Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 4 juillet 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures.)

4 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

5 (Matières relatives aux éléments de preuve.)

6 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais éclaircir

7 une confusion qui s'est produite hier. Vous pourrez voir ce qui s'est

8 passé au niveau du compte rendu.

9 Il y avait une erreur dans le compte rendu lorsque je me suis adressé à la

10 Chambre et j'ai donné une date qui était "avril 2000" pour les événements

11 qui se sont produits au "champ de tir". Ce qui s'est passé en fait,

12 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est que les événements se

13 sont produits en avril 1999. Le 24 mai, le témoin s'est rendu sur le site

14 et l'a visité avec des représentants du Bureau de l'accusation. Et le 12

15 juin, il nous a donné une déclaration concernant les faits. La confusion,

16 qui a été créée également par les questions posées par l'accusé, ont

17 conduit à l'erreur. Mais les choses sont tout à fait claires dans les deux

18 déclarations, les dates et les événements.

19 M. le Président (interprétation): C'est le résumé qui était confus,

20 malheureusement, Madame Romano. La date n'était pas correcte.

21 Mme Romano (interprétation): C'est le résumé qui a été remis à la Chambre.

22 M. le Président (interprétation): Si vous voulez faire attention à

23 l'avenir?

24 Mme Romano (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Nous devons donner le temps à l'accusé

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1 de poursuivre le contre-interrogatoire pour éclaircir ce point.

2 Le contre-interrogatoire sera limité aux questions qui concerneront

3 l'exhumation sur le "champ de tir" et la déclaration qui a été faite à cet

4 égard, étant donné qu'il y avait une confusion hier quand il a posé des

5 questions à ce sujet.

6 Mais tout d'abord, Monsieur Tapuskovic, y a-t-il autre chose que vous

7 aimeriez demander à ce témoin puisqu'on vous a interrompu?

8 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

9 Juges, je jugerai après le contre-interrogatoire par M. Milosevic.

10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous voulez poser

11 des questions supplémentaires concernant les déclarations et les

12 événements du "champ de tir", maintenant que les dates ont été éclaircies,

13 vous pouvez le faire.

14 Le problème que vous avez soulevé semble être celui-ci: comment se fait-il

15 que, dans la première déclaration qui a été faite à l'accusation, il n'y

16 avait pas de référence au "champ de tir"?

17 (Second contre-interrogatoire du témoin, Ali Gjogaj, par l'accusé M.

18 Milosevic.)

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, tout d'abord, j'aimerais dire

20 quelque chose concernant ce que nous venons d'entendre de l'autre côté.

21 Même si cela avait été écrit comme cela dans la déclaration, je me demande

22 quel est le but d'un contre-interrogatoire, sinon, entre autres

23 évidemment, de travailler dans l'intérêt de la vérité, à savoir de mettre

24 en question ce que dit cette déclaration.

25 Néanmoins, je voudrais attirer votre attention sur ce qui suit: un

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1 addendum a été fourni à la déclaration d'Ali Gjogaj et cette déclaration

2 est celle-ci: "Moi, Ali Gjogaj, aimerais rajouter ce qui suit à la

3 déclaration que j'ai faite, n°1, la déclaration du 27 février 2000, et du

4 1er mars 2000", inséré après le premier paragraphe à la page 1. Ensuite:

5 "Cette déclaration se réfère à des événements qui se sont déroulés en

6 avril et mai 1999, lorsque la police m'a envoyé pour l'exhumation de corps

7 dans le village d'Orohovac. Les emplacements étaient l'endroit où les

8 corps devaient être réenterrés."

9 Donc cet addendum, cette correction sont des faits que nous avons établis

10 hier.

11 "La police les a emmenés à l'hôpital pour être examinés, ensuite on les a

12 enterrés."

13 Alors que, lorsque vous avez insisté qu'il s'agissait de fosses communes,

14 le témoin a dit que tout le monde avait été enterré dans des tombes

15 individuelles.

16 M. le Président (interprétation): Je n'ai rien dit de tel, je l'ai

17 simplement suggéré. Simplement, ce n'était pas clair et le témoin a

18 éclairci la question.

19 Mais poursuivez, s'il vous plaît.

20 M. Milosevic (interprétation): D'abord, on a dit 13 tombes pour 60 corps

21 et vous avez dit que ce sont des fosses communes, alors...

22 M. le Président (interprétation): Ecoutez, nous sommes ici avec le témoin;

23 il est ici pour terminer son témoignage.

24 Est-ce que vous avez d'autres questions à lui poser, oui ou non? Sinon, je

25 vais lui une question et nous le laisserons partir.

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1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Gjogaj, hier, vous avez dit ici

2 sous serment -nous l'avons entendu au micro-, avons-nous dit hier que

3 l'exhumation au "champ de tir", dont nous avons parlé lorsque vous avez

4 mentionné les camions réfrigérés, etc., que tout cela s'est produit au

5 printemps 2000? Est-ce exact ou non?

6 M. le Président (interprétation): S'il l'a dit, c'était en raison d'une

7 confusion. Je me souviens que c'est le conseil qui lui a fait cette

8 suggestion.

9 Monsieur Gjogaj, il y a un problème ici. Je vais dire les choses

10 autrement, on va simplement perdre notre temps. Il y a une remarque: vous

11 avez fait une déclaration, vous vous en souviendrez.

12 Une minute, s'il vous plaît, je pose une question au témoin; ne

13 m'interrompez pas.

14 Vous avez fait une déclaration en mars 2000. Vous n'avez pas mentionné le

15 "champ de tir". Est-ce que vous me suivez? Vous me suivez? Vous n'avez pas

16 mentionné cela avant une déclaration ultérieure: est-ce que vous pouvez

17 nous dire comment cela se fait? Il y a peut-être une explication. Mais

18 pouvez-vous m'expliquer?

19 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que je peux poursuivre ma question?

20 M. le Président (interprétation): J'aimerais d'abord entendre sa réponse.

21 Monsieur Gjogaj, est-ce que vous avez compris ma remarque? Vous avez fait

22 deux déclarations. Vous vous souvenez avoir fait des déclarations à

23 l'accusation?

24 M. Gjogaj (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Très bien.

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1 Dans la première, vous n'avez parlé que de Pusto Selo, vous avez parlé des

2 corps que vous avez exhumés à Pusto Selo. Et ce n'est que dans une

3 deuxième déclaration, faite plusieurs mois plus tard, que vous avez parlé

4 du "champ de tir"?

5 M. Gjogaj (interprétation): Oui.

6 M. Le Président (interprétation): Bon, la question est celle-ci: pourquoi,

7 dans votre première déclaration, n'avez-vous pas parlé du "champ de tir"

8 également?

9 M. Gjogaj (interprétation): Parce que, lorsque j'ai fait la première

10 déclaration, ils m'ont posé des questions concernant Pusto Selo et,

11 ensuite, ils m'ont posé des questions concernant le "champ de tir".

12 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.

13 M. Milosevic (interprétation): Je dois soulever une objection, Monsieur

14 May: le fait que ceci n'ait pas été mentionné dans la première déclaration

15 et que l'accusation ait insisté par la suite sur ce deuxième événement, en

16 même temps que le premier -ce qui est tout à fait peu vraisemblable-.

17 C'est pourquoi j'ai soupçonné que nous ne parlions pas de la même période.

18 Et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à M. Gjogaj de confirmer

19 quand s'est produit l'événement du "champ de tir". Et il a dit "printemps

20 2000" et tous ici, nous avons entendu cela.

21 Donc, s'il vous plaît, Monsieur Gjogaj, est-ce que vous avez confirmé hier

22 que ces événements se sont produits au printemps 2000, oui ou non?

23 M. Gjogaj (interprétation): Les événements se sont produits au printemps

24 1999.

25 M. Milosevic (interprétation): Et vous souvenez-vous qu'hier, vous avez

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1 dit que cela s'est produit au printemps 2000?

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, ça ne sert à rien de

3 discuter de ce qu'on a dit hier. Il se peut très bien -il va falloir que

4 nous relisions le transcript-, il se peut très bien qu'il l'ait fait,

5 auquel cas nous pourrons en tirer des conclusions. Mais attendez un

6 moment! Il se peut très bien qu'il ait été induit en erreur par vos

7 questions; c'est tout à fait possible. Ensuite, nous devrons en tirer les

8 conclusions lorsque nous aurons lu le compte rendu d'audience. Cela ne

9 sert à rien de continuer à discuter avec le témoin de ce qu'il a dit.

10 S'il y a autre chose que vous voulez lui poser?

11 M. Milosevic (interprétation): Je ne pense pas que ce soit à discuter, si

12 j'ai demandé au témoin s'il se souvient qu'il a dit hier que les

13 événements se sont produits au printemps 2000.

14 M. le Président (interprétation): Y a-t-il autre chose que vous voulez lui

15 demander?

16 M. Milosevic (interprétation): Oui. Hier, après la fin de l'audience,

17 Monsieur Gjogaj, à qui avez-vous parlé? Avec combien de gens ici présents

18 avez-vous parlé?

19 M. Gjogaj (interprétation): De quoi parlez-vous? Quels gens?

20 Question: Je veux dire depuis hier, lorsque nous avons levé la séance,

21 hier, vers 2 heures de l'après-midi, jusqu'à ce matin, à qui avez-vous

22 parlé?

23 M. le Président (interprétation): La question est trop générale. Vous

24 voulez savoir s'il a parlé à quelqu'un de l'accusation? C'est bien cela,

25 Monsieur Milosevic?

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1 M. Milosevic (interprétation): Oui, évidemment. Evidemment, mais je vous

2 demande à qui vous avez parlé?

3 M. le Président (interprétation): La question est trop générale.

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ce n'est pas trop général et

5 je ne vois pas pourquoi ceci n'est pas une question légitime.

6 M. le Président (interprétation): Eh bien, je vais poser la question au

7 témoin.

8 La question est celle-ci, Monsieur Gjogaj: avez-vous parlé à quelqu'un de

9 l'accusation pendant que la séance s'est levée, c'est-à-dire depuis qu'on

10 a levé la séance, hier jusqu'à ce matin?

11 M. Gjogaj (interprétation): Non.

12 M. le Président (interprétation): Avez-vous parlé à l'un des enquêteurs?

13 M. Gjogaj (interprétation): Non.

14 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous avez parlé à quelqu'un,

15 Monsieur Gjogaj?

16 M. Gjogaj (interprétation): Non.

17 M. le Président (interprétation): Concernant cette affaire, c'est cela la

18 question? Avez-vous parlé à quelqu'un de cette affaire ou de votre

19 témoignage?

20 M. Gjogaj (interprétation): Non.

21 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

22 M. Milosevic (interprétation): Donc vous n'avez parlé à personne du tout

23 depuis hier?

24 M. le Président (interprétation): La seule question pertinente, c'est:

25 est-ce qu'il a parlé avec quelqu'un de l'affaire et la réponse était

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1 "non".

2 A moins que vous n'ayez d'autres questions, je crois qu'on va mettre fin.

3 Une question pertinente?

4 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Gjogaj, j'ai une question.

5 Pour quelle raison avez-vous changé votre déclaration depuis hier? Donc,

6 depuis hier, pourquoi avez-vous changé votre témoignage? Pourquoi avez-

7 vous dit hier "2000" et pourquoi dites-vous "1999" aujourd'hui? Il y a une

8 différence. Il y a une différence d'un an. Alors pour quelle raison avez-

9 vous changé?

10 M. le Président (interprétation): Nous en revenons à la même question, à

11 savoir ce qu'il a dit hier. Il a déjà fait son témoignage, nous avons le

12 transcript, nous pouvons tous le lire et en tirer les conclusions qui

13 conviennent.

14 Monsieur Tapuskovic, est-ce que vous avez des questions à poser au témoin?

15 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Ali Gjogaj.)

16 M. Tapuskovic (interprétation): Eh bien, Monsieur le Président, je crois

17 qu'il faudrait éclaircir une question supplémentaire. Dans les deux

18 déclarations, il est dit que ces deux événements se sont déroulés en avril

19 1999. C'est ce que nous voyons dans les deux déclarations. Est-ce que les

20 deux événements dont il a parlé aujourd'hui, est-ce qu'ils se sont tous

21 les deux produits en avril?

22 M. le Président (interprétation): La première déclaration il dit avril ou

23 mai. Donc d'abord on parle du printemps.

24 M. Tapuskovic (interprétation): Oui.

25 M. le Président (interprétation): Il s'agit d'avril ou mai.

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1 M. Tapuskovic (interprétation): C'est exact. Alors pour la deuxième

2 déclaration, il dit sans aucune équivoque qu'il s'agit du mois d'avril.

3 C'est ce qu'on dit dans la déclaration le mois d'avril. Il ne parle pas de

4 mai du tout. C'est au paragraphe n°4 de la deuxième déclaration. En plus,

5 il y a une autre chose qui m'intéresse, il dit que ce qu'il a fait dans

6 les deux cas. D'après ce qu'il a dit, il a travaillé avec Buda, Shefki

7 Salihu, Xhevdet Mazreku et Isuf Krasniqi. Et il dit également que ces

8 mêmes personnes ont été engagées au cours de l'autre événement qui a eu

9 lieu.

10 Est-ce qu'il pourrait nous dire avec qui il a travaillé la première fois

11 et avec qui il a travaillé la deuxième fois?

12 Monsieur Gjogaj, vous dites que, la première fois, les mêmes personnes ont

13 travaillé avec vous les deux fois, est-ce exact?

14 M. Gjogaj (interprétation): Oui.

15 Question: Est-ce que vous êtes certain qu'il y a eu deux événements?

16 Réponse: Oui.

17 M. Tapuskovic (interprétation): Merci.

18 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des questions supplémentaires?

19 Mme Romano (interprétation): Non.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Gjogaj, ceci met fin à votre

21 témoignage. Merci d'être venu, vous êtes libre de partir.

22 M. Gjogaj (interprétation): Merci également.

23 (Le témoin, M. Ali Gjogaj, est reconduit hors du prétoire.)

24 (Questions relatives à la procédure.)

25 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

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1 M. Nice (interprétation): Trois brèves remarques.

2 D'abord, K30 va faire son témoignage sans mesure de protection.

3 Deuxièmement, la Chambre a demandé des détails concernant la communication

4 d'experts, de témoins experts, il y a deux jours. Et maintenant, dans le

5 calendrier, de façon plus détaillée que le calendrier que vous avez déjà,

6 vous allez l'avoir.

7 M. le Président (interprétation): Tant que nous parlons des rapports

8 d'experts, nous avons étudié la question et, d'après le Règlement ou même

9 d'après nos ordonnances, on ne voit pas clairement s'il faudrait les

10 traduire ou non. Je crois que vous avez considéré qu'ils ne devraient pas

11 être traduits?

12 M. Nice (interprétation): Eh bien, d'après le Règlement, ils ne doivent

13 pas être traduits mais, de toute façon, nous les faisons traduire. Le seul

14 problème, c'est une question de priorité auprès du CLSS: il s'agit d'un

15 document qui n'est pas soumis à la réglementation, mais nous le ferons

16 traduire le plus rapidement possible.

17 M. le Président (interprétation): Alors, la question qu'il faut résoudre

18 c'est: combien de temps l'accusé aura-t-il le document sous les yeux dans

19 sa propre langue?

20 M. Nice (interprétation): Dès que nous aurons pu insister auprès du CLSS.

21 M. le Président (interprétation): Mais ça peut avoir une incidence sur le

22 temps, sur le moment où se fera le témoignage.

23 M. Nice (interprétation): Je comprends très bien.

24 Lorsque vous aurez le calendrier, peut-être pourriez-vous savoir ce qu'on

25 dit concernant Philip Coo, ainsi que la date de la mise à disposition en

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1 BCS?

2 M. le Président (interprétation): En tout cas, c'est un témoin local. S'il

3 était nécessaire qu'il retourne auprès…, on pourrait combler la lacune, le

4 temps entre les deux.

5 M. Nice (interprétation): Je vous le ferai savoir.

6 Donc c'était la deuxième chose. Voici le calendrier et je vous ferai

7 savoir, par le personnel ou par quelqu'un d'autre, si nous avons une façon

8 de remplir le temps qui sera disponible, au cas où le 16 juillet, on

9 considérerait que c'est trop tôt par rapport au moment où la traduction en

10 BCS aurait été remise. Mais c'est dans 15 jours, donc c'est un délai

11 relativement long.

12 Troisième question: M. Hendrie doit normalement venir ici ce soir par

13 avion. C'est très difficile pour M. Hendrie de se faire libérer de son

14 travail pour venir libérer ici. Ce que je voudrais faire, c'est ne pas lui

15 poser des questions personnellement concernant les sujets sur lesquels le

16 contre-interrogatoire va avoir lieu, simplement le soumettre au contre-

17 interrogatoire, comme cela a été fait pour d'autres témoins comme

18 l'ambassadeur Walker.

19 M. le Président (interprétation): Les règles habituelles doivent être

20 appliquées d'une façon pertinente. Et ce sera peut-être beaucoup plus

21 difficile de poser la question si les questions ne sont pas posées

22 correctement; donc il vaut peur-être mieux que vous puissiez l'interroger.

23 Ensuite, il y aura un contre-interrogatoire.

24 M. Nice (interprétation): C'est très utile. Nous avons été très prudents

25 quant aux détails qu'on sera amené à lui demander, à lui poser. Mais

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1 j'avais l'intention de ne pas… Ou plutôt, M. Randall ne devait pas

2 parcourir le terrain avec lui avant qu'il ne vienne. Mais quand il

3 viendra, il sera brièvement préparé avec ces photographies et ensuite, ce

4 sera à l'accusé de procéder au contre-interrogatoire.

5 Dernière question: là, j'aimerais une minute à huis clos partiel, s'il

6 vous plaît.

7 M. le Président (interprétation): Nous passons à huis clos partiel.

8 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 25.)

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4 (Audience publique à 9 heures 28.)

5 (Le témoin, M. Halit Melit Berisha, est introduit dans le prétoire.)

6 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de prononcer

7 la déclaration solennelle.

8 M. H. M. Berisha (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai

9 la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

10 M. le Président (interprétation): (Pas de traduction.)

11 (Interrogatoire principal du témoin, Halit Melit Berisha, par Mme

12 Romano.)

13 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Témoin, pouvez-vous décliner

14 votre identité à l'intention de la Chambre?

15 M. H. M. Berisha (interprétation): Je m'appelle Halit Berisha, je suis né

16 le 5 août 1940 à Suva Reka.

17 Question: Quelle est votre profession?

18 Réponse: J'enseigne les mathématiques.

19 Question: Monsieur Berisha, le 5 août 2001, vous avez fait une déclaration

20 au Bureau du Procureur; est-ce bien exact?

21 Réponse: Le 17 août 2000.

22 Question: En êtes-vous sûr?

23 Réponse: Absolument.

24 Mme Romano (interprétation): Est-ce que je pourrais montrer au témoin?

25 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement. Montrez au témoin sa

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1 déclaration.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous

4 plaît, examiner la date qui figure sur votre déclaration. J'en ai un

5 exemplaire ici.

6 M. H. M. Berisha (interprétation): 17 août 2001. 27 août 2001.

7 Question: Merci, Monsieur Berisha.

8 Le 13 mars 2002 à Suva Reka, vous souvenez-vous avoir participé à une

9 rencontre avec l'officier instrumentaire du Greffe du Tribunal? A ce

10 moment-là, on vous a donné lecture de votre déclaration et vous avez

11 confirmé la teneur de ladite déclaration; est-ce bien exact?

12 Réponse: Oui, c'est exact.

13 Question: Monsieur Berisha, à votre arrivée à La Haye, vous avez apporté

14 un certain nombre de corrections à votre déclaration, corrections que je

15 vais présenter dans quelques instants. Est-ce bien exact?

16 Réponse: Oui.

17 Question: La modification à apporter concerne la page 4 au paragraphe 1,

18 ligne 5 de la version en anglais. Ceci n'a pas été pris en compte dans le

19 cadre de la procédure 92bis et le témoin souhaiterait apporter une

20 correction en disant que, dans ce passage du texte, il faut lire la chose

21 suivante -je cite-: "Ce jour-là, nous sommes partis à cause d'une

22 offensive qui a eu lieu en provenance de Mushtishte vers Buzhalle. Mon

23 frère et sa famille sont partis vers l'Albanie via Prizren. La police les

24 a interceptés et leur a demandé de rentrer à Savrove. Moi et mes deux

25 fils, nous nous sommes cachés dans les bois près de Buzhalle. Deux jours

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1 plus tard, nous nous sommes retrouvés à Savrove où nous sommes restés

2 pendant deux jours avant de rentrer à Suva Reka".

3 Et ensuite, dans la déclaration, on peut lire: "Je suis allé dans les bois

4 avec mes deux fils, le 7 avril 1999".

