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1 (Jeudi 5 septembre 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)
3 (Audience publique.)
4 M. le Président (interprétation): Vous avez la parole, Maître Wladimiroff.
5 (Questions de l'amicus curiae M. Wladimiroff au témoin, Sir Peter de la
6 Billière.)
7 M. Wladimiroff (interprétation): Merci beaucoup.
8 Bonjour, Général et merci d'être revenu devant la Chambre ce matin.
9 Général, est-ce que vous accepteriez de dresser la liste des sources à
10 partir desquelles vous avez travaillé pour établir votre rapport? Est-ce
11 que vous avez bien vu l'Acte d'accusation? Avez-vous pu consulter les
12 trois classeurs de documents qui ont été choisis et classés par M. Coo?
13 Est-ce que ce sont bien là les sources que vous avez utilisées?
14 Sir de la Billière (interprétation): Je peux, un petit peu à froid, si
15 vous voulez, vous dresser une liste des documents dont je suis certain de
16 les avoir consultés et lus. Mais le document principal sur lequel je
17 souhaite attirer votre attention, c'est le rapport d'analyse militaire.
18 C'est un document assez important qui compte quelque 600 pages. Je ne l'ai
19 pas sous les yeux, bien sûr. J'ai consulté ce document de très près. Par
20 ailleurs, j'ai consulté les lois régissant le fonctionnement de l'armée de
21 la Yougoslavie; j'ai jeté un oeil sur les lois régissant le système de
22 défense de la Yougoslavie. J'ai lu bien sûr le mémoire préalable au
23 procès, les lois internationales régissant les conflits armés. Voilà les
24 différentes sources dont je peux faire état.
25 Question: Je vous remercie.
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1 Je vais maintenant vous poser une question sur ce qui apparaît à la page 3
2 de votre rapport.
3 Réponse: Oui, j'y suis.
4 Question: C'est le premier paragraphe entier qui m'intéresse.
5 Vous y dites –je cite-: "Ce niveau supérieur du commandement militaire,
6 etc., etc.". C'est cette partie qui m'intéresse. Est-ce que vous la
7 retrouvez?
8 Réponse: Excusez-moi, je ne m'y retrouve pas tout à fait. Vous pouvez me
9 redire la phrase qui vous intéresse?
10 Question: Oui. Cela commence par la phrase -je cite-: "Nous voyons qu'au
11 niveau supérieur du commandement militaire…"; pui, un peu plus loin, il y
12 a une phrase qui se trouve à peu près vers le milieu du paragraphe.
13 Réponse: Oui.
14 Question: Je crois que vous exprimez ici un principe d'ordre général qui
15 découle de votre expérience; ce n'est pas quelque chose que vous avez
16 découvert en étudiant les différentes caractéristiques de la VJ, n'est-ce
17 pas?
18 Réponse: Ce paragraphe fait d'abord état de ce qui se fait dans la
19 pratique, en général. Ensuite, je parle de ce qui se passe dans la VJ sur
20 la base des documents sur lesquels je me suis appuyé. Alors, est-ce que
21 des choses fonctionnaient effectivement comme cela? Je n'en sais rien, je
22 n'ai pas pu m'entretenir avec qui que soit qui aurait pu me confirmer que
23 les choses se passaient bien ainsi.
24 Question: Je vous remercie. J'attire maintenant votre attention sur la
25 page 10 de votre rapport.
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1 Réponse: Oui, j'y suis.
2 Question: C'est le premier paragraphe plein qui m'intéresse, celui qui
3 commence par l'indication: "Au Kosovo".
4 Réponse: Oui, j'y suis.
5 Question: Vous faites ici référence au Président de la RFY et c'est cette
6 partie du paragraphe qui m'intéresse tout particulièrement.
7 Est-ce que vous affirmez ce qui est ici sur la base des documents que vous
8 avez pu consulter. Vous affirmez que tout ce que vous indiquez peut être
9 considéré comme des éléments de preuve qui démontrent que le Président de
10 la RFY souhaitait maintenir son autorité, etc. Avez-vous consulté des
11 documents qui exprimaient de façon absoloument limpide que telles étaient
12 les visées du Président de la RFY ou bien est-ce une supposition que vous
13 émettez?
14 Réponse: Merci de me donner quelques instants qui me permettront de relire
15 ce paragraphe et de me souvenir un peu des circonstances dans lesquelles
16 je l'ai rédigé.
17 Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, étoffer un petit peu la
18 première partie de votre question quand vous dites que tout cela était
19 pour moi des éléments de preuve qui établissaient de façon limpide que
20 c'était là ce que souhaitait faire le Président de la RFY?
21 Question: Sur la base des documents qui vous ont été montrés, est-ce que
22 vous avez pu établir que ce que vous dites précédemment dans le
23 paragraphe, à savoir que -je cite- "au Kosovo, je crois comprendre que le
24 commandement conjoint, dirigé par un civil, un homme politique, était
25 responsable pour la coordination des opérations conjointes VJ et MUP, ceci
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1 comme je l'ai dit, peut être considéré comme des éléments de preuve qui
2 démontrent que le Président de la RFY souhaitait etc., etc. ". (Fin de
3 citation.)
4 Est-ce que vous avez trouvé des éléments, parmi les documents qui vous ont
5 été transmis, qui permettent d'établir clairement ce que voulait le
6 Président de la RFY?
7 Réponse: Je ne peux pas vous répondre très précisément. Je pense que j'ai
8 écrit cela sur la base des documents qui m'ont été transmis et je l'ai
9 écrit en toute bonne foi. Pour pouvoir vous donner une réponse plus
10 précise, il faudrait que je puisse poursuivre un peu mes recherches. Ce
11 que je dirai, c'est qu'il est assez inhabituel en termes généraux qu'une
12 certaine partie de l'armée ne soit placée sous le contrôle d'un commandant
13 en chef.
14 Question: Très bien. Nous en venons maintenant à la page 13 de votre
15 rapport. Vous y parlez des opérations spéciales, au paragraphe D.
16 Je comprends que vous jouissez d'une grande expérience pour ce qui est des
17 opérations spéciales. Je ne remets pas cette expérience en question, mais
18 je souhaite vous poser une question: est-ce que vous avez disposé
19 d'éléments bien précis qui traitaient de membres des forces militaires,
20 pardon des éléments des forces paramilitaires qui opéraient dans un
21 contexte militaire? Est-ce qu'il y avait des unités bien particulières qui
22 agissaient indépendamment de l'armée, mais qui étaient tout de même
23 incluses dans le fonctionnement de celle-ci?
24 Réponse: Je crois comprendre que la police était divisée en différentes
25 instances. Au sein du MUP, il y avait deux catégories, si vous voulez:
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1 l'une était la police normale, disons, celle qui assurait le contrôle de
2 la situation au niveau civil; et puis il y avait la police de l'Etat, une
3 espèce de prolongement du bras de l'Etat, qui était responsable pour les
4 opérations spéciales, qui était responsable de la collecte de
5 renseignements, d'informations et qui était responsable des actions, nous
6 dirons, contre-terroristes.
7 Mes commentaires sont ici d'une nature assez générale. J'essaie simplement
8 d'étoffer un petit peu ce que j'ai pu dire dans mon introduction sur la
9 nécessité d'avoir un bon système de coordination et de contrôle. C'est ce
10 que l'on m'a demandé de faire.
11 Question: Vous faites référence aux unités paramilitaires. Moi, je vous
12 demande si ces unités paramilitaires faisaient ou non partie du MUP ou de
13 l'armée? Si elles n'en faisaient partie, est-ce qu'elles fonctionnaient
14 tout de même en étroite coopération avec l'armée?
15 Réponse: Est-ce que vous pouvez me montrer la partie du paragraphe qui
16 vous intéresse?
17 Question: Ce n'est pas dans votre rapport, c'est la raison pour laquelle
18 je pose la question.
19 Réponse: Je comprends. J'ai eu des documents qui établissaient quel était
20 le fonctionnement de l'organisation du MUP et c'est sur la base de ces
21 documents que je me dis que le MUP en Serbie fonctionnait d'une certaine
22 façon. Si c'est effectivement ainsi que le MUP fonctionnait dans les
23 faits, il y a des éléments qui montrent qu'il devait disposer d'un secteur
24 qui était un secteur dont les hommes s'occupaient des opérations
25 spéciales. Mais je voudrais ici que tout soit bien clair: lorsque je parle
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1 d'opérations spéciales, il peut s'agir d'opérations menées par la police,
2 menées par l'armée ou par une troisième force.
3 Question: Je comprends.
4 Réponse: Ce que je dis, c'est qu'il ne peut pas y avoir d'opérations à ce
5 point spéciales qu'elles se déroulent dans un secteur militaire sans qu'un
6 commandant militaire sache qu'elles sont en train de se dérouler. Si cela
7 se passe sans que le commandant en chef en ait connaissance, cela peut
8 aboutir à des pertes dans les rangs mêmes de l'armée, qui n'est pas au
9 courant du fait qu'il y a des unités lui appartenant qui sont actives sur
10 un territoire particulier.
11 Question: C'est précisément le but de ma question. Est-ce que vous avez eu
12 des documents qui montraient que les autorités paramilitaires ne faisaient
13 pas partie de la police et ne faisaient pas partie de la VJ? Vous n'en
14 faites pas du tout état dans votre rapport.
15 Réponse: Excusez-moi, j'essaie de rassembler mes souvenirs sur ce point.
16 Je ne me souviens pas avoir lu quoi que ce soit qui laissait entendre
17 qu'une organisation paramilitaire opérait au Kosovo, qui n'aurait pas été
18 eu une émanation soit de la police soit de l'armée.
19 Question: Je vous remercie. J'en viens maintenant à la page 20 de votre
20 rapport, premier paragraphe, qui commence par la phrase -je cite-: "Je
21 serais prêt à souscrire à la conclusion selon laquelle…". (Fin de
22 citation.)
23 A la fin de ce paragraphe, vous dites -je cite-: "Je serais prêt à
24 souscrire à la conclusion selon laquelle, sur la base d'informations
25 telles que … l'extrait qui précède ce paragraphe…"
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1 On me demande de ralentir.
2 Je reprends donc. "Je pourrais tout à fait souscrire à la conclusion selon
3 laquelle, sur la base d'informations telles que celles contenues dans
4 l'extrait qui précède ce paragraphe, le Président de la Yougoslavie a
5 l'ultime responsabilité pour ce qui est de l'établissement de la
6 discipline et des critères de fonctionnement de la VJ.". (Fin de
7 citation.)
8 Est-ce que c'est quelque chose que vous avez découvert ou est-ce que c'est
9 quelque chose qui découle de ce que vous avez étudié? Est-ce que vous avez
10 trouvé des éléments dans ces documents qui vous ont permis de faire cette
11 conclusion ou c'est quelque chose que vous supposez sur la base de votre
12 expérience?
13 Réponse: Non, non, tout cela repose sur ce que j'ai pu consulter. Moi, je
14 répète que je n'étais pas sur place, je ne peux donc pas parler de mon
15 expérience personnelle de la situation. Sur la base des documents que j'ai
16 lus, ils établissaient assez clairement qu'il y avait une chaîne de
17 commandement et que, si la chaîne de commandement fonctionnait
18 effectivement comme il semblait qu'elle fonctionnait, eh bien, je pense
19 que ce qu'il apparaît dans ce paragraphe est exact.
20 Question: Cela voudrait donc dire, selon vous, que c'est effectivement le
21 Président qui devrait être responsable en dernière instance pour
22 l'établissement de la discipline et des critères au sein de la VJ?
23 Réponse: Excusez-moi, je ne comprends pas bien pourquoi la formulation est
24 si importante pour vous.
25 Question: Ici vous dites: "Le Président de la Yougoslavie détient la
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1 responsabilité en dernière instance." Mais en fait, vous voudriez parler
2 au conditionnel, n'est-ce pas? Si un certain nombre de critères était
3 réuni, alors le Président aurait la responsabilité en dernière instance.
4 Réponse: Oui, d'après moi, si tout ce qui apparaissait sur le papier
5 existait dans les faits, alors le Président devait avoir la responsabilité
6 en dernière instance. Si l'armée de Yougoslavie fonctionnait comme c'était
7 indiqué sur le papier, alors je crois que cette conclusion pouvait être
8 tirée.
9 Question: Je vous remercie. Nous en venons maintenant à la page 29 où nous
10 trouvons une synthèse que vous avez faite. On pourrait parler de
11 conclusions de votre rapport, n'est-ce pas?
12 Réponse: Oui, tout à fait.
13 Question: Peut-être que ma question va vous sembler un peu bête: la reine
14 Elizabeth est chef de l'Etat, elle n'en est pas pour autant commandant en
15 chef de l'armée britannique, n'est-ce pas?
16 Réponse: C'est exact.
17 Question: Qui est le commandant en chef de l'armée britannique au Royaume-
18 Uni?
19 Réponse: Le commandant en chef des services des forces armées du Royaume-
20 Uni est le chef de l'état-major de la Défense, qui fait rapport
21 directement au gouvernement et qui travaille en étroite collaboration avec
22 le ministre de la Défense et avec le Premier ministre qui est représenté,
23 si vous voulez, par le ministre de la Défense. Et le chef de l'état-major
24 de la Défense, à ce titre, a un accès direct au Premier ministre lui-même.
25 Le chef d'état-major de la Défense peut, à tout moment, demander à avoir
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1 un accès direct au Premier ministre.
2 Question: Donc le commandant en chef, dans votre système, occupe une
3 position tout à fait particulière, n'est-ce pas?
4 Réponse: Je vais me répéter un petit peu, je vais revenir sur ce que j'ai
5 déjà dans le cadre de la réponse à la dernière question.
6 Si les forces britanniques armées, d'après moi, si les forces armées
7 britanniques se comportaient d'une façon inacceptable ou vouée à l'échec,
8 je m'attendrais à ce qu'une partie de cette responsabilité retombe sur les
9 épaules du Premier ministre. Bien sûr, une grande partie de la
10 responsabilité retomberait sur le responsable le chef de l'état-major de
11 la Défense en tant que commandant en chef. Pour ce qui est de mon
12 expérience personnelle, moi qui ai travaillé avec le commandant en chef et
13 qui ai travaillé avec le Premier ministre, je voudrais dire une chose de
14 façon très claire: l'armée, dans toute nation démocratique, n'est pas,
15 n'est pas une entité indépendante du gouvernement qui est en place à un
16 moment X. Et quelle que soit la structure de commandement qui a été mise
17 en place dans cette nation, l'armée en fait partie intégrante. Ses
18 compétences découlent de celles détenues par l'homme politique le plus
19 haut placé dans ce pays.
20 M. Wladimiroff (interprétation): Dans votre synthèse, dans votre
21 conclusion, vous dites, et je vous cite…
22 Sir de la Billière (interprétation): Excusez-moi, je n'ai pas fini, je
23 n'ai pas fini de répondre.
24 M. le Président (interprétation): Mais je vous en prie, poursuivez.
25 M. Wladimiroff (interprétation): Désolé de vous avoir interrompu.
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1 Sir de la Billière (interprétation): Soyons bien clair sur un point:
2 l'armée est un outil qui est entre les mains des hommes politiques, ce
3 n'est pas une organisation indépendante qui gère ses affaires comme bon
4 lui semble. C'est un outil qui est entre les mains des hommes politiques
5 et c'est un prolongement, si vous voulez, de ce qui est fait en matière
6 politique.
7 M. Robinson (interprétation): Avant de poursuivre, Général, je me permets
8 d'intervenir. J'avais quelques doutes quant aux conclusions que vous aviez
9 tirées dans ce paragraphe et je vais exprimer ces doutes maintenant.
10 Vous extrapolez beaucoup, il me semble, à partir d'un système
11 constitutionnel et juridique. Peut-être que ce système n'était pas
12 effectivement en place en Yougoslavie. Par exemple, en réponse à la
13 question qui vous a été posée à l'instant par l'ami de la Chambre, vous
14 avez dit que "l'armée, dans un pays démocratique, dans une nation
15 démocratique, n'est pas une entité indépendante qui agit indépendamment du
16 gouvernement qui est en place à ce moment-là. Quelle que soit la structure
17 du commandement en place dans cette nation, l'armée en fait partie
18 intégrante; ses compétences découlent de l'homme politique le plus haut
19 placé dans ce pays".
20 Alors, c'est peut-être le cas, c'est le cas dans la plupart des armées
21 modernes du monde occidental, mais vous semblez tirer de cela la
22 conclusion que le même système prévalait en Yougoslavie. Et vous n'avancez
23 pas pour autant d'éléments de preuve concrets qui permettent d'établir que
24 c'était effectivement le cas. Je pourrais aller plus loin encore:
25 l'ensemble de vos conclusions, telles qu'elles apparaissent dans la
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1 synthèse de votre rapport, reposent, n'est-il pas, sur une prémisse, à
2 savoir que l'armée yougoslave était une armée bien organisée, organisée
3 d'une façon comparable à l'organisation de l'armée des Etats-Unis, de la
4 Grande-Bretagne, de la Jamaïque.
5 Et vous supposez donc que la transmission d'informations depuis les
6 échelons les plus élevés jusqu'aux échelons les moins élevés de la chaîne
7 de commandement était tout à fait fluide, mais cette supposition ne
8 résisterait peut-être pas à une situation de conflit, par exemple.
9 Est-ce que vous vous êtes posé cette question de savoir si cette prémisse
10 sur laquelle vous vous êtes appuyé pour l'intégralité de votre rapport, à
11 savoir l'existence d'une armée bien organisée, n'était pas, peut-être, en
12 place en Yougoslavie dans une situation de conflit? Est-ce que cela
13 n'aurait pas un effet sur la nature des conclusions que vous avez tirées?
14 Sir de la Billière (interprétation): La synthèse que j'ai faite repose sur
15 l'ensemble des suppositions que j'ai formulées pendant l'intégralité de ma
16 déposition; je ne crois pas bon de les répéter.
17 Mais l'idée de départ, c'est que l'armée yougoslave fonctionnait
18 conformément au droit international, conformément aux lois régissant le
19 fonctionnement de l'armée en Yougoslavie et conformément aux structures de
20 la chaîne de commandement qui existaient formellement en 1999. C'est ça,
21 le principe de départ. Et si les choses… Il ne me revient pas à moi de
22 dire si les choses étaient ainsi ou pas, mais si les choses étaient ainsi,
23 si les choses fonctionnaient effectivement ainsi, alors je pense que ce
24 que j'ai dit est exact.
25 S'il y a eu rupture de la chaîne de transmission de l'information, s'il y
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1 a eu une rupture d'une ampleur telle que le gouvernement central ne savait
2 pas ce que faisait son armée, si le commandant en chef lui-même ne savait
3 pas ce que faisait son armée, n'avait aucun contrôle sur elle, alors,
4 clairement et très clairement, vous aviez une situation très proche d'une
5 insurrection. Vous auriez eu, en fait, une situation où vous aviez une
6 insurrection dans une partie de la Yougoslavie, partie de la Yougoslavie
7 où les forces de l'Etat se conduisaient de façon tout à fait indépendante
8 des vœux exprimés par le chef de l'Etat et par les structures de l'Etat.
9 Mais rien ne me permet de penser que c'était effectivement le cas. Je n'ai
10 vu aucun élément qui aurait pu me pousser à le penser.
11 M. Robinson (interprétation): Poursuivez, Maître Wladimiroff.
12 M. Wladimiroff (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions à poser
13 parce que le Juge Robinson est revenu précisément sur le point qui
14 m'intéressait.
15 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Sir Peter de la
16 Billière, par M. Nice.)
17 M. Nice (interprétation): Je reviens sur ce qui vient d'être dit et ce qui
18 vient d'être dit à propos du commandant en chef.
19 Vous avez parlé de situations prévalant dans les pays qui sont présidés
20 par un président qui a donc le contrôle de l'exécutif. Peut-on établir un
21 parallèle raisonnable entre un tel président et un monarque
22 constitutionnel, tel que la Reine Elizabeth II d'Angleterre?
