Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 8 juillet 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Ryneveld?

6 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Messieurs les

7 Juges.

8 J'ai indiqué la semaine dernière que l'ambassadeur Vollebaek était

9 disponible à partir d'aujourd'hui et j'avais demandé à ce que le dernier

10 témoin puisse être entendu peut-être un peu plus tard. L'ambassadeur

11 Vollebaek est ici dès à présent.

12 Je voulais demander l'autorisation de la Chambre de pouvoir entendre dès à

13 présent la déposition de l'ambassadeur Vollebaek; ensuite, nous

14 reprendrons le fil de la déposition du témoin que nous avions entendu en

15 fin de semaine dernière. Est-ce que nous avons votre autorisation?

16 M. le Président (interprétation): Tout à fait. Mais vous savez que vous

17 devez normalement avoir une autorisation pour citer l'ambassadeur

18 Vollebaek, car il ne figurait pas sur la première liste de témoins.

19 M. Ryneveld (interprétation): C'est une demande orale que je formule. Il y

20 a eu, je crois, une première demande; je la renouvelle aujourd'hui. Je

21 crois que les documents relatifs à sa déposition ont été remis il y a un

22 certain temps.

23 M. le Président (interprétation): Sa déclaration préalable a été déposée

24 en BCS, je crois, le 15 mars.

25 M. Ryneveld (interprétation): C'est exact.

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1 M. le Président (interprétation): Donc il n'y a pas de préjudice porté aux

2 droits de l'accusé par le simple fait que l'ambassadeur soit cité devant

3 nous maintenant; il peut donc être entendu.

4 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

5 M. le Président (interprétation): Il n'est disponible qu'aujourd'hui?

6 M. Ryneveld (interprétation): C'est ce que j'avais compris, Monsieur le

7 Président. Cela étant dit, il y a quelques instants après son arrivée, il

8 est apparu que son emploi du temps n'était pas aussi serré qu'il y avait

9 paru au premier abord; il pourra peut-être venir également demain, mais je

10 ne pourrai en être assuré absolument.

11 M. le Président (interprétation): Ne vous en faites pas. Nous tâcherons de

12 mener à bien l'interrogatoire et le contre-interrogatoire de ce témoin

13 aujourd'hui.

14 M. Ryneveld (interprétation): Ce serait vraiment idéal. Merci, Monsieur le

15 Président.

16 (Le témoin, M. Knut Vollebaek, est introduit dans le prétoire.)

17 M. le Président (interprétation): Nous allons demander au témoin de bien

18 vouloir prononcer la déclaration solennelle.

19 M. Vollebaek (interprétation): Je jure solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Monsieur Vollebaek,

22 vous pouvez vous asseoir.

23 M. Vollebaek (interprétation): Je vous remercie.

24 (Interrogatoire principal du témoin, M. Knut Vollebaek, par M. Ryneveld.)

25 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur l'Ambassadeur Vollebaek, je crois

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1 comprendre que vous avez commencé votre carrière diplomatique au sein du

2 corps diplomatique norvégien en 1973; c'est bien exact?

3 M. Vollebaek (interprétation): C'est exact.

4 Question: Est-ce qu'il est également exact de dire que vous êtes devenu le

5 ministre norvégien aux Affaires étrangères en 1997 et que vous vous êtes

6 acquitté de ces fonctions jusqu'au mois de mars 2000?

7 Réponse: C'est exact.

8 Question: Alors que vous étiez ministre des Affaires étrangères, est-ce

9 que vous avez occupé un poste quelconque au sein de l'OSCE?

10 Réponse: Oui. En tant que ministre des Affaires étrangères de la Norvège,

11 j'étais président de l'OSCE en 1999.

12 Question: Et, à l'heure actuelle, quelles sont vos activités?

13 Réponse: Je suis ambassadeur de Norvège auprès des Etats-Unis d'Amérique.

14 Question: Je vais maintenant, Monsieur, vous demander de vous rappeler les

15 événements qui se sont produits en 1993. Est-ce que, à cette époque, vous

16 avez occupé un poste particulier, notamment dans le cadre de la Conférence

17 internationale pour l'ex-Yougoslavie?

18 Réponse: Oui, à partir du 1er juin et jusqu'à la fin de l'année 1993, j'ai

19 été ce que l'on a appelé vice-président adjoint de la Conférence

20 internationale pour l'ex-Yougoslavie.

21 Question: Et, à ce poste, est-ce que vous avez pris part aux négociations

22 qui ont eu lieu entre divers gouvernements en place à l'époque?

23 Réponse: Oui, ma principale responsabilité au cours de ces quelques mois a

24 été de négocier -ou de tenter de négocier, devrais-je dire- un accord

25 entre le Gouvernement de la République de Croatie et le Gouvernement de ce

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1 que l'on appelait "la République de Krajina".

2 Question: Au cours de ces négociations, de ces tentatives de négociations,

3 comme vous l'avez dit vous-même, est-ce que vous avez eu l'occasion de

4 rencontrer l'accusé dans le cadre de ce procès, qui était à l'époque

5 Président, Slobodan Milosevic?

6 Réponse: Oui, je ne l'ai pas rencontré à de fréquentes reprises, mais nous

7 pensions que Belgrade exerçait une influence sur ce qui se passait en

8 République de Krajina et nous nous sommes, de temps à autre, tournés vers

9 Belgrade. Vers notamment Jovanovic, le ministre des Affaires étrangères;

10 je l'ai rencontré à plusieurs reprises. J'ai également rencontré le

11 Président Milosevic. Je me souviens notamment d'une rencontre avec lui qui

12 a porté sur notre tentative de mettre sur pied des négociations secrètes,

13 qui se seraient tenues en Norvège entre les Serbes et les Croates.

14 A l'époque, nous nous sommes inspirés de ce que faisaient certains de nos

15 collègues norvégiens au Moyen-Orient. Nous espérions pouvoir accomplir

16 quelque chose de semblable dans le cadre qui nous occupait. C'est à ce

17 moment-là que j'ai rencontré le Président Milosevic. Je voulais qu'il

18 exerce une certaine pression sur les Serbes qui se trouvaient à Knin; je

19 voulais qu'il les pousse à accepter la proposition que j'avais faite de

20 tenir ces négociations en Norvège.

21 Question: Est-ce qu'à l'époque, Milosevic vous a paru être prêt à vous

22 aider dans l'accomplissement de cet objectif?

23 Réponse: Oui. Cela s'est passé au début de l'automne, si je m'en souviens

24 bien. Il me semble que la réunion s'est tenue en Norvège au mois de

25 novembre. Donc tout cela a dû se passer -ou peut-être était-ce en

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1 octobre-, donc cela a dû se passer en septembre ou début octobre.

2 Je me suis rendu à Belgrade, je l'ai rencontré, comme je l'ai dit tout à

3 l'heure. Et, à l'époque, le Gouvernement croate menait des opérations

4 contre les Musulmans en Croatie et contre les Serbes à Knin, dans la

5 République de la Krajina.

6 Je lui ai donc demandé son aide; il m'a dit qu'il me l'apporterait parce

7 qu'il avait le sentiment qu'il serait difficile pour les Croates de se

8 battre ainsi sur deux fronts.

9 D'après lui, il était plus important de battre les Musulmans que les…

10 Enfin, il pensait qu'il était plus important que les Croates puissent

11 combattre les Musulmans. Et afin que les Croates puissent combattre les

12 Musulmans, il fallait que les Serbes se retirent pour laisser les Croates

13 se battre contre les Musulmans. Et sa déclaration, je m'en souviens très,

14 très précisément, parce que j'ai eu l'occasion d'y repenser en 1999; ce

15 qu'il a dit donc, c'était que la raison pour laquelle il agissait, c'est

16 qu'il ne pouvait y avoir de république musulmane en Europe.

17 Question: Peut-être l'avez-vous déjà expliqué mais qu'avez-vous cru qu'il

18 voulait dire quand il a parlé du fait qu'il n'était pas bon qu'il y ait

19 deux fronts?

20 Réponse: Eh bien, il m'a fait part du fait qu'il était assez impressionné

21 par la puissance militaire déployée par les Croates. Il a déclaré que les

22 Croates étaient de bons combattants, de bons militaires; cependant, il

23 estimait que de se battre sur deux fronts étaient trop pour les forces

24 croates.

25 D'après ce que j'ai compris qu'il me disait, il était important pour nous

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1 tous de combattre les Musulmans. Il fallait que les Croates puissent se

2 concentrer, si vous voulez, sur leur combat contre les Musulmans; et c'est

3 avec cela à l'esprit qu'il allait demander au Gouvernement de Knin de

4 prendre part aux négociations que nous voulions organiser en Norvège. Il

5 voulait demander à ce que, pendant un temps au moins, les activités

6 militaires ne soient pas poursuivies par les forces à Knin.

7 Question: Je comprends.

8 Monsieur l'Ambassadeur Vollebaek en 1993, quel était le poste occupé par

9 Milosevic, quel poste occupait-il et au sein de quel Gouvernement?

10 Réponse: Eh bien, je crois qu'il tenait la même position qu'en 1999, il

11 était Président de la République fédérale de Yougoslavie.

12 Question: Et pourquoi vous êtes-vous tourné vers lui pour essayer de

13 persuader d'autres gouvernements ou d'autres entités de se rendre en

14 Norvège pour prendre part aux négociations?

15 Réponse: Eh bien, nous avions l'impression que le Gouvernement de Knin

16 bénéficiait d'un soutien très fort de la part du Gouvernement de Belgrade

17 et de la part du Président Milosevic.

18 Nous savions que certains membres du Gouvernement de Knin se rendaient à

19 Belgrade très fréquemment. Et nous pensions que le Président Milosevic

20 avait une réelle influence sur les membres qui constituaient le

21 Gouvernement de Knin. Et étant donné que les représentants du Gouvernement

22 de Knin se sont, par la suite, rendus en Norvège pour prendre part aux

23 négociations, mon impression s'est trouvée renforcée; je crois

24 qu'effectivement Belgrade exerçait une réelle influence sur ce qui se

25 passait à Knin.

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1 Question: Puisqu'ils se sont présentés en Norvège, n'est-ce pas?

2 Réponse: Tout à fait, ils sont venus.

3 Question: Je vais vous demander maintenant de penser à ce qui s'est passé

4 plus récemment. Nous avons entendu dire un certain nombre de choses dites

5 à propos de l'OSCE dans le cadre de ce procès, mais d'après ce que j'y ai

6 compris, vous étiez, vous Excellence, Président de l'OSCE, vous étiez le

7 plus haut représentant au sein de l'exécutif au sein de l'OSCE, n'est-ce

8 pas exact?

9 Réponse: L'OSCE a un secrétaire général qui est employé de l'organisation

10 mais le Président en poste est quelqu'un qui est élu par des membres des

11 différentes forces politiques. Le Président change chaque année, donc

12 c'est un poste que l'on occupe pendant un an. C'est toujours le ministre

13 des Affaires étrangères de l'un des pays membres qui est à ce poste

14 pendant un an. La Norvège avait été choisie, pour occuper ce poste en

15 1999. J'ai donc été le Président responsable de cette organisation pendant

16 une année. Mais il y a un système de troïka, si vous voulez, qui veut que

17 vous commencez par occuper un siège au sein de cette troïka l'année

18 précédant votre présidence. Donc j'ai commencé à travailler au sein de

19 l'OSCE et sur ces différentes questions dès 1998. A l'époque, c'était le

20 Professeur Geremek, le ministre des Affaires étrangères de Pologne, qui

21 occupait le poste de Président de l'OSCE.

22 Question: Je comprends. Donc, en fait, vous prépariez à le remplacer à ce

23 poste l'année suivante. Ensuite, vous êtes devenu Président pendant un an,

24 puis vous êtes resté une année encore pour aider le nouveau Président à

25 s'acquitter de ses fonctions. Vous avez ainsi assuré une certaine

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1 continuité?

2 Réponse: Une continuité, c'est cela.

3 Question: Mais commençons par ce qui s'est passé en 1999, alors que vous

4 étiez Président. Combien d'Etats membres l'OSCE comptait-elle, à ce

5 moment-là?

6 Réponse: L'organisation compte -je crois que c'est encore le cas- 54

7 membres. En 1999, la Yougoslavie a vu son statut suspendu, donc il y avait

8 une chaise libre; si vous voulez, il n'y avait que 53 pays représentés au

9 sein de l'organisation.

10 Question: Pourquoi est-ce que la Yougoslavie n'a pu continuer à être

11 membre de l'organisation?

12 Réponse: C'était dû au conflit qui avait cours dans les Balkans et c'était

13 dû également au fait que l'organisation considérait que la Yougoslavie ne

14 s'était pas acquittée de ses devoirs en tant que membre de l'OSCE.

15 Question: Est-ce que la Yougoslavie fait désormais partie de l'OSCE, a

16 retrouvé sa place au sein de l'organisation OSCE?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Monsieur, vous avez déjà fait référence à l'ancien Président de

19 l'OSCE Borislav Geremek. Est-ce qu'en 1998, alors que vous travaillez déjà

20 avec M. Geremek, vous étiez conscient du fait que l'OSCE avait un mandat

21 particulier eu égard à ce qui se passait au Kosovo?

22 Réponse: Eh bien, l'OSCE était dotée d'un mandat général qui devait lui

23 permettre de trouver des solutions pacifiques au conflit en Europe, qui

24 devait lui permettre d'assurer le respect de la démocratie des Droits de

25 l'Homme en Europe. Mais, avec le début du conflit du Kosovo, deux

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1 résolutions -si je ne m'abuse- ont été votées par le Conseil de sécurité

2 des Nations Unies. Je ne crois pas me tromper, mais je crois que c'était

3 les résolutions 1160 et 1199. Mais quoi qu'il en soit, ces résolutions

4 demandaient à l'OSCE de tenter de trouver un règlement pacifique au

5 conflit qui faisait rage au Kosovo.

6 Afin de répondre à cette demande qui avait été formulée par le Conseil de

7 sécurité, l'OSCE a organisé des négociations entre le Gouvernement de la

8 Yougoslavie et elle-même, donc l'OSCE. Et un accord a été signé entre le

9 ministre des Affaires étrangères Geremek, et le ministre des Affaires

10 étrangères de Yougoslavie, Jovanovic, en octobre 1998; et c'est cet accord

11 qui devrait à terme assurer la présence de l'OSCE en Yougoslavie et plus

12 particulièrement au Kosovo.

13 M. Ryneveld (interprétation): Excellence, vous avez connaissance de

14 l'existence d'un document que l'on appelle l'Accord Holbrooke. Est-ce que

15 cet accord est venu se substituer ou s'ajouter à ce qui a été fait à

16 l'époque, ce qu'on appelle cet accord Milosevic/Holbrooke?

17 M. Vollebaek (interprétation): Eh bien, d'après ce que j'ai compris,

18 l'Accord Milosevic/Holbrooke devait venir soutenir l'OSCE dans

19 l'acquittement de ses fonctions, devait venir étayer tout ce qui était

20 fait par l'OSCE pour assurer un règlement pacifique du conflit.

21 Moi, ce n'est pas toujours l'impression que j'ai eue, je dois le

22 reconnaître. Lorsque je me suis entretenu avec M. Milosevic à propos de

23 cet accord, je n'ai pas vraiment eu l'impression que c'était ce qui était

24 en train d'être fait. La raison officielle de notre présence, c'était bien

25 sûr l'accord passé avec l'OSCE; notre mandat découlait de cet accord. Mais

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1 il y avait également cet accord Holbrooke/Milosevic, dont vous avez parlé,

2 qui était en place. Je dois préciser que je n'ai jamais lu cet accord.

3 Mais nous en avons discuté lors de mes entretiens avec M. Milosevic et,

4 quand nous en avons parlé, il est arrivé que, lorsque je demande à M.

5 Milosevic, il dise que cela ne faisait pas vraiment partir de l'accord

6 qu'il avait passé avec M. Holbrooke. Donc je n'ai jamais pu vraiment

7 vérifier ce qu'il disait et qui allait en ce sens.

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, une chose: nous

9 disposons de l'accord de l'OSCE, n'est-ce pas? Cette pièce fait partie du

10 dossier?

11 M. Ryneveld (interprétation): Tout à fait.

12 M. le Président (interprétation): Vous pourriez peut-être m'en rappeler la

13 cote. Je sais que nous avons également l'accord Milosevic/Holbrooke

14 d'octobre 1998.

15 M. Ryneveld (interprétation): Il y a effectivement ce document, Monsieur

16 le Président. Nous allons essayer de le retrouver. Le document qui nous

17 intéresse est celui qui a été signé par, entre autres, M. Geremek.

18 M. le Président (interprétation): Le Juge Kwon m'indique qu'il s'agit de

19 l'intercalaire 94. C'est l'accord Milosevic, semble-t-il.

20 M. Ryneveld (interprétation): Je crois que cela se trouve dans le classeur

21 de documents qui contient notamment la pièce 94; ces éléments ont été

22 versés par le biais de la déposition du général Drewienkiewicz.

23 Je ne sais pas quel est exactement le numéro de l'intercalaire.

24 M. le Président (interprétation): On dirait que c'est l'intercalaire 2,

25 d'après les éléments que j'ai sous les yeux. Et puis, l'autre document se

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1 trouve sous l'intercalaire 1.

2 M. Ryneveld (interprétation): Oui, effectivement, ces documents se

3 trouvent au tout début du classeur.

4 Excellence, quelques questions rapidement.

5 Nous savons que l'OSCE était constitué de 54 Etats membres. Vous nous avez

6 dit d'autres choses encore, mais ce qui m'intéresse, c'est ceci: quelles

7 sont les questions que l'OSCE a tenté de régler au cours de son mandat?

8 Quelles sont les garanties qu'elle a essayé d'obtenir et eu égard à quel

9 type de problèmes?

10 M. Vollebaek (interprétation): Eh bien, l'OSCE a pris la suite de la

11 Conférence de la CSCE, la Conférence sur la sécurité et coopération en

12 Europe. La Conférence a, en fait, abouti sur la constitution d'un organe

13 permanent: l'OSCE. C'est ainsi que les choses se sont passées. La

14 Conférence s'appuyait sur le traité d'Helsinki de 1975, qui avait été mis

15 sur pied pendant la guerre froide. C'était une organisation qui essayait

16 de faire du désarmement une réalité, qui essayait d'assurer le respect des

17 Droits de l'homme, qui essayait de maintenir les efforts visant à

18 instaurer la démocratie.

19 Donc il y avait tout un ensemble d'activités qui étaient menées et qui

20 visaient à trouver une transition pacifique qui permettrait de passer des

21 systèmes totalitaires, qui prévalaient en Europe orientale et centrale, à

22 une situation de démocratie pour l'ensemble de l'Europe. Je le répète, il

23 y avait surtout un accent mis sur la nécessité de procéder au désarmement.

24 Question: En 1999, pendant votre présidence au sein de l'OSCE, est-ce que

25 vous avez eu des discussions avec M. Milosevic qui portaient sur le rôle

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1 que l'OSCE pouvait jouer au sein du conflit du Kosovo? Si vous avez évoqué

2 cette question, quelle a été la réaction de M. Milosevic?

3 Réponse: Vous dites en 1999, tandis que j'étais président?

4 Question: Oui.

5 Réponse: Eh bien, j'ai eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs

6 reprises. Je crois l'avoir rencontré à trois reprises; par ailleurs, j'ai

7 eu des entretiens téléphoniques avec lui.

8 Etant donné que le Kosovo était, d'après moi, la région sur laquelle nous

9 devions nous concentrer le plus -nous avions, bien sûr, d'autres choses

10 dont il fallait que nous occupions, mais il me semblait que le Kosovo

11 était la question la plus brûlante-, il me semblait donc, en tant que

12 président de l'OSCE, qu'il fallait que je me concentre sur le Kosovo et

13 sur le règlement pacifique de la question. C'est pour cette raison que je

14 me suis décidé à me rendre à Belgrade assez rapidement.

15 Je crois que la première fois que j'ai rencontré le Président Milosevic,

16 c'était le 11 janvier 1999. A cette occasion, nous avons abordé la

17 question des diverses activités que nous voulions lancer et, à l'époque,

18 si je ne me trompe pas, certains Serbes avaient été enlevés par des

19 Albanais du Kosovo. C'est devenu évidemment une question de toute première

20 importance; il fallait essayer de libérer ces Serbes. En fait, au cours de

21 cette première visite, c'est là-dessus qu'a porté la quasi-totalité de nos

22 entretiens. Nous n'avons pas parlé de ce qui m'amenait moi, au départ.

23 Nous avons constitué la KVM, la Mission de vérification pour le Kosovo. Je

24 pense qu'un certain nombre de témoins sont déjà venus vous parler de cette

25 structure.

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1 La réunion suivante a eu lieu le 21 janvier, je pense. En cette occasion,

2 nous avons discuté de l'expulsion de l'ambassadeur Walker. Comme vous le

3 savez, l'ambassadeur Walker était le responsable de la KVM. Le Président

4 Milosevic et son gouvernement avaient décidé de déclarer que l'ambassadeur

5 Walker était persona non grata, ce qui était bien sûr inacceptable.

6 D'après moi, c'était une violation de l'accord que nous avions passé avec

7 le gouvernement et j'ai essayé d'empêcher cette expulsion. D'ailleurs,

8 l'ambassadeur Walker n'a pas été expulsé.

9 Et la dernière réunion que j'ai eue avec le Président Milosevic a eu lieu

10 le 1er mars; encore une fois, si je ne me trompe pas. A cette époque, les

11 discussions de Rambouillet étaient en cours. Il y a eu une suspension des

12 discussions; je me suis rendu à Belgrade pour essayer de voir si je

13 pouvais convaincre M. Milosevic et son gouvernement de reprendre les

14 négociations et les discussions. Nous souhaitions que ces négociations

15 soient reprises et aboutissent.

16 Question: Nous allons revenir sur certaines des réunions que vous n'avez

17 fait qu'évoquer. Nous allons essayer d'entrer un peu dans le détail de ce

18 qui s'y est dit. Mais, avant de le faire, je voudrais revenir un tout

19 petit peu en arrière, si vous me le permettez. Est-ce que vous avez eu des

20 réunions avec M. Milosevic pendant l'année 1998, donc avant de prendre la

21 présidence de l'OSCE?

22 Réponse: Oui, je crois que la première réunion que j'ai eue avec lui en

23 tant que ministre des Affaires étrangères de Norvège a eu lieu en avril

24 1998. Et à l'époque, je savais que j'allais occuper la présidence de

25 l'OSCE pendant l'année qui suivrait.

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1 Nous avons donc débattu évidemment du rôle du président de l'OSCE, de ce

2 que cela impliquait, et puis nous avons abordé les questions qui sont

3 habituellement abordées lorsqu'il y a entretien entre un ministre des

4 Affaires étrangères et un président. Bien sûr, nous avons parlé de la

5 situation très grave qui prévalait au Kosovo et, de façon plus large, dans

6 les Balkans.

7 Question: Est-ce que je peux vous demander quelles étaient les vues de M.

8 Milosevic quant au rôle que devait jouer la KVM? Est-ce que, au départ, il

9 était prêt à ce que cette entité fasse son entrée sur le territoire du

10 Kosovo?

11 Réponse: D'après ce que j'ai compris, il n'a jamais aimé, si vous voulez,

12 la KVM. Je crois qu'il était contre toute présence internationale au

13 Kosovo, quelque forme qu'elle prenne. La Mission de vérification du Kosovo

14 devait être un groupe de taille relativement importante, en tout cas de

15 taille plus importante que l'entité qui était là précédemment, la KDOM.

16 Moi, je ne savais pas exactement quel était le mandat de la KDOM, mais

17 enfin, quoi qu'il en soit, la KVM n'était pas une entité armée, c'était

18 une entité civile, et l'objectif était qu'elle soit constituée d'environ

19 2.000 personnes, afin que la présence sur place soit plus importante.

20 J'avais l'impression qu'il n'était pas très heureux de voir cette entité

21 faire son entrée sur le territoire du Kosovo, mais tout de même cela a été

22 accepté. Et lors de la première réunion que j'ai eue avec lui, en tant que

23 Président de l'OSCE, le 11 janvier, il a accepté, l'accord a été signé

24 entre Son Excellence Geremek et le ministre des Affaires étrangères de

25 Yougoslavie.

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1 Question: Très bien. Nous allons revenir dans le détail sur ces réunions

2 dans quelque moment, mais je voudrais vous demander maintenant de vous

3 remémorer l'ensemble des réunions que vous avez eues avec le Président

4 Milosevic.

5 Est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges quelle a été votre impression

6 quant à l'autorité dont il était revêtu, ou bien est-ce qu'au contraire

7 vous aviez l'impression qu'il n'avait pas beaucoup d'autorité?

8 Réponse: Je crois, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, que M.

9 Milosevic avait beaucoup d'autorité, et il faisait vraiment sentir sa

10 présence où qu'il se trouve. Moi, j'ai vraiment eu l'impression que

11 c'était lui qui avait le contrôle de la situation, c'était lui qui était à

12 la tête de tout ce qui était fait.

13 Question: Et au cours de ces réunions, est-ce que d'autres personnes

14 d'autorité étaient présentes: des représentants officiels, des ministres?

15 Réponse: Oui, ils étaient présents à toutes les réunions, hormis la

16 réunion à laquelle vous avez fait référence, qui a été organisée en 1993.

17 Mais je n'ai jamais eu de rencontre avec lui, seul à seul; il y avait

18 toujours avec moi des membres de mon équipe et, de son côté, lui était

19 accompagné d'un certain nombre de ses représentants officiels, de ses

20 dirigeants militaires entre autres.

21 Question: Lorsque vous le rencontriez, lui et ses ministres, est-ce que

22 vous arriviez à comprendre qui prenait la décision en dernière instance?

23 Est-ce que c'étaient les ministres qui prenaient la décision? Est-ce que

24 c'était Milosevic qui prenait la décision en dernière instance? Qui

25 tranchait la question?

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1 Réponse: Encore une fois, Monsieur le Président, je ne peux parler que de

2 ce que j'ai pu voir et entendre. Moi, jamais je n'ai pris part aux

3 discussions internes qui pouvaient avoir lieu au sein du gouvernement

4 yougoslave. Comme je l'ai déjà dit, dans le cadre de toutes les réunions

5 que j'ai eues avec lui et avec d'autres personnes, c'était lui qui prenait

6 la parole, c'était lui qui tirait les conclusions qui lui semblaient

7 s'imposer.

8 Et dans certaines des réunions qui ont été organisées, notamment au Kosovo

9 avec Andjelkovic -je ne rappelle plus exactement son nom mais c'était le

10 représentant de Milosevic au Kosovo-, il n'y avait aucun doute quant au

11 fait que tout était transmis à Belgrade. Rien ne pouvait être décidé sans

12 le feu vert et la confirmation de Belgrade. Et lorsque nous parlions ou

13 lorsque la partie adverse parlait de Belgrade, moi j'avais toujours

14 l'impression que nous parlions tous de M. Milosevic.

15 Question: Excellence, vous avez fait allusion, il y a quelques instants, à

16 la première de toute une série de réunions que vous avez eues. Peut-être

17 pourrions-nous tout d'abord parler de la réunion qui a eu lieu au mois de

18 janvier 1999? Je pense que vous avez parlé du 11 janvier.

19 Réponse: Oui.

20 Question: Le thème de la réunion du 11 janvier 1999, je crois que vous

21 avez dit qu'il s'agissait de soldats de la VJ?

22 Réponse: Oui, tout à fait. Normalement, il se serait agi d'une réunion

23 ordinaire visant à préparer nos travaux, mais immédiatement avant mon

24 arrivée quelques soldats de la VJ avaient été enlevés par des Albanais du

25 Kosovo. Cela a provoqué un tollé à Belgrade et c'est la question qui a été

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1 évoquée.

2 On nous a demandé -peut-être qu'on a fait plus que demander-, on a exigé

3 de nous qu'on obtienne leur remise en liberté. Nous avions donc eu de

4 nombreuses activités consacrées à cela, les faire libérer. Nous avons

5 réussi à les faire libérer. C'est donc devenu une des questions

6 principales de la réunion, outre les discussions ordinaires pour savoir

7 quel était le rôle de la KVM au Kosovo.

8 Question: Est-ce que je vous ai bien compris? Vous nous dites que votre

9 organisation a participé à aider l'échange des prisonniers, des soldats de

10 la VJ donc, et ce, avec succès?

11 Réponse: Oui, c'est ce que je crois, nous y avons contribué.

12 Question: Avez-vous eu d'autres conversations après le 15 janvier, après

13 Racak, avec M. Milosevic?

14 Réponse: Lorsque le massacre de Racak a eu lieu, bien entendu il

15 s'agissait là d'un incident très grave que nous avions pris avec le plus

16 grand sérieux, et sur la base de ce que M. Milosevic estimait comme étant

17 une réaction inappropriée de la part de M. Walker, il a décidé ou le

18 gouvernement a décidé de déclarer M. Walker persona non gratta et de

19 l'expulser.

