Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 16 avril 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 3.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, c'est à vous.

6 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

7 avant que je ne fasse entrer dans le prétoire le témoin suivant de

8 l'accusation, je souhaiterais que vous me permettiez de traiter d'une

9 question d'intendance relative à un de mes derniers témoins.

10 J'ai interrogé M. Loku et il s'est posé certaines questions pendant le

11 contre-interrogatoire -et c'est Me Tapuskovic qui les a posées- au sujet

12 d'une liasse de photographies sur un trou sur la montagne. Il est possible

13 que le feuillage ait empêché de voir clairement de quoi il s'agissait.

14 Nous avons promis, à l'époque, de fournir les photographies en question,

15 mais, pour une raison ou pour une autre, ceci n'a pas encore été versé au

16 dossier. Je me propose de le faire tout de suite.

17 M. le Président (interprétation): Bien. Il faudrait nous rappeler quelle

18 serait la bonne cote à attribuer à cette pièce.

19 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que nous avons une cote?

20 M. le Président (interprétation): Peut-être est-ce que cela n'est pas

21 d'une priorité extrême.

22 M. Ryneveld (interprétation): Les originaux se sont vu attribuer la cote

23 56 et 57. Peut-être pourrait-on choisir la cote 57A.

24 M. le Président (interprétation): Bien. 57A.

25 M. Ryneveld (interprétation): Ceci étant réglé, nous appelons à la barre

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1 M. Richard Ciaglinski: C-I-A-G-L-I-N-S-K-I.

2 M. le Président (interprétation): Et la prononciation, c'est Cianglinski?

3 M. Ryneveld (interprétation): Effectivement, c'est Cianglinski. Je ne sais

4 pas trop d'où vient ce N, mais en tout cas, c'est la manière dont on

5 prononce la chose.

6 (Le témoin, M. Richard Ciaglinski, est introduit dans le prétoire.)

7 M. le Président (interprétation): Je vais demander au Témoin de prononcer

8 la déclaration solennelle.

9 M. Ciaglinski (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

12 M. Ciaglinski (interprétation): Merci.

13 M. le Président (interprétation): Allez-y, Monsieur Ryneveld.

14 (Interrogatoire principal du témoin, M. Richard Ciaglinski, par M.

15 Ryneveld.)

16 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur le Témoin, vous êtes en ce moment colonel dans l'armée

18 britannique et, en ce moment, vous êtes attaché de défense à Sofia, en

19 Bulgarie, n'est-ce pas?

20 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

21 Question: Est-il exact qu'à partir du 5 décembre 1998 jusqu'au 23 mars

22 1999 environ, vous avez servi dans les rangs de l'OSCE au Kosovo?

23 Réponse: Oui, en tant que membre de la Mission de vérification du Kosovo.

24 Question: Et très rapidement, nous allons passer en revue votre parcours

25 professionnel. Et si j'ai bien compris, vous avez rejoint les rangs des

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1 forces armées britanniques en août 1974. Vous avez suivi les cours de

2 l'académie militaire de Sandhurst; vous en avez été diplômé, vous avez été

3 nommé officier en mai 1975?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Et de 1994 à 1997, vous avez été attaché militaire britannique

6 en Pologne?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Et vous avez eu une licence à mathématique, une maîtrise en

9 science de l'éducation, vous êtes interprète en polonais?

10 Réponse: Oui, effectivement. Je possède tous ces diplômes et je suis

11 interprète de langue polonaise.

12 Question: Et ceci est particulièrement pertinent s'agissant des questions

13 que je vais vous poser ultérieurement.

14 Vous avez suivi un grand nombre de cours dans le domaine de l'art

15 militaire, en particulier en ce qui concerne le domaine de la

16 reconnaissance des armements?

17 Réponse: Oui, c'est exact.

18 Question: Est-il également exact, Monsieur, que vous avez commencé à

19 travailler au sein de la KVM le 5 décembre 1998, à Pristina, dans le cadre

20 de l'état-major du général de brigade Drewienkiewicz?

21 Réponse: Oui, je suis arrivé le 5 décembre, j'ai suivi une formation

22 pendant deux ou trois jours; ensuite, je me suis joint au personnel et aux

23 assistants du général DZ.

24 Question: Et quand vous parlez du général DZ, je suppose que vous parlez

25 du général Drewienkiewicz? C'est exact?

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1 Réponse: Oui, c'est exact, mais ça permet de gagner du temps.

2 Question: Monsieur, pendant que vous étiez dans la région, est-ce que vous

3 avez été chargé d'un aspect bien particulier de la mission de

4 vérification?

5 Réponse: Oui, effectivement. En raison de l'expérience que j'avais, en

6 tant qu'attaché militaire, et vu le travail que j'avais accompli dans le

7 cadre des forces armées britanniques, le général Drewienkiewicz m'a

8 demandé de me joindre à cette mission pour travailler dans l'équipe

9 chargée la reconnaissance des armements et de la vérification de ces mêmes

10 armements.

11 Question: Vous avez accepté de travailler à cette tâche. J'aimerais savoir

12 quelles étaient vos activités?

13 Réponse: Eh bien, mon travail consistait à mettre au point une méthode

14 d'inspection pour vérifier que les accords ou que l'accord qui avait été

15 conclu était bien respecté: à savoir que les hommes restaient bien dans

16 leur caserne, les blindés dans leur caserne et que les armes d'un certain

17 calibre se trouvaient effectivement dans les casernes.

18 Question: Vous parlez d'accord et de respect de ces accords, à quel accord

19 faites-vous référence?

20 Réponse: Il y avait deux accords principaux, il y avait un accord qui nous

21 permettait de fonctionner sur place. Je crois qu'on parlait d'un accord

22 général qui a été l'Accord Holbrooke, en fait il avait été signé par M.

23 Geremek, Chef de l'OSCE et qui précisait les effectifs de la KVM, les

24 effectifs de nos forces, nos responsabilités que nous avions en matière de

25 vérification.

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1 Question: Et est-ce que c'est sur la base de cet accord que vous avez mené

2 à bien votre travail dans le cadre de cette mission.

3 Réponse: Oui, sur la base de ceci et sur la base du document Sean Burns

4 qui était un peu plus précis, qui précisait par exemple le nombre de

5 patrouilles du MUP.

6 Question: Je vais demander à la Greffière d'audience de bien vouloir nous

7 communiquer la pièce 94, intercalaire n°3.

8 (Intervention de l'huissier.)

9 Monsieur le Témoin, je vais vous demander d'examiner ce document et de

10 nous dire s'il s'agit bien de l'accord dont vous nous avez parlé?

11 Réponse: Oui, effectivement.

12 Question: Et est-ce que vous vous référiez à votre document pendant votre

13 mission?

14 Réponse: Oui, j'ai conservé ce document dans ma poche pendant toute la

15 durée de mon séjour au Kosovo.

16 Question: Deuxièmement, je ne sais pas s'il est nécessaire de le placer

17 sur le rétroprojecteur, je crois que ceci a déjà été fait lors du

18 témoignage du précédent témoin. Peut-être pourrons-nous revenir à ce

19 document si cela s'avère nécessaire.

20 Vous avez parlé d'un deuxième document, je souhaiterais que l'on présente

21 au Témoin l'intercalaire n°4 de la pièce 94.

22 Et si vous reconnaissez effectivement ce document, Monsieur le Témoin, je

23 pense qu'il conviendra de le placer sur le rétroprojecteur.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 En premier lieu, est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur le

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1 Témoin?

2 Réponse: Oui.

3 Question: Est-ce que c'est le document dont vous nous avez parlé en disant

4 qu'il s'agissait du document Sean Burns?

5 Réponse: Indéniablement.

6 Question: Et est-ce que vous vous êtes référé à ce document pendant votre

7 mission?

8 Réponse: Oui, pendant la totalité de mon séjour.

9 Question: Et quels étaient les points de ce document qui touchaient

10 particulièrement à votre travail?

11 Réponse: C'était très important parce que les vérifications se passaient

12 en fonction des accords et nous essayions de faire en sorte que les deux

13 parties en présence respectent l'accord. Et ce qui était important,

14 c'était que le nombre de patrouilles du MUP soit celui qui figurait dans

15 ce document. Sinon il aurait été impossible de se déplacer au Kosovo, il y

16 aurait eu tant de points de contrôle que personne n'aurait pu circuler

17 dans cette région. C'est donc ici l'aspect essentiel de ce document,

18 puisqu'il limite le nombre de patrouilles du MUP et il limite le nombre de

19 points de contrôle au Kosovo.

20 Question: Bien. En conséquence, est-ce que vous vous êtes rendu dans

21 diverses régions du Kosovo, dans le cadre de vos fonctions, pour vérifier

22 que les accords étaient respectés par les parties en présence?

23 Réponse: Oui. Ainsi, par exemple, nous avons essayé de vérifier ce qui se

24 passait dans les casernes et dans les sites occupés par la VJ. Nous avons,

25 à un moment donné de notre mission, procédé à des contrôles ad hoc et du

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1 nombre de sites occupés par le MUP pendant une période donnée.

2 Question: Monsieur le Témoin, vous savez que nous parlons la même langue,

3 si bien que ça risque de poser un certain nombre de problèmes aux

4 interprètes. Il faut donc y penser.

5 Réponse: Oui, désolé.

6 Question: Il faut attendre l'interprétation.

7 Est-ce que vous pouviez accéder sans aucune restriction aux sites du MUP

8 et de la VJ?

9 Réponse: Non, pas tout le temps.

10 Question: Pouvez-vous élaborer?

11 Réponse: Quand nous avons essayé de mener à bien nos premières missions de

12 vérification, il s'agissait d'une caserne à l'ouest de Pristina, nous

13 avons été menacés; on ne nous a pas permis d'entrer dans cette caserne. Et

14 ceci a duré un certain temps. Il s'agissait de la première tentative de

15 vérification en présence du général DZ et en présence d'un certain nombre

16 d'autres vérificateurs.

17 Question: Je vais vous interrompre, à ce stade de votre réponse, pour

18 savoir quand, dans le temps, se sont déroulées vos premières opérations de

19 vérification?

20 Réponse: C'était au début janvier 1999 ou disons plutôt… Non, je me

21 reprends. Environ, une quinzaine de jours après que j'ai commencé à

22 travailler à Pristina; cela nous mène donc à la troisième ou la deuxième

23 semaine de septembre 1998.

24 Question: Vous nous avez parlé de ces premières opérations. Je voudrais

25 savoir si vous vous êtes rendu dans l'un ou l'autre des trois principaux

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1 sites de la VJ?

2 Réponse: Oui, après beaucoup de négociations avec la commission de

3 coopération serbe à Pristina, nous avons été en mesure avec une équipe de

4 nous rendre sur ces trois sites à divers endroits au Kosovo.

5 Question: Et est-ce que vous avez été en mesure d'obtenir un accès sur

6 place?

7 Réponse: Oui, oui, parce qu'on nous attendait. Notre visite avait été

8 annoncée, si bien que la VJ nous a montré ce qu'elle voulait nous montrer,

9 mais en tout cas pendant ces jours-là nous n'avons pas eu de difficulté à

10 entrer.

11 Question: Et ils avaient été prévenus par les négociations qui avaient

12 précédé de votre arrivée.

13 Réponse: Oui. A chaque fois, nous avons annoncé notre arrivée à l'avance;

14 et s'agissant de ces trois inspections particulières, nous les avons

15 annoncées très longtemps à l'avance. En ce qui concerne la première

16 vérification, la caserne, nous les avons prévenus seulement 24 heures à

17 l'avance et nous avons également essayé d'inspecter la caserne de Prizren;

18 là, nous avons donné plus de 24 heures de notification et nous avons été

19 très mal reçus. Et finalement, on nous a permis d'accompagner l'officier

20 qui commandait la place jusqu'à son bureau pour y mener un certain nombre

21 de pourparlers mais il ne nous a pas permis de mener à bien nos travaux

22 d'inspection.

23 Question: Je vois. Avez-vous demandé à voir d'autres sites et est-ce qu'on

24 vous a autorisé à vous y rendre?

25 Réponse: Oui. Il y avait deux types d'inspection. Il y avait les

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1 inspections au niveau; c'est-à-dire qu'à ce moment là, au niveau du

2 quartier général, j'organisais moi-même des visites. Mais dans un même

3 temps, les centres régionaux s'occupaient, eux, de certaines parties du

4 Kosovo et, eux, menaient à bien des inspections au niveau local. Et les

5 seules inspections que nous avons le droit de mener avec préavis sont

6 celles que j'ai mentionnées. Toutes les autres inspections se sont vues

7 opposer une fin de non-recevoir.

8 Question: Et au début, combien de sites vouliez-vous visiter? C'est-à-dire

9 que d'après l'accord, combien de sites auriez-vous dû pouvoir visiter?

10 Réponse: Eh bien, au terme de l'accord, nous devions avoir accès à tous

11 les sites du Kosovo, sans exception.

12 Question: Pouvez-vous nous donner un nombre correspondant au site de la VJ

13 que vous souhaitiez visiter? Savez-vous combien il y en avait sur la

14 totalité du Kosovo?

15 Réponse: Nous aurions bien entendu voulu visiter les garnisons

16 permanentes. Tout ce qui avait trait à la défense aérienne relevait d'un

17 autre accord, donc ne nous concernait pas. Mais il y avait également de

18 ça, de ces sites permanents, les lieux de déploiements des unités que nous

19 aurions souhaité visiter. Donc il y avait au moins 30 à 40 sites que nous

20 aurions dû pouvoir inspecter.

21 Question: Vous nous avez expliqué que c'est à peu près quinze jours après

22 votre arrivée que vous avez entamé vos premières missions de vérification.

23 Et est-ce que ceci se poursuit en 1999, en janvier, en février?

24 Réponse: Oui et non. Parce qu'il est devenu de plus en plus difficile,

25 voire impossible, de mener à bien ces vérifications. J'ai donc continué

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1 mes négociations avec la commission de coopération afin d'essayer

2 d'obtenir le droit d'aller sur place, aussi bien en ce qui me concernait

3 moi-même que pour les équipes régionales. Mais, graduellement, nous avons

4 modifié notre mode de fonctionnement. Si bien que lors des inspections du

5 nombre de patrouilles du MUP, nous avons procédé à des inspections

6 surprises. C'est ce que nous avons dû faire.

7 Question: Est-ce qu'en février que 1999, vous avez décidé d'envoyer les

8 membres de la KVM sur tous les sites connus?

9 Réponse: Oui, effectivement. Ceci a nécessité une planification à l'avance

10 et a impliqué environ 40 équipes émanant des centres régionaux. Nous avons

11 envoyé les équipes sur tous les sites qui avaient été déclarés par le MUP,

12 là où se trouvaient des patrouilles. Mais nous avons également envoyé des

13 équipes là où nous savions que le MUP était opérationnel précédemment. Et

14 ce faisant, nous avons identifié un certain nombre d'autres zones que nous

15 n'avions pas remarquées précédemment, et où le MUP était également

16 opérationnel.

17 Question: Je ne me rappelle plus si vous nous l'avez déjà dit, mais vous

18 avez parlé d'une inspection surprise. J'imagine que, en ce qui concerne

19 cette inspection là, vous n'avez pas donné de préavis?

20 Réponse: Non. Pas de préavis parce que nous souhaitions voir ce jour-là,

21 la nature du déploiement parce que nous avions l'impression que notre

22 liberté de circulation était très restreinte au Kosovo.

23 Question: Savez-vous combien de sites votre équipe a visité ce jour-là?

24 Réponse: Au moins quarante.

25 Question: Et à votre connaissance quelle a été l'issue de ce travail?

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1 Réponse: Eh bien, le MUP avait droit à 29 points de contrôle ou de

2 patrouille mais, ce jour-là, nous avons constaté qu'il y en avait 40. Ceci

3 allait donc à l'encontre de l'accord qui avait été passé avec Burns.

4 Question: Est-ce que vous avez fait part de ces observations à quelqu'un?

5 Réponse: Oui, effectivement. Un rapport détaillé a été établi par toutes

6 les équipes régionales, et ce rapport a été communiqué ensuite au

7 responsable des opérations de l'OSCE le général DZ.

8 Question: Vous nous dites qu'il y avait trop d'unités du MUP, que ceci

9 contrevenait à l'Accord Sean Burns. Y a-t-il eu d'autres infractions à

10 l'accord que vos équipes d'inspection ont pu identifier, et de quoi

11 s'agissait-il exactement?

12 Réponse: Eh bien, au fil du temps, nous avons remarqué que les activités

13 s'intensifiaient. On constatait qu'il y avait de plus en plus d'hommes

14 déployés en dehors des casernes, ce qui a été une violation flagrante des

15 accords. Ceci s'est passé vers Noël.

16 Les Serbes ont déployé des unités armées au sud de Podujevo: beaucoup

17 d'hommes, des blindés, des pièces d'artillerie autotractées, des mortiers,

18 etc. Et ce n'est qu'un des exemples de leurs activités. Et plus tard, on a

19 constaté qu'ils acheminaient des équipements supplémentaires; on a vu

20 arriver de nouveaux types de blindés, des blindés plus sophistiqués que

21 ceux qui étaient au Kosovo jusqu'à ce moment-là, des T-72, des M-84, etc.

22 Apparemment, ils empêchaient les conscrits de regagner leur foyer à la fin

23 de leur service militaire, si bien que le nombre des soldats augmentaient

24 au Kosovo. On constatait très souvent que des convois arrivaient le long

25 du principal axe de ravitaillement, un axe qui va de Nis à Pristina, en

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1 passant par Podujevo. On voyait donc des convois d'hommes, des convois

2 d'équipements et, plus tard, nous avons pu voir cela à la frontière.

3 Question: Une précision, avant que nous n'entrions dans le vif du sujet en

4 parlant des violations de ces accords. Vous avez parlé d'un premier

5 incident avec le MUP, c'est-à-dire la police: c'est bien exact?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Et le problème, c'est qu'ils avaient plus d'unités que prévues

8 par l'accord. Il s'agissait de la police des forces serbes?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Deuxième incident: vous avez parlé des forces armées, des forces

11 militaires; vous avez parlé de chars et d'équipements. Est-ce que là il

12 s'agissait encore du MUP ou est-ce que c'était déjà la VJ? Pouvez-vous

13 nous préciser la chose?

14 Réponse: Oui, le MUP, c'était la police. Ensuite, je vous ai parlé des

15 blindés qui se déployaient, de l'arrivée d'approvisionnement; là, je

16 parlais essentiellement de la VJ, de l'armée yougoslave. Cependant, on

17 constatait que le MUP augmentait également le nombre de ses hommes et on

18 voyait qu'ils bénéficiaient d'un équipement plus nombreux et de meilleure

19 qualité.

20 A votre connaissance, est-ce que le MUP disposait de blindés et de ce type

21 d'équipements? Ou bien est-ce que cela était plutôt réservé à l'armée?

22 Réponse: Eh bien, le MUP ne disposait pas d'équipements très lourds, il ne

23 disposait pas de chars T-55 ou M-84, il ne disposait pas de pièces

24 d'artillerie, mais il disposait d'APC de taille moindre, ainsi que d'un

25 certain nombre de canons et de mortiers.

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1 Question: Vous avez parlé de l'accord que nous avons vu et dont les

2 documents en question figurent aux intercalaires 3 et 4. Vous nous avez

3 énuméré un certain nombre d'exemples d'infraction à ces accords. Je

4 souhaiterais maintenant que vous vous penchiez sur la pièce à conviction

5 94/52, ou plutôt qui se trouve à l'intercalaire n°52.

6 Avant que cette pièce ne soit placée sur le rétroprojecteur, dites-nous si

7 vous la reconnaissez?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Je vais donc demander que ce document soit placé sur le

10 rétroprojecteur.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 Ce document fait référence au 26 février 1999. Est-ce que vous pourriez

13 nous dire ce que décrit ce document? Et, par ailleurs, pourriez-vous nous

14 dire de quelle façon vous en avez pris connaissance?

15 Réponse: Il convient de placer la première page sur le rétroprojecteur.

16 Bien sûr, je vais répondre à votre question.

17 Tous les jours, nos unités de vérification sur l'ensemble du territoire du

18 Kosovo établissaient un rapport sur ce qui s'était déroulé au cours des 24

19 dernières heures. Ces rapports étaient envoyés au quartier général de

20 Pristina où ils étaient fusionnés pour ne devenir qu'un seul document qui

21 regroupait toutes les activités et incidents principaux qui s'étaient

22 déroulés au Kosovo pendant la période concernée. Cela, c'était le genre de

23 documents; je voyais tous les jours lorsque j'arrivais au bureau.

24 Question: Donc c'est l'un des multiples rapports journaliers qui sont

25 passés sur votre bureau, n'est-ce pas.

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1 Réponse: Absolument.

2 Question: Est-ce qu'il vous arrivait d'être vous-même la source des

3 informations qui étaient ensuite rassemblées dans ces rapports?

4 Réponse: Tout à fait.

5 Question: Nous regardons maintenant cette pièce 94, qui se trouvait à

6 l'intercalaire 52.

7 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire les sujets qui sont évoqués

8 dans ce rapport journalier?

9 Réponse: Bien sûr. Eh bien, comme on peut s'en apercevoir, il s'agit d'une

10 synthèse qui fait état des incidents et des questions les plus importantes

11 qui ont surgi. Et puis, il y a également une évaluation du nombre de

12 personnes que comptait la mission à un stade particulier, donc à un jour

13 X, si vous voulez.

14 Question: Ensuite, on parle de la situation qui prévaut dans différents

15 districts, et notamment de la situation en matière de sécurité. C'est bien

16 exact?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez un

19 exemplaire de ce document.

20 Donc M. Ciaglinski, je vais vous demander simplement de nous dire dans le

21 détail ce qui a été noté ce jour-là.

22 Réponse: Eh bien, il y a une chose assez intéressante qui porte sur le

23 district de Mitrovica. Pour ce qui est de Mitrovica, on indique qu'à 13

24 heures 30, la VJ a déclaré -je cite-: "Bukos comme étant une zone de

25 garnison permanente." (Fin de citation.)

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1 Pour nous, c'était une indication qui revêtait une importance

2 particulière.

3 Question: Nous passons à la ligne suivante. Est-ce que vous avez pu avoir

4 accès à cette zone?

5 Réponse: Non, comme c'est indiqué ici, l'accès nous a été interdit; et ce

6 qui s'est passé, c'est que les équipes qui se trouvaient déployées sur le

7 terrain sont venues me voir, moi j'ai contacté quelqu'un de la mission de

8 coopération, j'ai contacté le colonel Kotur, le général Loncar. S'il

9 s'agissait de positions tenues par le MUP, j'essayais de contacter le

10 colonel Mijatovic et j'essayais de négocier un accord d'accès pour nos

11 unités qui se trouvaient sur le terrain, mais généralement cet accès nous

12 était interdit.

13 Question: Est-ce que l'expression "exercices divers" dans le cadre de

14 votre mission au Kosovo est une expression qui vous est familière?

15 Réponse: Oui. J'ai eu l'occasion d'entendre cette expression.

16 Question: Dans quel contexte?

17 Réponse: Eh bien, juste avant Noël, nous avons entendu, enfin on nous a

18 annoncé que la VJ déployait des unités dans la région de Podujevo. Et

19 lorsque j'ai posé des questions un peu plus précises à ce sujet et lorsque

20 j'ai indiqué qu'il s'agissait d'une violation de l'accord, il m'a été

21 répondu: "Ecoutez, ce n'est pas un problème, nous avons besoin de nous

22 entraîner. L'accord prévoit de telles cessions d'entraînement, nous allons

23 déployer nos unités pour qu'elles puissent s'entraîner dans les zones

24 concernées".

25 Quand j'ai essayé d'obtenir plus d'éléments d'information, lorsque j'ai

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1 demandé que l'on m'explique ce qu'était une zone d'entraînement, ou

2 lorsque j'ai demandé ce qu'était une zone de garnison permanente, on m'a

3 informé du fait que les zones de formation que les forces serbes

4 utilisaient au Kosovo étaient en fait le Kosovo. C'était ça leur zone

5 d'entraînement.

6 Question: Et quelle a été l'interprétation que vous avez faite de cela par

7 rapport à ce que vous pensiez être la lettre de l'accord?

8 Réponse: Pour moi, c'était une violation en bonne et due forme de

9 l'accord.