23 Sir de la Billière (interprétation): La Reine Elizabeth II, d'après moi,
24 ne s'inscrit pas dans ce débat, n'a rien à voir avec ce débat. C'est, du
25 point de vue constitutionnel, le chef de l'Etat, mais la personne qui est
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1 au faîte du pouvoir en Grande-Bretagne est le Premier ministre; c'est lui
2 qui est le chef de l'exécutif.
3 Question: Je reviens sur les préoccupations formulées par le Juge
4 Robinson, à savoir le détail de la chaîne de commandement telle qu'elle
5 est apparue dans les documents.
6 Vous avez, vous, essayé de comprendre comment fonctionnait cette chaîne de
7 commandement sur la base des documents qui vous ont été fournis par M.
8 Coo; ce sont ces documents que vous avez traités dans votre rapport?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Est-ce qu'il y a, d'après vous, quelque élément de preuve qui
11 vous montre que ceci n'était pas une armée bien organisée, qui avait une
12 réelle capacité de réaction et qui réagissait conformément aux demandes de
13 l'exécutif?
14 Réponse: Non, je n'ai trouvé aucun élément me permettant de penser cela.
15 Question: Vous avez reçu une question qui vous a été posée par Me
16 Wladimiroff; je vous renvoie à la page 20 de votre rapport et à la page
17 19, d'ailleurs.
18 En bas de la page 19 –merci de vous y reporter, Général-, vous indiquez
19 que, parmi les éléments que vous avez pu consulter, il y avait notamment
20 l'Article 136 de la Constitution qui régissait normalement le
21 fonctionnement de l'accusé et vous dites que la Constitution dit comme
22 suit -je cite-: "Le Président de la République désigne, promeut et renvoie
23 ou démet de leurs fonctions les officiers de l'armée yougoslave, ainsi que
24 cela a été stipulé par la loi fédérale." Ensuite, le texte continue en
25 disant que "Les Juges, le Président, etc. sont nommés de cette façon."
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1 Vous dites par la suite -je cite-: "Je suis d'accord avec la conclusion
2 qui apparaît dans l'extrait de la Constitution qui est cité. Le Président
3 a, en Yougoslavie, la responsabilité ultime pour ce qui est de
4 l'établissement de la discipline et des standards au sein de la VJ."
5 Est-ce que ce n'est pas cela qui est au cœur de votre conclusion?
6 Réponse: Je n'ai aucun changement à apporter aux commentaires que j'ai
7 déjà pu faire sur ce point.
8 Question: Monsieur Wladimiroff vous a demandé s'il n'était pas bon de
9 remplacer le présent que vous utilisez dans cette phrase par un
10 conditionnel: le Président aurait la responsabilité ultime si, si, si,
11 etc. Est-ce que vous rappelez ce que vous avez dit?
12 Et, par ailleurs, est-ce que vous vous rappelez une question qui a été
13 posée par l'accusé qui évoquait le fait qu'il était chef, lui-même, de la
14 situation?
15 Réponse: Non, je ne m'en souviens pas.
16 Est-ce que nous pouvons par ailleurs revenir à la page 20? Ma déposition
17 ne repose pas sur ce qui se passait effectivement sur le terrain; je
18 répète que je ne me trouvais pas sur place. Ma déposition repose sur les
19 éléments que j'ai pu trouver parmi des documents parmi lesquels se
20 trouvaient les lois de la Yougoslavie.
21 Peut-être qu'en fait, sur le terrain, tous ces textes n'étaient pas
22 respectés, peut-être que la chaîne de commandement n'était pas respectée
23 et, si c'était le cas, eh bien, tout ce que j'ai dit n'est pas exact, si
24 le fonctionnement dans les faits ne correspondait pas au fonctionnement
25 tel qu'il était prévu par les textes.
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1 Mais si nous en revenons à l'article 136 de la Constitution, il fallait
2 que les choses fonctionnent d'une certaine façon, à moins que quelqu'un
3 ait changé les lois.
4 Question: Est-ce que vous vous rappelez la question qui vous a été posée
5 par l'accusé qui laissait entendre qu'aucune modification n'était
6 intervenue dans les règles?
7 Réponse: Je n'ai pas de raison de penser que les règles aient été
8 modifiées.
9 Question: Nous en revenons maintenant à une autre question posée par M.
10 Wladimiroff qui découle de ce qui apparaît en page 10 du rapport.
11 Vous dites -je cite-: "Je comprends que le commandement conjoint était
12 dirigé par un civil, un homme politique qui était responsable pour la
13 coordination des opérations conjointes du VJ et du MUP" (Fin de citation.)
14 Peut-être que vous ne vous souvenez pas dans quel document exactement vous
15 avez trouvé cela. Ne vous en faites pas, nous retrouverons cet élément si
16 nous avons vraiment besoin de le retrouver. Mais, s'il y avait
17 effectivement un homme politique, un civil, à la tête de la coordination
18 des opérations conjointes VJ/MUP, est-ce que cela permet de corroborer la
19 phrase suivante, à savoir "cela peut être considéré comme un élément de
20 preuve qui démontre que l'exécutif souhaitait maintenir un niveau
21 d'autorité et de contrôle"?
22 Réponse: Oui, cela démontrerait que la situation était telle que l'armée
23 yougoslave se comportait conformément aux règles qu'elle avait elle-même
24 contribué à établir.
25 Question: Ce matin, un petit peu plus tôt, en réponse à une question posée
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1 par M. Wladimiroff quant à vos sources, vous avez répondu que vous pouviez
2 d'une certaine façon lui donner une liste. Vous avez bien parlé de liste?
3 Réponse: Eh bien, moi, j'ai fait une liste à partir de tout ce que j'ai
4 sous les yeux. Maintenant, je ne peux pas affirmer que cette liste est
5 exhaustive; il faudrait que j'aie un peu plus de temps. J'ai lu une
6 quantité considérable de documents et je n'ai pas la mémoire qui me permet
7 de dresser la liste de tous ces documents ainsi, à froid.
8 Question: Est-ce que vous avez toujours parmi vos documents –parce que si
9 c'est le cas, nous la mettrons sur le rétroprojecteur- la liste des
10 documents qui vous ont été transmis par M. Coo ou par d'autres de mes
11 collègues lorsqu'on vous a demandé d'établir ce rapport?
12 Je crois qu'on vous a remis deux liasses de documents, mais une liste des
13 documents contenus dans cette liasse vous a été remise. Est-ce que vous
14 l'avez ou est-ce qu'il faut que nous la cherchions par ailleurs?
15 Réponse: Oui, j'ai une liste à partir de laquelle j'ai travaillé, qui m'a
16 été transmise dans le cadre d'un courrier privé. On me demandait de
17 m'assurer de bien lire et relire certains documents.
18 Mais j'ai lu vraiment tous les documents qui m'ont été transmis, par
19 exemple la loi régissant le fonctionnement de l'armée en Yougoslavie. J'ai
20 lu des pages et des pages de cette législation, y compris les paragraphes
21 qu'on m'avait recommandé d'étudier attentivement. Et je peux penser que
22 les informations que je transmets à la Chambre sont des informations qui
23 découlent de ce travail assez complet.
24 Question: Vous avez également lu le mémoire préalable au procès, n'est-ce
25 pas exact? Et le rapport de M. Coo?
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1 Réponse: Tout à fait.
2 Question: Je vous remercie. Nous reviendrons sur la liste des documents
3 transmis au témoin par le biais de M. Coo que nous entendrons vendredi. Et
4 puis, il y a encore un certain nombre de choses qui découlent ce que vous
5 a demandé l'accusé.
6 A un moment donné, si j'ai bien compris le raisonnement de l'accusé, il
7 vous a présenté un postulat. Il a parlé d'une armée bien disciplinée, bien
8 organisée, il n'a jamais contesté cela. Il a déclaré qu'une armée bien
9 organisée pouvait se trouver sous une pression intense, notamment dans le
10 cadre des bombardements de l'OTAN. Vous vous rappelez?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Il vous a dit que, dans une telle situation, il se pouvait que
13 des erreurs aient été commises ou des abus aient été commis par des
14 soldats du fait de la pression à laquelle ils étaient soumis.
15 Supposons, supposons que cela ce soit effectivement passé. Est-ce que cela
16 aurait un impact, quelle que soit son importance, sur la capacité des
17 commandants à tous les niveaux de passer en revue les opérations en cours
18 et de prendre les mesures disciplinaires qui s'imposent après que la crise
19 immédiate est passée?
20 Réponse: Non, je ne crois pas.
21 Question: Est-ce qu'il y a quelque élément de preuve qui permettrait de
22 penser que des mesures disciplinaires ont été prises, dues à des
23 violations du droit humanitaire? Est-ce que vous pouvez penser que cela
24 s'est passé sur la base de l'Acte d'accusation et sur la base de ce que
25 vous pensez qu'il s'est passé sur place?
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1 Réponse: Vous avez avait parlé de mesures disciplinaires. Alors est-ce
2 qu'on peut parler de mesures disciplinaires au niveau le plus inférieur de
3 la chaîne de commandement? Je ne le sais pas.
4 J'ai un certain nombre de cas de figure qui m'ont été transmis. Ce qui
5 semble être le cas, c'est qu'il n'y a pas eu apparemment de mesures
6 disciplinaires prises à un niveau réellement effectif de commandement, ce
7 qui suppose que les personnes qui ne faisaient pas bien leur travail
8 n'étaient pas soumises à des enquêtes, n'étaient pas soumises à des
9 mesures disciplinaires.
10 Question: Enfin, on vous a posé une question -c'est l'accusé qui vous a
11 posé cette question- de savoir s'il pouvait y avoir des ordres illégaux ou
12 des ordres qui n'en portaient que le nom.
13 L'accusé, pour sa part, pensait qu'il n'y avait pas eu d'ordre de ce type.
14 Il reviendra aux Juges de se prononcer sur ce point, mais s'il y a eu
15 effectivement des violations des droits de l'homme ou des crimes qui ont
16 été perpétrés par une armée bien organisée, à une grande échelle, et vous
17 nous avez dit par ailleurs qu'il n'y avait presque aucun ordre qui
18 existait -ces ordres du moins ne vous ont pas été remis-, s'il y avait
19 donc une telle situation de crimes perpétrés à une grande échelle, quel
20 que soit le degré d'organisation de l'armée, qu'est-ce que cela voudrait
21 dire quant à la nature des ordres qui ont pu exister à l'époque?
22 Réponse: La nature des abus évoqués dans l'Acte d'accusation est telle que
23 jamais ces abus n'auraient pu être le fait d'un commandant incontrôlé,
24 isolé ou d'une unité incontrôlée, isolée, qui aurait pu décider à un
25 moment X de prendre la loi entre ses mains. Ces abus sont d'une nature
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1 telle qu'ils supposent un soutien logistique, qu'ils supposent un certain
2 niveau de coordination au niveau des opérations militaires. Ce n'est que
3 dans de telles circonstances que tels abus ont pu être commis.
4 Les forces au Kosovo, je pense, devaient recevoir des instructions qui
5 leur permettaient d'agir de la sorte. Moi, je n'ai pas d'éléments écrits
6 qui me permettent de penser ce qu'étaient ces instructions et je n'ai pas
7 trouvé de traces de rapport de situation permettant de savoir ce qu'il
8 s'est effectivement produit, mais on peut tout de même supposer que ce
9 type d'instructions a été donné, et notamment donné verbalement.
10 M. Nice (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président. Je n'ai
11 plus de questions à poser au témoin.
12 M. le Président (interprétation): Sir Peter de la Bilière, vous venez d'en
13 arriver au terme de votre déposition. Merci infiniment d'être venu devant
14 cette Chambre pour déposer.
15 Non, Monsieur Milosevic, nous vous avons déjà entendu. Le témoin est
16 arrivé au terme de sa déposition.
17 Général, vous pouvez maintenant vous retirer.
18 (Le témoin, Sir Peter de la Billière, est reconduit hors du prétoire.)
19 (Les Juges se concertent sur le siège.)
20 (Questions relatives à la procédure.)
21 M. le Président (interprétation): En attendant la vidéo conférence, enfin
22 l'établissement de la connexion vidéo, je voudrais traiter d'une question.
23 Monsieur Milosevic, le temps de contre-interrogatoire qui vous est accordé
24 est le temps que nous vous accordons. Comme vous allez vous en rendre
25 compte lorsque vous ferez venir vos propres témoins, la partie adverse ne
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1 saurait recommencer à poser des questions parce qu'elle a envie d'en
2 poser, une fois que son contre-interrogatoire aura été terminé, à moins
3 qu'il y ait des circonstances exceptionnelles.
4 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, au
5 cas où la conférence vidéo serait prête, M. Ryneveld se chargera
6 d'interroger le témoin suivant avec la déformation des traits du visage et
7 l'attribution d'un pseudonyme.
8 Je sais d'expérience qu'il y a des problèmes techniques qui se posent à
9 l'occasion de l'établissement des communications vidéo et téléphoniques,
10 et, si besoin est, nous pourrions peut-être faire une petite pause en
11 attendant que les conditions techniques soient assurées.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Ryneveld, pourrions-nous peut-
13 être déterminer combien de temps va durer l'interrogatoire de ce prochain
14 témoin? J'ai l'impression que c'est un témoin important et je voudrais
15 savoir combien de temps vous pensez lui consacrer?
16 M. Ryneveld (interprétation): Je pense, Monsieur le Président, que nous
17 pouvons terminer cela à la moitié de l'audience, mais nous avons quand
18 même perdu pratiquement une heure jusqu'à présent. Ce qui fait que je
19 pense avoir besoin d'une heure encore après la pause.
20 M. le Président (interprétation): Je crois donc qu'il faudra ménager
21 également suffisamment de temps pour le contre-interrogatoire. Est-ce que
22 nous pourrons établir la conférence vidéo pour demain? Le savez-vous?
23 M. Ryneveld (interprétation): On ne m'a pas dit que cela n'avait pas été
24 possible ou que les équipements n'étaient pas disponibles. Je crois que
25 tout y est, le témoin y sera et j'espère que la chose pourra se faire.
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1 Nous pourrions nous renseigner pendant la pause.
2 M. le Président (interprétation): Je vous prie de le faire. Merci.
3 M. Ryneveld (interprétation): Je demanderai maintenant à la cabine de bien
4 vouloir nous préciser si cette communication vidéo est mise en place et
5 quel est le bouton pour le moniteur que nous devons utiliser?
6 M. le Président (interprétation): Je crois que nous pouvons le demander à
7 la Greffière d'audience.
8 M. Ryneveld (interprétation): Nous y sommes. Merci beaucoup.
9 Je crois qu'il faut appuyer sur le bouton "vidéo". Toutefois, il faut
10 vérifier encore si le visage, pour le public, est déformé, à l'intention
11 de la galerie du public, quoique nous, dans le prétoire, nous soyons en
12 mesure de le voir normalement. Je voudrais exclure toute surprise ou tout
13 fait inattendu.
14 Mme Anoya (interprétation): Nous avons la déformation des traits du
15 visage.
16 (Vidéoconférence.)
17 (Le Témoin K41 apparaît sur l'écran vidéo.)
18 M. le Président (interprétation): Bien. Que le témoin nous donne lecture
19 de la déclaration solennelle! Témoin K41, allez-y.
20 Avons-nous le son?
21 Que le témoin essaie une fois de plus de nous donner lecture de cette
22 déclaration solennelle pour que nous voyions s'il nous sera possible
23 d'entendre?
24 Témoin K41 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
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1 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Asseyez-vous.
2 (Le témoin s'assoit.)
3 (Interrogatoire principal du Témoin K41 par M. Ryneveld.)
4 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur le Président, Mesdames les Juges,
5 j'ai trois ou quatre questions que je voudrais poser à huis clos, et le
6 reste sera fait en session publique. Je voudrais maintenant que nous
7 passions à huis clos, je vous prie.
8 (Audience à huis clos partiel à 9 heures 45.)
9 (expurgée)
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13 (L'audience, suspendue à 9 heures 50, est reprise à 10 heures 34.)
14 (Audience publique avec mesures de protection.)
15 (Le témoin, M. Zoran Stijovic, est introduit dans le prétoire.)
16 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, vous pouvez y aller.
17 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, j'ai compris que la
18 conférence vidéo ne pouvait être rétablie que demain.
19 M. le Président (interprétation): Bien.
20 M. Nice (interprétation): Notre témoin suivant bénéficie de mesures de
21 déformation des traits du visage, mais il n'a rien contre le fait de
22 communiquer son nom et son prénom, et étant donné que nous avons un résumé
23 qui vous est fourni, je crois que vous pouvez accepter les mesures de
24 déformation des traits du visage.
25 (Interrogatoire principal du témoin, M. Zoran Stijovic, par M. Nice.)
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1 M. le Président (interprétation): Bien. Que le témoin nous donne lecture
2 de la déclaration solennelle!
3 M. Stijovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
5 M. le Président (interprétation): Merci, vous pouvez vous rasseoir.
6 M. Nice (interprétation): Veuillez nous donner votre identité.
7 M. Stijovic (interprétation): Je m'appelle Zoran Stijovic.
8 Question: Monsieur Stijovic, à la demande du Bureau du Procureur, votre
9 témoignage sera diffusé vers le public avec des mesures de déformation des
10 traits du visage.
11 Est-il exact de dire que cela s'est fait à la demande de votre employeur
12 qui a insisté pour qu'il en soit ainsi, alors que vous étiez tout à fait
13 disposé à témoigner de façon tout à fait publique et ouverte, mais cela
14 n'avait pas été le point de vue de votre employeur?
15 Réponse: Oui, c'est vrai, c'est exact.
16 Question: Monsieur Stijovic, est-ce que vous êtes employé par l'Agence de
17 sécurité et d'information de la République de Serbie qui avait été service
18 de sécurité d'Etat à l'époque? Et est-il exact de dire que vous êtes
19 employé par le ministère de l'Intérieur depuis 1990?
20 Réponse: C'est exact.
21 Question: Dans le courant du mois d'avril de l'an passé, en votre qualité
22 d'adjoint du chef de la sécurité d'Etat de la ville de Belgrade, avez-vous
23 été chargé d'interviewer le général de brigade Markovic qui avait été ex-
24 chef du service de la sécurité de l'Etat et qui a témoigné dans cette
25 affaire?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Est-ce que c'est vous qui avez interviewé l'intéressé tout en
3 couvrant plusieurs sujets?
4 Réponse: J'avais été désigné à titre officiel pour accomplir une partie
5 des tâches pour ce qui est des entretiens avec M. Markovic, alors qu'il
6 était en détention préventive au niveau de la prison départementale de
7 Belgrade. Ces entretiens se sont étirés sur plusieurs mois, à savoir
8 depuis avril jusqu'au mois de juillet.
9 Les sujets traités ont été multiples. Il s'agissait de collecter bon
10 nombre d'informations intéressant, afférentes à la sécurité d'Etat. Et
11 c'est partant des informations que j'ai recueillies de sa part que nous
12 avons organisé les travaux ou les activités qu'il nous convenait de
13 déployer avec lui.
14 Question: Oui, mais, pendant ce temps, lui était en détention préventive
15 dans l'attente d'un procès pénal à son encontre, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui, c'est exact. Il est une procédure qui a, à présent, toujours
17 cours devant les tribunaux de Belgrade pour des délits pénaux déterminés.
18 Question: Cette enquête ou plutôt les entretiens que vous avez eus et qui
19 intéressent le présent Tribunal concernent entre autres le camion
20 frigorifique.
21 Est-ce que cette interview a fait partie de l'enquête conduite contre ces
22 crimes qui lui sont reprochés ou est-ce que cela fait partie d'une enquête
23 de plus grande envergure?
24 Réponse: Je me suis entretenu avec M. Markovic sur bon nombre d'autres
25 sujets, donc non seulement en corrélation avec ce sujet-là, mais
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1 s'agissant du sujet du camion frigorifique, je ne savais rien, si ce n'est
2 ce qui avait été publié par les moyens d'information, à savoir les médias
3 à un moment donné. Et c'était une affaire ou un sujet qui avait été très
4 exploité par les médias.
