Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 25 avril 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Ndrec Konaj, est déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Je demande au témoin de faire la

6 déclaration solennelle.

7 M. Konaj (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

10 Monsieur.

11 (Le témoin s'assoit.)

12 Madame Romano?

13 (Interrogatoire principal du témoin, M. Ndrec Konaj, par Mme Romano.)

14 Mme Romano (interprétation): Pourriez-vous décliner votre identité à

15 l'intention des Juges, Monsieur le Témoin?

16 M. Konaj (interprétation): Oui, je m'appelle Ndrec Konaj.

17 Question: Monsieur Konaj, quelle est votre date de naissance? Quel est

18 votre lieu de naissance?

19 Réponse: Je suis né le 3 décembre 1954 à Novosella e Eperme.

20 Question: Et dans quelle ville ou municipalité viviez-vous?

21 Réponse: Je vivais dans la municipalité de Gjakove.

22 Question: Pourriez-vous nous dire où cette municipalité se trouve au

23 Kosovo? Et quels sont les villages qui se trouvent autour de votre ville?

24 Réponse: La municipalité de Gjakove se trouve à à peu près 36 km de Peje,

25 82 km de Prishtina, approximativement. Les villages environnants sont

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1 Piskote, Brekoci, Bistezini.

2 Question: Je vous remercie. Cela suffit.

3 Réponse: Je vous en prie.

4 Question: Et quelle est votre profession?

5 Réponse: Je suis inspecteur dans le bâtiment.

6 Question: Vous avez été interrogé par plusieurs enquêteurs du Bureau du

7 Procureur, le 19 avril 1999. Est-ce exact?

8 Réponse: Oui, c'est vrai.

9 Question: Et vous avez donné une autre déclaration le 12 juin 2001?

10 Réponse: Oui, c'est exact également.

11 Question: Vous avez fourni deux déclarations en tout?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Vous avez assisté à une réunion le 3 janvier 2002, à Peje. A

14 l'occasion de cette réunion, un officier ou un fonctionnaire du Tribunal

15 désigné à cet effet vous a remis une version de votre déclaration en

16 albanais. Est-ce exact?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Et lors de cette réunion, vous avez eu également l'occasion de

19 revoir cette déclaration et de confirmer la véracité des propos qui y sont

20 contenus?

21 Réponse: Oui, c'est exact.

22 Mme Romano (interprétation): L'accusation demande le versement au dossier

23 de ces deux déclarations.

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Mme Atanasio (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation 112,

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1 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

2 Mme Romano (interprétation): Voici le résumé de la déposition du témoin.

3 Le témoin parle d'incidents qui se sont produits en 1998 où, d'après lui,

4 des policiers serbes ont endommagé, ont pillé deux de ses bureaux. Le 27

5 mars 1999, le témoin est resté chez son père dans la ville de Peje, avec

6 d'autres parents et des amis. Vers 2 heures de l'après-midi, 15 hommes

7 paramilitaires masqués ont pénétré dans la cour, armés d'armes

8 automatiques, de grenades et de fusils à baïonnette. Ils ont tiré sur la

9 maison, ont volé des choses au témoin et ont donné cinq minutes aux

10 occupants afin qu'ils partent en direction du Monténégro. En route, le

11 témoin a observé des policiers et des militaires à chaque carrefour, qui

12 empêchaient les gens de prendre une autre route.

13 Le groupe formé par le témoin et d'autres personnes a été arrêté à

14 plusieurs reprises. Le témoin et son oncle ont été arrêtés et frappés par

15 un groupe de neuf hommes qui avaient le visage peinturluré.

16 A une autre occasion, le témoin s'est entendu dire par un policier serbe:

17 "Il n'y a pas de place pour vous ici. Il faut que vous alliez au

18 Monténégro".

19 La police, l'armée serbe, les paramilitaires se trouvaient à l'entrée de

20 chaque rue pour empêcher que les gens ne retournent chez eux.

21 Le 28 mars 1999, le groupe a été arrêté aux abords de Peje par des forces

22 serbes mixtes et a reçu l'ordre de rentrer vers le centre de la ville. Il

23 y avait des milliers de personnes venant de tous les coins de Peje vers le

24 centre. Environ une vingtaine de camions et de bus étaient remplis de

25 personnes déplacées. Ces bus sont partis vers Prizren.

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1 Le témoin est monté à bord d'un bus conduit par un paramilitaire armé. A

2 Prizren, les personnes déplacées ont reçu l'ordre de quitter ce bus et de

3 marcher vers l'Albanie.

4 Le chauffeur a dit: "Allez en Albanie. Ici, ce n'est pas votre place; ici,

5 c'est la Grande Serbie".

6 D'autres bus sont arrivés et ont emmené les personnes vers Vermica, qui se

7 trouve à environ 7 km de la frontière de l'Albanie. Le témoin est parti à

8 pied vers la frontière; son groupe a été obligé de jeter ses passeports,

9 permis de conduire et autres papiers d'identité dans une grande boîte. Le

10 témoin a vu les plaques d'immatriculation du véhicule également à cet

11 endroit. Voici le résumé.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

13 (Le micro de l'accusé n'est pas branché.)

14 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Ndrec Konaj, par l'accusé, M.

15 Milosevic.)

16 M. Milosevic (interprétation): Oui, maintenant ça marche.

17 Depuis quand vivez-vous à Pec?

18 M. Konaj (interprétation): Depuis 1956.

19 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on peut régler le problème

20 technique de l'effet larsen?

21 Un instant, Monsieur Milosevic, nous allons voir ce qui ne marche pas.

22 M. Milosevic (interprétation): Où est-ce que vous avez travaillé pendant

23 la période couverte par votre déclaration préalable, c'est-à-dire début

24 1998 jusqu'en 1999?

25 M. Konaj (interprétation): J'étais au chômage depuis 1990.

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1 Question: Dans votre déclaration, vous dites que les rapports entre les

2 Serbes et les Albanais du Kosovo se sont détériorés, se sont détériorés en

3 1990. Est-ce exact?

4 Réponse: Oui, c'est exact.

5 Question: Est-ce que vous savez que le Kosovo se trouve en Serbie?

6 Réponse: Ça ne l'a jamais été, ça ne le sera jamais.

7 Question: Est-ce que vous savez qu'aujourd'hui encore, le Kosovo se trouve

8 en Serbie?

9 Réponse: A votre avis, c'est peut-être le cas, mais pas pour nous.

10 Question: Pourquoi dites-vous que les rapports se sont détériorés?

11 Réponse: Parce qu'on a été maltraités pendant des années. On nous a passés

12 à tabac de toutes les façons, attaqués de toutes les façons possibles.

13 Question: Etes-vous au courant du fait suivant: est-ce que vous savez

14 combien de Serbes ont quitté le Kosovo, disons depuis 1980 jusqu'en 1990,

15 jusqu'au moment où vous dites que les rapports ont commencé à se

16 détériorer, du fait de la pression exercée et précisément à cause de ce

17 type de traitements subis par les habitants serbes du Kosovo. Est-ce que

18 vous êtes au courant de cela?

19 Réponse: La question n'est pas très claire. Non. Vous voulez dire pendant

20 la guerre?

21 Question: Non. Moi, je vous pose une question qui est la suivante: est-ce

22 que vous savez que depuis 1980, pour ne pas remonter plus avant dans le

23 temps, est-ce que vous savez, depuis cette date, combien de Serbes ont

24 quitté le Kosovo, du fait des traitements dont vous venez de parler mais

25 dans le sens inverse?

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1 Réponse: Est-ce que j'ai parlé de mauvais traitements que l'on a fait

2 subir aux Serbes? Je ne comprends pas bien. Qui a maltraité qui?

3 Question: C'est précisément la raison de ma question. Vous mentionnez un

4 fait que je conteste. Je vous pose donc la question qui est de savoir

5 combien de Serbes sont partis au cours des dix ans qui se sont écoulés

6 entre 1980 et 1990, combien de Serbes sont partis du Kosovo à cause de la

7 terreur exercée par les Albanais contre eux? Etes-vous au courant de cela?

8 Réponse: C'est ridicule. Affirmer que les Albanais auraient exercé une

9 terreur quelconque contre la population serbe, c'est tout à fait faux. Je

10 ne suis pas du tout au courant qu'une telle chose se serait passée. Même

11 s'il y a des gens qui sont partis individuellement, ils sont partis de

12 leur plein gré, uniquement pour améliorer leurs conditions économiques.

13 Question: Donc vous ne savez pas que les Serbes ont quitté ces régions.

14 Par exemple, celles constituées par votre municipalité, la municipalité de

15 Pec?

16 Réponse: Non.

17 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous qu'il y a des faits, des

18 chiffres qui étayent tout cela, des ouvrages entiers, des statistiques,

19 des cas particuliers, des cas collectifs?

20 M. le Président (interprétation): Le témoin dit ne rien en savoir. Il est

21 inutile de poursuivre dans ce sens.

22 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Vous dites dans votre

23 déclaration, qu'après 1990, "nos amis serbes nous disaient bonjour, on se

24 parlait, on prenait le café ensemble".

25 A partir de quel moment cet état de choses a-t-il changé? Et pourquoi, à

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1 quel moment la situation a-t-elle empiré? Est-ce que ça s'est passé à ce

2 moment-là?

3 M. Konaj (interprétation): Vous parlez du fait de prendre le café? Non,

4 non. Ça a commencé, la campagne, je veux dire, a commencé en 1990. C'est à

5 ce moment-là que la situation s'est dégradée. Par rapport à nos voisins

6 -c'est vrai que l'on était voisins-, eux, ils avaient leur propre lopin de

7 terre. Avant 1990, il est vrai de dire que l'on se saluait, mais nous

8 n'étions pas conscients des intentions qu'ils avaient et nous ne savions

9 pas le pire qui allait arriver plus tard.

10 Question: A quel moment la situation a-t-elle commencé à s'aggraver, à

11 empirer?

12 Réponse: A partir de 1990. Entre 1998 et 1999, a eu lieu l'exode de toute

13 la population du Kosovo, et à Peje en particulier. C'est à ce moment-là

14 que la situation s'est dégradée, et que leur comportement à notre égard

15 lui aussi a empiré.

16 Question: Donc ça, c'était vers le milieu de 1998, vous le dites vous-

17 même. C'est ce que vous avez dit, n'est-ce pas?

18 Réponse: Non, non, pas depuis le milieu de l'année 1998. A Peje, vraiment,

19 la situation s'est terriblement aggravée après que Loxha fut attaquée.

20 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que le tournant a été Loxha:

21 c'est à ce moment-là que la situation s'est détériorée. A quel moment cela

22 s'est passé exactement?

23 M. Konaj (interprétation): La situation avait toujours été tendue.

24 Si vous me permettez de prendre un document que j'ai dans mon sac?

25 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, quel est ce document

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1 dont vous voulez vous servir?

2 M. Konaj (interprétation): Ce sont mes notes. J'ai mes notes personnelles

3 avec moi. Il y a des choses dont je ne parviens plus à me souvenir suite à

4 la terreur, suite aux mauvais traitements que l'on a subis. J'ai du mal à

5 me souvenir de certaines choses. Si vous permettez, j'aimerais consulter

6 mes notes puisque l'accusé me pose des questions sur des dates.

7 M. le Président (interprétation): A quel moment avez-vous rédigé ces

8 notes?

9 M. Konaj (interprétation): Au fil du temps, au Kosovo, après la guerre.

10 M. le Président (interprétation): Fort bien.

11 M. Konaj (interprétation): Le 5 juillet: c'est à cette date que j'ai

12 quitté ma maison, dans le quartier de Belipoja. Et c'est le 6, dans la

13 matinée du 6, que l'attaque a commencé, si je me souviens bien; Sheshelj,

14 ce criminel, rendait visite à Gorazhdec. Un des véhicules faisant partie

15 de l'escorte du convoi est entré dans Loxha et a provoqué les problèmes

16 qui ont fini par causer la mort de plusieurs citoyens. A 5 heures 45 du

17 matin, le 6, Loxha été attaquée par des avions militaires.

18 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi qualifiez-vous Sheshelj de

19 criminel? Est-ce que vous savez que c'est un criminel?

20 Réponse: Il est notoire qu'en application de ses ordres et de vos ordres,

21 ces incidents criminels se sont produits. Je m'excuse de m'exprimer de la

22 sorte, mais je dois dire la vérité.

23 Question: Puisque ce n'est pas exact, comment pourrait-il donner quelque

24 ordre que ce soit? En effet, nous passerons à autre chose.

25 Pour vous, l'attaque sur Loxha a été le grand tournant dans toute la

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1 situation, pour ce qui est de la situation qui prévalait à Pec. Est-ce que

2 j'interprète bien vos propos? C'était vraiment le tournant où la situation

3 a commencé à capoter, où la situation a commencé à se détériorer? Est-ce

4 exact?

5 Réponse: La situation n'avait jamais été bonne. Cependant, ce jour-là,

6 lorsque Loxha a été attaquée, la situation était plus navrante encore et

7 plus désolante, vu les mauvais traitements subis et les autres activités

8 qui se sont développées.

9 M. Milosevic (interprétation): Vous avez fourni une déclaration écrite; je

10 ne vois pas pourquoi vous avez besoin de relire vos déclarations. Si vous

11 avez déjà fourni une déclaration, je suppose que vous en connaissez la

12 teneur.

13 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire que vous formulez.

14 Le témoin se sert de ses notes pour répondre de façon détaillée.

15 Poursuivons.

16 M. Milosevic (interprétation): J'ai précisément demandé un détail

17 maintenant et je l'ai obtenu. Maintenant, ce que le témoin lit, ce n'est

18 pas des détails, c'est un commentaire.

19 M. Konaj (interprétation): J'ai ma propre déclaration.

20 M. Milosevic (interprétation): Qu'est-ce que vous avez dit?

21 M. Konaj (interprétation): J'avais ma déclaration et maintenant je la mets

22 de côté.

23 Question: Vous avez fourni ces déclarations aux enquêteurs du Tribunal, en

24 avril 1999, est-ce exact?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Par conséquent, en avril 1999, vous affirmiez que la situation

2 s'était dégradée 16 mois plus tôt, ou plutôt que cela avait commencé au

3 cours du premier samedi de juillet 1998. C'est bien ce que vous dites:

4 premier samedi de juillet 1998?

5 Réponse: Est-ce que vous pourriez apporter un éclaircissement? Je ne

6 comprends pas bien.

7 En ce qui concerne la ville de Peje, la situation a toujours été mauvaise,

8 mais je vous l'ai dit, le 5 juillet, Loxha a été attaquée; et, à ce

9 moment-là, la ville tout entière. La situation allait empirer trois fois

10 plus à cause du siège imposé par les forces serbes.

11 Question: Par conséquent, selon vous, la situation était trois fois pire

12 suite à l'attaque menée sur Loxha. Est-ce bien ce que vous dites?

13 Réponse: Je crois qu'il y a eu trois fois plus de renfort des forces

14 serbes, les sévices corporels, les mauvais traitements, les tueries, les

15 meurtres mystérieux.

16 M. Milosevic (interprétation): Oui, d'autres témoins se sont servis des

17 mêmes expressions, je les connais, mais moi, ce qui m'intéresse, ce sont

18 les faits.

19 Je suis sûr que vous savez ceci puisque vous êtes habitant de Pec: vous

20 savez que l'attaque menée sur Loxha avait été organisée par les dirigeants

21 de l'UCK?

22 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Laissez le

23 temps au témoin de répondre.

24 Monsieur le Témoin, savez-vous si cette attaque a été organisée par les

25 dirigeants de l'UCK?

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1 M. Konaj (interprétation): Mais, Monsieur le Juge, ce n'est pas vrai du

2 tout. Chacun sait bien que les véhicules de la police, comme je l'ai dit

3 précédemment, ont escorté le convoi de Sheshelj. C'est l'un de ces

4 véhicules qui a pris la route à partir de la route qui marque le carrefour

5 de Gorazde à Loxha. Et à cet endroit, ils ont croisé des jeunes enfants

6 qui jouaient à la balle sur la route -il y a eu des témoins de ce qui

7 s'est passé-, ces enfants ont été maltraités et Tahir Shalaj a été tué ce

8 même jour.

9 M. le Président (interprétation): Poursuivons.

10 M. Milosevic (interprétation): Connaissez-vous le nom de Tahir Zemaj?

11 M. Konaj (interprétation): Comment? Monsieur le Juge, comment? Est-ce que

12 je dois m'expliquer plus précisément?

13 M. le Président (interprétation): Non. Quelle est la question, Monsieur

14 Milosevic?

15 M. Milosevic (interprétation): Connaissez-vous un certain Tahir Zemaj?

16 M. le Président (interprétation): Quelle importance revêt ce nom?

17 M. Milosevic (interprétation): Ce nom est important parce que Tahir Zemaj

18 était le commandant en chef des unités qui ont mené l'attaque sur Loxha.

19 Son adjoint était le bandit, bien connu, Ramush Haradinaj.

20 M. le Président (interprétation): Le témoin a déclaré que cela ne s'était

21 pas passé de la façon dont vous le décrivez; donc il ne sert à rien de

22 continuer à soumettre ce genre de choses au témoin.

23 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il n'est pas exact que l'UCK a

24 déclaré que la bataille de Loxha, comme ils y font référence, est l'une

25 des opérations menées de la façon la plus professionnelle parmi celles qui

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1 ont été menées par l'UCK? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

2 M. Konaj (interprétation): Non, je ne suis pas au courant.

3 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous que la 134e Brigade a pris

4 part à cette attaque, d'après les informations qui ont été fournies par le

5 commandement de l'UCK?

6 M. Konaj (interprétation): Non, je ne suis pas au courant de cela.

7 M. le Président (interprétation): Cela ne fait pas partie de la

8 déclaration préalable du témoin. C'est vous qui soumettez cela au témoin

9 dans le cadre du contre-interrogatoire, mais vous avez abordé ici de

10 nouvelles questions. Il convient de revenir à ce qui est abordé dans la

11 déclaration préalable du témoin.

12 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que nous n'avons pas tous ici

13 entendu dire que la bataille de Loxha était un tournant et qu'à partir de

14 ce tournant, la situation n'a fait qu'empirer?

15 M. le Président (interprétation): Nous avons entendu dire cela, mais ce

16 que vous affirmez maintenant découle de votre propre stratégie de contre-

17 interrogatoire. Vous avez déjà posé des questions relatives à cette

18 première question au témoin, vous lui avez présenté votre thèse, mais je

19 crois que nous sommes en train de perdre notre temps. Le témoin n'était

20 pas là, il a simplement établi ce qu'il avait pu entendre dire.

21 Je propose que nous passions à autre chose.

22 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

23 Vous déclarez qu'il y a eu une bataille, vous déclarez qu'une bataille a

24 eu lieu: qui opposait-elle à Loxha?

25 M. Konaj (interprétation): L'armée et la police serbes attaquaient les

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1 civils innocents de Loxha.

2 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que vos propres commandants qui,

3 aujourd'hui, font publiquement des récits de cette bataille...

4 M. le Président (interprétation): Cessez cela. Le témoin vous explique ce

5 qu'il a entendu dire. Tout cela n'aide pas la Chambre. Si cela vous paraît

6 pertinent, vous pourrez en temps utile nous présenter des éléments de

7 preuve.

8 Voilà 20 minutes que nous nous sommes sur ce sujet. Vous n'avez qu'une

9 heure devant vous, je vous suggère de vous concentrer sur ce qui a été

10 abordé effectivement dans la déclaration préalable du témoin.

11 M. Milosevic (interprétation): Mais je voudrais souligner quelque chose

12 et, ne l'oubliez pas, le témoin a déclaré qu'il s'agissait là d'une

13 question clé, d'un tournant; tournant qui avait marqué une détérioration

14 de la situation. Il s'agit là d'une déformation manifeste des faits. Il

15 existe des éléments de preuve irréfutables à propos de cela, et notamment

16 des livres publiés par les commandants de l'UCK.

17 M. le Président (interprétation): C'est ce que vous affirmez, mais tout

18 cela n'a rien à voir avec ce que le témoin a dit. Le témoin a dit ce qu'il

19 avait vu, le témoin a dit ce qui lui était arrivé. Vous avez la

20 possibilité de contre-interroger le témoin sur ce qu'il a pu dire. Je vous

21 suggère à nouveau de passer à une autre question.

22 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que le nom de Ramabaja vous dit

23 quelque chose?

24 M. Konaj (interprétation): Non.

25 Question: Et le nom de Stojkaj vous dit-il quelque chose?

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1 Réponse: Je sais qu'ils viennent de la municipalité de Decan.

2 Question: Et le nom de Hadri Gjoraj vous dit-il quelque chose?

3 Réponse: Je viens de la municipalité de Peje, je ne viens pas de la

4 municipalité de Decan. Je connais ma région.

5 Question: Moi, je parle ici de Pec. Je ne parle pas de ces personnes qui

6 sont nées à Pec, je parle des personnes qui ont fait des choses à Pec.

7 Est-ce que le nom Farush Thaci vous dit quelque chose?

8 Réponse: Mais cette question n'est pas claire.

9 Question: Je vous demande si le nom de cet homme vous dit quelque chose.

10 Connaissez-vous cet homme? Farush Thaci?

11 Réponse: Non.

12 Question: Et le nom Salih Ceku, vous dit-il quelque chose?

13 Réponse: Non.

14 Question: Et Rrustem Buci, est-ce un nom qui vous dit quelque chose?

15 Réponse: Non.

16 Question: Avez-vous jamais entendu parler de Shaban Shala?

17 Réponse: Non.

18 M. Milosevic (interprétation): Et Hasan Kamaja, est-ce que c'est un nom

19 que vous avez déjà entendu?

20 M. Konaj (interprétation): Non.

21 M. le Président (interprétation): C'est assez! Le témoin a déclaré qu'il

22 ne connaissait pas ces personnes.

23 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit de noms de commandants d'unités

24 de l'UCK, qui à l'époque, précisément à l'époque dont le témoin parle de

25 la façon la plus extraordinaire que soit, ont attaqué Loxha avec des

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1 forces très importantes.

2 M. le Président (interprétation): Je vous ai dit de passer à autre chose!

3 Alors, à moins que vous ne changiez de question, à moins que vous ne

4 passiez à autre chose, nous allons mettre un terme à ce contre-

5 interrogatoire.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais j'ai un grand nombre d'autres

7 questions à poser, ne vous en faites pas. Il y a encore une question que

8 je souhaite poser. Le témoin nous a dit qu'il était inspecteur en

9 bâtiment, il nous a dit qu'il avait suivi tout un cursus.

10 Est-ce que vous savez qu'un livre a été publié, l'auteur est Mërgimi. Ce

11 livre a été publié en l'an 2000, je n'ai ici qu'un exemplaire photocopié

12 de ce livre. Ce livre s'intitule, "Ainsi parlait Tahir Zemaj. Commentaires

13 sur la guerre". Est-ce que vous êtes au courant de ce livre que vous avez

14 publié en l'an 2000?

