unités de la
13 JNA, de la Défense territoriale locale et de la Défense territoriale de
14 Serbie et du Monténégro, d'unités de police du MUP serbe et du MUP local
15 et d'unités paramilitaires, ont attaqué et pris le contrôle de villes,
16 villages et hameaux sur les territoires susvisés. Une fois maîtres du
17 terrain, les forces serbes, en collaboration avec les autorités locales
18 serbes, ont mis en place un système de persécutions destiné à chasser de
19 ces territoires la population civile croate et d'autres populations
20 civiles non serbes.
21 Ces persécutions ont été menées pour des raisons politiques, raciales ou
22 religieuses et ont pris diverses formes:
23 a. L'extermination ou le meurtre de centaines de civils croates et autres
24 civils non serbes, y compris des femmes et des personnes âgées, à Dalj,
25 Erdut, Klisa, Lovas, Vukovar, Vocin, Bacin, Saborsko et les villages
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1 avoisinants, Skabrnja, Nadin, Bruska, Dubrovnik et ses environs, ainsi
2 qu'il est indiqué plus en détail aux paragraphes 38 à 59 et 73 à 75.
3 b. L'emprisonnement et la détention prolongés et systématiques de milliers
4 de civils croates et autres civils non serbes dans des centres de
5 détention sur le territoire croate et hors de ses frontières, notamment
6 dans des camps de prisonniers situés au Monténégro, en Serbie et en
7 Bosnie-Herzégovine, ainsi qu'il est indiqué plus en détail au paragraphe
8 64.
9 c. L'instauration et le maintien de conditions de vie inhumaines pour les
10 détenus civils croates et d'autres civils non serbes dans les centres de
11 détention mentionnés.
12 d. La torture, les passages à tabac et les meurtres fréquents de détenus
13 civils croates et d'autres civils non serbes dans les centres de détention
14 mentionnés.
15 e. Le travail forcé prolongé et fréquent de civils croates et d'autres
16 civils non serbes détenus dans les centres de détention mentionnés ou
17 assignés à domicile à Vukovar, Dalj, Lovas, Erdut, Saborsko, Vocin et
18 Tovarnik. Les travaux forcés consistaient à creuser des tombes, charger
19 des munitions pour les forces serbes, creuser des tranchées et effectuer
20 d'autres travaux manuels sur les lignes de front.
21 f. Les agressions sexuelles répétées contre des civils croates et d'autres
22 civils non serbes commises par des soldats serbes à l'occasion des
23 arrestations ou dans les centres de détention mentionnés.
24 g. L'attaque illicite de Dubrovnik et de villages croates sans défense
25 dans tous les territoires susvisés.
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1 h. L'adoption de mesures restrictives et discriminatoires à l'encontre de
2 la population civile croate et d'autres populations civiles non serbes,
3 telles que les restrictions à la liberté de circulation, la révocation des
4 titulaires de postes de responsabilité dans l'administration locale et la
5 police, les licenciements et les perquisitions arbitraires à leur
6 domicile.
7 i. Le passage à tabac et le vol commis contre les civils croates et
8 d'autres civils non serbes.
9 j. La torture et le passage à tabac de civils croates et d'autres civils
10 non serbes pendant et après leur arrestation.
11 k. L'expulsion ou le transfert forcé des territoires susmentionnés d'au
12 moins 170.000 civils croates et d'autres civils non serbes, notamment
13 l'expulsion en Serbie d'au moins 5.000 habitants d'Ilok et 20.000
14 habitants de Vukovar, et le transfert forcé à l'intérieur de la Croatie
15 d'au moins 2.500 habitants d'Erdut, ainsi qu'il est indiqué plus en détail
16 aux paragraphes 67 à 69.
17 l. La destruction délibérée de maisons, d'autres biens publics et privés,
18 d'établissements culturels, de monuments historiques et de lieux de culte
19 de la population croate et d'autres populations non serbes, à Dubrovnik et
20 dans ses environs, Vukovar, Erdut, Lovas, Sarengrad, Bapska, Tovarnik,
21 Vocn, Saborsko, Skabrnja, Nadin et Bruska, ainsi qu'il est indiqué aux
22 paragraphes 71 et 77 à 82.
23 Par ces actes et omissions, Slobodan Milosevic s'est rendu coupable de:
24 -Chef 1: Persécutions pour des motifs politiques, raciaux et religieux, un
25 crime contre l'humanité, sanctionné par les Articles 5h), 7-1) et 7-3) du
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1 Statut du Tribunal.
2 -Chefs 2 à 5: Extermination, meurtre, homicide intentionnel.
3 Du 1er août 1991 au mois de juin 1992, Slobodan Milosevic, agissant seul
4 ou de concert avec d'autres participants connus et inconnus à une
5 entreprise criminelle commune, a planifié, incité à commettre, ordonné,
6 commis ou, de toute autre manière, aidé et encouragé à planifier, préparer
7 ou exécuter l'extermination, le meurtre et l'assassinat (homicide
8 intentionnel) de civils croates et d'autres civils non serbes sur le
9 territoire de la SAO de Slavonie occidentale, de la SAO de Krajina et de
10 la SAO SBSO, ainsi qu'il est indiqué aux paragraphes 39 à 59 du présent
11 Acte d'accusation.
12 -SAO de Slavonie occidentale:
13 Au début d'août 1991, les forces serbes, et notamment les unités
14 volontaires composées des "Hommes de Seselj" et des "Aigles blancs",
15 étaient maîtres de Vocin. Le 13 décembre 1991, alors qu'elles se
16 retiraient de Vocin et de la région environnante, les forces serbes sont
17 allées de maison en maison et ont tué un grand nombre de civils croates
18 restés sur place. Ces deux unités ont tué en tout 32 civils avant de se
19 retirer le 13 décembre 1991. Seuls ont survécu ceux qui s'étaient cachés
20 et que les forces serbes n'ont pas trouvés.