10 Question: Merci, nous passons maintenant au paragraphe 6 de la synthèse de

11 votre témoignage.

12 Outre ces trois sites de la VJ que vous avez cités plus tôt et qui ont

13 fait l'objet d'inspections, après que le préavis en ait été donné, est-ce

14 que vous avez pu par ailleurs essayer de voir ce qu'il en était du respect

15 de l'accord? Dans le cadre de l'exercice de votre mission, est-ce que vous

16 pourriez nous dire s'il y avait respect de l'accord?

17 Réponse: Eh bien, moi je dirai que l'accord n'était absolument pas

18 respecté. Nous avons essayé de mener à bien une mission de vérification

19 qui nous semblait être conforme à la lettre de l'accord, mais je dois dire

20 que nous n'avons pas vraiment réussi à mener à bien cette mission de

21 vérification en utilisant les méthodes que nous pensions être dans la

22 droite ligne de l'accord et nous avons essayé de trouver de nouvelles

23 méthodes qui nous permettraient de savoir ce qui se passait au Kosovo et

24 qui permettrait d'en garder la trace.

25 Question: Et quelle tactique, si je peux me permettre ce mot, avez-vous

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1 conçue pour essayer de mener à bien votre mission avec succès, et pour

2 essayer de contrôler la situation qui prévalait?

3 Réponse: Eh bien, la seule chose que nous pouvions faire, c'était

4 d'essayer d'avoir une présence aussi importante que possible sur le

5 terrain. Nous voulons envoyer autant de vérificateurs que possible. Nous

6 ne voulions pas seulement avoir des positions dans les cinq zones

7 régionales les plus importantes. C'est-à-dire que nous ne voulions pas

8 seulement avoir des quartiers généraux, nous voulions essayer d'envoyer

9 dans les villages autant de personnes que possible, dans les villes

10 également, sur l'ensemble du territoire du Kosovo. Et nous voulions que

11 ces personnes fassent rapport de ce qui se passait, qu'ils prennent

12 notamment note des mouvements de troupe sur le terrain, qu'ils prennent

13 note des mouvements du MUP, qu'ils prennent note des mouvements des

14 véhicules, des avions qui étaient utilisés par les Serbes. Donc nous

15 sommes allés sur le terrain en force, si vous voulez, pour essayer de voir

16 quelles unités avaient quitté leur caserne et quelles unités avaient

17 quitté leur zone d'entraînement divers.

18 Question: Donc vous vous déployiez à l'extérieur des casernes pour voir ce

19 qui se passait, n'est-ce pas?

20 Réponse: Tout à fait. C'était assez difficile parce que, dans le cadre de

21 la l'accomplissement de nos tâches, nous étions harcelés, des patrouilles

22 ont été menacées par des fusils, des patrouilles ont vu leurs mouvements

23 bloqués par des blindés, par des chars. En deux occasions, certains de nos

24 vérificateurs ont été frappés.

25 Question: Vous venez de nous décrire la nouvelle tactique que vous aviez

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1 élaborée; est-ce que vous étiez par ailleurs à même d'identifier si des

2 équipements, des véhicules qui se trouvaient dans un premier temps en un

3 endroit particulier se retrouvaient dans un autre endroit? Est-ce qu'il y

4 avait une méthode que vous suiviez pour essayer de tracer ainsi les

5 déplacements des équipements et des véhicules?

6 Réponse: Oui, toute organisation militaire, dont j'ai connaissance, a un

7 système qui permet d'identifier tous ses véhicules, tous ses blindés. Il y

8 a des numéros d'identification qui sont apposés sur ces véhicules et il

9 est donc facile de vérifier si un véhicule a été déplacé d'un endroit à un

10 autre, il suffit de prendre note de l'immatriculation qui apparaît sur ce

11 véhicule.

12 Question: Vous avez mis cette nouvelle tactique en œuvre. Pendant combien

13 de temps cette nouvelle méthode de vérification a-t-elle été utilisée?

14 Pendant combien de temps avez-vous travaillé de la sorte?

15 Réponse: Une fois que nous avons compris que nous ne pouvions pas mener à

16 bien nos tâches d'inspection comme nous souhaitions le faire, eh bien,

17 nous nous en sommes tenus à cette nouvelle méthode de travail jusqu'à la

18 fin de notre mission.

19 Question: Donc, jusque vers le 23 mars que 1999, n'est-ce pas?

20 Réponse: Tout à fait.

21 Question: Est-ce que vous avez eu du succès dans l'accomplissement de vos

22 tâches grâce à cette méthode nouvelle méthode?

23 Réponse: Oui, je pense que nous avons bien travaillé, si l'on tient

24 notamment compte des efforts déployés par le MUP et la VJ pour nous

25 empêcher de travailler. Alors que nous approchions du 23 mars, le MUP et

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1 la VJ sont devenus de plus en plus agressifs à notre égard.

2 Question: Est-ce que vous avez tiré quelque conclusion que ce soit sur la

3 base de ces rapports que vous gardiez et qui portaient sur les mouvements

4 de troupes, les mouvements de véhicules, etc.? Est-ce que vous avez pu

5 attribuer s'il y avait, oui ou non, violation des accords?

6 Réponse: Oui, nous avons tiré un certain nombre de conclusions, notamment

7 que les forces en présence avaient multiplié par deux la taille de la

8 garnison qui se trouvait basée au Kosovo; ils avaient amené dans le

9 territoire du Kosovo un grand nombre de nouvelles pièces d'équipement, un

10 équipement de qualité bien supérieure à l'équipement qu'ils avaient

11 installé sur le terrain précédemment.

12 Question: Est-ce que chacune des questions que vous évoquez était en fait

13 une violation de l'accord?

14 Réponse: Oui, toutes ces choses étaient des violations des accords.

15 Question: En tant qu'observateur officiel, est-ce que vous pourriez nous

16 donner des exemples précis de cas où des forces serbes auraient adopté un

17 comportement particulièrement agressif?

18 Réponse: Je peux vous donner des exemples, tout à fait.

19 Il y a d'abord eu ce qui s'est passé à l'ouest de Podujevo, dans un

20 endroit appelé "Lapastica"; c'était dans une maison appartenant à un

21 médecin; c'était un poste sanitaire, si vous voulez. Dans ce poste

22 sanitaire, on prenait soin de certains membres de l'UCK qui avaient été

23 blessés. Ce poste sanitaire a été fermé, le médecin a été expulsé; on

24 aurait dit que l'endroit avait été touché par une bombe atomique tellement

25 les dégâts étaient importants. Quelques jours après l'incident, nous avons

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1 mené une inspection dans la zone et nous avons fini par trouver le cadavre

2 d'un homme de 80 ans, qui avait été abattu et qui ne portait pas d'armes.

3 Nous avons également trouvé certains bâtiments environnants très

4 endommagés.

5 Question: Afin que nous puissions nous replacer dans le temps, est-ce que

6 vous pourriez nous dire quand tout cela s'est passé?

7 Réponse: Cela s'est passé en décembre 1998.

8 Question: Vous nous dites qu'il s'agissait de la maison d'un médecin, qui

9 se trouvait à proximité de Podujevo. C'est bien cela?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Est-ce que vous avez pris des photographies? Est-ce que vous

12 avez gardé des photographies de cet homme de 80 ans que vous avez trouvé

13 sur place?

14 Réponse: Oui, j'ai eu l'occasion de prendre des photographies; il m'a

15 semblé que c'était important de garder une trace de cet incident.

16 Question: Vous avez pris vous-même des photographies de la scène?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Je vais maintenant demander que la photographie KO218721 soit

19 remise au Témoin; je vais demander que des exemplaires de cette

20 photographie soit remis au témoin et aux différentes parties.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 Est-ce que c'est bien la photographie que vous avez prise?

23 Réponse: Oui, référence KO218721.

24 Question: Ce cadavre, où se trouvait-il par rapport à l'emplacement de la

25 maison?

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1 Réponse: Je dirais qu'il se trouvait à 30 ou 40 mètres de la maison, dans

2 un ensemble de bâtiments; il y avait notamment des étables. Cet homme,

3 manifestement, avait couru vers ces étables pour s'y réfugier, s'y cacher.

4 Question: Je crois que vous aviez dit que cet homme ne portait pas

5 d'armes; lorsque vous l'avez trouvé, il n'avait pas d'armes?

6 Réponse: La seule chose que l'on pouvait voir près du cadavre était une

7 hache que l'on aperçoit ici.

8 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que, au vu de ce que vous avez pu

9 voir dans la maison du médecin et aux alentours, vous avez pu déterminer

10 les conditions de la mort de cet homme, les conditions dans lesquelles la

11 maison avait été détruite?

12 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce 96 de l'accusation;

13 c'est la cote attribuée à la photographie.

14 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 M. Ciaglinski (interprétation): J'ai eu la possibilité de m'entretenir

16 avec les membres de l'unité serbe qui contrôlait la zone où se trouvait la

17 maison du médecin; ils m'ont confirmé qu'ils avaient mené une attaque

18 contre cette maison parce que c'était un bâtiment utilisé pour le

19 traitement des personnes blessées. Ils considéraient cela comme étant une

20 cible tout à fait légitime. Ils avaient donc lancé une opération contre

21 cette maison. Ils avaient un blindé T-55. Ils disposaient d'une Praga, qui

22 est une mitrailleuse lourde d'un calibre de 30 millimètres; généralement,

23 c'est une arme utilisée à des fins antiaériennes. Ils avaient également

24 des mortiers et des armes légères.

25 C'était une cible très facile et tout avait été détruit. Les murs étaient

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1 abattus, les pièces où se trouvaient les provisions, notamment les

2 médicaments, avaient été totalement détruites; il y avait d'autres

3 cadavres à proximité.

4 Question: Est-ce que vous n'avez pas dit que le médecin avait lui aussi

5 été abattu par balle?

6 Réponse: Oui, tout à fait. Il avait été abattu par balle.

7 Question: A partir de ce que vous avez vu au moment de votre arrivée, est-

8 ce qu'il n'y avait pas de doute dans votre esprit: il s'agissait bien là

9 d'un poste sanitaire?

10 Réponse: Indubitablement. D'abord, on appelait cet endroit "la maison du

11 médecin" et puis, par ailleurs, il y avait des médicaments et des

12 équipements médicaux partout, éparpillés sur le terrain; il y avait des

13 seringues, des bandages, des doses de sérum physiologique, etc. Il n'y

14 avait pas de doute.

15 Question: Est-ce que vous avez pu établir de quelle façon cet homme de 80

16 ans était mort? Est-ce que vous avez pu voir la nature de sa blessure?

17 Est-ce que vous pensez qu'il a été touché par un éclat de mortier? Est-ce

18 que vous pensez qu'il a été touché par une balle? Est-ce que vous avez pu

19 établir cela?

20 Réponse: Vous pouvez voir sur la photographie qu'il y avait de la neige

21 sur le sol; il y avait eu de la neige de façon constante depuis le mois de

22 novembre. Cet homme avait deux impacts de balle: l'un à la tête, l'autre

23 au thorax. Il n'y avait pas de sang ailleurs que directement que sur lui

24 et sous lui, et cela indiquait qu'il avait été abattu là où il était

25 tombé.

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1 Question: Est-ce que vous avez pu vous entretenir avec les unités serbes

2 et est-ce que, dans le cadre de cet entretien, ils ont reconnu leur

3 responsabilité dans le cadre de cet accident?

4 Réponse: Je connaissais très bien la zone de Podujevo et je connaissais

5 très bien cette zone particulière que nous appelions "la colline des

6 blindés". Je m'entretenais avec les forces qui tenaient cette zone presque

7 tous les jours, ils me connaissaient assez bien; et le jour où nous avons

8 descendu la colline pour aller examiner le bâtiment avant que nous ne

9 descendions la colline, ils nous ont dit ce qu'ils avaient fait et

10 pourquoi ils l'avaient fait.

11 Question: Donc vous saviez, avant même d'aller sur les lieux, ce qui

12 s'était produit parce qu'ils vous ont expliqué ce qu'ils avaient fait.

13 C'est bien cela?

14 Réponse: Oui. Et je savais également que le corps du vieil homme n'avait

15 pas été trouvé parce que certains de Ses parents s'étaient plaints du fait

16 qu'ils ne l'avaient pas vu depuis un certain temps; et ils se demandaient

17 s'il était toujours quelque part dans les environs ou dans l'ensemble des

18 bâtiments.

19 Question: Si je vous ai bien compris -ne manquez pas de me reprendre si je

20 me trompe-: on vous a dit qu'il s'agissait là d'une cible militaire tout à

21 fait légitime, c'est bien cela?

22 Réponse: Oui. Ils ont dit que, parce qu'on traitait dans cet endroit des

23 membres de l'UCK, c'était une cible parfaitement légitime à leurs yeux.

24 Question: Est-ce que vous vous êtes forgé votre propre opinion sur la

25 question? Est-ce que vous avez fait part de cette opinion aux membres des

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1 unités serbes qui se trouvaient sur place?

2 Réponse: Moi-même et mon collègue, nous leur avons dit qu'ils auraient dû

3 garder à l'esprit qu'il s'agissait là d'un poste sanitaire. Ils ont

4 répondu à cela que c'était un poste sanitaire où l'on s'occupait de

5 terroristes et où l'on abritait les terroristes.

6 Question: Vous êtes un militaire de carrière. Est-ce que d'après vous

7 c'était effectivement une cible militaire légitime?

8 Réponse: Si l'UCK avait utilisé cette maison comme base de départ pour ces

9 opérations pour des tirs, alors on aurait pu se dire qu'il s'agissait

10 effectivement d'une cible légitime, mais cette maison n'a jamais été

11 utilisée qu'à des fins sanitaires. Ce médecin, c'était le médecin qui

12 s'occupait de toutes les personnes qui habitaient la zone.

13 Question: Je vous remercie. Voici donc un exemple d'incident. Je vais

14 maintenant vous demander de vous remémorer autre chose. Est-ce que vous

15 pouvez nous parler des incidents qui se sont produits près de Jablanica et

16 de Decani. Si vous vous souvenez de ce type d'incident, est-ce que vous

17 pourriez nous en faire le récit?

18 Réponse: Bien sûr. C'est une zone que je connais bien. Vers le 10 janvier

19 1999, il y avait beaucoup d'activités dans la zone; la VJ, le MUP, l'UCK

20 se déplaçaient dans la zone et la région, notamment la région de Jablanica

21 était une région où certains commandants de l'UCK avaient leurs quartiers-

22 généraux, notamment l'un des commandants de l'UCK. Je me suis rendu sur

23 place le 10 pour faire un certain nombre de vérifications sur place, et

24 peu de temps après mon départ de cette zone les forces serbes ont lancé

25 une opération contre des villages qui étaient dans la région de Decani et

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1 jusqu'à la région de Jablanica; ils ont utilisé des pièces d'artillerie

2 lourde et ils ont tiré sur les villages dans cette zone pendant deux

3 jours.

4 Question: Vous dites qu'ils ont pilonné ces villages mais ils ne visaient

5 pas un quartier général en particulier, ils pilonnaient les villages de

6 façon totalement généralisée?

7 Réponse: Je pense qu'il leur aurait été difficile de savoir où se trouvait

8 exactement le quartier général de M. Ramush, parce que c'était une zone à

9 laquelle les Serbes n'avaient absolument pas eu accès. Donc ils

10 pilonnaient la région les villages, les zones qui se trouvaient aux

11 alentours de Jablanica.

12 Question: Au cours de votre mission de vérification, est-ce que vous avez

13 pu être le témoin du pilonnage d'une autre région?

14 Réponse: Oui. A deux reprises au moins, j'ai pu observer le pilonnage

15 d'abord d'une zone qui se trouvait au sud de Podujevo; ça c'était au mois

16 de mars. Les blindés, les pièces d'artillerie étaient alignés le long de

17 l'axe principal qui va de Podujevo à Pristina et ils ont pilonné les

18 flancs des collines et des positions qui se trouvaient donc sur des

19 collines, et ils pilonnaient également des villages. Et puis il y a une

20 autre occasion au cours de laquelle j'ai observé ce même type de

21 comportement au sud de Mitrovica; c'était un jour très brumeux, ils

22 tiraient avec des blindés sur des cibles qui se trouvaient au sud de

23 Vucitrn. Comme il y avait du brouillard, j'ai demandé à la VJ ce sur quoi

24 ils tiraient; ils ont déclaré qu'ils s'entraînaient simplement à tirer sur

25 des cibles et ça faisait partie de leur entraînement. Ils disaient qu'ils

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1 visaient des villages désertés. Et j'ai dit: "Mais comment savez-vous que

2 ces villages sont désertés?". "Eh bien, d'abord nous avons expulsé la

3 population, donc nous savons que ces villages sont vides".

4 Question: Vous faites référence à un certain nombre d'incidents. Est-ce

5 que vous pensez qu'ils étaient dus à des opérations militaires légitimes,

6 ou est-ce que vous pensez qu'ils faisaient partie de ces incidents dont

7 vous deviez faire rapport dans le cadre de votre mission, puisqu'ils

8 constituaient une infraction à l'accord?

9 Réponse: Pour ce qui est des pilonnages, des lignes de tranchées qui se

10 trouvaient à l'ouest de la route principale au sud de Podujevo, je dirai

11 qu'il s'agissait là d'une opération légitime, parce qu'il y avait

12 effectivement là-bas des positions tenues pas l'UCK. Mais pour ce qui est

13 des autres incidents dont j'ai fait état, eh bien, je dirai qu'il

14 s'agissait d'actes illégaux parce qu'ils étaient menés contre des cibles

15 civiles. Tout était mené sans raison généralisée, sans distinction. Et

16 j'ai fait rapport de ces incidents au général DZ à Pristina.

17 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que vous avez observé des incidents

18 au cours desquels il y aurait pillage de biens civils?

19 M. Ciaglinski (interprétation): Oui, à diverses reprises. J'ai moi-même,

20 depuis une certaine distance puisque tout accès nous était interdit, pu

21 observer des Serbes, membres des forces armées, qui se déplaçaient avec

22 eux, dans les bras, des appareils électroménagers, des télévisions entre

23 autres. Dans la région de Gornja Lapastica, je me suis rendu dans une

24 maison qui avait précédemment été pillée par les Serbes, il n'y restait

25 rien, rien de valeur en tout cas.

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1 M. Robinson (interprétation): Colonel, je voudrais revenir sur quelque

2 chose que vous avez dit précédemment, à savoir que certaines positions qui

3 avaient été visées étaient tenues par l'UCK. Comment est-ce que vous avez

4 pu établir que ces positions étaient tenues de fait par l'UCK?

5 M. Ciaglinski (interprétation): J'étais dans une zone très dégagée, donc

6 j'étais dans un poste d'observation très privilégié; j'avais une paire de

7 jumelles et j'étais accompagné de deux collaborateurs. Nous nous trouvions

8 en fait à mi-chemin entre l'endroit d'où l'on tirait et l'endroit où les

9 cibles se trouvaient donc les balles sifflaient à mes oreilles, et je

10 pouvais voir très distinctement les positions tenues par l'UCK. Je pouvais

11 observer les combattants de l'UCK sur ces positions.

12 M. Robinson (interprétation): Je vous remercie.

13 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur, je voudrais maintenant… Enfin,

14 excusez-moi.

15 A plusieurs reprises, vous avez fait état du fait que vous aviez eu des

16 contacts avec la mission de coopération serbe. C'est bien exact, n'est-ce

17 pas? Si c'est effectivement le cas, est-ce que vous pourriez nous parler

18 de la structure de cette mission, de sa mission? Pourriez-vous nous dire

19 qui étaient les membres qui la constituaient? Pourriez-vous nous dire quel

20 type de contacts vous avez eu avec ces personnes?

21 M. Ciaglinski (interprétation): Ce que l'on nous a dit, c'est que cette

22 mission de coopération serbe était l'organe serbe officiel, qui était

23 l'interlocuteur de l'OSCE. Cette mission était dirigée par un général à la

24 retraite, le général Dusan Loncar, et son bras droit était le colonel

25 Kotur, Milan Kotur, lui aussi membre de l'armée. Parfois, siégeait à ce

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1 comité un représentant de la VJ, le colonel Mijatovic, qui était sans

2 doute la personne du MUP la plus importante au Kosovo, après le général

3 Lukic. Et puis, il y avait parfois un membre du ministère des Affaires

4 étrangères qui participait aux réunions, une personne donc de Belgrade, M.

5 Babic.

6 Question: Donc vous parlez là des représentants serbes?

7 Réponse: Oui.

8 Question: L'OSCE rencontrait ces représentants. Qui rencontrait ces

9 personnes sur une base régulière? Et je parle maintenant des personnes de

10 l'OSCE ou de la KVM, qui travaillaient avec ces représentants.

11 Réponse: Eh bien, le plus haut représentant, c'était le général DZ; il

12 était généralement accompagné par moi-même, en tant qu'officier de liaison

13 serbe, donc assurant la liaison entre les Serbes et l'OSCE. Et puis nous

14 étions accompagnés toujours par un ou deux interprètes; il y avait Irina

15 Babic ou M. Dejan Trga. Ces réunions se tenaient tous les jours à 10

16 heures et elles pouvaient se prolonger pendant quatre, cinq heures

17 parfois. Nous ne pensions pas qu'il était bon que le général DZ passe

18 autant de temps dans ces réunions. Il est arrivé qu'il me délègue ses

19 compétences, et moi je participais à toutes les réunions.

20 Question: Au cours de ces réunions quotidiennes, qui semblait être la

21 personne revêtue de la plus haute autorité du côté serbe de la commission?

22 Réponse: Au début, il ne fait aucun doute que le général Loncar avait

23 l'air très sûr de lui; c'est lui qui répondait à la plupart des questions;

24 mais au fil du temps, il lui a fallu de plus en plus souvent appeler

25 Belgrade pour obtenir des instructions afin de résoudre les problèmes.

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1 Question: Lorsque vous dites qu'il appelait Belgrade, avez-vous découvert

2 par la suite avec qui il conférait à Belgrade afin de résoudre les

3 questions qui étaient posées au cours des réunions?

4 Réponse: Oui, en effet. Nous l'avons découvert, sans doute pour la

5 première fois, le 27 décembre, date à laquelle s'était produite une grave

6 infraction à l'accord de la part de la VJ; il était donc possible qu'un

7 conflit très sérieux éclate entre l'UCK et les forces de sécurité serbes.

8 Question: Vous nous avez dit à quelle date vous aviez fait cette

9 découverte, mais pouvez-vous nous dire ce que vous avez découvert?

10 Réponse: Ce que nous avons découvert au moment de cet incident, c'est

11 qu'un paysan serbe avait été fait prisonnier par l'UCK et que le MUP avait

12 fait une tentative pour le libérer. La patrouille du MUP avait, par la

13 suite, été obligée de battre en retraite, en raison du feu intense

14 provenant des forces de l'UCK. A la fin de la réunion ce matin-là, j'ai

15 découvert qu'une décision avait été prise d'envoyer des forces très

16 importantes comme cette position de l'UCK, donc la position de l'UCK

17 située dans cette zone, afin d'extraire cet homme par la force. Je dirais

18 que c'était une solution totalement insensée car, pour sauver un homme,

19 ils risquaient d'en perdre plusieurs; et du côté de l'UCK, il y aurait

20 également des pertes humaines.

21 Je dis cela notamment parce que je connaissais les préparatifs de l'UCK à

22 l'encontre des forces serbes. L'UCK avait à peu près 2.000 hommes

23 rassemblés à cet endroit et avait un tracteur empli de munitions, prêt à

24 agir contre les Serbes. Les Serbes disposaient d'effectifs assez

25 importants également. Donc je pensais que, si une opération de ce genre

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1 été lancée, elle provoquerait des pertes humaines importantes. C'est la

2 raison pour laquelle, avant qu'une action ne commence, je me suis porté

3 volontaire pour tenter d'obtenir moi-même la libération de cet homme par

4 l'UCK, afin d'éviter tout combat.

5 Question: Quelle a été la réaction à cette proposition émanant de vous?

6 Réponse: Lorsque j'ai soumis cette proposition au général Loncar, il m'a

7 dit qu'il était incapable d'arrêter les opérations qui étaient en cours de

8 préparation, mais il a ajouté qu'il pouvait appeler Belgrade pour obtenir

9 une décision. Il a donc quitté la pièce, il s'est rendu dans la pièce d'à

10 côté; j'ai entendu qu'il parlait au téléphone et j'ai demandé au colonel

11 Kotur qui il était en train d'appeler; le colonel Kotur m'a répondu qu'il

12 s'agissait sans doute de Sainovic.