5 Est-ce qu'il s'agit bien là des corrections que vous souhaitiez apporter?

6 Réponse: Oui. Oui. Je voulais dire que je ne les ai pas rencontrés à

7 Prizren, mais dans le village de Savrove, après mon retour de Prizren.

8 Mme Romano (interprétation): Merci.

9 L'accusation souhaiterait demander maintenant le versement au dossier de

10 la déclaration.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de

13 l'accusation 240, s'agissant de la version originale, et 241, s'agissant

14 de la version expurgée.

15 Mme Romano (interprétation): Le témoin est un Albanais de Kosovo. Il a été

16 élu Président de la municipalité de Suva Reka, le 24 mai 1999, et occupait

17 ce poste jusqu'au 5 avril 1991, moment où il a été contraint par la force

18 de quitter son poste, par des membres de l'assemblée serbe de Suva Reka et

19 la police secrète. A cette occasion, le témoin s'est vu présenter un

20 document émanant de l'assemblée serbe de Belgrade lui ordonnant lui-même,

21 ainsi que d'autres Albanais qui occupaient des postes, de pouvoir quitter

22 ces postes.

23 Le témoin est resté sans emploi à partir de cette date jusqu'au 8 octobre

24 1999. C'est alors qu'il a retrouvé son poste ou un poste à la municipalité

25 de Suva Reka en tant que vice-président.

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1 Le témoin relate les événements qui ont eu lieu du 24 mars 1999 jusqu'au

2 21 mai 1999. Il donne les informations dont il dispose au sujet du

3 massacre qui a frappé la famille étendue Berisha, le 26 mars 1999.

4 Il parle de l'augmentation des déplacements et des mouvements des forces

5 serbes à Suva Reka, y compris de l'existence de fortes concentrations de

6 troupes serbes. Il note que ces soldats portaient des uniformes de

7 couleurs différentes et qu'il y avait des tireurs embusqués qui étaient

8 placés dans des bâtiments dans toute la ville. Ces tireurs embusqués

9 tiraient sur les civils albanais du Kosovo, ce qui faisait qu'il était

10 très difficile de se déplacer.

11 25 mars: vers 6 heures 30 du matin, le 25 mars 1999, le témoin a parlé

12 avec les membres des familles Kuçi et Ramadan Berisha qui fuyait en

13 passant devant sa maison. On lui a appris que des personnes qui se

14 trouvaient à côté de leur domicile avaient été tuées et que leur maison

15 avait été pillée.

16 Le 26 mars 1999, son frère Jashar est parti travailler. Et vers 12 heures

17 20, vers midi 20, il a appelé la maison du témoin en disant que des

18 personnes avaient été tuées près du centre commercial. Le témoin a

19 rassemblé les membres de sa famille et a pris la fuite. Plus tard, ce même

20 jour, il a appelé son frère au téléphone au travail, et son frère lui a

21 dit que la famille Berisha, que les membres de la famille Berisha -Sedat,

22 Nexhat et Bujar- avaient été tués par la police serbe, et qu'il avait

23 entendu des tirs, des explosions et des cris en provenance du centre

24 commercial.

25 Le 28 mars 1999, le témoin a entendu une explosion et a vu que le minaret

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1 de la mosquée avait été détruit. Plus tard, ce même soir, un policier

2 serbe qui était un voisin est venu chez lui et lui a dit qu'il devait

3 partir en Albanie, sinon des éléments paramilitaires allaient le tuer. Le

4 témoin et certains des membres de sa famille ont pris la direction de

5 Prizren. Ils ont été interceptés par la police serbe qui leur a ordonné de

6 rebrousser chemin. Le témoin et ses deux fils sont allés se cacher dans

7 les bois pendant presque un mois, avant de rejoindre la femme du témoin

8 dans la maison d'un membre de sa famille. Son épouse lui a dit que leur

9 maison avait été pillée et avait été visitée par des vandales.

10 Le 21 mai 1999, une fois de plus la police est venue à la maison du témoin

11 et lui a donné l'ordre de quitter la région pour l'Albanie en déclarant:

12 "Vous avez 15 minutes pour partir pour l'Albanie sinon, et vous ne

13 reverrez plus jamais ce pays". Le témoin est parti avec les membres de sa

14 famille dans deux véhicules; il s'est joint à un convoi qui comptait

15 environ 5.000 personnes et qui se dirigeait vers l'Albanie. Les véhicules

16 ont été fournis par la police et organisés par la police au centre-ville

17 pour ceux qui ne disposaient pas de moyen de transport. A la frontière,

18 les documents d'identité, les permis et les plaques d'immatriculation ont

19 été confisqués par la police.

20 Le 23 juin 1999, le témoin est retourné au Kosovo.

21 En annexe de la déclaration du témoin, on trouve un certain nombre de

22 documents qu'il a trouvés à son retour. Certains de ces documents ont été

23 téléchargés à partir d'une disquette informatique trouvée dans les locaux

24 d'une entreprise locale et à partir d'autres ordinateurs qui se trouvaient

25 dans le bâtiment de la municipalité.

Page 7439

1 M. le Président (interprétation): S'agissant des documents, il semble,

2 d'après la déclaration, que ces documents ont trait à la présence de la VJ

3 dans la municipalité.

4 Mme Romano (interprétation): Oui. Si vous voulez, je peux poser des

5 questions au témoin à ce sujet, au sujet des documents qui figurent en

6 annexe.

7 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que nous ayons besoin de

8 plus de détails. Nous pouvons voir ces documents ici. Il y en a qui ont

9 trait à un thème particulier, à savoir les unités de la VJ, etc.

10 Bien.

11 Oui, Monsieur Milosevic?

12 M. Milosevic (interprétation): Je viens, à l'instant, de recevoir cette

13 liasse de documents que l'on présente par le truchement de ce témoin et je

14 viens, dans les minutes qui viennent de s'écouler, de feuilleter ces

15 documents. J'ai du mal à comprendre leur pertinence. Nous avons là des

16 listes de conscrits, des listes de véhicules militaires, des décisions de

17 l'assemblée municipale au sujet de questions ayant trait au quotidien,

18 gestion quotidienne, des listes de chauffeurs, etc.

19 J'aimerais que vous ayez l'amabilité de m'expliquer la signification de

20 tout ceci et me dire pourquoi je reçois maintenant cette énorme liste de

21 papiers qui n'a absolument aucun intérêt.

22 M. le Président (interprétation): Il n'appartient pas à la Chambre de vous

23 donner ce genre d'explication. C'est là une question à laquelle doit

24 répondre l'accusation.

25 Madame Romano, peut-être pourriez-vous, puisque l'accusé vient de poser

Page 7440

1 cette question, nous aider à comprendre quelle est la pertinence des

2 documents ayant trait à la VJ et à Suva Reka?

3 Mme Romano (interprétation): En premier lieu, je souhaiterais stipuler et

4 préciser que ce n'est pas la première fois que l'accusé voit ces documents

5 qui lui ont déjà été communiqués précédemment.

6 Les documents ayant trait à ce témoin lui ont déjà été communiqués, tous

7 les documents.

8 Je peux poser la question au témoin, mais ce sont des documents qu'il a

9 trouvés à son retour au Kosovo. Et ces documents étaient pertinents pour

10 comprendre la situation dans le village à ce moment-là.

11 Plus tard, lorsque notre analyste militaire va venir, il va y faire

12 référence et on pourra comprendre la pertinence de ces documents qui

13 montrent quelle était la composition des forces à ce moment-là. On fait

14 référence dans ces documents également à une décision dont il parle dans

15 sa déclaration lorsqu'il précise qu'il a été démis de ses fonctions.

16 Il était président de la municipalité de Suva Reka. Il a été démis de ses

17 fonctions. Et certains des documents qu'il a placés en annexe de sa

18 déclaration, ont un rapport avec ce fait, ce fait qu'il mentionne dans sa

19 déclaration.

20 M. le Président (interprétation): Si bien que, pour résumer, on peut dire

21 que ces documents ont trait à diverses unités présentes à Suva Reka dont

22 il est dit qu'elles étaient sur les lieux d'au moins un massacre.

23 Donc ceci est pertinent, étant donné que ces unités étaient présentes à

24 l'époque en ville. Et deuxième chose, si je puis dire, qui a moins de

25 pertinence, ce sont les documents qui ont trait au témoin et qui ont trait

Page 7441

1 à un certain nombre de conflits qui ont eu lieu au sein de la municipalité

2 et au fait qu'il a été contraint de quitter ses fonctions.

3 Sans doute, cela a une pertinence s'agissant des incidents de

4 discrimination à l'encontre des Albanais du Kosovo à l'époque.

5 Mme Romano (interprétation): Tout à fait. Et, d'autre part, il fournit

6 également une liste des membres de la défense civile locale. Ceci va

7 également faire l'objet d'une intervention de notre expert analyste

8 militaire.

9 M. le Président (interprétation): Merci.

10 Monsieur Milosevic, avez-vous des questions à poser au témoin?

11 M. Milosevic (interprétation): Bien sûr, mais j'essaie de retrouver ces

12 documents, de trouver des documents qui pourraient m'être utiles et des

13 documents au sujet desquels le témoin pourrait peut-être nous apporter un

14 certain nombre de précisions et d'explications.

15 Bien. Ne perdons pas de temps.

16 Etant donné le volume considérable de documents qui viennent de m'être

17 communiqués, je me demande si la raison, la logique veut que l'Article

18 92bis s'applique à ce témoin et si les limites de temps habituelles

19 doivent véritablement m'être appliquées.

20 (Contre-interrogatoire du témoin, Halit Melit Berisha, par M. Milosevic.)

21 Monsieur Berisha, êtes-vous membre d'un parti politique quelconque?

22 M. H. M. Berisha (interprétation): Je ne suis membre d'aucun parti

23 politique.

24 Question: Et les membres de votre famille appartiennent à quel parti

25 politique?

Page 7442

1 Réponse: Aucun membre de ma famille n'est membre de quelque parti

2 politique quel qu'il soit.

3 J'ai six fils adultes, mariés. J'ai des belles-filles. Eh bien, personne

4 parmi tous ces gens, personne n'est membre d'un parti politique

5 quelconque.

6 Question: Bien.

7 Vous nous dites que vous étiez président de l'assemblée municipale de Suva

8 Reka, et ceci du 24 mai 1989 jusqu'au 5 avril 1991. Qui vous a élu?

9 Réponse: Le 24 mai 1989, j'ai été élu par l'assemblée de la municipalité

10 de Suva Reka, par les délégués de cette assemblée. Et, en octobre 1989,

11 lors des élections, une fois encore, j'ai été élu par les membres de

12 l'assemblée jusqu'au 5 avril. Lorsqu'aux termes d'une décision de

13 l'assemblée serbe et sur proposition du conseil du Parti socialiste de

14 Suva Reka, j'ai été démis de mes fonctions par la force et, le 5 mai, j'ai

15 été chassé de mon bureau.

16 Ceci se passait en 1991. Cinq personnes sont venues de Belgrade. Il y

17 avait trois personnes de la ville ou de l'endroit qui ont pris ces postes.

18 Parmi eux, il y avait "Bobek" Vuksanovic, Borislavljevic.

19 M. Milosevic (interprétation): Evitez de répondre aussi longuement à mes

20 questions.

21 D'après les explications que vous me donnez, on pourrait en arriver à la

22 conclusion qu'on a fait usage de la violence à votre encontre. Est-ce que

23 c'est le cas?

24 Réponse: Il n'y a pas eu de violence physique, mais on m'a dit que je

25 devais partir de mon bureau parce que je n'étais plus président de la

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1 municipalité. Il s'agissait là de violence psychologique parce que

2 l'assemblée serbe n'avait nullement l'autorité de me démettre de mes

3 fonctions en tant que président de la municipalité, ce n'était pas une

4 instance légitime. Seule l'assemblée qui vous élit peut vous démettre de

5 vos fonctions.

6 Question: Vous voulez parler de l'assemblée?

7 Réponse: L'assemblée de Serbie.

8 Question: Vous voulez parler de l'assemblée de la République de Serbie?

9 Réponse: Oui, de la République de Serbie.

10 Question: Vous nous dites que vous avez été remplacé à votre poste, vous

11 ne donnez pas les raisons.

12 Par le plus grand des hasards, j'ai trouvé dans cette liasse de papiers un

13 projet de texte, un projet de proposition. Il s'agit d'un document qui est

14 adressé au Gouvernement de la République de Serbie et on y dit qu'ils

15 disent "qu'ils ont étudié la situation dans la municipalité et qu'ils en

16 sont arrivés à la conclusion que, vu les événements connus, le soutien

17 pour la Constitution de Kacanik et le fait qu'on n'a pas respecté les

18 décisions de l'assemblée de Serbie, ils proposent de remplacer le

19 président de l'assemblée de Suva Reka."

20 Et cette décision, effectivement, elle a été prise j'imagine. Si cette

21 proposition, ce projet de proposition a véritablement été envoyé au

22 Gouvernement et, ensuite, transmis à l'assemblée et que vous avez ensuite

23 été remplacé, au bout du compte, je me demande où se trouve l'illégalité

24 dans tout cela?

25 Réponse: C'était illégal, parce que seule l'assemblée qui vous élit peut

Page 7444

1 vous démettre de vos fonctions. Et moi, j'ai été élu par l'assemblée de

2 Suva Reka et non pas par l'assemblée de Serbie. Voilà pourquoi c'est

3 illégal. Et voilà pourquoi cette démarche est absolument sans fondement.

4 L'objectif et la raison principale, c'était d'éliminer tous les Albanais

5 des positions de pouvoir au sein de la municipalité, alors même que la

6 population de la municipalité était composée à 95% d'Albanais. Il y avait

7 à peu près 5% de Serbes et quelques Roms.

8 Question: Monsieur Berisha?

9 Réponse: Il s'agissait pour eux de prendre le pouvoir.

10 Question: Vous venez de dire que l'objectif, c'était d'éliminer tous les

11 Albanais des postes de pouvoir. Est-ce bien exact?

12 Réponse: Oui.

13 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous, Monsieur Berisha, que par

14 exemple, avant-hier, ici même, nous avons lu un extrait d'un livre, d'un

15 livre qui n'a pas été rédigé par un de nos témoins, mais par un témoin de

16 l'autre côté: Wolfgang Petritsch. Donc il parle des socialistes qui

17 étaient Albanais, d'un certain nombre de notamment présidents de conseils

18 municipaux, qui étaient des gens qui occupaient donc le même poste que

19 vous, qui étaient des Albanais aussi.

20 Est-ce qu'on pourrait donc en arriver à la conclusion que l'intention,

21 c'était d'éliminer les Albanais, alors qu'en 1998 et 1999, il y avait des

22 Albanais qui occupaient des postes importants, des postes de pouvoir? Le

23 savez-vous? Etes-vous au courant de cela?

24 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. En premier lieu,

25 le témoin n'est pas en mesure d'apporter des observations au sujet de ce

Page 7445

1 qu'a dit M. Petric il y a deux jours. Il n'était pas là, il n'est pas là

2 pour faire des commentaires. Ce que vous pouvez lui dire, c'est qu'à

3 l'époque, il n'y avait pas de discrimination et que les Albanais

4 occupaient des postes de haut rang, des postes de direction.

5 Monsieur Berisha, voilà ce que l'on vous dit. Maintenant, c'est à vous de

6 répondre à cette observation?

7 M. H. M. Berisha (interprétation): A partir du moment où j'ai été démis de

8 mes fonctions en tant que président de l'assemblée jusqu'en 1998, il n'y a

9 pas eu de meurtre. Aucune personne qui se trouvait au sein de la structure

10 du pouvoir serbe n'a été tuée, il n'y a eu aucun meurtre et ceci jusqu'au

11 début de la guerre en 1998.

12 M. Milosevic (interprétation): Bien. Est-ce que mon temps de contre-

13 interrogatoire est limité à 45 minutes?

14 M. le Président (interprétation): Nous y réfléchirons. Mais entamez votre

15 contre-interrogatoire sur la base de 45 minutes et, si vous avez besoin de

16 plus de temps, nous considérerons la question.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Dans ces conditions il convient que

18 j'accélère.

19 Donc je vais passer sur certaines questions.

20 Vous nous dites que, d'après ce que vous dites vous avez été remplacé à

21 votre poste, vous parlez de Vuksanovic, d'un docteur, de Borisavljevic, un

22 secrétaire, ainsi que six membres des services secrets. Qui vous a rappelé

23 donc: c'est l'assemblée de la République serbe que vous avez évoquée ou

24 bien est-ce que c'étaient des membres des services secrets? Pourquoi tout

25 ce mystère? Et à quel sujet?

Page 7446

1 M. H. M. Berisha (interprétation): Ils sont venus suite à une décision de

2 l'assemblée serbe et trois d'entre eux étaient membres des services

3 secrets, de la police des services secrets. Et deux d'entre eux

4 appartenaient à l'assemblée serbe.

5 Question: En d'autres termes, il y en avait deux qui étaient députés?

6 Réponse: Je ne les connaissais pas. J'ignore leur nom. Je ne sais

7 absolument pas de qui il s'agissait, comment ils s'appelaient?

8 Question: Mais comment saviez-vous que les autres étaient membres des

9 services secrets?

10 Réponse: Certains des membres de l'assemblée municipale connaissaient ces

11 trois hommes. Moi, je ne les connaissais pas, mais les personnes qui

12 travaillaient à l'assemblée, ces employés de l'assemblée les ont reconnus

13 et ont dit qu'il s'agissait de membres des services secrets serbes.

14 Question: Ah! vous voulez dire que c'étaient des policiers qui

15 travaillaient dans votre région?

16 Donc vous dites que des gens qui travaillaient à l'assemblée les

17 connaissaient. Mais ne perdons pas plus de temps.

18 Vous nous dites que Boban Vuksanovic, qui était président de l'assemblée

19 de Suva Reka après vous, a été tué le 14 avril 1999. Savez-vous qui l'a

20 tué?

21 Réponse: Son vrai nom c'est Bobek Vuksanovic; et c'est le nom de Ymer

22 Shetra et sa mère était une Vuksanovic. C'était un enfant illégitime; il

23 est allé à l'école à Suva Reka, il a grandi à Suva Reka, mais j'ignore qui

24 l'a tué le 14 avril 1999. En revanche, je sais qu'il était commandant de

25 la cellule de crise de Suva Reka et l'on m'a dit qu'il portait une tenue

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1 de camouflage militaire au moment où il a été tué. Il n'a pas été tué en

2 tant que médecin.

3 Question: Bien. Je vous demandais, puisque vous vous souvenez de la date

4 de son décès, je pensais que vous saviez qui l'avait tué, mais vous ne le

5 savez pas, n'est-ce pas?

6 Réponse: Vous avez donné la date, et moi je ne sais pas qui l'a tué parce

7 que je n'étais pas à Suva Reka à ce moment-là; j'étais dans le village de

8 Savrovë.

9 Question: Moi, j'ai dit cela parce que cela figure dans votre déclaration,

10 mais peu importe.

11 Savez-vous dans quelles circonstances il a été tué et où?

12 Réponse: J'ai simplement entendu dire qu'il avait été tué. J'ignore dans

13 quelles circonstances, mais je peux répéter ce que j'ai déjà dit: il était

14 commandant de la cellule de crise de la municipalité de Suva Reka. Ceci à

15 partir de 1998.

16 Question: Et pendant que vous-même étiez membre ou président de

17 l'assemblée municipale de 1989 à 1991, dans toute une série de situations

18 prévues par le règlement, par exemple en cas de crue, en cas de crise,

19 s'agissant de la circulation, etc., est-ce que vous aussi vous étiez

20 commandant de la cellule de crise?

21 Réponse: Oui, d'après le statut de la municipalité, effectivement. Mais en

22 1998, ce n'était pas le maire de la municipalité, c'était quelqu'un qui

23 s'appelait Radic. Il n'était pas le maire de la municipalité.

24 Question: Bien. Vous affirmez que lorsqu'on vous a remplacé, on vous a

25 pris votre revolver ou votre pistolet, celui qui vous avait été remis

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1 lorsque vous aviez pris les fonctions de président de l'assemblée pour

2 assurer votre protection personnelle?

3 Réponse: Oui, mon arme m'a été prise le 5 août 1990, lorsque j'étais maire

4 de la municipalité. Cela m'a été pris sur ordre de quelqu'un de Belgrade,

5 dont j'ignore le nom. On a parlé du recrutement de jeunes gens. Et devant

6 le bâtiment de la défense publique qui se trouve de l'autre côté de la

7 route par rapport à la mairie, il y avait des policiers qui avaient des

8 gilets pare-balles. Ils sont venus avec un ordre selon lequel je devais

9 officiellement quitter mes fonctions. Ceci s'est passé le 5 août 1990. A

10 ce moment-là, j'étais maire de la municipalité.

11 A l'époque, le poste de maire...

12 Question: Je ne comprends absolument rien à ce que vous me dites, Monsieur

13 Berisha. Vous me dites que le 5 avril 1991, vous avez été remplacé, alors

14 que maintenant cela devient le 5 août.

15 Réponse: Le 5 août, ils ont pris mon pistolet, le 5 août 1990. Le 5 août

16 1990, c'est là qu'on a pris mon arme, alors que le 5 avril 1991, on m'a

17 chassé de mon bureau. Il y a là deux dates différentes.