5 Par la suite, le sujet s'est imposé, suite à ce qui a été publié par les
6 médias concernant le camion frigorifique retrouvé dans le Danube, et
7 notamment en raison du fait que les articles des médias avaient fait
8 survenir des spéculations disant que les secteurs de la sécurité d'Etat y
9 avaient pris part, à savoir une certaine unité chargée des opérations
10 spéciales, à savoir une unité d'élite qui a souvent fait l'objet de
11 tentatives de discréditation. C'est la raison pour laquelle les dirigeants
12 de mon service m'ont donné l'ordre de m'entretenir avec M. Markovic dans
13 sa cellule, en prison, afin qu'il nous explique le rôle des services de
14 sécurité dans cette affaire, pour savoir s'il y avait quoi que ce soit de
15 vrai et pour savoir si l'un quelconque des éléments de ce service avait
16 pris part à l'affaire, et si lui, concrètement, avait quelque connaissance
17 à ce sujet. Ce serait à titre concret ce que j'avais à faire.
18 Question: Dans quelle partie de cette procédure pénale, si tant est que
19 cette procédure pénale est conduite, de quel segment fait partie cette
20 interview?
21 Réponse: Dans notre pays, les attributions des instances de l'intérieur
22 sont clairement définies. Il en va de même pour ce qui est de ce segment
23 chargé de la sécurité d'Etat. Cela est déterminé par l'article 151,
24 article 2 de la loi régissant la procédure pénale. C'est à ce titre-là que
25 nos services sont autorisés à collecter des informations auprès des
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1 personnes qui sont en détention provisoire.
2 Question: Fort bien. Peut-être la Chambre n'est-elle pas familiarisée avec
3 les détails de cette procédure pénale et peut-être n'est-il point
4 nécessaire de donner autant de détails. Peut-être certains détails seuls
5 suffiraient! C'est donc une procédure qui n'était pas conduite par un juge
6 d'instruction, mais par votre service particulier, n'est-ce pas?
7 Réponse: C'est ce que l'on appelle la procédure prépénale. Et dans cette
8 phase-là, ce sont les instances de l'Intérieur qui collectent des
9 informations, qui recueillent des informations, à savoir qui recueillent
10 les faits qui, suivant les principes de fonctionnement de notre
11 organisation, partent de la nécessité de vérifier certains renseignements
12 et certains faits, partant de la confirmation de ces informations ou de
13 ces faits, on présente la chose à un juge d'instruction.
14 Ce qui caractérise cet article-là ou plutôt cette phase de la procédure,
15 c'est que les déclarations recueillies -et je crois que le terme de
16 déclarations devrait être considéré comme étant des déclarations sous
17 forme de procès-verbal- ne sauraient être utilisées comme éléments de
18 preuve dans une procédure pénale.
19 Question: Fort bien.
20 Monsieur Stijovic, nous allons y arriver ou revenir dans quelques
21 instants. Je vous demande d'avoir un peu de compréhension pour les
22 interprètes. Je ne sais pas s'ils s'étaient plaints de votre débit, mais
23 je crois que votre débit est quelque peu trop rapide pour eux.
24 (Les interprètes remercient M. Nice.)
25 Quels sont les droits de la personne interviewée, si tant est qu'elle ait
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1 des droits? Est-ce que, par exemple, la personne interviewée a le droit de
2 passer sous silence certaines choses ou a-t-elle l'obligation de répondre?
3 Réponse: La personne interviewée a le droit de rejeter un entretien sur un
4 sujet. Donc, lorsque l'un de nos employés est envoyé là-bas pour
5 s'entretenir avec le détenu, celui-ci a le droit de rejeter ou d'accepter
6 l'entretien sur tel ou tel autre sujet.
7 Question: Et lorsque l'on interroge quelqu'un, à condition que la personne
8 en question soit disposée à coopérer, est-ce que cette personne a le droit
9 de refuser de répondre à certaines des questions qui lui sont posées?
10 Réponse: A tout moment.
11 Question: Où ces entretiens-là ont-ils eu lieu?
12 Réponse: Eh bien, j'ai eu ces entretiens conformément à la loi régissant
13 la procédure pénale. Nous avons eu ces entretiens dans des bureaux
14 officiels, à savoir dans des bureaux de l'Unité de détention préventive à
15 Belgrade. Ce sont des pièces qui sont utilisées par les instances du
16 ministère de l'Intérieur, par les enquêteurs et par les avocats.
17 Question: Je pense que, lors de ces entretiens, vous étiez accompagné par
18 une autre personne, un collègue à vous, un employé du même service.
19 Pouvez-vous me dire quel est l'équipement utilisé par votre collègue et
20 quel avait été son rôle lorsque vous avez recueilli ces dépositions?
21 Réponse: En effet, j'ai effectué ces entretiens avec Mme Olivera Antonic-
22 Simic; c'est une collègue très capable et elle a joué le rôle de personne
23 technique, à savoir qu'elle avait un ordinateur, une imprimante. Nous nous
24 sommes entretenus dans ce bureau et nous avons documenté la teneur des
25 entretiens; elle a été la personne technique, le personnel technique
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1 chargé d'accompagner l'entretien et de transcrire ce qui a été dit.
2 Question: D'une manière générale, avant de nous centrer sur la teneur des
3 entretiens en question, je voudrais savoir si la personne interrogée -dans
4 ce cas-ci, M. Markovic- est habilitée à compléter et à modifier le
5 brouillon de la déposition qui est rédigée par vos soins.
6 Je voudrais que vous nous expliquiez le système sans entrer dans trop de
7 détails.
8 Réponse: L'interlocuteur -à savoir, dans ce cas concret, M. Markovic- a
9 pris une part active à la rédaction des documents, à savoir du texte de sa
10 déclaration. Donc à tout moment, il a été en mesure de prendre part à
11 l'entretien. Et pour vous expliquer comment les choses se sont passées, je
12 serai bref.
13 Je vous dirai que j'ai posé des questions à M. Markovic, celui-ci
14 répondait, je prenais des notes par écrit à l'occasion de cet entretien.
15 Et lorsque quelque chose d'intéressant survenait, je dictais à haute voix,
16 en sa présence, à l'intention de Mme Olivera. Elle inscrivait cela par le
17 biais de son clavier sur ordinateur et M. Markovic avait la possibilité de
18 réagir à ce qui se passait dans certaines situations. Dans certains cas,
19 il s'était chargé lui-même de dicter des éléments ou des parties de
20 l'entretien ou de la déclaration qu'il était en train de faire.
21 Question: Vers la fin de cette procédure, avez-vous imprimé les versions
22 finales, imprimé sur papier j'entends, partant de l'ordinateur de Mme
23 Antonic-Simic?
24 Réponse: Eh bien, en substance, la procédure se passait ainsi: lorsque
25 l'entretien était terminé, Mme Antonic-Simic imprimait le brouillon, à
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1 savoir la première version; M. Markovic l'examinait dans le détail, il
2 procédait à des modifications déterminées. Je dois préciser que cela, ces
3 modifications n'avaient pas été d'un caractère substantiel. Dans
4 l'essentiel, c'étaient des erreurs de style ou des rectifications
5 grammaticales. Ces modifications, ces changements rapportés étaient
6 introduits dans le texte sur ordinateur et, par la suite, on imprimait le
7 texte rectifié dans un nombre d'exemplaires approprié. Et M. Markovic les
8 réexaminait. Une fois d'accord, conformément à la procédure habituelle, on
9 procédait à la signature de ces dépositions, on apposait des dates, et il
10 signait; puis, Mme Antonic-Simic et moi-même signions par la suite, la
11 première version étant détruite en sa présence.
12 Question: Je demanderai à Mme la Greffière d'audience de nous fournir les
13 pièces à conviction 283 et 283A?
14 Je voudrais qu'on place d'abord ces pièces à conviction sur le
15 rétroprojecteur afin que tout un chacun puisse les voir et je voudrais
16 qu'on nous montre les pages en version BCS; il s'agit de trois pages. Je
17 voudrais que nous les examinions lentement.
18 Je voudrais que nous nous penchions d'abord sur cette première page.
19 Monsieur Stijovic, ceci est la pièce à conviction qui nous intéresse. Est-
20 ce que c'est bien le produit de l'entretien que vous avez eu avec M.
21 Markovic en date du 2 juin de l'an 2001? Je crois que vous pouvez voir
22 cela sur l'écran, à savoir sur le rétroprojecteur qui est à côté de vous.
23 J'ai l'impression que, sur le moniteur, cela n'apparaît pas. Ah! Ça y est!
24 Il s'agit de la première page de cette pièce à conviction qui comporte
25 trois pages. Est-ce bien le produit de l'entretien que vous avez eu avec
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1 M. Markovic, le 2 juin de l'an 2001?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Bien. Ce qui m'intéresse d'abord, c'est le format de ce procès-
4 verbal, étant donné que ceux qui ne disposent pas de copie de cette pièce
5 à conviction doivent aussi comprendre.
6 Donc, tout en haut, on a un texte et on dit "Déclaration", puis il y a une
7 signature. De qui est cette signature?
8 Réponse: C'est la signature de M. Markovic.
9 Question: Bien. Merci.
10 Ensuite, commence le texte même de la déclaration; puis, au bas de cette
11 première page, on voit une signature: à qui appartient cette signature?
12 Réponse: C'est la signature de M. Markovic. Et il a daté lui-même, de sa
13 propre main.
14 Question: Nous allons passer à la page suivante. Nous allons d'abord
15 considérer le haut de la page. Est-ce qu'on voit ça sur le moniteur?
16 Nous avons vu, pour ma part, l'image de la conférence vidéo… Oui, voilà,
17 ça y est.
18 Donc, tout en haut de la page, nous voyons une signature; peut-être
19 serions-nous en mesure de la reconnaître? Regardons maintenant le bas de
20 la page; nous revoyons une fois de plus une signature avec une date. C'est
21 la signature de qui?
22 Réponse: De M. Markovic, de M. Radomir Markovic. Avec la date.
23 Question: Et en page 3, au sommet et en bas à droite, nous voyons deux
24 mêmes signatures, n'est-ce pas?
25 Réponse: Oui, c'est exact.
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1 Question: Il y a, une fois de plus là, la date, puis, au milieu de la
2 page, nous voyons la signature de Mme Olivera Antonic-Simic et, à gauche…
3 Réponse: A gauche, on voit ma signature.
4 Question: Et s'agissant de l'intitulé qui figure au-dessus de votre
5 signature, pouvez-vous nous dire ce que c'est?
6 Réponse: Il s'agit d'une formulation habituelle qui est exigée par la
7 procédure.
8 La personne interrogée accepte, par cet énoncé, de voir utilisé ce procès-
9 verbal dans une procédure en justice; donc il dit qu'il accepte, en pleine
10 responsabilité matérielle et pénale, etc. Et c'est donc un libellé qui est
11 destiné à l'utilisation d'un juge d'instruction qui vérifie tout cela.
12 Question: Mais les quelques mots qui figurent juste avant votre nom,
13 veuillez nous en donner lecture.
14 Réponse: "Déclaration recueillie par…". En dessous, on dit: "Signature de
15 la personne autorisée".
16 Question: Bien. Je crois que nous pouvons enlever cette version-là du
17 rétroprojecteur, la confier au témoin et placer sur le rétroprojecteur la
18 version anglaise.
19 Nous pouvons voir, au début: "Je soussigné Radomir Markovic", puis "Date
20 de naissance" et ainsi de suite; puis, enfin, dit: "donne de mon plein gré
21 la suivante déclaration à l'intention de la personne autorisée du centre
22 de la sécurité publique de Belgrade, MUP de Serbie, en vertu de l'article
23 151, paragraphe 2 de la loi portant procédure pénale de la République
24 fédérale de Yougoslavie. A Belgrade, le 2 juin 2001".
25 Donc, Monsieur Stijovic, pour ce qui est du format de cette déclaration,
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1 nous le connaissons, mais je voudrais que nous nous penchions sur le texte
2 un peu plus bas. On parle de votre texte. Je crois que vous parlez
3 l'anglais, donc vous pouvez suivre soit la version anglaise soit la
4 version en serbe, mais je crois qu'il s'agit là d'une traduction première.
5 Je voudrais dire qu'on mentionne des noms et on dit: "Vlajko Stojiljkovic,
6 Vlastimir Djordjevic et moi-même avons assisté à cette réunion. Il s'agit
7 d'une réunion où il avait été question du Kosovo, en présence de certains
8 représentants de l'armée de Yougoslavie, ce que je ne puis affirmer avec
9 certitude." (Fin de citation.)
10 Monsieur le Témoin, est-ce que vous pouvez nous dire si ces détails
11 émanent de vous ou de M. Markovic?
12 Réponse: Je vous ai déjà dit que, s'agissant du camion frigorifique, je ne
13 savais rien, je n'avais rien entendu dire, exception faite de ce que
14 j'avais pu lire dans les médias. Je vous avais déjà dit tout à l'heure
15 que, dans les médias, la chose avait été longuement exploitée par les
16 médias et par les officiels de la police, les personnes officielles dans
17 le ministère de l'Intérieur.
18 Je ne savais rien d'autre que ce que j'avais lu et ce qui figure ici, ce
19 sont les faits tels que prononcés par M. Markovic; je n'ai rien apporté,
20 je n'ai rien modifié à l'énoncé de ce qu'il avait dit. Je n'ai exercé
21 aucune pression sur lui pour dire ceci ou cela; donc ce qu'il a dit figure
22 ici.
23 Question: Donc, si nous nous penchons maintenant sur les deux phrases
24 suivantes, nous pouvons dire que "Vlastimir Djordjevic a soulevé la
25 question de l'enlèvement des cadavres albanais". Et à la phrase suivante,
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1 Markovic dit: "Milosevic a donné instruction à Stojiljkovic de prendre les
2 mesures nécessaires pour éliminer, enlever, écarter les cadavres qui ont
3 déjà été enterrés."
4 Cela venait de M. Markovic?
5 Réponse: Oui. Je vous ai dit, je crois, à vous et aux enquêteurs, que
6 j'avais travaillé sur ces tâches-là. Au Kosovo, nous avions pas mal de
7 connaissances au niveau des manipulations avec les cadavres et j'avais
8 considéré que cela avait été une tâche de responsabilité que les autres
9 instances de sécurité publique devaient effectuer pour empêcher toute
10 manipulation à cet effet.
11 Donc c'était une procédure habituelle qui devait être effectuée après des
12 combats sur le territoire où combats il y avait eu. Et Markovic l'a dit et
13 c'est ainsi que je l'ai noté.
14 Question: Vous avez ici noté les mots utilisés, les propos utilisés et
15 prononcés par Markovic.
16 Réponse: Oui.
17 Question: Pardon?
18 Réponse: C'est exact.
19 Question: Et donc, il vous appartenait de remettre cette déclaration au
20 juge d'instruction pour qu'il enchaîne.
21 Réponse: Non, il m'appartenait à moi, suivant la procédure habituelle et
22 suivant le principe de subordination, de procéder de sorte à remettre le
23 document aux responsables adéquats.
24 Je me dois de dire que j'ai été vraiment surpris de voir que ce type de
25 déclarations aient pu être traitées et exploitées devant un Tribunal,
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1 d'abord étant donné le sérieux de la question et le bien-fondé des
2 suspicions.
3 J'ai cru pour ma part que, pour notre gouverne, il a fallu vraiment, et à
4 titre d'orientation, confirmer tout cela. C'est ce que j'ai fait, mais je
5 n'ai jamais reçu en retour, une action en retour. Je n'ai plus eu
6 d'ailleurs de conversation à ce sujet avec M. Markovic et voilà. Nous
7 avons, pour ainsi dire, interrompu notre conversation sur ce thème qui
8 nous était imposé pour continuer nos activités chacun dans les ressorts
9 qui sont les nôtres et ainsi de suite, pendant deux mois entiers.
10 Question: M. Markovic s'est-il jamais plaint de la façon dont sa
11 déclaration avait été recueillie, notamment en ce qui concerne la teneur
12 de cette dernière?
13 Réponse: Non, de la part de M. Markovic, je n'ai jamais entendu de
14 plainte. Par rapport à la manière dont nous avons procédé dans nos
15 conversations et étant donné les circonstances dans lesquelles nous étions
16 et dans lesquelles il était, il a fait preuve d'une attitude correcte,
17 attitude d'un professionnel. Nous nous étions toujours entretenus sur le
18 thème sur lequel il voulait s'entretenir. Ce n'était pas vraiment un homme
19 à l'encontre de qui je devais faire exercer une pression quelconque, une
20 influence quelconque.
21 Question: Lui avez-vous fait dire quoi que ce soit ou peut-être lui avez-
22 vous fait signer un texte dont il n'aurait peut-être pas été l'auteur?
23 Réponse: Non. Ecoutez, M. Markovic est un homme très sérieux et, étant
24 donné qu'il s'agit de quelqu'un qui est de longue date dans le domaine de
25 la police criminelle, enfin surtout plus longuement que moi, quelqu'un qui
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1 a fait toute sa vie, je voyais donc devant moi un professionnel à qui je
2 ne devais surtout pas monter de coup quelconque. Je crois que ceci serait
3 vraiment faire preuve d'une attitude irresponsable et peu sérieuse de ma
4 part.
5 Question: Fort bien. Je ne veux pas évidemment maintenant vous faire
6 parler de tous ces détails.
7 Je crois vous avoir déjà posé une question pour savoir si vous vous
8 souvenez de ce que disait M. Markovic à l'époque où vous avez pu
9 recueillir cette déclaration.
10 Est-ce que vous vous rappelez quelque chose qui aurait pu être donné à
11 côté, en supplément de cette déclaration?
12 Réponse: Ecoutez, cette déclaration a été faite il y a plus d'un an et,
13 pour la première fois, j'ai appris en date du 16 août cette année-ci que
14 cette déclaration pourrait être exploitée ici, devant cette institution,
15 lorsque j'ai été convoqué par l'officier opérationnel du MUP de Serbie. Et
16 ceci n'a pas été sans me surprendre.
17 Pour ce qui a été de mon travail avec M. Markovic, surtout en prison, je
18 ne suis pas en mesure de me rappeler les détails. Je pourrais vous
19 corroborer davantage ce dont il parlait pour ajouter quoi que ce soit,
20 mais je sais qu'il était prêt à faire des commentaires sur ce qui aurait
21 pu, éventuellement, se produire pour parler du sort de sa déclaration. Et
22 je crois qu'à bien des égards, il a pu proférer des termes assez négatifs
23 disant qu'il s'agissait d'une affaire extrêmement délicate et difficile,
24 et morbide même.
25 Pour ma part, je partage son opinion mais, dans ma vie de professionnel,
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1 il est des choses pour lesquelles je ne saurais vraiment dire que je suis
2 heureux de les faire, mais c'est ainsi.
3 Le Procureur m'a rappelé hier de justesse que, dans le cas de Racak,
4 toujours pour placer le tout dans le contexte des manipulations de
5 cadavres, je disais que si la police était restée cette nuit-là dans le
6 village de Racak, et si elle avait bien gardé et sécurisé le site où ces
7 opérations de combat ont eu lieu...
8 Question: (Hors micro.) Je dois vous interrompre ici, s'il vous plaît. Il
9 me semble que nous sortons du cadre de la question que je vous avais posée
10 tout à l'heure.
11 Vous souvenez-vous d'avoir entendu M. Markovic dire d'une possibilité
12 quelconque de repérer ou de déceler ce camion frigorifique avec à son bord
13 des cadavres?
14 Réponse: Ecoutez, je vais être très franc.
15 Il a employé un terme pour parler de tout ça, le traitant d'un cas
16 d'idiotie et de cas psychiatrique pour parler de ceux qui seraient prêts à
17 jeter ce camion frigorifique avec des cadavres dans le Danube, croire que
18 ceci ne pourrait pas être repéré ou décelé un peu plus tard.