13 Le lendemain, lorsque toute cette action a été terminée, j'ai revu ces

14 hommes et j'ai reposé la question de savoir à qui il avait parlé au

15 téléphone. J'ai cité le nom de Sainovic et il m'a été répondu: "Non, non.

16 Il parlait à quelqu'un qui était à une position plus importante; vous

17 n'avez aucune idée de l'importance de la personne à qui le général Loncar

18 a parlé au téléphone hier."

19 Question: A votre connaissance, de qui pouvait-il s'agir? Je parle de

20 cette personne qui avait un poste supérieur à Sainovic.

21 Réponse: Eh bien, je ne connais personne de plus important que M.

22 Milosevic.

23 Question: Est-ce qu'à ce moment-là, vous avez parlé avec le général Loncar

24 au sujet de ces allers-retours à Belgrade et des personnes qu'il y

25 rencontrait? Est-ce que vous avez obtenu des noms?

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1 Réponse: Le général Loncar a commencé de plus en plus souvent à se rendre

2 à Belgrade. Il était donc de plus en plus souvent absent de nos réunions

3 matinales. Lorsque j'ai parlé de façon informelle avec le colonel Kotur,

4 il m'avait indiqué qu'il avait des réunions de haut niveau à Belgrade, en

5 général avec M. Sainovic.

6 Question: Pour en revenir à l'incident dont nous avons parlé tout à

7 l'heure, à cet appel téléphonique, vous avez pensé qu'il s'agissait de M.

8 Sainovic à l'autre bout du fil; par la suite, vous avez découvert que

9 c'était quelqu'un de plus haut placé que Sainovic et donc vous avez pensé

10 qu'il s'agissait de M. Milosevic. C'est bien cela?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Suite à cette communication téléphonique, y a-t-il eu une

13 réponse à l'offre de négociation que vous aviez faite pour tenter

14 d'obtenir la libération de cet homme afin d'éviter un bain de sang?

15 Réponse: Oui, suite à cette conversation téléphonique, j'ai immédiatement

16 reçu une réponse, à savoir qu'on m'a dit que je pouvais, avec l'aide de la

17 Croix-Rouge, tenter de libérer ce Serbe et que les forces serbes allaient

18 se retirer jusqu'à leur ligne de départ.

19 Donc nous avons obtenu l'autorisation de nous déplacer, de traverser la

20 ligne de départ, donc nous avons obtenu l'autorisation de nous déplacer,

21 de traverser la ligne, si vous voulez, afin de négocier avec l'UCK. A ce

22 moment-là, il faisait déjà nuit, mais nous avons réussi à obtenir la

23 libération de ce Serbe et nous avons donc réussi à éviter toute action

24 militaire. Il n'y a pas eu d'opération, nous avons empêché un conflit ce

25 jour-là.

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1 Question: Excusez-moi, mais comment avez-vous réussi à obtenir cela?

2 Réponse: Eh bien, parce que nous avons obtenu la libération de ce Serbe

3 par les forces de l'UCK, et nous l'avons remis immédiatement au poste de

4 police de Podujevo. Par conséquent, les Serbes ont immédiatement été

5 informés à Pristina de la solution du problème et ils ont respecté leur

6 parole, ils n'ont pas attaqué ce jour-là.

7 Question: Donc, suite à votre intervention à ce moment-là, il n'y a pas eu

8 de conflit armé entre les deux parties?

9 Réponse: En effet.

10 Question: Je crois comprendre, Monsieur, même si votre humilité pourrait

11 vous empêcher d'en parler que vous avez reçu une récompense pour les

12 efforts accomplis pour vous ce jour-là?

13 Réponse: Oui, j'ai reçu une décoration de l'armée britannique.

14 Question: J'aimerais maintenant que nous passions à la journée du 6

15 janvier 1999, étiez-vous présent ce jour-là?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Pouvez-vous nous dire, si vous en avez le souvenir, quelles

18 étaient les personnes présentes à cette réunion?

19 Réponse: Si je me souviens bien, c'était une réunion avec M. Sainovic.

20 Question: Oui.

21 Réponse: Et l'ambassadeur Keller, l'un des responsables de la mission à

22 Pristina était présent. J'étais là en tant que représentant serbe, et

23 l'autre partie était dirigée par M. Sainovic. Et M. Andjelkovic était

24 également présent.

25 Question: Vous rappelez-vous si le général Loncar était présent?

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1 Réponse: Je pense que oui, sans doute, mais je n'en suis pas sûr.

2 Question: Et vous rappelez-vous si le général Maisonneuve était présent?

3 Réponse: Oui, le général Maisonneuve était là sans aucun doute.

4 Question: Je crois comprendre, Monsieur, que cette réunion du 6 janvier

5 s'est tenue à la demande de l'OSCE et de la KVM, en raison de ce que vous

6 estimiez tous être les signes d'une dégradation de la situation, comme

7 vous venez de nous le décrire. Vous rappelez-vous ce qui s'est passé

8 durant cette réunion?

9 Réponse: Nous avons discuté d'un certain nombre de questions, nous avons

10 présenté un certain nombre d'arguments à M. Sainovic. Monsieur Sainovic a

11 accusé l'OSCE et notamment les Américains et les Allemands, de soutenir

12 activement et d'aider l'UCK; ce que nous avons réfuté, bien sûr.

13 Nous avons présenté un certain nombre d'éléments, nous avons parlé des

14 difficultés que nous avions toujours s'agissant de faire circuler notre

15 hélicoptère destiné aux évacuations, c'était un hélicoptère qui était un

16 hélicoptère civil ne portant aucun insigne ou aucune inscription militaire

17 contrairement aux hélicoptères des Serbes utilisés à l'époque. Dès qu'un

18 hélicoptère serbe survolait la zone, il provoquait des tirs de l'UCK, ce

19 qui n'aurait pas été utile pour nous. Et nous avions des problèmes pour

20 obtenir du carburant à l'intention de l'OSCE, et aussi du carburant pour

21 nos véhicules; on refusait de nous en vendre. Nous avons également parlé

22 de la situation des prisonniers, des prisonniers de l'UCK qui se

23 trouvaient quelque part en Serbie et que nous souhaitions rencontrer afin

24 de discuter, de négocier leur libération.

25 Question: Durant cette réunion, un certain nombre de sujets ont été

Page 3170

1 discutés en présence de Sainovic. Vous êtes-vous formé une opinion

2 s'agissant du pouvoir que pouvait avoir Sainovic vis-à-vis du gouvernement

3 fédéral?

4 Réponse: Monsieur Sainovic se présentait comme un ministre très compétent,

5 très sûr de lui. Nous n'avions aucun doute qu'il représentait

6 effectivement le gouvernement fédéral, il était capable de prendre des

7 décisions importantes sans consulter personne. Par exemple, il nous a

8 autorisés un jour immédiatement à rendre visite à des prisonniers à Nis,

9 et dès le lendemain j'ai obtenu mon laissez-passer qui m'a permis de

10 rendre visite à ces prisonniers à Nis. Il était capable de nous répondre

11 immédiatement au sujet de l'hélicoptère, du carburant, de l'accès à la

12 frontière.

13 Nous avons également discuté avec lui de la façon dont les morts de Racak

14 pouvaient être enterrés, et il nous a donné des réponses très fermes et

15 très claires en nous disant: "Oui, cela fait". Donc nous n'avions aucun

16 doute quant au fait qu'il avait le soutien de Belgrade lorsqu'il formulait

17 ces réponses à nos questions.

18 Question: Au fil du temps, avez-vous discuté d'autres questions dont vous

19 aviez déjà discuté avec le général Loncar avec Sainovic? Par exemple, vous

20 aviez déjà demandé l'autorisation de rendre visite à ces onze prisonniers

21 à Nis, mais y a-t-il eu d'autres questions qui, une fois discutées avec

22 Loncar, l'ont été au cours de cette réunion avec Sainovic?

23 Réponse: Je ne me rappelle pas. Excusez-moi, j'ai un trou.

24 Question: Par exemple, avez-vous présenté une requête au sujet de

25 renseignements concernant les déplacements, les mouvements de troupes?

Page 3171

1 Réponse: Ah oui! En effet. Excusez-moi. Une des parties de l'accord

2 stipulait que les mouvements de troupes devaient nous être signalés. Et ce

3 jour-là, nous avons également conclu un accord quant au fait que nous

4 remettrions nos rapports quotidiens à la commission de coopération. C'est

5 d'ailleurs l'un des sujets qui a été discuté avec M. Sainovic lors de

6 cette réunion parce que, bien que M. Loncar nous ait répété à plusieurs

7 reprises que ces documents nous seraient fournis, nous n'avons jamais reçu

8 aucun détails au sujet des mouvements de troupes. Par exemple, nous

9 découvrions souvent lors des rencontres que nous avions tous les matins,

10 que deux heures avant ou en tout cas au début de la réunion, des

11 mouvements de troupes s'étaient produits et avaient déjà commencé, et

12 lorsque nous posions la question, nous n'obtenions pas de renseignements.

13 On nous disait que parce qu'on n'avait pas confiance en nous, si on nous

14 donnait des informations, nous risquerions de les transmettre à l'UCK, qui

15 ensuite attaquerait le convoi. Ils ne manifestaient donc aucun respect,

16 aucune confiance à notre égard.

17 Question: Puisque nous parlons de ce point, et avant d'aborder un autre

18 exemple, peut-être pourriez-vous apporter des éclaircissements aux Juges

19 de cette Chambre au sujet d'une des réponses que vous avez faites

20 s'agissant des réunions que vous aviez tous les matins?

21 Vous avez dit que vous aviez décidé de remettre les rapports contenant les

22 renseignements au sujet de ce que vous aviez vu dans vos troupes à la

23 commission de coopération. Vous aviez également des discussions et des

24 négociations avec des membres de l'UCK, de temps en temps?

25 Réponse: Oui, je transmettais toutes les demandes de renseignement et,

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1 même s'il y avait des protestations, nous le faisions tous les jours. Donc

2 nous protestions contre toute violation constatée par nous, je protestais

3 au sujet des opérations que je jugeais exagérées du point de vue des

4 effectifs engagés et du point de vue de la violence utilisée.

5 Personnellement, depuis la fin du mois de décembre, je n'ai plus eu de

6 contact avec les dirigeants de l'UCK. J'avais le sentiment que ma position

7 en tant qu'officier de liaison avec les Serbes aurait compromis mes

8 capacités de rencontrer l'UCK et aurait été compromise si j'avais des

9 rencontres régulières avec les commandants de l'UCK. Donc l'un de mes

10 collègues, David Wilson, a été chargé d'assurer la liaison avec l'UCK;

11 nous nous rencontrions plusieurs fois par jour, en tout cas dans la

12 soirée, quelque part sur le terrain, s'il y avait un incident, pour

13 échanger nos informations. Par conséquent, je savais ce que faisait l'UCK,

14 mais je ne discutais plus avec elle.

15 Question: La suite de la question est la suivante: vous ou votre collègue,

16 avez-vous eu connaissance de renseignements transmis par une partie à une

17 autre, s'agissant de ce que faisait l'autre partie?

18 Réponse: Nous étions régulièrement accusés de cela par la commission de

19 coopération serbe mais, honnêtement, je peux dire sous serment qu'à aucun

20 moment, à ma connaissance, aucun de mes collègues pas plus que moi-même,

21 n'avons transmis des informations qui pouvaient être utilisables par la

22 partie adverse. Cela aurait été contraire à l'éthique et cela aurait

23 constitué une violation de l'accord; cela aurait compromis notre position

24 en tant que vérificateurs.

25 Question: Un autre exemple: je parlerai d'un incident lié aux enterrements

Page 3173

1 de Racak. Y a-t-il eu une autre question dont vous aviez déjà parlé à

2 Loncar et que vous avez discutée avec un représentant plus élevé dans la

3 hiérarchie?

4 Réponse: Oui, c'était évidemment un événement très important au Kosovo et

5 l'enterrement allait attirer un public très important, ainsi que des

6 représentants de la communauté internationale. Par conséquent, nous en

7 avons parlé plusieurs semaines, alors que les corps faisaient encore

8 l'objet d'autopsies et que l'enquête se poursuivait. Il y a eu un laps de

9 temps assez important entre le massacre et l'enterrement en tant que tel;

10 donc nous avons eu le temps de discuter de tout cela et nous demandions,

11 en tout cas, que l'inhumation soit digne et se déroule dans le calme.

12 Loncar y tenait beaucoup; en tout cas, il l'a manifesté dans les

13 discussions que lui-même et Kotur ont eues avec moi sur un point

14 particulier. Nous disions de façon répétitive que, si l'UCK était vue à

15 l'enterrement par exemple, la VJ et les forces du MUP en particulier

16 risquaient d'intervenir. Pendant ces discussions, il a été dit que, si les

17 terroristes étaient vus présents aux funérailles, il y aurait sans doute

18 des tirs. Nous avons donc essayé de les convaincre de différentes manières

19 que ces funérailles devaient se dérouler dans le calme et de façon

20 pacifique, afin d'éviter toute effusion de sang. Nous l'avons fait sur la

21 base de l'expérience que nous avions en Irlande du Nord, s'agissant

22 d'événements similaires. Nous avons discuté de cela avec M. Sainovic après

23 en avoir parlé avec les autres responsables.

24 Question: Donc c'est l'une des décisions qui a été prise par Sainovic,

25 n'est-ce pas?

Page 3174

1 Réponse: Oui.

2 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas

3 exactement quand se situe la pause?

4 M. le Président (interprétation): A 10 heures 30.

5 M. Ryneveld (interprétation): Merci. Donc je continue l'interrogatoire

6 principal.

7 Monsieur le Témoin, connaissez-vous le général Brankovic?

8 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

9 Question: Dans quelles conditions avez-vous fait sa connaissance?

10 Réponse: Ce qui s'est passé, c'est que l'activité des forces de sécurité

11 serbes était en train de se développer; donc nous avons pensé que le

12 général Loncar et sa commission auraient de plus en plus souvent à

13 demander l'avis de Belgrade. Nous avons constaté également l'absence plus

14 fréquente de Loncar et nous n'avons pas été surpris de constater un jour

15 qu'une nouvelle commission d'experts avait été créée, qui était censée

16 traiter de toutes ces questions plus directement avec nous.

17 J'ai rencontré donc rencontré un jour le général Brankovic, qui ne m'a pas

18 dit à moment-là qu'il était censé représenter l'armée yougoslave, donc les

19 militaires, mais qu'il était en fait le représentant direct du

20 gouvernement de Belgrade.

21 Question: Lorsque vous voulez dire "le gouvernement de Belgrade", vous

22 voulez dire le gouvernement fédéral?

23 Réponse: Oui, oui, le gouvernement fédéral.

24 Question: Dirigé par l'accusé?

25 Réponse: Oui.

Page 3175

1 Question: Loncar était-il toujours présent sur les lieux à ce moment-là?

2 Ou est-ce Brankovic l'a remplacé? Ou est-ce qu'ils étaient présents tous

3 les deux? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

4 Réponse: Eh bien, ce qui s'est passé, c'est que lors des quelques

5 rencontres que j'ai eues avec le général Brankovic -ces réunions étaient

6 très désagréables compte tenu de l'attitude qu'il a adoptée à notre égard,

7 je dirais qu'en tout cas-, il se montrait très difficile avec nous, il

8 insistait pour que toutes les questions qui devaient être mises à l'ordre

9 du jour lui soient soumises 24 heures à l'avance; il fallait que les

10 réunions aient lieu exactement lorsqu'il le voulait. Il ne voulait donc

11 discuter de rien, sans en être prévenu à l'avance. Tout cela a rendu notre

12 travail impossible car, durant l'escalade de la violence, nous avions

13 parfois deux ou trois par jour: il était donc impossible de le prévenir à

14 l'avance de l'ordre du jour.

15 Donc Brankovic était présent à ces réunions, de temps en temps. Je parle

16 de ces réunions quotidiennes. Loncar avait disparu. Kotur m'avait dit

17 qu'il en avait assez de toute cette politique et qu'il avait demandé à

18 rejoindre son unité militaire. Donc il ne faisait plus partie de la

19 commission.

20 Question: Pouvez-vous nous dire, en tout cas approximativement, quand

21 cette relève, ce remplacement s'est produit? Nous sommes bien en train de

22 parler, n'est-ce pas, de DZ et du mois de janvier ou février?

23 Réponse: Ceci s'est passé au mois de mars.

24 Question: Mars 1999?

25 Réponse: Oui, mars 1999.

Page 3176

1 Question: Merci. Lorsque Loncar est parti, Kotur est retourné dans son

2 unité; il ne faisait plus partie de la commission non plus?

3 Réponse: Non.

4 Question: Quels étaient les autres membres serbes présents? Pouvez-vous

5 vous en souvenir?

6 Réponse: Je devrais me référer à mes notes que j'ai laissées en bas.

7 Question: Très bien.

8 Réponse: Il y avait au moins deux ou trois colonels qui sont venus, mais

9 Mijatovic est resté membre de cette commission.

10 Question: Très bien. Puisque vous venez de parler de Mijatovic, quels sont

11 les contacts que vous avez eus avec Mijatovic? Et dans quel cadre?

12 Réponse: Le colonel Mijatovic était le numéro 2 du MUP au Kosovo. Il

13 venait souvent aux réunions, mais pas toujours, en général pour nous

14 informer de ce que ses patrouilles ou ses hommes avaient fait lors

15 d'attaques ou lorsqu'il y avait eu des meurtres ou des blessés. Ces sujets

16 étaient traités pendant une demi-heure en général, 40 minutes lorsque nous

17 parlions d'empêcher ces assassinats, des abus qu'ils constituaient, et que

18 nous exprimions notre désir de vérifier ce qui se passait du côté serbe,

19 pour répondre à des allégations contraires à la vérité.

20 Question: Je vois. Vous rappelez-vous le nom du colonel qui a remplacé le

21 colonel Kotur?

22 Réponse: Je n'en suis pas sûr mais je crois que c'était Petric ou

23 Petrovic.

24 Question: Si c'était Petrovic, est-ce l'homme qui l'a éventuellement

25 remplacé en tant qu'officier de liaison?

Page 3177

1 Réponse: Effectivement.

2 Question: Ensuite, il y a Mijatovic qui représentait le MUP?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Qui était ce Lukic, Sreten Lukic?

5 Réponse: Le général Lukic était le chef du MUP de Pristina au Kosovo.

6 Question: Pouvez-vous nous dire si Mijatovic et Lukic travaillaient à

7 partir de leur quartier général, ou bien où était situé leur siège?

8 Réponse: Le colonel Mijatovic venait rarement aux réunions de la

9 Commission, mais j'ai pu voir où se tenait le siège, où se trouvait son

10 bureau. Donc Lukic et Mijatovic travaillaient dans une partie

11 opérationnelle du siège du MUP qui se trouvait derrière le stade et dans

12 la partie administrative du siège du MUP, non loin du quartier général de

13 l'OSCE au centre de la ville.

14 Question: Un peu plus tard au cours de votre déposition, je vous montrerai

15 des cartes et je vous demanderai de nous décrire un certain nombre de

16 choses, et de nous montrer cet endroit. Mais savez-vous si les

17 hélicoptères pouvaient atterrir à cet endroit?

18 Réponse: Oui, tout près de ce siège, de ce quartier général, se trouvait

19 le stade et des hélicoptères arrivaient, atterrissaient régulièrement sur

20 le terrain. Par exemple, lorsque M. Sainovic arrivait, il arrivait le plus

21 souvent en hélicoptère et se posait sur le stade.

22 Question: Je suppose que vous parlez de Pristina, que cela se passait à

23 Pristina?

24 Réponse: En effet, au centre de la ville de Pristina.

25 Question: Je ne sais pas si le temps va nous le permettre avant la pause,

Page 3178

1 mais vous nous avez parlé d'opérations qui ont lieu en hiver ainsi que de

2 manœuvres hivernales, vous nous avez parlé de l'accord conclu que vous

3 étiez chargé de vérifier en tant qu'observateur. Pouvez-vous nous donner

4 une liste des témoins qui vous ont fourni des indications au sujet des

5 opérations prévues pour le printemps?

6 Réponse: Oui, nous avions un certain nombre d'indicateurs qui nous

7 indiquaient que quelque chose était en cours de préparation. Notamment, le

8 fait qu'on nous empêchait, de plus en plus souvent, de travailler dans

9 l'application de notre mandat.

10 La première chose que je mentionnerai, c'est le déploiement de troupes

11 hors de leur caserne pour des manœuvres qui se sont déroulées au cours de

12 l'hiver. Le fait que les jeunes soldats ne rentraient plus chez eux,

13 n'avaient plus de permission, qu'ils faisaient donc des heures

14 supplémentaires et que leur nombre s'est accru. Le fait que des colonnes

15 entières apportaient des nouvelles munitions; nous avons vu des trains qui

16 arrivaient également, et à bord de ces trains se trouvaient des chars.

17 Nous l'avons vu à Mitrovica et ces chars ont ensuite été distribués un peu

18 partout au Kosovo.

19 Question: Je crois que vous avez dit, un peu plus tôt dans votre

20 déposition, que l'équipement s'était amélioré, que certains chars et des

21 éléments de ce genre étaient désormais de meilleure qualité. Quelle

22 importance accordez-vous à ce fait?

23 Réponse: Eh bien, ce n'était pas simplement le fait que des équipements

24 nouveaux ou de meilleure qualité ou de meilleure performance arrivaient,

25 des équipements qui pouvaient faire plus de morts, mais nous avons

Page 3179

1 également remarqué que les effectifs du MUP étaient en train d'augmenter.

2 Des membres du MUP que nous n'avions pas vus par le passé se trouvaient

3 sur place désormais. Le nombre de policiers, normal, dans la ville était à

4 peu près moyen pendant une certaine période. Et nous avons vu ensuite des

5 membres du MUP qui portaient des tenues de combat différentes, des

6 uniformes normaux que nous avions l'habitude de voir; des équipements de

7 combat tout à fait modernes d'ailleurs avec des casques très modernes,

8 nouveaux au Kosovo. Et ces gens portaient donc des casques en kevlar, une

9 matière tout à fait moderne protégeant contre les blindés, et de nouvelles

10 tenues que nous n'avions jamais vues jusqu'à moment-là. Ils avaient

11 également des armes différentes à canon court, plus court en tout cas que

12 celles que nous avions vues auparavant, des armes automatiques du type

13 Scorpion MP-5. Il y avait aussi des améliorations qualitatives, en tout

14 cas, toutes sortes de changements. Et il était évident, au vu de tout

15 cela, que des opérations se préparaient. Il y a eu un saut qualitatif que

16 nous avons observé et également un comportement plus agressif de leur

17 part.

18 Question: Vous avez pu remarquer cela à quel moment?

19 Réponse: Au mois de mars.

20 Question: Outre ces unités de MUP mieux équipées que par le passé que vous

21 venez de décrire, vous avez également parlé du remplacement des membres de

22 la Commission. Le fait que Loncar et Kotur soient partis par exemple et

23 que d'autres personnes soient arrivées, était-il un signe indicateur pour

24 vous?

25 Réponse: Oui, l'accroissement des effectifs, l'amélioration des

Page 3180

1 équipements, l'extension de la zone frontalière, j'ai oublié de le dire

2 tout à l'heure, le fait que nous avions jusqu'à ce moment-là des relations

3 de travail qui se déroulaient dans un climat, disons, raisonnablement

4 amical s'est transformé complètement puisqu'une agressivité nouvelle nous

5 a été opposée, ce qui a rendu notre travail pratiquement impossible. Il

6 était impossible de leur faire entendre raison, tout cela c'étaient des

7 signes indiquant des changements importants au Kosovo.

8 Question: Vous avez mentionné la pièce 52, une déclaration du fait que

9 Bukos devenait une garnison permanente, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Excusez-moi, c'était la pièce à conviction 94, intercalaire 52.

