Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 6 juin 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 06.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la

5 parole.

6 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Shukri Buja, par l'accusé M.

7 Milosevic.)

8 M. Milosevic (interprétation): Nous nous sommes arrêtés hier à la question

9 que je vous ai posée, à savoir que vous avez demandé aux villageois de

10 quitter les villages; ensuite, vous avez fortifié les villages, vous avez

11 organisé les attaques à l'encontre de la police et vous avez déclaré

12 ensuite ces attaques comme des attaques sur la population civile.

13 Vous avez dit que "ce n'était pas exact" et moi, je vais vous donner

14 lecture de ce qui figure sur la page 8, deuxième paragraphe –je cite-:

15 "Nous étions obligés d'évacuer les villageois de Zborc, municipalité de

16 Stimlje, qui plus tard, lors de pilonnages, a été rasé". (Fin de

17 citation.)

18 En d'autres termes, on peut en conclure de manière tout à fait claire que

19 vous avez éloigné la population et, plus tard, il y a eu des opérations de

20 combat qui ont eu lieu à cet endroit-là.

21 Est-ce que ceci confirme votre tactique ou non?

22 M. Buja (interprétation): Non, cela ne confirme pas cela. Parce que, vers

23 1998, nous nous sommes installés et la population civile est partie après

24 l'offensive d'août 1998. Il est vrai qu'il y a eu des combats continus à

25 Rance dans le courant de 1999, et Rance a été incendiée à deux reprises.

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1 Question: Est-il vrai de dire que vous avez profité du cessez-le-feu pour

2 vous armer et former les membres de l'UCK?

3 Réponse: Oui, c'est exact.

4 Question: En d'autres termes, la mission de vérification a permis de

5 revitaliser l'UCK, n'est-ce pas? Est-ce que c'est exact?

6 M. Buja (interprétation): Nous avons profité de la période d'accalmie non

7 seulement lorsqu'il y avait les vérificateurs sur place, mais aussi

8 lorsque nous n'étions pas attaqués par votre armée et votre police. C'est

9 à ce moment-là que nous avons pu nous regrouper, nous réarmer, nous

10 réorganiser. C'était dans le courant de l'année 1998, après la première

11 offensive. Il ne s'agissait pas là d'une violation de l'accord; l'accord

12 n'envisage pas cette hypothèse.

13 En fait, lorsque vos forces se sont redéployées à Pishat, Kodra,

14 Gështenjeve et autres positions, c'est cela qui a constitué une violation

15 de l'accord et c'est cela qui a permis le massacre à Reçak.

16 M. Milosevic (interprétation): Ce que l'on peut définir comme délit ou

17 non, de toute façon, c'était la charge de la mission de vérification.

18 La question que j'aimerais vous poser, c'est: est-il vrai que, pour ce qui

19 concerne Nerodime, il y avait l'état major de l'UCK qui était à Stimlje.

20 Ensuite, la position par rapport à Racak se ralliait à Rance. Est-ce que

21 vous pouvez me dire également à quelle distance?

22 M. le Président (interprétation): Une seule question à la fois. Là, vous

23 posez toute une série de questions.

24 Première question: est-ce que le quartier général se trouvait à Stimlje?

25 M. Buja (interprétation): L'état-major n'était pas situé à Shtime mais

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1 plutôt dans Mullopolc, un village dans la municipalité de Shtime.

2 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Monsieur Milosevic.

3 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que les positions à Racak étaient

4 reliées à Rance où vous aviez des positions également?

5 M. Buja (interprétation): Oui. Les positions qui surplombaient Reçak et

6 jusqu'à Rance, oui, il s'agissait des positions de l'UCK.

7 Question: Et quelle est la distance entre Racak et Rance?

8 Réponse: Deux à trois kilomètres.

9 Question: Comment avez-vous rattaché les positions?

10 Réponse: En positionnant les soldats.

11 Question: Les membres de votre organisation avaient pour tâche à Laniste,

12 dans la municipalité de Stimlje, de s'y déployer sur la corniche en

13 direction de l'état-major, n'est-ce pas?

14 Réponse: Non, c'est faux. Parce que les positions que nous occupions

15 avaient pour but de défendre les gorges de Luzhak et de Laniste, qui

16 avaient une importance vitale pour nous.

17 Question: C'est ce que j'affirme, d'ailleurs, que vous aviez eu pour tâche

18 de rester sur la corniche Laniste, car c'était la route en direction de

19 Pashtrik et de votre quartier général.

20 Question: Il était pour nous essentiel, ou c'était essentiel pour le

21 quartier général de la zone opérationnelle de Nerodime, car c'est ainsi

22 que nous pouvions utiliser cette route-clé qui menait à Pashtrik et qui

23 nous permettait d'arriver au quartier général de l'UCK.

24 Question: L'UCK a tué un policier en janvier 1999, dans votre zone, et il

25 y avait un autre également qui a été blessé. Est-ce que c'est exact?

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1 Réponse: Je ne sais pas si un policier a été tué et un autre blessé. Tout

2 ce que nous savons, c'est que les unités de Mullopolc ont cherché à

3 défendre la population civile qui a commencé à fuir les villages après

4 l'entrée dans ces villages des forces de police serbes et ils ont essuyé

5 des tirs. Nos soldats ont tenté de défendre les civils. Il y a eu environ

6 40 minutes de combat et nous ne savons pas si cela a causé la mort d'un

7 policier et en a blessé un autre.

8 Question: En ce qui concerne le meurtre de votre policier, c'est vous qui

9 en parlez. A la page 10 de votre dernier paragraphe, dans votre

10 déclaration, mais il va sans dire que maintenant vous mettez cela en

11 question.

12 Est-il vrai de dire que, dans ce secteur, par conséquent le secteur

13 Racak/Petrovo/Rance, au milieu du mois de janvier 1999, l'état des soldats

14 armés se montait à 1.400, les effectifs étaient de 1.400 soldats?

15 Réponse: Je n'ai pas bien saisi la question. Auriez-vous l'obligeance de

16 la répéter, s'il vous plaît?

17 Question: Je vous ai demandé s'il était vrai que, dans le secteur

18 Racak/Petrovo/Rance, dans ce secteur-là, mi-janvier 1999, les effectifs

19 armés des membres de votre organisation étaient de l'ordre de 1.400?

20 Réponse: Non. Dans ma déclaration, j'ai dit que le nombre de soldats

21 variait au fil du temps. A l'époque du massacre de Racak, la zone comptait

22 environ 1.000 soldats, la zone tout entière.

23 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Ce n'est pas une très grande

24 différence.

25 Mais à la page 6, dernier paragraphe -je cite-: "Je commandais les deux

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1 brigades, une entre Stimlje/Urosevac et l'autre Kacanik/Strepce au moment

2 où le massacre a eu lieu, dans le village de Racak". C'est pour cette

3 période-là que je vous pose la question et c'était contenu dans ma

4 question. "Dans le village de Racak, municipalité de Stimlje, les

5 effectifs des soldats armés étaient d'environ 1.000; dans l'ensemble de la

6 zone, 1.400, y compris le personnel des secteurs différents. Et j'avais

7 300 en plus, jusqu'à 400 qui étaient en train de suivre un entraînement,

8 etc."

9 M. le Président (interprétation): Oui, donnez-lui l'occasion de répondre.

10 Allez-y, Monsieur le Témoin.

11 M. Buja (interprétation): Ce paragraphe a trait à la période du massacre à

12 Racak. On y voit qu'il y avait environ 1.000 soldats et puis je fais

13 allusion au nombre global jusqu'à la fin de la guerre. Mais il me

14 semblerait que l'accusé ne traduit pas tout à fait exactement la portée

15 exacte de la déclaration.

16 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai demandé de savoir quels étaient

17 les effectifs au moment critique dont vous êtes en train de parler. Il est

18 marqué, dans votre déclaration, qu'il y avait 1.400 hommes, mais cela ne

19 fait rien. Nous pouvons poursuivre.

20 Est-il vrai que vous aviez des bunkers et des tranchées dans les environs

21 de Racak et en haut, par rapport au village de Racak?

22 Réponse: Il n'est pas vrai que j'ai parlé de 1.400 soldats; j'ai dit qu'il

23 y en avait environ un millier dans toute la zone.

24 Pour ce qui est de votre question, oui nous avions des bunkers et des

25 tranchées, non seulement sur les collines surplombant Reçak, mais aussi à

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1 Mullopolc, Petrovo, Zrze, et d'autres positions dans la zone

2 opérationnelle de Nerodime.

3 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, une fois de plus, vous affirmez

4 ce que vous avez affirmé: que, dans l'ensemble de la zone, vous aviez

5 1.000 soldats. Voir dernière pages et dernière phrase -je cite-: "Dans

6 l'ensemble de la zone, j'avais 1.400 hommes." (Fin de citation.) C'est ce

7 qui est marqué dans votre déclaration pour qu'il n'y ait pas de confusion.

8 M. le Président (interprétation): Vous nous avez déjà indiqué cela, la

9 question a déjà été traitée. Allons de l'avant.

10 M. Milosevic (interprétation): Je suis déjà passé à une autre question: en

11 ce qui concerne les bunkers et les tranchées qui étaient dans les

12 environs, en haut, vous avez eu des plans, vous les avez autorisés et la

13 guerre a commencé en décembre 1998, n'est-ce pas?

14 M. Buja (interprétation): Pour ce qui était de creuser les tranchées

15 surplombant Reçak et les bunkers, oui cela a commencé en décembre 1998; je

16 crois avoir dit cela clairement lors de ma déposition hier.

17 Question: Vous avez expliqué également que c'était le cas dans tous les

18 autres secteurs de votre zone: vous aviez eu des bunkers et des tranchées;

19 d'est ce qui est marqué d'ailleurs dans votre déclaration.

20 Mais est-il vrai de dire par ailleurs que vos membres avaient reçu des

21 armes, des mortiers, RG500, des mitrailleuses de 7.9 et des mitrailleuses

22 antiaériennes 12.7mm; que vous aviez eu également des mortiers de 120mm et

23 des mortiers de calibre 60mm, à côté de Pashtrik? Est-ce que tout ceci est

24 exact?

25 Réponse: Non. Ce n'est pas exact. Dans ma déclaration, j'ai dit que les

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1 armes que nous avions à Nerodime, il s'agissait de mortiers de 500, de

2 fusils-mitrailleurs 12.7mm, ensuite aussi des armes de 60mm. Et puis, dans

3 la zone de Pashtrik, nous avions une arme de 120mm de calibre. Mais

4 c'était bien plus tard, dans la zone de Pashtrik, bien plus tard dans la

5 période de la guerre.

6 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas quelle est la différence

7 entre ce que j'affirmais dans ma question et ce que vous venez d'affirmer

8 dans votre déclaration, au milieu, page 7; il est marqué -je cite-: "Un

9 certain nombre de personnes ont reçu des armes automatiques".

10 M. le Président (interprétation): Il est inutile de réitérer cela, nous

11 pouvons très bien lire le paragraphe. Et le témoin a déjà répondu à cela.

12 M. Milosevic (interprétation): Vous pouvez lire, bien évidemment, mais je

13 peux rappeler au témoin qu'il avait énuméré tout cela.

14 M. le Président (interprétation): Vous pourriez poser la question

15 suivante: de quelles armes disposaient les soldats au mois de janvier

16 1999?

17 M. Buja (interprétation): Nos soldats avaient des armes automatiques, des

18 mortiers, un fusil-mitrailleur de calibre 7.9, autres fusils-mitrailleurs

19 de calibre 12.7, des lance-roquettes de 60mm, des fusils AK47 et un

20 mortier de 500mm également.

21 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Nous avons mis au clair cette

22 question: vous avez eu l'armement, depuis les armes automatiques jusqu'aux

23 armes lourdes. Car Ljubija, de Racak, avait prétendu ici que les membres

24 de votre organisation n'avaient que des fusils de chasse.

25 Ma question suivante: d'après votre déclaration, vous aviez à Racak 47

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1 soldats uniquement; est-ce que c'est exact?

2 Réponse: Je ne sais pas ce que d'autres témoins ont pu dire; des témoins

3 civils auraient peut-être des déclarations divergentes. Il est vrai qu'il

4 y avait 47 soldats positionnés dans les alentours de Reçak.

5 Question: Et vous avez expliqué hier lors de votre déposition que vous

6 aviez, à l'entrée même de Racak, cinq ou six maisons qui servaient à cela.

7 Je pense que ceci est consigné dans la transcription.

8 Réponse: C'est faux. Ces cinq ou six maisons se trouvent à l'entrée de

9 Reçak, donc à un bout de Reçak.

10 Question: C'est ce que je dis; je dis: "A l'entrée de Racak, il y avait

11 cinq ou six maisons qui étaient à votre disposition". Ceci veut-il dire

12 que vous aviez cinq ou six maisons pour installer 47 soldats? Ceci veut

13 dire que chaque soldat avait sa chambre, sa pièce?

14 Réponse: Pardon. Ce que j'ai dit, c'est que notre base comportait quatre à

15 cinq maisons à une extrémité de Reçak. Ces quatre à cinq maisons étaient

16 utilisées à des fins d'hébergement, pour le mess. Il y avait une cuisine.

17 Une autre maison… Non, une des maisons était donc une cuisine, un mess;

18 l'autre était utilisé par le commandant et son adjoint; l'autre par les

19 fantassins et l'autre maison, en tant qu'hébergement.

20 Question: Hier, vous avez dit entre cinq et six; de toute façon, ça suffit

21 déjà.

22 Mais vous aviez votre propre base à Racak; si c'était à l'entrée ou à la

23 sortie, cela n'a aucune importance. Vous aviez votre base à Racak, n'est-

24 ce pas? Est-ce que nous nous sommes bien compris?

25 Réponse: Mais cela a son importance parce que c'était près de la ravine, à

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1 l'extrémité de Reçak qui était isolée des civils, de la population civile

2 à Reçak. Nous avions un gardien qui ne permettait pas aux civils d'entrer

3 dans ce secteur sans juste motif.

4 M. Milosevic (interprétation): Dans la transcription, au lieu d'avoir la

5 réponse comme le témoin a répondu, "c'était la base", "It is base"; en

6 anglais, c'est marqué "it is important", ce qui est une différence assez

7 importante. Car le témoin a répondu: "ça, c'était la base" et ensuite, il

8 explique.

9 M. le Président (interprétation): Je ne vois pas cela. Il a utilisé le

10 terme "base". Alors, il faudrait aller de l'avant.

11 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Mais vous avez montré à

12 l'enquêteur qui vous a montré la déclaration, vous avez montré également

13 la position de l'UCK à Racak, l'endroit à partir duquel vous avez tué deux

14 policiers serbes le 15 janvier 1999, où également votre commandant a été

15 blessé.

16 M. le Président (interprétation): Si vous allez formuler de telles

17 allégations, nous devrions pouvoir les traiter l'une après l'autre.

18 Tout d'abord, est-ce que vous avez montré à l'enquêteur votre base ou

19 votre QG à Racak?

20 M. Buja (interprétation): Oui.

21 M. le Président (interprétation): Question suivante: il est allégué… Donc,

22 traitons une question à la fois.

23 Il est suggéré que c'est à partir de cet endroit que vous avez tué deux

24 policiers serbes, le 15 janvier 1999. Pouvez-vous nous dire si cela est

25 juste ou faux?

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1 M. Buja (interprétation): C'est inexact, car Reçak et Slivovë où

2 l'incident a eu lieu… Donc, Slivovë est à une grande distance de Reçak; on

3 n'aurait pas pu tirer sur Slivovë depuis Reçak. Il y avait les unités de

4 Mullopolc qui ont tenté d'assurer la défense de la population civile à

5 Slivovë; il y a eu des combats pendant 20 minutes. Nous n'avons pas

6 connaissance de victimes, mais il est allégué qu'un policier avait été tué

7 et un autre blessé; ce sont les informations qui ont été émises par la

8 télévision serbe, télévision étatique.

9 M. Milosevic (interprétation): En ce qui concerne cette question

10 contestable -point 14, page 22 de votre déclaration-, vous pouvez la voir:

11 c'est page 22, point 14 -je cite-: "La position GPS EM0158096481, la

12 hauteur 741 mètres concernent la région à partir de laquelle le 15 janvier

13 1999, deux Serbes, deux policiers serbes avaient été tués par balle". (Fin

14 de citation.)

15 Ce n'est pas tout, mais vous dites que le "19 janvier 1999, à partir de la

16 même localité, on a tué Mira -le nom de famille n'est pas connu-, le

17 commandant de la police de Stimlje, etc."

18 Dans ce point 4, il y a la constatation que "le bunker à Racak était plus

19 loin par rapport à la colline. Ensuite, il y a la séquence de la

20 photographie, mais ceci n'est pas important". (Fin de citation.)

21 Est-ce que c'est exact ou non?

22 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez

23 ce passage sous les yeux?

24 M. Buja (interprétation): C'est assez long. Oui, j'ai trouvé le point 14,

25 mais pas l'autre.

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1 M. le Président (interprétation): Eh bien, veuillez relire pour vous-même

2 ce point 14.

3 M. Buja (interprétation): On voit donc le EM0158096481, on y voit la

4 hauteur aussi, l'élévation, le système de coordination, carte graphique.

5 Cela a trait au 15 janvier; on y voit que deux policiers serbes ont été

6 tués.

7 M. Milosevic (interprétation): Ce n'est pas marqué sur lequel mais d'où,

8 d'où ils ont tué. Pas "sur" mais "d'où"?

9 M. Buja (interprétation): Je lis ce qui figure ici, au paragraphe 14, donc

10 ce point 14, tel qu'il figure dans la déclaration. Est-ce que je peux

11 continuer à lire ce paragraphe?

12 M. le Président (interprétation): Oui.

13 M. Buja (interprétation): "Le 19 janvier 1999, Mira -dont le nom de

14 famille est inconnu-, commandant de police à Shtimle, a été abattu à

15 partir de ce même endroit. C'est la colline à partir de laquelle on a

16 aussi tiré sur chaque Shaqir Berisha. Le bunker à Racak se situe à

17 l'extrémité de cette colline". Et puis une référence aux photos 16, 18.

18 (Fin de citation.)

19 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez nous dire quelle

20 est la position au juste à laquelle vous faisiez allusion dans cette

21 déclaration?

22 M. Buja (interprétation): Oui, je peux vous le dire.

23 Je pourrais peut-être me référer à la carte si vous le souhaitez.

24 Nous avions tiré à partir de… Même si l'on ne voit pas exactement ce lieu

25 sur la carte, je peux vous montrer à titre approximatif la colline de

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1 Zrze, était ici, située ici, derrière le bunker et la colline à partir de

2 laquelle on tirait, se trouve ici plus bas. Les tirs venaient de la

3 colline de Zrze.

4 Il y a donc eu les combats que je vous ai déjà décrits au cours de ma

5 déposition, donc le 16 janvier sur la route de Kërkova, de Krajkova, le 15

6 janvier. En fait, je pourrais aussi vous montrer ou me référer aux photos

7 qui ont été prises de cette position.

8 M. Milosevic (interprétation): Peut-être que la traduction n'est pas

9 bonne: je vois que vous avez d'abord utilisé la date du 16 janvier,

10 ensuite vous avez parlé du 15, je ne sais pas. C'est probablement que vous

11 parlez de la même et seule date: du 15 janvier.

12 M. Buja (interprétation): C'est le 15 janvier que deux officiers serbes

13 ont été tués. Le 19, c'est le commandant de police de Shtime qui a été

14 tué.

15 Cela s'est passé au cours des combats que nous menions pendant ces jours-

16 là.

17 Question: Mais je pense qu'il y avait quelques membres de votre

18 organisation qui ont été tués au cours du combat; d'ailleurs, vous l'avez

19 bien précisé.

20 Vous avez montré, en effet, la position où se trouvait le quartier général

21 de l'UCK à Racak, c'est au point 16.

22 Vous vous êtes référé, en parlant du paragraphe 14, et vous avez montré

23 sur la carte un certain nombre de choses qui sont contenues au paragraphe

24 16. Vous avez parlé là-bas des coordonnées et vous parlez du quartier

25 général à Racak, où il y avait 47 soldats et le quartier général.

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1 Il y a donc la direction des bunkers par rapport au quartier général que

2 l'on peut également voir sur la photographie, la maison de Afet Bilalli,

3 le commandant de Racak surnommé "Qopa".

4 M. Milosevic (interprétation): En d'autres termes, vous avez montré à

5 l'enquêteur où se trouvaient 47 soldats et le quartier général à Racak.

6 Vous avez montré également l'endroit où votre commandant a été blessé.

7 Au point 22, vous parlez de la hauteur de 620m où Afet Bilalli a été

8 blessé ainsi que Skender Qarri qui a été tué. C'est ce que vous avez

9 déclaré.

10 M. Buja (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le permettez,

11 est-ce que les questions pourraient être plus brèves, car il est difficile

12 de répondre à des questions aussi longues.

13 M. le Président (interprétation): Il n'y a toujours pas de question; nous

14 attendons toujours une question, Monsieur Milosevic?

15 M. Milosevic (interprétation): Ces 47 soldats étaient dans la maison dont

16 le propriétaire était Mehmet Mustafa, soldat de l'UCK, qui a été parmi les

17 membres tués de l'UCK, n'est-ce pas?

18 M. Buja (interprétation): Monsieur le Président, tout d'abord, je dois

19 vous expliquer que j'ai une autre déclaration parce que le terme "quartier

20 général" que l'on voit ici, qui est utilisé ici; je voudrais en fait

21 mettre l'accent sur le terme "base". Il s'agit de deux termes bien

22 distincts quand on parle de quartier général cela sous-entend que l'on ait

23 du personnel secondaire ou auxiliaire. Nous n'en n'avions pas sur cette

24 base, nous n'avions que des soldats. Le commandant de l'unité et son

25 adjoint. Il ne s'agissait donc pas d'un quartier général. Il y avait le

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1 commandant Safet Bilalli et son adjoint et 47 soldats. Voilà tout.

2 M. le Président (interprétation): On vous a demandé s'il s'agissait d'une

3 maison appartenant à un soldat, Mehmet Mustafa, qui a été tué: est-ce bien

4 exact?

5 M. Buja (interprétation): Je crois bien. Mais je n'ai pas de preuve pour

6 démontrer, pour savoir exactement à qui appartenait la maison.