20 Dans la situation qui régnait, je savais que toute la mission de la KVM

21 s'effondrerait. On ne peut pas expulser ainsi le chef de la mission sans

22 que la mission ne s'effondre. Et pour cette raison, je me suis tout de

23 suite entretenu avec le ministre des Affaires étrangères, Jovanovic, pour

24 en discuter; j'ai demandé à pouvoir m'entretenir avec le Président

25 Milosevic, et je crois que notre réunion a eu lieu le 21 janvier.

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1 Mon objectif était d'obtenir que la décision soit modifiée. Cela me

2 paraissait une décision inacceptable en violation de l'accord que nous

3 avions où il est écrit très clairement que c'est à moi qu'il appartient en

4 tant que président en exercice de l'OSCE de nommer ou de limoger le chef

5 de la KVM.

6 Donc, ce n'est pas, cela ne relève pas de la compétence des autorités du

7 pays où la mission se trouve.

8 Question: Vous aviez donc nommé l'ambassadeur Walker en tant que chef de

9 la KVM?

10 Réponse: C'était en fait Son Excellence l'ambassadeur Geremek, qui était à

11 l'époque Président en exercice. C'est donc au Président en exercice qu'il

12 appartenait de nommer cette personne, conformément à l'accord signé entre

13 Jovanovic et Geremek, et il appartenait aussi au Président en exercice de

14 limoger le chef de la KVM, si nécessaire.

15 Question: Vous estimiez donc que cela relevait de votre mandat et ne

16 relevait pas des compétences du pays qui était sous observation pour ainsi

17 dire?

18 Réponse: Oui, tout à fait. Et je ne crois pas que c'était uniquement mon

19 point de vue, cela découlait de l'accord.

20 Question: Très bien. Y a-t-il eu d'autres discussions avec l'accusé

21 concernant M. Walker?

22 Réponse: Oui, toute une série de discussions concernant M. Walker.

23 Monsieur Milosevic ne l'aimait pas du tout, si j'ai bien compris, et il

24 estimait que sa réaction suite au massacre de Racak était tout à fait

25 déplacée. Ses remarques, selon M. Milosevic, ne pouvaient pas se concilier

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1 avec ses fonctions, la position qu'il occupait, raison pour laquelle il

2 souhaitait le voir expulser.

3 Si je me souviens bien, il m'a proposé que nous pourrions avoir un

4 Norvégien en tant que chef de la KVM. Et je lui ai dit que cela ne lui

5 appartenait pas de désigner le chef de la KVM. Donc, nous avons eu une

6 longue discussion ce jour là, je crois même jusqu'aux petites heures de la

7 matinée, concernant la KVM et l'ambassadeur Walker.

8 Question: Excellence, je vais faire une petite pause avant de vous poser

9 une autre question une fois que vous aurez répondu, pour les interprètes,

10 parce que nous nous exprimons tous deux dans la même langue et nous

11 n'accordons pas suffisamment de temps aux interprètes. Donc je vais

12 essayer d'observer une pause.

13 Réponse: Pardonnez-moi.

14 Question: Non, c'est de ma faute.

15 Excellence, est-ce que vous avez finalement réglé ce conflit apparent

16 concernant l'ambassadeur Walker?

17 Réponse: Oui, en ce sens qu'il a été décidé, selon M. Milosevic, par le

18 Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie de geler, pour ainsi

19 dire, l'expulsion. Nous avons eu une longue discussion concernant les

20 termes à utiliser, les conditions qui étaient posées et je ne pouvais pas

21 accepter de telles conditions car j'estimais que M. Milosevic n'avait pas

22 le droit d'imposer de telles conversations. Et à la fin de notre

23 discussion, il a proposé ou il a accepté qu'il y ait…, que cette expulsion

24 soit gelée pour ainsi dire, sans condition.

25 Et, si j'ai bien compris, cette proposition a été transmise au

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1 Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie. J'ai moi-même dû

2 consulter les autres membres de la troïka, de l'OSCE, ainsi que les

3 membres du groupe de contact pour savoir si cela leur était acceptable.

4 Cela était acceptable de mon côté, et j'ai ensuite été rappelé au

5 ministère des Affaires étrangères à Belgrade où le ministre des Affaires

6 étrangères m'a dit que le Gouvernement avait accepté ce gèle de

7 l'expulsion.

8 Question: En conséquence?

9 Réponse: En conséquence, l'ambassadeur Walker a pu continuer à assumer ses

10 fonctions de chef de la KVM jusqu'au retrait de cette Mission.

11 Question: Au cours de ces négociations, y a-t-il eu des discussions

12 concernant des enquêtes indépendantes médico-légales sur les cadavres

13 trouvés à Racak?

14 Réponse: Oui. C'est une question qui, je crois, a principalement été

15 soulevée par la KVM elle-même, parce qu'il était de leur compétence et de

16 leur devoir d'enquêter sur ces incidents sur le terrain. Si je me souviens

17 bien, M. Milosevic a refusé. Je pense qu'ils ont demandé à certains

18 médecins légistes serbes, sur place, d'enquêter en premier lieu. Puis,

19 pour donner à cela une portée plus internationale, si je me souviens bien,

20 il a fait appel à un groupe venant de Biélorussie. Mais nous avons insisté

21 pour qu'il y ait une personne de l'OSCE qui soit acceptée et que nous

22 aurions choisie. Nous en avons longuement discuté et, à la fin, un groupe

23 finlandais dirigé, si je me souviens bien, par le Dr Ranta, a été autorisé

24 à se rendre sur place.

25 Mais encore une fois, si je me souviens bien, cela s'est passé près d'une

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1 semaine après le massacre, donc assez tard. Ils s'en sont plaints. Ils ont

2 dit: "Evidemment, les corps avaient été déplacés et d'autres choses

3 s'étaient passés"; donc ils ont beaucoup critiqué le fait qu'ils n'avaient

4 pas eu le droit d'y arriver plus tôt.

5 Question: Mais le résultat de la négociation, c'est qu'une équipe

6 finlandaise s'est vue accorder le droit d'aller sur place et de participer

7 à l'enquête médico-légale, même s'ils se sont plaint que cela était

8 beaucoup trop tard?

9 Réponse: C'est exact.

10 Question: Très bien. Maintenant, j'aimerais vous poser une question que

11 j'ai oubliée de vous poser tout à l'heure. Vous avez parlé d'une réunion

12 ou d'un entretien avec une personne, je crois que vous avez évoqué le nom

13 d'Andjelkovic, s'agissait-il de Zoran Andjelkovic?

14 Réponse: Oui. Je ne me souviens pas tout à fait, je ne peux pas vous

15 confirmer son prénom. Mais il me semble qu'il était le représentant local

16 du Gouvernement fédéral ou du Gouvernement de Belgrade à Pristina. Donc

17 c'était mon interlocuteur principal, c'est lui qui m'accueillait en

18 quelque sorte quand je me rendais à Pristina. J'ai eu des entretiens avec

19 lui en tant que représentant, mais il agissait aussi à titre de Président

20 du conseil. Il avait un conseil, un organe élu avec un certain nombre de

21 représentants. Donc, si j'ai bien compris, il avait été nommé par Belgrade

22 en tant que gouverneur -disons par intérim- du Kosovo.

23 Question: Et est-ce ce même homme dont vous nous avez dit que, de temps en

24 temps, il disait qu'il devait s'assurer de quelque chose à Belgrade ou

25 vérifier quelque chose à Belgrade?

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1 Réponse: Oui, c'est exact.

2 Question: Et par cela, vous avez compris qu'il faisait allusion à

3 Milosevic?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Je suis au paragraphe 12, Monsieur le Président, Messieurs les

6 Juges.

7 Quand vous vous êtes entretenu avec l'accusé, vous nous avez dit qu'à

8 l'exception d'une réunion en 1993, je crois, il était toujours entouré

9 d'autres personnes?

10 Réponse: Oui.

11 Question: Et, outre les personnes que vous avez déjà mentionnées, y avait-

12 il des militaires, des généraux ou d'autres personnes de ce type présents

13 lors de vos réunions?

14 Réponse: Oui, je crois qu'il y avait des généraux ou des militaires à

15 toutes les réunions. J'ai dit que j'ai eu trois entretiens avec lui avant

16 1999, avant le conflit au Kosovo et le début des bombardements. Et, si je

17 me souviens bien, il y avait des militaires présents lors de ces trois

18 réunions.

19 Question: Vous nous avez dit plus tôt qu'il vous semblait que c'était

20 l'accusé qui prenait les décisions. C'est du moins l'impression que vous

21 aviez eue. Est-ce que cela concernait aussi les discussions sur des

22 questions où les militaires étaient présents?

23 Réponse: Certainement.

24 Question: Est-ce que ces discussions portaient parfois sur des sujets, des

25 questions militaires?

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1 Réponse: Oui, dans la mesure où nous parlions de la présence militaire au

2 Kosovo: nous parlions de ce que nous considérions comme des attaques ou,

3 comment dire, des activités entreprises contre la KVM par les militaires,

4 qui nous semblaient inacceptables. Il y avait aussi des activités tout au

5 long de la frontière avec la Macédoine. Je ne me souviens pas de chaque

6 question particulière, mais des questions militaires et des activités

7 militaires ont certainement été débattues.

8 Question: Connaissez-vous Milan Milutinovic?

9 Réponse: Je ne peux pas dire que je le connaisse, mais je l'ai rencontré

10 en présence de M. Milosevic.

11 Question: Etait-il présent lors de l'une ou l'autre de ces réunions?

12 Réponse: Si je me souviens bien, il était présent à toutes ces réunions,

13 mais je pourrais me tromper. Il était en tout cas présent lors de

14 certaines de ces réunions.

15 Question: Et d'après vous, quel était son rôle quand vous l'avez

16 rencontré? Quel était son titre?

17 Réponse: A l'époque, il était Président de la République serbe.

18 Question: Dans le cadre de vos réunions, si j'ai bien compris, vous avez

19 parlé du rôle des observateurs internationaux au Kosovo. Est-ce bien

20 exact?

21 Réponse: Oui. En effet, la tâche principale de l'OSCE, à l'époque, était

22 la Mission de vérification pour le Kosovo. Conformément à l'accord que

23 nous avions avec le Gouvernement de la Yougoslavie, nous exigions, enfin

24 nous visions un accord qui instaurerait la paix et nous souhaitions rendre

25 possible le retour des réfugiés qui avaient quitté le Kosovo. Donc les

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1 questions qui nous préoccupaient étaient comment faciliter ce retour,

2 comment initier des négociations entre le Gouvernement de Belgrade et les

3 Albanais du Kosovo. Voilà les questions principales qui nous préoccupaient

4 lors de ces entretiens.

5 Question: Lors de vos négociations ou discussions, est-ce qu'à l'un ou

6 l'autre moment, on a parlé d'une présence militaire internationale?

7 Réponse: Oui, notamment lors de notre entretien du 1er mars. Parce que,

8 lorsque nous avons vu que la situation ne s'améliorait pas, mais plutôt

9 empirait au Kosovo -comme je l'ai dit, la KVM était un groupe

10 d'observateurs sans moyens militaires et nous nous rendions bien compte

11 que nous ne pouvions pas mener à bien notre mandat, le mandat qui nous

12 avait été confié- donc la seule manière dont nous pensions pouvoir mener à

13 bien notre tâche, c'était grâce à une présence militaire. Cela a également

14 fait l'objet des négociations de Rambouillet et de la proposition faite à

15 Rambouillet. Donc j'ai demandé à Milosevic, j'ai insisté auprès de lui

16 pour qu'il accepte une telle présence militaire.

17 Question: Comment cette proposition a-t-elle été accueillie?

18 Réponse: Eh bien, l'accueil n'était pas favorable. Monsieur Milosevic

19 était très fâché pour plusieurs raisons; il a dit sans ambiguïté que le

20 Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie et il a dit qu'il était tout

21 à fait inédit de voir des troupes internationales, des forces militaires

22 sur le territoire d'un Etat souverain.

23 Par ailleurs, puisque la Yougoslavie avait été suspendue en tant que

24 membre de l'OSCE, il ne voyait pas pourquoi l'OSCE aurait le droit

25 d'imposer quoi que ce soit. Il a, en fait, comparé une telle présence

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1 militaire à l'invasion soviétique de Prague, parce que, comme je l'ai dit,

2 il était très fâché et refusait ma proposition; il nous a dit que la

3 Yougoslavie avait résisté à Staline, à Brejnev et que la Yougoslavie en

4 ferait de même et s'opposerait à M. Vollebaek.

5 Donc voilà, j'ai bénéficié de cette comparaison très flatteuse. J'ai

6 essayé de lui dire qu'il ne s'agissait pas là d'une invitation; il était

7 encore Président, enfin, en l'occurrence, il y aurait une invitation; tout

8 cela ne pouvait pas se comparer à Staline ou à ce que l'Union soviétique

9 avait fait à Prague en 1968; mais c'est ainsi qu'il ressentait les choses.

10 Question: Est-ce que vous vous voudriez bien expliquer à la Chambre ce que

11 vous entendiez tout à l'heure quand vous avez dit que l'une des raisons

12 pour lesquelles vous souhaitiez une présence militaire internationale,

13 c'est parce que l'OSCE n'arrivait pas à mener son mandat? Quels problèmes

14 avez-vous eu vis-à-vis des civils?

15 Réponse: Eh bien, comme je l'ai dit, je me suis rendu au Kosovo trois fois

16 avant le début de la guerre et je crois, lors de ma deuxième visite, j'ai

17 vu qu'il y avait une grande confiance au sein de la population du Kosovo,

18 confiance vis-à-vis de la KVM. Ils s'étaient rendu compte que leur

19 situation s'était améliorée, qu'il y avait beaucoup plus de sécurité;

20 certains villageois avaient pu rentrer dans leurs villages.

21 J'ai moi-même visité les deux postes servis par le personnel militaire

22 yougoslave et le personnel de l'UCK; j'ai pu constater que nous jouions un

23 rôle de médiateur, une sorte de rôle de tampon. L'atmosphère était plutôt

24 optimiste, je dirais. C'était fin janvier 1999. Les observateurs de la KVM

25 avaient le moral au beau fixe et sentaient qu'ils jouaient leur rôle de

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1 façon efficace.

2 Mais quand je suis revenu début mars, la situation avait changé du tout au

3 tout, en raison d'un certain nombre d'incidents. Il y avait une présence

4 militaire yougoslave accrue, en violation de notre accord. Les gens

5 avaient commencé à fuir une fois de plus, à quitter leurs maisons. Les

6 membres de la KVM ont essuyé des attaques. La population locale avait

7 l'impression que nous ne pouvions plus les aider, ils avaient perdu toute

8 confiance en nous.

9 En raison de toutes ces circonstances, nous ne pouvions plus nous

10 acquitter de notre mandat. Nous ne pouvions plus lancer les négociations

11 ni faciliter le retour des réfugiés. En fait, il y avait de plus en plus

12 de personnes qui s'en allaient. Donc il m'est devenu tout à fait évident

13 qu'afin de pouvoir mener à bien notre mandat, notamment en ce qui concerne

14 la volonté de restaurer la démocratie et la liberté de la presse, toutes

15 les autres activités que nous étions censés entreprendre, que nous ne

16 pourrions pas y arriver sans une présence militaire qui pourrait en fait

17 séparer les factions militaires. Parce que, comme on le sait bien, il y

18 avait l'UCK, d'une part, qui avait aussi des activités militaires et puis

19 les activités militaires yougoslaves. La population locale était piégée

20 entre eux deux. Il était impossible pour nous de faire quoi que ce soit

21 puisque nous n'étions pas armés.

22 Question: Très bien. Maintenant, dans le cours de vos entretiens, est-ce

23 que l'accusé vous a parlé de la composition ethnique potentielle de la

24 population du Kosovo ou des groupes qui pourraient continuer à vivre à

25 Kosovo?

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1 Réponse: Oui, il a toujours parlé d'un Kosovo, d'une province

2 multi-ethnique. Et, en fait, il nous m'a accusé, il nous a accusés d'être

3 trop pro-albanais, de ne pas tenir suffisamment compte des intérêts de la

4 population serbe, des Roms, des autres groupes se trouvant également au

5 Kosovo. Donc il croyait fermement et il était engagé à instaurer une

6 province multi-ethnique au Kosovo.

7 Eh bien, je lui ai dit que nous étions également concernés par le sort des

8 autres groupes. J'ai rencontré, à de nombreuses reprises, des

9 représentants des opérations serbes; par exemple, les représentants des

10 Serbes au Kosovo; nous discutions de la situation. J'ai donné comme

11 instruction très claire à la KVM d'enquêter sur les incidents où la

12 population serbe et les Roms avaient été attaqués par les Albanais du

13 Kosovo.

14 Question: En discutant de ces groupes ethniques, est-ce qu'on a fait état

15 de certaines conditions imposées aux habitants du Kosovo pour ce qui est

16 des individus majoritaires, de la majorité, et du respect des décisions

17 prises par la majorité?

18 Réponse: Est-ce que vous pourriez expliciter quelque peu la question?

19 Question: Je vais reformuler: est-ce que vous avez pu déterminer qui

20 formait, d'après l'accusé, le groupe ethnique majoritaire au Kosovo?

21 Réponse: Je ne suis pas absolument certain que nous ayons discuté de la

22 majorité en tant que telle. Il était convaincu que les Albanais devaient

23 respecter l'autorité serbe, pour ainsi dire; bien entendu, il considérait

24 le Kosovo comme faisant partie intégrante de la Serbie. Et il a refusé…

25 enfin, peut-être pas refusé, mais il ne voulait pas envisager une grande

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1 autonomie.

2 Nous étions en train de considérer un certain nombre de modèles d'après

3 lesquels le Kosovo aurait plus d'autonomie, des références à des

4 constitutions antérieures et d'autres choses de ce type. Mais il ne

5 cessait d'affirmer que le Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie,

6 en dépit du fait qu'à un moment donné, il semblait pouvoir accepter la

7 langue albanaise peut-être et certaines références culturelles. Mais le

8 Kosovo faisait partie de la Serbie et, en tant que telle, devait accepter

9 l'autorité serbe d'un point de vue général.

10 Question: Très bien. Et dans le cours de vos entretiens, est-ce que vous

11 avez évoqué avec l'accusé les atrocités alléguées dont vos observateurs,

12 enfin que vos observateurs vous avaient décrites? Est-ce que vous en avez

13 discuté avec M. Milosevic?

14 Réponse: Tout à fait. Lors de chaque entretien, nous évoquions ce type de

15 questions. Notamment, le 21 janvier; le massacre de Racak était un

16 incident d'une très grande importance et l'OSCE avait fait une déclaration

17 à ce sujet -je crois, le 16 janvier-, une condamnation sans ambiguïté de

18 ce massacre. Nous avons réclamé une enquête et, étant donné qu'à la suite

19 de ce massacre, l'ambassadeur Walker avait été expulsé, eh bien, le

20 massacre était une des questions qui étaient très importantes à l'ordre du

21 jour.

22 Question: Excellence, je ne veux pas parcourir toute une série de

23 documents qui ont déjà été versés au dossier, à l'intercalaire 94, mais

24 est-ce que vous saviez que l'OSCE fournissait des rapports quotidiens

25 concernant leurs observations et concernant les incidents dont ils avaient

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1 été témoins?

2 Réponse: Oui, certainement. Je sais qu'ils faisaient des rapports

3 quotidiens ou du moins des rapports -je crois qu'ils étaient quotidiens-

4 qui étaient, je pense, transmis ensuite à Vienne, au siège sur ce qui sur

5 se passait et aussi concernant le massacre de Racak.

6 Question: Oui, alors je vais continuer. Vous avez fait référence à trois

7 rencontres que vous avez eues avec M. Milosevic: le 11 janvier, le 21

8 janvier et le 1er mars. Donc nous en avons déjà parlé.

9 Je vais maintenant revenir sur la journée du 24 mars, si vous le voulez

10 bien. Avez-vous eu une conversation téléphonique avec l'accusé ce jour-là?

11 Réponse: Oui, je l'ai eue effectivement. A ce moment-là, ce qu'on appelait

12 -si je ne me trompe pas- "les pourparlers de Paris" s'étaient interrompus

13 et il devenait de plus en plus clair que nous nous dirigions vers un

14 conflit armé. Et j'ai eu le sentiment très ferme, en tant que Président de

15 l'OSCE, qu'il était de mon devoir de faire tout ce que je pouvais pour

16 éviter un tel conflit. J'ai donc parlé avec le secrétaire général Solana

17 qui dirigeait, à l'époque, l'OTAN, à qui j'ai dit que j'aimerais faire une

18 nouvelle tentative pour m'efforcer de convaincre M. Milosevic de

19 poursuivre les pourparlers et autoriser une présence militaire, de façon à

20 éviter le conflit militaire dont nous savions bien qu'il était imminent.

21 Je ne savais pas -je le rappelle au passage- que les bombardements

22 allaient commencer ce soir là. Je n'en savais rien à ce moment-là, mais je

23 savais que ce conflit devenait de plus en plus imminent. J'ai donc eu une

24 conversation téléphonique avec lui -je parle de M. Milosevic- tard dans la

25 matinée ou même tôt dans l'après-midi. Si je me souviens bien, j'ai essayé

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1 de lui expliquer la gravité de la situation et de lui dire que j'étais

2 disponible si je pouvais faire quelque chose.

3 Bien sûr il n'a pas partagé mon point de vue. Il n'était pas d'accord avec

4 ma proposition. Je lui ai expliqué que la situation allait se dégrader à

5 un tel point qu'il deviendrait difficile pour nous de rechercher une

6 solution. Comme vous le savez sans doute, la KVM s'était déjà retirée

7 quelques jours auparavant, suite à la rupture des négociations et aux

8 problèmes de sécurité qui devenaient de plus en plus préoccupant pour les

9 membres de la KVM, et en raison également de l'impossibilité pour la KVM

10 de remplir le mandat qui était le sien, comme je l'ai déjà dit.

11 Nous avons d'ailleurs vu grandir le nombre de militaires présents au

12 Kosovo. Un exode y avait déjà eu lieu. Un grand nombre de personne avait

13 traversé la frontière entre le Kosovo et l'Albanie d'une part, la

14 Macédoine d'autre part. Nous disposions de rapport du HCR et du CICR après

15 le départ de la KVM qui traitaient donc de cette même dégradation de la

16 situation.

17 Question: Donc, c'est vous qui avez été à l'origine du coup de fil?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Peut-être pourriez-vous, au mieux de vos souvenirs, nous dire en

20 gros de quoi vous avez parlé avec M. Milosevic ce jour-là? Vous nous avez

21 dit ou plutôt, lui avez-vous parlé du fait que vous avez vu croître le

22 nombre de militaires présents sur place?

23 Réponse: En effet. Je l'avais rencontré déjà au mois de mars, le 1er mars,

24 et, comme je l'ai déjà dit, le climat de notre rencontre le 1er mars était

25 différent de celui qui régnait à la fin du mois de janvier.

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1 A ce moment-là, j'avais vu des gens qui quittaient la région et les

2 membres de la KVM qui voyageaient avec moi m'avaient fait part de leur

3 très grande préoccupation par rapport à tout cela. Donc la présence

4 militaire était très visible et manifestement bien supérieure à ce que

5 nous avions pu constater par le passé.

6 Nous avons également vu des incendies, du feu. Je ne pouvais pas savoir

7 exactement à quoi correspondait ce feu quand je l'ai vu, mais plus tard

8 nous avons obtenu confirmation, entre autres des membres du CICR, donc

9 confirmation du fait qu'avant le départ de la KVM des maisons avaient été

10 incendiées.

11 Question: Très bien. Peut-être pourriez-vous nous parler d'un point à la

12 fois. S'agissant de l'augmentation du nombre de militaires sur place,

13 etc., est-ce que vous avez protesté à ce sujet auprès de M. Milosevic?

14 Réponse: Oui, je l'ai fait. J'ai dit qu'il s'agissait d'une violation de

15 l'accord. Ce à quoi M. Milosevic a répondu que ces militaires étaient là

16 pour me protéger, ce que je ne jugeais pas nécessaire pour dire le moins.

17 Question: Monsieur, vous avez parlé des rapports qui…, selon lesquels, des

18 gens fuyaient la région en emportant ce qu'ils pouvaient emporter avec

19 eux. Avez-vous obtenu des rapports au sujet du sort qui était le leur, là

20 où ils se rassemblaient?

21 Réponse: Oui. Nous étions en contact bien sûr, tant avec la KVM qui

22 suivait ces personnes et qui voyait ce qui leur arrivait qu'avec d'autres,

23 mais nous étions aussi en contact avec le Gouvernement de Macédoine, car

24 la situation était grave à Macédoine compte tenu du grand nombre de

25 nouveau arrivant dans ce pays. Et la même chose pour l'Albanie. Mais, le

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1 problème semblait encore plus important au niveau de la frontière

2 macédonienne.

3 Là encore, lorsque j'ai confronté M. Milosevic à cela, il a répondu qu'ils

4 ne faisaient que pique-niquer, donc que je n'avais pas à m'inquiéter,

5 c'étaient des gens qui étaient simplement en excursion, qui pique-

6 niquaient. Je pense avoir dit qu'il était étonnant de voir un pique-nique

7 avec des gens qui sont sur une remorque de tracteurs et qui ont emporté

8 tous leurs biens avec eux. Je crois que c'est… mais c'est tout de même la

9 réponse que j'ai obtenue.

10 Et, s'agissant des maisons incendiées la même chose: il m'a dit que

11 c'était un non-sens de penser que des maisons avaient été incendiées, que

12 c'était simplement de la paille que l'UCK ou les Albanais du Kosovo

13 faisaient brûler afin de prétendre que leurs maisons étaient incendiées.

14 J'ai dit que j'en avais vu certaines de mes yeux, et que j'avais des

15 rapports très crédibles provenant d'observateurs internationaux qui

16 affirmaient que telles choses se passaient, et je lui ai dit que… Lorsque

17 je lui ai dit cela, il m'a répondu que je regardais trop CNN, que j'étais

18 trompé par les émissions de CNN à la télévision. Je lui ai alors rétorqué

19 que j'avais vu ceci de mes yeux à plusieurs occasion, encore une fois, et

20 que j'avais des rapports au sujet d'événements ou d'incidents similaires.

21 Question: Avez-vous commenté la façon dont les gens étaient traités? Lui

22 avez-vous donné un conseil quant à ce qu'il devrait faire?

23 Réponse: Certainement, je lui ai dit comme je l'ai déjà dit ici, qu'il

24 devrait revenir à la table des négociations, qu'il devrait autoriser la

25 présence militaire chez lui afin que les deux groupes militaires puissent

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1 être maintenus séparés et que les réfugiés puissent retourner chez eux. Je

2 lui ai dit qu'il fallait mettre un terme aux violations de l'accord, et

3 qu'il devait arrêter de harceler la population.

4 Je lui ai donc dit tout cela, mais, selon lui, il ne se passait rien de

5 répréhensible. Il était donc difficile de le conseiller parce que, selon

6 lui, c'est moi qui avais tort, et il n'avait aucune raison, en tout cas,

7 son gouvernement n'avait aucune raison de changer d'action ou de

8 comportement par rapport au Kosovo.

9 Question: Avez-vous alors abandonné tout espoir de nouvelles négociations?

10 Réponse: J'avais encore un espoir, s'il acceptait mes demandes, si nous

11 avions pu installer une présence militaire, s'il avait été d'accord pour

12 reprendre les conversations. Je lui ai dit que, puisque j'avais parlé

13 plutôt au Secrétaire général Solana, je savais que nous pouvions arrêter

14 l'action de l'OTAN, et je savais que j'avais le plein soutien de la troïka

15 de l'OSCE et du groupe de contact à ce sujet, mais il a complètement

16 rejeté mes propositions, il m'a rejeté moi-même et a dit que j'avais tort.

17 La seule chose que je pouvais donc dire à la fin de la conversation, c'est

18 que je regrettais que sa vision du monde ou du conflit soit si différente

19 de la mienne et que je ne pouvais rien faire à ce stade, mais que j'étais

20 là, disponible. S'il voulait donc m'appeler à quelque moment que ce soit

21 au cas où il changerait d'avis, il pourrait le faire. Mais il ne l'a pas

22 fait.

23 Question: Vous a-t-il indiqué s'il s'intéressait ou pas à la poursuite de

24 discussion?

25 Réponse: Non, en aucun cas.

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1 Question: Je reviens maintenant sur quelque chose dont vous avez parlé au

2 passage afin d'expliquer une conversation précédente. Vous avez dit

3 quelques mots quant au fait que vous saviez, après le retrait de la KVM,

4 que celui-ci avait eu lieu et pourquoi il avait eu lieu, dans quelles

5 conditions. Pouvez-vous nous dire à peu près quand et comment cela s'est

6 passé?

7 Réponse: Cela s'est passé entre le 19 et le 20, si je me souviens bien, le

8 19 et 20 mars. Je pense que la décision a été prise le 19 mars et que le

9 départ a commencé aux premières heures de la matinée du 20 mars. Comme je

10 l'ai déjà dit, la situation s'était dégradée considérablement s'agissant

11 de la KVM, nous avions le sentiment que la sécurité des observateurs était

12 menacée et, dans le même temps, qu'ils ne pouvaient plus remplir la tâche

13 qui était la leur, c'est-à-dire leur mandat.