21 Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
22 -SAO Krajina:
23 A partir du 7 octobre 1991 ou vers cette date, les forces serbes,
24 composées de la JNA, de membres de la TO et de la milice de la SAO de
25 Krajina (également appelée police de la SAO de Krajina et police de
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1 Martic) se sont retrouvées maîtres de la région de Hrvatska Kostajnica. La
2 plupart des civils croates avaient fui leur domicile pendant l'offensive
3 de septembre 1991. Cent vingt civils croates environ, des femmes, des
4 personnes âgées ou des infirmes pour la plupart, étaient restés dans les
5 villages de Dubica, Cerovljani et Bacin. Le matin du 20 octobre 1991, des
6 membres des forces serbes ont raflé 53 civils à Dubica et les ont enfermés
7 dans la caserne de pompiers du village. Au cours de la journée et de la
8 nuit, dix d'entre eux ont été libérés, parce qu'ils étaient serbes ou
9 étaient en relation avec des Serbes. Le 21 octobre 1991, les forces serbes
10 ont emmené les 43 détenus croates restants en un endroit proche du village
11 de Bacin. De plus, les forces serbes ont emmené là au moins treize civils
12 non serbes de Bacin et de Cerovljani. Les 56 victimes y ont toutes été
13 tuées. Les forces serbes ont emmené, à peu près au même moment, 30 civils
14 de Bacin et 24 autres des villages de Dubica et de Cerovljani en un
15 endroit inconnu, où elles les ont tués.
16 Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
17 Du début août 1991 au 12 novembre 1991, les villages croates de Saborsko,
18 Poljanak et Lipovanic ont été attaqués par les forces serbes, notamment
19 par la JNA, la TO et la "Police de Martic". À peine entrées dans les
20 villages, les forces serbes ont tué tous les habitants non serbes restés
21 sur place qu'elles ont trouvés.
22 Le 28 octobre 1991, des unités de la TO sont entrées dans Lipovanic et ont
23 tué huit civils.
24 Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
25 Le 7 novembre 1991, des unités de la JNA et de la TO, notamment une unité
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1 spéciale de la JNA de Nis, sont entrées dans le hameau de Vukovici, près
2 de Poljanak, et ont exécuté neuf civils.
3 Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
4 Le 12 novembre 1991, des membres de la JNA, de la "Police de Martic" et de
5 la TO sont entrés dans le village de Saborsko, où ils ont tué au moins 20
6 civils croates. Le village a ensuite été rasé. Le nom des victimes figure
7 à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
8 En novembre 1991, les forces serbes, composées des unités de la JNA et de
9 la TO, ainsi que de la "Police de Martic", ont attaqué le village de
10 Skabrnja, près de Zadar. Le 18 novembre 1991, les forces serbes sont
11 entrées dans Skabrnja. Allant de maison en maison, elles ont tué au moins
12 38 civils non serbes à leur domicile ou dans la rue. Le nom des victimes
13 figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
14 En outre, quand les forces serbes ont attaqué le lendemain les villages
15 proches de Nadin, elles ont tué sept civils non serbes. Le nom des
16 victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
17 Tous les civils croates qui étaient restés à Skabrnja sont morts entre le
18 18 novembre et février 1992. Les forces serbes ont tué 26 personnes parmi
19 les civils croates âgés ou infirmes restés sur place. Le nom des victimes
20 figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
21 Le 21 décembre 1991, les forces serbes, notamment des membres de la
22 "Police de Martic", ont pénétré dans le village Bruska et le hameau de
23 Marinovic, où ils ont tué dix civils, dont neuf Croates. Le nom des
24 victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
25 -Hôpital de Vukovar.
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1 Le 20 novembre 1991 ou vers cette date, dans le cadre de la campagne
2 générale de persécutions, les forces militaires serbes sous le
3 commandement, le contrôle et l'influence de la JNA, la TO de la SBSO et
4 d'autres participants à l'entreprise criminelle commune, ont, après avoir
5 pris le contrôle de la ville, chassé de l'hôpital de Vukovar environ 255
6 Croates et autres non-Serbes. Les victimes ont été transportées à la
7 caserne de la JNA, puis à la ferme Ovcara, située environ à 5 kilomètres
8 environ au sud de Vukovar. Là, les membres des forces serbes ont battu et
9 torturé les victimes pendant des heures. Le soir du 20 novembre 1991, les
10 soldats ont transporté les victimes par groupes de dix à vingt personnes
11 jusqu'à un lieu d'exécution éloigné, situé entre la ferme Ovcara et
12 Grabovo, où ils les ont abattues. Leurs corps ont été jetés dans un
13 charnier. Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte
14 d'accusation.
15 -SAO SBSO.
16 En septembre et octobre 1991, les forces de la TO serbe et la milice de la
17 SAO SBSO ont arrêté des civils croates qu'ils ont gardés dans un centre de
18 détention installé dans le bâtiment de la police à Dalj. Le 21 septembre
19 1991, Goran Hadzic et Zeljko Raznatovic ont visité le centre de détention
20 et ordonné la mise en liberté de deux des détenus. Les membres de la TO de
21 la SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, ont ouvert le feu sur
22 onze détenus et jeté leurs corps dans un charnier dans le village de
23 Celija. Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte
24 d'accusation.
25 -Le 4 octobre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la direction
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1 de Zeljko Raznatovic, ont pénétré dans le centre de détention installé
2 dans le bâtiment de la police de Dalj et ouvert le feu sur 28 détenus
3 civils croates. Les dépouilles ont ensuite été sorties du bâtiment et
4 jetées à proximité dans le Danube. Le nom des victimes figure à l'annexe I
5 du présent Acte d'accusation.
6 -Le 18 octobre 1991, des membres de la JNA, la TO de la SAO SBSO et de
7 l'unité de volontaires Dusan Silni ont contraint 50 civils croates, qui
8 avaient été emprisonnés pour effectuer des travaux forcés dans le bâtiment
9 Zadruga de Lovas, à marcher dans un champ de mines aux abords du village
10 de Lovas, situé à environ 20 kilomètres au sud-ouest de la ville de
11 Vukovar. En route pour le champ de mines, un détenu a été abattu par ces
12 forces serbes. Arrivés sur place, les détenus ont été contraints d'avancer
13 en tâtonnant du pied devant eux pour déminer. Une mine au moins a explosé
14 et les forces serbes ont ouvert le feu sur les détenus. Vingt et un
15 détenus ont été tués par des mines ou par balle. Le nom des victimes
16 figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
17 -Le 9 novembre 1991, les membres de la TO de la SAO SBSO, sous la
18 direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la milice de la SAO SBSO
19 ont arrêté à Erdut, Dalj Planina et Erdut Planina des civils d'origine
20 hongroise et croate, qu'ils ont emmenés au centre de formation de la TO
21 d'Erdut, où douze d'entre eux ont été abattus le lendemain. Le nom des
22 victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
23 -Plusieurs jours plus tard, des membres de la SNB de la SAO SBSO, en
24 collaboration avec plusieurs membres des "Tigres d'Arkan", ont arrêté et
25 exécuté trois civils, dont deux membres de la famille des premières
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1 victimes hongroises qui s'étaient enquis du sort de leurs proches. Parmi
2 les douze premières victimes, huit ont été enterrées dans le village de
3 Celija et une à Daljski Atar. Les trois autres dépouilles ont été jetées
4 dans un puits à Borovo. Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent
5 Acte d'accusation.
6 -Le 3 juin 1992, des membres de la SNB, en collaboration avec des membres
7 des "Tigres d'Arkan", ont arrêté Marija Senasi (née en 1937), apparentée à
8 l'une des premières victimes hongroises, qui avait continué à s'enquérir
9 du sort de ses proches, puis l'ont assassinée et ont jeté son corps dans
10 un puits abandonné de Dalj Planina.