12 Qu'avez-vous pensé de cela, si cela vous a indiqué quelque chose.

13 Réponse: Ce qui se passait, c'est que les zones des casernes étaient des

14 dépositions stratégiques au Kosovo, et à partir de ce moment-là, elles ont

15 couvert des zones très importantes, d'une superficie très importante à

16 laquelle nous n'avons plus pu accéder. Dans ces zones, les Serbes menaient

17 leurs actions à tout moment, des actions de formation, d'entraînement, et

18 il était impossible de s'y rendre en tant que membre de la Mission de

19 vérification. Donc ils ont mieux protégé leurs casernes, ils ont bloqué

20 l'accès à ces casernes en y plaçant des gardes armés, à tous les accès,

21 que ce soit par la route par la piste ou ailleurs. Et ces hommes étaient

22 armés.

23 En fait, moi-même, DZ et un autre représentant du quartier général, avons

24 essayé une fois de circuler dans la zone de Vucitrn, et nous avons passé

25 plusieurs heures à faire cette tentative, et des soldats nous tenaient en

Page 3181

1 joue avec des armes, en grand nombre ce jour-là, pour nous empêcher de

2 pénétrer dans certaines zones.

3 Question: La dernière question que je vous poserai avant la pause, est

4 celle-ci. Je crois avoir compris que vous avez parlé de l'extension des

5 zones frontalières un peu plus tôt. Pouvez-vous nous en dire un peu plus

6 sur ce sujet, ce que vous voulez dire par là?

7 Réponse: Oui, un aspect important de notre travail dans ces zones très

8 sensibles consistait à vérifier tout incident qui pouvait s'y produire. En

9 décembre par exemple, une embuscade importante avait été organisée par les

10 forces serbes contre une relève de l'UCK, un convoi qui était arrivé et un

11 grand nombre de membres de l'UCK avaient été tués.

12 Notre problème consistait à pouvoir remplir notre mandat, c'est-à-dire

13 vérifier ces incidents. Au début, nous avions accès à certaines zones, à

14 la zone frontalière notamment. Mais, de plus en plus au fil du temps, cet

15 accès nous a été restreint, et finalement interdit. Le document disait

16 cependant que nous devions pouvoir circuler dans tout le territoire du

17 Kosovo. Dans des zones comme Prizren par exemple, où le général

18 Maisonneuve avait des responsabilités au niveau de la région, l'accès est

19 pratiquement totalement interdit; il devait demander des autorisations

20 quotidiennes et, normalement, on lui opposait un rejet; c'était une zone

21 qui s'étendait en profondeur sur quatre ou cinq kilomètres.

22 En mars, nous avons appris rapidement que cette frontière était étendue:

23 elle s'étendait désormais sur 14 ou 15 kilomètres; il était très clair que

24 nous n'y aurions pas accès.

25 Nous ne serions donc jamais plus autorisés à pénétrer dans cette zone.

Page 3182

1 C'était une zone très importante qui recouvrait un grand nombre de

2 villages albanais, des villages que les Serbes considéraient comme

3 abritant des terroristes; par conséquent, nous savions qu'en cas

4 d'incidents, nous n'aurions pas la possibilité de les vérifier, au cas où

5 il y aurait des combats; ce que tout semblait indiquer comme étant un

6 risque à prévoir. Donc notre travail a été restreint et le danger plus

7 important pour nous qui n'étions pas armés.

8 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

9 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant suspendre pendant

10 20 minutes.

11 Je vous rappelle, Monsieur le Témoin, que vous n'avez l'autorisation de

12 parler à personne, même pas aux membres du Bureau du Procureur.

13 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures.)

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, c'est à vous.

15 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

16 Monsieur le Témoin, dans la dernière réponse que vous avez faite avant la

17 pause, vous avez fait référence à l'accès à la zone frontalière, ainsi

18 qu'à l'agrandissement de cette zone frontalière. J'aimerais que l'on

19 examine la pièce 94, intercalaire 63, qui nous présente une chronologie

20 des événements principaux.

21 J'aimerais, une fois qu'on vous aura communiqué ce document, que vous

22 feuilletiez celui-ci. A la quatrième ou cinquième page, vous trouverez la

23 page K0078021. Et cette page a un numéro de série de 118 à 240. J'aimerais

24 que vous examiniez les lignes 128 et 129, qui font référence aux

25 événements du 16 mars.

Page 3183

1 Première question: est-ce que vous avez connaissance d'une chronologie des

2 événements établis de cette sorte?

3 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

4 Question: Et si l'on examine ce qui concerne le 16 mars, lignes 128, 129

5 et 130, est-ce qu'on parle ici de l'incident que vous avez signalé à la

6 Chambre où l'on dit, par exemple, que "la zone frontalière est passée de

7 cinq à dix kilomètres environ"?

8 Réponse: Oui, je peux également dire qu'à la ligne 128, on parle de chars

9 T-72; j'étais à Mitrovica, j'ai vu ce train et j'ai suivi les chars

10 jusqu'à Glogovac; je peux le confirmer. Quant à la zone frontalière, elle

11 est passée de cinq à dix kilomètres; parfois, à certains endroits, jusqu'à

12 14 ou 15 kilomètres.

13 Question: Et à la ligne 30, on voit que le service militaire des conscrits

14 de la VJ a été allongé de 30 jours. Est-ce ce dont vous nous parliez

15 lorsque vous avez évoqué que les gens restaient dans les rangs de l'armée

16 plus longtemps que prévu?

17 Réponse: Oui, c'est exact. Nous savions que cela se produisait, mais nous

18 pensions que cela s'était déjà produit auparavant.

19 Question: Merci. Vous nous avez dit avoir rencontré diverses personnes, y

20 compris M. Lukic. Comment se faisait-il que vous connaissiez M. Lukic?

21 Vous nous avez dit que c'était le chef du MUP au Kosovo: comment avez-vous

22 appris ce fait?

23 Réponse: Eh bien, au départ, j'ai reçu des informations sur l'organisation

24 des institutions sur place; on m'a informé du fait que le général Lukic

25 était à la tête du MUP. Ceci a été confirmé à plusieurs reprises lors de

Page 3184

1 réunions que j'ai eues avec la commission. Lorsque j'ai pu le rencontrer

2 -et cela n'a eu lieu que très rarement-, il s'est également présenté comme

3 le chef du MUP au Kosovo. De même que le jour où l'on m'a présenté à la

4 nouvelle commission, le général Lukic était présent et on m'a également

5 confirmé que c'était lui le patron.

6 Question: Et afin que les choses soient bien complètes, vous avez parlé de

7 Sainovic. Vous dites l'avoir vu quelques fois. Combien de fois est-il venu

8 au Kosovo depuis Belgrade, pendant la période de temps que vous avez

9 passée sur place?

10 Réponse: Eh bien, en premier lieu, il faut que je vous dise que, chaque

11 fois qu'il est venu, il n'a pas forcément rencontré des représentants de

12 l'OSCE et de la Mission de vérification au Kosovo, mais il nous est arrivé

13 d'apprendre qu'il était sur place. Moi, personnellement, je l'ai vu à

14 trois ou quatre reprises, mais je sais qu'il est venu plus fréquemment et

15 qu'il a rencontré notamment l'ambassadeur Keller, qui était son

16 interlocutrice principale, avec la Mission de l'OSCE.

17 Question: Donc, pendant la période de trois mois -de janvier, février et

18 mars- pouvez-vous nous dire combien de fois il est venu au Kosovo?

19 Réponse: Je dirai qu'il est venu à peu près tous les deux ou trois jours.

20 Question: Merci. Maintenant, en ce qui concerne le MUP, pendant votre

21 séjour au Kosovo, est-ce que vous vous êtes fait une opinion quant au rôle

22 joué par le MUP au Kosovo?

23 Réponse: Oui. La première chose que j'ai appris, c'est que le MUP ne

24 s'intéressait pas vraiment aux missions habituelles de la police. Le MUP

25 ne se comportait pas comme les forces de police que j'avais pu voir en

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1 action précédemment, à savoir la lutte contre la criminalité, la

2 réglementation de la circulation, etc., ce qu'on attend des policiers

3 habituellement. Ils jouaient essentiellement un rôle militaire, un rôle de

4 fantassin. Et quand on les voyait sur le terrain, ils étaient armés de

5 fusils d'assaut, ils portaient des uniformes de combat et avec une sorte

6 de casque.

7 Question: Le moment est peut-être bien choisi pour vous montrer un certain

8 nombre de photographies?

9 Madame la Greffière d'audience, je souhaiterais que l'on présente au

10 Témoin les pièces à conviction 17, 18, 21A et 21B, et nous allons en

11 traiter avec lui en même temps.

12 Et pendant que l'on cherche ces pièces, Monsieur le Témoin, une question.

13 Précédemment au cours de votre déposition, vous avez dit qu'il y avait

14 différents types de policiers. Il y avait des policiers qui portaient un

15 uniforme normal et puis il y avait d'autres policiers qui étaient mieux

16 équipés et qui se présentaient de façons très différentes. Seriez vous en

17 mesure de reconnaître ces uniformes si on vous les présentait à nouveau?

18 Réponse: Je crois que oui.

19 Question: Dans ces conditions; nous allons attendre que vous soient

20 présentés les éléments de preuve, ces pièces à conviction plutôt. Et je

21 vais vous demander de les examiner.

22 (Intervention de l'huissier.)

23 Nous allons d'abord regarder les uniformes. Je crois qu'il s'agit de la

24 pièce 18.

25 (Intervention de l'huissier.)

Page 3186

1 Les photographies apparaissent sur l'écran puisqu'elles sont placées sur

2 le rétroprojecteur. La pièce 18 donc, contient une dizaine de

3 photographies qui nous présente diverses personnes portant plusieurs types

4 d'uniformes. Vu votre expérience en tant qu'observateur, vu votre

5 expérience militaire, pouvez-vous nous dire si vous avez vu des gens

6 portant des uniformes de ce type? Et si c'est le cas, lesquels?

7 Réponse: Oui, oui. J'ai vu tous ces uniformes sur place au Kosovo. Le n°1,

8 c'est l'uniforme classique de la VJ. Le n°2, il s'agit sans doute ici

9 également d'une unité de la VJ qui procède à un transfert de consigne. La

10 photographie n°3 nous montre les forces de police qui menaient des

11 opérations de ratissage dans les villages qui opéraient au Kosovo près de

12 Podujevo par exemple, au-dessus de Lashtica.

13 La photographie n°4: ici, il s'agit d'un uniforme qu'on a vu apparaître

14 beaucoup plus tard à la mi-mars. On a vu apparaître de nouveaux policiers,

15 ils n'avaient pas véritablement d'insigne de ce nom, ils portaient

16 simplement l'indication "policija" sur le bras gauche mais on ne voyait

17 pas l'indication de l'unité à laquelle appartenait ces hommes. Et on voit

18 également que cet homme porte une arme qui semble indiquer qu'il

19 appartient à une force spéciale, à des policiers spécialement formés.

20 Question: En ce qui concerne la photographie n°3, est-ce que l'inscription

21 qui figure sur le bras de cet homme est en cyrillique?

22 Réponse: Oui, mais je parle bulgare, et le bulgare est une langue qui

23 s'écrit en cyrillique, donc je peux lire cet alphabet.

24 Question: Donc on peut lire le mot de…

25 Réponse : "Milicija".

Page 3187

1 Question: Et les armes? Quelles sont ces armes?

2 Réponse: Sur la photographie n°3, on voit la K-47, utilisée par l'armée

3 yougoslave, ça s'appelle en fait un M-70. Et le n°4, c'est une arme qui

4 ressemble à un AK-47. Et généralement c'est le type d'armes qui sont

5 utilisées par les troupes aéroportées.

6 Question: Et le n°5?

7 Réponse: On a l'impression ici qu'il s'agit de la tenue de combat de la VJ

8 mais, en fait, il s'agit de policiers ici. On a vu apparaître deux types

9 d'uniformes sur les policiers qui sont venus plus tard beaucoup plus tard.

10 Et on voit au n°6: la personne porte le même type de casque, mais à

11 gauche, on a l'impression qu'il s'agit d'une tenue de camouflage vert

12 olive, alors qu'à droite, il s'agit de la tenue habituelle du MUP dans la

13 couleur caractéristique bleue. Et aux photographies 5 et 6, on voit que le

14 soldat qui est devant tient un fusil de tir embusqué. Encore une sorte de

15 AK-47, mais avec un canon beaucoup plus long qu'habituellement.

16 Question: Et il semble porter des insignes, n'est-ce pas?

17 Réponse: Oui, où il est inscrit le mot "milicija".

18 Question: Et on a l'impression qu'à la photographie n°6, il porte une

19 espèce de gilet?

20 Réponse: Oui, c'est le type de gilet dans lequel on conserve les

21 cartouches ou les munitions. C'est le genre de vêtements portés par les

22 hommes au combat.

23 Question: Et en ce qui concerne le n°7?

24 Réponse: Le n°7 nous présente quelqu'un qui ne ressemble pas vraiment à un

25 policier, qui est plus qu'un policier. Ce ne sont pas des soldats mais

Page 3188

1 c'est un peu difficile de savoir de quoi il s'agit. Moi je pense qu'il

2 s'agit encore une fois d'une unité spéciale de la police.

3 Question: Et les armes?

4 Réponse: AK-47.

5 Question: Numéro 8?

6 Réponse: Là, je ne peux faire qu'une supposition et vous dire qu'il s'agit

7 d'une sorte de membre d'unité paramilitaire avec une mitrailleuse lourde.

8 J'ai du mal à vous dire sur quels véhicules cette arme est montée, mais on

9 voyait ce genre de véhicules et on les associait aux Serbes.

10 Question: Numéro 9?

11 Réponse: Nous avons ici un camion qui transporte des soldats de la VJ. Et

12 cela, vous avez tout à fait le type de tenue vestimentaire qu'il portait.

13 Les casques également. Et je pense que c'était le genre… Cette

14 photographie a été prise à la fin de la campagne serbe au Kosovo, vu

15 l'apparence assez fatiguée de ces personnes.

16 Et à la photographie n°10, on voit un combattant de l'UCK; son uniforme

17 est un peu inhabituel: c'est une sorte d'uniforme de type allemand ou

18 suisse. On voit qu'il porte l'insigne "UCK".

19 Question: On voit un tout petit peu son arme. Que pouvez-vous nous en

20 dire?

21 Réponse: Ce qu'on voit pourrait nous indiquer qu'il s'agirait peut-être

22 d'une AK-47. C'était l'arme de prédilection des parties en présence.

23 Question: Nous allons passer aux équipements que vous avez pu voir sur

24 place et, en l'occurrence, avec la pièce à conviction n°17, qui comporte

25 un certain nombre de pages, quatre pages. On voit un certain nombre de

Page 3189

1 véhicules numérotés de 1 à 15.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Pouvez-vous nous dire si vous avez vu des véhicules de ce type pendant

4 votre séjour et si vous êtes en mesure de nous en donner le nom? Ceci se

5 révélerait fort utile pour nous. Commençons par le n°1.

6 Réponse: Je reconnais tous ces véhicules; il s'agit effectivement de

7 véhicules qui ont été employés au Kosovo. Les véhicules 1 et 3, on les a

8 vus apparaître beaucoup plus tard, alors que les véhicules n°2 et n°4,

9 nous les avons vus très fréquemment. Mais je préfère commencer par la fin,

10 à partir de 4.

11 Question: Pas de problème, à condition que vous nous indiquiez de quel

12 véhicule vous parlez.

13 Réponse: Le n°4, c'est ce véhicule que l'on désignait sous le terme de

14 "Praga", un véhicule antiaérien, avec des armes de fort calibre. C'est un

15 véhicule qui a été employé très fréquemment pendant mon séjour au Kosovo;

16 généralement, cette arme était mise en œuvre contre des bâtiments ou des

17 positions tenues par l'UCK. C'est une arme à très grande vitesse et une

18 arme utilisée en tir direct.

19 Question: Donc il a été utilisé, ce véhicule, contre d'autres cibles que

20 des avions, n'est-ce pas, pendant votre séjour?

21 Réponse: Pendant mon séjour, cette arme était utilisée contre l'UCK et

22 contre les villages de l'UCK ou les villages albanais.

23 Question: Donc un Praga?

24 Réponse: Un Praga.

25 Question: Poursuivons.

Page 3190

1 Réponse: Le véhicule n°2, c'est un BTA-60; c'est un véhicule de transport

2 de troupes et de commandos. J'ai vu ces véhicules à Prizren, à la caserne

3 de Prizren; c'étaient des véhicules qui étaient utilisés par l'armée, mais

4 pas uniquement.

5 Question: S'il s'agit de véhicules de transport de troupes, est-ce qu'on

6 les désignait également sous l'abréviation APC -véhicule de transport de

7 troupes blindé?

8 Réponse: Peut-être. Le n°1, c'est vraiment un APC; le n°2, c'est un APC à

9 roues; alors que le n°3, c'est plutôt un véhicule blindé de combat qui

10 peut être utilisé pour acheminer des troupes, mais c'est un véhicule qui

11 dispose également d'un canon très puissant; il peut être utilisé dans le

12 cadre d'une offensive.

13 Question: Est-ce que vous avez vu ces véhicules en action, dans le cadre

14 d'offensives?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Page suivante: photographie n°5 à n°8.

17 Réponse: Le n°5, c'est une variante du T-52, qu'on a vu arriver en mars,

18 par Mitrovica. Il s'agit d'un M-84. Il s'agit d'une arme beaucoup plus

19 puissante que le T-55 que l'on voit au n°6. Ça, c'est un véhicule beaucoup

20 plus ancien, qui date des années 50, un véhicule qui est très efficace,

21 mais qui n'est pas aussi rapide et aussi manœuvrable, et aussi bon au

22 combat que le M-84. Et quand nous avons vu arriver ce type de véhicules,

23 décrit au n°5, à Mitrovica, nous avons compris qu'il se préparait quelque

24 chose.

25 Question: Ma question va peut-être vous paraître naïve: pour les

Page 3191

1 photographies 5 et 6, vous nous avez donné des noms. Est-ce qu'il s'agit

2 de chars?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Et d'après ce que vous nous avez dit précédemment, il s'agissait

5 d'équipements militaires et non pas d'équipements utilisés par le MUP?

6 Réponse: Oui, il s'agit d'équipements utilisés par l'armée.

7 Question: Et les personnes qui se trouvent sur le véhicule décrit au n°6,

8 que portent-elles?

9 Réponse: Elles portent les vêtements qu'arborent généralement ceux qui

10 servent dans les chars, avec le couvre-chef approprié.

11 Question: Quant aux véhicules 1 à 4, est-ce qu'il s'agit des véhicules du

12 MUP, de la VJ ou des deux?

13 Réponse: Surtout le MUP ou peut-être les deux, parce que, généralement, ce

14 véhicule qu'on voit à la photographie n°4 assurait généralement un appui à

15 la VJ ou au MUP. Vous avez quelqu'un qui est assis en haut du véhicule et

16 qui peut utiliser le camion.

17 Le numéro 2 pouvait être utilisé par les deux forces, alors que le 1 et le

18 3, généralement, étaient utilisés par le MUP.

19 Question: En cas d'opération que vous avez pu voir de vos yeux, est-ce que

20 vous avez pu constater que ces opérations étaient menées par le MUP

21 uniquement, la VJ ou les deux?

22 Réponse: Eh bien, généralement, dans le cadre de ces opérations, c'est le

23 MUP qui assurait l'avant-garde, qui fournissait les fantassins sur le

24 terrain, ceux qui s'avançaient vers la position et qui prenaient cette

25 position. Le rôle de la VJ, au départ, c'était de fournir un appui feu

Page 3192

1 très nourri, si bien qu'ils avaient au départ des chars ou des pièces

2 d'artillerie qui tiraient sur la cible, de façon indirecte ou directe.

3 Mais toutes les activités, qui avaient pour cibles les villages, qui

4 avaient pour objectif le ratissage des villages, étaient réalisées par le

5 MUP.

6 Question: Et quand vous dites "réalisées par le MUP", est-ce que la VJ

7 était présente également?

8 Réponse: Oui, c'était le MUP qui menait à bien ces opérations, mais c'est

9 ensuite seulement qu'on voyait apparaître les soldats de la VJ. Sauf peut-

10 être une seule fois au nord du Kosovo, au nord de Pristina dans la ville

11 de Lebane. Une patrouille de la VJ circulait et un tireur embusqué de

12 l'UCK a tiré sur cette patrouille, a blessé un des officiers qui se

13 trouvait dans ce véhicule 4X4, et ensuite l'opération de représailles qui

14 a suivi a été une opération exclusivement menée par la VJ, qui a mené donc

15 à une offensive contre ce village. La première fois que j'ai assisté à une

16 attaque de nature différente, c'était cette fois-là. Donc plutôt que de

17 pilonner le village pendant l'attaque, ils ont encerclé le village et ils

18 ont procédé à une fouille très méticuleuse du village, mais sans qu'il y

19 ait de tirs. Nous sommes ensuite allés dans le village et il n'y avait pas

20 eu de destruction systématique de l'endroit.

21 Question: Etant donné que je ne suis pas un spécialiste militaire,

22 j'aimerais savoir ce que vous entendez par "pilonner", qu'est-ce que ça

23 veut dire? Qu'est-ce que ça met en œuvre des canons importants, des

24 bombes?

25 Réponse: Eh bien, ça recouvre tous ces aspects. Parfois, avant une

Page 3193

1 attaque, on peut détruire une cible en appliquant des tirs indirects sans

2 que les soldats aillent sur place et doivent se battre, maison par maison.

3 Généralement, il y a bombardement aérien. On peut également employer

4 l'artillerie qui a une portée de 20 kilomètres. On peut utiliser les chars

5 également mais leur portée est moins grande, 4 kilomètres au maximum. Et

6 on peut également employer les mortiers, mais là aussi c'est un tir

7 indirect: cela crée beaucoup de dégâts et on fait appel à un pilonnage des

8 villages pour que les soldats n'aient pas à se battre, maison par maison.

9 Question: Donc si j'ai bien compris, les choses généralement se passaient

10 de la manière suivante: il y avait d'abord un pilonnage, et ensuite le MUP

11 entrait dans le village?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Et qui procédait à ce pilonnage, MUP ou VJ?

14 Réponse: VJ.

15 Question: Donc d'abord VJ. Et ensuite le MUP entre. Et il se pouvait

16 éventuellement que VJ se joigne à eux plus tard?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Donc opérations coordonnées?

19 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

20 M. Ryneveld (interprétation): vous nous avez parlé de chars, est-ce que

21 vous voulez rajouter quelque chose à ce sujet?

22 M. Kwon (interprétation): Monsieur Ryneveld, avant de poursuivre, j'ai une

23 question. Précédemment, vous nous avez donné une liste de véhicules qui

24 est intitulé "Liste permettant de reconnaître les véhicules". Est-ce qu'on

25 pourrait la passer en revue avec le Témoin pour qu'on puisse donner le nom

Page 3194

1 approprié à cela?

2 M. Ryneveld (interprétation): Ce n'est pas le Témoin qui a établi cette

3 liste mais, en tout cas, je pense qu'il va pouvoir nous aider. C'est M.

4 Coo qui va déposer à ce sujet. Je n'ai pas la liste ici. Si vous le

5 permettez, je vais encore poser deux ou trois questions au témoin pendant

6 qu'on m'apporte la liste. Je n'ai pas mon exemplaire ici.

7 Monsieur le Témoin, les photographies 7 et 8 nous présentent des camions,

8 n'est-ce pas?

9 M. Ciaglinski (interprétation): Au n°7, on voit un Pinzgauer.

10 Question: Un Pinzgauer, ça sert à quoi?

11 Réponse: Ça sert à transporter les soldats. De même que le 8, c'est un

12 autre véhicule utilisé par la VJ, les Pinzgauer étaient généralement

13 utilisés par le MUP.

14 Question: Et les Pinzgauer étaient utilisés essentiellement par le MUP?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Et à la photographie 8, on voit des gens qui sont transportés

17 devant une foule. Quels sont les uniformes que l'on voit ici?

18 Réponse: Il s'agit d'uniforme de la VJ, et il s'agit d'un autre type de

19 camions, mais je ne peux pas vous donner plus de précisions quant à ce

20 camion.

21 Question: Merci. Mais j'ai maintenant la liste en question. Peut-être

22 pourrait-on en communiquer un exemplaire au Témoin? Je vais lui demander

23 de nous expliquer à quoi se rapporte chacun des termes qui figurent sur

24 cette liste. Donc la liste d'abord.

25 (Intervention de l'huissier.)