15 M. le Président (interprétation): Un instant. Est-ce que vous êtes en

16 train de suggérer que c'est le témoin qui a publié ce livre?

17 M. Milosevic (interprétation): Non, non, pas du tout. Je dis que ce sont

18 ceux qui ont envoyé le témoin ici, qui ont publié ce livre afin de

19 déformer les événements et de les présenter d'une certaine façon.

20 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire que vous êtes en

21 train de faire.

22 Monsieur, est-ce que vous savez quoi que ce soit à propos de cet ouvrage?

23 M. Konaj (interprétation): Je sais que ce livre a été publié, mais jamais

24 je n'en ai eu un exemplaire entre les mains.

25 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que ce livre contient des

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1 informations qui ont été données par vos commandants? On parle de fusils

2 sans recul, on parle d'armes lourdes, d'équipement lourd...

3 M. le Président (interprétation): Mais le témoin ne sait rien à propos de

4 ce livre. Il ne convient pas d'utiliser l'expression "vos commandants ".

5 Rien ne justifie l'emploi d'une telle expression. Rien ne permet d'établir

6 une telle chose. Vous pouvez nous soumettre ce livre plus tard si vous

7 estimez que c'est nécessaire et pertinent mais, en attendant, je souhaite

8 que nous reprenions le fil de ce contre-interrogatoire en passant à une

9 autre question.

10 M. Milosevic (interprétation): Je parle de fusils sans recul, je parle des

11 équipements d'armes lourdes; tout cela, on en fait état dans le livre. Et

12 j'en parle, je mets cela en exergue, parce que le témoin a déclaré, il y a

13 quelques instants, que l'armée avait lancé une attaque contre des civils

14 désarmés. Or nous parlons de nombreuses unités de l'UCK, des unités de

15 l'UCK ont pris part à cela, ils ont attaqué Loxha. Tout cela est dans le

16 livre.

17 M. le Président (interprétation): Nous allons mettre un terme à ce contre-

18 interrogatoire si vous ne passez pas à une autre série de questions.

19 M. Milosevic (interprétation): Bien. S'il est bien clair que le témoin est

20 en train d'enfiler des mensonges…

21 M. le Président (interprétation): C'est à nous qu'il revient de nous

22 prononcer sur ce point. Poursuivez.

23 M. Milosevic (interprétation): C'est exactement comme si vous disiez

24 qu'aujourd'hui est samedi.

25 Quand avez-vous envoyé votre fils aîné en Suisse?

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1 M. Konaj (interprétation): Avant le mois de juillet, pour autant que je

2 m'en souvienne. Il a dû partir vers le début du mois de février.

3 Question: Revenons au mois de juillet. Vous avez déclaré que c'est à

4 partir de ce moment-là que la situation avait empiré. Et vous avez déclaré

5 qu'au cours du mois d'avril de l'année qui a suivi, après moins de huit ou

6 dix mois donc, vous avez dit que la situation avait soudainement empiré,

7 16 mois auparavant. Alors, comment est-ce que tout cela est possible? Est-

8 ce que nous parlons là de la déclaration que vous avez faite en avril, ou

9 est-ce que nous parlons là de quelque chose que vous avez dit plus tard?

10 M. Konaj (interprétation): Messieurs les Juges, l'accusé mélange tout.

11 Moi, j'ai été très clair dans ce que j'ai dit. J'ai dit que l'attaque sur

12 Loxha avait eu lieu le 5 juillet. Le 6, il y a eu des attaques aériennes

13 lancées par des hélicoptères. Moi j'ai envoyé mon fils en Suisse plus tôt.

14 M. le Président (interprétation): Nous disposons de vos déclarations sur

15 ce point.

16 Alors, Monsieur Milosevic, quelle est la question suivante?

17 M. Milosevic (interprétation): Qui est Lorenz Konaj?

18 M. Konaj (interprétation): C'est mon frère.

19 M. Milosevic (interprétation): Où vit-il?

20 M. Konaj (interprétation): Est-ce que cela vous intéresse vraiment? Est-ce

21 que je dois lui répondre, Monsieur le Juge?

22 M. le Président (interprétation): Non, à moins que vous ne puissiez nous

23 démontrer la pertinence de cette question.

24 Où votre frère résidait-il en 1998 et en 1999, peut-être pouvez-vous nous

25 aider sur ce point?

Page 3795

1 M. Konaj (interprétation): Bien sûr. Il vivait en Allemagne; il a été

2 envoyé là-bas.

3 M. Milosevic (interprétation): Quels étaient ses liens avec l'UCK?

4 M. Konaj (interprétation): Je ne sais pas.

5 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous s'il a pris part, d'une façon

6 quelconque, à l'organisation de l'UCK? Est-ce que certaines de ses

7 activités ont eu un lien avec ce qu'il a pu vivre en Allemagne?

8 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président?

9 M. le Président (interprétation): Oui.

10 Mme Romano (interprétation): Quelle est la pertinence de ces éléments qui

11 portent sur la famille de l'accusé?

12 M. Kay (interprétation): Monsieur le Président, permettez-nous de soulever

13 un point: peut-être que cela a eu une influence sur ce témoin et, dans ce

14 cas, peut-être que l'accusé a le droit de poser de telles questions. Voilà

15 ce que je peux dire au nom de l'accusé.

16 (Les Juges se concertent.)

17 M. le Président (interprétation): Nous autorisons ces questions si

18 l'accusé est en mesure de nous en démontrer la pertinence.

19 Monsieur Milosevic, vous devez maintenant poser des questions qui

20 permettront d'établir la pertinence de ce que vous demandiez tout à

21 l'heure à propos du frère du témoin.

22 M. Milosevic (interprétation): Une question directe: est-ce que le témoin

23 est au courant de la participation de son frère dans l'organisation de

24 l'UCK et est-ce que cela n'a pas un lien avec le séjour de son frère en

25 Allemagne?

Page 3796

1 M. Konaj (interprétation): Je ne sais pas.

2 Question: Dans votre déclaration, parlant de ce premier samedi du mois,

3 vous déclarez que votre femme avait eu un pressentiment: elle pensait que

4 quelque chose de grave allait se produire; c'est sur la base de ce

5 pressentiment que vous avez décidé d'envoyer votre mère et vos deux filles

6 vers la maison de votre père, qui se trouve à Pec. Ensuite, vous-même et

7 votre femme avez quitté votre domicile pour vous rendre également au

8 domicile de votre père. Tout cela s'est produit le même jour, si je ne me

9 trompe?

10 Réponse: Ce n'est pas tout à fait exact. La vérité, la voici: j'ai envoyé

11 ma femme et mes deux filles, deux mois auparavant, au quartier de Karagaq;

12 et ma femme et moi-même, nous sommes restés là où nous étions, dans le

13 quartier d'Adania 1(phon.). Nous y sommes restés jusqu'au 5 juillet. A

14 cette date, parce que le quartier avait été encerclé, parce que la

15 situation était telle que je l'ai décrite, le même jour, donc le 5

16 juillet, ma femme et moi-même sommes partis pour rejoindre ma mère et nos

17 filles; ma femme ne voulait plus rester pour passer la nuit dans la

18 maison. Donc nous sommes partis dès le lendemain. Nous avons entendu dire

19 qu'il y avait eu une attaque sur Loxha.

20 Question: Cela coïncide avec les informations dont nous disposons ici:

21 vous avez quitté votre domicile juste avant l'attaque, presque quelques

22 heures seulement avant le début de l'attaque. Vous dites que vous êtes

23 partis la veille, que l'attaque s'est produite aux premières heures de la

24 matinée, donc on peut dire que vous avez quitté votre domicile quelques

25 heure seulement avant le début de l'attaque.

Page 3797

1 Réponse: Oui, avant, mais nous ne savions pas que Loxha allait être la

2 cible d'une attaque; il n'y avait absolument aucun combat auparavant.

3 C'est parce que ma femme a insisté que nous sommes partis. Nous avons

4 traversé le cimetière musulman, le cimetière catholique; les cimetières

5 étaient pleins de civils en armes et de paramilitaires.

6 Question: Vous ne saviez donc pas qu'une attaque allait être lancée sur

7 Loxha. Vous êtes partis juste avant l'attaque simplement du fait du

8 pressentiment qu'avait eu votre femme, c'est ce que vous affirmez?

9 Réponse: Je répète ce que j'ai dit: je n'ai eu aucun contact ou aucun

10 entretien qui m'aurait permis de savoir ce qui allait se passer. Nous,

11 nous restions claquemurés à l'intérieur de la maison.

12 Question: Donc vous n'avez eu aucun contact, aucun entretien avec qui que

13 ce soit de l'UCK?

14 Réponse: Non.

15 Question: Shaqir Studenica vous a-t-il dit qui avait pillé votre maison,

16 qui l'avait endommagée?

17 Réponse: Shaqir Studenica m'a expliqué que ma maison avait été envahie et

18 que le cadavre de la vieille Naxhije Hoti avait été aperçu dans ma maison.

19 Il s'agit de la mère de mon voisin; elle a été tuée par la police à

20 Petran, l'un des points de passage où les véhicules étaient contrôlés.

21 Cela s'est passé le mardi et pas le 5 juillet. Elle a été tuée le lundi

22 et, le mardi, Shaqir Studenica m'a rapporté ce qui s'était passé. La

23 police est arrivée dans la maison de mon oncle, la police recherchait mes

24 fils et, ensuite, moi-même, je me suis rendu dans la maison de mon oncle.

25 Question: Pourquoi la police s'est-elle rendue au domicile de votre oncle

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1 pour y chercher vos fils puisque vos fils étaient inscrits comme demeurant

2 à votre adresse normalement?

3 Réponse: La femme qui a été tuée et dont le corps a été déposé sur le

4 balcon de ma maison… Enfin, il a été dit que l'un de mes fils avait tué un

5 policier. Mon oncle a déclaré que ce n'était pas vrai, il a essayé

6 d'expliquer que mon fils ne se trouvait pas là depuis déjà un certain

7 temps, et donc ils ont forcé mon oncle à les accompagner pour identifier

8 la victime.

9 Question: Pourquoi a-t-on soupçonné votre fils du meurtre de cette femme

10 alors que votre fils n'était pas du tout dans les parages?

11 Réponse: L'accusé devrait poser cette question à la police parce que c'est

12 la police qui a affirmé cela.

13 M. Milosevic (interprétation): D'après ce que je comprends de ce que vous

14 nous dites, la police agissait sur les instructions du juge d'instruction

15 qui menait une enquête sur le meurtre de cette femme, votre fils était

16 considéré comme un suspect. Est-ce que ce n'est pas cela qui s'est passé?

17 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas à répondre.

18 Monsieur Milosevic, voilà 45 minutes que vous traitez des événements qui

19 sont survenus dans le courant du mois de juillet 1998. Ces événements

20 n'ont qu'un lien très ténu avec ce que le témoin vient ici nous dire. Si

21 vous souhaitez contester le récit qu'il a fait d'événements dont il a été

22 témoin -je parle des événements de mars 1999-, vous devez le faire en

23 l'espace du quart d'heure qu'il vous reste.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ai-je besoin de répéter que

25 je conteste absolument tout ce que le témoin a dit. Je conteste tout ce

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1 qu'il a dit comme je conteste tout ce qu'ont dit les témoins qui sont

2 venus ici et qui n'ont pas dit la vérité, depuis le début de ces

3 audiences.

4 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas la peine de prononcer un

5 discours. Si vous souhaitez poser des questions au témoin sur ce qui s'est

6 passé au mois de mars, faites-le. Faites-le maintenant.

7 M. Milosevic (interprétation): La deuxième chose que je souhaite établir

8 bien clairement, c'est que je pars du principe qu'il n'est pas interdit

9 que j'interroge un témoin pendant une courte période de temps, alors que

10 j'interroge un témoin pendant peu de temps, si le temps que j'utilise

11 n'est pas supérieur à celui qui m'est imparti.

12 M. le Président (interprétation): Nous allons prendre cela en compte, mais

13 vous savez que la règle qui a été retenue est celle qui veut que vous

14 disposiez d'un maximum d'une heure.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous avez prévu de m'accorder une heure

16 pour le contre-interrogatoire, mais vous avez également prévu pour la

17 journée d'aujourd'hui l'audition de quatre témoins cités au titre de

18 l'Article 92bis, n'est-ce pas exact?

19 M. le Président (interprétation): Aucun projet n'a été fait quant au

20 nombre des témoins qui seraient entendus d'aujourd'hui. Mais là n'est pas

21 la question. Poursuivons.

22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, je pensais que, dans le temps qui

23 m'étaient imparti, j'allais essayer de procéder de façon aussi rationnelle

24 que possible, plus rationnelle que ce n'est le cas. Mais, très bien.

25 Dites-moi, est-ce que votre fils avait un casier judiciaire sur le

Page 3800

1 territoire de la RSFY?

2 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas une question pertinente.

3 M. Konaj (interprétation): Jamais, jamais.

4 M. Milosevic (interprétation): Pourquoi la police a-t-elle demandé à votre

5 oncle de les accompagner à votre domicile?

6 M. Konaj (interprétation): Ils ont demandé à mon oncle de les accompagner

7 pour identifier le cadavre qu'il avait déposé sur le balcon de ma propre

8 maison.

9 Question: Vous aviez entendu dire que votre maison avait été endommagée et

10 pillée. Pourquoi, dans de telles conditions, vous êtes-vous d'abord rendu

11 au domicile de votre oncle? Pourquoi n'êtes-vous allé au poste de police

12 que dans un deuxième temps pour raconter ce qui s'était passé?

13 Réponse: Je n'ai pas été expliquer ce qui s'était passé. La police était

14 entrée dans la maison en plein jour pour y faire ce qu'ils ont fait. Moi,

15 je suis allé à mon domicile pour essayer de savoir ce que voulait la

16 police. La police n'a pas réussi à entrer en contact avec moi. Ils ont

17 réussi à entrer en contact avec Shaqir Studenica et c'est lui qui est venu

18 me voir; ensuite, tous les deux, nous sommes allés à la maison. A mon

19 arrivée, mon oncle m'a dit que si je ne me rendais pas au poste de police,

20 ils étaient susceptibles de se présenter chez moi à n'importe quel moment

21 de la journée ou de la nuit. Je me suis donc présenté au poste de police.

22 Mon oncle m'y a accompagné. Lorsque nous sommes arrivés sur place, l'un

23 des policiers nous a déclaré que tout cela n'était pas nécessaire. Il a

24 déclaré -je cite-: "Nous savons qui a fait cela et vous ne devriez pas

25 vous rendre chez vous".

Page 3801

1 Ensuite, mon oncle a demandé pourquoi nos maisons avaient été traitées de

2 la sorte et le policier l'a insulté. J'ai pris mon oncle par le bras et

3 nous sommes tous les deux partis.

4 Question: Comment le policier a agressé votre oncle?

5 Réponse: Le policier l'a insulté, il a insulté le nom de sa mère.

6 Question: Donc il l'a injurié?

7 Réponse: Oui, effectivement. Il a dit: "J'encule ta mère albanaise". Et à

8 ce moment-là, j'ai pris mon oncle par le bras et nous sommes partis.

9 Question: Quand avez-vous quitté le Kosovo exactement pour aller au

10 Monténégro?

11 Réponse: J'ai quitté le Kosovo deux fois en 199l: à savoir le 9 ou

12 le 10, un vendredi matin, des patrouilles de police étaient venues

13 chez mon père pour poser des questions à notre sujet; donc avant de

14 partir pour le Monténégro, mon épouse et moi-même, nous sommes

15 rendus au cimetière, et là, nous avons vu un voisin qui nous a dit:

16 "Ne retournez pas chez vous".

17 Et à moment-là, ma femme a accompagné la femme de ce voisin, pour

18 aller dans une autre maison où vivait un couple composé d'une

19 personne macédonienne et d'une personne serbe. Et c'est cette femme

20 qui les a escortés jusqu'à chez moi, pour voir si le cadavre était

21 toujours sur le balcon.

22 A leur arrivée, des hommes sont venus des fenêtres en leur disant:

23 "Où est-ce que vous allez?" J'ai répondu: "Chez moi".

24 Elle est entrée, elle a vu quelque chose qui avait été détruit.

25 Elle a vu des murs couverts de graffitis où il était écrit "Bon

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1 retour en Serbie, allez à Tirana", etc. etc. Et à ce moment-là,

2 nous sommes partis pour le Monténégro.

3 Question: Vous dites qu'avant de partir, votre maison a été prise

4 par des tireurs embusqués?

5 Réponse: Oui c'est exact. Il y en a deux autres qui ont été

6 détruites également, et d'ailleurs le Tribunal a des photographies

7 de tout cela. C'était des maisons d'un étage, et les tireurs

8 embusqués avaient pris position dans celle qui n'était pas encore

9 terminée. Celle dont je viens de parler, également trois ou quatre

10 autres qui se trouvaient dans le voisinage, et qui pouvaient

11 permettre de voir l'ensemble de la région de Loxha et Peje.

12 Question: Qui étaient ces tireurs embusqués qui ont pris position

13 dans votre maison?

14 Réponse: Nous n'avons pas eu la possibilité d'aller voir qui ils

15 étaient, car si nous les avions rencontrés, nous ne savions pas

16 quel aurait été le résultat final. Mais il y en avait un que l'on

17 appelait Franki.

18 Question: Il y a un instant, n'avez-vous pas dit que votre épouse

19 ne trouvait chez vous que des graffitis sur les murs? Quand vous

20 avez parlé des graffitis, parliez-vous de votre maison, ou vous ai-

21 je mal compris?

22 Réponse: Il y avait des graffitis sur les murs et sur les portes de

23 la maison qui étaient écrit en serbo-croate; et quand on regarde

24 les photographies, on voit très bien que c'étaient des militaires

25 ou des policiers serbes qui ont écrit cela. Je ne sais pas

Page 3803

1 exactement qui c'était parce que je n'étais pas là, je n'ai pas pu

2 vérifier. Mais à la lecture de ces graffitis, il ressort très

3 clairement que ce sont des Serbes qui ont écrit ces graffitis, car

4 les phrases qui étaient écrites, étaient: "Ici, c'est la Serbie.

5 Partez d'ici pour Tirana. Nous reviendrons". Etc.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais "Nous reviendrons", qu'est-ce

7 que cela signifie "Nous reviendrons"? Cela signifie que quelqu'un a

8 quitté l'endroit pour y revenir ensuite?

9 M. le Président (interprétation): Il n'appartient pas au témoin de

10 spéculer sur la signification de ces graffitis.

11 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous vu à ce moment-là, des

12 maisons incendiées ou endommagées en raison des événements qui se

13 sont déroulés à Loxha et dans la région?

14 M. Konaj (interprétation): Le 6 juillet, nous ne pouvions voir ce

15 qui se passait que depuis la maison de mon père, donc à une

16 certaine distance. La seule chose que nous avons pu voir, c'était

17 de la fumée. D'ailleurs, il y avait des particules de cendres qui

18 atteignaient la ville. En effet, la ville avait été attaquée par

19 les forces aériennes militaires. Et je ne sais pas pourquoi vous

20 posez cette question, parce qu'un certain nombre de maisons ont été

21 brûlées, Loxha a été complètement rasée.

22 M. Milosevic (interprétation): Vous utilisez la même expression que

23 celle qui est utilisée ici dans le livre, dont j'ai parlé tout à

24 l'heure, par les commandants de l'UCK. Ils utilisent exactement les

25 mêmes termes, "rasée", et "incendiée".

Page 3804

1 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire.

2 M. Milosevic (interprétation): Le fait que vous utilisiez les mêmes

3 expressions que celles utilisées par ces commandants est-il

4 pertinent?

5 M. Konaj (interprétation): Des hélicoptères et des avions

6 militaires portant des insignes serbes, qui aurait pu les fournir,

7 à part votre armée et votre police qui ont bombardé le village?

8 M. Milosevic (interprétation): Vos commandants affirment, écrivent

9 que ce sont leurs combattants qui ont fait cela au cours des

10 affrontements avec les forces serbes.

11 M. le Président (interprétation): Vous insistez pour continuer dans

12 le même sens votre contre-interrogatoire qui, je vous l'ai dit,

13 n'est que très peu pertinent. Donc je vais mettre un terme à ce

14 contre-interrogatoire. Vous ne cessez de revenir sur les mêmes

15 questions.

16 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que...

17 M. le Président (interprétation): Non, plus de questions.

18 Est-ce que les amicis ont des questions?

19 M. Milosevic (interprétation): J'ai encore une cinquantaine de

20 questions pour ce témoin.

21 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, pour ce

22 témoin nous n'avons pas de question.

23 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires de

24 la part du Procureur?

25 Mme Romano (interprétation): Non, Monsieur le Président. Mais

Page 3805

1 j'aimerais simplement indiquer une chose: si les Juges ont besoin

2 des photographies auxquelles le témoin a fait référence, le

3 Procureur ne les a pas soumises jusqu'à présent car elles ne

4 relèvent pas de la période évoquée dans l'Acte d'accusation, mais

5 si les Juges ont besoin de ces photographies, nous pourrons les

6 leur remettre.

7 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Merci de les

8 avoir apportées.

9 Monsieur Konaj, cela suffira, et votre contre-interrogatoire est

10 terminé. Vous pouvez maintenant vous retirer, Monsieur. Merci

11 d'être venu.

12 M. Konaj (interprétation): Merci à vous, Monsieur le Président, Messieurs

13 les Juges.

14 (Le témoin, M. Ndrec Konaj, est reconduit hors du prétoire.)

15 Mme Romano (interprétation): Avant l'entrée du témoin suivant, j'aimerais

16 apporter des éclaircissements sur un point particulier.

17 Je voudrais que les Juges sachent bien que l'un des témoins, le troisième,

18 a dû se rendre à l'hôpital pour un examen médical. Il se trouve

19 actuellement à l'hôpital.

20 M. le Président (interprétation): Très bien.

21 Mme Romano (interprétation): Excusez-moi. Je viens à l'instant de recevoir

22 le renseignement: ce témoin vient de revenir de l'hôpital, donc il ne sera

23 pas nécessaire de modifier l'ordre d'audition des témoins. Merci beaucoup,

24 Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Qui est le témoin suivant?

Page 3806

1 Mme Romano (interprétation): Edison Zatriqi.

2 (Le témoin, M. Zatriqi Edison, est introduit dans le prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Je voudrais que le témoin prononce la

4 déclaration solennelle.

5 M. Zatriqi (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

8 (Le témoin s'assoit.)

9 Vous pouvez procéder, Madame Romano.

10 (Interrogatoire principal du témoin, M. Edison Zatriqi, par Mme Romano.)