14 J'avais subi des pressions moi-même pour que la KVM parte en raison, je

15 pense, pour une bonne part, des menaces qui pesaient sur la sécurité des

16 observateurs. En effet, certains pays estimaient que leurs habitants

17 n'étaient plus suffisamment protégés, et ceci est devenu un problème

18 politique dans certains pays, si je m'en souviens bien. Et aussi le fait

19 que leurs mandats ne pouvaient pas être remplis. Les gens ont commencé à

20 se demander "mais que font-ils là-bas?".

21 Nous avions toujours Srebrenica à l'esprit, et je pense que nous pensions

22 très clairement que nous ne voulions pas une reproduction de cette

23 situation, situation dans laquelle on a, d'une part, la présence

24 internationale qui est là, qui ne peut rien faire et qui regarde des

25 atrocités en train de se commettre. Ça, c'était très présent dans notre

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1 esprit lorsque nous discutions pour voir quelle devait être la voie à

2 suivre en au Kosovo. En même temps, je pensais aussi que la situation pour

3 les civils se dégraderait si nous partions. Je souhaitais que nous

4 puissions rester aussi longtemps que possible parce que nous devions les

5 défendre. J'espérais toujours et je pensais toujours que nous pouvions

6 faire quelque chose.

7 Et aussi longtemps que les négociations de Paris ont continué, j'ai pensé

8 qu'il y avait encore de l'espoir, que nous pourrions convaincre M.

9 Milosevic de changer d'avis ainsi que son gouvernement, et qu'un accord

10 pourrait peut-être se conclure sur la base de notre action. Comme je l'ai

11 déjà dit, je ne voulais pas partir avant d'avoir fait tout ce qui était

12 possible.

13 Mais lorsque les négociations de Paris ont échoué et que des incidents

14 impliquant des membres de la KVM ont eu lieu, qu'ils ont été attaqués par

15 des groupes militaires ou paramilitaires serbes peut-être… enfin, quoi

16 qu'il en soit, nous avions des rapports selon lesquels ils avaient été

17 attaqués ou harcelés -harcelés peut être le mot qui s'applique mieux en

18 anglais-; et moi-même m'étant rendu au Kosovo j'ai vu que la KVM était

19 réellement en danger, car elle ne pouvait pas, et nous non plus, remplir

20 notre mandat.

21 Suite donc à des conversations que j'ai eues avec des membres de la troïka

22 de l'OSCE et des consultations d'autres membres du groupe de contact, si

23 je ne m'abuse, en tout cas de certains des membres les plus importants du

24 groupe de contact, j'ai décidé de partir.

25 J'ai également reçu le conseil de l'ambassadeur Walker, qui dirigeait,

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1 comme vous le savez, la KVM -nous avons déjà parlé de cela- l'ambassadeur

2 Walker aurait sans doute souhaité partir un peu plus tôt, mais lorsque

3 nous avons vu que la sécurité des membres du groupe d'observateurs n'était

4 absolument plus assurée, je ne pouvais pas moi-même rester à Oslo et

5 assumer la responsabilité de maintenir des gens là-bas. C'est donc les

6 raisons pour lesquelles nous avons décidé qu'il fallait partir, et ce

7 retrait a eu lieu le 20 mars.

8 Question: Monsieur, immédiatement après le retrait de la KVM, les 19 et 20

9 mars 1999, avez-vous personnellement assisté à des mouvements de réfugiés

10 quittant massivement le Kosovo?

11 Réponse: C'était un peu plus tard, après le début du bombardement. Je ne

12 me rappelle pas la date exacte, mais cela doit avoir eu lieu au début

13 d'avril. Mais oui, en tout cas, après le début du bombardement.

14 Je me suis rendu en Albanie et en Macédoine, nous avions installé… Enfin,

15 l'OSCE était alors en Macédoine, et nous avions fourni au HCR et à

16 d'autres organisations des équipements, des voitures pour les aider à

17 répondre aux besoins des réfugiés.

18 J'ai rendu visite à quelques camps de réfugiés, et j'ai discuté avec les

19 représentants gouvernementaux de Macédoine quant au traitement à réserver

20 aux réfugiés présents en Macédoine.

21 En Albanie, j'étais là à la frontière lorsque les réfugiés sont arrivés.

22 Et je dois vous dire, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que,

23 jamais dans ma vie, je n'avais vu autant de tracteurs réunis au même

24 endroit que ce matin-là. Il y avait une ligne interminable de tracteurs

25 avec des familles installées à bord, et j'étais bien sûr… Cela a été bien

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1 sûr l'un des moments les plus émouvants de ma vie quand je les ai vus

2 traverser la frontière et rencontrer d'autres personnes qui avaient déjà

3 traversé la frontière quelques heures auparavant.

4 Parce qu'ils étaient arrivés là après des jours et des jours de marche,

5 ils avaient entendu pendant leur trajet toutes sortes d'histoire. Ils

6 avaient fui leur maison, ils avaient été rejoints par des gens qui, eux-

7 mêmes, avaient quitté leur appartement, leur maison, et qui se racontaient

8 beaucoup de choses. Et dès le départ de ces personnes, le soir même, leur

9 maison était occupée. D'autres avaient été chassés par la force de chez

10 eux.

11 Mais les rumeurs qui couraient, les histoires qui se racontaient étaient

12 très émouvantes, très impressionnantes. Je ne parle pas albanais ni serbe,

13 mais des interprètes m'ont rapporté ces propos. Lorsqu'on voyait la

14 situation et l'aide qui était fournie -en effet, un système d'aide très

15 important avait été mis en place-, l'une des choses que nous avons faites

16 a consisté à prendre les noms et les adresses; nous nous situions, si je

17 ne m'abuse, au troisième point de contrôle. Le premier, c'était un endroit

18 où on leur donnait une bouteille d'eau; ensuite, il y en avait un deuxième

19 où l'on leur donnait du pain; et le troisième où l'on recueillait leurs

20 noms et adresses. Parce que l'une des dernières choses que les autorités

21 serbes ont faites avant leur départ du Kosovo a consisté à saisir leurs

22 pièces d'identité, y compris leurs plaques d'identité -même celles des

23 tracteurs- qui étaient saisies et coupées en morceaux, donc il n'y avait

24 plus aucune preuve de leur origine, de l'endroit d'où ils venaient. Nous

25 considérions alors qu'une des tâches les plus importantes pour nous

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1 consistait à veiller à ce que ces personnes, si un jour elles pouvaient

2 revenir, puissent le faire sur la base de données immédiatement

3 consultables.

4 Je dois dire que j'étais président de l'OSCE, bien sûr, mais j'étais

5 également ministre des Affaires étrangères d'un pays de l'OTAN, comme je

6 vous l'ai déjà dit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, et l'OTAN

7 était responsable du bombardement. J'étais un peu inquiet quant au fait

8 que ces personnes pouvaient s'attaquer à moi, comme étant l'un des

9 représentants des coupables. Mais personne ne l'a fait, personne n'a

10 reproché ce bombardement à l'OTAN. Les gens qui étaient là ne croyaient

11 pas qu'ils l'étaient en raison des bombes; ils disaient qu'ils avaient

12 fui, car leur maison avait été saisie par les Serbes, militaires ou non

13 militaires, qu'on leur avait dit de partir et qu'ils avaient été forcés de

14 le faire. Donc il n'y avait aucune protestation contre le bombardement.

15 Personnellement, je crois qu'en dépit du fait qu'un grand nombre de

16 discussions avaient eu lieu avec la KVM au sujet de leur retrait, le fait

17 que nous n'étions pas là en tant qu'observateurs inutiles, regardant des

18 atrocités se produire, a créé la confiance des gens à notre égard. Nous

19 avons donc pu circuler très peu de temps après le conflit, après la

20 guerre. J'ai visité le Kosovo après la guerre également, j'ai rencontré

21 des gens qui nous ont très bien accueillis, qui nous ont accueillis avec

22 chaleur, tant en tant que membres de l'OTAN qu'en tant que président de

23 l'OSCE, parce que nous avions été très clairs quant à notre position par

24 rapport aux atrocités dont nous avions prévenu la Commission.

25 Question: Une autre question au sujet de votre visite: êtes-vous revenu au

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1 Kosovo plus tard et avez-vous remarqué ce qui s'était passé, ce qu'il

2 était advenu de plusieurs villages, maisons? Pourriez-vous aider les Juges

3 de cette Chambre en leur disant ce que vous avez vu de vos propres yeux

4 dans les villages albanais?

5 Réponse: Oui. Je pense que je me suis rendu au Kosovo deux fois après la

6 guerre et que ce qui nous inquiétait, c'était la situation de l'époque,

7 également pour la minorité serbe. Donc, au cours de ma première visite,

8 j'ai rencontré le Patriarche de Pec, qui était le chef de l'église serbe

9 et j'ai décidé que j'irai également à Deçani, qui est un monastère

10 orthodoxe très connu, pour y passer la nuit et symboliser ainsi ma

11 solidarité avec les citoyens du Kosovo, quelle que soit leur origine

12 ethnique. C'est ce que j'ai fait.

13 Ce jour que j'ai passé à Deçani et d'ailleurs à plusieurs autres endroits

14 -mais je l'ai surtout vu en route vers Deçani, et je m'en souviens

15 encore-, j'ai vu des bâtiments dont les toits étaient arrachés et ceci

16 n'était dû ni au feu ni aux bombardements. Je ne suis pas un expert en

17 explosif, mais il était clair que l'origine venait du sol et non des airs,

18 parce que l'intérieur des maisons avaient été brûlé ou détruit. D'après

19 tous les éléments de preuve que je recevais, selon ce qui s'était passé

20 dans les maisons albanaises du Kosovo, de la part des Serbes -militaires

21 ou paramilitaires ou quels qu'ils soient-, tout est devenu clair pendant

22 cette période.

23 Je me suis également rendu avec l'un des évêques orthodoxes auprès d'une

24 fosse commune où, si je me souviens bien, il y avait 18 corps enterrés.

25 Elle n'avait pas encore été exhumée, mais il y avait là une dame qui

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1 pensait que tous les membres de sa famille avaient été enterrés dans cette

2 fosse; elle cherchait donc à les identifier. Il fallait donc ouvrir la

3 fosse. Nous avons parlé avec l'évêque de la responsabilité des Serbes et

4 du fait qu'il était désormais possible de combler les divergences et de

5 demander pardon. Toutes ces choses deviendraient importantes au cours du

6 processus de réconciliation.

7 Question: J'aimerais maintenant passer à un sujet différent. Si vous me le

8 permettez, Votre Excellence, j'aimerais que vous répondiez à d'autres

9 questions, si vous pensez en avoir terminé avec celle-ci.

10 Durant la période où vous avez été président, avez-vous eu des rencontres

11 avec d'autres personnes que l'accusé, par exemple, des dirigeants des

12 Albanais du Kosovo ou de l'UCK? Ou avez-vous participé à quelques réunions

13 de liaison entre l'accusé et quelque représentant de ces groupes?

14 Réponse: Pendant la durée de mon mandat, je n'ai eu aucune rencontre avec

15 M. Milosevic, mais je crois avoir eu des rencontres avec les dirigeants

16 albanais du Kosovo. J'ai rencontré M. Rugova qui était l'un des dirigeants

17 les plus connus de l'époque parmi les Albanais du Kosovo; je l'ai

18 rencontré plusieurs fois. J'ai aussi rencontré un certain nombre d'autres

19 représentants; je dois admettre que je ne me rappelle pas les noms de

20 toutes ces personnes, mais j'ai rencontré M. Sosa (le nom de famille n'a

21 pas été entendu par l'interprète).

22 En Albanie, j'ai également rencontré M. Hashim Thaci, chef de l'UCK, mais

23 cela s'est passé à Oslo, au mois de juin, si je ne me trompe pas, donc

24 après le début de la guerre, en juin 1999.

25 Question: Juin 1999?

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1 Réponse: Oui, je l'ai rencontré alors que nous discutions de ce qui se

2 passerait après la guerre et de ce qu'il faudrait faire de l'UCK, comment

3 l'UCK pourrait participer aux événements liés à un règlement pacifique.

4 Question: C'était après le conflit?

5 Réponse: Effectivement.

6 Question: Une fois que le conflit était terminé, oui?

7 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, je n'ai eu aucune rencontre

8 avec l'UCK avant le 24 mars 1999. Nous pensions que certains des

9 dirigeants que nous rencontrions, des dirigeants politiques avaient des

10 liens avec l'UCK, mais ils n'étaient pas, si je m'en souviens bien,

11 membres officiels ou représentants officiels de l'UCK.

12 Question: Avez-vous eu des rapports quelconques avec M. Rugova, dont vous

13 avez mentionné le nom? Et avez-vous établi une liaison entre lui et

14 l'accusé sur certaines questions, à quelque moment que ce soit, ou bien y

15 a-t-il eu une réunion ou des réunions qui ont servi à aborder des sujets

16 qui auraient pu les relier?

17 Réponse: Il s'agissait de réunions indépendantes. Comme je l'ai dit, il

18 n'y a eu aucune réunion où les deux hommes étaient présents en même temps.

19 Question: Je vois.

20 Réponse: Mais puisque notre mandat consistait à rechercher une solution

21 pacifique, nous nous inquiétions de traiter avec la plus grande précaution

22 la population albanaise du Kosovo. Et j'ai discuté avec M. Rugova de ce

23 qui nous préoccupait, je lui ai demandé ce qu'il souhaitait, quels étaient

24 ses objectifs, ce qu'il souhaitait réaliser afin de vivre à l'intérieur

25 des frontières de la Yougoslavie, dans le cadre d'un gouvernement dirigé

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1 par les Yougoslaves en temps de paix. Ces demandes, ces requêtes, je les

2 ai ensuite présentées à M. Milosevic, et vice-versa au sujet des réponses

3 qui étaient faites. Donc, comme je l'ai déjà dit, j'ai parlé avec M.

4 Rugova.

5 Question: Très bien.

6 Monsieur le Président, j'aimerais aborder maintenant les paragraphes 21,

7 22, 23, très rapidement.

8 Monsieur le Témoin, au cours des contacts que vous avez eux avec l'accusé

9 et des discussions que vous avez eues au sujet du conflit du Kosovo, tout

10 ce que vous avez fait également en rapport avec les Albanais, vous êtes-

11 vous forgé une impression au sujet de l'accusé quant à l'importance qu'il

12 accordait aux négociations?

13 Réponse: Je pense que le Kosovo était très important pour lui parce qu'il

14 le considérait, aurait pu continuer à le considérer comme le berceau de la

15 culture serbe. Il y avait très peu de volonté de sa part de discuter d'une

16 quelconque forme d'autonomie ou d'une quelconque possibilité

17 d'autodétermination à accorder à la population albanaise du Kosovo. Je ne

18 souhaitais pas, pour ma part, qu'une nouvelle frontière se crée en Europe.

19 En tant que Président de l'OSCE, je lui ai dit que je considérais qu'il

20 était très important qu'une nouvelle frontière ne soit pas créée et que

21 nous ne désirions pas voir l'indépendance du Kosovo. Mais je lui ai dit

22 qu'il était clair pour moi que le Kosovo devrait se voir accorder une plus

23 grande autonomie, notamment en matière de langue, etc.

24 Pour M. Milosevic, tout ceci était très difficile, si j'ai bien compris,

25 car il est estimé que c'était le premier pas vers la sécession. Il

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1 estimait, et il l'estimait fermement, que le Kosovo devait demeurer partie

2 de la Serbie car cette région était le berceau de la culture et de la

3 langue serbe.

4 Question: En dehors de l'impression dont vous venez de parler, vous êtes-

5 vous forgé une opinion quant à ses motivations personnelles?

6 Réponse: Je pense que ceci correspond également à ce que j'ai ressenti

7 lorsque j'ai rencontré M. Milosevic en 1993, à savoir que c'était une

8 question de pouvoir. Et en dehors de cela, la situation du Kosovo, à son

9 avis, était différente de celle de la Bosnie et de la Croatie en raison de

10 l'affectivité qui était liée au Kosovo. Personnellement, j'ai considéré

11 qu'une grande partie de son action exprimait son désir de pouvoir

12 personnel et j'ai pensé qu'il avait un grand besoin de pouvoir. Je dirais

13 donc que je voyais là une des raisons de son comportement, mais que je

14 pensais également qu'il avait besoin de cela pour asseoir son pouvoir

15 personnel.

16 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, je vois l'heure et

17 j'en ai terminé de mon interrogatoire principal.

18 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre l'audience pendant

19 une demi-heure.

20 Votre Excellence, je me vois contraint de vous lancer l'avertissement que

21 nous lançons à tous les témoins: ne perdez pas de vue qu'il vous est

22 interdit de parler à qui que soit, y compris aux membres du Bureau du

23 Procureur, du contenu de votre déposition.

24 Retour dans la salle à 11 heures 30.

25 (L'audience, suspendue à 10 heures 57, est reprise à 11 heures 35.)

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1 M. le Président (interprétation): Vous avez la parole, Monsieur Milosevic.

2 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Knut Vollebaek, par l'accusé M.

3 Milosevic.)

4 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous pourriez me dire de combien

5 de temps je dispose? Je voudrais pouvoir le savoir dès à présent afin de

6 ne pas être surpris par des décisions que vous pourriez prendre

7 ultérieurement.

8 M. le Président (interprétation): Je vais en discuter avec les autres

9 Juges de la Chambre.

10 (Les Juges se consultent sur le siège.)

11 Vous disposez de deux heures.

12 M. Milosevic (interprétation): C'est bien peu de temps, je pense, mais

13 cela ne me surprend pas. Vous vous êtes toujours illustré par cette

14 pratique.

15 Monsieur Vollebaek, je me tourne maintenant vers vous. Au vu de la

16 décision qui a été prise de retirer la Mission de vérification, décision

17 que vous avez prise, est-ce que vous estimez que vous êtes l'une des

18 personnes qui est personnellement responsable pour le début de la guerre

19 qui a été menée contre la Yougoslavie?

20 M. Vollebaek (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, je ne me considère

21 pas personnellement responsable de cela. Comme je vous l'ai dit, et je

22 voudrais m'adresser directement à vous, Monsieur Milosevic -j'en ai

23 l'autorisation de la Chambre-, je l'ai dit à plusieurs reprises, Monsieur

24 Milosevic, vous êtes responsable de ce qui s'est passé. Je vous l'ai dit

25 en de nombreuses occasions. Je l'ai dit le 4 mars, je l'ai dit le 21 mars.

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1 Je vous ai dit ce qui se profilait à l'horizon.

2 J'ai bien vu ce que nous étions à même de faire au sein de la Mission de

3 vérification, je sais quel est le rôle que nous avons joué: nous avons pu

4 améliorer les conditions de vie de la population du Kosovo.

5 J'ai vu également que vous avez poussé à une escalade militaire au Kosovo.

6 Ce qui a signifié que nous nous sommes retrouvés confrontés à un certain

7 nombre d'incidents, des atrocités ont été commises. Nous n'avons rien pu

8 faire pour l'éviter.

9 Il y avait également un risque assez lourd qui pesait sur nos moniteurs

10 sur le terrain, et c'est eu égard à cela que j'ai pris la décision de

11 retirer notre Mission. Mais aussi longtemps que j'ai pu, j'ai insisté sur

12 notre présence parce que je voulais d'abord m'assurer… Je voulais éviter

13 un conflit, je voulais essayer de vous pousser à changer d'avis, je

14 voulais obtenir votre coopération.

15 Question: Très bien. Nous allons nous en tenir aux questions. Nous ne

16 contestons pas que vous avez vous-même pris la décision officielle du

17 retrait de la Mission de vérification.

18 Est-ce que vous ne pensez pas que cette décision que vous avez prise était

19 particulièrement lourde de sens tant moral qu'éthique? Vous avez pris une

20 décision personnelle, vous étiez co-président de la Conférence

21 internationale pour l'ex-Yougoslavie, pour la coopération, l'objectif de

22 cette conférence était l'établissement de la paix? Je vous demande de

23 répondre par oui ou par non.

24 M. Vollebaek (interprétation): Je ne comprends pas la question.

25 M. le Président (interprétation): Le témoin a traité de cette question,

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1 alors si vous n'avez rien d'autre à aborder, je vais vous demander de

2 passer à autre chose. Sinon, il faut nous faire part de la pertinence, à

3 vos yeux, de cette question.

4 M. Milosevic (interprétation): Ce que je veux faire valoir ici, c'est

5 qu'au vu de la position du témoin, en tant que président de l'OSCE, donc

6 président d'une organisation dont le but est l'établissement de la paix en

7 Europe, donc au vu de cela, d'un point de vue éthique, d'un point de vue

8 moral, la décision personnelle qu'il a prise était une décision

9 extrêmement difficile, n'est-ce pas le cas?

10 M. le Président (interprétation): Est-ce que c'était une décision

11 difficile à prendre?

12 M. Vollebaek (interprétation): Tout à fait, Monsieur le Président,

13 Messieurs les Juges, c'était une décision difficile à prendre. C'est l'une

14 des décisions les plus difficiles que j'aie jamais eu à prendre.

15 Mais si l'on essaie d'impliquer que par la prise de cette décision, je me

16 suis rendu responsable de ce qui s'est passé au Kosovo, de la guerre qui a

17 éclaté au Kosovo, eh bien, je rejette toute affirmation qui irait dans ce

18 sens, Monsieur Milosevic.

19 Je vous ai dit, Monsieur Milosevic, je l'ai dit également aux Juges de

20 cette Chambre, nous n'avons pas été à même de remplir le mandat qui nous

21 avait été confié, c'est l'armée de M. Milosevic qui nous en a empêchés.

22 Les troupes militaires et paramilitaires n'ont pas rempli leur partie de

23 l'accord; ils se sont déplacés sur le terrain, ils ont perpétré des

24 atrocités que nous n'avons pas pu empêcher, nous n'allions pas rester là à

25 regarder ces atrocités être commises.

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1 Il y avait, d'ores et déjà, un conflit lorsque nous sommes partis. Le

2 retrait n'a pas provoqué la guerre. La guerre avait déjà éclaté, lorsque

3 j'ai décidé de retirer notre personnel.

4 Question: Bien, mais j'espère que vous étiez conscient du fait que cette

5 décision allait permettre à la plus grosse machine de guerre, que le monde

6 a jamais mis sur pied, d'être déployée, d'être utilisée contre un petit

7 pays, qui entretenait des relations de bon voisinage avec tous les Etats

8 qui l'entouraient, et qui ne menaçait aucun de ces pays. Est-ce que ce

9 n'est pas vrai?

10 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je crois que l'accusé

11 est en train de faire des déclarations, il ne pose pas de question! Rien

12 de tout cela n'est nouveau, M. Milosevic et moi-même avons déjà eu de ce

13 type de discussion à de nombreuses reprises. Tout cela d'après moi est

14 faux.

15 Vous vous rappellerez, Monsieur Milosevic, que le Conseil de sécurité des

16 Nations Unies a voté deux résolutions: résolutions 1160 et 1199. Ces

17 résolutions faisaient référence à ce qu'on appelle "le libellé du chapitre

18 7 du Traité des Nations Unies".

19 Vous savez que des déclarations étaient faites au sein du Conseil de

20 sécurité qui portaient précisément sur les risques encourus par les pays

21 de la région, le risque qui existait de voir un conflit régional éclater.

22 Lorsque vous dites que votre comportement, que vos actes n'ont pas eu

23 d'impact sur la stabilité régionale, vous êtes dans l'erreur et vous avez

24 tort. Nous avons vu ce qui s'est passé en Macédoine, nous avons vu ce qui

25 s'est passé en Albanie et nous avions précédemment vu ce qui s'était passé

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1 dans les autres Etats qui constituaient l'ancienne Yougoslavie. Cela a été

2 répété encore et encore, les mêmes agissements.

3 Je suis d'accord avec vous pour dire que ce qui s'est passé au Kosovo

4 était une question interne, dans la mesure où l'on peut dire que ce qui se

5 passait à l'intérieur du Kosovo était une affaire interne, mais tout de

6 même il y avait violation de tous les accords existants et portant sur le

7 respect des Droits de l'homme, il y avait violation de l'accord de l'OSCE

8 qui était la base même de la constitution du mandat de la KVM et qui était

9 le fondement même de mon autorité et de ma responsabilité.

10 Question: Vous dites que la Yougoslavie a mis en danger la Macédoine et

11 l'Albanie?

12 Réponse: Ce que je dis c'est que, bien avant le 24 mars, des réfugiés ont

13 commencé à quitter le Kosovo, ils quittaient ce pays pour ne pas être

14 victimes des atrocités qui étaient perpétrées par vous-même.

15 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que la Yougoslavie a menacé l'un des

16 de ces pays voisins, lorsque vous avez pris la décision de retirer votre

17 mission, lorsque vous avez décidé de permettre à l'OTAN de déchaîner ses

18 forces et la guerre contre la Yougoslavie?

19 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a rien dit de cela.

20 M. Vollebaek (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président,.

21 M. Milosevic (interprétation): Alors une question, Monsieur Vollebaek.

22 En tant que norvégien, vous venez du pays des Vikings, un peuple de

23 guerriers, est-ce que vous pensez que cela relève du comportement guerrier

24 que de se livrer, comme l'OTAN l'a fait, à des attaques contre un pays qui

25 compte 11 millions d'habitants?

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1 M. le Président (interprétation): Cela sort totalement de ce qui a été

2 abordé. Vous faites un commentaire, ce n'est pas une question en bonne et

3 due forme.

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

5 Est-ce que vous pensez qu'en retirant les forces de la Mission sur la base

6 des ordres donnés par l'OTAN...

7 M. le Président (interprétation): Vous êtes en train d'affirmer quelque

8 chose, le témoin devrait être autorisé à réagir à cette affirmation. Est-

9 ce que la Mission a été retirée suite à des ordres donnés par l'OTAN?

10 M. Vollebaek (interprétation): La réponse à cette question, Monsieur le

11 Président, est non. Je répète que c'est ma décision officielle en tant que

12 Président de l'OSCE qui a conduit au retrait de la Mission. Cette

13 décision, je l'ai prise suite à des conseils qui m'ont été donnés par

14 l'ambassadeur Walker qui était le responsable de la Mission. Lui, m'a dit

15 qu'il ne pouvait plus être tenu responsable pour la sécurité des

16 observateurs déployés sur le terrain. Cela je l'ai eu à l'esprit. C'était

17 quelque chose d'absolument fondamental dans le cadre de la prise de cette

18 décision.

19 Par ailleurs, cette décision a été prise en consultation avec d'autres

20 membres de la troïka de l'OSCE, il y avait la Pologne, la Roumanie et puis

21 moi-même.

22 En outre, j'ai également bénéficié d'entretien avec des membres du groupe

23 de contact, mais c'est moi qui ai rendu cette décision, l'OTAN n'a rien

24 imposé.

25 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous affirmez donc que vous

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1 n'avez pas retiré la mission du Kosovo sur la base d'ordres donnés par

2 l'OTAN, décision qui a permis aux bombardements d'avoir lieu. Et

3 maintenant, vous dites que l'OTAN n'a exercé aucune influence sur vous,

4 aucune pression sur vous; vous dites que vous n'avez même pas consulté

5 l'OTAN pour ce qui est de la décision que vous avez prise de retirer la

6 mission du Kosovo?

7 Réponse: Monsieur le Président, comme je l'ai dit lors de l'interrogatoire

8 principal, j'ai consulté le Secrétaire général de l'OTAN parce que je me

9 demandais s'il fallait que je fasse une nouvelle tentative visant à éviter

10 un conflit armé. Cela, c'était le 24 mars après le retrait. Mais comme je

11 l'ai déjà dit un certain nombre de fois maintenant, la raison pour

12 laquelle j'ai retiré notre mission du Kosovo, c'est que nous ne pouvions

13 pas remplir notre mission. Nous ne voulions pas assister à un nouveau

14 Srebrenica où la communauté internationale s'est contentée d'observer ce

15 qui était en train de se dérouler sous ses yeux. Nous avons été les

16 témoins d'atrocités, de renforcement de troupes armées sur le terrain.

17 Nous avons vu exactement quelle était la situation qui, d'après moi, était

18 une situation qui violait l'accord qui avait été signé, notamment par M.

19 Milosevic, c'est lui qui est responsable du retrait et je ne vois pas la

20 nécessité de chercher quelque autre responsable que M. Milosevic.

21 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Cela veut dire que vous n'avez

22 pas retiré la mission du Kosovo sur les suggestions faites par l'OTAN,

23 mais je vais maintenant lire ce qui est écrit ici par le Général Naumann,

24 il y a quelques jours. Je vous rappelle qu'il est membre du comité

25 militaire de l'OTAN il dit -je cite-: "Je suis préoccupé par la sécurité

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1 des observateurs de l'OSCE et j'ai invité à l'époque l'OSCE à prendre en

2 compte les recommandations de l'OTAN, recommandations qui visaient à

3 retirer les observateurs du terrain, étant donné que l'OTAN avait établi

4 que le bombardement était imminent."

