Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 22 avril 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 5.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, on m'a appris qu'il y

6 avait quelque difficulté quant à l'arrivée des témoins au Tribunal ce

7 matin. Je crois qu'ils sont coincés dans un embouteillage.

8 M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Président, c'est ce que je

9 crois comprendre.

10 Je pense que nous pouvons parler, puisque nous avons quelques instants

11 devant nous, de la demande formulée à propos du dossier Neill Wright. Vous

12 savez que nous avons déposé une requête aux fins de l'admission de ces

13 dépositions; nous avons fait une requête au titre de l'Article 92bis du

14 Règlement. Elle est en date du 22 mars 2002.

15 Je pense que la Chambre dispose et de la déclaration préalable du témoin

16 et de notre requête et qu'elle a eu l'occasion de parcourir ces deux

17 documents?

18 M. le Président (interprétation): Oui.

19 M. Nice (interprétation): Jusqu'à présent, ni l'accusé ni les amis de la

20 Cour n'ont pas réagi à notre requête.

21 Je voudrais simplement rappeler à la Chambre et à ceux qui suivent nos

22 travaux que la déclaration préalable fournit un certain nombre de données

23 statistiques, données statistiques qui ont été recueillies par le témoin

24 et qui ont été communiquées à une organisation humanitaire, statistiques

25 qui portent sur le nombre de personnes déplacées.

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1 L'Article 92bis compte un certain nombre de dispositions qui ont toutes

2 été respectées. L'Article précise, par ailleurs, que la Chambre a toute

3 discrétion pour se prononcer sur les éléments qui font l'objet de

4 versement au titre de l'Article 92bis-ii)a).

5 Notre opinion, c'est que ces éléments de preuve viennent s'ajouter à ceux

6 qui ont été transmis par d'autres témoins dans le cadre de dépositions

7 orales. Patrick Ball, notamment, a traité de ces données statistiques et

8 s'est appuyé sur les éléments qui devraient être versés au dossier par le

9 biais d'un certain nombre de témoins cités au titre de l'Article 92bis. Il

10 y a donc corroboration de deux types d'éléments de preuve que la Chambre

11 de première instance a, d'ores et déjà, considérés comme recevables. Cela

12 a déjà été versé au dossier.

13 Pour ce qui est du contre-interrogatoire, dans ce cas particulier, le

14 contre-interrogatoire du témoin ne s'est pas porté sur le déplacement de

15 ces personnes à proprement parler, mais sur les causes qui avaient poussé

16 ces personnes à quitter le lieu où elles se trouvaient. Je ne sais pas si

17 le l'accusé aurait, dans ce cadre, le droit de procéder à un autre contre-

18 interrogatoire. C'est quelque chose qui repose entre les mains de la

19 Chambre.

20 M. le Président (interprétation): Nous allons d'abord nous reporter à

21 certains des éléments que nous avons entre les mains, notamment l'annexe

22 n°5, la déclaration préalable de Mme Ogata, déclaration recueillie le 6

23 avril 1999 par un groupe de travail. Je me demande ce que cela ajoute à ce

24 que nous savons déjà à propos des événements qui nous intéressent ici. On

25 parle dans cette déclaration de déplacements forcés.

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1 Je ne crois pas que vous demanderez le versement de cette déclaration par

2 le biais du témoin?

3 M. Nice (interprétation): Comme vous le voulez, Monsieur le Président. On

4 a déjà fait référence à Mme Ogata très récemment, dans le cadre des

5 dépositions.

6 M. le Président (interprétation): Précisément. Ce qui est le plus

7 important, c'est que ce témoin va aborder un certain nombre de données

8 statistiques, mais on ne conteste pas le fait qu'il y a eu des réfugiés.

9 Ce que l'on discute ici, ce qui est contesté, ce sont les raisons de ce

10 déplacement.

11 Si l'on se reporte maintenant à l'annexe 4, "Etat des lieux de la

12 situation d'urgence", il s'agit, je le crois, d'un ensemble de rapports

13 journaliers? Oui, c'est bien cela. Ce témoin se trouve à Colombo.

14 M. Nice (interprétation): Au Sri Lanka, Monsieur le Président. Ce témoin

15 est un petit peu loin; il est disponible, mais il est loin.

16 M. le Président (interprétation): Oui, il aurait un long chemin à

17 parcourir. Cela pose des problèmes pratiques.

18 Nous allons maintenant donner à la parole aux amis de la Chambre.

19 M. Wladimiroff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Je n'ai pas noté d'autres questions qui permettraient à la Chambre de

21 trancher cette question. Il y a peut-être une chose que je voudrais faire

22 valoir: l'accusé a le droit de contre-interroger le témoin s'il souhaite

23 le faire. C'est quelque chose qui a déjà été établi. C'est la seule

24 observation que nous souhaitons faire.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je me tourne vers

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1 vous.

2 Nous traitons pour l'instant de la déclaration préalable de M. Neil

3 Wright. Sa déclaration nous a été communiquée. Il s'agit d'un témoin qui

4 travaillait pour le HCR des Nations Unies et ce témoin parle abondamment

5 de la question des déplacements de réfugiés. L'accusation a demandé à ce

6 que cette déclaration préalable soit admise au dossier sans contre-

7 interrogatoire. L'accusation motive sa demande en indiquant que ce témoin

8 présente un certain nombre de données statistiques portant sur le

9 phénomène du déplacement de personnes.

10 Ce témoin, en aucun cas, ne parle des raisons qui ont provoqué ces

11 déplacements. Or c'est précisément cette question des causes du

12 déplacement qui sont au cœur de notre affaire.

13 Alors, est-ce qu'il y a quoi que ce soit que vous souhaitez nous dire à

14 propos de cette question qui est soulevée devant la Chambre?

15 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas eu la possibilité de lire sa

16 déclaration préalable. Il n'apparaît pas sur la liste des 30 et quelques

17 témoins à venir. Nous débattons de cela fort longtemps à l'avance et moi,

18 je ne pose pas ces questions si longtemps à l'avance. Je n'ai pas encore

19 passé en revue sa déclaration préalable.

20 M. le Président (interprétation): Sa déclaration préalable a été transmise

21 par le biais de la requête de l'accusation déposée le 22 mars dernier.

22 Bon, très bien.

23 (Les Juges se concertent sur le siège.)

24 Il y a deux choses dont nous devons débattre.

25 La première est celle-ci: M. Milosevic ne s'est pas prononcé sur la

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1 question arguant du fait qu'il n'avait pas pu lire la déclaration

2 préalable. Mais le fait est que cette requête a été déposée le 22 mars

3 dernier; il y a donc un certain temps.

4 Nous avons à l'esprit le fait que M. Milosevic assure sa propre défense et

5 nous sommes bien conscients du fait qu'il doit se pencher sur un grand

6 nombre de documents. C'est donc un peu plus difficile que dans une affaire

7 plus habituelle. C'est en tout cas plus difficile que dans le cadre

8 d'affaire où les accusés sont représentés.

9 Nous avons tous cela à l'esprit, mais nous sommes tout de même enclins à

10 souligner le fait qu'il savait que cette question allait être abordée, que

11 nous allions l'aborder ce matin. Il a donc eu la possibilité de se

12 préparer. Il aurait dû être à même de se prononcer sur la question. Il a

13 choisi de ne pas se préparer, de ne pas réagir à cette question. Nous

14 constatons qu'au vu du comportement de l'accusé, il se peut que, comme

15 dans d'autres cas de figures, il souhaitera contre-interroger le témoin.

16 Partant de ce principe, nous déclarons que nous acceptons cette

17 déclaration préalable au titre de l'article 92bis. Les éléments qui sont

18 abordés dans cette déclaration viennent corroborer des éléments qui ont

19 déjà été présentés devant cette Chambre puisque cette déclaration traite

20 des statistiques et de la question de déplacement de personnes. Un grand

21 nombre de témoins est venu déposer sur cette question de déplacement de

22 personnes. Le professeur Ball a lui aussi abordé la question des

23 statistiques du déplacement de personnes. Par conséquent, ces éléments de

24 preuves viennent s'ajouter à ceux qui existent déjà. A cet égard, ces

25 éléments de preuves sont donc recevables.

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1 Nous ne considérons pas que, dans un tel contexte, le contre-

2 interrogatoire est nécessaire. La Chambre peut se prononcer avec toute

3 latitude. Le témoin parle uniquement de la question du déplacement, ne

4 parle pas des causes de ce déplacement. Ce qui est contesté ici, ce n'est

5 pas que des personnes ont été déplacées. Ce qui est contesté, ce sont les

6 causes de ces déplacements.

7 En conséquence, cette déclaration préalable est admise au vu du fait

8 qu'elle traite des statistiques relatives aux déplacements de personnes.

9 Cette déposition n'est pas acceptée ou cette déclaration préalable n'est

10 pas acceptée parce qu'elle parle de la raison pour laquelle ces personnes

11 ont été déplacées.

12 L'annexe 5 de la déclaration, qui est la déclaration de Mme Ogata, n'est

13 pas admise et elle ne sera pas recevable par le biais de ce témoin s'il

14 venait devant nous. En effet, la déclaration de Mme Ogata porte sur

15 quelque chose qui a trait aux raisons qui ont poussé des personnes à être

16 déplacées; un point qui est hautement contesté. Donc, nous admettons la

17 déclaration déposée au titre de l'Article 92bis mais nous excluons

18 l'annexe 5 qui est la déclaration de Mme Ogata.

19 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)

20 Merci, Monsieur le Président.

21 Je ne sais pas si les témoins sont arrivés. S'ils ne le sont pas, il y a

22 une autre question de procédure que je me propose d'évoquer devant vous.

23 M. le Président (interprétation): Est-ce que les témoins sont ici?

24 Mme Ameerali (interprétation): Ils sont arrivés.

25 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous souhaitiez dire

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1 quelque chose. Vous avez la parole.

2 M. Milosevic (interprétation): Je voudrais dire quelque chose à propos des

3 statistiques dont vous parliez à l'instant. Les statistiques peuvent aider

4 à atteindre un but bien précis, notamment si elles portent sur les faits

5 qui sont au coeur de l'affaire. Mais jusqu'à présent nous avons entendu la

6 déposition de Patrick Ball que vous avez évoqué, il y a quelques instants,

7 déposition que je conteste dans son intégralité.

8 Par ailleurs, nous ne parlons pas ici de déplacements et je ne sais

9 d'ailleurs pas ce que vous entendez par "déplacements".

10 Il y a une chose qui est incontestée, c'est que des réfugiés se sont

11 enfuis des lieux où ils résidaient, ils ont fui à cause de la guerre. Si

12 ces statistiques sont des statistiques qui portent sur les réfugiés, eh

13 bien, nous ne pouvons nous pencher dessus que si elles ont trait à des

14 faits avérés. Nous ne pouvons pas nous pencher sur ces statistiques si

15 elles sont liées à une question de déplacements qui n'ont rien à voir avec

16 des réfugiés. Les réfugiés et la guerre sont des choses qui sont toujours

17 intrinsèquement liées. Il n'y a jamais eu de guerre sans réfugiés et de

18 réfugiés sans guerre, pour autant que je le sache. Nous parlons donc ici

19 d'une tentative qui est menée et qui vise à attribuer la responsabilité

20 des déplacements à certains éléments bien précis.

21 On essaie d'invoquer certaines intentions, certains plans. Cela fait un

22 certain temps déjà que nous entendons parler d'intentions et de plans,

23 ayant une intention bien précise. Il ne s'est jamais agi jusqu'à présent

24 que de rumeurs et de ouï-dire. Et moi je pense que ces statistiques sont

25 absolument sans intérêt.

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1 M. le Président (interprétation): Nous avons rendu une décision. Cette

2 décision a été motivée. Vous avez entendu les arguments invoqués par les

3 parties et par les Juges. Il n'y a rien à dire.

4 Nous allons faire entrer le témoin.

5 M. Milosevic (interprétation): Puisque j'ai encore un tout petit peu de

6 temps, je voudrais dire que mon téléphone ne fonctionne plus. Ce téléphone

7 devrait être à ma disposition et, encore une fois, il est encore hors-

8 service. Je ne peux pas m'en servir pour communiquer avec les personnes

9 que je souhaite contacter.

10 M. le Président (interprétation): Eh bien, cette question sera étudiée. Le

11 problème sera réglé.

12 (Le témoin, M. Reshit Salihi, est introduit dans le prétoire.)

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Salihi, nous allons écouter la

14 fin de votre déposition. Je vous rappelle que vous avez prononcé une

15 déclaration solennelle vendredi dernier. Vous êtes toujours tenu par

16 ladite déclaration.

17 M. Milosevic (interprétation): Vous pouvez reprendre le fil de votre

18 contre-interrogatoire. Il vous reste environ 40 minutes.

19 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Reshit Salihi, par l'accusé M.

20 Milosevic, suite.)

21 M. Milosevic (interprétation): Je n'aurais pas besoin d'autant de temps.

22 Monsieur Salihi, dans votre déclaration il est indiqué que, lors de la

23 survenue des événements que vous avez décrits, quelqu'un avait dit en

24 langue serbe: "Il y a des terroristes ici". Est-ce bien exact?

25 M. Salihi (interprétation): Oui.

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1 Question: Pour autant que je vous ai compris, vous avez déclaré que dans

2 votre village il n'y avait pas de membres de l'UCK, c'est bien cela?

3 Réponse: Non, il n'y en avait pas.

4 Question: Savez-vous que juste à côté de votre village, dans les villages

5 de Samodreza, Zrze, Pirane, entre autres Bela Crkva, que dans tous ces

6 villages environnants, il y avait des membres de l'UCK. Qu'il y avait même

7 des groupes de membres de l'UCK présents?

8 Réponse: Je n'en sais absolument rien.

9 Question: Est-ce que vous avez jamais entendu dire que quelque chose

10 s'était produit à proximité de votre village, un enlèvement, un meurtre?

11 Est-ce qu'il n'y a rien eu de ce genre dans ces villages? En avez-vous

12 jamais entendu parler?

13 Réponse: Oui, nous en avons entendu parler. Nous avons entendu dire que

14 les forces serbes étaient entrées dans les environs et qu'elles avaient

15 tué des personnes, qu'elles les avaient égorgées. Ils ont tout fait.

16 Question: Moi, je vous demande si vous avez entendu parler d'incidents

17 auxquels auraient pris part des membres de l'UCK. Incidents dans le cadre

18 desquels des membres de l'UCK ont perpétré des crimes dans les villages

19 avoisinants, villages que j'ai cités tout à l'heure.

20 Réponse: Il n'y avait pas de membres de l'UCK à Celinë. Il ne me revient

21 pas de répondre à cette question.

22 Question: Je ne parle pas de Celinë. Je parle de ce que vous avez entendu,

23 d'après vos dires. Est-ce que vous avez entendu ce qui se racontait dans

24 les villages environnants? Est-ce que vous avez entendu parler de ce que

25 je nomme l'UCK, de cette organisation?

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1 Réponse: Je n'ai rien entendu dire à propos de l'UCK ni de quoi que ce

2 soit du genre.

3 M. Milosevic (interprétation): Pensez-vous qu'ils auraient pu avoir des

4 conflits, des affrontements dans ces villages, et qu'un groupe de l'UCK

5 aurait pris la fuite en direction de votre village et qu'ils étaient à la

6 poursuite de ce groupe?

7 M. le Président (interprétation): Le Témoin dit ne rien savoir à propos de

8 l'UCK ni des villages environnants. C'est la réponse qu'il vous a fournie.

9 Il ne peut rien y ajouter.

10 M. Milosevic (interprétation): Le Témoin ne sait rien à propos de l'UCK et

11 il ne connaît qu'une version des faits, c'est manifeste.

12 Vous avez dit, dans votre déclaration préalable, que, d'après ce qui est

13 indiqué ici, le policier avait un fusil d'assaut. Est-ce que vous

14 connaissez ce fusil d'assaut? Qu'est-ce que c'est comme arme?

15 M. Salihi (interprétation): Les forces serbes sont arrivées dans le

16 village de Celine. Ils ont tous fait contre nous.

17 Question: Mais moi, je vous pose une question à propos d'armes, de fusils.

18 Vous avez dit qu'ils avaient des fusils d'assaut?

19 Réponse: Oui. Je ne peux pas vous dire quel type d'armes ils avaient. Mais

20 Celine a été pilonnée, on ne voulait pas sortir pour qu'ils nous

21 pilonnent, mais c'est ce qu'ils ont fait exactement.

22 Question: Dans le dernier paragraphe, vous dites quelque chose et

23 j'aimerais vous poser une question précise: page 2, milieu de la phrase.

24 Je n'ai que le texte en anglais, je vais en lire la phrase -je cite-: "Je

25 ne me souviens pas de Berisha, ni des uniformes; ces policiers étaient

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1 armés de fusils d'assaut". (Fin de citation.)

2 C'est la raison pour laquelle je vous pose cette question. En quoi, ces

3 fusils sont-ils différents des autres fusils? Qu'est-ce que c'est des

4 fusils d'assaut? Parce que c'est ce que vous affirmez dans votre

5 déclaration: qu'ils étaient armés et qu'ils étaient armés de ces armes?

6 Réponse: Il avait des fusils automatiques. Et ici, c'est une question de

7 grammaire et de sémantique. Et moi, je n'y connais rien à ce sujet.

8 M. Milosevic (interprétation): Ici, je ne déforme pas les choses, je me

9 contente de lire ce qui figure dans le texte.

10 M. le Président (interprétation): Nous savons ce qui figure dans la

11 déclaration préalable. Le Témoin vous a donné la meilleure réponse

12 possible.

13 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Donc cela revient à dire ceci:

14 votre village, jusqu'au 25 mars, date à laquelle s'est produit l'événement

15 que vous avez décrit, c'était un village paisible dans lequel il n'y avait

16 aucun incident. Est-ce bien cela?

17 M. Salihi (interprétation): Jusqu'au 25, il n'y a rien eu du genre. Après,

18 nous avons été assiégés et les Serbes ont fait ce qu'ils avaient toujours

19 voulu faire.

20 Question: D'accord. Savez-vous que le 24 mars, l'OTAN a lancé son

21 agression contre la Yougoslavie? C'est à ce moment-là que la guerre a

22 commencé.

23 Réponse: Oui, cela je sais. C'est la raison pour laquelle les forces

24 serbes nous ont assiégés et ont essayé de se venger contre nous parce que

25 nous, nous étions tout à fait contents, heureux de l'intervention de

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1 l'OTAN, bien sûr.

2 Question: Par conséquent, jusqu'au début de la guerre, vous viviez en

3 paix, sans aucun problème. La guerre a commencé et les événements qui

4 accompagnent souvent une guerre ont commencé aussi.

5 Est-ce que vous attribuez tout ce qui s'est passé à la guerre ou à quelque

6 chose d'autre?

7 Réponse: Ce que les forces serbes ont fait aux civils, eh bien, il n'y a

8 qu'à elles-mêmes qu'on peut ou qu'elles peuvent le reprocher.

9 Question: Mais j'espère que nous sommes d'accord sur une chose, à savoir

10 que, jusqu'au début de la guerre, il n'y avait aucun événement de ce

11 genre. Tous les problèmes ont commencé avec le début de la guerre, dès que

12 celle-ci a commencé: c'est vrai ou ce n'est pas vrai?

13 Réponse: Oui.

14 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai plus de question à poser à ce

15 témoin.

16 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires?

17 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Reshit Salihi, par

18 M. Nice.)

19 M. Nice (interprétation): Une question. A la suite de l'audition du

20 Témoin, la semaine dernière, vous avez dit que des gens avaient été tués

21 dans votre village. Pourriez-vous nous donner un chiffre approximatif ou

22 plus exact du nombre de personnes qui ont été tuées?

23 M. Salihi (interprétation): Je connais le nombre exact. Jusqu'au 25, 28,

24 je peux tout vous expliquer parce que j'ai toutes les données dans ma

25 tête.

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1 Question: Quel est ce chiffre?

2 Réponse: 75 dans le village de Celina: il y en avait qui étaient âgés d'à

3 peine un an, d'autres jusqu'à 90. Tous ont été tués, massacrés chez eux,

4 dans leurs foyers.

5 M. Nice (interprétation): Je n'ai plus de question à poser.

6 Ce témoin, je dois vous l'expliquer, comme c'est le cas d'autres témoins,

7 est venu avec des photographies, des documents parce qu'il pensait qu'il

8 pourrait nous aider avec ces documents. C'est une question d'analyse. Il

9 faut prendre un certain temps pour voir en quoi consistent ces documents.

10 S'agissant de ce Témoin, même s'il a apporté des documents, je pense que

11 sa déclaration préalable portait sur les questions qu'il a abordées au

12 cours de son interrogatoire. Je n'en demande pas le versement.

13 M. le Président (interprétation): Merci d'être venu déposer devant ce

14 Tribunal. Votre déposition est terminée. Vous pouvez désormais vous

15 retirer.

16 M. Salihi (interprétation): Je vous remercie.

17 (Le témoin, M. Reshit Salihi, est reconduit hors du prétoire.)

18 (Questions relatives à la procédure.)

19 M. Nice (interprétation): Avant l'arrivée du prochain témoin, et comme je

20 ne serais pas présent à l'audience après la pause -et ce sera le cas

21 jusqu'à la fin de la semaine prochaine-, me permettez-vous d'aborder

22 quelques questions de procédure pour vous dire de quelle façon nous allons

23 présenter nos moyens? Ceci en l'espace de cinq minutes, pas plus. J'espère

24 que vous êtes d'accord?

25 Nous sommes désormais à même de tenir compte de toutes les décisions déjà

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1 rendues par la Chambre de première instance eu égard aux trois volets de

2 ce procès.