11 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demande de

12 décliner votre identité complète.

13 M. Zatriqi (interprétation): Je m'appelle Edison Zatriqi.

14 Question: Quand et où êtes-vous né?

15 Réponse: Je suis né le 5 décembre 1956 à Peje.

16 Question: Dans quelle municipalité se trouve Peje?

17 Réponse: Peje est une municipalité.

18 Question: Pouvez-vous décrire, dire quels sont les villages qui entourent

19 Peje?

20 Réponse: Un grand nombre de villages composent la municipalité de Peje,

21 Loxha, Rahociq, Qiqk(phon.), Pavlani, Radafc.

22 Question: Merci. Quelle est votre profession?

23 Réponse: En ce moment, je suis chauffeur pour les membres de l'OSCE qui

24 sont au bureau régional à Peje.

25 Question: Vous êtes Albanais?

Page 3807

1 Réponse: Oui.

2 Question: Monsieur Zatriqi, vous avez été interrogé le 20 juin 2001 par

3 les membres du Bureau du Procureur, n'est-ce pas?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Avez-vous fait ce jour-là une déclaration?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Le 29 janvier de cette année, vous avez participé à une réunion

8 à Peje, à laquelle participaient les membres du Bureau du Procureur et un

9 officier instrumentaire de ce Tribunal. Lors de cette rencontre, vous avez

10 fourni une déclaration en albanais, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Vous avez relu votre déclaration par la suite et vous y avez

13 apporté des corrections mineures et quelques ajouts, n'est-ce pas?

14 Réponse: Oui, c'est exact. A ce moment-là, j'ai corrigé des erreurs ainsi

15 que des fautes de traduction.

16 Question: Merci. La synthèse du témoignage de ce témoin est la suivante.

17 Ce témoin a vécu toute sa vie à Peje. Il dirigeait une entreprise de

18 transport "Flamingo Tours" qui avait trois autobus.

19 Le 23 mars 1999, le témoin a reçu l'ordre de se rendre dans la cour de

20 l'entreprise par la police serbe qui a confisqué les trois autobus. Quand

21 le témoin a demandé une confirmation par écrit de cet ordre, l'un des

22 policiers a pointé son fusil dans sa direction et l'a menacé. Le témoin

23 n'a plus revu les véhicules jusqu'à son retour à Peje après le conflit

24 armé. Par la suite, le témoin a découvert que ces autobus avaient été

25 utilisés pour transporter des Kosovars albanais hors de Peje.

Page 3808

1 Le témoin dit également que, le 27 mars 1999, il se trouvait chez lui dans

2 sa maison au moment où il a vu des militaires serbes en train de tirer des

3 obus à partir de la cour de l'école secondaire vers la zone de Kapeshnica.

4 Le témoin, à ce moment-là, a quitté sa maison pour aller habiter dans un

5 autre quartier.

6 Le lendemain, le 28 mars, le témoin et sa famille se sont joints à un long

7 convoi de véhicule pour se rendre à Rozhaje au Monténégro. En chemin, ils

8 ont vu des policiers et des civils qui les guidaient. Et le témoin a

9 quitté le Kosovo car il avait des craintes pour sa sécurité personnelle et

10 celle de sa famille.

11 Il est retourné à Peje, le 26 juillet 1999, jour où il a découvert que sa

12 maison, ses bureaux et ses autobus avaient été totalement brûlés.

13 Voilà le contenu de la synthèse du témoignage de ce témoin. Et nous

14 n'avons pas de question à lui poser.

15 M. le Président (interprétation): Oui. La déclaration doit être versée au

16 dossier?

17 Mme Romano (interprétation): Oui, excusez-moi, Monsieur le Président. Nous

18 demandons le versement au dossier de ce document, la synthèse de la

19 déclaration du témoin.

20 Mme Atanasio (interprétation): Ce sera la pièce à conviction 113 de

21 l'accusation.

22 Mme Romano (interprétation): Merci.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

24 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Edison Zatriqi, par l'accusé M.

25 Milosevic.)

Page 3809

1 M. Milosevic (interprétation): Vous avez passé toute votre vie à Pec,

2 n'est-ce pas, c'est une constatation que je fais.

3 M. le Président (interprétation): Votre micro, Monsieur Milosevic.

4 M. Milosevic (interprétation): Oui.

5 Monsieur le Témoin, je constate donc ce fait.

6 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous recommencer? Les interprètes

7 n'ont pas entendu le début.

8 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous avez passé toute votre vie à

9 Pec où vous travailliez dans le domaine des transports, donc vous aviez de

10 nombreuses communications avec de nombreuses personnes, est-il permis de

11 supposer qu'avant la guerre vous connaissiez très bien la situation qui

12 régnait à Pec?

13 M. Zatriqi (interprétation): Il est vrai que j'ai passé toute ma vie à Pec

14 mais je n'ai pas toujours travaillé dans le transport. J'ai commencé à

15 travailler dans ce domaine après avoir été licencié de la banque de

16 Ljubljana en 1991, date à laquelle j'ai commencé à travailler comme

17 chauffeur. Il est vrai que je circulais beaucoup dans les Balkans, de

18 façon générale. J'allais y compris en Autriche, en Italie, etc.

19 Question: Ma question avait pour objet le fait de confirmer que vous

20 connaissiez très bien la situation et les circonstances qui

21 caractérisaient la ville de Pec avant la guerre. C'est exact, n'est-ce

22 pas?

23 Réponse: Oui, j'étais assez bien informé.

24 Question: Oui, et le fait qu'avant de travailler dans le transport vous

25 ayez travaillé à la Banque de Slovénie, vous permettait également d'avoir

Page 3810

1 de nombreuses communications avec pas mal de gens et d'apprendre pas mal

2 de chose. C'est bien cela?

3 Réponse: Oui, oui, c'est exact.

4 Question: Pendant les années qui ont précédé la guerre, quelle était la

5 nature des relations entre les gens à Pec? Je vous demande de les définir

6 très brièvement, en quelques mots ou une phrase. Pouvez-vous nous dire

7 quelle était la nature de ces relations, de ces rapports?

8 Réponse: Je peux répondre à cette question, mais j'aimerais que vous me

9 définissiez plus précisément la période dont vous me parlez. Parlez-vous

10 de la période qui a précédé votre arrivée au pouvoir ou de celle qui a

11 suivi votre arrivée au pouvoir?

12 Question: Je parle de la période qui a précédé immédiatement la guerre.

13 Mais vous demandez des précisions, donc je vous réponds: juste avant le

14 début de la guerre, en 1998 et 1999 disons, quelle était la nature des

15 relations entre les gens à Pec?

16 Réponse: La période que vous venez d'évoquer a été très pénible car nous

17 subissions des contraintes importantes sur le plan de notre liberté de

18 circulation. Mais les rapports entre les Albanais et les Serbes dans cette

19 période étaient très froids, notamment après le meurtre des frères Zukaj

20 qui a eu lieu à Peje en 1998, le meurtre du Dr Ceku, le meurtre du Dr

21 Xhevat Gashi et le meurtre de Emin Basha. Tous ces meurtres ont entraîné

22 un refroidissement considérable des rapports entre les Serbes et les

23 Albanais.

24 Question: Savez-vous qui a tué ces Albanais dont vous venez de citer les

25 noms?

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1 Réponse: Dans cette période, dans la période dont nous parlons, à Peje

2 notamment, c'était un secret de polichinelle. Ces meurtres ont été

3 commandités et perpétrés par une organisation bien connue qui s'appelait

4 "la Main noire", qui avait pour habitude d'enlever des Albanais aux

5 premières heures de la journée ou pendant la nuit, si ces derniers se

6 trouvaient par hasard dans la rue, et on ne savait plus rien de ces

7 personnes à moins de les découvrir un jour mortes.

8 Question: Je ne sais pas de quelle organisation appelée "la Main noire"

9 vous parlez. Nous connaissons une organisation qui s'appelait "la Main

10 noire" et qui date d'il y a plus de cent ans. Il y a longtemps que cette

11 organisation a cessé d'exister, elle fait partie de l'histoire

12 aujourd'hui. Quelle "Main noire"?

13 Réponse: Je ne sais rien de l'organisation de "la Main noire" créée il y a

14 120 ans. Mais je sais qu'elle a poursuivi son travail à Peje, et que ses

15 membres étaient des policiers qui pendant la journée accomplissaient leur

16 travail de policiers, et pendant la nuit commettaient des crimes terribles

17 dans notre ville.

18 Question: Qu'est-ce que vous êtes en train de chercher dans les papiers

19 que vous avez sous les yeux? Vous y cherchez "la Main noire" peut-être?

20 Réponse: Non. Heureusement, je n'ai pas vécu sur mon corps le travail de

21 "la Main noire" avant la guerre.

22 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dites-nous je vous prie, racontez-

23 nous au moins qui vous a donné ces informations au sujet de cette "Main

24 noire"?

25 M. Zatriqi (interprétation): Beaucoup de rumeurs circulaient au sujet de

Page 3812

1 "la Main noire" à Peje, à ce moment-là. Et je peux dire que j'ai le nom de

2 certains membres de cette organisation ici dans mes notes, y compris les

3 noms de certains de mes voisins. On parlait beaucoup de cette organisation

4 dans la ville où j'habitais.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Zatriqi, pouvez-vous nous aider

6 sur le point suivant: quelle est la nature exacte des notes que vous avez

7 sous les yeux actuellement?

8 M. Zatriqi (interprétation): Les notes que j'ai sous les yeux portent sur

9 la période qui a précédé la guerre, et sur la période pendant laquelle

10 j'ai été déporté avec mes concitoyens.

11 M. le Président (interprétation): Quand avez-vous rédigé ces notes?

12 M. Zatriqi (interprétation): Je les ai rédigées au moment où ces

13 événements se sont produits. J'ai pris des notes à l'époque et ensuite,

14 plus tard, je les ai saisies sur ordinateur et imprimées.

15 (Les Juges se concertent.)

16 M. le Président (interprétation): Oui?

17 M. Kay (interprétation): Je voudrais aider les Juges de cette Chambre,

18 Monsieur le Président.

19 Il m'apparaît que ces notes sont manuscrites, et en haut de la page…, en

20 tout cas, il y a des mentions manuscrites en haut de la page. Apparemment,

21 tous les témoins qui arrivent maintenant, viennent dans ce prétoire avec

22 des notes écrites. Je me demande si c'est vraiment souhaitable, compte

23 tenu du fait que l'accusé doit procéder au contre-interrogatoire, que

24 celui-ci se déroule dans ces conditions.

25 Il serait peut-être utile, plus utile pour le procès que le témoin se

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1 contente de répondre aux questions qui lui sont posées, sans s'appuyer sur

2 des notes qui portent sur une période et un contexte différents qui

3 risquent de créer la confusion.

4 M. Robinson (interprétation): Monsieur Kay, avez-vous une exigence

5 d'utilisation de notes contemporaines uniquement?

6 M. Kay (interprétation): Nous n'avons pas vérifié auprès du témoin. Nous

7 ne l'avons pas interrogé sur ce point. Je suppose que ce que vous voulez

8 dire, Monsieur le Juge, c'est que ces notes peuvent être écrites à

9 l'époque des faits. Mais il est difficile de le déterminer avec précision,

10 la période en question étant assez longue.

11 Je soulève ce point devant les Juges parce qu'il pourrait être utile que

12 les éléments de preuve soit fournis d'une autre façon.

13 M. Robinson (interprétation): Je vous ai dit ça, Monsieur Kay, parce que,

14 même si parfois les notes ne répondent pas aux conditions régissant un

15 interrogatoire, il arrive que des témoins utilisent des notes pour se

16 rafraîchir la mémoire, des notes écrites après les événements, après les

17 faits. Mais nous allons nous consulter. En effet, dans ces conditions, les

18 Juges évaluent le poids à accorder aux notes en question par la suite.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Zatriqi, nous allons vous

21 autoriser à consulter ces notes. Cependant, s'il vous est possible de

22 déposer sans vous en servir, parce que ce qui nous intéresse c'est ce que

23 vous dites ici à l'audience, pas ce qui se trouve dans vos notes. Mais si

24 vous voulez vous rafraîchir la mémoire sur tel ou tel point, libre à vous

25 de le faire.

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1 En ce qui concerne les témoins, je pense qu'à l'avenir, il serait

2 préférable de faire ceci: si les témoins veulent se servir de leurs notes,

3 ils doivent en demander l'autorisation s'ils les ont emmenés avec eux,

4 mais de façon générale, il faudrait que les témoins déposent sans note.

5 Par conséquent, je demanderai à l'accusation d'en prendre acte et, à

6 l'avenir, de le mentionner au témoin.

7 Mme Romano (interprétation): J'aimerais apporter un éclaircissement.

8 Lorsqu'ils arrivent à La Haye, ils sont dotés de beaucoup d'éléments, et

9 le Bureau du Procureur dit la même chose que vous. Ce qui est important,

10 c'est leur déposition mais parfois, les témoins veulent amener ceux-ci à

11 l'audience parce qu'ils ont peur d'oublier, c'est plutôt comme un support.

12 Mais je vous remercie.

13 M. le Président (interprétation): Oui, s'ils veulent le fournir, ils

14 peuvent le faire, mais il faut qu'ils demandent la permission.

15 Mme Romano (interprétation): Ce sera noté.

16 M. le Président (interprétation): Fort bien. Nous allons faire la pause.

17 Monsieur le Témoin, nous allons faire une pause d'une demi-heure. Au cours

18 de celle-ci, vous n'êtes censé parler à personne de votre déposition, pas

19 non plus aux membres du Bureau du Procureur. Nous allons faire une pause

20 d'une demi-heure. L'audience est suspendue.

21 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.)

22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous pouvez

23 poursuivre.

24 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous avez fait une pause après

25 avoir discuté de la question des notes, j'aimerais déclarer ceci: nulle

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1 part dans les deux déclarations préalables fournies par ce témoin, il

2 n'est dit qu'il se serait servi de notes au moment où il a fourni cette

3 déclaration. S'il ne l'a pas fait à ce moment-là, je ne comprends pas

4 pourquoi il veut le faire à ce moment. Et ceci s'applique à d'autres

5 témoins également.

6 M. le Président (interprétation): Vous pouvez lui poser une question à ce

7 propos, si vous le souhaitez.

8 M. Milosevic (interprétation): Je constate que, dans la déclaration, il

9 n'y a aucune mention de ces notes. Je pars en effet du principe que, si le

10 témoin s'était servi de ses notes au moment de la prise de déclaration,

11 cela aurait été constaté par les inspecteurs.

12 M. le Président (interprétation): Fort bien. Passons à autre chose.

13 M. Milosevic (interprétation): Donc vous avez parlé du climat qui régnait

14 et qui était rendu délétère par des crimes; vous avez fait état de

15 quelques meurtres dont on n'avait pas retrouvé les auteurs.

16 Voici ma question: savez-vous que ces crimes étaient le fait de l'UCK?

17 M. Zatriqi (interprétation): Non, vous vous trompez, ces crimes n'ont pas

18 été commis par l'UCK.

19 M. Milosevic (interprétation): Mais comment le savez-vous? Comment savez-

20 vous que ce n'était pas l'UCK qui en était responsable? Cela veut donc

21 dire que vous savez que ce n'est pas eux qui l'ont fait.

22 M. Zatriqi (interprétation): Tout d'abord, ne m'interrompez pas, écoutez

23 jusqu'au bout mes réponses.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Zatriqi, n'oubliez pas que vous

25 vous trouvez dans un prétoire. Contentez-vous, s'il vous plaît, de

Page 3816

1 répondre aux questions qui vous sont posées.

2 M. Zatriqi (interprétation): J'ai déjà donné ma réponse. Je la répète:

3 c'était un secret notoire, connu de tout le monde à Peje. Nous savions que

4 cette organisation travaillait à Peje en 1998 et 1999. Et à l'époque, on

5 n'osait même pas sortir de chez nous et, si on le faisait, c'était

6 vraiment pour de très brefs instants.

7 M. Milosevic (interprétation): Et savez-vous que ces rumeurs qui parlaient

8 de cette "Main noire", que c'étaient des rumeurs qui étaient déclenchées

9 par l'UCK.

10 M. le Président (interprétation): On s'écarte vraiment très fort des

11 charges retenues dans ce procès, surtout quand on parle de rumeurs. Est-ce

12 qu'on peut passer à quelque chose de plus pertinent?

13 M. Milosevic (interprétation): Je parle de rumeurs parce que c'est le

14 témoin qui en a parlé lui-même d'abord, mais je poursuis.

15 Vous connaissiez des gens qui se trouvaient à des postes de haute

16 responsabilité à Pec. Est-ce qu'il y avait beaucoup d'Albanais à des

17 postes de responsabilité à Pec?

18 M. Zatriqi (interprétation): A partir du moment où vous, vous êtes arrivé

19 au pouvoir, on pouvait les compter sur les doigts de la main.

20 Question: Bien. A partir de cette période, mais pas seulement à partir de

21 celle-là -je parle ici de 1998 et de 1999-, est-ce que vous connaîtriez

22 des Albanais de Pec qui se trouvaient à des positions de haute

23 responsabilité, qui étaient des hauts fonctionnaires dans le gouvernement

24 de Pec? Répondez par un oui ou par un non pour gagner du temps.

25 Réponse: En 1998, 1999, je n'ai connaissance de personne qui aurait occupé

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1 un poste important à Peje.

2 Question: Est-ce que vous avez entendu parler d'un certain Xhafer Gjuka?

3 Réponse: Oui. C'était mon professeur d'éducation physique au lycée à Peje.

4 Question: Est-ce qu'il était le chef des services sociaux à la

5 municipalité de Pec et, plus tard, aussi membre du Conseil provisoire de

6 Kosovo-Metohija?

7 Réponse: Je n'étais pas au courant des postes que Xhafer Gjuka occupait.

8 Ce que je sais, c'est qu'il était dans un parti qui s'appelait "Jul", je

9 pense, mais je ne sais pas quel était son poste précis.

10 Question: Il était membre de la direction de la gauche yougoslave, mais il

11 a aussi occupé ces postes que j'ai mentionnés. Donc vous ne saviez pas

12 qu'il était membre du conseil provisoire et qu'il était le responsable des

13 services sociaux à Pec?

14 Réponse: Ça, je ne savais pas.

15 Question: Est-ce que vous connaissez un autre Albanais qui s'appelle Demë

16 Muhaj, qui était l'adjoint au chef de la sécurité de l'Etat, à Pec? Est-ce

17 que vous connaissez cet homme?

18 Réponse: Je le connaissais en tant qu'individu, mais vous vous êtes trompé

19 au niveau du nom de famille: ce n'est pas Muhaj, mais Mujaj.

20 Question: Je ne suis pas tout à fait sûr, lorsque je vois un nom en

21 albanais, si je l'ai bien prononcé ou pas, mais ce qui compte, c'est qu'on

22 connaît l'identité de ce monsieur. Est-ce que vous connaissiez Shaqir

23 Nikqi, il était juge pour les délits à Pec?

24 Réponse: Non. Je ne le connaissais pas. C'est la première fois que

25 j'entends prononcer son nom.

Page 3818

1 Question: Est-ce que vous connaissez Mazllum Avdyli?

2 Réponse: Je ne me souviens pas de lui.

3 Question: Il était le proviseur de l'école spéciale de Pec. Est-ce que

4 vous connaissez Rizah Demaj?

5 Réponse: Dites-moi de quelle école primaire parce que je ne me souviens

6 pas de son nom.

7 Question: De l'école primaire de Rugova, près de Pec.

8 Réponse: Non, je ne me souviens pas. Je ne le connais pas.

9 Question: Puisque vous faisiez des affaires, vous connaissez sans doute le

10 nom de Fatmir Gashi? Il était directeur-adjoint du SDK, du service de

11 comptabilité publique de Pec.

12 Réponse: Oui. Je connais personnellement Fatmir Gashi. C'était un de mes

13 collègues au moment où je travaillais à la banque. Il n'y avait pas que

14 Fatmir, il y en avait beaucoup d'autres dans le service de comptabilité

15 publique.

16 M. Milosevic (interprétation): Des Albanais, vous voulez dire?

17 M. Zatriqi (interprétation): Je ne comprends pas ce commentaire.

18 M. le Président (interprétation): Un instant. Quelle est la pertinence de

19 tout ceci? Ce que ce témoin a dit dans sa déposition, et ce qui est

20 important, c'est qu'il était directeur d'une société d'autocars, ces

21 autocars lui ont été confisqués, et d'après l'accusation ont été utilisés

22 pour expulser des réfugiés. Lui, personnellement, au mois de mars 1999,

23 alors qu'il se trouvait à Pec, il était présent au moment de pilonnages et

24 il est parti en utilisant sa voiture familiale pour aller au Monténégro.

25 Voilà la teneur de sa déposition. Vous voulez élargir sa déposition à des

Page 3819

1 questions qui a mon avis, sont tout à fait dépourvus de pertinence.

2 Quel est l'intérêt, la pertinence de savoir qu'il se peut qu'il y ait eu

3 certains Albanais occupants des positions, des postes de responsabilité à

4 Pec à l'époque?

5 M. Milosevic (interprétation): Eh bien la pertinence, c'est ceci: le

6 témoin affirme que les Albanais avaient occupé des postes de

7 responsabilité auparavant, et que par la suite pratiquement on pouvait

8 compter les Albanais sur les doigts de la main.

9 Puis, il dit qu'avant la guerre, en 1998, 1999, il ne connaissait pas

10 d'Albanais à des postes de responsabilité. Ici j'ai sous les yeux une

11 liste longue d'Albanais qui avaient des postes d'importance à Pec. Lui,

12 était directeur d'une entreprise. Vous savez Pec, ce n'est pas New York

13 City. Vous êtes obligatoirement, forcément, vous connaissez tous ces

14 Albanais. La question ici porte sur la crédibilité de la déclaration de ce

15 témoin, lorsque celui-ci déclare qu'il n'y avait pas d'Albanais occupant

16 des postes de responsabilité. Et lorsqu'on le confronte à ces faits, il

17 devra bien l'admettre, parce que ce n'est pas simplement une dizaine ou

18 moins d'une dizaine de personnes qui auraient eu ces postes, mais plus que

19 cela. Et il y avait notamment des Albanais au gouvernement. C'est

20 important, parce qu'ici on donne l'impression que les Albanais n'avaient

21 pas le moindre droit. Or, ici, on voit dans une grosse ville comme Pec,

22 qu'il y avait des Albanais qui occupaient des postes très importants, qui

23 étaient des fonctionnaires de la vie publique, qui avaient des postes au

24 gouvernement. C'est important.