Page 3195

1 Avez-vous donné une liste au Témoin?

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Avant d'entamer cet exercice, Monsieur le Témoin, jamais on ne vous a

4 montré cette liste, en tout cas avant votre entrée dans le prétoire?

5 Réponse: Non.

6 Question: Vous avez-vu les photographies, mais vous n'avez pas vu cette

7 liste de noms de véhicules. Donc en ce qui concerne la photographie au

8 n°1, on peut dire que c'est une sorte d'APC, c'est ce que vous venez de

9 nous dire?

10 Réponse: Oui, effectivement. Il s'agit de l'APC de type M-60 ou BTR, c'est

11 la désignation russe. A l'OTAN, on appelle ça des "BTR-60".

12 Question: Et le n°3?

13 Réponse: Je dois signaler, en premier lieu, que reconnaissance et

14 identification, ce sont deux choses bien différentes, et que même si… Par

15 exemple, moi je connais bien les armements de type bulgare, il s'agit là

16 de quelque chose qu'on entretient, donc je ne peux pas vous garantir que

17 mes conclusions seront sans faille.

18 Question: Le n°3, de quoi s'agit-il?

19 Réponse: Il s'agit d'un véhicule de transport de troupes, mais on y voit

20 des hommes, donc j'imagine qu'il s'agit de l'APC de type M-80. Le n°4,

21 c'est le M-53 Praga; on en a déjà parlé.

22 Question: Vous nous avez dit ce qu'était un Praga?

23 Réponse: J'ai dit que c'était un véhicule antiaérien.

24 Question: Et le n°5?

25 Réponse: Un M-84 et le T-54 et T-55, la différence entre T-54 et T-55 se

Page 3196

1 trouve au niveau de la gueule du canon.

2 Question: Et sinon, à part cela, ils sont complètement identiques?

3 Réponse: Oui, seuls les fanatiques de ce genre d'observation pourrons vous

4 dire qu'il s'agit de véhicules différents.

5 Question: Le n°7, c'était le véhicule de transport de troupes utilisé par

6 le MUP?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Et pourriez-vous nous donner le nom ou l'identification par un

9 numéro de ce véhicule?

10 Réponse: Non, je ne sais pas.

11 Question: Et le n°8, je crois que vous nous avez dit que vous connaissiez

12 mais que vous ne saviez pas comment il s'appelle?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Il s'agit d'un véhicule de transport de troupes de la VJ?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Le n°9: quel genre de véhicule voyons-nous ici?

17 Réponse: C'est ce que nous appelons des "Bobs"; c'est un véhicule

18 typiquement yougoslave; on ne le voit nulle part ailleurs. C'est un

19 véhicule de transport de troupes blindé, un type d'APC. Même chose pour

20 les n°10, 11.

21 Le n°12, c'est un véhicule de type russe; on appelle ça un BRDM; c'est un

22 véhicule de reconnaissance léger. Celui-ci est blindé et il y a une

23 mitrailleuse fixée sur le véhicule.

24 Question: Vous avez vu des spécimens de ces véhicules lors de vos

25 déplacements au Kosovo, pendant toute la durée de votre mission?

Page 3197

1 Réponse: Oui, j'ai pu observer tous ces véhicules lors de mes déplacements

2 au Kosovo.

3 Question: 14, 15, 16: que voyons-nous sur ces photographies?

4 Réponse: 13 et 14, ce sont des Landrover. 15, c'est un véhicule de type

5 américain, un MV. Ce qui est intéressant, c'est que les photographies 13

6 et 40 nous montrent des véhicules que les unités du MUP qui sont arrivées

7 plus tard utilisaient pour leurs déplacements. Les véhicules n'étaient pas

8 blindés comme ceux que vous voyez ici et c'étaient des véhicules peints de

9 toutes les couleurs possibles.

10 Nous voyions les Serbes utiliser des véhicules blancs, qui pouvaient être

11 confondus avec les véhicules blancs que nous utilisions au sein de l'OSCE;

12 c'est pour cela que le général DZ a demandé que nos véhicules soient

13 peints en orange. Il est arrivé, par la suite, que les Serbes peignent

14 également leurs véhicules en orange; nous avons protesté contre ce type

15 d'agissements.

16 Question: Il y a une photographie dont je ne dispose qu'en un seul

17 exemplaire; nous ne l'avons pas diffusée auprès des parties. Je demande à

18 ce que le Témoin se voit remettre la pièce K0215385. Je demande que cette

19 pièce soit placée sur le rétroprojecteur.

20 Dites-nous, Monsieur, si vous avez eu déjà l'occasion de voir ce véhicule

21 durant votre mission au Kosovo? Est-ce que vous avez déjà vu cette

22 photographie ou pas?

23 Réponse: Non. Je la vois ici pour la première fois.

24 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez déjà eu l'occasion

25 d'observer ces véhicules sur le terrain?

Page 3198

1 Réponse: Un instant.

2 Question: Si vous n'êtes pas à même de vous prononcer, c'est parfaitement

3 légitime.

4 Réponse: Vous savez, j'ai un petit peu de mal à reconnaître cela. La prise

5 d'angle peut également changer un petit peu la forme du véhicule.

6 Question: Et les troupes que nous voyons sont des troupes qui

7 appartiennent à quoi: le MUP, l'armée?

8 Réponse: Le MUP, des unités mieux équipées, mieux entraînées que les

9 unités de l'armée.

10 Question: Je vais demander maintenant à ce que nous passions à la pièce où

11 nous voyons les différents types d'uniformes; donc 21A et B.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, est-ce que vous souhaitez

14 passer en revue les différents éléments qui apparaissent sur ce guide de

15 reconnaissance?

16 (Le Juge Kwon fait un signe de la tête.)

17 Très bien. Nous allons le faire.

18 Nous allons d'abord regarder les photographies d'armes. Est-ce que vous

19 avez déjà eu l'occasion de voir ce type d'armes?

20 Réponse: Oui, je connais assez bien les quatre armes qui sont

21 photographiées ici.

22 Question: Pour que tout soit clair au compte rendu, j'indique que nous

23 sommes face à un document de deux pages; il y a des photographies et des

24 croquis. Je ne sais pas si la cote du document est la même: est-ce que

25 c'est le 21A ou le 21B?

Page 3199

1 Réponse: C'est le 21A qui est sur le rétroprojecteur.

2 Question: Très bien. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que nous

3 apercevons sur ces photographies?

4 Réponse: Sur la photographie 21A, on voit une pièce d'artillerie; je crois

5 que c'est un D-30, une arme de tir indirect, qui peut porter à très longue

6 portée, jusqu'à 18 km; la portée peut même être plus longue selon le type

7 de munitions que vous utilisez. C'était une arme exclusivement utilisée

8 par la VJ. Nous avons vu les troupes utiliser ces armes au Kosovo.

9 M. Ryneveld (interprétation): Vous êtes en train de regarder ce qui est

10 sur le rétroprojecteur, mais j'ai sous les yeux quelque chose de

11 différent.

12 M. le Président (interprétation): Oui, c'est le 21B.

13 M. Ryneveld (interprétation): C'est ce qui me semblait. Je vais demander,

14 Monsieur, à ce qu'on vous présente le guide de reconnaissance d'armes dont

15 nous avons ici des exemplaires.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Pour que tout soit clair, j'indique que nous regardons maintenant une

18 photographie qui a été placée sur le rétroprojecteur: il s'agit de la

19 pièce B1. Nous voyons une arme montée sur roues.

20 Est-ce que c'est le type de canon que l'on trouverait sur un char, ou est-

21 ce que c'est plus gros ou plus petit?

22 M. Ciaglinski (interprétation): J'ai dit que c'était un D-30 mais, en

23 fait, c'est un D-20, une arme d'un calibre légèrement différent. On peut

24 le reconnaître en regardant le bout du canon, la bouche du canon et je

25 n'ai pas été suffisamment attentif. On peut utiliser des munitions dont la

Page 3200

1 portée est de plus de 20 km, des munitions de 152 millimètres de diamètre;

2 effectivement, ça peut être traîné par un camion: c'est posé sur des

3 roues. Lorsque l'arme est en position, les roues se soulèvent du sol et

4 deux bras s'abaissent pour donner toute sa stabilité à l'arme. C'était

5 également une arme utilisée par la VJ.

6 Question: Vous dites qu'elle a une portée de 20 km?

7 Réponse: Au moins. Cela dépend des munitions que vous utilisez.

8 Question: Le n°2?

9 Réponse: C'est une pièce de mortier portative, du type M-70; cela peut

10 être porté sur l'épaule. C'est une arme assez petite, on peut tirer donc

11 des obus de mortier à une portée de quelques kilomètres. C'est une arme

12 que nous voyons fréquemment entre les mains des unités du MUP.

13 Question: Est-ce que vous avez déjà vu des hommes utiliser ce type

14 d'armes, à une ou deux reprises peut-être, au Kosovo?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Numéro 3 maintenant?

17 Réponse: C'est un Scorpion, mais je crois qu'il est à l'envers. Le MP-5,

18 c'est la photographie n°4.

19 Question: Donc la photographie 4, c'est quoi?

20 Réponse: Un MP-5, c'est une arme allemande utilisée par les forces de

21 sécurité. Donc je pense aux policiers par exemple. C'est une arme courte

22 qui tire des balles de 9 millimètres. Et nous avons vu ce type d'armes

23 entre les mains des forces spéciales du MUP. Ces forces spéciales mieux

24 équipées, mieux entraînées qui sont arrivées par la suite. Mais nous

25 n'avons pas vu ces armes entre les mains de la VJ.

Page 3201

1 Et puis le n°3 qui est donc le Scorpion, c'est une arme produite fabriquée

2 en Yougoslavie et qui n'était pas utilisée par les forces régulières, mais

3 plutôt par le MUP.

4 Question: Est-ce que vous avez vu l'UCK utiliser l''une quelconque des

5 armes que nous venons de regarder?

6 Réponse: Ils utilisaient différents types de mortiers. Il arrivait que tel

7 ou tel membre de l'UCK porte une arme de type 3 ou 4, mais sans doute ces

8 personnes l'avaient-elles prise d'un homme de la VJ ou du MUP, mais ce

9 n'étaient pas des armes couramment utilisées par l'UCK. Nous les voyions

10 en fait très rarement dans les rangs de l'UCK.

11 Question: Nous passons à la page suivante de ce document. D'après mes

12 références à moi, il s'agit de la page A, donc 21A. Est-ce que vous

13 reconnaissez les cinq armes que nous voyons ici?

14 Réponse: Oui, tout à fait. Je les reconnais toutes les cinq.

15 Question: Pourriez-vous nous expliquer de quel type d'armes il s'agit?

16 Réponse: Numéros 1, 2, et 3 pour commencer; il s'agit d'une arme tout à

17 fait similaire. Cela ressemble à la K-47, le kalachnikov russe qui était

18 l'arme d'infanterie; l'arme d'assaut par excellence qui était utilisée à

19 la fois par les forces du MUP et de la VJ.

20 Le n°1 est légèrement différent du n°2, parce qu'il y a un bras

21 rétractile, donc l'arme peut être raccourcie, le bras peut être replié

22 sous l'arme, ce qui en fait une arme plus courte, ce qui fait qu'elle peut

23 être utilisée plus facilement dans les combats dans les zones mal

24 dégagées.

25 Question: Oui.

Page 3202

1 Réponse: Et en fait, l'autre arme que nous voyons, c'est le même type

2 d'arme, et on tire avec le même type de balles, ce sont toutes les deux

3 des 7,62.

4 Question: Et là, nous ne le voyons pas sur les photographies?

5 Réponse: Non.

6 Question: Vous dites que le n°3?

7 Réponse: C'est à peu près l'arme dont je parlais.

8 Question: Et c'est une variante de l'arme que vous décriviez?

9 Réponse: Oui, il y a un canon plus long et un chargeur plus important pour

10 les munitions, c'est un fusil-mitrailleur.

11 Question: Et il y a un trépied qui permet de stabiliser l'arme?

12 Réponse: Oui, parce que c'est une arme d'une portée plus grande et dont

13 les tirs peuvent être très rapprochés, donc il est nécessaire de renforcer

14 le canon, et pour que l'arme résiste à la chaleur, bien sûr, le trépied

15 stabilise l'arme.

16 Question: Est-ce que vous avez-vu ces armes être utilisées?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Par qui?

19 Réponse: Par la VJ et par le MUP.

20 Question: Le n°4 maintenant?

21 Réponse: C'est un fusil à lunettes utilisé pour les tirs embusqués, un

22 calibre assez différent parce que ce sont des armes utilisées pour des

23 tirs uniques. C'est une arme bien équilibrée que l'on appelle le M-76.

24 Nous avons vu des photographies d'hommes du MUP qui portaient ce type

25 d'armes.

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1 Question: Donc ce sont ces armes que nous voyions porter par les hommes en

2 uniforme tout à l'heure sur les photographies?

3 Réponse: Oui.

4 Question: C'est une Zastava que nous voyons ici. Est-ce que cela vous

5 donne une indication quant à l'endroit où cette arme a été produite?

6 Réponse: Oui, elle a été produite en Yougoslavie.

7 Question: Est-ce que la même chose vaut pour la photographie n°5?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Que voyons-nous au n°5?

10 Réponse: C'est une GPMG, une mitrailleuse qui n'a pas un chargeur, mais

11 une bande chargeuse.

12 Question: Très bien, je vous remercie. Nous allons passer maintenant à

13 quelque chose de totalement différent.

14 Un peu plus tôt dans le cadre de votre déposition, vous avez fait

15 référence à un incident à Racak.

16 Est-ce que vous vous souvenez avoir assisté aux négociations qui se sont

17 déroulées au poste de police de Stimlje, négociations portant sur Racak?

18 Le cas échéant, pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé lors de ces

19 négociations?

20 Réponse: Oui, dans le cadre de l'enquête qui était menée par Mme la juge

21 Marinkovic sur les crimes perpétrés à Racak, nous nous rencontrions

22 souvent avec les membres de la police locale de Stimlje. Notamment avec le

23 commandant de la police locale de Stimlje. Et lors d'une réunion, celle

24 que vous évoquez, nous avons été informés du fait que Mme la juge

25 Marinkovic allait se rendre dans le village de Racak pour mener des

Page 3204

1 compléments d'enquête sur le terrain. Elle a indiqué qu'elle allait le

2 faire avec l'aide d'un grand nombre d'hommes du MUP armés, qui se

3 déplaceraient sur des véhicules blindés APC, des véhicules dotés de

4 mitrailleuses lourdes. Elle souhaitait être escortée et être protégée par

5 ces hommes.

6 Nous savions, de par nos discussions avec l'UCK, que si la juge arrivait

7 avec cette escorte importante, qu'ils allaient réagir et qu'il y aurait

8 une confrontation. Ils n'allaient pas rester sans rien faire. En

9 conséquence, le général de DZ et le général Maisonneuve ont conçu un plan

10 qui prévoyait que nous serions très présents dans le village, que nous

11 enverrions nos vérificateurs en nombre avec des véhicules et des systèmes

12 efficaces. Nous avions eu précédemment des discussions avec l'UCK, c'était

13 l'équipe de Maisonneuve qui s'en est occupé. Ces discussions visaient à

14 garantir qu'il n'y aurait pas de membres armés de l'UCK dans le village

15 qui essaieraient de porter atteinte au juge Marinkovic, et ils nous

16 avaient assuré qu'il n'arriverait rien au Juge Marinkovic. Mais nous

17 voulions nous en assurer pleinement et nous voulions également escorter la

18 juge Marinkovic, nous voulions que des vérificateurs l'entourent et lui

19 servent de bouclier, si vous voulez, pour qu'elle soit pleinement

20 protégée.

21 Nous avons convenu de retrouver la juge et la police locale à Stimlje, et

22 nous avons eu des négociations pendant toute la durée de la matinée, ça a

23 duré vraiment plusieurs heures. Moi, j'ai été constamment présent et toute

24 la conversation s'articulait sur le fait que la juge ne devait pas se

25 rendre dans le village escorté par la police. Le général DZ disait que

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1 c'est ce qu'il fallait qu'il se produise; la seule condition que nous

2 avons évoquée, et cela a été évoqué à plusieurs reprises: c'était que si

3 la juge entrait dans le village avec une escorte armée, nous souhaitions

4 en être avertis au moins dix minutes à l'avance, ce qui nous permettrait

5 de retirer nos vérificateurs. Nos vérificateurs n'étaient pas armés, nos

6 véhicules n'étaient pas des blindés; nous ne voulions pas que nos

7 vérificateurs se prennent des balles lors des échanges qui ne manqueraient

8 pas de s'ensuivre.

9 La juge a reconnu que cela pouvait se produire mais n'a manifesté ni

10 accord ni désaccord. Au fil de la discussion, elle a fini par annoncer

11 que, dix minutes auparavant, elle avait déjà donné l'ordre aux troupes

12 d'entrer dans le village et de s'en assurer le contrôle. A ce moment-là,

13 j'ai immédiatement quitté la place, j'ai immédiatement établi un contact

14 radio avec Maisonneuve et, en quelques mots, je lui ai dit ce qui se

15 passait; je lui ai dit: "Maisonneuve, c'est CZ. Sortez maintenant!". Il

16 avait dix minutes pour évacuer ses hommes du village; en fait, il n'avait

17 pas le temps de les évacuer du village, c'était vraiment une question de

18 secondes. On se demandait vraiment si les vérificateurs allaient pouvoir

19 sortir; un certain nombre de vérificateurs sont restés bloqués dans le

20 village et il y a eu une confrontation. Nous avons vraiment eu de la

21 chance parce qu'il n'y a pas eu de victime.

22 Ce qu'il est important de noter ici, c'est que le général DZ, à plusieurs

23 reprises, a fait valoir auprès de la juge Marinkovic que si quoi que ce

24 soit arrivait à ses vérificateurs, du fait de son comportement inadapté,

25 il transmettrait son nom à La Haye, au Tribunal pénal international. Il

Page 3206

1 indiquerait que cette personne avait commis un crime de guerre en mettant

2 en danger des personnes alors que ce n'était absolument nécessaire.

3 Question: Et vous dites qu'il y a eu effectivement affrontement armé dû au

4 fait que les troupes du MUP sont entrées dans le village?

5 Réponse: Elle est entrée dans le village et elle a fini en fait par se

6 retirer avec ceux qui l'accompagnaient, parce qu'ils n'étaient pas prêts à

7 se trouver eux-mêmes en plein milieu d'une échauffourée, avec échanges de

8 tirs, etc., même si elle était entrée dans le village à bord d'un véhicule

9 blindé.

10 M. Ryneveld (interprétation): Avant d'aborder le sujet suivant, je

11 voudrais poser une question: le Témoin a fait référence à ces guides de

12 reconnaissance d'armes, et je me demande s'il ne faudrait pas leur donner

13 une cote de référence. Par exemple 17A?

14 M. le Président (interprétation): Non, pourquoi? Nous avons des références

15 pour ces documents.

16 M. Ryneveld (interprétation): Très bien. Je poursuis.

17 Est-ce qu'à la fin mars, la KVM n'a pas quitté le Kosovo?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Si, tout à fait.

19 Question: Pourquoi cela?

20 Réponse: Parce que notre sécurité sur place ne pouvait plus être assurée

21 et que notre présence n'avait plus aucun impact. Nous n'avions, par

22 exemple, plus accès à quoi que ce soit d'intéressant et nous ne pouvions

23 pas mener vraiment à bien notre mission de vérification au Kosovo. Notre

24 liberté de mouvement était limitée: nous ne pouvions pas aller près de la

25 frontière, notamment près de la frontière étendue telle qu'elle se

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1 présentait désormais. Et les vérificateurs étaient la cible de

2 comportements très hostiles, à la fois de la part du MUP et de la VJ. J'ai

3 dit déjà que certains des nôtres avaient été violemment frappés ou

4 menacés; et il est arrivé que nos véhicules soient endommagés ou que l'on

5 tire sur nos véhicules. Nous ne pouvions donc pas mener à bien notre

6 mission de vérification, nous ne pouvions pas nous déplacer, nos hommes

7 étaient menacés d'être blessés; donc nous n'avions plus rien à faire sur

8 place: nous ne pouvions plus rien vérifier. Or, c'était l'objectif de

9 notre mission.

10 Question: Donc la décision a été prise pour vous de partir: elle est

11 devenue effective immédiatement?

12 Réponse: Oui, un mois auparavant, nous avions indiqué que si la situation

13 ne s'améliorait pas et s'il n'y avait pas évolution de la situation dans

14 le sens où les troupes fraîches de relève cessaient d'arriver, nous

15 aurions à nous poser la question de notre retrait, parce que nous pensions

16 bien que nous ne pourrions plus, dans de telles conditions, continuer à

17 assumer nos fonctions.

18 Question: Nous allons passer maintenant à un autre sujet. Pouvez-nous nous

19 dire quand vous avez quitté les lieux approximativement?

20 Réponse: Le 23 mars 1999.

21 Question: Vous avez donc physiquement quitté le Kosovo?

22 Réponse: Oui, nous avons formé un convoi avec tous nos véhicules et, avec

23 l'aide et le soutien de la mission de coopération serbe et de la police,

24 nous avons réussi à quitter le Kosovo très rapidement et, en tout cas, à

25 atteindre la frontière très rapidement.

Page 3208

1 Question: Est-ce que vous êtes revenu au Kosovo un peu plus tard, vers la

2 fin du conflit?

3 Réponse: Oui. Effectivement, j'y suis revenu le jour même où les forces de

4 l'OTAN sont entrées dans le Kosovo.

5 Question: Le 13 juin?

6 Réponse: Le 13 juin 1999.

7 Question: Qu'avez-vous fait? Où êtes-vous allé?

8 Réponse: Eh bien, à ce moment-là, j'avais repris mes fonctions au sein de

9 l'OTAN, j'étais donc membre de l'armée britannique à Rheindahlen où les

10 forces de l'OTAN étaient basées. Ensuite, j'ai été rattaché à l'état-major

11 du général Jackson; je faisais partie de son groupe de commandement, avec

12 le général DZ, et je suis allé à Pristina. Le lendemain, je suis resté à

13 Pristina et je suis allé en l'ancien quartier général du MUP où nous

14 avions établi des bureaux temporaires, DZ et moi-même.

15 Question: Est-ce que vous avez pu observer des officiers du MUP se livrer

16 à certaines activités?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Que faisaient-ils?

19 Réponse: Les bâtiments environnants avaient été assez endommagés parce

20 que, derrière le bâtiment administratif du MUP, il y avait un centre

21 opérationnel qui avait été endommagé, ainsi que le centre de

22 communication. Donc il y avait pas mal de dégâts.

23 Mais ce que nous avons vu lors de notre arrivée, c'est des employés du

24 bâtiment du MUP et des civils employés par le MUP qui étaient en train de

25 retirer des quantités invraisemblables de documents qu'ils chargeaient à

Page 3209

1 bord de camions, qui ensuite partaient. Et puis, il y avait une petite

2 zone dégagée près du bâtiment où il y avait une pile. Enfin, il y avait un

3 feu qui brûlait et il semblait que le feu avait été mis à une pile de

4 déchets, mais c'était une pile très importante: enfin, un gros camion

5 aurait pu contenir ce qui était en train de brûler. Cela a continué à se

6 consumer pendant un certain temps; la fumée envahissait tout le bâtiment.

7 Il y avait des bouts de papiers qui volaient aux alentours.

8 Le lendemain de mon arrivée, j'ai essayé d'aller voir de plus près ce qui

9 se passait et j'ai essayé de voir ce qu'était cette pile de documents.

10 J'ai pu retirer certains documents du feu et je me suis aperçu que

11 c'étaient des papiers d'identité. Il y avait des passeports, des demandes

12 d'obtention de passeports. Vous aviez donc ce tas de déchets qui brûlait,

13 mais ces déchets étaient en fait des papiers d'identité.

14 Question: Est-ce que vous avez essayé de déchiffrer les noms qui

15 apparaissaient sur certains de ces papiers?

16 Réponse: Oui, j'ai regardé ces demandes d'obtention de passeport et tous

17 les noms que je pouvais apercevoir étaient des noms d'Albanais.

18 Question: Je crois que vous avez pris des photographies de cette pile de

19 papiers qui brûlaient?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Vous ne les avez pas avec vous?

22 Réponse: Malheureusement, lorsque je suis parti de Grande-Bretagne pour

23 aller en Bulgarie, tout cela a disparu. Peut-être entreposé quelque part.