7 M. Milosevic (interprétation): Page 12, deuxième paragraphe, vous dites:

8 "Il y a eu 47 soldats dont la base se trouvait sur la corniche Racak; ils

9 étaient dans la maison dont la propriété était à Mustafa Mehmet, qui se

10 trouve parmi les membres tués de l'UCK." (Fin de citation.)

11 Est-ce que c'est exact?

12 M. Buja (interprétation): Il s'agit de Mehmet Mustafa, non Mustafaj. Après

13 la guerre, j'ai en effet appris qu'il s'agissait de la maison qui

14 appartenait à Mehmet Mustafa, mais pendant la guerre, franchement, nous ne

15 consignions pas les différents propriétaires des maisons que nous

16 utilisions.

17 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas dit Mustafaj, j'ai dit Mehmet

18 Mustafa, comme ceci est marqué dans la déclaration. Mais le point est le

19 suivant: c'est qu'il ne s'agissait pas uniquement de la maison, mais il

20 est marqué également qu'il a été parmi les membres de l'UCK. C'est ça que

21 je vous pose comme question. C'est ce qui est marqué dans votre

22 déclaration. Est-ce que c'est exact ou non, qu'il a été membre de l'UCK?

23 Réponse: Oui, Mehmet Mustafa était membre de l'UCK.

24 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, Mustafa Mehmet a été membre

25 de l'UCK; il était propriétaire de la maison, il a été tué. Et cette

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1 personne se trouve, Messieurs, sur la liste des personnes qui sont citées

2 parmi les civils qui avaient été tués. C'est en annexe de la déclaration,

3 le 13 janvier.

4 M. le Président (interprétation): Oui? Oui, oui, Monsieur Buja, allez-y.

5 M. Buja (interprétation): Quel paragraphe citez-vous au juste?

6 M. le Président (interprétation): L'accusé soulève le fait que ce nom

7 figure sur la liste de victimes civiles; nous allons pouvoir vérifier cela

8 en temps voulu.

9 M. Milosevic (interprétation): Je ne parle pas de la liste des civils, je

10 parle de la liste des civils qui a été…

11 M. le Président (interprétation): J'avais bien compris cela.

12 M. Milosevic (interprétation): Le 13 janvier, vous avez parlé de

13 l'attaque, vous avez dit également que la plupart des villageois avaient

14 quitté Racak; est-ce que c'est exact ou non?

15 M. Buja (interprétation): Oui, j'ai dit que j'avais parlé avec les

16 habitants de Reçak concernant le danger qui planait sur eux; il leur

17 appartenait de décider s'ils souhaitaient quitter le village ou non. Notre

18 devoir était d'avertir les civils des dangers imminents. La plupart

19 d'entre eux ont quitté Reçak, mais ceux qui ont choisi de rester, peu

20 importe le danger, eh bien, ils sont restés.

21 M. Milosevic (interprétation): C'est ce que je voulais faire confirmer par

22 vous parce que vous avez dit que la majorité avaient quitté Racak. Est-il

23 vrai de dire que vous avez eu une réunion au siège du commandement

24 concernant Racak et qu'il a été ordonné qu'il était indispensable de faire

25 attention à Belince, la corniche de Caraleva et à côté de Beska, à cause

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1 des forces serbes qui se regroupaient? C'était en date du 13; la réunion a

2 eu lieu le 13.

3 M. Buja (interprétation): Aucune réunion n'a eu lieu à la base de Reçak;

4 elle a eu lieu à Mullopolc où était située la base de commandement pour la

5 zone. Les soldats à Reçak ont reçu pour instruction de veiller

6 attentivement à la zone de Belincë parce que les forces serbes étaient en

7 position à Shtime, dans les bois, et près de Belincë et de la gorge de

8 Caraleva. Ainsi, les soldats de l'UCK à Reçak devaient être

9 particulièrement attentifs à ces positions.

10 Question: Est-ce que, le 14 janvier, vous avez proclamé l'alerte de haut

11 degré, en date du 14 janvier, à cause du mouvement des forces serbes?

12 Réponse: Non seulement le 14, mais cet état de haute alerte a été proclamé

13 à chaque fois que les forces serbes commençaient à pilonner. Pendant la

14 nuit du 14, il y a eu de tels pilonnages; nous avons donc déclaré cet état

15 d'alerte et nous avons toujours réagi ainsi lorsqu'il y avait un

16 pilonnage, non parce que nous avions peur des forces serbes mais parce que

17 nous étions préoccupés par le sort des villageois.

18 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que nous pouvons conclure, à partir

19 des ces dernières questions, que pour vous, ce n'était absolument pas une

20 surprise, cette intervention de la police, que vous aviez la base à Racak,

21 que vous avez tué à partir de cette base le policier, que vous vous

22 attendiez à un conflit avec la police?

23 Vous venez de répondre aux deux questions: vous avez dit que vous vous

24 étiez préparés également pour préparer une embuscade et qu'il ne

25 s'agissait pas du tout d'un conflit avec la police, mais qu'en effet, il y

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1 avait le groupe terroriste d'un côté et la police? D'après votre

2 déclaration, il y avait 47 soldats dans votre groupe?

3 M. le Président (interprétation): Cela suffit. Si vous tentez de poser une

4 question; vous savez très bien qu'il n'est pas permis de faire un

5 discours.

6 Votre question porte sur un fait qui a été nié lorsque vous aviez allégué,

7 encore une fois, que le témoin avait tué des policiers depuis la base à

8 Racak. Le témoin a déjà nié cela et expliqué ce qui s'est passé.

9 La question semble être que cela ne vous a pas surpris lorsque la police a

10 mené son attaque; est-ce exact?

11 M. Buja (interprétation): Ce n'était pas une surprise; il y avait des

12 signes précurseurs, des avertissements. Lorsqu'on voyait les forces serbe

13 à Vojislav Seselj et dans les bois autour de Shtime… Donc le fait de voir

14 arriver Vojislav Seselj et la "Main Noire", "Black Hand", il s'agissait là

15 de signes précurseurs suffisants pour nous avertir que nous devions faire

16 attention, même si nous ne savions pas si ce serait Reçak ou Dremjak qui

17 serait attaquée. C'étaient les deux villages qui étaient les plus exposés

18 au danger.

19 Et avant le massacre de Reçak, la police était également intervenue à

20 Slivovë et à Dremjak lorsque les civils ont été arrêtés. Et vous pouvez

21 consulter le rapport de l'OSCE sur ce propos; nous avons fait un rapport

22 sur tous ces incidents auprès de la mission de vérification.

23 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Je pense que nous avons tiré la

24 conclusion en ce qui concerne tout ce qui s'est préparé à Racak et les

25 ordres qui ont été délivrés le 14, donc. Les tirs ont commencé le 15

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1 janvier, vous affirmez entre 6 heures et 7 heures, n'est-ce pas?

2 M. Buja (interprétation): Je réitère le fait que l'état d'alerte n'a pas

3 uniquement été déclaré le 14, mais de façon continue pendant ces jours-là

4 parce que déjà quatre ou cinq jours avant le massacre à Reçak, il y avait

5 eu des pilonnages pendant la nuit. Et dans ma déclaration, j'ai dit qu'il

6 y avait eu de tels pilonnages et qu'à chaque fois que de tels pilonnages

7 avaient lieu, nous déclarions un état d'alerte et nous prenions position,

8 nous occupions nos positions. Ce mode d'opération des forces serbes avait

9 précisément pour but d'épuiser nos soldats et ainsi, de les mettre dans

10 une situation bien difficile due à cet épuisement. C'est ce qui s'est

11 passé le 15 janvier.

12 M. Kwon (interprétation): Mais dans votre déclaration, vous n'avez rien

13 dit concernant les pilonnages, vous avez tout simplement dit que vous avez

14 déclaré un état de haute alerte en raison du mouvement des forces serbes;

15 est-ce exact?

16 M. Buja (interprétation): Je ne sais pas à quel paragraphe de la

17 déclaration vous faites allusion, mais je peux vous expliquer que, quatre

18 à cinq jours avant le massacre, des pilonnages ont eu lieu pendant la

19 nuit, pilonnages sporadiques, mais cela nous a préoccupés. Cela nous a

20 préoccupés et nous en avons toujours informé l'OSCE.

21 J'ai écrit dans ma déclaration que ces pilonnages ont toujours eu lieu la

22 nuit pour empêcher que les vérificateurs ne puissent les contrôler.

23 Je vais essayer de retrouver le passage où j'ai dit cela.

24 M. Kwon (interprétation): Cela suffit. Merci.

25 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, nous allons parler quelque peu

Page 6377

1 de ces opérations de combat autour de Racak. Monsieur Nice a analysé de

2 manière probablement plus précise que ses compatriotes ne l'avaient fait

3 quand ils avaient analysé la bataille de Waterloo.

4 La question a été posée dans le sens de savoir qui était le premier à

5 commencer à tirer. Vous avez dit que c'étaient nos forces -comme vous

6 dites, des "force serbes"; je dis donc nos forces- les forces serbes qui

7 ont commencé à tirer. Puis vous démentez par votre déclaration et je vais

8 vous demander de bien vouloir faire un commentaire de ce fait, parce que

9 ce n'est pas exact que des forces serbes aient ouvert le feu, car à la

10 page 12 vous dites…

11 (Interruption du témoin.)

12 M. le Président (interprétation): Outre le fait que vous ayez fait des

13 remarques concernant l'accusation qui n'étaient pas nécessaires, nous

14 avons maintenant une question qui a duré plus d'une minute, dans la mesure

15 où il s'agirait même d'une question.

16 Où voulez-vous en venir? Si vous voulez indiquer au témoin qu'il y aurait

17 une contradiction dans sa déclaration, il faudrait que vous lui indiquiez

18 où cela trouve dans la déclaration et lui donner l'occasion de se

19 prononcer à ce propos. Quelle est votre question?

20 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, page 12, deuxième

21 paragraphe, on peut lire -je cite-: "Les Serbes, au cours de la nuit,

22 silencieusement, sans produire de bruit, se sont rendus jusqu'à notre

23 position. Quand les trois balles ont été tirées sur les Serbes, etc. etc.,

24 il paraît qu'il y a eu un obus antiaérien et puis Zolja qui avait tiré un

25 obus sur les gens qui étaient dans le bunker, etc. etc." (Fin de

Page 6378

1 citation.)

2 Vous avez dit que vos soldats avaient tiré une rafale très brève pour

3 avertir d'autres membres de l'UCK. Est-ce que c'est exact? S'il y avait

4 des tirs avant et si nos forces avaient tiré auparavant, je suppose que

5 les membres de votre organisation étaient suffisamment préoccupés par ces

6 tirs qu'il ne fallait pas leur donner un signal par une rafale brève. Est-

7 ce que c'est logique ou non?

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Buja, étudiez ce paragraphe et

9 le paragraphe précédent, lisez ces deux paragraphes, et puis vous pourrez

10 répondre à la question qui semble être la suivante: y a-t-il eu une rafale

11 ou non?

12 M. Buja (interprétation): Il m'est difficile de trouver la page. Les pages

13 ne semblent pas numérotées.

14 Je n'arrive pas à retrouver cela.

15 M. Kwon (interprétation): Est-ce que vous avez trouvé cette phrase où vous

16 parliez de "la haute alerte". Si vous l'avez trouvée, vous verrez cela

17 deux paragraphes plus loin.

18 M. Nice (interprétation): Je crois que le témoin consulte la version

19 albanaise où les pages ne sont pas numérotées.

20 Donc il s'agit de la page 12, à peu près; le numéro de page ne coïncide

21 pas, mais c'est le paragraphe qui commence comme suit: "Dans la matinée du

22 15 janvier 1999…"

23 M. Kwon (interprétation): En fait, ce qu'on cherche, c'est le paragraphe

24 qui vient immédiatement après ce paragraphe-là.

25 Je pense que la dernière phrase.

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1 M. Buja (interprétation): "Le 15 juin dans la matinée…"

2 M. le Président (interprétation): Veuillez lire ces deux paragraphes pour

3 vous-même.

4 (Le témoin lit pour lui-même.)

5 M. Milosevic (interprétation): Nous perdons beaucoup de temps. Nous ne

6 pouvons pas mettre en question l'authenticité de la déclaration. Vous

7 l'avez?

8 M. le Président (interprétation): Il est juste que l'on donne au témoin

9 l'occasion de se rafraîchir la mémoire si on lui pose des questions au

10 sujet de la déclaration. Maintenant, Monsieur Milosevic, vous pouvez lui

11 reposer la question, car il a eu l'occasion de relire la déclaration.

12 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que les Serbes se sont

13 approchés sans produire un seul bruit et que les vôtres ont vu qu'il y

14 avait quelque chose qui n'était pas en ordre; ils ont tiré une rafale

15 brève de cette mitrailleuse antiaérienne.

16 Par conséquent, la question qui vous a été posée par M. Nice et qui

17 voulait dire qui était le premier, qui avait tiré, vous avez répondu que

18 c'étaient nos forces. Il en ressort clairement que ce n'était pas vrai,

19 car, dans votre déclaration, on peut constater que cela s'est passé

20 différemment, n'est-ce pas?

21 M. Buja (interprétation): Non, c'est faux. Je peux vous expliquer cela si

22 vous le souhaitez.

23 M. le Président (interprétation): Oui, veuillez nous préciser cela.

24 M. Buja (interprétation): Nous ne savions pas quand l'opération serbe

25 avait commencé ce jour-là. Mais, après une analyse a posteriori, nous

Page 6380

1 avons tiré la conclusion que l'opération avait commencé bien avant que les

2 tirs ne soient entendus.

3 Et les forces serbes avaient pris aussi position derrière nos positions,

4 derrière notre bunker avant que les combats ne commencent. Entre 6 heures

5 et 7 heures du matin, les forces serbes qui avaient pris position derrière

6 le bunker n'ont pas pu bien déceler où exactement se trouvait le bunker;

7 ils ont commencé à tirer à partir de Cesta pour provoquer des tirs à titre

8 de riposte à partir du bunker. Et le bunker a riposté avec une brève

9 rafale après cette provocation. Ensuite, les forces serbes ont ainsi pu

10 discerner où exactement se trouvait le bunker, ont pu tirer sur l'entrée

11 du bunker avec cette arme Zolja; le bunker a été éliminé. A ce moment-là,

12 un soldat a été tué et les soldats ont donné un signe, un avertissement

13 avec un 12.7. Il n'y a pas eu de tirs continus, seulement une brève

14 rafale, une décharge et nos soldats ont commencé à évacuer la base. Et

15 certains, comme Mehmet Mustafa et Sadik Mujota ont essuyé, ont été

16 atteints sur les marches, alors qu'ils quittaient la maison.

17 C'est ce qui s'est passé le 15 janvier.

18 M. Robinson (interprétation): Mais, Monsieur Buja, ce n'est pas là la

19 séquence des faits que vous avez décrite dans votre déclaration. Vous

20 n'avez pas mentionné dans votre déclaration que les forces serbes avaient

21 pris position derrière le bunker et ont commencé à tirer à partir de Cesta

22 pour provoquer une riposte, venant du bunker. C'est ce que vous semblez

23 dire aujourd'hui, mais pour la toute première fois. Pouvez-vous nous

24 expliquer cela?

25 M. Buja (interprétation): Non, ce n'est pas la première fois que j'ai dit

Page 6381

1 cela parce que cela existe dans ma déclaration. Je ne sais pas à quel

2 paragraphe; si j'avais la possibilité de lire l'intégralité du texte, je

3 pourrais vous montrer dans quel paragraphe, à coup sûr. Les paragraphes

4 qui ont été lus ici l'ont été en vue de faire la clarté sur l'assassinat

5 des soldats.

6 M. Robinson (interprétation): Très bien. Veuillez poursuivre.

7 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit qu'à partir de cette

8 mitrailleuse lourde, ils avaient tiré une série de coups de feu afin de

9 répondre aux provocations, car les Serbes tiraient.

10 Deux lignes plus haut, vous dites que "trois balles ont été tirées en tant

11 que signal, en tant que signal d'alarme". Vous dites que "ceci était

12 automatiquement considéré et compris comme étant un signal d'alarme par

13 les soldats de Racak".

14 Ceci à nouveau en page 12, à savoir qu'une alarme automatique pour les

15 soldats est venue de l'UCK à Racak.

16 Avez-vous tiré pour lancer un signal d'alarme ou pour répondre aux coups

17 de feu. Avant cela, vous avez dit que les Serbes étaient arrivés sans

18 faire le moindre bruit.

19 M. le Président (interprétation): Vous ne pouvez pas poser des questions

20 d'une telle longueur, c'est vraiment impossible de suivre. Maintenant,

21 soit vous poserez des questions courtes soit nous mettrons un terme à ce

22 contre-interrogatoire. Le témoin a déjà répondu à cela: il a expliqué ce

23 qu'il s'était passé, comment les Serbes avaient commencé par tirer et puis

24 que des tirs avaient été tirés en tant que signal d'alarme.

25 M. Milosevic (interprétation): Bien. Puisque vous venez de tout expliquer,

Page 6382

1 nous pouvons poursuivre. Cela ne pose aucun problème.

2 Donc Ismajl Luma et Enver Ahmeti, des soldats de l'UCK, ont été tués à

3 Racak, c'est bien cela?

4 M. Buja (interprétation): A la position des bunkers qui surplombent Racak.

5 Question: Est-il exact que l'unité de Racak s'appelait l'unité de Racak et

6 que c'est à cet endroit qu'ils avaient leurs positions, que c'est de là

7 que partaient leurs patrouilles, etc.?

8 Réponse: Non, l'unité de Reçak, comme on le savait dans la population,

9 faisait partie du 2e Bataillon de la 161e Brigade.

10 M. Milosevic (interprétation): Je vous demandais si cette unité, qui se

11 trouvait à Racak et que vous appelez l'unité de Racak, était déployée,

12 avait ses positions, patrouillait et menait à bien les tâches qui étaient

13 les siennes dans ce secteur?

14 Je ne vous ai pas demandé de quelle autre formation armée elle faisait

15 partie. C'est bien cela ou pas?

16 M. le Président (interprétation): Si vous lisez ce qui suit, le paragraphe

17 que vous avez déjà lu, vous y trouverez une référence à l'unité de Racak

18 dont une des tâches consistait à organiser des patrouilles. Vous voyez

19 cette phrase qui commence par les mots: "ils patrouillaient principalement

20 dans la région de Belincë."

21 M. Milosevic (interprétation): Ils l'appelaient l'unité de Racak, ils

22 avaient des positions qu'ils occupaient en cas d'absence d'attaque et, en

23 cas d'attaque, ils étaient tenus de se déployer dans les bunkers et dans

24 les tranchées, dans ce secteur.

25 Maintenant, Monsieur le Témoin, dites-moi, lorsque cette brève série de

Page 6383

1 coups de feu a été tirée en tant que signal d'alarme, les soldats se sont-

2 ils rués, comme cela devrait être le cas normalement, vers les tranchées

3 et les bunkers, ou bien ont-ils commencé à fuir?

4 M. Buja (interprétation): Les soldats de cette unité avaient reçu des

5 ordres selon lesquels, en cas de pilonnage dû aux forces serbes, il leur

6 fallait occuper les tranchées qui surplombaient les bunkers tournés dans

7 la direction de Racak. Pendant l'attaque serbe sur Çesta et les tirs de

8 coups de feu provenant d'armes de calibre 12,7mm, ils ont commencé à se

9 retirer dans la base de Reçak, dans la ravine, et plus loin encore, dans

10 la maison de Mehmet Mustafa et Sadik Muja qui ont été tués. Il y avait

11 aussi des soldats qui ont été tués dans la cour de la base du

12 commandement. Le commandant Beqa, et Kokollari, qui était également connu

13 sous le nom de Budakova. Certains soldats ont réussi à se diriger vers nos

14 positions. Il y en a qui sont tombés au combat en tentant d'atteindre nos

15 positions. D'autres ont été blessés. Notre soldat Skender Qarri a été tué;

16 c'était celui qui accompagnait le commandant de l'unité de Racak.

17 M. le Président (interprétation): Mais quel a été le résultat: ont-ils

18 occupé les tranchées, pour autant que vous le sachiez, ou ont-ils été

19 tués? Que s'est-il passé lorsqu'ils ont quitté la base?

20 M. Buja (interprétation): Les soldats de cette unité se sont efforcés de

21 se rendre dans le bunker et d'occuper les positions environnantes. Un

22 soldat appelé Kadri Syla a été tué. Suite à quoi, Ismajl Luma et Rashiti

23 ont été l'un à l'intérieur et l'autre à l'extérieur du bunker.

24 Les autres soldats qui étaient aux alentours de nos positions, autour du

25 bunker, ont aussi été tués: deux dans la cour de l'une des maisons qui

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1 constituait la base; je veux parler de Nazim Kokollari ainsi que le

2 commandant adjoint de l'unité Ali Beqa.

3 M. le Président (interprétation): Ils ont essayé d'occuper les tranchées

4 et le bunker, mais un certain nombre d'entre eux ont été tués et les

5 autres sont partis; c'est bien cela qui est arrivé?

6 M. Buja (interprétation): Oui, parce qu'il y avait huit soldats blessés

7 aussi. Et certains ont été emmenés par d'autres membres de la compagnie, à

8 une certaine distance de cet endroit, de cette position.

9 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Il est exact que les choses se

10 sont passées ainsi. Donc les soldats sont sortis de leurs maisons et se

11 sont dirigés vers leurs positions.

12 Je lis ce qui est écrit dans votre déclaration: "Ils étaient sûrs que

13 notre armée serait là, mais qu'ils se trouveraient pris dans un feu croisé

14 et ne savaient pas d'où les tirs venaient. Un certain nombre d'entre eux

15 ont tenté de fuir en traversant un ruisseau à l'arrière de la cour,

16 d'autres ont été blessés. Ceux qui ont survécu ont réussi à gravir la

17 colline de Luzhak à Shtime, dans cette municipalité de Shtime. Le

18 commandant de l'unité, Afet Bilali surnommé "Qopa", a été atteint par une

19 balle et a été grièvement blessé à la jambe en tentant de s'enfuir vers

20 Luzhak. Skender Qarri, qui était avec lui, a été tué au même endroit".

21 (Fin de citation.)

22 Alors, est-ce que les choses se sont bien passées comme vous les décrivez

23 ici?