25 Si vous affirmez que tout ceci est sans intérêt, alors...

Page 3820

1 M. le Président (interprétation): Même si vous aviez raison à ce propos,

2 le présent Tribunal se penche sur la question des déplacements et des

3 meurtres commis en 1999, et il se peut effectivement que des éléments de

4 preuve concernant des éléments intérieurs soient intéressants. Mais ici,

5 ceci ne me semble pas particulièrement important. Or, ceci accapare une

6 partie importante du temps qu'à la Chambre. On a eu le cas pour le dernier

7 témoin avant celui-ci, et maintenant pour celui-ci. Si vous avez des

8 oppositions à faire à ce que dit un témoin dans sa déclaration préalable,

9 formulez-le à l'encontre de ce témoin.

10 M. Milosevic (interprétation): A mon avis, la pertinence de ces questions

11 résident dans le fait aussi que ces faits remettent en cause ces

12 affirmations portant sur l'expulsion, parce que s'il y avait eu des

13 expulsions, ces personnes qui occupaient des postes de responsabilité,

14 elles auraient dû participer à ces expulsions vu le poste important

15 qu'elles occupaient. Qui croirait que des Albanais, étant membres d'un

16 gouvernement municipal, organiseraient l'expulsion, la déportation

17 d'Albanais, même si on pouvait, même si on supposait -ce qui n'est pas

18 vrai- que les Serbes en seraient responsables?

19 M. le Président (interprétation): Ce témoin a relaté la façon dont il est

20 parti pour la Macédoine. Si vous contestez ce qu'il dit, dites-le. Il

21 affirme qu'on a séquestré ces véhicules; si vous contestez ce qu'il

22 affirme, dites-le-lui. Il pourra répondre à de telles questions, et ce

23 sont ces questions-là qui sont pertinentes.

24 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez. Il est manifeste que je conteste

25 ses dires, et j'espère que si vous lisez soigneusement cette déclaration

Page 3821

1 préalable, vous aussi vous comprendrez clairement que ces déclarations

2 même contestent ces affirmations. Nous allons le montrer.

3 Combien de temps me donnez-vous pour ce témoin, de façon à ce que je

4 puisse écourter le nombre de questions? Parce que je ne pourrais pas poser

5 toutes les questions que je voulais lui poser.

6 M. le Président (interprétation): Vous avez le temps habituel. Vous avez

7 déjà utilisé 20 minutes, me semble t-il.

8 M. Milosevic (interprétation): Donc, j'ai encore 40 minutes, c'est cela?

9 M. le Président (interprétation): A peu près, oui.

10 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Donc j'ai jusqu'à midi 40, 30.

11 Je vais faire le tri ou je vais passer en revue ces noms.

12 Dites-moi si vous connaissez des gens? Est-ce que vous connaissez Skender

13 Nuro, directeur de l'entreprise "Zitopromet"? Besim Haska, adjoint du chef

14 des services de vente, de l'inspection des ventes dans le district?

15 Muhammed Çorkadiu, président de la municipalité de Pec et chef du

16 département d'aménagement du territoire? Skender Hajdini, chef du service

17 du personnel à Pec; en d'autres termes, la personne qui recrutait les

18 gens, les installait au niveau du personnel et aussi les licenciait?

19 Drita, un médecin? Fatmir Kurmehaj, directeur de l'hôpital?

20 M. le Président (interprétation): Ce qu'on laisse entendre, Monsieur le

21 Témoin, c'est qu'il y avait des Albanais occupant des postes importants à

22 Pec. Pourriez-vous nous aider sur ce point ou n'êtes-vous pas en mesure de

23 le faire?

24 M. Zatriqi (interprétation): Oui, tous ces noms mentionnés par l'accusé

25 sont les noms de personnes que je connais, mais je dois dire que l'on ne

Page 3822

1 peut pas comparer ces postes au poste de Fatmir Gashi, qui est un

2 spécialiste de l'économie. On ne peut pas comparer ces postes à celui de

3 Xhafer Gjuka, parce que c'est vraiment radicalement opposé. Je ne sais pas

4 comment fonctionnait de l'intérieur cette municipalité, parce que moi je

5 n'ai pas grand-chose à voir avec ère.

6 M. Milosevic (interprétation): Je ne comprends pas les explications qui

7 sont fournies lorsqu'on parle de "opposé". Est-ce que Gjuka n'est pas lui

8 aussi un Albanais?

9 Réponse: Oui, c'est un Albanais.

10 Question: Il était membre du gouvernement provisoire du Kosovo. Pourquoi

11 est-ce que vous faites une opposition entre un tel poste et le poste d'un

12 autre Albanais, qui était lui directeur du SDK?

13 Réponse: Je n'étais pas au courant du poste qu'occupait Xhafer Gjuka. Je

14 ne savais pas qu'il avait un poste aussi élevé. Je savais qu'il était

15 directeur-adjoint du SDK.

16 Question: D'accord. Tous ces Albanais dont j'ai cité le nom, est-ce que

17 vous les connaissiez?

18 Réponse: Pas tous. Je connaissais certains d'entre eux, mais simplement

19 parce que c'étaient des résidents de Peje, je les connaissais de vue.

20 Question: Est-ce que vous essayez de dire que vous ne saviez pas ce qu'ils

21 faisaient, quels postes ils occupaient? Est-ce que c'est cela que vous

22 affirmez ici?

23 Réponse: Non, je ne savais pas quels postes ils occupaient.

24 M. Milosevic (interprétation): Je ne veux pas perdre davantage de temps,

25 je vais vous donner simplement la lecture de dix autres Albanais, comme

Page 3823

1 cela vous verrez si vous les connaissez.

2 Docteur Mithat Jakupi, chef du service d'orthopédie de l'hôpital de

3 l'Etat, Petpa…

4 On demande de ralentir.

5 M. le Président (interprétation): Veuillez ralentir la lecture.

6 M. Milosevic (interprétation): Adem Grapçi, juge du Tribunal municipal,

7 Ukaj, coordinateur de l'éducation à Pec. On a affirmé que l'on

8 n'enseignait rien en albanais aux Albanais, mais même le chef de

9 l'éducation était Albanais: Sali Dionka était directeur de la coopérative.

10 Il y avait cinq directeurs de coopérative dans les villages environnants

11 de Pec qui étaient tous des Albanais. Le chef du service militaire de Pec,

12 lui aussi, était Albanais. En d'autres termes, vous avez la liste des

13 conscrits; les appels à mobilisation étaient envoyés par Berisha et

14 Kanzara.

15 M. le Président (interprétation): Cela suffit! Le témoin est incapable

16 d'absorber tout cela.

17 M. Milosevic (interprétation): Je lui pose une question.

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Zatriqi, on vous a donné une

19 liste de noms. Est-ce que vous pouvez nous aider sur ce point ou pas?

20 M. Zatriqi (interprétation): Je connais certains de ces noms, mais je ne

21 sais pas qui occupait telle ou telle position. Ici, vous me parlez par

22 exemple d'un directeur de coopérative; moi, je m'occupais du transport;

23 cela n'avait rien à voir avec l'agriculture. Il pourrait me citer beaucoup

24 d'autres noms et je ne saurais pas pour autant ce que ces gens faisaient.

25 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous connaissez Hatixhe Berisha.

Page 3824

1 Il était chef du service militaire de Pec; donc il s'occupait des

2 conscrits militaires, des listes d'appel à la mobilisation. Il était

3 Albanais du Kosovo. Est-ce que vous saviez cela?

4 M. Zatriqi (interprétation): Je ne connais rien à son propos. Moi, j'ai

5 terminé mon service militaire il y a belle lurette. Je ne connais pas ce

6 qui se passait dans la défense populaire généralisée.

7 Question: Fort bien. Vous vous occupiez de transport. Est-ce que vous

8 connaissiez Fetih Hoti et Ekrem Zara qui, tous deux, travaillaient

9 précisément en tant qu'inspecteurs du transport dans la municipalité de

10 Pec, donc c'est vraiment dans votre domaine: c'étaient eux aussi des

11 Albanais.

12 Réponse: Oui, je le connais bien et je sais aussi qu'il avait en fait un

13 pouvoir, une autorité très limitée. Il avait été inspecteur pendant des

14 années. Il y avait un autre inspecteur qui s'appelait Antic et ces deux

15 hommes avaient des pouvoirs très limités, des responsabilités très

16 limitées.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. En matière de responsabilité, c'est

18 une question très relative. Je ne peux pas vous donner toute cette lecture

19 parce que cela ne servirait à rien, mais j'ai lu au moins 13 noms jusqu'à

20 présent ou plutôt j'ai cité des postes occupés par des Albanais.

21 Est-ce que vous n'avez pas le sentiment que, vu cette structure de postes

22 occupés par les Albanais, un gouvernement peut participer à la

23 déportation, à l'expulsion d'Albanais de Pec?

24 M. le Président (interprétation): Il n'appartient pas au témoin de décider

25 d'une telle chose.

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1 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous vous souvenez, dans les

2 villages avoisinants, autour de Pec, il y avait des policiers locaux, il y

3 avait notamment un village albanais où un policier a été élu par les

4 villageois du village même. Ils exerçaient ces fonctions de policiers

5 locaux en tenue, armés et ils étaient sélectionnés par les villageois dans

6 ces villages respectifs. Est-ce que vous vous en souvenez?

7 M. Zatriqi (interprétation): Non, je ne m'en souviens pas parce qu'à Peje

8 et dans les environs, je n'ai jamais rencontré de policiers albanais. Or

9 j'ai eu des contacts avec beaucoup de gens.

10 Question: Est-ce que vous vous souvenez de Haxha Berisha, du village de

11 Krushevac.

12 Réponse: Non, je ne me souviens pas de ce nom.

13 Question: C'était un policier local, un Albanais, au village de Krushevc.

14 Et Gaci Kalmendi, est-ce que ce nom vous dit quelque chose?

15 Réponse: Non. Je n'ai entendu parler d'aucun nom de ces personnes dont

16 vous pensez qu'elles avaient été élues comme policier local.

17 Question: Il était dans le village de Kosoriq. Et qu'en est-il du nom de

18 Bushataj; c'était un policier local pour les villages qui sont proches de

19 Pec. Il a été tué par les membres de l'UCK, justement parce qu'il était

20 policier. Est-ce que vous avez eu connaissance de cet événement?

21 Réponse: Non, je n'en ai pas entendu parler.

22 Question: Et Nikoliqi, qui était responsable pour le village de Dragovan

23 entre autres, est-ce que vous êtes au courant de cela?

24 Réponse: Non, je ne l'ai pas connu et, comme vous le savez très bien, je

25 vivais à Peje pendant 1998 et pendant 1999; je ne me suis pas rendu dans

Page 3826

1 ces villages dont vous citez le nom et ces noms que vous me soumettez ne

2 me disent absolument rien.

3 Question: Puisque vous dites que vous n'étiez qu'à Pec, est-ce que vous

4 avez connaissance d'un seul civil serbe, d'un policier ou d'un membre de

5 l'armée serbe, qui aurait été tué ou enlevé par l'UCK dans la région de

6 Pec, pendant la période de temps allant du 4 octobre ….A VERIFIER (date

7 inaudible pour les interprètes)?

8 Réponse: Non, je n'en ai pas entendu parler. Non, je n'ai pas du tout

9 entendu parler de cela.

10 Question: Est-ce que vous avez déjà entendu parler de l'UCK? Est-ce que

11 cela vous dit quelque chose? Est-ce que vous en avez entendu parler

12 lorsque vous vous trouviez à Pec?

13 Réponse: Oui, j'en ai beaucoup entendu parler et j'en suis fier.

14 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous avez donné votre réponse.

15 Est-ce que vous êtes au courant des meurtres d'enfants qui ont eu lieu au

16 bar Panda de Pec: des garçons ont été tués, ils avaient entre 17 et 19

17 ans?

18 M. Zatriqi (interprétation): J'ai entendu parler de cet incident. C'est

19 l'un des meurtres, bien que l'appellation soit contestable, qui se sont

20 produits dans ma ville.

21 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez été témoin de cela

22 directement ou bien est-ce qu'il ne s'agit que de choses qui vous ont été

23 rapportées?

24 M. Zatriqi (interprétation): Ce sont des choses dont on parlait à Peje et

25 dans les alentours, des choses dont j'ai entendu parler. Est-ce que je

Page 3827

1 peux poursuivre?

2 M. le Président (interprétation): Quelle est la question suivante que vous

3 souhaitez poser, Monsieur Milosevic?

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

5 Sadriu Komoni, est-ce que cela vous dit quelque chose?

6 M. Zatriqi (interprétation): Non, je ne me rappelle pas ce nom.

7 Question: Savez-vous quelle était la nature de ses liens avec les Serbes?

8 Réponse: J'ai dit tout à l'heure que je ne connaissais pas cet homme. Je

9 ne vois pas comment je pourrais être au courant de la nature des liens

10 qu'il entretenait avec les Serbes.

11 Question: Et Thaci Uka, c'est un Albanais. Est-ce que vous le connaissez?

12 Est-ce que son nom vous dit quelque chose?

13 Réponse: Non, jamais entendu parler de lui.

14 Question: Et Bushati Jahu, un autre Albanais. Est-ce que ce nom vous est

15 familier?

16 Réponse: Non, je ne l'ai pas connu.

17 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous au moins entendu parler du fait

18 que Bushati Jahu, en tant que membre de l'UCK, avait tué Thaci Uka? C'est

19 quelque chose dont vous avez certainement entendu parler à Pec?

20 M. le Président (interprétation): Le témoin vous a déjà répondu: il vous a

21 dit qu'il ne le connaissait pas. Il n'est pas au courant de toutes ces

22 questions que vous abordez.

23 Est-ce que nous pouvons passer à quelque chose de plus apparemment

24 pertinent?

25 M. Milosevic (interprétation): Mais tout le monde à Pec savait ce que

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1 l'autre mangeait pour son déjeuner. Alors, je vous laisse à penser ce

2 qu'il en était lorsqu'il y avait un meurtre.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que l'on peut effectivement

4 décrire les choses ainsi pour ce qui se passait à Peje?

5 M. Zatriqi (interprétation): Mais non, ce n'est pas vrai du tout. Peje

6 n'est pas une ville aussi petite que l'accusé essaie de le dire. Et puis,

7 n'oublions pas que nous n'avions pas la possibilité de nous déplacer

8 librement. Nous ne pouvions pas avoir accès à toutes les informations

9 auxquelles il est fait référence ici.

10 M. Milosevic (interprétation): Mais vous affirmez que votre liberté de

11 mouvement n'était pas totale à Pec, pendant ces événements. C'est bien

12 exact?

13 M. Zatriqi (interprétation): Oui, c'est exact. Nous ne pouvions nous

14 déplacer que pendant trois ou quatre heures chaque jour; le reste de la

15 journée, nous le passions chez nous.

16 Et à un moment donné, il nous était même impossible de sortir ne serait-ce

17 que sur nos balcons. Moi, je ne pouvais même pas sortir sur le balcon de

18 ma maison; un voisin m'a conseillé de rester à l'intérieur parce que des

19 tireurs embusqués avaient pris position tout autour et qu'en sortant sur

20 le balcon, je pouvais mettre ma vie en danger. Je peux donc affirmer

21 qu'effectivement, notre liberté de mouvement était fortement compromise.

22 Question: Vous ne pouviez pas vous déplacer librement parce que votre

23 voisin vous avait dit que c'était dangereux. En fait, ce n'est pas parce

24 que quelqu'un vous a empêché de vous déplacer que vous avez choisi de ne

25 pas rester chez vous. Est-ce exact? Est-ce que je vous ai bien compris?

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1 Oui ou non?

2 Réponse: Non, vous m'avez mal compris. J'ai dit que non seulement nous ne

3 pouvions pas nous déplacer comme nous le souhaitions, mais encore que nous

4 ne pouvions même pas nous aventurer sur les balcons de nos maisons à cause

5 des tireurs embusqués qui étaient postés tout autour.

6 Question: Ça bien sûr, ce n'est pas vrai. Mais enfin, dites-moi qui vous

7 empêchait de vous déplacer? En quoi votre liberté de mouvement était-elle

8 entravée?

9 Réponse: C'est vrai que personne n'est venu me voir personnellement pour

10 me dire: "Tu ne peux pas sortir. Tu ne peux pas te déplacer dans la

11 ville". Mais cela étant dit, il y a eu tous ces meurtres très mystérieux

12 et cela nous suffisait à nous, citoyens, pour nous convaincre qu'il

13 fallait limiter nos déplacements. On ne sortait que lorsque c'était

14 absolument nécessaire, on ne sortait pas pour d'autres raisons.

15 Question: Très bien. Mais ma question était celle-ci: est-ce que qui ce

16 que ce soit a limité votre liberté de mouvement en émettant un ordonnance

17 ou un décret, de quelque nature que ce soit? Et votre réponse a été "non".

18 Alors, avançons pour ne pas perdre plus de temps.

19 Est-ce que vous avez entendu parler de Berisha Zymber, un Albanais?

20 Réponse: Non.

21 Question: Donc vous ne savez pas que cet homme a été tué?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Et savez-vous que la presse, la radio et la télévision ont rendu

24 tous ces meurtres publics? A Pec, vous aviez une chaîne de radio publique,

25 vous pouviez suivre les programmes serbes et les programmes de Pristina

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1 sur les ondes de cette radio. Alors est-ce que cela veut dire que vous ne

2 vous teniez pas au courant de ce qui était diffusé dans les médias?

3 Réponse: Mais absolument pas! Je ne suivais pas les informations qui

4 étaient diffusées par ces médias installés à Peje. Comme vous le savez,

5 nous suivions d'autres programmes, des programmes diffusés par satellite.

6 Question: Vous ne suiviez donc que les programmes diffusés par l'Albanie

7 et par les pays d'Europe occidentale, si je vous ai bien compris?

8 Réponse: Nous suivions les programmes de l'Albanie, mais très, très

9 rarement. Principalement, nous suivions les programmes de CNN, de

10 Euronews, des programmes européens. C'est dans ces programmes que nous

11 pouvions découvrir ce qui produisait dans notre voisinage, c'est de là que

12 nous pouvions apprendre la vérité.

13 Question: Donc, par Euronews vous avez appris ce qui se passait, vous avez

14 appris ce qui se passait dans votre propre ville. C'est ça que vous êtes

15 en train de nous dire?

16 Réponse: Je ne faisais pas référence à ma ville, pas seulement. Je faisais

17 référence à tout le territoire du Kosovo. Ce sont ces programmes que nous

18 suivions. Je peux vous parler d'autres sources d'information, si j'arrive

19 à m'en souvenir.

20 Question: Très bien. Donc Euronews et les autres médias. Donc vous

21 affirmez que vous ne saviez absolument rien de ce qui se passait dans

22 votre propre ville, c'est bien cela?

23 Réponse: Je n'ai pas dit que je ne savais rien de ce qui se passait. J'ai

24 simplement répondu à la question que vous m'avez posée, aux questions que

25 vous m'avez posées qui incluaient tous ces noms. Moi, ce que je vous ai

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1 dit, c'est que je n'avais pas entendu ces noms, que je n'ai pas

2 connaissance des programmes par lesquels j'aurais pu apprendre les

3 informations que vous m'avez soumises ici.

4 Question: Est-ce que vous avez entendu parler de Uçi Skender, un Albanais?

5 Uçi ou Kuçi, je ne suis pas sûr de la prononciation. Mais donc: Uçi ou

6 Kuçi Skender?

7 Réponse: Non, ça ne me dit rien.

8 Question: Voici d'autres noms albanais: Adem Gjuka et Bakir Gjuka; il

9 s'agit de deux Albanais. Cela vous dit quelque chose?

10 Réponse: Est-ce que vous pourriez me répéter le nom de famille?

11 M. Milosevic (interprétation): Gjuka Adem et Bakir.

12 M. Zatriqi (interprétation): Oui, j'ai entendu parler de ces hommes. En

13 fait, je les connaissais personnellement. Ils ont été enlevés et exécutés

14 le 23. On les a trouvés morts.

15 M. le Président (interprétation): Le 23 de quel mois?

16 M. Zatriqi (interprétation): Le 23 juillet 1998.

17 M. Milosevic (interprétation): 1998? 1998? Ils ont été enlevés et tués par

18 l'UCK? Ça, c'est exact, à la fin juillet 1998.

19 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas posé de question. Vous

20 avez simplement affirmé quelque chose. Il ne sert à rien de poser au

21 témoin des questions à propos desquelles il ne sait rien.

22 Savez-vous ce qu'il est advenu de ces deux hommes, Monsieur?

23 M. Milosevic (interprétation): Il vient de dire qu'ils avaient été

24 enlevés.

25 M. le Président (interprétation): Oui.

Page 3832

1 Mais est-ce que vous savez, Monsieur, ce qu'il est advenu de ces deux

2 hommes après leur enlèvement?

3 M. Zatriqi (interprétation): Oui, les frères Gjuka ont été emmenés par des

4 membres de la police serbe en uniforme. Et vers 21 heures -des témoins

5 oculaires en ont fait le récit et j'ai ce récit ici-, vers 21 heures donc,

6 ils ont été exécutés. On a retrouvé leurs cadavres au carrefour où se

7 trouve l'usine de sucre et la brasserie. Ce sont les travailleurs qui

8 venaient relever leurs camarades qui les ont découverts au matin.

9 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous avez parlé à l'un

10 quelconque de ces témoins vous-même?

11 M. Zatriqi (interprétation): Oui. Ce sont eux qui m'ont fait ce récit.

12 Moi, je connaissais non seulement les témoins qui m'ont parlé mais les

13 frères Gjuka; je me suis entretenu avec les familles des frères Gjuka et

14 avec les témoins.

15 Question: Vous affirmez donc que ces deux hommes n'ont pas été tués par

16 des membres de l'UCK? Vous affirmez que les policiers les ont emmenés pour

17 les y massacrer, c'est ce que vous dites?

18 Réponse: Oui, c'est la vérité.

19 Question: Cela suffit. C'est une réponse qui suffit.

20 Savez-vous qui est Nuredin Zejnullahu?

21 Réponse: Oui. C'était un médecin. Je l'ai très bien connu. Son meurtre a

22 vraiment traumatisé toute la ville de Peje.

23 Question: Oui, et sa fille a été blessée; lors de cet incident, elle a été

24 légèrement blessée. Il a été tué par l'UCK sur le seuil de sa propre

25 maison, n'est-ce pas exact?

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1 Réponse: Vous avez tort. Il a été abattu par des hommes masqués sur le

2 seuil de sa maison. Ces hommes parlaient serbe et je sais cela

3 parfaitement. Ce que vous dites à propos de l'UCK ne tient absolument pas

4 debout.

5 Question: Savez-vous qu'une enquête exhaustive a été menée, des éléments

6 de preuve ont été retrouvés qui démontraient exactement ce qui s'était

7 passé? Tout le monde a été choqué. Il a été tué parce qu'il travaillait à

8 l'hôpital, il travaillait comme un citoyen de Serbie, il accomplissait ses

9 fonctions sur son lieu de travail. Tout le pays est au courant.