18 Question: Si bien que, lorsqu'on vous a pris votre pistolet, vous étiez

19 président de l'assemblée?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Et la police a estimé que vous ne deviez pas avoir d'arme?

22 Réponse: Eh bien, le commandant de la police était celui qui prenait

23 toutes les décisions. Le rôle du maire était si limité en comparaison,

24 qu'en fait, c'était le chef de la police qui décidait de tout. La police

25 avait tous les pouvoirs en ville. C'était une police d'un Etat totalitaire

Page 7449

1 à l'époque.

2 M. Milosevic (interprétation): Vous aurez quelque difficulté à expliquer

3 ce que vous venez de dire! Est-ce que vous connaissez un pays où ce n'est

4 pas la police qui délivre les autorisations de port d'armes? Est-ce qu'il

5 y a des endroits où ce n'est pas la police qui autorise le port d'armes?

6 M. le Président (interprétation): C'est un commentaire non pertinent.

7 M. Milosevic (interprétation): Chez nous, en Yougoslavie, c'est la police

8 qui délivre les permis de port d'armes. C'était le cas avant, c'est encore

9 le cas aujourd'hui et cela n'a rien de nouveau.

10 En dehors de ce pistolet, est-ce que vous aviez d'autres armes?

11 M. H. M. Berisha (interprétation): Je n'en avais pas besoin.

12 Question: Où vous trouviez-vous le 24 mars 1989?

13 Réponse: Chez moi, à la maison à Suva Reka. Ma maison se trouve derrière

14 le bâtiment de la mairie, derrière la poste et le tribunal. Il y a trois

15 bâtiments les uns à côté des autres et ma maison est derrière ces trois

16 bâtiments.

17 Question: Donc, au début de l'agression, vous étiez chez vous à la maison

18 à Suva Reka?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Vous prétendez avoir vu ce jour-là des soldats serbes sur la

21 terrasse du bâtiment de la poste et sur le clocher de l'église, c'est bien

22 cela?

23 Réponse: La police? Non, pas le 24 mars. Au poste de police, il y avait

24 toujours un mortier, un mortier de grand calibre qui se trouvait juste

25 devant le poste. Il était placé là. Et il y a en avait un deuxième dans le

Page 7450

1 clocher ou le beffroi de l'église; les Serbes avaient construit une plate-

2 forme en planches au niveau de ce clocher. Et il y avait quatre tireurs

3 embusqués qui avaient pris leur position à cet endroit.

4 Ensuite, en dessous, il y avait la terrasse du bâtiment de la poste et ils

5 se trouvaient donc sur cette terrasse. Et puis, encore en dessous, il y

6 avait un grand magasin; la police était stationnée dans l'étage supérieur

7 du grand magasin pour avoir une vue dégagée sur une grande partie du

8 centre-ville.

9 Les soldats étaient stationnés également dans la cave à vin, et à partir

10 des villages de Sllabuzhan et de Rreshtan, ils avaient pris position dans

11 l'ancien bâtiment de la poste donc de Suva Reka, et au-dessus de la poste,

12 ils avaient pris position dans un immeuble d'habitation que l'on appelait

13 la "Kula", la "tour", qui se trouve un peu plus loin que le centre de

14 santé. Ils avaient aussi des hommes au-dessus de l'hôtel Balkan, pas au

15 niveau de l'usine mais au niveau de l'hôtel. Ils étaient donc également

16 stationnés au-dessus de l'hôtel Balkan. Il y avait des forces de police

17 qui étaient stationnées dans la ville de Suva Reka à partir de la fin du

18 mois de mai ou du mois d'avril 1998 déjà et les renforts sont arrivés en

19 mars 1999. C'était impossible de passer…

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, je vous demanderai de

21 répondre aux questions, s'il vous plaît. Et vous pourrez répondre plus

22 précisément ou plus en détail si d'autres questions portent sur le même

23 sujet.

24 M. Milosevic (interprétation): Je vous demande si vous les avez vus tirer

25 sur qui que ce soit?

Page 7451

1 M. H. M. Berisha (interprétation): Pas une fois, mais de nombreuses fois.

2 Je l'ai vu de mes propres yeux. Et pour aller d'une maison à une autre, il

3 fallait passer dans l'ombre, le long des murs, parce que chaque fois qu'il

4 y avait un espace libre, ils l'utilisaient pour tirer.

5 Par ailleurs, ma maison donne sur une avenue et, dans la partie inférieure

6 de cette avenue, il y avait des Serbes locaux qui vivaient là, qui étaient

7 nos voisins jusqu'à une période récente; ils étaient tous armés. La

8 famille Trajkovic, la famille Cvetkovic et la famille Jovanovic; ils

9 étaient tous là. Et ceux qui avaient plus de 16 ans étaient tous armés; je

10 les ai vus de mes propres yeux. Jusqu'à hier, nous avions été voisins.

11 Alors, ils étaient soit tous armés, soit certains portaient aussi des

12 uniformes de la police, des uniformes de camouflage de la police et

13 certains portaient un uniforme militaire. Certains avaient ce que l'on

14 appelle le "calot chetnik" sur la tête, avec les symboles de l'ancienne

15 monarchie.

16 J'ai vu tout cela de mes propres yeux parce que c'était la seule avenue,

17 la seule artère qui séparait ma famille de ces familles dont je viens de

18 donner les noms.

19 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous nous avez expliqué cela

20 très longuement, mais vous n'avez pas répondu à ma question.

21 Avez-vous vu l'un d'entre eux tirer sur qui que ce soit ou tuer qui que ce

22 soit?

23 M. le Président (interprétation): C'est une question tout à fait

24 différente; ce n'était pas la question que vous aviez posée tout à

25 l'heure.

Page 7452

1 Mais enfin, Monsieur Berisha, vous pouvez y répondre.

2 M. H. M. Berisha (interprétation): J'ai dit que je les ai vus en train de

3 tirer. Quand on parle du 26 mars, date du massacre au centre commercial de

4 Suva Reka, je les ai vus tirer.

5 M. Milosevic (interprétation): Etiez-vous présent lors de cet incident?

6 Les avez-vous vus tuer qui que ce soit?

7 M. H. M. Berisha (interprétation): Je n'ai pas pu être présent. Personne

8 ne pouvait être présent parce que toute personne qui serait allée à cet

9 endroit ou qui serait même sortie sur la route, eh bien, ce serait la

10 catastrophe: cette personne se serait immédiatement retrouvée morte. Donc

11 il était impossible, quand les gens se faisaient tuer, d'être tout près de

12 l'endroit où cela se passait.

13 Mais les gens sur qui ils ont tiré ont été tués. Quant à nous, nous nous

14 sommes abrités dans nos maisons ou bien nous nous sommes cachés derrière

15 des murs. Et à chaque instant, nous nous attendions à devoir prendre la

16 fuite en direction de la rivière, en passant par les arbres qui longeaient

17 la rivière.

18 Question: Monsieur Berisha, je vous demande si vous avez vu l'un d'entre

19 eux tuer qui que ce soit. Vous venez de répondre que ce n'est pas le cas,

20 n'est-ce pas?

21 Réponse: Je ne les ai pas vus tuer quelqu'un, mais les gens qui sont

22 portés disparus aujourd'hui ont été tués par eux.

23 Question: Bien. Ecoutez, vous pouvez tirer les conclusions que vous

24 voulez, mais moi, je vous ai demandé si vous les avez vus et j'ai reçu

25 votre réponse.

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1 Dites-moi, maintenant: les membres des familles Berisha Ramadan et de la

2 famille Kuçi vous ont dit que certaines personnes ont été volées et tuées

3 au centre-ville (à une date que l'interprète n'a pas relevée)?

4 Réponse: J'ai dit que le 25 mars, entre 6 heures et 6 heures 30, la

5 famille Ramadan Berisha et d'autres familles qui portaient des patronymes

6 différents et qui vivaient toutes du même côté de la route menant de

7 Prizren à Prishtina, c'est-à-dire du côté droit de la route, ont pris la

8 fuite et se sont réfugiées dans notre cour en disant que la police serbe

9 tuaient les gens dans la rue qui va de la vieille ville, qui part de la

10 vieille ville, et qu'elle avait mis le feu à la maison de Agim Ramadani.

11 Ils ont dit que, terrorisés, ils étaient même partis sans prendre le temps

12 de mettre des chaussures; il leur fallait fuir en direction de la rivière.

13 Et le 25 mars, aux alentours de 6 heures 30 -parce que notre famille est

14 une famille très nombreuse-, 200 d'entre nous sommes partis. La plupart

15 d'entre nous étions à bord de tracteurs et de remorques tirées par des

16 tracteurs et nous avons été forcés de rassembler rapidement toutes nos

17 affaires et de chercher abri le long de la rivière, aux abords de la

18 ville, parce que nous avions peur de l'arrivée de la police à tout moment.

19 Question: Monsieur Berisha, en rapport avec cet autre événement, Kuçi,

20 Jashar, etc., avez-vous vu ces meurtres ou ces pillages? Avez-vous vu l'un

21 quelconque de ces incidents?

22 Réponse: Je n'ai pas vu cela parce que j'étais de l'autre côté de la

23 ville, mais les gens qui sont venus dans ma maison, dans la cour de ma

24 maison, m'ont dit que ces personnes avaient été tuées -les gens dont j'ai

25 donné les noms et d'autres- dans la rue qui part de la vieille ville. Ils

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1 me l'ont dit.

2 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, très bien. Très bien, mais essayez

3 de raccourcir vos réponses parce que je ne souhaite pas passer un temps si

4 long sur ces questions.

5 Quel est votre témoignage personnel, Monsieur Berisha?

6 M. H. M. Berisha (interprétation): Je témoigne au sujet du massacre du 26

7 mars.

8 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. Ce n'est pas à

9 vous qu'il appartient de dire cela. Ce qui est important, c'est le

10 témoignage donné par le témoin.

11 Monsieur Milosevic, vous devez interroger le témoin au sujet de ce qu'il a

12 déclaré dans sa déclaration écrite. Donc si vous souhaitez l'interroger à

13 ce sujet, vous pouvez le faire.

14 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May, pas de problème.

15 Monsieur le Témoin, à quelle distance du village de Suva Reka se trouve

16 Savrovë?

17 M. H. M. Berisha (interprétation): Savrovë se trouve le long de la route,

18 la route principale, à cinq ou six kilomètres à peu près.

19 Question: Très bien. Mais alors, pourquoi est-ce que vous avez eu le

20 sentiment de devoir aller vers le village?

21 Réponse: J'ai un ami qui y habite et j'ai pensé qu'il fallait que j'y

22 aille parce que j'ai vu beaucoup de policiers à Suva Reka en ville et je

23 voulais mettre ma famille à l'abri aussi.

24 Moi-même, mon épouse et mon frère, Jashar, sommes restés seuls à la

25 maison. Il était directeur d'une station-service. Et le 26 mars, il est

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1 allé au travail et n'est jamais revenu.

2 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Le 25 mars, comme vous le dites,

3 donc le 25 mars, votre frère est allé travailler sans problème, à son

4 poste de travail, n'est-ce pas?

5 M. H. M. Berisha (interprétation): (Inaudible.)

6 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous en prie.

7 Monsieur Berisha, les interprètes vous demandent de ménager une pause

8 avant de répondre aux questions qui vous sont posées, de façon à ce que

9 vos réponses puissent être interprétées.

10 M. H. M. Berisha (interprétation): Le 26 mars, mon frère est allé

11 travailler à la station d'essence. Jusqu'à 12 heures 20, rien n'est

12 arrivé. Mais à cette heure-là, il m'a téléphoné pour me dire que, dans le

13 centre commercial qui se trouve à peine à cinq minutes à pied de la

14 station-service, pratiquement à côté de la station-service, il m'a donc

15 dit: "Vous devez tous quitter la maison parce qu'un massacre a eu lieu au

16 centre commercial."

17 Il m'a dit cela au téléphone. Et c'est lui qui m'a proposé, qui m'a

18 conseillé de partir. Je lui ai dit: "Mais toi, qu'est-ce que tu attends

19 dans ces conditions? Pourquoi est-ce que toi tu ne pars pas non plus?"

20 Et il m'a répondu: "Je rentrerai à la maison à 17 heures, à la fin de ma

21 journée de travail."

22 M. Milosevic (interprétation): Bien.

23 Monsieur Berisha, essayons de passer plus rapidement sur ces questions.

24 Vous avez téléphoné à une famille serbe pour apprendre où se trouvait

25 Jashar. Ensuite, vous avez téléphoné encore à une autre famille, etc.

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1 Aviez-vous de bons rapports avec les Serbes qui habitaient à Suva Reka?

2 Réponse: C'est vrai, c'est vrai que nous avons appelé par téléphone la

3 maison de la famille Milutin Trajkovic.

4 Question: Le nom de famille n'a pas d'importance. Ce que je vous demande,

5 c'est si vous étiez en bons termes avec les Serbes de la localité, si vous

6 n'aviez aucun problème personnel avec eux?

7 Réponse: Nous n'avions aucun problème, mais quand je les ai appelés, ils

8 m'ont répondu ne rien savoir de ce qui se passait.

9 Question: Je vous en prie.

10 Réponse: Permettez-moi d'apporter des explications.

11 Le 5 avril de cette année, ce même Milutin Trajkovic, qui vit aujourd'hui

12 en Serbie, a appelé mon cousin au téléphone.

13 Il a donc téléphoné à mon cousin cette année et lui a dit que les membres

14 de ma famille avaient été tués entre 5 et 6 heures près du grand magasin

15 de Suva Reka.

16 Question: Très bien, mais dites-moi, je vous prie, de quoi s'agit-il?

17 Trajkovic a parlé à votre cousin, c'est cela?

18 Réponse: Il lui a téléphoné en provenance de Serbie.

19 Question: Dites-moi, Suva Reka est dans la zone environnante le 25 mars,

20 le 26, le 27 et le 28. Donc nous parlons de la période qui va du 25 au 28

21 mars. Y a-t-il eu des combats pendant cette période?

22 Réponse: Il n'y a pas eu de combat dans la ville de Suva Reka.

23 Question: Dans votre déclaration écrite, vous dites avoir entendu une

24 explosion puissante et avoir vu s'écrouler le minaret de la mosquée, c'est

25 bien cela?

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1 Réponse: Oui, le 28 mars 1999 aux alentours de 11 heures 55, nous avons

2 entendu une explosion très puissante.

3 Nous avons regardé dans la direction du minaret qui se trouve à 300 mètres

4 à peu près et nous avons vu que le minaret avait disparu. Entre-temps

5 donc, dans un laps de temps de 5 à 6 minutes, sur la route menant à

6 Pristina, nous avons vu un véhicule camouflé qui s'appelle Gazik, qui se

7 dirigeait vers Bihac, à trois kilomètres de Suva Reka, où les forces de

8 l'armée étaient stationnées.

9 Et nous avons vu que le minaret de la mosquée de Suva Reka avait été

10 détruit. C'était, à moment-là, la fête du Bajram qui est une fête pour les

11 Musulmans albanais.

12 Question: Mais dans cette mosquée, quelqu'un est-il mort?

13 Réponse: Non.

14 Question: Dites-moi, pour la fête du Bajram, les Musulmans vont-ils à la

15 mosquée?

16 Réponse: Nous allons à la mosquée, mais ce jour-là, personne n'y est allé

17 parce que nous savions ce qui allait se passer si nous y allions.

18 Question: Donc vous n'êtes pas allé à la mosquée, même pour la fête du

19 Bajram, parce que vous saviez que quelqu'un allait tirer sur la mosquée?

20 Réponse: Oui. En effet, nous n'y sommes pas allés.

21 Question: Monsieur Berisha, n'y avait-il pas un tireur embusqué de l'UCK

22 dans ce minaret? Et n'est-ce pas là la raison pour laquelle vous n'êtes

23 pas allé à la mosquée?

24 Je vous en prie, vous avez fait serment de dire la vérité.

25 Réponse: Non, l'UCK n'a jamais été présente à Suva Reka.

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1 Question: Vous étiez président de l'assemblée municipale, vous étiez un

2 responsable politique très bien informé. Et vous n'avez aucune information

3 quant aux activités de l'UCK à Suva Reka, c'est bien cela?

4 Réponse: Les activités de l'UCK n'ont jamais eu lieu à l'intérieur de la

5 ville, uniquement à l'extérieur de la ville, dans les villages

6 avoisinants. L'UCK menait ses opérations dans les forêts et sur les

7 collines. Les combats avaient lieu à Doberdolan, à Sllapuzhan et dans un

8 autre village, mais il n'y avait pas de combat à Suva Reka; l'UCK n'y

9 était pas présente. C'était impossible pour elle parce que les forces de

10 l'armée et de la police étaient trop nombreuses à Suva Reka.

11 L'UCK était à Damper et au col de Dulje parce que l'armée avait pour

12 habitude de traverser Suva Reka lorsqu'elle allait de Prizren au col de

13 Dulje.

14 Question: Très bien, mais combien d'Albanais, habitant le territoire de

15 Suva Reka, ont été tués par l'UCK pendant l'année 1998 et jusqu'au début

16 de la guerre en 1999, le savez-vous? Combien l'UCK a tué d'Albanais dans

17 votre municipalité?

18 Réponse: Je ne sais pas combien d'entre eux ont été tués, je ne sais rien

19 du tout. D'ailleurs, il y a eu des Albanais qui se sont fait tuer sur le

20 front dans la guerre contre les Serbes, contre la police et l'armée serbe.

21 Question: Ce n'est pas de cela dont je suis en train de parler. Je parle

22 des Albanais qui ont été tués par l'UCK sur le territoire de votre

23 municipalité, vous ne savez rien à ce sujet?

24 Réponse: Je ne sais pas de quoi vous parlez.

25 Question: Eh bien, j'ai une liste ici des Albanais tués par l'UCK dans

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1 votre municipalité. Je ne sais pas si vous connaissez l'un ou l'autre

2 d'entre eux: Xhavit Barjaktari, Bytyqi Petric, Lumat Gashi, Uzdija Gashi,

3 Hajrije, Kallolli Latif, Kallolli Lusha, Kryeziu Xhemal ou Xhemajl,

4 Kryeziu Sadri, Rokla Sulejman, Kafaj Xhemajl, Kafaj Ibrahim, Kafaj Ismail,

5 Kafaj Riza.

6 Connaissez-vous l'un quelconque de ces noms, des noms de personnes qui se

7 sont fait tuer par l'UCK dans votre municipalité?

8 Réponse: Je sais que Sadri Kryeziu s'est fait tuer près du kiosque à

9 journaux; c'était un assassinat. C'est Micko, le chef de la police secrète

10 de l'Etat à Suva Reka, qui l'a tué. Il s'est fait tuer à l'intérieur de la

11 boutique. Et Bedri Gashi s'est fait tuer sur la route menant à Prizren.

12 Pour les autres, je ne sais pas.

13 M. Milosevic (interprétation): Vous connaissez donc tout de même des

14 Albanais qui ont été tués par l'UCK: vous venez d'en énumérer trois.

15 M. le Président (interprétation): Il n'a pas dit que ces assassinats

16 avaient été commis par l'UCK. Ça, c'est ce que vous dites vous-même! Il a

17 simplement dit avoir été informé de leur mort.

18 M. H. M. Berisha (interprétation): J'ai dit qu'ils ont été tués. Je n'ai

19 pas dit qui les a tués. Je ne sais pas qui les a tués, il n'y a jamais eu

20 d'enquête en bonne et due forme.

21 M. Milosevic (interprétation): Mais écoutez, en tant qu'habitant de Suva

22 Reka qui connaît bien la situation dans la ville, à votre avis, qui a tué

23 les hommes dont je viens de lire les noms, qui étaient tous des militants,

24 des fonctionnaires, des citoyens loyaux?

25 M. le Président (interprétation): Il a dit ne pas savoir qui les avait

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1 tués. Il n'est pas nécessaire de poursuivre dans cet ordre d'idée.

2 M. Milosevic (interprétation): Etes-vous sûr d'ignorer le fait que c'est

3 l'UCK qui les a tués, y compris au sujet de l'attentat dont vous venez de

4 parler?

5 M. H. M. Berisha (interprétation): C'est le travail de la justice et des

6 autorités de découvrir les auteurs d'un assassinat.

7 Question: Je viens de vous parler des Albanais parce que vous êtes

8 Albanais, mais savez-vous combien de Serbes ont été tués sur le territoire

9 de la municipalité de Suva Reka, à commencer par Bogdan Lazic, tué à Suva

10 Reka le 23 mars? Voilà le 23 mars, trois ou quatre jours avant les

11 événements au sujet desquels vous témoignez ici! Et puis Zoran Mihajlovic,

12 Radovan Mihajlovic. Bon, c'est à Mushtishte, mais c'est la municipalité de

13 Suva Reka tout de même. Connaissez-vous, êtes-vous informé de ces

14 assassinats?