19 Pour ma part, je partage son avis. Cela me semble invraisemblable, sans
20 vraiment entrer dans les détails pour dire si c'était exact ou pas. Mais
21 permettez-moi d'ajouter un mot là-dessus.
22 Question: Bon, ces commentaires comme quoi cette affaire était une affaire
23 morbide concernant la découverte de ce camion frigorifique, tout ceci a
24 été dit au cours de votre conversation et ceci n'a pas été reflété par la
25 déclaration, tout simplement parce qu'il s'agit de détails, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, c'est exact.
2 M. Nice (interprétation): Merci. Je n'ai plus de question pour ce témoin.
3 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
4 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Zoran Stijovic par l'accusé, M.
5 Milosevic.)
6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Stijovic, d'après votre
7 déclaration j'ai pu voir qu'en avril 2001, vous aviez la fonction de chef
8 adjoint de la sécurité d'Etat de Belgrade.
9 Dites-moi qui était le chef des services à cette époque-là?
10 M. Stijovic (interprétation): C'était M. Goran Petrovic qui était chef du
11 service.
12 Question: Etait-ce le même homme qui, de concert avec Rankovic, a dû
13 comparaître devant le Tribunal de district de Belgrade? Nous avons pris
14 connaissance des écritures de ce Tribunal, etc.
15 Réponse: Je crois que oui, à en juger d'après la presse. Ne me prenez pas
16 au mot, je crois qu'il s'agit bien de ce lieu-là.
17 Question: S'agissait-il bien de dire qu'il était évident que Markovic a
18 été sorti du bâtiment de la prison, qu'il était objet d'extorsions, de
19 marchandages différents. On lui offrait un changement d'identité, etc.,
20 rien que pour m'accabler, me charger moi, ici, où je suis?
21 Réponse: Je ne peux pas nier cela, je ne peux pas le confirmer non plus,
22 quant à ce qui a été dit dans les conversations de M. Markovic. Ce qu'il
23 m'a dit, c'est qu'il a eu des conversations avec MM. Mijatovic, Petrovic
24 et Mihajlovic. Quant à la teneur de ces conversations, je ne me suis
25 jamais renseigné auprès de lui et je ne sais pas sur quoi ça roulait.
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1 Peut-être que M. Markovic aurait aimé m'en parler.
2 Question: Bon. Cela s'était passé devant le Tribunal de district de
3 Belgrade et il a été établi ainsi, mais avez-vous eu connaissance du fait
4 que Markovic a fait une déclaration, encore toujours à la prison, devant
5 deux commissions d'enquête du Parlement fédéral?
6 M. Stijovic (interprétation): Oui.
7 M. le Président (interprétation): Je dois vous interrompre tous les deux.
8 Je vous prie d'avoir à l'esprit que tout ce que vous dites, l'un et
9 l'autre, est censé être traduit. Cela vous concerne, vous, Monsieur
10 Milosevic, et vous, Monsieur Stijovic, également. Vous parlez tous les
11 deux la même langue et, de toute évidence, vous parlez vite tous les deux.
12 Mais je vous prie d'avoir à l'esprit le fait que vous devez ménager une
13 petite pause entre les questions et les réponses.
14 M. Milosevic (interprétation): Merci, Monsieur May.
15 Donc, en face de ces deux commissions d'enquête composées par le Parlement
16 fédéral, celui-ci a déclaré également que, de façon illicite, il a été
17 sorti, et surtout sans autorisation d'un tribunal; et cela évidemment
18 était l'œuvre de ce Petrovic et des autres pour faire l'objet de
19 marchandages, d'extorsions, etc. On lui offrait, paraît-il, mille et une
20 choses rien que pour me charger, moi, en vue de se faire blanchir ou
21 innocenter. D'ailleurs, cet homme-là est en prison depuis plus d'un an. On
22 lui offrait aussi un changement d'identité, etc., on lui offrait de
23 l'argent.
24 Est-ce que vous en savez quelque chose?
25 M. Stijovic (interprétation): Personnellement et directement, je n'en sais
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1 pas grand-chose. Ce n'est que par les médias et par ce qui a été publié
2 par cette commission d'enquête.
3 Question: Est-ce que vous avez lu les sténogrammes de ces deux commissions
4 d'enquête?
5 Réponse: Oui, tout ce qui a été diffusé, j'ai pu le lire, j'ai pu en
6 prendre connaissance.
7 Question: Mais est-ce que vous avez pu en prendre connaissance en lisant
8 le texte des débats judiciaires?
9 Réponse: Non.
10 M. Milosevic (interprétation): Je vous le demande simplement pour pouvoir
11 établir les positions à partir desquelles vous agissez ici, lorsque vous
12 comparaissez.
13 Dites-moi, est-ce que votre témoignage devrait faire voir et laisserait
14 entendre que M. Markovic était en train de mentir lors de ses dépositions?
15 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas à ce témoin d'en décider.
16 C'est à nous de décider de la teneur et de la pertinence de cette
17 déposition et de tout ce qui en sort en conclusion. Ce n'est pas à ce
18 témoin d'en parler, le témoin ne parle que de ce qui s'est passé. Or la
19 conclusion à en tirer, c'est que peut-être M. Markovic avait menti, mais
20 ce n'est certes pas à ce témoin d'en parler. Vous pourrez évidemment nous
21 faire part de vos arguments, le moment venu.
22 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, Radomir Markovic était ici, a
23 comparu ici pour témoigner sous la foi du serment. Par conséquent, je ne
24 comprends pas comment on pourrait voir maintenant cette partie en face de
25 moi qui est bien sûr prête à se sauver en se s'accrochant ne serait-ce
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1 qu'à une paille ou une brindille. Il faut tout simplement agir de la sorte
2 pour mettre en cause et en doute la déclaration d'un officiel, policier du
3 régime qui devait notamment savoir ce qu'il faisait à ce moment-là.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, il s'agit
5 d'arguments comme je vous l'ai déjà dit. La fin même de la comparution et
6 de la citation à la barre de ce témoin est de voir et d'entendre que M.
7 Markovic ne disait pas la vérité. Or nous avons entendu la déposition de
8 M. Markovic, nous venons d'entendre la déposition de ce témoin et c'est à
9 la Chambre de première instance d'en décider pour savoir ce qui est la
10 vérité. Par la suite, plus tard, vous aurez l'occasion, le moment venu, et
11 bien sûr la possibilité de prendre la parole là-dessus.
12 Mais comme je vous l'ai déjà dit, et dans le cas d'autres témoins, vous ne
13 pouvez pas demander à ce témoin en quoi consistait ce dont d'autres
14 parlaient; ceci ne le regarde pas. Ce qu'il peut faire, c'est nous faire
15 la description de ce qu'il a fait et de ce qu'il a vu. Ce témoin ne peut
16 nous dire autre chose que de parler des circonstances dans lesquelles M.
17 Markovic a fait sa déclaration. Ce n'est bien sûr pas à vous de lui poser
18 la question sur ce qu'a dit M. Markovic. Ce n'est évidemment pas à lui d'y
19 réfléchir.
20 M. Robinson (interprétation): Si vous avez des éléments de preuve qui sont
21 de nature, bien sûr, à nier la déposition de ce témoin, vous pouvez le
22 faire plus tard à l'adresse de cette Chambre de première instance.
23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Stijovic, répondez-moi comme suit:
24 avec combien de personnes, d'une quelconque façon -cela dit, je pense à
25 des personnes qui sont liées à la persécution pénale à l'encontre de
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1 Radomir Markovic- avec combien de personnes donc de ce genre, de cette
2 catégorie-là avez-vous pu vous entretenir?
3 M. Stijovic (interprétation): Devant le Tribunal de district de Belgrade,
4 une procédure a été menée où un verdict a été prononcé à l'encontre de M.
5 Markovic. Et j'ai pu m'entretenir avec la majeure partie de ces gens-là
6 qui ont été impliqués dans cette procédure. Il s'agit donc de prévenus...
7 M. Kwon (interprétation): Monsieur Stijovic, l'interprète anglais vous
8 demande de répéter.
9 M. Stijovic (interprétation): J'ai donc mené une procédure pénale à
10 l'encontre de M. Markovic et à l'encontre de quelques autres officiels des
11 services de sécurité d'Etat. Le tout s'était terminé par un verdict qui a
12 pris force de loi, a pris effet. Un appel a été interjeté et c'est le
13 Tribunal de district de Belgrade qui devra renvoyer l'affaire à la Cour
14 suprême de Serbie, laquelle devra s'en charger pour prononcer une
15 décision. Je crois qu'il y avait de cinq à dix officiels des services de
16 DB avec lesquels j'ai pu m'entretenir.
17 M. Milosevic (interprétation): Que concernait ce verdict, ce jugement-là?
18 Réponse: Il s'agissait d'abord d'une procédure à huis clos devant le
19 tribunal de district. Je ne peux parler que de ce qui a pu filtrer. Enfin,
20 il était de ma tâche de m'occuper de tous abus, c'est-à-dire d'un
21 remontage, d'un réenregistrement de 15 disques CD, "compact disks". Il
22 s'agissait évidemment de personnes qui se trouvaient, à cette époque-là…
23 et en ce moment-ci, évidemment, ont été persécutées et qui, à ce moment-
24 là, sont à des fonctions officielles fort importantes: MM. Kostunica,
25 Djindjic, etc.
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1 Question: Bon. Est-ce ce dont nous avons entendu parler dans la presse,
2 qu'il s'agissait d'une procédure dans laquelle il était inculpé de
3 divulguer un secret d'Etat?
4 Réponse: Je crois que oui.
5 M. Milosevic (interprétation): Bon. Parmi ces dizaines de personnes avec
6 lesquelles vous avez pu vous entretenir, est-ce que vous avez pu parler
7 avec ces gens-là d'autres inculpations dont se trouvait chargé Radomir
8 Markovic?
9 M. Stijovic (interprétation): Ecoutez, je ne suis pas en mesure d'en
10 parler. Ce n'est pas de ma faute si je suis venu ici; il ne s'agit pas
11 évidemment d'une culpabilité qui serait la mienne et qui a été transmise
12 ici.
13 J'ai parlé avec M. Radomir Markovic de thèmes fort sérieux qui avaient
14 trait à sa carrière au cours de cette période importante et il en a
15 amplement parlé. Mais ce n'est ni de ce sujet, ni de la catégorie, ni du
16 type de conversations que nous avons eues que je serais capable et dont
17 j'aurais le droit de parler en ce moment-ci.
18 M. le Président (interprétation): S'il y a des thèmes que vous considérez
19 comme étant des thèmes confidentiels, alors -à moins que cette Chambre de
20 première instance n'en décide autrement-, vous ne devez évidemment pas
21 nous les révéler.
22 La question pertinente dont nous nous occupons ici, c'était la déclaration
23 concernant le camion frigorifique.
24 M. Milosevic (interprétation): Avez-vous eu connaissance du fait que vous
25 ou d'autres officiels des services de sécurité d'Etat aviez procédé pour
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1 faire chantage, faire pression contre des gens pour que ces gens-là
2 puissent charger le général Markovic pour que celui-ci vienne me charger
3 ici?
4 M. Stijovic (interprétation): Je peux vous répondre, à vous et devant
5 cette Chambre de première instance, que je n'ai jamais fait de chantage
6 contre qui que ce soit; je n'ai jamais proféré de menace contre qui que ce
7 soit. Je voulais simplement que tous me disent, de leur propre chef, ce
8 qu'ils avaient à me dire.
9 Question: Très bien.
10 Mais, Monsieur Stijovic, est-il exact que, de concert avec Branko Djuric,
11 général, ancien chef du secrétariat de l'Intérieur de Belgrade, vous avez
12 eu plusieurs conversations, dont l'une a duré plus de dix heures, pour que
13 celui-ci soit emmené à charger Rade Markovic, pour l'écraser, pour le
14 casser et pour l'obliger à venir ici me charger, moi?
15 Réponse: Ceci n'est pas exact. Je ne veux pas parler de ce dont parlait
16 Branko Djuric et de ce sur quoi nous nous sommes entretenus nous-mêmes. Je
17 ne veux aucunement attribuer, enfin, quoi que ce soit pour que la
18 situation de Markovic soit rendue difficile. Or Branko Djuric savait très
19 bien ce qu'il disait.
20 Question: Est-il vrai que vous avez eu des conversations avec Milan
21 Radonjic, ancien chef de sécurité d'Etat de Belgrade, et toujours dans le
22 même but?
23 Réponse: Non. J'ai eu, avec Milan Radonjic, un contact. Lorsqu'il a été
24 amené une première fois -nous nous connaissions depuis longtemps-, ce
25 n'était pas pour recueillir auprès de lui une déclaration; c'est tout
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1 simplement à titre collégial que nous avons eu une conversation. Mais si,
2 évidemment, il y a eu des interprétations et des ouï-dire plus tard, je ne
3 veux pas faire de commentaire là-dessus.
4 Question: Est-il vrai que ces trois hommes, avec ces hommes-là, avec ces
5 trois personnes, vous avez eu, évidemment, dans le cadre d'une procédure
6 criminelle à l'encontre de Radomir Markovic, ce type de conversation?
7 Réponse: Je vous ai déjà dit que je me suis entretenu avec pas mal de gens
8 qui, d'une façon ou d'une autre, ont été impliqués dans cette affaire.
9 Question: Vous dites que, dans la période d'avril à juillet 2001, à
10 maintes reprises, vous avez pu vous entretenir avec le général Markovic?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Pourquoi ne dites-vous pas qu'en février et mars de cette année-
13 là, vous avez pu vous entretenir avec lui? Suis-je dans mon droit ou pas?
14 Réponse: Non, vous n'êtes pas dans votre droit. Ceci n'est pas exact.
15 Question: Et savez-vous combien de vos collègues –je me réfère à des
16 services de sécurité d'Etat- ont pu s'entretenir avec Rade Markovic depuis
17 le moment de son arrestation jusqu'à ce jour, toujours dans le même
18 objectif, dans le même but, pour faire pression contre moi?
19 Réponse: Non, ce n'est pas un fait que je peux confirmer ou infirmer pour
20 vous dire si quelqu'un s'était entretenu avec Radomir Markovic à ce sujet.
21 Quant à moi, je ne l'ai pas fait.
22 Question: Bon. Mais, contrairement à la déposition du général Markovic
23 faite ici à La Haye, pouvez-vous dire qu'on l'a jamais fait sortir de la
24 prison de district, dans des maisons quelconques, pour lui faire des
25 offrandes que j'ai mentionnées, rien que pour que celui-ci vienne me
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1 charger? Est-ce que vous en avez parlé?
2 Réponse: Non, Monsieur Milosevic. Je ne peux pas, évidemment, déclarer
3 cela.
4 Je vous ai dit que… Je vous ai parlé aussi de ce que je ne connaissais pas
5 personnellement, de ce que j'ai appris par l'opinion publique; et je vous
6 ai parlé de ce que Radomir Markovic m'a dit lui-même.
7 Question: Vous vous référez à des ministres, chefs du ressort des services
8 de sécurité d'Etat, etc.?
9 Réponse: Exact. Je ne lui ai jamais offert de bénéfice quelconque et je
10 n'ai jamais été autorisé en cette matière-là.
11 Question: Très bien. Mais peut-être que d'autres y ont été autorisés?
12 Réponse: Je ne sais pas. Je ne suis qu'un petit employé, moi.
13 Question: Mais faire pression en vue d'un faux témoignage, n'est-ce pas
14 faire preuve d'un délit, Monsieur Stijovic?
15 Réponse: Je ne comprends pas la question.
16 Question: Je voulais dire que, si vous exercez une pression contre
17 quelqu'un pour faire un faux témoignage, n'est-ce pas un délit?
18 Réponse: Je crois que si.
19 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous que votre ministre et chef des
20 services de sécurité d'Etat l'ont fait, à cette époque-là?
21 M. Stijovic (interprétation): Je ne le sais pas. Peut-être que cette
22 question devrait alors leur être posée à eux.
23 M. le Président (interprétation): Ecoutez, Monsieur Milosevic, vous avez
24 déjà fait part de cette thèse qui est la vôtre; le témoin vous a déjà
25 répondu. N'insistez pas là-dessus.
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1 M. Milosevic (interprétation): Vous dites que des thèmes ont été déjà mis
2 en place, au sujet desquels il a fallu vous entretenir avec M. Markovic.
3 Etaient-ce les thèses qui ont été lancées par Petrovic et par Dusan
4 Mihaljovic?
5 M. Stijovic (interprétation): Non, ce n'est pas quelque chose qui a trait
6 à ce que je devais faire. Je n'avais qu'à faire transmettre les faits
7 avancés par celui-ci, l'interroger au cours des entretiens. Ce que j'ai dû
8 faire, c'est que je devais avoir des consultations avec des gens qui, eux,
9 pouvaient communiquer avec le ministre Mihaljovic. A cette époque-là,
10 c'était Zoran Mijatovic qui était chargé de cette affaire.
11 Question: Mais, Monsieur Stijovic, lors de ces entretiens avec le général
12 Markovic, est-ce que vous avez convoqué également son avocat, défenseur ou
13 le conseil de la défense quelconque? Est-ce que ces gens-là ont assisté à
14 vos conversations?
15 Réponse: Non, on n'en avait guère besoin. D'après la procédure en cours,
16 tout est bien réglementé. Si M. Markovic ne voulait pas s'entretenir avec
17 moi sur tel ou tel thème, il ne devait pas le faire parce que ceci est
18 déjà habituel en vertu de la procédure et en vertu des pouvoirs dont sont
19 investis les officiels des services.
20 Question: Mais si le défenseur est présent, évidemment, il n'est pas
21 obligé de se prononcer sur le thème. Il n'y a pas de différence.
22 Réponse: Ecoutez, l'article 152 du Code de procédure est tout à fait
23 limpide et clair pour traiter des conditions dans lesquelles les
24 entretiens d'information doivent avoir lieu; et ainsi il en a été le cas.
25 Question: Vous dites vous-même que les déclarations recueillies ainsi ne
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1 devraient pas servir de fondement pour être exploitées en vue d'un
2 jugement. Est-ce exact?
3 Réponse: Exact.
4 Question: Vous dites qu'il s'agissait d'une procédure pré-pénale.
5 Maintenant vous parlez de ce qu'on appelle "entretiens d'information".
6 Alors, est-ce une procédure prépénale ou pas?
7 Réponse: Oui, Monsieur Milosevic, il s'agit d'entretiens d'informations à
8 recueillir par les organes de l'Intérieur au sujet de telle ou telle
9 question, et c'est sur la base des aboutissements de ces conversations que
10 nous pouvons établir si oui ou non il y a un fondement d'une procédure
11 criminelle à engager.
12 Question: Monsieur Stijovic, à ces conversations que vous avez eues avec
13 M. Markovic, est-ce qu'il y a eu un quelconque de vos collègues des
14 services de sécurité d'Etat qui serait capable de corroborer ou confirmer
15 vos allégations?
16 Réponse: Hormis Olivera Antonic-Simic, il n'y avait personne d'autre. Il
17 s'agissait de conversations confidentielles. C'était l'une des conditions
18 posées par M. Markovic, à savoir que ceci devait être confidentiel. Il n'y
19 avait donc personne d'autre, sauf nous trois.
20 Question: Et à votre connaissance, si je ne m'abuse, Mme Olivera Antonic-
21 Simic ne serait qu'une dactylo, ce n'est pas une officielle habilitée par
22 le ministre de l'Intérieur?
23 Réponse: Non, cette dame-là n'est pas dactylo. Elle est l'employée des
24 services d'information, de renseignement et de documentation; c'est à ce
25 moment-là qu'elle s'était chargée de ce rôle.
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1 Question: Donc à ce moment-là, elle s'était chargée de ce rôle-là?
2 Réponse: Oui.
3 Question: Mais elle n'a pas été autorisée par le ministère de l'Intérieur,
4 et cela, à la lumière de ce qu'elle devait faire en vertu du règlement?
5 Réponse: Oui.
6 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous que ce type de conversation
7 que, à mon sens, vous considérez comme une procédure prépénale, devait
8 avoir lieu toujours en présence de...