5 Phrase suivante -je cite-: "L'OSCE a ensuite pris la décision de retirer

6 les observateurs du terrain, je crois que la décision a été prise le 20

7 mars".

8 Est-ce que ce document peut être placé sur le rétroprojecteur?

9 Ceci est tiré de débats antérieurs qui se sont tenus devant cette Chambre.

10 Cela fait partie du compte rendu d'audience. Le Président du comité

11 militaire de l'OTAN indique qu'ils ont recommandé à l'OSCE de se retirer

12 étant donné que le bombardement était imminent.

13 M. le Président (interprétation): Excellence, vous avez entendu ce qui a

14 été dit, mais vous souhaitez peut-être jeter un coup d'oeil sur le

15 document cité par l'accusé. Si vous êtes à même de nous apporter des

16 éléments d'information, dites-le, sinon ce n'est pas grave.

17 Merci de placer ce document sur le rétroprojecteur.

18 (L'huissier s'exécute.)

19 Je ne sais pas si vous allez être capable de lire ce qui apparaît.

20 M. Vollebaek (interprétation): J'ai beaucoup de mal à déchiffrer ce qui

21 apparaît, mais je vais peut-être y voir plus clair en me penchant

22 directement sur le rétroprojecteur.

23 M. le Président (interprétation): Normalement, on ne demande pas au témoin

24 de faire un commentaire sur ce qui a été dit par d'autres témoins, mais si

25 vous êtes à même de nous apporter votre aide, eu égard à ce qui a été dit

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1 par l'accusé, dites-le-nous.

2 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

3 je ne crois pas que cela contredise ce que j'ai pu affirmer moi-même.

4 Nous étions toujours en contact très étroit avec un certain nombre de

5 représentants de l'OTAN et avec l'OTAN elle-même. C'était normal au vu de

6 la situation dans laquelle nous nous trouvions; l'OTAN allait également

7 jouer un rôle dès lors qu'une présence militaire se faisait jour dans le

8 cadre du conflit du Kosovo. Et nous étions en train de parler des

9 pressions auxquelles nous étions soumises, cela faisait partie des

10 discussions qui ont eu lieu avant le retrait et avant les bombardements.

11 Comme je l'ai dit dans les réponses que j'ai faites aux questions posées

12 par l'accusation, j'étais moi-même, peut-être pas sous pression, mais on

13 m'a demandé à de nombreuses reprises, de façon répétée, de retirer les

14 observateurs de la Mission, lorsqu'il est devenu apparent que nous ne

15 pouvions pas remplir notre mission, lorsqu'il est apparu que les membres

16 de la Mission d'observation était en train de prendre un risque très

17 important. Moi, j'ai essayé de tenir bon, tant que j'ai pensé que nous

18 pouvions être utiles et accomplir quelque chose d'utile.

19 Je crois, Monsieur le Président, que l'accusé est en train de présenter

20 les choses exactement à l'inverse de ce qu'elles étaient. Le bombardement

21 de l'OTAN ou disons les choses différemment: le retrait de notre Mission

22 d'observation n'a pas facilité les choses à l'OTAN; pour ce qui est du

23 bombardement, de la campagne de bombardement, le bombardement a été la

24 conséquence des actions militaires qui ont été menées par M. Milosevic et

25 par son Gouvernement, par l'absence de coopération dont ils ont fait

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1 preuve.

2 Et, bien sûr, pour rétablir la chronologie des événements, il faut tenir

3 compte du retrait des observateurs du terrain, observateurs qui ne

4 pouvaient plus faire ce qu'ils étaient supposés faire. Mais je répète que

5 je n'étais pas placé sous quelque influence que ce soit. Je savais tout à

6 fait que, si M. Milosevic ne faisait pas preuve de plus de coopération, il

7 y aurait une campagne de bombardement; tout le monde savait cela. Et

8 j'étais par ailleurs ministre des Affaires étrangères d'un pays membre de

9 l'OTAN et, en tant que tel, je discutais de cette possibilité avec les

10 autres membres de l'OTAN.

11 Mais, que je sache, il n'y a jamais eu de date fixée pour le début des

12 bombardements. Je peux dire qu'on sentait bien que la date approchait,

13 mais la date n'avait pas été fixée d'avance. Je ne savais pas que le

14 bombardement allait commencer le 24 mars, lorsque j'ai appelé M.

15 Milosevic, mais je savais que le bombardement n'allait pas manquer d'avoir

16 lieu s'il n'y avait pas plus de coopération.

17 Je répète: présenter le retrait des forces comme étant ce qui a déclenché

18 le bombardement, c'est absolument faux et c'est exactement l'inverse de ce

19 qui s'est passé.

20 M. Milosevic (interprétation): Vous dites donc que l'OTAN aurait lancé sa

21 campagne de bombardement, même si votre Mission d'observation était

22 demeurée sur place?

23 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, permettez-moi de

24 répondre à la question de façon un peu détournée.

25 Monsieur Milosevic, vous plus quiconque, plus que moi-même même, savez que

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1 le Kosovo n'a pas souffert principalement des bombardements de l'OTAN.

2 Vous semblez dire que la campagne de bombardements a provoqué de nombreux

3 dégâts. C'est le cas, bien sûr, mais ce que j'ai dit aujourd'hui, un peu

4 plus tôt dans la matinée, c'est que j'ai pu voir ce que les vôtres ont

5 causé comme dommages au Kosovo, dans le cadre des combats qui ont été

6 menés.

7 Ce qui est plus important encore, c'est que c'est votre gouvernement, vos

8 forces militaires qui ont commencé à expulser les gens qui vivaient au

9 Kosovo, et ils ont commencé ces actions bien avant que l'on commence à

10 parler de la possibilité d'une campagne de bombardement de l'OTAN. Cela a

11 commencé avant le 1er janvier.

12 Vous vous rappellerez que, même lors notre première réunion en 1998, dès

13 cette époque, je voulais que la Yougoslavie retrouve son siège au sein de

14 l'OSCE. Je voulais atteindre cet objectif et je pensais que je pourrais

15 obtenir de vous une certaine coopération, je pensais que vous alliez

16 accepter de coopérer sur la base de l'accord qui avait été signé entre

17 votre ministre des Affaires étrangères et le professeur Geremek, accord

18 signé en octobre 1998. C'était à la base de tous mes efforts.

19 Mais, ensuite, vous n'avez pas rempli vos obligations. Les vôtres ont

20 expulsé la population locale, vous avez créé un environnement tel que ce

21 qui est arrivé est arrivé. Mais nous ne pouvons pas être tenus pour

22 responsables; nous n'allions tout de même pas rester à nous tourner les

23 pouces en train de regarder les atrocités qui étaient perpétrées par les

24 vôtres.

25 Je crois que c'est ce que vous vouliez, Monsieur Milosevic. Vous vouliez

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1 un petit conflit, un petit conflit qui aurait continué à se consumer

2 pendant qui sait combien de temps. Vous étiez prêt à faire quelques

3 concessions, de temps à autre, vous étiez prêt à faire état de ce type de

4 coopération lorsque nous nous rencontrions, mais vous vouliez toujours que

5 ce conflit continue, vous vouliez continuer à alimenter cette flamme. Et

6 vous avez été surpris de constater qu'à un moment, votre politique ne

7 pouvait plus être poursuivie.

8 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons retirer l'extrait

9 du compte rendu placé sur le rétroprojecteur. Nous allons le remettre à

10 l'accusé.

11 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous êtes conscient du fait que

12 la plupart des sources, même des sources qui se trouvaient de votre côté,

13 faisaient état du fait que la plupart des violations du cessez-le-feu

14 étaient le fait de l'UCK? Est-ce que vous êtes conscient du fait qu'il a

15 été dit que la police et l'armée de la Yougoslavie ont réagi à des

16 attaques déclenchées par l'UCK? Est-ce que vous êtes tout de même

17 conscient de cela?

18 M. Vollebaek (interprétation): Non, Monsieur le Président et Messieurs les

19 Juges, je ne pense pas pouvoir dire que la plupart de ces incidents aient

20 été provoqués par l'UC.

21 M. le Président (interprétation): Si les sources vont dans ce sens, si les

22 sources vont dans ce sens -et la Chambre aura d'ailleurs à se prononcer

23 sur cette question-, est-ce que vous…

24 Pardon, je vous ai interrompu, mais je voulais vous faire comprendre le

25 sens que prenait la question de M. Milosevic. Il n'est pas établi que les

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1 sources aient indiqué des choses de ce type.

2 (Intervention de l'huissier.)

3 M. Vollebaek (interprétation): Ce que j'allais dire, Monsieur le

4 Président, c'est que ce type de questions a été soulevé lors de mes

5 entretiens avec M. Milosevic. Je n'ai pas accès à mes notes et mes papiers

6 mais, sur certaines de mes notes, je fais apparaître que lors d'une

7 réunion, M. Milosevic et son ministre des Affaires étrangères, M.

8 Jovanovic, ont établi une liste très longue des actes dont ils ont pensé

9 qu'ils avaient été commis par l'UCK. Moi, j'avais une liste équivalente.

10 Cette réunion date du mois de janvier. Je ne sais pas quelle était la

11 liste qui était la plus longue des deux, mais moi aussi, j'avais dressé

12 une liste assez longue des atrocités et des incidents dont s'étaient

13 rendues responsables les forces yougoslaves, mais je me rappelle très bien

14 que, dans le cadre de toutes les conversations que j'avais avec M.

15 Milosevic, M. Milosevic a indiqué ce qu'il vient de dire une fois encore.

16 Vous aurez l'occasion, Messieurs les Juges, de vous reporter sur les

17 rapports pertinents de l'OSCE. Vous pourrez, si vous voulez, compter tous

18 les incidents dont il est fait état dans ce rapport.

19 Mais ce n'est pas là la question. La question est celle-ci: les personnes

20 qui vivaient au Kosovo n'étaient pas en sécurité, ne se sentaient pas en

21 sécurité; elles ont été victimes d'atrocités et ont été forcées de quitter

22 leur pays. Monsieur Milosevic était le Président à l'époque, c'était son

23 gouvernement qui était responsable, qui était en poste et c'est lui qui

24 était responsable de cette absence de sécurité dans laquelle vivait sa

25 population, son peuple.

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1 Question: Est-ce que vous avez connaissance des atrocités commises par

2 l'UCK, dont les Serbes et les Albanais ont souffert, ainsi que d'autres

3 groupes ethniques au Kosovo, pendant toute l'année 1998 et au début de

4 1999? Et l'intensité de ces atrocités, meurtres, attaques et enlèvements

5 commis par l'UCK pendant toute cette période? Est-ce que vous avez

6 connaissance de tout cela?

7 Réponse: Monsieur Milosevic, lorsque vous dites "ces atrocités", c'est

8 très imprécis. Mais j'ai eu connaissance de certains incidents qui ont été

9 examinés, analysés par la KVM et l'OSCE, auprès des Albanais du Kosovo.

10 Ces incidents ont aussi été condamnés.

11 Vous suggérez, Monsieur Milosevic, que nous étions partiaux. Mais je

12 conteste cela: ce n'était absolument pas le cas. Nous visions une province

13 du Kosovo multi-ethnique et vous vous souviendrez certainement que j'ai

14 réitéré à maintes reprises que je ne souhaitais pas voir un Kosovo

15 indépendant.

16 Je n'avais pas pour ambition de créer un nouvel Etat en Europe, mais nous

17 étions confrontés à une situation dans laquelle des gens étaient

18 persécutés par ce qui était censé être leur Gouvernement. Cela nous

19 paraissait inacceptable.

20 Question: Monsieur Vollebaek, vous avez dit ce matin dans le cadre de

21 l'interrogatoire principal, que j'oeuvrais pour une province du Kosovo

22 multi-ethnique, que c'était moi qui oeuvrait en faveur de cela. Est-ce bien

23 exact?

24 Réponse: Je ne pense pas avoir dit que vous oeuvriez pour cela, mais vous

25 l'avez déclaré et la différence est une différence de taille. Si je me

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1 souviens bien, vous parliez toujours de la paix, vous n'avez jamais

2 préconisé la guerre, et vous parliez toujours de l'ethnicité, mais vos

3 actes -comme je vous l'ai dit à maintes reprises, à l'époque-

4 contredisaient la paix et le caractère multi-ethnique, car une partie de la

5 population du Kosovo fuyait. Et c'était une partie en majorité, un segment

6 de la population. Je ne me souviens pas des chiffres exacts, mais il y

7 avait plusieurs centaines de milliers d'Albanais du Kosovo qui ont fui le

8 Kosovo. Donc il ne s'agit pas de ce que vous disiez, mais de ce que vous

9 avez fait; et la différence me paraît être fondamentale.

10 Question: Oui, mais j'espère que nous pouvons du moins nous mettre

11 d'accord que cette vague de réfugiés quittant le Kosovo a commencé après

12 le bombardement, n'est-ce pas vrai?

13 Réponse: Non, pas du tout, Monsieur Milosevic. Il y a eu un très grand

14 nombre de réfugiés qui ont quitté la province bien avant le début du

15 bombardement. Comme je l'ai déjà dit, aucun des réfugiés que j'ai

16 rencontrés sur la frontière entre le Kosovo et l'Albanie n'ont dit qu'ils

17 fuyaient en raison du bombardement, ils ont tous dit qu'ils fuyaient parce

18 que leurs maisons et leurs biens avaient été spoliés par les Serbes

19 militaires et non militaires, certains ont même dit que l'exode avait été

20 organisé, je ne peux pas l'attester, mais comme je l'ai dit, personne n'a

21 fait état du bombardement comme cause pour leur départ. Tous ont fait

22 allusion aux actes serbes au Kosovo comme en étant la cause.

23 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Nous savons tous ce qu'ils ont

24 dit, mais cela ne correspond pas forcément à la vérité, ce qu'ils ont dit.

25 Est-ce que c'est cela que vous souhaitez nous faire croire, Monsieur

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1 Vollebaek?

2 M. le Président (interprétation): C'est simplement une remarque.

3 M. Milosevic (interprétation): Les réfugiés auxquels vous faites allusion,

4 vous nous avez dit ce matin que vous nous avez vu des réfugiés après le

5 début des bombardements tant du côté macédonien, que du côté albanais de

6 la frontière, est-ce exact?

7 M. Vollebaek (interprétation): Oui, c'est exact.

8 Question: Maintenant, est-ce que vous voulez bien me dire si les personnes

9 déplacées à l'intérieur même du pays, ont quitté leur maison pour fuir les

10 heurts entre notre armée et la police d'une part, et l'UCK de l'autre? Eh

11 bien, j'ai noté que ce matin, vous avez dit: "La population locale a été

12 prise dans l'échange de tirs entre deux forces: l'armée et l'UCK".

13 Est-ce bien exact? N'est-il pas, dès lors, logique de dire qu'aux endroits

14 où l'UCK initiait et provoquait une attaque, ce qui entraîne une riposte

15 de la part de la police et de l'armée, la population civile fuit pour

16 éviter les conséquences de ces heurts?

17 Réponse: Il me semble que ces questions sont quelque peu redondantes, mais

18 oui, en effet, il y a eu des heurts entre l'UCK. Je n'étais pas là moi-

19 même, mais on m'en a fait état. J'ai reçu des rapports de la KVM

20 concernant des heurts entre l'UCK et les forces militaires et la police

21 serbe et que les civils ont du fuir leur maison ou leur village, en

22 conséquence. Mais cela n'a pas été le cas pendant le bombardement.

23 Et, si vous me le permettez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

24 j'aimerais aborder une autre question car l'accusé semble suggérer que les

25 réfugiés ne disaient pas la vérité lorsque je les ai rencontrés,

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1 lorsqu'ils sont partis, afin peut-être de donner une impression plus

2 favorable.

3 J'ai visité fin 1999 la Tchétchénie, je me suis trouvé à proximité de

4 Dubrovnik, j'étais entouré par les militaires russes.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, je vous en prie, nous

6 n'avons pas le temps.

7 M. le Président (interprétation): Permettez au témoin de s'expliquer.

8 M. Milosevic (interprétation): Mais mon temps est limité, Monsieur May,

9 c'est vous-même qui m'avez imposé ces contraintes de temps.

10 M. le Président (interprétation): Je sais. Très bien, nous le gardons à

11 l'esprit, mais permettez au témoin de s'expliquer.

12 M. Vollebaek (interprétation): J'essaierai d'être aussi concis que

13 possible. J'étais entouré de forces militaires russes, il y avait des

14 réfugiés qui fuyaient Grosny, ils savaient qu'il y avait des militaires

15 russes à proximité mais ils étaient furieux contre ces Russes, ils étaient

16 furieux. Ils nous ont dit que ce corridor n'avait rien de sûr, qu'ils n'y

17 étaient pas à l'abri, ils m'ont dit comment ils avaient été attaqués et

18 combien ils souffraient.

19 Si les réfugiés fuyaient en raison des bombardements de l'OTAN, pourquoi

20 ne m'auraient-ils pas parlé de la même manière, pourquoi ne m'auraient-ils

21 pas dit face à face: "Vous êtes responsable de cela!"? Ils n'avaient rien

22 à gagner, ils avaient tout perdu, donc ils n'avaient aucune raison de

23 chercher à me faire plaisir.

24 Je pense qu'il est essentiel, Monsieur Milosevic, que vous ne cherchiez

25 pas à discréditer le témoignage de ces réfugiés, car ils ont tous dit la

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1 même chose, ils ont dit qu'ils ont dû fuir en raison de vos actes au

2 Kosovo et non pas en raison de l'OTAN.

3 Question: Avec combien de réfugiés vous avez discuté ce jour là, Monsieur

4 Vollebaek?

5 Réponse: Je ne peux pas vous citer un chiffre, cela ne me semble pas

6 important. J'en ai vu des milliers, je pouvais choisir n'importe lesquels,

7 j'ai pu y rester aussi longtemps que je le souhaitais, personne ne

8 m'entravait. J'ai parlé à un nombre suffisant pour être convaincu qu'ils

9 me disaient la vérité.

10 Question: Je vous ai demandé avec combien de réfugiés vous avez parlé afin

11 de déterminer des faits aussi fondamentaux.

12 Ces centaines de milliers, dizaines de milliers que vous avez vues ce

13 jour-là, que vous prétendez avoir vue.

14 Réponse: Je n'ai pas dit "des dizaines de milliers", j'ai dit plusieurs

15 milliers tout d'abord. Et en deuxième lieu, outre ceux auxquels j'ai

16 parlé, d'autres personnes ont également discuté avec d'autres réfugiés, il

17 y avait d'autres membres de l'OSCE sur place qui ont parlé à tous les

18 réfugiés. Je ne leur ai pas tous parlé personnellement, mais comme je vous

19 l'ai dit, nous avons consigné de nombreuses données: les noms, les plaques

20 minéralogiques que vous leur aviez ôtés afin qu'il n'y ait plus de trace

21 de leur identité, donc le représentant de l'OSCE a parlé à tout le monde,

22 toute personne qui a traversé ce poste-frontière.

23 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Ne perdons pas plus de temps,

24 j'aimerais simplement vous dire que j'ai certaines notes, comptes rendus

25 de réunions officielles -par exemple celle avec Robin Cook à Londres, au

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1 printemps 1999- où il est dit clairement que la plupart des incidents ont

2 été initiés par l'UCK. Il y a d'autres sources, autres que les sources

3 britanniques, qui disent la même chose. Est-ce que vous en êtes conscient?

4 M. le Président (interprétation): Franchement, vous lui posez des

5 questions concernant des réunions auxquelles il n'a pas assisté. Cela ne

6 peut pas nous aider. Il a déjà témoigné concernant ce qu'il savait sur

7 l'UCK.

8 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Vous avez écrit dans votre

9 déclaration et -je vais vous citer-: "Il ne fait aucun doute que le

10 Président Milosevic estimait qu'il était extrêmement important que la

11 province du Kosovo continue à faire partie intégrante de la Serbie. Nous

12 avons toujours été convaincus de cela. Et ainsi de suite."

13 Vous avez dit que je vous avais donné pour cadeau des livres concernant le

14 Kosovo, pour vous convaincre que la province faisait partie de la Serbie,

15 concernant des églises au Kosovo, le fait que le Kosovo était le berceau

16 de la culture serbe, -je vous cite-: "Je pense qu'il s'agissait là de sa

17 conviction personnelle, il était très passionné à ce sujet."

18 Vous avez dit, il y a un moment, que j'ai parlé du fait que le Kosovo… du

19 caractère multi-ethnique du Kosovo. Dites-moi, est-ce que vous pensez que

20 le Kosovo fait partie intégrante ou non de la Serbie? Je ne suis pas tout

21 à fait au clair sur ce que vous nous dites ici.

22 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

23 je ne suis pas sûr que ce soit une question pertinente.

24 M. le Président (interprétation): Vous pouvez peut-être nous aider en nous

25 réitérant quelle était votre opinion à l'époque lorsque vous meniez ces

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1 négociations avec M. Milosevic.

2 Question: Vous savez, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que le

3 Kosovo a eu un statut qui a évolué au fil des ans, notamment par rapport à

4 l'autonomie de la province. Et il ne fait aucun doute, à mon esprit, que

5 nous devions viser à ce que le Kosovo reste partie intégrante de la

6 Yougoslavie, mais la Constitution du Kosovo avait été modifiée à plusieurs

7 reprises au cours des années et décennies, et le gouvernement à Belgrade

8 et les dirigeants albanais du Kosovo n'étaient pas du même avis, quant à

9 savoir si la province faisait partie intégrante de la Serbie.

10 Comme nous le savons, la République fédérale de Yougoslavie était composée

11 de plusieurs Républiques.

12 Il me semblait important à l'époque de déclarer que je ne souhaitais pas

13 voir la République fédérale de Yougoslavie divisée, démantelée, je ne

14 souhaitais pas voir la création d'un Etat indépendant au Kosovo, mais je

15 n'avais pas de position bien tranchée sur le rôle du Kosovo au sein de la

16 République fédérale de Yougoslavie. Et je comprenais bien, je pensais que

17 l'on devrait accorder une plus grande autonomie que celle dont le Kosovo

18 bénéficiait à l'époque.

19 Je crois qu'on pourrait dire, enfin je dois avouer que je n'ai pas étudié

20 la Constitution de la République fédérale de Yougoslavie ou de Serbie

21 récemment, mais, si j'ai bien compris, c'est que la Constitution la plus

22 récente sous-entend que le Kosovo fait partie de la Serbie. Mais cela a

23 été discuté par les dirigeants albanais du Kosovo.

24 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous, Monsieur Vollebaek, que

25 conformément à toutes les Constitutions qui ont été adoptées depuis la

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1 création de la province autonome, c'est-à-dire depuis la Deuxième Guerre

2 mondiale jusqu'à aujourd'hui, le Kosovo a toujours fait partie de la

3 Serbie, et même avant la Deuxième Guerre mondiale le Kosovo faisait partie

4 de la Serbie. En avez-vous conscience?

5 Réponse: Je ne sais pas exactement ce que cela implique. Même si on admet

6 que le Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie, Monsieur Milosevic,

7 eh bien, il y avait toute une série d'accords internationaux qui

8 autorisaient la population à continuer à se servir de leur langue, à

9 organiser différentes activités culturelles, à avoir leurs écoles, leurs

10 universités. Et ils ont été privés de ces droits.

11 Même si une province fait partie intégrante de ce pays, cela n'autorise

12 pas le Président de ce pays à commettre des atrocités contre la population

13 habitant cette partie du pays.

14 M. Milosevic (interprétation): Et vous croyez qu'à un certain moment les

15 Albanais du Kosovo ont été privés de leurs droits de se servir de leur

16 langue, de promouvoir leur culture, de publier leurs journaux, et ainsi de

17 suite. Pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, à quel stade est-ce que cela

18 est arrivé, quand au juste ont-ils été privés de ces droits? Quand et où?

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous vous écartez de

20 la déposition faite par le témoin. Il ne fait qu'aborder l'année 1999. Il

21 évoque également une réunion, un entretien qu'il a eu avec vous en 1993.

22 Vous pouvez donc lui poser des questions à ce sujet.

23 M. Milosevic (interprétation): Je vais lui poser des questions sur toutes

24 les questions qui me paraissent importantes dans les limites très étroites

25 que vous m'avez imposées, Monsieur May.

Page 7698

1 Puisque vous nous dites qu'on les a privés de certains droits, est-ce

2 qu'il est advenu à un moment quelconque, entre la Deuxième Guerre mondiale

3 et 1999 ou pendant la période où vous vous occupiez des questions

4 yougoslaves, est-il arrivé que les Albanais au Kosovo ont été privés du

5 droit d'utiliser leur langue, d'avoir leurs propres institutions, leurs

6 propres journaux, leur propre organisation culturelle et ainsi de suite,

7 et du droit d'utiliser leur propre langue dans toute communication

8 officielle?

9 M. Vollebaek (interprétation): Si je peux m'en tenir à la période que j'ai

10 passée en 1999, il ne fait aucun doute que c'était là la raison principale

11 du conflit. Les Albanais du Kosovo estimaient qu'ils étaient privés du

12 droit d'utiliser leur langue. Ils se voyaient privés de ce droit et du

13 droit d'avoir leur propre système d'éducation. C'était une des questions

14 principales dont je discutais avec M. Rugova. Et il ne fait aucun doute

15 que la position des Albanais du Kosovo est devenue plus radicale en raison

16 justement de l'attitude adoptée par M. Milosevic.

17 La première fois que j'ai rencontré Rugova, en avril 1998, lorsque j'ai

18 aussi rencontré pour la première fois M. Milosevic, lorsque j'étais encore

19 ministre des Affaires étrangères, il m'a semblé que l'attitude de M.

20 Rugova avait bien évolué entre cette première réunion et la deuxième fois

21 que je me suis entretenu avec lui en 1999. Et ce, en raison du fait que la

22 situation avait empiré et qu'il subissait une forte pression. Il n'a pas

23 pu être aussi ouvert, aussi modéré, précisément en raison des activités

24 entreprises par M. Milosevic et son gouvernement.

25 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Dites-moi alors, puisqu'il est

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1 évident que nous n'avons pas le temps d'établir ce genre de faits, après

2 que l'on a eu confié à l'OTAN la responsabilité de l'OSCE, est-il possible

3 que cette organisation bénéficie encore de la moindre crédibilité?

4 M. le Président (interprétation): Il n'est pas nécessaire de répondre à

5 cette question de façon générale. Mais ce que l'on vous soumet ici, c'est

6 que l'OTAN était responsable, contrôlait l'OSCE.

7 M. Vollebaek (interprétation): Avec tout le respect que je vous dois,

8 c'est tout à fait absurde.

9 J'étais ministre des Affaires étrangères d'un pays de l'OTAN, mais il y

10 avait 53 autres membres de l'OSCE et, comme vous le savez, l'OSCE est une

11 organisation qui travaille sur une base consensuelle. Nous devions tous

12 nous mettre d'accord avant d'entreprendre quelque action que ce soit.

13 L'un de mes alliés les plus proches, ou peut-être conseiller à l'époque,

14 était le ministre des Affaires étrangères de la Russie; j'ai eu beaucoup

15 de contacts avec lui, car nous savions, nous espérions du moins que la

16 Russie pourrait influencer quelque peu Belgrade. Donc nous travaillions,

17 nous collaborions très étroitement avec eux.

18 Donc suggérer que l'OTAN contrôlait l'OSCE, comme je l'ai dit, Monsieur le

19 Président, Messieurs les Juges, c'est tout à fait ridicule.

20 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Maintenant, passons à un autre

21 sujet.

22 Est-ce qu'on peut dire que les principes concernant la sécurité européenne

23 ont pu être compromis ou remis en cause, en raison du fait que cette

24 organisation a joué un rôle dans le bombardement d'une partie du

25 territoire européen et a été complice d'un crime commis contre un pays

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1 européen?

2 M. le Président (interprétation): Nous avons déjà traité de tout cela et

3 vous savez très bien qu'il ne convient pas de faire des discours

4 politiques dans cette salle. Donc posez votre question suivante.

5 M. Milosevic (interprétation): Puisque vous vivez maintenant aux Etats-

6 Unis où vous êtes ambassadeur de Norvège, est-ce que vous avez eu

7 l'occasion de vous familiariser avec la position d'un Américain très connu

8 qui dit -et je cite…

9 M. le Président (interprétation): Si vous allez nous citer les prises de

10 position de différents journalistes, je crois que c'est dénué de

11 pertinence.

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il ne s'agit pas là

13 d'opinions exprimées par différents journalistes. C'est la position d'un

14 Américain très connu, un avocat, un humaniste qui était Procureur à

15 Nuremberg, un certain Walter G. Rockler, donc une opinion exprimée par lui

16 et publiée.

17 M. le Président (interprétation): Très bien. Ce n'est pas le point de vue

18 d'un journaliste, c'est le point de vue d'un Procureur de Nuremberg. Mais,

19 avec tout le respect que je vous dois, cela est tout aussi dénué de

20 pertinence.

21 M. Milosevic (interprétation): Mais j'aimerais entendre ce que M.

22 Vollebaek aurait à dire à ce sujet.

23 M. le Président (interprétation): Son opinion concernant le point de vue

24 exprimé par le Procureur est également dénué de pertinence. Maintenant, je

25 vous prie de lui poser quelques questions concernant ce témoignage.