15 Réponse: Le 23 mars, Lazic a été abattu dans un magasin; ça je le sais. Et

16 je sais que dix Albanais ont été tués par vendetta dans une rue derrière

17 la poste. Il s'agissait d'une femme et de huit hommes. Et leurs corps

18 n'ont toujours pas été découverts. Mais c'était une vendetta, une

19 vengeance, des représailles. La police a tué huit personnes, huit Albanais

20 le 23 mars. Il y avait une femme mais les autres, c'étaient des hommes.

21 Question: Mais dites-moi, comment est-ce que vous savez cela? Est-ce que

22 vous l'avez vu de vos yeux?

23 Réponse: Ma maison est tout près et j'en ai entendu parler. On m'a dit

24 qu'on ne savait pas où se trouvaient les corps.

25 Question: Vous ne savez donc pas qui était l'auteur des assassinats et

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1 vous dites que c'est à la justice de mener son enquête. Mais s'agissant

2 des Albanais, vous n'avez rien vu et vous dites que c'est la police qui

3 les a tués? En fait, vous ne savez pas qui l'a fait!

4 Réponse: Oui, parce que…

5 Question: Vous n'avez donc pas vu cela non plus de vos yeux, n'est-ce pas?

6 Réponse: Les parents des gens qui ont été tués ont vu la police, les

7 policiers tirer sur les membres de leur famille, mais ils habitent assez

8 loin de chez moi. Ils ont dit que la police avait pénétré dans les maisons

9 et tué ces personnes à titre de vengeance.

10 Question: Très bien, très bien. Monsieur Berisha, de toute façon, savez-

11 vous combien de soldats ont été tués sur le territoire de la municipalité

12 de Suva Reka? Combien de policiers ont été tués sur le territoire de la

13 municipalité de Suva Reka? Avez-vous la moindre information à ce sujet

14 Monsieur Berisha?

15 Réponse: Je ne sais pas.

16 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Poursuivons, Monsieur Berisha.

17 Donc, quand le minaret de la mosquée a été détruit, personne ne s'est fait

18 tuer, personne ne s'y trouvait, et vous dites que les Musulmans ne sont

19 pas allés à la mosquée parce qu'ils savaient ce qui allait se passer.

20 Cependant, vous niez le fait que c'était l'UCK qui avait placé des tireurs

21 en haut, dans le minaret, et que c'est pour cela que les gens n'ont pas

22 été assez fous pour aller faire leurs prières à la mosquée ce jour-là.

23 M. le Président (interprétation): Pas la peine de vous quereller sur ce

24 point avec l'accusé. Le témoin a déjà répondu.

25 M. Milosevic (interprétation): Vous affirmez que c'est un policier serbe

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1 qui vous a conseillé de partir pour l'Albanie, prétendument en raison du

2 danger que représentaient les forces paramilitaires. C'est bien cela?

3 M. H. M. Berisha (interprétation): Le 28 mars 1999, aux environs de 5

4 heures de l'après-midi, peut-être 5 heures 20, je ne me souviens pas du

5 nom de ce policier... Ah si, maintenant je m'en souviens, il s'appelle

6 Djura Nojic; c'était un policier local. Au moment où j'ai fait ma

7 déclaration écrite, je ne me rappelais pas son nom, mais je me rappelle

8 maintenant: Djura Nojic. Et il m'a dit: "Vous devez être prêt dans 15

9 minutes parce qu'ils risquent d'arriver -parlant de l'armée et de la

10 police- et ils vont vous tuer tous. Donc préparez-vous et partez pour

11 l'Albanie". Cela s'est passé le 28 mars 1999.

12 Donc mon frère était toujours à la station-service; ma femme et moi-même

13 sommes partis à pied en direction de Savrovë pour essayer de trouver les

14 autres membres de notre famille qui s'étaient tous préparés aussi. Ils

15 avaient des tracteurs, des voitures et nous sommes tous partis pour

16 l'Albanie. Ce jour-là, d'ailleurs, beaucoup d'habitants de Suva Reka ont

17 quitté la ville.

18 M. Kwon (interprétation): Monsieur Berisha, ce policier était-il votre

19 voisin, à cette époque-là?

20 M. Berisha (interprétation): Oui, oui, mais il portait, à ce moment-là, un

21 uniforme de camouflage.

22 M. Kwon (interprétation): Quelle était l'ambiance en ville quand il vous a

23 dit de quitter le village? De quelle façon vous l'a-t-il dit? L'a-t-il dit

24 comme s'il vous menaçait ou comme s'il donnait un conseil amical à votre

25 famille?

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1 M. Berisha (interprétation): Non. Il a dit littéralement: "Partez pour

2 l'Albanie parce que les autres vont arriver.". Nous n'avons pas demandé

3 qui étaient les autres. Et il a utilisé les mots: "Ils vont vous trancher

4 la gorge.".

5 M. Kwon (interprétation): Merci.

6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Berisha, vous venez de dire que

7 cet homme vous a dit d'aller en Albanie parce que les autres allaient

8 arriver, mais vous n'avez même pas demandé qui étaient ces autres; c'est

9 bien ce que vous venez de dire, n'est-ce pas? Or, dans votre déclaration

10 écrite, vous dites que cet homme vous a dit que des formations

11 paramilitaires, etc., allaient arriver. Donc ce qui concerne les

12 formations paramilitaires, c'est le résultat d'une invention de votre part

13 ou d'une conclusion tirée par vous, puisqu'à l'instant, vous venez de dire

14 que cet homme vous a dit que les autres allaient arriver et que vous ne

15 lui avez pas demandé qui étaient ces autres. C'est ça ou ce n'est pas ça?

16 M. Berisha (interprétation): Nous savions qui ces autres étaient:

17 c'étaient des policiers et des soldats venant de Serbie. Il n'y avait

18 aucune raison de poser la question.

19 M. le Président (interprétation): Le moment de la pause est arrivé.

20 Monsieur Milosevic, vous avez épuisé les trois quarts d'heure qui vous

21 étaient impartis, mais, compte tenu du grand nombre de documents qui vous

22 ont été communiqués il y a déjà quelque temps, apparemment, vous vous

23 verrez accorder quelque temps supplémentaire pour interroger le témoin au

24 sujet de ces documents.

25 Vous souhaitez l'interroger au sujet de ces documents ou pas?

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1 M. Milosevic (interprétation): Peut-être quelques questions encore; pas

2 seulement au niveau des documents, d'ailleurs.

3 M. le Président (interprétation): Très bien. Mais vous avez déjà disposé

4 de 45 minutes. Cela dit, vous pouvez l'interroger au sujet des documents,

5 donc il est normal que vous ayez un peu de temps supplémentaire. Vous

6 pourrez examiner les documents pendant la pause.

7 Madame Romano, ces documents ont été fournis dans un état tout à fait

8 insatisfaisant. Si des documents doivent être remis aux Juges d'une

9 Chambre de première instance, il faut qu'une liste des documents soit

10 annexée à la pile de documents; il faut que ces documents soient agrafés

11 les uns aux autres et qu'ils soient donc soumis aux Juges de la Chambre

12 d'une façon qui permet à ces Juges de travailler. Si cela n'est pas le cas

13 dans l'avenir, je dois vous dire que nous ne les accepterons pas. Nous ne

14 pouvons pas nous contenter d'une pile de documents qui nous arrive de

15 cette façon.

16 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, ces documents ne sont

17 pas considérés comme des pièces à conviction, mais comme des annexes;

18 c'est donc sous cette forme que nous les avons présentés. Mais nous

19 n'avons aucune difficulté à vous présenter désormais ces documents dans un

20 classeur, éventuellement.

21 M. le Président (interprétation): Très bien.

22 Monsieur Berisha, nous allons suspendre l'audience à présent et je vous

23 demande de revenir dans ce prétoire dans 20 minutes pour reprendre nos

24 travaux et de veiller à ne parler à personne du contenu de votre

25 déposition, pas même aux membres du Bureau du Procureur.

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1 Suspension de 20 minutes.

2 (L'audience, suspendue à 10 heures 34, est reprise à 10 heures 58.)

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, y a-t-il autre chose

4 que vous voulez demander concernant ces documents?

5 M. Milosevic (interprétation): Oui. Mais avant, j'ai quelques questions

6 qui sont importantes, je pense; elles prendront peut-être une minute ou

7 deux, pas plus.

8 A la page 4, paragraphe 4, vous dites que votre fils, avec quatre autres

9 jeunes gens, était arrêté le 16 mai.

10 Est-ce que vos fils ou vos amis ont été maltraités, battus ou insultés?

11 M. Berisha (interprétation): Le 15 mai 1999, dans la maison de mon oncle,

12 mon fils Luan et huit autres, mes cousins, étaient présents. Plusieurs

13 policiers sont venus et ont dit: "Que faites-vous là?".

14 Ensuite, quelqu'un appelé Misko, de la police de Suva Reka, est venu. Il

15 ne les a pas maltraités, mais le lendemain, le 16 mai, à midi, il a leur

16 dit de venir à la municipalité. Ils ont demandé à mon fils: "Où se trouve

17 votre père?" et ils lui ont dit de venir à la municipalité le lendemain.

18 Donc je m'y suis rendu le lendemain, à midi.

19 M. Milosevic (interprétation): Donc si je vous ai bien compris, cette

20 personne, Misko Nisavic, donc vous avez parlé il y a une minute,

21 lorsqu'il… Après que vous étiez venu au bâtiment de la municipalité à sa

22 demande, telle qu'elle avait été transmise par votre fils, cet homme s'est

23 excusé après une dizaine de minutes, disant qu'il ne vous invitait au

24 poste de police.

25 Est-ce que lui ou ses collègues vous ont maltraité?

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1 M. Berisha (interprétation): Eh bien, le lendemain, je me suis rendu

2 devant le bâtiment de la municipalité…

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous pourriez vous concentrer

4 sur la question? La question était celle-ci: avez-vous été maltraité? Si

5 vous pouviez répondre à cette question…

6 M. Berisha (interprétation): Non, nous n'avons pas été maltraités.

7 M. Milosevic (interprétation): Bien. Concernant ce document, vous avez dit

8 que vous aviez trouvé une disquette qui comprenait des noms et des détails

9 personnels concernant les soldats, les unités auxquelles ils

10 appartenaient. Vous avez trouvé ça dans le bâtiment municipal, est-ce

11 exact?

12 M. Berisha (interprétation): Ce matériel avec le nom des soldats a été

13 amené par des citoyens qui les ont trouvés sur un ordinateur; il montrait

14 les noms et les prénoms de soldats serbes qui se trouvaient à Suva Reka,

15 dans la région de Suva Reka. Il y avait 6 ou 700 d'entre eux et je les ai

16 soumis parce que ça vous montre le nombre de soldats qui se sont décrits

17 eux-mêmes comme étant présents dans ma municipalité.

18 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Cela veut dire que tous ces

19 documents viennent de cette disquette, c'est exact?

20 J'aimerais dire une chose: j'ai vérifié auprès de mon associé, M.

21 Ognjenovic Slavko. Nous n'avions pas reçu ce tas de documents avant, mais

22 je ne pense pas que ce soit très important de toute manière, parce que ce

23 dont il s'agit ici, en fait, c'est une liste de conscrits et de membres de

24 la défense civile de la municipalité.

25 Est-ce que vous croyez que c'est important pour votre témoignage, Monsieur

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1 Berisha? Quelle est la signification de ces documents?

2 M. le Président (interprétation): Je vous ai déjà dit que ce n'est pas au

3 témoin de répondre; il vaut mieux que ce soit à nous d'en juger.

4 M. Berisha (interprétation): Je considère…

5 M. Milosevic (interprétation): Ici, je vois un "Journal officiel" donnant

6 les unités électorales pour les élections. C'est un peu effacé, mais ça

7 doit être 1990, 1991 et 1992. Je vois également des conclusions concernant

8 certaines écoles. Mais la plupart de ces papiers sont des listes qui

9 contiennent des noms, prénoms, nom du père, date, adresse, numéro de

10 téléphone des appelés.

11 Ensuite, nous avons une liste de véhicules motorisés indiquant leur numéro

12 d'immatriculation, des décorations…

13 M. le Président (interprétation): Une question: vous avez peut-être raison

14 dans ce que vous dites concernant l'importance de ces documents, mais

15 c'est une question que nous devrons déterminer en temps voulu.

16 Le témoin est ici; il vous reste encore deux ou trois questions.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Il n'y a pas de problème,

18 Monsieur May, j'ai seulement une question.

19 En quoi repose l'importance de ces documents, Monsieur Berisha? A votre

20 avis, le matériel, les provisions, etc., qu'est-ce que cela a à voir avec

21 votre témoignage?

22 M. Berisha (interprétation): Je considère qu'il s'agit de documents assez

23 importants.

24 Tout d'abord, concernant le nombre de délégués à l'assemblée de la

25 municipalité, vous pouvez voir que ce sont des noms de Serbes, même si la

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1 proportion de la population de la municipalité était de 95% d'Albanais

2 contre 5% de Serbes, ce qui montre que cette assemblée n'avait pas de

3 légitimité à décider au nom des citoyens albanais. C'est ça, l'importance

4 des documents que j'ai apportés.

5 Le deuxième document… Dans la cassette, vous pouvez voir le génocide

6 culturel.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, je crains que nous ne

8 puissions pas parcourir tous ces documents et je crois que ce sera à nous

9 de décider de l'importance de ces documents dans le contexte de ce procès

10 contre l'accusé.

11 Monsieur Tapuskovic, est-ce que vous avez des questions?

12 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin Halit Melit

13 Berisha.)

14 M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'ai

15 quelques questions à poser à M. Berisha.

16 Monsieur Berisha, avant le 24 mars 1998 et jusqu'au 24 mars, aviez-vous

17 connaissance de l'existence d'un conflit au Kosovo entre l'UCK, et l'armée

18 serbe et la police, tout particulièrement à Drenica.

19 M. Berisha (interprétation): La presse et les médias nous avaient informés

20 qu'il y avait eu des conflits entre l'UCK et l'armée serbe à Drenica, mais

21 uniquement par la presse, parce qu'il était très difficile de se rendre à

22 Pristina et donc à Prizren.

23 Donc en 1996, je ne me suis rendu ni à Prizren, ni à Prishtina, parce

24 qu'il y avait la police sur la route et des patrouilles, tout

25 particulièrement aux points de contrôle de la police serbe sur les

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1 différentes routes. Je ne me suis jamais rendu après 1996 dans ces villes.

2 Question: Monsieur Berisha, ce qui suit m'intéresse. Etant donné les

3 conflits qui existaient, -dans votre région, il n'y a pas eu de conflit-,

4 les gens qui ont été, qui ont subi ces conflits dans leur région, est-ce

5 qu'ils sont venus dans votre municipalité pour y trouver refuge?

6 Réponse: Il n'y avait que des cas isolés dans notre municipalité. Il n'y

7 en avait pas beaucoup et beaucoup ont trouvé refuge dans les villages

8 autour de Suva Reka et non pas dans la ville. C'était avant juillet ou

9 plutôt juin 1998.

10 Question: Mais pour la plupart, les gens ont migré dans le territoire du

11 Kosovo pour y trouver refuge?

12 Réponse: C'est exact.

13 Question: Une autre question que j'ai à vous poser. Cela a trait à quelque

14 chose que vous dites dans votre déclaration. A un moment, vous dites que

15 vous vous êtes trouvé dans le village de Buzhalle, est-ce exact? Et qu'à

16 ce moment-là, dans cette maison, vous avez passé quelques jours. Il y

17 avait environ 130 personnes. Et c'était au début avril.

18 Réponse: C'était à partir du 29 mars 1999 jusqu'au 3 avril. Il y avait 130

19 personnes qui vivaient dans cette maison à Buzhalle. C'était ma famille,

20 la famille de mes beaux-parents de Savrovë et une famille de Sevetishti;

21 et des locaux également de la maison, les gens qui habitaient, les

22 habitants de la maison. Nous vivions tous ensemble.

23 Question: Au cours de la nuit, vous êtes-vous rendu dans la cave?

24 Réponse: Il n'y avait pas de cave, c'était une maison normale. Il y avait

25 simplement des bois tout près.

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1 M. Tapuskovic (interprétation): Je comprends très bien.

2 Mais après cela, vous poursuivez en disant que vous vous êtes rendu à

3 Prizren, que vous êtes resté avec votre tante et que vous avez quitté le

4 Kosovo un peu après le 21 mai. Est-ce exact?

5 A cet égard, j'aimerais savoir ce qui suit: est-ce que vous savez que

6 l'OTAN a bombardé le Kosovo, entre autres régions, et que des bombes sont

7 tombées sur le Kosovo également?

8 M. Berisha (interprétation): Le 3 avril, mes deux fils et moi-même, nous

9 ne nous sommes pas rendus à Prizren. C'est mon frère Afrim. Et nous avons

10 trouvé refuge dans les bois. Après deux jours, ils sont revenus de Prizren

11 parce que la police les avait renvoyés.

12 Mes deux fils et moi-même sommes restés jusqu'au sept dans les montagnes

13 et pendant cette période, nous avons entendu des explosions la nuit. Et je

14 ne savais pas où tombaient ces bombes de l'OTAN parce que nous n'avions

15 aucune information. Nous n'avions ni la télévision ni la radio. Nous avons

16 simplement entendu des explosions la nuit. Et lorsque les explosions se

17 produisaient tout près, on les entendait fort, sinon on les entendait

18 moins fort. Mais nous ne savions pas où tombaient ces bombes.

19 Ensuite, jusqu'à la nuit du 30 avril au 1er mai, je me trouvais dans les

20 bois et je suis descendu à Suva Reka chez ma tante Aria Gashi. Et je suis

21 resté là jusqu'au 21 mai.

22 Le 21 mai à 10 heures…

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Tapuskovic, est-ce qu'il y a

24 d'autres questions que vous aimeriez poser?

25 M. Tapuskovic (interprétation): Non. Je voulais seulement savoir à cet

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1 égard s'il savait qu'il y avait eu des victimes albanaises et serbes, et

2 s'il savait si ces bombes avaient causé de la peur parmi eux. Est-ce qu'il

3 avait eu peur qu'il puisse être tué lui-même?

4 M. Berisha (interprétation): Personne n'a été tué par les bombes de l'OTAN

5 à Suva Reka, dans la ville. Et la population albanaise n'avait pas peur du

6 tout des bombardements de l'OTAN.

7 J'étais là jusqu'au 21 mai, ensuite j'ai été déporté en Albanie. Et ce

8 jour-là, il y a eu 5.000 personnes environ qui ont été déportées de Suva

9 Reka.

10 M. Tapuskovic (interprétation): Très bien, merci.

11 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Wladimiroff.

12 M. Wladimiroff (interprétation): si vous me le permettez, j'aimerais poser

13 quelques questions, quelques éclaircissements.

14 M. le Président (interprétation): Je crois que nous avons notre règlement.

15 A titre exceptionnel, oui.

16 (Questions de l'amicus curiae, M. Wladimiroff, au témoin Halit Melit

17 Berisha.)

18 M. Wladimiroff (interprétation): Vous dites que vous n'avez pas trouvé la

19 disquette vous-même. Est-ce exact?

20 M. Berisha (interprétation): Oui, c'est exact. On m'a seulement remis le

21 matériel.

22 Question: Qui vous l'a remis? Est-ce que vous pourriez nous donner un nom?

23 Réponse: Un citoyen l'a amené à mon bureau. Il a été photocopié.

24 Question: Je parle de la disquette. Je suppose que l'on ne l'a pas

25 photocopiée.

Page 7472

1 Réponse: Non, elle était copiée à partir de l'ordinateur. Et j'ai reçu les

2 documents. Je n'ai pas eu la disquette.

3 Question: Vous ne l'avez donc pas imprimé vous-même?

4 Réponse: Non.

5 Question: Merci.

6 J'ai quelques questions concernant les documents qui n'étaient pas sur la

7 disquette.

8 Est-ce que vous avez trouvé ces documents vous-même?

9 Réponse: J'ai trouvé les autres documents dans le bureau où j'avais

10 travaillé du 8 octobre 1990 au 30 octobre 2000, alors que j'étais chef

11 adjoint du comité.

12 J'ai trouvé le matériel dans mon bureau alors que le premier document m'a

13 été remis lorsque je m'y trouvais.

14 Question: Merci.

15 Vous avez fait une liste de documentations que vous avez remise à

16 l'accusation, donc la liste de tous les documents que vous avez trouvés.

17 Est-ce exact?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Mais il y a un document dans cette pile qui n'y figure pas. Il

20 s'agit d'une décision concernant les organes de gestion de l'institution

21 de Jovanovic Zmaj à Suva Reka. Est-ce que c'est un document que vous avez

22 trouvé par erreur dans cette pile?

23 Réponse: Je ne sais pas, normalement tous les documents qui sont là se

24 trouvaient dans mon bureau sauf pour le premier dont nous avons parlé et

25 qui m'a été remis dans le bureau.

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1 Question: Je vais vous montrer un document très rapidement et vous pourrez

2 dire au Tribunal si c'est un des documents que vous avez trouvés dans

3 votre bureau, parce qu'il ne se trouve pas dans la liste.