3 Il y avait d'abord la décision de la Chambre d'appel en matière de

4 jonction, et il faut voir le temps consacré à la question des témoins

5 relevant du 92bis. Manifestement, nous avons nos propres préoccupations.

6 Nous comprenons tout d'abord qu'il y a diverses opinions sur la durée

7 probable de ce procès, et plus précisément sur la question de savoir

8 combien de temps il faut consacrer aux témoins factuels. L'accusation a

9 son propre avis, manifestement, et elle l'a montré par la liste de témoins

10 qu'elle a présentée, mais je pense qu'il serait erroné de ne pas tenir

11 compte de l'avis d'autres personnes, exprimé de façon explicite ou pas. Il

12 se peut que nous nous trompions. Nous ne sommes pas de cet avis, mais

13 seulement il faut tenir compte de l'avis d'autrui et il faut parer à toute

14 éventualité.

15 Nous pouvons maintenant établir le temps que prendront les témoins qui

16 vont parler du Kosovo. Nous avons procédé à quelques exercices

17 statistiques. Si nous devions citer tous les témoins prévus, et dans le

18 scénario le plus optimiste où l'on aurait quatre témoins du 92bis par

19 jour, un témoin factuel prendrait une demi-journée et un expert, un témoin

20 international pourrait prendre une journée et demie; -on peut prévoir

21 diverses possibilités-, manifestement, ceci nous amènerait le plus

22 probablement possible jusqu'au mois d'octobre.

23 A nos yeux, il ne reste que quelques questions à aborder, qui risquent

24 d'avoir une incidence sur la durée du procès. Il faudra peut-être les

25 préciser. Je le ferai dans un instant.

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1 Il y a d'abord les classeurs: que va-t-on en faire? Contre-interrogatoire

2 par les amis de la Chambre qui se fera par une requête séparée et puis il

3 y a la situation en matière de résumé des témoins. Je vais reprendre ceci

4 dans un instant.

5 Parlons d'abord des statistiques qui reflètent d'ailleurs ce que le

6 Procureur et moi-même, nous avions déjà dit.

7 Nous voulons réaménager l'ordre de comparution pour donner une priorité,

8 non plus aux témoins factuels, du moins plus après cette semaine, mais

9 dans la mesure du possible, nous donnerons la priorité à d'autres témoins,

10 des témoins internationaux, des personnes qui étaient dans le cercle de

11 l'accusé, les amis de l'accusé et puis les témoins de liaison, de lien.

12 Nous espérons faire comparaître la plupart ou beaucoup de ces témoins le

13 plus vite possible. Ceci va peut-être perturber l'ordre prévu, mais nous

14 pensons que c'est la bonne marche à suivre.

15 Nous allons garder de côté les témoins 92bis afin qu'ils nous permettent

16 de combler des vides si, par exemple, des témoins qui doivent venir des

17 quatre coins du monde ne sont pas en mesure d'arriver comme c'était prévu.

18 Nous ne savons pas quelle sera l'issue du dilemme posé par la cabine

19 d'interprétation albanaise, mais nous ne voudrions pas, de toute façon,

20 abuser ou gâcher le temps pendant lequel nous aurons cette cabine. Ceci

21 intervient dans le calcul général du temps nécessaire. Si nous appelons

22 ces témoins assez vite dans la procédure, nous espérons régler le problème

23 que pose le temps, la durée du procès.

24 Nous avons donc l'intention de faire ce que je viens d'expliquer,

25 s'agissant de tous les témoins pour les différents volets. Je vais prendre

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1 des mesures, chaque fois que l'on pourra les prendre, pour que

2 l'interrogatoire principal soit admis en vertu du 92bis. Ceci s'appliquera

3 à tous les témoins.

4 Je vais vous en parler dans le détail mais, avant de le faire, je rappelle

5 que, de temps à autre, l'accusé a dit que, dans aucun système juridique ce

6 mode d'admission n'était pas connu. Je n'ai pas voulu intervenir plus tôt

7 pour ne pas vous faire perdre votre temps, mais il avait tort.

8 Ne prenons que le système anglais en guise d'exemple. Dans tous les procès

9 qui ne sont pas au pénal, par exemple, dans le droit commercial, vous avez

10 des plaideurs qui viennent aussi des quatre coins du monde.

11 L'interrogatoire principal, c'est quelque chose de révolu depuis des

12 années. Tous les moyens de preuve sont admis par la production de

13 déclarations écrites.

14 On pourrait faire valoir une pléthore d'arguments pour montrer que ce type

15 de procès est plus comme un procès civil, avec des dossiers considérables

16 présentés au Tribunal, que ce soient des petits tribunaux civils ou des

17 cadres plus importants.

18 L'accusé s'est donc trompé en disant que ceci n'a pas de précédent. C'est

19 une technique avérée et admise parce qu'elle permet de gagner du temps.

20 C'est vrai en Angleterre et c'est vrai dans le reste du monde. C'est

21 d'ailleurs ce que vous avez autorisé s'agissant de ces témoins relevant du

22 92bis. Le témoin dit que sa déclaration est exacte et puis on lui pose

23 quelques questions pour lui permettre de se sentir à l'aise; on revient

24 sur deux ou trois sujets essentiels et puis, on lui fait subir le contre-

25 interrogatoire.

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1 Nous avons donc le sentiment que, si nous n'avons pas le temps nécessaire

2 pour présenter tous les moyens de preuve que nous voudrions présenter, il

3 nous faut faire recours à d'autres techniques. Ce n'est pas quelque chose

4 que nous voulons faire nécessairement, mais dont nous pouvons quand même

5 nous accommoder.

6 Mais pour se livrer à ces exercices et pour bien utiliser le 92bis, qui a

7 ses propres dispositions -la Chambre s'en souviendra-, vous savez que le

8 92bis ne peut s'appliquer qu'eu égard à des moyens de preuves présentés

9 par un témoin qui va montrer autre chose que les actes ou le comportement

10 de l'accusé. Donc toute déclaration qui ne porte que sur ces questions-là

11 ne pourrait pas relever du 92bis, à nos yeux.

12 Mais il y a dans le 92bis un autre aspect intéressant -je pense que c'est

13 le E)- où il est dit que "la Chambre, après avoir entendu les parties,

14 décidera si elle veut admettre la déclaration en tout ou en partie, ou si

15 elle demande le contre-interrogatoire du témoin".

16 S'il y a ces témoins qui relèvent du 92bis, il y a d'autres difficultés

17 qui surgissent si l'on a recours à cette technique, s'il y a des

18 déclarations qui portent en partie sur le comportement de l'accusé et en

19 partie sur d'autres questions de contexte, il devrait être possible de

20 découper cette déclaration préalable, non pas physiquement, mais de dire:

21 voilà des paragraphes 1 à 10; ils sont admis en vertu du 92bis avec le

22 droit de l'accusé de procéder au contre-interrogatoire, alors que de 11 à

23 20, là, nous avons des paragraphes qui portent sur les actes et le

24 comportement de l'accusé, ce qui veut dire que là, il nous faut avoir un

25 interrogatoire principal comme d'habitude, dans les formes habituelles.

Page 3573

1 Si l'on se penche sur les dispositions du 92bis, et que ceci pourrait être

2 invoqué en partie pour tous les témoins, nous pourrions faire d'énormes

3 économies de temps. Il ne sera pas possible bien entendu de faire du

4 92bis, pour ainsi dire, avec tous les témoins qui se trouvent dans le

5 monde entier, mais vous savez que, quand les témoins viennent, ils

6 examinent leur déclaration -d'ailleurs communiquée aux amis de la Chambre

7 et à l'accusé-, s'ils reconnaissent que c'est bien leur déclaration; à ce

8 moment-là, on peut faire la procédure dont se chargera le Greffe pour

9 accorder toute la validité nécessaire à une telle déclaration.

10 Si le témoin souhaite ajouter quelque chose, modifier tel ou tel élément,

11 on peut recueillir une deuxième déclaration qui, celle-là, passera par la

12 procédure du 92bis. Si c'est le cas, il y aura en puissance des

13 difficultés qui vont se poser. Il suffit pour s'en convaincre de voir le

14 92bis-E). Cela veut dire qu'il faut qu'il y ait un préavis de 90 jours

15 donnés aux parties et 14 jours pour dépôt d'objections éventuelles.

16 La Chambre pourra toujours statuer. Si une déclaration a été communiquée à

17 l'avance à l'accusé, comme cela a été le cas, il n'en subira aucun

18 préjudice, surtout si la Chambre décide d'admettre tout ou partie de la

19 déclaration, sous réserve de contre-interrogatoire.

20 Nous allons peut-être nous trouver dans une situation -à moins qu'il n'y

21 ait une objection générale de la Chambre pour dire que ce n'est pas une

22 bonne technique-, nous allons peut-être être dans une situation où l'on

23 dit comme prévu: le témoin X est disponible aujourd'hui ou demain. Ces

24 déclarations ont été mises à l'épreuve en vertu du 92bis; à la lumière de

25 cet Article, nous allons demander le versement de sa déclaration comme

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1 étant sa déposition sous réserve de contre-interrogatoire décidé par la

2 Chambre. Ou, à défaut, si la Chambre estime que tel ou tel paragraphe ne

3 répond pas aux conditions posées par le 92bis, nous allons dire que la

4 Chambre aura la totalité de la déclaration, il n'y aurait pas de problème.

5 Nous allons demander que soit exclu le paragraphe portant sur les actes et

6 le comportement de l'accusé".

7 Nous avons essayé d'anticiper tous les problèmes qui risquent de se poser,

8 nous voulions en avertir la Chambre.

9 Il y a aussi la langue utilisée pour la déclaration puisque nous avons des

10 problèmes de langue. Ce qui se passe pour le moment, c'est que le témoin

11 arrive, les déclarations qui ont déjà été communiquées en anglais et en

12 BCS à l'accusé sont révisées. On prépare un résumé qui est, lui aussi,

13 communiqué, mais qui n'est communiqué qu'en anglais parce qu'il n'est pas

14 possible de le faire en BCS vu le temps dont on dispose. Et puis, c'est

15 une disposition tout à fait facultative qui ne correspond pas à nos

16 obligations expresses.

17 La Chambre avait déjà été saisie de cette question. Elle sait que l'accusé

18 parle très bien anglais et, vu les conditions qui prévalent, nous

19 demandons à la Chambre d'être convaincue qu'il n'y a pas de préjudice subi

20 par l'accusé si nous présentons des déclarations en vertu du 92bis de

21 cette façon.

22 Vous avez vu comment cela marche en pratique. Nous avons le sentiment que

23 c'est une technique qui nous permettra de faire d'autres économies de

24 temps, qui est conforme à la pratique moderne et qui permet aussi à

25 l'accusé de contre-interroger le témoin; ce qui compte pour lui. Même si

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1 l'accusation va perdre, par le recours à cette technique, quelque chose

2 qui est tout à fait précieux, à savoir la possibilité de présenter ses

3 arguments en audience publique.

4 Si nous gardons tout ceci à l'esprit et si nous vous avertissons oralement

5 de nos intentions, à savoir que nous allons essayer d'utiliser le 92bis

6 pour tous les témoins à venir, je reprendrai le détail de cet examen,

7 témoin par témoin, au fur et à mesure que nous serons en mesure de vous

8 donner des listes de témoins révisées, mises à jour, mais j'espère que ce

9 que je viens de dire sera utile.

10 (Les Juges se concertent sur le siège.)

11 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, ce que vous nous proposez est

12 assez intéressant. Cependant, j'ai l'impression qu'il y a un tri de base,

13 un tri élémentaire qui doit être réalisé par l'accusation à cet égard,

14 plutôt que de nous donner tous les témoins possibles. L'accusation devrait

15 elle-même faire un tri. Il n'est pas utile de fourrer tous les témoins

16 dans les conditions du 92bis, si ces conditions ne sont pas réunies, parce

17 que la déposition prévue, l'audition du témoin devrait reposer sur

18 d'autres choses que les actes ou le comportement de l'accusé. Ces

19 dispositions du 92bis nous donnent également quelques indices qui doivent

20 prévaloir en question d'admissibilité.

21 Si vous avez un témoin dont la déposition ne répond pas à ces exigences,

22 pourquoi l'appeler à la barre ou demander l'admission de son audition? Je

23 pense que l'accusation a l'obligation de faire ce premier tri.

24 En effet, ce que vous proposez, c'est un exercice tout à fait indifférent,

25 où à faire intervenir ou faire tomber sous le coup du 92bis tous les

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1 témoins possibles. Je pense qu'il faut faire preuve de davantage de

2 sélectivité.

3 M. Nice (interprétation): Je ne vous demandais pas une décision

4 aujourd'hui. Je voulais vous indiquer ce que j'avais à l'esprit; c'est ce

5 que je fais toujours: de cette façon, vous avez l'occasion de réfléchir à

6 ce que je vous propose. Il se peut qu'il y ait des témoins qui ne se

7 prêtent pas du tout au 92bis parce qu'ils vont tous déposer sur les actes

8 de l'accusé.

9 Vous parlez de tri. Nous le faisons et nous sommes tout à fait conscients

10 de ce que ceci va grever encore davantage le travail de chacun. Si c'est

11 inutile, nous n'allons pas faire ce travail supplémentaire. On pourra

12 revoir ce qu'il en est pour chaque témoin, mais c'était un plan général

13 que je vous soumettais ici. Je voulais simplement vous avertir, pour ainsi

14 dire, qu'un témoin peut devenir un témoin du 92bis et puis nous referons

15 le point bien sûr en temps opportun.

16 Ceci s'appliquera pour les témoins du Kosovo, mais aussi, en temps utile,

17 pour les autres volets du procès. Nous ne savons pas quel sera l'emploi du

18 temps pour ces volets, si l'on aura la même pression, par exemple pour la

19 Croatie, ou si ce sera possible -comme ce serait d'ailleurs souhaitable

20 pour tous les cas- d'avoir quelques témoins qui viennent déposer pour

21 avoir un interrogatoire principal complet.

22 Mais tant que nous avons des emplois du temps qui nous sont imposés, il

23 faut envisager toutes les possibilités, voir toutes les dispositions

24 prévues par le Règlement. C'est la raison pour laquelle nous allons peut-

25 être envisager l'application de cet Article du Règlement pour tous les

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1 témoins. Je vais être tout à fait clair quant à nos projets, nos plans et

2 sous quelle façon ils vont prendre forme.

3 Permettez-moi, dans ce cadre, de revenir à une question qui nous

4 permettrait peut-être de gagner du temps en puissance, même si la question

5 n'est pas tout à fait réglée. Nous avons le contre-interrogatoire par les

6 amis, je pense que cette question est pour le moment un peu en suspens

7 parce qu'il faut que nous entendions et que nous recevions une requête

8 écrite.

9 Les classeurs, en ce qui concerne les différents lieux -nous ne l'avons

10 pas dit explicitement la semaine dernière-, mais à cet égard, il se peut

11 que la Chambre n'ait pas envie d'utiliser ces classeurs en guise

12 d'instrument permettant de pousser l'accusé à nous dire ce qui est admis

13 ou pas.

14 M. le Président (interprétation): C'est exact.

15 M. Nice (interprétation): Et, dans la même veine, il se peut que la

16 Chambre ne veuille pas se servir de ces classeurs pour identifier des

17 bases communes, même si ceci pourrait être utile.

18 Si c'est bien le cas, la valeur qui restera à accorder à ces classeurs ne

19 sera que limitée et cela ne représenterait que des éléments qui ne sont

20 pas nécessaires. Nous ne voulons pas forcer la Chambre à examiner des

21 documents qui ne sont pas vraiment nécessaires.

22 Nous avons ici bien sûr cet exercice que nous avons fait en ce qui

23 concerne les classeurs; nous ne pouvons pas vous demander si vous voulez

24 les accepter, mais nous aimerions savoir si la Chambre estime que ceci va

25 vous donner des dividendes en matière d'efficacité. Si ce n'est pas le

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1 cas, nous allons nous contenter de présenter les moyens de preuve

2 conformément aux décisions qui disent, explicitement ou pas, ce qu'il en

3 est des classeurs.

4 M. le Président (interprétation): C'est peut-être une façon utile de

5 rassembler des moyens de preuve pour tel ou tel village, plutôt que

6 d'avoir une série de témoins qui viennent parler d'un même village.

7 M. Nice (interprétation): Eh bien, nous allons poursuivre sur notre voie

8 en élaguant bien sûr là où c'est nécessaire.

9 Il y a encore une autre question en suspens, qui n'a pas fait l'objet

10 d'une décision officielle: c'est la question des témoins de synthèse. Nous

11 savons que, pour ce qui était des classeurs concernés, ces témoins de

12 synthèse avaient été exclus puisque votre décision portait surtout sur les

13 classeurs, mais nous ne savons pas ce que vous avez décidé à propos des

14 témoins de synthèse.

15 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous avons encore

16 fait droit à une requête s'agissant de ces témoins, mais vous avez peut-

17 être envie de prendre une autre démarche?

18 M. Nice (interprétation): Oui, je ne demande pas de décision aujourd'hui,

19 je prépare le terrain aujourd'hui.

20 Nous avons le sentiment qu'il n'y a pas de jurisprudence en appel en ce

21 qui concerne ces témoins de synthèse. Je vous ai parlé de différentes

22 pratiques qui s'étaient effectuées au niveau des Chambres de première

23 instance.

24 S'il n'y a pas de décision favorable à l'idée, il y aura peut-être des

25 décisions ou une jurisprudence d'appel qui pourrait nous guider. Le plus

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1 regrettable, ce serait de se trouver en appel où l'on dit qu'il n'y avait

2 pas suffisamment de moyens de preuve, mais où la Chambre d'appel par

3 exemple dit qu'il y avait peut-être un autre moyen pour faire verser ces

4 documents au dossier.

5 Voilà ce que je vous propose pour la semaine prochaine sans doute. Je vais

6 demander à pouvoir poser des questions à un témoin; ce sera un témoin de

7 synthèse, M. Racak. Nous avons l'intention de communiquer cette

8 déclaration préalable. Le général Drewienkiewicz avait déjà utilisé une

9 carte que nous allons soumettre une fois de plus, mais, dans sa

10 déclaration, il y a une synthèse de ce que d'autres témoins lui ont dit.

11 Et puis, nous allons vous demander de trancher s'agissant de ce témoin.

12 Si la décision nous est favorable, nous allons prendre pour pratique

13 l'utilisation de certains de ces témoins. Si votre décision ne nous est

14 pas favorable, nous demanderons à la Chambre de certifier que c'est un

15 sujet qui peut faire l'objet d'appel et nous reviendrons peut-être en

16 arrière sur nos propres positions. En tout cas, nous déterminerons, à ce

17 moment-là, quelle sera notre position par rapport à ces témoins, qui

18 s'applique à cette partie du procès mais également aux autres.

19 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avec tous ces éléments et

20 toutes ces propositions à l'esprit, nous en arriverons à la date limite

21 fixée pour le segment Kosovo du procès, date à laquelle nous espérons que

22 nous aurons soumis les meilleurs éléments de preuve possible.

23 Bien sûr, nous présenterons des preuves relatives aux scènes du crime,

24 nous essaierons d'utiliser des témoins 92bis pour ces sites d'exécution.

25 Mais un moment arrivera en tout cas où chacun pourra se rendre compte de

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1 ce que le Procureur a pu présenter. Nous aurons ces documents dont j'ai

2 proposé qu'ils soient utilisés dès le début du procès, c'est-à-dire des

3 documents sur lesquels seront présentés les points de l'Acte d'accusation,

4 qui ont été couverts par des éléments de preuve. La Chambre se souviendra

5 qu'il a d'abord été proposé de ne pas les établir et, ensuite, le

6 Président a estimé que ces documents pouvaient être très utiles. Donc à un

7 certain moment, par rapport à l'Acte d'accusation, il sera possible de

8 voir où des preuves manquent et il y aura des éléments de preuve

9 résiduels, si je peux les appeler ainsi, des éléments de preuve que nous

10 n'aurons pas pu, pour une raison ou pour une autre, verser au dossier.

11 A ce moment-là, il est fort probable que nous demanderons une extension du

12 calendrier de façon à pouvoir entendre tous les témoins que nous

13 continuerons à considérer comme importants par rapport au procès.

14 Cette position, nous l'avons définie en faisant tout ce qui est en notre

15 pouvoir pour entendre le maximum de témoins, pour déterminer quels sont

16 les documents qui sont les plus prioritaires pour la Chambre. Nous

17 établirons donc un ordre de passage des témoins par rapport à la priorité

18 que nous pensons que les Juges accordent à ces éléments de preuves. Mais

19 il est possible que nous ayons encore une extension, un temps

20 supplémentaire à demander, après avoir fait tout notre possible pour

21 entendre tous nos témoins dans les délais. Mais il est fort possible aussi

22 que nous n'ayons pas à demander un temps supplémentaire.

23 En tout cas, ce que je voulais ce matin, c'est vous dire de la façon la

24 plus claire qui soit, la plus transparente qui soit, quelles sont nos

25 propositions; et ensuite pour le segment Croatie et le segment Bosnie du

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1 procès, la procédure pourra être appliquée de la même façon.

2 Je n'ai aucune hésitation quant au fait qu'il faut parler d'abord des

3 éléments fondamentaux des crimes, parce que si l'on agissait en sens

4 inverse, si l'on parlait de ces éléments de base du crime, de "crime

5 base", à la fin du segment concerné du procès, cela créerait des

6 difficultés qu'il n'y aurait plus assez de temps pour régler.