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1 M. Milosevic (interprétation): Mais cela a un impact direct sur les

2 fondements mêmes de son témoignage concernant le rôle de l'OTAN. Je ne

3 sais pas pourquoi vous vous y opposez. Cela ne prendrait que quelques

4 secondes.

5 M. le Président (interprétation): Si vous voulez lui poser une question

6 sur le rôle de l'OTAN, vous êtes libre de ce faire, mais il ne convient

7 pas de lui poser des questions concernant des opinions exprimées par

8 d'autres personnes, puisqu'il ne s'agit que de cela: des opinions.

9 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je vais lui exposer ou je vais

10 faire comme s'il s'agissait de mon opinion et lui demander s'il est

11 d'accord avec cette opinion.

12 L'attaque, l'offensive menée contre la Yougoslavie constitue une agression

13 internationale flagrante…

14 M. le Président (interprétation): Non, non. Cela n'a aucune pertinence.

15 Comme vous le savez très bien, c'est une question qui devra être tranchée

16 par cette Chambre de première instance et l'opinion de ce témoin quant aux

17 opinions exprimées par M. Rockler n'a aucune pertinence.

18 Est-ce que vous avez d'autres questions concernant la déposition ou non?

19 Sinon nous allons mettre un terme à ce contre-interrogatoire?

20 M. Milosevic (interprétation): J'ai nombre d'autres questions, comme vous

21 le savez très bien, Monsieur May. Je vais donc poursuivre mon contre-

22 interrogatoire.

23 Mais vous ne vous intéressez pas aux opinions exprimées par d'autres; je

24 le vois bien. Je ne sais pas si l'opinion du peuple norvégien vous

25 intéresse, des jeunes, des citoyens de pays démocratiques qui ne partagent

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1 pas...

2 M. le Président (interprétation): Les opinions des jeunes, des jeunes

3 personnes en question sont également dénuées de pertinence.

4 Maintenant, veuillez en venir aux questions concernant le témoignage de ce

5 témoin. Il a parlé de ses entretiens avec vous et, si vous avez des

6 questions concernant ces entretiens, posez-les-lui, notamment si vous

7 souhaitez remettre en question ce qu'il a dit, son témoignage.

8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, permettez-moi, s'il vous

9 plaît, de poser les questions qui me semblent opportunes et, bien entendu,

10 je vais contester une bonne partie de ce qu'il a dit. Je ne doute pas une

11 seule seconde qu'il n'aura aucun mal à vous convaincre, mais il ne peut

12 même pas convaincre ses propres concitoyens quant au rôle de l'OTAN.

13 M. le Président (interprétation): Si vous avez une question, veuillez la

14 poser et ne pas continuer à faire un discours.

15 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Très bien.

16 Donc, pour poursuivre, puisque vous avez essayé de me convaincre que vous

17 avez poursuivi des négociations afin de permettre une présence

18 internationale, est-ce que vous entendiez par là exclusivement la présence

19 de forces militaires dirigées par l'OTAN et commandées par l'OTAN? Est-ce

20 cela que vous entendiez lorsque vous avez utilisé le terme "présence

21 internationale"?

22 M. Vollebaek (interprétation): Eh bien, nous étions en discussion avec la

23 Russie, par exemple, pour qu'elle participe à cette présence militaire.

24 Comme vous le savez très bien, la Russie a également participé aux

25 négociations de Rambouillet. C'est l'accord de Rambouillet qui aurait

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1 servi de fondement pour une telle présence militaire.

2 Question: Mais je ne vous parle pas d'une participation tout à fait

3 symbolique. Je vous pose une question tout à fait directe. Quand vous

4 parliez de force et de présence internationale, est-ce que vous entendiez

5 par là exclusivement des forces militaires commandées par l'OTAN?

6 Réponse: Il est très difficile de répondre à cette question. Monsieur

7 Milosevic, nous reproduisons ici un modèle qui est tout à fait le même de

8 toutes nos discussions antérieures. Manifestement, j'entendais plus qu'une

9 simple présence de l'OTAN -et vous m'avez entendu dire cela- et puis, vous

10 interprétez à votre façon, vous déformez ce que je vous ai dit. Eh bien,

11 oui, encore une fois, j'avais à l'esprit quelque chose d'autre, quelque

12 chose de plus que l'OTAN.

13 Question: Donc, des forces qui seraient sous le commandement de l'ONU ou

14 de l'OSCE et non commandées par l'OTAN, est-ce que c'est ce que vous nous

15 dites aujourd'hui?

16 Réponse: Monsieur Milosevic, en raison de votre comportement nous n'en

17 sommes jamais arrivés au stade où nous avons pu discuter de l'organisation

18 d'une telle présence militaire. Si vous aviez été disposé à participer à

19 ces négociations, nous aurions pu régler cela et éviter la guerre et de

20 nombreuses souffrances.

21 Nous souhaitions que toute action qui serait prise, soit sous l'égide des

22 Nations Unies ou de l'OSCE, mais bon, nous savions qu'il ne s'agit pas là

23 d'une organisation militaire, donc nous devions en appeler à d'autres pour

24 nous aider afin que nous puissions mener à bien notre tâche, et cette

25 assistance militaire se serait certainement appuyée en grande partie sur

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1 l'OTAN, sans être constituée exclusivement par l'OTAN.

2 M. Milosevic (interprétation): Et cela n'aurait pas été sous le

3 commandement de l'OTAN?

4 M. Vollebaek (interprétation): Je pense qu'il n'est pas utile de discuter

5 de ce que cela aurait pu être. Je pense que nous devrions plutôt… je

6 témoigne de ce qui s'est passé et non pas de ce qui aurait pu se passer.

7 M. le Président (interprétation): Mais pour nous permettre de mieux

8 comprendre la situation, lorsque vous discutiez d'une présence militaire,

9 lorsque vous en discutiez avec l'accusé, est-ce que vous avez dit très

10 clairement que vous n'aviez pas uniquement l'OTAN à l'esprit?

11 M. Vollebaek (interprétation): Je me souviens, je dois reconnaître que je

12 ne me souviens pas de tous les détails de la conversation, et j'ai eu

13 plusieurs entretiens avec lui. Parfois, je m'emportais un peu, donc ne me

14 souviens pas exactement de tout ce que j'ai pu dire, mais je me souviens

15 très bien que j'ai insisté pour que cette présence militaire soit le

16 résultat d'une invitation formulée par le Gouvernement de la Yougoslavie.

17 Monsieur Milosevic aurait eu un rôle à jouer. Il pouvait examiner la

18 situation, voir qui composait ces forces, s'il avait été disposé à

19 participer, à discuter avec nous, mais il n'y a jamais eu de discussion

20 car il a exclu toute présence militaire étrangère. Il n'a pas fait

21 allusion à l'OTAN, il a fait simplement allusion à toute présence

22 militaire et je n'ai jamais eu l'occasion de discuter avec lui de la

23 question de savoir si ce serait l'OTAN ou non, car le simple fait, la

24 simple présence militaire ne lui était pas acceptable.

25 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez par exemple, que le

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1 28 février une agence de presse russe, ITAR-Tass, a fait état du fait qu'à

2 Rambouillet le groupe de contact avait proposé comme compromis, une

3 solution au terme de laquelle l'ONU, l'OSCE et ainsi de suite, d'autres

4 pays qui n'étaient pas membres de l'OTAN et une agence de presse

5 française, France presse, a dit que la délégation serbe avait insisté que

6 la question des forces de maintien de la paix devait être réglée de

7 manière à ce que ce soit ces forces de maintien de la paix qui soient

8 responsables et qui rendent des comptes à l'OSCE ou aux Nations Unies?

9 Est-ce que vous en avez connaissance?

10 M. Vollebaek (interprétation): Non, je ne m'en souviens pas.

11 M. Milosevic (interprétation): Très bien. On trouve tout cela dans des

12 documents qui ne peuvent être contestés. Est-ce que vous vous souvenez du

13 fait que Madeleine Albright a fait une déclaration le lendemain où elle a

14 dit, et je cite: "La position des Etats-Unis est la suivante: les forces

15 doivent être dirigées par l'OTAN. C'est une condition préalable à notre

16 participation à une telle force"? Voilà sa déclaration.

17 Puis, deux jours plus tard, elle a répété cette position lors d'une

18 conférence de presse et je cite: "Quand on m'a demandé si ces forces

19 pourraient être autre chose que des forces dirigées par l'OTAN, je peux

20 vous dire sans ambiguïté que, du point de vue des Etats-Unis, c'est tout à

21 fait exclu, ces forces doivent être dirigées par l'OTAN."

22 M. le Président (interprétation): Quelle est la pertinence de ce que vous

23 nous dites là du point de vue de ce témoin?

24 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, c'est pertinent car on parle soi-

25 disant d'opérations visant à maintenir la paix mais, en fait, ce dont on

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1 parle c'est une occupation du Kosovo par l'OTAN et bon, si on s'en tient à

2 l'accord concernant la mise en œuvre, eh bien, cela aurait en fait été une

3 occupation de la Yougoslavie toute entière, n'est-ce pas vrai?

4 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

5 je pense que cela n'est pas pertinent. Il n'était pas question d'une

6 occupation, comme je l'ai déjà dit. J'avais insisté que cela ne devait

7 avoir lieu que si le Gouvernement de Belgrade nous y invitait; nous ne

8 pouvions pas instaurer une présence militaire sur le terrain sans le

9 consentement du Gouvernement de Belgrade. Mais j'ai l'impression que

10 l'accusé tente de nous présenter des faits complètement différents avec

11 tout le respect que je vous dois, je pense que cela va bien au-delà de ce

12 que j'ai dit dans ma déclaration écrite.

13 M. le Président (interprétation): Veuillez nous laisser être juge de cela.

14 M. Vollebaek (interprétation): Oui, bien sûr, mais je voulais en fait vous

15 demander un conseil, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): C'est à nous qu'il appartient de décider

17 ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas. Vous comprendrez que l'accusé

18 assure lui-même sa propre défense, donc il a une certaine marge de

19 manœuvre.

20 Monsieur Milosevic, avez-vous d'autres questions que vous souhaiteriez

21 poser à ce témoin?

22 M. Milosevic (interprétation): Je ne sais pas pourquoi vous ne cessez de

23 me demander si j'ai encore des questions, alors que vous m'avez attribué

24 ces deux petites heures, Monsieur May.

25 Monsieur le Témoin, vous avez accepté de jouer le rôle d'un représentant

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1 de pays neutre mais, en tant que représentant officiel de la Norvège qui

2 était membre de l'OTAN, cela vous était impossible depuis le début, mais

3 dans ces conditions, savez-vous que la planification de la défense par le

4 Pentagone de 1994 à 1999...

5 M. le Président (interprétation): Non, non, je ne pense pas que nous

6 devions encore vous entendre parler du rôle de l'OTAN. Je vais vous

7 arrêter sur ces questions traitant de ce sujet. Le témoin a déjà répondu à

8 des questions sur ce sujet depuis une heure et demie. Maintenant, vous ne

9 lui avez posé aucune question au sujet des rencontres qu'il a eues avec

10 vous.

11 Au cours de l'heure qui vient, je vous proposerai de traiter de cela, car

12 cela fait partie de la déposition du témoin.

13 M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Président, dans son témoignage

14 ici, M. Vollebaek a dit que, en tant que ministre des Affaires étrangères,

15 il participait aux actions de l'OTAN puisqu'il représentait la Norvège,

16 membre de l'OTAN. Je pense que je suis en droit...

17 M. le Président (interprétation): Ce que vous êtes en droit de faire,

18 c'est de poser des questions au témoin, comme vous l'avez fait depuis une

19 heure et demie sur ce sujet. Mais ce que vous n'avez pas le droit de

20 faire, c'est d'abuser du temps que le Tribunal vous a imparti et de

21 poursuivre sans cesse sur le même sujet en essayant de marquer des points.

22 Maintenant, votre contre-interrogatoire devrait, à partir de maintenant,

23 porter sur d'autres sujets, à savoir des sujets différents de l'OTAN.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, il n'y a qu'un seul sujet

25 ici, c'est le crime commis contre la Yougoslavie et la tentative de

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1 couvrir ce crime par des excuses évasives...

2 M. le Président (interprétation): Vous êtes ici pour interroger le témoin

3 en lui posant des questions et sans faire de discours.

4 A moins que vous n'ayez d'autres questions à poser au témoin, ce contre-

5 interrogatoire va être interrompu.

6 M. Milosevic (interprétation): Puis-je me permettre de poser une question

7 maintenant, je vous prie, Monsieur May?

8 M. le Président (interprétation): Oui.

9 M. Milosevic (interprétation): En tant que ministre, comme je le disais,

10 avez-vous eu connaissance de la position exprimée précédemment qui est

11 d'importance tout à fait capitale -je cite-: "Préserver l'OTAN en tant

12 qu'instance primaire"?

13 M. le Président (interprétation): J'ai déjà rendu ma décision en disant

14 que c'était un sujet dépourvu de pertinence et que nous perdions du temps.

15 Vous devez passer à un autre sujet que l'OTAN. Vous y avez déjà consacré

16 une heure et demie.

17 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, ce qu'a écrit Georges

18 Kenny.

19 M. le Président (interprétation): J'ai oublié qui était M. Kenny. Nous en

20 avons déjà entendu parler, je crois que c'est un journaliste, mais je peux

21 me tromper.

22 M. Milosevic (interprétation): C'est un diplomate.

23 M. le Président (interprétation): Oui, excusez-moi. Vous avez tout à fait

24 raison, c'est un diplomate américain, mais je ne vous autoriserai pas à

25 poser des questions dans lesquelles vous demandez au témoin l'avis qui est

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1 le sien au sujet de l'opinion exprimée par toutes sortes de personnes. Une

2 opinion n'est d'aucune aide pour ce Tribunal. Le témoin a donc déjà

3 répondu aux questions pertinentes et il ne le fera pas pour des questions

4 dépourvues de pertinence.

5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ce que je traite ici, ce sont

6 des faits; un fait particulier qui indique la nature de ces simulacres de

7 négociations. Je demande au témoin ce qu'il pense s'agissant des

8 négociations de Rambouillet ou de ce que l'on a appelé ainsi, de l'opinion

9 de Georges Kenny parce que c'est un responsable américain qui déclare -je

10 cite-: "Nous avons intentionnellement placé la barre trop haut pour que

11 les Serbes puissent la franchir".

12 M. le Président (interprétation): Mais une question avant cela…

13 M. Milosevic (interprétation): Ceci a été confirmé.

14 M. le Président (interprétation): Avez-vous, Monsieur le Témoin, eu le

15 moindre rapport que ce soit avec les négociations de Rambouillet?

16 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, en tant que

17 président en exercice de la zone opérationnelle, à l'époque, je

18 participais à quelques-unes des réunions en tant qu'observateur. Ces

19 réunions étaient traitées par le groupe de contact, comme vous le savez,

20 mais en ma qualité de l'époque, j'y étais invité. J'ai donc participé à

21 deux ou trois réunions, si je me souviens bien: une à Rambouillet, et une

22 après la rupture de ces pourparlers.

23 Mais, Monsieur le Président et Messieurs les Juges, puisque M. Milosevic a

24 parlé de cela en disant que c'était important, à son avis, je pense que je

25 suis contraint de vous dire, avec votre autorisation, que jusqu'à la

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1 rupture des pourparlers avec la délégation serbe, celle-ci a participé

2 activement aux négociations et faisait partie de quelques accords

3 susceptibles d'être atteints.

4 Il est donc encore une fois faux de prétendre que ceci leur a été imposé.

5 Plus tard, la délégation serbe a changé d'avis et a déclaré qu'elle ne

6 participerait plus. Mais, lors de ma rencontre avec M. Milosevic, je

7 suppose que c'était le 1er mars, au cours de la pause, nous avons discuté

8 de l'accord de Rambouillet, et il a dit ce qu'il semble être en train de

9 dire à présent, à savoir qu'il était à une certaine distance de cet

10 accord. Et j'ai dû lui rappeler que sa délégation avait participé

11 activement à ces négociations.

12 M. Milosevic (interprétation): C'est exactement ce que je suis en train de

13 dire. Avec la meilleure volonté du monde, Monsieur Vollebaek, au cours de

14 ces négociations, savez-vous que ce que j'ai dit est exact ou pas?

15 M. le Président (interprétation): Aucune nécessité de répondre à cette

16 question, à moins que vous ne le souhaitiez.

17 M. Vollebaek (interprétation): Je suis encore un peu incertain, mais oui,

18 en effet, la délégation serbe a participé aux négociations. J'ai eu le

19 sentiment qu'il y a eu changement de son attitude au moment de la rupture

20 des négociations et, pendant tout ce temps, pour nous, il était très

21 important du côté de l'OSCE de veiller à ce qu'une présence militaire soit

22 assurée en raison précisément des actions précédentes de M. Milosevic.

23 Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas être responsable d'une

24 nouvelle mission civile sans présence militaire pour appuyer cette

25 mission. Pour dire les choses très clairement, Monsieur le Président, ceci

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1 était dû au fait que je ne faisais pas confiance à M. Milosevic. Je ne lui

2 faisais pas confiance parce qu'il ne respectait pas ses engagements, il ne

3 respectait pas l'accord que nous avions conclu en 1998. Donc pourquoi

4 aurait-il respecté un nouvel accord?

5 Et je ne pouvais pas être responsable de placer des civils à un endroit où

6 je ne pouvais pas être sûr de leur sécurité, où je ne pouvais pas être sûr

7 de pouvoir les aider -premier point- et où ensuite ils seraient

8 ridiculisés.

9 C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité une présence militaire pour

10 nous aider dans nos fonctions afin que, du côté de l'OSCE, le mandat de

11 celui-ci puisse être rempli.

12 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, puisque vous faites

13 référence au rapport de votre Mission et à l'appréciation faite par les

14 membres de la Mission de vérification, savez-vous ou avez-vous

15 connaissance d'une appréciation faite par un ambassadeur, l'un de vos

16 collègues, l'ambassadeur français Gabriel Keller, qui était chef-adjoint

17 de la Mission et qui dit ce qui suit. Je vais vous donner lecture de ses

18 déclarations; leur authenticité peut être authentifiée, bien entendu.

19 Dites-moi ensuite, après ma lecture, si cela coïncide avec ce que vous

20 avez dit quant aux membres de la Mission. Il s'agit d'un collègue à vous,

21 chef-adjoint de la Mission.

22 Cette personne déclare ce qui suit -je cite-: "La facilité de la Mission a

23 été remise en cause depuis le début. Nous n'avons jamais réussi très

24 clairement à acquérir une impression particulière par rapport à cette

25 Mission. Après plusieurs semaines de présence sur le terrain, l'image

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1 globale de l'OSCE-KVM était une image pro-albanaise, pro-OTAN et anti-

2 serbe, etc. Rien n'a été fait pour corriger cette image". (Fin de

3 citation.)

4 Voilà ce que dit cet ambassadeur qui poursuit -je cite-: "L'UCK voulait

5 améliorer sa situation sur le terrain. Tout retrait de l'armée yougoslave

6 ou de la police serbe était suivi d'un mouvement en avant des forces de

7 l'UCK, bien sûr considéré comme une violation du cessez-le-feu. La

8 présence de l'OSCE obligeait les forces de l'Etat à certaines contraintes,

9 pour dire le moins, au début de notre mission et l'UCK a tiré profit de

10 cela pour consolider ses positions partout, en continuant à faire entrer

11 illégalement des armes en provenance d'Albanie, en procédant à des

12 enlèvements, en tuant des gens, aussi bien civils que militaires, albanais

13 que serbes." (Fin de citation.)

14 Etes-vous au courant de cela, Monsieur Vollebaek, des opinions exprimées

15 ici? Sont-ce des opinions de journalistes ou de personnes ne connaissant

16 rien à l'affaire? Ou de tels avis peuvent-ils être considérés comme

17 provenant de personnes très au courant de la situation? Cette appréciation

18 a-t-elle la moindre signification à vos yeux?

19 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

20 je ne me rappelle pas cette déclaration, mais je n'ai bien entendu aucune

21 raison de dire qu'elle n'est pas exacte. Mais, dans ce cas, je dirais mon

22 désaccord avec M. Keller. Je ne pense pas que nous soyons partiaux.

23 J'étais président de l'OSCE, M. Keller ne l'était pas. Elle était chef

24 d'un organe obéissant à l'OSCE et j'ai déployé tous les efforts possibles,

25 j'ai réellement fait des efforts pour que la situation soit maniable. J'ai

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1 dit à plusieurs reprises, comme vous vous en souviendrez, Monsieur

2 Milosevic, si vous êtes honnête, j'ai répété à de nombreuses reprises que

3 nous souhaitions coopérer avec vous. Nous souhaitions que la Yougoslavie

4 accepte et intègre l'OSCE.

5 Nous ne voulions pas vous exclure ou faire de la Yougoslavie ou de la

6 population serbe une cible. Lorsque la question a été posée, les questions

7 dont il a été discuté ici, les atrocités, les incidents qui ont été

8 provoquées par l'UCK ou sur lesquels des rapports ont été établis -nous en

9 avons déjà parlé-, nous n'avons pas accepté cela. Nous avons considéré que

10 tout cela ne devait pas se passer, que c'étaient des actions clandestines

11 qui pouvaient être améliorées.

12 Je suis certain que c'était le cas, mais encore une fois, ce n'est pas le

13 sujet dont nous discutons ici, Monsieur le Président, si je puis me

14 permettre.

15 En fait, l'énorme exode de population et les atrocités importantes

16 commises contre la population se sont produites, Monsieur Milosevic, après

17 le retrait de la KVM. Donc vous auriez pu, à ce moment-là, prouver que

18 vous étiez réellement un dirigeant et coopérer avec la population. Vous

19 aviez toutes les possibilités de le faire, vous aviez le commandement de

20 la situation, mais vous n'avez pas agi de cette façon. Vous avez, à ce

21 moment-là, pris pour cibles ceux que nous pensions que vous alliez prendre

22 pour cibles. C'est la raison pour laquelle nous avons dû réagir.

23 Question: Donc cela signifie, je vous le demande: êtes-vous au courant des

24 contradictions que vous avez définies au cours d'une phrase unique en

25 parlant "des atrocités", qui signifient -je suppose- les événements

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1 survenus au cours de la guerre, après le retrait de la KVM? Cela signifie

2 qu'une fois que la guerre a commencé, que les conflits ont commencé et que

3 l'UCK a lancé ses opérations, une fois qu'elle a proclamé sa mobilisation

4 sur un front très large contre les forces yougoslaves, tout cela s'est

5 donc passé précisément à ce moment-là et, en raison des actes de l'UCK? Et

6 c'est ce qui a entraîné une réaction de la part de la partie yougoslave.

7 Mais néanmoins, vous reprochez tout cela au Gouvernement yougoslave et à

8 moi, ou plutôt personnellement à moi, n'est-ce pas?

9 Réponse: Monsieur Milosevic, vous m'avez entendu dire, à de très

10 nombreuses reprises, que ce conflit, ce qui s'est passé et qui a duré très

11 longtemps, je n'ai pas dit que les atrocités ne s'étaient produites

12 qu'après le retrait de la KVM, mais j'ai dit que la grande majorité de la

13 population a été expulsée, chassée de son domicile pendant cette période.

14 Mais il y a eu accroissement de la présence militaire pendant des mois et

15 des semaines avant cela; vous le savez très bien.

16 Nous avons discuté de cela à de nombreuses reprises; je vous en ai donné

17 des exemples, des rapports dont je disposais -à l'époque, je les avais

18 sous les yeux- et j'avais des noms que je pouvais citer, des dates, des

19 noms de lieu. Si la Chambre le souhaite, bien sûr, je peux lui remettre

20 tous ces rapports.

21 Donc ce que je veux dire, c'est que votre déclaration n'a rien à voir avec

22 la situation sur le terrain.

23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, je suppose que vous

24 comprenez que tous ces rapports publiés par la Mission dans lesquels il

25 était impliqué qu'ils nous ont également été envoyés et qu'il s'agissait,

Page 7715

1 dans une certaine mesure, de documents publics. Pourquoi donc, dans ces

2 conditions, le contenu de ces documents serait-il contesté?

3 Maintenant, pour autant que votre mandat ait été concerné, votre mandat de

4 départ en tant que président de l'OSCE en 1999, lors de la rencontre de

5 1998, il est vrai que nous avons discuté du fait que la Yougoslavie devait

6 finalement obtenir un siège à l'OSCE et que lui avoir enlevé ce siège

7 était illégal.

8 Je suis sûr que vous vous souviendrez que j'ai dit -et bien sûr, cela n'a

9 pas été retiré après 1999, mais au début, dans les années 90- que l'OSCE

10 pouvait empêcher le démantèlement de la Yougoslavie, en appliquant le

11 principe du consensus, selon lequel les décisions pouvaient donc être

12 prises de façon consensuelle, à savoir que sans la Yougoslavie soit

13 considérée comme suspecte par l'OSCE. Je suis sûr que vous vous

14 souviendrez de cela?

15 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

16 je ne suis pas certain de devoir répondre à cette question. Encore une

17 fois, je répète que ce qui vient d'être dit par M. Milosevic a été formulé

18 de façon correcte: à savoir que je souhaitais que la Yougoslavie revienne

19 au sein de l'OSCE.

20 Ce qui s'est passé longtemps avant que je devienne Président de l'OSCE je

21 ne le sais pas, ce n'est pas de ma responsabilité. J'œuvrais, pour ma

22 part, vers l'obtention de cet objectif, à savoir le retour de la

23 Yougoslavie, si elle pouvait respecter les conditions préalables. Et,

24 c'est ce dont il a été question en 1998, mais il a également été discuté…,

25 cela a également été discuté en janvier 1999, donc c'était mon objectif.

Page 7716

1 Mais lorsque j'ai vu, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, qu'il y

2 avait aucune coopération de la part de M. Milosevic quant aux conditions

3 préalables pour une telle adhésion, les choses ont changé.

4 M. Milosevic (interprétation): Très bien. L'adhésion, la participation à

5 l'OSCE a donc été retirée à la Yougoslavie et c'était illégal. Ne rentrons

6 pas dans une discussion des conditions préalables pour l'adhésion de la

7 Yougoslavie. La Yougoslavie était l'un des membres fondateurs de l'OSCE en

8 tout état de cause.

9 Maintenant, vous nous parlez crimes commis à l'époque, vous nous en avez

10 parlé ici. J'aimerais vous rappeler qu'en page 7 de votre déclaration

11 écrite version serbe, et je suppose que la personne qui a recueilli votre

12 déclaration a inscrit les titres, nous lisons: "Discussions avec Slobodan

13 Milosevic au sujet des crimes de guerre au Kosovo". C'est un sous-titre.

14 Et puis ensuite, nous en arrivons à ce que vous avez dit -je cite-: "Je ne

15 pense pas que ce sujet soit un sujet dont nous avons parlé." (Fin de

16 citation.) A savoir que vous dites que les questions qui vous sont posées

17 par l'enquêteur au sujet des pourparlers avec M. Milosevic sur ces

18 questions au Kosovo, vous dites que vous ne vous rappelez pas que ces

19 questions aient été discutées.

20 C'est la raison pour laquelle je vous cite votre déclaration: "Je ne me

21 rappelle pas que cette question ait fait l'objet de débats ou qu'elle ait

22 été évoquée.". C'est ce que vous dites.

23 Mais permettez-moi, Monsieur Vollebaek, de vous poser la question

24 suivante: avez-vous le sentiment qu'il n'y a pas beaucoup de questions de

25 ce genre dont vous avez perdu la mémoire et que les explications dans

Page 7717

1 votre déclaration écrite manque de clarté? Regardez sur cette même page le

2 sous-titre qui se lit comme suit: "Formation paramilitaire".

3 M. le Président (interprétation): Si vous voulez soumettre des documents

4 au témoin, en particulier celui-ci, il devrait en avoir copie sous les

5 yeux.

6 M. Ryneveld (interprétation): Je suis d'accord, Monsieur le Président. Non

7 seulement cela, mais il y a deux déclarations de ce témoin et je ne sais

8 pas de laquelle il est question. J'ai un exemplaire des deux déclarations

9 de Son Excellence, l'ambassadeur Vollebaek, entre les mains, et je propose

10 avec l'aide de l'huissier de les soumettre toutes les deux au témoin, en

11 particulier la plus longue des deux.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 M. le Président (interprétation): J'aimerais également que les Juges

14 puissent en avoir un exemplaire.

15 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur l'huissier, il faut remettre des

16 copies aux Juges également.

17 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Cela prendra beaucoup de temps,

18 Monsieur le Président. J'espère que vous en tiendrez compte et que vous

19 m'accorderez un temps plus long pour mon contre-interrogatoire.

20 M. le Président (interprétation): Si vous posez des questions au sujet

21 d'une déclaration, le témoin doit pouvoir l'avoir sous les yeux la lire,

22 savoir de quoi vous parlez. Nous avons besoin d'exemplaires de cette

23 déclaration également.