11 -Le 11 novembre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous le
12 commandement de Zeljko Raznatovic, ont arrêté sept civils non serbes dans
13 le village de Klisa. Deux des détenus qui avaient des proches serbes ont
14 été libérés. Les cinq autres civils ont été emmenés au centre de formation
15 de la TO d'Erdut. Après avoir été interrogées, les victimes ont été tuées
16 et jetées dans un charnier situé dans le village de Celija. Le nom des
17 victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
18 -Entre le 18 et le 20 novembre 1991, après la fin des opérations
19 militaires à Vukovar et alentour, la JNA a expulsé des milliers
20 d'habitants croates et d'autres habitants non serbes en République de
21 Serbie. Goran Hadzic ayant demandé que soient gardés les non-Serbes
22 soupçonnés d'avoir participé aux opérations militaires, la JNA a
23 transporté, le 20 novembre 1991 ou vers cette date, un grand nombre
24 d'habitants de Vukovar au centre de détention de Dalj. Là, des membres de
25 la TO serbe ont sélectionné les personnes soupçonnées d'avoir participé à
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1 la défense de Vukovar. Les détenus sélectionnés ont été interrogés, battus
2 et torturés. Au moins 34 d'entre eux ont été exécutés. Le nom des victimes
3 figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
4 -Le 10 décembre 1991, des membres de la TO de la SAO SBSO, sous la
5 direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la milice de la SAO
6 SBSO ont arrêté cinq villageois non serbes d'Erdut. Les victimes ont
7 été emmenées, puis tuées au centre de formation de la TO d'Erdut. Trois
8 des dépouilles ont ensuite été jetées dans un puits à Daljski Atar. Le
9 nom des victimes figure à l'annexe I du présent Acte d'accusation.
10 -Du 22 décembre 1991 au 25 décembre 1991, des membres de la TO de la
11 SAO SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la
12 milice de la SAO SBSO ont arrêté à Erdut sept civils d'origine
13 hongroise et croate qu'ils ont emmenés au centre de formation de la TO
14 d'Erdut. Ils ont été abattus le 26 décembre 1991. Six des dépouilles
15 ont été enterrées à Daljski Atar. Le nom des victimes figure à l'annexe
16 I du présent Acte d'accusation.
17 -Le 21 février 1992, des membres de la Défense territoriale de la SAO
18 SBSO, sous la direction de Zeljko Raznatovic, et des membres de la
19 milice de la SAO SBSO ont arrêté à Erdut quatre civils non serbes.
20 Toutes les victimes ont été interrogées, puis tuées au centre de
21 formation de la TO d'Erdut. Les victimes ont été jetées dans un
22 charnier à Daljski Atar. Le nom des victimes figure à l'annexe I du
23 présent Acte d'accusation.
24 -Le 4 mai 1992, des membres de la division des opérations spéciales de
25 la DB ont arrêté cinq civils non serbes dans le village de Grabovac
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1 qu'ils ont emmenés et tués. Leurs corps ont ensuite été enterrés dans
2 le parc de Tikves. Le nom des victimes figure à l'annexe I du présent
3 Acte d'accusation.
4 Par les actes et omissions en relation avec les faits visés aux
5 paragraphes 39 à 49, Slobodan Milosevic s'est rendu coupable de:
6 -Chef 2: Extermination, un crime contre l'humanité, sanctionné par les
7 Articles 5b), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
8 Par les actes et omissions en relation avec tous les faits visés aux
9 paragraphes 39 à 59, Slobodan Milosevic s'est rendu coupable de:
10 -Chef 3: Assassinat, un crime contre l'humanité, sanctionné par les
11 Articles 5a), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
12 -Chef 4: Meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre,
13 reconnue par l'Article 3-1) a) des Conventions de Genève de 1949 et
14 sanctionnée par les Articles 3, 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
15 Par les actes et omissions en relation avec tous les incidents visés
16 aux paragraphes 39 à 49 et 52 à 59, Slobodan Milosevic s'est rendu
17 coupable de:
18 -Chef 5: Homicide intentionnel, une infraction grave aux Conventions de
19 Genève de 1949, sanctionnée par les Articles 2a), 7-1) et 7-3) du
20 Statut du Tribunal.
21 -Chefs 6 à 13: détention illégale, emprisonnement, torture et actes
22 inhumains:
23 D'août 1991 à mars 1992, Slobodan Milosevic, agissant seul ou de
24 concert avec d'autres participants, connus et inconnus, à une
25 entreprise criminelle commune, a planifié, incité à commettre, ordonné,
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1 commis ou, de toute autre manière, aidé et encouragé à planifier,
2 préparer ou exécuter la détention illégale ou l'emprisonnement dans des
3 conditions inhumaines de la population civile croate et d'autres
4 populations civiles non serbes sur le territoire de la SAO SBSO, de la
5 SAO de Slavonie occidentale, de la SAO de Krajina et de la République
6 de Dubrovnik.
7 Les forces militaires serbes, composées des unités de la JNA, de la TO
8 et d'unités volontaires, agissant en collaboration avec le personnel de
9 la police serbe et de la police locale, ainsi qu'avec les autorités
10 locales serbes, ont arrêté et détenu des milliers de civils croates et
11 autres civils non serbes originaires des territoires mentionnés, dans
12 les centres de détention de courte et longue durée énumérés ci-dessous:
13 a. Magasin de Morinje au Monténégro, géré par la JNA, comptant environ
14 320 détenus.
15 b. Caserne militaire de Kumbor au Monténégro, centre de détention de
16 transit géré par la JNA, qui accueillait également des dizaines de
17 détenus pour de longues périodes.
18 c. Caserne militaire de Bileca en Bosnie-Herzégovine, gérée par la JNA,
19 comptant environ 100 détenus.
20 d. Exploitation agricole Stajicevo en Serbie, gérée par la JNA,
21 comptant environ 1.700 détenus.