7 Donc pour le segment Croatie et le segment Bosnie, nous agirons sans doute

8 différemment, c'est-à-dire que nous entendrons les autres témoins d'abord

9 et ensuite les témoins relatifs au crime, et lorsque nous arriverons à la

10 fin du temps qui nous aura été imparti, nous pourrons déterminer quels

11 sont les éléments de preuves que nous n'avons pas encore réussi à

12 soumettre à la Chambre. Sur cette base, nous déciderons si oui ou non nous

13 demanderons un temps supplémentaire

14 Pour la Bosnie, comme chacun le sait ici, un certain nombre de processus

15 ont déjà été mis en place qui ont pour but de réduire la durée qui sera

16 demandée par le Procureur pour l'examen des différentes municipalités,

17 tout en sachant que les allégations relatives à ces municipalités doivent

18 être prouvées complètement. En tout cas, des procédures permettant de

19 gagner du temps ont déjà été mises en place pour l'ensemble du procès; et

20 il est possible également que l'inclusion de Témoin 92bis dans les autres

21 segments du procès puisse permettre de gagner du temps également.

22 Voilà donc notre façon de procéder. Cette semaine, nous entendrons des

23 Témoins 92bis. Il est possible que cela continue la semaine prochaine.

24 Nous ne savons pas encore combien de témoins pourront venir la semaine

25 prochaine, mais en tout cas nous organisons notre calendrier sur ces

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1 bases.

2 M. le Président (interprétation): Deux points au sujet du calendrier.

3 Pour l'instant, nous en sommes au Témoin 92bis; et si vous voulez un temps

4 supplémentaire, il faudra que vous présentiez une requête à cette fin. Il

5 est fort possible que plus tôt vous le ferez, mieux ce sera, de façon à ce

6 que chacun soit informé à temps.

7 Deuxième point: je pense au calendrier de cet été. Vous avez dit que vous

8 appelleriez à la barre des témoins permettant de faire la jonction, la

9 liaison entre un segment du procès et le suivant, et que vous les

10 entendrez en juillet, date à laquelle nous espérons en avoir terminé avec

11 le Kosovo.

12 Nous pensons que l'accusé devrait avoir au moins deux semaines en dehors

13 des vacances judiciaires pour préparer les segments suivants du procès.

14 Donc, nous pensions suspendre nos débats aux alentours du 19 juillet pour

15 laisser à l'accusé deux semaines supplémentaires avant le début des

16 vacances judiciaires.

17 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, c'est très utile

18 d'entendre ce que vous venez de dire. Selon nos calculs, l'accusé aura

19 bien sûr besoin de temps, mais le 19 juillet il nous restera encore très

20 certainement un certain nombre de témoins à entendre, dans un cadre ou un

21 autre. Il est possible qu'il s'agisse de témoins qui serviront de lien

22 entre les accusations portées dans un segment du procès et les accusations

23 portées dans le segment suivant.

24 Nous devrons sans doute élaguer dans notre masse de témoins pour tenir

25 compte de ce qui vient d'être dit et peut-être présenter des requêtes, pas

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1 seulement pour ces témoins-là mais pour les autres témoins qui resteront à

2 entendre.

3 La Chambre se rappellera peut-être, parce que je l'ai déjà dit, qu'au

4 départ nous pensions que le segment Kosovo durerait beaucoup plus

5 longtemps que cela n'est prévu actuellement. C'est-à-dire beaucoup plus

6 longtemps que de février à juillet. Même sans compter les contre-

7 interrogatoires. Et vous remarquez que les contre-interrogatoires sont

8 très longs; je ne veux pas polémiquer mais la Chambre ne peut pas perdre

9 de vue que le travail se fait d'une façon assez particulière, l'accusé

10 parlant 50% du temps pendant les contre-interrogatoires et nous ne

11 disposant que de 45% du temps. Donc cela change les statistiques pour les

12 témoins 92bis.

13 M. le Président (interprétation): Un autre point que je voulais soulever

14 porte sur le rapport de l'OSCE dont nous avons déjà parlé. Je pense qu'il

15 serait utile d'en disposer. Est-ce que vous en avez des exemplaires?

16 M. Nice (interprétation): Il en a été question à la plupart des audiences,

17 mais pas ce matin, donc à la pause nous en aurons des exemplaires. Je

18 propose de citer à la barre les témoins qui produiront ce rapport et qui

19 parleront de la méthode utilisée pour l'établir. Ce témoin est déjà prêt

20 et peut entrer dans le prétoire dès qu'on l'appellera pour expliquer la

21 méthode utilisée. Et les rapports seront disponibles après la pause.

22 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous disposerons donc de ce

23 rapport dès qu'il sera prêt et nous entendrons le témoin en temps utile.

24 Monsieur Milosevic, vous comprenez n'est-ce pas, que nous ne sommes pas en

25 train de rendre une décision? Aucune décision n'est en train de se rendre

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1 sur l'avenir du procès ou les éléments de preuves, ou quoi que ce soit de

2 ce genre. Nous avons simplement entendu le Procureur nous détailler ses

3 vues quant aux projets qui sont les siens, et nous examinerons tout cela

4 en temps utile avant de rendre une décision qui n'est pas rendue

5 aujourd'hui.

6 M. Milosevic (interprétation): Je comprends que vous n'avez pas rendu de

7 décision mais je suppose que, pour vous aider à rendre cette décision, il

8 ne serait pas superflu que je dise quelques mots au sujet de ce que vient

9 de dire M. Nice.

10 D'abord, la première question relative aux déclarations préalables des

11 témoins. Il a lui-même expliqué que les déclarations préalables sont

12 utilisées dans des procès qui ne sont pas des procès au pénal. Je suis

13 très heureux de l'entendre dire cela car, à mon avis, ce procès auquel

14 nous participons n'est pas un procès au pénal, c'est un procès politique.

15 Ce n'est même pas d'ailleurs une procédure judiciaire de quelque point de

16 vue que l'on se place, du point de vue du droit et de la justice en

17 particulier.

18 Mais puisque vous traitez cette procédure comme un procès au pénal, alors

19 je suppose qu'il est tout à fait inacceptable d'introduire une pratique

20 dans un tel procès qui, ailleurs, est tout à fait inacceptable.

21 D'ailleurs, comme vous l'avez dit à plusieurs reprises, je ne suis pas un

22 expert dans ce genre de questions mais, pendant une pause, j'ai posé des

23 questions à Me Kay, qui est un avocat très connu du Royaume-Uni, et je lui

24 ai demandé si une telle pratique était appliquée dans les procédures en

25 Grande-Bretagne et il m'a répondu de la façon la plus claire: non. Je

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1 suppose que la partie adverse est au courant de cela.

2 Donc imposer une idée selon laquelle de tels documents...

3 M. le Président (interprétation): Je pense qu'il doit y avoir un

4 malentendu, Monsieur Milosevic, car, en droit britannique, les

5 déclarations écrites des témoins peuvent être admissibles dans certains

6 cas et cela est le cas également dans un grand nombre d'autres systèmes

7 judiciaires: les déclarations écrites de témoins sont recevables.

8 Mais la question qui se pose ici -et il va falloir que vous y

9 réfléchissiez par rapport aux témoins que vous voudrez citer à la barre

10 également-, la question qui se pose, c'est: oui ou non, faut-il autoriser

11 un contre-interrogatoire par rapport à ces déclarations écrites?

12 C'est à cette question qu'il faut que nous répondions, car, si les

13 questions évoquées dans le texte ne posent pas problème, ne sont pas

14 contestées, il n'y a aucune raison de procéder à un contre-interrogatoire.

15 M. Milosevic (interprétation): Tout est contestable dans ce que dit le

16 Procureur: le fait, par exemple, de passer de témoins réguliers à ce genre

17 de témoignages constitue ce que j'appellerais une espèce de recette de la

18 part de M. Nice et de ceux qui travaillent avec lui pour masquer les

19 faiblesses qui sont apparues dans les témoignages d'un grand nombre de

20 témoins. Ils seront tenus par ce qu'ils ont mis sur le papier, noir sur

21 blanc, qu'ils ne pourront pas réfuter et c'est une façon administrative

22 -et par le papier- de faire verser au dossier certains éléments que le

23 Procureur souhaite voir verser au dossier.

24 Je vous rappellerai qu'il a parlé, il y a quelques instants, du plus grand

25 mensonge qui soit, de la plus grande tromperie qui soit, Racak, en

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1 annonçant qu'il allait en apporter la preuve sur la base de certains avis

2 d'experts et de certains témoins cumulatifs, c'est-à-dire des gens qui ne

3 savent rien, mais qui ont recueilli des éléments, qui se fondent sur le

4 travail des fonctionnaires qui travaillent pour le Bureau du Procureur.

5 M. le Président (interprétation): Je vais vous interrompre parce que le

6 Procureur a simplement dit qu'il allait soumettre une requête. Nous

7 n'avons pas encore examiné cette requête et nous n'avons pas rendu de

8 décision à ce sujet.

9 Je pense donc que c'est un point qu'il est assez inutile de discuter

10 maintenant, et auquel il est inutile de consacrer du temps maintenant.

11 Nous en rediscuterons lorsque nous aurons connaissance de la teneur de la

12 requête et que nous rendrons une décision.

13 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dans ces conditions, je ne

14 parlerai encore que d'un point tout à fait concret.

15 En effet, j'ai entendu dire ici que j'allais recevoir toutes les

16 informations relatives aux témoins en langue anglaise et ça, je le refuse.

17 Si c'est de cette façon qu'on rend possible un travail normal pour mes

18 associés, si c'est cela que l'on considère comme une bonne manière de

19 m'informer, eh bien, moi, je considère que c'est une façon tout à fait

20 inacceptable d'agir. Le Tribunal est tenu de me livrer ces documents dans

21 ma langue et je n'accepterai donc pas qu'ils me soient livrés uniquement

22 en anglais. C'est pour faire preuve de bonne volonté que j'ai lu les

23 documents que j'ai reçus jusqu'à présent en anglais, parce que ce n'est

24 pas non plus dans mon intérêt que ce procès dure trop longtemps, mais ceux

25 qui ont des devoirs doivent les respecter. Ils doivent me remettre ces

Page 3587

1 documents en langue serbe.

2 M. le Président (interprétation): Nous devrons rendre une décision sur ce

3 point après avoir examiné tous les éléments nécessaires.

4 Notre horaire d'aujourd'hui est un horaire normal de 9 heures du matin à

5 13 heures 45. Maître Wladimiroff, puisque nous en avons terminé avec les

6 points de procédure, j'aimerais savoir si les amici curiae ont quelque

7 chose à ajouter?

8 M. Wladimiroff (interprétation): Non, pas pour le moment, Monsieur le

9 Président, mais nous prendrons la parole lorsque nous serons confrontés à

10 une solution concrète.

11 M. le Président (interprétation): Peut-on faire entrer le témoin?

12 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)

13 (Le témoin, M. Ali Hoti, est introduit dans le prétoire.)

14 M. le Président (interprétation): Que le Témoin prononce la déclaration

15 solennelle.

16 M. Hoti (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 M. le Président (interprétation): Excusez-nous de vous avoir fait

19 attendre, mais nous avions des points de procédure à discuter. Je vous

20 demanderai maintenant de bien vouloir vous asseoir.

21 (Le témoin s'assoit.)

22 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ali Hoti, par Mme Romano.)

23 Mme Romano (interprétation): Monsieur Hoti, vous avez été interrogé les 18

24 et 19 mai 1999 par un représentant du Bureau du Procureur, n'est-ce pas?

25 Avez-vous un problème d'écouteur?

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1 M. Hoti (interprétation): Oui, j'ai quelques problèmes. Je n'entends pas,

2 je ne comprends pas ce que j'entends dans mes écouteurs.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous nous entendez

4 maintenant?

5 M. Hoti (interprétation): Oui, c'est mieux.

6 M. le Président (interprétation): Peut-on entendre le nom complet du

7 Témoin?

8 Mme Romano(interprétation): Ali Hoti.

9 M. Hoti (interprétation): Je n'entends toujours pas bien. Ça va mieux.

10 Mme Romano(interprétation): Monsieur Hoti, pour le compte rendu

11 d'audience, je vous demande si vos nom et prénom sont bien Hoti Ali?

12 M. Hoti (interprétation): Je m'appelle Ali Hoti.

13 Question: Vous avez été interrogé le 18 et 19 mai 1999 par des membres du

14 Bureau du Procureur, est-ce exact?

15 Réponse: Oui, c'est exact.

16 Question: A ce moment-là, vous avez fait une déclaration?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Le 30 février 2002, vous avez participé à une réunion à laquelle

19 participait un responsable du Tribunal et on vous a remis ce jour-là un

20 exemplaire de votre déclaration en albanais, que vous avez pu lire. Après

21 quoi, vous avez confirmé que la teneur de ce document correspondait à ce

22 que vous aviez dit, en tout cas, d'après ce que vous aviez en mémoire,

23 n'est-ce pas?

24 Réponse: Oui, c'est exact.

25 Mme Romano (interprétation): J'aimerais officiellement demander le

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1 versement de cette déclaration au dossier.

2 M. le Président (interprétation): Oui, on va lui affecter une cote.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction 105.

5 Mme Romano (interprétation): Monsieur Hoti, où êtes-vous né?

6 M. Hoti (interprétation): Je suis né à Krusha e Madhe, le 6 avril 1961.

7 Question: Etes-vous marié?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Avez-vous une famille, des enfants?

10 Réponse: J'ai quatre enfants.

11 Question: Quelle est votre profession?

12 Réponse: Je suis médecin.

13 Question: Avez-vous passé toute votre vie à Krusha e Madhe?

14 Réponse: Oui. J'y ai vécu toute ma vie.

15 Mme Romano (interprétation): Merci, Monsieur Hoti.

16 Je vais à présent décrire en quelques mots le contenu du témoignage du

17 Témoin. Le Témoin décrira brièvement les événements qui se sont déroulés à

18 Krusha e Madhe où il habitait. Il a vu les troupes serbes encercler le

19 village, il a vu des chars, des blindés transports de troupes, des Praga

20 qui s'approchaient du village. Il a vu des obus tirés, des policiers, des

21 paramilitaires qui ont pillé les maisons. Sa propre maison ainsi que

22 d'autres dans le village ont été incendiées et détruites.

23 Le Témoin dira que sa famille a commencé à quitter le village ce jour-là

24 pour se diriger vers les collines à l'est du village, dans la direction de

25 Nagafc, un autre village qui n'était pas très loin.

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1 Après son départ, le reste de la population est parti également et

2 certains sont allés dans d'autres directions. Lorsque le Témoin est arrivé

3 dans une vallée, il a vu 20.000 personnes qui étaient toutes réfugiées

4 provenant des villages voisins.

5 Le Témoin décrira qu'il a reçu l'ordre de policiers et de soldats serbes

6 de retourner dans le village de Nagafc où on a réparti toutes ces

7 personnes dans des maisons et où elles sont restées plusieurs jours.

8 Pendant le séjour à Nagafc, le 28 mars, le Témoin et sa famille ont subi

9 des requêtes, des demandes. On leur a demandé à la pointe du fusil, tenu

10 par des policiers et des officiers serbes, de remettre tout l'argent

11 qu'ils avaient sur eux.

12 Il décrira également certains incidents qui se sont déroulés à Nagafc,

13 l'un d'entre eux ayant concerné Mehmet Krasniqi auquel on a mis le feu en

14 même temps que 109 autres hommes; mais ce sont des policiers et des

15 paramilitaires serbes qui ont fait cela.

16 Le 1er avril 1999, le Témoin dit que Nagafc a été bombardée par des

17 avions; il croit que ce sont des avions serbes. Le Témoin a vu de nombreux

18 cadavres en différents lieux dans le village.

19 Et, le 2 avril 1999, il a rejoint un grand convoi d'Albanais du Kosovo qui

20 se dirigeait vers l'Albanie. Il parlera des humiliations subies par ces

21 personnes de la part des soldats serbes. Et à la frontière albanaise, les

22 policiers serbes ont confisqué tous les documents d'identité à ces

23 personnes. En confisquant ces documents, le Témoin les a entendus dire aux

24 Albanais du Kosovo: "Allez en Albanie, c'est là qu'est l'endroit où vous

25 devez vivre. Vous n'êtes pas citoyens de la Yougoslavie, vous ne l'êtes

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1 plus, vous n'avez plus besoin de revenir".

2 M. le Président (interprétation): Mais rappelez-nous quelle est la

3 municipalité en question, Monsieur Hoti. Dans quelle municipalité résidez-

4 vous?

5 M. Hoti (interprétation): Dans la municipalité de Rahovec, d'Orahovac.

6 M. le Président (interprétation): Merci.

7 Mme Romano (interprétation): Je n'ai pas d'autre question.

8 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

9 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ali Hoti, par l'accusé M.

10 Milosevic.)

11 M. Milosevic (interprétation): Votre village se trouve bien à côté du

12 village de Celina, n'est-ce pas?

13 M. Hoti (interprétation): Je n'ai pas compris la question. Maintenant, ça

14 va. Oui, en effet.

15 Question: Et Mala Krusa, Pirana, Medveca, Samodreza, Studencane, Zociste

16 sont tous des villages situés dans la même zone?

17 Réponse: Zociste et les autres se trouvent à une distance tout à fait

18 différente. Mais pour Pirana et Krusa, je suis d'accord.

19 Question: Etes-vous au courant du fait que, dans tous les villages dont je

20 viens de citer les noms, il y avait une présence importante de l'UCK et

21 que les tensions étaient importantes: il y a eu de nombreux enlèvements,

22 de nombreux meurtres et d'autres crimes, tels que passages à tabac de

23 personnes dans tous ces villages de la part de l'UCK. Etes-vous au courant

24 de cela?

25 Réponse: Oui, je sais qu'il y avait une certaine présence de l'UCK, mais

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1 pas dans le village où nous habitions parce que la population était

2 importante, composée des habitants du village et de réfugiés et l'UCK

3 restait dans ses propres bases. Il n'y avait aucune action militaire de

4 l'UCK dans notre village, contrairement à ce que vous dites.

5 Question: Il y a quelques instants, vous avez répondu à une question du

6 Juge May en disant que vous habitiez dans la municipalité d'Orahovac?

7 Réponse: Oui, c'est vrai.

8 Question: Vous êtes médecin, vous aviez votre centre médical à Velika

9 Krusa; il est logique que vous ayez été informé de ce qui se passait dans

10 les autres villages de votre municipalité. Orahovac est une petite

11 municipalité, n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui, je vais répondre à cette question: j'étais médecin

13 effectivement, mais je n'ai jamais pu pratiquer à grande échelle étant

14 donné que vous ne m'en avez jamais donné l'autorisation. Je n'ai jamais

15 travaillé dans un centre médical de l'Etat. J'avais mon propre cabinet où

16 j'aidais les villageois au mieux de mes capacités sans avoir

17 l'autorisation officielle des organes gouvernementaux, de votre

18 Gouvernement pour le faire. Ma liberté de circulation était également

19 limitée.

20 Question: Très bien. D'après ce que vous dites, vous aviez votre propre

21 cabinet et vous soigniez les gens de la région, c'est-à-dire d'une zone

22 assez étendue dans la municipalité où vous résidiez, c'est-à-dire la

23 municipalité d'Orahovac? Partant de là, pouvons-nous considérer que vous

24 étiez au courant de ce qui se passait dans la région où vous habitiez et

25 vous travailliez, dans la région où vous soigniez les gens?

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1 Réponse: Je répéterai ce que j'ai déjà dit. J'ai soigné les gens de Krusha

2 e Madhe, Celinë et d'un autre village mais pas plus loin que cela parce

3 que les autres allaient ailleurs dans la municipalité d'Orahovac. Il y

4 avait d'autres médecins en dehors de moi.

5 Question: Où avez-vous terminé vos études de médecine?

6 Réponse: A Pristina.

7 Question: Quand avez-vous terminé vos études de médecine?

8 Réponse: J'ai obtenu mon diplôme en 1994 après la fermeture de

9 l'université de Pristina.

10 Question: Je ne comprends pas très bien votre réponse. Vous dites que vous

11 avez obtenu votre diplôme en 1994 de la faculté de médecine de Pristina?

12 C'est bien cela, c'est ce que vous avez dit?

13 Réponse: Oui, mais je peux apporter un complément de réponse: le

14 Gouvernement serbe a fermé l'université et la faculté de médecine en 1992.

15 Il me restait une dernière année à faire, donc j'ai suivi les cours de

16 notre université que nous avons ouverte sans votre autorisation, et j'ai

17 obtenu le diplôme, mon diplôme de l'université du Kosovo dans ces

18 conditions.

19 Question: Mais où se trouvait cette université du Kosovo à Pristina?

20 Réponse: Je l'ai déjà dit mais je vais le répéter: c'était à Pristina.

21 Question: Savez-vous que pendant toute la période dont vous faites état,

22 la faculté de médecine de Pristina fonctionnait et que de nombreux

23 étudiants suivaient les cours de la faculté de médecine de Pristina? Etes-

24 vous au courant de cela?

25 Réponse: Je le sais très bien, mais je sais également que la faculté de

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1 médecine ne fonctionnait que pour les Serbes du Kosovo et pas pour les

2 Albanais.

3 Question: Mais à cette faculté de médecine de l'université de Pristina,

4 dont vous affirmez qu'elle ne fonctionnait que pour les étudiants Serbes,

5 il y avait aussi des Albanais?

6 Réponse: Non, après la fermeture de la faculté nous avons continué nos

7 études dans un lieu différent.

8 Question: Mais expliquez-moi, je vous prie: est-ce que la faculté a été

9 fermée ou est-ce que seulement des étudiants serbes y travaillaient?