24 M. Ryneveld (interprétation): Quand M. Milosevic parle de la longue

25 déclaration, fait-il référence à celle de 16 pages recueillies le 8

Page 7718

1 janvier 2002?

2 M. le Président (interprétation): Je suppose, puisque l'autre n'a que huit

3 pages.

4 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

5 M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est celle de 16 pages dont je parle.

6 M. Vollebaek (interprétation): Pourriez-vous me dire de quelle page il

7 s'agit dans la version anglaise?

8 M. le Président (interprétation): Nous devons le trouver également.

9 M. Milosevic (interprétation): Dans la version anglaise cela figure en

10 page 7. Je ne sais pas ce qu'il en est de la version anglaise. Si c'est

11 sur une page différente, je n'ai pas le texte anglais sous les yeux.

12 M. Ryneveld (interprétation): Je vais pouvoir vous aider. C'est à peu près

13 au milieu de la page 6 où l'on voit des mots en italiques au milieu de la

14 page qui se lisent comme suit: "Point de vue de Slobodan Milosevic sur le

15 conflit du Kosovo".

16 M. le Président (interprétation): Voyons voir.

17 M. Milosevic (interprétation): Non, le titre est: "Discussions avec

18 Slobodan Milosevic au sujet des crimes de guerre au Kosovo". Ceci figure

19 en page 7, c'est un sous-titre. Avant cela, on lisait les mots suivants:

20 "Rencontres avec Milutinovic et Sainovic".

21 M. Ryneveld (interprétation): Je vois. C'est à la dernière ligne de la

22 page 7. Tout à fait, dernière ligne, juste au-dessus des signatures. Un

23 titre sans paragraphe ensuite.

24 M. le Président (interprétation): Oui.

25 M. Milosevic (interprétation): Je cite: "Discussions avec Milosevic au

Page 7719

1 sujet des crimes de guerre au Kosovo".

2 Et je vous pose une question au sujet de la phrase suivante, je cite: "Je

3 ne me rappelle que pas que cette question ait été discutée".

4 Est-ce exact ou pas?

5 M. Vollebaek (interprétation): C'est exact, Monsieur le Président. Je n'ai

6 pas évoqué cette question des crimes de guerre dans une quelconque

7 conversation avec M. Milosevic.

8 Question: Très bien. Maintenant, dites-moi la chose suivante. Avant ceci,

9 deux sous-titres avant, nous lisons: "Les paramilitaires, formations

10 paramilitaires et paramilitaires".

11 Dans un paragraphe, vous dites donc -je cite-: "Je ne pense pas que les

12 groupes paramilitaires aient été évoqués au cours des conversations que

13 j'ai eues avec M. Milosevic. Je ne pense pas qu'ils aient été évoqués,

14 mais nous connaissions leur existence et je me souviens avoir discuté de

15 la question avec lui également". (Fin de citation.)

16 Alors, qu'est-ce que je dois déduire de ce que vous dites dans une phrase?

17 A savoir que vous ne pensez pas avoir discuté des groupes paramilitaires

18 avec moi et ensuite vous pensez que vous l'avez fait? Vous pensez avoir

19 discuté de la question et, pour autant que je me souvienne, ceci n'a pas

20 été très utile.

21 Mais qu'en est-il, Monsieur Vollebaek?

22 Réponse: L'accusé sait qu'il existait un certain nombre de groupes au

23 Kosovo qui agissaient en dehors de l'armée régulière, mais nous avons

24 parlé de cela dans la mesure où le sujet était évoqué par la KVM et pas

25 par moi, parce qu'il était question dans ce cas-là d'incidents locaux.

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1 Mais, à ma connaissance, personne n'a admis en tant que notion, en tant

2 que connotation, que des groupes paramilitaires existaient ou agissaient.

3 Selon les rapports que je recevais de la KVM, la KVM estimait que ces

4 actions, ces atrocités, ces incidents qui survenaient étaient commis par

5 des groupes paramilitaires. Cela signifie, en tout cas comme je l'ai

6 compris, qu'il ne s'agissait pas de forces militaires régulières.

7 Mais, puisque M. Milosevic n'a jamais admis que des groupes paramilitaires

8 existaient, ceci n'a jamais fait de discussions au cours des rencontres

9 que j'ai eues avec lui, autant que je puisse m'en souvenir. Je pourrais me

10 tromper, mais je ne me rappelle pas que nous ayons évoqué ce sujet en tant

11 que tel.

12 Question: Je ne parle que des erreurs de logique et des contradictions,

13 Monsieur Vollebaek. Mais s'il s'agit des paramilitaires, par la suite au

14 moins, avez-vous reçu une information ou avez-vous appris d'une façon ou

15 d'une autre qu'il existait un ordre venant de notre commandement suprême,

16 selon lequel les membres des formations paramilitaires devaient être

17 arrêtés après démantèlement de leur groupe? Connaissiez-vous ce fait?

18 Avez-vous reçu cette information? Car bien entendu ces groupes pouvaient

19 toujours se reconstituer, mais avez-vous connaissance de cela?

20 Réponse: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je ne suis pas sûr

21 d'avoir bien compris la question. Mais, ce dont j'ai parlé moi-même

22 c'était des rapports que je recevais de la KVM au sujet d'actions menées

23 contre la population civile du Kosovo dont certaines étaient très

24 manifestement l’œuvre de militaire et d'autres non. C'étaient des

25 rapports dont je disposais et puis, par ailleurs, je disposais des avis

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1 exprimés par les réfugiés que j'ai rencontrés par la suite après qu'ils

2 aient quitté le Kosovo et après la guerre.

3 M. Milosevic (interprétation): Il faut que nous avancions plus rapidement.

4 Quand vous dites m'avoir rencontré, vous affirmez considérer que notre

5 première rencontre en dehors de 1993, avait un rapport avec Walker, je ne

6 sais pas si c'était la première ou la deuxième rencontre, mais en tout cas

7 le 21 janvier, après les événements de Racak vous êtes venu à Belgrade

8 pour convaincre le Gouvernement yougoslave de modifier sa décision au

9 sujet de M. Walker et de le considérer persona non grata, n'est-ce pas?

10 Réponse: C'est exact.

11 Question: Compte tenu de vos fonctions, vous aviez la possibilité de

12 demander également, n'est-ce pas, le retrait de la KVM? Ce n'est pas

13 contestable, n'est-ce pas?

14 Réponse: En effet, j'avais le pouvoir de le faire.

15 M. Milosevic (interprétation): Vous rappelez-vous que lors de votre

16 rencontre avec moi et avec d'autres représentants du Gouvernement

17 yougoslave, lorsque vous avez eu des conversations séparées avec le

18 ministre des Affaires étrangères et d'autres, vous avez déclaré que vous

19 redemanderiez le retrait de la KVM si M. Walker était déclaré persona non

20 grata sur le territoire yougoslave? C'est bien cela, n'est-ce pas? Vous

21 vous le rappelez ou pas?

22 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur Milosevic, je dois admettre que je

23 ne suis pas sûr de me rappeler les mots exacts que j'ai prononcés. Je me

24 souviens que la question du retrait a été abordée au cours de nos

25 conversations, mais aussi dans nos délibérations internes.

Page 7722

1 Comme je l'ai déjà dit précédemment, vous avez laissé entendre que vous

2 pouviez modifier la direction de la KVM, que vous auriez préféré un

3 Norvégien à la tête de la KVM. Je vous ai répondu que cette décision ne

4 dépendait pas de moi. Et je ne crois pas que j'ai menacé d'un retrait,

5 mais je crois avoir dit que l'expulsion de l'ambassadeur Walker pouvait

6 déboucher sur le retrait de la KVM. Mais pour être très franc avec vous,

7 Monsieur Milosevic, nous n'étions pas certains que parler de retrait de la

8 KVM aurait été considéré comme une menace par vous à l'époque. Donc nous

9 ne souhaitions pas jouer votre jeu et proposer le retrait de la KVM.

10 C'était donc un peu difficile pour nous parce que nous pensions que vous

11 pourriez être très satisfait d'un retrait de la KVM, plutôt que de voir en

12 cela une menace.

13 Pour autant que je m'en souvienne, j'ai été très précautionneux dans les

14 mots que j'ai utilisés en parlant de "retrait de la KVM", mais j'ai dit

15 que la conséquence d'une expulsion de l'ambassadeur pouvait être la

16 cessation de l'action de la KVM. Nous ne pouvions pas changer la

17 situation... Enfin, je ne pouvais pas changer la situation.

18 M. le Président (interprétation): Nous devons suspendre. Il est 13 heures,

19 nous suspendons pendant 1 heure 30, jusqu'à 14 heures 30.

20 Monsieur Vollebaek, veuillez revenir dans le prétoire à ce moment-là.

21 (L'audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 30.)

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous pouvez

23 reprendre.

24 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, j'affirme toujours que

25 la seule raison pour laquelle nous avons été d'accord pour suspendre la

Page 7723

1 décision relative à la proclamation de M. Walker comme persona non grata,

2 était précisément la menace d'après laquelle l'ensemble de la Mission de

3 vérification serait retirée. Est-ce exact ou non?

4 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, je ne pense pas

5 qu'il me revienne de me prononcer sur ce que pouvait être l'intention ou

6 l'évaluation que M. Milosevic pouvait faire d'une situation.

7 Ma compréhension de ce qui s'est passé à l'époque est celle-ci: ayant tout

8 pris en compte et tout pris en considération, il a accepté de maintenir M.

9 Walker dans ses fonctions de responsable de la KVM parce qu'une expulsion

10 aurait constitué une violation de l'accord qui avait été passé entre

11 l'OSCE et le Gouvernement de Belgrade en 1998.

12 Moi, j'étais satisfait de cette décision. Cela s'est passé au tout début

13 de 1999 et j'avais encore l'espoir que nous arriverions à remplir la

14 mission qui nous avait été confiée. Moi, j'ai accepté ce qui semblait être

15 une suspension sine die de cette décision afin que nous puissions

16 continuer à travailler conformément à la lettre de l'accord signé.

17 Question: Très bien. Je voudrais simplement vous demander d'être un peu

18 plus bref dans vos réponses. Vous savez que le temps m'est plus que

19 compté.

20 Est-ce que vous savez que dans cet accord signé par M. Jovanovic et

21 Geremek, qui portait sur l'établissement de la Mission de vérification, il

22 est dit, entre autres choses, que les Conventions de Vienne doivent être

23 d'application.

24 Merci de répondre par un simple oui ou non.

25 Réponse: Monsieur le Président, j'ai l'accord parmi mes documents

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1 personnels, mais je n'ai pas cet accord sous les yeux; je ne suis pas sûr.

2 Est-ce que je dois essayer de regarder ce document? Parce que sinon, je

3 peux vous dire que, d'après mon souvenir, nous étions d'accord pour

4 appliquer la Convention de Vienne et nous considérions que cela faisait

5 partie de l'accord passé.

6 Question: Très bien. Etant donné donc que la Convention de Vienne faisait

7 partie intégrante de l'accord, vous ne pouvez pas, je pense, affirmer que

8 M. Walker ne pouvait pas être désigné comme persona non grata. Et vous ne

9 pouvez pas affirmer qu'une telle action constituait une violation de

10 l'accord, si vous acceptez que la Convention de Vienne faisait partie de

11 l'accord?

12 Réponse: L'accord, Monsieur Milosevic, stipulait que l'OSCE, ainsi que le

13 Gouvernement de Belgrade, allait coopérer l'un avec l'autre dans le cadre

14 de la Mission de vérification du Kosovo.

15 L'accord précisait également que cette Mission avait été mise sur pied par

16 l'OSCE et l'accord précisait encore que l'OSCE devait désigner le chef de

17 cette Mission. C'est ce qui importe ici: il ne vous revenait pas de

18 désigner ce chef de Mission; il me revenait de désigner le chef de la KVM.

19 Question: Bien sûr, nous n'avons pas pu décider qui cela devait être,

20 mais, quoi qu'il en soit et dans le respect de la Convention de Vienne,

21 nous avions le droit de proclamer quelqu'un persona non grata. Vous

22 n'allez pas contester cela, je pense?

23 Réponse: Moi, je dis que cette prise de position qui était la vôtre était

24 une violation de l'accord. Et puis, je ne voyais pas pourquoi vous

25 souhaitiez faire de M. Walker une persona non grata.

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1 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, vous avez déclaré que

2 c'était votre compétence à vous de désigner le chef de la Mission, mais le

3 même principe s'applique aux chefs d'Etat. C'est de la compétence du chef

4 de l'Etat de désigner les ambassadeurs; c'est ainsi que vous avez vous-

5 même été désigné par votre Gouvernement, mais cela n'exclut pas le droit

6 d'un chef d'Etat de déclarer que quelqu'un est désormais persona non

7 grata. Surtout si cette personne ne respecte pas la lettre de son mandat,

8 surtout si cette personne agit en contravention d'une règle.

9 M. le Président (interprétation): Tout cela a déjà été abordé par le

10 témoin. Est-ce que vous voulez ajouter quoi que ce soit, Excellence?

11 M. Vollebaek (interprétation): Je ne le pense pas.

12 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

13 Quelques jours après la proclamation de M. Walker comme persona non grata,

14 Madeleine Albright a déclaré que, s'il était retiré de la Mission, la

15 Mission serait retirée dans son intégralité. A l'époque, vous étiez

16 président de l'OSCE, à l'époque, vous aviez compétence pour désigner le

17 chef de la Mission.

18 Alors, pourriez-vous me dire, s'il vous plaît, quels étaient les pouvoirs

19 à Madeleine Albright, à l'époque, et qui lui permettaient d'affirmer une

20 chose pareille?

21 Réponse: Madeleine Albright n'avait pas le droit de faire une telle

22 déclaration; elle a simplement exprimé son opinion personnelle. Ce n'est

23 pas un droit ou une compétence qui lui revenait que de faire cette

24 déclaration.

25 Question: Très bien. Alors, encore une question. Pourquoi était-il si

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1 important, aux yeux de l'OSCE ou aux yeux du Gouvernement des Etats-Unis

2 d'alors, d'insister sur le maintien de M. Walker à son poste? Pourquoi

3 ont-ils insisté à ce point?

4 Réponse: Je ne suis pas là pour répondre de ce qui a été fait ou dit par

5 le Gouvernement américain. Je ne peux rien dire de ce genre, mais je peux

6 parler en mon nom propre.

7 J'ai été le témoin de la décision que vous avez prise et qui visait à

8 faire de M. Walker une persona non grata. Je sais que votre intention

9 première, eu égard au KVM, était d'affaiblir la Mission, de nous entraver

10 dans l'accomplissement de notre mandat. Et j'étais persuadé que, si je

11 cédais à ce genre de comportements, vous alliez proférer de nouvelles

12 exigences, le lendemain ou le surlendemain, et j'aurais à répondre à ces

13 exigences, une fois encore.

14 Et puis, j'aimerais vous rappeler encore une chose, Monsieur Milosevic. Je

15 vous avais déjà dit à l'époque, que vous n'aviez pas fait part de vos

16 récriminations à l'égard de l'ambassadeur Walker et de son comportement

17 dans le cadre du massacre de Racak; vous ne m'en aviez pas parlé

18 directement. Vous avez pris cette décision de façon unilatérale. Moi,

19 j'étais Président en exercice de l'OSCE. Si vous aviez quelque plainte à

20 formuler envers qui que ce soit, c'était vers moi qu'il fallait que vous

21 vous tourniez, mais vous ne l'avez pas fait, vous ne m'avez pas consulté.

22 Je le répète: vous avez pris cette décision de votre propre initiative.

23 Question: Ce dont je me souviens, Monsieur Vollebaek, c'est que j'ai

24 insisté, lors de l'une de nos rencontres, sur le fait que vous deviez

25 renforcer les structures de votre mission, qu'il fallait que le nombre

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1 d'hommes qu'elle comptait soit plus important. A l'époque, elle ne

2 comptait qu'un tiers des effectifs qui avaient été prévus initialement,

3 1.300 hommes et non 2.000 hommes comme cela avait été prévu dans un

4 premier temps.

5 Réponse: C'est exact que je me rappelle de cela et nous avons essayé de

6 renforcer nos effectifs.

7 Question: Par conséquent, je vous pose la question suivante: en tant que

8 chef de l'OSCE, je pensais que vous deviez renforcer vos effectifs en

9 faisant venir 700 hommes supplémentaires. Par ailleurs, vous avez-vous

10 même dit que j'avais suggéré, puisque je n'avais pas le droit de vous dire

11 quoi que soit, mais je vous avais tout de même suggéré de désigner un

12 nouveau chef de mission qui serait plus équitable, plus objectif dans son

13 comportement.

14 Monsieur Walker avait fait la démonstration de son manque d'objectivité et

15 je vous ai suggéré de désigner une personne plus compétente à ce poste. Au

16 vu de ces deux faits, comment pouvez-vous aujourd'hui affirmer qu'il

17 allait de notre intérêt de saper les forces de votre mission. Est-ce que

18 les faits ne démontrent pas exactement l'inverse? Ne démontre-t-il pas que

19 nous étions très soucieux de maintenir la présence de cette mission sur le

20 terrain? Ne montre-t-il pas que nous étions soucieux d'avoir exercé ces

21 activités de façon impartiale et objective?

22 Réponse: Monsieur Milosevic, je crois que vous auriez été heureux de

23 bénéficier d'une mission qui répondait à chacun de vos désirs et qui

24 fonctionnait comme bon vous semblez. Je ne doute pas que vous ayez rêvé

25 d'avoir ce type de mission, mais chaque fois qu'une question a été

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1 soulevée, avec laquelle vous n'étiez pas en accord ou à propos de laquelle

2 vous aviez une plainte à formuler, vous avez également fait la

3 démonstration de votre subjectivité, notamment à l'égard du traitement que

4 vous avez réservé au peuple du Kosovo.

5 Vous avez toujours choisi de vous plaindre ou de protester contre ce qui

6 était fait. Rappelez-vous que votre suggestion de désigner un nouveau

7 responsable de la KVM et de renforcer la mission, n'a pas été le résultat

8 d'une conversation que nous avons eue tous les deux sur la façon de rendre

9 les choses plus efficaces.

10 La question n'était pas de savoir comment améliorer les conditions de

11 travail de la KVM. Tout ceci a été l'aboutissement d'une longue

12 discussion. Je crois que c'est une discussion qui a duré pendant plus de 3

13 heures 30. Je crois que nous avons parlé toute une nuit, et moi j'ai dû me

14 précipiter vers Belgrade pour essayer de maintenir la mission telle

15 qu'elle existait car vous, vous aviez, de façon tout à fait unilatérale,

16 décidé de déclarer la personne responsable de la mission persona non

17 grata.

18 Question: Très bien. Mais vous êtes conscient du fait que, peu de temps

19 avant cela, des généraux de l'OTAN m'ont rendu visite et m'ont demandé de

20 modifier cette décision, de l'annuler. Ce que nous avons accepté. Nous

21 avons accepté cela précisément sur votre insistance, car nous comprenions

22 quelle était l'importance de votre mission. Nous pensions que votre

23 mission était importante, est-ce que je n'ai pas raison de dire cela?

24 Réponse: Je suis heureux d'apprendre aujourd'hui que vous considérez que

25 cette mission était importante. A l'époque, ce n'est pas l'impression qui

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1 se dégageait de votre comportement. Vous ne faisiez pas particulièrement

2 preuve de bonne volonté. D'après ce que je me souviens de notre

3 conversation de l'époque -et j'avais un certain nombre de personnes à mes

4 côtés- elle a été assez difficile.

5 Notre entretien ne s'est pas passé dans les meilleures circonstances

6 possibles. Vous avez essayé de poser toutes sortes de conditions et vous

7 avez essayé d'empêcher M. Walker de poursuivre ses activités.

8 Question: Mais donc je ne parlais pas de la mission, je parlais de M.

9 Walker en tant qu'individu.

10 Réponse: Monsieur Milosevic, comme je l'ai dit précédemment, M. Walker

11 n'était pas n'importe qui, il était responsable de la KVM et, comme je

12 l'ai déclaré précédemment, il avait été désigné à ce poste par l'OSCE.

13 Et vous, sans consulter qui que ce soit, sans nous consulter, sans

14 formuler auprès de nous de plaintes officielles, vous avez décidé de

15 l'expulser.

16 Question: Mais je vous comprends, j'ai suffisamment compris ce que vous

17 avez dit M. Vollebaek. Est-il vrai ou pas que c'est Madeleine Albright qui

18 a personnellement désigné M. Walker à ce poste?

19 M. Vollebaek (interprétation): Je n'en ai aucune idée, Monsieur Milosevic.

20 Je ne sais pas par quel mécanisme l'ambassadeur Walker a été désigné comme

21 représentant et responsable de la KVM. Le Gouvernement des Etats-Unis a

22 fait la proposition de désigner M. Walker à la tête de la mission. Cela a

23 été fait en consultation avec des membres de la consultation de l'OSCE.

24 Suite à ces consultations, la candidature de M. Walker a été retenue et

25 acceptée.

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1 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Nous avons eu l'occasion de voir

2 une séquence vidéo dans laquelle Holbrooke fait une déclaration selon

3 laquelle c'est Madeleine Albright qui a personnellement désigné M. Walker

4 comme chef de la mission...

5 M. le Président (interprétation): Poursuivons. Le témoin n'est absolument

6 pas au courant de cela.

7 M. Milosevic (interprétation): Très bien. La veille de votre arrivée à

8 Belgrade, vous dites que vous êtes arrivé à Belgrade le 21, c'est ce que

9 vous avez dit vous-même. Mais, à la veille de cette rencontre, est-ce que

10 vous vous souvenez que le quotidien "Die Welt" a publié l'article suivant

11 -je cite-: "Walker essaie de motiver une intervention militaire". (Fin de

12 citation.)

13 Un certain nombre d'autres journaux européens ont écrit des articles

14 allant dans ce sens.

15 M. le Président (interprétation): Il s'agit là d'opinions exprimées par

16 des journalistes qui n'ont rien à voir avec ce qui a cours dans cette

17 salle d'audience. J'ai déjà fait ce type de remarque à de nombreuses

18 reprises précédemment, Monsieur Milosevic.

19 M. Milosevic (interprétation): Mais il ne s'agit pas d'opinion

20 personnelle, il s'agit d'éléments d'informations qui ont été publiés dans

21 nombres de quotidiens dans le monde entier, Monsieur May.

22 Si vous ne me permettez pas de citer ce qui est apparu dans la presse, je

23 vous rappellerais ce qui a été dit par Gabriel Keller. Il a dit la chose

24 suivante dans sa déclaration, et je rappelle qu'il était ambassadeur -je

25 cite-: "La dimension politique de la mission n'était pas suffisamment

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1 importante. Les membres de la Mission ont, dès le départ, choisi d'adopter

2 un comportement très agressif vis-à-vis des autorités officielles. Les

3 bénéfices potentiels de la diplomatie ont été délibérément sacrifiés.

4 Jamais nous n'avons essayé, au plus haut niveau de la Mission, d'associer

5 les Yougoslaves à notre travail, à nos activités. Au sein des comités

6 régionaux, ce travail a été fait. Parfois ces efforts ont été couronnés de

7 succès, ce qui montre bien qu'il ne s'agissait pas là d'un défi impossible

8 à relever. Un nombre croissant de membres de la Mission, membres des pays

9 membres de l'OSCE, qui n'étaient pas membres de l'OTAN, ont marqué leur

10 désaccord vis-à-vis de ce comportement et ont fait état du fait qu'ils se

11 sentaient de plus en plus mal à l'aise, travaillant comme ils le faisaient

12 au sein d'une Mission qui ne reflétait pas les prises de position ou les

13 sensibilités de leur pays". (Fin de citation.)

14 Ensuite, il y a une définition très claire...

15 M. le Président (interprétation): Avant que vous ne poursuiviez, Monsieur

16 Milosevic, laissez au témoin le temps de répondre.

17 Excellence, vous avez entendu M. Milosevic dire ce qu'il pensait que M.

18 Keller avait dit à propos des comportements de la Mission, en tout cas de

19 certains de ses membres. Alors, est-ce que vous voulez ou pouvez faire des

20 commentaires sur ce qui vient d'être dit?

21 M. Vollebaek (interprétation): Monsieur le Président, il est difficile

22 pour moi de faire des commentaires sur des comportements. Moi, comme je

23 l'ai dit à de nombreuses reprises, j'étais responsable de la Mission dans

24 la mesure où j'étais président de l'OSCE. Je me suis rendu au sein de la

25 Mission à trois reprises et j'ai, en ces occasions, donné des instructions

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1 à M. l'ambassadeur Walker, instructions qui lui étaient destinées en tant

2 que chef de mission.

3 Mes instructions allaient toujours dans le même sens: il fallait que nous

4 essayions de travailler avec les autorités yougoslaves. Il fallait que

5 nous essayions de travailler avec elles autant que possible.

6 J'ai, lors de mes déplacements à Pristina, essayé de rencontrer les

7 représentants des autorités yougoslaves; je voulais essayer de souligner

8 que la Mission était là où elle se trouvait parce qu'un accord avait été

9 passé avec les autorités yougoslaves. Nous ne pensions pas –c'est ce que

10 je disais lors de ces déplacements- que le Kosovo allait se séparer de la

11 Yougoslavie. Mais je pense que nous pouvons dire également que les

12 rapports que nous avons reçus au fil du temps sont devenus de plus en plus

13 pessimistes; les membres de la KVM étaient de plus en plus convaincus

14 qu'il n'y avait pas de tentative de coopération du côté de la partie

15 adverse.

16 Mais si vous me permettez de revenir sur ce qui a été dit, au début de la

17 question, par M. Milosevic, je n'arrive pas établir de liens avec M.

18 Milosevic.

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, si vos réponses sont

20 aussi longues que celles-ci, à l'avenir, M. May va me forcer à mettre un

21 terme à mon contre-interrogatoire et je n'aurai pas le temps de poser

22 toutes les questions que je souhaite poser.

23 Monsieur May, je me demandais si vous ne pourriez pas m'accorder un délai

24 supplémentaire? Monsieur Vollebaek vient de faire deux déclarations. Nous

25 avons déjà entendu M. Vollebaek s'exprimer pendant deux heures. Vous, vous

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1 ne m'avez donné que deux heures pour un contre-interrogatoire. Nous ne

2 sommes pas dans le cadre d'une procédure 92bis, c'est le contre-

3 interrogatoire d'un témoin qui est devant nous.

4 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic. Effectivement,

5 le témoin est devant nous. Mais le témoin n'a pas utilisé trop de temps,

6 il a simplement expliqué un certain nombre de ses réponses, d'après moi.

7 Par ailleurs, vous, vous avez posé des questions qui me semblent

8 relativement longues pour certaines d'entre elles; c'est cela peut-être

9 que vous devriez avoir à l'esprit.

10 M. Vollebaek (interprétation): Est-ce que je peux faire un commentaire,

11 Monsieur le Président, sur le massacre de Racak?

12 M. le Président (interprétation): Allez-y, mais brièvement.

13 M. Vollebaek (interprétation): Oui, je vais être bref, mais cela me paraît

14 être d'importance, en effet.

15 M. Milosevic (interprétation): Mais enfin, je n'ai pas posé de question!

16 Je n'ai pas posé de question sur ce sujet. En tout cas, je n'ai pas encore

17 posé de question sur ce sujet. Alors, comment peut-il...?

18 M. le Président (interprétation): Poursuivez, Monsieur Vollebaek.

19 M. Vollebaek (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

20 D'après ce que j'ai compris, M. Milosevic nous fait part de ce qu'il

21 considérait comme étant un comportement très négatif de la part de la KVM.

22 Il a considéré que la KVM a fait du massacre de Racak un compte rendu très

23 particulier; c'est ce qu'il a commencé à dire tout à l'heure. Moi, je me

24 base sur les rapports que nous avons reçus de l'équipe de médecins

25 légistes finnois qui se sont rendus sur place; rapports qui me semblent

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1 tout de même parfaitement clairs.

2 Même si je ne suis pas supposé aborder… Pardon, si je ne suis pas supposé

3 poser des questions à l'accusé, je voudrais tout de même soulever la

4 question suivante: s'il est si certain de ce qui s'est produit à Racak,

5 pourquoi est-ce qu'il n'a pas immédiatement permis à la KVM d'envoyer sur

6 le terrain une mission de médecins légistes, pourquoi est-ce qu'il a

7 attendu si longtemps avant de donner le feu vert?

8 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie.

9 Merci de reprendre, Monsieur Milosevic.

10 M. Milosevic (interprétation): Je vais répondre. D'abord, je voudrais dire

11 que nous n'avons pas attendu avant de réagir. Et, deuxièmement, je

12 voudrais dire que l'équipe de médecins légistes de Finlande n'a pas émis

13 de rapports qui soient, en quelque point que ce soit, différents des

14 rapports que nous avions obtenus des experts biélorusses.

15 On ne s'attendrait en aucun cas à ce qu'un rapport de médecin légiste

16 puisse effacer une blessure ou quoi que ce soit de ce genre. La seule

17 possibilité de manipuler l'information, c'était d'ajouter quelque chose.