4 Puis-je demander l'aide de l'huissier?

5 (Intervention de l'huissier.)

6 Réponse: C'est ce que j'ai trouvé dans le bureau lorsque je suis retourné

7 au travail.

8 Question: Il se trouve dans la pile après le n°9, mais il n'est pas dans

9 la liste simplement à titre d'éclaircissement.

10 J'ai une question concernant le document n°3 dans votre liasse et, là

11 encore, je vais demander rapidement à l'huissier de vous le montrer.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 Il s'agit d'une liste. Dans votre déclaration vous dites qu'il s'agit

14 d'une liste des Serbes armés de l'unité de Gypsy Slayers. Est-ce que vous

15 vous en souvenez: l'unité de "massacreurs de gitans". Est-ce que vous vous

16 souvenez?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Pourquoi dites-vous cela? Parce que le document n'indique rien

19 de ce genre.

20 Réponse: Les gens sur la liste sont tous des Serbes locaux des villages,

21 des différents villages. Ils ont écrit eux-mêmes cela "Tueurs de gitans";

22 ce n'est pas moi qui l'ai écrit. C'est une photocopie, c'était une

23 photocopie pour le commandant Sinisic.

24 Question: Oui, mais je vois cela. Mais est-ce que vous voyez sur le

25 document qui se rapporte à l'unité des "Tueurs de gitans"?

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1 Réponse: De l'autre côté, sur l'autre partie.

2 Question: Très bien. Merci beaucoup.

3 Réponse: Oui, mais dans leur écriture.

4 Question: Merci. J'ai une question concernant le document n°4. Je demande

5 à l'huissier de le montrer également au témoin la deuxième page.

6 (Intervention de l'huissier.)

7 Est-ce que c'est votre écriture?

8 Réponse: Non. C'est leur écriture. S'agissant du massacre du village de

9 Trnje, le 25 mai 1999, lorsque beaucoup de gens ont tété tués.

10 Question: Nous pouvons l'écrire.

11 Réponse: Ils l'ont écrit, mais en cyrillique.

12 Question: Vous supposez que ce sont des Serbes qui l'ont écrit?

13 Réponse: Oui, évidemment.

14 Question: Merci beaucoup.

15 J'ai une question concernant une photographie, n°5 de la liste.

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Réponse: Il s'agit de quelqu'un du village de Rreshtan.

18 Question: Ne dites pas des choses que je ne vous demande pas.

19 A qui appartient cette écriture, est-ce que vous le savez?

20 Réponse: C'est l'écriture de la personne en question, c'est en cyrillique.

21 Question: La personne en question, c'est la personne qui est sur la

22 photographie?

23 Réponse: Oui, mais cela a été écrit au dos de la photographie. C'est cette

24 personne.

25 Question: Oui, c'est clair maintenant. Merci beaucoup.

Page 7475

1 J'ai une dernière question concernant le n°13. Savez-vous à qui appartient

2 cette écriture?

3 Réponse: J'ai trouvé cela dans le bureau où je travaillais, où le chef de

4 la commission Stanislav Andjelkovic se trouvait. J'ai reconnu son

5 écriture. Et il y a également mon numéro et celui de mon frère.

6 Question: Est-ce que vous avez pris cette page dans le tas de feuilles que

7 vous avez trouvées sur votre bureau?

8 Réponse: Non, je l'ai prise dans le calendrier. C'est mon écriture qui se

9 trouve dans le coin, là.

10 M. Milosevic (interprétation): Merci. C'est tout, Monsieur le Président,

11 Messieurs les Juges.

12 Mme Romano (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions. J'ai juste un

13 éclaircissement concernant la communication. La déclaration en anglais a

14 été communiquée le 25 janvier 2002 et en BCS le 15 avril. Les attachements

15 en anglais et en BCS le 22 mai. Donc l'accusé les a eues avant.

16 Je crois également que M. Wladimiroff a éclairci cette question dans la

17 déclaration: une liste de tous les documents dans la liasse. J'aimerais

18 également souligner le fait que ces annexes, ce sont des annexes à la

19 déclaration. Il s'agit de la discrimination et du fait qu'il a été démis

20 de ses fonctions.

21 M. le Président (interprétation): Vous voudriez qu'il soit versé au

22 dossier? C'est une distinction. Est-ce que vous voulez qu'il soit versé au

23 dossier ou non?

24 Mme Romano (interprétation): Non. La demande est qu'il soit montré et ce

25 sera à la Cour de voir s'ils pourront juger si ces documents sont

Page 7476

1 pertinents.

2 M. le Président (interprétation): Très bien.

3 Donc cela fera partie de la pièce n°240, si je me souviens bien.

4 (Questions de M. le Juge Kwon au témoin, Halit Melit Berisha.)

5 M. Kwon (interprétation): Monsieur Berisha, revenons au 26 mars 1999.

6 Dans votre déclaration, vous dites qu'à 2 heures 30 de l'après-midi, vous

7 êtes allé dans le voisinage de la famille Gashi et que vous avez téléphoné

8 à votre frère Jashar qui a dit avoir entendu des coups de feu, des

9 explosions, des gens qui criaient au centre commercial, et Sedat, Nexhat

10 et Bujar étaient morts.

11 Est-ce que vous savez s'il y a des survivants de cette scène?

12 M. Berisha (interprétation): Oui, il y avait deux femmes, Vjollca et le

13 fils de Gramozi et Shyhrete Berisha qui ont survécu à ce massacre. Vjollca

14 Gramozi et le troisième…, et Shyhrete Berisha ont survécu.

15 Question: Est-ce que vous savez où se trouvent ces survivants à l'heure

16 actuelle?

17 Réponse: Vjollca et Gramozi à Suhareka. Il sont à Suhareka. Ils

18 travaillent dans une usine et sa femme aussi est à l'école. Je leur ai

19 rendu visite chez eux.

20 Question: Et savez-vous ce qui est arrivé aux corps de ceux qui sont morts

21 là?

22 Réponse: Nous savons maintenant qu'ils sont dans une fosse commune à

23 Belgrade et nous attendons que les autorités de la MINUK à Prishtina… Donc

24 nous attendons que les autorités de Prishtina demandent que les autorités

25 serbes rendent les corps.

Page 7477

1 D'après les journaux, ils étaient enterrés dans des couvertures, dans la

2 fosse commune. C'est le bureau de Prishtina qui nous a dit cela, qu'au

3 cours de l'exhumation des corps, à Belgrade, certains documents des

4 membres de la famille, des membres de la famille ont été trouvés, des

5 membres de ma famille. Et Lirie Berisha, en particulier, était enceinte;

6 elle était au huitième mois de grossesse. Son corps a été reconnu à cause

7 du bébé dans son corps.

8 Nous demandons aux autorités de Pristina, de la MINUK, de nous rendre les

9 corps.

10 M. Kwon (interprétation): Monsieur Berisha, merci.

11 J'ai une question pour l'accusation. Je comprends que ce témoin, M.

12 Berisha, a été amené pour donner l'évidence concernant l'Acte d'accusation

13 66 pour le massacre de Suva Reka?

14 Mme Romano (interprétation): Monsieur le Président, les faits précis qui

15 se sont produits dans le café à Suva Reka… Le témoin approprié sera

16 Shyhrete Berisha. Il témoignera concernant ces faits du massacre dans le

17 café. Nous aurons ce témoin la semaine prochaine.

18 M. Kwon (interprétation): Merci.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, ceci met fin à votre

20 témoignage. Je vous remercie d'être venu et vous êtes libre de partir.

21 M. Berisha (interprétation): Merci beaucoup.

22 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

23 Mme Romano (interprétation): Le témoin suivant est là. Ce témoin s'appelle

24 Hysni Sylejman Berisha.

25 Pendant que nous attendons le témoin, je souhaiterais signaler à

Page 7478

1 l'attention de la Chambre, pour éviter tout problème futur, que nous avons

2 encore une fois une déclaration à laquelle sont jointes des annexes, trois

3 annexes, des listes et une carte.

4 Et pendant que je présenterai le résumé de la déclaration du témoin, je

5 passerai en revue ces annexes parce qu'il y a également des photographies,

6 dans le classeur de Suva Reka, qui pourront vous intéresser.

7 M. le Président (interprétation): S'il y a peu d'annexes, cela ne

8 représente pas de difficulté. C'est différent de la situation que nous

9 venons de connaître avec une liasse considérable de documents.

10 Mme Romano (interprétation): Oui, malgré tout, je pense que c'est un

11 document qui est assez volumineux parce que la liste est très longue, mais

12 en fait nous n'avons, en tout et pour tout, que trois annexes.

13 (Le témoin, M. Hysni Sylejman Berisha, est introduit dans le prétoire.)

14 M. le Président (interprétation): Nous allons demander au témoin de

15 prononcer la déclaration solennelle.

16 M. H. S. Berisha (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai

17 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Hysni Sylejman Berisha, par Mme

20 Romano.)

21 Mme Romano (interprétation): Monsieur Berisha, pouvez-vous, s'il vous

22 plaît, décliner votre identité à l'intention des Juges?

23 M. H. S. Berisha (interprétation): Oui. Je m'appelle Hysni Sulejman

24 Berisha.

25 Question: Etes-vous né le 12 avril 1948 à Suva Reka?

Page 7479

1 Réponse: Oui.

2 Question: Quelle est votre profession?

3 Réponse: Je suis juriste.

4 Question: Monsieur Berisha, vous avez fait une déclaration au bureau du

5 Procureur le 20 août 2001; est-ce bien exact?

6 Réponse: Oui, c'est exact.

7 Question: Et le 13 mars 2002 à Suva Reka, vous étiez présent lors d'une

8 réunion avec un représentant du Greffe et à cette occasion, vous avez été

9 informé de la teneur de la déclaration. On vous a donné lecture de cette

10 déclaration et vous avez eu, à ce moment-là, l'occasion de passer en revue

11 cette déclaration et de déterminer si la teneur de cette déclaration

12 écrite était conforme à la réalité; est-ce bien exact?

13 Réponse: Oui.

14 Mme Romano (interprétation): Et vous avez fait une déclaration

15 supplémentaire s'ajoutant à votre première déclaration?

16 M. H. S. Berisha (interprétation): Oui.

17 Mme Romano (interprétation): Le Bureau du Procureur demande le versement

18 au dossier de cette déclaration ainsi que de la déclaration

19 supplémentaire.

20 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce à conviction de

21 l'accusation 241 pour l'original et 241A pour la version expurgée.

22 Mme Romano (interprétation): Actuellement, le témoin est le président de

23 l'association chargée des personnes disparues et des victimes de la guerre

24 à Suva Reka.

25 Il relate les événements qui ont eu lieu à Suva Reka après l'évacuation de

Page 7480

1 l'OSCE, le 20 mars 1999. Il a entendu des tirs et il a pu voir des flammes

2 qui s'échappaient de maisons situées près de l'école technique sur la

3 route de Rreshtan.

4 Le matin du 26 mars 1999, des forces serbes ont commencé à pilonner les

5 alentours de Suva Reka au moyen de chars et au moyen de Pragas. Le témoin

6 a vu des policiers qui se dirigeaient vers une maison qui se trouvait de

7 l'autre côté du poste de police.

8 Environ deux ou trois heures plus tard, il a entendu des tirs qui

9 provenaient du poste de police aux environs de la maison de Sedat Berisha.

10 Il a vu de la fumée et des flammes qui provenaient de cette direction. Le

11 lendemain, voyant que la police continuait à incendier les maisons et les

12 bâtiments, le témoin a emmené sa famille dans la maison d'un voisin où 70

13 à 100 personnes s'étaient réfugiées dans la cave.

14 Ils sont partis et sont allés dans un champ où ils ont été encerclés par

15 des membres d'unités paramilitaires qui ont exigé de l'argent et des biens

16 précieux. L'un de ces hommes a empoigné la fille du témoin et a menacé de

17 la battre si le témoin ne lui donnait pas son argent.

18 Le commandant présent est intervenu et a libéré l'enfant du témoin en

19 disant au témoin: "Allez en Albanie."

20 Les civils sont partis en convoi. Le 4 avril, alors qu'ils étaient en

21 convoi, ils ont de nouveau été dévalisés par des unités paramilitaires. On

22 leur a pris environ 4.000 marks avant de leur permettre de continuer leur

23 chemin vers Prizren. En chemin, un certain nombre de civils ont été

24 blessés et tués par les forces serbes. A la périphérie de Prizren, le

25 convoi s'est vu donné l'ordre de retourner d'où il venait.

Page 7481

1 A son retour à Suva Reka, vers le 6 avril ou à cette date, le témoin a vu

2 des bâtiments en flammes. Et il a constaté que sa maison avait été pillée.

3 Dans les jours qui ont suivi, il a constaté que de nombreux éléments des

4 forces serbes, dans des jeeps et des véhicules volés, se trouvaient aux

5 alentours de la ville. Ils procédaient au pillage des maisons et des

6 commerces.

7 Le 12 mai, le témoin a observé une colonne constituée d'environ 50.000

8 civils qui traversait Suva Reka. Il a parlé avec certains d'entre eux. Et

9 on lui a dit qu'il avait eu une offensive serbe dans le village de

10 Budakove.

11 Ils avaient reçu l'ordre des unités paramilitaires d'aller en Albanie. Le

12 témoin est resté à Suva Reka jusqu'au 21 mai 1999, moment où une fois

13 encore, les forces serbes lui ont ordonné de quitter le Kosovo. Le témoin

14 donne le nom de ceux qui sont responsables au niveau des unités

15 paramilitaires et des forces de police locales. Il est allé à Prizren où

16 il est resté chez un parent jusqu'à l'arrivée de la KFOR. Le témoin a

17 suivi la KFOR jusqu'à Suva Reka le 13 juin 1999.

18 Ensuite le témoin a aidé une équipe de médecins légistes britanniques et a

19 entamé une enquête au sujet du massacre de la famille Berisha et des

20 événements qui ont eu lieu au café le 26 mars 1999.

21 Il décrit l'endroit, il indique qu'il y avait des vêtements et des objets

22 qui ont été trouvés sur les lieux du crime. Il parle de ce qu'il décrit

23 également, le domicile des victimes et le cimetière.

24 Le témoin présente un certain nombre de documents qui ont trait à cette

25 enquête.

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1 Le témoin donne le nombre des personnes qui ont été tuées ou qui ont

2 disparu à Suva Reka, dans la municipalité: environ 478 civils. Il indique

3 le nombre et le type de bâtiments qui ont été détruits.

4 M. Berisha, en annexe de votre déclaration, on trouve une carte ainsi

5 qu'une liste de noms de personnes disparues. Est-ce que c'est vous qui

6 avez réalisé cette liste, est-ce que vous pouvez la présenter?

7 Réponse: Oui, c'est moi qui l'ai établie, la liste, ainsi que la carte qui

8 indique la position des tombes.

9 Mme Romano (interprétation): Je souhaiterais demander l'aide de l'huissier

10 pour présenter au témoin le dessin qui nous montre la disposition des

11 tombes. J'aimerais également que l'on présente au témoin le classeur de

12 Suva Reka. Je crois qu'il s'agit de la pièce à conviction 166, onglet 3.

13 (Intervention de l'huissier.)

14 J'ai ouvert le classeur à cet endroit à partir des photographies 40141454.

15 Monsieur Berisha, est-ce que vous pouvez nous expliquer d'abord ce que

16 représente ce croquis, le croquis, Monsieur Berisha, votre croquis?

17 Montrez, s'il vous plaît, Madame l'Huissier, montrez, s'il vous plaît, le

18 croquis au témoin, merci.

19 Alors, Monsieur le Témoin, que représente ce croquis? Qu'avez-vous voulu

20 représenter sur ce croquis?

21 M. H. S. Berisha (interprétation): Sur ce croquis, on voit l'un des quatre

22 cimetières de Suva Reka qui ont été établis après la guerre.

23 C'est le n°1 et on voit ici les tombes de la famille Berisha, inhumés par

24 les forces serbes. Il s'agit de personnes qui ont été massacrées lors du

25 massacre du 25 mars à Suva Reka et tant d'autres villages.

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1 Mme Romano (interprétation): Merci. Monsieur Berisha, je vais demander à

2 l'huissier de vous présenter la photographie. Est-ce que cela représente

3 exactement ce que vous avez dessiné sur le croquis?

4 (Les interprètes demandent au témoin de parler dans le micro.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, veuillez, s'il vous

6 plaît, essayer de parler dans le micro. Je sais que ce n'est pas facile,

7 mais essayez, s'il vous plaît.

8 M. H. S. Berisha (interprétation): C'est la même chose. J'ai présenté cela

9 sous forme d'un croquis que j'ai réalisé moi-même. Il s'agit des tombes de

10 la famille Berisha, au carrefour Suva Reka Rreshtan.

11 Mme Romano (interprétation): S'agissant de la déclaration du témoin, il

12 sera en mesure, comme vous l'avez vu, de déposer au sujet de

13 l'identification de certains vêtements et de certains objets qui

14 appartenaient aux victimes de Suva Reka.

15 Il parle également de l'assistance qu'il a apportée à l'équipe de légistes

16 britanniques.

17 Ceci figure dans le classeur de Suva Reka à l'onglet 3 où il y a un

18 certain nombre de photographies ainsi qu'aux onglets 4 et 5.

19 Je ne pense pas qu'il soit utile de le présenter au témoin tout de suite,

20 à moins que vous ne le souhaitiez.

21 Merci, Monsieur Berisha.

22 M. le Président (interprétation): Oui, est-ce qu'on pourrait nous remettre

23 cette photographie, s'il vous plaît?

24 (Intervention de l'huissier.)

25 Monsieur Milosevic, c'est à vous.

Page 7484

1 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Hysni Sylejman Berisha, par l'accusé,

2 M. Milosevic.)

3 M. Milosevic (interprétation): Est-il exact que vous étiez avocat? C'est

4 ce qui figure dans la déclaration, là où on indique quelles sont vos

5 activités?

6 M. H. S. Berisha (interprétation): Je n'étais pas avocat.

7 Mais dans la traduction de l'albanais vers l'anglais, c'est ce que ça a

8 donné: "lawyer". En fait, c'était juriste dans une entreprise.

9 Question: Et qu'est-ce que vous faisiez en tant que juriste dans cette

10 entreprise dans le bâtiment?

11 Réponse: J'étais employé au sein de l'administration.

12 Question: Est-ce que l'on peut en déduire s'agissant de vos études,

13 s'agissant de votre expérience professionnelle, que vous n'avez absolument

14 aucune expérience s'agissant d'enquêtes ayant trait à la perpétration de

15 crimes? Vous n'avez aucune expérience dans ce type d'enquêtes?

16 Réponse: Je ne suis pas un expert judiciaire. Et je ne me suis jamais

17 préoccupé de ce genre de questions. Je n'y ai jamais travaillé du point de

18 vue professionnel, mais je l'ai fait du point de vue humanitaire. Et j'ai

19 présenté à la Chambre des documents qui sont destinés à assister les

20 poursuites au sujet de vos employés, de ceux qui travaillaient pour vous à

21 Suva Reka dans la municipalité.

22 Question: Dans votre déclaration, vous dites qu'à partir du 13 juin, vous

23 avez entamé une enquête. Est-ce exact?

24 Réponse: C'est exact. Le 13 juin, après l'entrée des troupes de l'OTAN,

25 j'ai commencé à faire une enquête sur les tombes de ma famille, la famille

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1 Berisha, ainsi que sur d'autres familles.

2 Question: Et dans quelle région, dans quelle zone avez-vous procédé à

3 cette enquête? Uniquement à Orahovac ou ailleurs?

4 Réponse: Tout d'abord, comme je l'ai dit précédemment, j'ai fait une

5 enquête sur ce qui était arrivé aux membres de ma propre famille et

6 ensuite il est apparu nécessaire de faire une enquête sur d'autres

7 événements qui s'étaient produits dans la municipalité de Suva Reka.

8 Question: Bien. Et comment avez-vous enquêté? Est-ce que vous avez procédé

9 à des observations directes? Ou bien est-ce que vous avez réuni des

10 éléments de preuve quels qu'ils soient? Comment avez-vous enquêté?

11 Réponse: Tout d'abord, nous avons commencé notre enquête en examinant les

12 maisons où les massacre avaient été perpétrés. Là, nous avons trouvé des

13 éléments de preuve relatifs à des crimes.

14 Question: Et au sujet de quels incidents, au sujet de quels crimes avez-

15 vous procédé à une enquête en dehors de ce que vous avez expliqué au début

16 au sujet de votre famille?

17 Réponse: J'ai procédé à une enquête sur tous les massacres qui ont lieu à

18 Suva Reka dans cette municipalité, à partir du 22 mars jusqu'au 2 juin

19 1999.

20 Question: Et est-ce que vous avez enquêté sur tous ces événements? Est-ce

21 que je vous ai compris? C'est ce que vous avez dit. Tout cela ou bien

22 uniquement ce qui concernait les Albanais. Si vous avez enquêté sur tout,

23 à ce moment-là est-ce que vous avez enquêté sur les événements dont ont

24 été victimes les membres de la population qui n'étaient pas Albanais?