10 Je ne comprends pas ce que vous êtes en train d'affirmer. Etes-vous en

11 train d'affirmer qu'à l'université de Pristina il n'existait plus

12 d'université de faculté de médecine? Ou est-ce que vous affirmez qu'il

13 existait une faculté de médecine mais que les Albanais n'y étudiaient pas?

14 Réponse: Je n'ai pas dit que la faculté de médecine n'existait pas. J'ai

15 dit que la faculté de Pristina n'existait que pour les étudiants serbes,

16 parce que les Albanais étaient expulsés par le personnel et donc nous

17 avons ouvert une autre faculté dans un endroit différent. Quant à la

18 faculté dont vous parlez, il n'y avait que des étudiants serbes qui en

19 suivaient les cours et pas d'Albanais.

20 Question: Dites-moi maintenant ce qui suit: est-ce qu'il était interdit

21 aux étudiants albanais de s'inscrire à cette faculté ou bien pour atténuer

22 un peu la portée de mes propos, je vous demande si les Albanais ne

23 pouvaient pas s'inscrire à cette faculté de médecine de l'université de

24 Pristina?

25 Réponse: A la faculté de médecine de Pristina, après la fermeture par

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1 votre Gouvernement, seuls les Albanais qui acceptaient d'étudier et de

2 parler serbe et pas albanais, seuls ces Albanais étaient autorisés à

3 étudier dans votre faculté.

4 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre maintenant, le

5 temps de la pause est arrivé.

6 Monsieur Hoti, je vous demanderai pendant la pause de veiller à ne parler

7 à personne du contenu de votre déposition et, en particulier, de ne pas en

8 parler avec les membres du Bureau du Procureur.

9 Monsieur Milosevic, nous avons vérifié auprès des responsables des

10 communications quelle était la nature du problème que vous avez avec le

11 téléphone. Apparemment, le problème vient de la liaison extérieure avec

12 Belgrade, ce qui bien sûr n'est pas du ressort du Tribunal. Donc le

13 quartier pénitentiaire est incapable de vous dire quand cette liaison re-

14 fonctionnera. Voilà ce que je voulais dire.

15 20 minutes de pause.

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures.)

17 M. le Président (interprétation): Nous venons de recevoir des exemplaires

18 du rapport de l'OSCE, c'est bien cela?

19 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président. Voici

20 les exemplaires que nous avons à notre disposition. Nous espérons que ce

21 rapport sera de quelque utilité à la Chambre.

22 M. le Président (interprétation): L'accusé aura reçu de son côté un

23 exemplaire de ce rapport? Si ce n'est pas encore le cas, il faut que cela

24 soit fait.

25 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, je crois que l'accusé

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1 dispose d'un exemplaire, mais je vais m'assurer immédiatement du fait

2 qu'il a bien reçu un exemplaire. Oui. L'accusé d'ailleurs, nous montre cet

3 exemplaire du doigt. Donc, la réception de ce rapport par l'accusé vient

4 d'être confirmée.

5 M. le Président (interprétation): Une cote va être attribuée.

6 M. Ryneveld (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation

7 n°106.

8 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

9 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

10 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

11 M. Milosevic (interprétation): (Hors micro.)

12 J'ai besoin d'un élément d'information. J'ai essayé de raccourcir le

13 contre-interrogatoire du témoin précédent afin de bénéficier de plus de

14 temps pour contre interroger ce témoin-ci. Tous les témoins ne sont pas de

15 même nature.

16 Est-ce que je peux partir de ce principe que je bénéficierai de plus de

17 temps avec ce témoin?

18 M. le Président (interprétation): Nous verrons de combien de temps vous

19 avez besoin. Nous nous prononcerons un peu plus tard.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

21 Deuxièmement: le téléphone ne fonctionne, même pas pour établir une

22 connexion avec La Haye. Je ne parle même pas de ma capacité à entrer en

23 contact avec l'ex-Yougoslavie. On me répond encore et toujours la même

24 chose. A savoir que la communication par téléphone n'est pas autorisée.

25 M. le Président (interprétation): Bien. Nous allons essayer de comprendre

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1 ce qui se passe.

2 M. Milosevic (interprétation): Très bien, poursuivons.

3 Nous en sommes arrivés à l'étude d'un certain nombre de faits. Vous dites

4 qu'il y avait eu une faculté de médecine à l'université de Pristina, et

5 -d'après ce que vous dites- outre les Serbes, d'autres étudiants sur place

6 étaient exclusivement des Albanais qui avaient accepté de poursuivre le

7 cursus en langue serbe. C'est bien exact?

8 M. Hoti (interprétation): Mais j'ai déjà expliqué tout cela auparavant.

9 M. Milosevic (interprétation): Les Albanais n'avaient donc à faire face à

10 aucune restriction, ils pouvaient étudier la médecine à l'université de

11 Pristina? C'est vrai ou pas?

12 M. le Président (interprétation): Le Témoin a précisé qu'il fallait qu'ils

13 acceptent de poursuivre le cursus en serbe. N'est-ce pas exact, Monsieur?

14 M. Hoti (interprétation): C'est parfaitement exact.

15 M. Milosevic (interprétation): Bien. C'est le cursus qui est enseigné sur

16 l'ensemble du territoire du pays. Savez-vous que les diplômes issus par

17 les facultés de médecine yougoslave sont des diplômes reconnus par nombre

18 d'autres pays, précisément du fait du cursus qui était enseigné, du

19 programme qui était enseigné?

20 Réponse: Je le sais. Ces diplômes étaient également reconnus lorsque

21 c'était des enseignants albanais qui exerçaient. Mais lorsque les

22 enseignants albanais ont été exclus de la faculté, on nous a refusé le

23 droit d'étudier en langue albanaise.

24 Question: Savez-vous qu'à la faculté de médecine de l'université de

25 Pristina, il y avait également des enseignants albanais?

Page 3598

1 Réponse: Il y a eu des cas exceptionnels. Certains enseignants ont pu

2 rester, mais ce n'était pas la majorité. Ceux qui sont restés sont ceux

3 qui ont accepté d'enseigner et d'établir des rapports en langue serbe, et

4 non en langue albanaise.

5 Question: Cela veut dire que les enseignants albanais n'ont pas été

6 expulsés de l'université?

7 Réponse: Mais j'ai déjà expliqué tout cela.

8 M. Milosevic (interprétation): Bien. Répondez à ma question, c'est une

9 question très directe: est-ce que des enseignants albanais ont été

10 expulsés de l'université, oui ou non?

11 M. Hoti (interprétation): La grande majorité des maîtres de conférences

12 ont été expulsés de l'université, à l'exception d'un ou deux qui ont

13 accepté de se soumettre aux conditions que j'ai évoquées, il y a quelques

14 instants.

15 M. le Président (interprétation): Nous venons de passer un quart d'heure

16 sur ce même sujet, Monsieur Milosevic. Je ne pense pas que cela constitue

17 un des points cruciaux de sa déposition. Ce qui nous intéresse

18 particulièrement, c'est ce qui s'est produit dans son village. Essayons de

19 passer à un autre sujet.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je vais en venir tout d'abord à

21 un sujet bien précis mais j'estime toutefois que tout cela était important

22 au vu de ce qu'a dit le Témoin d'emblée. Si ce qu'il a dit était vrai,

23 cela aurait signifié que les droits de l'homme des Albanais étaient foulés

24 au pied. Or, vous voyez bien que ce n'était pas le cas. Ils pouvaient

25 suivre un enseignement, ils pouvaient enseigner…

Page 3599

1 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu tout cela, nous avons

2 entendu le Témoin. Nul besoin de revenir là-dessus.

3 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration préalable, vous avez

4 parlé d'un garçon sur lequel on a tiré. Vous n'étiez pas présent

5 lorsqu'ils ont tiré sur ce garçon, n'est-ce pas?

6 M. Hoti (interprétation): Lorsqu'il a été touché, je me trouvais à

7 l'intérieur de ma maison, mais il a été amené dans ma cour. Moi, je me

8 trouvais dans la maison et j'ai pu sortir de chez moi pour lui administrer

9 les premiers soins.

10 Question: Ma question était celle-ci: vous n'étiez pas présent lorsqu'on

11 lui a tiré dessus. Vous n'étiez pas présent, n'est-ce pas?

12 Réponse: Non.

13 Question: Vous avez fait état de prétendus tueries qui se sont produites

14 de l'autre côté de Velika Krusa. Vous n'avez pas été vous-même le Témoin

15 de cela, n'est-ce pas?

16 Réponse: Je peux déclarer que 241 personnes ont été abattues à Krushe e

17 Madhe. 206 provenaient de Krushe e Madhe, 35 étaient des réfugiés qui

18 étaient arrivés dans ce village, après avoir été expulsés des leurs. Sur

19 ces 206 personnes, 171 ont été enterrées; et sur ces 171, 86 personnes ont

20 été identifiées nominalement. Les autres cadavres n'ont pas pu être

21 identifiés tant leurs brûlures étaient graves. On a pu recouvrer que leurs

22 os.

23 Pour 120 autres personnes, nous ne disposons d'aucunes données. A ce jour,

24 nous ne savons pas ce qu'il est advenu de ces personnes. Nous ne savons

25 pas si elles sont mortes ou si elles ont disparu. Et c'est vous qui êtes

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1 responsable du sort qui a été réservé à ces personnes.

2 M. Milosevic (interprétation): Mais il s'agit de quelque chose de

3 totalement différent. Moi j'ai dit que ces tueries qui ont eu lieu de

4 l'autre côté de Velika Krusa est quelque chose à quoi vous n'avez pas

5 assisté. Ou bien est-ce que vous en avez été témoin?

6 M. Hoti (interprétation): Je ne pouvais pas tout voir. Je n'ai pas le don

7 d'ubiquité.

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Hoti, si vous n'en avez pas été

9 le témoin, si vous n'avez rien observé, dites-le simplement.

10 M. Hoti (interprétation): Ce que j'ai vu, je l'ai précisé dans ma

11 déclaration préalable. Je n'ai pas tout vu.

12 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous étiez présent lors de

13 l'enterrement de l'une quelconque des personnes que vous avez évoquées?

14 M. Hoti (interprétation): Oui.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous avez également expliqué ce qu'il était

16 arrivé à Fahredin Hoti mais vous n'avez pas été le témoin de ce qui s'est

17 passé, n'est-ce pas? Vous pouvez répondre par un simple oui ou non.

18 M. Hoti (interprétation): Je ne peux pas répondre par un simple oui ou non

19 parce que Fahredin Hoti était médecin et il a été tué en présence des

20 membres de sa famille. Je peux dire que Faredin Hoti était à la fois un

21 parent et un collègue. Il a été abattu sous les yeux des membres de sa

22 famille.

23 Question: Oui mais vous n'avez pas été le témoin de cela, non plus que

24 d'autre chose?

25 Réponse: Je n'étais pas présent lors du meurtre mais j'étais présent à

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1 l'enterrement de Fahredin Hoti.

2 Question: Vous avez parlé d'un événement qui s'est produit à Mala Krusa et

3 qui concerne Mehmet Krasniqi. Vous n'avez pas non plus été le témoin de

4 cela, n'est-ce pas?

5 Réponse: Mais tout cela est clairement établi dans ma déclaration

6 préalable: je n'étais pas présent lors de l'incident mais après que Mehmet

7 Krasniqi a pu s'extirper de l'endroit où 117 personnes avaient été

8 abattues et dont les corps avaient été incendiés, il est venu me voir pour

9 trouver de l'aide. C'est ce que j'ai déclaré. Le récit qu'il a fait des

10 événements, je l'ai ensuite rapporté dans ma déclaration préalable.

11 M. Milosevic (interprétation): Donc ce n'est pas le récit de ce que vous

12 avez vous-même pu observer?

13 M. le Président (interprétation): Dans quel état se trouvait Krasniqi

14 lorsqu'il est venu vous voir?

15 M. Hoti (interprétation): Lorsque Krasniqi est arrivé au village de Nagafc

16 pour trouver de l'aide, il avait des brûlures sur tout le corps, et ses

17 vêtements étaient encore trempés du sang des personnes dont les cadavres

18 lui étaient tombés dessus. Il était brûlé des pieds à la tête et nous

19 avons eu du mal à retirer les vêtements, à lui retirer ses vêtements tant

20 ses brûlures étaient graves, son visage également était brûlé. Nous avons

21 essayé de le recouvrir avec d'autres vêtements mais, lorsque nous avons

22 essayé de lui enlever les siens, la chair s'est détachée avec ses

23 vêtements tant ses brûlures étaient profondes.

24 Question: Quel est le récit qu'il vous a fait dit?

25 Réponse: Après que je lui ai administré les premiers soins, il a expliqué

Page 3602

1 de façon très détaillée de quelle façon dans le village de Krushe e Vogel,

2 des forces serbes accompagnées de Serbes locaux qu'ils connaissaient,

3 s'étaient rassemblés et avaient regroupé tous les hommes qu'ils avaient pu

4 trouver dans une même maison. Cette maison appartenait à la famille

5 Batusha. Tous les hommes ont donc été placés à l'intérieur de cette

6 maison. Ils ont apporté ensuite des épis de maïs séchés et ils ont

7 commencé à tirer sur ces personnes rassemblées. Ces personnes ont commencé

8 à tomber les unes sur les autres. Deux personnes sont tombées sur Mehmet,

9 ce qui fait que Mehmet était allongé sous ces cadavres. Ensuite, le feu a

10 été mis à la maison et les corps ont été incendiés. Mehmet m'a dit

11 qu'après quelque temps et du fait de la densité de la fumée dans la pièce,

12 il a repris connaissance, il s'est levé, il a constaté qu'il n'y avait

13 personne de vivant aux alentours. Il est sorti par une fenêtre, il s'est

14 enfui par les champs et il a fini par atteindre Nagafc.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous avez également parlé de ce qui était

16 arrivé à M. Semir Elshanin(Selami Elshani) de Retilje(Reti), n'est-ce pas

17 exact?

18 M. Hoti (interprétation): Selami Elshani a lui aussi souffert de brûlures

19 dans un autre endroit, Krusha e Madhe. Lorsque des forces serbes ont

20 séparé 17 personnes qui étaient arrivées d'un autre village, ces 17

21 personnes ont été séparées du reste des villageois, elles ont été placées

22 dans une autre pièce; et la même chose s'est passée là que ça avait été le

23 cas à Krushe e Vogel. Mais Selami n'a pas été atteint par une balle, il a

24 simplement souffert de brûlures, mais de brûlures plus graves encore que

25 celles dont avait souffert Mehmet. Après un moment, il a lui aussi repris

Page 3603

1 connaissance et il est arrivé à Nagafc où il y avait un grand nombre de

2 réfugiés et il a essayé d'obtenir de l'aide.

3 Je lui ai apporté l'aide que je pouvais lui apporter, mais l'état de

4 Selami était bien plus grave que celui de Mehmet. Il était totalement

5 brûlé. Ce que j'ai dit dans ma déclaration préalable, c'est ce que m'a dit

6 Selami.

7 M. Milosevic (interprétation): Très bien, mais ma question était celle-ci:

8 avez-vous été le témoin oculaire de cela? En fait, vous n'avez pas pu

9 assister à tout cela, n'est-ce pas? Vous...

10 M. le Président (interprétation): Le Témoin n'a pas dit qu'il avait été le

11 témoin de l'un ou l'autre de ces deux incidents. Le témoin a relaté le

12 récit que lui avaient fait les personnes qui ont été les victimes de ces

13 incidents.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais c'est précisément ce que je veux

15 établir de façon très claire. J'ai déjà évoqué sept ou huit incidents et

16 il est manifeste que personne n'a été le témoin oculaire de ces

17 événements. Ensuite, vous avez parlé de Celinë, vous avez parlé de

18 l'église, mais, là non plus, vous n'avez rien pu observer par vous-même.

19 Est-ce que c'est vrai ou est-ce que ce n'est pas vrai?

20 M. Hoti (interprétation): Je vous donnerai la réponse suivante, si la

21 Chambre me le permet: toutes ces personnes qui se trouvaient sur la scène

22 de l'incident ont été tuées, celles qui ont été faites prisonnières sur

23 les lieux du crime ont été détenues puis ont été abattues. Donc il n'y a

24 aucun moyen d'obtenir des éléments de preuve de façon directe sur tout

25 cela.

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1 M. le Président (interprétation): Qu'est-ce que l'on vous a dit à propos

2 de ce qui s'était passé à Celinë?

3 M. Hoti (interprétation): On nous a accueillis à Nagafc. Et de là où nous

4 étions réfugiés, nous avons entendu des bruits de bombardement et nous

5 avons vu de la fumée s'échapper de Celinë. Personne n'est venu nous dire

6 quoi que ce soit, mais nous pouvions conclure de ce que nous voyions que

7 quelque chose de grave se produisait. Après Celinë, les forces serbes ont

8 atteint Nagafc et en ont brûlé une partie. Ensuite, ils sont allés dans la

9 région de Krushë e Madhe, Nagafc surplombe cette zone. A ce moment-là, le

10 soir tombait; les forces serbes n'opéraient pas pendant la nuit, seuls

11 quelques coups de feu étaient échangés mais, généralement, pendant la

12 nuit, il y avait une interruption de leurs activités.

13 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration préalable, vous

14 dites qu'à un moment donné, les soldats mettaient le feu aux maisons en

15 utilisant un certain type de fusil.

16 Est-ce que vous avez pu voir des soldats mettre le feu à des maisons au

17 moyen de fusils?

18 M. Hoti (interprétation): Nous avons pu observer cela de quelque distance.

19 De l'endroit où nous nous trouvions, nous pouvions tout voir: c'était un

20 endroit qui surplombait le reste du village; donc nous avons pu être les

21 témoins de toutes leurs activités, que ce soit le pillage des villages,

22 que ce soit le fait qu'ils tirent sur des maisons et les incendient, juste

23 après s'être livrés à ces actes de pillage.

24 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous avez formulé un grand

25 nombre d'allégations. Je voudrais maintenant vous lire ce que vous dites

Page 3605

1 avoir observé personnellement. Je vais lire le document dont je dispose,

2 qui est en anglais.

3 M. le Président (interprétation): A quelle page se trouve le passage qui

4 vous intéresse?

5 M. Milosevic (interprétation): Page 7. Donc page 7, deuxième tiers de la

6 page: "Le 1er avril 1999 est devenu une journée tragique, la plus tragique

7 des journées pour les personnes qui se trouvaient ce jour-là à Nagafc.

8 Nagafc a été pilonnée tôt dans la matinée. C'était un véritable enfer.

9 Vers 2 heures du matin, ce jour-là, j'ai été réveillé par le bruit d'un

10 avion. J'ai compris que cet avion devait se trouver très près du village;

11 il faisait énormément de bruit. Peu de temps après avoir entendu ce bruit,

12 j'ai entendu de grandes exposions. Les fenêtres de la maison où je

13 demeurais ont volé en éclat et des plaques se détachaient du plafond.

14 Seule une femme a été blessée dans la maison où je me trouvais. Je lui ai

15 administré les premiers soins et j'ai arrêté l'hémorragie.

16 Les habitants du village m'ont appelé, m'ont demandé de venir aider les

17 personnes blessées. Alors que je me trouvais à l'extérieur de la maison,

18 j'ai vu que des maisons étaient en feu et j'ai entendu des personnes

19 hurler. Alors que je m'avançais vers le village, j'ai croisé des personnes

20 blessées, mutilées, dont les jambes ou les mains avaient été sectionnées.

21 Je me suis arrêté dans une première maison où j'ai trouvé cinq hommes

22 blessés. L'un d'eux avait des coupures au niveau du dos et il avait des

23 côtes cassées. Un autre de ces hommes avait une large coupure au front, un

24 autre encore avait un bras cassé parce que le mur lui était tombé dessus.

25 Un autre mur s'était effondré sur deux autres hommes et ils avaient du mal

Page 3606

1 à respirer. Un autre homme était décédé, son nom était Sinan Gashi;

2 c'était le père de l'homme qui souffrait d'une coupure au front. La maison

3 où il se trouvait était la maison de Sinan Gashi. Je leur ai administré

4 les premiers soins avec les quelques médicaments dont je disposais et je

5 me suis rendu dans une autre maison pour voir si je pouvais être de

6 quelque utilité. J'y ai trouvé un enfant de 2 ans dont la jambe avait été

7 sectionnée. J'ai vu un homme âgé de 40 ou 50 ans dont la tête avait été

8 gravement atteinte; son cerveau, sa cervelle était éparpillée sur le sol.

9 J'ai entendu des cris provenir d'une maison; lorsque j'y suis arrivé, j'ai

10 constaté que le plafond s'était effondré. Des personnes m'ont dit que 20

11 personnes se trouvaient à l'intérieur de cette maison. Lorsque je me suis

12 approché de cette maison, j'ai entendu des cris, ce qui m'a indiqué qu'il

13 y avait encore des personnes vivantes à l'intérieur. A l'extérieur, il y

14 avait également des cris. Il était évident qu'il faudrait des heures et

15 des heures pour parvenir à extraire ces personnes des débris. Il était

16 impossible de le faire parce que tous les habitants du village étaient

17 effrayés et souhaitaient tous quitter Nagafc aussitôt que possible; en

18 effet, ils avaient peur que Nagafc soit à nouveau bombardée.

19 Les différentes personnes sont montées à bord de leurs véhicules et ont

20 quitté Nagafc. Les 20 personnes qui se trouvaient dans cette maison sont

21 sans doute mortes". (Fin de citation.)

22 Vous avez donc décrit des scènes de bombardement. Et, au vu de ce que vous

23 dites, ce qui s'est passé est incontestable, mais est-ce que vous savez

24 que les avions serbes ne se livraient à aucun bombardement de ce genre,

25 que tout cela était dû aux bombardements de l'OTAN?