24 M. Buja (interprétation): Je n'arrive pas à trouver ce passage.

25 M. Milosevic (interprétation): C'est juste au-dessus du paragraphe que

Page 6385

1 j'ai cité tout à l'heure.

2 M. Buja (interprétation): J'ai dit que les soldats de l'unité de Reçak

3 s'étaient trouvés pris entre deux feux, quand ils ont tenté de se rendre

4 dans le bunker qui avait précédemment été pris par les Serbes, mais nous

5 l'avons appris par la suite. Au moment dont nous parlons, les soldats ne

6 savaient pas d'où venaient les tirs, car il y avait des tirs croisés d'un

7 peu partout, depuis toutes les positions serbes qui surplombaient les

8 nôtres. Donc, une certaine confusion régnait parmi les soldats. Et ce que

9 je dis ici est fondé sur les récits qui m'ont été faits par les soldats de

10 l'unité de Reçak.

11 Cependant, même ces soldats, pendant cette période-là, ne comprenaient pas

12 très bien ce qui se passait, d'une certaine façon. Certains se sont

13 dirigés vers le bunker au moment où Kadri Syla a été tué; deux autres ont

14 été tués au même moment. Il y en a deux qui sont sortis dans l'escalier de

15 la maison.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?

17 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, puisque cette description

18 correspond à peu près à celle qui a été faite par Agron Mehmeti, le témoin

19 précédent -et j'attire votre attention sur cela: il n'a cessé de dire

20 qu'il s'agissait de civils-, alors, comment est-ce qu'il peut y avoir

21 correspondance entre les deux malgré cela?

22 M. le Président (interprétation): Non, vous interrogez à présent ce

23 témoin-ci. Ne faites pas de commentaire sur un autre témoin.

24 M. Milosevic (interprétation): J'aimerais que vous n'oubliiez pas cela: il

25 y a similitude dans la description, mais un élément différent, tout de

Page 6386

1 même, à savoir que l'un dit qu'il s'agissait de civils et l'autre pas.

2 Enfin, hier…

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous allez dire à ce témoin,

4 si c'est dans ces termes que vous le ferez, que les gens qui ont été tués

5 dans la ravine étaient des soldats de l'UCK? Est-ce bien ce que vous

6 voulez soumettre à ce témoin? Est-ce la proposition que vous souhaitez lui

7 proposer? Dans ce cas-là, faites-le clairement: dites que les 20 et

8 quelques civils étaient en fait des soldats de l'UCK, si c'est ce que vous

9 voulez laisser entendre, Monsieur Milosevic.

10 M. Milosevic (interprétation): Permettez-moi d'abord d'utiliser le

11 document qui a été soumis par la partie adverse, à savoir ce rapport

12 quotidien adressé par la police aux autorités supérieures, enfin au niveau

13 supérieur de la hiérarchie.

14 M. le Président (interprétation): Pièce à conviction 211, oui.

15 M. Milosevic (interprétation): Je ne connais pas la cote de cette pièce,

16 mais ici, sur mon document, il est écrit "Référence du Bureau du Procureur

17 2873". C'est un rapport qui a été signé par le chef de l'équipe

18 opérationnelle; c'est un jeune homme, sergent de première classe, etc.,

19 etc. Donc, il s'agit d'un rapport tout à fait courant qui stipule

20 exactement la même chose que ce que vient de nous dire le témoin ici mais

21 en des termes un peu différents, à savoir que des armes lourdes ont été

22 utilisées pour tirer sur l'armée parce que des armes antichars de 12,5mm

23 de calibre, ce sont des armes lourdes.

24 M. le Président (interprétation): Quel est l'extrait du rapport que vous

25 êtes en train de lire?

Page 6387

1 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, par exemple ici, je vais lire ce

2 qui concerne Racak -je cite-: "Le 15 janvier à partir de 3 heures du

3 matin, des mesures ont été prises pour encercler le village de Racak en

4 vue de capturer et de détruire un groupe terroriste. Nous avons été

5 informés que plusieurs attaques terroristes avaient eu lieu dans cette

6 municipalité d'Urosevac, avec des conséquences létales". Fin de citation.

7 Est-il contesté qu'il y avait un groupe de 47 soldats à cet endroit?

8 J'imagine que ceci n'est pas contesté?

9 M. le Président (interprétation): Nous n'avons pas besoin de revenir sur

10 ce point. Continuez la lecture.

11 M. Milosevic (interprétation): Donc, ceci est tout à fait clair et exact.

12 Il est dit dans ce texte que "à 6 heures 30, le village de Racak a été

13 complètement encerclé par une unité de la police spéciale du SUP

14 d'Urosevac qui a pénétré dans le village; c'est ce que veulent dire les

15 sigles utilisés. A l'entrée de Racak en provenance de Stimlje, la route

16 utilisée spécialement à cette fin, les terroristes albanais du Kosovo,

17 organisés en bande, ont ouvert le feu en utilisant un lance-roquette

18 portable et des armes légères. Il été répondu à ces coups de feu et les

19 terroristes, à l'approche de la police, se sont retirés dans le village de

20 Racak en ne cessant de tirer sur la police. Le combat avec les terroristes

21 s'est poursuivi jusqu'à environ 15 heures 30 et alors que le village était

22 fouillé, la police a essuyé des coups de feu provenant de Browning de

23 12,7mm de calibre et de mortiers. Le groupe terroriste a été liquidé avec

24 des efforts maximum de la part de la police".

25 Confirmez-vous ceci, je vous prie? Avez-vous utilisé des mortiers contre

Page 6388

1 la police ce jour-là?

2 M. Buja (interprétation): Oui, nous avons utilisé…

3 M. Milosevic (interprétation): Donc vous confirmez avoir utilisé des

4 mortiers de calibre 12,7mm, donc des armes lourdes?

5 M. le Président (interprétation): Un instant. Un instant. Est-il exact que

6 vous ayez utilisé des mortiers?

7 M. Milosevic (interprétation): D'abord, vous pourriez me demander, je vous

8 prie, d'apporter des éclaircissements quant au fait que 41 civils ont été

9 tués à Reçak.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, veuillez laisser le

11 témoin terminer.

12 M. Buja (interprétation): Et me demander ce qu'il est advenu d'un de ces

13 soldats dont le sort est toujours inconnu.

14 M. le Président (interprétation): Ceci est un rapport… Un instant, je vous

15 prie. Ceci est un rapport qui a été produit par la police; il vous est

16 simplement soumis pour que vous fassiez vos commentaires.

17 On vous demande quelles sont les diverses armes qui sont censées avoir été

18 utilisées ce jour-là. Il est allégué qu'un lance-roquettes portable a été

19 utilisé: ceci est-il exact?

20 M. Buja (interprétation): Après le début du conflit et après les premiers

21 tirs provenant de Çesta, donc des positions que j'ai montrées sur la

22 carte, la position n°10, un lance-roquettes portable de calibre 500 a été

23 utilisé à Petrova et, le 15, j'ai parlé d'une brève série de coups de feu

24 provenant du bunker et de l'élimination de ce bunker.

25 Dans ce rapport, il existe des éléments de désinformation de divers types

Page 6389

1 parce qu'il est dit, ce qui est tout à fait erroné, qu'il s'agissait d'une

2 attaque lancée par nous. Et c'est ce que l'accusé est en train d'essayer

3 de reprendre à son compte. Ce qui importe cependant, c'est que les forces

4 serbes ont lancé l'attaque et que nous avons réagi en utilisant un mortier

5 de 500mm seulement, parce que nous avons vu arriver un blindé transport de

6 troupes sur la colline de Çesta. C'était la seule position qui avait la

7 capacité d'être opérationnelle jusqu'à 11 heures du matin. Après 11 heures

8 du matin cependant, lorsque les soldats se sont regroupés, les combats ont

9 commencé sur la route de Kërkova.

10 M. le Président (interprétation): Oui, vous avez déjà parlé suffisamment.

11 Nous avons eu la possibilité d'entendre vos commentaires à ce sujet.

12 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

13 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que vous avez vu, le but était

14 de capturer un groupe terroriste. Vous pouvez le voir écrit, donc il n'est

15 pas contesté que des armes lourdes ont été utilisées contre la police qui

16 était venue capturer des personnes, qui étaient responsables de

17 l'assassinat d'autres personnes un peu partout.

18 Et par la suite, il est écrit…

19 M. le Président (interprétation): Tout cela, ce sont des polémiques et de

20 la perte de temps. Maintenant, quelle autre question avez-vous à poser à

21 ce témoin, si vous en avez?

22 M. Milosevic (interprétation): Pour passer à autre chose, il est dit dans

23 le rapport -ce n'est pas moi qui l'ai versé au dossier, c'est l'autre

24 partie- c'est un rapport de notre police qui dit -je cite-: "Au cours de

25 l'action, 60 membres des bandes terroristes albanaises du Kosovo ont été

Page 6390

1 liquidées, à peu près. Vers la fin de cette action, un juge d'instruction

2 est arrivé sur le lieu du crime et le Procureur général adjoint Ismet

3 Shufti (phon.)…"

4 M. le Président (interprétation): Nous allons interrompre ici, nous

5 n'allons pas poursuivre.

6 Ce qui est allégué dans ce document, c'est que 60 membres d'une bande

7 terroriste, c'est-à-dire de l'UCK, ont été liquidés.

8 M. Buja (interprétation): Oui, c'est ce qui est écrit ici "60

9 terroristes", et cela inclut les neufs soldats de l'UCK qui étaient

10 également des civils et qui ont été massacrés à Racak. Le nombre de 60 au

11 total, le nombre total devrait être 50. Donc ce qui s'est passé, c'est que

12 le même chiffre semble inclure les soldats de l'UCK et les civils de

13 Racak; et tous sont mentionnés comme étant des terroristes. Ce sont tous

14 des gens qui ont été tués dans la vallée de Bebush et à l'intérieur du

15 village de Racak, ainsi que les soldats qui ont été tués dans la ravine où

16 notre base se trouvait.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

18 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, précisément, c'est ça la question.

19 Il est stipulé ici dans le rapport –je cite-: "Alors que cette action

20 était en cours, pas un seul civil n'a été tué". (Fin de citation.)

21 Alors, je vous en prie, ce rapport a été envoyé le 15 janvier 1999, selon

22 la ligne hiérarchique normale. Il faut que le contenu ait été vérifié, que

23 la signature soit une signature fiable. Et il est dit ici -je le lis, je

24 cite-: "Au cours de l'action, pas un seul civil n'a trouvé la mort". (Fin

25 de citation.)

Page 6391

1 La police avait des ordres très fermes de ne pas ouvrir le feu au cas où

2 un civil risquait d'être tué. Et la police a respecté ces ordres, elle n'a

3 pas tué un seul civil. Et c'est ce que j'affirme.

4 M. le Président (interprétation): Nous pouvons lire ce texte. Y a-t-il un

5 mot de vérité dans tout cela?

6 M. Buja (interprétation): Il n'y a aucune vérité dans tout cela car, comme

7 la Mission de vérification de l'OSCE, ainsi que les témoins de Racak l'ont

8 dit, et ils ont corroboré ce que disait l'OSCE, tous ont dit que la

9 majorité des personnes présentes à Racak étaient des civils, à l'exception

10 des neuf soldats membres de l'Unité de Racak. Les autres étaient tous des

11 civils. Ce rapport est monté de toutes pièces, c'est un rapport de la

12 police qui établissait des rapports de ce genre en vue de propager des

13 désinformations en prétextant qu'aucun civil n'avait été tué.

14 Ce rapport était établi sur la base d'ordres venant de la commission

15 établie à l'époque; 41 civils ont été tués, c'est ça la vérité, et, pour

16 l'un d'entre eux, on ignore quel est son sort.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Le fait de savoir s'il s'agissait de

18 civils ou pas est confirmé par de nombreuses pièces à conviction. Nous

19 pouvons arrêter la discussion sur ce plan.

20 Maintenant, c'est Williams Walker qui a monté de toutes pièces l'incident

21 de Racak, et ça chacun d'entre nous le sait, toute la planète le sait, et

22 nous aurons l'occasion d'en discuter la semaine prochaine.

23 M. le Président (interprétation): Passez à autre chose. Ce qui vient

24 d'être dit, c'est qu'il s'agit d'un montage de toutes pièces.

25 M. Milosevic (interprétation): Comme vous pouvez le constater, il y a

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1 contradiction importante avec d'autres déclarations des témoins, aussi

2 bien du point du vue des armes que du temps, que du fait incontestable

3 qu'il s'agissait d'un combat et pas d'un quelconque massacre.

4 M. le Président (interprétation): Tout cela, ce sont des commentaires

5 émanant de vous. Avez-vous d'autres questions à poser à ce témoin?

6 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, Monsieur le Témoin. Il a

7 été largement contesté ici que certaines des personnes tuées avaient un

8 âge qui n'aurait certainement pas pu être l'âge d'un soldat de l'UCK; dans

9 les 60 ans, par exemple.

10 Et je vous demanderai de bien vouloir commenter un paragraphe qui se

11 trouve en page 13 de la déclaration et qui se lit comme suit: "Deux autres

12 soldats, Sadik Mujota, âgé de 61 ans et originaire de Malopoljac". C'est

13 le premier paragraphe de la version serbe page 13.

14 Nous lisons donc ce qui suit -je cite-: "Deux autres soldats, Sadik Mujota

15 âgé de 61 ans provenant de Mullopolc, et un autre soldat, Mehmet Mustafa,

16 âgé de 62 ans".

17 Donc vous parlez de deux soldats, Mujota 61 ans, Mustafa 62 ans. Mustafa

18 donc âgé de 62 ans, frère d'Ahmet Mustafa, un civil tué le 15 janvier

19 1999, se trouvait à Racak chez un parent à eux.

20 Donc ces deux soldats ne font pas partie des 47 personnes dont vous venez

21 de parler. Ils étaient dans la maison d'un de leurs parents à Racak et ils

22 avaient 61 et 62 ans respectivement. Et puis, ensuite, on dit qu'ils

23 étaient dans la maison, que rien ne s'est réellement passé. Et vers la fin

24 paragraphe, on lit -je cite-: "Lorsque les combats ont commencé, il était

25 du devoir de tous les soldats de se rendre au commandement et c'est ce

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1 qu'ils ont fait à ce moment-là.

2 Une fois que Sadik a été tué, sa fille de 15 ans, Hanumshahe, a été tuée

3 alors qu'elle se dirigeait vers lui au pas de course". (Fin de citation.)

4 Donc c'était bien un soldat de l'UCK au moins. Ça c'est clair, je pense.

5 M. le Président (interprétation): Un instant. Laissez le témoin répondre à

6 cette question. Vous lui avez posé deux questions au moins.

7 Le premier point, la première chose qui est dite, c'est qu'il s'agissait

8 de soldats de l'UCK. Et il apparaît, à la lecture du texte, qu'ils avaient

9 plus de 60 ans. Pouvez vous confirmer ceci, Monsieur Buja?

10 M. Buja (interprétation): Oui, je vais apporter un éclaircissement: si

11 nous avons souhaité éluder cela ou monter quelque chose de toutes pièces,

12 nous aurions dit que ces deux soldats âgés étaient des civils. La vérité,

13 c'est qu'ils étaient bien des soldats de l'UCK, même s'il a été très

14 difficile de les admettre en tant que soldats, notamment, en raison de

15 leur âge. Et c'est sur l'insistance de Mehmet Mustafa qui a dit qu'il

16 n'abandonnerait jamais son arme, qu'il la garderait toujours sur lui et

17 également sur l'insistance de Sadik Mujota, qu'ils ont été tous les deux

18 incorporés, en grande raison parce que nous ne souhaitions pas que des

19 civils armés demeurent dans notre voisinage. C'est donc la raison pour

20 laquelle nous les avons admis en tant que soldats.

21 Alors que l'accusé prétend que Hanumshahe a été évoquée comme l'une des

22 personnes massacrées, permettez-moi de dire qu'il manipule les noms de

23 famille ou les noms propres, parce que le rang des civils massacrés inclut

24 un autre Mehmet et une autre Hanumshahe.

25 Donc, parmi les civils massacrés, nous avons une autre Hanumshahe, dont le

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1 nom figure sur la liste en votre possession, alors que Hanumshahe Mujota a

2 été tuée après la mort de son père. Elle était la fille de Sadik Mujota.

3 M. le Président (interprétation): Il est temps de suspendre. Nous allons

4 suspendre vingt minutes.

5 Monsieur Nice a une question administrative. Je vous ai entendu mentionner

6 cela hier, et j'avais oublié. C'est la question suivante.

7 Au moment où la Plénière des Juges aura lieu -et les dates de la Plénière,

8 ce sont les 10, 11 et 12-, nous proposons de traiter de la question de

9 savoir s'il est possible pour nous de siéger le 10 et la moitié de la

10 journée du 11, pendant la Plénière donc.

11 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Très utile de le savoir à

12 l'avance.

13 M. le Président (interprétation): Suspension de 20 minutes.

14 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 10 heures 55.)

15 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice?

16 M. Nice (interprétation): Vous vous souvenez qu'il y a un problème de

17 calendrier du fait que Isuf Zhiniqi doit en fait retourner chez lui

18 demain. Il tombe sous le coup de l'Article 92bis, donc je prévois entre 45

19 minutes et une heure sans compter le contre-interrogatoire.

20 M. le Président (interprétation): Vous parlez donc de ce matin même.

21 M. Nice (interprétation): Oui.

22 M. le Président (interprétation): Nous pouvons encore consacrer une heure

23 au contre-interrogatoire de ce témoin. Ensuite, nous entendrons le témoin

24 suivant.

25 Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

Page 6395

1 M. Milosevic (interprétation): Troisième paragraphe page 13, vous

2 constatez –je cite-: "Les autres soldats se sont dispersés, nous savons

3 qu'il y en avait qui ont été blessés. Je ne sais pas quelle est la route

4 qu'ils ont empruntée pour partir, mais je sais qu'ils ont terminé à

5 Luzhak." (Fin de citation.)

6 La question que j'aimerais vous poser est liée à trois paragraphes un peu

7 plus bas, page 13. Vous dites -je cite-: "Les soldats arrivaient les uns

8 après les autres jusqu'à Luzhak; ils étaient confus, il y en avait qui

9 disaient qu'il y en avait trois ou quatre qui ont survécus, d'autres ont

10 été tués." (Fin de citation.)

11 La question que j'aimerais vous poser est la suivante: à partir du moment

12 ou trois ou quatre sont prélevés sur le chiffre 47, il en ressort que 43

13 ou 44 ont été tués. Ce qui correspond parfaitement au nombre des membres

14 de l'UCK qui ont été tués à Racak. Est-ce que c'est exact ou faux?

15 M. le Président (interprétation): Avez-vous pu suivre la question,

16 Monsieur le Témoin?

17 M. Buja (interprétation): Oui, j'ai compris. Non il n'y a aucun rapport

18 entre ces deux choses. Les soldats sont arrivés à Luzhak, se sont

19 éparpillés, se sont dispersés plutôt, et nous avons appris qu'ils sont

20 arrivés vers 11 heures. Il y a trois ou quatre soldats qui portaient les

21 blessés au nombre de huit. On nous a dit qu'il y avait en fait une

22 certaine confusion qui régnait parmi les renseignements donnés; certains

23 soldats, tel que Fehmi, a pu nous donner les informations concernant ceux

24 qui avaient été tués. Nous n'avions aucune information concernant les

25 soldats de Reçak avant 11 heures.

Page 6396

1 J'aimerais ajouter que ce qui figure dans le document de la police qu'il y

2 avait 60 terroristes tués; si on regarde le lendemain, on y voit que 15

3 ont été tués, ce qui sous-entend que tous les autres étaient des civils.

4 Nous voyons cela dans le rapport établi par les autorités serbes elles-

5 mêmes.

6 M. le Président (interprétation): Limitez-vous à ce passage de votre

7 déclaration. La question porte sur ce passage. Le passage en question dit

8 que "les soldats arrivaient à Luzhak l'un après l'autre" et toutes les

9 histoires que l'on entendait étaient très confuses. Selon certains, seuls

10 trois ou quatre avaient survécu. Vers les 11 heures, le dernier soldat est

11 arrivé, voilà ce qu'on y lit deux à trois paragraphes après celui-ci qui

12 parle du soldat de 60 ans."

13 Pouvez-vous nous aider: est-il vrai que c'est vers les 11 heures que le

14 dernier soldat est arrivé à Luzhak?

15 M. Buja (interprétation): Oui, vers 11 heures, les derniers soldats sont

16 arrivés, sauf le commandant de l'unité qui est resté blessé là où il avait

17 été blessé. Mais les informations étaient très confuses. Les soldats eux-

18 mêmes ne savaient pas très bien ce qu'il se passait. Ils ont fait des

19 rapports différents, ils n'ont pas tous été tués. Ceux qui avaient survécu

20 sont arrivés avant 11 heures et il y avait parmi eux des blessés.

21 M. Milosevic (interprétation): D'accord, nous pouvons poursuivre.

22 Est-il vrai de dire que, quelque part autour de 11 heures, la position de

23 Racake vous l'avez perdue, à savoir que ces positions n'étaient plus

24 souvent sous contrôle. Est-ce que c'est exact?

25 Réponse: Nous n'avions plus le contrôle du bunker au-dessus de Reçak, et

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1 cela, dès le début des combats. Les soldats ne pouvaient pas se rendre sur

2 cette position. J'ai déjà expliqué que huit soldats y ont trouvé la mort,

3 huit autres ont été blessés.

4 Question: Entendu. Dans ce grand paragraphe, page 13, vers le milieu,

5 c'est marqué -je cite-: "Les positions au dessus de Reçak n'étaient plus

6 sous notre contrôle et nous avons pris la décision d'attaquer avec

7 d'autres unités que nous avions à notre disposition. Cette décision a été

8 prise par le commandement de la zone. J'ai délivré l'ordre à Imri Ilazi,

9 38 ans, de Komoglava, municipalité d'Urosevac, d'attaquer avec la

10 compagnie de Rance et la compagnie de Luzhak pour reprendre les positions.

11 Moi, j'ai délivré un ordre au Bataillon de reconnaissance de Jezerce de

12 rester en alerte si les Serbes de l'autre côté attaquaient." (Fin de

13 citation.)

14 Par conséquent, vous avez décidé d'attaquer avec d'autres unités, vous

15 avez délivré l'ordre à Imri Ilazi pour reprendre les positions.