18 Et je pense qu'il n'y a pas d'élément qui porte à controverse ou qu'il n'y

19 a pas de différence entre les deux rapports qui ont été établis sur cet

20 événement.

21 Et je voudrais vous demander quelque chose: est-ce que vous êtes d'accord

22 avec ceci: "Les diplomates européens travaillant avec l'OSCE affirment

23 qu'ils ont été trahis. Certains ont évoqué des questions de motifs ou de

24 loyauté, notamment eu égard au responsable de la Mission de l'OSCE. Les

25 agents américains ont immédiatement apporté leur aide à l'UCK avant que ne

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1 commence la campagne de bombardements de l'OTAN sur la Yougoslavie. La..."

2 M. le Président (interprétation): Qui êtes-vous en train de citer? Est-ce

3 une déclaration qui a été faite par l'ambassadeur Keller?

4 M. Milosevic (interprétation): Je cite un article du "Sunday Times" en

5 date du 12…

6 M. le Président (interprétation): Non! Il s'agit là encore d'une opinion

7 personnelle émise dans le cadre d'un article publié dans un journal. Il

8 n'est pas nécessaire de demander au témoin de faire des commentaires sur

9 ce qui est avancé dans un quotidien.

10 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Alors, tâchons de faire bref.

11 Est-ce que vous vous souvenez de quelle façon vous avez réagi à la

12 déclaration que Walker a faite, eu égard au massacre de Racak? Ce

13 commentaire a été fait…

14 Pardon! Est-ce que vous vous souvenez de ce qui s'est passé le 22 janvier,

15 le jour qui a suivi notre entretien. En cette occasion, vous avez déclaré

16 que la déclaration de Walker avait été faite de façon précipitée. Cette

17 déclaration avait été rapportée par l'agence France-Presse qui se trouvait

18 représentée à Pristina et cette information avait été publiée le 22

19 janvier.

20 M. Vollebaek (interprétation): Ce n'est pas exact, Monsieur Milosevic. Je

21 crois que j'ai dit qu'il était encore sous le choc. Et j'ai également dit

22 qu'en tant que chef de mission, en tant que chef de la KVM, il aurait sans

23 doute mieux valu qu'il ne se prononce pas ainsi un peu dans la

24 précipitation.

25 Mais je voudrais également souligner, Monsieur Milosevic, que j'ai ajouté

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1 suite à cela que c'était une réaction tout à fait humaine: confronté à un

2 tel massacre, un massacre aussi terrible que celui de Racak, j'ai indiqué

3 qu'il était assez normal que de telles déclarations soient faites,

4 déclarations par lesquelles on souhaitait manifester sa sympathie à

5 l'égard des victimes de ce qui s'était passé. Et j'ai dit également, si je

6 ne m'abuse, que je n'excluais pas la possibilité de me retrouver moi-même

7 dans une situation telle que je formulerais moi-même ce type de

8 déclarations.

9 Question: Très bien, mais à l'époque, est-ce que vous n'étiez pas

10 conscient qu'un certain nombre de membres de l'UCK avaient été tués à

11 Racak? Est-ce qu'à l'époque, donc le 21 ou le 22 janvier, vous étiez

12 conscient du fait qu'un certain nombre de membres de l'UCK avaient été

13 tués à Racak?

14 Réponse: Monsieur Milosevic, j'adhère à ce qui a été dit par les médecins

15 légistes finnois dans leur rapport. Je ne formule pas de jugement sur ce

16 qui a pu se passer ensuite. Je ne vais pas faire de déclaration là-dessus.

17 On m'a indiqué que ceux qui avaient été tués dans le cadre de ce qui a

18 ensuite été appelé "le massacre de Racak" étaient des civils.

19 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, vous étiez président de

20 l'OSCE. A ce titre, est-ce que vous avez appris que, dans le rapport de la

21 Mission de vérification de l'OSCE, le 16 janvier, soit le lendemain de

22 Racak, il a été indiqué que huit membres de l'UCK avaient été abattus, à

23 Racak? Est-ce que vous savez que cela apparaît dans le rapport de la

24 Mission de vérification de l'OSCE daté du 16 janvier?

25 M. le Président (interprétation): Quelle est la pertinence de cette

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1 question, eu égard à ce qu'a pu dire le témoin jusqu'à présent?

2 M. Milosevic (interprétation): Cet élément est pertinent pour les raisons

3 suivantes: si l'on écrit quelque chose de ce genre dans un rapport qui est

4 publié le lendemain, et s'il s'agit du rapport de la Mission de

5 vérification de l'OSCE, eh bien, cela permet d'avoir quelques doutes quant

6 à la véracité des affirmations qui ont été faites et qui laissaient

7 entendre que des civils avaient été exécutés.

8 Deuxième chose: il me semble que cela remet en cause l'affirmation qui a

9 été faite et qui voulait indiquer qu'il ne s'agissait pas d'un

10 affrontement entre l'UCK et la police, mais de meurtres arbitraires de

11 civils albanais. Cet élément d'information permet de jeter le doute sur

12 tout cela.

13 M. le Président (interprétation): Le témoin n'a pas abordé cette question

14 dans le cadre de sa déposition. Il n'est pas responsable de l'une

15 quelconque des déclarations que vous nous soumettez. Vous avez posé un

16 certain nombre de questions dans le cadre de votre contre-interrogatoire

17 et vous avez eu l'occasion, par ailleurs, de contre-interroger d'autres

18 témoins, parmi lesquels M. Walker.

19 Vous avez encore cinq minutes pour aborder d'autres questions qui ont été

20 soulevées par le témoin.

21 M. Milosevic (interprétation): Comment cinq minutes? Enfin, il me reste

22 plus de temps que cela! J'ai utilisé une heure et demie avant la pause;

23 j'ai utilisé par ailleurs une demi-heure après la pause, ce qui me laisse

24 encore 15 minutes sur le temps que vous m'avez imparti.

25 M. le Président (interprétation): Poursuivez!

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1 M. Milosevic (interprétation): A l'époque, est-ce que vous étiez convaincu

2 que des personnes âgées, des femmes et des enfants aient été exécutés sur

3 place?

4 M. le Président (interprétation): Un instant, je vais m'entretenir avec

5 mes collègues.

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 Oui, nous allons poursuivre.

8 A partir de Racak, vous avez encore dix minutes à disposition, si vous

9 avez encore des questions.

10 M. Milosevic (interprétation): J'ai de nombreuses questions, Monsieur May.

11 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous vous accordons dix minutes

12 pour ce faire.

13 M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May. J'ai l'habitude

14 maintenant d'être traité ainsi.

15 Vous avez dit, entre autres, dans votre déclaration, que vous ne pouviez

16 pas accepter qu'en présence de forces internationales des crimes soient

17 commis et que les forces internationales restent là, les bras croisés,

18 sans pouvoir faire quoi que soit?

19 M. Vollebaek (interprétation): Oui, en effet. Je ne suis pas sûr d'avoir

20 fait allusion à des forces, je ne pense pas: il s'agissait d'observateurs.

21 M. Milosevic (interprétation): Très bien.

22 Dites-moi: dès lors, en 1999, vous étiez donc président de l'OSCE et

23 ministre des Affaires étrangères. Comment pouvez-vous nous expliquer, nous

24 interpréter le fait qu'en présence de forces internationales, entre le

25 mois de juin et la fin 1999, plus de 360.000 non-Albanais ont été expulsés

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1 du Kosovo, que des dizaines de milliers de maisons serbes ont été

2 incendiées, que plusieurs milliers de personnes ont été enlevées et tuées

3 sous les yeux de la KFOR, et 107 églises serbes ont été détruites, tout

4 cela au cours de cette période et sous les yeux de la...

5 M. le Président (interprétation): Il faut que vous posiez une question.

6 Tout d'abord, nous devons demander à l'ambassadeur s'il peut nous aider à

7 élucider tout cela, en ce qui concerne la période allant du mois de juin

8 1999 à la fin de l'année.

9 Pouvez-vous nous aider en ce qui concerne les événements qui ont eu lieu

10 au Kosovo, pendant cette période?

11 M. Vollebaek (interprétation): A partir du mois de juin jusqu'à la fin de

12 l'année, nous sommes une fois de plus entrés au Kosovo, donc la communauté

13 internationale, l'OSCE. Nous avons tenté de tout reprendre à zéro. Nous

14 avons réintégré le Kosovo. Oui, nous avons essayé. L'OSCE, à l'époque,

15 avait pour objectif principal d'instaurer la démocratie. Nous voulions

16 aider à créer différentes institutions démocratiques: la presse, les

17 médias, la police. C'était notre tâche principale, mais une tâche bien

18 ardue.

19 Nous avons mis en place une école de formation de police et nous ne

20 souhaitions rien de plus que de voir tout le monde rentrer chez lui. Mais

21 c'était extrêmement difficile. Il ne fait aucun doute que des délits ont

22 été commis, des actes criminels, par les Albanais du Kosovo. Nous avons

23 réagi vis-à-vis de ces incidents. Nous avons protesté à leur encontre.

24 Cela se passait contre notre volonté. C'était tout à fait contraire à

25 notre volonté que de faire souffrir ainsi la population serbe.

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1 Comme je l'ai dit, la première chose que j'ai faite a été de me rendre

2 dans un monastère serbe pour y passer la nuit afin de démontrer que nous

3 souhaitions qu'ils restent sur place et qu'ils soient protégés. Et, vous

4 le savez bien, il y a encore des soldats de la KFOR qui protègent la

5 population serbe.

6 Mais, si je comprends bien ce qu'affirme M. Milosevic, il semble prétendre

7 que ces actes criminels effacent les siens. Et, je proteste

8 vigoureusement, et je répète encore une fois que si M. Milosevic avait été

9 disposé à coopérer davantage, au début de l'année en question, tout cela

10 aurait pu être évité.

11 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous entendez par là que nous

12 avons accepté l'occupation du Kosovo et de la Yougoslavie afin de voir une

13 guerre éclatée entre l'OTAN et la Yougoslavie? Est-ce cela que vous dites?

14 Réponse: Monsieur Milosevic, cela me rappelle le 1er mars 1999, nous

15 n'avons jamais parlé d'occupation, j'ai parlé d'une présence militaire

16 conformément à une invitation de votre part.

17 Question: Sur la base d'une invitation de ma part, vous m'avez demandé

18 d'émettre une invitation, que la Yougoslavie vous invite à occuper la

19 Yougoslavie. Est-ce que cela vous paraît logique que quelqu'un puisse

20 faire cela?

21 Réponse: Monsieur le Président, je crois avoir dit à plusieurs reprises

22 que je ne faisais pas allusion à une occupation.

23 Question: Très bien, vous utilisez un terme différent. Je ne sais plus

24 très bien comment faire, car je n'ai plus que quelques minutes à

25 disposition.

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1 Mais au début de votre déclaration vous avez dit qu'en 1993 vous étiez

2 venu me voir pour me demander d'utiliser mon influence auprès de la Srpska

3 Krajina et de ses dirigeants pour appuyer votre proposition tendant à ce

4 qu'il y ait des négociations en Norvège. Et, ces négociations ont

5 effectivement eu lieu, n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Avez-vous connaissance d'une initiative interne ou

8 internationale visant à instaurer la paix, une initiative que la Serbie et

9 moi-même, que nous n'aurions pas appuyée personnellement, au cours de

10 toute cette période?

11 Réponse: Monsieur le Président, je ne pense pas être à même de répondre à

12 cette question.

13 Question: Très bien. Outre les explications que vous nous avez données,

14 vous dites quelque chose qui me paraît absolument ahurissant. Voilà, il

15 semblerait que nous ayons appuyé tous ces efforts visant à instaurer la

16 paix, nous avons donc appuyé ces efforts, la paix était la seule question

17 qui nous préoccupait en ce qui concerne la Croatie et la Bosnie afin que

18 la Croatie n'ait pas à mener une guerre sur deux fronts. Et non pas afin

19 d'instaurer la paix entre la Republika Srpska et la République de Srpska

20 Krajina. Vous avez même dit que les Serbes devraient mettre fin à leurs

21 opérations militaires contre la Croatie. Vous étiez à Zagreb à l'époque.

22 Saviez-vous qu'en 1993, par exemple, et même bien avant il n'y avait

23 aucune opération militaire lancée par les Serbes contre la Croatie, mais

24 qu'ils avaient interdit tout accès à leur territoire. Le territoire où ils

25 avaient vécu depuis des siècles et que c'était une opération dénommée, à

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1 l'époque, une révolution. Il ne s'agissait pas là d'une offensive. Donc

2 saviez-vous qu'il n'y avait aucune opération militaire initiée par les

3 Serbes contre la Croatie à l'époque où vous vous trouviez à Zagreb? Est-ce

4 que vous aviez connaissance de ce fait?

5 M. Vollebaek (interprétation): Je veux bien répondre à des questions

6 concernant l'entretien que j'ai eu avec M. Milosevic en 1993, mais je

7 trouve difficile de répondre à cette question spécifique.

8 Monsieur Milosevic, je n'ai pas tenté de définir les actes militaires qui

9 auraient pu opposer le Gouvernement de Croatie et la République de Krajina

10 en 1993. Ce n'est pas là la question à laquelle j'ai répondu quand on m'a

11 interrogé à propos de l'entretien que nous avons eu. On m'a demandé si je

12 vous avais rencontré à plusieurs reprises, j'ai donc explicité tout cela.

13 Ce qui me paraissait important dans le cadre de processus que vous

14 évoquez, la crise qui a sévi au Kosovo, c'était votre attitude vis-à-vis

15 des Musulmans. Parce que je me souviens bien, peut-être parce que j'ai

16 encore mauvaise conscience en raison du fait que je n'ai pas protesté

17 assez vigoureusement, mais je me souviens bien donc que vous avez dit que

18 vous nous aideriez. On ne peut sans doute pas parler de guerre, si vous ne

19 souhaitez pas qu'on parle de guerre, on peut laisser tomber ce terme. Mais

20 il y avait des activités militaires qui occupaient le Gouvernement de

21 Croatie, des activités visant à repousser les Serbes en Krajina et, en

22 même temps, il y avait des combats qui les opposaient aux Musulmans en

23 Bosnie. Et, je me souviens bien que vous m'avez dit que vous conseilleriez

24 aux Serbes, à Knin, de se rendre en Norvège et de poursuivre les

25 négociations, précisément parce que vous pensiez qu'il convenait ou qu'il

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1 était opportun que les Croates continuent à mener le combat contre les

2 Musulmans.

3 Et, comme je l'ai déjà dit et je me souviens bien des mots que vous avez

4 utilisés, vous avez dit: "Monsieur Vollebaek, vous êtes certainement

5 d'accord avec moi, nous ne pouvons pas accepter une République musulmane

6 en Europe." Et, bien sûr j'aurais dû m'y opposer. A ce moment-là je ne

7 l'ai pas fait, j'ai accepté votre déclaration et je n'ai pas protesté de

8 façon assez vigoureuse, ce que j'aurais dû faire.

9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Vollebaek, vous le savez très

10 bien, le nombre de Musulmans vivant en Yougoslavie, vous connaissez ce

11 nombre et vous savez très bien qu'il n'y a pas un seul d'entre eux,

12 pendant toute la période couverte par ces crises et ces guerres. Pas un

13 seul d'entre eux n'a été maltraité, expulsé ou arrêté en Serbie. Vous

14 savez très bien aussi que nous avons coopéré, nous avons accueilli plus de

15 70.000 réfugiés musulmans en Serbie venant de Bosnie-Herzégovine. Nous

16 avons aussi coopéré avec plusieurs enclaves musulmanes telles que Bihac,

17 où nous avons même envoyé des provisions. Et celui qui a emporté le plus

18 grand nombre de votes pour la présidence de la Bosnie, Fikret Abdic, eh

19 bien, c'est de là qu'il venait. Vous savez tout cela.

20 M. le Président (interprétation): Mais quelle est la question? Le témoin

21 nous affirme que c'est ce que vous avez dit, donc on ne peut pas contester

22 cela.

23 M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, Monsieur May, il est tout

24 à fait incroyable… Ce que vous dites est tout à fait incroyable et

25 impossible. Nous n'avons jamais parlé d'un Etat musulman, plutôt des

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1 tentatives qui étaient faites pour créer une entité musulmane extrémiste.

2 Et, si vous vous souvenez bien, je vous ai parlé, à l'époque, des

3 extrémistes musulmans, parce qu'un très grand nombre des habitants serbes

4 étaient musulmans, et j'ai cité la déclaration de M. Izetbegovic. Je ne

5 dois pas vous la citer textuellement, cela était publié sous forme de

6 livre. Monsieur Izetbegovic a dit qu'il ne peut pas y avoir de coexistence

7 pacifique entre les sociétés et les institutions musulmanes d'une part, et

8 non musulmane, d'autre part.

9 Je vous ai parlé du danger que présentait l'extrémisme islamique et cela a

10 été prouvé vrai, parce que sur les 6.000 Moudjahidine...

11 M. le Président (interprétation): Non, arrêtons-nous un moment, donnez au

12 témoin l'occasion de répondre. Ce que l'on vous dit, Monsieur Vollebaek,

13 c'est que l'accusé vous a parlé de l'extrémisme musulman, êtes-vous

14 d'accord?

15 M. Vollebaek (interprétation): Je ne me souviens pas qu'on ait utilisé le

16 terme "extrémiste". Je sais qu'on a parlé de République musulmane. Je ne

17 me souviens pas qu'on ait utilisé le terme "extrémiste".

18 M. Robinson (interprétation): Plus précisément, Excellence, si j'ai bien

19 compris, M. Milosevic affirme qu'il ne vous a jamais dit -je cite-: "Nous

20 ne pouvons pas accepter un Etat musulman en Europe." (Fin de citation.)

21 M. Vollebaek (interprétation): Je l'ai entendu dire cela, d'après mes

22 souvenirs de notre conversation, et j'ai tenté à plusieurs reprises de me

23 rafraîchir la mémoire. Eh bien, je me souviens qu'il a dit, qu'il a parlé

24 de République musulmane en Europe.

25 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, Monsieur May…

Page 7745

1 M. le Président (interprétation): Une question encore.

2 M. Milosevic (interprétation): C'est très difficile pour moi, Monsieur

3 May, de me limiter à une seule question.

4 Monsieur le Témoin, est-ce que vous n'êtes pas d'accord avec moi,

5 notamment à la lumière de la déclaration faite par Clinton avant le

6 bombardement de la Yougoslavie qui, dans laquelle il essaie de justifier

7 en invoquant les massacres, les prétendus massacres à Racak. Il parle des

8 civils, des femmes, des enfants et ainsi de suite.

9 Vous savez que tout cela est complètement faux, qu'il s'agissait de

10 mensonges, de mensonges crapuleux pour ainsi dire, destinés à motiver la

11 guerre, à servir de prétexte pour la guerre et l'agression lancée par

12 l'OTAN contre un pays européen -en l'espèce, la République fédérale de

13 Yougoslavie-, mensonges créés et qui ont eu des répercussions très graves.

14 Donc, ne pensez-vous pas qu'il s'agissait là de choses fabriquées, de

15 mensonges, notamment parce que, dans le monde entier, il y a une opinion

16 selon laquelle ces événements à Racak ont été détournés à de telles fins?

17 Et ce que Clinton a dit, à l'époque, a été démontré comme étant faux,

18 comme n'étant qu'un prétexte: est-ce vrai ou non?

19 M. Vollebaek (interprétation): Je ne sais pas très bien comment répondre.

20 M. le Président (interprétation): Est-ce que Racak a justifié de prétexte

21 pour justifier le bombardement de l'OTAN et cette agression prétendue?

22 M. Vollebaek (interprétation): Pas à ce que je sache. Racak a eu lieu le

23 15 ou le 16 janvier; le 15. Les bombardements ont commencé le 21 mars. Il

24 y a eu un certain nombre d'incidents entre-temps. Et Racak a eu lieu.

25 Personne, à ce que je sache, Monsieur Milosevic, n'a affirmé que c'était

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1 un prétexte afin de justifier le bombardement de l'OTAN. C'est la première

2 fois que j'entends cela.

3 M. le Président (interprétation): Non…

4 M. Milosevic (interprétation): Permettez-moi encore de citer ce qu'a dit

5 M. Clinton.

6 M. le Président (interprétation): Non.

7 Monsieur Wladimiroff, avez-vous des questions à poser?

8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je vous en prie, j'aimerais

9 citer…

10 M. le Président (interprétation): Non. Monsieur Milosevic, vous n'avez

11 plus de temps. Nous vous avons déjà accordé plus de temps que prévu et

12 cela a été en grande partie épuisé en arguments. Donc passons outre.

13 (Questions de l'amicus curiae, M. Wladimiroff, au témoin, M. Knut

14 Vollebaek.)

15 M. Wladimiroff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

16 Excellence, dans votre témoignage, vous dites à la Cour, vous racontez à

17 la Cour, vous lui décrivez vos entretiens avec l'accusé; et on vous a posé

18 des questions concernant le rôle de l'accusé lorsque des affaires, des

19 questions militaires étaient débattues. Vous avez dit à la Chambre que des

20 généraux ou d'autres officiers étaient présents du côté yougoslave. Vous

21 avez dit aussi que l'accusé débattait de ces questions et prenait des

22 décisions. Est-ce exact?

23 M. Vollebaek (interprétation): Oui.

24 Question: Est-ce que les membres de l'armée ne participaient pas à ces

25 discussions -j'entends l'armée yougoslave- ou participaient-ils?

Page 7747

1 Réponse: Je ne me souviens pas s'ils participaient activement. De mon

2 côté, c'est moi qui parlais; du côté de M. Milosevic, c'est lui qui

3 parlait d'ordinaire.

4 Le 21 janvier, en particulier, il y a eu une petite pause. Le côté

5 yougoslave s'est retiré, je suppose, pour débattre un moment, mais en ma

6 présence, si je me souviens bien, les autres parlaient rarement; peut-être

7 qu'ils répondaient à des questions bien précises, mais, de façon générale,

8 je m'entretenais avec M. Milosevic.

9 Question: Très bien. Y avait-il des membres de l'armée de votre côté?

10 Réponse: Oui. Je ne me souviens pas de tous ceux qui participaient. Je

11 crois que, normalement, nous n'avions que des civils, mais parfois il y

12 avait peut-être des conseillers militaires; je ne m'en souviens pas.

13 Question: Participaient-ils à la conversation ou est-ce vous qui meniez

14 les débats?

15 Réponse: C'est moi qui m'entretenais avec M. Milosevic. Comme je l'ai dit,

16 c'était plus ou moins lui et moi. Parfois, je demandais des précisions

17 mais, de façon générale, la conversation était directement entre Milosevic

18 et moi-même.

19 Question: Est-ce que vous estimez que vous êtes expert en questions

20 militaires? Ou ces conversations étaient-elles plus superficielles, des

21 conversations qui n'avaient pas besoin de se fonder sur des connaissances

22 militaires bien précises? Donc vous étiez vous-même compétent pour mener

23 ce genre des discussions, ainsi que M. Milosevic pouvait le faire lui-

24 même?

25 Réponse: Je ne suis en aucun cas un expert militaire et nous avions

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1 surtout des discussions politiques, mais certaines des questions

2 politiques touchaient aussi à des questions militaires, en raison des

3 incidents qui ont eu lieu. Mais je crois que la plupart des questions

4 abordées ne nécessitaient pas des connaissances militaires approfondies.

5 Question: Merci. J'en viens à la conversation que vous avez eue au

6 téléphone, le 24 mars 1999. Vous avez dit à la Chambre que les pourparlers

7 de Rambouillet avaient échoué et que, manifestement, un conflit armé était

8 imminent. Vous avez dit à la Chambre que vous aviez eu un entretien avec

9 Javier Solana, le Secrétaire général de l'OTAN, mais vous n'avez pas dit à

10 la Chambre ce dont vous avez parlé.

11 Pouvez-vous nous dire ce que M. Solana vous a dit?

12 Réponse: Je ne me souviens pas de la conversation en tant que telle, mais

13 au cours de cette période, après le retrait de la KVM, j'ai bien vu que la

14 situation se dégradait. En tant que ministre des Affaires étrangères d'un

15 pays-membre de l'OTAN, j'étais informé de toute discussion au sein de

16 l'OTAN concernant une intervention armée possible de l'OTAN et j'avais

17 l'impression qu'il m'incombait de tenter d'éviter cela, puisque j'étais

18 président de l'OSCE. Donc je me suis entretenu avec mes conseillers, avec

19 la troïka, pour voir si nous pouvions faire quelque chose.

20 Question: Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je vous demande

21 si vous souvenez de ce que M. Solana vous a dit.

22 Réponse: Je lui ai demandé si ce serait acceptable que j'appelle M.

23 Milosevic et que je lui dise qu'il y avait encore une chance que l'OTAN

24 accepterait de reprendre les discussions si M. Milosevic était d'accord.

25 Monsieur Solana m'a dit que oui, qu'il m'appuyait dans cette initiative.

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1 M. Wladimiroff (interprétation): Et lors de votre entretien avec M.

2 Milosevic, est-ce que vous avez fait passer ce message de la part de M.

3 Solana à M. Milosevic?

4 M. Vollebaek (interprétation): Je ne pense pas avoir fait passer de

5 message, mais c'était plutôt un message que je transmettais au nom, en ma

6 qualité de président de l'OSCE. Je suppose que je lui ai dit que

7 j'essaierai d'exercer toute mon influence au sein de l'OTAN pour que je

8 puisse retourner à l'OTAN et dire que j'avais eu une telle conversation

9 avec M. Milosevic, qu'il était disposé à coopérer et que cela aurait un

10 impact à Bruxelles.

11 M. Milosevic (interprétation): J'aurais une question technique. Puis-je la

12 poser?

13 M. le Président (interprétation): Non.

14 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je voulais lui demander s'il

15 était sûr qu'il s'était entretenu avec moi, le 24.

16 M. Ryneveld (interprétation): Je n'ai pas d'autre question.

17 (Questions de M. le Président au témoin, M. Knut Vollebaek.)

18 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons poser la question,

19 la dernière question que M. Milosevic voulait poser.

20 Est-ce que vous êtes bien sûr, Monsieur le Témoin, que vous avez eu un

21 entretien avec M. Milosevic, le 24?

22 M. Vollebaek (interprétation): Eh bien, lorsqu'on est au téléphone, bon,

23 il y a certaines limitations, certaines restrictions: on ne peut pas être

24 sûr de tout mais j'ai reconnu sa voix. On m'a dit que c'était M. Milosevic

25 à l'autre bout du fil. J'ai des personnes qui se trouvaient dans mon

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1 bureau, qui ont été les témoins de cette conversation. Il y a même un

2 rapport qui a été fait au ministère des Affaires étrangères en Norvège,

3 faisant état de cette conversation. En tout cas, je suis parti du principe

4 que c'était à lui que je parlais le 24 mars, oui.

5 M. le Président (interprétation): Bon. Très bien. Nous n'allons pas

6 poursuivre sur cette lancée.

7 Merci, Excellence, d'être venu témoigner devant cette Chambre.

8 Ah, le Juge Robinson a encore une question.

9 (Questions de M. le Juge Robinson au témoin, M. Knut Vollebaek.)

10 M. Robinson (interprétation): Excellence, plus tôt, vous nous avez dit

11 -c'était une remarque concernant une déclaration qui, selon vous, a été

12 faite par M. Milosevic qui avait dit: "Nous ne pouvons pas accepter une

13 République musulmane en Europe"-, vous avez dit que vous regrettiez de ne

14 pas lui avoir répondu immédiatement.

15 Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus?

16 M. Vollebaek (interprétation): Eh bien, c'est une déclaration qui allait à

17 l'encontre de mon respect pour les Droits de l'Homme parce que, de la

18 façon dont j'ai compris cette déclaration à l'époque, j'ai compris qu'il

19 s'agissait d'une prise de position à l'encontre d'un groupe de personnes

20 en général, et plus particulièrement en Europe. C'est la raison pour

21 laquelle je me suis dit que j'aurais dû protester ou lui dire que je

22 n'étais pas d'accord avec lui.

23 Cela dit, à l'époque, je n'avais pas l'impression que c'était le bon

24 moment de me lancer dans un débat de principe. Nous avions peu de temps,

25 nous voulions à tout prix éviter un nouveau conflit dans une autre partie

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1 de l'ex-Yougoslavie. J'avais besoin de lui pour qu'il exerce une pression

2 sur les Serbes à Knin.

3 C'est la raison pour laquelle, à l'époque, je n'ai pas agi autrement. Je

4 ne lui ai pas dit que je n'étais pas d'accord.

5 M. Robinson (interprétation): Merci.

6 M. le Président (interprétation): Merci, Excellence. Vous pouvez

7 maintenant nous quitter.

8 M. Vollebaek (interprétation): Merci.

9 (Le témoin, M. Knut Vollebaek, est reconduit hors du prétoire.)

10 (Questions relatives à la procédure.)

11 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

12 en attendant le témoin suivant, si j'ai bien compris, c'est M. Saxon qui

13 va reprendre et j'aimerais aborder une question concernant M. Crossland

14 qui, d'après notre programme, doit témoigner mercredi, si tout va bien.