Page 3607

1 Réponse: Que les choses soient bien claires: ce que je décris, je ne vais

2 pas le répéter, tout est clairement établi dans la déclaration préalable.

3 J'ai indiqué que nous dormions parce que c'était très tôt le matin.

4 J'ai expliqué que nous étions accoutumés au bruit des bombardements de

5 l'OTAN; cela faisait dix jours que les bombardements avaient commencé. Les

6 avions de l'OTAN volaient à très haute altitude généralement, et jamais

7 nous n'avions entendu de tels sons, de telles détonations. A Nagafc, les

8 avions volaient très bas, contrairement aux avions de l'OTAN, et les

9 avions se sont d'abord rendus vers la montagne de Pashtrik et, ensuite,

10 sur le vol de retour, l'avion a commencé à lâcher ses bombes.

11 Par la suite, on a pu trouver des éclats d'obus qui portaient des

12 indications en cyrillique, ce qui montre bien qu'il s'agissait de vos

13 avions et non pas des avions de l'OTAN.

14 Je suis convaincu que c'est intentionnellement que votre police nous a

15 maintenus en détention pendant des jours et des jours à Nagafc, où seules

16 quelques maisons sont demeurées intactes. Il y avait des maisons dans

17 lesquelles se trouvaient jusqu'à 300 personnes. Vous pouvez seulement

18 essayer seulement d'imaginer ce qu'était leur état, de ces personnes qui

19 se trouvaient rassemblées dans une seule maison. Vos forces nous avaient

20 intentionnellement regroupés en un seul endroit. En fait, elles voulaient

21 montrer, essayer de faire en sorte que cela soit pris pour une erreur de

22 l'OTAN.

23 Question: Les intentions de ces forces: à ce propos, vous ne pouvez faire

24 que des hypothèses, mais et-ce que vous savez que nos avions, étant donné

25 qu'il y avait une suprématie aérienne flagrante de la part de l'OTAN, que

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1 nos avions ne survolaient pas du tout cet espace? Etes-vous au courant de

2 cela?

3 Réponse: J'ai bien fait une distinction entre les avions de l'OTAN, que

4 nous avons vus pendant dix jours, j'ai fait la différence entre ces

5 avions-là et cet avion qui a survolé notre village à très basse altitude.

6 Question: Mais est-ce que vous comprenez ce qu'on interprète pour vous?

7 Est-ce que vous comprenez l'interprétation? C'est quelque chose que l'on

8 peut vérifier: il est manifeste que nos avions ne volaient pas du tout

9 dans cet espace aérien et, par conséquent, ne pouvaient pas du tout vous

10 bombarder.

11 Réponse: Tout d'abord, je voudrais vous demander ceci, Messieurs les

12 Juges: je voudrais que l'accusé ne m'insulte pas parce que je connais bien

13 ma langue maternelle. Quant à savoir si cet avion a volé dans cet espace

14 ou pas, cela je ne peux pas vous le dire. Ce que je peux vous dire,

15 puisque je ne suis pas un militaire, je peux vous dire ce que j'ai vu et

16 je sais que c'était votre avion qui volait dans cet espace ce jour-là.

17 M. Milosevic (interprétation): Il est incontestable que vous avez assisté

18 à un bombardement; le tout est de savoir ceci: est-ce que vous comprenez

19 que c'était un bombardement de l'OTAN?

20 M. le Président (interprétation): Le Témoin a déposé.

21 Monsieur Hoti, inutile de répondre à ceci.

22 Oui, le Témoin a déposé, Monsieur Milosevic, il vous a dit ce qu'il a vu,

23 ce qu'il a entendu. Il ne peut pas aller plus loin que cela. Si vous avez

24 des moyens de preuve attestant du contraire, faites-le quand vous aurez

25 l'occasion de le faire, mais il est inutile de polémiquer avec le Témoin.

Page 3609

1 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il est clair que ces avions se

2 sont servis d'engins incendiaires, d'après ce que vous affirmez ici, parce

3 que vous avez dit que bon nombre de maisons étaient en feu?

4 M. le Président (interprétation): Etes-vous en mesure de répondre à cette

5 question ou pas?

6 M. Hoti (interprétation): Je vais essayer de le faire très rapidement.

7 Au début, je vous ai dit qu'après le bombardement, on avait retrouvé des

8 éclats d'obus sur lesquels se trouvaient des éléments en écriture

9 cyrillique, ce qui montre bien que ce n'était pas l'OTAN qui avait

10 bombardé, mais bien les Serbes.

11 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous dire ceci: on affirme

12 que des engins incendiaires ont été utilisés. Etes-vous en mesure de vous

13 prononcer sur ce point?

14 M. Hoti (interprétation): Monsieur le Président, il était 2 heures du

15 matin cette nuit-là. Tout le monde n'était pas à l'extérieur, mais plutôt

16 à l'intérieur des maisons. Et vous pouvez imaginer la rapidité à laquelle

17 un avion survole un espace. Cette nuit-là, à ce moment-là, il n'était pas

18 possible de savoir ce genre de chose. Et puis, je ne pense pas que des

19 flammes à elles seules permettent de détruire des maisons. Je pense

20 qu'effectivement, il doit y avoir un genre d'engins explosifs. Il y en a

21 plusieurs que l'on a retrouvés.

22 M. Robinson (interprétation): Vous parlez de cette écriture cyrillique

23 qu'on a vue sur certains débris? L'avez-vous vu ou vous en a-t-on parlé?

24 M. Hoti (interprétation): Je vous ai dit que ces débris ont été retrouvés

25 plus tard, ont été remis aux autorités compétentes. Je ne sais pas qui

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1 exactement. Mais ce sont des gens qui m'ont dit que ces débris avaient été

2 remis à des représentants de la communauté internationale pour inspection.

3 M. Milosevic (interprétation): Des engins explosifs, de destruction donc

4 été utilisés: c'est ce que vous dites?

5 M. le Président (interprétation): Le témoin a déjà déposé sur ce point.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais vous parliez, il y a un instant, des

7 personnes qui ont été gravement brûlées. Est-ce que ceci aurait été le

8 résultat du bombardement ou, apparemment, en plus des engins de

9 destruction habituels, on a utilisé des moyens incendiaires?

10 M. Hoti (interprétation): Même auparavant, lorsque j'ai parlé de ces

11 grands brûlés, ceux qui avaient été brûlés à Krushe e Vogel, cela s'était

12 produit quelques jours avant le bombardement. A Krusha e Madhe aussi, il y

13 avait 68 brûlés, à Krusha e Madhe, qui avaient été brûlés avant le

14 bombardement. Moi, je ne vois pas du tout de rapport entre les deux

15 événements.

16 Question: Et croyez-vous que ce fût là le seul bombardement ou pensez-vous

17 qu'il y a eu auparavant d'autres bombardements?

18 Réponse: Dans les villages proches, Krushe e Vogel, Krusha e Madhe,

19 Nagafc, ça a été le seul, le dernier bombardement auquel on ait assisté

20 avant de partir pour l'Albanie. Ce qui s'est passé après, ça je ne peux

21 pas vous le dire, mais jusqu'à ce jour-là ça avait été le seul

22 bombardement.

23 Question: Et le bombardement, il a commencé le 24 mars? Il y a 31 jours

24 dans le mois de mars, ce qui veut dire que ça faisait le neuvième jour de

25 bombardement; en êtes-vous conscient?

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1 Réponse: C'est exact. Mais les civils n'ont jamais été pris pour cible. Il

2 y avait 20.000 personnes. Ce sont vos forces qui avaient été ciblées par

3 les bombardements, pas les civils. Le seul cas où il y avait eu

4 effectivement bombardement d'une population civile, ce fût celui dont j'ai

5 parlé à Nagafc.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais vous le voyez, ici c'était la

7 population civile qui était prise pour cible. Est-ce que vous êtes au

8 courant d'autres cas? Il y a notamment le bombardement de colonne de

9 réfugiés du fait de l'OTAN...

10 M. le Président (interprétation): Ceci est en dehors de la portée du

11 contre-interrogatoire. Il n'en parle pas dans sa déclaration écrite. Il

12 dit qu'à sa connaissance, c'était là le premier bombardement qu'avait subi

13 Nagafc.

14 M. Hoti (interprétation): Cependant, si vous me le permettez, j'aimerais

15 répondre.

16 Je ne l'ai pas vu, mais j'ai entendu dire que les forces serbes avaient

17 utilisé les civils pour s'en servir de bouclier humain.

18 M. le Président (interprétation): Ceci va ne faire qu'entraîner une

19 polémique de nouveau. Poursuivez, Monsieur Milosevic.

20 M. Milosevic (interprétation): Et pensez-vous que le bombardement d'une

21 colonne de réfugiés par l'OTAN...

22 M. le Président (interprétation): Je vais arrêter cette question,

23 l'interdire en ce qui concerne ce Témoin.

24 M. Milosevic (interprétation): Il apparaît clairement à la lecture de la

25 déclaration préalable et vu son intervention ici à l'audience, que tout ce

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1 qu'il dit dans sa déclaration concerne le 1er avril, lorsqu'il y a eu ce

2 bombardement à 2 heures du matin. Il dit: "Bien que c'est le jour le plus

3 tragique".

4 M. le Président (interprétation): Je ne comprends pas la question.

5 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il est clair, en plus du fait que

6 ce n'était pas nos avions qui survolaient cette région, est-ce qu'il est

7 clair -disais-je- qu'avant dans votre déclaration, vous avez expliqué

8 qu'il y avait une présence considérable de l'armée, de la police, dans la

9 région? Est-ce que c'est exact?

10 M. Hoti (interprétation): J'ai dit dans ma déclaration préalable, que le

11 25 avril, une nuit après le début des bombardements de l'OTAN, les

12 villages de Krushe e Vogel, Krusha e Madhe, Nagafc, Celinë et Bela Crkva

13 avaient été encerclés de toute part par un siège d'acier. Nous avons

14 entendu dire qu'il y avait des forces qui arrivaient de Gjakovë, Prizren,

15 Krusha Mala, et nous étions entourés de toute part par un déploiement

16 massif de la police et de l'armée.

17 M. le Président (interprétation): Il y a une erreur dans le compte rendu

18 d'audience. Je pense que l'on parle du 25 mars et non pas, comme il est

19 indiqué ici, du 25 avril.

20 M. Hoti (interprétation): Excusez-moi. C'était un lapsus.

21 M. Milosevic (interprétation): Et ces forces, pendant combien de temps

22 ont-elles gardé le contrôle de ces villages, dont vous avez dit qu'ils

23 étaient encerclés? Ça s'est poursuivi ce siège pendant combien de jours?

24 M. Hoti (interprétation): J'ai dit dans ma déclaration préalable qu'après

25 le siège, il y a eu des tirs intermittents. Des gens se sont retirés de

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1 Krusha e Madhe parce qu'en fait ce village est tout près de la route

2 principale qui va de Prizren à Gjakove. Et j'ai déjà dit que ces forces

3 étaient parties de Celinë à Nagafc, en passant par Krusha e Madhe. Nous,

4 nous étions en fait plutôt dans la vallée, et il n'était pas possible de

5 voir ce qui se passait sur la route principale. Mais les forces étaient

6 au-dessus de nous.

7 Le lendemain, lorsque nous sommes allés à Prroni i Cilave, les Serbes eux-

8 mêmes nous ont dit qu'il n'était pas possible d'aller à Krusha parce que

9 les forces s'y trouvaient. Nous étions tout à fait isolés dans nos

10 maisons, et ceci jusqu'au moment où nous sommes partis pour l'Albanie. Il

11 m'est donc impossible de vous dire ce qui se passait dans les environs.

12 Question: Et pendant tout ce temps, vous étiez isolés par l'armée et par

13 la police, ou plutôt par ce que vous appelez, vous, "les forces serbes"?

14 Réponse: Les forces serbes se trouvaient toujours déployées sur les

15 collines, tout autour; je l'ai dit dans ma déclaration. Le 28, ils ont

16 pénétré dans le village et ils ont pillé nos maisons. Un soldat ou un

17 policier s'est emparé de moi, et il m'a dit: "Nous, nous sommes sur les

18 collines tout autour". C'est de cette façon que nous avons été limités

19 dans notre liberté de circulation; on nous a fait comprendre qu'ils

20 étaient sur place, qu'ils étaient là.

21 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, donc, ils vous ont bloqué. Mais

22 mis à part le fait que ce n'étaient pas nos avions qui volaient, est-ce

23 que vous avez pensé au fait que pendant la nuit, à 2 heures du matin, même

24 si ces avions volaient, ils n'auraient pas été en mesure de bombarder un

25 terrain sur lequel se trouvaient nos forces à nous aussi?

Page 3614

1 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une réponse qu'il peut

2 donner.

3 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, il est très clair, il est facile

4 de comprendre de quel bombardement il s'agissait, même sans cela.

5 Etes-vous au courant du fait que le seul village où il y avait une

6 majorité serbe dans la région, c'était Velika Hoxha, dans la municipalité

7 d'Orahovac?

8 M. Hoti (interprétation): Oui. Hoxha e Mahde était effectivement le seul

9 village où il y avait une majorité serbe. Mais c'était aussi le village où

10 il y avait le plus d'armes et où il y avait la plus forte présence

11 militaire et policière; ça, je suis au courant aussi.

12 Question: Savez-vous qu'au cours de l'été 1998, dans votre municipalité il

13 y a eu beaucoup de violence? Savez-vous, comme il apparaît à la lecture du

14 rapport, que dans la région il y avait énormément de tension? C'est ce que

15 dit d'ailleurs ce rapport aussi.

16 Réponse: Il y avait des tensions, pas seulement dans ces villages-là mais

17 dans tout le Kosovo. La situation était très tendue mais, à ma

18 connaissance, jamais il n'y avait pas eu d'activité militaire dirigée

19 contre Hoxha e Madhe. L'UCK n'avait pas lancé d'opération contre Hoxha e

20 Madhe.

21 Question: Moi, je vous pose une question qui concerne la zone de la

22 municipalité d'Orahovac, cette zone, votre village aussi, parce que vous

23 dites savoir ce qu'il en était dans tout le Kosovo. Donc je suppose que

24 vous savez encore mieux ce qui se passait dans votre municipalité, celle

25 d'Orahovac.

Page 3615

1 Réponse: Mais je ne parlais pas de la situation qui se présentait au

2 Kosovo. J'ai dit que dans tout le Kosovo, la situation était très tendue à

3 l'époque.

4 Question: Etes-vous au courant du fait que dans votre municipalité, au

5 cours du mois de février 1999, il y a eu de façon répétée des

6 affrontements qui ont opposé l'armée et l'UCK?

7 Réponse: De quelles périodes parlez-vous? Est-ce que vous pourriez me

8 répéter cela?

9 Question: Eh bien, je vais répéter. Nous parlons du mois de février 1999;

10 en d'autres termes, il s'agit de la période qui a aussitôt précédé les

11 événements que vous avez décrits. Il y a eu des affrontements entre

12 l'armée et l'UCK une fois de plus.

13 Réponse: Je suis tout à fait conscient de mes responsabilités, et je peux

14 dire à la Chambre que s'agissant de Krushe e Madhe, Krushe e Vogel, Nagafc

15 et Celine, je peux dire que dans ces villages il n'y a pas eu d'activité

16 militaire. Ce qui s'est passé sur les lignes de front entre vos forces et

17 l'UCK, je ne peux pas en parler, mais s'agissant des villages dont j'ai

18 parlé, il n'y a pas eu d'opération militaire et pas la moindre

19 provocation, quelle qu'elle soit.

20 M. Milosevic (interprétation): Moi, je parle de votre municipalité, de

21 celle dans laquelle vous viviez, et je suppose qu'en tant que citoyen,

22 qu'en tant que médecin, vous aviez des contacts avec bon nombre de

23 personnes, et je suppose que vous étiez au courant de la situation qui

24 prévalait dans la petite municipalité qu'était celle d'Orahovac.

25 M. le Président (interprétation): Le Témoin a déjà répondu. Il a dit qu'il

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1 n'était pas au courant d'activité militaire de l'UCK dans les villages

2 avoisinants.

3 M. Milosevic (interprétation): A en juger par l'ouvrage, le rapport que

4 vous avez reçu, il y a un instant, il est dit qu'il y avait eu de nouveau

5 des affrontements dans la municipalité d'Orahovac. Mais passons à autre

6 chose.

7 M. le Président (interprétation): Etes-vous au courant qu'il y aurait eu

8 des affrontements dans la municipalité en général?

9 M. Hoti (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avions pas

10 l'autorisation de nous déplacer. Nous n'étions pas libres de nos

11 mouvements. Nous étions isolés. Comment aurions-nous pu savoir ce qui se

12 passait dans le reste de la municipalité puisqu'on était isolés?

13 M. le Président (interprétation): Fort bien. Monsieur Milosevic,

14 poursuivez.

15 M. Milosevic (interprétation): A partir de quelle date vous êtes vous

16 trouvé dans cette situation d'isolement?

17 M. Hoti (interprétation): Ce n'est pas tant une question de jours mais

18 plutôt d'années. Pendant des années, on n'avait pas le droit de se

19 déplacer librement. En effet, si on sortait sur la route principale, il y

20 avait des postes de contrôle de la police, on était maltraités. Ce qui

21 veut dire que l'on a essayé de se déplacer le moins possible, et on ne

22 sortait que s'il y a vraiment des raisons urgentes, sinon on ne sortait

23 pas du tout, on ne se déplaçait pas du tout.

24 Question: Et ce poste de contrôle de la police, quand a-t-il été installé

25 sur la route principale à la sortie de votre village?

Page 3617

1 Réponse: Il y a toujours eu des points de contrôle, que ce soit dans la

2 direction de Prizren ou dans celle de Rahovec, mais il y a eu une

3 multiplication de ceux-ci. Et aussi il y a eu des mauvais traitements

4 encore plus graves après les affrontements entre vos forces et l'UCK.

5 Question: Savez-vous que dès l'été 1998, l'été 1998 je précise, savez-vous

6 qu'il y a eu un gros affrontement entre l'UCK et nos forces, et que le 17

7 juillet 1998, l'UCK s'est emparée d'Orahovac. Est-ce que vous vous

8 souvenez de cela?

9 Réponse: C'est ce que les nombreux réfugiés nous ont dit. Ces réfugiés

10 étaient arrivés ce jour-là dans notre village venant des villages

11 avoisinants et ils étaient venus, poussés par la peur. Et ce sont eux qui

12 nous ont relaté ceci, mais à part cela je ne peux rien vous dire.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais c'était un combat au cours duquel

14 l'UCK s'est emparé d'Orahovac. Il y a eu beaucoup de tirs. L'UCK ayant

15 pris le contrôle d'Orahovac, de quoi pouvaient avoir peur vos réfugiés,

16 ceux qui se sont trouvés dans votre village?

17 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire. Le Témoin vous a

18 relaté ce qu'il savait à ce propos.

19 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que Malisevo, qui se trouve

20 également dans votre municipalité, était le lieu où se trouvait le

21 quartier général de l'UCK?

22 M. Hoti (interprétation): J'aimerais apporter une correction à ce que dit

23 l'accusé, parce que Malisevo ne se trouve pas sur le territoire de notre

24 municipalité. C'est une municipalité en tant que telle qui était très

25 éloignée de la nôtre.

Page 3618

1 Question: Et vous, vous ne saviez rien quant à l'existence de ce quartier

2 général de l'UCK à Malisevo?

3 Réponse: J'ai entendu dire qu'il y avait un quartier-général de l'UCK.

4 Même moi, je n'ai jamais été à Malisevo au cours de cette période. En

5 effet, pour y aller j'aurais dû traverser Orahovac et Malisevo était très

6 loin de chez nous.

7 Question: Est-ce que vous savez que, dans votre municipalité, celle

8 d'Orahovac, il y a eu des cas nombreux -vous êtes peut-être au courant de

9 certains d'entre eux-, de cas nombreux d'enlèvements, de meurtres

10 d'Albanais qui, de l'avis de l'UCK, étaient plutôt favorables aux

11 autorités serbes?

12 Réponse: Je ne connais aucun cas particulier de ce genre, mais je sais

13 très bien que, dans mon village, il y a eu 120 personnes portées

14 disparues. Mon cousin, professeur d'université, a disparu de mon village

15 et je ne sais pas où se trouvent ces personnes. Mais ceci relève de votre

16 responsabilité, donc vous pouvez nous dire où ils sont.

17 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai interrogé au sujet des grands

18 nombres d'enlèvements et d'assassinats dont les victimes étaient des

19 Albanais et qui étaient commis par l'UCK.

20 M. le Président (interprétation): Il a donné sa réponse.

21 M. Milosevic (interprétation): C'est écrit également dans l'ouvrage

22 intitulé "As Seen, As Told".

23 M. le Président (interprétation): Vous pouvez nous exposer tous ces

24 arguments en temps utile, mais, pour le moment, il n'y a aucune raison de

25 continuer à en discuter avec le Témoin.

Page 3619

1 Vous avez disposé de l'heure qui vous était impartie et vous disposerez

2 encore de dix minutes, car vous avez été rapide avec le dernier témoin et

3 la déclaration de celui-ci comporte de très nombreux points.

4 M. Milosevic (interprétation): J'ai raccourci l'audition du témoin

5 précédent de 30 minutes, comme vous le savez.

6 (Les Juges se concertent.)

7 M. le Président (interprétation): Nous vous accordons jusqu'à la prochaine

8 pause. Vous avez donc un quart d'heure.