10 Réponse: Oui, effectivement, mais ce que vous ne dites pas, c'est que ce

11 sont les hommes de votre propre police qui ont été les auteurs de cet

12 acte. Personne ne conteste le fait qu'il travaillait à l'hôpital, c'était

13 un médecin. Il travaillait comme tout Albanais qui avait un emploi à

14 l'hôpital. Sa profession était telle qu'il fallait qu'il se mette au

15 service de la population. C'est pour cela que nous connaissions tous feu

16 "M. le Docteur".

17 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez parlé à une

18 personne qui aurait été le témoin de cet incident?

19 M. Zatriqi (interprétation): Après cet incident, je me suis entretenu avec

20 un grand nombre de ces collègues. L'un de mes parents est un proche de la

21 victime, et c'est ainsi que j'ai pu rassembler des éléments d'informations

22 sur ce qui s'était passé. Je pense que ces éléments d'informations sont

23 exacts.

24 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand cela s'est

25 passé?

Page 3834

1 M. Zatriqi (interprétation): Cela s'est passé, courant novembre 1998.

2 M. Milosevic (interprétation): Cela s'est passé le 18 novembre 1998, et sa

3 fille Aida a été témoin oculaire de ce qui s'est passé. Elle a été

4 légèrement blessée. Il y a des traces de tout cela. Il s'agit d'un meurtre

5 affreux, perpétré par des membres de l'UCK.

6 M. le Président (interprétation): Ça, c'est ce que vous dites. Le témoin

7 lui, ne dit rien de similaire.

8 M. Milosevic (interprétation): Non, c'est ce qu'affirment des témoins

9 oculaires, y compris la fille de la victime.

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez vous asseoir en

11 face de nous, Monsieur Milosevic, pour déposer? Parce que pour le moment,

12 vous ne posiez aucune question. Vous ne faites qu'affirmer des choses. Or,

13 il convient que vous vous contentiez de poser des questions.

14 M. Milosevic (interprétation): Très bien, je vais accélérer. Je vais poser

15 des questions qui ont trait à la déclaration du témoin parce que je vois

16 que vous allez me prendre la parole dans dix minutes. Je ne voudrais pas

17 me retrouver une nouvelle fois dans cette situation, situation qui ne me

18 permet pas d'aller au bout des questions que je souhaite poser. Ces

19 questions ont trait à la crédibilité de tout ce qui est dit dans la

20 déclaration du témoin.

21 Dites-moi cela, et répondez à mes questions par un oui ou par un non,

22 parce que nous n'avons pas beaucoup de temps: est-ce que Pec a été

23 bombardée par l'OTAN, oui ou non?

24 M. Zatriqi (interprétation): Jusqu'au 28 mars cela n'a pas été le cas; et

25 le 28, c'est le jour ou j'ai été déporté.

Page 3835

1 Question: Très bien. Alors, répondez à cette question: combien de Serbes

2 vivent à l'heure actuelle à Pec?

3 Réponse: Je ne sais pas. Il y a des Serbes aux alentours de Peje, mais je

4 ne sais pas ce qu'il en est dans la ville même.

5 Question: Très bien. Votre réponse est donc: "Je ne sais pas". Est-ce que

6 vous savez s'il y a des Serbes à Pec, oui ou non?

7 Réponse: Il y en avait au patriarcat de Peje. Il y en avait également à

8 l'église, mais je ne sais pas ce qu'il en est par ailleurs.

9 Question: Très bien. Vous avez d'abord fait une déclaration le 20 juin

10 2001, déclaration faite auprès des enquêteurs de ce Tribunal.

11 Réponse: C'est exact. J'ai donné ma déclaration le 20 juin.

12 Question: Est-il exact que votre déclaration vous a été relue en langue

13 albanaise? Est-il exact que vous avez confirmé qu'elle était exacte et

14 correspondait à vos souvenirs et à ce que vous saviez? Est-ce que vous

15 avez signé cette déclaration?

16 Réponse: Oui. Cette déclaration m'a été relue, et tout ce qui apparaît

17 dans la déclaration est le reflet de ce que j'ai dit.

18 Question: Répondez par un oui ou par un non. Nous gagnerons ainsi du

19 temps. Est-il exact que vous avez dit que vous êtes retourné à Pec le 26

20 juillet 1999, après avoir quitté Pec le 28 mars 1999? Oui ou non?

21 Réponse: C'est exact. Je suis rentré à Peje le 26.

22 Question: Est-il exact qu'à cette occasion vous avez déclaré que vos trois

23 autocars ont été retrouvés à l'endroit même où vous avez dit qu'on vous

24 les avait enlevés, le 23 mars? Vous avez dit, par ailleurs, qu'ils avaient

25 été incendiés. Oui ou non?

Page 3836

1 Réponse: Lorsque je suis rentré à Pec, je suis d'abord allé à l'endroit où

2 les autocars étaient garés. Je les ai trouvés en ruine. Je ne parle pas

3 simplement de mes autocars, mais de ceux de mes collègues. On y avait mis

4 le feu.

5 Question: Très bien. Mais je vous demandais de me répondre par un oui ou

6 par un non. Je vous pose des questions brèves. Est-il exact que votre

7 déclaration, vous l'avez faite auprès des enquêteurs de ce tribunal, sept

8 mois et demi plus tard? C'est-à-dire, le 29 janvier 2002?

9 Réponse: C'est exact. Mais il est inexact de dire que c'est une deuxième

10 déclaration. En fait, c'est un complément qui est à ajouter à ce que j'ai

11 dit et qui constitue ma première déclaration préalable.

12 Question: Très bien. Est-ce que vous avez fait cette déclaration au mieux

13 de vos souvenirs?

14 Réponse: Dans la déclaration j'ai décrit les choses qui m'étaient

15 arrivées.

16 Question: Dites-moi quelle est la déclaration qui reflète le plus

17 fidèlement vos souvenirs: est-ce que c'est dans la première déclaration ou

18 dans la deuxième déclaration que vous êtes le plus précis?

19 Réponse: Comme je l'ai dit dans la deuxième déclaration, je ne fais

20 qu'ajouter une interprétation de ce qui s'est passé. Dans la première

21 déclaration, j'ai dit que je savais que mes autocars avaient été utilisés

22 aux fins de déportation. Mais dans la deuxième, je précise que j'ai pu

23 voir de mes propres yeux que ces autocars étaient utilisés à cette fin.

24 Question: Très bien. Dans la deuxième déclaration, la déclaration la plus

25 récente, vous déclarez: "Je n'ai pas su que mes autocars étaient utilisés

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1 pour le transport des citoyens de Pec. En fait, j'ai vu mes autocars

2 remplis de citoyens avant d'être déportés de Pec". (Fin de citation.)

3 Est-ce que c'est exact? C'est ce qui est indiqué dans votre déclaration,

4 la déclaration la plus brève.

5 Réponse: J'ai dit que, quand j'avais été déporté, j'avais pu observer que

6 mes autocars étaient remplis de citoyens. Ils étaient à bord de ces bus,

7 mais ne s'y trouvaient pas de leur propre gré.

8 Question: Qu'est-ce qui est vrai, dites-le-moi? Est-ce que vous n'avez pas

9 appris que vos autobus étaient utilisés pour transporter les citoyens de

10 Pec, ou bien est-ce que vous avez vu vos autobus être utilisés pour

11 transporter ces personnes? Est-ce que vous pouvez nous dire laquelle de

12 ces deux déclarations est exacte?

13 Réponse: Mes autocars ont été confisqués par la police le 23, soit la

14 veille du début des bombardements de l'OTAN.

15 M. Milosevic (interprétation): Mais cela, nous l'avons établi; ce n'est

16 pas sur cela que repose ma question.

17 Ma question est la suivante: n'avez-vous pas appris que vos autocars

18 étaient utilisés pour le transport des citoyens de Pec? Est-ce que ce

19 n'est que lorsque vous avez vu ces autocars remplis de citoyens que vous

20 avez compris qu'ils étaient utilisés pour le transport de personnes, oui

21 ou non?

22 M. le Président (interprétation): Je ne comprends pas la question. Le

23 témoin vous a déclaré qu'il avait vu ses autocars remplis de personnes.

24 Vous ne pouvez pas lui demander d'aller plus loin. Il ne peut pas lui-même

25 aller au-delà de cela.

Page 3838

1 M. Milosevic (interprétation): Très bien, je vais poursuivre.

2 Est-il exact que, le 26 et le 27 mars, vous avez passé tout votre temps

3 dans la cave de votre maison à Pec, dans le quartier de Sahat Kulla? C'est

4 ce qui apparaît dans votre déclaration.

5 M. Zatriqi (interprétation): C'est exact, c'était un vendredi soir.

6 Question: Donc vous avez effectivement passé les journées des 26 et 27

7 mars dans cette cave. Est-ce qu'il est vrai que vous avez quitté Pec le 28

8 mars?

9 Réponse: J'ai été déporté le 28 mars, je ne suis pas parti de mon plein

10 gré.

11 Question: Bien, ça, c'est l'explication que vous donnez.

12 Vous avez donc quitté Pec les 26 et 27 mars, vous êtes resté dans la cave

13 de votre maison à Sahat Kulla, à Pec, puis vous avez quitté Pec le 28

14 mars. Dites-moi quand vous avez vu ou quand vous avez appris que vos

15 autocars étaient utilisés pour le transport de personnes? Comment l'avez-

16 vous observé puisque vous étiez dans une cave les 26 et 27, et puisque

17 vous avez quitté Pec le 28? Comment avez-vous pu observer vos autocars?

18 Réponse: J'ai quitté mon domicile le 27 et, dans ma déclaration, je

19 précise que j'ai passé la nuit des 27 et 28 dans la maison de ma tante. Le

20 28, lorsque la police est arrivée à la maison, je suis parti à bord de mon

21 véhicule et, lorsque j'ai atteint la route principale, j'ai aperçu une

22 longue colonne de personnes qui avançait et, à quelques centaines de

23 mètres, j'ai aperçu mon autocar qui était rempli de citoyens de Peje.

24 Question: Très bien. Est-ce que cela signifie que vous souhaitez

25 convaincre vos auditeurs que les Serbes ont utilisé vos autocars pour

Page 3839

1 déporter des Albanais? Est-ce que vous voulez nous faire croire

2 qu'ensuite, les Serbes ont ramené ces autocars, les ont garés exactement à

3 l'endroit où ils se trouvaient lorsqu'ils les avaient emmenés? Est-ce que

4 vous voulez dire qu'ensuite, le feu a été mis à ces autocars? Est-ce que

5 c'est ça que vous voulez dire?

6 Réponse: Mais il est vrai que la population a été déportée à bord de mes

7 autocars.

8 M. Milosevic (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai plus de question.

9 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic.

10 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Edison

11 Zatriqi.)

12 M. Tapuskovic (interprétation): Je vais simplement revenir sur quelques

13 éléments de la déclaration du témoin.

14 Vous avez déjà dit que, le 28, vous aviez été expulsé. C'est ce que vous

15 venez de dire, vous avez été déporté, expulsé du Kosovo.

16 Vous dites ici, je lis votre déclaration préalable, vous mentionnez le 26;

17 c'est ce qui m'intéresse: le 26 mars. Vous l'avez passée, cette journée,

18 dans la cave. Le 27, il y a eu le pilonnage ou le bombardement dont vous

19 avez parlé, mais le 26, vous étiez dans la cave.

20 Pourriez-vous nous expliquer cette situation? Parce que je dois dire une

21 chose: je sais que ce jour-là, effectivement, toute la Yougoslavie se

22 trouvait dans des caves, dans des sous-sols. Mais où, où avez-vous passé

23 toute cette journée du 26? Et pourquoi l'avez-vous passée, toute cette

24 journée, dans la cave?

25 M. Zatriqi (interprétation): Dans la nuit du vendredi au samedi, ça a été

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1 la plus dure nuit pour moi et ma famille. Nous avons passé cette nuit dans

2 la cave parce qu'il y avait beaucoup de déplacements de la police et de

3 l'armée dans mon quartier. Et plus particulièrement, il y avait un char

4 qui avait été placé dans la cour de l'hôpital, la cour de l'école qu'on

5 voit depuis ma fenêtre. Vers 2 heures du matin, à disons dix mètres de

6 chez moi -parce que je regardais, j'observais ce char; ma famille se

7 trouvait dans la cave, moi pas -, un camion vert est arrivé et quelque

8 huit policiers armés en sont descendus. Ces policiers ont commencé à tirer

9 sur ma maison. Ils ont brisé les fenêtres, d'autres parties de la maison,

10 puis ils ont dirigé leurs fusils vers le sol, ils se sont mis à courir. Et

11 moi, je me suis dit qu'il allait tuer ma famille. Heureusement, cela ne

12 s'est pas passé. Mais le samedi matin… Il faut que je vous le dise, il

13 faut que je vous dise que ce camion qui s'était arrêté devant chez moi et

14 dont étaient descendus les policiers qui ont ensuite tiré sans pitié sur

15 ma maison, ce camion, vers 6 heures du matin, lorsque j'étais allé à

16 l'arrière de la maison, je l'ai revu. Il était garé, ce même camion, dans

17 la cour de mes voisins qui étaient des Serbes.

18 Question: Vous n'avez pas dit un seul mot de tout ceci auparavant.

19 Auparavant, vous vous êtes contenté de dire que, le 27, des tirs avaient

20 commencé dans le quartier de Kapeshnica; c'est ce que vous avez vu de vos

21 propres yeux. C'est ce que vous avez déclaré, alors que maintenant, vous

22 parlez de quelque chose que vous n'avez jamais mentionné auparavant.

23 Vous avez ajouté également que, le 27, vous aviez vu des gens qui se

24 déplaçaient et vous avez dit ne pas savoir ce qui se passait à ce moment-

25 là. Est-ce exact?

Page 3841

1 Réponse: C'est exact. Le 27 mars, j'ai vu le pilonnage du quartier de

2 Kapeshnica. Cet événement qui s'est passé pendant la nuit, que j'ai vu de

3 chez moi, je l'ai vu, et le fait que le quartier de Kapeshnica était

4 bombardé, cela m'a poussé à abandonner ma maison.

5 Question: Vous n'avez pas dit avoir vu la police. Vous avez dit que, le

6 lendemain, vous aviez embarqué votre famille dans votre voiture et que

7 c'est seulement à ce moment-là que vous étiez parti sur la route

8 principale.

9 Pourriez-vous expliquer aux Juges les motifs, vos motifs qui vous ont

10 poussé à partir parce que vous ne mentionnez pas que quelqu'un vous aurait

11 influencé d'une quelconque façon, vous aurait contraint à quitter votre

12 maison? Pourriez-vous nous relater les circonstances qui vous ont poussé à

13 quitter votre maison?

14 Réponse: Tout d'abord, je m'appelle Zatriqi; je corrige votre

15 prononciation. Je pense…

16 Question: Excusez-moi.

17 Réponse: J'avais de bonnes raisons de partir de Peje. En effet, la maison

18 de ma tante, qui se trouvait dans le quartier de Jarina… Non, la maison de

19 ma tante se trouvait dans ce quartier, la police avait commencé à arriver,

20 la police passait de maison en maison, donnait cinq minutes aux gens pour

21 partir. Et c'est la raison pour laquelle je suis parti de ma ville et de

22 ma maison avec la famille de ma tante.

23 Question: Monsieur, j'arrive à la fin des questions que j'ai à vous poser

24 sur ce point, en vous signalant que vous n'avez pas décrit les choses de

25 cette façon dans votre déclaration écrite.

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1 Dans cette déclaration, vous avez dit qu'à un certain moment, vous vous

2 êtes tous entassés dans votre voiture. Pourquoi est-ce que vous avez dit

3 cela précédemment et qu'aujourd'hui, vous dites les choses d'une façon

4 différente?

5 Réponse: Aujourd'hui, je parle des mêmes choses, mais plus brièvement.

6 Peut-être que c'est la raison pour laquelle il y a ce malentendu, mais je

7 ne vois pas pourquoi je déformerais les choses qui me sont arrivées. Je

8 les dis toujours de la même façon, très simplement.

9 Question: Encore une chose que j'aimerais vous demander: en 1998, 1999,

10 avant le 25 mars, avez-vous, à quelque moment que ce soit, entendu parler

11 d'affrontements armés entre l'armée et l'UCK dans votre région?

12 Réponse: Je n'en suis pas sûr, mais je crois qu'il y a eu quelques

13 affrontements. Peut-être que le mot est trop important, peut-être devrait-

14 on utiliser un autre mot, mais en tout cas, à Loxha, un village qui se

15 trouve non loin de Peje, ce village a été pilonné. Je ne pense pas, cela

16 dit, qu'il y ait eu des affrontements entre l'UCK et l'armée, mais le

17 village a été pilonné.

18 Question: Est-ce que les Serbes et les Albanais sont arrivés à Pec pour

19 chercher à s'abriter, à se mettre à l'abri, loin des affrontements, de

20 façon à ne pas être blessés? Oui ou non?

21 Réponse: Si vous parlez de Loxha, il n'y avait pas nécessité d'aller à

22 Peje, puisque Loxha se trouve dans la même plaine que Peje. Mais oui, les

23 gens cherchaient à s'abriter.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

25 M. le Président (interprétation): Madame Romano?

Page 3843

1 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Edison Zatriqi, par

2 Mme Romano.)

3 Mme Romano (interprétation): Une seule question, un seul point à aborder

4 encore, Monsieur le Président.

5 Monsieur le Témoin, vous avez dit aux Juges de cette Chambre que, lorsque

6 vous êtes revenu à Peje, vous avez découvert que votre autobus et ceux de

7 vos collègues étaient totalement détruits. Combien d'autobus avez-vous vus

8 à ce moment-là?

9 M. Zatriqi (interprétation): A mon retour, j'ai vu les autobus garés: il y

10 avait donc là trois autobus qui m'appartenaient, plus 12 autres, donc 15

11 autobus détruits au total.

12 Question: Savez-vous ce qui était arrivé à ces autobus dans la période

13 antérieure? Est-ce que les autres autobus dont vous venez de parler ont

14 été saisis et confisqués, comme les vôtres?

15 Réponse: Les autobus ont été confisqués le 23 et je ne les ai revus que le

16 28, jour de ma déportation. Il y avait le mien, il y en avait d'autres qui

17 appartenaient à mes collègues et certains de ces autobus sont allés

18 jusqu'à la frontière albanaise, d'autres autobus que j'ai vus de mes yeux

19 sont allés dans la direction de Rozaje.

20 Question: Comment savez-vous cela? Avez-vous parlé avec les propriétaires

21 des autobus?

22 Réponse: Je n'avais pas besoin de parler aux propriétaires parce que j'ai

23 reconnu ces autobus à bord desquels se trouvaient des gens de la

24 population de la ville, des femmes, des enfants, des personnes âgées qui

25 toutes se trouvaient là contre leur gré.

Page 3844

1 Mme Romano (interprétation): Merci, Monsieur le Témoin.

2 Je n'ai plus de question, Monsieur le Président.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Zatriqi, c'est la fin de votre

4 déposition. Je vous remercie d'être venu devant ce Tribunal international

5 pour témoigner. Vous pouvez à présent vous retirer.

6 M. Zatriqi (interprétation): Merci.

7 (Le témoin, M. Edison Zatriqi, est reconduit hors du prétoire.)

8 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, avant l'entrée du

9 témoin suivant, Mahmut Halimi, je vous annonce que le témoin qui doit être

10 entendu après Mahmut Halimi est Aferdita Hajrizi; elle est déjà présente

11 dans le bâtiment. Mais une requête existe qui porte sur sa déclaration

12 écrite.

13 M. le Président (interprétation): Si les amici souhaitent nous parler de

14 recevabilité en rapport avec l'Article 92, ce serait le moment. Je pense

15 que cette déclaration est recevable.

16 Le témoin sera entendu donc en contre-interrogatoire.

17 M. Tapuskovic (interprétation): J'aimerais dire quelques mots, si vous me

18 le permettez, Monsieur le Président.

19 Au nom des amici, je dirais que cette décision vous appartient. Il vous

20 appartient de vous prononcer sur ce point. Je ne vois aucune raison pour

21 que cette déclaration ne soit pas utilisée.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, souhaitez-vous dire

23 quelque chose à ce sujet?

24 M. Milosevic (interprétation): Non.

25 M. le Président (interprétation): Très bien. Le document est donc admis.

Page 3845

1 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Saxon, vous avez la parole.

3 M. Saxon (interprétation): L'accusation appelle Mahmut Halimi à la barre.

4 (Le témoin, M. Mahmut Halimi, est introduit dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Halimi, vous êtes invité à

6 prononcer la déclaration solennelle.

7 M. Halimi (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir, Monsieur.

10 (Le témoin s'assoit.)

11 (Interrogatoire principal du témoin, M. Mahmut Halimi, par M. Saxon.)

12 M. Saxon (interprétation): Monsieur, vous appelez-vous Mahmut Halimi?

13 M. Halimi (interprétation): Oui.

14 Question: Etes-vous né le 7 avril 1954?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Monsieur Halimi, êtes-vous né dans le village de Zhabar, dans la

17 municipalité de Mitrovica au Kosovo?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Le 24 août 2001, avez-vous fait une déclaration devant des

20 représentants du Bureau du Procureur, au sujet d'événements que vous avez

21 vécus personnellement au Kosovo ou dont vous avez été le témoin?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Le 21 janvier de cette année 2002, dans la ville de Mitrovica au

24 Kosovo, vous a-t-on remis un exemplaire de la déclaration que vous aviez

25 faite le 24 août 2001, et ce, en présence de représentants du Bureau du

Page 3846

1 Procureur, ainsi que de l'officier instrumentaire, nommé à son poste par

2 le Greffe de ce Tribunal?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Ce jour-là, avez-vous confirmé que l'exemplaire de votre

5 déclaration qui vous a été remis -je parle de la déclaration que vous avez

6 faite le 24 août 2001-, avez-vous confirmé que cet exemplaire était

7 véridique et fidèle à la réalité?

8 Réponse: Oui, avec quelques petites corrections dues à des erreurs de

9 traduction.

10 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, je demande le versement

11 au dossier, de cette déclaration.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Mme Atanasio (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction de

14 l'accusation n°114.

15 M. Saxon (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

16 pour résumer cette déclaration, je rappelle que M. Mahmut Halimi est

17 diplômé de l'université de droit de Pristina en 1977. Il a travaillé comme

18 juge pendant de nombreuses années à Mitrovica, en tant que juge public,

19 tout en ayant un cabinet privé.

20 Dans sa déclaration, M. Halimi décrit l'action des forces serbes à

21 Mitrovica, qui y ont commis un certain nombre de crimes graves avant le

22 début du conflit armé international de 1999.