16 Est-ce que vous pouvez nous dire quels étaient les effectifs de vos forces

17 à avec lesquelles vous avez lancé l'attaque sur les positions à Racak?

18 D'après votre estimation, vous avez cité un certain nombre d'unités, est-

19 ce que vous pouvez nous dire quels sont les effectifs au total avec

20 lesquels vous avez lancé l'attaque?

21 Réponse: Nous avions une centaine de soldats à notre base. Nous avons

22 essayé de reprendre nos positions. Il ne s'agissait pas de soldats de

23 l'unité de Racak parce que ces derniers avaient peur, certains étaient

24 blessés, ont dû être emmenés au dispensaire. Donc nous avons attaqué avec

25 d'autres unités, telle que l'unité de Rance et d'autres encore qui

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1 tombaient sous le commandement de la zone. Et l'attaque a été menée avec

2 environ 80 soldats.

3 Question: Entendu. Il y avait 47 soldats, outre ces 47 soldats qui étaient

4 dans la base à Racak ce jour-là, d'après ce que vous affirmez à l'instant

5 même, ont participé 80 soldats. De plus, ce qui représente de votre côté

6 la participation des soldats, de 127 au total. N'est-ce pas?

7 Réponse: Il n'y avait pas 127 soldats parce que l'unité de Reçak se

8 trouvait paralysée en raison des 9 soldats tués et des 8 soldats blessés,

9 et les soldats des autres unités se sont rassemblés afin de mener

10 l'offensive pour reprendre les positions que nous avions perdues. Cela

11 dit, j'ai également expliqué que des tirs nourris ont visé nos forces et

12 le commandant adjoint, notre commandant adjoint s'est vu dire que nos

13 forces ne pouvaient pas opérer en raison de l'intensité de ces tirs. On

14 nous a donné l'ordre de reprendre le col de Luzhak, ou la gorge de Luzhak

15 qui, comme je l'ai déjà dit, se trouvait sur la route de Kërkova.

16 M. Milosevic (interprétation): A la dernière page, vous citez 11 heures

17 30; c'est encore le matin -vous dites: "J'ai émis l'ordre de reprendre les

18 positions et c'est là où d'autres unités ont commencé à opérer"-, dont

19 vous parlez. En d'autres termes, les combats ont été intensifiés au moment

20 où vous avez versé sur le front d'autres unités, et ce, selon votre ordre.

21 Est-ce que c'est exact ou non?

22 M. Buja (interprétation): Oui, les soldats se sont rassemblés, se sont

23 regroupés. Nous avons commencé une offensive destinée à reprendre nos

24 positions. Comme je l'ai expliqué, nous avons essuyé des tirs intenses de

25 la part des forces serbes; nous n'avons pas pu avancer. Les combats ont

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1 commencé peu après 11 heures et se sont poursuivis jusqu'au soir.

2 M. le Président (interprétation): Jusqu'où avez-vous pu avancer? Dans

3 quelle direction et à partir de quel endroit? Pouvez-vous nous indiquer

4 cela sur la carte?

5 M. Kwon (interprétation): Si vous étudiez la carte gauche, vous voyez une

6 flèche K1.

7 Est-ce que cela coïncide avec ce que vous venez de nous affirmer?

8 M. Buja (interprétation): Cette position a toujours été une position

9 d'offensive et, à partir de cette position, je pouvais voir la gorge de

10 Luzhak; c'est là où je recevais des informations, comme je l'ai dit dans

11 ma déclaration. Et à partir de cette position dans la gorge de Luzhak,

12 nous avons pris la route de Kërkova pour nous diriger vers les positions

13 que nous avions tenues, mais que nous avions perdues. Mais je pourrais

14 vous montrer cela mieux sur une autre carte. Ici, on ne voit pas cela, ce

15 serait plus bas.

16 Donc nous nous sommes dirigés vers nos positions, mais nous avons essuyé

17 des tirs nourris de la part des bois, des sapins de Shtime, venant en

18 direction de l'armée, ici, ainsi que la position qui est ici indiquée avec

19 la lettre C, et aussi Kodra e Gështenjëve.

20 (Le témoin désigne un endroit sur la carte.)

21 Il y avait aussi des tirs intenses ici. Cette position qui porte le

22 chiffre 10 a été frappée par les forces serbes depuis Cesta; cela nous a

23 empêché d'avancer dans cette direction pour reprendre les positions plus

24 éloignées. Nous ne savions pas ce qui se passait à Reçak ce jour-là parce

25 qu'ici, dans cette partie, il y avait… C'est ici que les civils de Reçak

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1 ont été emmenés.

2 Et puis, voici notre base, comme je l'ai expliqué hier.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez pu vous approcher

4 de Racak au cours de cette offensive?

5 M. Buja (interprétation): Non, parce que mon commandant adjoint m'avait

6 informé qu'il y avait des tirs nourris et, conformément aux rapports des

7 services de renseignements de l'UCK, il y avait des forces de police

8 considérables, en grand nombre, qui attaquaient depuis cette direction. Et

9 selon ces informations, il y avait environ 60 membres de l'infanterie qui

10 défendaient les positions prises par les forces serbes, tenues par les

11 forces serbes. Donc il était très difficile d'avancer. J'ai donné l'ordre

12 de rester sur place afin de protéger la gorge de Luzhak qui, comme je l'ai

13 expliqué hier, avait une importance cruciale pour l'unité.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais comment vous ne saviez pas ce qui se

15 passait à Racak alors que vous avez dit qu'il y avait des membres de

16 l'unité de Racak, qui arrivaient à Luzhak, qui vous ont informé également

17 que tout le monde a été tué, sauf les trois ou quatre qui se sont rendus

18 chez vous? Comment n'étiez-vous pas informé, à ce moment-là?

19 M. le Président (interprétation): Le témoin peut maintenant se rasseoir,

20 s'il le souhaite.

21 M. Buja (interprétation): J'ai dit que les informations que nous avons

22 reçues concernaient les soldats de Reçak. L'unité n'a pas pu savoir ce qui

23 se passait à l'intérieur même de Racak. Comme je l'ai expliqué, je vous ai

24 dit où se trouvait notre base, dans la gorge au-dessus de Racak et, de

25 façon générale, nous n'avions pas d'informations provenant du village même

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1 parce que l'armée et la police serbe s'y trouvaient.

2 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, vous avez versé sur le

3 front 80 personnes en plus. Dernière page, dernier paragraphe, page 13 -je

4 cite-, vous avez dit: "C'est à partir de Petrova que nous avons attaqué

5 les Serbes avec les mortiers sur la colline Cesta. L'objectif était

6 d'empêcher les blindés transports de troupes d'avancer, j'ai demandé au

7 commandant de notre unité de rester en alerte. Et il y avait 600 mètres

8 entre Cesta et notre ligne". (Fin de citation.)

9 Tout ce que vous venez de citer dans votre déclaration, pour ce qui est

10 des opérations de combat à Racak et dans les environs, nous conduit à

11 conclure que vous avez organisé une contre-attaque à partir de 11 heures

12 30; est-ce que c'est exact ou non?

13 M. Buja (interprétation): Oui. Mais je dois vous expliquer que la position

14 que j'ai attaquée, que l'on voit sur la carte, la sortie du chiffre 10,

15 c'est la sortie du village de Petrova. Et nous n'avons pas pu avancer pour

16 voir ce qui se passait parce qu'ils pouvaient tirer sur nous directement.

17 C'est une position qui devait nous aider à reprendre nos anciennes

18 positions. Mais lorsque le commandant adjoint nous a permis de regagner,

19 de reprendre le contrôle du front, c'est la ligne de front que je vous

20 avais indiquée auparavant sur la route de Krajkova.

21 M. le Président (interprétation): Est-il exact que vous avez utilisé des

22 mortiers sur la colline de Çesta, visant les forces qui se trouvaient sur

23 la colline de Çesta, pour empêcher l'avancée des blindés de transport de

24 troupes?

25 M. Buja (interprétation): Oui. Nous avons utilisé, à partir de cette

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1 position, un mortier de calibre 500; nous avions donc une portée de 500

2 mètres, une portée de tir de 500 mètres. Nous avons pu utiliser cela de

3 façon parabolique, et cela a atténué la portée. La colline, en fait, de

4 Çesta était à 600 mètres, comme je l'ai expliqué.

5 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que nous pouvons éclaircir un point?

6 Les combats ont commencé à 6 heures 30 et les opérations de combat se sont

7 poursuivies jusqu'à 15 heures; c'est ce que vous affirmez.

8 Plus tard, vous dites qu'à 16 heures, ce sont les vôtres qui ont commencé

9 à avancer.

10 M. le Président (interprétation): Veuillez lui donner l'occasion de

11 répondre à la question.

12 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie. Allez-y, Monsieur le

13 Témoin.

14 M. Buja (interprétation): Je l'ai déjà expliqué: jusqu'à 11 heures, nous

15 étions incapables d'attaquer, de reprendre nos positions. Nous avons dû

16 nous regrouper et attendre des informations sur la situation réelle. Après

17 avoir obtenu ces informations, le commandement a décidé d'attaquer pour

18 reprendre ces positions.

19 M. le Président (interprétation): Ce qu'on vous demande, c'est en fait de

20 savoir à quelle heure les combats ont cessé. Dans votre déclaration, on

21 lit "15 heures"; est-ce exact?

22 M. Buja (interprétation): Oui.

23 M. Milosevic (interprétation): Par conséquent, d'après votre déclaration,

24 les opérations de combat ont duré entre 6 heures et 15 heures. Et d'après

25 le rapport de police également, on peut voir que c'est le temps qui

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1 coïncide, 6 heures 30 à 15 heures.

2 M. le Président (interprétation): Il n'est pas nécessaire de revenir là-

3 dessus. A 11 heures, ils se trouvaient tous… Ils étaient tous retournés

4 dans la gorge de Luzhak. C'est après cela qu'ils ont lancé leur attaque.

5 M. Milosevic (interprétation): Mais je suppose que les combats duraient

6 entre 6 heures 30 et 15 heures; après ils ont commencé la contre-attaque.

7 Mais en ce qui concerne les tirs de mitrailleuses, de mortiers, ça s'est

8 passé le matin et pas après 11 heures 30.

9 Mais nous pouvons poursuivre. Après 16 heures. Vous affirmez dans la

10 déclaration que vos soldats "se sont dirigés vers les anciennes positions

11 au-dessus de Racak, mais à ce moment-là, on n'ouvrait pas le feu" et c'est

12 la raison pour laquelle vous avez avancé "sans aucune résistance, étant

13 donné que des forces serbes s'étaient déjà retirées". (Fin de citation.)

14 Est-ce que c'est exact ou non?

15 M. Buja (interprétation): Oui, parce que de façon générale, les forces

16 serbes ne menaient pas d'offensive pendant la nuit.

17 Question: Entendu. Est-il vrai de dire que vous avez repris les positions,

18 une fois que la police a battu en retraite?

19 Réponse: Nous sommes retournés sur nos positions. Nous voulions retrouver

20 les corps des soldats que nous avions perdus ou retrouver les soldats

21 blessés, donc nous sommes retournés sur ces positions selon les

22 informations d'Afet Bilalli, les informations qu'il nous avait envoyées

23 par radio. Donc, nous sommes partis pour retrouver les corps de ces

24 soldats.

25 Question: Je ne vous ai pas demandé pourquoi, quelle étaient les raisons.

Page 6404

1 Vous affirmez tout simplement que vous aviez repris vos positions et

2 ensuite, vous dites: "Fehmi Mujota a été en contact avec les représentants

3 de l'OSCE. Il a été l'officier chargé des questions de la morale. Il était

4 membre de l'UCK, mais il n'était pas vêtu en uniforme, il n'y avait pas

5 d'arme. Par conséquent, il n'avait même pas d'uniforme". Est-ce ce que

6 vous avez dit?

7 Réponse: Oui, c'est exact.

8 Question: J'attire votre attention sur le fait que vous avez dit hier,

9 lors de déposition, que tous les membres de votre unité portaient

10 l'uniforme et ensuite, vous dites que c'est à Petrova qu'il a rencontré

11 les représentants de l'OSCE et les a informés sur tous les éléments qui

12 concernent Racak; c'est Fehmi Mujota qui a informé les représentants de

13 l'OSCE, ce soir même, de ce qui s'était passé à Racak et c'était à

14 Petrova.

15 Réponse: Il a donné les informations concernant les soldats de l'UCK. Nous

16 n'avions aucune information à propos des civils à Reçak, comme je l'ai dit

17 dans ma déclaration.

18 Question: Mais hier, lors de votre déposition, vous avez dit que vous

19 aviez des informations mais que vous ne vouliez pas… Je répète: vous avez

20 dit hier, dans le prétoire, que "vous avez eu des informations, mais que

21 vous n'avez pas vu, que vous ne vouliez pas vous rendre sur place parce

22 que vous attendiez que Walker vienne se joindre à vous". Est-ce que c'est

23 exact ou non?

24 Réponse: Non, c'est faux. J'ai dit hier que lorsque, avec Fehmi, nous

25 avons rencontré l'OSCE, les civils qui avaient survécu au massacre de

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1 Reçak nous ont parlé de ce massacre, mais nous avions des doutes; nous

2 estimions que ces informations étaient un peu suspectes, donc nous

3 voulions vérifier tout cela. Le lendemain, je n'ai pas dit que j'attendais

4 l'arrivée de Walker; nous ne attendions pas à ce qu'il arrive le

5 lendemain.

6 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Mais vous avez dit que vous avez

7 attendu les vérificateurs; ceci est consigné dans la transcription mais

8 nous allons vérifier.

9 Autre chose: vous avez dit que vous ne vous êtes pas rendu sur place parce

10 qu'il faisait nuit et puis, il y avait de la neige; c'est ce que vous avez

11 dit hier lors de votre déposition et je pense que vous vous rappelez de

12 cela?

13 Réponse: Oui, j'ai dit hier que nous n'avions pas la possibilité de

14 surveiller ce qui se passait sur le terrain parce qu'il faisait nuit et

15 parce qu'il neigeait, mais c'était aussi impossible en raison des forces

16 serbes. Donc nous avons attendu le lendemain pour pouvoir vérifier ces

17 allégations, et l'OSCE a également dû vérifier la véracité de ces

18 informations données par les civils. Donc Fehmi Mujota et les

19 représentants de l'OSCE se sont rendus sur place pour vérifier, pour

20 enquêter sur ce massacre, vérifier s'il avait eu lieu.

21 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que vous ne pouviez pas à cause

22 de la police et d'un autre côté, à 16 heures vous êtes rentrés à Racak

23 étant donné que la police a quitté les lieux. Est-ce que c'est

24 contradictoire par rapport à ce que vous affirmez à l'instant même, que

25 vous ne pouviez pas rentrer à cause des forces de police, car auparavant,

Page 6406

1 vous venez de dire que vous êtres rentrés à 16 heures, au moment où la

2 police a quitté les lieux. Est-ce que c'est exact ou non?

3 M. le Président (interprétation): Je n'arrive pas à vous suivre. Je ne

4 vois pas où vous voulez en venir.

5 M. Milosevic (interprétation): Mais le point, c'est qu'il affirme qu'il ne

6 pouvait pas rentrer à Racak à cause de la police et, dans la déclaration,

7 il est marqué qu'ils sont retournés à Racak, à 16 heures, étant donné que

8 la police avait déjà quitté les lieux.

9 Donc je ne vois pas comment cette police aurait pu les empêcher de rentrer

10 alors que les représentants de la police étaient déjà partis?

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pouvez répondre à la

12 question, Monsieur Buja?

13 M. Buja (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

14 Je n'ai pas dit que nous étions retournés à Reçak, mais que nous étions

15 retournés à notre base, aux positions où nous pourrions retrouver les

16 corps des soldats tués ou blessés, et pour rejoindre ou pour retrouver le

17 commandant de l'unité Afet Bilalli. Nous ne sommes pas entrés à Reçak

18 parce que la mission de nos soldats était de retrouver les morts, les

19 blessés à la base, la base qui est donc surélevée, où se trouvaient nos

20 positions. Il n'était pas question de rentrer dans Reçak.

21 M. Milosevic (interprétation): Ce n'était pas la question de ne pas vous

22 pouvoir vous rendre à Racak. A ce moment-là, je ne vois pas pourquoi vous

23 citez les raisons telles que la police qui était présente; il faisait

24 nuit, il neigeait, c'est la raison pour laquelle vous ne pouviez pas vous

25 rendre à Racak.

Page 6407

1 M. Buja (interprétation): Parce que l'armée, la police se trouvait ici sur

2 ces positions à Korda e Gështenjeve et aurait pu tirer sur n'importe

3 laquelle de ces positions si nous tentions d'entrer dans le village même.

4 Même le jour suivant, dans la matinée, il a été difficile pour nous de

5 nous déplacer car ces positions auraient pu tirer sur la route.

6 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que vos forces sont rentrées

7 déjà à 16 heures… D'accord, j'ai compris. Mais hier, sur la photographie,

8 on a vu qu'il n'y avait pas beaucoup de neige; il y avait déjà l'herbe

9 qu'on voyait. Quelle est la neige dont vous parlez? La caméra a bien

10 démontré la couleur jaune, donc je ne sais pas de quelle neige parlez-

11 vous?

12 M. le Président (interprétation): Donnez au témoin l'occasion de répondre

13 à ces questions qui sont longues.

14 M. Buja (interprétation): Nous étions au mois de janvier. Même si on a

15 l'impression que c'était l'été, mais il faisait très froid; on était en

16 plein hiver, il y avait de la neige, notamment dans les montagnes.

17 On ne voit pas beaucoup de neige dans les photos parce qu'il y avait

18 tellement de mouvements dans ce secteur -y compris les médias- le

19 lendemain. Mais pendant la nuit, il faisait très froid; il y avait de la

20 neige.

21 M. Milosevic (interprétation): D'accord, on ne va pas rester trop

22 longtemps. Je pense que votre réponse est suffisamment claire. On va

23 économiser du temps.

24 Vous dites que Williams Walker est venu à ce moment-là pour vérifier le

25 massacre. Quand vous dites qu'il est venu vérifier qu'il y avait eu un

Page 6408

1 massacre, ceci veut dire que vous avez déjà établi qu'il y avait un

2 massacre et Walker est venu sur place pour vérifier si véritablement il y

3 a eu un massacre. Est-ce que c'est exact?

4 Réponse: Nous n'avons pas vérifié cela. Cela dit, ce qui s'est passé à

5 Reçak sur la base des informations que nous donnaient les civils, cela a

6 pu être vérifié le lendemain même, dans la matinée lorsqu'une équipe de

7 l'OSCE s'est rendue sur place; par la suite, des membres des médias et

8 Williams Walker également. Il avait d'ailleurs reçu des informations de la

9 part de sa propre équipe. C'est pour cette raison qu'il est venu lui-même

10 sur les lieux.

11 M. Milosevic (interprétation): Est-il vrai de dire que vous avez ramené un

12 certain nombre de cadavres, des hommes qui ont été tués au cours des

13 combats, et ensuite vous avez emmené Walker pour se rendre compte sur

14 place de cela, enfin pour vérifier.

15 M. Buja (interprétation): Non. Parce que nous n'avions pas été nous-mêmes

16 sur les lieux du crimes. Les premiers arrivés étaient les membres de

17 l'OSCE accompagnés par Fehmi Mujota, ce que l'on peut d'ailleurs constater

18 dans la séquence vidéo que nous avons vue hier.

19 On voit toutes les personnes massacrées, le sang, les blessures par

20 balles, toutes les taches de sang sur leurs vêtements. On y voit tout.

21 Il aurait été impossible de réaliser tout cela. Et il s'agissait

22 d'habitants de Reçak alors que, dans nos unités, nous avions des membres

23 de l'UCK qui y étaient également habitants de Reçak. Donc, cela aurait été

24 tout à fait impossible pour eux de faire ce que vous imaginez, pour tenter

25 de fabriquer ce massacre. Ne nous imputez pas cela.

Page 6409

1 M. Robinson (interprétation): Lorsque vous avancez votre thèse sur des

2 points aussi importants, soyez sans ambiguïté. Il ne faut pas dire

3 "pourrait-il être vrai?"; vous devriez avancer cela de façon non

4 équivoque. C'est votre thèse ce que vous affirmez: qu'ils ont amené des

5 corps qui avaient été tués ailleurs. Je vous propose d'être moins ambigu.

6 M. Milosevic (interprétation): Mais j'étais tout à fait clair. J'ai

7 demandé s'ils avaient ramené les corps et s'ils les avaient jetés les uns

8 sur les autres sur les places.

9 M. Robinson (interprétation): Je vois ici, dans le compte rendu, vous

10 dites: "Est-ce que peut-être ce serait la vérité?" Donc, je vous suggère

11 d'affirmer votre thèse de façon tout à fait univoque.

12 M. Milosevic (interprétation): J'ai été tout à fait explicite, je viens de

13 l'être.

14 Les membres de l'UCK, il s'agit des civils de Racak, mais tous n'étaient

15 pas des habitants de Racak, est-ce exact ou non?

16 M. Buja (interprétation): Il y avait des soldats de Reçak mais ceux qui

17 ont été tués à Reçak étaient des civils de Reçak, exception faite de neuf

18 soldats. On peut y voir qu'il y avait des personnes venaient de Mullopolc,

19 de Kacanik. Il y avait des soldats de différents endroits comme il y avait

20 des soldats de Reçak dans d'autres unités. Mais les personnes tuées

21 étaient des civils.

22 Question: Entendu. Moi, j'affirme que c'étaient les membres de l'UCK.

23 Vous, vous affirmez que c'étaient des civils. En ce qui me concerne, je

24 pense que ça a déjà été explicité.

25 A midi, vous êtes allé rencontrer Walker à Petrovo, n'est-ce pas?

Page 6410

1 Réponse: Oui, c'est exact.

2 Question: Est-ce que c'est pour la première fois que vous avez rencontré

3 Walker depuis que l'opération à Racak a débuté?

4 Réponse: C'est la première fois que je l'ai rencontré, M. Walker. Je l'ai

5 rencontré sur les lieux du crime, je m'y suis rendu. La réunion elle-même

6 a eu lieu à Petrograd à midi. C'était la première fois que j'ai fait la

7 connaissance de Williams Walker.