9 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous qu'en juin 1998, dans votre

10 municipalité, un Albanais qui était loyal au gouvernement serbe a été

11 enlevé et, dans sa maison à Brestovc, trois membres de l'UCK ont fait

12 irruption et l'ont donc emprisonné. Savez-vous cela? Ceci figure également

13 dans les documents de l'OSCE.

14 M. Hoti (interprétation): Je suis désolé, mais je n'ai pas lu ce document.

15 Je ne sais pas pourquoi vous prêtez une telle attention à ces Albanais-là

16 et ne vous intéressez pas à tous les autres qui ont disparu?

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Hoti, veuillez vous limiter aux

18 questions et répondre précisément; cela nous permettra de gagner du temps.

19 M. Hoti (interprétation): Je ne sais pas.

20 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demande de

21 comprendre que je ne vous interroge pas comme si vous étiez quelqu'un qui

22 a lu un livre; je vous interroge en tant qu'habitant de la municipalité

23 d'Orahovac, en tant que médecin qui habitait là-bas et qui doit savoir ce

24 qui s'y est passé.

25 Savez-vous que deux Albanais ont été tués par l'UCK dans votre

Page 3620

1 municipalité?

2 M. le Président (interprétation): Le Témoin a déjà témoigné à ce sujet. Il

3 a dit qu'il ne connaissait aucun cas particulier de ce genre. Il est

4 inutile de lui soumettre toutes ces questions alors qu'il a déjà dit ne

5 pas être au courant. Comme je l'ai déjà dit, vous pourrez présenter vos

6 éléments de preuve en temps utile.

7 M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur le Témoin, êtes-vous au

8 moins au courant des protestations présentées tous les jours par les

9 membres des familles des habitants qui ont, de temps à autre et sur une

10 certaine période, été enlevés par l'UCK et retrouvés morts ensuite?

11 M. Hoti (interprétation): Je n'ai jamais entendu parler de ces

12 protestations et je ne crois pas qu'elles se soient exprimées. J'ai

13 beaucoup entendu parler de protestations émises par les Albanais au sujet

14 des milliers d'Albanais qui ont disparu et vous en avez entendu parler

15 vous-même également, sans aucun doute.

16 Question: Mais puisque ceci était très connu, il est impossible de ne pas

17 en avoir entendu parler. Avez-vous entendu parler du fait que l'UCK a

18 utilisé des mortiers pour pilonner un village de votre municipalité, le

19 village de Zociste, en mars 1999?

20 Réponse: En mars 1999, comme je l'ai déjà dit, mais je vais le répéter,

21 nous n'avions pas la possibilité de circuler. Nous étions soumis à des

22 restrictions dans notre liberté de circulation et je sais qu'à ce moment-

23 là, Zociste n'était habitée par aucun Albanais, car leurs maisons avaient

24 été brûlées. Les habitants albanais étaient des réfugiés. Donc nous ne

25 pouvions pas nous rendre à Zociste pour voir ce qui s'y était passé et je

Page 3621

1 ne suis donc pas au courant de ce qui s'est passé dans les autres villages

2 que ceux que j'ai mentionnés. Ce qui s'est passé à Zociste, Malisevo ou

3 ailleurs, je ne peux pas en parler. Je ne le sais pas.

4 Question: Mais les réfugiés de Zociste sont arrivés dans votre village, si

5 j'ai bien compris ce que vous avez dit. Vous avez fait état de réfugiés

6 originaires de Zociste?

7 Réponse: Je n'ai pas dit que ceci s'est passé en mars 1999. Les réfugiés

8 albanais provenant d'autres villages sont restés chez nous plus d'un an et

9 avaient quitté leurs villages bien avant, parce que leurs maisons avaient

10 été incendiées par les Serbes.

11 Question: Et Bela Crkva se trouve à quelle distance?

12 Réponse: Bela Crkva se trouve à peu près à 15 kilomètres de chez nous.

13 Question: Avez-vous eu la moindre information au sujet d'événements

14 survenus à Bela Crkva?

15 Réponse: A quelle période faites-vous référence?

16 Question: A la période qui commence au début de 1999, puisque, à ce

17 moment-là, la présence de l'UCK dans ce village était connue.

18 Réponse: Je n'ai jamais été informé de la présence de l'UCK ou d'un

19 quartier-général de l'UCK à Bela Crkva. Les renseignements dont vous

20 disposez sont sans doute erronés à ce sujet.

21 M. Milosevic (interprétation): Ce renseignement est exact, mais nous

22 n'allons pas perdre notre temps à parler de cela.

23 Etes-vous au courant de l'un quelconque des assassinats commis par l'UCK

24 dans votre municipalité?

25 Je vais vous donner lecture d'un certain nombre d'éléments et vous me

Page 3622

1 direz si vous êtes au courant de l'un quelconque de ces incidents.

2 M. le Président (interprétation): Le Témoin a dit qu'il n'était au courant

3 d'aucun cas particulier.

4 Si l'accusé, Monsieur le Témoin, vous donne une liste de noms, pourrez-

5 vous répondre ou pas?

6 M. Hoti (interprétation): Non, parce que je ne connais pas ces personnes.

7 Je n'en ai absolument pas la moindre idée.

8 M. Milosevic (interprétation): Je vous demande si vous auriez entendu

9 parler de l'un quelconque de ces assassinats, car il y a en eu beaucoup

10 qui ont été commis par l'UCK?

11 M. le Président (interprétation): Il est inutile de donner lecture d'une

12 liste de noms puisque le témoin ne peut pas répondre.

13 M. Milosevic (interprétation): Il sait donc à l'avance qu'aucun de ces

14 assassinats n'est connu de lui?

15 M. le Président (interprétation): Il dit n'être au courant d'aucun cas

16 particulier.

17 Monsieur Milosevic, vous pouvez nous présenter des éléments de preuve à ce

18 sujet en temps utile. Il est inutile de poursuivre la discussion avec le

19 témoin sur ce point.

20 Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez demander au témoin?

21 M. Milosevic (interprétation): Connaissez-vous le nom, par exemple, de

22 Muharem Berisha de Brestovac, dans votre municipalité, né en 1951? Avez-

23 vous entendu parler de lui?

24 M. Hoti (interprétation): Comment est-ce que je pourrais le savoir? Vous

25 parlez d'un village qui se trouve à quatre villages de distance du mien.

Page 3623

1 J'aurais déjà du mal à connaître tous les habitants de mon village, il y

2 en a 6.000, alors, comment pourrais-je connaître les habitants qui se

3 trouvent à quatre villages de distance du mien?

4 Question: Mais quand quelqu'un est tué, en général, la rumeur circule au

5 sujet de son assassinat ou au moins dans les villages environnants. Donc

6 vous n'en avez pas entendu parler.

7 Et Mark Gashi, un autre Albanais, né en 1927 dans le village de Dobrodol,

8 municipalité d'Orahovac également: avez-vous entendu parler de son

9 assassinat?

10 Réponse: Savez-vous à quelle distance se trouve Dobrodol de mon village?

11 Croyez-moi, je n'y suis jamais allé et je n'ai pas la moindre idée de

12 l'endroit où se trouve ce village. Si vous commencez à me parler de tous

13 ceux que vous appelez des "Albanais honnêtes", je vous répondrai

14 simplement que je ne les connais pas.

15 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi qualifiez-vous ainsi ces Albanais

16 assassinés?

17 M. le Président (interprétation): C'était un commentaire.

18 Pas la peine de répondre, Monsieur le Témoin. Cela ne nous mène nulle

19 part.

20 Monsieur Milosevic, vous avez eu pratiquement tout le temps qui vous était

21 imparti et, à moins que vous ayez un autre sujet à évoquer, je vais mettre

22 un terme à ce contre-interrogatoire?

23 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore beaucoup de questions relatives

24 aux crimes commis par l'UCK mais, manifestement, vous n'êtes pas prêt à me

25 donner la possibilité de poser mes questions. Mes questions occupent

Page 3624

1 plusieurs feuilles de papier.

2 M. le Président (interprétation): Vous avez posé vos questions, vous avez

3 entendu les réponses du témoin et je dis simplement qu'il est inutile de

4 continuer. Vous pourrez nous présenter vos éléments de preuve lorsque

5 votre tour pour le faire arrivera.

6 Maître Tapuskovic, avez-vous des questions à poser à ce témoin?

7 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Ali Hoti.)

8 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Oui, j'ai

9 quelques questions à lui poser, qui sont en rapport avec la déclaration

10 dont il a été donné lecture ici.

11 En première page, au deuxième paragraphe, Monsieur Hoti, vous dites qu'à

12 Velika Krusha, habitaient 6.000 personnes. "Après juillet 1998 -dites-

13 vous- le nombre des habitants s'est accru du fait de l'arrivée de réfugiés

14 originaires de Reti, Zociste et Opterusha". C'est bien cela?

15 M. Hoti (interprétation): Oui, c'est exact.

16 Question: Pouvez-vous me répondre à la question suivante? Au cours de

17 juillet 1998, au cours de l'été 1998, combien de personnes sont arrivées

18 dans votre village?

19 Réponse: Comme vous venez de le dire, et comme je l'ai écrit, 3 à 4.000

20 réfugiés étaient avec nous dans notre village. C'est un nombre

21 approximatif, je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais je dirai à

22 peu près 4.000.

23 Question: Avant de poser la question suivante au témoin, Monsieur le

24 Président, Messieurs les Juges, j'aimerais appeler votre attention sur la

25 page 9 de la version anglaise, sixième paragraphe.

Page 3625

1 Monsieur Hoti, dans votre déclaration, il est écrit que "la première

2 offensive serbe a eu lieu au printemps 1998". Est-ce bien le cas?

3 Printemps 1998?

4 Réponse: Il y a peut-être là une erreur de traduction. Au cours de l'été

5 1998 a eu lieu l'offensive contre Orahovac; donc je parle de l'été, juin-

6 juillet, et pas du printemps 1998.

7 Question: C'est peut-être un problème de traduction, mais est-ce bien à ce

8 moment-là que ces 3 à 4.000 personnes sont arrivées dans votre village?

9 C'est bien à ce moment-là?

10 Réponse: Oui, oui.

11 Question: Bien, nous nous sommes bien compris.

12 Je vous pose à présent la question suivante: s'agissant de cette

13 offensive, celle que vous mentionnez dans ce texte, concerne-t-elle les

14 affrontements entre l'UCK, d'une part, et la police et l'armée serbe, de

15 l'autre? Est-ce en raison de cette offensive, de ces affrontements que ces

16 gens sont arrivés dans votre village?

17 Réponse: Il a été dit, à plusieurs reprises, qu'une offensive a eu lieu à

18 Orahovac et Bela Crkva, et que les gens ont fui leur village pour arriver

19 dans le mien, poussés par la peur. Tout ce que je sais, c'est que ces

20 personnes sont arrivées dans notre village et y sont restées pendant toute

21 cette période.

22 Question: J'ai compris cela, mais cette offensive, quel était son

23 objectif? Avait-elle pour but d'expulser ces personnes de leurs villages,

24 ou avait-elle pour but d'agir contre l'UCK?

25 Réponse: Non. Contre l'UCK.

Page 3626

1 Question: Merci. J'aborderai maintenant un autre sujet. Je ne vais pas

2 revenir sur la lecture qui a été faite par M. Milosevic, mais je vous

3 réfère tous à la page 7 de la version anglaise de la déclaration du

4 témoin.

5 En dehors de tout ce que vous avez déjà dit, en réponse aux questions de

6 M. Milosevic, je vous renvoie au troisième paragraphe de cette page 7 où

7 il est écrit qu'après le bombardement qui a eu lieu cette nuit là, donc au

8 cours de la même nuit, vous dites: "Je suis tombé sur une camionnette dans

9 laquelle j'ai trouvé sept jeunes gens endormis. Ces jeunes gens avaient

10 brûlé." (Fin de citation.)

11 Est-ce que cela veut dire que la camionnette était intacte et que les

12 jeunes gens avaient brûlé, que seuls les corps de ces jeunes gens étaient

13 brûlés, calcinés?

14 Réponse: La camionnette a pris feu après le bombardement et était

15 complètement calcinée. Donc ces jeunes gens ont brûlé pendant les

16 bombardements et n'ont été enterrés qu'après notre retour d'Albanie.

17 M. Tapuskovic (interprétation): Très bien. Je suis satisfait de votre

18 réponse. Ce n'est pas tout à fait ce qui est écrit dans le texte. Mais,

19 nous avons peut-être, Monsieur le Président, le temps encore pour quelques

20 questions?

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 M. Tapuskovic (interprétation): Vous dites que, lorsque vous êtes parti

23 dans la direction de Prizren, vous avez emmené avec vous 15 blessés. Vous

24 dites: "Nous les avons placés à bord d'un camion et nous les avons emmenés

25 jusqu'à Prizren. La plupart d'entre eux avaient été blessés par des éclats

Page 3627

1 d'obus." C'est bien cela?

2 M. Hoti (interprétation): Il doit s'agir d'une erreur de traduction, car

3 ce que j'ai dit, c'est que la nuit où nous sommes partis pour Prizren, un

4 camion conduit par une personne d'un certain âge avait à son bord

5 plusieurs personnes blessées qui venaient de différents villages et qui se

6 dirigeaient vers l'hôpital de Prizren. Donc ils n'étaient pas avec le

7 reste de la population, mais ce camion, à bord duquel se trouvaient des

8 personnes blessées, se dirigeait vers l'hôpital. Son chauffeur le

9 conduisait et l'a conduit vers l'hôpital.

10 Question: Ce n'est pas la façon dont vous avez expliqué les choses dans le

11 texte, mais bon, c'est l'explication que vous faites aujourd'hui et je

12 n'ai rien contre cette explication.

13 Vous dites que, cette nuit-là, à Nogovac, 40 à 50 personnes ont été tuées?

14 Réponse: Ceci peut être corroboré étant donné que toutes ces personnes ont

15 été ré-enterrées après notre retour d'Albanie.

16 Question: Pourriez-vous m'expliquer une chose: cette nuit-là, vous n'avez

17 qu'entendu le bruit des avions, mais vous ne les avez pas vus?

18 Réponse: On ne peut pas voir un avion dans l'obscurité, la nuit.

19 Question: C'était ma première question. Voici la deuxième: vous étiez dans

20 une maison, vous avez entendu des explosions, les vitres des fenêtres ont

21 été brisées et le plafond est tombé, mais la maison en tant que telle, les

22 murs de la maison n'ont pas été endommagés par le bombardement?

23 Réponse: Cette maison, dans laquelle moi-même et les membres de ma famille

24 étions abrités et qui abritait 80 autres personnes, en raison des

25 vibrations dues aux obus tirés non loin de là, donc le plafond a été

Page 3628

1 complètement détruit, les vitres des fenêtres se sont brisées, mais il n'y

2 a pas eu d'incendie.

3 Question: Et ceci a concerné aussi d'autres maisons, n'est-ce pas, de

4 nombreuses autres maisons?

5 Réponse: Oui, ceci s'est produit également dans de nombreuses autres

6 maisons de Nagafc. Pratiquement toutes les maisons de Nagafc ont été

7 complètement détruites cette nuit-là.

8 Question: Une question encore simplement.

9 Vous avez expliqué que vous aviez peur, mais le lendemain, avez-vous vu

10 des cratères d'obus dans le village? Est-ce que ces cratères étaient

11 importants? Est-ce qu'il y en avait une dizaine? Est-ce que certains

12 d'entre eux mesuraient 10 mètres de long et 7 mètres de large? Avez-vous

13 vu cela?

14 Réponse: Même la nuit où j'ai commencé à aider les blessés, j'ai déjà

15 commencé à voir des cratères. Je les ai vus parce que les flammes des

16 maisons incendiées me permettaient de voir et, le lendemain, avant l'aube,

17 nous sommes partis pour l'Albanie.

18 Question: Est-ce qu'ils avaient la taille que j'ai indiquée?

19 Réponse: Oui, ils avaient cette taille.

20 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

21 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des questions supplémentaires

22 de la part de l'accusation?

23 Mme Romano (interprétation): Non.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Hoti, nous sommes arrivés au

25 terme de votre déposition. Je vous remercie d'être venu au Tribunal pénal

Page 3629

1 international pour témoigner. Vous pouvez maintenant vous retirer.

2 Nous faisons une pause de 20 minutes.

3 (L'audience, suspendue à 12 heures 16, est reprise à 12 heures 40.)

4 (Le témoin, M. Rahim Latifi, est présent dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld?

6 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président. L'accusation

7 cite à la barre Rahim Latifi, L-A-T-I-F-I. C'est notre témoin suivant.

8 M. le Président (interprétation): Je demande au Témoin de prononcer la

9 déclaration solennelle.

10 M. Latifi (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

13 (Le témoin s'assoit.)

14 (Interrogatoire principal du témoin, M. Rahim Latifi, par M. Ryneveld.)

15 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demande de

16 placer sur le projecteur la pièce à conviction 83, page 10.

17 (Intervention de l'huissier.)

18 Merci.

19 Monsieur Latifi, je crois savoir que vous êtes né à Pirana, n'est-ce pas,

20 près de Prizren, au Kosovo?

21 M. Latifi (interprétation): Oui.

22 Question: Y avez-vous passé la majeure partie de votre vie?

23 Réponse: Toute ma vie.

24 Question: Je vais vous demander maintenant de jeter un coup d'œil à la

25 carte géographique qui se trouve sur le rétroprojecteur et que l'on peut

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1 voir à présent sur nos écrans. Y voyez-vous votre ville, la ville de

2 Pirana?

3 Réponse: Oui, elle se trouve ici.

4 Question: Vous venez de placer le pointeur sur la page 10 de la pièce à

5 conviction 83, qui est une carte. Au niveau du numéro 23, qui se trouve

6 dans la colonne de droite, cinq centimètres à peu près sur la gauche, se

7 trouve la ville de Pirana. Vous avez placé le pointeur sur la ville de

8 Pirana, à l'écran. Merci.

9 Cette ville se trouve bien dans la municipalité de Prizren, n'est-ce pas?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Merci. Je crois savoir, Monsieur, que vous avez suivi votre

12 enseignement secondaire à Prizren et que vous y avez également fait des

13 études d'agronomie à l'université de cette ville. C'est bien cela?

14 Réponse: Oui. C'est exact.

15 Question: Etes-vous marié?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Avez-vous des enfants?

18 Réponse: Quatre enfants.

19 Question: En 1998 et 1999, vous habitiez avec vos parents et votre frère

20 dans une maison qui se trouve dans le village de Pirana, n'est-ce pas?

21 Réponse: C'est exact.

22 Question: Merci. A présent, Monsieur le Président, je propose de résumer

23 en quelques mots la teneur de la déclaration du Témoin. Mais avant cela,

24 j'aimerais poser au Témoin quelques questions au sujet de cette

25 déclaration.

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1 Monsieur, avez-vous été interrogé par des membres du Bureau du Procureur

2 le 28 avril 1999?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Vous avez donc fait cette déclaration; cette déclaration a-t-

5 elle ensuite été traduite en albanais, puis remise entre vos mains pour

6 que vous puissiez la relire, le 29 janvier 2002?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Avez-vous comparu devant un officier instrumentaire à ce moment-

9 là, en indiquant que la teneur de cette déclaration était véridique et

10 correspondait à votre souvenir des événements de l'époque?

11 Réponse: C'est exact.

12 M. Ryneveld (interprétation): Je demande le versement au dossier de cette

13 déclaration comme pièce à conviction suivante de l'accusation.

14 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de

15 l'accusation 107.

16 M. Ryneveld (interprétation): Pendant la distribution de cette

17 déclaration, je me propose de faire état d'une synthèse de cette

18 déclaration. J'ai communiqué un exemplaire de cette déclaration aux

19 interprètes et également à toutes les parties présentes dans ce prétoire.

20 Dans cette déclaration, Monsieur le Président, le Témoin décrit des

21 incidents qui ont eu lieu au printemps de 1998? au cours duquel trois

22 villageois avaient été trouvés morts. Ils avaient tous été abattus par

23 balle à l'arrière de la tête. L'une de ces victimes avait les mains liées

24 à l'aide d'un fil de métal, derrière le dos. Un autre corps était couvert

25 de contusions dues à un passage à tabac. Toutes ces personnes étaient des

Page 3632

1 civils.

2 Le Témoin dit que, le 24 mars 1999, dans la soirée, l'OTAN a entamé sa

3 campagne aérienne et qu'à 4 heures le lendemain, le 25 mars 1999, le

4 village a été cerné par l'armée et par les unités du MUP, qui ont utilisé

5 à cette fin des chars et différents véhicules militaires, ainsi qu'un

6 grand nombre d'effectifs en hommes.

7 A 8 heures du matin, la première maison de Pirana a été incendiée et, à

8 peu près à la même heure, les Serbes ont commencé à pilonner le village.

9 Plus tard, la police a incendié la totalité du village, rasant toutes les

10 maisons.

11 Selon la déclaration, lorsque l'attaque a commencé sur le village, les

12 habitants ont commencé à évacuer ce village. Un corridor était ouvert en

13 direction du village de Mamushe et 80% de la population du village -le

14 témoin estimant ces 80% à peu près à 1.900 habitants- se sont donc dirigés

15 vers Mamushe. Le reste de la population, dont le Témoin, s'est dirigé vers

16 Srbica. En chemin vers Srbica, un tireur isolé a tué un villageois et

17 blessé un autre villageois.

18 Dans le village de Srbica, quelques familles serbes ont rencontré les

19 réfugiés et demandé à la police de ne pas leur faire du mal mais, le

20 lendemain, 70 policiers ont commencé à tirer. Certains habitants serbes

21 ont tenté de protéger ces personnes contre l'attaque de la police et la

22 famille du témoin a passé un mois à peu près à Srbica.

