Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 26 septembre 2002.)

2 (Ouverture de l'Acte d'accusation de Croatie.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 02.)

4 (Audience publique.)

5 M. le Président (interprétation): L'accusation peut maintenant ouvrir

6 cette partie du procès.

7 M. Nice (interprétation): Aujourd'hui, vous le constaterez, nous avons la

8 présence du Procureur en personne avec Mme Uertz-Retzlaff et Mr Groome. Je

9 suis présent également. Nous allons faire quelques remarques

10 préliminaires. Ce sera d'abord le tour de Mme la Procureure, et puis, je

11 poursuivrai.

12 M. le Président (interprétation): Madame la Procureure, vous avez la

13 parole.

14 (Déclaration de l'accusation, par Mme del Ponte.)

15 Mme Del Ponte: Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

16 Ni M. Nice ni moi n'allons prendre beaucoup de votre temps ce matin. Moi-

17 même, je vais me limiter en quelques minutes à quelques questions de

18 procédure et de logistique qui ont été et continueront d'être d'une

19 pertinence particulière.

20 En février, je relevais que ce procès constituerait un test pour le droit

21 international humanitaire et son application. Manifestement, le test est

22 concluant à bien des égards. La faisabilité procédurale d'un tel procès

23 est établie.

24 L'accusation a présenté la partie consacrée au Kosovo en 110 heures, soit

25 l'équivalent de cinq semaines d'audience régulière. Cette performance

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1 témoigne de l'importance que l'accusation accorde à une administration

2 efficiente de la justice ainsi qu'elle l'a démontré en s'associant

3 activement à la recherche de solutions créatives en matière d'aménagement

4 de la procédure.

5 Mais un procès devant un fort international est inconcevable sans la

6 coopération des Etats. Et c'est sur ce terrain-là, en définitive, que se

7 joue le sort de tels procès. Car, à l'inverse des juridictions nationales,

8 la justice internationale n'a pas la possibilité d'imposer l'exécution de

9 mesures de contraintes. Or, la coopération des Etats de la République

10 fédérale de la Yougoslavie en particulier n'est pas exhaustive; il s'en

11 faut.

12 Durant la première phase de ce procès, la Yougoslavie a certes rendu

13 possible la déposition de plusieurs témoins et a facilité notre accès à

14 certaines sources de preuve. Mais cette coopération demeure lacunaire,

15 difficile, imprévisible. Surtout, et je le déplore vivement, elle ne

16 semble guère inspirée par la volonté ou par l'intérêt de s'associer

17 activement à l'établissement de la vérité.

18 Dans la section du procès qui s'ouvre aujourd'hui, la Yougoslavie continue

19 de détenir la clef d'éléments de preuve irremplaçables, qu'il s'agisse de

20 témoins qui devront être autorisés à témoigner ou d'archives civiles et

21 militaires auxquelles l'accès continue, à ce jour, de nous être refusé.

22 Je renonce à espérer que Belgrade encourage des témoins potentiels à venir

23 déposer. Je demande seulement qu'elle les autorise à venir en renonçant à

24 les poursuivre pénalement pour violation de secret d'Etat ou de secrets

25 militaires.

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1 Comme vous le voyez, beaucoup dépendra de la mesure dans laquelle des

2 tierces parties, la Yougoslavie en particulier mais pas exclusivement,

3 observeront leurs obligations légales vis-à-vis du Tribunal.

4 Qu'il me soit d'ailleurs permis de souligner que la coopération ne devrait

5 pas se limiter à la stricte observation de nos requêtes.

6 Les Etats et organisations internationales devraient, me semble-t-il,

7 contribuer activement à l'établissement des faits en soumettant à la

8 Chambre tous les éléments qu'ils savent pertinents dans cette affaire. Par

9 ailleurs, il est essentiel que la justice soit administrée en toute

10 transparence. Les audiences publiques doivent demeurer la règle et les

11 huis clos l'exception, que seule justifie l'impérieuse nécessité de

12 protéger au mieux les témoins menacés.

13 Ceci, nous le savons, s'accorde avec les vues de la Chambre.

14 L'administration transparente de la justice est un élément fondamental de

15 l'état de droit.

16 Nous appelons donc tous les pays qui sont en mesure de mettre des témoins

17 à notre disposition, à reconnaître au niveau de la justice internationale

18 les principes qui leur sont chers au niveau national.

19 Dans ce cadre, il convient de rappeler que la Chambre, à maintes fois,

20 rappelait qu'elle était disposée à prendre en considération l'intérêt

21 légitime des Etats et à accorder, le cas échéant, des huis clos partiels

22 destinés à protéger la confidentialité et le secret de certains éléments

23 de preuve.

24 La conduite efficiente de la partie du procès consacré au Kosovo tient en

25 grande partie à la coopération et au soutien de la Section des témoins et

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1 victimes, et en particulier -je veux bien le souligner- au courage, à

2 l'abnégation et à la compréhension des témoins.