22 e. Caserne militaire de Begejci en Serbie, gérée par la JNA, comptant
23 environ 260 détenus.
24 f. Caserne militaire de Zrenjanin en Serbie, gérée par la JNA, comptant
25 des dizaines de détenus.
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1 g. Prison militaire Sremska Mitrovica en Serbie, gérée par la JNA,
2 comptant des centaines de détenus.
3 h. Prison de Knin, SAO de Krajina, gérée par la JNA, comptant environ
4 150 détenus.
5 i. Ancien hôpital de Knin, SAO de Krajina, gérée par la "Milice de
6 Matic", comptant environ 120 détenus.
7 j. Bâtiments de la police et hangar situé à côté de la gare ferroviaire
8 de Dalj, SAO SBSO, gérés par la JNA et la TO, comptant des centaines de
9 détenus.
10 k. Bâtiment Zadruga à Lovas, SAO SBSO, géré par des membres de la TO et
11 l'unité des volontaires Dusan Silni, comptant environ 70 détenus.
12 l. Centre de formation de la TO d'Erdut, également appelé base
13 militaire d'"Arkan", SAO SBSO, géré par des membres de la TO et les
14 "Tigres d'Arkan", comptant environ 52 détenus.
15 m. Ferme agricole Ovcara, près de Vukovar, SAO SBSO, gérée par la JNA,
16 comptant environ 300 détenus.
17 n. Entrepôt de Velepromet, près de Vukovar, SAO SBSO, géré par la JNA,
18 comptant une centaine de détenus.
19 o. Prison militaire de Sid, SAO SBSO, gérée par la JNA, comptant une
20 centaine de détenus.
21 p. Poste de police d'Opatovac, SAO SBSO, géré par la JNA, comptant des
22 dizaines de détenus.
23 q. Écurie ou atelier de Borovo Selo, SAO SBSO, géré(e) par des membres
24 de la milice et de la TO, comptant environ 80 détenus.
25 Les conditions de vie dans ces centres de détention étaient empreintes
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1 de brutalité et les traitements inhumains, la surpopulation, la famine,
2 le travail forcé, le manque de soins médicaux et les agressions
3 physiques et psychologiques permanentes, notamment les simulacres
4 d'exécution, la torture, les passages à tabac et les agressions
5 sexuelles y étaient de règle.
6 Par ces actes et omissions, Slobodan Milosevic s'est rendu coupable de:
7 -Chef 6: Emprisonnement, un crime contre l'humanité, sanctionné par les
8 Articles 5e), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
9 -Chef 7: Torture, un crime contre l'humanité, sanctionné par les
10 Articles 5f), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal international.
11 -Chef 8: Actes inhumains, un crime contre l'humanité, sanctionné par
12 les Articles 5i), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
13 -Chef 9: Détention illégale, une infraction grave aux Conventions de
14 Genève de 1949, sanctionnée par les Articles 2g), 7-1) et 7-3) du
15 Statut du Tribunal.
16 -Chef 10: Torture, une infraction grave aux Conventions de Genève de 1949,
17 sanctionnée par les Articles 2b), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
18 -Chef 11: Fait de causer intentionnellement de grandes souffrances, une
19 infraction grave aux Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les
20 Articles 2c), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
21 -Chef 12: Torture, une violation des lois ou coutumes de la guerre,
22 reconnue par l'Article 3-1) a) des Conventions de Genève de 1949 et
23 sanctionnée par les Articles 3, 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
24 -Chef 13: Traitement cruel, une violation des lois ou coutumes de la
25 guerre, reconnue par l'Article 3-1) a) des Conventions de Genève de 1949
Page 25
1 et sanctionnée par les Articles 3, 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
2 -Chef d'accusation 14 à 16: Expulsion, transfert forcé.
3 Du 1er août 1991 à mai 1992, Slobodan Milosevic, agissant seul ou de
4 concert avec d'autres participants, connus ou inconnus, à une entreprise
5 criminelle commune, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou, de
6 toute autre manière, aidé et encouragé la planification, la préparation ou
7 l'exécution des expulsions ou transferts forcés de la population civile
8 croate ou non serbe sur le territoire de la SAO SBSO, de la SAO de
9 Slavonie occidentale, de la SAO de Krajina et de la République de
10 Dubrovnik.
11 A cet effet, les forces serbes, composées des unités de la JNA, de la TO
12 et de volontaires, notamment les "Aigles Blancs", les "Hommes de Seselj",
13 "Dusan Silni" et les "Tigres d'Arkan", en collaboration avec des unités de
14 la police, notamment la "Police de Martic", la SNB et le MUP serbe, et
15 d'autres placées sous le contrôle effectif de Slobodan Milosevic ou
16 d'autres participants à l'entreprise criminelle commune, ont encerclé des
17 villes et villages croates et demandé à leurs habitants de remettre leurs
18 armes, y compris leurs fusils de chasse pour lesquels ils avaient un
19 permis. Puis les villes et villages ont été attaqués, y compris lorsque
20 les habitants avaient obtempéré. Le but était d'en chasser la population.
21 Après avoir pris le contrôle des villes et villages, les forces serbes
22 raflaient parfois les civils croates et non serbes restés sur place et les
23 transportaient de force dans des lieux en Croatie contrôlés par les
24 autorités croates, ou les expulsaient hors de Croatie, notamment en Serbie
25 et au Monténégro. En d'autres occasions, les forces serbes, en
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1 collaboration avec les autorités serbes locales, ont pris des mesures
2 restrictives et discriminatoires à l'encontre de la population non serbe,
3 et ont lancé une campagne de terreur destinée à la chasser du territoire.
4 La majorité des non-Serbes qui restaient a été ensuite expulsée ou
5 transférée de force.
6 Selon un recensement effectué en 1991, la population croate et non serbe
7 de ces régions se montait approximativement:
8 -dans la SAO de Krajina: à 28% de Croates (70.708 habitants), 5% d'autres
9 non-Serbes (13.101 habitants);
10 -dans la SAO de Slavonie occidentale: 29% de Croates (6.864 habitants),
11 11% d'autres non-Serbes (2.577 habitants);
12 -dans la SAO SBSO et Srem occidentale: 47% de Croates (soit 90.454
13 habitants), 21% d'autres non-Serbes (soit 40.217 habitants).
14 Pratiquement tous les Croates et les non-Serbes de ces régions ont été
15 déplacés de force, expulsés ou tués. Selon le recensement effectué en
16 1991, la République de Dubrovnik comptait environ 82% de Croates (soit
17 58.836 habitants) et 11% d'autres non-Serbes (soit 7.818 habitants).