8 Question: Quand vous êtes-vous rencontré sur les lieux du crime?

9 Quand vous êtes-vous rencontré à l'endroit où vous maintenez, prétendez

10 que c'était le lieu du crime, avant ou après la réunion?

11 Réponse: C'était avant la réunion, vers les 11 heures.

12 Question: En d'autres termes, c'était au moment où Walker s'était rendu

13 sur place?

14 Réponse: Oui, c'est là où je l'ai vu. Et c'est là où il m'a demandé une

15 réunion.

16 Question: Hier, vous l'avez affirmé, vous l'avez répété aujourd'hui, au

17 moment où Walker est venu sur place, le seul membre de l'UCK était Fehmi

18 Mujota. Est-ce que c'est exact ou faux?

19 Réponse: C'est exact. Cela dit, pendant ces brefs moments, j'y suis arrivé

20 également avec mes deux gardes du corps.

21 Question: En d'autres termes, vous également, vous êtes sur place. Fehmi

22 Mujota n'était pas le seul, il y avait vous-même et il y avait quelques

23 autres membres de l'UCK au moment où Walker a visité les lieux, quand on

24 voit sur les séquences que l'on a vues les personnes qui ont été tuées.

25 Réponse: Cette séquence vidéo montre également mon arrivée après celle de

Page 6411

1 Walker. Il y avait peut-être un très bref intervalle entre son arrivée et

2 la mienne, mais il est vrai que je me suis rendu sur les lieux et j'ai

3 rencontré Walker là où l'incident avait eu lieu.

4 M. Milosevic (interprétation): Vous êtes arrivé combien de temps après

5 Walker?

6 Réponse: Je ne saurais vous le dire parce que je ne sais pas à quelle

7 heure Walker est arrivé sur les lieux. Donc je ne peux que supposer qu'il

8 s'agissait d'un bref intervalle.

9 Question: Est-ce qu'il avait déjà visité les lieux de l'incident ou bien

10 avez-vous visité ensemble le lieu de l'incident?

11 Réponse: Non, je l'ai vu sur place. Il y était allé de son propre côté

12 pour vérifier la situation. Après cela, je l'ai rencontré à Racak pour

13 environ deux minutes. Il a demandé un entretien; je lui ai dit alors:

14 "Retrouvons-nous quelque part pour discuter".

15 Question: D'accord. Walker avait d'abord visité les lieux de l'incident et

16 ce n'est qu'après cette visite que vous l'avez vu à l'endroit où

17 l'incident a eu lieu. Est-ce que c'est comme ça qu'il faut comprendre ce

18 que vous avez dit?

19 Réponse: Je ne sais pas s'il avait passé en revue, vérifié tous les corps

20 avant de me rencontrer. Tout ce que je sais, c'est que je l'ai rencontré

21 sur les lieux de l'incident, nos yeux se sont croisés, nous n'avons pas

22 parlé, nous avons passé peut-être deux minutes près de la mosquée, et je

23 lui ai dit: "Nous ne devrions pas discuter ainsi debout", parce que, même

24 à ce stade-là, j'étais dans un état de stress énorme et j'ai demandé que

25 l'on puisse se rencontrer à Petrova.

Page 6412

1 M. Milosevic (interprétation): Je vais tout simplement mettre au clair, et

2 je vous prie d'accélérer un petit peu, on n'a pas beaucoup de temps.

3 Walker a visité le lieu de l'incident avant que vous arriviez: est-ce que,

4 pour la deuxième fois, il a visité avec vous?

5 M. le Président (interprétation): Nous perdons du temps sur ce point. Nous

6 avons discuté pendant déjà de longues minutes, c'est un point secondaire.

7 Le témoin dit qu'il est arrivé sur les lieux après M. Walker; il ne sait

8 pas ce que M. Walker aurait pu faire avant son arrivée, il a peut-être

9 passé en revue les lieux, peut-être pas.

10 M. Milosevic (interprétation): Entendu. Mais ceci veut-il dire qu'au

11 moment où Walker visitait le lieu de l'incident, il n'y avait pas de

12 membres de l'UCK qui étaient présents, exception faite de Fehmi Mujota?

13 Est-ce que c'est comme ça?

14 M. Buja (interprétation): Oui.

15 M. Milosevic (interprétation): Lui, il n'était pas en uniforme, n'est-ce

16 pas?

17 Réponse: Il n'arborait jamais d'uniforme parce qu'il était un responsable

18 politique de l'UCK.

19 Question: Par conséquent, il n'y avait aucun membre de l'UCK qui portait

20 l'uniforme pendant que Walker visitait les lieux. Est-ce que c'est comme

21 ça qu'il faut comprendre?

22 Réponse: Il y avait moi-même et deux autres soldats.

23 Question: Mais vous n'avez pas visité les lieux avec Walker. C'est ce que

24 vous avez dit: que lui-même, il a visité les lieux sans vous, sans votre

25 présence. Est-ce que je vous ai bien compris?

Page 6413

1 Réponse: Non, certainement, nous n'étions pas côte à côte. Il menait sa

2 propre inspection. J'y suis allé pour vérifier les informations qui

3 avaient été transmises par le commandement de la zone.

4 Question: Je n'ai pas le temps mais, de toute façon, je vais vous faire

5 visionner la cassette et vous allez pouvoir constater qu'il y avait

6 quelques membres de l'UCK qui étaient en uniforme. De toute façon, on n'a

7 pas le temps maintenant. Nous allons poursuivre avec les questions.

8 Fehmi Mujota a assisté à la réunion tenue avec Walker. Qui encore, s'il

9 vous plaît?

10 Réponse: Il y avait aussi l'interprète de M. Walker.

11 Question: Est-ce qu'il est vrai que vous avez tiré des mortiers sur les

12 forces serbes au moment où ils avaient monté les cadavres sur les camions

13 pour les transporter depuis la mosquée, et ceci, à cause de l'enquête qui

14 aurait dû être faite par les médecins légistes?

15 Réponse: Oui, nous avons tiré, nous avons mené une offensive parce qu'il y

16 avait là un crime commis contre les citoyens de Reçak et nous avons reçu

17 ces instructions afin de retrouver les corps, de récupérer les corps avant

18 que l'accord n'ait été conclu sur les lieux.

19 J'aimerais préciser cela parce que c'est très important. Ils ont engagé

20 leur offensive même avant que les négociations n'aient été menées à bien,

21 insistant sur le fait que les médecins légistes, une équipe de médecins

22 légistes devrait venir sur les lieux pour vérifier ce qui se passait avec

23 les Serbes.

24 Vous savez que Louise Arbour, la Procureure…

25 Question: Excusez-moi, mais est-ce que vous pouvez ne pas prolonger votre

Page 6414

1 réponse parce que je n'ai pas le temps. Et je vais vous poser la question:

2 est-il vrai que vous avez tiré en direction des Serbes et qu'il y avait 17

3 Serbes qui ont été tués à ce moment-là?

4 Réponse: Je ne sais pas combien de Serbes ont été tués, mais les combats

5 ont été menés par nos propres unités, j'en ai fait partie. Il s'agissait

6 de combats destinés à pouvoir récupérer les corps. Nous avons attaqué les

7 véhicules de la police serbe et de l'armée, nous avons utilisé diverses

8 armes, tels que deux mortiers en particulier. Nous avons donc entamé cette

9 offensive visant les positions serbes, nous avons pénétré les positions

10 serbes. Nous ne savons pas combien de personnes ont été tuées mais,

11 d'après les informations émanant des vérificateurs de l'OSCE, le

12 lendemain, nous avons pu en conclure qu'il y avait environ 17 soldats

13 serbes ou policiers serbes qui avaient été tués.

14 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit que ce que sont vos propres

15 observateurs qui avaient constaté qu'il y en avait 17 qui ont été tués.

16 Vous avez dit que vous tiré d'une distance de 300 mètres en direction du

17 juge d'instruction et d'autres qui chargeaient les corps dans le camion.

18 C'est page 17, mais nous n'allons pas rester trop longtemps là-dessus. Je

19 vais donc ne pas parler d'autres questions.

20 Vous avez dit que Danica Marinkovic a essayé de sortir de l'hélicoptère.

21 De toute façon, elle ne l'a pas fait; je pense que c'est le feu que vous

22 avez ouvert qui l'avait empêché de sortir de l'hélicoptère. Je pense que

23 ce n'est pas contestable.

24 M. Buja (interprétation): J'aimerais tout d'abord préciser que, dans ma

25 déclaration, je parle de vérificateurs, je ne précise pas de qui il

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1 s'agissait. Ils nous ont parlé de 17 personnes mais, plus loin dans la

2 même déclaration, je dis que nos propres observateurs nous ont dit qu'ils

3 entendaient des voix serbes, donc il s'agissait de policiers et de l'armée

4 serbes.

5 M. le Président (interprétation): Il faudrait passer au point suivant.

6 M. Milosevic (interprétation): Est-ce qu'il est vrai que, le 18 janvier,

7 nos forces ont brisé vos forces entre Petrova et Rance, et que vos forces

8 se sont retirées à Rance et à Mullirit e Kurtishit. C'est ce que je lis

9 dans votre déclaration? Est-ce que c'est exact?

10 M. Buja (interprétation): Je ne comprends pas très bien. Veuillez répéter

11 votre question, s'il vous plaît.

12 Question: Est-ce que vous pouvez être tout à fait bref dans vos réponses?

13 Est-il vrai que le 18 janvier, nos forces ont brisé les positions de vos

14 forces entre Krajkova et Rance et que vous vous êtes retirés sur les

15 positions de réserve? C'est la page 16, dernier paragraphe. C'est marqué

16 -je cite-: "Le 18 janvier, ils ont réussi à briser nos positions entre

17 Krajkova et Rance, une partie de nos soldats s'étaient retirés sur nos

18 positions de réserve". (Fin de citation.)

19 Est-ce que c'est exact ou non?

20 Réponse: Oui, c'est exact. Il est vrai que nous avons dû nous retirer.

21 Question: Ensuite, vous dites que les Serbes sont rentrés à Rance le 18

22 janvier et que les membres de l'UCK ont tué à ce moment-là 20 Serbes.

23 C'est à la fin du paragraphe que je viens de vous citer dans votre

24 déclaration.

25 Réponse: Oui. Si vous le souhaitez, je peux vous expliquer comment cela

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1 s'est passé, vous dire quelle position nous occupions, parce que le

2 territoire entre Rance, Petrova et Racak est une région montagneuse, et

3 nous avons donc dû nous retirer en passant par Mullirit e Kurtishit, en

4 prenant la direction de Luzhak. Il s'agissait là des positions que nous

5 avons occupées à ce moment là.

6 Question: Entendu. Vous dites que les Serbes ont accepté de remettre tous

7 les corps pour qu'on procède à l'autopsie, qu'il y avait des médecins

8 légistes étrangers qui ont rejoint l'équipe. Je pense que ce n'est pas

9 contestable et vous avez dit qu'en février 1999, un grand nombre de civils

10 s'est rendu aux funérailles et Walker y était présent. Vous également,

11 vous étiez en uniformes, trois autres soldats en uniformes vous ont

12 escorté. Est-ce que c'est exact?

13 Réponse: Tout d'abord, j'aimerais dire que l'on a insisté sur le fait que

14 les corps soient restitués l'un après l'autre, mais les familles des

15 personnes massacrées n'étaient pas d'accord: elles voulaient que tous les

16 corps soient restitués en un seul groupe. Par la suite, ils ont été

17 libérés en un seul groupe et l'enterrement a eu lieu au mois de février.

18 William Walker a assisté à cet enterrement, moi-même j'ai également

19 assisté à l'enterrement, assez brièvement.

20 M. Milosevic (interprétation): Je ne vous ai pas posé la question à ce

21 sujet-là. Vous avez déjà donné la réponse, cela me suffit. Pourquoi avez-

22 vous arrêté un nombre de civils lors des obsèques? Brièvement, s'il vous

23 plaît.

24 Je parle des Albanais que vous avez arrêtés.

25 Réponse: Nous n'avons arrêté aucun civil. Nous avons détenu, pendant une

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1 très courte période, certains en raison du risque d'intervention de

2 paramilitaires tels que les "Black Hand", les "Mains noires", qui auraient

3 pu intervenir au milieu des civils pour provoquer un incident qui aurait

4 eu des répercussions importantes, qui aurait pu causer un autre massacre.

5 Donc nous avons détenu pendant quelques heures, jusqu'à la fin de

6 l'enterrement, tous les suspects qui auraient pu participer à

7 l'enterrement, mais ils ont tous été remis en liberté le jour même.

8 Question: En ce qui concerne toutes ces histoires de la "Main noire", et

9 des formations paramilitaires, ce sont les histoires que nous avons déjà

10 entendues souvent dans ce prétoire. C'est pittoresque! Ce n'est pas tout à

11 fait pertinent.

12 Mais, vous dites que les Serbes qui étaient des hommes politiques avaient

13 des unités militaires au Kosovo. A la page 9, vous dites au paragraphe,

14 vers le milieu, que "Kostunica sur la photographie était en uniforme au

15 Kosovo. Vous avez dit qu'il avait également une arme en bandoulière. Vous

16 avez vu Seselj qui visitait les troupes ou les unités avec des armes

17 automatiques, et que vous l'avez vu à la télévision en uniforme

18 militaire." (Fin de citation.)

19 Est-ce que vous pensez à ces deux apparitions au Kosovo?

20 M. Buja (interprétation): Oui, Kostunica, en effet, a posé pour les

21 photographes. On a vu sa photographie dans les quotidiens, on a vu ces

22 images; si vous le souhaitez, nous pouvons vous en donner une copie. Nous

23 pourrions également retrouver les enregistrements de la radio télévision

24 serbe qui montraient Seselj en uniforme militaire qui menait une

25 inspection de ses propres unités. Il y avait également le dénommé "Arkan"

Page 6418

1 Raznjatovic, un membre du Parlement serbe; on l'a également vu dans les

2 médias.

3 Je peux même fournir à la Chambre d'autres informations qui montrent les

4 fonds dont disposaient le dénommé Dragan, financés par des familles et des

5 ouvriers et, selon les informations que j'avais, cela faisait partie d'une

6 formation paramilitaire.

7 M. Milosevic (interprétation): Vous avez dit, de toute façon, vous

8 argumentez avec tout ce que vous venez de dire que tous les hommes

9 politiques avaient des unités militaires. Est-ce que vous savez qu'aucun

10 homme politique n'avait des unités militaires qui les escortaient.

11 Pourquoi avez-vous inventé ces unités militaires et paramilitaires telle

12 que la "Main noire", etc.? Qu'est-ce que cela veut dire?

13 M. le Président (interprétation): Un instant, je ne retrouve pas cette

14 remarque dans la déclaration. Je pense que quelqu'un pourra m'aider.

15 Monsieur Nice?

16 M. Nice (interprétation): Il s'agit de la page 9 dans la version anglaise,

17 au milieu de la page. On pourrait interpréter cela de façon quelque peu

18 différente par rapport à l'interprétation dont l'accusé en donne.

19 M. Milosevic (interprétation): Et en bas de ce paragraphe, il est marqué

20 -je cite-: "Tous les hommes politiques avaient des unités militaires, et

21 tous ont attaqué d'une façon ou d'une autre au Kosovo."

22 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai repéré cela. Veuillez ne pas

23 m'interrompre, s'il vous plaît. C'est à la fin de la page 9, dans la

24 version anglaise.

25 Monsieur Buja, ce qu'on peut y lire -et je cite-: "Les paramilitaires

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1 portaient des uniformes, n'ont jamais rencontré d'opposition de la part de

2 la police ou de l'armée de quelque village ou ville que ce soit. Tous les

3 politiciens avaient des unités militaires et ont attaqué le Kosovo d'une

4 manière ou d'une autre." (Fin de citation.)

5 Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendiez par cette déclaration?

6 M. Buja (interprétation): Ce que j'entendais par là c'est que la

7 hiérarchie politique serbe, je faisais allusion à cette hiérarchie

8 politique, j'ai mentionné "Arkan" notamment Raznjatovic, ainsi que

9 Vojislav Seselj, membre du Parlement serbe, à l'époque. Kostunica

10 également a posé pour les photographes en portant des armes à la main; il

11 était membre du Parlement serbe. Donc je parle des membres de la

12 hiérarchie ayant des hautes fonctions. D'après ce que nous savons, dans

13 les anciens Etats communistes, tous avaient un grade militaire.

14 M. Milosevic (interprétation): Vous pensez que les citoyens de Yougoslavie

15 avaient un grade militaire en tant que réservistes? C'est une information

16 particulière dont vous disposez.

17 M. Buja (interprétation): Voudriez-vous répéter votre question, s'il vous

18 plaît?

19 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas compris ce que vous voulez

20 affirmer. Vous dites que les citoyens de Yougoslavie ont, en tant que

21 réservistes qui ont fait leur service militaire, qu'ils ont un grade. Où

22 voulez-vous en venir en le disant?

23 M. Buja (interprétation): C'était simplement à titre d'information

24 supplémentaire parce que les unités, soi-disant paramilitaires ou

25 dénommées paramilitaires d'"Arkan" et de Seselj ont souvent été montrées à

Page 6420

1 la radio et à la télévision, vos stations de radio et télévision. Les

2 visites effectuées par les hommes politiques à ces unités ont aussi été

3 montrées et ces unités n'ont jamais été entravées de quelque manière que

4 ce soit par les Serbes et l'armée.

5 Et on peut très bien en tirer la conclusion que c'est vous-même qui avez

6 donné des ordres à ces unités.

7 M. le Président (interprétation): Il vous reste, Monsieur Milosevic,

8 encore une minute. Donc vous pouvez poser encore une question.

9 M. Milosevic (interprétation): Une seule question? C'est ça ce que vous

10 dites?

11 Eh bien, Monsieur May, je pense que le fait même que vous-même, vous citez

12 un témoin comme ça, prouve que votre institution appuie…

13 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas la Chambre qui cite des

14 témoins; cela appartient à l'accusation.

15 Maintenant, je vais donner la parole aux amici. Les amici ont-ils des

16 questions?

17 Monsieur Tapuskovic, si vous avez des questions, veuillez les poser

18 rapidement.

19 M. Milosevic (interprétation): C'est l'objection que j'ai soulevée. Vous

20 ne me permettez pas de parler, c'est tout.

21 M. le Président (interprétation): Très bien. Monsieur Tapuskovic, vous

22 avez la parole.

23 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Shukri Buja.)

24 M. Tapuskovic (interprétation): Il est cinq minutes avant midi. Monsieur

25 le Président, Messieurs les Juges, je vais essayer de terminer, mais j'ai

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1 quand même besoin d'un peu de temps.

2 M. le Président (interprétation): Oui, mais est-ce que vous auriez

3 l'obligeance d'essayer d'en finir pour que les questions supplémentaires

4 puissent être posées avant la prochaine pause?

5 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur Buja, auriez-vous l'amabilité de

6 regarder une fois de plus cette carte? Jusqu'à maintenant, il y a un

7 certain nombre de choses qui n'ont pas été montrées. Mais pouvez-vous nous

8 montrer où se trouve exactement l'endroit où se trouvait votre base et

9 l'endroit où l'on a trouvé les corps de 24 hommes? Quelle était la

10 distance entre ces deux points, s'il vous plaît?

11 Je voudrais savoir à quelle distance se trouvent ces deux endroits?

12 M. Buja (interprétation): La base se trouvait ici.

13 (Le témoin montre un endroit sur la carte. )

14 (Les interprètes demandent au témoin de se rapprocher du micro.)

15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, auriez-vous

16 l'obligeance de vous rapprocher du microphone et de nous indiquer, si vous

17 êtes en mesure de le faire, la base et puis la ravine dans laquelle les

18 corps ont été retrouvés?

19 M. Buja (interprétation): Oui. Voici la base où les soldats ont été tués.

20 Et plus haut, là où les civils ont été tués, ici, là aussi et là aussi.

21 Donc les civils ont été tués dans différentes parties de Reçak, mais la

22 plupart à l'endroit que j'ai indiqué ici.

23 M. Kwon (interprétation): Un instant. Vous avez indiqué que le chiffre 2

24 correspond à votre base, le chiffre 2. On nous a dit qu'il s'agit aussi

25 d'un lieu de crime; est-ce exact? Est-ce que vous pourriez nous expliciter

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1 cela?

2 M. Buja (interprétation): Oui, je peux vous expliquer. Parce qu'il y avait

3 huit soldats tués ici et aussi six civils, y compris Hanumshahe Mujota,

4 comme je l'ai déjà décrit. L'autre était le frère de Mehmet Mustafa, le

5 propriétaire de la maison.

6 M. le Président (interprétation): Il n'est pas nécessaire d'entrer dans

7 tous ces détails.

8 M. Tapuskovic (interprétation): Je vous ai demandé la distance en mètres.

9 C'est très proche de votre base; est-ce que vous pouvez nous dire quelle

10 est la différence en mètres entre les deux points, votre base et l'endroit

11 où vous avez trouvé les corps?

12 M. Buja (interprétation): Entre 500 et 1.000 mètres. La colline est très

13 élevée, il faut donc traverser cette colline pour arriver, pour franchir

14 cette distance.

15 M. Tapuskovic (interprétation): Merci. Je voulais tout simplement que vous

16 nous montriez ces deux endroits.

17 Monsieur Buja, vous avez décrit en détail quelque chose qui me paraît de

18 grande importance.

19 Un petit moment, s'il vous plaît.

20 Page 4 de votre déclaration, version anglaise, page 4 également pour les

21 Juges, vous donnez la description et puis, vous donnez également les

22 chiffres aux sept zones de responsabilité. Vous avez cité les désignations

23 de ces zones. Il y avait sept zones, n'est-ce pas?

24 M. Buja (interprétation): Il y avait sept zones; ça, c'est exact.

25 Question: Merci. Vous avez dit que le nombre d'hommes qui appartenaient à

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1 la zone 6 qui était sous votre commandement étaient entre 1.400 et 1.700;

2 c'est ce que vous venez de déclarer au cours de votre déposition

3 aujourd'hui. Mais vous avez dit que les autres zones avaient des effectifs

4 plus nombreux.

5 La question que j'aimerais vous poser est la suivante: si les autres

6 avaient plus, il y en avait 7, disons, qu'il y avait dans chaque zone

7 2.000 hommes, est-il vrai de dire que l'UCK avait 14.000 hommes au total,

8 à cette époque-là?