3 Compte tenu de l'ampleur de ce procès, le fait que la Chambre ait entendu

4 des témoins sans interruption -à l'exception d'un hiatus de quelque 20

5 minutes- est une performance remarquable si l'on songe aux nombreux

6 impondérables facteurs échappant à notre contrôle.

7 Je rends ici hommage à la flexibilité et à la disponibilité manifestée par

8 les témoins dont certains, au hasard d'interruptions inopinées, ont dû

9 parfois prolonger de plusieurs jours leur séjour à La Haye.

10 Nous ne pouvons pas être certains de parvenir à une telle performance

11 procédurale dans la partie du procès que nous abordons aujourd'hui. Les

12 faits sont différents. Et la moindre proportion des témoins factuels par

13 rapport aux témoins qui évoqueront la responsabilité de l'accusé, et dont

14 la flexibilité est moindre, risque de rendre notre tâche plus ardue.

15 Mais la Chambre peut être certaine que nous ne négligerons aucun effort en

16 vue de continuer de nous assurer un flux ininterrompu de témoignage.

17 Je passe maintenant la parole, avec votre autorisation, à mon collègue M.

18 Nice. Merci.

19 (Déclaration de l'accusation, par M. Nice.)

20 M. Nice (interprétation): Messieurs les Juges, c'est l'accusé qui a

21 demandé que nous fassions des déclarations liminaires. Nous attirons votre

22 attention sur le fait qu'il y a des Actes d'accusation circonstanciés,

23 qu'il y a eu des propos liminaires très complets, des mémoires préalables

24 au procès auxquels l'accusé a toute latitude de réagir.

25 Il faut penser au public qui est le nôtre, et si nous gardons ceci à

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1 l'esprit, nous pourrons être concis. C'est vous, Messieurs les Juges, à

2 qui nous nous adressons. Il y a bien sûr un public plus large qui suit ces

3 débats, et celui-ci sera en mesure de voir que nous nous sommes bien

4 acquittés de notre tâche, comme Mme la Procureure vient de nous le

5 rappeler. Nous ne sommes pas ici pour faire de la bonne matière à

6 articles, à reportages.

7 Je vais me contenter de vous rappeler les événements qui sont à la base de

8 ce nouvel Acte d'accusation et je vais vous esquisser la thèse qui sera la

9 nôtre, à l'aide de quelques cartes en guise de rappel et de support

10 visuel. Et puis, je reviendrai sur quelques points de procédure.

11 Nous avons déjà de nombreux éléments de preuve concernant des événements

12 de façon générale, des éléments qui découlent du volet Kosovo du procès.

13 Vous savez qu'il y a eu le démantèlement de la Yougoslavie avec la montée

14 du nationalisme sous diverses formes, qui sont familières à la Chambre. Au

15 départ, les Serbes, pour l'essentiel, ont pris pour position ou ont

16 exprimé la position que l'Etat, s'il se dissout, doit se dissoudre en

17 groupes à composante ethnique, à savoir les Serbes, les Croates et

18 d'autres groupes qui sont reconnus officiellement. Pas bien sûr pour les

19 habitants du Kosovo.

20 La Chambre de première instance a reçu un jeu de cartes. Je vais demander

21 à l'Huissier de placer la première de celle-ci sur le rétroprojecteur.

22 (Intervention de l'Huissier.)

23 Je demanderai le versement de ces cartes en temps utile. Il s'agit de

24 documents qui n'ont d'autres ambitions que de nous aider.

25 La première carte, elle provient de l'atlas de Times sur les Balkans. La

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1 situation est assez complexe.

2 Vous avez une légende à gauche qui ventile les habitants par groupe et

3 minorité nationale. Vous avez diverses couleurs pour les Croates, les

4 Monténégrins. Il y a ventilation de ces groupes ethniques en fonction du

5 pourcentage d'occupation du territoire.

6 Et ceci nous montre, à lui seul, toute la complexité, toute la diversité

7 démographique de cette région. Inutile d'examiner ceci dans le détail

8 parce que le récit nous est fait par l'image.

9 L'idée de remanier ce ratio d'occupation pour faire de ces territoires un

10 lieu ou un groupe ethnique pourrait se retrouver seul, c'est une idée qui

11 n'allait jamais être simple à réaliser de façon pacifique. En fait, par la

12 paix, elle est impossible.

13 Nous pouvons nous écarter de cette carte.

14 La thèse de l'accusation est celle-ci: les Serbes ont planifié, ont pu

15 concevoir des plans sans pour autant s'asseoir autour d'une table. Le plan

16 conçu est qu'il y avait cette revendication des Serbes à une énorme

17 portion du territoire yougoslave, qui était commodément présentée comme

18 étant la volonté de rester en Yougoslavie. Même si cette expression, de

19 l'avis de l'accusation, a uniquement été ou est devenue une revendication

20 dissimulée en vue d'établir un Etat serbe.

21 Avant de passer aux événements à la base de ces deux Actes d'accusation

22 -celui qui porte sur la Bosnie et l'autre sur la Croatie qui vont faire

23 l'objet de cette partie-ci du procès-, quelques mots à propos de la

24 tentation.