24 Je ne sais pas très bien où sont ces photographies.

25 Question: Vous dites qu'un gros camion aurait pu contenir ce qui était en

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1 train de brûler. Un gros camion?

2 Réponse: Oui, un gros camion. Cela a brûlé pendant plusieurs jours, cela a

3 brûlé pendant une semaine, cette pile de documents.

4 Question: Je crois qu'un petit peu plus tôt, vous avez indiqué qu'à

5 Pristina, il y avait le quartier général de Lukic, qu'il y avait également

6 plusieurs personnes dans un stade, et je vous ai dit que nous reviendrions

7 sur une carte.

8 Je vais demander maintenant à ce que la pièce 61 peut-être, soit remise au

9 Témoin. Je pense à cet atlas du Kosovo dont je n'ai malheureusement pas

10 pris la référence. La Greffière d'audience peut peut-être nous aider? 83?

11 Merci. Nous allons donc remettre au Témoin, la pièce 83. Ce sont les pages

12 19 et 20 de cet atlas qui m'intéressent.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 Monsieur, est-ce que vous voyez sur les pages 19 et 20? Ce document est un

15 plan du centre ville de Pristina. Est-ce que vous reconnaissez ce plan?

16 Réponse: Oui.

17 Question: J'aimerais que nous soyons très clairs sur un certain nombre de

18 points. Peut-être pouvez-nous dire où se trouve le stade sur ce plan? S'il

19 s'y trouve?

20 Réponse: C'est l'endroit que l'on voit ici.

21 Question: Pour le compte rendu d'audience, j'indique que vous avez placé

22 le pointeur sur la page 19 sur un endroit de forme ovale, de couleur

23 noire, portant l'inscription 108, n'est-ce pas?

24 Réponse: C'est exact.

25 Question: Et je crois vous avoir entendu dire que le bâtiment principal,

Page 3211

1 le siège, était juste à côté?

2 Réponse: Oui, le bâtiment administratif, le siège du MUP, était ici. C'est

3 l'endroit où l'on trouve les numéros 79 et 77.

4 Question: Merci.

5 Réponse: On le voit bien sur ce plan.

6 Question: Merci.

7 Réponse: Et juste ici, au niveau du bâtiment sur lequel figure

8 l'inscription 77, je me suis rendu au Kosovo récemment, donc je sais

9 qu'aujourd'hui ce bâtiment est occupé. Mais il n'y avait pas cette ligne

10 perpendiculaire entre le bâtiment 77 et le stade, à l'époque des

11 événements, lorsque ce bâtiment était le siège opérationnel du MUP. Donc

12 il était inhabitable, ce bâtiment.

13 Question: Très bien. Et où trouvait le bureau du général Lukic et celui de

14 Mijatovic?

15 Réponse: Oui, le général Lukic et Mijatovic avaient des bureaux dans ce

16 bâtiment qui se trouve juste derrière, perpendiculaire au bâtiment 77. Et

17 à côté, se trouve le lieu utilisé pour les communications, c'est la tour

18 la plus importante qui permettait de communiquer avec le Kosovo et

19 d'autres endroits.

20 Question: Et ce convoi ici, c'est le stade, n'est-ce pas?

21 Réponse: Oui.

22 Question: La zone que vous avez vu brûler est-elle visible sur ce plan?

23 Réponse: Oui. C'est probablement l'endroit où figure le n°79, le petit

24 rectangle où l'on voit l'inscription 79.

25 Question: C'est l'endroit dont vous avez parlé comme étant un petit coin,

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1 n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui.

3 Question: C'est donc le genre d'endroit à l'air libre, qui est enfermé par

4 plusieurs bâtiments autour de lui n'est-ce pas?

5 Réponse: Oui.

6 Question: Je vois. Vous n'avez pas les photographies de la pile de

7 documents en train de brûler -vous nous l'avez dit- mais je me demandais

8 si vous pouviez un peu plus tard avoir accès à ces photographies? Est-ce

9 que vous pourriez les remettre au Tribunal plus tard?

10 Réponse: Certainement.

11 Question: Peu de temps après le retrait de la KVM du Kosovo, vous êtes-

12 vous rendu jusqu'au passage de la frontière entre le Kosovo et la

13 Macédoine, que l'on appelle Djeneral Jankovic.

14 Réponse: Oui.

15 Question: Cet endroit se trouve près de Bllaca, n'est-ce pas en Macédoine?

16 Réponse: Oui, Bllaca.

17 Question: Merci. Quand est-ce que vous êtes allés à cet endroit?

18 Réponse: Je m'y suis rendu après notre départ du Kosovo, au moment où on

19 m'a indiqué qu'il y avait des réfugiés qui partaient déjà, qui

20 franchissaient la frontière à de nombreux endroits autour du Djeneral

21 Jankovic et de Bllaca, en marchant dans des champs de mine, et le long de

22 la route également en essayant d'atteindre le point de passage principal.

23 Question: Est-ce que vous avez discuté avec des gens qui se trouvaient à

24 cet endroit?

25 Réponse: Oui, notamment une fois. Je ne me rappelle pas la date exacte,

Page 3213

1 mais ce jour-là pour la première fois, j'ai vu des gens qui marchaient le

2 long des rails de chemin de fer pendant des kilomètres et des kilomètres.

3 Ils étaient vêtus de manteaux, portaient des valises; ce qui nous a

4 rappelé des scènes de l'holocauste. Et je me suis rendu sur le terrain,

5 donc j'ai parlé à certaines de ces personnes pour savoir ce qui leur était

6 arrivé, pourquoi est-ce qu'ils étaient en train de marcher le long de ses

7 rails de chemin de fer. Ils m'ont informé que la police -donc ils ont

8 précisé qu'il s'agissait de la police de Pristina, ce n'était pas une

9 mention anonyme-, ils ont dit que des policiers avaient circulé parmi ces

10 personnes pour leur dire que tout ce qu'ils portaient avec eux, ils

11 devaient le prendre maintenant et se rendre à la gare de chemin de fer

12 parce qu'ils allaient partir en voyage. Et lorsqu'ils sont arrivés à la

13 gare de chemin de fer, la plupart d'entre eux, parce qu'il y avait un

14 chaos extraordinaire, mais la plupart d'entre eux avaient encore des

15 cartes d'identité, des documents d'identité qui leur ont été retirés.

16 C'est une histoire qui m'a été racontée à plusieurs reprises par plusieurs

17 personnes, sur le terrain à Bllaca. Et lorsque j'ai interrogé ces

18 personnes, lorsque j'ai demandé pourquoi on leur avait retiré leurs

19 papiers d'identité, où est-ce qu'ils pouvaient aller sans document

20 d'identité, ils m'ont répondu: "Eh bien, parce que nous ne devions jamais

21 retourner au Kosovo". Donc ceci était fait afin de veiller à ce qu'il n'y

22 ait plus de preuves de leur départ et du fait qu'ils avaient habité à

23 Pristina, au Kosovo.

24 Question: Est-ce qu'ils vous ont dit s'ils avaient quitté Pristina de leur

25 plein gré?

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1 Réponse: Oui, ils ont dit les raisons pour lesquelles ils étaient partis,

2 ce qu'ils avaient laissé derrière eux. En tout cas, ils ont dit qu'ils

3 étaient partis, forcés de le faire par des hommes en armes, qu'ils se sont

4 rendus à la gare de chemin de fer, toujours forcés par des hommes en

5 armes, et qu'ils sont montés à bord de ces wagons sans savoir où on les

6 emmenait.

7 Question: Où ont-ils abouti finalement?

8 Réponse: Ils ont abouti… Pendant les trois premiers jours, ceux qui

9 étaient sur le train -ils étaient 20.000 ou 25.000-, ils ont abouti dans

10 un champ qui se trouvait tout près de la frontière, presque dans le no

11 man's land qui sépare les deux pays. Le premier jour était un jour

12 ensoleillé, il faisait beau: ils se sont assis dans le champ. Et le

13 troisième jour, une personne est morte de maladie en raison du froid. Mais

14 ensuite, il a commencé à pleuvoir, le champ s'est transformé en champ de

15 boue et personne ne savait plus quoi faire.

16 Question: Est-ce que le train les a emmenés jusqu'à la frontière?

17 Réponse: Certainement pas. Il s'est arrêté, selon le récit qui m'a été

18 fait par des réfugiés, à plusieurs kilomètres de la frontière et ils ont

19 dû marcher à pied le long des rails de chemin de fer.

20 Question: Vous avez estimé le nombre de personnes à 25.000 à peu près?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Dans quelle zone?

23 Réponse: Ils se trouvaient probablement dans un endroit qui, auparavant,

24 avait été un terrain de football; ils étaient entassés les uns sur les

25 autres, il n'y avait pas d'espace entre ces personnes, à peine

Page 3215

1 suffisamment de place pour s'asseoir. Il leur était très difficile de

2 s'allonger. Il n'y avait aucun équipement sanitaire, absolument rien.

3 Question: Pendant les premiers moments, lorsque vous avez assisté à cet

4 événement, est-ce que vous avez pris des photographies de ce que vous avez

5 vu?

6 Réponse: J'ai pris plusieurs photographies dans le champ.

7 Question: Après cela, est-ce que le nombre de personnes arrivant à cet

8 endroit a augmenté?

9 Réponse: Considérablement.

10 M. Ryneveld (interprétation): Je vais vous montrer une série de

11 photographies répondant à la référence K0218722. Je ne crois pas que cette

12 série de photographies a déjà été distribuée.

13 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction 97.

14 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Madame.

15 Monsieur le Témoin, vous avez apporté avec vous ces photographies que nous

16 avons rassemblées dans un seul document. Ce que vous avez actuellement

17 sous les yeux constitue-t-il bien les photographies apportées par vous?

18 M. Ciaglinski (interprétation): Oui.

19 Question: Est-ce que, dans cette photographie d'un champ, nous voyons les

20 personnes dont vous venez de parler, en tout cas au début du processus?

21 Réponse: Cela se situe tout à fait au début du processus parce que le

22 champ n'est pas encore transformé en champ de boue. Donc je pense que ceci

23 représente la situation au cours des premières 36 heures.

24 Question: Dans votre déposition, vous affirmez que le nombre de ces

25 personnes a considérablement crû par la suite, n'est-ce pas?

Page 3216

1 Réponse: Oui, sur les photographies prises par la suite, on ne pouvait

2 plus rien voir qu'une masse noire qui représentait l'accumulation des gens

3 dans le champ.

4 Question: Selon votre estimation, le nombre total a fini par atteindre

5 25.000 à peu près, n'est-ce pas?

6 Réponse: Nous pensons qu'au cours des premiers jours, il est arrivé

7 environ 25.000 personnes.

8 Question: Maintenant, Monsieur, j'aimerais que nous revenions sur le

9 complément de votre témoignage.

10 Je demanderai aux Juges de m'accorder une session à huis clos partiel très

11 brève pour poser simplement une ou deux questions au Témoin; après quoi,

12 nous reviendrons en audience publique.

13 Monsieur, vous nous avez déjà parlé du retrait de la KVM du Kosovo. Vous

14 nous avez dit également que vous rencontriez pratiquement tous les jours

15 les représentants du comité de coopération serbe. Est-il arrivé, lors de

16 ces réunions avec ce comité, que le départ de la KVM soit placé à l'ordre

17 du jour en tant que sujet à discuter?

18 Réponse: Oui.

19 Question: A quel moment approximativement, selon vous?

20 Réponse: Cela s'est passé au cours des dernières semaines, et peut-être

21 même des derniers jours, de notre séjour au Kosovo.

22 Question: Lors d'une de ces réunions régulières, le départ de la KVM a

23 donc été le sujet des débats?

24 Réponse: Oui, certainement.

25 Question: A la fin de cette réunion, s'est-il passé quelque chose que vous

Page 3217

1 considérez comme particulièrement digne d'attention?

2 Réponse: Oui, j'ai reçu des informations qui m'ont paru très surprenantes.

3 Question: Sans divulguer le nom de la personne qui vous a fourni ces

4 informations, pouvez-vous nous dire dans quelles circonstances générales

5 vous avez eu la possibilité d'obtenir ces renseignements supplémentaires?

6 Réponse: A la fin de l'une de nos réunions, au moment où la plupart des

7 participants à la réunion étaient déjà partis, j'ai rencontré un

8 responsable. J'étais accompagné de mon interprète. Et ce responsable a

9 placé une carte géographique sur la table en nous disant exactement

10 quelles étaient les futures options pour le Kosovo.

11 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, pouvons-nous passer à

12 huis clos partiel, brièvement?

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 (Huis clos partiel à 12 heures 10.)

15 (Confidentialité levée sur ordre ultérieur de la Chambre)

16 M. Ryneveld (interprétation): Nous avons veillé à ce que ce que vous allez

17 dire ne puisse pas être entendu par personne en dehors de cette salle.

18 Sommes-nous bien déjà à huis clos partiel?

19 M. le Président (interprétation): Oui.

20 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

21 Monsieur le Témoin, qui est la personne que vous avez rencontrée en présence

22 de votre interprète et qui a étalé cette carte géographique sur la table?

23 M. Ciaglinski (interprétation): Le colonel Kotur.

24 Question: C'est bien l'homme qui était membre de la commission par le

25 passé et qui l'a été pendant quelque temps?

Page 3218

1 Réponse: Oui. C'est un homme qui a fait partie de la commission depuis le

2 début, représentant de la VJ et ensuite il avait disparu au moment où

3 Brankovic est arrivé. Mais, de temps en temps, il faisait des apparitions.

4 Question: Il était donc présent lors de cette réunion?

5 Réponse: Il était présent lors de cette réunion et j'étais encore là, avec

6 mon interprète, lorsque nous avons discuté avec lui.

7 Question: Quelle était sa position dans la chaîne hiérarchique au sein de

8 la VJ?

9 Réponse: Eh bien, il était un officier de très grande expérience, qui

10 avait servi pendant plus de dix ans au sein de l'armée, peut-être même 15

11 ans au Kosovo. Il possédait une maison au Kosovo. Il avait participé aux

12 combatc de 1998 à Djakovica, et aux différents événements qui s'y étaient

13 déroulés; c'était un endroit où des combats importants avaient eu lieu. Il

14 était également commandant auparavant dans la caserne de Mitrovica. Et

15 bien que je ne puisse pas le vérifier, compte tenu de son savoir-faire, de

16 son expérience, de sa stature, du genre d'uniforme qu'il portait, il

17 portait en effet un uniforme des forces spéciales et il était très bien

18 informé, très respecté; et lors des voyages que j'ai faits avec lui dans

19 le Kosovo, chacun pouvait constater qu'il était respecté compte tenu du

20 rang qu'il occupait au Kosovo. Il était donc connu et respecté, c'était un

21 homme qui avait beaucoup de connaissances sur de nombreuses questions

22 militaires au Kosovo.

23 Question: Son grade?

24 Réponse: Colonel.

25 Question: Il travaillait sous les ordres de qui?

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1 Réponse: Sous les ordres du général Loncar, au sein de la commission.

2 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

3 Nous pouvons maintenant revenir en public.

4 (Audience publique à 12 heures 13.)

5 M. Ryneveld (interprétation): Merci, j'attendais que l'on me fasse savoir

6 que nous étions de nouveau en public.

7 Monsieur le Témoin, vous dites que ce responsable de rang important a

8 étalé une carte sur la table, n'est-ce pas?

9 (Le témoin fait un signe affirmatif de la tête.)

10 A ce moment-là y a-t-il eu discussion au sujet d'un plan?

11 M. Ciaglinski (interprétation): Oui. Ce responsable donc a étalé la carte

12 géographique sur la table devant moi et, sans préambule, il m'a dit

13 exactement quelle était la teneur du plan s'agissant de ce qui allait être

14 fait à l'égard de l'UCK.

15 Question: Monsieur le Témoin, je vais vous remettre une carte géographique

16 qui constitue la pièce à conviction 61. C'est une carte du Kosovo. Je vais

17 également vous donner un marqueur vert en vous demandant de placer des

18 annotations à l'aide de ce marqueur sur la carte, au fur et à mesure de ce

19 que vous allez nous relater.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Nous disposerons donc, par la suite, d'une pièce à conviction portant

22 certaines annotations.

23 Je suppose que la Chambre me permettra de procéder de cette manière. Voici

24 le marqueur.

25 Monsieur le Président, il s'agit d'une carte du Kosovo en couleurs.

Page 3220

1 Réponse: Il ne faut pas perdre de vue qu'à ce moment-là, au moment de

2 notre départ, des membres de la VJ et du MUP étaient déjà dispersés en

3 assez grand nombre dans tous les endroits stratégiques du Kosovo, donc ce

4 que je vais décrire n'est pas une chasse mais une stratégie prédéterminée

5 d'éliminations de l'UCK en un certain nombre de lieux bien précis.

6 Question: Monsieur, je souhaiterais que vous nous disiez, de la façon la

7 plus précise possible, ce que ce responsable vous a dit et ce qu'il vous a

8 donc décrit.

9 Réponse: Eh bien, il était debout devant moi, il a pointé la carte qui

10 était une carte de grande dimension en disant ce qu'ils allaient faire.

11 Il a dit -je cite-: "Voici, pour l'essentiel nous allons mener des

12 opérations à partir de Vucitrn et pousser l'UCK à s'éloigner dans la

13 direction de Gllogovac. A Gllogovac, les forces présentes sont nombreuses,

14 il y a également un DT-72, un DT-84 et un grand nombre d'hommes en armes.

15 Donc ce que les forces en question, certaines de ces forces en tout cas

16 positionnées autour de Podujevo, allaient faire par la suite, c'est

17 pousser l'autre partie vers la montagne dans la direction de Vucitrn pour

18 aller dans la direction de Mitrovica où il y avait une caserne importante;

19 et ces hommes seraient éliminés et tués en chemin.

20 Pour le moment, nous avons toute cette zone qui est tenue par l'UCK, il va

21 falloir les repousser en passant par Stimlje, Suva Reka et dans cette

22 direction chasser de cette zone un grand nombre de membres de l'UCK. A ce

23 moment-là, le gros de la résistance de l'UCK autour de Kacanik aura été

24 supprimé. Cela a déjà été fait par le passé, donc ce n'est pas une zone

25 très importante. Les plus grandes concentrations de l'UCK se trouvent dans

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1 cette partie de la région, ici.

2 Alors, on passe par Suva Reka, par les montagnes, Prizren, on nettoie

3 toutes les poches qui se trouvent ici. Prizren possède une garnison

4 importante qui a été renforcée, donc elle aura la possibilité de s'occuper

5 de ces poches dans la région ici. Puis on se dirige à Djakovica où,

6 manifestement, des opérations vont avoir lieu entre les deux parties pour

7 chasser toujours plus loin l'UCK. Orahovac est une zone à problèmes, on

8 remonte jusqu'à Decani vers l'est, jusqu'à Jablanica où se trouvent les

9 commandants les plus importants de l'UCK et le quartier général de l'UCK,

10 c'est là que se trouve le commandant Ramush. Et on aboutit finalement à

11 Pec".

12 Par conséquent, l'opération d'élimination devait s'achever à ce moment-là

13 et tous les points de résistance et les groupements importants de l'UCK

14 devaient être supprimés.

15 Question: Je vois. Ce commentaire avait à voir, à votre avis, avec quoi

16 exactement?

17 Réponse: Il s'agissait purement et simplement d'éliminations permanentes

18 et totales de l'UCK.

19 Question: Est-ce qu'il vous a dit autre chose en dehors de cela?

20 Réponse: Oui, en effet, mais je rappellerai que nous avons estimé que ces

21 événements étaient tout à fait ordinaires. Et le fait qu'il m'en parle

22 également. Parce que ce plan avait l'air terriblement simpliste, c'était

23 un plan qui en fait aurait exigé une coordination et des effectifs et une

24 planification très importante, ce n'est pas quelque chose que vous pouvez

25 décider aujourd'hui et faire demain parce que vous pensez que c'est une

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1 bonne idée; c'est quelque chose qui nécessite des semaines et des mois de

2 coordination et de planification.

3 Mais la deuxième chose qu'il m'a dite, je me souviens des mots qu'il a

4 prononcés -je cite-: "Quand nous en aurons fini avec l'UCK, nous

5 éliminerons tous les Albanais du territoire du Kosovo et ce à jamais."

6 (Fin de citation.)

7 M. Ryneveld (interprétation): Lorsque ce responsable important vous a dit

8 cela, vous a parlé de ce plan, est-ce que vous avez cru comprendre que

9 c'était une opération qui devait être menée uniquement par la VJ?

10 M. Ciaglinski (interprétation): Non, une opération de ce genre, d'une

11 aussi grande importance, ne pouvait pas être menée uniquement par la VJ.

12 Il fallait qu'il s'agisse d'une opération coordonnée entre le MUP, la VJ,

13 les paramilitaires et les forces spéciales. C'était impossible autrement.

14 Il m'a informé également à la fin de son propos, alors que j'avais l'air

15 complètement ébahi, il m'a dit qu'il n'allait pas se contenter de ce

16 travail et il a dit: "Nous épargnons l'OTAN, nous vous épargnons pas mal

17 de travail parce que, si nous réglons le problème des Albanais et de

18 l'UCK, vous aurez moins à faire à l'avenir".

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, c'est le moment de la

20 pause.

21 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation): Suspension pendant 20 minutes.

23 (L'audience, suspendue à 12 heures 21, est reprise à 12 heures 42.)

24 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ryneveld?

25 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

Page 3223

1 Il me reste simplement une question. Mais auparavant, je me demande si la

2 carte, sur laquelle le Témoin a porté des annotations, pourrait se voir

3 affecter une cote?

4 Mme Ameerali (interprétation): Pièce 61A.

5 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

6 Monsieur le Témoin, quand vous nous avez parlé des uniformes, vous avez

7 utilisé le terme de "webbing". Je dois avouer mon ignorance de la chose

8 militaire, donc j'ai pensé que vous désigniez l'uniforme de camouflage, le

9 motif de camouflage. Qu'entendiez-vous exactement par là?

10 M. Ciaglinski (interprétation): Non, quand on parle d'uniforme de

11 camouflage, on parle de tenue de combat. Le terme de "webbing", c'est le

12 harnais que l'on porte et sur lequel on peut attacher sa gourde, ses

13 munitions, sa grenade, etc. Donc il permet au soldat de porter tout son

14 équipement sur lui.

15 Question: Donc, quand je vous ai parlé de ces soldats qui avaient un

16 uniforme bleu avec un gilet vert, est-ce que ce gilet vert est ce que l'on

17 peut qualifier de "webbing" en anglais?

18 Réponse: Oui, nous, on appelle ça "webbing" en anglais; en fait, vous,

19 vous avez décrit cela comme étant un petit gilet, sans manche.

20 M. Ryneveld (interprétation): J'en ai terminé de mes questions.

21 Nous allons passer au contre-interrogatoire, mais auparavant je

22 souhaiterais demander à la Chambre de bien se souvenir qu'à un moment

23 donné, j'ai demandé que l'on passe à huis clos partiel et je souhaiterais

24 que l'on fasse bien comprendre à l'accusé que le nom de la personne

25 concernée est confidentiel. C'est la raison pour laquelle je suis passé à

Page 3224

1 huis clos partiel.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous venez

3 d'entendre l'intervention de l'accusation. La Chambre se joint à ce que

4 vient de dire le Procureur: vous ne pouvez pas mentionner le nom de cette

5 personne. Si vous souhaitez demander quelque chose au sujet de cette

6 personne, à ce moment-là, il conviendra de passer à huis clos partiel.

7 (Contre-interrogatoire du Témoin, M. Richard Ciaglinski, par l'accusé M.

8 Milosevic.)

9 M. Milosevic (interprétation): Au sein de la KVM, vous avez travaillé à la

10 vérification des armes, n'est-ce pas?

11 M. Ciaglinski (interprétation): C'était en effet l'une de mes tâches.

12 Question: Quelle étaient les autres tâches qui étaient les vôtres, en plus

13 de la vérification des armes? Quelles étaient vos autres fonctions?

14 Quelles étaient vos autres activités?

15 Réponse: Je ne me consacrais pas uniquement à la vérification des armes,

16 mais également à la vérification des activités militaires, vérification

17 portant sur les personnels militaires au Kosovo. J'étais également

18 responsable de la formation des nouveaux vérificateurs, quand ils

19 arrivaient au centre de formation de Brezovica. Bien entendu, mon travail

20 principal, c'était de servir d'officier de liaison avec la commission de

21 coopération serbe.