9 Réponse: Non, on ne peut pas dire qu'il y avait 14.000 personnes. Moi,

10 j'ai entendu 40.000.

11 Question: Non, j'ai dit 14.000.

12 Réponse: Oui, alors c'est à peu près cela. C'est possible.

13 Question: Est-ce que ceci s'est passé au moment de l'incident de Racak?

14 Est-ce qu'à ce moment-là, vous aviez à peu près ce nombre-là de membres?

15 Réponse: Je ne connais pas le nombre exact de soldats dans chacune des

16 zones à ce moment-là parce que j'étais surtout responsable de ma zone de

17 responsabilité.

18 Question: Merci. Mais il y a un autre point qui m'intéresse. Vous avez

19 également dit -et, Messieurs les Juges, vous trouverez cela en page 7,

20 paragraphe 3 de la version anglaise-, vous dites: "L'ordre est arrivé du

21 grand état-major de l'UCK, ordonnant la mobilisation au Kosovo. Et puisque

22 cet ordre a été lancé au début des bombardements de l'OTAN, il fallait

23 mobiliser tous les jeunes gens âgés de plus de 18 ans". C'est bien exact?

24 Réponse: Oui, cet ordre a été rendu public, mais il a été impossible de

25 mobiliser la population entière en raison de la pénurie en armement.

Page 6424

1 Question: Je vous demanderai de nous dire si, parmi les membres de l'UCK,

2 il y avait des gens qui étaient vêtus de vêtements civils? Et est-ce

3 qu'ils étaient en grand nombre, ces gens-là?

4 Réponse: Non, il n'y en avait pas un grand nombre. Mais Fehmi Mujota ou un

5 ou deux autres hommes chargés de travailler avec des civils portaient des

6 vêtements civils, car il était difficile de travailler avec les civils en

7 portant un uniforme, compte tenu du danger d'être attaqué. Mais hormis ces

8 cas tout à fait spéciaux, tous les membres de l'UCK avaient un uniforme.

9 Question: Mais en page 3, deuxième paragraphe de la version anglaise de

10 votre déclaration, vous dites que vous n'aviez pas de problème à enrôler

11 les gens, hommes et femmes, au sein de l'UCK. Mais vous dites que, dans

12 ces moments-là, vous étiez forcé d'accepter des soldats qui n'avaient

13 aucune formation militaire et qu'en général, ils étaient affectés à des

14 tâches comme, par exemple, creuser des tranchées ou construire des

15 bunkers?

16 Réponse: Ça, c'est vrai; nous n'avions aucun problème à recruter des gens,

17 car il y avait des flux très importants de jeunes gens qui voulaient

18 entrer dans les rangs de l'UCK. Mais nous manquions d'armes et les unités

19 qui n'avaient pas d'armes construisaient des bunkers; nous l'avons fait au

20 moment de l'intervention de l'OTAN parce qu'il fallait nous développer,

21 compte tenu de l'arrivée massive de populations civiles.

22 Question: Mais ils pas d'uniforme?

23 Réponse: La plupart d'entre eux avaient un uniforme.

24 Question: Connaissez-vous le nombre de personnes qui n'avaient pas

25 d'uniforme parce que vous avez dit également qu'à la fin de la guerre,

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1 vous aviez toute une brigade qui n'avait pas d'armes?

2 Réponse: Oui, je peux vous donner des chiffres. Parce que ce que nous

3 appelons une brigade comprend un nombre très réduit de soldats. La brigade

4 la plus importante compte 1.200 hommes, alors qu'en général, les brigades

5 comptent entre 5 et 6.000. A la fin de la guerre, dans la zone

6 opérationnelle de Nerodime, il y avait une brigade, y compris les

7 personnes mobilisées à Jezerce et Mullopolc; et puis il y avait une autre

8 brigade dans la région de Kacanik. Et toutes ces personnes au total aurait

9 pu constituer une brigade ensemble.

10 Question: J'aurais aimé vous poser une question relative à Racak. Je sais

11 qu'un certain jour, en janvier, il faisait très froid, les habitants de

12 Racak qui sont venus témoigner ici nous ont dit que, lorsque les coups de

13 feu ont commencé, ils étaient vêtus des vêtements qu'ils portaient sur eux

14 et que 24 personnes qui ont été tuées à Racak ce jour-là ont été

15 découvertes portant plusieurs paires de chaussettes, trois ou quatre

16 couches de vêtements, etc.

17 Comment expliquez-vous cela? Est-ce que c'était un comportement typique

18 pour les habitants des villages lorsqu'ils allaient dans les tranchées?

19 Réponse: C'est normal dans cette région parce que l'hiver il fait très

20 froid, et les gens en général s'habillent chaudement à cause du froid

21 cruel. On les a fait sortir de chez eux, donc ils ont revêtu leurs

22 vêtements les plus épais, car ils craignaient d'être arrêtés. Voilà ce qui

23 s'est passé dans le cas des civils de Racak.

24 Question: Merci. Vous avez dit hier que ce qui s'est passé à Racak était

25 une opération planifiée et systématique de nettoyage ethnique, mais vous

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1 n'avez rien dit de cela dans votre déclaration écrite. Vous avez dit des

2 choses dans votre déclaration écrite que l'on n'a pas entendues ici dans

3 ce prétoire. Vous avez dit que c'était le résultat, la conséquence du fait

4 que des policiers aient été tués, et vous n'avez jamais dit avant que

5 c'était une opération planifiée de nettoyage ethnique.

6 Pourquoi n'en avez-vous pas fait mention jusqu'à présent?

7 Réponse: J'ai souligné certaines choses aux enquêteurs qui

8 m'interrogeaient. Je n'ai pas expliqué les choses de moi-même, j'ai

9 répondu à des questions. Et je serais tout à fait d'accord pour qu'on me

10 pose d'autres questions qui me permettraient d'expliquer en quoi

11 consistait l'opération. Comme par exemple cette opération qui a été menée

12 contre une plaine où il y a n'y avait aucun membre de l'UCK; c'était une

13 opération de nettoyage ethnique, ainsi que les massacres de Halloshi, de

14 Sllovi et d'autres endroits qui ont tous fait partie de la campagne de

15 nettoyage ethnique.

16 Question: Merci. J'aimerais que l'on mette à l'écran la photographie de

17 cette arme que nous avons déjà vue auparavant. Elle est fabriquée par qui,

18 cette arme?

19 Réponse: Je ne peux pas dire qui est le fabricant de cette arme, car on ne

20 voit pas très bien à l'écran, mais cette arme ressemble à un fusil

21 automatique que l'on appelle communément Kalachnikov. Cela dit, il est

22 impossible de le dire avec certitude à partir d'un écran de télévision.

23 Question: Vous avez dit que les quantités d'armement ne correspondaient

24 pas au nombre de neuf soldats de l'UCK qui ont été tués. Mais est-ce que

25 ce nombre d'armes correspondait au nombre de 47 hommes qui étaient dans

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1 votre base?

2 Réponse: Bien sûr que cela ne correspond pas. Mais permettez-moi de dire

3 très clairement que nos soldats étaient armés et que quatre fusils

4 automatiques ont été confisqués à nos soldats; ainsi, comme je l'ai déjà

5 dit, un fusil 12.7 et un fusil 7.9.

6 Nous ne les avons pas vus parce que, comme je l'ai dit hier, nos soldats

7 ne portaient pas de fusil équipé d'une baïonnette. Il aurait été vraiment

8 très exceptionnel de trouver un fusil équipé de baïonnette.

9 Question: Merci. Monsieur Buja, il y a quelques instants, répondant aux

10 questions de M. Milosevic au sujet des 17 personnes qui ont trouvé la mort

11 devant la mosquée et au sujet des 27 policiers tués à côté de "dzamija"

12 (mosquée), vous avez également parlé de sept Serbes qui ont été tués à

13 Pushtenik. Sept Serbes, c'est ce que vous avez dit en page 17 de votre

14 déclaration?

15 Réponse: Oui, c'est le nombre approximatif de soldats serbes et de

16 policiers tués au cours des combats de Pushtenik, qui se trouve dans la

17 municipalité de Kacanik, non loin de Han i Elezit.

18 Question: Donc 47 policiers sont morts au total le 15, c'est-à-dire le

19 jour de l'événement de Racak?

20 Réponse: Je ne suis pas sûr que toutes ces personnes aient été tuées, car

21 les 17 hommes dont il a été dit qu'ils avaient été tués à Racak, cela n'a

22 pas pu être confirmé. C'est l'OSCE qui a fait paraître ce chiffre. Nous

23 n'avons pas non plus pu confirmer le nombre de 45 soldats tués à Rance,

24 car il y avait des combats incessants et, depuis les positions où nous

25 nous trouvions, il était très difficile de déterminer si quelqu'un était

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1 mort ou pas. Mais aucun de nos soldats n'a été tué dans notre zone de

2 responsabilité où nous aurions pu garantir que ces personnes avaient été

3 tuées. Les gens mouraient à l'endroit où ils se trouvaient.

4 Question: Encore une question, Monsieur Buja.

5 Que pensez-vous des événements qui ont eu lieu au début des bombardements

6 de l'OTAN, les déplacements de population par exemple, le comportement des

7 gens de façon générale? Qu'en pensez-vous puisque vous étiez un soldat?

8 Réponse: Les gens étaient heureux au début du bombardement l'OTAN, car ils

9 ont vu un espoir se dessiner. Ils se sont dit qu'ils avaient désormais une

10 perspective de liberté de ne plus être maltraités, tués, massacrés; donc

11 l'intervention de l'OTAN a représenté pour eux l'idée que la vie au Kosovo

12 pouvait devenir meilleure. Et nous, soldats, avions le même sentiment

13 parce que notre intention n'était pas de faire la guerre sans arrêt, cette

14 guerre nous a été imposée. Nous souhaitions donc qu'elle se termine le

15 plus tôt possible et c'est au vu de l'intervention de l'OTAN, de la

16 rencontre de Rambouillet, que l'espoir est né de voir conclure des accords

17 politiques. Notre espoir était donc la liberté et que les combats soient

18 derrière nous.

19 Question: Tant les Albanais que les Serbes se sont fait tuer par l'OTAN,

20 n'est-ce pas?

21 Réponse: C'est exact et c'est regrettable que des membres des deux

22 populations aient été tués. Mais que cela soit une leçon pour les deux

23 parties, que cela leur apprenne à vivre dans un seul et même Etat, en

24 toute liberté et en toute démocratie. Je crois que le peuple serbe

25 comprendra ce qui a été fait pour réunir la communauté internationale et

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1 l'UCK, afin de réunir également la communauté internationale, et que ceci

2 a joué un rôle important en faveur de la paix.

3 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

4 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous traiter de ce que vous avez

5 à dire avant la suspension, Monsieur Nice?

6 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Shukri Buja, par M.

7 Nice.)

8 M. Nice (interprétation): Je ferai de mon mieux. Je n'ai pas de nombreuses

9 questions supplémentaires.

10 Monsieur le Témoin, on vous a posé des questions au sujet du nettoyage

11 ethnique, vous avez identifié d'autres lieux où vous dites que le

12 nettoyage ethnique s'est produit. Si je puis me permettre, quel était le

13 lien entre ces événements et les événements survenus dans ces autres lieux

14 par rapport à Racak?

15 M. Buja (interprétation): Le lien, c'est que des civils, le même genre de

16 civils, étaient tués partout. Mais dans d'autres endroits, des situations

17 tout à fait similaires se sont produites qui n'ont pas été évoquées devant

18 ce prétoire. A Hallashi i Madhe, des civils ont été tués dans une

19 opération très semblable à celle de Racak parce qu'en fait l'opération

20 globale s'appelait "opération Fer à cheval" et impliquait des attaques sur

21 Banullo, Ribar, Reçak et d'autres villages de la région.

22 Question: On vous a interrogé à l'instant, il y a quelques instants à

23 peine, au sujet des 47 membres de l'UCK à Racak dont neuf ont été tués.

24 Vous rappelez-vous une chose: lorsqu'ils se déployaient, est-ce qu'ils

25 laissaient leurs armes à Racak ou est-ce qu'ils partaient avec leurs

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1 armes?

2 Réponse: Je n'ai pas compris votre question.

3 Question: Les membres de l'UCK basés à Racak, lorsqu'ils étaient déployés

4 en d'autres lieux, est-ce qu'ils laissaient leurs armes à Racak ou est-ce

5 qu'ils les emportaient avec eux?

6 Réponse: En général, les soldats de l'UCK, s'ils avaient une courte

7 permission, emportaient leurs armes avec eux, mais s'ils rentraient chez

8 eux plus longtemps ils laissaient leurs armes au poste de commandement.

9 C'était la pratique normale en vigueur dans notre armée.

10 Question: On vous a posé, je crois, cette question en rapport avec la

11 cache d'armes qu'on a vue sur la vidéo hier. Est-il possible que cette

12 cache d'armes, que nous avons vue hier, ait contenu les armes laissées par

13 les membres de l'UCK lorsqu'ils partaient ailleurs?

14 Réponse: Non, parce que les soldats de l'UCK étaient présents et le nombre

15 d'armes était extrêmement trop important. J'ai expliqué hier d'ailleurs

16 que nous n'avions aucun arsenal de ce genre dans la région de Racak ou de

17 Rance.

18 Question: Le Juge Kwon vous a interrogé au sujet du site n°2. Vous lui

19 avez dit, vous nous avez dit que les corps de soldat ont été récupérés et

20 que d'autres ne l'ont pas été. Est-ce qu'ils se trouvaient tous au même

21 endroit au site n°2?

22 Réponse: Ils se trouvaient au même endroit, à notre base, mais les soldats

23 n'avaient le droit de ramasser que les corps de soldats. Et c'étaient des

24 organisations civiles qui s'occupaient des corps de civils.

25 M. Nice (interprétation): Pour autant que vous puissiez donc en juger, les

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1 civils tués ont-ils été tués au même moment que les soldats au site n°2 ou

2 à un moment différent?

3 M. Buja (interprétation): Les civils ont été tués au même moment, dans la

4 même période.

5 M. Kwon (interprétation): Puisqu'on a aussi parlé de la carte

6 géographique, je vous demanderai de regarder la carte qui se trouve sur la

7 gauche en faisant attention à votre micro également. Voilà on vous donne

8 un micro portable.

9 Vous voyez le n°6 qui est écrit à gauche de la carte? C'est le ravin où

10 des civils ont été tués à ce moment-là. Et le n°7 est bien, n'est-ce pas,

11 l'emplacement de votre bunker, le n°7 qu'on voit en dessous? Votre base

12 est donc un petit peu au milieu entre les deux points?

13 M. Buja (interprétation): Oui.

14 M. Kwon (interprétation): Pour vous rendre donc jusqu'à votre base,

15 qu'est-ce que les soldats faisaient en général?

16 M. Buja (interprétation): Ils avaient un chemin de tranchées qui les

17 connectait à la base, qui allait de la base au bunker. Il y avait des

18 tranchées, là.

19 M. Kwon (interprétation): Depuis Petrovo, quand on voulait aller à la

20 base, quel chemin suivait-on?

21 M. Buja (interprétation): C'était très difficile d'emprunter la route

22 parce que les positions étaient cachées par des pins, mais en général,

23 nous arrivions par l'arrière à partir de Luzhak.

24 M. Kwon (interprétation): Il vous fallait donc passer par le lieu n°6,

25 c'est-à-dire le ravin, la ravine, pour arriver à la base?

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1 M. Buja (interprétation): Non parce que la gorge de Racak, la ravine de

2 Racak est là, et ici se trouve ce qu'on appelle la route de Krajkova, et

3 en empruntant cette route de Krajkova, on arrive aux tranchées qu'on peut

4 suivre pour arriver jusqu'à la base. C'est le chemin que nous suivions

5 toujours parce que c'était un trajet très dangereux.

6 M. Nice (interprétation): Je n'ai encore que trois ou quatre autres

7 questions que je raccourcirai de toute façon.

8 Il vous a été dit par l'accusé que soit vous aviez pénétré à nouveau dans

9 le village soit vous vous étiez efforcés de le faire, et vous vous êtes

10 opposé à cette idée, vous avez rejeté cette hypothèse.

11 Mais rappelez-nous la chose suivante: les soldats qui se trouvaient au

12 lieu n°2 ont été tués à partir des collines avoisinantes simplement parce

13 qu'ils ont fait leur apparition dans la rue, c'est bien cela?

14 M. Buja (interprétation): Les soldats serbes étaient placés en cercle ici.

15 Les premiers soldats ont été tués depuis le bunker avec un lance-roquettes

16 Zolja. Et c'est de là que tous les soldats ont essuyé les tirs.

17 Question: Mais si vous étiez dans la rue, par exemple dans la zone, dans

18 le secteur de la base, étiez-vous vulnérables? Risquiez-vous de vous faire

19 tirer dessus par les soldats serbes, de la même manière que les hommes qui

20 se sont fait tirer dessus le matin?

21 Réponse: Les gens qui ont été tués ont été tués ici parce qu'on peut tirer

22 très facilement à partir de cette position, à la base, et c'est là qu'ils

23 ont tous été tués.

24 Question: Merci. Il a également été dit très fermement par l'accusé que

25 tous ceux qui ont été tués à Racak -et il y a 45 personnes dont les noms

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1 figurent dans l'Acte d'accusation-, en divers sites, étaient des membres

2 de l'UCK. Je ne vais pas vous interroger sur tous ces noms mais il y a

3 deux femmes dont l'une s'appelle Luta Asllani et l'autre, Hanemshah

4 Mehmeti; étaient-elles membres de l'UCK?

5 Réponse: Non.

6 Question: Cette femme de 70 ans, Haki Metushi, était-elle membre de l'UCK?

7 Réponse: Non.

8 Question: Et puis, encore un nom. Il a été dit qu'une personne dénommée

9 Mustafa avait vu son nom se glisser sur la liste des civils. Le Mustafa

10 dont nous parlons était, je crois, un homme âgé de 62 ans qui a insisté

11 pour devenir membre de l'UCK, c'est bien cela?

12 Réponse: Il s'appelait Mehmet Mustafa et l'accusé a délibérément utilisé

13 le nom de famille d'un autre Mehmet qui figurait sur la liste.

14 Question: Oui, le nom sur les listes des civils est bien celui de Mustafa.

15 Alors, poursuivons dans le même ordre d'idée que la question posée par le

16 juge Kwon, mais rapidement, parce que nous n'avons pas beaucoup de temps

17 et nous n'avons pas de nombreux documents géographiques.

18 Quelle est l'aisance ou la difficulté, sur le terrain, pour rallier la

19 base au chiffre n°2, et la ravine où les corps ont été découverts. On peut

20 ajouter que d'autres éléments de preuve vont sans doute être versés au

21 dossier mais, pour le moment, dites-nous simplement si le terrain était

22 aisément accessible, est-ce qu'il était aisé de parcourir ce terrain

23 jusqu'à la ravine?

24 Réponse: Le terrain était très, très en pente, il était montagneux. Il

25 était très difficile de voir où se trouvait la ravine. C'est un terrain

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1 très accidenté que vous voyez ici.

2 Question: On vous a interrogé au sujet du meurtre d'un officier de police.

3 Nous avons vu des rapports hier et il est possible qu'un troisième soit

4 produit dès qu'il aura été traduit. Tous ces rapports proviennent de la

5 partie serbe et font état d'un policier qui aurait été grièvement blessé,

6 mais pas d'autres victimes.

7 Admettez-vous qu'il peut y avoir eu, à Racak, un policier grièvement

8 blessé?

9 Réponse: Il est possible qu'il ait été blessé à partir de la position

10 n°10, mais il est difficile d'imaginer que des Serbes aient été tués au

11 cours des combats du matin.

12 Question: En raison du temps, ce sera ma dernière question.

13 Vous nous avez parlé de 1.400 membres de l'UCK disponibles de façon

14 générale. Combien d'entre eux se trouvaient dans la zone de Racak et

15 pouvaient combattre à Racak?

16 Réponse: Prêts à combattre à Reçak? Là, le nombre se situe aux environs de

17 30, parce qu'il y avait aussi les personnes responsables de la nourriture,

18 etc., qui n'avaient pas d'armes. Il y avait des auxiliaires, du personnel

19 opérationnel auxiliaire qui n'étaient pas armés et d'autres soldats qui

20 faisaient partie de l'intendance et toujours des armées.

21 M. Nice (interprétation): Je n'ai plus d'autres questions.

22 (Questions de M. le Juge Kwon au témoin, M. Shukri Buja. )

23 M. Kwon (interprétation): Monsieur Buja, j'ai deux questions à vous poser,

24 mais avant cela, j'aimerais qu'une cote soit donnée à une pièce qui a été

25 citée à plusieurs reprises par le témoin.

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1 M. le Président (interprétation): En effet.

2 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 212.

3 M. Kwon (interprétation): Les habitants de Racak étaient-ils au courant de

4 l'existence de l'UCK dans leur village?

5 M. Buja (interprétation): La seule chose qu'ils pouvaient savoir, c'est

6 qu'il y avait des soldats de l'UCK dans la partie supérieure du village,

7 au-dessus de Reçak, aux abords de Reçak, à cet emplacement ici. Mais nous

8 ne permettions pas aux civils de pénétrer, donc ils n'étaient pas en

9 mesure de connaître le nombre de soldats ou les positions occupées par ces

10 soldats. En effet, il était dangereux que des civils risquent, sous la

11 torture, de fournir des renseignements à ce sujet.

12 Donc nous avions des gardes et les civils ne pouvaient pas pénétrer; il

13 était donc difficile pour les habitants de Reçak de connaître le nombre

14 des soldats de l'UCK ou leur position.

15 Question: Vous avez averti les villageois d'évacuer ce dernier avant

16 l'attaque, donc ils devaient bien savoir qu'il y avait une base de l'UCK

17 dans leur village?

18 Réponse: Ils pouvaient savoir qu'il y avait quelque chose à Reçak, mais

19 pas le nombre de soldats présents. Et lorsque nous les avons avertis, ils

20 ont pu sans doute voir des soldats en déplacement parce que c'est à ce

21 moment-là, par exemple, que les soldats ont quitté les collines pour se

22 rendre dans la gorge de Luzhak; là, je pense qu'ils étaient visibles par

23 les habitants de Reçak.