18 L'entreprise criminelle commune n'a pas atteint son objectif, qui était de
19 déplacer de force, d'expulser ou de tuer tous les Croates et autres non-
20 Serbes de la République de Dubrovnik.
21 Par ces actes et omissions, Slobodan Milosevic a commis:
22 -Chef d'accusation 14: Expulsion, un crime contre l'humanité, sanctionné
23 par les Articles 5d), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
24 -Chef d'accusation 15: Actes inhumains, transfert forcé, un crime contre
25 l'humanité, sanctionné par les Articles 5i), 7-1) et 7-3) du Statut du
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1 Tribunal.
2 -Chef d'accusation 16: Expulsion ou transfert illégal, une infraction
3 grave aux Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les Articles 2g),
4 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal."
5 M. le Président (interprétation): Je crois que le moment est venu de faire
6 une pause.
7 Nous suspendons donc pendant vingt minutes.
8 J'ajouterai que nous commencerons la conférence de mise en état demain
9 matin. Donc vingt minutes de suspension.
10 (L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25.)
11 M. le Président (interprétation): Nous poursuivons la lecture de l'Acte
12 d'accusation.
13 M. Cook (interprétation): "Chefs d'accusation 17 à 20 (Destruction sans
14 motif, pillage de biens publics ou privés)
15 Du 1er août 1991 à mai 1992, Slobodan Milosevic, agissant seul ou de
16 concert avec d'autres participants, connus ou inconnus, à une entreprise
17 criminelle commune, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou, de
18 toute autre manière, aidé et encouragé la planification, la préparation ou
19 l'exécution de destructions sans motif et de pillages de biens publics ou
20 privés appartenant à la population croate ou non serbe, sur le territoire
21 de la SAO SBSO, de la SAO de Slavonie occidentale et de la SAO de Krajina,
22 actes que ne justifiaient pas les exigences militaires. Ont été ainsi
23 détruits et pillés des maisons et édifices religieux et culturels, dans
24 les villes et villages suivants:
25 a. SAO SBSO, d'août à octobre 1991: villes et villages de Dalj, Celija,
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1 Vukovar, Erdut, Lovas, Sarengrad, Bapska et Tovarnik.
2 b. SAO de Slavonie occidentale, d'août à décembre 1991: ville de Vocin.
3 c. SAO de Krajina, d'août à décembre 1991: villes et villages de Saborsko,
4 Skabrnja, Nadin et Bruska.
5 Par ces actes et omissions, Slobodan Milosevic a commis:
6 -Chef d'accusation 17: Destruction et appropriation de biens non
7 justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande
8 échelle de façon illicite et arbitraire, une infraction grave aux
9 Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les Articles 2d), 7-1) et
10 7-3) du Statut du Tribunal.
11 -Chef d'accusation 18: Destruction sans motif des villages ou dévastation
12 non justifiées par les exigences militaires, une violation des lois ou des
13 coutumes de la guerre, sanctionnée par les Articles 3b), 7-1) et 7-3) du
14 Statut du Tribunal.
15 -Chef d'accusation 19: Destruction ou endommagement délibéré d'édifices
16 consacrés à la religion et à l'éducation, une violation des lois ou des
17 coutumes de la guerre, sanctionnée par les Articles 3d), 7-1) et 7-3) du
18 Statut du Tribunal.
19 -Chef d'accusation 20: Pillage de biens publics et privés, une violation
20 des lois ou des coutumes de la guerre, sanctionnée par les Articles 3e),
21 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
22 Dubrovnik:
23 -Chefs d'accusation 21 à 27 (assassinat, homicide intentionnel, fait de
24 causer intentionnellement de grandes souffrances, traitements cruels,
25 attaques contre des civils).
Page 29
1 Du 1er octobre au 7 décembre 1991, Slobodan Milosevic, agissant seul ou de
2 concert avec d'autres participants, connus ou inconnus, à une entreprise
3 criminelle commune, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou, de
4 toute autre manière, aidé et encouragé la planification, la préparation ou
5 l'exécution d'une campagne militaire contre la ville de Dubrovnik et ses
6 environs afin d'en chasser la population non serbe.
7 Durant cette période, des forces serbes comprenant des unités terrestres,
8 aériennes et navales de la JNA, des unités de la TO et de volontaires et
9 des unités de la police serbe et monténégrine subordonnées à la JNA et
10 placées sous le contrôle effectif de Slobodan Milosevic ainsi que d'autres
11 participants à l'entreprise criminelle commune, notamment Momir Bulatovic,
12 ont lancé une offensive militaire de grande envergure contre les régions
13 côtières de la Croatie situées entre la ville de Neum (Bosnie-
14 Herzégovine), au nord-ouest, et la frontière avec le Monténégro, au sud-
15 est. L'objectif des forces serbes était de détacher ces régions de la
16 Croatie pour les rattacher au Monténégro. Alors que les forces serbes
17 s'emparaient en l'espace de deux semaines du territoire au sud-est et au
18 nord-ouest de la ville de Dubrovnik, la ville elle-même était en butte à
19 des attaques pendant toute la période visée par cet acte d'accusation.
20 Au cours de la campagne illégale de bombardements menée sur une grande
21 échelle depuis les hauteurs surplombant Dubrovnik à l'est et au nord, et
22 offrant une vue dégagée sur la ville et ses environs, et depuis les
23 navires de la JNA situés au large, 43 civils croates ont été tués et
24 beaucoup d'autres, blessés.
25 Les différents bombardements et les noms des civils tués figurent à
Page 30
1 l'annexe II du présent Acte d'accusation.
2 Par ces actes et omissions, Slobodan Milosevic a commis:
3 -Chef d'accusation 21: Assassinat, un crime contre l'humanité, sanctionné
4 par les Articles 5a), 7-1) et 73) du Statut du Tribunal.
5 -Chef d'accusation 22: Homicide intentionnel, une infraction grave aux
6 Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les Articles 2a), 7-1) et
7 7-3) du Statut du Tribunal.
8 -Chef d'accusation 23: Assassinat, une violation des lois ou des coutumes
9 de la guerre, reconnue par l'Article 3-1)a) commun aux Conventions de
10 Genève de 1949 et sanctionnée par les Articles 3, 7-1) et 7-3) du Statut
11 du Tribunal.