23 Trois semaines plus tard, le chef de la police de Prizren est arrivé et a

24 dit que toute personne qui n'était pas originaire de Srbica devait quitter

25 le village pour aller en Albanie. Les Serbes de la région de Srbica ont

Page 3633

1 organisé le transport des réfugiés dans six autobus, mais le témoin et sa

2 famille, ainsi que 86 personnes, sont restées à Srbica pendant 10 jours de

3 plus parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans ces autobus.

4 Le 25 avril 1999 les Serbes ont lancé une offensive importante dans la

5 zone de Srbica et, à partir de Srbica, ils ont pilonné les villages de

6 Pirana, Reti e Ulet, Reti et Randobrava. Le 26 avril, la famille du Témoin

7 a loué un autobus pour le prix de 2.000 marks allemands à peu près, et ont

8 été escortés hors du village par les Serbes de la région.

9 Ils ont donc pris la route avec des voitures qui les escortaient à

10 l'arrière et ont atteint le village de Zhur. A la frontière, au passage de

11 la frontière à Morina, leurs documents d'identité leur ont été enlevés.

12 Le Témoin décrit ensuite un peu plus loin dans sa déclaration des cadavres

13 qu'il a vus, huit à peu près. Le premier de ces cadavres était dans un

14 ruisseau asséché non loin de Pirana et la police a enterré plusieurs corps

15 à l'aide d'un bulldozer.

16 Un jour, le Témoin a vu des camions de police sur la route de Krusha avec

17 de nombreux corps à l'intérieur, mais il ne sait pas où ces corps ont été

18 emmenés. Il décrit également un incident lié à un deuxième enterrement de

19 trois corps à Pirana.

20 Au point 4, il décrit un incident qui s'est produit à Randobrava où un

21 obus a atteint un tracteur et un convoi, et six membres de sa famille ont

22 été tués ce jour-là.

23 Au point 5, dans le même village, il a découvert le corps d'un homme de 45

24 à 47 ans qui avait les doigts coupés et dont l'abdomen était ouvert.

25 Aussi, au point 6, dans le village de Reti e Ulet, il décrit la découverte

Page 3634

1 d'une tombe où il a aidé à enterrer 25 personnes du village de Krusha e

2 Madhe.

3 Au point 7, il découvre également 12 autres corps à Randobrava qui ont été

4 enterrés dans un champ.

5 Au point 8, il décrit la découverte de 52 cadavres dans les maisons du

6 village de Velika Krusha dont la plupart avaient des blessures par balle à

7 la tête.

8 Ceci est le résumé de la déclaration du Témoin. Je n'ai plus de questions

9 à poser à ce stade.

10 M. Latifi (interprétation): Excusez-moi. Mais puis-je apporter une

11 correction?

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 M. Latifi (interprétation): Srbica ne porte pas le nom de Skenderaj, et

14 Skenderaj ne se trouve pas sur le territoire où nous habitions. C'est une

15 erreur technique.

16 M. Ryneveld (interprétation): Cela doit être une erreur de traduction

17 parce que je ne me souviens pas avoir utilisé le nom de Skenderaj. En tout

18 cas, ce nom ne figure pas dans la déclaration du Témoin.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

20 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Rahim Latifi, par l'accusé M.

21 Milosevic.)

22 M. Milosevic (interprétation): Vous avez déclaré avoir obtenu un diplôme

23 du lycée de Prizren et ensuite avoir fait des études d'agronomie pendant

24 deux ans à Pristina?

25 M. Latifi (interprétation): Oui.

Page 3635

1 Question: Quand avez-vous commencé vos études secondaires? En quelle

2 année?

3 Réponse: En 1987.

4 Question: Est-ce que vous avez terminé vos études secondaires en 1987?

5 C'est bien cela?

6 Réponse: En 1989.

7 Question: Et en quelle année vous êtes-vous inscrit à l'université

8 d'agronomie?

9 Réponse: En 1990, en septembre.

10 Question: Quand avez-vous quitté la faculté d'agronomie?

11 Réponse: En 1992.

12 Question: Pourquoi avez-vous abandonné vos études à la faculté

13 d'agronomie?

14 Réponse: Parce que notre université a été fermée, et je n'avais pas les

15 moyens de poursuivre mes études en privé. En effet, après la fermeture de

16 l'université les cours ont continué à être dispensés, mais dans une maison

17 privée.

18 Question: Etes-vous au courant du fait qu'à l'université de Pristina, la

19 faculté d'agronomie n'a pas cessé d'exister pendant toute cette période?

20 Réponse: C'est vrai. Il y avait une faculté d'agronomie mais elle était

21 réservée au Serbes et aux gens qui acceptaient votre régime.

22 Question: Les Albanais avaient-ils toute liberté d'étudier à la faculté

23 d'agronomie de Pristina?

24 Réponse: De quelle période parlez-vous?

25 Question: Dans la période qui va de 1992, qui commence en 1992, c'est-à-

Page 3636

1 dire au moment où vous avez abandonné vos études?

2 Réponse: Non, ils n'avaient pas cette liberté.

3 Question: Savez-vous qu'un grand nombre d'Albanais ont étudié à la faculté

4 d'agronomie de Pristina, y compris après 1992?

5 Réponse: Oui, mais dans des maisons privées, pas à la faculté, pas à

6 l'université.

7 Question: Faisons la clarté sur ce point. Vous affirmez que les Albanais

8 ne pouvaient pas être des étudiants réguliers à la faculté d'agronomie de

9 Pristina?

10 Réponse: Cette question ne me semble pas claire. J'ai essayé de poursuivre

11 mes études compte tenu des conditions qui étaient les miennes, mais la

12 vérité c'est que l'on a été chassés de l'université.

13 Question: Si je comprends bien la réponse que vous venez de faire, les

14 Albanais ont été chassés de la faculté d'agronomie de Pristina, et selon

15 vous à partir de 1992 il n'y avait plus d'étudiants Albanais à la faculté

16 d'agronomie de Pristina?

17 Réponse: Il n'y en avait pas dans les locaux de l'université, mais dans

18 des maisons privées, dans des petites pièces de 4 mètres carrés, il y en

19 avait, mais les étudiants ne pouvaient pas avoir accès à la bibliothèque

20 ou à quoi que ce soit d'autre.

21 Question: Je crois pouvoir donc comprendre, d'après ce que vous avez dit,

22 qu'à la faculté d'agronomie officielle de Pristina, à partir de 1992, il

23 n'y avait pas d'étudiants albanais. Vous ai-je bien compris?

24 Réponse: Je répète encore une fois que dans les locaux de la faculté

25 d'agronomie, il n'y avait pas d'étudiants albanais, mais ils étudiaient

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1 dans des maisons appartenant à des privés.

2 Question: Très bien. Mais il s'agissait là d'éducation en parallèle; ce

3 n'était pas une éducation dépendant de l'université. Donc, selon vous,

4 aucun Albanais n'étudiait, à partir de cette date, à la faculté?

5 Réponse: Vous ne pouvez pas appeler cela un enseignement parallèle. Nous

6 avons essayé -je veux parler de nos étudiants et de nos professeurs-, nous

7 avons essayé de ne pas laisser les étudiants à la rue. On peut étudier

8 dans des maisons privées comme on peut le faire dans une faculté et, même

9 dans ces maisons privées, les étudiants étaient harcelés et persécutés.

10 Question: Comment cela, "harcelés et persécutés"?

11 Réponse: Mais partout, dans les rues, dans leurs appartements, aux arrêts

12 de bus, dans le bus.

13 Question: Qui les persécutait?

14 Réponse: Les policiers en uniforme, dans la plupart des cas, et puis des

15 civils. Nous n'avions aucun moyen de nous protéger de la police. On ne

16 pouvait pas se déplacer avec une carte d'étudiant. Si l'on vous arrêtait

17 en possession d'une carte d'étudiant, vous étiez vraiment dans de mauvais

18 draps.

19 Question: Des étudiants ont-ils été arrêtés? Ou plutôt je vais être plus

20 précis: en quoi consistait cette persécution?

21 Réponse: Il y avait toutes sortes de choses qui se passaient. Rien de tout

22 cela n'est contestable.

23 Question: Mais décrivez-nous quelques-unes de ces méthodes de persécution?

24 Vous dites que les étudiants étaient persécutés à Pristina, au Kosovo:

25 donnez-nous des exemples.

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1 Réponse: Au mois d'avril 1992, à Aktash II, un certain nombre d'étudiants

2 qui étaient de mes amis ont été arrêtés. Ils ont été maltraités, ils ont

3 été frappés à en perdre connaissance, dans la rue puis au poste de police.

4 Voilà une description concise.

5 Question: Pendant combien de temps ont-ils été détenus par la police?

6 Réponse: Pendant environ 24 heures. Et à cause de ces 24 heures de

7 détention, ils ont dû interrompre leurs études pendant deux mois, tant ils

8 avaient été maltraités. La question n'est pas de savoir s'il s'agissait

9 d'hommes ou de femmes. Les questions qu'on leur posait étaient du type:

10 "Etes-vous un étudiant? Est-ce que vous étudiez?" Ils essayaient de nous

11 laver le cerveau.

12 Question: Vous affirmez donc que c'est la police qui a empêché les

13 étudiants albanais de suivre leurs études?

14 Réponse: La police recevait des ordres qui arrivaient bien de quelque part

15 et nous empêchait de circuler librement.

16 Question: Vous faites référence à une certaine époque. Est-ce que vous

17 savez, à cette époque, quel était le nombre d'étudiants qui étaient

18 inscrits à l'université de Pristina, en tant qu'étudiants à part entière?

19 Réponse: Je ne peux parler que de ce qui se faisait dans ma faculté. La

20 première année, il y avait 120 étudiants et, en deuxième année, le chiffre

21 était un petit peu moindre. Là, je parle seulement du département

22 "Cultures en terre arable"; je ne peux pas parler de ce qui se faisait

23 dans le reste de l'université parce que je n'ai pas connaissance de ce que

24 la situation était.

25 Question: Très bien. Vous dites qu'en deuxième année le chiffre était

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1 moins important, mais en deuxième année, le chiffre est toujours moins

2 important parce qu'il y a des étudiants de première année qui ne vont pas

3 au bout de leur cursus. Est-ce que ce n'était pas cela la raison de la

4 moindre importance de ce chiffre?

5 Réponse: J'étais un étudiant assidu. J'ai passé tous mes examens lorsqu'il

6 le fallait. Je parle de moi-même pour essayer de vous donner un exemple,

7 mais ce qui nous préoccupait le plus, c'était le traitement qui était

8 réservé aux filles. Les filles ne pouvaient pas se déplacer, ne pouvaient

9 pas aller de Prizren à Pristina du fait des mauvais traitements dont elles

10 pouvaient être les victimes. Il nous fallait les protéger, les protéger

11 pour notre honneur.

12 Question: Qui maltraitait les filles?

13 Réponse: La police. Qui d'autre? Les civils, de toute façon, n'avaient pas

14 voix au chapitre.

15 Question: Est-ce que vous pourriez nous donner un exemple de cas où des

16 policiers auraient infligé de mauvais traitements à une jeune fille?

17 Réponse: Un exemple: deux filles de Suva Reka sont descendues à Stimlje et

18 elles ont été maltraitées. Elles ne sont pas remontées à bord du bus avec

19 nous; nous avons dû les laisser là. Et ce qu'il est advenu d'elles par la

20 suite, je ne le sais pas. Je ne sais pas qui étaient ces jeunes filles; je

21 sais simplement qu'elles venaient de la région de Suva Reka. Je ne savais

22 pas dans quelle faculté elles étudiaient.

23 Question: Vous viviez à Prizren, nous avez vous dit, dans une ville où

24 vivaient côte à côte des Albanais, des Serbes et des Turcs; un certain

25 nombre de Roms se trouvaient également à Prizren, n'est-ce pas exact?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: La période de temps à laquelle vous faites référence était-elle

3 une période pendant laquelle, au sein de la municipalité de Prizren, les

4 Albanais, les Serbes, les Turcs, les Roms occupaient des postes à

5 responsabilité?

6 Réponse: Je ne sais pas ce qu'il en était exactement, et dans les

7 dernières années, je n'ai pas connaissance du fait qu'il y avait des

8 Albanais à ces postes. Il y avait peu de Turcs et je ne crois pas qu'il y

9 ait eu des Roms. La majorité des personnes qui occupaient ces postes

10 étaient des Serbes. Toutes les personnes qui occupaient des postes de

11 direction à l'époque ont été remplacées. Tous les employeurs, tous les

12 contrôleurs, toutes les personnes à des postes de direction ont été

13 remplacés.

14 Question: Est-ce que vous connaissez à Prizren un certain Sokol Qyshi?

15 Réponse: Non.

16 Question: C'est un Albanais, d'ailleurs le nom vous le dit bien, et il

17 avait un poste de direction à Prizren. Il a occupé ce poste jusqu'à la

18 guerre. Est-ce que vous n'êtes pas au courant de cela? Est-ce que vous

19 n'avez pas entendu parler de cet homme?

20 Réponse: Je vois bien à son nom que cet homme était albanais, mais je n'ai

21 pas travaillé au sein de l'administration, donc je ne vois pas comment

22 j'aurais pu le connaître et c'est la première fois que j'entends son nom.

23 Question: Son nom m'est venu à l'esprit un peu par hasard. J'ai d'autres

24 noms que je pourrais évoquer, des noms de personnes albanaises, turques

25 qui étaient des postes à responsabilité.

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1 Au vu de la structure des organes municipaux à Prizren, organes municipaux

2 qui comptaient des Serbes, des Albanais, des Turcs, est-ce que vous n'avez

3 pas essayé de vous tourner vers ces personnes pour demander leur aide?

4 Est-ce que vous n'avez pas essayé de vous manifester auprès des autorités

5 de la municipalité pour obtenir une aide puisque, au sein de la

6 municipalité, il y avait des représentants des Serbes, des Albanais, des

7 Turcs?

8 Réponse: Mais quel type d'aide aurais-je dû demander? Je ne comprends pas

9 votre question.

10 Question: La question est celle-ci: vous dites qu'il y a eu des incidents

11 dirigés contre des résidents de Prizren, contre ceux d'entre vous qui

12 faisiez des études, est-ce que dans un tel contexte il ne vous est pas

13 venu à l'esprit de vous rendre auprès de l'un des fonctionnaires de la

14 municipalité de Prizren, qu'il soit serbe, albanais ou turc, est-ce qu'il

15 ne vous est pas venu à l'idée d'aller faire état de ce que vous

16 considériez comme étant anormal, comme étant une atteinte? Est-ce qu'il ne

17 vous est pas venu à l'idée d'agir de la sorte?

18 Réponse: Nous y avons bien pensé mais nous n'avons rien fait. Par la

19 suite, nous sommes allés au poste de police et à ceux qui restaient, nous

20 disions: "J'espère que tu t'en sortiras vivant. Si tu ne t'en sors pas

21 vivant, tu seras enterré".

22 Question: Je ne comprends pas bien. Qui disait cela?

23 Réponse: Mais c'est le genre de situation dans laquelle nous nous

24 trouvions. Il ne s'agit pas de simple rumeur. Toute personne se rendant au

25 poste de police se trouvait confrontée à ce type de situation. Il n'y

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1 avait personne vers qui se tourner pour se plaindre. Nous disposions d'une

2 structure municipale parallèle, structure au sein de laquelle il y avait

3 une majorité d'Albanais, mais nous n'avions aucune raison d'aller vers ces

4 postes de police pour essayer d'y trouver une aide.

5 Question: Bien. Venons-en maintenant à une autre partie de votre

6 déclaration préalable. Je ne comprends pas que vous n'alliez pas vous

7 plaindre auprès de quelqu'un lorsque vous êtes la victime d'un incident,

8 ça c'est quelque chose que je ne saisis pas.

9 Réponse: C'est pourtant bien ainsi que les choses se passaient. C'est

10 ainsi que cela se passait, il n'y avait personne vers qui se tourner pour

11 porter plainte; et si vous portiez plainte, de toute façon, personne n'y

12 prêtait attention.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais vous n'avez pas porté plainte, donc

14 vous ne savez pas si quelqu'un aurait pu réagir ou non.

15 M. le Président (interprétation): Le Témoin s'est déjà prononcé sur ce

16 point.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

18 Dans votre déclaration préalable, vous dites qu'au printemps 1998, vous

19 avez découvert trois cadavres d'agriculteurs. Il y avait M. Elshani, son

20 fils Afrim, et M. Sali Gashi; nom de l'agriculteur: Mehemt Elshani, son

21 fils Afrim et un ouvrier Sali Gashi.

22 Réponse: Oui. C'est exact, nous les avons trouvés.

23 Question: Est-ce que vous savez que ces trois personnes ont été liquidées

24 par l'UCK?

25 Réponse: Je ne sais pas qui a tué ces personnes. Moi, ce que je sais,

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1 c'est que nous avons trouvé leur corps. Je ne sais pas qui les a tués; ça

2 s'est passé pendant la nuit. Ils ont été tués vers 22 heures. Nous avons

3 entendu les coups de feu mais il nous était impossible de sortir de chez

4 nous une fois la nuit tombée.

5 Question: Bien. Vous dites qu'à partir de l'automne 1998, la situation

6 s'est quelque peu apaisée, stabilisée, aucun incident grave ne s'est

7 produit.

8 Réponse: Les forces se préparaient, les forces de police, les forces

9 militaires se déployaient sur le terrain, se relevaient les unes les

10 autres. Il y avait notamment beaucoup d'activités du côté de l'armée. Ils

11 ne se souciaient pas de la population locale. Il était manifeste qu'ils se

12 préparaient à quelque chose, ils changeaient de base notamment.

13 Question: Ils se préparaient à quoi?

14 Réponse: Eh bien, je n'en sais rien. Vous devriez le savoir mieux que

15 quiconque, c'est vous qui devriez être au courant de la tactique qui était

16 celle des militaires.

17 Question: Vous avez déclaré qu'au soir du 24 mars, la campagne de

18 bombardement aérien a commencé, et vous avez indiqué qu'aux toutes

19 premières heures de la matinée du 25 mars, votre village avait été

20 encerclé par des unités de l'armée de la police serbe qui employait pour

21 ce faire des blindés, des différents types de véhicules militaires et un

22 grand nombre de troupes. C'est ce qui apparaît dans votre déclaration

23 préalable. Vous dites que vous avez été encerclés. Mais où?

24 Réponse: Nous avons été encerclés le 25 mars. Les bruits des blindés,

25 d'autres véhicules lourds, nous les avions entendus dès les toutes

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1 premières heures de la matinée, dès 4 heures du matin. Les déplacements

2 dans le village ont commencé à partir de 8 heures, c'est à ce moment-là

3 que des tirs ont été entendus, les coups étaient tirés au hasard. Il y a

4 eu mise à feu, pilonnage.

5 Question: De quel village parlez-vous?

6 Réponse: Je parle de Pirana.

7 Question: A quelle distance se trouve Pirana de Prizren?

8 Réponse: A 11 kilomètres.

9 Question: Avez-vous pu observer depuis Pirana le pilonnage de Prizren?

10 Réponse: Prizren n'a pas été pilonnée depuis Pirana.

11 Question: Je n'ai pas parlé du fait que Prizren avait été pilonnée depuis

12 Pirana. Je dis simplement que Prizren a été bombardée par l'OTAN, qu'il y

13 a eu des frappes aériennes.

14 Réponse: Je ne pouvais pas tout voir. Je comprends ce que vous voulez

15 dire. Mais Prizren se trouve sur un plateau, alors que Pirana est en

16 contre-bas, donc c'était difficile de voir quoi que ce soit.

17 Question: Très bien. Revenons à cet incident que vous décrivez. Vous

18 déclarez qu'à peu près à la même heure ils ont commencé à mettre le feu

19 aux maisons. Ils ont commencé à pilonner le village. Comment leur était-il

20 possible de se trouver à l'intérieur du village? Comment leur était-il

21 possible d'incendier les maisons du village alors que vous dites

22 simultanément qu'ils bombardaient et pilonnaient ces maisons?

23 Réponse: Ils ont mis le feu aux maisons manuellement. Pas depuis Prizren.

24 Question: Je ne parle pas de Prizren. Je parle de ce qui se passait sur

25 les lieux mêmes. Vous dites qu'ils étaient en train de mettre le feu aux

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1 maisons, et vous dites qu'au même moment ils étaient en train de pilonner

2 les maisons. Si vous dites qu'ils mettent le feu aux maisons, c'est qu'ils

3 sont dans le village. S'ils sont en train de pilonner le village, ça veut

4 dire qu'ils pilonnent le village au sein duquel eux-mêmes se trouvent.

5 Comment ces deux actions pouvaient-elles être menées simultanément?

6 Comment pouvaient-ils simultanément se trouver dans le village et autour

7 du village pour le pilonner?

8 Réponse: Mais le pilonnage ne s'est pas fait au moment où les forces de

9 police sont entrées dans le village.

10 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai posé des questions à ce propos,

11 parce que dans votre déclaration préalable, vous dites que tout cela s'est

12 passé au même moment. Vous dites: "à peu près au même moment." Etc...

13 M. le Président (interprétation): Ce qui est dit dans la déclaration,

14 c'est ceci -je cite-: "A 8 heures du matin, la première maison à Pirana a

15 été incendiée. C'était la maison de … -un nom est donné. A peu près au

16 même moment, les Serbes ont commencé à pilonner le village". (Fin de

17 citation.)

18 Le Témoin décrit le contexte dans lequel les incidents qu'il décrit se

19 sont produits.