9 M. le Président (interprétation): Une seconde, s'il vous plaît.
10 Tout à l'heure, vous avez dit que ce témoin avait tort de parler de
11 procédure prépénale. Si vous déclarez ainsi, à savoir que le témoin avait
12 tort ou qu'il a dit quelque chose de faux ou d'erroné, vous devez lui
13 permettre la possibilité de répondre.
14 Lui avez-vous vraiment dit qu'il n'avait pas bien fait et de façon
15 appropriée cette description concernant une procédure prépénale?
16 M. Milosevic (interprétation): Essayons d'en venir avec cela pour savoir
17 s'il s'agit d'une procédure prépénale.
18 M. le Président (interprétation): Oui, soit. Alors poursuivez votre
19 question.
20 M. Milosevic (interprétation): Je vais reformuler la question sous une
21 forme abrégée pour que ce soit clair pour vous aussi, Monsieur May.
22 Monsieur le Témoin, savez-vous que ce type d'entretien d'information,
23 selon le règlement, doit avoir lieu en présence de deux personnes
24 officielles habilitées? Est-ce vrai, Monsieur Stijovic?
25 M. Stijovic (interprétation): Non, Monsieur, je suis officier opérationnel
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1 depuis longue date pour savoir cela. Ce n'est pas vrai. Le service qui est
2 le nôtre n'est pas sans avoir d'autres méthodes spécifiques susceptibles
3 de permettre la documentation valable et bien fondée de toute
4 conversation. Par conséquent, il ne serait pas vraiment de bonne mise de
5 parler ainsi. Ce ne serait pas sérieux.
6 Question: Donc, d'après vous, il n'est pas exact, d'après le règlement,
7 que deux personnes habilitées en la matière doivent être présentes à de
8 tels entretiens d'information?
9 Réponse: Non, ce n'est pas exact.
10 Question: Est-ce que je m'abuse lorsque je dis que ce type d'entretien ne
11 doit être traité que comme étant une information à titre d'opération à
12 mener ultérieurement?
13 Réponse: Non, ceci n'est pas exact. C'est quelque chose qui devrait servir
14 d'un principe directeur pour essayer de faire confirmer la validité et la
15 véracité de telle ou telle donnée. Et il s'agit de certains éléments clés
16 de notre service.
17 Question: Vous dites "principe-clé de votre service". A en juger d'après
18 ce que vous avez couché sur le papier ici et à en juger d'après les
19 règlements en vigueur, cette déclaration n'a aucune valeur probante en
20 procédure devant les tribunaux en RSFY.
21 Réponse: Cela est exact, Monsieur Milosevic, dans nos tribunaux et dans
22 notre juridiction, c'est le cas.
23 Question: Bon. Mais lorsque vous avez fait signer au général Markovic la
24 déclaration faite par lui, l'avez-vous prévenu du fait que la déclaration
25 qui est la sienne est susceptible d'être exploitée devant un tribunal
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1 quelconque, à La Haye ou ailleurs? L'avez-vous fait? Avez-vous procédé de
2 la sorte?
3 Réponse: A vrai dire, je ne m'en souviens plus de l'avoir prévenu de quoi
4 que ce soit, mais je considère et je pense toujours que ce dont nous
5 parlions au mois d'avril devait lui être connu, à lui qui est un
6 professionnel chevronné, bon juriste etc. Mais je me dois de dire que j'ai
7 été surpris de voir cette déclaration aboutir ici au Tribunal pour être
8 traitée. Je crois que la problématique, qui était l'objet de notre
9 conversation, nécessitait tout de même une recherche plus approfondie, je
10 dirais, pour être utilisée.
11 Question: Bon, pour ma part, je vous demande si vous avez une connaissance
12 quelconque -je ne vous accuse de rien-, mais avez-vous une connaissance du
13 fait que vos supérieurs, ceux qui, de façon illicite, m'ont livré à La
14 Haye, ici, vos responsables supérieurs, ont-ils su à cette époque-là
15 quelle devait et quelle aurait pu être la finalité dans laquelle ce
16 papier, concernant Radomir Markovic, pouvait ou devait être utilisé? Est-
17 ce qu'ils le savaient, vos responsables, à ce moment-là?
18 Réponse: Non à ce moment-là, je ne le savais pas et je ne peux pas vous
19 répondre à cette question.
20 Question: Bien, Monsieur Stijovic. Avez-vous suivi le témoignage de M.
21 Markovic ici, à La Haye?
22 Réponse: Non, j'avais été absent de Belgrade pour des raisons de service
23 et j'ai mentionné, dès le début, que j'ai pour la première fois appris que
24 j'allais comparaître devant cette instance en date du 16 août de cette
25 année-ci, date à laquelle le groupe opérationnel du MUP m'a convoqué pour
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1 m'informer de la chose.
2 Question: Bien. Alors je me dois de vous donner lecture de certaines
3 parties du compte rendu d'audience de l'audition de Markovic ici,
4 s'agissant de cette soi-disant déposition faite par ses soins.
5 A une question du bureau du Procureur, à savoir de M. Nice, il a répondu
6 -et je regrette que nous n'ayons que la version anglaise-: "J'ai dit aux
7 enquêteurs du Tribunal de La Haye, ce qui était exact dans cette
8 déposition. Et j'ai souligné à leur intention, à plusieurs reprises lors
9 de notre interview,"...
10 M. Nice (interprétation): Je voudrais que l'on nous dise de quelle page il
11 s'agit?
12 M. le Président (interprétation): Juste un moment, nous avons une petite
13 interruption.
14 M. Nice (interprétation): Il s'agit du 8725.
15 M. Milosevic (interprétation): Oui, 8725.
16 Je poursuis: "Je leur ai indiqué à plusieurs reprises, dans le courant de
17 notre interview, qu'il s'agissait là d'une interprétation plutôt libre,
18 faite par le fonctionnaire qui avait été chargé de rédiger le rapport".
19 (Fin de citation.)
20 Puis, il parle des entretiens qu'il a eus avec ses collègues au sein du
21 MUP et, vers la fin, dans le cadre de cette même réponse, à la même page,
22 il dit que: "Personne, ni lui, ni moi, n'avons mentionné par quelque mot
23 que ce soit ces cadavres, pas plus que la nécessité de les transporter
24 hors du Kosovo et n'avons parlé de traitement approprié pour ce qui est de
25 la procédure pénale." (Fin de citation.)
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1 Monsieur Stijovic, vous avez dit vous-même que les procédures à suivre,
2 suite à des combats, sont des procédures propres à l'assainissement.
3 M. Stijovic (interprétation): Ce sont des termes d'assainissement ou de
4 nettoyage; je ne sais quel terme on avait utilisé.
5 Question: J'imagine que vous étiez au courant de ce qui avait été utilisé?
6 Réponse: Oui.
7 M. Milosevic (interprétation): En page 67.
8 M. le Président (interprétation): Non, nous n'allons pas vous autoriser à
9 présenter des assertions vraies à moitié. Vous avez présenté au témoin ce
10 que M. Markovic a dit et vous devez lui permettre de répondre. Monsieur
11 Markovic a dit que la pièce à conviction que nous avons ici, à savoir sa
12 déposition, est une interprétation plutôt libre de ce qu'il avait dit.
13 Je crois comprendre que ces termes de "libre interprétation" signifient
14 que la chose ne traduisait pas exactement ce qu'il avait dit. C'est bien
15 exact?
16 M. Stijovic (interprétation): Je ne voudrais pas interpréter les raisons
17 pour lesquelles M. Markovic avait dit la chose, mais ce que j'ai dit au
18 début est exact. La déclaration est la traduction ou plutôt l'expression
19 de ce que M. Markovic avait dit.
20 M. le Président (interprétation): Oui, poursuivez.
21 M. Stijovic (interprétation): Je disais qu'il s'agit là de l'expression
22 des faits présentés par M. Markovic et je n'ai, pour ma part, rien à
23 ajouter à ce qui a été dit. Et je n'ai pas non plus influé sur l'évolution
24 de ses propos et je n'ai exercé aucune pression pour ce qui est de donner
25 forme à sa déclaration. Monsieur Markovic, à tout moment, avait la
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1 possibilité d'interrompre ou de refuser de signer et de dire que c'était
2 un mensonge, que j'avais mal compris. Et, ma foi, je regrette beaucoup
3 d'être amené dans cette position, mais qui puis-je?
4 M. Milosevic (interprétation): Je vous crois, mais c'est ce qu'il a dit.
5 Monsieur Stijovic, vous avez expliqué que vous aviez dicté vous-même le
6 texte de la déclaration et vous dites que M. Markovic, en sa qualité de
7 professionnel de longue date, chose que personne ne conteste, ayant occupé
8 des fonctions des plus éminentes -il avait donc été général et ainsi de
9 suite-, avait donc tenu compte de la nécessité de maintenir un niveau de
10 professionnalisme qui corresponde à son rang.
11 Je vais vous donner citation ou lecture d'une de ses phrases qui a été
12 reprise tout à l'heure par M. Nice, mais je voudrais que vous me
13 répondiez, étant donné que je vais vous la lire, et je vais vous donner
14 lecture d'une déclaration qui a été présentée à M. Markovic et à vous-
15 même. Il a dit que c'était une libre interprétation et vous dites que ce
16 n'est pas le cas, alors que vous l'avez dictée et pas lui. Je vais vous
17 dire quelle est la phrase qu'il a utilisée -je cite-: "Il s'agit d'une
18 réunion qui, très probablement, avait été consacrée au sujet du Kosovo, à
19 la thématique du Kosovo, à laquelle il y avait probablement des
20 représentants de l'armée de Yougoslavie, chose que je ne puis affirmer
21 avec certitude". (Fin de citation.)
22 Est-ce que cela vous semble émanant d'un professionnel, pas d'un
23 professionnel de si haut niveau et qu'il ne sache pas de quoi il était
24 question, qu'il ait probablement été question du Kosovo, qu'il y ait
25 probablement eu la présence de représentants de l'armée, et ainsi de
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1 suite. Est-ce que cela vous semble être une formulation sérieuse, une
2 interprétation sérieuse de la déclaration de quiconque de responsable ou
3 de professionnel, comme s'il y avait là un champ avec des milliers de
4 personnes et non pas une réunion dans une pièce et que tout...
5 M. le Président (interprétation): La question, Monsieur Milosevic? Quand
6 allons-nous entendre cette question?
7 M. Milosevic (interprétation): N'est-ce pas là une caricature de
8 déclaration sérieuse et non pas une déclaration sérieuse, à votre avis,
9 Monsieur Stijovic?
10 M. Stijovic (interprétation): Je ne sais vraiment pas quoi vous dire.
11 Peut-être surestimez-vous l'importance de M. Markovic. C'est ce qu'il a
12 dit et c'est ce que j'ai transmis.
13 Question: Bien allons de l'avant.
14 A cette page 8767 du compte rendu d'audience, dans le témoignage du
15 général Markovic, il y a une question que j'ai posée: j'ai pris bonne note
16 de vos propos à ce sujet. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une libre
17 interprétation de leur part, vous avez dit que vous aviez parlé
18 d'assainissement dans un entretien informel avec Ilic et que ce qui avait
19 été dit en cette occasion-là était, pour l'essentiel, des rumeurs.
20 Et, ni vous ni Ilic, ni qui que ce soit d'autre n'avez parlé d'enlever des
21 cadavres du Kosovo." (Fin de citation.)
22 Pouvons-nous donc dire qu'il s'agit d'un montage de toutes pièces, fait
23 par les gens qui ont conduit cette interview?
24 Et –je cite- il a dit: "Je n'ai pas lu cette déposition avant de la
25 signer. Et cette déclaration ne correspond pas à la forme habituelle dans
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1 laquelle on faisait des dépositions. Il s'agissait d'une conversation,
2 d'un entretien informatif où nous avions recherché une issue aux problèmes
3 auxquels devait faire face le ministère de l'Intérieur. Par la suite, un
4 officiel, un employé du service de sécurité d'Etat a rédigé ce document."
5 (Fin de citation.)
6 Je fais des pauses parce que j'entends la traduction qu'on est en train de
7 faire en serbo-croate.
8 "Par la suite, lorsqu'on m'a montré ce document par l'un des enquêteurs du
9 Tribunal de La Haye, je leur ai signalé qu'il y avait des détails qui ne
10 correspondaient pas à la réalité. Par la suite, j'ai fait une déclaration
11 à l'intention des enquêteurs du Bureau du Procureur du Tribunal et c'est à
12 ce sujet-là que je dirais qu'il s'agit là d'une déclaration vraie et
13 correcte".
14 M. le Président (interprétation): Fournissez maintenant au témoin
15 l'opportunité de nous dire ce qu'il en pense, avant d'aller de l'avant.
16 Monsieur Stijovic, je vais vous demander, pour ma part, de répondre à
17 certaines des questions découlant de ce que l'accusé vient de dire. Tout
18 d'abord, M. Markovic a affirmé, donc, qu'il n'avait pas lu la déclaration
19 avant de la signer?
20 M. Stijovic (interprétation): Ce n'est pas exact.
21 M. le Président (interprétation): La suivante de ces affirmations avait
22 été celle de dire qu'il s'était agi d'un entretien informatif, informel,
23 où il avait été question de rechercher une issue à des problèmes auxquels
24 devait faire face le ministère de l'Intérieur.
25 M. Stijovic (interprétation): Je crois que son interprétation est tout à
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1 fait différente. Nous nous étions concrètement entretenus de circonstances
2 et d'événements qui étaient survenus à l'époque, à savoir ce que la presse
3 avait écrit concernant ce camion frigorifique qui avait été soi-disant
4 retrouvé dans les eaux du Danube, et avec l'instruction qui m'avait été
5 faite pour m'entretenir avec lui en sa qualité de chef de la sécurité
6 d'Etat à l'époque.
7 Je lui avais demandé de nous raconter ce qu'il savait nous dire. Ce qu'il
8 m'a raconté, je l'ai repris et il n'est dit nulle part que M. Markovic
9 avait dit que des cadavres avaient été enlevés du Kosovo pour être
10 transportés vers la Serbie. S'il l'avait dit, je l'aurais noté. Soyez sûr
11 que, s'agissant de ce thème-là, toute chose importante dite à ce sujet-là,
12 je l'aurais mise sur papier.
13 M. Milosevic (interprétation): Eh bien, s'agissant de la dernière ligne
14 figurant à cette même page, je vais vous donner lecture de cette ligne et
15 je vais passer à la page suivante. Donc ma question a été: "Est-il vrai
16 que "l'assainissement" est le terme utilisé, s'agissant de la procédure
17 prévue par la loi, qui se compose des éléments que vous avez mentionnés
18 lors de l'interrogatoire principal, à savoir l'enlèvement des mines, des
19 explosifs, l'élimination de toute matière chimique, l'enlèvement des
20 cadavres, les soins à apporter aux blessés, la réparation des
21 infrastructures, la réparation des services communaux, etc., donc tout ce
22 qui vise à restaurer la vie normale après des opérations de combat?" C'est
23 bien exact?
24 (Le témoin acquiesce.)
25 Donc c'était la question que je lui ai posée, et voilà ce qu'il a répondu
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1 –je cite-: "Oui, c'est précisément ce que l'on sous-entend par
2 "assainissement"".
3 J'ai posé la question de savoir: "Est-ce que quiconque a dit, à cette
4 réunion, qu'"assainissement" sous-entendait enlèvement ou élimination de
5 toute trace de crimes commis ou toute dissimulation? Est-ce quiconque a
6 parlé de nécessité de dissimuler des crimes?".
7 Réponse de l'intéressé -je cite-: "Non, personne n'a parlé de crimes ou de
8 dissimulation de ces crimes.".
9 Question de ma part: "Est-ce que quiconque, au MUP, a mentionné la
10 nécessité de transporter ces cadavres du Kosovo vers la Serbie?". Sa
11 réponse a été de dire: "Je n'ai pas entendu parler de cela".
12 Est-ce que cela corrobore ou correspond à ce dont vous vous êtes
13 entretenu?
14 Réponse: Oui, cela correspond, mais les questions étaient posées tout à
15 fait autrement.
16 La question d'assainissement, pour ce qui me concerne, en ma qualité de
17 personne qui avait vécu dans certaines circonstances au Kosovo, c'est un
18 travail très pénible et très responsable. Après les opérations de combat,
19 il s'agissait de procéder à l'assainissement du terrain. Vous avez énuméré
20 ce que l'on sous-entendait par cela; vous avez modifié l'ordre des choses.
21 Cette procédure avait sous-entendu tout un ensemble de mesures
22 hygiéniques, à savoir enlèvement des cadavres, tant d'hommes que de bêtes
23 ou de bétail; et tout cela sous-entendait la prise de toute une série de
24 mesures d'assainissement pour ce qui est du bétail, pour ce qui est
25 d'empêcher la propagation des maladies et pour ce qui est du nettoyage du
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1 terrain à l'égard des mines ou de tout autre produit nocif, radiations,
2 produits chimiques, etc. Donc cela sous-entendait des mesures sanitaires,
3 des mesures d'hygiène qui visaient à rétablir ou à remettre en état le
4 terrain après les combats.
5 Il pourrait y avoir des corps à enterrer, il y avait des gens qui étaient
6 tués, et c'était l'un des délits pénaux. Donc le devoir des équipes de
7 police et des soldats était d'établir comment ces personnes avaient péri,
8 d'identifier ces personnes et de remettre les corps aux familles pour
9 enterrement. S'il y avait quelque raison que ce soit ou quelque élément
10 que ce soit pouvant jeter le doute pour dire ou laisser entendre qu'il
11 s'agissait d'un délit pénal ou d'un crime, on devait entreprendre une
12 procédure telle que prévue par la procédure pénale. C'est ce que j'ai
13 compris et c'est ce qui est stipulé par la loi.
14 C'est ainsi que j'ai compris M. Markovic et c'est dans ce contexte-là que
15 nous avons parlé de l'affaire Racak. Mais je vais m'interrompre là pour ne
16 pas me faire prévenir par M. Nice que je sors du sujet.
17 Question: Donc vous avez compris aussi qu'il parlait de l'assainissement
18 du terrain.
19 Réponse: Monsieur Milosevic, si j'avais compris les choses autrement, je
20 l'aurais noté. C'est ainsi que j'ai compris les choses et c'est ainsi que
21 j'avais rédigé la chose. J'avais compris que l'ordre, les instructions
22 avaient cet objectif-là.
23 M. Milosevic (interprétation): Bien. Si l'on parle de personnes qui
24 avaient mentionné le fait de dissimuler des cadavres, de transporter des
25 cadavres, il avait bien répondu que non. Est-ce qu'il vous a dit à vous
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1 que j'avais ordonné de dissimuler des cadavres? Est-ce que c'est bien ce
2 qu'il vous a dit?
3 M. Stijovic (interprétation): Je vais vous donner lecture, si vous êtes
4 d'accord, de cette partie-là. Puis-je?
5 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.
6 M. Stijovic (interprétation): "Les thèmes principaux de la réunion:
7 Vladimir Djordjevic, à la fin, a soulevé la question de l'enlèvement des
8 cadavres albanais pour écarter la découverte de toute victime civile pour
9 empêcher, entraver toute enquête criminelle. Monsieur Milosevic a proposé
10 à Vlatko Stojikovic de prendre toutes les mesures pour écarter les
11 cadavres de civils albanais.
12 J'ai compris que Markovic voulait que la procédure soit faite conformément
13 à la réglementation pour ne pas que, dans le cas où les nôtres se
14 retireraient du Kosovo, on ne vienne à déterrer ces cadavres pour dire
15 qu'il s'agissait là de notre part d'activités criminelles".
16 M. Milosevic (interprétation): Mais il dit qu'il s'agissait là d'une
17 interprétation libre faite par vos soins. Personne n'avait parlé du
18 Tribunal de La Haye et le terme d'assainissement n'avait pas sous-entendu
19 une dissimulation quelconque; il voulait qu'on détermine les causes de
20 décès ou de mort et il sous-entendait la remise des dépouilles des défunts
21 aux familles. Et c'est ce que l'on entendait.