22 Question: Dans votre déclaration, vous dites que vous étiez officier du

23 renseignement dans l'armée britannique?

24 Réponse: Je n'ai jamais rien de dit de tel. J'ai dit -et je crois que cela

25 a été indiqué par le représentant de l'accusation- que j'étais attaché

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1 militaire; je l'ai été en Pologne. Et maintenant, je suis attaché, chargé

2 des affaires de défense, en Bulgarie. Je ne vois pas très bien ce que cela

3 a à voir avec la fonction d'officier du renseignement.

4 Question: Mais si! Au paragraphe 4 de votre déclaration, on peut lire:

5 "Dans le cadre de ma carrière dans l'armée, je me suis essentiellement

6 consacré au système de formation, ainsi qu'au service de renseignement."

7 Ensuite, vous dites que vous étiez attaché militaire britannique en

8 Pologne. C'est-à-dire que ceci, c'était une description de vos activités.

9 Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vos activités concernant le

10 soutien au système de formation, ainsi que le domaine du renseignement,

11 que cela n'a absolument rien à voir avec le renseignement?

12 Réponse: Mais, Monsieur Milosevic, cela dépend comment on définit le

13 renseignement et le travail dans le domaine du renseignement. En tant

14 qu'attaché militaire, l'une des mes fonctions, c'est d'obtenir des

15 informations; c'est le travail de n'importe quel diplomate, dans n'importe

16 quelle ambassade. Il s'agit d'analyser ces informations et d'établir des

17 rapports. Mais, comme vous semblez l'insinuer, il ne s'agit pas pour moi

18 de diriger un réseau d'agents et d'obtenir des renseignements de manière

19 clandestine. Tout ce que j'ai fait, tout ce que j'ai toujours fait, dans

20 le cadre de mon travail au sein de l'armée, a eu à voir avec le

21 renseignement, mais il y a différents types de renseignement.

22 C'est ce que l'on a souvent du mal à comprendre en ce qui concerne l'OTAN

23 et le Pacte de Varsovie; les officiers chargés du renseignement ne sont

24 pas des agents du contre-espionnage qui sont chargés de s'occuper d'un

25 certain nombre d'agents sur place. Ça n'a rien à voir avec ce que je fais.

Page 3226

1 En ce qui me concerne, le renseignement ça veut dire que je réunis des

2 informations, tout simplement.

3 Question: Merci. Justement ce que font les officiers chargés du

4 renseignement, moi je ne me suis pas intéressé à vos fonctions en tant

5 qu'attaché militaire, mais à ce qui figure dans votre déclaration. Quand

6 on dit que vous étiez "chargé de", vous aviez des fonctions dans le

7 domaine de la formation et dans le domaine du renseignement?

8 Réponse: Effectivement, c'est un domaine dans lequel j'ai travaillé mais

9 je me suis essentiellement concentré sur le domaine de la formation.

10 Question: Il y a quelques instants, quand vous nous avez parlé de la

11 nature de vos activités, vous avez dit que vous avez contribué à la

12 formation des nouveaux vérificateurs lorsqu'ils arrivaient sur place.

13 Etant donné que votre profession, comme vous l'indiquez ici dans cette

14 déclaration comme je l'ai cité, se centrait ou s'articulait autour de la

15 formation et du renseignement, je voudrais savoir si vous avez formé ces

16 vérificateurs pour ce qui était de leurs activités dans le domaine du

17 renseignement?

18 Réponse: Moi, j'ai formé les vérificateurs pour ce qui concernait les

19 renseignements, les activités de collecte d'informations et de

20 renseignements.

21 Question: Oui mais, à ma connaissance, cela recouvre le travail de

22 renseignement: oui ou non?

23 Réponse: Non. Nous n'étions pas des officiers chargés du renseignement,

24 nous étions là pour vérifier ce qui se passait. Et la seule manière de

25 vérifier quelque chose, c'est d'aller sur place et de voir ce qui se passe

Page 3227

1 et de réunir des informations. Moi, je n'appelle pas ça du travail de

2 renseignement. Il s'agit d'un travail d'observation, de surveillance, tout

3 simplement. Et c'est ce que nous avait demandé de faire l'ONU.

4 Question: Etant donné que vous nous dites que, dans le cadre de votre

5 carrière militaire, vous vous êtes essentiellement consacré au domaine de

6 la formation et du renseignement, considérez-vous que vous êtes un

7 spécialiste, un expert dans le domaine du renseignement?

8 Réponse: Non, je ne dirai pas que je suis un expert dans le domaine du

9 renseignement étant donné que j'ai passé la majorité de ma vie dans le

10 domaine de la formation. Par exemple, j'ai été chargé de concevoir la

11 formation de la 1ère Division blindée en Allemagne pendant les deux ans et

12 demi qui ont précédé ma mission dans le Kosovo, donc il n'y avait là rien

13 à voir avec des activités consistant à réunir des renseignements ou des

14 informations.

15 Question: Oui mais je suis en train de confirmer ce en quoi consistent vos

16 activités professionnelles sur la base de ce qui est écrit ici. Mais

17 passons aux autres questions.

18 Savez-vous combien de membres de la KVM émanaient des services de

19 renseignements?

20 Réponse: Non.

21 Question: Savez-vous qu'elles étaient les conditions qui devaient être

22 remplies par les personnes qui travaillaient au sein de la KVM?

23 Réponse: Eh bien, à ma connaissance, les choses se sont passées de la

24 manière suivante. On a demandé aux pays participants de présenter un

25 certain nombre de candidats -en ce qui me concerne j'ai reçu un message

Page 3228

1 alors que je me trouvais en Allemagne-, on a demandé s'il y avait des

2 lieutenants-colonels -j'étais lieutenant-colonel à l'époque- qui

3 souhaitaient travailler dans le cadre de cette Mission de vérification au

4 Kosovo. Il n'y avait pas de conditions qui étaient fixées. Je peux

5 simplement vous dire que lorsqu'il s'agit de réunir un groupe d'hommes

6 rapidement pour les envoyer dans une zone hostile, une zone dangereuse

7 afin de vérifier ce qui se passe, eh bien, ceci ne peut être mis en oeuvre

8 que par des groupes de militaires ou d'anciens militaires, parce que les

9 militaires sont formés pour survivre dans de telles conditions. On ne peut

10 pas envoyer des civils sur place dans les circonstances telles, parce

11 qu'ils ne seraient pas en mesure de faire face à la situation, surtout au

12 départ.

13 Question: Et avez-vous connaissance des critères qui déterminaient la

14 procédure de sélection des membres de la Mission de vérification?

15 Réponse: Ce que je sais, c'est que chaque pays a présenté une liste de

16 candidats, avec une brève description de la formation de l'expérience des

17 capacités de chacun, et ces documents ont été envoyés à l'OSCE à Vienne.

18 Et l'OSCE avait une commission qui a déterminé quelle fonction on devait

19 attribuer à chacune des personnes concernées, une fois qu'elles arrivaient

20 au Kosovo.

21 Question: Moi, si je comprends bien… la façon dont je comprends ce que

22 vous m'avez dit, c'est que vous vous êtes porté volontaire pour participer

23 à cette Mission de vérification au Kosovo. Quelles étaient vos

24 motivations?

25 Réponse: Je pense qu'il y en avait plusieurs. Premièrement, j'ai été

Page 3229

1 scandalisé par ce qui se passait au Kosovo, et j'avais l'impression que

2 mon expérience, mes connaissances, pas forcément des Balkans, mes

3 connaissances de l'Europe de l'Est vu que j'avais travaillé en Pologne

4 pendant de nombreuses années, je pensais que cela pouvait se révéler

5 utile; puisque comme je parlais le polonais, je serais peut-être en mesure

6 de comprendre un petit peu le serbe. D'autre part, je pensais que, vu ma

7 carrière assez généraliste, je pourrais me révéler utile dans cette

8 mission de cette sorte. Et puis, j'ai pensé que c'était quelque chose que

9 je souhaitais véritablement faire, pour aider non seulement les gens ou la

10 population du Kosovo, mais pour participer à cette mission qui allait

11 s'efforcer de résoudre les problèmes rencontrés dans cette région.

12 Question: Et savez-vous si les autres membres de la commission de

13 vérification étaient également volontaires? Vos collègues? Les autres

14 membres de la KVM étaient-ils aussi volontaires?

15 Réponse: Tout ce que je peux vous dire avec certitude, c'est que moi, ce

16 que j'ai compris, c'est que tout le monde s'est porté volontaire. Il y a

17 eu beaucoup plus de volontaires que d'élus. Je ne sais pas comment on a

18 procédé à la sélection, comment on en est arrivé aux 115 Britanniques qui

19 se sont rendus sur place, à partir de plusieurs centaines de personnes qui

20 s'étaient portées candidates dans l'armée britannique. Je ne sais pas, je

21 ne saurais vous le dire. Je ne saurais vous dire comment on a sélectionné

22 ces gens.

23 Question: Donc, la sélection a eu lieu sur la base d'une liste de noms de

24 personnes qui s'étaient portées volontaires, si j'ai bien compris ce que

25 vous êtes en train de me dire?

Page 3230

1 Réponse: C'est exact.

2 M. Milosevic (interprétation): Hier, au cours de sa déposition, votre

3 supérieur, le général Drewienkiewicz a déclaré que les militaires qui

4 faisaient partie de cette mission se trouvaient là parce qu'on ne pouvait

5 pas donner aux civils l'ordre de participer à la mission, à la différence

6 des militaires. Et étant donné qu'il était possible de donner l'ordre à

7 des militaires de participer à mission, c'est ce qui s'était passé: qu'on

8 leur avait donné l'ordre de participer à cette mission.

9 Comment se fait-il que votre patron ait donné une explication différente

10 de la chose? Il a dit que vous, on vous a donné l'ordre d'aller sur place.

11 Et vous vous nous dites le contraire, vous nous dites que vous vous êtes

12 portés volontaire.

13 M. le Président (interprétation): Mais même s'il y a une différence, ce

14 n'est pas au Témoin d'en parler. Vous, vous pourrez ultérieurement nous

15 faire part de vos commentaires à ce sujet.

16 M. Ciaglinski (interprétation): Tout ce que je peux dire, c'est que je ne

17 sais pas ce que le général DZ a dit à ce sujet, mais...

18 M. le Président (interprétation): Oui, justement: vous ne le savez pas!

19 M. Milosevic (interprétation): Mais il est indéniable qu'hier,

20 Drewienkiewicz a déclaré que les membres de la mission étaient...

21 M. le Président (interprétation): Inutile de continuer dans ce sens. Le

22 Témoin a dit ce qu'il avait à dire; inutile de lui demander de faire des

23 observations sur les déclarations d'un tiers. Cela ne sert à rien.

24 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans ces conditions, moi, je

25 souhaite insister sur cette discordance qui apparaît ici.

Page 3231

1 M. le Président (interprétation): Le moment n'est pas venu pour le faire.

2 Vous aurez l'occasion de le faire en temps utile, de nous indiquer ce

3 genre de choses.

4 M. Milosevic (interprétation): Oui, mais il y a trop de contradictions de

5 cette sorte; je n'aurai jamais suffisamment de temps pour le faire.

6 Au sein de l'OSCE et au sein de la KVM, qui décidait des personnes qui

7 seraient acceptées et des personnes dont la candidature serait rejetée?

8 Qui prenait la décision?

9 M. Ciaglinski (interprétation): S'agissant des membres britanniques de la

10 mission, je peux vous répondre, mais uniquement pour les Britanniques.

11 Cela se passait à deux niveaux: il y avait plusieurs centaines de

12 volontaires venant des forces armées du Royaume-Uni; ces noms étaient

13 communiqués par le ministère des Affaires étrangères britanniques à

14 l'OSCE, et la sélection finale était menée à bien par l'OSCE. Ceci s'est

15 fait par l'OSCE à Vienne.

16 Question: Vous avez dit dans votre déclaration que, lorsque vous vous êtes

17 porté volontaire, vous êtes arrivé sur place au bout de quelques jours.

18 Vous avez suivi une formation: combien de temps a duré cette formation et

19 où?

20 Réponse: Nous avons eu deux séances de formation: une au Royaume-Uni. Je

21 crois que cela s'est fait de la même manière dans la plupart des pays; je

22 pourrai vous en parler si vous le souhaitez. Ensuite, quand nous sommes

23 arrivés au Kosovo, à Brezovica, nous avons deux jours et demi, ou trois

24 jours de formation supplémentaire dans notre centre de formation au

25 Kosovo.

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1 Question: En quoi a consisté cette formation?

2 Réponse: Au Royaume-Uni, l'essentiel de cette formation s'est répartie en

3 deux volets: premièrement, il s'agissait de mines: comment repérer les

4 mines, repérer les endroits minés, que faire lorsqu'on se trouve coincé

5 dans un champ de mines, comment reconnaître les mines, les différents

6 types de mines, les engins piégés. Vu mon expérience dans d'autres régions

7 des Balkans, cela pouvait constituer l'aspect le plus dangereux de notre

8 mission pour les membres de la mission.

9 En deuxième lieu, nous avons passé beaucoup de temps en formation aux

10 premiers soins: que faire lorsqu'une personne a été blessée, quels sont

11 les gestes qui sauvent? Ce blessé pouvait être, dans l'absolu, aussi bien

12 notre partenaire, cela pouvait être un policier, un membre de l'UCK; il

13 fallait savoir quels étaient les premiers gestes à faire pour sauver une

14 vie. En plus, on a eu des formations sur l'histoire: des gens sont venus

15 des Balkans pour nous parler de la situation dans la région, de la

16 situation au Kosovo; nous avons eu des cours sur la situation sur place,

17 l'histoire, l'importance de l'histoire, ce qui s'était passé, ce qui se

18 produisait, etc.

19 Question: Et une fois que vous avez rejoint les rangs de la KVM, vous, en

20 tant qu'officier britannique, en tant qu'officier anglais, est-ce que vous

21 étiez toujours sous les ordres de votre armée?

22 Réponse: J'étais toujours officier employé par l'armée britannique et

23 rémunéré par l'armée britannique. Cependant, quand l'armée britannique

24 détache un élément dans le cadre d'une mission, n'importe quelle mission

25 de l'ONU ou, dans le cas présent, de l'OSCE, nous sommes sous les ordres,

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1 sous le commandement de la mission concernée, si bien que je n'avais à

2 faire rapport à personne au Royaume-Uni. Mon supérieur immédiat, c'était

3 le général DZ, parce qu'il était chargé du service des opérations dans la

4 mission; c'était le chef des opérations. Donc je relevais de lui, mais pas

5 en tant que membre de l'armée britannique.

6 Question: Et avez-vous reçu des ordres, quels qu'ils soient, de la part de

7 l'armée britannique au cours de votre mission?

8 Réponse: Je ne me souviens d'aucun exemple d'ordre donné par l'armée

9 britannique, d'ordre directement donné par l'armée britannique. Mes

10 instructions, je les recevais de mon chef de mission, de l'ambassadeur

11 Walker, des adjoints du chef de mission ou du général DZ.

12 Question: Donc je peux partir du principe que, pendant la totalité de

13 votre mission, vous n'avez eu aucun contact avec le commandement

14 britannique. Est-ce bien exact?

15 Réponse: Pendant mon séjour au Kosovo, je n'ai pas eu de contact direct

16 avec le commandement britannique. C'est tout à fait exact.

17 Question: Et à un niveau hiérarchique supérieur, supérieur au vôtre, est-

18 ce que quelqu'un envoyait les informations que vous donniez au

19 commandement britannique? Est-ce que vous en aviez connaissance?

20 Réponse: Vous constaterez que, dans toute mission internationale,

21 lorsqu'une mission regroupe différents pays, il s'avère nécessaire pour

22 chacun des membres de cette mission de signaler au pays d'origine ce qui

23 se passe, ce qui arrive aux soldats. Par exemple, il ne serait pas

24 acceptable de voir une force britannique déployée sans que le Premier

25 ministre britannique, le ministère des Affaires étrangères britannique ou

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1 le ministre de la Défense ne soient informés, par exemple de blessés, de

2 difficultés, des activités des forces concernées. Donc, à ma connaissance,

3 tous les pays participant à la mission avaient des relations avec le pays

4 d'origine pour signaler ce qui se passait, pour signaler ce qui arrivait

5 aux ressortissants du pays concerné qui étaient sur place dans le cadre de

6 la mission.

7 Question: Oui, mais vous apparteniez à la mission de l'OSCE. Est-ce qu'il

8 n'aurait pas été plus logique que vous informiez le quartier général de

9 l'OSCE, que vous faisiez rapport au quartier général de l'OSCE? Surtout

10 qu'il s'agissait d'une mission civile et on avait bien insisté sur le

11 fait, sur le caractère civil de la mission dans l'accord passé avec la

12 Yougoslavie.

13 Réponse: Oui. Comme je l'ai dit, nous faisions rapport au ministère des

14 Affaires étrangères, mais l'OSCE n'était pas très intéressée par les

15 rapports dans lesquels nous demandions des choses assez triviales:

16 nouvelles pièces détachées, etc. Mais DZ chaque jour envoyait un rapport à

17 l'OSCE sur les événements de la journée. Mais l'OSCE n'était pas

18 intéressée par les détails quotidiens et terre-à-terre de la mission au

19 jour le jour.

20 Question: Vous avez parlé de Donna Phelan que vous avez assistée à

21 plusieurs reprises. Est-ce qu'il s'agissait d'une militaire ou d'une

22 civile?

23 Réponse: Donna Phelan, c'était une personne civile qui au moment où elle a

24 été détachée auprès de l'OSCE travaillait dans le cadre de la lutte contre

25 les armements au sein de l'OSCE, pour le CFE. Initialement, elle était

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1 experte auprès du gouvernement américain, du département d'Etat, elle

2 travaillait sur la vérification des armements. Et c'est pourquoi j'ai

3 beaucoup appris auprès d'elle parce qu'elle avait une très bonne

4 connaissance de la vérification des armements, de la vérification des

5 troupes, etc.

6 Question: Et lorsqu'elle est partie, peut-être vous ai-je mal compris mais

7 en tout cas ce que j'ai compris: c'est que vous l'avez remplacée

8 lorsqu'elle est partie?

9 Réponse: Oui, j'ai repris ses fonctions qui consistaient à mettre en place

10 un cadre pour que nous puissions mener à bien la mission de vérification.

11 Question: Donc de par le fait, vous avez remplacé Donna Phelan?

12 Réponse: Oui, on peut le dire.

13 Question: Dans la déclaration du général DZ, il est indiqué que Donna

14 Phelan est partie pour les Etats-Unis et qu'elle a été remplacée dans ses

15 fonctions par Roland Peter des Etats-Unis. Il est indiqué que c'est lui

16 qui l'a remplacée dans ses fonctions et à son poste. Est-ce qu'il y a une

17 erreur qui s'est glissée quelque part ou est-ce que nous nous sommes mal

18 compris?

19 Réponse: Il est possible que le général DZ ait scindé en deux les

20 fonctions attribuées à Donna Phelan. Mais j'ai assumé une partie des

21 fonctions de Donna Phelan, ça c'est sûr; notamment les fonctions en

22 matière de vérification.

23 Question: Vous avez évoqué le fait que vous n'aviez pas pu entrer dans

24 certaines casernes pour y effectuer des contrôles. Savez-vous que dans

25 l'accord qui a été passé et que vous aviez toujours dans votre poche,

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1 aucune disposition ne prévoyait que vous puissiez contrôler les

2 agissements de l'armée au sein de ces casernes? Cela ne faisait pas partie

3 de l'accord.

4 Réponse: Ces mots dans votre bouche me surprennent, Monsieur Milosevic,

5 parce que dans l'accord, il était stipulé que nous avions accès à toutes

6 les instances du Kosovo et que nous avions liberté de mouvement au sein du

7 Kosovo. Et si nous étions là dans le cadre de vérification et de contrôle,

8 il fallait que nous puissions avoir accès aux casernes. Sinon comment

9 savoir combien d'armes, de blindés vous disposiez s'il ne nous était pas

10 possible de pénétrer dans les casernes pour vérifier ce qu'il en était?

11 Question: Mais vous étiez bien conscient du fait que l'armée, au terme de

12 cet accord, ne prenait pas part à ce qui se passait sur le terrain, à part

13 trois unités qui avaient la taille d'une compagnie à peu près?

14 Réponse: Si vous faites référence aux trois unités auprès desquelles nous

15 avons été par la suite autorisés à nous rendre, eh bien, je voudrais dire

16 qu'il nous a fallu déployer beaucoup d'efforts pour pouvoir finir par

17 rencontrer ces unités, il nous a fallu des mois de travail pour réussir à

18 nous rendre là où se trouvait ces unités.

19 Question: C'est précisément ce que je voudrais établir. D'après l'accord,

20 le Corps de Pristina se trouvait dans ses casernes et était en train de se

21 livrer à ses exercices habituels, le Corps de Pristina n'avait aucun lien

22 avec votre mission de vérification, parce que les unités de ce Corps

23 n'étaient pas déployées. Seules trois unités de la taille d'une compagnie

24 à peu près étaient utilisées; d'après l'accord, ces trois unités étaient

25 déployées en trois emplacements bien précis du Kosovo, c'est indiqué dans

Page 3237

1 l'accord. Alors, est-ce que je peux partir du fait que vous pensiez que

2 votre mission de vérification avait trait aux positions tenues par ces

3 trois unités et par leurs fonctions?

4 Réponse: Je voudrais ici dire que les unités qui se trouvaient dans leur

5 caserne se sont déployées, et lorsqu'elles se sont déployées nous n'avons

6 jamais pu les approcher, nous avons toujours été tenus à distance de ces

7 unités. Et la lettre de l'accord, je m'en aperçois maintenant, pouvait

8 être interprétée de différentes façons. Enfin, notre interprétation de

9 l'accord était que nous puissions avoir accès aux casernes et aux unités,

10 et j'ajouterai une chose: Il me semble qu'une lettre vous a été envoyée,

11 précisant exactement de quelle façon nous entendions mener à bien nos

12 missions de vérification; nous stipulions quelles étaient les unités qui

13 nous intéressaient et nous indiquions quel était le degré de vérification

14 que nous souhaitions mener à bien. Nous n'avons jamais reçu de réponse.

15 M. Milosevic (interprétation): C'est ce dont je parle. Vous avez eu accès

16 à ces trois compagnies. Ces compagnies étaient évoquées par l'accord; vous

17 avez pu faire des contrôles sur les déplacements de ces unités, vous avez

18 pu vous déplacer librement dans le Kosovo. N'est-ce pas exact?

19 M. le Président (interprétation): Pour que tout soit clair, Monsieur

20 Milosevic, pouvez-vous nous dire à quelle partie de l'accord vous faites

21 référence? Et de quel accord parlons-nous exactement?

22 M. Milosevic (interprétation): Nous parlons de l'accord limitant le nombre

23 de policiers et qui stipule que l'armée prendra part à ces opérations

24 normales de temps de paix, à savoir des exercices d'entraînement, etc., à

25 l'exception de trois compagnies. C'est ce qui est indiqué dans l'accord et

Page 3238

1 c'est ce qui apparaissait dans l'un des passages de l'accord que le

2 général DZ a apporté en audience hier.

3 Moi, je n'ai pas mon gros classeur avec moi aujourd'hui, mais vous pourrez

4 retrouver des exemplaires de ces documents dans le dossier de l'audience.

5 M. le Président (interprétation): Oui, mais nous ne comprenons pas encore

6 très bien de quoi il s'agit. Il y a un accord du 16 octobre. Monsieur

7 Ryneveld, je crois que c'est ce qu'on appelle "l'Accord Sean Burns"?

8 M. Ryneveld (interprétation): Oui, Monsieur le Président. A l'intercalaire

9 3, Monsieur le Président, nous trouvons l'accord du 25 octobre. Une

10 déclaration y est annexée, qui évoque un certain nombre d'unités de la VJ.

11 Ensuite, sous l'intercalaire 4, vous trouverez l'accord, le protocole

12 d'accord daté du 25 octobre, signé par Sean Burns. Donc je crois qu'il est

13 fait référence en ce moment à ces deux accords.

14 Je vois que l'on remet au Témoin ces différents documents, à savoir les

15 pièces 94, sous les intercalaires 3 et 4. J'ai un exemplaire

16 supplémentaire de ces documents qui est à la disposition de M. Milosevic,

17 s'il souhaite le consulter.