20 Ensuite, je poursuis: "Il apparaît qu'il n'y avait pas eu de dégâts". Et

21 ensuite, le Témoin dit -je cite-: "Par la suite, j'ai vu que la police

22 avait incendié les maisons du village de telle façon que les maisons

23 avaient été rasées au sol". (Fin de citation.)

24 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que nous pouvons continuer?

25 M. le Président (interprétation): Oui mais vous devez citer des passages

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1 cohérents afin que le Témoin puisse répondre de façon satisfaisante.

2 M. Milosevic (interprétation): Mais il me semble que j'avais bien

3 communiqué ce qui est dit dans la déclaration, puisqu'on dit dans la

4 déclaration qu'une maison a été incendiée et que le village a été pilonné

5 au même moment. Ça, c'est ce à quoi faisait référence la question que j'ai

6 posée, mais c'est simplement un commentaire. Très bien.

7 Vous dites que le lendemain vous êtes allés à Donja Srbica, et vous dites

8 que la population serbe du village vous avait aidé à vous orienter, vous

9 avait aidé à entrer dans certaines maisons. Et vous expliquez que votre

10 famille a passé un mois dans ce village.

11 M. Latifi (interprétation): Ce n'est pas le lendemain que nous sommes

12 partis. Le lendemain, c'était le 26. Or, tout cela s'est produit le 25, et

13 nous avons quitté la maison à 8 heures. Nous avons pris la direction de

14 Srbica. Mehmet Elshani, Xhafer Elshani ont été blessés; ils étaient

15 également dans notre convoi. Nous nous sommes étendus au sol pendant deux

16 heures, puis ensuite nous avons repris notre chemin vers le village. Nous

17 étions… Des Serbes locaux nous ont permis de rester dans les villages.

18 Question: C'est bien le but de ma question. Votre famille est bien restée

19 au village pendant un mois entier. C'est ce que vous avez déclaré dans

20 votre déclaration?

21 Réponse: Oui, pendant tout un mois.

22 Question: Est-ce que pendant toute cette période de temps vous avez été

23 victime de mauvais traitements? Est-ce que qui que ce soit s'est montré

24 impoli à votre égard? Est-ce que qui que ce soit vous a malmené?

25 Réponse: A Srbica, rien de tout cela ne s'est produit, alors que ça a été

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1 le cas dans d'autres villages où résidaient des Serbes. Mais à Srbica,

2 c'était différent: il y a eu des provocations mais pas d'une nature telle

3 qu'elles étaient une menace pour la vie de quelqu'un. Certains Serbes,

4 certains Albanais pouvaient vivre en bonne harmonie, auraient même pu

5 vivre en bonne harmonie jusqu'à aujourd'hui. Mais c'est la guerre qui a

6 marqué la fin de ce type de relations.

7 Question: Je suis certain de la véracité de ce que vous dites, à savoir

8 que c'est la guerre qui a provoqué tout cela. Vous dites que la police ne

9 cessait de se présenter au village, mais vous indiquez également que la

10 police ne faisait rien contre vous. Vous indiquez par ailleurs que les

11 Serbes de Donja Srbica ont, par la suite, fait en sorte que des bus, six

12 bus, soient mis à votre disposition. Ces bus devaient vous permettre

13 d'aller chercher refuge?

14 Réponse: Je ne sais pas comment tout cela s'est passé. Depuis la

15 municipalité de Prizren, six ou sept bus sont arrivés à Srbica, et on nous

16 a dit de partir parce que notre vie était menacée, nous a-t-on dit. On

17 nous a dit que nous étions menacés par vos forces de police, par votre

18 armée.

19 Question: Où vous êtes-vous rendu?

20 Réponse: Le premier groupe est parti en direction de l'Albanie. Par la

21 suite, nous avons appris qu'ils avaient effectivement atteint l'Albanie;

22 nous, nous sommes encore restés à Srbica pendant encore trois semaines,

23 nous voulions nous reposer.

24 Question: Dans votre déclaration, vous relatez un événement qui s'est

25 produit le 25 avril. Vous dites qu'à cette date, une grande offensive a

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1 été lancée. Vous dites -je cite-: "Les Serbes ont lancé une grande

2 offensive dans la zone de Donja Srbica. Depuis Donja Srbica, ils

3 pilonnaient les villages de Pirana, Reti e Ulet, Reti, Randobrava". (Fin

4 de citation.)

5 Est-ce que vous savez si l'UCK était présente dans la région? Par

6 ailleurs, savez-vous ce qui s'est passé exactement? Est-ce que vous savez

7 qu'il y avait des accrochages entre l'armée et la police, d'un côté, et

8 l'UCK, de l'autre?

9 Réponse: Non, nous n'étions pas conscients de tout ce qui se passait. Nous

10 ne pouvions observer que les pilonnages, les déplacements de la police,

11 les déplacements de l'infanterie serbe qui lançait des attaques sur des

12 villages. Les villages qui n'avaient pas été brûlés les 25 et 27 mars, ont

13 été brûlés ce jour-là. Je ne sais pas quelle a été l'excuse invoquée pour

14 justifier ces actes.

15 Question: Qui parle de prétexte ou d'excuse? Je vous demande simplement si

16 vous savez ce qui était en train de se passer, si vous êtes au courant des

17 attaques lancées par l'UCK contre la police et contre l'armée, dans cette

18 même zone?

19 Réponse: Non, je n'ai connaissance d'aucune activité de l'UCK dans la

20 région.

21 Question: Vous êtes originaire de cette région. Alors est-ce que vous

22 savez ce qui s'est passé en octobre 1998? L'UCK a tué un soldat, Srdjan

23 Simonovic. Est-ce que cela n'est pas exact? Cet homme a été tué justement

24 dans la région dont vous êtes originaire.

25 Réponse: Je ne suis pas au courant, je n'ai pas entendu parler de cet

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1 incident.

2 Question: Est-ce que vous avez peut-être entendu parler d'un autre

3 incident, le 17 mars 1999, période pendant laquelle la Mission de

4 vérification de l'OSCE se trouvait encore sur le terrain. Un certain

5 Vladimir Markovic a été abattu, lui aussi dans la région où vous résidiez.

6 Réponse: Je n'ai aucune information à apporter sur cet incident.

7 Question: Dans le village de Pirana, le 27 mars 1999, un soldat, Bojan

8 Jovanovic, a été abattu. Le savez-vous?

9 Réponse: A l'époque, je n'étais pas au village et je ne sais pas ce qui

10 s'est passé ou qui a pu être tué.

11 Question: Et dans le village suivant de Landovica, la veille, Slobodan

12 Gasparic, un soldat a été tué. Avez-vous été informé de cela?

13 Réponse: Non.

14 Question: Ici, il est indiqué que, pendant la période où vous étiez

15 toujours dans votre village, dans la municipalité de Prizren, se trouve

16 ici une liste assez longue de soldats qui ont été tués; je ne vais pas

17 citer chacun de ces noms.

18 Je vais vous poser une question générale: pendant toute la période que

19 vous avez passée dans la région, est-ce que vous avez entendu parler du

20 meurtre de soldats, quels qu'ils soient, que ce soient des soldats ou des

21 policiers, dans votre village ou dans les autres villages de la

22 municipalité de Prizren? Ou est-ce que vous avez entendu parler de faits

23 similaires?

24 Je parle de ces événements-ci ou d'autres événements qui ont été relatés

25 dans les médias; on en a parlé à Radio Prizren, en albanais, en turc, en

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1 serbe. Mais est-ce que vous, personnellement, vous avez eu vent de ces

2 événements?

3 Réponse: A l'époque, les médias étaient placés sous la contrainte. C'était

4 la désinformation plutôt que l'information. On ne donnait pas

5 d'informations véritables sur les événements. C'était simplement de la

6 désinformation. Ce n'étaient pas nos médias parce que, si ç'avait été nos

7 médias, eh bien, ç'aurait été du genre de ce que nous avons pour le

8 moment. Mais nous n'avons pas suivi les médias à l'époque.

9 Question: Toujours dans le village de Pirana, est-ce que vous avez entendu

10 parler du meurtre d'un policier qui s'appelait Zvezdan Tasic, meurtre qui

11 a eu lieu au mois d'avril? Or c'est la période dont vous parlez. Est-ce

12 que vous étiez présent sur les lieux à l'époque?

13 Réponse: Je le connaissais personnellement. C'était un criminel assez

14 inhabituel dans notre zone, enfin il sévissait ailleurs aussi. J'ai été

15 effectivement à son enterrement. Nous étions à Srbica et nous avions peur

16 parce que nous avons vu quatre cars de police et nous ne savions pas le

17 pourquoi de leur présence. Nous avions entendu dire que Zvezdan avait été

18 tué et c'est à ce moment-là que nous avons appris ce qui s'était passé.

19 Question: Donc vous avez seulement entendu parler d'un meurtre?

20 Réponse: A l'époque, nous étions dans le village et j'habitais tout près

21 du cimetière. D'une certaine façon, nous avons été des participants, nous

22 avons entendu parler de ce qui s'était passé.

23 Question: Mais à part cela, vous n'avez pas entendu parler du meurtre

24 d'autres Serbes, qu'ils soient policiers ou civils?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Et ce Zvezdan Tasic qui a été tué, c'était un policier, alors,

2 pourquoi est-ce que vous l'appelez "criminel", vous le qualifiez de

3 "criminel"?

4 Réponse: Eh bien, c'est ce qu'il était. On avait entendu dire qu'à

5 Rahovec, lors des affrontements, il avait vraiment causé de terribles

6 dégâts; s'il était vivant, il serait ici avec vous parce qu'il y avait des

7 gens qui le connaissaient puisqu'il avait été dans la région.

8 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez également que tous

9 ces dirigeants d'aujourd'hui, Thaci, les frères Selimi, et d'autres, ce

10 sont des criminels aussi?

11 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire général. Inutile de

12 répondre à cela, Monsieur le Témoin.

13 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous n'êtes pas au courant des

14 meurtres, du moindre d'entre eux, je vais vous donner lecture des noms de

15 certains Albanais tués dans votre région; nous allons voir si vous êtes au

16 courant de cela.

17 Vous connaissez celui-ci personnellement, mais est-ce que vous avez

18 entendu parler du meurtre des personnes suivantes: Marjan Doni, Bojaxhin

19 Fatmir, Dejcaj Binak, Ponik Arsim, Xhemal Beha, Likaj (phonétique) Hamet,

20 Rijazit (phonétique) Avdyl, Morina Sali?

21 M. le Président (interprétation): Cela suffit pour le moment. Laissons le

22 temps au Témoin de répondre.

23 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous êtes au courant du meurtre

24 de l'un quelconque de ces personnes dont je viens de donner les noms,

25 meurtres commis par l'UCK? Je parle ici d'Albanais, en tout premier lieu.

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1 C'était précisément dans votre région que cela s'est passé.

2 M. Latifi (interprétation): Je ne connais aucun de ces noms. Je ne connais

3 aucune de ces personnes. Je ne les connaissais pas et je ne dispose pas

4 d'informations sur les circonstances de leur mort, ni sur quoi que ce

5 soit.

6 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous demande pas si vous les

7 connaissiez, ces gens, je vous demande si vous avez entendu parler de leur

8 meurtre, de leur assassinat.

9 M. le Président (interprétation): Le Témoin dit n'avoir aucune information

10 sur les circonstances de leur mort. On affirme, Monsieur le Témoin, qu'ils

11 ont été tués par l'UCK. Je suppose qu'on va vous citer d'autres noms avec

12 les mêmes allégations.

13 Pourriez-vous nous aider sur ce point? Est-ce que vous êtes au courant de

14 quoi que ce soit, eu égard à ces allégations?

15 M. Latifi (interprétation): Je ne sais rien à ce propos.

16 M. le Président (interprétation): Inutile de poursuivre la lecture de ces

17 noms.

18 M. Milosevic (interprétation): Cela signifie que je ne peux plus poser de

19 question sur ces assassinats qui se sont produits à l'endroit où résidait

20 le Témoin.

21 Etes-vous au courant d'un événement? Si je vous pose ces questions,

22 Monsieur le Témoin, c'est parce que, si j'ai bien compris ce que vous

23 disiez, vous avez affirmé n'être au courant d'aucune activité de l'UCK, à

24 quelque moment que ce soit?

25 M. Latifi (interprétation): Dans les villages où l'on était, à Pirana et à

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1 Srbica, il n'y avait pas de soldats de l'UCK; jamais je n'en ai vu. Il

2 m'est donc impossible de faire des commentaires sur des choses que je n'ai

3 pas vues.

4 Question: Je vous demande si vous êtes au courant de cela, si vous en avez

5 entendu parler parce que vous avez parlé de beaucoup de choses dont vous

6 aviez seulement entendu parler, que vous n'aviez pas vues? Est-ce que vous

7 avez entendu dire qu'il y avait des activités de l'UCK?

8 Réponse: Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai ce que vous dites. Je n'ai

9 pas parlé de choses que je ne connais que d'ouï-dire.

10 M. Milosevic (interprétation): D'accord. C'est moi qui vous pose les

11 questions: est-ce que vous avez entendu parler d'activités de l'UCK?

12 M. Latifi (interprétation): Non. Je n'avais aucun rapport, aucun lien,

13 qu'il soit direct ou indirect, avec l'UCK. Jamais, je n'ai entendu parler

14 de ces choses.

15 M. le Président (interprétation): Inutile de poursuivre vos questions en

16 ce qui concerne l'UCK avec ce Témoin. Passez à un autre sujet.

17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je n'ai plus qu'une question à

18 poser sur ce point.

19 Est-ce que vous avez tout du moins entendu parler d'un événement majeur,

20 majeur parce qu'il y a eu beaucoup de personnes concernées, qui s'est

21 déroulé entre les 13 et 14 décembre 1994?

22 C'est alors que près de 100 membres de l'UCK, dans la région de Prizren,

23 sur la frontière, ont eu des affrontements avec l'armée qui tenait la

24 frontière; plusieurs ont été tués, d'autres arrêtés et un nombre

25 considérable de munitions et de matériel ont été confisqués.

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1 Est-ce que vous vous souvenez tout du moins de cet incident qui concernait

2 l'UCK dans votre région?

3 Réponse: La zone frontalière, elle n'est pas près de mon village, elle est

4 très éloignée de mon village. Comment voulez-vous que j'entende parler de

5 tout cela?

6 M. Milosevic (interprétation): Mais il s'agit ici d'un incident dont on a

7 beaucoup parlé et je m'étais dit...

8 M. le Président (interprétation): Le Témoin a répondu à la question.

9 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Vous avez dit qu'en compagnie

10 d'une vingtaine de personnes, vous avez enseveli les personnes tuées à

11 Velika Krusha. Qui étaient ces gens qui vous ont aidé, avec qui vous avez

12 enterré ces morts?

13 M. Latifi (interprétation): Le soir… Je vais vous expliquer comment cela

14 s'est passé. Nous avons entendu la voix d'un enfant et nous avons pensé

15 que nous allions peut-être nous exposer nous-mêmes à des dangers parce

16 qu'il y avait des enfants laissés à eux-mêmes dans les champs et il y

17 avait beaucoup de cadavres partout à Krushe e Madhe, par exemple, et à

18 Randobrava. Ils étaient touchés à la tête, ils étaient brûlés, ils étaient

19 dans un état terrible et personne pour les enterrer. Il y avait aussi des

20 cousins à moi, il y avait des civils qui avaient été abandonnés à

21 Randobrava et à Krushe e Madhe. C'est la raison pour laquelle nous nous

22 sommes acquittés de cette tâche ensemble.

23 Question: Et vous n'avez pas vu qui avait vu ces gens et de quelle manière

24 ils les avaient tués?

25 Réponse: On sait bien qui les a tués: c'étaient vos soldats. Mais comment

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1 ils ont été tués, là… On a vu les cadavres, on a vu que ces gens avaient

2 été tués avec la plus grande cruauté.

3 Question: Vous avez déclaré que l'UCK avait pris des photographies des

4 tombes, des cadavres?

5 Réponse: Ce jour-là, dans la soirée, nous avons rencontré par hasard, à

6 Randobrava, deux soldats en uniforme et armés. Ces deux soldats étaient

7 venus en reconnaissance et ils avaient eu la même pensée que nous, à

8 savoir qu'il ne fallait pas laisser des cadavres sans les enterrer, les

9 laisser là au sol. Nous leur avons parlé de ce qui s'était passé et nous

10 avons remis ces photographies parce qu'on les avait, on avait peur de les

11 garder dans nos poches parce qu'il suffisait d'une photographie pour

12 compromettre la vie et la sécurité de familles tout entières. Nous ne

13 voulions pas nous placer dans une situation risquée pour une photographie.

14 Question: Ce n'était pas la question que je vous posais.

15 Je vous dis la chose suivante: vous aviez des contacts par conséquent avec

16 des représentants de l'UCK; or, jusqu'à présent, vous avez affirmé ne

17 jamais avoir eu le moindre contact avec eux, que jamais vous n'avez

18 entendu parler d'activités de l'UCK.

19 Est-ce que vous avez rencontré d'autres personnes? Est-ce que vous avez

20 discuté avec d'autres personnes? Est-ce que vous avez eu d'autres contacts

21 avec l'UCK, mis à part ces deux personnes dont vous venez de parler?

22 Réponse: C'était un contact tout à fait fugace, par hasard, accidentel. Ce

23 jour-là, ça s'est passé, mais cela ne s'est plus jamais reproduit. Quand

24 je suis revenu d'Albanie, je les ai revus, mais ce jour-là, c'était

25 vraiment quelque chose, une rencontre éclair.

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1 Question: Oui, je voulais simplement tirer ceci au clair.

2 Et à Velika Krusha, vous n'avez pas vu qui avait tué ces gens et dans

3 quelles circonstances cela s'était produit?

4 Réponse: Qui les a tués? Mais je vous l'ai dit. C'étaient vos soldats, vos

5 forces. Parce que c'était un acte de revanche à cause de l'OTAN. Après le

6 début des bombardements, ces actes de vengeance ont commencé de la part de

7 la police et de l'armée, parce que nous, nous étions sans défense. C'était

8 une vengeance qu'ils prenaient contre la population civile, c'était le

9 meurtre, le viol.

10 Question: Il y a un instant à peine, vous avez déclaré que vous ne

11 parleriez de rien de ce que vous n'auriez pas vu. Or tout ce que vous

12 venez de dire, c'est simplement de l'ouï-dire, n'est-ce pas?

13 Réponse: Ce sont des choses que nous avons vécues, pas des choses

14 simplement dont on a entendu parler.

15 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai demandé si vous aviez vu ceux

16 qui avaient tué ces gens; vous avez dit que non. Or vous affirmez que

17 c'étaient les forces serbes qui étaient les auteurs.

18 M. le Président (interprétation): Le Témoin a déjà fourni sa réponse.

19 Monsieur Milosevic, essayons de terminer l'audition de ce témoin

20 aujourd'hui, puisque demain, nous n'aurons pas d'audience.

21 M. Milosevic (interprétation): Nous pourrons en terminer aujourd'hui.

22 J'ai d'autres questions qui concernent les victimes qui sont tombées dans

23 la région, mais le Témoin a affirmé qu'il ne connaissait rien à leurs

24 propos. Il est donc inutile de lui poser ces questions puisqu'il a dit ne

25 rien savoir à propos d'activités de l'UCK. Il est sans intérêt que je lui

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1 pose d'autres questions.

2 Mais peut-être encore une seule autre chose. Vous avez dit ne pas avoir

3 d'armée. Il y a quelques instants, vous dites avoir rencontré ces deux

4 soldats. Ces deux soldats, ils appartenaient à cette armée, à l'UCK, que

5 vous considériez comme étant votre propre armée? Ou est-ce que ces soldats

6 appartenaient à quelque chose d'autres?

7 M. le Président (interprétation): Le Témoin a déjà répondu.

8 Maître Tapuskovic, avez-vous des questions à poser?

9 M. Tapuskovic (interprétation): Non.

10 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires, Monsieur

11 Ryneveld?

12 (Interrogatoire princip. supplémentaire de M. Rahim Latifi par M. Ryneveld)

13 M. Ryneveld (interprétation): Une seule, si vous me le permettez.

14 Monsieur le Témoin, l'accusé vous a posé des questions à propos de ces six

15 bus qui avaient été organisés pour votre départ, lorsque vous avez quitté

16 Srbica. Est-ce que vous vouliez partir en Albanie?

17 M. Latifi (interprétation): Personne ne quitte son propre foyer de son

18 plein gré. Mais, vous savez, ce qui était en jeu, c'était la vie de nos

19 familles puisqu'on brûlait nos maisons, on commençait à assassiner; on

20 s'était dit que nous aussi, nous allions être assassinés, parce que nous

21 avions pensé que l'OTAN allait nous sauver et puis ceci s'est passé.

22 M. Ryneveld (interprétation): Je vous remercie.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, merci d'être venu

24 déposer. Votre déposition est terminée, vous pouvez disposer.

25 M. Latifi (interprétation): Je vous remercie.

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, est-ce que vous allez

2 respecter l'ordre prévu pour la comparution des témoins?

3 M. Ryneveld (interprétation): C'est ce que j'espère. Tout est fonction des

4 disponibilités, mais nous avons effectivement l'intention d'appeler à la

5 barre les témoins comme prévu.

6 M. le Président (interprétation): Nous pourrons donc nous préparer demain.

7 C'est le jour de la plénière des Juges. L'audience reprendra mercredi,

8 mais je pense que, cette fois-là, mercredi, nous recommencerons à 9 heures

9 30.

10 M. Ryneveld (interprétation): Et nous travaillerons jusqu'à 16 heures?

11 M. le Président (interprétation): Oui, pareil pour les autres jours.

12 L'audience est suspendue.

13 (L'audience est levée à 13 heures 45.)

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