25 Réponse: J'ai dit que mon enquête avait porté sur les massacres commis

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1 entre le 26 mars et le 6 juin 1999. Et je n'ai pas enquêté sur des

2 incidents qui ont eu lieu après le 13 juin parce qu'à ce moment-là, la

3 KFOR était là et eux, ils étaient en mesure de s'en occuper puisque ça

4 relevait de leur responsabilité.

5 Question: Bien. Mais s'agissant de la période sur laquelle vous avez

6 enquêté, avec tous ces crimes, ces infractions sur lesquelles vous avez

7 enquêté -il est indéniable qu'il y avait aussi des victimes qui n'étaient

8 pas albanaises- est-ce que vous avez enquêté sur une seule victime non

9 albanaise?

10 Réponse: Pour ce qui est du processus d'identification des personnes

11 disparues, ça continue, on continue à enquêter là-dessus, ainsi que tous

12 les cas qui sont soumis à l'attention de l'association chargée des

13 personnes disparues, ça nous mène à procéder à une enquête.

14 Question: Monsieur Berisha, moi, je vous interroge au sujet de ce que vous

15 avez dit en répondant à la question précédente.

16 Vous avez dit que vous avez enquêté sur tous les événements qui ont eu

17 lieu pendant la période que vous avez définie. Quand vous dites "tout",

18 cela signifie que cela intéresse tout le monde et pas seulement les

19 Albanais. Je vous demande si pouvez me donner un seul exemple d'enquête

20 que vous auriez réalisée au sujet d'une enquête qui n'était pas albanaise?

21 Répondez simplement par oui ou par non, s'il vous plaît.

22 Réponse: Il n'y avait pas de victimes non albanaises. Je ne connais aucun

23 exemple de ce type.

24 Question: Bien. Vous nous dites que vous avez pu observer l'entrée des

25 forces serbes dans votre ville et que vous l'avez observée afin de pouvoir

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1 informer les gens qui étaient avec vous. Cela figure au paragraphe 2 de

2 votre déclaration.

3 Réponse: Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, poser à nouveau votre

4 question?

5 Question: Vous dites que vous avez observé les forces serbes alors

6 qu'elles se déplaçaient dans votre ville, ceci afin de pouvoir informer

7 les personnes qui habitaient autour de chez vous. Est-ce exact?

8 Réponse: C'est exact.

9 Question: Et qui sont ces gens que vous avez ainsi informés?

10 Réponse: Eh bien, la population civile sans défense.

11 Question: Est-ce qu'ils étaient pareils que vous?

12 Réponse: Oui, j'étais l'un de ces civils.

13 Question: Est-ce que cela signifie qu'eux-mêmes n'étaient pas en mesure de

14 voir où se déplaçaient, où se rendaient les forces serbes?

15 Réponse: Les gens qui ont vu cela, ont pu faire leurs propres

16 observations.

17 Question: Est-il exact que l'OSCE était posté en face du ministère de

18 l'Intérieur à Suva Reka?

19 Réponse: Pas tout à fait en face.

20 Question: Bien. Est-ce que l'OSCE opérait de manière normale à Suva Reka?

21 Réponse: Je ne vois pas très bien ce que vous voulez dire par là.

22 Question: Je vous demandais si l'OSCE opérait de manière normale à Suva

23 Reka, s'ils menaient à bien leur mission et faisaient ce pour quoi ils

24 étaient là?

25 Je vous pose la question parce que vous étiez sur place.

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1 Réponse: Dans la période dont je vous parle, il n'y avait pas de membres

2 de l'OSCE à Suva Reka.

3 Question: Oui, mais vous, vous habitiez à Suva Reka. Et moi, je vous pose

4 une question au sujet de l'OSCE à Suva Reka, avant leur retrait, c'est-à-

5 dire jusqu'au 20 mars 1999.

6 Réponse: L'OSCE ne s'est pas retirée le 20 mars mais le 19.

7 Question: Bien. Vous nous dites que le 26 mars à 8 heures, le pilonnage de

8 Suva Reka a commencé. Jusqu'à ce moment-là, la situation était paisible et

9 vous nous dites que l'OSCE était là jusqu'au 18.

10 Répondez, s'il vous plaît, à la question suivante: avez-vous connaissance

11 ou avez-vous des informations quelconques au sujet de crimes commis par

12 l'UCK en 1998 et 1999, dans la région de Suva Reka, jusqu'à ce jour du 26

13 mars?

14 Réponse: Peut-être n'avez-vous pas bien compris ma déclaration! Car moi,

15 je commence à relater les événements à partir du 26 mars et du premier

16 massacre qui a eu lieu à 6 heures 30 du matin au moment où les forces

17 serbes ont tué 36 civils. Et puis, il y a eu un deuxième massacre au cours

18 duquel 48 membres de la famille Berisha a trouvé la mort.

19 Question: Bien. Cependant, vous dites que le 26 mars à 8 heures du matin,

20 le pilonnage de Suva Reka a commencé. Ceci figure à la page 2, au

21 paragraphe 4 de votre déclaration. Vous dites que ceci était habituel et

22 que cela se produisait depuis août 1998.

23 On peut donc en déduire justement ce que je viens de vous demander.

24 Est-ce que vous affirmez que Suva Reka était pilonné alors que l'OSCE s'y

25 trouvait encore?

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1 Car je n'ai jamais trouvé quoi que ce soit de semblable dans les rapports

2 de l'OSCE, donc je suis donc perplexe. Et j'aimerais bien que vous

3 m'expliquiez ce qu'il en était et que vous précisiez la chose.

4 Réponse: Ce n'est pas exact.

5 Il n'est pas vrai que Suva Reka a été pilonnée en 1998 ou en 1999.

6 Cependant, il y avait des positions dans certains villages qui ont été

7 pilonnées à partir de Suva Reka.

8 Question: Que voulez-vous dire par "pilonné à partir de Suva Reka"?

9 Réponse: Suva Reka était soumise à un siège de fer, était encerclée par le

10 fer, si je puis dire. Et il y avait des forces serbes qui se trouvaient

11 autour de Suva Reka.

12 A Birac, il y avait des forces militaires serbes, à Damper et dans les

13 vignes. Il y avait des équipements militaires lourds qui se trouvaient

14 dans les vignes. Et ces équipements étaient employés pour pilonner.

15 Question: Monsieur Berisha, ce n'est pas ma question.

16 Moi, je voulais préciser ce qui figure ici dans votre déclaration. C'est

17 l'avant-dernier paragraphe de la première page de la déclaration qui porte

18 en réalité le n°2. Car la première page, c'est la page sur laquelle

19 figurent toutes les informations vous concernant.

20 On peut y lire la chose suivante: "Le lendemain matin, le 26 mars 1999, à

21 8 heures du matin, les Serbes ont commencé à pilonner les alentours de

22 Suva Reka à partir d'une colline qui se trouvait derrière la ville. Ceci

23 était usuel et se produisait régulièrement depuis août 1998." (Fin de

24 citation.)

25 Donc vous nous dites que le 26 mars, les pilonnages ont commencé et que

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1 ceci était habituel puisque cela avait eu lieu régulièrement depuis août

2 1998.

3 Et moi, je vous pose une question. Je vous demande si, pendant la présence

4 de l'OSCE qui était là d'octobre à mars 1999 -je n'ai rien trouvé à ce

5 sujet dans le rapport au sujet de pilonnages-, je vous demande donc si

6 vous affirmez qu'à partir d'août 1998, il était habituel que Suva Reka

7 fasse l'objet de pilonnages. C'est ce qui figure dans votre déclaration.

8 Je viens de vous en donner lecture, j'aimerais bien, s'il vous plaît, que

9 vous me donniez une explication à ce sujet.

10 Réponse: Ce que vous dites, ne correspond pas à la vérité.

11 La vérité, c'est que ces positions -je parle des positions de l'armée

12 yougoslave- ont servi à pilonner les villages, et ceci, en provenance des

13 villages environnants à Suva Reka. Je n'ai pas dit que Suva Reka avait été

14 pilonnée.

15 Une partie de Suva Reka a été incendiée en juillet 1988 cependant par les

16 forces serbes.

17 Question: Bien. Je ne vais pas commenter le fait que, dans aucun des

18 documents de l'OSCE, il ne soit question du pilonnage dont vous venez de

19 parler.

20 Mais revenons à la page, les trois premiers paragraphes.

21 Vous dites que le 28 mars 1999, aux environs de 3 heures, vous avez quitté

22 la cave dans laquelle vous aviez trouvé abri. Le 27, pourquoi êtes-vous

23 allés dans cette cave d'ailleurs -je parle de vous et de ces 70 ou 100

24 autres personnes dont vous avez parlé- pour quelle raison vous êtes-vous

25 retirés dans la cave?

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1 Réponse: J'ai dit que le 26 mars, la famille Berisha a été massacrée. Le

2 27, la police a commencé à mettre le feu aux maisons qui se trouvaient

3 dans le quartier où avait eu lieu ce massacre et a fini par atteindre la

4 maison dans laquelle je me trouvais moi-même avec ma famille et quelques

5 voisins. Nous avons pensé qu'ils allaient nous attaquer et nous avons

6 décidé d'aller à la cave pour essayer de nous protéger.

7 Question: Mais en page 3 de votre déclaration, vous expliquez que les

8 Serbes lançaient toujours leurs attaques le matin. Or c'est le soir que

9 vous êtes partis dans la cave et vous vous êtes abrités dans cette cave

10 toute la nuit. N'est-ce pas contre les bombardements de l'OTAN, peut-être,

11 que vous vous êtes abrités dans cette cave, Monsieur Berisha?

12 Réponse: Je sais que vous essayez de vous écarter de la vérité. Mais ce je

13 dis, c'est que tous les matins, les pilonnages commençaient en direction

14 des villages. Il s'agissait d'opérations menées contre la population

15 civile. Vous savez bien, vous-même, comment vous organisiez tout cela.

16 Ce n'est donc pas pour cette raison, pas pour la raison que vous avez

17 dite, pas parce que nous avions peur des bombardements de l'OTAN que nous

18 sommes descendus dans la cave. L'OTAN n'a jamais bombardé Suva Reka et

19 nous n'avons jamais, d'ailleurs, eu peur des attaques de l'OTAN. Les

20 représentants de l'OTAN étaient nos sauveurs.

21 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous que 5.000 tonnes de bombes

22 au moins ont été déversées sur le Kosovo? Estimez-vous que, suite à ces

23 5.000 tonnes de bombes salvatrices lancées sur le seul Kosovo, il n'y a

24 pas eu un seul mort à la suite de cela? C'est ce que vous pensez?

25 M. le Président (interprétation): Tout cela nous mène à des querelles.

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1 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, dites-moi, dans ce cas, si vous ne

2 vous êtes pas caché, vous avez affirmé il y a un instant que les Serbes

3 pilonnaient, à partir de Suva Reka, les villages environnant Suva Reka. Or

4 moi, j'avais cru comprendre que c'était Suva Reka qui était pilonnée par

5 eux.

6 Alors, dites-moi ce qui correspond à ce que vous voulez dire réellement:

7 est-ce qu'ils ont pilonné Suva Reka ou bien est-ce que c'est à partir de

8 Suva Reka qu'ils pilonnaient les environs de Suva Reka?

9 M. le Président (interprétation): Le témoin a dit cela de la façon la plus

10 nette qui soit. Il a dit qu'ils n'ont pas pilonné Suva Reka en tant que

11 telle, mais les villages environnants. C'est bien l'objet de votre

12 question?

13 M. Milosevic (interprétation): Ma question portait sur l'année 1998,

14 Monsieur May.

15 M. le Président (interprétation): Et en ce moment, votre question porte

16 sur quelle date?

17 M. Milosevic (interprétation): Maintenant, je l'interroge au sujet de la

18 période qui débute le 26 mars et dont nous sommes en train de parler. Le

19 26 mars, donc.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, pouvez-vous répondre à

21 cette question? Ont-ils pilonné le village même de Suva Reka ou uniquement

22 les environs du village, le 26 mars?

23 M. H. S. Berisha (interprétation): Non, Monsieur le Président. Le

24 pilonnage s'est poursuivi en provenance des positions où étaient

25 stationnées les forces serbes; et je parle bien de forces militaires et

Page 7493

1 policières. Donc le pilonnage des villages n'a pas cessé un instant en

2 1999.

3 Mais, dans la ville de Suva Reka, ce qui s'est passé en mars 1999, ce

4 n'était pas un pilonnage, c'était un raid d'infanterie au cours duquel ils

5 ont pénétré dans des maisons appartenant à des civils et tué des civils

6 innocents.

7 M. Milosevic (interprétation): Bien. Nous avons donc fait la clarté sur ce

8 point. Puisque vous affirmez que ce n'est pas des bombardements que vous

9 vous abritiez dans votre cave, cela veut-il dire que, lorsque la police

10 vous a attaqués, comme vous l'affirmez, vous étiez dans la maison et donc

11 vous pouviez constituer une cible pour la police et que, lorsque la police

12 s'est retirée, la nuit, vous êtes descendus dans la cave pour vous

13 protéger et ne plus être la cible alors que vous ne pouviez plus l'être?

14 Est-ce que c'est cela que vous êtes en train d'affirmer dans votre

15 déposition?

16 M. H. S. Berisha (interprétation): La vérité, c'est que nous cherchions à

17 nous abriter dans la cave à cause du sentiment d'insécurité que nous

18 ressentions. Parce qu'à une heure du matin -et nous nous fondions sur le

19 fait que la plupart des opérations militaires commençaient dans les

20 premières heures de la matinée-, moi-même et les autres devions fuir la

21 cave et trouver à nous abriter ailleurs.

22 Question: Vous avez donc quitté cet abri pour aller dans une maison qui se

23 situe à un kilomètre et demi de distance, c'est bien cela?

24 Réponse: Je ne suis pas absolument sûr de la distance, mais nous sommes

25 allés dans cette maison.

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1 Question: A qui appartenait cette maison et comment se fait-il que vous

2 soyez allés dans cette maison?

3 Réponse: Nous avons décidé d'aller dans cette maison pour les raisons que

4 j'ai déjà expliquées, c'est-à-dire pour y chercher la sécurité. Quant à

5 cette maison, elle était la propriété de mon cousin, Idris Berisha.

6 Question: Vous étiez combien dans cette maison? Qui était avec vous là-

7 bas?

8 Réponse: Trois familles y sont allées; donc ma famille à moi, celle de mon

9 frère et celle de mon cousin. Nous étions avec tous les membres de notre

10 famille.

11 Question: Vous avez dit que les membres des unités paramilitaires sont

12 arrivés le 3 avril 1999 dans cette maison et qu'ils étaient porteurs de

13 fusils automatiques AK-47; c'est bien cela?

14 Réponse: La vérité, c'est que le 3 avril 1999, aux environs de 9 heures du

15 matin, la police serbe a lancé une offensive éclair contre Suva Reka. J'ai

16 vu les policiers arriver. J'ai vu qu'ils ont commencé à mettre le feu aux

17 maisons de Suva Reka, depuis l'ouest jusqu'au nord où j'avais trouvé

18 refuge. Et dans l'après-midi, les policiers continuaient à avancer en

19 continuant à mettre feu et à tirer des coups de feu.

20 Question: Vous dites qu'ils portaient des fusils automatiques AK-47, c'est

21 bien cela? C'est ce que vous dites dans votre déclaration écrite.

22 Réponse: Je ne suis pas un expert en armement, mais je sais que ces hommes

23 étaient armés. Ils portaient des armes à feu ainsi que des couteaux.

24 Question: Mais puisque vous n'êtes pas un expert, pourquoi avez-vous

25 prétendu qu'ils portaient des AK-47?

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1 Réponse: J'ai vu leurs fusils automatiques de mes yeux puisqu'ils les ont

2 pointées sur moi et sur ma fille.

3 Question: Et vous savez que ces fusils étaient des AK-47. C'est bien cela?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Savez-vous que l'AK-47 était le fusil le plus répandu dans les

6 rangs de l'UCK, et pas dans les rangs de la police ou de l'armée

7 yougoslave?

8 Réponse: Peut-être que c'était le cas, mais peut-être que ça ne l'était

9 pas, contrairement à ce que vous pensez.

10 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que, dans toutes les

11 déclarations de l'OSCE, ce type d'arme est défini comme étant l'arme de

12 l'UCK?

13 M. le Président (interprétation): Le témoin a déjà répondu à cette

14 question. Monsieur, vous n'avez pas à y répondre une deuxième fois.

15 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, Monsieur May, cet homme était

16 chargé de certaines enquêtes comme il l'a dit.

17 Monsieur le Témoin, savez-vous que Suva Reka était une voie de passage

18 pour le trafic d'armes en provenance d'Albanie et qu'en fait, ce type

19 d'armes, les AK-47, était introduit en provenance d'Albanie en quantité

20 énorme suite au pillage des arsenaux de l'armée albanaise et compte tenu

21 de la crise en Albanie? Etes-vous au courant de cela?

22 M. H. S. Berisha (interprétation): J'ai décrit ce qui m'était arrivé à moi

23 et les événements qui se déroulaient à l'époque. La police et l'armée

24 serbes sont arrivées; ils portaient des uniformes de camouflage de la

25 police et arboraient sur la manche le drapeau rouge, blanc, bleu; ils nous

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1 ont menacés en se servant de fusils. Ils ont fait sortir ma fille de sa

2 voiture, ils l'ont plaquée contre un mur et l'ont menacée avec la même

3 arme qu'ils avaient utilisée pour me menacer, moi. Je parle d'un incident

4 précis, je ne fais pas une analyse générale.

5 M. le Président (interprétation): Avez-vous la moindre information au

6 sujet du transport d'armes auquel se livrait l'UCK en provenance de

7 l'Albanie?

8 M. H. S. Berisha (interprétation): Non, je ne sais rien à ce sujet,

9 Monsieur le Président.

10 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Berisha, vous venez de dire que

11 ces hommes avaient sur la manche des emblèmes rouge, bleu, blanc. Savez-

12 vous que rouge, bleu, blanc est le drapeau de la Croatie, alors que le

13 drapeau yougoslave est rouge, blanc, bleu?

14 M. le Président (interprétation): Nous suspendons, car il y a un problème

15 technique: plus d'électricité dans la salle.

16 Monsieur Berisha, suspension pendant quelques minutes: 20 minutes.

17 (La séance, suspendue à 12 heures, est reprise à 12 heures 38.)

18 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

19 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, nous reprendrons là où nous nous

20 sommes arrêtés.

21 Je tiens à dire que je ne suggère pas qu'il se soit agi des Croates, mais

22 puisque vous avez décrit de façon erronée le drapeau serbe, ce que je

23 suggère, c'est que vous n'avez pas vu cela et que cette erreur de

24 description vient du fait que vous n'avez pas vu ce dont vous parlez.

25 C'est bien ça?

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1 M. le Président (interprétation): Ce que vous suggérez est erroné. Il faut

2 lui dire les choses clairement de façon à ce qu'il puisse les comprendre.

3 Quel est l'emblème que ces hommes étaient censés porter sur la manche,

4 d'après vous?

5 M. Milosevic (interprétation): Le témoin a dit très clairement que les

6 couleurs étaient rouge, blanc, bleu, qui est drapeau de toute la

7 Yougoslavie mais également le drapeau de la Croatie, alors que le drapeau

8 rouge-bleu-blanc est le drapeau de la Serbie. Et j'affirme donc que c'est

9 parce qu'il s'est trompé, parce qu'il n'a pas vu ce qui s'est passé qu'il

10 le décrit d'une façon erronée en citant de façon erronée les couleurs du

11 drapeau.

12 M. le Président (interprétation): Il est tout à fait difficile de faire la

13 distinction que vous êtes en train de faire; elle est difficile de

14 comprendre.

15 Monsieur le Témoin, pouvez-vous nous donner l'ordre des couleurs que vous

16 avez vues sur ces emblèmes portés par ces hommes, à la manche?

17 M. H. S. Berisha (interprétation): Monsieur le Président, je vois que

18 l'accusé essaie de renverser les choses. Ce qu'il dit n'est pas vrai ou

19 peut-être est-ce un problème d'interprétation, à moins que ce ne soit une

20 erreur de ma part.

21 En tout cas, je n'ai pas dit ce que l'accusé affirme que j'ai dit. J'ai

22 dit que ces hommes portaient des emblèmes rouge, blanc, bleu sur leur

23 uniforme et je ne pense pas, d'ailleurs, que le détail de l'ordre des

24 couleurs soit si important que cela. Mais ils avaient des tatouages et,

25 sur le bras, ils avaient l'emblème avec les quatre "C" cyrilliques qui est

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1 bien un emblème serbe.

2 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous avez donc vu les uniformes, mais

3 vous avez vu qu'ils avaient des tatouages sur le bras également?

4 M. H. S. Berisha (interprétation): J'ai dit cela à plusieurs reprises. Je

5 les ai décrits à plusieurs reprises.

6 Question: Ces hommes dont vous parlez étaient-ils, en fait, des membres de

7 l'UCK qui participaient aux combats à Suva Reka?