12 -Chef d'accusation 24: Actes inhumains, un crime contre l'humanité,
13 sanctionné par les Articles 5i), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
14 -Chef d'accusation 25: Le fait de causer intentionnellement de grandes
15 souffrances, une infraction grave aux conventions de Genève de 1949,
16 sanctionnée par les Articles 2c), 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
17 -Chef d'accusation 26: Traitements cruels, une violation des lois ou des
18 coutumes de la guerre, reconnue par l'Article 3-1) a) commun aux
19 Conventions de Genève de 1949, et sanctionnée par les articles 3, 7-1) et
20 7-3) du Statut du Tribunal.
21 -Chef d'accusation 27: Attaques contre des civils, une violation des lois
22 ou des coutumes de la guerre, reconnue par l'Article 51-2) du Protocole
23 additionnel I et l'Article 13-2) du Protocole additionnel II aux
24 Conventions de Genève de 1949, et sanctionnée par les Articles 3, 7-1) et
25 7-3) du Statut du Tribunal.
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1 Chefs d'accusation 28 À 32 (Destruction sans motif, pillage de biens
2 publics ou privés).
3 Du 1er octobre au 7 décembre 1991, au cours de ces mêmes bombardements,
4 Slobodan Milosevic, agissant seul ou de concert avec d'autres
5 participants, connus ou inconnus, à une entreprise criminelle commune, a
6 planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou, de toute autre manière,
7 aidé et encouragé la planification, la préparation ou l'exécution de la
8 destruction sans motif ou de l'endommagement délibéré et du pillage de
9 biens publics ou privés appartenant à des Croates et autres non-Serbes
10 dans la République de Dubrovnik. Ont été ainsi détruits, endommagés ou
11 pillés des maisons, des édifices religieux, historiques ou culturels, et
12 d'autres bâtiments civils publics ou privés, sans que cela soit justifié
13 par des nécessités militaires.
14 Au cours de cette campagne de bombardements, quelque 1.000 obus tirés par
15 les forces serbes ont atteint la Vieille ville de Dubrovnik, inscrite dans
16 son ensemble au Patrimoine culturel mondial par l'UNESCO. Sur un certain
17 nombre d'édifices de la Vieille ville et sur les tours des murs d'enceinte
18 était apposé l'emblème imposé par la Convention de La Haye pour la
19 protection des biens culturels en cas de conflit armé datant de 1954.
20 Aucune cible militaire ne se trouvait sur les remparts ou dans l'enceinte
21 de la Vieille ville.
22 Pendant le bombardement de Dubrovnik du 8 au 13 novembre 1991, des
23 édifices de la Vieille ville ont été endommagés, ainsi que des hôtels
24 abritant des réfugiés et d'autres constructions civiles dans d'autres
25 quartiers de la ville.
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1 Pendant le bombardement de Dubrovnik, le 6 décembre 1991, au moins six
2 édifices de la Vieille ville ont été complètement détruits et des
3 centaines d'autres endommagés. Des hôtels abritant des réfugiés et
4 d'autres constructions civiles ont été sérieusement endommagés ou détruits
5 dans d'autres quartiers de Dubrovnik, notamment dans le quartier dans ceux
6 de Lapad et Babin Kuk.
7 En octobre 1991, les forces serbes ont pris le contrôle des villes et
8 villages croates de Konavle, Zupa Dubravacka et Primorje, dans les
9 environs de la ville de Dubrovnik. Au lendemain de cette prise de
10 contrôle, du 2 au 24 octobre 1991, les troupes de la JNA ont pillé
11 systématiquement les biens publics, commerciaux et privés dans les villes
12 et villages de Brgat, Cilipi, Dubravka, Gruda, Mocici, Osojnik, Slano,
13 Donja Ljuta, Popovici, Mihanici, Drivenik, Konavle, Plat, Cepikuce,
14 Uskoplje, Gabrili, Pridvoje, Molunat, Donja Cibaca, Karasovici et
15 Zvekovica. La plupart de ces biens ont été transportés au Monténégro dans
16 des véhicules militaires de la JNA. La JNA a par la suite pris des mesures
17 pour localiser et entretenir les biens pillés.
18 Les troupes de la JNA ont également détruit systématiquement les édifices
19 publics, commerciaux et religieux, ainsi que des maisons particulières
20 dans les villes et villages susmentionnés. Cette destruction est survenue
21 après la fin des combats, alors que la JNA s'était déjà assurée le
22 contrôle de ces zones.
23 Par ces actes et omissions, Slobodan Milosevic a commis:
24 -Chef d'accusation 28: Destruction et appropriation de biens non
25 justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande
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1 échelle de façon illicite et arbitraire, une infraction grave aux
2 Conventions de Genève de 1949, sanctionnée par les Articles 2d), 7-1) et
3 7-3) du Statut du Tribunal.
4 -Chef d'accusation 29: Destruction sans motif des villes et des villages
5 ou dévastation non justifiée par les exigences militaires, une violation
6 des lois ou des coutumes de la guerre, sanctionnée par les Articles 3b),
7 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
8 -Chef d'accusation 30: Destruction ou endommagement délibéré d'édifices
9 consacrés à l'enseignement ou à la religion, une violation des lois ou des
10 coutumes de la guerre, sanctionnée par les Articles 3d), 7-1) et 7-3) du
11 Statut du Tribunal.
12 -Chef d'accusation 31: Pillage de biens publics ou privés, une violation
13 des lois ou des coutumes de la guerre, sanctionnée par les Articles 3e),
14 7-1) et 7-3) du Statut du Tribunal.
15 -Chef d'accusation 32: Attaques illicites sur des biens de caractère
16 civil, une violation des lois ou des coutumes de la guerre, reconnue par
17 l'Article 52-1) du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de
18 1949 et au droit coutumier, et sanctionnée par les articles 3, 7-1) et 7-
19 3) du Statut du Tribunal.
20 Allégations générales:
21 Tous les actes et omissions rapportés dans cet Acte d'accusation sont
22 survenus entre le 1er août 1991 et juin 1992 sur le territoire de l'ex-
23 Yougoslavie.
24 Entre le 1er août 1991 au moins et juin 1992 au moins, la Croatie était le
25 théâtre d'un conflit armé. Jusqu'au 7 octobre 1991, ce conflit armé était
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1 de nature interne. A partir du 8 octobre 1991, la République de Croatie
2 était le théâtre d'un conflit armé international et était partiellement
3 occupée.
4 Tous les actes et omissions qualifiés d'infractions graves aux Conventions
5 de Genève de 1949 se sont produits durant ce conflit armé international et
6 cette occupation partielle.
7 A toutes les époques concernées par le présent Acte d'accusation, les
8 victimes d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 étaient
9 toutes des personnes protégées au sens des Conventions de Genève
10 applicables.