24 Question: Merci. Et ma dernière question concerne le juge Marinkovic, ce

25 juge d'instruction dont on a parlé. Vos soldats ont tiré sur les policiers

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1 qui accompagnaient le juge?

2 Réponse: Nous ne savions pas si le juge était présent ou pas. Nous avons

3 tiré sur des soldats qui tiraient sur nous. Il y avait des policiers, des

4 soldats qui étaient positionnés à Reçak et aux environs de Reçak, dans la

5 pinède notamment. Donc, nous avons tiré sur ces policiers et ces soldats

6 qui essayaient d'enfoncer la position qui se trouve ici; nous ne

7 connaissions pas la présence de la juge. Mais nous avons vu des camions et

8 des Pinzgauers de la police et de l'armée.

9 Question: Les forces serbes ont-elles été les premières à tirer?

10 Réponse: Des combats ont eu lieu toute la journée, ce jour-là. Les 18 et

11 19, les combats ont été très intenses, très concentrés.

12 M. Kwon (interprétation): Merci.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Buja, vous êtes arrivé au terme

14 de votre déposition. Vous pouvez maintenant vous retirer. Je vous remercie

15 d'être venu devant le Tribunal pénal international pour témoigner.

16 M. Buja (interprétation): Merci à vous également pour l'occasion qui m'a

17 été donnée de témoigner.

18 M. le Président (interprétation): Très bien. 20 minutes de suspension.

19 (Le témoin Shukri Buja est reconduit hors du prétoire.)

20 (L'audience, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 12 heures 54.)

21 (Le témoin, Isuf Zhuniqi, se trouve déjà dans le prétoire.)

22 M. le Président (interprétation): Que le témoin prononce la déclaration

23 solennelle!

24 M. Zhuniqi (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 M. le Président (interprétation): Voudriez-vous prendre place?

2 Nous acceptons la déclaration conformément à l'Article 92bis du Règlement.

3 (Interrogatoire principal du témoin, Isuf Zhuniqi, par M. Nice.)

4 M. Nice (interprétation): Est-ce que votre nom est Isuf Zhuniqi?

5 M. Zhuniqi (interprétation): Oui, Isuf Zhuniqi?

6 Question: Monsieur Zhuniqi, avez-vous fait une déclaration devant les

7 enquêteurs du Bureau du Procureur le 4 mai 1999, et, le 31 mai de cette

8 année, avez-vous relu cette déclaration avec l'officier instrumentaire de

9 ce Tribunal et reconnu, en y apposant votre signature, que cette

10 déclaration est véridique?

11 Réponse: Oui.

12 M. Nice (interprétation): Puis-je alors vous soumettre cette déclaration

13 et en demander le versement?

14 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 213, et

15 213 A pour ce qui est de la version expurgée.

16 M. Nice (interprétation): Avant de lire le résumé qui, je le pense, a été

17 distribué, j'aimerais dire à la Chambre que nous allons nous écarter, nous

18 éloigner de Racak. Je vous invite donc à lire ou à consulter la page 10 de

19 l'atlas que l'on va placer sur le rétroprojecteur et je peux alors vous

20 expliquer l'importance potentielle de cela.

21 Nous pouvons voir Bela Crkva, à la droite de l'écran, et immédiatement au-

22 dessus une ligne ferroviaire, donc Bela Crkva que traverse la ligne

23 ferroviaire. Je reviendrai au détail géographique par la suite.

24 Autres villages auxquels on se réfère sont au sud-est, Selim et Nogovac,

25 et puis vers l'ouest, malheureusement je n'ai pas vérifié comment

Page 6438

1 prononcer le village de Xërxë que l'on voit de l'autre côté de la ligne

2 ferroviaire vers l'ouest, et encore au sud -assez grand pour mériter une

3 marque en orange- la ville de Rogovo.

4 Si l'on revient maintenant à Bela Crkva, outre les routes indiquées en

5 orange, vous voyez une ligne bleue qui va du nord vers le sud et qui est

6 traversée par la ligne ferroviaire. Si j'ai bien compris, c'est à ce

7 carrefour sur le pont, qu'on y voit les événements dramatiques, qui vont

8 vous être rapportés, ont eu lieu.

9 Et puis, j'aimerais pour accélérer les choses vous montrer deux photos que

10 l'on va placer au-dessus de la carte, photos qui viennent du deuxième

11 classeur, cela se rapportant à Bela Crkva, à l'intercalaire n°1. Si l'on

12 pouvait mettre ces photos sur la carte, nous aimerions laisser la carte là

13 où elle se trouve parce que nous allons nous y référer peut-être par la

14 suite.

15 Sur la première photo, on voit une vue -si on peut ajuster un peu la

16 photo- une vue depuis Bela Crkva, et puis on voit là cette ligne sinueuse

17 d'arbres qui en fait suit la rivière, si je ne m'abuse, le lit de la

18 rivière, dont nous allons entendre parler. Et on voit une ligne presque

19 droite qui va de la gauche vers la droite sur l'écran, il s'agit de la

20 ligne ferroviaire que traverse la rivière. Ce qui apparaît donc comme

21 étant une ligne droite sur la carte est en fait une ligne sinueuse, comme

22 on peut le voir sur cette photo.

23 Maintenant, sur l'autre photo, si on peut faire un gros plan sur le pont,

24 on voit le lit de la rivière avec le pont et la ligne ferroviaire. Et

25 c'est sur ce pont que les événements ont eu lieu.

Page 6439

1 Je vais maintenant vous lire le résumé qui a été distribué, peut-être dans

2 son pas dans son intégralité pour expédier les choses.

3 Le témoin de 42 ans, qui est agriculteur, est originaire de Bela Crkva; il

4 a passé quelques années en Suisse, il est retourné au Kosovo en 1996. Il a

5 pu se procurer deux cars et ainsi créer une entreprise privée. Il vit à

6 Bela Crkva avec sa femme, ses deux fils, ses deux filles, son père et sa

7 mère. Avant le début de la campagne de bombardement de l'OTAN, il n'avait

8 pas connaissance des conflits à Bela Crkva ou dans les alentours. Il n'y

9 avait en fait aucun résident serbe à Bela Crkva.

10 Vers 3 heures et demie, dans la matinée du 25 mars 1999, il s'est réveillé

11 en ayant entendu et en voyant les 12 chars verts de la VJ qui arrivaient

12 d'Orahovac et se sont arrêtés à la mosquée dans le village. Il a rassemblé

13 sa famille et ses parents et les a emmenés à un endroit, une cachette dans

14 un champ à la lisière du village. Environ 200 autres villageois s'y sont

15 également rassemblés. Et à partir de là, il a vu les chars quitter le

16 village. Ils ont donc cru qu'ils seraient en sécurité s'ils retournaient

17 au village. Ils y sont donc retournés, mais un quart d'heure plus tard, il

18 a de nouveau entendu des tirs de fusil automatique et il a donc de nouveau

19 rassemblé sa famille, les a emmenés vers le ruisseau.

20 Je pense que nous l'avons vu, si j'ai bien compris la géographie de la

21 région: le ruisseau était près de la maison, mais dans la direction

22 opposée de l'endroit où ils s'étaient d'abord réfugiés parce que s'ils

23 s'étaient réfugiés de nouveau dans la forêt, ils se seraient rendus avec

24 sa famille dans la direction d'où provenaient les tirs.

25 Quelque 700 habitants du village se sont rassemblés près du ruisseau. Le

Page 6440

1 témoin et sa famille ont continué à marcher environ un kilomètre vers

2 Rogovo. Parfois, ils ont cherché à s'abriter parce qu'il y avait

3 apparemment des tireurs embusqués qui tiraient dans leur direction.

4 D'autres tirs, d'autres d'explosions ont été entendus. Ils sont arrivés au

5 pont, ils se sont abrités sous le pont.

6 Vers 9 heures 30; ils ont vu environ 16 policiers s'approchaient d'eux,

7 vêtus de camouflage et de brassière, ils arboraient tous des AK-47,

8 avaient de longs couteaux à la ceinture. Certains policiers avaient

9 également des pistolets. Et le témoin a reconnu l'un d'entre eux comme une

10 personne, un policier qui exerçait normalement ses fonctions à Orahovac.

11 Peu après, le témoin a vu 13 civils albanais du Kosovo qui n'étaient pas

12 encore arrivés au pont, mais qui s'en approchaient. La police se trouvait

13 à proximité immédiate, la police a tiré sur ces personnes qui

14 approchaient, ces 13 personnes, et seul un petit garçon de 2 ans a

15 survécu.

16 Les personnes qui se trouvaient sous le pont se sont trouvées enfermées

17 dans cette position parce que des tirs de tireurs embusqués les visaient.

18 La police qui avait ainsi tué environ 12 personnes, la police s'est

19 séparée en deux groupes et ils ont pris position sur les berges du

20 ruisseau. Un policier serbe qui parlait l'albanais a donné pour ordre aux

21 gens, qui se trouvaient sous le pont, de se diriger vers la police, puis

22 ils ont été sommés de mettre les mains derrière la tête, d'entrer dans le

23 ruisseau. Puis ils ont été séparés en deux groupes, d'une part les femmes

24 et les enfants, d'autres part les hommes. Les hommes ont reçu l'ordre de

25 se dévêtir et on les a dépossédés, on leur a volé leur argent, leurs

Page 6441

1 bijoux, leurs papiers d'identité. Et un policier, lorsqu'il a trouvé un de

2 ces passeports, a demandé: "Qui est Isuf Zhuniqi?". Le témoin s'est

3 identifié. Il a vu alors son passeport déchiré par le policier, ainsi que

4 sa carte d'identité et son permis de conduire. Le policier a dit: "Ainsi,

5 il pourrait très bien être mort".

6 Le policier qui parlait l'albanais a donné ensuite pour ordre aux hommes

7 albanais du Kosovo de se rhabiller, de se rassembler en un groupe, de

8 donner pour ordre aux femmes et aux enfants de partir, de suivre la ligne

9 ferroviaire en direction de Jezercë. Lorsque les femmes et enfants se sont

10 trouvés à une centaine de mètres plus loin mais étaient toujours visibles,

11 un homme du nom de Shëndet Popaj a été terrassé. Le chef de la police a

12 mis son pied sur celui de Shëndet Popaj. L'oncle du jeune homme, je crois

13 qu'il avait environ 20 ans, son oncle, un médecin de Bela Crkva, a parlé

14 au chef de police, a dit: "Laissez-nous tranquilles! Nous ne sommes que

15 des fermiers, nous n'appartenons pas à l'UCK". Mais sans un mot, le

16 commandant de police a ouvert le feu avec son arme automatique, il a

17 atteint le médecin à la poitrine, il a été abattu sur le coup, puis il a

18 tiré sur le jeune homme qui gisait par terre sous sa botte et il lui a

19 tiré une balle à la tête, il a donc été tué sur l'instant.

20 Les autres hommes, au total 65, ont reçu pour ordre d'entrer dans le

21 ruisseau. On a ensuite donné pour ordre d'ouvrir le feu et, d'après ce que

22 le témoin a pu voir, les policiers ont ouvert le feu avec des armes

23 automatiques. Le témoin a été atteint à l'épaule. Il est tombé avec

24 d'autres qui sont tombés par-dessus lui. Il est resté conscient mais il a

25 fait semblant d'être mort pendant les tirs, les coups de feu qui ont

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1 continué pendant environ cinq minutes. Lorsque les tirs ont cessé, les

2 policiers sont entrés dans le ruisseau. Le témoin a entendu certains

3 d'entre eux dire, à plusieurs reprises: "Celui-là respire encore". Et

4 après, on a entendu encore une série de tirs. Le témoin se souvient

5 d'avoir entendu au moins une dizaine de tirs de ce type. En fait, il a

6 entendu un des policiers dire: "Eh bien, tout le monde est mort, nous

7 pouvons nous en aller". Le témoin a attendu quelque 20 minutes jusqu'à ce

8 que tout soit tranquille. Il s'est levé, il a découvert un nombre d'hommes

9 qui l'entouraient et qui avaient été tués ou qui avaient été très

10 grièvement blessés par les tirs; il a vu plus de 50 corps dont il a pu

11 identifier 41 dans sa déclaration.

12 En dépit de ses blessures, il a pu se rendre à Xerxë où il a rejoint sa

13 famille, ses proches. Il a reçu des premiers secours. Il a parfois perdu

14 conscience à plusieurs reprises au cours des prochains jours. La police

15 est arrivée, cela a incité le témoin à quitter sa famille et à se cacher

16 dans les montagnes. Il a emmené avec lui un kit médical de base contenant

17 l'essentiel. Il y a trouvé 40 villageois ou un plus grand nombre de Bela

18 Crkva qui se cachaient aussi dans les montagnes qui lui ont appris que le

19 village tout entier avait été détruit et qu'il ne restait plus que deux

20 maisons qui n'avaient pas été incendiées. Il a pu rendre visite très

21 brièvement à sa famille à Xerxë le 31 mars. Puis il s'est rendu à Nogovc

22 où de nombreuses personnes déplacées se trouvaient, parce qu'ils avaient

23 reçu pour ordre de s'y rassembler, ordre donné par les Serbes.

24 Il s'est retrouvé dans une étable dans ce village lorsqu'un avion l'a

25 bombardé, a bombardé tout le secteur. Le toit s'est donc effondré. Mais il

Page 6443

1 a pu fuir. Il a été encore blessé par des éclats d'obus au bras et à la

2 tête. On l'a trouvé inconscient, à un moment donné, et le témoin a alors

3 appris que la balle était restée logée dans son épaule.

4 Le témoin déclare qu'il n'y avait pas de présence de l'UCK à Bela Crkva,

5 qu'il n'a jamais lui-même été membre de l'UCK, même si un de ses frères

6 cadets, à qui il n'avait pas parlé pendant environ 12 mois, était membre

7 de l'UCK peu avant la campagne.

8 Et vous trouverez dans le dossier, dans le classeur relatif à Bela Crkva

9 des photos des radiographies qui ont été faites, et de l'état de santé du

10 témoin lorsqu'il était blessé. Je crois qu'il s'agit des intercalaires 4,

11 5 et 6.

12 Voilà le résumé. Et maintenant l'accusé voudra peut-être poser des

13 questions à poser au témoin.

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, avez-vous des

15 questions pour ce témoin?

16 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Isuf Zhuniqi, par l'accusé M.

17 Milosevic.)

18 M. Milosevic (interprétation): Dans votre déclaration, vous avez dit

19 qu'avant le 24 mars, même si vous étiez conscient des incidents qui ont

20 lieu au Kosovo dans votre village, dans les environs, qu'il n'y avait rien

21 d'important qui se passait. Est-ce que c'est exact?

22 M. Zhuniqi (interprétation): Non, rien ne s'est passé. Enfin, je ne sais

23 pas ce qui s'est passé, mais rien ne s'est passé avant le 24 mai.

24 Question: Par conséquent, tout ce que vous avez vécu, c'est avec la guerre

25 et quand la guerre s'est déclenchée.

Page 6444

1 Réponse: Oui.

2 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire à quelle distance se trouve

3 Orahovac par rapport à votre village?

4 Réponse: Il y a une grande distance jusqu'à Prizren.

5 Question: Je ne vous ai pas posé la question au sujet de Prizren, je ne

6 sais pas d'où vous sortez cette ville. Moi, je vous ai posé la question au

7 sujet d'Orahovac.

8 Réponse: Prizren est à 80 kilomètres de distance.

9 Question: Je ne sais pas pourquoi vous me parlez de Prizren dans votre

10 réponse. Moi, je vous pose la question au sujet d'Orahovac. Nous avons vu

11 où se trouvait Bela Crkva; nous avons vu également au nord-est, dans le

12 même carré, Orahovac. Donc je vous demande quelle est la distance entre

13 votre village et Orahovac.

14 Réponse: Orahovac est assez près, à peu près à une distance de 10

15 kilomètres.

16 Question: Par conséquent, votre village est dans les environs d'Orahovac,

17 ou bien Orahovac n'est pas loin par rapport à votre village?

18 Réponse: (en serbe) Oui.

19 Question: Est-ce que vous savez qu'entre le 17 et le 22 juillet 1998, on a

20 enlevé, on a kidnappé, au cours de cette période, des Serbes et des

21 Albanais, 39 Serbes et Albanais, par les membres de l'UCK? Est-ce que vous

22 êtes au courant? Parce que vous avez été chauffeur, là-bas. Est-ce que

23 vous êtes au courant de ces incidents?

24 Réponse: Ce jour-là, le 16, en 1998, je me trouvais à Prizren et je ne

25 sais pas ce qui s'est passé dans mon village.

Page 6445

1 Question: Mais vous n'avez pas entendu parler de ces incidents et du fait

2 que les Serbes et les Albanais, en juillet 1998, avaient été enlevés? Vous

3 n'êtes pas au courant, vous ne connaissez rien?

4 Réponse: Je ne sais rien à ce propos. J'étais loin, jusqu'à l'arrivée de

5 l'OSCE; ce n'est qu'après que je suis retourné à Bela Crkva.

6 Question: Entendu. Et savez-vous qui est Nuredin Kastrati, votre collègue

7 chauffeur de bus, du village Nashpallë?

8 Réponse: Je ne connais pas cette personne.

9 Question: Est-ce que vous vous souvenez de l'incident du mois d'avril

10 1998, quand le bus qui était rempli de voyageurs a été arrêté par les

11 membres de l'UCK? Je parle du mois d'avril 1998. Il n'est pas important de

12 savoir qui était le chauffeur, mais est-ce que vous vous souvenez de

13 l'incident qui s'était produit à cette époque-là?

14 Réponse: A l'époque, l'UCK n'a pas arrêté le car; il s'agissait de police

15 et de forces paramilitaires serbes, ce jour-là, donc.

16 Question: Par conséquent, vous connaissez qu'il y a eu cet incident, mais

17 vous affirmez que c'étaient les Serbes qui les ont arrêtés, n'est-ce pas?

18 Je parle du mois d'avril 1998.

19 Réponse: A ce moment-là, l'UCK… A cette époque, l'UCK restait dans les

20 montagnes, ne descendait pas sur les routes principales qui étaient sous

21 le contrôle de la police et des paramilitaires serbes.

22 Question: Est-ce que vous savez qui est Xhelal Hajda, surnommé "Toni"?

23 Réponse: Non, je ne sais pas qui c'est.

24 Question: Est-ce que vous savez que l'UCK a lancé une attaque contre

25 Orahovac?

Page 6446

1 Réponse: Non, je ne sais rien à ce propos.

2 Question: Mais il y a des renseignements selon lesquels quand l'UCK se

3 rendait à Orahovac, ils s'arrêtaient dans votre village? Est-ce que vous

4 êtes au courant de cela?

5 Réponse: Je ne sais rien à ce propos. Je n'ai jamais vu de membres de

6 l'UCK dans le village de Bela Crkva, donc je ne peux rien vous dire à ce

7 sujet. Je ne sais pas.

8 Question: Savez-vous qui est Skender Hoxha?

9 Réponse: Je n'ai jamais entendu parler de cet individu.

10 Question: Est-ce que vous savez qui était le commandant de l'UCK dans le

11 secteur d'Orahovac? Est-ce que vous avez entendu parler de son nom?

12 Réponse: Non, je n'ai jamais entendu ce nom-là. Cela ne m'intéressait pas.

13 Question: Est-ce que vous savez que, lors de déplacements des unités de

14 l'UCK en direction d'Orahovac, non seulement ils sont restés dans votre

15 village, ils ont enrôlé de force un certain nombre de villageois de votre

16 village? Est-ce que vous en avez entendu parler?

17 Réponse: Je l'ai déjà dit: le 16, j'étais à Prizren, donc je n'ai pas du

18 tout connaissance de ce genre d'événements.

19 Question: Entendu. Etant donné que vous n'êtes pas au courant de cela, à

20 ce moment-là, vous maintenez que, dans votre village, jusqu'au début de la

21 guerre, il n'y avait rien d'important qui s'était passé? C'est ce que nous

22 avons constaté; je pense que vous êtes d'accord avec moi?

23 Réponse: Oui, c'est exact. Ce que la police et l'armée serbe ont fait dans

24 le village de Bela Crkva, vous le savez, je le sais très bien.

25 Question: Nous allons poursuivre.

Page 6447

1 Dans votre déclaration, vous signalez que le 25, vous dites que le 25

2 mars, à 3 heures 30 au cours de la nuit, vous-même ainsi que les membres

3 de votre famille, vous avez été réveillés par le bruit des chars; est-ce

4 que c'est exact?

5 Est-ce que vous êtes sûr que c'est le bruit des chars qui vous a réveillé,

6 ou les bombardements de l'OTAN? Je parle là du 23 mars, tôt le matin.

7 Vous, vous dites: "au cours de la nuit".

8 Réponse: Le 25 mars à 3 heures 30 du matin, je me suis réveillé et j'ai vu

9 12 chars militaires serbes.

10 Question: Vous dites que vous avez quitté la maison et que vous êtes allé

11 dans les champs; c'était à la fin du village. Est-ce que c'est parce que

12 vous avez eu peur des chars ou éventuellement est-ce qu'il y avait une

13 autre raison pour laquelle vous êtes parti dans cet endroit-là?

14 Réponse: J'avais peur des chars.

15 Question: Mais les chars ont juste traversé, ils ne sont pas restés dans

16 le village. Tout au moins, c'est ce que vous dites dans votre déclaration.

17 Réponse: J'ai quitté ma maison et je suis resté loin jusqu'à ce que les

18 chars aient quitté le village. Ce n'est qu'à ce moment-là que je suis

19 retourné.

20 Question: Sur la photographie, nous avons pu voir que, entre les champs et

21 les maisons à Bela Crkva, il y a une forêt. Comment avez-vous pu voir ce

22 qu'il se passait dans le village étant donné que le champ était caché par

23 la forêt?

24 Réponse: Non, lorsqu'on a commencé à incendier le village, j'étais chez

25 moi à la maison.

Page 6448

1 Question: Mais je vous parle d'un incident bien précis, quand vous avez

2 quitté la maison parce que vous aviez peur des chars et que, par la suite,

3 vous avez constaté qu'ils ont tout simplement traversé le village. Comment

4 avez-vous pu voir les chars, étant donné que, comme je vous ai dit, entre

5 votre maison et les champs, il y a la forêt?

6 Réponse: Je ne me trouvais pas bien loin à 200 mètres du village. Il

7 faisait très sombre, enfin c'était encore la nuit.