8 Réponse: Il n'y avait pas d'UCK à Suva Reka. Il y avait la police serbe,

9 et je dis bien des policiers qui venaient de Serbie, parce que dans ma

10 déclaration, j'ai dit que je les avais vus. Je les ai vus, c'étaient des

11 hommes qui venaient de Serbie, c'étaient des policiers de Serbie.

12 Question: Donc ça aussi, vous le savez, que la police venait d'une région

13 autre que le Kosovo? Je parle de la police que vous avez vue.

14 Réponse: Un homme qui s'est présenté en disant qu'il était commandant a

15 dit: "Nous sommes de Serbie".

16 Question: C'est à vous qu'il s'est présenté?

17 Réponse: Oui. J'ai parlé avec lui lorsqu'ils ont menacé d'exécuter ma

18 fille.

19 Question: A la même page de votre déclaration, vous dites que ces hommes

20 vous ont donné l'ordre de quitter le Kosovo; c'est bien ce que vous

21 affirmez?

22 Réponse: Quand ils ont volé notre argent et tous les objets de valeur, ils

23 nous ont donné l'ordre de partir pour l'Albanie.

24 Question: Connaissez-vous les instructions diffusées par l'UCK à

25 l'intention de la population, indiquant à la population qu'il fallait

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1 qu'elle quitte le Kosovo pour aller en Macédoine et en Albanie?

2 Réponse: Non, je ne sais rien d'instructions de ce genre. Mais je sais que

3 la police serbe nous a chassés de nos maisons et de notre pays.

4 Question: Bien. Mais un peu plus loin… Ou plutôt, je prends la suite de

5 votre réponse. Vous dites que le commandant de la police de Suva Reka,

6 Milan Sipka, vous a arrêté alors que vous passiez devant l'usine

7 "Progress" pour vous dire de retourner chez vous parce que la frontière

8 était fermée? C'est bien cela?

9 Réponse: Quand nous étions maintenus en otages, nous tous qui faisions

10 partie de cette colonne, non loin du village de Korishtë, donc deux jours

11 plus tard on nous a ordonné de partir pour l'Albanie. Et en chemin, juste

12 en dehors de Prizren, près de l'usine de produits pharmaceutiques

13 "Farmakos", ils nous ont donné l'ordre de retourner. Et c'est Milan Sipka

14 qui nous a donné cet ordre; Milan Sipka qui, par le passé, avait été chef

15 de la police de Suva Reka. A ce moment-là, il était un haut responsable de

16 la police de Prizren.

17 M. Milosevic (interprétation): Bien. Mais alors, est-ce que je vous

18 comprends bien? Si la police ne vous empêche pas d'aller où vous voulez

19 -qu'il s'agisse de l'Albanie ou de la Macédoine, cela n'a pas

20 d'importance-, ils vous persécutent et vous forcent à partir; et quand la

21 police vous dit de rester chez vous, dans vos maisons, elle vous maintient

22 en otages? C'est bien ce que vous dites?

23 M. le Président (interprétation): Un instant, un instant. J'aimerais que

24 la question soit claire.

25 Quelle est la question que vous posez au témoin, Monsieur Milosevic,

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1 exactement?

2 M. Milosevic (interprétation): Le témoin vient de nous expliquer que la

3 police leur a fait rebrousser chemin pour en faire des otages. Autrement

4 dit, si la police leur dit de rester chez eux dans leurs maisons, elle les

5 maintient en otages, et si elle leur permet d'aller là où ils ont envie

6 d'aller, cela revient à les chasser? Est-ce que, Monsieur May, vous voyez

7 clairement de quelle déformation des faits il s'agit ici?

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 Monsieur le Témoin, pouvez-vous répondre à cette question?

10 M. H. S. Berisha (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

11 Juges, je constate que l'accusé essaie, encore une fois, de renverser les

12 choses.

13 La vérité, que je répète une fois encore, c'est que le 3 mars, la police

14 serbe nous a chassés de notre domicile, nous a expulsés pour nous envoyer

15 en Albanie après nous avoir volés. Et en chemin, non loin de Malësi e Re,

16 il y avait une colonne qui s'étirait sur plusieurs kilomètres et qui était

17 constituée uniquement de civils sans défense. Donc c'est non loin de

18 Lubishtë, près du poste de police, que la police nous a arrêtés et nous a

19 empêchés de poursuivre notre voyage. Et c'est à cet endroit qu'elle nous a

20 maintenus en otages pendant deux jours et deux nuits, en continuant à

21 voler ce que nous avions sur nous et en nous maltraitant.

22 Le 5 avril, aux environs de midi, la police nous a donné l'ordre de

23 poursuivre notre voyage jusqu'en Albanie. Nous avons poursuivi notre

24 chemin. Nous sommes arrivés aux abords de Prizren, non loin de l'usine

25 "Farmakos", et, à cet endroit, ils nous ont ordonné de rebrousser chemin.

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1 Voilà ce qu'est la vérité et voilà ce que l'accusé essaie de détourner.

2 Question: Très bien. Mais alors, expliquez-moi, parce que vous étiez sur

3 place, vous dites que c'est le chef de la police Milan Sipka qui vous a

4 arrêtés pour vous dire de retourner chez vous. Etes-vous, à ce moment-là,

5 retournés à Suva Reka?

6 Réponse: La moitié de la colonne a rebroussé chemin, l'autre moitié est

7 restée sur place. Après quoi, la deuxième moitié de la colonne qui était

8 restée sur place est également retournée chez elle, escortée par la

9 police. Nous avons marché dans la direction de Suva Reka, mais nous

10 n'avions aucun droit de quitter la route, d'aller à gauche ou à droite par

11 exemple.

12 Nous sommes arrivés à Suhareka vers 9 heures du soir, c'est-à-dire 21

13 heures. Le grand magasin de Suhareka était tout près d'un barrage routier

14 tenu par la police; donc nous avons été arrêtés à ce barrage et les

15 policiers nous ont demandé d'où nous venions et où nous allions. Nous

16 avons répondu qu'on nous avait dit de rebrousser chemin, d'arrêter notre

17 voyage. Et l'un des policiers présents, Jovica Popovci, que je

18 connaissais, m'a dit: "Mais comment est-ce qu'ils ont pu vous dire de

19 revenir chez vous, alors que nous vous avons chassés de chez vous?". Et à

20 ce moment-là, je lui ai parlé de l'ordre qui nous avait été donné par

21 Milan Sipka; je lui ai dit qu'il fallait que des vérifications soient

22 faites pour voir si cet ordre était le bon ou pas.

23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il vous reste cinq

24 minutes.

25 M. Milosevic (interprétation): Ces cinq minutes sont très insuffisantes

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1 pour moi, Monsieur May.

2 Monsieur Berisha, vous dites que la police a effectué des vérifications

3 régulières auprès de vous, une fois que vous êtes revenu à votre domicile.

4 Est-ce que ceci était fait afin d'établir si l'UCK était active dans la

5 région ou le but était-il uniquement de vous maltraiter?

6 M. H. S. Berisha (interprétation): L'UCK n'était pas active dans la région

7 de Suva Reka, dans la ville ou à ses alentours. Quand aux mauvais

8 traitements, bien sûr, il y a eu des mauvais traitements. Nous avons aussi

9 été volés.

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Dans votre déclaration écrite,

11 vous dites que vous n'avez pas obéi à l'ordre de combler les tranchées

12 creusées par l'UCK, c'est bien cela?

13 M. H. S. Berisha (interprétation): Une patrouille policière de cinq

14 hommes, parmi lesquels se trouvaient un certain Sinisa Andrejevic, que je

15 connaissais, un certain Miki Petrovic, et un certain Goran surnommé

16 "Ramiz", ainsi qu'un certain Gogic…

17 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous en venir au cœur du sujet,

18 Monsieur Berisha, je vous prie, parce que le temps nous manque?

19 Ce qui vient d'être dit, c'est que vous aviez reçu l'ordre de combler les

20 tranchées et que vous ne l'avez pas fait. Pourriez-vous, je vous prie,

21 répondre simplement à cela?

22 M. H. S. Berisha (interprétation): La vérité, c'est que je n'ai pas comblé

23 ces tranchées, non.

24 M. Milosevic (interprétation): De quelles tranchées s'agissait-il?

25 Réponse: Vous savez cela mieux que moi.

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1 M. Milosevic (interprétation): Où étaient creusées ces tranchées?

2 M. H. S. Berisha (interprétation): Vous savez cela mieux que moi, vous

3 avez de meilleures informations sur ce sujet que j'en ai moi-même.

4 M. le Président (interprétation): Je sais que c'est un peu provocateur de

5 devoir répondre à ces questions, mais elles sont tout à fait régulières.

6 Donc où se trouvaient ces tranchées, Monsieur le Témoin?

7 M. H. S. Berisha (interprétation): Je ne suis pas allé les voir, puisque

8 je n'ai pas participé au comblement de ces tranchées.

9 M. Milosevic (interprétation): Mais l'UCK tirait-elle sur la police à

10 partir de ces tranchées? Répondez simplement par oui ou par non, je vous

11 prie. Le temps file.

12 Réponse: Je n'ai aucune information selon laquelle l'UCK aurait tiré à

13 partir de ces tranchées, non.

14 Question: Bien. Dans votre déclaration écrite, vous dites être resté

15 jusqu'au 13 juin à Prizren, est-ce exact? Oui ou non, simplement?

16 Réponse: C'est vrai, oui.

17 Question: Cela veut-il dire que personne ne vous a chassés de cet endroit-

18 là?

19 Réponse: Non, parce qu'ils ne savaient pas où nous avions trouvé refuge à

20 ce moment-là.

21 Question: Bon. Mais est-il vrai que vous êtes allé à Prizren pour vous

22 abriter des combats qui avaient lieu entre l'UCK, d'une part, l'armée et

23 la police, d'autre part? Oui ou non, simplement?

24 Réponse: Non. J'y suis allé après que la police yougoslave a expulsé toute

25 la population de Suhareka, le 21 mai.

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1 Question: Bien. En page 6 de votre déclaration, vous dites qu'à 15 heures,

2 quand vous avez commencé cette enquête au mois de juin en vous rendant sur

3 les lieux où les membres de votre famille avaient trouvé la mort… C'est

4 bien cela, n'est-ce pas, que vous avez dit dans votre déclaration?

5 Réponse: Oui, c'est vrai. J'ai commencé mon enquête sur ces lieux.

6 Question: Et un peu plus bas, vous dites que vous êtes allé dans un café

7 qui se trouve dans le nord de Suva Reka, c'est bien cela?

8 Réponse: Où un massacre a eu lieu, oui.

9 Question: Vous dites que ce café a été incendié et qu'une explosion a fait

10 sauter toutes les vitres, c'est bien ça?

11 Réponse: Le café a été incendié et il y avait de nombreux vêtements, des

12 victimes exécutées et beaucoup de cartouches et de douilles également.

13 Question: Puisque vous dites qu'une explosion a fait sauter toutes les

14 fenêtres et puisque vous dites que le café a été incendié, comment est-il

15 possible que le réfrigérateur, la cuisinière également, dans une certaine

16 mesure, soient restés presque intacts? Comment expliquez-vous cela?

17 Réponse: Quant aux détails techniques de l'incendie, savoir pourquoi le

18 réfrigérateur n'a pas brûlé, ça, je suis désolé… Savoir s'il a brûlé ou

19 pas, s'il y avait des traces ou crime ou quelles étaient ces traces, je

20 n'en sais rien.

21 Question: Dans ce petit café, vous dites qu'il y avait pas mal de douilles

22 et de cartouches, donc diverses munitions. Cela veut-il dire qu'à partir

23 de l'endroit où vous vous êtes trouvé ce jour-là, on avait tiré des coups

24 de feu?

25 Réponse: Il n'y a pas eu de coups de feu à cet endroit. C'était une

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1 exécution puisque cela se passait à l'intérieur du café. Des coups de feu

2 en masse à l'intérieur du café.

3 M. Milosevic (interprétation): Cela veut dire que c'est à cause de cela

4 qu'on a trouvé autant de cartouches et de douilles dans le café? Vous ne

5 parlez pas de balles, vous parlez de cartouches.

6 M. le Président (interprétation): Ou des coups de feu tirés dans le café.

7 M. H. S. Berisha (interprétation): C'était la police yougoslave. Vous

8 commandiez cette police.

9 Toute la famille Berisha se trouvait là, 48 personnes membres de cette

10 famille; et parmi ces 48 personnes, 18 enfants ainsi que des personnes

11 âgées et des femmes. On les a forcés à s'y rendre, dans ce café, et ils

12 ont tous été exécutés par des armes à feu. Ensuite, le bâtiment a été

13 incendié afin de couvrir les traces de ce crime.

14 Ce sont des témoins survivants de ce massacre qui pourront témoigner quant

15 à la façon exacte dont les choses se sont passées à cet endroit.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez encore

17 droit à deux questions pour ce témoin. Vous avez passé près d'une heure à

18 l'interroger.

19 M. Milosevic (interprétation): Ecoutez, j'ai encore plusieurs questions à

20 lui poser, Monsieur May, parce qu'il affirme des choses qui sont tout à

21 fait contradictoires. On trouve des cartouches aux endroits à partir

22 desquels on a tiré.

23 M. le Président (interprétation): Ou bien dans les endroits où on a tiré.

24 Savoir où sont allées les balles, ça, c'est une autre question, bien sûr.

25 Essayons d'avancer. Vous avez encore deux questions.

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1 M. Milosevic (interprétation): C'est insuffisant pour moi, deux questions.

2 Mais, Monsieur le Témoin, je vous prie, vous dites que, dans l'entrée,

3 vous avez vu une ouverture de 80 sur 80. Est-ce que c'était, en fait, une

4 petite tranchée à partir de laquelle on tirait?

5 M. H. S. Berisha (interprétation): De quelle porte ou de quelle ouverture

6 parlez-vous?

7 Question: J'ai dit que vous aviez dit que, devant la porte du café, vous

8 avez vu un trou de 80 sur 80, plein de cartouches. Est-ce que c'était une

9 petite tranchée à partir de laquelle des coups de feu ont été tirés?

10 Réponse: Non, non, vous faites erreur sur ce point, vous avez mal été

11 informé. Il n'y avait pas de tranchée à cet endroit. Devant la porte, il y

12 avait une petite place où les gens s'essuyaient les pieds avant d'entrer

13 et c'est là qu'on a trouvé des cartouches. Ce n'était pas du tout une

14 tranchée. Ce n'était ni un fossé ni une tranchée, ni rien de ce genre.

15 Question: Ecoutez, je vous en prie. Vous avez dit qu'à 40 mètres de

16 distance, vous aviez vu une flaque de sang séché et que vous l'avez vue le

17 13 juin, c'est-à-dire deux mois après, alors que de la pluie était tombée,

18 c'était le printemps, l'été…, il avait pu pleuvoir, le vent avait soufflé;

19 des chiens avaient pu passer ainsi que d'autres animaux, etc. Vous avez vu

20 cela deux mois plus tard; est-ce bien ce que vous nous dites?

21 Réponse: C'est ce que j'ai dit, mais votre interprétation est un peu

22 différente. D'abord, le massacre de la famille Berisha, le 26, a eu lieu

23 derrière le bâtiment dans lequel se trouvait l'OSCE; c'est là qu'on a

24 trouvé cette flaque de sang. Et c'est aussi à cet endroit qu'on a trouvé

25 du sang quand Nexhmedin a été blessé, alors qu'il essayait de se rendre au

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1 café à partir de cet endroit. Les vêtements qu'on a retrouvés, ses

2 vêtements qu'on a retrouvés étaient pleins de sang également.

3 Donc les choses ne correspondent pas à ce que vous dites, pas du tout à

4 votre interprétation.

5 Question: Et la différence de temps entre la date de l'événement et le 13

6 juin, date à laquelle vous êtes allé sur place? Combien de temps s'est-il

7 écoulé entre-temps? Deux mois, deux mois et demi?

8 Réponse: Je pense que les gens qui ont pratiqué les autopsies pourraient

9 mieux vous répondre au sujet de la mare de sang.

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais puisque vous parlez des

11 maisons détruites de Suva Reka, vous dites d'abord –cela figure au point 3

12 du rapport que vous avez établi après les vérifications auxquelles vous

13 avez procédé-, donc vous dites que sur 11.000 maisons de Suva Reka, plus

14 de 9.000 ont été détruites, c'est-à-dire plus de 80%. Et dans la phrase

15 suivante, vous affirmez que 1.960 maisons ont été détruites. Quel est le

16 chiffre qui est exact?

17 M. H. S. Berisha (interprétation): J'aimerais vous rappeler, Monsieur le

18 Président, Messieurs les Juges, qu'au cours d'une période assez brève, du

19 25 mars au 6 juin, la police et les militaires de la municipalité de Suva

20 Reka ont fait toutes sortes de choses, ils ont massacré la population

21 civile le 25 et 26 mars. En même temps, il y a eu un massacre dans le

22 village de Trnje…

23 M. le Président (interprétation): Le temps court, il faut vraiment en

24 terminer. Si vous vouliez vous concentrer sur la question.

25 M. H. S. Berisha (interprétation): Je voulais simplement vous rappeler les

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1 massacres dont j'avais été le témoin à Suva Reka.

2 M. le Président (interprétation): Non. Nous le savons, tout cela; nous

3 connaissons votre témoignage.

4 Mais la question qui vous est posée concerne les maisons qui ont été

5 détruites: combien de maisons ont été détruites? Vous en souvenez-vous ou

6 non?

7 M. H. S. Berisha (interprétation): Je me souviens. Mais l'important, ce

8 sont les vies, les vies humaines, pas les maisons. On parle des victimes

9 qui sont mortes, là.

10 M. le Président (interprétation): Oui, évidemment, nous comprenons cela.

11 Et évidemment, nous comprenons que vous avez vécu des choses terribles,

12 ainsi que votre famille; c'était une véritable perte. Mais vous devez vous

13 rendre compte qu'il s'agit d'une affaire pénale où cet accusé doit se

14 défendre contre des accusations très graves et donc… Le temps passe et

15 donc vous devez dire aux Juges ce qui est pertinent concernant cette

16 partie de votre témoignage.

17 On vous parle de quelque chose qui figure dans votre déclaration où il est

18 dit s'agissant de maisons, n°9891, qu'il y a eu 11.995 maisons détruites.

19 Ceci fait un pourcentage de maisons détruites de 83,47%.

20 Ensuite, vous dites: "Il y a eu en tout 1.960 maisons seulement qui ont

21 été détruites".

22 Est-ce que vous pouvez éclaircir ce qui semble être une divergence dans

23 les chiffres?

24 M. H.S. Berisha (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, la municipalité de Suva Reka comprend 42 villages, et seul un de

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1 ces villages n'a pas été brûlé. Tout le reste a été brûlé, certains à

2 100%. Donc, le premier chiffre dont vous parlez, 11.000, c'est 33% de

3 maisons qui ont été brûlées dans la municipalité, sur l'ensemble. Donc,

4 1.200 maisons, cela, c'est dans les maisons de la ville de Suva Reka…

5 M. le Président (interprétation): Oui, nous voyons ce qu'il y a dans la

6 déclaration. Il semble qu'il y ait une différence.

7 Maintenant, une toute dernière question, car vous avez vraiment disposé de

8 beaucoup de temps avec ce témoin.

9 Monsieur Milosevic, ce sera votre dernière question.

10 M. Milosevic (interprétation): A la page 8, n°4, vous dites que 21

11 établissements d'enseignements ont été détruits, alors que plus tard, vous

12 dites qu'il en avait eu 15. Donc là encore, c'est une différence très

13 importante.

14 Dans l'ensemble, combien de maisons d'institutions, etc., et comment est-

15 ce qu'elles ont été détruites? Est-ce que c'était au cours d'opérations de

16 guerre ou autrement?

17 M. H.S. Berisha (interprétation): Ces destructions de maisons, des corps

18 de bâtiments religieux ont été faits par la police au cours de leurs

19 différentes opérations.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Wladimiroff?

21 M. Milosevic (interprétation): Je ne vais pas poser une question, Monsieur

22 May, mais je voudrais répéter à nouveau qu'il s'agit d'une situation

23 particulière. Nous avons un témoin ici qui est un enquêteur amateur et

24 qui, en tant que témoin, explique ce qu'il a découvert en tant

25 qu'enquêteur dilettante.

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1 Je crois que la partie adverse est tout à fait imaginative en amenant ce

2 genre de témoin, je ne sais pas combien de rôles il joue ici au cours de

3 ce témoignage.

4 M. le Président (interprétation): C'est à la Chambre de déterminer la

5 pertinence de son témoignage et le poids à lui accorder.

6 Monsieur Wladimiroff, avez-vous des questions?

7 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May.

8 M. Wladimiroff (interprétation): J'ai quelques questions qui pourraient

9 nous aider dans cette l'affaire.

10 (Questions au témoin, M. Hysni Sylejman Berisha, par M. Wladimiroff.)