23 Il décrit les harcèlements auxquels il a été soumis lui-même, ainsi que

24 les membres de sa famille. Monsieur Halimi décrit le meurtre de deux

25 Albanais du Kosovo, bien connus à Mitrovica, M. Latif Berisha et M. Agim

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1 Hajrizi, peu après le début de la campagne aérienne de l'OTAN, en mars

2 1999.

3 Le 25 mars, M. Halimi a reçu un appel téléphonique anonyme en langue serbe

4 et son interlocuteur lui a dit -je cite-: "Tu dois partir parce que ton

5 tour est arrivé. A la fin, on vous tuera". (Fin de citation.)

6 Monsieur Halimi dit comment lui-même et les membres de sa famille ont fui

7 la ville pour se rendre dans le village de Zhabar et, peu après la fuite

8 de la famille, la maison appartenant à cette famille, à Mitrovica, a été

9 attaquée et pillée.

10 Ayant passé deux jours à Zhabar, M. Halimi a entendu de la bouche de

11 représentants de l'UCK qu'il faudrait qu'il quitte le village, car sa

12 présence mettait en danger les autres habitants de ce village. Monsieur

13 Halimi a passé six nuits dans les montagnes avant de finir par retourner à

14 Zhabar.

15 Le 14 avril 1999, la police et les forces paramilitaires serbes se sont

16 approchées de Zhabar. Monsieur Halimi et sa famille ont donc fui vers un

17 village voisin, Zhabar e Perme.

18 Le 15 avril, M. Halimi et les membres de sa famille ont vu la police et

19 les paramilitaires serbes qui poussaient devant eux 10.000 à 20.000

20 personnes. Apparemment, il s'agissait de personnes qui étaient chassées

21 des environs de Mitrovica pour se diriger vers Zhabar. Et finalement, les

22 forces serbes ont divisé cette foule très importante, en deux groupes. Le

23 premier groupe a d'abord été envoyé vers une école dans le village de

24 Shipol, où plusieurs jeunes gens ont été assassinés, et le deuxième groupe

25 est lui aussi finalement arrivé à Shipol, mais plus tard.

Page 3848

1 Le matin du 16 avril, M. Halimi a vu ce groupe de 30.000 personnes à peu

2 près qui était renvoyé vers la ville de Peje.

3 Aux environs de 11 heures, ce même matin, les forces serbes ont pénétré

4 dans le village où M. Halimi et sa famille avaient trouvé asile, en

5 utilisant des armes à feu pour tirer et en mettant le feu aux maisons.

6 Monsieur Halimi et les membres de sa famille ont essayé de fuir le village

7 de Zhabar e Eperme à bord d'une voiture, mais leur véhicule a été saisi

8 par les forces serbes qui leur ont donné l'ordre de poursuivre leur chemin

9 à pied. Ils ont reçu l'ordre de se diriger vers la gare routière de

10 Mitrovica. La famille est retournée vers le village de Zhabar où elle a

11 trouvé abri pour la nuit dans des lieux abandonnés, des maisons

12 abandonnées.

13 Le lendemain, le 17 avril, M. Halimi et son frère ont réussi à se procurer

14 deux voitures pour assurer le transport de leur famille respective. Ils

15 ont rejoint une colonne de véhicules qui n'a cessé de subir des vols de la

16 part des forces serbes qui arrêtaient également le convoi très souvent.

17 Cette colonne a fini par quitter Mitrovica en passant par Klina et

18 Djakovica pour traverser la ville de Prizren et atteindre la frontière

19 albanaise.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, souhaitez-vous

21 commencer le contre-interrogatoire tout de suite ou préféreriez-vous que

22 nous suspendions et que vous commenciez cet après-midi?

23 M. Milosevic (interprétation): C'est à vous qu'il appartient d'en décider.

24 M. le Président (interprétation): Eh bien, vous pouvez commencer votre

25 contre-interrogatoire.

Page 3849

1 (Contre-interrogatoire du témoin, Mahmut Halimi, par l'accusé, M.

2 Milosevic.)

3 M. Milosevic (interprétation): Dès que vous avez terminé vos études, vous

4 avez commencé à travailler comme juge au Tribunal municipal et, un peu

5 plus tard, vous êtes devenu juge au tribunal de district régional. Et vous

6 étiez très jeune: vous étiez le juge le plus jeune du tribunal régional à

7 l'époque?

8 M. Halimi (interprétation): A la fin de mes études, j'ai suivi un

9 apprentissage, pendant un an à peu près, conformément à la loi. Après

10 quoi, j'ai passé les examens nécessaires et je suis ensuite devenu juge au

11 tribunal régional. Il est vrai que j'étais l'un des plus jeunes parmi les

12 juges de ce tribunal, mais il y avait deux de mes collègues qui ont obtenu

13 leur diplôme en même temps que moi et qui ont été nommés juges au même

14 moment.

15 Question: Au début de votre déclaration, vous dites qu'au début de l'année

16 1982, vous êtes devenu juge au Tribunal de Mitrovica et que votre carrière

17 de juge s'est terminée lorsque vous avez obtenu l'autorisation de prendre

18 votre retraite. Vous avez donc mis fin à votre carrière publique à ce

19 moment-là, en 1985, et, en 1986, vous avez ouvert votre cabinet privé.

20 Je vous pose la question suivante: pourquoi avez-vous pris votre retraite

21 si tôt, en 1985, pratiquement trois ans seulement après être devenu juge

22 au Tribunal régional de Kosovska-Mitrovica? Vous êtes bien né en 1954,

23 n'est-ce pas, et vous avez pris votre retraite en 1985: c'est bien tôt!

24 Réponse: Je n'ai pas démissionné, je n'ai soumis aucune demande de mise à

25 la retraite, mais j'ai reçu de la part des autres juges la demande de

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1 demander ma retraite, parce que je voulais ouvrir mon cabinet privé.

2 Question: Vous dites que cela vous a été demandé: s'agissait-il d'une

3 demande, d'une prière, de quoi exactement? Etait-ce une demande de mise à

4 la retraite? Est-ce que vous êtes retraité? Est-ce que vous avez d'abord

5 obtenu votre retraite en tant que juge du tribunal régional public, avant

6 de commencer à travailler dans le privé?

7 Réponse: Non, c'est inexact. J'ai présenté une demande de mise en

8 disponibilité et je l'ai fait en respectant un préavis de trois mois.

9 Lorsque le groupe qui a nommé un juge à son poste ne prend aucune décision

10 pendant ce délai, donc une fois que le préavis de trois mois est expiré,

11 le mandat du juge arrive à son terme. C'est la procédure qui a été

12 appliquée dans mon cas.

13 Question: Je vous pose la question parce que, dans votre déclaration, ce

14 que j'ai lu tout à l'heure est écrit. Donc ce qui figure noir sur blanc

15 dans votre déclaration est un récit inexact de ce qui s'est réellement

16 passé, si je comprends bien ce que vous venez de dire?

17 Réponse: C'est peut-être un malentendu lié à l'interprétation entre

18 l'albanais, l'anglais et le serbe. La vérité, c'est ce que je viens de

19 dire.

20 Question: Très bien. Dans votre déclaration, vous déclarez que vous

21 pouviez défendre les intérêts de vos clients uniquement par la voie

22 financière. Est-ce exact?

23 Réponse: Oui, c'est exact. Dans la majorité des cas, en tout cas.

24 M. Milosevic (interprétation): Vous dites qu'en tant que juge qui a

25 d'abord travaillé au Tribunal municipal, puis au Tribunal régional, puis

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1 en tant qu'avocat dans le privé, donc avec toute cette carrière que vous

2 aviez derrière vous, avant de devenir avocat, vous dites que vous avez eu

3 à vous occuper de corruption?

4 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas très bien. Quel est

5 l'objet de ces questions et quelle est la question, Monsieur Milosevic?

6 M. Milosevic (interprétation): J'ai d'abord posé au témoin une question en

7 rapport avec son travail sur la base de la déclaration qu'il a faite, dans

8 laquelle il déclare qu'il défendait les intérêts de ses clients grâce à

9 l'argent. Je lui ai demandé si c'était exact, il a dit que oui. Il

10 s'ensuit une deuxième question...

11 M. le Président (interprétation): Il serait peut-être préférable de

12 demander au témoin de s'expliquer sur sa réponse en lui demandant ce que

13 signifie cette réponse.

14 Pouvez-vous nous aider sur ce point? Un instant, je vous prie, nous

15 obtiendrons les éclaircissements nécessaires.

16 Monsieur Halimi, pouvez-vous nous aider sur ce point? Ce qui vient d'être

17 dit, c'est que vous aviez quelque chose à voir avec la corruption, les

18 pots-de-vin? Pouvez-vous nous aider sur ce point?

19 M. Halimi (interprétation): Oui, je vais vous vous expliquer cela très

20 rapidement.

21 Sous le régime de Milosevic au Kosovo, la justice s'achetait et se vendait

22 au Kosovo. Il fallait payer pour cela.

23 M. Milosevic (interprétation): Donc en tant qu'avocat, vous étiez impliqué

24 dans la corruption, c'est bien cela?

25 M. Halimi (interprétation): La seule façon d'obtenir la mise en liberté de

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1 quelqu'un consistait à verser des pots-de-vin; je parle de mes clients.

2 M. Milosevic (interprétation): Il y a quelques instants, vous avez dit que

3 cela se passait ainsi sous le régime de Milosevic. Mais vous êtes devenu

4 avocat en 1985 ou au début de 1986. N'y a-t-il pas là, une légère

5 contradiction avec ce que vous déclarez?

6 M. Halimi (interprétation): Vous venez de prononcer certains mots, mais

7 moi, je pensais aux années 90 et pas à 1985.

8 M. Robinson (interprétation): Monsieur Milosevic, j'aimerais poser une

9 question au témoin, parce que j'ai quelque difficulté à comprendre toute

10 cette histoire au sujet des pots-de-vin et notamment de la participation

11 personnelle du témoin, en tant qu'avocat, à cette corruption.

12 Pouvez-vous, Monsieur le Témoin, nous donner un exemple concret de votre

13 implication dans ce que vous avez appelé "l'achat de la liberté de vos

14 clients"? Donnez-moi un exemple concret parce que, pour moi, les choses ne

15 sont pas claires du tout.

16 M. Halimi (interprétation): Oui. C'était en 1994 et une personne était

17 accusée d'avoir eu affaire avec de très nombreuses armes. Or, lors de

18 l'interrogatoire principal qui s'est déroulé au Tribunal régional de

19 Mitrovica, l'accusation n'a fini par retenir que trois fusils. Et pour ce

20 délit, la personne en question a été condamnée à deux ans de prison. Mais

21 pour qu'une peine soit réduite, il fallait avoir des relations lorsqu'on

22 comparaissait devant un Tribunal suprême serbe. Donc 5.000 marks allemands

23 ont été versés et mon client a fini par obtenir une réduction de sa peine,

24 réduction à un an de prison, alors que la possession d'une arme à canon

25 long, qui est une arme de l'armée, une arme militaire, le Tribunal

Page 3853

1 municipal de Mitrovica ainsi que les autres tribunaux du même type

2 prononçaient en général des peines de six à huit mois de prison.

3 Je crois que ce que je viens d'expliquer est très parlant.

4 M. le Président (interprétation): Nous reviendrons sur cette question

5 après la suspension.

6 Nous suspendons donc jusqu'à 14 heures 30.

7 Monsieur Halimi, je vous demande de ne pas perdre de vue que, pendant la

8 suspension d'audience, vous ne devez parler à personne du contenu de votre

9 déposition.

10 (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 30.)

11 M. Robinson (interprétation): Monsieur Halimi, avant la pause du déjeuner,

12 vous nous parliez de ce qui se pratiquait s'agissant de l'influence

13 qu'avait l'argent dans le système judiciaire. J'aimerais apprendre ceci:

14 est-ce que c'était là une pratique généralisée, et si oui, dans quelle

15 mesure l'était-elle?

16 M. Halimi (interprétation): Je peux dire, en toute liberté, que cette

17 pratique, surtout à partir de 1993 et jusqu'à la fin 1998, c'était un

18 secret qui ne l'était pour personne. Tout le monde au Kosovo le savait.

19 M. Robinson (interprétation): Est-ce que vous-même vous avez participé à

20 cette pratique, vous avez trempé dans ces affaires?

21 M. Halimi (interprétation): Dans ma déclaration préalable, lorsque j'ai

22 répondu à une question et que j'ai donné un exemple concret en réponse à

23 une question posée par l'accusé, j'ai dit qu'on avait donné 5.000 marks,

24 c'était confirmé par le frère de mon propre client. Je peux vous dire que

25 dans ma vie, dans ma carrière de conseil de la défense, je n'ai eu qu'à

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1 fournir une fois 1.000 marks pour que quelque chose soit fait qui avait

2 trait à moi-même. Et le reste, je l'ai entendu dire d'autres personnes.

3 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, poursuivons sur le sujet. Puisque

4 dans votre déclaration préalable, vous expliquez, sans aucune ambiguïté,

5 que c'était là la pratique utilisée ou plutôt que c'est une pratique que

6 vous, vous avez exercée. Est-ce que vous êtes en train de revenir sur ce

7 que vous aviez dit en précisant que cela ne vous était arrivé qu'une fois?

8 Est-ce que vous vous rétractez ou est-ce que vous maintenez vos dires, à

9 savoir que vous avez dû faire votre travail à l'aide de l'argent, comme

10 vous l'avez dit dans votre déclaration préalable?

11 M. Halimi (interprétation): Il apparaît que vous n'avez pas bien compris

12 ma réponse. Je vais donc apporter un éclaircissement. A ce moment-là, tout

13 sera limpide. Surtout pour ce qui est de la période allant de 1993 à 1998.

14 La justice serbe décidait du sort de tous les Albanais lorsque la vie des

15 Albanais était en question et, nous l'avons souvent dit mes collègues et

16 moi, on disait que: "La justice c'était comme un produit que l'on achetait

17 au marché, une marchandise".

18 Question: Indépendamment des termes assez durs utilisés, je pense que vous

19 ne pouvez pas vous rétracter par rapport à ce que vous dites dans votre

20 déclaration. Plus précisément au début de la page 3, premier paragraphe de

21 cette page. Je ne mentionne pas les choses importantes mais je peux

22 commencer par le début:

23 "J'ai dû trouver des centaines de façons de maintenir de bons rapports

24 avec les autorités serbes de Mitrovica. J'ai dû toujours agir dans

25 l'intérêt de mes clients. Et les moments les plus difficiles de ma vie

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1 professionnelle ont été ceux où je me suis rendu compte qu'il n'y avait

2 qu'une seule réalité, et c'était l'argent. Malheureusement, ça s'est passé

3 assez souvent. J'ai connu des moments difficiles lorsqu'il me fallait

4 reprendre contact avec mes clients pour leur dire qu'ils devaient payer,

5 parce que la justice serbe ne pouvait compter que s'ils étaient prêts à

6 payer".

7 Par conséquent, on reviendra à la façon dont vous avez qualifié la justice

8 serbe dans un instant mais, d'après ce que je viens de vous lire, est-ce

9 qu'il est clair pour vous, comme toutes les personnes qui suivent ces

10 débats, que vous avez dit -et là vous utilisez l'adverbe

11 "malheureusement"-, vous dites que ça se passait assez souvent.

12 Il est donc inacceptable, que je me trompe ou pas, de retenir ce que vous

13 dites, parce que vous dites que cela ne s'est passé qu'une fois. Vous ne

14 répondiez pas à ma question mais à celle du Juge Robinson; et vous avez

15 dit que vous aviez donné 5.000 marks pour réduire la peine infligée à un

16 client. Et il vous a demandé: "Vous avez parlé d'un cas, d'un exemple,

17 alors que dans votre déclaration préalable vous dites que,

18 malheureusement, cela s'est passé assez souvent".

19 Et puis vous continuez en disant que vous avez connu des moments

20 difficiles et ainsi de suite. Mais ça s'est passé assez souvent.

21 Voici ma question: vous, vous avez fait des pots-de-vin, n'est-ce pas?

22 M. Halimi (interprétation): Je peux dire: oui, en partie, j'ai dû le

23 faire. C'était la seule façon que j'avais de régler les problèmes pour mes

24 clients.

25 M. le Président (interprétation): Ce qu'on vous fait valoir, c'est que

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1 dans de votre déclaration vous dites -je vous cite-: "Que malheureusement

2 cela se passait assez souvent". Ici, vous nous avez dit que cela s'était

3 passé une fois. Pourriez-vous expliquer comment apparaît cette différence?

4 M. Halimi (interprétation): Lorsque j'ai expliqué ces cas, je pourrais

5 passer quatre heures entières à vous expliquer ce genre de cas. Je répète

6 que, dans la majorité des cas, par exemple à la Cour suprême dans les

7 tribunaux municipaux, dans toute la Serbie où j'ai défendu diverses

8 parties, à la Cour suprême qui est une Cour d'appel -et ceci ne concerne

9 pas que moi, cela concerne aussi mes collègues albanais-, j'ai vu des gens

10 qui ont comparu devant ces cours ou tribunaux et nous avons dû défendre

11 nos propres clients du personnel technique de ces tribunaux, qui étaient

12 responsables de certaines questions.

13 Celui qui s'occupait de ces tribunaux m'a contacté personnellement pour me

14 demander si je voulais donner de l'argent pour régler le destin, l'avenir

15 de mon propre client; c'est le message que je devais passer à la famille

16 du client. Je lui ai dit qu'ils devaient s'en occuper eux-mêmes.

17 M. le Président (interprétation): Est-ce que cela s'est passé une fois ou

18 plusieurs fois? Parce que vous avez déjà expliqué cela.

19 M. Halimi (interprétation): J'ai dit qu'en ce qui me concerne, je n'ai dû

20 fournir de l'argent moi-même, de ma propre poche, qu'une fois; il

21 s'agissait de 1.000 deutschemarks.

22 M. le Président (interprétation): Mais vous dites aussi dans votre

23 déclaration préalable -je vous cite-:"Il n'y a que dans les affaires

24 politiques qu'il n'était pas possible d'utiliser des pots-de-vin". (Fin de

25 citation.)

Page 3857

1 Est-ce exact?

2 M. Halimi (interprétation): Oui, c'est exact parce que la sûreté de

3 l'Etat, dont les membres, qui participaient à ces pratiques, se trouvaient

4 sous le contrôle rigoureux de la sûreté de l'Etat. C'est pour cela que

5 c'était différent. Là, il n'était pas possible de payer des pots-de-vin

6 pour obtenir la libération de quelqu'un qui avait été condamné à partir de

7 chefs d'accusation motivés par des raisons politiques.

8 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, est-ce que vous vous êtes

9 livré à des pots-de-vin ou pas?

10 M. Halimi (interprétation): Je crois avoir déjà répondu. Je ne dois pas

11 répondre deux fois à la même question.

12 Question: La réponse est manifeste. Est-ce que je vous ai bien compris:

13 vous l'avez dit vous-même, vous avez souvent donné de l'argent et même,

14 une fois, cela vous est arrivé de donner de l'argent à vous-même, de votre

15 propre poche.

16 Vous êtes vous-même un homme de loi. Est-ce que vous comprenez que: en

17 fait, que vous donniez l'argent vous-même ou l'argent de votre client,

18 cela ne fait aucune différence, tout cela est un élément constitutif de

19 l'infraction pénale de pot-de-vin, de corruption?

20 Réponse: Je connais -je ne sais pas si vous connaissez- la situation

21 d'indigence où, par exemple, pour sauver la vie de quelqu'un, la

22 sauvegarde d'une vie prime sur la question de l'argent.

23 M. Milosevic (interprétation): Tout criminel, lorsqu'il exécute un crime,

24 vous donnera la même explication, il vous dira qu'il devait le faire pour

25 parvenir à tel ou tel but.

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1 Est-ce que vous savez que la différence entre ce qui doit être fait

2 imparitairement et ce qui se fait légalement et quelque chose qui est

3 contraire à la loi, eh bien, c'est la différence qu'il y a entre un crime

4 et un acte légal.

5 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas la question. Je suppose

6 qu'on pourrait la reformuler de la façon suivante: pensiez-vous que ce que

7 vous faisiez lorsqu'on payait des pots-de-vin ou que l'on prenait des

8 dispositions pour en payer, est-ce que vous pensiez que c'était quelque

9 chose de malhonnête?

10 M. Halimi (interprétation): Oui, tout du long et je me sentais très mal à

11 ce propos.

12 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous dire pourquoi, malgré

13 tout, vous l'avez fait?

14 M. Halimi (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

15 l'ai dit, la liberté de quelqu'un est quelque chose de sacré. Des gens

16 étaient accusés alors qu'il n'y avait aucune preuve contre eux, uniquement

17 pour des raisons ethniques. Par exemple, il y a eu une loi adoptée en ce

18 qui concerne les armes, les munitions, en 1991, je pense, et le seul

19 endroit où c'était applicable, c'était le Kosovo; cela voulait dire que

20 cela s'appliquait uniquement contre les Albanais.

21 M. Robinson (interprétation): S'ils étaient accusés du seul fait de leur

22 appartenance ethnique, est-ce que ceci relève de la catégorie des affaires

23 politiques, dont vous avez dit qu'il n'y avait qu'exceptionnellement, dans

24 des cas rares, des pratiques de pots-de-vin?

25 M. Halimi (interprétation): Je peux le dire librement ici: une infraction

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1 politique pénale n'était pas créée de cette façon. En fait, le trafic

2 d'armes, l'objectif ultime de Milosevic, c'était de montrer que les armes

3 en faisaient partie. Les Albanais, quand la police accusait quelqu'un de

4 possession d'arme, eh bien, un Albanais devait aller acheter une arme

5 quelque part pour montrer à la police cette arme, sinon il allait en subir

6 les conséquences et il allait recevoir des sévices quotidiens de la part

7 de la police.

8 M. le Président (interprétation): Oui?

9 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous comprenez qu'en citant un

10 exemple que vous avez pris au hasard, en réponse à la question posée par

11 le Juge Robinson, vous avez donné l'exemple de votre client qui était

12 accusé de posséder de grandes quantités d'armes?

13 De quoi était-il accusé? De possession de grande quantité d'armes au vu

14 des circonstances qui prévalaient au Kosovo. Est-ce que vous comprenez que

15 cela, en soi, doit être considéré dans un cadre politique quand on a

16 énormément d'armes? Ce ne sont pas simplement des fusils de chasse ou des

17 pistolets, quelque chose que l'on pourrait acheter à quelqu'un d'autre.

18 Ici, on parle de grosses quantités d'armes au Kosovo. Et donc si rien ne

19 pouvait être fait dans ce sens, à ce moment-là, on pouvait passer des

20 pots-de-vin. Ou peut-être que vous n'avez pas dit la vérité au début,

21 lorsque vous avez dit qu'il n'était pas possible de faire des pots-de-vin

22 dans des affaires politiques. Où est la vérité?