11 Tous les actes et omissions relatifs à la destruction de biens qualifiés
12 d'infractions graves aux Conventions de Genève de 1949 concernaient des
13 "biens protégés" au sens des dispositions pertinentes des Conventions de
14 Genève.
15 A toutes les époques concernées par le présent Acte d'accusation, Slobodan
16 Milosevic était tenu de se conformer aux lois ou coutumes régissant les
17 conflits armés, notamment aux Conventions de Genève de 1949 et à leurs
18 Protocoles additionnels.
19 Tous les actes et omissions qualifiés de crimes contre l'humanité
20 s'inscrivaient dans le cadre d'une offensive systématique et de grande
21 ampleur dirigée contre la population civile croate et non serbe de grandes
22 zones de la Croatie.
23 -Faits additionnels:
24 La République de Croatie, anciennement une des six républiques de la RSFY,
25 est située au sud-est de l'Europe, et est limitrophe de la Slovénie et de
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1 la Hongrie au nord et au nord-est, et de la République fédérale de
2 Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine à l'est et au sud.
3 Les territoires de la SAO SBSO, de la SAO de Slavonie occidentale, de la
4 SAO de Krajina et de la République de Dubrovnik sont indiqués à l'annexe
5 III.
6 Selon les résultats du recensement effectué en 1991, la République de
7 Croatie comptait 4.784.265 habitants, dont 3.736.356 (78,1%) Croates,
8 581.663 (12,2%) Serbes, 43.469 (0,9%) Musulmans, 22.355 (0,5%) Hongrois,
9 106.041 (2,2%) Yougoslaves, et 294.381 (6,1%) autres ou non déclarés.
10 En avril et en mai 1990, la République de Croatie a organisé des
11 élections; le HDZ (Union démocratique croate) a obtenu la majorité
12 relative des voix et la majorité des sièges au Parlement (Sabor) croate.
13 Le nouveau Sabor a ensuite élu le candidat du HDZ, Franjo Tudjman, à la
14 présidence de la Croatie.
15 Dans la perspective des élections de 1990, le Parti nationaliste serbe
16 (SDS) a été fondé à Knin; il militait pour l'autonomie puis la sécession
17 des régions croates à majorité serbe.
18 Entre le 19 août et le 2 septembre 1990, les Serbes de Croatie ont
19 organisé un référendum sur la question de "la souveraineté et de
20 l'autonomie" serbes en Croatie. Le référendum a eu lieu dans des régions
21 de Croatie à majorité serbe et ne pouvaient y prendre part que les
22 électeurs serbes. Les Croates qui vivaient dans les régions concernées ne
23 pouvaient y participer. Une majorité écrasante des votants s'est prononcée
24 en faveur de l'autonomie serbe. Le 30 septembre 1990, le Conseil national
25 serbe, présidé par Milan Babic, a proclamé l'autonomie de la population
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1 serbe sur les territoires ethniques et historiques sur lesquels elle
2 vivait et qui étaient à l'intérieur des frontières de la République de
3 Croatie, unité fédérale de la République socialiste fédérative de
4 Yougoslavie.
5 Le 21 décembre 1990, les Serbes de Croatie ont annoncé à Knin la création
6 d'une "Région autonome serbe" et proclamé leur indépendance vis-à-vis de
7 la Croatie. Des conflits ont opposé les Serbes aux forces de police
8 croates tout au long du printemps 1991.
9 En mars 1991, le conflit s'est intensifié lorsque les forces de police
10 serbes ont essayé de consolider leur pouvoir dans les régions où vivait
11 une importante communauté serbe. La police serbe, dirigée par Milan
12 Martic, a pris le contrôle d'un poste de police à Pakrac, et des
13 affrontements ont eu lieu lorsque le gouvernement croate a tenté de
14 rétablir son autorité dans la région. A Plitvice, un autocar transportant
15 des policiers croates a été attaqué par des Serbes et d'autres
16 affrontements ont eu lieu. La JNA a déployé des troupes dans la région et
17 lancé un ultimatum à la police croate pour que cette dernière se retire de
18 Plitvice.
19 En mars 1991, la présidence collégiale de la RSFY s'est trouvée dans une
20 impasse sur plusieurs questions, notamment l'institution de l'état
21 d'urgence en Yougoslavie. Les représentants de la présidence de la
22 République de Serbie, de la République du Monténégro, de la Province
23 autonome de la Voïvodine et de la Province autonome du Kosovo-Metohija ont
24 tous démissionné de leurs postes. Dans un discours télévisé, Slobodan
25 Milosevic, en sa qualité de Président de la République de Serbie, a
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1 déclaré, le 16 mars 1991, que la Yougoslavie appartenait au passé et que
2 désormais, la Serbie n'était plus liée par les décisions de la présidence
3 fédérale.
4 Le 19 mai 1991, la Croatie a organisé un référendum; la population s'est
5 prononcée à une majorité écrasante pour l'indépendance de la Croatie. Le
6 25 juin 1991, la Croatie et la République de Slovénie ont proclamé leur
7 indépendance. Le 25 juin 1991, la JNA a entrepris de mettre fin à la
8 sécession de la Slovénie.
9 La Communauté européenne a tenté de jouer un rôle de médiateur dans le
10 conflit. Le 8 juillet 1991 a été conclu un accord selon lequel la Croatie
11 et la Slovénie ont convenu que leur indépendance ne deviendrait réalité
12 que 90 jours plus tard, soit le 8 octobre 1991. Le 15 janvier 1992, la
13 Communauté européenne a finalement reconnu la Croatie en tant qu'Etat
14 indépendant et, le 22 mai 1992, la Croatie est devenue membre des Nations
15 Unies.
16 Le 18 juillet 1991, la présidence fédérale, avec l'appui des gouvernements
17 serbe et monténégrin, et du général Veljko Kadijevic, a voté en faveur du
18 retrait de la JNA de Slovénie, acceptant ainsi sa sécession et la
19 dissolution de la RSFY.
20 Les appels lancés par Slobodan Milosevic en faveur de l'union de tous les
21 Serbes dans un seul Etat coïncidaient avec ceux faisant campagne pour la
22 création d'une "Grande Serbie". Les Serbes de la région de la Krajina, de
23 Knin, de la Slavonie orientale et de la Slavonie occidentale ont commencé
24 à bénéficier d'un soutien de plus en plus marqué de la part du
25 gouvernement de la République de Serbie. En août 1991, les volontaires et
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1 les forces de police serbes de ces régions étaient approvisionnés et
2 dirigés par des représentants officiels du ministère de l'Intérieur de la
3 République de Serbie.
4 Dans la région de Knin, les forces de la JNA commençaient à aider
5 ouvertement les forces de police serbes dirigées par Milan Martic. Elles
6 ont conjointement participé à une attaque contre le village croate de
7 Kijevo en août 1991. Durant les mois d'août et de septembre 1991,
8 d'importantes régions de Croatie sont passées sous contrôle serbe suite à
9 des actions menées par les militaires, volontaires et forces de police
10 serbes, avec le soutien de la JNA.