11 A la page 2, de votre déclaration, vous parlez de ce qui s'est passé pour

12 10 civils albanais de différentes familles que les Serbes avaient tués.

13 Vous dites donc que ces 10 Albanais ont été tués. Est-ce que vous vous en

14 souvenez?

15 M. H.S. Berisha (interprétation): Oui, cela s'est passé le 22 mars 1999.

16 Question: Est-ce que vous avez été témoin de cela ou vous l'a-t-on

17 raconté?

18 Réponse: Ceci s'est passé à une grande distance de ma maison. C'est au

19 cours des enquêtes concernant les corps, c'est à ce moment-là que j'ai

20 appris cela.

21 Question: Avez-vous découvert qui les avait tués et comment ce massacre a

22 eu lieu? Où ont-il été tués exactement?

23 Réponse: Oui. Le 22 mars après-midi, nous nous sommes rendus compte

24 immédiatement que, dans la vieille partie de Suva Reka, dans le centre, la

25 police serbe était entrée dans certaines maisons et avait tué des civils.

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1 Parmi eux, il y avait une femme de 70 ans.

2 Question: Merci. Est-ce que j'ai raison de croire que vous n'avez pas

3 assisté à ce qui s'est passé là? C'est quelqu'un d'autre qui vous en a

4 parlé. Et ensuite, vous avez enquêté pour reconstruire ce qui s'était

5 produit?

6 Réponse: Il y a des témoins qui ont survécu à cet incident. Si c'est

7 nécessaire, Monsieur le Président, je peux vous donner les témoins qui

8 peuvent porter témoignage devant ce Tribunal.

9 Question: J'ai quelques autres questions concernant la liste que vous avez

10 établie et qui pourrait aider également cette Chambre.

11 Je ne comprends pas très bien. Aujourd'hui, il y a une liste qui a été

12 remise au Tribunal, appelée Annexe B. Mais il y a une liste qui a été

13 communiquée aux amis de la Cour qui ressemble à cette liste, mais en fait,

14 je pense que ce n'est pas celle-là.

15 Est-ce que je peux montrer cette liste au témoin, Monsieur le Président?

16 (Intervention de l'huissier.)

17 Je vais d'abord montrer au témoin la liste qui nous a été remise

18 aujourd'hui et ensuite je vais lui montrer la liste qui était en ma

19 possession.

20 Monsieur Berisha, c'est la liste qui nous a été remise aujourd'hui.

21 (Le témoin regarde la liste.)

22 Je suppose que ce sont les lettres selon lesquelles elles m'ont été

23 remises et la liste suivante, est-ce que vous reconnaissez cette liste?

24 C'est la même liste ou une liste différente?

25 Réponse: C'est à peu près la même liste. C'est une question d'ordre dans

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1 lequel les noms apparaissent.

2 Question: Mais, pour être précis, Monsieur Berisha, dans la liste qui a

3 été remise, il y a 528 noms, alors que dans l'autre liste, il y a 343

4 noms.

5 Donc, il y a une différence, non?

6 Réponse: Il y a des différences parce qu'il n'était pas possible de mettre

7 tous les noms de ceux qui avaient été tués et de ceux qui manquaient. Et

8 entre-temps, nous avons pu en ajouter d'autres.

9 Question: Je vais vous montrer cette deuxième liste à nouveau.

10 Puis-je demander à l'huissier de la remettre au témoin?

11 (Intervention de l'huissier.)

12 Vous allez voir que, sur certaines pages, il y a des mots écrits à la

13 main. Est-ce votre écriture?

14 (Le témoin examine la liste en question.)

15 Réponse: Oui.

16 Question: Merci. Je vais vous redonner la liste originale à nouveau.

17 S'il vous plaît, rendez-vous à la page où vous voyez le n°121122123 sur la

18 liste originale, c'est-à-dire la liste qui était versée au dossier

19 aujourd'hui, et comparez-la à l'autre liste, les mêmes chiffres. Voyez-

20 vous une différence?

21 (Le témoin compare les deux listes.)

22 Réponse: Oui.

23 Question: Pourriez-vous dire à la Chambre quelles sont ces différences?

24 Réponse: Les différences consistent en la liste des massacres dans les

25 villages. Entre-temps, les massacres dans le village de Savrovë ont été

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1 ajoutés, ainsi que le massacre de Trnje qui a également été ajouté.

2 Question: Si vous vous reportez à la dernière colonne -qui sont vos

3 commentaires, est-ce exact?- à droite de cette liste, ce sont vos

4 commentaires. Est-ce exact?

5 Réponse: Je n'ai pas la traduction.

6 Question: Excusez-moi, je vais répéter ma question. Dans la dernière

7 colonne de cette liste horizontale, il y a des notes écrites et des mots

8 qui sont tapés à la machine; ce sont vos commentaires, est-ce exact?

9 Réponse: Oui. Par exemple, on ne connaît pas l'âge, et quelquefois j'ai

10 mis "Age: 65 ans au moment où on l'a découvert". Donc ces colonnes disent

11 également si quelqu'un a été tué ou s'il est manquant. Par exemple, vous

12 avez les dates: le 21 mars 1999, c'est une information qui vient de la

13 famille concernant la date à laquelle cette personne a été tuée.

14 Question: Merci. Ceci nous amène à la colonne n°8. Il n'y a pas de n°8

15 mais si vous comptez les colonnes, vous passez aux colonnes 8 ou 9 et vous

16 voyez l'endroit où l'assassinat a eu lieu, et la date également.

17 Réponse: Oui.

18 Question: Comment avez-vous établi la date? Est-ce que c'est quelque chose

19 qu'on vous a dit ou est-ce que vous avez vu des documents? Comment est-ce

20 que vous avez pu établir la date de l'assassinat?

21 Réponse: Dans certains cas, j'ai été témoin. Et d'autres bases, c'était

22 sur la base de l'enquête que j'ai menée.

23 Question: Ce qui veut dire que quelqu'un vous l'a dit, vous avez vu des

24 documents ou seulement quelqu'un vous aurait parlé de ces meurtres?

25 Réponse: Il s'agit de description de témoins oculaires directs concernant

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1 les membres de leur famille.

2 Question: Très bien. Est-ce que vous pouvez passer aux colonnes 3 ou 4 où

3 il s'agit du nom du père et du nom de famille? Vous voyez ces colonnes?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Comment avez-vous établi ce genre de données?

6 Réponse: Tout d'abord, concernant les Berisha, ce sont les membres de ma

7 propre famille; donc je savais qui étaient leurs parents, leurs pères.

8 Question: Oui. Mais comment avez-vous pu conclure que quelqu'un avait été

9 tué ou qu'il était manquant, et que donc vous avez pu attribuer un nom à

10 ces personnes?

11 Réponse: Le massacre des Berisha, le 26 mars, s'est déroulé dans quatre

12 maisons. C'était dans la famille de Musli Berisha. Là, il y a une…

13 Question: Oui, mais là, j'ai une liste de 500 noms, alors je voulais

14 savoir comment vous aviez pu établir tous ces noms, qui avait été tué, où,

15 à quelle date et qui il était?

16 Réponse: Au cours de l'inspection des corps en 1999, lorsque l'équipe

17 médico-légale internationale travaillait, en même temps les corps ont été

18 identifiés. J'étais un peu un lien entre la famille et l'équipe médico-

19 légale du Tribunal de La Haye. Et toutes les personnes qui recherchaient

20 leurs disparus ont rempli un formulaire ante mortem dans lequel ils ont

21 décrit les personnes manquantes le dernier jour où ces personnes ont été

22 vues.

23 Question: Merci, ceci est très utile. Je vous ai dit que j'avais vu des

24 rapports de l'équipe médico-légale allemande, et j'ai trouvé un certain

25 nombre de formulaires où l'on disait: "Nom inconnu". Comment pouvez-vous

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1 établir le nom de cette personne si elle figure sur cette liste?

2 Réponse: Les gens ont été identifiés par les membres de leur famille. Ce

3 sont les parents qui ont identifié les corps, et ils avaient des

4 informations sur la manière dont ces personnes étaient habillées le jour

5 de leur disparition, etc.

6 Question: Etiez-vous présent à toutes ces identifications, ou est-ce que

7 ce sont les familles qui vous ont simplement dit de quoi il s'agissait?

8 Réponse: J'étais toujours présent lors de l'identification.

9 M. Wladimiroff (interprétation): Merci.

10 C'est tout ce que j'avais à demander, Monsieur le Président Messieurs les

11 Juges.

12 Je me demande si la Cour veut que je demande le versement au dossier?

13 M. le Président (interprétation): Oui. Ce serait 240A?

14 M. Wladimiroff (interprétation): Je note qu'il y a une ligne jaune que

15 j'ai faite moi-même sur le côté. Et en haut, à droite, vous trouverez un

16 numéro de page qui est également de ma main.

17 M. le Président (interprétation): Oui.

18 Mme Ameerali (interprétation): Oui c'est le 241B.

19 M. le Président (interprétation): Merci.

20 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. H. S. Berisha, par

21 Mme Romano.)

22 Mme Romano (interprétation): En tant que membre président de la commission

23 des personnes manquantes à Suva Reka, vous avez pratiquement fait une

24 enquête tout seul sur ce qui s'était passé dans votre ville; est-ce exact?

25 M. H. S. Berisha (interprétation): Pas seulement dans la ville, mais

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1 également dans toute la municipalité de Suhareka.

2 Question: Et, dans le cadre de vos travaux, vous avez compilé une liste

3 qui est en annexe à votre déclaration et qui contient environ 528 noms;

4 est-ce exact?

5 Réponse: C'est là où on mettait les choses, à l'époque. Peut-être qu'il y

6 a eu des modifications maintenant et que des nouveaux faits ont été mis à

7 jour, mais je n'ai pas d'autre liste avec moi pour le moment.

8 Question: C'est exactement ce que je voulais dire: c'est un projet qui est

9 en cours, auquel vous travaillez, est-ce exact?

10 Réponse: Oui, c'est toujours en cours et ça se poursuivra à l'avenir.

11 Question: Vous avez parfois imprimé des exemplaires, à un certain stade de

12 votre enquête, à un moment précis de votre enquête?

13 Réponse: Oui, c'est vrai.

14 Question: Merci. Pour éclaircir auprès de la Chambre, j'ai les deux listes

15 ici. La première liste, c'était un des projets que M. Berisha nous a remis

16 et le dernier projet qu'il nous a donné, c'est celui qui faisait partie de

17 sa déclaration; c'est celle qui est annexée ici avec les 500 noms.

18 Dernière question, Monsieur Berisha. Je pense qu'il y avait une confusion

19 concernant le nombre de maisons détruites. Vous avez fait une enquête et

20 vous avez donné un nombre de maisons qui ont été détruites dans la

21 municipalité de Suva Reka, ainsi que le pourcentage.

22 Je vais vous relire ce qui se trouve dans la déclaration et je vais vous

23 demander de voir si…, de corriger une faute éventuellement. Vous dites:

24 "Les chiffres pour cette partie de mon enquête venaient de la direction du

25 développement et de la reconstruction de la municipalité de Suva Reka. Le

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1 nombre est de 9.895 sur 11.955 maisons détruites; ceci fait que le

2 pourcentage de maisons détruites est de 83,47%.". Vous poursuivez: "un

3 total de 1.960 maisons seulement détruites".

4 Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites "1.960 maisons"?

5 Réponse: Ceci se rapporte uniquement à la ville de Suhareka. La deuxième

6 partie ne concerne que la ville elle-même.

7 Question: Donc parmi les 9.000 maisons, 1.900 étaient de la ville de Suva

8 Reka; c'est exact?

9 Réponse: C'est exact.

10 Question: Et les autres maisons, c'était l'ensemble de la municipalité qui

11 était concerné?

12 Réponse: Oui, les autres étaient réparties dans les 41 villages de la

13 municipalité de Suhareka.

14 Mme Romano (interprétation): Merci.

15 Je n'ai pas d'autre question, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Berisha, ceci met fin à votre

17 témoignage. Merci d'être venu au Tribunal international pour le donner.

18 Vous êtes libre de partir.

19 M. H. S. Berisha (interprétation): Merci, Monsieur le Président, de

20 m'avoir permis de vous décrire une partie de ce qui s'est passé et des

21 crimes qui étaient commis en 1999 à Suva Reka.

22 (Le témoin, M. H. S. Berisha, est reconduit hors du prétoire.)

23 Mme Romano (interprétation): Si nous avons le temps, le témoin est

24 toujours à ma disposition.

25 M. le Président (interprétation): Oui, nous pourrions commencer.

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1 (Le témoin, Mme Sandra Mitchell, est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président (interprétation): Veuillez demander au témoin de prononcer

3 la déclaration solennelle.

4 Mme Mitchell (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

7 (Interrogatoire principal du témoin, Mme Sandra Mitchell, par Mme

8 Romano.)

9 Mme Romano (interprétation): Pouvez-vous, s'il vous plaît, décliner votre

10 identité à l'intention de la Chambre?

11 Mme Mitchell (interprétation): Je m'appelle Sandra Lyne Mitchell.

12 Question: Nationalité?

13 Réponse: Américaine.

14 Question: Date de naissance?

15 Réponse: 2 mai 1962.

16 Mme Romano (interprétation): Je vais demander au témoin de nous parler

17 très brièvement de son parcours, mais je souhaiterais également verser au

18 dossier son curriculum vitæ.

19 M. le Président (interprétation): Bien.

20 Mme Romano (interprétation): Madame Mitchell, pouvez-vous, s'il vous

21 plaît, nous parler de votre parcours professionnel?

22 Mme Mitchell (interprétation): Je suis avocate et je pratique depuis sept

23 ans le droit aux Etats-Unis. J'ai commencé à travailler dans les Balkans,

24 d'abord en Bulgarie et ensuite en Bosnie, puis au Kosovo, en Albanie, en

25 Macédoine ainsi qu'au sein de certaines institutions liées à l'OSCE à

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1 Varsovie et à Vienne.

2 J'ai travaillé aussi bien pour des organisations non gouvernementales dans

3 le domaine des droits de l'homme que pour l'organisation chargée de la

4 sécurité et de la coopération en Europe et ceci, dans le cadre de diverses

5 missions.

6 Question: Merci.

7 Madame Mitchell, vous avez fait une déclaration au Bureau du Procureur en

8 date du 12 mai 2002. Est-ce bien exact?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Et le 2 juillet 2002, vous avez rencontré un représentant du

11 Greffe, un officier instrumentaire du Greffe à La Haye; vous avez confirmé

12 contenu de votre déclaration?

13 Réponse: Oui.

14 Question: D'autre part, vous avez, à cette occasion, ajouté quelque chose

15 à votre déclaration en présentant un certain nombre de documents?

16 Réponse: C'est exact.

17 Mme Romano (interprétation): L'accusation demande le versement au dossier

18 des deux déclarations ainsi que les éléments de preuve supplémentaires

19 communiqués par le témoin.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Mme Ameerali (interprétation): Le curriculum vitae sera la pièce à

22 conviction de l'accusation 242 et la déclaration portera la cote 243 pour

23 l'original et 243A pour la version expurgée.

24 Ce sont des pièces à conviction de l'accusation.

25 M. le Président (interprétation): Vous pouvez répéter.

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1 Mme Ameerali (interprétation): Le curriculum vitae est une pièce de

2 l'accusation qui porte la cote 242.

3 Mme Romano (interprétation): Je présente mes excuses d'avance aux

4 traducteurs et aux interprètes.

5 Je vais vraiment essayer de faire en sorte de ne pas parler trop vite.

6 Entre novembre 1988 et avril 2000, Mme Mitchell était directrice de la

7 section des droits de l'homme au sein de l'organisation et de la sécurité

8 de la coordination en Europe.

9 Avant cela, en octobre 1988, elle était la conseillère juridique de l'OSCE

10 pour les institutions démocratiques et les Droits de l'homme. A ce titre,

11 elle a été affectée à une mission qui consistait à planifier le

12 déploiement d'une équipe de la Mission de vérification du Kosovo, la KVM.

13 Lorsqu'elle est devenue directrice de la division chargée des Droits de

14 l'homme au Kosovo, elle a assumé des responsabilités qui avaient trait

15 notamment à la direction des enquêtes, ainsi que de mettre en place des

16 rapports….

17 (Madame Romano va trop vite. L'interprète saute un passage.)

18 Au Kosovo, l'OSCE avait sept personnes chargées des Droits de l'homme sur

19 43 sites.

20 Le témoin était chargé de choisir des coordinateurs qui travaillaient sur

21 le terrain. Toutes les informations étaient centralisées afin de faire

22 l'objet d'analyses et de rapports. Après son retrait du Kosovo en mars

23 1999, l'OSCE a continué à rassembler des informations relatives aux Droits

24 de l'homme.

25 Le témoin, en tant que chargé de la section des droits de l'homme, était

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1 chargée de quelque 300 personnes qui interviewaient les réfugiés qui

2 venaient du Kosovo. Il s'agissait d'obtenir des informations en

3 interrogeant ces témoins. Tout ceci était enregistré dans des

4 questionnaires.

5 Le témoin précise que, pendant la période d'octobre 1998 à 1999, le

6 travail de la section chargée des Droits de l'homme au sein de l'OSCE au

7 Kosovo comportait trois phases, dans trois environnements différents. Ceci

8 est reflété dans deux volumes, dans un rapport en deux volumes qui a été

9 réalisé par l'OSCE au Kosovo entre octobre 1998 et octobre 1999. Il

10 s'intitule "As Seen, As Told - Volume I and II".

11 Ces deux rapports ont été déjà été versés au dossier dans ce prétoire. Je

12 crois qu'il s'agit de la pièce à conviction 106.

13 Toutes les informations qui ont été utilisées dans la préparation de ce

14 rapport ont été réunies et analysées sous la direction du témoin. La

15 rédaction et la publication du volume 2 de ce rapport ont été préparées

16 sous son autorité directe à Pristina.

17 Ceci représente la première partie et la deuxième partie de son travail au

18 Kosovo entre 1998 et 1999, la période qui a précédé le conflit et la

19 période du conflit.

20 Le volume 2, quant à lui, représente la troisième phase du travail de

21 l'OSCE au Kosovo, la période qui a suivi immédiatement le conflit et qui

22 s'est terminée par la démilitarisation de l'UCK en octobre 1999.

23 Le témoin déclare qu'à la fin de la campagne aérienne de l'OTAN, en juin

24 1999, l'OSCE est immédiatement revenue au Kosovo pour continuer à y

25 défendre les Droits de l'homme. Pendant la période qui a suivi, l'OSCE a

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1 réuni un certain nombre d'informations de première main au sujet de

2 violations alléguées des Droits de l'homme qui ont été commises en grande,

3 majeure partie contre la minorité des Serbes et des Roms.

4 L'OSCE a également apporté son assistance au TPIY pour identifier les

5 restes humains et pour réunir et entrer des informations ayant trait à des

6 violations alléguées du droit humanitaire.

7 Le témoin nous dira que, pendant toute cette période, la section chargée

8 de la défense des Droits de l'homme a fait usage de normes communément

9 acceptées dans le cadre de la défense des droits de l'homme, de diverses

10 conventions, traités et pactes, notamment les conventions de Genève,

11 lorsqu'il s'agissait de vérifier les violations des droits de l'homme

12 allégués. Lorsqu'elle est arrivée à La Haye, Mme Mitchell a fourni au

13 Bureau du Procureur des exemplaires de ses documents et ses mémos où

14 figuraient ses tâches essentielles, le programme opérationnel de la

15 section des droits de l'homme de la KVM, les procédures mises en place

16 pour établir des rapports sur les violations des droits de l'homme, ceci

17 en détail, ainsi que des copies des documents qui permettaient de suivre

18 la situation des réfugiés.

19 Il s'agit de sept documents qui font partie de l'addendum et qui ont fait

20 l'objet d'une procédure 92bis le 2 juillet.

21 A moins que la chambre ne souhaite que ce témoin entre dans le détail de

22 ces documents, j'en ai terminé de ma présentation.

23 M. le Président (interprétation): Fort bien, nous commencerons le contre-

24 interrogatoire demain, Madame Mitchell.

25 Je vous demande de revenir ici même à 9 heures pour la poursuite de votre

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1 déposition.

2 A vous comme à tous les témoins, je vais demander de ne pas parler de la

3 teneur de votre déposition et ceci comprend notamment les membres de

4 l'équipe du Procureur.

5 Mme Romano (interprétation): J'ai encore une chose à demander.

6 Est-ce qu'il sera possible au témoin de se référer à ses notes pendant le

7 contre-interrogatoire?

8 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il s'agit de notes qui ont été

9 réalisées au moment des faits? De quoi il s'agit exactement?

10 Mme Mitchell (interprétation): Il s'agit de rapports eux-mêmes, ainsi que

11 de notes qui consistent à résumer ce qui figure dans le rapport, des notes

12 que j'ai établies moi-même.

13 M. le Président (interprétation): Bien. Madame.

14 Mme Romano (interprétation): Merci.

15 M. le Président (interprétation): Demain 9 heures.

16 (L'audience est levée à 13 heures 42.)

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