23 M. Halimi (interprétation): Je n'ai pas compris la question.

24 (Les Juges se concertent sur le siège.)

25 M. le Président (interprétation): Essayez de mieux ramasser votre

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1 question.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit, en reprenant un exemple en

3 réponse à la question du Juge Robinson, que votre client avait été accusé

4 de posséder de grosses quantités d'armes. C'est bien cela, n'est-ce pas?

5 M. Halimi (interprétation): Oui.

6 Question: Quelle est la sanction, de quoi est-on passible si on est pris

7 en situation de possession d'armes? D'après la loi, quelle est la peine

8 infligée?

9 Réponse: D'après l'Article 33, paragraphe 1 de la "loi portant sur les

10 armes et les munitions" -c'est comme cela qu'on l'appelait à l'époque- on

11 était passible de quinze ans de prison pour possession de plus de trois

12 armes.

13 Question: Et cela veut dire que même si vous avez dit que les Albanais

14 étaient traités de façon injuste devant les tribunaux, cela veut dire que

15 votre client en fait aurait été condamné à un cinquième de cette peine

16 maximale, puisqu'il a eu trois ans et non pas quinze? Est-ce bien cela?

17 Réponse: Oui, parce que j'ai payé de ma propre poche. Oui, parce que cela

18 a été payé avec son propre argent.

19 M. Milosevic (interprétation): Non, non. Vous avez dit qu'il avait été

20 condamné à trois ans, et que de trois ans on était passé à un an grâce aux

21 pots-de-vin que vous avez payés. C'est ce que vous avez déclaré?

22 M. Halimi (interprétation): Je ne pense pas que vous ayez bien compris ma

23 réponse, ou alors c'est votre avis personnel que vous exprimez ici.

24 C'était deux ans et cela a été réduit à un an par la Cour suprême.

25 M. le Président (interprétation): C'est bien ce qu'il avait dit

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1 auparavant.

2 M. Milosevic (interprétation): Donc il était accusé de deux ans, et c'est

3 devenu un an parce que vous avez payé, c'est cela?

4 M. Halimi (interprétation): Parce que le client a payé, pas moi.

5 Question: D'accord. Parce que c'est le client qui a payé, mais par votre

6 intermédiaire, je suppose. Est-ce bien cela?

7 Réponse: Non, pas par mon intermédiaire. Moi, je lui ai montré par où

8 passer ou par qui passer. J'ai dit "Allez à l'entrée de la Cour suprême.

9 Allez voir telle ou telle personne".

10 Question: Donc, vous avez organisé cette transaction de corruption pour

11 lui? Vous le dites: vous l'avez fait parce que pour vous la liberté est

12 inviolable, c'est l'objectif ultime. Mais lorsque votre client a été

13 condamné à deux ans, d'après ce que vous dites: pour l'acte criminel et

14 répréhensible de possession d'armes, alors qu'il aurait pu écoper de

15 quinze ans, vous dites qu'il avait été traité de façon injuste par la

16 justice alors qu'il n'a eu pratiquement qu'un huitième de la peine

17 maximale qu'on peut imposer pour ce type d'infraction?

18 Réponse: J'ai fait état d'un cas où la justice, où la liberté étaient

19 achetées. Je n'ai mentionné qu'un seul cas. Je pourrais vous citer

20 d'innombrables autres cas, je pourrais vous en parler pendant au moins

21 quatre heures.

22 M. Milosevic (interprétation): Vous avez exercé votre profession pendant

23 de nombreuses années. Je suis sûr que vous vous êtes livré à

24 d'innombrables exercices de pots-de-vin. Je suppose que vous ne pourriez

25 pas le préciser ce nombre?

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1 M. le Président (interprétation): Vous ne pouvez pas poser de telles

2 questions au témoin sans lui laisser la possibilité de répondre.

3 On laisse entendre, Monsieur le Témoin, que vous avez d'innombrables fois

4 participé à des transactions de pots-de-vin. Est-ce vrai ou pas?

5 M. Halimi (interprétation): Je vous l'ai dit: c'est vrai et il n'y avait

6 pas d'autres moyens. C'était incontournable, parce que c'est comme ça que

7 fonctionnait le régime, il était impossible de travailler autrement dans

8 ce régime.

9 M. Milosevic (interprétation): Vous qui êtes un juriste, un ancien juge,

10 est-ce que vous vous rendez compte de l'importance du chiffre? Parce qu'il

11 y a eu beaucoup de cas où des gens ont dû répondre de leurs actes dans des

12 tribunaux, précisément parce qu'ils ont voulu corrompre des gens, ils ont

13 fait des pots-de-vin et ils ont été traduits en justice. Je parle du type

14 d'infraction que vous venez de mentionner, est-ce que vous êtes au courant

15 de ce fait?

16 Réponse: Oui. Lorsque le régime essayait de dissimuler ses propres travers

17 et voulait dissimuler ses propres traces, à ce moment-là elle parvenait

18 toujours à trouver de tels exemples.

19 Question: Je ne vois pas ce que ceci a à voir avec le régime, cette

20 question de régime et de traces à dissimuler. Chaque cas, on a fait état

21 d'un juge qui s'était laissé corrompre par un pot de vin, il y a toujours

22 eu une enquête très approfondie, diligentée par les organes compétents.

23 Est-ce que vous savez que dans de tels cas, les billets étaient marqués

24 quelque part, avaient une marque quelque part? Si on les trouvait sur un

25 juge, ils servaient de "corpus delicti" et c'était utilisé pour éradiquer

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1 ce genre de pratiques? Ceci voulait dire que l'on était traduit en justice

2 surtout lorsqu'il s'agissait de pots-de-vin dans des tribunaux.

3 Réponse: Pour vous dire la vérité, je n'ai pas connaissance de tels cas,

4 du moins pas au Kosovo. Au Kosovo, je ne connais personne qui aurait été

5 limogé parce qu'il aurait reçu un pot-de-vin dans la Chambre d'un juge par

6 exemple.

7 Question: Votre réponse me suffit. Etes-vous en mesure de répondre à la

8 question suivante?

9 Il y a un instant, vous avez dit savoir que des gens étaient traduits en

10 justice, étaient poursuivis pour avoir reçu des pots-de-vin. Pourquoi ne

11 pas avoir fait rapport ou accuser une seule personne qui aurait reçu des

12 pots-de-vin?

13 Réponse: Parce que je travaillais dans l'intérêt de mon client.

14 M. Milosevic (interprétation): Je vous remercie. Merci de ces réponses. Je

15 passe à autre chose.

16 Cependant, auparavant, je vais vous demander de me donner encore une

17 réponse, Messieurs les Juges, Juge May, Juge Robinson, Juge Kwon. Ici,

18 nous avons affaire à un témoin qui est un avocat qui se livre à des actes

19 de pot-de-vin. Est-ce que n'importe où, dans n'importe quel Tribunal, on

20 pourrait le considérer comme un témoin crédible s'agissant des faits dont

21 il parle?

22 M. le Président (interprétation): Il nous appartient d'en décider, mais

23 vous pouvez faire valoir l'argument.

24 M. Milosevic (interprétation): Je le fais.

25 M. le Président (interprétation): Le moment n'est pas venu pour faire des

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1 discours; pour le moment, vous êtes supposé poser des questions. Lorsque

2 nous allons examiner l'ensemble des moyens de preuve, nous en tiendrons

3 compte, nous pourrons en tenir compte.

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, si vous n'aimez pas une de

5 mes questions, vous la qualifiez de discours. Moi, je vous ai posé une

6 question.

7 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas à nous poser des

8 questions. C'est au témoin qu'il faut poser des questions. Passons à autre

9 chose.

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

11 M. Halimi (interprétation): Est-ce que je peux répondre?

12 M. le Président (interprétation): Vous pourrez dire quelque chose à la

13 fin. Poursuivons le contre-interrogatoire. Passons à un autre sujet.

14 M. Halimi (interprétation): Merci.

15 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que de Bulo Seniki -je ne sais pas

16 si c'est en 1997 ou 1998-, vous avez acheté une maison dans la partie nord

17 de Kosovska-Mitrovica?

18 D'après ce que je peux lire dans votre déclaration, il me semble que vous

19 avez une maison de famille à Donji Zabare; il me semble par ailleurs que

20 vous avez acheté une maison dans le nord de Kosovska-Mitrovica; c'était en

21 1997 ou 1998 et c'est Seniki Bulo qui vous a vendu cette maison, n'est-ce

22 pas exact?

23 M. Halimi (interprétation): C'est exact. J'ai acheté une maison en 1997.

24 Question: Oui, en 1997, vous avez payé 250.000 marks allemands pour

25 l'achat de cette maison, n'est-ce pas exact?

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1 Réponse: Si.

2 Question: Où avez-vous trouvé une somme d'argent aussi importante?

3 Réponse: Je l'ai trouvée très facilement. J'ai hérité d'une propriété, je

4 l'ai hérité de mon père. C'est une propriété d'un millier d'hectares qui

5 se trouve près du réservoir de Mitrovica et j'ai vendu cette propriété

6 pour trouver les fonds qui m'ont permis d'acheter la maison.

7 Question: Très bien. Qu'est-ce que vous avez dit à l'époque? Comment est-

8 ce que vous avez expliqué le fait que vous aviez acheté une maison dans la

9 partie serbe de Mitrovica? Est-ce que je dois vous rappeler cet élément?

10 Réponse: D'après vous, cela doit être interprété? Vous interprétez comme

11 cela étant la partie serbe, mais ce n'est pas la partie serbe: c'est

12 simplement une partie de Mitrovica et cela appartient à tous les citoyens

13 de Mitrovica. Et si vous voulez connaître la composition ethnique de la

14 région, eh bien, je dirai qu'après le détachement de la municipalité de

15 Zveçan, la proportion de Serbes restant à Mitrovica était de 3,4%. On ne

16 peut donc pas dire qu'il s'agissait là de la partie serbe de Mitrovica.

17 Indépendamment des divisions ethniques qui ont pu ou qui existent à ce

18 jour, ce territoire appartient à tous les citoyens qui y résident.

19 Question: Mais je ne vous pose pas cette question parce que je conteste le

20 fait que cela appartient à tous les citoyens qui y résident, je vous pose

21 cette question du fait de l'explication que vous m'avez fournie. Voilà ma

22 question: est-ce qu'il est vrai qu'à l'époque où vous avez acheté cette

23 maison dans cette partie de Kosovska-Mitrovica, vous avez dit que vous le

24 faisiez pour pouvoir assurer que vos enfants soient éduqués avec des

25 enfants serbes, pour pouvoir assurer à vos enfants un enseignement en

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1 serbe, afin que vos enfants puissent apprendre à parler serbe, comme vous-

2 même et votre femme le parliez? Est-ce que c'est vrai ou pas?

3 Réponse: Cela me semble être une situation assez ridicule; nous sommes

4 dans une situation assez ridicule. Nulle part je n'ai dit et jamais je

5 n'ai dit à qui que ce soit que je m'étais rendu dans cette partie de la

6 ville pour que mes enfants puissent apprendre le serbe.

7 Question: Je ne dis pas que cela est quelque chose qui apparaît dans une

8 déclaration préalable qui a été recueillie par des représentants de ce

9 Tribunal. Je dis que vous avez dit cela à un certain nombre de personnes

10 avec lesquelles vous avez eu des contacts à l'époque de l'achat de cette

11 maison; et par la suite également. Je vous demande simplement si cela est

12 vrai ou pas?

13 Je ne vous demande pas de me dire si cela est apparent dans la déclaration

14 préalable que vous avez faite auprès des représentants de ce Tribunal?

15 Réponse: C'est vous qui montez cela de toutes pièces. C'est ce que disent

16 également les personnes crédules.

17 Question: Très bien. J'ai bien peur, Monsieur, que vous ne vous aventuriez

18 sur un terrain glissant. Vous avez déclaré que vous représentiez une

19 famille serbe qui vous a été très reconnaissante des services que vous lui

20 aviez rendus. Est-ce que vous avez à l'esprit la famille Mijatovic

21 Branislav et Suzana?

22 Réponse: Mijatovic? Oui.

23 Question: Votre nom a été transmis à cette famille par un de vos bons

24 amis, Dragan Suric, qui est policier au sein du MUP de Serbie, n'est-ce

25 pas exact?

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1 Réponse: C'est un fait.

2 Question: N'est-il pas vrai aussi que ce procès n'a pas encore été mené à

3 son terme? N'est-il pas exact que les membres de cette famille n'ont pas

4 encore assisté à une seule audience? N'est-il pas vrai, en fait, que les

5 membres de cette famille n'ont pas encore été à même de vous manifester

6 leur reconnaissance?

7 Réponse: Ce n'est pas vrai. Je vais vous dire très ouvertement les choses:

8 après que Suzana s'est présentée à moi, elle m'a dit quelle était la femme

9 de Branislav Mijatovic… En fait, nous nous sommes rencontrés par hasard,

10 devant le bâtiment de la MINUK; là, elle m'a confirmé que la personne qui

11 avait tué leur fils unique, dans le cadre d'un accident de la route, avait

12 été condamnée à huit mois d'emprisonnement. Elle m'a par ailleurs précisé

13 que cette personne n'avait même pas encore commencé à servir sa peine, et

14 cela, ce n'était même pas dix jours avant mon arrivée ici, à La Haye. Un

15 verdict a été rendu, la sentence a été prononcée et il faut simplement que

16 cette peine d'emprisonnement soit servie.

17 Il faut que nous nous comprenions bien. Nous parlons ici du fils unique de

18 ce couple, mais, par ailleurs, ce couple a une petite fille, une petit

19 Maja et, après la mort de son fils unique dans un accident de la

20 circulation, il a eu un autre enfant; le couple a donc désormais deux

21 enfants.

22 Question: N'est-il pas exact que vous avez appelé Dragan Djuric à

23 l'appareil? Vous lui avez demandé de vous transférer dans la partie nord

24 de Mitrovica?

25 Réponse: Je ne comprends pas, je ne comprends pas cette question.

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1 Question: Mais la question était assez simple, me semble-t-il. Est-ce que

2 vous avez appelé votre ami Dragan Djuric? Est-ce que vous l'avez appelé

3 depuis Zabare, ne l'avez-vous pas appelé au téléphone pour lui demander

4 d'assurer votre transfert de Zabare à la partie nord de Kosovska-

5 Mitrovica. A cette époque, je crois que c'est sa femme qui a répondu à cet

6 appel parce que, je crois, qu'il ne se trouvait pas à la maison.

7 Réponse: A quelle période de temps pensez-vous?

8 Question: Je parle de l'époque dont vous n'avez cessé de parler vous-même,

9 dans le cadre de votre déposition.

10 Réponse: Non, je ne m'en souviens pas.

11 Question: Très bien.

12 Réponse: Je me rappelle lui avoir parlé en une occasion et cela s'est

13 passé comme ceci: après le 5 mars, après la mort de toute la famille

14 d'Adem Jashari, je me suis rendu dans le bureau de cet homme pour essayer

15 d'intervenir dans le cadre d'une certaine affaire. Donc je suis allé voir

16 Dragan Djuric dans son bureau; et il est exact de dire que nous avions de

17 très bons rapports, nous sommes de la même génération, mais je ne peux pas

18 dire pour autant que nous étions des amis très proches.

19 Question: Il y a quelques instants, je vous ai demandé si vous étiez de

20 ses amis et vous m'avez dit que c'était exact.

21 Réponse: Je ne vais pas répondre à cette question.

22 Question: Très bien.

23 Réponse: Non, en fait, je vous ai mal compris. Vous, vous m'avez

24 simplement demandé si Dragan était intervenu dans le cadre de l'affaire

25 Mijatovic; moi, j'ai répondu que c'était le cas, j'ai dit oui à votre

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1 question. Je n'ai pas dit qu'il avait été mon ami. J'ai dit que nous

2 avions des relations tout à fait correctes.

3 La dernière fois que nous nous sommes parlé, c'était le 5 mars. C'est la

4 dernière fois que j'ai été en contact avec Dragan Djuric. Ensuite, il m'a

5 dit: "Ecoute, s'il te plaît, ne reviens pas à mon bureau" parce que, quand

6 il y a la guerre, vous savez, l'amitié n'existe plus. Il est difficile de

7 maintenir ce type de lien en temps de guerre.

8 Question: Est-ce que vous connaissez un certain Hoxha, Ismet Hoxha?

9 Réponse: Est-ce que vous pourriez me dire d'où vient Ismet Hoxha? Cela

10 m'aiderait peut-être. Je connais plusieurs personnes qui portent ce nom.

11 Question: Moi, je pense à Ismet Hoxha, l'homme que vous avez représenté;

12 c'est un voleur, un hooligan qui a été déporté, expulsé de l'Allemagne et

13 il s'est vu renvoyé en Yougoslavie. Je parle du Ismet Hoxha qui, le 22

14 décembre 1997, dans le café "Zeta" a tué Hali Ternaçi, surnommé

15 "Kerko"(phon.); il s'appelait en fait Shabani Javci. A l'époque, il y

16 avait 400 invités présents dans ce café. Il a ouvert le feu, il a vidé

17 deux chargeurs d'un fusil automatique et ensuite il s'est enfui.

18 C'est de cet Ismet Hoxha que je parle. Je parle de l'homme que vous avez

19 représenté. Je parle de l'homme qui a été expulsé d'Allemagne. Je parle de

20 l'homme qui a commis ce crime dans un café où se trouvaient 400 personnes.

21 Est-ce que vous voyez maintenant quel est le Ismet Hoxha auquel je pense?

22 Réponse: Il ne s'appelle pas Ismet Hoxha; ce n'est pas lui. Là, vous

23 parlez de quelqu'un qui vient de Vushtrri, qui était membre de l'UCK dans

24 la région de Çiçavica. Ismet Hoxha fait à l'heure actuelle partie du Corps

25 de protection de Mitrovica.

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1 Question: Mais c'est précisément la personne à laquelle je pense, c'est la

2 personne qui est responsable du meurtre d'un membre des forces de

3 sécurité, Dejan Price(phon.). N'est-ce pas exact?

4 Réponse: Eh bien, je n'en sais rien. Je n'ai pas connaissance de cet

5 incident. Moi, je peux vous dire que je connais très bien Ismet Hoxha. Je

6 n'ai pas connaissance du fait qu'il ait jamais été mêlé à un incident de

7 ce genre.

8 M. Milosevic (interprétation): Ne savez-vous pas qu'après cet incident, il

9 s'est enfui à bord d'un véhicule qui appartenait à Fatmir, surnommé Guli?

10 M. le Président (interprétation): Le témoin n'est pas au courant de cela.

11 Nous allons passer, si vous le voulez bien, à des questions plus

12 pertinentes.

13 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous affirmez ici que vous

14 n'étiez pas l'avocat représentant Ismet Hoxha? Est-ce que vous affirmez

15 ici que vous n'étiez pas un des intermédiaires utilisés lorsqu'il a remis

16 l'arme dont il s'était servi? Est-ce que vous affirmez, par ailleurs,

17 qu'il ne vous a pas recruté comme avocat pour le représenter?

18 M. Halimi (interprétation): Ismet Hoxha? Mais non, je n'ai pas

19 connaissance du fait qu'il ait jamais ouvert le feu sur qui que ce soit

20 dans un café. C'est un homme très calme, c'est un homme très sociable et

21 jamais il n'a été à l'étranger. Jusqu'en 1990, il a occupé les fonctions

22 de policier à Vushtrri et à Pristina; et après 1990, lorsque le régime de

23 l'accusé a décidé de renvoyer tous les employés albanais, y compris les

24 policiers, il a décidé de travailler et de survivre en fait en travaillant

25 à Vushtrri et en accomplissant un certain nombre de travaux manuels tout à

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1 fait honorables. Je ne sais pas si nous parlons du même Ismet Hoxha. Parce

2 que je ne sais pas que Ismet Hoxha ait jamais eu à tremper dans ce genre

3 de sombres affaires.

4 Question: Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'après 1990, il n'y

5 avait pas de policiers d'ethnicité albanaise? Est-ce que vous nous dites

6 qu'il n'y avait pas d'Albanais qui travaillaient au sein des forces de la

7 sûreté de l'Etat? Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de nous dire?

8 Réponse: Après 1990, le nombre d'Albanais autorisés à travailler dans les

9 organes de l'Etat était très réduit. On pouvait les compter sur les doigts

10 d'une seule main.

11 Question: Savez-vous combien de centaines d'Albanais, par exemple,

12 travaillaient au sein des forces de police en 1998, sans parler de ce

13 qu'il a pu en être en 1990 et 1991?

14 Concentrons-nous exclusivement sur 1998. Est-ce que vous avez une idée

15 quelconque de ce chiffre?

16 Réponse: Je sais seulement que c'était un chiffre très bas, mais je ne

17 peux pas vous donner d'estimation.

18 Question: Très bien. Vous avez avancé un chiffre proche de zéro, dont vous

19 estimez qu'il est le chiffre juste, et vous dites que l'on pouvait compter

20 le nombre d'Albanais sur les doigts d'une seule main; enfin c'est ce que

21 vous avez affirmé. Je vous ai bien compris, je pense?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Très bien. Connaissez-vous Fatmir Deliqi, qui était le frère

24 d'Ismet Deliqi? Oui ou non, s'il vous plaît?

25 Réponse: Je connais bien des citoyens de Mitrovica. Je connais Ismet

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1 Deliqi; Fatmir est peut-être l'un de ses fils. Peut-être qu'il est trop

2 jeune pour que je le connaisse.

3 Question: Est-il exact que Ismet Deliqi, que Ismet Hoxha et que Nexhat

4 Çubreli étaient membres de l'UCK?

5 Réponse: Je sais que les deux autres personnes que vous avez mentionnées

6 étaient effectivement membres de l'UCK, mais je ne peux pas dire la même

7 chose de Deliqi.

8 Question: Est-il exact que le surnom de Fatmir était "Gika", et qu'il

9 était recherché par la police européenne parce qu'il était trafiquant de

10 drogue? Est-ce que vous êtes au courant de cela? C'est l'un de vos

11 clients, est-ce que ce n'est pas le cas?

12 Réponse: Les informateurs qui vous ont dit cela se sont trompés. Le fils

13 d'Ismet Deliqi est un martyr dont la mort a été célébrée il y a quelques

14 jours; son surnom était "Bika".

15 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas bien compris votre réponse.

16 Voyons ce que nous dit le compte rendu. Vous dites donc qu'il a été tué il

17 y a quelques jours?