18 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas besoin d'exemplaire

19 supplémentaire. Je sais qu'aux termes de l'accord, trois compagnies

20 étaient déployées et je pense qu'il est très clairement indiqué par cela

21 que c'étaient ces unités qui pouvaient faire l'objet de vérifications.

22 M. le Président (interprétation): Essayons de trouver le passage qui nous

23 intéresse.

24 Colonel, peut-être pourriez-vous nous aider? Nous pensons qu'il est fait

25 référence ici à la déclaration qui apparaît sous l'intercalaire 3. Une

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1 référence est faite à trois équipes ayant la taille d'une compagnie; c'est

2 au paragraphe 5, je crois.

3 M. Milosevic (interprétation): C'est cela, exactement: trois unités de la

4 taille d'une compagnie. C'est ce qui était prévu. Et une disposition de

5 l'accord établissait quelles devaient être les forces de police: il

6 fallait qu'il y ait 10.024 policiers sur le terrain. Il y avait un système

7 de rotation qui avait par ailleurs été mis en place. C'est sur ces

8 aspects-là qu'il pouvait y avoir vérification de la part de des membres de

9 la Mission.

10 M. Ciaglinski (interprétation): Un peu plus haut, Monsieur le Président,

11 au premier paragraphe, il est indiqué -je cite-: "Nous avons pleine

12 liberté de mouvement". Et je ne crois pas que cela apparaisse au

13 paragraphe 5. On ne dit pas d'ailleurs, au paragraphe 5, que sont ces

14 seules trois unités qui peuvent faire l'objet de vérifications de notre

15 part.

16 Question: Eh bien, vous deviez procéder à des missions de vérification, eu

17 égard à tout ce qui était stipulé dans l'accord?

18 Réponse: C'est exact, Monsieur Milosevic. Au paragraphe 2, quand il est

19 indiqué que "tout autre équipement supplémentaire, toute arme lourde

20 entrant dans le Kosovo devra être retirée du Kosovo et rendue à la VJ", eh

21 bien, il faut bien que nous vérifiions cela. Comment vérifier si nous ne

22 pouvons pas aller dans vos casernes pour voir exactement ce qui a été

23 fait? Nous ne pouvons pas simplement nous appuyer sur ce que vous nous

24 dites!

25 Question: Eh bien, vous vérifiez cela en ne voyant pas ces pièces sur le

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1 terrain. Si ces pièces ont été retirées, elles n'apparaissent pas sur le

2 terrain. Ce qui est dans les casernes, eh bien, cela dépend de l'armée

3 yougoslave et du Corps de Pristina, qui était dans les casernes. Je pense

4 que vous n'étiez pas dans votre droit lorsque vous souhaitiez contrôler ce

5 qui se passait dans les casernes.

6 Réponse: Bon. Et que dites-vous du fait que vous avez déployé des unités

7 qui se trouvaient dans ces casernes, dans le cadre d'exercices

8 d'entraînement divers? Vous n'avez pas prévu de nous donner accès aux

9 emplacements où se faisaient ces exercices d'entraînement?

10 M. Milosevic (interprétation): Les unités en Yougoslavie se livraient à

11 leurs exercices d'entraînement, à la fois avant, pendant et après la

12 période de temps concernée. Et, en tant qu'officier, vous savez bien qu'on

13 ne mène pas des exercices n'importe où: il faut que ces exercices se

14 déroulent dans des zones qui sont prévues à cet effet. Donc ce n'est pas

15 quelque chose qui a été en aucune façon contesté.

16 Mais poursuivons. Dans votre déclaration, vous parlez de vos tâches et de

17 vos devoirs, qui comprenaient notamment des déplacements sur le terrain,

18 des vérifications, etc. Et à la fin du paragraphe 7, vous dites -c'est la

19 dernière phrase du paragraphe 7-, vous dites: "Ces visites, je les ai

20 faites en compagnie d'unités qui m'apportaient leur soutien. C'est ainsi

21 que j'ai pu visiter des positions tenues par les unités de la VJ du MUP".

22 (Fin de citation.)

23 C'est ce qui est indiqué dans votre déclaration. Alors, je me demande

24 quelles sont ces unités qui vous ont apporté leur soutien lorsque vous

25 vous êtes rendu sur les positions tenues par l'armée de Yougoslavie et par

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1 des unités du MUP?

2 M. Ciaglinski (interprétation): Je ne trouve pas ce passage de ma

3 déclaration.

4 (Intervention de l'huissier.)

5 M. Ryneveld (interprétation): Est-ce que les Juges de la Chambre

6 souhaitent un exemplaire de cela?

7 M. le Président (interprétation): Vous parlez de la déclaration préalable

8 du témoin ou vous faites référence à la synthèse?

9 M. Ryneveld (interprétation): Il est fait référence à la déclaration

10 préalable du témoin. Je ne crois, Monsieur le Président, que vous l'ayez.

11 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit de la déclaration préalable et

12 non de la synthèse.

13 M. Ryneveld (interprétation): Les paragraphes de cette déclaration ne sont

14 pas numérotés. Monsieur Milosevic a fait référence au paragraphe 7, mais,

15 en fait, les paragraphes de cette déclaration ne sont pas numérotés.

16 Monsieur Milosevic a fait référence au paragraphe 7, mais en fait les

17 paragraphes de la déclaration ne sont pas numérotés; seuls les paragraphes

18 de la synthèse le sont. En fait, vous trouverez ce passage à la page 2,

19 avant-dernier paragraphe, dernière phrase de cet avant-dernier paragraphe.

20 M. Ciaglinski (interprétation): En fait, j'ai évoqué ici le fait que je ne

21 pouvais pas tout seul organiser ces visites. Je devais me tourner vers le

22 colonel Kotur et la Mission de coopération et, entre nous, nous décidions

23 des unités qui feraient l'objet de contrôle; ensuite, nous obtenions

24 l'aide de la commission qui nous aidait à organiser ces déplacements,

25 parce que nous n'étions absolument pas à même de le faire nous-mêmes. Cela

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1 ne pouvait être fait que par la VJ. Nous ne faisons référence à aucune

2 unité extérieure ici, nous ne faisons référence qu'à des unités militaires

3 serbes.

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Est-ce que vous avez trouvé

5 cette phrase à laquelle je faisais référence? Qui dit -je cite-: "Ces

6 visites supposaient l'utilisation d'un certain nombre d'unités militaires

7 qui m'aidaient à me rendre au sein d'unités de la VJ et du MUP." (Fin de

8 citation.)

9 Ma question, eu égard à cette phrase, est celle-ci: quelles autres unités

10 de l'armée yougoslave vous ont aidés? Est-ce que je vous ai entendu dire

11 que d'autres unités vous ont aidés?

12 Réponse: Non, nous n'avons reçu de l'aide que de l'armée yougoslave. Par

13 exemple, si nous avions à nous rendre vers Mitrovica, nous contactions le

14 colonel Kotur, nous nous entretenions avec le commandant compétent et nous

15 essayions exactement d'établir ce que nous voulions voir organisé. C'est

16 cela que j'entends lorsque je parle de coopération de la part des autres

17 unités militaires.

18 Question: Est-ce que le degré de coopération était bon?

19 Réponse: Mais, finalement, nous avons obtenu ce que nous voulions, puisque

20 nous avons pu effectuer des vérifications auprès des trois groupes de

21 combat. Vous avez dit qu'ils étaient les seuls que nous étions autorisés à

22 contrôler, mais pour ce qui est des autres visites, elles ont été

23 totalement impossibles.

24 Question: Mais au paragraphe suivant de votre déclaration préalable -vous

25 me suivrez facilement parce que vous vous êtes repéré-, vous dites -je

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1 cite-: "Il y avait trois sites principaux de la VJ que nous voulions

2 contrôler et, par le biais de négociations, nous avons réussi à atteindre

3 notre but, etc." (Fin de citation.)

4 Réponse: Oui, en une occasion, on nous a permis assez facilement d'avoir

5 accès à ces sites.

6 M. Milosevic (interprétation): Puisque nous sommes en train de regarder

7 votre déclaration préalable, nous allons essayer de faire preuve

8 d'efficacité.

9 Au paragraphe suivant, vous dites -je cite-: "Aux environs du mois de

10 février 1999, nous avons tenté de mener à vue une visite de vérification

11 auprès du MUP."

12 Donc nous parlons ici du ministère de l'Intérieur; c'est cela que veut

13 dire le sigle MUP. Pour que tout soit clair, en fait, c'est le ministère

14 de la Police, littéralement.

15 Je poursuis la citation: "Nous avons envoyé 30 ou 40 équipes à chaque

16 poste de contrôle du MUP dont nous avions connaissance." (Fin de

17 citation.)

18 Vous dites que cela s'est produit en février. Même si vous dites que

19 c'était aux alentours du mois de février, mais je ne conteste pas ce qui

20 est dit ici, mais vous dites que vous vous êtes rendus sur les 27 sites

21 dont vous aviez connaissance et vous dites que vous avez pu identifier 9

22 ou 10 sites supplémentaires.

23 Ensuite, vous poursuivez en disant -je cite-: "Nous avons pu confirmer que

24 le MUP était en infraction de l'accord qui stipulait quel était le nombre

25 de postes de contrôle qu'ils étaient autorisés à mettre sur pied." (Fin de

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1 citation.)

2 Vous savez pertinemment que, dans l'accord que nous avons cité tout à

3 l'heure et que vous évoquez également dans votre déclaration préalable, il

4 est indiqué que "le MUP peut, s'il a de bonnes raisons de ce faire,

5 augmenter le nombre de ses patrouilles".

6 Est-ce que vous saviez qu'à l'époque, au mois de février, un grand nombre

7 d'attaques ont été lancées par les terroristes de l'UCK? Ce qui veut dire

8 que la question ne se posait même pas de savoir si le MUP pouvait

9 augmenter le nombre de ses patrouilles. Et le MUP pouvait le faire dès

10 lors que la situation en matière de sécurité l'exigeait; ils pouvaient

11 multiplier le nombre de points de contrôle.

12 Pourquoi donc dites-vous que le MUP était en violation de l'accord, alors

13 que l'accord stipule précisément ce que le MUP a ensuite choisi de faire?

14 M. Ciaglinski (interprétation): Parce que, dans l'accord, il est dit que

15 "27 points de contrôle peuvent être mis sur pied" et on dit que "un tiers

16 de ces points de contrôle peuvent être surveillés par des troupes", ce qui

17 nous amène au chiffre 9. Et en cette occasion, nous avons pu établir que

18 40 postes de contrôle étaient tenus par des troupes.

19 M. le Président (interprétation): Par la suite, l'accord indique qu'en cas

20 d'incident ou de tension vive, la police aura le droit, après en avoir

21 donné notification à la KDOM et à l'OSCE, de se livrer à des patrouilles

22 qui se feront à bord de véhicules blindés. Je crois que c'est ce qui est

23 dit ici.

24 M. Ciaglinski (interprétation): Monsieur le Président, le fait qu'il y ait

25 multiplication du nombre de bases à partir desquelles les patrouilles

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1 opéraient, était justement ce qui provoquait un accroissement des tensions

2 et cela invitait l'UCK à prendre des mesures de représailles d'une

3 certaine façon. Et l'accord dit bien que "la Mission de coopération serbe

4 doit nous prévenir à l'avance de toute décision d'augmenter le nombre de

5 patrouilles". Or, jamais, nous n'avons été avertis.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais bien au contraire! La notification

7 vous en a été donnée.

8 Est-ce que vous êtes en train de dire que c'est de la faute de la police?

9 Est-ce que c'est de sa faute si les terroristes de l'UCK tiraient sur la

10 police? Est-ce que la police a tort d'avoir manifesté sa présence, d'avoir

11 essayé de réagir? Est-ce qu'elle était coupable du fait de sa simple

12 présence?

13 Réponse: Pas du tout. Bien sûr qu'on a le droit de se protéger, d'assurer

14 sa propre défense. Mais si vous mettez en place une force plus importante

15 que ce qui serait nécessaire, eh bien, vous allez provoquer un sentiment

16 de ressentiment auprès de la population, notamment si cette force de

17 police opprime la population et entrave la capacité de la population à se

18 déplacer et à mener à bien sa vie quotidienne.

19 Question: Est-ce que cela veut dire que l'apparition de la police a

20 provoqué l'UCK, l'a poussée à tirer sur la police? Est-ce que vous dites

21 que l'action de l'UCK, en ce sens, était légitime?

22 Réponse: Pas du tout. Je n'ai pas dit cela. Je dis que le fait d'avoir

23 déployé une force de police peut-être trop importante, qui entravait le

24 libre déplacement des personnes, qui les empêchait de mener une vie

25 normale, pouvait irriter ladite population. Et ce comportement pouvait

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1 pousser les terroristes à lancer une attaque sur la police.

2 M. Milosevic (interprétation): Donc vous dites que c'est de la faute de la

3 police que des terroristes attaquent la police?

4 M. le Président (interprétation): Le Témoin a donné des éléments

5 d'explication pour ce qui est de la réponse qu'il avait apportée.

6 M. Milosevic (interprétation): Au paragraphe suivant, vous faites une

7 déclaration pleine de profondeur. Vous dites -je cite-: "La méthode que

8 nous utilisions, telle que conçue par Donna Phelan, était une méthode

9 assez agressive. Et les Serbes n'étaient pas du tout satisfaits de cela."

10 (Fin de citation.)

11 D'après ce que je comprends de la lettre de l'accord, cette mission était

12 une mission de coopération. Hier, votre supérieur, M. DZ a établi que vous

13 aviez essayé de créer des liens de coopération.? Ici, vous dites que "la

14 méthode utilisée et conçue par Donna Phelan était une méthode très

15 agressive et que les Serbes n'en étaient pas satisfaits".

16 Comment quelqu'un pourrait-il être satisfait de la mise en place d'une

17 méthode très agressive, alors que les personnes qui sont en face d'eux

18 devraient faire preuve de coopération? Pouvez-vous nous expliquer cela?

19 Réponse: Eh bien, je crois qu'il faut que je vous dise une chose: notre

20 première tentative de mener à bien une mission de vérification dans la

21 caserne de Pristina n'a fait l'objet que d'un préavis qui est intervenu

22 très peu de temps avant que nous n'intervenions; nous sommes arrivés à la

23 caserne, nous avons dit quelles étaient nos intentions, nous avons dit ce

24 que l'accord nous autorisait à faire, d'après nous, et cela n'a mené à

25 rien; cela a été un échec? Donc la méthode ne permettait pas d'obtenir les

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1 résultats escomptés.

2 Une fois que Donna Phelan est parti, j'ai essayé de m'appuyer sur mon

3 expérience en tant qu'attaché. J'ai pensé qu'il valait mieux se tourner

4 vers la diplomatie et vers les négociations. Et j'ai essayé d'entamer des

5 négociations auprès de la commission de coopération. Nous avons, par

6 exemple, invité le général Loncar à prendre part à notre prochaine mission

7 de vérification; nous avons averti de notre intention de mener à bien une

8 mission de ce genre très longtemps à l'avance, mais cela n'a pas du tout

9 abouti non plus. Ce n'est que beaucoup, beaucoup plus tard, après avoir

10 beaucoup expliqué, beaucoup informé que nous avons réussi à faire

11 comprendre à la commission de coopération ce que nous voulions faire et

12 quelles étaient les raisons qui motivaient les actions de la Mission de

13 vérification.

14 Nous essayions d'être très transparents et nous voulions montrer également

15 que nous n'étions pas armés; vous savez que cela était spécifié dans

16 l'accord. Donc, après une longue, longue série de négociations, nous avons

17 enfin reçu la permission de nous rendre sur ces trois sites que nous

18 évoquions. Je pense que c'était vraiment un grand succès. Mais après cela,

19 nous n'avons plus pu avoir accès aux installations parce que vos troupes

20 étaient déployées sur le terrain; encore une fois, vous avez interdit

21 l'accès de nos vérificateurs aux sites sur lesquels se trouvaient les

22 unités qui se livraient à leurs exercices d'entraînement.

23 Donc ce qui se passait, c'est que nous essayions de nous rendre sur place

24 avec quelqu'un de la VJ, dans le cadre d'une espèce de convoi conjoint, et

25 nous essayions de voir sur le terrain ce qui se passait. Mais nos

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1 patrouilles, nos vérificateurs sur le terrain ne pouvaient pas avoir

2 quelque accès que ce soit aux zones qui nous intéressaient.

3 M. Milosevic (interprétation): J'entends bien ce que vous me dites à

4 propos de vos méthodes de travail, mais je vous demandais en fait de nous

5 dire ce qui est établi ici. Vous dites -je cite-: "La méthode que nous

6 utilisions était très antagoniste". Vous dites que c'est une méthode qui,

7 dans un premier temps, avait été conçue par Donna Phelan, mais je ne suis

8 pas intéressé par la personne qui est à l'origine de cette méthode.

9 Moi, ce qui m'intéresse, c'est la raison pour laquelle vous utilisez le

10 terme "antagoniste"; dans la version serbe de ce texte, on parle

11 "d'opposition maximale".

12 M. le Président (interprétation): Je crois que l'accusé… Je crois, pardon,

13 que le Témoin a expliqué ce qu'il voulait dire ici: notamment, c'est le

14 récit de ce qui s'est passé lorsqu'il s'était rendu dans la caserne de

15 Pristina. Je pense que c'est ainsi qu'il a essayé d'expliquer pourquoi le

16 terme "antagoniste" apparaissait ici. N'est-ce pas, Colonel?

17 M. Ciaglinski (interprétation): C'est tout à fait cela, Monsieur le

18 Président.

19 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, un incident ne peut pas être

20 considéré comme un élément d'explication qui permet de comprendre pourquoi

21 telle ou telle méthode est utilisée. Une méthode est ici utilisée, une

22 méthode dont il est dit qu'elle a été conçue par Donna Phelan. Donc c'est

23 une méthode qui a été précautionneusement mise au point et on dit qu'elle

24 est très "antagoniste".

25 M. le Président (interprétation): Très bien. Essayons de ne pas passer

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1 trop de temps là-dessus.

2 Est-ce que vous pouvez, Colonel, ajouter quoi que ce soit à propos de

3 cette méthode mise au point par Donna Phelan? Est-ce que vous avez quoi

4 que ce soit à ajouter?

5 M. Ciaglinski (interprétation): Donna était une experte de la CSE, experte

6 en vérification d'armes. Sur la base de son expérience, elle a adopté

7 cette méthode, qui consiste à donner au pays où les visites vont se faire

8 peu de temps pour réagir; on n'avertit pas trop longtemps à l'avance.

9 Ensuite, normalement, cette méthode permet d'avoir un accès plein et

10 entier à tout ce qui se trouve à l'intérieur des casernes et à l'intérieur

11 de tout ce qui se trouve à l'intérieur des postes tenus par les unités.

12 Cela permet également d'avoir accès à toute zone d'entraînement se

13 trouvant dans le pays qui est d'intérêt. C'est la procédure tout à fait

14 habituelle qui est généralement suivie dès lors qu'il s'agit de mener à

15 bien une mission de vérification d'armes et d'armement.

16 Nous avons choisi cette méthode, nous avons gardé celle qui avait été

17 conçue par Donna Phelan, et DZ a écrit une lettre à M. Milosevic

18 expliquant de quelle façon nous souhaitions procéder; nous n'avons pas eu

19 de réponse à cette lettre. Madame Phelan a supposé que, puisqu'il n'y

20 avait pas de réponse, eh bien, nous pouvions tout à fait mener les choses

21 comme nous l'entendions. Une fois que nous avons vu que cette méthode ne

22 fonctionnait pas, nous avons décidé de la changer.

23 Monsieur Milosevic part du principe que nous n'avons rien changé à nos

24 pratiques, mais nous n'avons pas du tout suivi cette pratique antagoniste.

25 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas souvenir d'avoir reçu une

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1 lettre émanant de Donna Phelan ou de l'un quelconque de vos collaborateurs

2 ou des vérificateurs qui constituaient de votre mission.

3 Mais pour ce qui est de ce que vous venez de décrire, à propos de ce que

4 faisaient vos équipes dans le cadre de leur vérification au sein du MUP,

5 est-ce que vous avez discuté de cela avec la Commission yougoslave qui

6 était dirigée par le général Loncar à Pristina?

7 M. Ciaglinski (interprétation): Dans un premier temps, je voudrais dire

8 que cette lettre a été rédigée par Donna Phelan et qu'elle a été signée

9 par le chef de mission. Ensuite, elle vous a été envoyée. Je veux ensuite

10 dire que le rapport intégral de nos conclusions après les visites qui ont

11 été faites sur ces 27 postes de contrôle a été transmis au général Loncar

12 de la mission de coopération. Il a reçu ce rapport dans son intégralité.

13 Question: Et est-ce que vous avez débattu de cette question avec le

14 général Loncar et ses collaborateurs?

15 Réponse: Absolument, ces questions ont été discutées personnellement avec

16 le général Loncar.

17 Question: Lorsque je dis discussion, je ne parle pas de vous en personne

18 mais je parle d'un représentant de la Mission de vérification. Donc y a-t-

19 il eu un représentant? Drewienkiewicz ou Walker ou Keller, ce n'est pas

20 cela qui est important pour moi. Je vous demande simplement, si vous en

21 avez discuté avec le général Loncar?

22 Réponse: La question a été discutée avec la Commission de coopération et

23 avec le général Loncar, oui.

24 Question: Et le problème a été réglé?

25 Réponse: Non. Il en est resté au stade de la protestation de notre part

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1 car, à notre avis, vous aviez violé l'accord.

2 Question: Le général Loncar n'a donc pas été dans la capacité d'apporter

3 la moindre explication à ce sujet?

4 Réponse: Je crois que nous avons entendu à peu près les mêmes arguments

5 que nous venons d'entendre de votre bouche aujourd'hui, Monsieur.

6 Question: Cela découle de la lettre de l'accord. Vous écrivez ici dans

7 votre texte: "qu'en dehors de la mission de vérifier les armes, j'ai

8 repris sur moi la charge importante d'effectuer la liaison avec la RFY".

9 Donc, à mon avis cela signifie que vous étiez le contact principal avec la

10 Yougoslavie. Pouvez-vous m'expliquer cela, car ceci me paraît assez

11 extraordinaire?

12 Réponse: Je crois que c'est une erreur. J'ai utilisé le commentaire de

13 Keller et c'était un tort de ma part. Il aurait mieux valu parler de chef

14 des liaisons avec la Commission de coopération. Je n'avais pas de liaison

15 directe avec la RFY mais, comme la mission de coopération était le porte-

16 parole -je suppose- de votre gouvernement, c'est ce qui explique

17 l'utilisation de cette expression. Car il est -je suppose- question, au

18 moins indirectement de la RFY.

19 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais lorsque vous dites

20 Commission de coopération, qui avait le rôle principal s'agissant du

21 contact avec cette mission de coopération chez vous? Si nous supprimons

22 les lettres "RFY" dans le texte et que nous les remplaçons par "Commission

23 de coopération représentant la RFY", qui étaient les principales personnes

24 chargées de la liaison? Walker? Keller? Drewienkiewicz? Vos autres

25 supérieurs? D'autres membres de la mission, supérieurs à vous? D'après ce

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1 que vous dites dans vos explications, il y avait des réunions, et vous les

2 accompagniez à ces réunions?

3 M. Ciaglinski (interprétation): Il s'est avéré que, compte tenu de la

4 durée de la fréquence de ces réunions, c'est moi qui y assistais en

5 l'absence de DZ, de Walker ou d'autres chef-adjoints de la Mission de

6 vérification. J'y allais avec mes interprètes, et j'emmenais également

7 avec moi d'autres spécialistes lorsque j'avais besoin d'aide à l'une ou

8 l'autre de ces réunions. Mais, je représentais le chef de la mission.

9 Manifestement, tout membre de la mission était représentant de M. Walker,

10 y compris DZ.

11 M. le Président (interprétation): Il est 13 heures 45, nous allons lever

12 la séance.

13 Colonel, je vous demanderai de revenir ici à 9 heures demain matin.

14 Et il faudrait que nous ayons une cote pour la déclaration du Témoin.

15 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 98.

16 M. le Président (interprétation): Merci.

17 Suspension jusqu'à demain matin.

18 (L'audience est levée à 13 heures 45.)

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