22 M. Stijovic (interprétation): Je disais précisément la même chose.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je crois que nous
24 avons traversé la matière en question. Le témoin a bien précisé qu'il
25 avait pris note de ce qui avait été dit. Nous avions pensé que trois
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1 quarts d'heure allaient vous suffire. Vous allez disposer de sept minutes
2 avant la pause. Il s'agit d'un thème très précis.
3 M. Milosevic (interprétation): Oui, c'est très précis, mais c'est aussi
4 une tentative de cette fausse accusation que d'inculper.
5 M. le Président (interprétation): Non, non, vous ne pouvez pas faire de
6 commentaire de ce genre.
7 M. Milosevic (interprétation): Je trouve que cela est indigne de toute
8 conversation civilisée, Monsieur May.
9 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic, il me semble
10 que vous n'avez plus de questions à poser.
11 M. Milosevic (interprétation): Mais si, j'ai des questions.
12 M. le Président (interprétation): Bien, mais alors posez-les, mais je vous
13 demande de poser des questions pertinentes et de ne pas poser les mêmes
14 questions.
15 M. Milosevic (interprétation): Elles seront toutes des questions
16 pertinentes.
17 Monsieur Stijovic, s'agissant de ces déclarations que vous affirmez avoir
18 été recueillie de la part de M. Markovic de son propre gré, pourquoi, à
19 chaque fois, il y a le 2 juin 2002?
20 M. Stijovic (interprétation): Je ne sais pas vous dire, c'est probablement
21 une erreur, je ne peux pas vous expliquer la chose autrement qu'en disant
22 qu'il s'agit d'une erreur. Ce n'est pas une intention. D'ailleurs, c'est
23 son écriture, ce n'est pas la mienne.
24 Question: Est-ce que vous affirmez que personne n'a exercé de pression à
25 son égard?
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1 M. Stijovic (interprétation): Je peux affirmer que je n'ai pas effectué de
2 pression. Si quelqu'un a exercé des pressions, je ne le sais pas, mais
3 moi, je ne l'ai pas fait.
4 M. le Président (interprétation): Ralentissez quand même un peu.
5 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, vous me posez des exigences
6 contradictoires. Vous me demandez d'être bref et d'aller lentement.
7 Est-ce que, dans cette cellule d'isolement à Belgrade, pendant un an et
8 demi, un homme innocent, contre qui il n'est aucune preuve pour ce qui est
9 des charges qui sont portées contre lui, ne pensez-vous pas s'il s'agit là
10 de pression contre lui ou pas?
11 M. Stijovic (interprétation): Je ne sais pas si M. Markovic est innocent
12 ou pas, je ne sais pas s'il est en cellule d'isolement pendant aussi
13 longtemps, à savoir entre avril et juillet 2001. Lorsque je me suis
14 entretenu avec lui, il était en cellule d'isolement, mais depuis, je n'ai
15 aucune information concernant ses conditions de détention et je ne sais
16 pas si quelqu'un s'est entretenu avec lui depuis ou pas.
17 Question: Mais savez-vous que M. Markovic a passé plus d'un an et demi en
18 cellule d'isolement?
19 Réponse: Je ne le sais pas, si vous l'affirmez, je veux bien vous croire,
20 mais je n'en sais rien.
21 Question: Et vous ne pensez pas que M. Markovic a formulé des objections
22 concernant la conversation que vous avez eue pas la suite?
23 Réponse: Pendant notre conversation, à aucun moment, il n'a attiré mon
24 attention sur aucune irrégularité.
25 Question: Mais est-ce que vous affirmez que le général Markovic était en
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1 position de faire des objections concernant des entretiens qui ont lieu
2 sans la présence de son conseil de la défense ou son représentant du
3 ministère de la Justice? Est-ce que vous pensez qu'il est vraiment en
4 position de faire des objections à ce sujet?
5 Réponse: Monsieur Markovic n'a pas été obligé de faire quoi que ce soit.
6 Il n'a pas été contraint de dire ce qu'il ne voulait pas dire. Il a été
7 question de sujets sur lesquels il avait été très explicite et il y a des
8 questions sur lesquelles il ne voulait pas s'entretenir. Il y a eu des
9 questions bien plus sérieuses où il avait transmis des informations au
10 secteur de la sécurité d'Etat; et c'est là qu'il ne voulait pas me signer
11 cela, conformément à la procédure prévue par l'article 151 paragraphe 2.
12 Question: Dites-moi, pour combien d'entretiens que vous avez eus avec M.
13 Markovic vous avez eu des autorisations émanant des instances autorisées,
14 à savoir les présidents du tribunal municipal de Belgrade ou du tribunal
15 de district de Belgrade?
16 Réponse: J'affirme en toute responsabilité que pour tout déplacement vers
17 l'unité de détention, j'avais l'approbation par écrit de M. Nebojsa
18 Zivkovic qui est juge d'instruction au tribunal de Belgrade et qui est
19 chargé de la procédure conduite à l'encontre de M. Radomir Markovic.
20 Question: Donc vous affirmez que la confidentialité avait été l'une des
21 conditions qu'avait posées M. Markovic pour ce qui est des conversations
22 auxquelles vous vous référez?
23 Réponse: Vous parlez de toutes les conversations que nous avons eues?
24 Question: Oui..
25 Réponse: C'est exact.
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1 Question: Alors, pourquoi d'une façon, je dirais, en ayant recours à la
2 supercherie, je dirais, avez-vous recueilli une déclaration de façon non
3 conforme à la réglementation, et ce, sur ordre de vos supérieurs, pour la
4 transmettre ici? Est-ce que...
5 M. le Président (interprétation): Vous êtes en train… Juste un moment.
6 Avant d'affirmer que quelqu'un a fait recours à une supercherie, il faut
7 que vous présentiez des fondements pour ce faire. Ce sont des allégations
8 très sérieuses, vous ne pouvez pas les présenter sans fondement. Et
9 laissez au témoin la possibilité de répondre!
10 Monsieur Stijovic, ce que vous pouvez répondre, c'est nous dire comment la
11 déclaration est arrivée au Tribunal de La Haye.
12 M. Stijovic (interprétation): Je ne sais pas comment cette déclaration est
13 arrivée ici, mais ce n'est certainement pas de ma faute. Je n'ai pas
14 considéré que les déclarations recueillies par Radomir Markovic ne
15 devraient pas être utilisées à l'occasion des procédures en justice, tant
16 ici que dans mon pays.
17 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous savez que M. Markovic a
18 déclaré ici, sous déclaration solennelle, que vous, Monsieur Stijovic il
19 n'a pas mentionné votre nom-, mais il a dit qu'une personne autorisée par
20 les services de sécurité de l'Etat lui avait présenté une page déjà tapée
21 à la machine et que, sous pression, suite à une année et demie en cellule
22 d'isolement, il avait donc dû signer pratiquement sous la contrainte?
23 M. Stijovic (interprétation): Ce n'est pas exact.
24 M. Nice (interprétation): Je m'excuse de vous interrompre, mais je crois
25 qu'alors que nous parlons de ce sujet-là, je voudrais que l'accusé nous
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1 dise de quelle page il parle pour que nous sachions de quoi il parle.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais vous avez, à votre disposition,
3 Monsieur Nice, tout le compte rendu d'audience, vous pouvez le lire et le
4 relire autant de fois que vous le voudrez.
5 M. le Président (interprétation): Juste un moment. Entendons d'abord la
6 réponse du témoin. Vous avez présenté une assertion et il faut fournir au
7 témoin l'opportunité de répondre.
8 M. Stijovic (interprétation): Ce n'est pas exact. Monsieur Milosevic, je
9 ne suis pas ici parce que je l'ai voulu, mais je suis ici sous déclaration
10 solennelle pour ma part également.
11 M. Milosevic (interprétation): Est-ce que quelqu'un a retiré à Rade
12 Markovic son grade de général de la police?
13 M. Stijovic (interprétation): Je ne le sais pas.
14 Question: Pourquoi alors dites-vous, dans cette déposition, que vous ne
15 vous êtes pas adressé à lui en disant "Général" mais en disant "M.
16 Markovic" parce qu'il était en prison? Mais même en prison et sous
17 enquête, il est général de police, général de votre service.
18 Réponse: Je me suis comporté à son égard comme je me comporterais à
19 l'égard de toute personne en détention provisoire. Et mon attitude n'avait
20 pas été plus différente à son égard qu'à l'égard de quelque autre personne
21 avec laquelle je me suis entretenu. Je ne vois pas pourquoi j'aurais dû
22 adopter une attitude différente à l'égard de M. Markovic. Et je ne pense
23 pas qu'il se soit plaint.
24 Question: Mais à qui voulez-vous qu'il se plaigne?
25 Réponse: A moi.
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1 M. Milosevic (interprétation): Qu'il se plaigne à vous de votre
2 comportement? Enfin!
3 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous venez
4 maintenant de dépenser beaucoup plus de temps que vous n'en avez obtenu
5 par nos soins pour ce sujet si limité! Vous pouvez poser encore une
6 question.
7 M. Milosevic (interprétation): Etant donné que vous me mettez ce temps-là
8 à disposition, je voudrais dire que j'ai reçu hier la déclaration -à vrai
9 dire seulement en langue anglaise- de Mlle ou Mme Olivera Antonic-Simic,
10 c'est la personne qui avait été avec vous pour assurer la frappe de ce que
11 vous avez recueilli.
12 En page 1 de cette déclaration, par ses soins, il est dit: "Je ne puis
13 être plus précise parce qu'il ne s'agit pas d'un document original. Il
14 semble que figurent là les signatures de M. Markovic et de M. Zoran
15 Stijovic. La teneur de la déclaration ne m'est pas inconnue. Toutefois, je
16 ne suis vraiment pas en position de confirmer que la teneur de cette
17 déclaration, la déclaration qui m'a été montrée est véritablement ce que
18 j'ai tapé ce jour-là.".
19 Monsieur Stijovic, comme vous pouvez donc le constater, votre employée,
20 elle non plus, n'est pas en mesure de confirmer que la teneur de la
21 déclaration qui lui a été montrée est effectivement ce dont elle a assuré
22 la frappe ce jour-là.
23 M. Stijovic (interprétation): Je ne sais pas de quoi vous tirez la
24 conclusion qu'elle n'a pas confirmé ou qu'elle n'a pas nié la teneur.
25 M. Milosevic (interprétation): Je ne me fais aucun doute pour ce qui est
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1 de la savoir exposée à des pressions de ce pouvoir, de ce gouvernement de
2 Quisling à Belgrade actuellement, mais qu'elle aussi...
3 M. le Président (interprétation): C'est à présent que nous commençons à
4 perdre du temps.
5 M. Milosevic (interprétation): (Pas d'interprétation.)
6 M. le Président (interprétation): Ce que dit M. Milosevic, Monsieur le
7 Témoin, c'est que Mme Antonic-Simic n'est pas à même de confirmer que la
8 teneur de la déclaration est bien ce qu'elle a tapé. Est-ce que vous êtes
9 à même de nous apporter votre aide sur ce point ou pas?
10 M. Stijovic (interprétation): Je ne peux faire de commentaire eu égard à
11 ce qu'elle a pu dire. Moi, j'ai dit ce que j'ai dit, à savoir que la
12 déclaration est une représentation fidèle des propos tenus par M.
13 Markovic. La teneur de la déclaration, les signatures qui apparaissent sur
14 cette déclaration sont la mienne, celle de Mme Simic et celle M. Markovic.
15 Ce que je souhaite dire devant cette Chambre, c'est ceci –d'ailleurs j'en
16 ai informé le groupe d'opération du MUP et j'en ai informé la personne qui
17 s'est entretenue avec moi-, je veux dire ceci: lorsque M. Markovic a
18 comparu dans le prétoire alors que je travaillais avec lui, des menaces
19 très graves ont été formulées à son encontre et des pressions très lourdes
20 ont été exercées sur moi. On a essayé de me faire changer ma déposition
21 d'une façon ou d'une autre, la déposition que je fais ici devant cette
22 Chambre. Des pressions ont été exercées sur moi. On a voulu que je
23 retienne contre M. Markovic des chefs supplémentaires, on a voulu
24 également que je déclare que la déclaration n'était pas authentique.
25 Moi, j'ai dit aux personnes du ministère de l'Intérieur de la République
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1 de Serbie, j'ai dit à ce groupe d'opération, j'ai dit aux enquêteurs ce
2 qu'il en était. Je ne viens pas ici de mon propre gré, mais du fait de la
3 décision prise par mon propre gouvernement. Je suis un fonctionnaire, je
4 respecte mon gouvernement. Je suis donc venu ici, j'ai dit la vérité et
5 j'ai dit tout ce que contenait cette déclaration.
6 M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, au vu de ce que vient de dire
7 à l'instant le témoin, est-ce que je peux lui poser une ou deux questions?
8 M. le Président (interprétation): Oui.
9 M. Milosevic (interprétation): Qui vous a demandé d'agir de la sorte? Qui
10 vous a demandé de lever des chefs d'accusation supplémentaires contre le
11 général Markovic et qui vous a demandé de contester ou de dire que la
12 déclaration n'était pas authentique?
13 Il y a là deux pressions contradictoire qui s'exercent sur vous, me
14 semble-t-il. Qui a exercé l'une de ces pressions et qui a exercé l'autre
15 type de pression?
16 M. Stijovic (interprétation): Mais je ne sais pas si je peux répondre à
17 cela; je ne sais pas s'il convient que je vous réponde.
18 Est-ce qu'il est bon que je réponde à cette question, Messieurs les Juges?
19 (Les Juges se concertent.)
20 M. le Président (interprétation): Oui, à moins que vous ne pensiez que
21 cela vous place dans une situation délicate.
22 M. Nice (interprétation): Nous demanderions, pour notre part, que cela se
23 déroule à huis clos.
24 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il serait bon, en fait, que
25 nous prenions une pause, pour le moment. Nous poursuivrons cette
Page 9716
1 discussion dans le cadre d'un débat à huis clos.
2 Monsieur Milosevic, vous pourrez poser deux ou trois questions sur le
3 sujet qui nous occupe pour le moment. Ensuite, nous entendrons les amis de
4 la Chambre qui poursuivront le contre-interrogatoire.
5 Monsieur Nice, que se passera-t-il ensuite? Je me tourne vers vous.
6 M. Nice (interprétation): Si le lien avec Banja Luka a été rétabli, peut-
7 être pourrons-nous entendre le témoin K41. Si ce n'est pas le cas, je dois
8 dire que nous ne sommes pas vraiment à même de commencer l'audition de M.
9 Coo.
10 Il y a un témoin, John Zdrilic, dont nous pourrions commencer l'audition,
11 qui devrait être assez brève. Nous pourrions, du moins, en venir au terme
12 de l'interrogatoire principal. Peut-être pourrons-nous ensuite repousser
13 le contre-interrogatoire de John Zdrilic jusqu'au moment le plus opportun.
14 M. le Président (interprétation): Il s'agit donc là des trois témoins que
15 vous souhaitez encore faire comparaître devant la Chambre?
16 M. Nice (interprétation): Oui.
17 M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre l'audience.
18 Monsieur Stijovic, nous allons prendre une pause de 20 minutes. Je vous
19 demande de ne pas parler à qui que ce soit de la teneur de votre
20 déposition; vous ne pouvez pas non plus en discuter avec les membres de
21 l'équipe de l'accusation.
22 Une pause de 20 minutes.
23 (L'audience, suspendue à 12 heures 10, est reprise à 12 heures 30.)
24 M. le Président (interprétation): Monsieur Stijovic, nous allons passer en
25 audience à huis clos.
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1 (Audience à huis clos partiel à 12 heures 33.)
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13 Pages 9718 à 9723 – expurgées – audience à huis clos partiel.
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1 (expurgée)
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3 (expurgée)
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6 (expurgée)
7 (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 50.)
11 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique, Monsieur le
12 Président.
13 (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Zoran
14 Stijovic.)
15 M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur Stijovic, j'ai un certain nombre
16 de questions à vous poser qui portent sur les lois qui existaient en
17 Yougoslavie, qui portent sur les réglementations en vigueur, qui régissent
18 les déclarations que nous avons à l'heure actuelle sous les yeux.
19 Vous avez parlé du fait de s'exprimer volontairement. Je ne voudrais pas
20 revenir là-dessus, mais tout de même. Rade Markovic, s'il n'avait pas été
21 en prison… Enfin, est-ce qu'il est normal, d'un point de vue juridique,
22 qu'une personne soit d'abord convoquée pour donner une déclaration; si
23 cette personne ne se présente, alors elle est placée en détention et
24 emmenée en prison, n'est-ce pas? Il n'y a pas de démarche volontaire. Si
25 quelqu'un ne répond pas à la convocation, cette personne peut être
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1 arrêtée, n'est-ce pas?
2 M. Stijovic (interprétation): Oui, on peut présenter les choses ainsi.
3 Question: Bien. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est la chose suivante:
4 est-il bien exact qu'à l'époque où cette déclaration a été faite et
5 conformément à la loi yougoslave, personne ne pouvait avoir le droit
6 d'être représenté de façon juridique devant la police? Personne ne pouvait
7 demander à un avocat de venir les représenter, de venir contrôler le
8 recueil de leur déclaration?
9 Réponse: D'après la loi qui était en vigueur et en matière de procédure
10 criminelle, à l'époque, oui, ce que vous dites est exact.
11 Question: Et est-ce la raison pour laquelle la loi prévoit la possibilité
12 de ne pas pouvoir utiliser ce type de déclaration dans le cadre de
13 procédure de justice?
14 Réponse: Oui, je l'ai expliqué.
15 Question: Ce qui m'intéresse maintenant, c'est ce qui arrive à ces
16 déclarations après qu'elles ont été recueillies. Est-ce que le document
17 est placé sous scellés dans les dossiers du tribunal?
18 Réponse: Oui. Le juge d'instruction le place dans un classeur particulier,
19 très particulier, et cela ne peut pas être utilisé comme élément de preuve
20 en Tribunal.
21 Question: Je vous remercie.
22 Nous nous penchons maintenant sur la déclaration qui date du 2 juin 2001.
23 C'est bien cette date que porte la déclaration?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Est-ce qu'il est bien exact de dire qu'avant que vous ne signiez
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1 cette déclaration elle a été signée par Rade Markovic?
2 Réponse: Elle a été signée par Rade Markovic, par la personne qui a saisi
3 la déclaration, puis par moi-même. C'est dans cet ordre que la déclaration
4 a été signée.
5 M. Tapuskovic (interprétation): Alors, pourquoi est-il le seul à avoir
6 apposé la date du 2 juin 2002 sur la déclaration, étant donné que, dans
7 l'intitulé, enfin dans les tous premiers passages de la déclaration, on
8 peut lire 2 juin 2001?
9 M. Nice (interprétation): Non, ce qui est apparu, c'est que M. Markovic a
10 une façon particulière de tracer le chiffre 1.
11 M. le Président (interprétation): Oui, cela était évoqué… (Hors micro)…
12 par M. Markovic lorsqu'il a déposé. Il a confirmé que c'était un 2,
13 d'après ce dont je me rappelle.
14 Monsieur Tapuskovic, les comptes rendus de l'audience ne permettent pas
15 d'étayer ce que vous venez d'affirmer dans le cadre de votre question au
16 témoin.
17 M. Tapuskovic (interprétation): C'est exact, mais je sais qu'une règle
18 existe qui indique que, si vous avez dans la page de couverture une date,
19 il n'est pas nécessaire de faire apparaître une date sous la signature. Je
20 voudrais que le témoin m'explique cela.
21 M. le Président (interprétation): Vous pouvez tout à fait poser cette
22 question au témoin, effectivement.
23 M. Stijovic (interprétation): Maître Tapuskovic, la pratique habituelle au
24 sein de mon service, et vous pourrez le vérifier d'ailleurs, est celle-ci:
25 la personne qui donne sa déclaration, sous sa signature, indique la date
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1 de sa propre main, date du recueil de la déclaration.