11 Dans les régions de la Dalmatie du Nord, de Lika, de Kordun, de Banija, de
12 la Slavonie occidentale et de Baranja qui étaient occupées par les Serbes,
13 la population croate et les autres populations non serbes ont été
14 systématiquement expulsées et ces régions ont été rattachées aux diverses
15 "Régions autonomes serbes". La JNA est restée déployée dans les régions
16 dont les insurgés serbes avaient pris le contrôle, préservant ainsi les
17 acquis.
18 En août 1991, la JNA a mené des opérations contre des villes en Slavonie
19 orientale; celles-ci ont été en fin de compte occupées par la JNA et
20 d'autres forces serbes. La population croate et non serbe de ces régions a
21 été expulsée par la force. Fin août, la JNA a assiégé la ville de Vukovar.
22 A la mi-octobre 1991, toutes les villes de Slavonie orientale à majorité
23 croate étaient aux mains des forces serbes, à l'exception de Vukovar. Les
24 non-Serbes étaient soumis à un régime d'occupation brutal marqué par les
25 persécutions, les meurtres, les tortures et autres actes de violence.
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1 Presque toute la population non serbe a fini par être tuée ou expulsée par
2 la force des zones occupées.
3 Le siège de Vukovar s'est poursuivi jusqu'au 18 novembre 1991, date à
4 laquelle la ville est tombée aux mains des forces serbes. Au cours de ce
5 siège de trois mois, la ville a été en grande partie détruite par les
6 bombardements de la JNA et des centaines de personnes ont été tuées. Alors
7 que la JNA voit les forces serbes occuper la ville, des centaines de
8 Croates ont été tués par les troupes serbes. Les autres habitants non
9 serbes de la ville ont été expulsés quelques jours après que les Serbes en
10 eurent pris le contrôle.
11 A Genève, le 23 novembre 1991, Slobodan Milosevic, le Secrétaire fédéral à
12 la Défense populaire Veljko Kadijevic et Franjo Tudjman ont signé un
13 accord, sous les auspices de l'envoyé spécial des Nations Unies, Cyrus
14 Vance. Cet accord prévoyait le retrait des forces croates encerclant les
15 casernes de la JNA, ainsi que celui des forces de la JNA de la Croatie.
16 Les deux parties se sont engagées, au nom des unités placées sous leur
17 commandement, contrôle ou influence politique, à observer un cessez-le-feu
18 immédiat en Croatie; elles se sont également engagées à veiller à ce que
19 toutes les unités paramilitaires ou irrégulières associées à leurs forces
20 observent, elles aussi, le cessez-le-feu.
21 Le 3 janvier 1992, un autre accord de cessez-le-feu a été signé par Franjo
22 Tudjman et Slobodan Milosevic, ouvrant la voie à la mise en œuvre du plan
23 de paix des Nations Unies présenté par Cyrus Vance. En application de ce
24 plan, quatre zones protégées par les Nations Unies ont été instituées dans
25 les zones occupées par les forces serbes. Le Plan Vance prévoyait le
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1 retrait de la JNA de Croatie et le retour des personnes déplacées dans les
2 zones protégées par les Nations Unies. Bien que la JNA se soit
3 officiellement retirée de Croatie en mai 1992, une grande partie de son
4 armement et de ses effectifs étaient restés dans les zones sous contrôle
5 serbe et ont été remis à la "police" de la République serbe de Krajina
6 (RSK). Les personnes déplacées n'ont pas été autorisées à rentrer chez
7 elles et les quelques Croates et autres non-Serbes qui étaient restés dans
8 les zones sous contrôle serbe en ont été expulsés au cours des mois
9 suivants. Le territoire de la RSK est resté occupé par les Serbes jusqu'à
10 ce que les forces croates en reprennent une grande partie à la faveur de
11 deux opérations lancées en 1995. La zone qui était restée sous contrôle
12 serbe en Slavonie orientale a été réintégrée pacifiquement à la Croatie en
13 1998.
14 La RSFY a existé en tant qu'État souverain jusqu'au 27 avril 1992, date à
15 laquelle a été adoptée la Constitution de la République fédérale de
16 Yougoslavie, en remplacement de la Constitution de la République
17 socialiste fédérative de Yougoslavie de 1974."
18 M. le Président (interprétation): Merci.
19 Slobodan Milosevic, le moment est venu pour vous de dire comment vous
20 allez plaider par rapport aux chefs d'accusation contenus dans cet Acte
21 d'accusation. Je vous présenterai donc les chefs d'accusation et je vous
22 prie de bien vouloir répondre coupable ou non coupable par rapport à
23 chacun de ces chefs d'accusation. Si vous ne le faites pas, nous
24 considèrerons que vous votez non coupable.
25 (Protestation de l'accusé.)
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1 Chefs d'accusation 1: persécution pour des raisons politiques, raciales ou
2 religieuses, un crime contre l'humanité, sanctionné par les Articles 5h)
3 et 7 du Statut du Tribunal.
4 Que plaidez-vous? Coupable ou non coupable?
5 M. Milosevic (interprétation): Cet Acte d'accusation fait un criminel de
6 celui qui a été victime du peuple serbe. Il est absurde d'accuser le
7 peuple serbe et la Serbie pour la sécession armée de la Croatie qui a
8 occasionné une guerre civile, des conflits, des souffrances de la
9 population civile. L'Acte d'accusation vient de démentir le décédé chef
10 d'Etat croate, M. Tudjman, qui dans son message au peuple croate a dit
11 que…
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous vous avons dit
13 les choses tout à fait clairement. Ce n'est pas l'heure des discours,
14 c'est le moment de dire ce que vous allez plaider.
15 Vous ne l'avez pas fait et le fait que vous ne l'ayez pas fait signifie
16 que c'est le Tribunal qui va déterminer à votre place ce que vous allez
17 plaider.
18 Le Tribunal considère donc que vous plaidez non coupable sur tous les
19 chefs d'accusation de cet Acte d'accusation.
20 Nous levons maintenant l'audience jusqu'à 9 heures 30 demain matin.
21 (L'audience est levée à 17 heures.)
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