18 M. Halimi (interprétation): Je n'ai pas du tout dit cela, c'est vous qui

19 le dites. J'ai simplement dit que j'étais fier de me souvenir de ce jeune

20 homme qui est tombé en martyr, en 1999. Il est tombé face à vos propres

21 forces.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous en êtes presque

23 arrivé au terme du temps qui vous est imparti; vous avez consacré près

24 d'une heure à ces questions. Nous allons essayer de savoir, après

25 délibération, quelle sera la durée du temps que nous pouvons vous

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1 accorder, puisque nous parlons ici d'éléments de preuve importants.

2 (Les Juges se concertent sur le siège).

3 Nous devons nous assurer de la fin de la déposition du témoin cet après-

4 midi, puisque nous parlons ici d'un sujet important, nous vous donnons

5 jusqu'à 15 heures 45.

6 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Cela me convient. Connaissez-

7 vous Ismet Osmani surnommé "Culi", qui est propriétaire d'un certain

8 nombre d'entreprises basées en République Tchèque?

9 M. Halimi (interprétation): Oui, je le connais. C'est un de mes cousins.

10 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact qu'il est la source principale

11 des drogues qui sont injectées dans le circuit qui passe par l'Allemagne,

12 Istanbul, Pristina et la Tchécoslovaquie?

13 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que cela ait quelque

14 pertinence que ce soit.

15 Vous pouvez répondre à la question si vous le souhaitez, Monsieur.

16 M. Halimi (interprétation): Je ne connais que cet Allemand qui fait partie

17 du club "Trepça 89" de Mitrovica.

18 M. Milosevic (interprétation): Connaissez-vous Shevqet Dobralluka, appelé

19 "Vinica", qui, avec son frère Kaser (phon.), dont la femme est une

20 brésilienne et qui, avec "Culi" également, trafique, est trafiquant de

21 drogues dans le circuit qui va de Rome à Pristina, à Istanbul?

22 M. le Président (interprétation): Vous n'avez pas besoin de répondre à

23 cette question.

24 M. Halimi (interprétation): Merci.

25 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Lorsque vous vous trouviez à

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1 Zhabar, l'UCK s'y trouvait également, n'est-ce pas exact?

2 M. Halimi (interprétation): Non, il n'y avait pas de présence de l'UCK à

3 Zhabar. Il y avait à Zhabar un hôpital où se trouvaient les blessés, enfin

4 après que tout cela a commencé.

5 Question: Oui. Et quel est le village que vous avez quitté parce qu'on

6 vous en a fait la demande? Quel est le village en question?

7 Réponse: Eh bien, le village dans lequel je résidais. Je crois que, dans

8 ma déclaration préalable, j'ai indiqué que, le 25 mars, j'avais quitté ma

9 maison qui se trouvait dans la partie nord de la ville et j'y ai précisé

10 que j'étais allé dans mon village natal de Zhabar i Ulet, qui se trouve à

11 environ deux kilomètres du centre de Mitrovica.

12 Question: Mais, dans la synthèse qui a été faite de votre déclaration

13 préalable, nous avons entendu dire que l'on vous avait demandé de quitter

14 le village. Et nous avons appris qu'après cela, vous vous étiez rendu dans

15 les montagnes, toujours suite aux demandes qui vous avaient été faites.

16 Réponse: Oui, cela s'est passé le 27 mars 1999, le lendemain du jour où

17 j'avais essayé de me réfugier chez Zhabar ou de trouver refuge à Zhabar i

18 Posthëm. Ce sont deux hommes qui sont venus, ils étaient désarmés, ils

19 portaient des vêtements civils. Ils se sont présentés comme étant des

20 membres de l'UCK et ils ont déclaré qu'ils étaient porteurs d'un ordre les

21 autorisant à m'accompagner vers une certaine partie des montagnes qui

22 entourent Zhabar.

23 Question: J'ai parlé de Zhabar, mais je n'ai pas précisé si c'était Gornji

24 Zhabar ou Gornji Zhabar. Donc je n'étais pas précis. En fait, je faisais

25 référence à Donji Zhabar.

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1 L'UCK vous a donc demandé de quitter le village?

2 (Signe affirmatif du témoin.)

3 Pourquoi n'avez-vous pas précisé plus tôt que ces hommes n'étaient pas

4 armés? Est-ce qu'il était coutumier que les membres de l'UCK se déplacent

5 sans armes ou bien est-ce que, de façon générale, ils portaient des armes?

6 Réponse: Dans la majorité des cas, ces hommes étaient armés, mais à

7 Zhabar, la situation était un petit peu particulière dans la mesure où

8 toute la population de la région de Mitrovica avait cherché refuge, était

9 arrivée des villages environnants. Il y avait beaucoup de monde et, afin

10 de protéger la population, afin d'éviter que la population ne devienne la

11 cible des forces de police, les membres de l'UCK ne pénétraient pas dans

12 le village. Il n'y avait au village qu'un hôpital où se trouvaient les

13 blessés qui avaient besoin qu'on leur administre des soins.

14 Question: Ce que vous dites signifie-t-il que la police n'attaquait pas

15 les civils désarmés? Vous venez de nous dire que la police n'attaquait pas

16 les civils désarmés et que c'est pour cela qu'ils -comme vous l'avez dit-

17 ne portaient pas d'armes? Est-ce que ce n'est pas cela que vous avez dit?

18 Réponse: Mais je faisais référence aux soins que l'UCK prenait de la

19 population. Pour ce qui est des confrontations entre la population et la

20 police militaire et les paramilitaires, pour ce qui est du comportement de

21 ces forces, je peux dire qu'ils n'avaient le soin de personne et qu'ils se

22 souciaient peu de la population.

23 M. Milosevic (interprétation): Certes, mais vous venez de nous expliquer

24 que l'UCK avait pris une décision: il ne fallait pas que les membres de

25 l'UCK se déplacent en possession d'armes dans les rues de Zhabar; cela

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1 devait éviter qu'une quelconque pression soit exercée sur la population,

2 cela devait éviter toute attaque de la population. Cela s'appuie, d'après

3 ce que j'ai compris, sur le fait que, d'après vous, la police ne

4 s'attaquait pas à des civils désarmés?

5 M. Saxon (interprétation): Micro, s'il vous plaît.

6 Je voudrais que tout soit bien clair dans le compte rendu. Le témoin a

7 déclaré qu'il n'y avait pas de soldats de l'UCK présents dans le village,

8 qu'ils soient armés ou désarmés. Il a précisé par ailleurs que deux

9 membres de l'UCK se sont rendus dans le village, ce jour-là précisément,

10 pour parler au témoin. C'est ce qui a été dit.

11 M. le Président (interprétation): Merci.

12 Monsieur Milosevic, passez à la question suivante.

13 M. Milosevic (interprétation): Mais je n'ai pas reçu à réponse à la

14 question précédente que j'ai posée.

15 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas besoin de réponse, vous

16 faisiez un commentaire.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

18 Alors que vous quittiez Prizren, un soldat de la JNA vous a dit d'être sur

19 vos gardes et de faire attention lorsque vous utilisiez des lumières,

20 parce que l'OTAN pouvait vous repérer et vous viser. Est-ce que, par la

21 suite, vous avez essayé de veiller à ce que les lumières chez vous soient

22 éteintes?

23 M. Halimi (interprétation): Mais il faisait très sombre, c'était le 18

24 avril 1999, et il était plus de 20 heures.

25 Il est vrai de dire qu'alors que je quittais Prizren, un soldat nous a

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1 demandé d'éteindre nos phares pour éviter toute attaque éventuelle de

2 l'OTAN, mais on ne pouvait pas conduire sans phares dans une nuit aussi

3 sombre. Il était nécessaire d'avoir ses phares allumés. Il aurait été

4 impossible de conduire s'il en avait été autrement. Par ailleurs, le

5 véhicule que je conduisais n'était pas en très bon état. Donc j'ai essayé

6 d'allumer les phares de moindre portée et les feux arrière.

7 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que des soldats vous ont dit de ne

8 pas avoir peur? Est-ce qu'ils vous ont dit par ailleurs de faire attention

9 de ne pas passer par les endroits où des mines avaient été posées?

10 Réponse: Cela s'est passé le 18 avril, alors que nous traversions la

11 frontière à Marina, à proximité de Prizren. Nous nous étions arrêtés juste

12 avant le passage de la frontière, nous nous trouvions près du bâtiment qui

13 marquait le passage de la frontière, près du pont qui marque la frontière

14 Kosovo-Albanie. Ils nous ont fait un signe de la main, ils nous ont montré

15 qu'il ne fallait pas que nous allions sur le côté gauche de la route,

16 parce que cinq membres d'une famille de Fushë Kosova avaient marché sur

17 des mines, alors qu'ils traversaient la frontière la veille. Ils avaient

18 souffert de blessures très graves.

19 Question: Est-il exact qu'à ce moment-là, vers 22 heures, vous avez

20 entendu une très forte explosion et que vous avez pensé que c'était l'OTAN

21 qui bombardait la frontière?

22 Réponse: Oui, j'ai dit que, vers 8 heures ou 8 heures 30, je suis arrivé

23 tout près du village de Zhur parce qu'il s'agit ici d'un convoi de très

24 grande longueur, qui s'étendait de Zhur jusqu'à la frontière, c'est-à-dire

25 sur huit à dix kilomètres. Et moi, je me trouvais à l'arrière du convoi,

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1 c'est-à-dire que je venais de sortir du village de Zhur.

2 Vers 8 heures 30, lorsque nous sommes arrivés, nous sommes restés alignés

3 comme nous l'étions jusque-là, et le convoi a commencé à progresser très

4 lentement. Nous ne savions pas ce qui se passait à la tête du convoi,

5 c'est-à-dire à la frontière. Donc nous étions alignés à cet endroit,

6 attendant que notre tour arrive pour passer la frontière.

7 A un certain moment, sans doute après 22 heures ou aux environs de cette

8 heure-là, une explosion s'est fait entendre; la frontière a été fermée, ce

9 qui nous a supprimé toute possibilité d'aller voir ce qui se passait.

10 Cette nuit-là, nous avons supposé qu'il s'agissait peut-être d'une attaque

11 de l'OTAN sur la frontière en question mais, lorsque nous sommes arrivés

12 tout près de la frontière, nous avons vu qu'une tragédie avait eu lieu, à

13 savoir que cinq membres d'une même famille de Fushë Kosova avaient été

14 tués et il ne restait de leur voiture que quelques fragments.

15 Question: Cela signifie-t-il qu'ils ont sauté sur une mine?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Pourquoi avez-vous donné à un groupe d'intellectuels de

18 Kosovska-Mitrovica le conseil de ne pas aller au Monténégro?

19 Réponse: Parce que je savais qu'ils vivraient ce que j'avais vécu moi-

20 même, c'est-à-dire qu'ils ne pourraient pas passer au Monténégro sans être

21 détectés par les forces serbes. J'ai été l'un de ces hommes. Et je pense à

22 Adem Ademi et à bien d'autres de mes amis qui, aujourd'hui, sont portés

23 disparus.

24 Question: Combien d'entre eux avez-vous rencontrés après tous ces

25 événements? Vous avez dit qu'ils étaient une quinzaine, si je me souviens

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1 bien. Quel était le nombre exact de personnes composant ce groupe?

2 Réponse: Si vous parlez du groupe dont je faisais partie, plus personne

3 n'est vivant aujourd'hui.

4 Question: Je crois comprendre que vous avez dit que plusieurs d'entre eux

5 étaient revenus et que certains sont portés disparus.

6 Réponse: Je ne sais pas où ils sont. Ils ont disparu, alors que moi et mon

7 ami Adem Nura, médecin à Mitrovica et ancien journaliste de "Rilindja",

8 ainsi que quelques autres intellectuels ont décidé, deux jours avant, de

9 retourner à Zhabar et à Mitrovica, c'est-à-dire dans le quartier de Tavnik

10 où la situation était revenue à la normale. Ils sont restés à cet endroit,

11 mais aucun d'entre eux n'a pu retourner dans sa maison. Ils sont tombés

12 quelque part dans une embuscade.

13 Question: Dites-moi, de combien de personnes se compose votre famille? Je

14 ne pense pas aux plus proches, je ne parle pas uniquement de votre épouse,

15 de vos enfants, etc. Mais de votre famille, de façon générale, c'est-à-

16 dire y compris des parents que vous avez du côté maternel, du côté

17 paternel, etc. Combien y a-t-il parmi eux de membres de l'UCK?

18 Réponse: Pas un seul. Ils sont tous à l'étranger.

19 Question: Je reviendrai sur un point dont nous avons parlé il y a quelques

20 instants, en citant un passage de votre déclaration où l'on trouve

21 l'explication fournie par vous quant au fait que certaines personnes qui

22 portaient un uniforme, je crois que vous avez utilisé le mot "soldats,

23 membres de forces paramilitaires".

24 Or il s'agit bien de deux catégories différentes, n'est-ce pas? Ce n'est

25 pas la même chose.

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1 Donc ces hommes vous arrêtaient et vous enlevaient votre argent, etc.

2 Ensuite, un peu plus loin, on trouve une phrase qui se lit comme suit:

3 "Ils avaient déjà fouillé les deux véhicules devant nous. Ils avaient

4 volé...", etc.

5 Et puis, au paragraphe de la page 14, je lis ce qui suit -je cite-: "Nous

6 nous sommes rendu compte qu'en provenance de Djakovica, une voiture de

7 couleur blanche de marque Land Rover s'approchait de nous".

8 Cela se trouve dans la version serbe, au quatrième paragraphe de la page

9 14.

10 Donc je cite: "Nous avons vu une voiture de police de couleur blanche de

11 marque Land Rover se rapprocher de nous en provenance de Djakovica. Et à

12 ce moment-là, lorsque les membres des forces paramilitaires se sont rendu

13 compte de l'approche des véhicules de la police, ils ont immédiatement

14 arrêté ce qu'ils étaient en train de faire, ils ont sauté dans leur

15 voiture, une Opel Calibra, et sont partis très vite. La voiture de police

16 ne s'est même pas arrêtée à côté de nous, elle a poursuivi son chemin en

17 direction de Prizren". (Fin de citation.)

18 A la lecture de ce passage, ressort-il très clairement que ces bandits

19 dont vous avez parlé -en tout cas, ces personnes qui ont quitté les rangs

20 de la police- sont concernés par deux faits démontrés ici. Le premier,

21 c'est que ces personnes n'étaient pas membres d'une police quelconque mais

22 de simples bandits qui avaient peur de la police. Et le deuxième fait,

23 c'est que la police poursuivait les bandits de ce genre.

24 Est-ce la conclusion que vous-même, en tant que juriste, ancien juge,

25 pouvez tirer à la lecture de ce paragraphe?

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1 Réponse: D'abord, depuis le niveau supérieur jusqu'au niveau inférieur des

2 structures de la police, on peut dire que tout était coordonné au moindre

3 détail près. Si ces policiers avaient voulu combattre le crime et empêcher

4 le pillage de la population…

5 Et maintenant, je me souviens de cela parce qu'il s'agissait d'une Opel

6 calibra et je me souviens que ces paramilitaires avaient des fusils à

7 canon très, très longs. Moi, j'étais le troisième dans la rangée. Les

8 policiers se sont approchés de nous, la Land Rover est arrivée à ce

9 moment-là et est passée tout près. Si la police avait voulu apporter son

10 concours, elle aurait pu le faire. La police a vu exactement ce qui se

11 passait et elle s'est contentée de garer sa voiture et de regarder les

12 choses à 200 mètres de distance. C'était un village près de Prizren,

13 pratiquement le dernier avant d'arriver à Prizren.

14 Question: Maintenant, vous parlez de quelque chose de complètement

15 différent de ce que je viens de lire, parce qu'à la lecture du paragraphe

16 que je viens de lire dans votre déclaration, les membres de ce que vous

17 appelez les forces paramilitaires qui, selon vous, se rendaient coupables

18 de pillage, lorsqu'ils ont vu approcher en provenance de Djakovica une

19 Land Rover blanche de la police, ils sont partis en vitesse et vous dites:

20 "La voiture de la police ne s'est pas arrêtée à côté de nous, mais a

21 poursuivi son chemin vers Prizren. Les autres, ils ont vu la voiture de

22 police et ils se sont enfuis et la police est passée." Et maintenant, vous

23 affirmez que la police a garé la voiture et qu'elle a regardé comment vous

24 vous faisiez maltraiter ou je ne sais trop quoi. C'est complètement le

25 contraire de ce qui est écrit ici dans votre déclaration, c'est clair ou

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1 pas?

2 Réponse: Vous m'avez demandé un commentaire, je vous l'ai fourni. Pourquoi

3 la police ne s'est-elle pas lancée à la poursuite de ces gens qui avaient

4 pillé des habitants? Elle a simplement poursuivi son chemin.

5 Question: Comment savez-vous où allait la police à ce moment-là parce que

6 l'autre voiture était partie dans la même direction, fuyant devant

7 l'arrivée de la police? C'est ce que vous avez écrit dans votre

8 déclaration.

9 Réponse: Non. Je n'ai pas dit cela. J'ai dit que les deux voitures sont

10 passées et se sont croisées en fait, parce que la voiture venant de

11 Djakovica est allée vers Prizren, alors que la voiture dans laquelle se

12 trouvaient les responsables de pillage allaient dans la direction de

13 Djakova.

14 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas ce que vous avez dit. Non.

15 Dans votre déclaration, il est écrit simplement...

16 M. le Président (interprétation): Je crois que nous sommes arrivés au bout

17 des questions relatives à ce sujet. Vous avez entendu la réponse du

18 témoin. Passez à autre chose.

19 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Dans ces conditions, j'ai encore

20 seulement quelques questions à poser au témoin.

21 Monsieur, compte tenu de la longue durée de votre séjour à Kosovska

22 Mitrovica et au métier que vous y avez exercé, je suppose que vous

23 connaissez très bien la situation à Kosovska-Mitrovica. Vous rappelez-vous

24 des premiers meurtres commis par l'UCK, dans la première moitié de 1998,

25 dans votre région?

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1 Je vous donnerai un exemple. Par exemple, à la gare routière, une attaque

2 contre une patrouille de police, le 6 mai 1998, dans la ville même de

3 Mitrovica, le policier Milovan Nikolic a été tué ce jour-là et un autre

4 policier Darko Ivac a été blessé grièvement, ainsi que Jovica Jovic et un

5 terroriste Jashari Arti, de Kosovska-Mitrovica, est mort ce jour-là. Par

6 malheur, Darko Ivac, le deuxième policier blessé grièvement, a fini par

7 mourir à l'hôpital militaire de Belgrade suite à ses blessures. Il est

8 donc permis de dire que deux policiers sont morts ce jour-là.

9 Vous rappelez vous cet événement?

10 M. Halimi (interprétation): Oui.

11 M. Milosevic (interprétation): Etait-ce un acte de terrorisme, le fait de

12 tirer sur des policiers dans une gare routière? A minuit 50?

13 M. Halimi (interprétation): Je considère cela comme une action de

14 guérilla. Une opération de guérilla de l'UCK. En réaction aux violences

15 imposées à la population albanaise tous les jours, notamment à Drenica.

16 M. le Président (interprétation): Il est 14 heures 45. Nous avons dépassé

17 d'ailleurs le temps qui vous était imparti. Votre contre-interrogatoire

18 est terminé.

19 Maître Tapuskovic, avez-vous des questions?

20 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, pas de question

21 pour ce témoin.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Saxon?

23 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Mahmut Halimi, par

24 M. Saxon.)

25 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je serai bref.

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1 Monsieur Halimi, le Juge Robinson vous a posé une question au cours du

2 contre-interrogatoire, s'agissant de savoir si certaines affaires étaient

3 politiques ou pas, mais je ne suis pas sûr que votre réponse ait permis de

4 faire la clarté sur ce point.

5 Pourriez-vous, je vous prie, rapidement, nous donner une description

6 rapide d'une ou deux affaires politiques qui se sont produites au Kosovo,

7 d'un ou deux procès politiques engagés contre des kosovars albanais dans

8 les années 1990? Simplement un ou deux exemples, je vous prie.

9 M. Halimi (interprétation): Il y a une affaire qui était très connue:

10 Trepça Mine. Asem Vllasi était accusé alors que j'étais avocat, en 1990,

11 et j'étais en fait conseil de la défense dans cette affaire. En 1996

12 également, j'ai défendu le groupe d'Avni Klinaku à Pristina.

13 Question: Quelles étaient les charges retenues contre M. Klinaku?

14 Réponse: Monsieur Klinaku était accusé d'actions hostiles à l'encontre de

15 la RFY.

16 Questions: Ce procès aurait-il pu être l'un des exemples dont vous avez

17 parlé, à savoir des procès sur lesquels les forces de sécurité avaient

18 tout contrôle et dans lesquels des pots-de-vin étaient versés?

19 Vous devez donner une réponse orale et ne pas vous contenter de hocher de

20 la tête.

21 Réponse: C'est exact, c'est exact.

22 Question: Passons à autre chose. Plus tard, vous avez parlé d'une

23 conversation avec un certain Dragan Djuric et vous avez dit que c'est le 5

24 mars que vous avez eu votre dernier contact avec M. Djuric, date à

25 laquelle ce dernier vous aurait dit: "Ne viens plus dans mon bureau, je

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1 t'en prie. On ne peut pas maintenir de telles relations en temps de

2 guerre". (Fin de citation.)

3 Ma question est la suivante: de quelle année s'agissait-il? Cela s'est

4 passé en mars de quelle année?

5 Réponse: En 1999, au début du mois de mars, le 5 ou le 7 mars 1999. Les

6 frappes de l'OTAN n'avaient pas encore commencé.

7 M. Saxon (interprétation): Merci.

8 Je n'ai pas d'autre question pour ce témoin.

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Halimi, à un certain moment,

10 dans votre déposition, votre crédibilité a été remise en cause. Vous

11 désiriez vous exprimer sur ce point et je vous ai interrompu. Si vous

12 souhaitez vous exprimer sur ce point à présent, vous pouvez le faire.

13 M. Halimi (interprétation): Non, je n'en ressens pas le besoin. Merci

14 beaucoup.

15 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous sommes donc arrivés au

16 terme de votre déposition. Je vous remercie d'être venu témoigner devant

17 le Tribunal pénal international. Vous pouvez maintenant vous retirer.

18 M. Halimi (interprétation): Merci.

19 (Le témoin, M. Mahmut Halimi, est reconduit hors du prétoire.)

20 M. le Président (interprétation): Madame Romano ou Monsieur Saxon, je

21 pense que, compte tenu de l'heure tardive, nous allons suspendre et nous

22 reprendrons nos travaux demain, à 9 heures, pour l'audition du témoin

23 suivant.

24 Je vous rappelle que demain, nous siégerons entre 9 heures et 13 heures.

25 Nous devrons cesser nos travaux à 13 heures, car une autre affaire se

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1 déroulera dans ce prétoire l'après-midi.

2 Mme Romano (interprétation): Merci.

3 M. le Président (interprétation): 9 heures demain matin.

4 (L'audience est levée à 15 heures 50.)

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