2 M. Tapuskovic (interprétation): Et est-ce que vous devez faire la même
3 chose?
4 M. Stijovic (interprétation): Non, je n'ai pas besoin de le faire.
5 Question: Je vous remercie. Autre chose, vous avez déclaré que vous aviez
6 été autorisé par le juge d'instruction à rendre une visite et je sais que,
7 d'après la loi, quand une procédure criminelle est en cours, une procédure
8 pénale est en cours, personne n'est autorisé à se rendre en prison pour
9 voir un détenu et s'entretenir avec lui. Personne n'a ce droit, même pas
10 les officiers de police.
11 Alors est-ce que vous avez obtenu une autorisation du juge d'instruction?
12 Et est-il exact que vous n'avez pas pu entrer dans la prison sans ce
13 permis, qu'il vous fallait ce permis pour entrer?
14 Réponse: Oui, c'est exact, on m'a confié ce permis. C'est le juge, M.
15 Nebojsa Zivkovic, qui m'a remis ce document. Il était responsable de
16 l'enquête menée contre Markovic pour ce crime particulier et j'ai été
17 autorisé à discuter d'un certain nombre de sujets.
18 Question: Bien, mais ce n'est pas ce que je vous demande. Ce qui
19 m'intéresse, c'est ceci: est-ce qu'en prison, on indique qu'il est
20 nécessaire que cette autorisation doit être obtenue pour chacun des
21 entretiens?
22 Réponse: Oui, ils tiennent un journal de cela, tout cela est consigné.
23 L'autorisation porte la référence des papiers d'identité, porte ma
24 signature, porte un certain nombre d'éléments.
25 M. Tapuskovic (interprétation): J'ai bien compris que tout était signé et
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1 qu'un certain nombre de critères devaient être respectés mais, en prison,
2 est-ce qu'il existe des permis et des autorisations? Et est-ce que la
3 prison les gardes en sa possession?
4 M. Stijovic (interprétation): Oui, jamais je n'aurais pu entrer en prison
5 sans bénéficier de ce type d'autorisation écrite.
6 M. le Président (interprétation): Des questions supplémentaires?
7 M. Nice (interprétation): Oui, quelques questions supplémentaires. Merci
8 beaucoup, Monsieur le Président.
9 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Zoran Stijovic, par
10 M. Nice.)
11 M. Nice (interprétation): Monsieur Stijovic, vous avez déclaré qu'un
12 complément d'enquête était nécessaire sur la base de cette déclaration.
13 Lors de la préparation de cette déclaration recueillie auprès de M.
14 Markovic, est-ce que vous savez si certains des corps dont il était fait
15 état avaient été récupérés ou remis aux proches des personnes décédées ou
16 enterrées, une nouvelle fois?
17 M. Stijovic (interprétation): Est-ce que vous pourriez être un petit peu
18 plus précis, s'il vous plaît? Quelle question voulez-vous me poser?
19 Question: Donc vous avez mené une enquête. Au cours de cette enquête, vous
20 avez recueilli une déclaration auprès de M. Markovic et vous avez répondu
21 à une question de l'accusé que des suppléments d'enquête, des compléments
22 d'enquête se sont avérés nécessaires. Au moment de ces suppléments
23 d'enquête, est-ce que vous avez appris si des corps avaient été sortis de
24 leur sépulture pour être enterrés ailleurs, pour être remis aux parents de
25 la victime? Vous pourrez peut-être répondre par un simple oui ou non.
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1 Réponse: Dans ce cas particulier ou de façon générale?
2 Question: De façon générale. Monsieur Markovic a fait état de ces cadavres
3 qui avaient été sortis de leur sépulture. Pouvez-vous nous en dire plus?
4 Réponse: Oui, j'ai appris que cela s'était passé.
5 Question: Et où dites-vous que ces cadavres ont été emmenés, afin que nous
6 puissions le savoir nous-mêmes?
7 Réponse: J'étais responsable du département des analyses de Pristina et je
8 sais qu'il y a eu un certain nombre de cas de ce type. Je me rappelle le
9 cas village de Slovenija où il y a eu découverte de 30 cadavres dans une
10 fosse commune. Une fois que les cadavres ont été sortis de la fosse et une
11 fois que leur identification a été assurée, ces cadavres, ces dépouilles
12 mortelles ont été remises aux parents des victimes.
13 Question: Mais qu'en est-il des cadavres trouvés dans le camion? Est-ce
14 que vos enquêtes vous ont permis de savoir où ces cadavres ont été par la
15 suite enterrés ou où ils ont été emmenés?
16 Réponse: Non.
17 Question: Est-ce que c'est le genre de questions qui aurait pu faire
18 l'objet d'un complément d'enquête?
19 Réponse: Le département de la sécurité d'Etat ne se penchait pas sur ce
20 type de questions. Nous n'avons pas mené à bien cette enquête. Je ne sais
21 pas qui on a été chercher, mais ce que je sais très bien, c'est que si
22 nous avions mené à bien cette enquête, alors cette question aurait supposé
23 que nous travaillions dans le plus grand détail. Il aurait fallu passer au
24 travail de façon assez sérieuse.
25 Question: Puisque nous parlons de l'utilisation qui pouvait ou ne pouvait
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1 pas être faite du type d'entretiens que vous avez eus avec M. Markovic,
2 vous avez dit dans votre déclaration qu'il y a des dispositions de
3 l'article 84 de la loi sur la procédure pénale qui permettent que de
4 telles déclarations soient utilisées dans des circonstances bien
5 particulières; n'est-ce pas exact?
6 Réponse: Si, c'est exact, et me je me souviens de deux cas de figure. Cela
7 peut se faire à la demande de l'accusé ou bien cela peut se produire si
8 l'accusé vient à décéder.
9 Donc, effectivement, il faut réunir des conditions bien particulières et
10 ce n'est que si ces conditions sont réunies que ce type de déclaration
11 peut être utilisé dans le cadre d'une procédure pénale devant un Tribunal;
12 sinon, ces déclarations, comme je l'ai dit tout à l'heure, sont gardées,
13 mais ne sont pas utilisées.
14 Question: Encore deux questions, si vous me le permettez.
15 Nous allons parler du format de cette déclaration, de la forme de cette
16 déclaration.
17 L'accusé a suggéré que vous aviez dicté cette déclaration. Est-ce que
18 certains des termes utilisés sont des termes que vous avez utilisés? Est-
19 ce que certains des termes qui apparaissent sont des termes que vous avez
20 utilisés ou est-ce que tous les termes qui sont utilisés sont les termes
21 employés par Markovic? Est-ce que vous pourriez nous aider à comprendre de
22 quelle façon les choses se sont déroulées?
23 Réponse: Je ne m'en souviens pas exactement à ce stade, je ne sais plus
24 exactement comment la chose s'est passée. Mais la procédure allait comme
25 suit: moi, je dictais à haute voix la teneur de l'entretien, je dictais
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1 cela à Mme Olivera Antonic-Simic; M. Markovic écoutait tout cela et
2 m'interrompait s'il pensait que ma formulation était erronée, s'il pensait
3 que les tournures employées ne correspondaient pas à ses propos. Je ne
4 sais pas si cela s'est passé dans le cadre de cette déclaration que nous
5 avons sous les yeux, mais c'est ainsi que nous avons procédé. Ensuite, il
6 passait en revue la typographie et il apportait ses corrections et c'est
7 tout.
8 M. Kwon (interprétation): Un instant, Monsieur Nice.
9 Monsieur Nice vous a posé une question similaire, tout à l'heure, et vous
10 avez répondu de la façon suivante il y a quelques instants. Vous ne
11 travaillez, je crois, que depuis deux ans dans ce service alors que M.
12 Markovic y avait consacré toute sa carrière; est-ce que c'est bien ce que
13 vous avez dit? Vous, vous ne travaillez dans ce service que depuis deux
14 ans, n'est-ce pas? Quand vous dites "deux ans", en fait, qu'est-ce que
15 cela veut dire exactement? Je voudrais que tout soit bien clair.
16 M. Stijovic (interprétation): Non, ça, c'est une erreur qui a été faite
17 dans le cadre de l'interprétation. J'ai dit que M. Markovic avait passé
18 l'intégralité de sa carrière dans la police criminelle et au sein du
19 service de la sécurité publique; j'ai parlé de sa carrière qui, pendant
20 deux ans, avait été consacrée au poste de chef du service de la sécurité
21 d'Etat. Donc j'ai dit que, pendant deux ans, M. Markovic avait été dans le
22 service d'Etat; je n'ai pas parlé de ma carrière. Il y a eu une erreur
23 dans l'interprétation; je suis certain de n'avoir rien dit de cela. En
24 1998, il a été nommé à ce poste que je viens d'évoquer.
25 M. Kwon (interprétation): Merci.
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1 M. Nice (interprétation): Maintenant, nous allons voir une fois de plus la
2 déclaration faite par Mme Olivera Antonic-Simic. Je ne sais pas si l'on
3 vous a donné lecture du fragment pertinent. Je vous en donne lecture
4 lentement. Elle dit que, quand on lui a fait voir la photocopie de la
5 déclaration, elle dit notamment: "J'ai parcouru la déclaration et je peux
6 dire que ma signature y est apposée. Je ne suis pas sûre, donc je ne peux
7 pas le confirmer concrètement, étant donné qu'il ne s'agit pas d'un
8 document original." (Fin de citation.)
9 Est-ce que vous, après avoir entendu cela, avez quelque suspicion que ce
10 soit lorsqu'on vous avait fait savoir les déclarations que, par exemple,
11 cette déclaration devrait être considérée comme ne reflétant pas ce qui a
12 été dit en juin?
13 M. Stijovic (interprétation): Je n'ai pas de doute.
14 Question: A la fin, l'accusé vous a posé une autre question, ayant tiré
15 une citation du transcript. Et cette fois-ci, je parle d'une autre
16 question qu'il vous a posée, à savoir à la page 58, ligne 20 du transcript
17 où, dans le cas de cette question, il suggérait, lui, que M. Radomir
18 Markovic, sous la foi du serment, déposait pour dire que vous, Monsieur
19 Stijovic -il ne vous a pas nommé, il n'a pas décliné votre nom-, mais il a
20 dit que vous-même, en tant qu'officiel, aviez déjà soumis à Radomir
21 Markovic une déclaration préalablement rédigée. Ce qui veut dire que, dans
22 ces circonstances-là, exposé à une pression, après avoir passé un an et
23 demi dans sa cellule d'isolement, il s'est vu obligé de signer cette
24 déclaration. Vous avez dit que ceci n'était pas vrai.
25 Il n'a pas dit de quel passage il s'agit, de quel fragment il s'agit. Je
Page 9733
1 sais où on peut retrouver ce fragment; il s'agit de la page 87 du
2 transcript.
3 Monsieur Stijovic, pour vous aider, M. Markovic a dit, en réponse à une
4 assertion de l'accusé, qu'aucune phrase n'avait été rédigée sous pression.
5 L'accusé a dit à M. Markovic: "Cette rédaction vous a-t-elle été soumise
6 déjà rédigée?"; à quoi M. Markovic n'a répondu que par un oui.
7 Pour pouvoir répondre à cette question qui a été soulevée par l'accusé,
8 cette fois-ci en détail, que devriez-vous dire en face de cette suggestion
9 ou assertion de M. Milosevic selon laquelle cette déclaration devait être
10 préalablement préparée et soumise à M. Markovic pour signature? Y a-t-il
11 une part de vérité?
12 M. Stijovic (interprétation): Non, il n'y a aucune vérité là-dedans. Ceci
13 serait vraiment irresponsable de ma part et de la part de M. Markovic, si
14 nous avions dû commettre une telle erreur.
15 M. Nice (interprétation): Merci. Je n'ai plus de question pour ce témoin.
16 M. le Président (interprétation): Oui, nous avons d'autres questions.
17 (Questions du Juge Kwon au témoin, M. Zoran Stijovic.)
18 M. Kwon (interprétation): Avant de vous interrompre, Monsieur Nice, tout à
19 l'heure, je crois que étiez à parler au sujet de l'incident intervenu à
20 Racak. Etant donné que M. Radomir Markovic était là pour répondre aux
21 questions posées par M. Nice et à celles posées par moi-même au sujet de
22 Racak, et étant donné ce qu'il a dit, lui, à ce sujet, il serait
23 intéressant pour moi d'entendre ce que vous avez dit à cette occasion-là.
24 Vous avez parlé de manipulation de corps, vous avez dit également qu'un
25 certain nombre de policiers étaient restés dans Racak et quelque chose de
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1 ce genre-là. Est-ce que vous vous en souvenez pour nous dire quelques
2 détails de plus là-dessus?
3 M. Stijovic (interprétation): Le cas de Racak est fort sérieux et diverses
4 sont les interprétations de ce cas.
5 Primo, le cas est présenté comme étant un crime. Par ailleurs, ceci a été
6 présenté également comme étant l'œuvre d'une manipulation faite par les
7 services albanais et par la population albanaise, par les médias. Ce dont
8 je peux parler, moi qui suis assez versé en la matière, je ne peux que
9 dire que je suis censé savoir qu'il y a eu beaucoup de manipulations à ce
10 sujet et bien abusives.
11 J'ai dit, pour ma part, que ce jour particulier, il y a eu des opérations
12 de combat à Racak. Au cours des opérations de combat, il y a eu des morts
13 d'un côté et de l'autre. La nuit déjà tombante, les forces de police
14 s'étaient retirées et c'est ce que nous avons dit, M. Markovic et moi,
15 dans nos conversations. Or, si les agents de police étaient restés sur
16 place à tout prix, quitte à perdre pas mal de leurs effectifs, le cas de
17 Racak n'aurait certainement pas été sur le tapis aujourd'hui, surtout pas
18 ici devant ce Tribunal. Par conséquent, il s'agit de savoir s'il s'agit
19 d'un crime, de manipulation ou d'un type de propagande quelconque.
20 Je ne faisais qu'accuser une omission, une erreur commise par la police
21 lorsqu'elle celle-ci avait décidé de se retirer. La police devait rester
22 sur place, in situ, pour sécuriser le tout et cela, à tout prix, pour que,
23 le lendemain, on ait pu, par exemple, procéder comme la loi le
24 prescrivait, à savoir voir toute la vérité sur l'ensemble des événements.
25 Voilà ce que je voulais vous dire. Et si vous m'aviez bien suivi,
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1 Monsieur, je crois avoir pu répondre à votre question.
2 Question: C'est votre observation personnelle, mais quelle était la
3 réponse de M. Markovic sur ce sujet à cette époque-là?
4 Réponse: Oui, à titre de commentaire, il l'a fait pour dire que c'était
5 une erreur grossière; notamment, faite en matière d'évaluation, laquelle
6 erreur grossière n'a pas été sans avoir bien sûr de retombée négative pour
7 mon pays.
8 Question: Tout à l'heure, vous disiez que lui ne recevait pas
9 d'information directe depuis Racak et qu'il n'en savait pas long sur les
10 victimes, pas plus que sur les civils. Est-ce que vous pouvez nous dire
11 quelque chose là-dessus?
12 Réponse: Je ne sais pas d'où vous tenez tout cela.
13 Question: Monsieur Markovic a dit qu'il ne recevait pas d'information
14 directe sur Racak; est-ce exact?
15 Réponse: Il a certainement dû recevoir pas mal d'informations de ce qui
16 s'y passait; parce que lui, en raison de sa fonction très haut placée, il
17 ne pouvait pas étant donné le système d'information au sein du département
18 et de l'agence pour laquelle nous travaillions, il était impossible et
19 impensable pour lui de ne pas être informé de ce qui se passait à Racak
20 entre autres. Ceci est bien sûr loin de correspondre à la vérité. Je ne
21 sais pas ce qu'il pouvait savoir en détail mais c'est à peu près ce que je
22 peux dire.
23 M. Kwon (interprétation): Merci, Monsieur Stijovic.
24 (Questions du Juge Robinson au témoin, M. Zoran Stijovic.)
25 M. Robinson (interprétation): Monsieur Stijovic, en réponse à la question
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1 posée par le Juge Kwon, vous avez dit que vous n'étiez pas sans connaître
2 des manipulations de ce genre. Seriez-vous capable de vous étendre là-
3 dessus? Est-ce que vous voulez dire par là qu'il est peut-être normal de
4 parler d'une pratique, de manipuler ces affaires-là, notamment lorsqu'on
5 parle de cette matière?
6 M. Stijovic (interprétation): Est-ce que je peux peut-être m'étendre un
7 peu là-dessus pour m'expliquer plus en détail?
8 M. le Président (interprétation): Oui.
9 M. Stijovic (interprétation): Ecoutez, depuis longtemps, je m'occupe de
10 ces problèmes liés au peuple serbe et au Kosovo. L'un des caractères
11 principaux de la communauté ethnique albanaise consiste à faire trop de
12 théâtre sur des événements. Qui dit communauté albanaise, dit une
13 communauté repliée sur elle-même, présentant des types de vie assez
14 archaïques, présentant un langage à part, sui generis. Et il s'agit d'une
15 technique, d'une pratique de manipulation qui est méconnue depuis quelque
16 temps, depuis que je m'en occupe. Et une telle pratique peut causer de
17 graves problèmes au sein et pour une telle communauté.
18 Nous avons connu quelques cas qui sont assez limpides, à mon sens, pour
19 présenter l'ensemble de la situation dont je suis en train de parler. En
20 1981, nous étions témoin des événements où, en masse, des mineurs de Stari
21 Trg, de Trepca, s'étaient faits arrêter. Et il y a eu évidemment pas mal
22 d'atteinte aux yeux de mineurs, par exemple, par des moyens toxiques.
23 Ensuite, il y a eu un phénomène encore d'une intoxication; on disait que
24 certaines poudres avaient dû être projetées et à cause duquel événement
25 seuls les Albanais étaient atteints. C'était du théâtre aux yeux du large
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1 public, à l'intention d'un large public. Et puis, du point de vue de leur
2 confession, les Albanais sont des Musulmans. Nous avons pas mal de
3 situations où nous pouvons voir que leur comportement diffère de celui qui
4 était normalement prescrit à des Musulmans. Par exemple, en matière de
5 sépulture et en matière de tout rite concernant la personne défunte.
6 Puis-je continuer? Puis-je poursuivre?
7 M. le Président (interprétation): Oui mais, Monsieur Stijovic, vous devez
8 savoir –je suis désolé de vous le dire- que le temps qui nous est imparti
9 semble limité. Peut-être pourriez-vous limiter vous aussi?
10 M. Stijovic (interprétation): Oui. Disons, nous avons eu des cas de
11 sépultures de Musulmans albanais. Lorsque la dépouille mortelle se
12 trouvait dans un cercueil et avec l'utilisation de cierges, ce qui est
13 tout à fait contraire aux us et coutumes des Musulmans. Donc voilà, nous
14 sommes témoins du fait qu'une histoire a dû être racontée à l'intention
15 des uns, alors qu'une autre version, une autre version était réservée à
16 d'autres. Pour la communauté interne, il s'agit bien sûr d'une image tout
17 à fait irréaliste, alors que, pour parler d'une communauté en dehors de la
18 communauté albanaise, c'est une autre version qui a été présentée, c'est-
19 à-dire pour répondre à des finalités du jour. Je ne sais pas si je me suis
20 bien fait entendre.
21 M. Robinson (interprétation): Oui, cela nous a été utile. Merci.
22 M. le Président (interprétation): Maintenant, je crois que M. Milosevic
23 pourrait avoir voix au chapitre.
24 Monsieur Nice, avez-vous terminé avec vos questions supplémentaires?
25 M. Nice (interprétation): Oui, je crois que nous avons déjà fini en ce qui
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1 nous concerne.
2 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, qu'est-ce que vous
3 avez à poser comme questions?
4 M. Milosevic (interprétation): J'ai peut-être quelques questions au sujet
5 de ce qui a été posé comme questions par M. le Juge Kwon, pour me faire
6 bien entendre, pour qu'il n'y ait pas de malentendu. Moi, je comprends
7 fort bien ce que dit le témoin.