8 Question: A quelle heure vous êtes retourné au village de nouveau?

9 Réponse: A 5 heures.

10 Question: Par conséquent, vous étiez absent pendant une heure et demie,

11 n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Pourquoi vous êtes parti de nouveau de chez vous?

14 Réponse: Je suis reparti parce que, à 200 mètres environ, j'ai vu que le

15 village était en feu, et la police et les paramilitaires arrivaient à

16 pied.

17 Question: Et de quel type de soldats, d'unités paramilitaires, parlez-

18 vous? Je ne comprends pas. Qu'est-ce que c'est que les soldats qui

19 appartenaient à l'unité paramilitaire?

20 Réponse: Vous devriez le savoir vous-même! Je ne sais pas très bien de qui

21 il s'agissait. Ceux qui ont tué les gens, ceux qui ont abattu les gens à

22 coup de feu. Voilà qui étaient les paramilitaires.

23 Question: Est-ce qu'il y avait quelqu'un qui a ouvert le feu sur vous?

24 Réponse: On n'a pas tiré sur moi dans le village, mais, sur le pont, les

25 gens ont essuyé des tirs et ont été abattus.

Page 6449

1 M. Milosevic (interprétation): (Pas d'interprétation.)

2 (Problème technique.)

3 M. le Président: "We are getting some French on the English channel. Let's

4 go on!"

5 M. Milosevic (interprétation): Etant donné qu'il y a des gens qui se

6 tiennent debout sur le pont et qu'on peut voir également quelle est la

7 longueur et la largeur du pont, le pont n'est pas plus long d'une dizaine

8 de mètres, n'est-ce pas?

9 M. Zhuniqi (interprétation): Il est plus long que 10 mètres.

10 Question: Il y en a 11 éventuellement, mais, de toute façon, il se

11 rétrécit en bas; et puis, en bas, il y a la rivière, n'est-ce pas?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Comment les 700 personnes, les villageois auraient pu se cacher

14 au-dessous de ce pont alors? Est-ce que vous voulez nous l'expliquer?

15 M. Zhuniqi (interprétation): Nous n'étions pas sous le pont. Il y a un

16 canal d'irrigation et c'est là-dedans que nous nous cachions. Donc pas

17 sous le pont.

18 M. Milosevic (interprétation): J'ai compris dans votre déclaration que

19 vous vous étiez cachés sous le pont et que vous y êtes restés quelques

20 heures.

21 M. le Président (interprétation): Il vous a répondu.

22 M. Milosevic (interprétation): Il était quelle heure au moment où vous

23 êtes arrivés jusqu'au pont?

24 M. Zhuniqi (interprétation): Nous sommes arrivés au pont vers 5 heures et

25 demie, nous y sommes restés jusqu'à 9 heures et quart, jusqu'à ce que la

Page 6450

1 police serbe arrive au pont.

2 Question: Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. A 5 heures de

3 l'après-midi, vous êtes retourné à la maison, après avoir fait passer les

4 chars. Et à 5 heures 30, vous étiez déjà en dessous du pont. Comment est-

5 ce possible?

6 Réponse: Il est vrai qu'à 5 heures du matin, je m'étais chez moi et il m'a

7 fallu une demi-heure pour arriver jusqu'au pont.

8 Question: Mais vous dites qu'à 9 heures 30, le matin, les policiers se

9 sont dirigés vers vous et que les policiers étaient armés. Est-ce que

10 c'est comme cela que vous l'avez dit?

11 Réponse: Environ 15 ou 16 policiers étaient là. Je l'ai vu de mes propres

12 yeux. Les familles Çlirim et l'autre famille Spahiu, qui comportaient 12

13 membres, ont été abattues à une distance de 150 mètres. Seul un petit

14 garçon de 2 ans a survécu à ce massacre.

15 Question: Mais c'est autre chose que je vous demande. Je souhaite savoir

16 quand les policiers ont commencé à se déplacer: est-ce que c'était bien à

17 9 heures 30, comme vous l'affirmez dans votre déclaration?

18 Réponse: Lorsque les policiers sont arrivés, ils sont donc arrivés à la

19 ligne ferroviaire qui relie Prizren et Xërxë.

20 Question: Ils étaient à quelle distance par rapport au pont où, vous, vous

21 étiez cachés?

22 Réponse: (Pas d'interprétation.)

23 Question: Et les policiers se trouvaient à quelle distance?

24 Réponse: Les policiers se trouvaient à une vingtaine ou à une trentaine de

25 mètres. Ils nous ont demandé de mettre les mains derrière la tête et de

Page 6451

1 nous approcher d'eux.

2 M. Milosevic (interprétation): Et vous dites qu'ils portaient des armes et

3 un fusil d'assaut, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que c'est un

4 fusil d'assaut?

5 Réponse: Il s'agit d'un fusil automatique que l'on a utilisé pour tirer

6 sur des civils albanais.

7 Question: Mais vous, vous dites qu'il s'agit d'un fusil AK47?

8 Réponse: Je l'ai vu de mes propres yeux: un fusil automatique ou

9 mitrailleur.

10 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez qu'AK47 était un

11 fusil qui a été utilisé par les terroristes de l'UCK?

12 M. le Président (interprétation): Non, il s'agit là d'un point distinct.

13 Le témoin a identifié les fusils comme étant des AK47.

14 M. Milosevic (interprétation): Mais je tiens à vous rappeler, Monsieur

15 May, que le témoin Buja, le témoin précédent qui est chef qu'un groupe

16 terroriste, a précisé ici qu'il s'agissait de leurs propres armes, qu'ils

17 utilisaient ces armes.

18 M. le Président (interprétation): Ne commençons pas à nous disputer à ce

19 propos.

20 Est-ce que vous suggérez qu'ils étaient membres de l'UCK et non de la

21 police? Est-ce cela, votre thèse?

22 M. Milosevic (interprétation): Ce que je suggère, c'est que le témoin ne

23 sait pas ce que c'est, AK47, ni ce que c'est un fusil d'assaut.

24 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous savez à quoi ressemble

25 un AK47? Comment avez-vous pu reconnaître cette arme, Monsieur Zhuniqi?

Page 6452

1 M. Zhuniqi (interprétation): Je peux vous décrire l'arme. Il s'agissait

2 d'un fusil automatique, et je savais que seul ce type d'arme était utilisé

3 pendant la guerre.

4 M. Milosevic (interprétation): Et AK47, c'est de quelle couleur, s'il vous

5 plaît?

6 M. Zhuniqi (interprétation): Je ne l'ai pas vu, à ce moment-là.

7 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce qu'il est de couleur claire ou

8 plus sombre?

9 M. le Président (interprétation): Cela suffit pour cette question. Abordez

10 un autre point. Ce point n'est pas important.

11 M. Milosevic (interprétation): Vous avez mentionné un policier qui parlait

12 albanais et dont vous êtes sûr que lui-même était serbe, c'est bien cela?

13 M. Zhuniqi (interprétation): Oui, je suis sûr qu'il s'agissait d'un Serbe.

14 Question: En fonction de quoi affirmez-vous que c'était un Serbe,

15 puisqu'il parlait albanais?

16 Réponse: Eh bien, je ne connaissais pas son nom à l'époque, mais quand je

17 suis revenu d'Albanie, je l'ai vu et il s'appelait Nenad Matic.

18 Question: Vous avez dit qu'il y avait un abri sous le pont, c'est bien

19 cela?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Cet abri était-il destiné à protéger contre des raids aériens?

22 Réponse: Non. Il y avait un canal d'irrigation destiné aux exploitations

23 agricoles et les personnes se sont cachées dans ce ruisseau.

24 Question: Bon. Mais cela veut dire qu'il n'y avait aucun abri qui était

25 préparé à l'avance? Simplement, ce canal d'irrigation, vous l'avez baptisé

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1 "abri", c'est bien cela?

2 Réponse: Nous nous en sommes servis comme abri. Il s'agissait d'un canal

3 d'irrigation. Nous ne l'avions pas préparé auparavant à cette fin.

4 Question: Combien de fois avez-vous utilisé cet endroit comme abri?

5 Réponse: C'était la première fois et la dernière fois, ce jour-là, donc.

6 Question: A aucun moment, dans les jours qui ont précédé ou les jours qui

7 ont suivi, cet endroit n'a été utilisé comme abri, n'est-ce pas?

8 Réponse: Nous ne nous en sommes pas servis à cette fin. Nous l'utilisions

9 uniquement pour irriguer les champs.

10 Question: Mais comment se fait-il que vous soyez tous partis en direction

11 de cet endroit pour vous abriter, vous tous, les sept? D'habitude, quand

12 il y a un danger, chacun se disperse un peu à gauche, à droite. Et comment

13 pouvez-vous expliquer que tous les sept, vous ayez décidé ensemble d'aller

14 au même endroit pour vous abriter?

15 Réponse: Je peux vous expliquer. Nous n'avions pas le choix, c'était la

16 seule direction dans laquelle nous pouvions nous rendre. Nous étions

17 encerclés par la police serbe et l'armée serbe. Nous ne pouvions que nous

18 rendre vers Xerxë ou vers Rogovo, en passant par le pont de Belaja.

19 Question: Bon. Vous affirmez que ce policier qui donnait des ordres en

20 albanais a donné l'ordre à la police de tirer sur un groupe au moment où

21 un membre de la famille Çlirim, un certain Çlirim Zhuniqi, a été tué;

22 c'est bien cela?

23 Réponse: La famille de Çlirim Zhuniqi était là, ainsi que son ami

24 d'Optershë, Xhemajl Spahiu, a été roué de coups et tué. La seule personne,

25 dans ce groupe, qui a survécu était le petit garçon de deux ans, Çlirim

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1 Zhuniqi.

2 M. Milosevic (interprétation): Mais répondez à la question suivante, je

3 vous prie: pourquoi est-ce qu'un policier serbe donnerait des ordres en

4 albanais?

5 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas au témoin de répondre à

6 cette question. Le témoin a dit que le policier avait agi de cette façon,

7 mais ce n'est pas à lui qu'il appartient de déterminer pourquoi.

8 M. Milosevic (interprétation): Bien.

9 Y avait-il d'autres Albanais dans ce groupe, ou d'autres personnes qui

10 parlaient albanais, en dehors de ce policier que vous avez entendu donner

11 des ordres en albanais? Avez-vous entendu la voix de quelqu'un d'autre en

12 train de parler albanais, dans ce même groupe?

13 M. Zhuniqi (interprétation): Je l'ai seulement entendu dire: "Mettez les

14 mains derrière le dos"; à d'autres moments, il ne parlait que le serbe.

15 C'est seulement lorsqu'il nous a donné cet ordre précis qu'il a parlé en

16 albanais.

17 Question: Vous-même, parlez-vous serbe?

18 Réponse: Un peu. Je parle un peu le serbe.

19 Question: Quelle langue a-t-il utilisée pour donner l'ordre de donner

20 l'ordre d'ouvrir le feu: l'albanais ou le serbe?

21 Réponse: Le serbe.

22 Question: Vous l'avez entendu parler lorsqu'il a donné l'ordre d'ouvrir le

23 feu, c'est bien cela?

24 Réponse: Oui je l'ai entendu, je me trouvais à deux mètres de lui.

25 Question: Ils ont donc tiré sur vous à une distance de deux mètres?

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1 Réponse: Je me trouvais à deux mètres de l'endroit où il a tiré sur Nisim

2 Popaj le médecin, et Shendet Popaj qui a reçu une balle dans la tête, qui

3 n'avait que 17 ans.

4 Question: A quelle distance se trouvait-il lorsqu'il a donné l'ordre de

5 tirer sur vous?

6 Réponse: Environ deux mètres, quand il a donné l'ordre, quand il nous a

7 donné l'ordre d'entrer dans le ruisseau. Et ensuite, il a donné l'ordre de

8 tirer sur la population civile dans notre dos.

9 Question: Entendu. N'utilisons pas cette expression très globale "la

10 population civile". Vous avez dit qu'il y avait 700 personnes présentes à

11 cet endroit, il a donc donné l'ordre d'ouvrir le feu sur 700 parmi vous,

12 c'est bien cela?

13 Réponse: Non, il avait séparé les hommes des femmes. Il a dit à certains

14 hommes âgés de rentrer au village. Et à environ une centaine de mètres de

15 la rivière, c'est là où il a exécuté les hommes.

16 Question: Mais combien d'hommes a-t-il fait exécuter alors dans ces

17 conditions, selon ce que vous dites?

18 Réponse: Près du ruisseau, ils ont exécuté des enfants, des femmes, des

19 personnes âgées: 60 personnes en tout, dont deux étaient paralysées. Ils

20 étaient immobiles, ils étaient incapables de se déplacer, ils ont donc été

21 brûlés dans leur maison de Nenad Zhuniqi.

22 Question: Bien. Mais cela signifie que vous affirmez que, sur 700

23 personnes, puisqu'on a séparé les hommes, il a donné l'ordre de tirer sur

24 60 d'entre vous qui n'étaient pas uniquement des hommes, qui étaient aussi

25 des hommes, des femmes etc. Alors comment se fait-il qu'il ait donné

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1 l'ordre de procéder à la séparation des hommes par rapport aux autres et

2 qu'il se soit trouvé si peu d'hommes dans ce groupe de 700.

3 Réponse: Parce que les femmes, les enfants et les personnes âgées étaient

4 à 150 mètres de l'endroit où Clirim Zhuniqi et sa famille ont été blessés

5 par balle. Et sur ces personnes, 38 ont été tuées. Dans mon groupe, seuls

6 six ont survécu et 6 ont été blessés.

7 Question: Sur 700 personnes, selon ce que vous dites, 60 personnes ont

8 donc trouvé la mort à cet endroit, c'est bien cela?

9 Réponse: Non, 600 personnes n'ont pas été tuées! 60 ont été tuées. A

10 environ 150 mètres du pont, Clirim Zhuniqi et sa famille d'Opterushë ainsi

11 que Xhemal Spahiu de Bela Crkva ont été tués à peu près 150 mètres plus

12 loin.

13 Question: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé. Alors essayons d'avancer

14 un peu plus vite. Est-ce que l'événement dont vous parlez s'est déroulé

15 durant les bombardements de l'OTAN?

16 Réponse: Il n'y a pas eu de bombardement de l'OTAN dans notre région. Le

17 25 mars, nous avons vu des avions de l'OTAN survoler notre région. C'est

18 tout.

19 Question: Vous les avez vus très haut en l'air. Bien. Mais vous avez dit

20 que l'OTAN avait bombardé à deux reprises Nogavac pendant la nuit, quand

21 vous y étiez vous-même, c'est bien cela? Donc cela, c'est un autre

22 événement.

23 Réponse: L'OTAN n'a pas bombardé Nogavac, c'étaient des avions yougoslaves

24 qui ont effectué ce bombardement.

25 Question: Ah bon. C'est cela. D'accord. Les bombes sont tombées sur

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1 Nogavac -ne nous intéressons maintenant pas à l'identité de ces bombes-

2 mais puisque vous dites que vous avez toujours une balle logée dans le

3 bras pas très loin du coude ainsi qu'à la cheville, je vous demande si

4 vous avez reçu cette blessure au cours de ce bombardement?

5 Réponse: Non, j'ai une balle dans l'épaule qui date du 25 mars, mais j'ai

6 huit autres blessures qui datent du 2 avril dans le village de Nogavac.

7 Question: Cela s'est donc passé pendant les bombardements parce que, en

8 page 4, vous dites que vous avez reçu des éclats à la tête et au bras

9 droit, c'est bien cela?

10 Réponse: Oui.

11 Question: D'accord, mais combien de personnes ont-elles trouvé la mort au

12 cours de ce bombardement, le savez-vous? Voyez, vous, vous avez été

13 grièvement blessé, si nous avons bien compris! Mais combien y a-t-il eu de

14 morts au cours de ce bombardement?

15 Réponse: A l'époque, à une heure du matin, je suis arrivé à Nogavac, et

16 j'ai entendu ces avions Mig qui venaient du Monténégro, qui tiraient sur

17 le village de Nogavac. A cette occasion des personnes ont été grièvement

18 blessées.

19 Question: Mais la seule chose que je vous demandais, c'était si vous

20 saviez combien de personnes avaient trouvé la mort au cours de ce

21 bombardement?

22 Réponse: Je n'en suis pas certain parce que j'ai été grièvement blessé

23 moi-même.

24 Question: Mais quelqu'un vous a-t-il dit quel était le nombre de tués au

25 cours de ce bombardement?

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1 Réponse: Je ne sais pas. Un nombre de personnes sont décédées, mais je ne

2 pourrais vous dire le chiffre exact.

3 Question: Mais n'avez-vous pas confondu ces morts avec les 60 dont vous

4 parliez tout à l'heure et dont vous avez dit que c'était la police qui les

5 avait tués?

6 Réponse: Non, je ne les ai pas confondus.

7 Question: Eh bien, je vais vous poser une question plus directe. Dans

8 votre témoignage que vous faites à l'instant, essayez-vous de masquer le

9 fait que les victimes, que vous avez mentionnées, ont été en fait les

10 victimes des bombardements de l'OTAN, compte tenu des blessures que vous

11 venez de décrire, oui ou non?

12 Réponse: L'OTAN n'a pas bombardé la population civile. Vos avions au

13 contraire ont bombardé Nogavac et la KFOR allemande, après notre retour, a

14 trouvé des bombes avec des lettres en cyrillique.

15 Question: Nous avons déjà entendu parler de ces lettres cyrilliques, mais

16 êtes-vous au courant du fait que nos avions ne volaient pas du tout?

17 Réponse: Je suis tout à fait certain qu'il s'agissait d'avions serbes qui

18 nous ont bombardés.

19 M. Milosevic (interprétation): Et vous vous fondez sur quoi pour dire

20 cela? Qu'est-ce qui vous rend si sûr?

21 M. le Président (interprétation): Il a répondu à cette question.

22 M. Milosevic (interprétation): Bon, je ne vais pas l'interroger plus avant

23 dans ces conditions. Cela suffit. Tout à fait.

24 M. Nice (interprétation): Je ne vois pas très clairement ce que l'on

25 affirme concernant les morts sous le pont. Est-ce qu'on suggère qu'il

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1 s'agissait d'un incident?

2 M. le Président (interprétation): Il me semble que ce que l'on nous dit,

3 ce qui est affirmé est qu'il s'agissait d'un bombardement de l'OTAN, si

4 j'ai bien compris.

5 M. Kay (interprétation): Je n'ai pas de questions.

6 M. le Président (interprétation): Vous serez concis, Monsieur Nice?

7 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin Isuf Zhuniqi par M.

8 Nice.)

9 M. Nice (interprétation): Oui, je serai très concis.

10 Est-ce que vous comprenez, Monsieur Zhuniqi, que l'affirmation est la

11 suivante: que les personnes qui se trouvaient sous le pont, dont certaines

12 ont été blessées, pour ce qui est des quelques survivants, qu'il

13 s'agissait là d'une bombe? Est-ce qu'il y a de la vérité dans cette

14 affirmation? C'est ce que maintient l'accusé.

15 M. Zhuniqi (interprétation): Ils n'ont pas été blessés par des bombes,

16 mais par la police serbe. Je les ai vus de mes propres yeux: ils

17 utilisaient des fusils automatiques, ils ont tiré sur toutes ces

18 personnes.

19 M. Nice (interprétation): Nenad Matic, l'homme dont vous nous avez parlé,

20 l'homme que vous avez vu après être retourné d'Albanie, quand l'avez-vous

21 vu pour la dernière fois et où?

22 Réponse: Je l'ai vu pour la première fois sur le pont de Belajë, et dans

23 les photos qui m'ont été montrées par la KFOR, je l'ai reconnu comme étant

24 Nenad Matic.

25 Question: Vous avez dit qu'il y avait 700 personnes de façon générale dans

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1 le lit de la rivière. Il ne s'agissait pas du nombre de personnes qui se

2 trouvaient sur le pont. Vous n'avez jamais affirmé cela.

3 Mais donc 700 personnes, combien de personnes comptait le village, combien

4 d'habitants comptait le village en tout? Puisqu'il y en avait 700 qui se

5 sont réfugiés dans le lit de la rivière?

6 M. Zhuniqi (interprétation): Le village compte environ 350 maisons et

7 environ 3.000 habitants.

8 (Questions du Juge Kwon au témoin Isuf Zhuniqi.)

9 M. Kwon (interprétation): Monsieur Zhuniqi, vous avez dit que vous avez vu

10 la photo de ce M. Nenad Matic. La KFOR vous a montré cette photo, vous ai

11 je bien compris?

12 M. Zhuniqi (interprétation): J'ai reconnu Nenad Matic, parce que je

13 travaillais avec un car. Auparavant, je ne connaissais pas son nom, et

14 c'est seulement lorsque la KFOR allemande m'a montré les photos que je

15 l'ai reconnu et que j'ai pu l'identifier.

16 M. Kwon (interprétation): Lorsqu'ils vous ont montré cette photo, est-ce

17 qu'ils vous ont donné des détails quant à ce qu'il faisait, s'il était

18 policier ou militaire ou autre?

19 M. Zhuniqi (interprétation): Non. Ils m'ont seulement demandé si je

20 connaissais cet individu et je leur ai répondu que je le reconnaissais.

21 M. Kwon (interprétation): Merci.

22 M. le Président (interprétation): Un instant, Monsieur Zhuniqi. Cela met

23 un terme à votre témoignage. Nous vous remercions d'être venu pour déposer

24 devant nous et vous pouvez maintenant vous retirer.

25 M. Zhuniqi (interprétation): Je vous remercie également.

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1 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

2 M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant lever la séance

3 jusqu'à demain matin 9 heures.

4 Autre changement dans notre calendrier. Lundi, nous allons donc siéger de

5 9 heures à 14 heures.

6 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup.

7 Nous allons donc entendre Hendrie demain. Nous avions demandé à ce qu'il

8 soit entendu conformément à l'Article 92bis. Nous n'avons pas encore de

9 décision.

10 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons statué.

11 M. Nice (interprétation): Très bien.

12 M. le Président (interprétation): Mais oui, on m'assure que nous avons

13 statué.

14 M. Nice (interprétation): Très bien. Donc je vais m'en informer.

15 M. le Président (interprétation): Très bien. A demain matin.

16 (L'audience est levée à 13 heures 55.)

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