15 Mais le 29 mai, nous avons formulé une requête indiquant que nous

16 souhaiterions que la procédure de 92bis s'applique en partie au témoignage

17 de M. Crossland. Cette requête a été soumise à la Chambre le 29. Il va

18 donc témoigner d'ici un jour ou deux et je me demande si la Chambre

19 voudrait bien revoir cela et m'indiquer ce qu'il en est pour que je sache

20 si nous allons l'interroger de vive voix ou si la procédure 92bis va

21 s'appliquer.

22 J'ai un résumé à disposition pour un interrogatoire principal direct, mais

23 donc je devrais encore modifier le résumé s'il s'agira d'un témoin tombant

24 sous le coup de 92bis. C'est la seule question que j'aurais souhaité poser

25 pour l'heure.

Page 7752

1 M. le Président (interprétation): Qui viendra après ce témoin?

2 M. Ryneveld (interprétation): Le témoin K25. C'est M. Nice qui va mener

3 l'interrogatoire principal.

4 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous allons certainement nous

5 pencher sur les éléments de preuve concernant M. Crossland.

6 M. Ryneveld (interprétation): Merci.

7 (Le témoin, M. Shukri Aliu, est introduit dans le prétoire.)

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Aliu, je vous remercie d'être

9 revenu dans ce prétoire. Votre déposition, bien sûr, doit respecter la

10 déclaration solennelle que vous avez prononcée vendredi.

11 (Interrogatoire principal du témoin, M. Shukri Aliu, par M. Saxon, suite.)

12 M. Saxon (interprétation): Vendredi, lorsque nous nous sommes séparés,

13 nous parlions de la création de ce que vous appeliez un "état-major

14 conjoint" ou "commandement conjoint" pour le Kosovo qui tenait des

15 réunions hebdomadaires à Pristina, et ce, à partir de 1998. Et vous avez

16 dit également aux Juges de cette Chambre que des états-majors municipaux

17 de même nature avaient été créés dans diverses municipalités sur le

18 territoire du Kosovo.

19 J'aimerais maintenant vous montrer quelques documents. Nous commencerons

20 par la pièce à conviction de l'accusation dont le numéro affecté par le

21 Bureau du Procureur est K1280. J'aimerais demander l'aide de l'huissier

22 pour que des exemplaires de ce document soient distribués à chacun dans le

23 prétoire et que l'un d'entre eux soit placé sur le rétroprojecteur.

24 (L'huissier s'exécute.)

25 Peut-être une version en anglais pourrait-elle être placée sur le

Page 7753

1 rétroprojecteur de façon à ce que tous ceux qui suivent nos débats

2 puissent comprendre.

3 Monsieur Aliu, j'appellerai votre attention sur la première page de la

4 version serbe. Vous avez trouvé ce passage?

5 M. Aliu (interprétation): Je n'ai pas de version serbe.

6 Ah, maintenant, oui. Merci.

7 Question: Dans ce document, nous lisons: "DESTINÉ AUX SECTIONS DU

8 MINISTÈRE DE LA DÉFENSE.". Ceci est écrit en lettres capitales, la date

9 apparente est celle du 28 juillet 1998, semble-t-il?

10 Réponse: Oui, 1998.

11 Question: J'aimerais d'abord appeler votre attention sur le bas de la page

12 que vous lisez en ce moment. Voyez-vous une signature au bas de cette

13 page, Monsieur Aliu?

14 Réponse: Oui, oui, oui. Il y a une signature au bas de la page.

15 Question: Reconnaissez-vous cette signature?

16 Réponse: Oui, je la reconnais.

17 Question: A qui appartient cette signature?

18 Réponse: C'est la signature du chef du secrétariat chargé de la défense,

19 Petar Ilic.

20 Question: C'est l'homme qui a été votre supérieur pendant de nombreuses

21 années dans la décennie 1990, n'est-ce pas?

22 Réponse: Oui. Oui, c'était mon chef.

23 Question: Essayons de jeter un coup d'œil au texte qui figure sur cette

24 page. Au début, nous lisons: "Objet: Instructions destinées à la défense

25 des zones habitées."

Page 7754

1 Ensuite, le premier paragraphe commence par les mots suivants -je cite-:

2 "Le commandement conjoint pour le Kosovo et la Metohija a émis des

3 instructions destinées à assurer la défense des zones habitées contre les

4 actions des terroristes Siptar, qui impliquaient également des obligations

5 pour le SMO et ses unités structurelles: l'administration de la défense,

6 les départements et les sections de la défense." (Fin de citation.)

7 Ce commandement conjoint dont il est fait état dans ce document

8 correspond-il au commandement conjoint pour le Kosovo, dont vous nous avez

9 parlé vendredi?

10 Réponse: Oui, c'est ce même commandement.

11 Question: Un peu plus bas dans le texte, sur la même page, nous lisons ce

12 qui suit -je cite-: "Nous tenons à souligner que le commandement conjoint

13 chargé du Kosovo et de la Metohija a décidé d'une nouvelle composition du

14 personnel municipal de la défense et, outre les représentants des unités

15 locales autogouvernées, à savoir le MUP, le SO -assemblée municipale-, le

16 IO -comité exécutif- et la VJ -armée yougoslave-, les chefs des

17 départements et des sections chargés de la défense deviennent également

18 membres de ce personnel". (Fin de citation.)

19 Pouvez-vous nous expliquer quels sont ces personnels supplémentaires qui

20 apparaissent désormais au sein de ce commandement conjoint?

21 Réponse: Il est question ici du commandement des sections existant dans

22 les municipalités du Kosovo, ainsi que des états-majors existant dans ces

23 diverses municipalités, qui sont au nombre de 28. Les dirigeants des

24 sections et des secrétariats municipaux étaient donc censés devenir

25 membres de ces commandements conjoints.

Page 7755

1 Question: Très bien.

2 Vendredi, vous avez parlé aux Juges de cette Chambre d'un certain nombre

3 de personnes qui faisaient partie du commandement conjoint chargé de la

4 province du Kosovo. Selon ce document, des représentants d'institutions

5 comparables étaient-ils membres des états-majors conjoints au niveau

6 municipal?

7 Réponse: Non, ils n'étaient pas membres de l'état-major conjoint. Les

8 membres de l'état-major conjoint étaient seulement les personnes dont j'ai

9 donné les noms vendredi.

10 Question: Excusez-moi, je crois avoir mal formulé ma question.

11 Les personnes dont vous avez cité les noms vendredi étaient, selon votre

12 déposition, membres du commandement conjoint ou de l'état-major conjoint

13 chargé de la province du Kosovo; ils se réunissaient à Pristina. Dans ce

14 document, nous voyons Petar Ilic, souligner -pour reprendre les termes

15 utilisés dans ce document- souligner donc que la composition du

16 commandement conjoint chargé du Kosovo-Metohija a été modifiée. Ensuite,

17 Petar Ilic continue en expliquant quelles sont les institutions qui,

18 désormais, sont membres du commandement conjoint.

19 A partir de là, je vous pose une question simple. Sur la base de ce

20 document, sommes-nous en droit de dire que, puisque les compositions des

21 états-majors de la défense au niveau municipal sont pratiquement

22 semblables à celle de l'institution au niveau du Kosovo dans son ensemble,

23 est-ce que les membres du commandement conjoint du Kosovo sont également

24 membres des commandements conjoints au niveau municipal?

25 Réponse: Ces états-majors étaient destinés principalement aux

Page 7756

1 municipalités. Ces commandements conjoints, leurs membres plutôt, étaient

2 nommés par les assemblées municipales. Et, ces assemblées municipales

3 comprenaient les présidents des états-majors municipaux et des gens comme,

4 par exemple, les responsables du secrétariat à la Défense, au niveau

5 municipal.

6 Question: Très bien. Quand est-ce que ces états-majors… Ou plutôt devant

7 qui étaient responsables ces états-majors municipaux?

8 Réponse: Ils étaient responsables devant les assemblées municipales et

9 devant les présidents de ces assemblées.

10 Question: J'aimerais maintenant que nous passions à la page suivante. Je

11 demanderai l'aide de l'huissier à cette fin.

12 A la page suivante, il est question du commandement conjoint pour le

13 Kosovo-Metohija et, sous ce grand titre, nous lisons "Instructions pour la

14 défense des endroits habités."

15 Et puis, ensuite, nous voyons inscrit le mot "temporaire" et, en dessous,

16 au milieu de la page, la date de "Juillet 1998". Vous voyez tout ce

17 passage?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Pouvez-vous nous expliquer, expliquer à la Chambre pourquoi le

20 mot "temporaire" est inscrit ici?

21 Réponse: C'est temporaire parce que les unités qui opéraient dans les

22 zones en question savaient que, ultérieurement, elles seront renvoyées à

23 l'endroit où elles travaillaient précédemment.

24 Question: Donc, à quel moment ces personnes devaient-elles être renvoyées

25 à l'endroit où elles se trouvaient précédemment? Qu'est-ce qui se passait,

Page 7757

1 à ce moment précis, qui a exigé les missions d'instructions temporaires?

2 Réponse: Ces instructions temporaires ont été émises à l'adresse de tous

3 les secrétariats de la défense et départements de la défense, en vue de

4 mener des opérations militaires.

5 Question: Donc, ces instructions sont-elles émises en temps de guerre ou

6 en temps de crise?

7 Réponse: Oui, en temps de guerre et en temps de crise.

8 Question: Je vous demanderai maintenant de tourner encore une fois la

9 page, pour vous rendre en page 3 de la version anglaise. Je ne connais pas

10 exactement le numéro de la page dans votre version, mais vous verrez qu'il

11 y a un paragraphe intitulé "paragraphe n°2", ensuite on a un petit a).

12 Vous voyez ce paragraphe 2-a), Monsieur Aliu?

13 Ce paragraphe 2-a) est intitulé "Composition et tâches de la protection

14 civile et des systèmes destinés à la surveillance et au compte rendu".

15 Vous voyez cela?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Si nous nous rendons maintenant à la page suivante dans la

18 version anglaise, donc page 4 de la version anglaise, on voit un petit… un

19 n°1, à peu près au milieu de la page. Et après ce petit 1, on lit le texte

20 suivant -je cite-: "Objectif général pour les unités CZ -je suppose que CZ

21 signifie protection civile-: gérer les premiers secours, sauver les gens

22 qui se trouvent dans les ruines, éteindre les incendies qui ont démarré et

23 qui sont relativement limités, enlever les barricades, organiser le

24 nettoyage des rues, etc.". (Fin de citation.)

25 Vous voyez ce texte?

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1 Réponse: Excusez-moi. Les unités chargées de la protection civile avaient

2 pour première tâche d'apporter les premiers soins aux gens qui en avaient

3 besoin, de sortir… de sauver les gens des ruines ou de les protéger contre

4 les tirs; et, en temps de guerre ou, en tout cas, en 1990 et à partir de

5 cette date, il s'agissait de personnes armées qui cependant n'avaient pas

6 le droit de porter les armes selon les Conventions de Genève.

7 Question: Très bien. Passons maintenant à la page suivante, page 5 du

8 texte anglais. A peu près au milieu de la page, nous voyons un n°3 et une

9 ligne qui se lit comme suit -elle est écrite en lettres majuscules: "La

10 tâche et le regroupement des forces". (Fin de citation.)

11 Et si nous descendons un peu plus loin sur cette page, dans ce premier

12 paragraphe nous trouvons un passage, une expression sur laquelle

13 j'aimerais vous interroger. Vous voyez une expression qui se lit comme

14 suit -je cite-: "Et la continuité du commandement".

15 Est-ce que vous voyez cette expression, Monsieur Aliu?

16 Réponse: En page 5? Je ne trouve pas.

17 Question: Peut-être en page 6 dans votre version?

18 Réponse: Quelle page?

19 Question: Cinquième paragraphe après le n°3. A la fin du paragraphe, nous

20 trouvons les mots -je cite-: "Et la continuité du commandement". (Fin de

21 citation.)

22 Réponse: Au paragraphe 3? Pouvez-vous, s'il vous plaît, reposer votre

23 question?

24 M. Saxon (interprétation): Voyez-vous ces mots –je cite: "Continuité du

25 commandement"?

Page 7759

1 M. Kwon (interprétation): Je crois que c'est le paragraphe 5, en page 6

2 dans la version serbe.

3 M. Saxon (interprétation): Oui, en effet.

4 Je vous demanderai de vous rendre en page 6, cinquième paragraphe, de

5 cette page. Et les derniers mots de ce paragraphe se lisent en anglais

6 "continuity of commanding", ce qui en français donne: "continuité du

7 commandement".

8 (L'interprète signale que M. Saxon a prononcé les mots en serbe mais

9 l'interprète n'a pas pu les comprendre. Et M. Saxon s'est excusé de sa

10 mauvaise prononciation.)

11 Vous voyez ces mots, Monsieur Aliu?

12 M. Aliu (interprétation): Les mots que vous venez de prononcer ne figurent

13 pas là.

14 Question: Regardez page 6, le paragraphe que je suis en train de vous

15 montrer. Monsieur l'huissier pourrait peut-être vous aider. Les deux

16 derniers mots?

17 Réponse: Oui. Oui, oui, les deux derniers mots, en effet.

18 Question: Pouvez-vous nous dire ce que signifie cette idée ou ce concept

19 de "continuité de commandement"?

20 Réponse: Cela signifie que toutes les opérations et toutes les tâches

21 commencées doivent poursuivre jusqu'à leur achèvement, jusqu'à donc ce que

22 toutes ces tâches militaires aient été accomplies en bonne et due forme.

23 Question: Des unités militaires peuvent-elles opérer en temps de guerre

24 s'il n'y a pas de continuité du commandement?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Je vous demanderai maintenant de vous rendre au dernier

2 paragraphe de cette même page, Monsieur Aliu, si vous voulez bien, où nous

3 lisons le texte suivant.

4 Je cite-: "Les forces chargées d'opérer à l'intérieur de la ville sont

5 principalement déterminées sur la base de leur composition démographique.

6 Dans les quartiers et zones purement serbes sur le plan ethnique,

7 l'organisation de la défense est plus aisée; alors que dans les zones et

8 quartiers mixtes, ceci est plus complexe et doit être organisé immeuble

9 par immeuble. Si ceci n'est pas possible, les citoyens doivent être

10 évacués et dirigés vers des zones ethniquement propres." (Fin de

11 citation.)

12 Vous voyez ce passage?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Vous voyez cette phrase: "Les citoyens doivent être évacués vers

15 des zones ethniquement propres"? De quels citoyens est-il question à cet

16 endroit?

17 Réponse: Il n'est question ici que de l'évacuation des citoyens serbes qui

18 étaient très peu nombreux et qui devaient être évacués vers des zones

19 principalement peuplées par des Serbes. Alors que dans les zones peuplées

20 par les Serbes, les Serbes se sentaient pleinement en sécurité, il n'était

21 pas besoin de les évacuer.

22 Question: Je vous demanderai maintenant de vous rendre à la page suivante.

23 Si je ne m'abuse, vous trouverez le chiffre 5 et le mot "COMMANDEMENT" en

24 majuscules. Et au deuxième paragraphe suivant ce titre, nous lisons ce qui

25 suit -je cite-: "L'état-major relie fonctionnellement toutes les unités et

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1 toutes les structures chargées de la défense: réservistes de la VJ, MUP,

2 CZ, entreprises et citoyens, ainsi que les réservistes du MUP". (Fin de

3 citation.)

4 Pouvons-nous tirer la conclusion, à la lecture de ce passage, que les

5 états-majors conjoints chargés du Kosovo, étaient chargés de relier entre

6 eux les personnes chargées de la protection civile, les entreprises et les

7 citoyens ainsi que les réservistes du MUP? Est-ce bien la conclusion que

8 nous sommes en droit de tirer pour le commandement conjoint du Kosovo,

9 ainsi que pour le commandement conjoint dans chaque municipalité? Qui donc

10 assurait le lien entre toutes les structures chargées de la défense et

11 toutes les unités chargées de la défense et mobilisées en temps de guerre?

12 Réponse: Oui, oui, bien sûr.

13 M. Saxon (interprétation): Très bien. Je vais maintenant demander le

14 versement au dossier de ce document, Monsieur le Président, et son

15 enlèvement du rétroprojecteur.

16 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 245.

17 M. Saxon (interprétation): Je vais encore demander l'aide de l'huissier

18 pour la distribution d'un nouveau document du Bureau du Procureur, dont la

19 référence affectée, octroyée par le Bureau du Procureur est K1282.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 Une fois de plus, je demanderai à ce que l'on remette au témoin la version

22 en serbe, et que l'on place sur le rétroprojecteur la version anglaise.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 Il est difficile de déterminer la date de ce document. En tout cas, dans

25 la traduction anglaise: 28 juillet 1990… quelque chose, et il provient de

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1 l'administration de la défense de Pristina.

2 M. Aliu (interprétation): C'est 1998.

3 M. Saxon (interprétation): 1998? Merci.

4 Réponse: Mais ce n'est pas très clair, la date n'est pas très claire.

5 Question: Bien, nous examinerons la question. Je vous demanderai d'abord

6 de jeter un coup d'œil, Monsieur Aliu, à la signature que l'on voit à la

7 fin de ce document. Il se pourrait que vous ayez à tourner quelques pages.

8 Reconnaissez-vous cette signature?

9 Réponse: Oui.

10 Question: C'est la signature de qui?

11 Réponse: C'est la signature de Petar Ilic.

12 Question: Je vous demande maintenant de revenir à la première page. Ce

13 document est destiné aux chefs des départements de la défense et aux chefs

14 des sections de la défense; et en dessous, nous voyons de 1 à 29. Ensuite,

15 dans le premier paragraphe, nous lisons ce qui suit -je cite-: "En

16 application des instructions sur la défense des zones habitées, émises par

17 le commandement conjoint pour le Kosovo et Metohija, et ayant pour

18 objectif l'engagement de la protection civile, ainsi que des personnels du

19 service chargé de la surveillance et des comptes rendus, et dans le but

20 que ces personnels puissent accomplir leurs tâches, je décide ce qui

21 suit..." (Fin de citation.)

22 Ensuite, nous voyons plusieurs paragraphes.

23 La question que je vous pose est la suivante: pourriez-vous, en quelques

24 mots, nous expliquer à qui Petar Ilic destine cet ordre? Sur quoi il

25 s'appuie pour le faire?

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1 Réponse: Se fondant sur ce document, les chefs des secrétariats, le chef

2 du secrétariat provincial de la défense, Petar Ilic, donne l'ordre à tous

3 les états-majors de la défense municipale sur tout le territoire du

4 Kosovo, ainsi qu'à tous les services chargés de la surveillance et des

5 comptes rendus…

6 Question: Et, en première ligne, nous lisons: "En application des

7 instructions sur la défense des zones habitées émises par le commandement

8 conjoint." (Fin de citation.)

9 Est-ce bien la suite des ordres que nous avons examinés il y a quelques

10 instants?

11 M. Aliu (interprétation): Oui, c'est bien la suite des ordres que nous

12 avons examinés il y a quelques instants. Ce sont donc des tâches assignées

13 aux états-majors municipaux.

14 M. Saxon (interprétation): J'aimerais demander le versement au dossier de

15 ce document.

16 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 246.

17 M. Saxon (interprétation): Le document suivant comporte la référence

18 émanant du Bureau du Procureur K1283.

19 (L'huissier s'exécute.)

20 Monsieur Aliu, je vous demanderai de regarder ce document qui porte la

21 date du 28 juillet 1998, du 30 juillet 1998, sur lequel on lit le mot

22 "Pristina".

23 Reconnaissez-vous la signature que l'on trouve à la fin de ce document?

24 Veuillez regarder la dernière page.

25 M. Aliu (interprétation): Oui.

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1 Question: A la dernière page, vous voyez une signature?

2 Réponse: Oui.

3 Question: C'est la signature de qui?

4 Réponse: C'est la signature de la même personne, Petar Ilic, chef du

5 secrétariat à la défense.

6 Question: Revenons, si vous le voulez bien, à la première page. Ce

7 document est adressé aux organes régionaux de la République de Serbie: "M.

8 Cecic ou Cekic - Personnellement - à Belgrade".

9 Et, en dessous, nous lisons: "Orientations pour la défense des zones

10 habitées émises par le commandement conjoint du Kosovo-Metohija." En

11 dessous, nous lisons: "Extrait des orientations faisant référence aux

12 obligations qui sont celles du ministère fédéral de la Défense."

13 A qui Petar Ilic envoie-t-il ces instructions?

14 Réponse: Il les envoie aux autorités serbes chargées de la défense à

15 Belgrade et fait référence, encore une fois, aux orientations réglementant

16 la défense des zones habitées et aux instructions émanant du commandement

17 conjoint. Ceci a donc un rapport avec les ordres émanant du commandement

18 conjoint.

19 Question: Très bien. Mais une question rapide.

20 Réponse: Excusez-moi, mais ce document est codé et il est très urgent.

21 Question: Merci, Monsieur Aliu. Mais, pour avancer plus vite, le ministère

22 fédéral de la Défense, qui a reçu ce message de M. Ilic, était-il bien

23 l'instance supérieure à M. Ilic?

24 M. Aliu (interprétation): Oui, c'est l'instance qui était supérieure dans

25 la hiérarchie à M. Ilic.

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1 M. Saxon (interprétation): Je demande à présent le versement au dossier de

2 ce document.

3 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 247.

4 M. Saxon (interprétation): J'ai encore un document que j'aimerais montrer

5 au témoin.

6 (L'huissier s'exécute.)

7 La référence du Bureau du Procureur pour ce document est K2685.

8 Monsieur Aliu, il serait peut-être bon que vous commenciez par la lecture

9 de la page 2 de ce document.

10 Ce document porte la date du 2 novembre 1998. Il est également signé par

11 M. Petar Ilic, en dernière page. Et en page 2, nous voyons qu'il est

12 adressé au ministère fédéral de la Défense, secteur chargé de la Défense

13 civile au "Général Geza Farkas - Personnellement - à Belgrade".

14 Dans les premier et deuxième paragraphes de ce document, nous lisons ce

15 qui suit -je cite-: "Nous aimerions vous informer de ce qui suit. Dans

16 notre communication strictement confidentielle n°80-10/3, nous avons

17 demandé au commandement de la 3e Armée de nous fournir des armes et des

18 munitions destinées à toutes les unités qui sont en cours de création et

19 de développement, de la part des départements et sections situés sur le

20 territoire de la province autonome du Kosovo-Metohija, et ce, comme suit:

21 les détachements de la défense civile, 1.665 conscrits; unités de

22 communication, 423 conscrits; personnel chargé de la surveillance et des

23 comptes rendus, 1.179 conscrits; protection civile, 3.365 hommes, soit un

24 total de 6.632 personnes." (Fin de citation.)

25 Monsieur Aliu, durant l'année 1998, alors que vous travailliez toujours au

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1 sein d'une unité chargée de la protection civile, cette unité a-t-elle

2 reçu des armes?

3 M. Aliu (interprétation): J'aimerais vous faire part d'un détail. Très

4 rapidement, oui très rapidement.

5 Oui, cette unité a reçu des armes et, personnellement, j'ai vu des membres

6 d'unité de la protection civile armés par des membres de l'armée. Et ici,

7 on voit très clairement que les membres des unités chargées de la

8 protection civile étaient armés.

9 Question: Monsieur Aliu, est-ce que tous les membres des unités chargés de

10 la protection civile ont reçu des armes?

11 Réponse: A tous les niveaux de la hiérarchie, les membres des unités

12 chargés de la protection civile ont reçu des armes, ainsi que les membres

13 des assemblées municipales et les membres des secrétariats municipaux.

14 C'est que j'ai dit le premier jour de ma déposition.

15 Question: Monsieur Aliu, est-ce que les Serbes et les Albanais ont reçu

16 des armes?

17 Réponse: Non, les Albanais n'ont jamais reçu d'armes. En fait, ils ont

18 tous été désarmés en 1997 et ont dû payer des sommes conséquentes en

19 compensation, qui ne tenaient compte que de la population albanaise.

20 Question: Monsieur Aliu, avez-vous vu des arrivages d'armes et des

21 distributions d'armes au Kosovo, en 1998? Et si oui… Enfin, oui ou non?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Où cela se passait-il?

24 Réponse: Cela se passait dans le secrétariat chargé de la Défense au

25 commandement du corps d'armée, ainsi que dans des secteurs qui étaient

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1 dirigés par un homme dont le nom était Deli Bacic.

2 Question: Combien d'armes sont arrivées de cette façon?

3 Réponse: Elles sont arrivées à bord de camions jusqu'au commandement et

4 ont été distribuées aux membres du commandement sous forme de petites

5 caisses, il me semble.

6 Question: A qui appartenait ces camions?

7 Réponse: Les camions appartenaient à l'armée yougoslave.

8 Question: Avez-vous vu le déchargement, la distribution de ces armes?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Quel genre d'armes ont-elles été distribuées?

11 Réponse: Des fusils automatiques et semi-automatiques.

12 Question: A qui ces armes ont-elles été distribuées?

13 Réponse: Uniquement aux Serbes.

14 M. Saxon (interprétation): J'aimerais demander le versement au dossier de

15 ce document.

16 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction de l'accusation 248.

17 M. Saxon (interprétation): J'en arrive à ma dernière question destinée à

18 ce témoin. Enfin, j'ai encore deux questions à lui poser.

19 Monsieur Aliu, votre chef, Petar Ilic vous a-t-il dit, à quelque moment

20 que ce soit, ce qui risquait d'arriver à la population albanaise du Kosovo

21 si les attaques dues aux terroristes albanais augmentaient,

22 s'intensifiaient?

23 M. Aliu (interprétation): Si le nombre d'attaques dues aux Albanais

24 augmentaient -je dois dire qu'il ne s'agissait pas d'attaques terroristes,

25 c'étaient des gens qui défendaient leur maison, leur domicile-, mais si

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1 ces attaques augmentaient, tous les Albanais se verraient forcés de se

2 rendre en Albanie en franchissant ces satanées montagnes.

3 M. Saxon (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je n'ai pas

4 d'autre question pour ce témoin.

5 M. le Président (interprétation): Nous suspendons l'audience.

6 M. Nice (interprétation): On m'avait parlé de quelques minutes de

7 discussion consacrée à quelque préoccupation liée au Témoin K32.

8 M. le Président (interprétation): Pas à ma connaissance. Si tel est le

9 cas, nous en parlerons demain. Nous suspendons.

10 Monsieur Aliu, je vous demanderai de revenir dans ce prétoire à 9 heures

11 demain matin.

12 M. Aliu (interprétation): Oui.

13 M. le Président (interprétation): Je crois que c'est bien l'heure du début

14 d'audience demain, n'est-ce pas, Madame la Greffière?

15 Mme Ameerali (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, oui d'accord, vous

17 avez la parole très rapidement.

18 M. Milosevic (interprétation): Une question technique simplement, Monsieur

19 May. Vous n'avez pas besoin de vous émouvoir à ce sujet.

20 Ces instructions destinées à la défense des lieux habités n'ont pas de fin

21 dans la version qui m'a été remise. Est-ce que c'est une erreur ou est-ce

22 un texte qui n'a pas de fin? Car, pour ce qui concerne les autres

23 documents, je vois qu'ils ont été vérifiés, qu'ils comportent une

24 signature, un titre, mais le premier document dont je dispose, n'est pas

25 terminé. Il se termine en page 13 dans la version dont je dispose, sans

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1 aucune signature.

2 Monsieur le Procureur, vous avez peut-être un autre document à me

3 remettre?

4 Et puis, deuxièmement, pour ne pas reprendre la parole, s'il y a nouvelle

5 modification de l'ordre de passage des témoins...

6 M. le Président (interprétation): Parlons d'abord de cette première

7 question.

8 Monsieur Saxon, pouvez-vous répondre à cette question au sujet du

9 document?

10 M. Saxon (interprétation): Je vais essayer, Monsieur le Président.

11 D'après mon souvenir, Monsieur le Président, c'est le document complet, en

12 tout cas le document le plus complet en la possession du Bureau du

13 Procureur. Mais je vérifierai pour m'assurer qu'aucune erreur n'a été

14 commise.

15 M. le Président (interprétation): Merci.

16 Monsieur Nice, vous avez dit que le témoin suivant serait le témoin K35 ou

17 25?

18 M. Nice (interprétation): K25.

19 M. le Président (interprétation): Et ensuite?

20 M. Nice (interprétation): C'est M. Crossland.

21 M. le Président (interprétation): Je crois que nous n'aurons pas le temps

22 d'interroger davantage de témoins, compte tenu de la brièveté des

23 audiences.

24 M. Nice (interprétation): En effet.

25 M. le Président (interprétation): Oui, les jours seront un peu plus

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1 courts, donc on commence à 9 heures et on poursuit jusqu'à 13 heures 45.

2 M. Nice (interprétation): J'espère que ces dépositions rempliront ces deux

3 journées. Sinon, je ne suis pas sûr d'avoir un témoin en réserve. Mais je

4 vérifierai.

5 M. le Président (interprétation): Très bien. Suspension.

6 (L'audience est levée à 16 heures 08.)

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