8 M. le Président (interprétation): Vous pouvez le faire. Posez une ou deux
9 questions.
10 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Zoran Stijovic, par
11 l'accusé M. Milosevic.)
12 M. Milosevic (interprétation): Je le ferai parce que je comprends fort
13 bien ce témoin-ci, mais j'ai bien peur de ne pas le voir compris, et comme
14 il faut, par la communauté et le public large, au sens aussi ample que
15 possible. J'aimerais bien dire que j'ai peur qu'il n'y ait pas de
16 confusion lorsqu'on l'entend dire et ce qu'on peut évidemment percevoir.
17 Monsieur Stijovic lorsque vous parlez de manipulations, manipulations des
18 événements de Racak, est-ce que vous vous référiez à des manipulations
19 faites par l'UCK ou Williams Walker? Est-ce que vous vous référiez à ces
20 manipulations-là? Ou, pour être encore plus clair dans la question: vous
21 avez dit que l'erreur commise par la police, c'est que, une fois la
22 bataille finie -ce qui bien sûr n'est pas contestable-, un détachement de
23 policiers n'était pas resté là-bas pour sécuriser parce que, dans ce cas-
24 là, il n'y aurait pas bien sûr eu lieu de manipulations quelconques. On
25 n'aurait certainement pas pu emmener des cadavres et procéder à des
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1 propagandes et manipulations de type de Vase Miskina ou Markale à
2 l'encontre de la Yougoslavie tout court?
3 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, ne faites pas cela.
4 Permettez au témoin de répondre au lieu de lui poser des questions sans
5 fin.
6 Monsieur le Témoin, on vous demande d'expliquer ce que vous entendez par
7 "manipulation".
8 M. Kwon (interprétation): Primo, seriez-vous capable de nous dire si vous-
9 même, vous vous en tenez à cette position-là, à savoir qu'il y a eu des
10 manipulations, oui ou non?
11 M. Stijovic (interprétation): Je serai très précis. Pour parler du cas de
12 Racak, je voulais parler d'un événement qui a pu servir à différentes
13 interprétations. Je ne voulais pas, cela dit, dire que c'était une
14 manipulation faite par la partie serbe ou par la partie albanaise.
15 Je voulais dire tout simplement que si la police, si les effectifs de la
16 police étaient restés sur place après la bataille, quitte à perdre
17 davantage d'effectifs, à consentir à de nouvelles victimes, on n'aurait
18 pas pu parler de Racak.
19 Le lendemain, en présence de vérificateurs et de médecins légistes, et de
20 ceux qui devaient être chargés de l'instruction criminelle, on aurait pu
21 savoir clairement de quoi il s'agissait, à savoir si c'était une
22 manipulation faite pas les membres de l'UCK, comme on le dit d'un côté, ou
23 s'il s'agissait de crimes perpétrés par l'autre partie.
24 Eh bien, le fait et l'essence même de l'affaire, le vif de l'affaire,
25 c'est que s'il n'y avait pas eu cette affaire grossière, il n'y aurait pas
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1 eu de problème de ce genre-là. Je pense que l'essence même du problème
2 réside dans ce que je viens de dire.
3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
4 Merci, Monsieur Stijovic, merci d'être venu ici pour témoigner devant le
5 Tribunal pénal international. Vous pouvez disposer.
6 (Le témoin, M. Zoran Stijovic, est reconduit hors du prétoire.)
7 (Audience à huis clos partiel à 13 heures 10.)
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8 (Audience publique à 13 heures 25.)
9 (Le témoin, M. John Zdrilic, est introduit dans le prétoire.)
10 Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.
11 M. le Président (interprétation): Parfait. Que le témoin prononce la
12 déclaration solennelle.
13 M. Zdrilic (interprétation): (Hors micro.) Je déclare solennellement que
14 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.
16 (Interrogatoire principal du témoin, M. John Martin Zdrilic, par M.
17 Ryneveld.)
18 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur Zdrilic, vous vous appelez bien
19 John Martin Zdrilic? Vous travaillez en tant qu'enquêteur au sein du
20 Bureau du Procureur depuis le 28 mars 1999, n'est-ce pas?
21 M. Zdrilic (interprétation): C'est exact.
22 Question: Avant de travailler pour le Bureau du Procureur de ce Tribunal,
23 vous étiez, je crois, détective au sein du service de la police de
24 Nouvelle-Galles du Sud, en Australie?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: (Inaudible.) Je répète ma question: en Australie, n'est-ce pas?
2 Réponse: C'est exact.
3 Question: Lors de votre arrivée à La Haye, Monsieur, est-ce que vous vous
4 êtes vu confier une enquête relative aux événements qui sont, à l'heure
5 actuelle, étudiés par cette Chambre?
6 Réponse: C'est exact.
7 Question: Dans ce cadre, Monsieur, n'avez-vous pas été désigné comme
8 responsable de l'enquête menée dans la partie sud du Kosovo, région qui
9 comprend les municipalités de Prizren, Suva Reka et Orahovac?
10 Réponse: C'est exact.
11 Question: N'avez-vous pas également pris part au programme d'exhumations
12 du TPIY qui s'est déroulé notamment au cours des étés 1999 et 2000?
13 Réponse: C'est exact.
14 Question: Très brièvement, Monsieur, et simplement pour replacer votre
15 déposition dans son contexte, pourriez-vous nous dire en quelques mots ce
16 qui s'est passé à Suva Reka, étant donné que cela a trait aux éléments de
17 preuve que je vais faire valoir aux yeux des Juges dans le cadre de votre
18 déposition?
19 Réponse: On m'a demandé de mener à bien une enquête sur les massacres qui
20 ont été perpétrés à Suva Reka, dans un café désaffecté. Il s'agissait
21 d'une enquête que j'ai menée; un certain nombre d'exhumations ont été
22 menées à bien. Cela a également trait à ce que je vais dire dans le cadre
23 de ma déposition.
24 Question: Non seulement vous vous êtes rendu sur les lieux du crime à Suva
25 Reka, mais vous avez également mené une enquête dans un lieu qui s'appelle
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1 Krushe e Lubisha? Je ne suis pas certain de bien prononcer ce nom.
2 Réponse: Oui. On a également trouvé une fosse commune entre deux villages
3 de la municipalité de Prizren: les villages de Korisa et Ljubizda.
4 Question: Monsieur le Greffier, merci de placer la page 11 de l'atlas du
5 Kosovo sur le rétroprojecteur.
6 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'attire votre attention sur
7 la page 11, à l'intersection des coordonnées 0 et 21 et 22. Donc 21,5, si
8 vous voulez.
9 Merci. Nous voyons Suva Reka, sur cette carte. Ces deux villages auxquels
10 vous avez fait référence, Korisa et Ljubizda, pourriez-vous nous en
11 indiquer l'emplacement?
12 Réponse: Vous me demandez de vous montrer l'emplacement de Korisa et
13 Ljubizda?
14 Question: Oui, tout à fait.
15 (Le témoin montre sur la carte.)
16 Ici, vous voyez le village de Korisa et vous avez ici le village de
17 Ljubizda. Et la zone que vous voyez ici, en bas, c'est en fait la ville de
18 Prizren. La zone dont nous parlons se trouve entre les deux villages que
19 je viens d'évoquer.
20 Question: Et cette tâche orange que nous voyons juste en bordure de la
21 page, est-ce qu'elle fait partie de la ville de Prizren?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Je vois. Avez-vous été sur les lieux et pourriez-vous nous dire
24 ce que l'on trouve entre ces deux villages?
25 Réponse: C'est une région très déserte, si vous voulez. En fait, avant, se
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1 trouvait, dans cette région, un champ de tir de la VJ. Lorsque je suis
2 revenu sur place en 1999, ce que j'ai vu, en fait, c'était ce qui restait
3 d'une fosse commune qui a fait, par la suite, l'objet d'examens et
4 d'exhumations par une équipe de médecins légistes venus de Grande-
5 Bretagne.
6 Question: Les corps qui ont été exhumés, en cette occasion, ont été
7 filmés, photographiés.
8 Est-ce qu'on a retrouvé des os, des objets sur les lieux?
9 Réponse: Oui, on a trouvé des cadavres, des dépouilles humaines, des
10 restes humains, des objets, un certain nombre de choses dans cette fosse
11 commune. L'équipe de légistes britanniques qui travaillait au nom du
12 Tribunal a effectivement filmé tous ces objets. Des cassettes vidéo ont
13 été réalisées, des photographies ont été archivées.
14 Question: Et est-ce que, par la suite, les objets trouvés dans cet ancien
15 champ de tir ont été identifiés? Est-ce que tout ce qui a été trouvé a été
16 identifié?
17 Réponse: Jusqu'à ce jour, aucun des restes n'a été identifié, même si on a
18 retrouvé un certain nombre d'objets sur place. Onze objets ont été
19 identifiés par des membres de famille des victimes alléguées de l'incident
20 qui s'est produit au café de Suva Reka. Nous pensons que ces objets
21 appartiennent à au moins six personnes.
22 Question: Très bien. Nous allons maintenant revenir à ce qui s'est passé
23 pendant le courant de l'année 2001.
24 Est-ce que vous savez si des enquêtes ont été menées à bien et si des
25 identifications ADN ont été menées à bien pour ce qui est de ce qui a été
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1 trouvé sur ce site?
2 Réponse: Un certain nombre de sépultures se trouvaient dans un lieu que
3 nous avons appelé "Batajnica", dans la banlieue, si vous voulez de
4 Belgrade en Serbie, et cela se trouve au sein d'un bâtiment que l'on
5 appelait "le bâtiment du 13 mai" à Batajnica. C'était en fait un local
6 occupé pas des forces antiterroristes. La première de ces fosses communes
7 a été appelée "Batajnica I". Et un certain nombre de comparaisons basées
8 sur des examens ADN ont été menées à bien au sein d'un institut qui se
9 trouve à Madrid en Espagne.
10 Question: Très bien. Vous avez connaissance du fait qu'un de vos
11 collègues, M. Fulton, a fourni un rapport qui a été préparé par l'équipe
12 espagnole qui a travaillé sur ces examens d'ADN, n'est-ce pas exact?
13 Réponse: C'est exact. Les échantillons osseux qui ont été recueillis sur
14 les cadavres, que nous avons trouvés à "Batajnica I", ont été transportés
15 à cet institut de Madrid; des comparaisons ont été faites sur la base de
16 l'ADN de ces échantillons osseux et sur la base d'échantillons sanguins
17 également prélevés sur les membres vivants de la famille de ces victimes.
18 Jusqu'à ce jour, nous disposons de deux rapports fournis au Bureau du
19 Procureur: le premier rapport, le rapport préliminaire a été versé par le
20 biais de mon collègue, M. Fulton, et le deuxième rapport est le rapport
21 que nous avons à l'heure actuelle ici sous les yeux.
22 Question: Le premier rapport est la pièce 166. On le trouve, ce rapport,
23 sous l'onglet 28 du classeur de Suva Reka, qui a d'ores et déjà été versé
24 au dossier par le biais de la déposition du professeur Baccard, dont vous
25 vous souviendrez; c'était un pathologiste.
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1 Monsieur, vous avez indiqué qu'il y avait donc un deuxième rapport qui
2 existait. Nous allons demander à ce que des exemplaires de ce rapport
3 soient remis aux différentes parties présentes. Il s'agit bien d'un
4 rapport émanant du ministère de la Justice espagnole.
5 Est-ce que vous vous souvenez quand ce rapport a été reçu? Il porte la
6 date du 4 juillet 2002. Est-ce que vous savez quand ce rapport a été reçu?
7 Réponse: Il a été reçu par le Bureau du Procureur deux semaines plus tard,
8 soit vers le 16 juillet.
9 M. Ryneveld (interprétation): Lorsque vous aurez reçu un exemplaire de ce
10 document et lorsque ce document aura reçu une cote d'identification, je
11 reprendrai le fil de mes questions.
12 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation 313.
13 M. Wladimiroff (interprétation): Est-ce que je peux poser une question à
14 la Chambre sur ce dont nous sommes en train de traiter?
15 M. le Président (interprétation): Oui.
16 M. Wladimiroff (interprétation): Les amis de la Chambre pensent qu'il est
17 fort peu probable que l'accusé soit à même de contre-interroger le témoin
18 sur cette première pièce. La Chambre souhaitera peut-être se demander s'il
19 n'est pas nécessaire de se contenter de donner à ce document une cote
20 d'identification. Peut-être qu'il n'est pas bon que ce document soit versé
21 au dossier. Si l'accusé n'a aucune observation, aucune contestation à
22 émettre eu égard à ce document, peut-être pourra-t-il être versé, mais pas
23 dans un premier temps.
24 M. le Président (interprétation): Ce document peut être versé, c'est un
25 document fort éloquent qui parle de lui-même. S'il y a des questions qui
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1 en découlent, eh bien, il me semble qu'alors, le document pourra se voir
2 contesté pour certaines de ses composantes et d'autres éléments de preuve,
3 si nécessaire, pourront être présentés à la Chambre. Vous savez comme nous
4 que ce Tribunal admet l'ouï-dire, notamment dès lors qu'il s'agit de
5 rapports officiels. C'est donc quelque chose auquel il faudra réfléchir
6 peut-être en temps opportun.
7 M. Wladimiroff (interprétation): Cela ne me pose pas de problème. Je
8 voulais simplement attirer l'attention de la Chambre sur ce point, c'est
9 tout.
10 M. le Président (interprétation): Pour les raisons que je viens
11 d'invoquer, ce document est admis au dossier.
12 M. Ryneveld (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
13 Monsieur Zdrilic, vous venez d'entendre la Chambre dire que ce document
14 était fort éloquent et parlait de lui-même. Je vais vous demander
15 cependant de bien vouloir nous donner certaines informations de contexte.
16 Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui a été communiqué aux chercheurs
17 de Madrid? Quels sont les éléments dont ils ont pu disposer pour établir
18 ce rapport? Et puis, est-ce que vous pourriez nous dire exactement comment
19 les choses se sont déroulées pour que ce rapport soit produit?
20 M. Zdrilic (interprétation): Comme je l'ai dit, le laboratoire de Madrid,
21 sur la base d'informations reçues du Bureau du Procureur, a obtenu d'un
22 institut de Belgrade quelque 59 échantillons osseux. Ces échantillons
23 provenaient des cadavres et des restes humains qui ont été trouvés dans le
24 site d'exhumation Batajnica I. Ils ont aussi reçu un certain nombre
25 d'échantillons sanguins prélevés sur les membres des familles des victimes
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1 de l'incident qui s'est produit au café de Suva Reka en 1999.
2 Ces chercheurs madrilènes ont également reçu un certain nombre d'arbres
3 généalogiques qui montraient les liens existants entre les victimes du
4 massacre du café de Suva Reka. Cette équipe a aussi reçu un certain nombre
5 d'autres éléments et, sur ces bases, ils ont mené à bien des examens d'ADN
6 et des comparaisons d'ADN entre les échantillons osseux et sanguins qu'ils
7 s'étaient vu fournis.
8 Question: Est-ce que je vous comprends bien, Monsieur: ces arbres
9 généalogiques familiaux, est-ce vous qui les avez fournis? Ils montraient
10 le nom des victimes et les liens qu'ils pouvaient avoir avec les
11 différentes familles concernées?
12 Réponse: C'est exact.
13 M. Ryneveld (interprétation): Monsieur l'Huissier, je vais vous demander
14 votre aide. Est-ce que vous pourriez soumettre ces documents au témoin?
15 (Intervention de l'huissier.)
16 Monsieur le Président, j'ai un oeil sur l'horloge, je peux vous dire que
17 les quatre minutes qui nous restent ne me permettront pas de mener à bien
18 mon interrogatoire principal.
19 M. le Président (interprétation): Nous voulons nous interrompre bien à
20 l'heure, alors choisissez le moment le plus opportun.
21 M. Ryneveld (interprétation): Il me faudrait au plus dix minutes, mais je
22 ne pourrais me satisfaire de quatre minutes, donc je trouverai le meilleur
23 moment pour nous interrompre.
24 Pour que tout soit clair dans le compte rendu, je suis en train de vous
25 soumettre un certain nombre de documents qui portent l'intitulé "Annexe
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1 JZ1" et jusqu'à "JZ4"; il s'agit de tableaux qui portent une cote ERN.
2 Regardons la première annexe: JZ1. C'est vous qui avez été l'auteur de ce
3 document?
4 M. Zdrilic (interprétation): Oui.
5 Question: Très brièvement, pourriez-vous expliquer aux Juges de cette
6 Chambre ce qui apparaît sur ce document? Que sont ces rectangles, ces noms
7 que nous voyons dans ces rectangles? Comment vous y êtes-vous pris?
8 Réponse: Nous voyons ici en fait les liens familiaux existants entre les
9 victimes alléguées de l'incident du café de Suva Reka...
10 Question: Excusez-moi, peut-être serait-il bon que ce tableau apparaisse
11 sur le rétroprojecteur, afin qu'on puisse mieux vous suivre et mieux s'y
12 retrouver. Poursuivez, Monsieur Zdrilic.
13 Réponse: Dans le document JZ1, j'ai voulu faire ceci: j'ai voulu montrer
14 les liens qui existaient au sein de cette famille et de quoi était
15 constituée cette famille. En haut, vous avez le nom du chef de famille et
16 de sa femme. Entre parenthèses, vous avez l'âge des personnes concernées
17 en 1999; donc on voit les noms: Vesel Shaban et Sofia. De Vesel Shaban et
18 Sofia sont nés plusieurs enfants: Hajdin, Besim, Fatmire, Bege et
19 Dasurije.
20 Ces cinq enfants sont les enfants de Vesel Shaban et de sa femme Sofia.
21 Nous voyons sous le nom de leurs enfants, le nom des époux ou épouse de
22 leurs enfants. Il y a donc le nom et l'âge des conjoints de ces personnes.
23 Tous les noms qui ont à leur côté une croix sont les noms des personnes
24 qui sont sans doute des victimes de l'incident qui s'est produit au café
25 de Suva Reka en 1999. Les noms surlignés, en sombre, ce sont les noms:
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1 Vesel Shaban, Sofia, Besim, Fatmire, Genci et Graniti. Ces noms sont les
2 noms des personnes dont les restes ont été identifiés et trouvés au site
3 de Batajnica I.
4 Question: Donc nous passons de ces noms qui sont surlignés en gris; ces
5 noms, nous les retrouvons dans le rapport établi par l'équipe madrilène,
6 rapport qui vient d'être versé au dossier, n'est-ce pas?
7 Réponse: C'est exact. Genci et Graniti ont été identifiés grâce aux
8 examens de comparaison d'ADN; dans le rapport préliminaire de Madrid, ils
9 apparaissent déjà, et quatre autres noms ont pu être ajoutés. Ces noms
10 apparaissent dans le deuxième rapport dressé.
11 Question: On nous a demandé de bien vouloir nous interrompre bien à
12 l'heure.
13 Alors, encore une question. Connaissez-vous bien la procédure dite
14 "mitochondriale" utilisée pour établir ce rapport. C'est une procédure
15 permettant l'identification des personnes par la branche maternelle de la
16 famille, n'est-ce pas?
17 Réponse: Oui, on regarde dans le cadre d'une procédure mitochondriale les
18 caractéristiques génétiques, on essaie de faire correspondre les
19 caractéristiques paternelles et maternelles.
20 M. Ryneveld (interprétation): J'en ai terminé pour aujourd'hui, Monsieur
21 le Président.
22 M. le Président (interprétation): Nous traiterons du statut de ce document
23 en temps opportun. Nous allons nous interrompre ici.
24 Monsieur Zdrilic, je dois commencer par vous dire que vous ne devez parler
25 à personne de la teneur de votre déposition; ceci inclut les membres du
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1 Bureau du Procureur.
2 Nous reviendrons demain pour poursuivre votre interrogatoire. Merci à
3 tous.
4 L'audience est levée jusqu'à demain matin 9 heures.
5 (L'audience est levée à 13 heures 45.)
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