25 La tentation est là de voir en l'accusé le seul architecte, mais il faudra

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1 y résister à cette tentation, tant que les contours précis de son rôle

2 n'auront pas été définis par les moyens de preuve.

3 En effet, des plans peuvent prendre forme sans qu'il y ait, au départ à

4 leur base, un seul auteur, un auteur seul. Il y a des individus qui

5 peuvent rejoindre ou choisir d'être à la tête de tel plan simplement par

6 opportunisme criminel, et peuvent devenir ou être considérés comme étant

7 essentiels à la construction de ce plan.

8 C'est peut-être là une réalité qui caractérise la vie personnelle de

9 l'accusé. Cet homme, envers qui ceux qui étaient engagés en vue de

10 l'exécution de ce plan se sont tournés pour trouver un chef, il a accepté

11 ce rôle.

12 En 1990, la Croatie a quitté la famille communiste. En août 1990, une

13 interruption éclate dans la Krajina croate. Vous entendrez qu'à l'époque

14 Stanisic, d'autres noms que vous connaissez bien, ont passé un certain

15 temps dans la région de la Krajina à armer peut-être les Serbes, à former,

16 à organiser la police serbe locale, des groupes armés en coopération avec

17 un certain Milan Martic dont vous avez déjà entendu parler et vous

18 entendrez parler encore.

19 Nous arrivons ainsi au début de l'année 1991 où vous avez la marche au

20 mois de mars de Karadjordjevo. Monsieur Mesic, le Président de la Croatie

21 en parlera.

22 Effectivement, un accord avait été conclu entre l'accusé et le Président

23 Tudjman de Croatie pour diviser, pour se partager la Bosnie. Un plan qui

24 existait déjà sans préjudice de la guerre en Croatie auquel il se livrait.

25 Karadzic, le dirigeant du SDS de Bosnie, partageait l'objectif de

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1 Milosevic. Il a dit notamment: "Il est aussi naturel que, le jour et la

2 nuit, les Serbes choisissent de vivre dans un seul et même Etat".

3 Le 15 mars 1991, l'accusé a annoncé que la présidence de la Yougoslavie

4 n'existait plus; et, effectivement, à une réunion qui était alors secrète

5 et qui réunissait des dirigeants de gouvernements locaux, il a révélé ce

6 qui était en fait son objectif: "C'est toujours le puissant et jamais le

7 faible qui dicte les frontières". Il a ajouté que la Serbie ne serait plus

8 tenue par les décisions prises par la présidence fédérale dont il allait

9 bientôt contrôler le reste.

10 La guerre évoquée par l'Acte d'accusation portant sur la Croatie commence

11 véritablement en août 1991. L'accusé est alors Président de Serbie.

12 Les institutions fédérales ne sont que sur le papier intact. Nous allons

13 découvrir que Kadijevic, qui était alors le ministre fédéral de la

14 Défense, était déjà considéré comme étant un homme qui répondait à

15 l'accusé, qui n'était alors -je le répète- que Président de Serbie. Et

16 même si cet homme n'avait pas de pouvoir officiel sur l'armée à l'époque,

17 il était en mesure d'exercer un contrôle effectif. Et ces mécanismes de

18 contrôles font apparaître un nouvel ordre.

19 Le sang coule pour la première fois au cours du printemps 1991 au cours

20 d'un affrontement entre la police croate et des Serbes rebelles. Il y a

21 des interventions de la JNA qui soutiennent les Serbes et non pas les

22 Yougoslaves. L'accusé, lui-même, insiste pour que l'armée défende la cause

23 serbe, même si en public il ne va pas nécessairement le dire. Ces

24 déclarations publiques avaient déjà pour objectif de se protéger de la

25 condamnation internationale.

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1 C'était là une dissimulation essentielle, tout comme il était essentiel de

2 masquer la participation serbe à la guerre. Nous allons le constater, ceci

3 a été reconnu par certains dirigeants serbes eux-mêmes quand ils n'étaient

4 pas sur leurs gardes, et c'est peut-être la raison pour laquelle l'accusé

5 a tellement agi par procuration.

6 Nous avions la présidence fédérale elle-même, la présidence tronquée, qui

7 est intervenue ou d'autres dirigeants à Knin ou ailleurs qui pouvaient

8 être dirigés et encouragés, approvisionnés, mais désavoués en public.

9 Je l'ai dit, M. Mesic, et aujourd'hui Président Mesic, devait être nommé

10 Président par roulement de la Yougoslavie. Mais il en a été empêché

11 pendant plusieurs mois, notamment aux mois de mai et de juillet, et ce

12 n'est qu'à contre gré qu'on l'a autorisé à occuper un pouvoir qu'il n'a

13 occupé effectivement que quelques mois jusqu'au mois de septembre.

14 Nous allons maintenant examiner une carte qui nous montre la répartition

15 ethnique en Croatie. C'est la deuxième carte qui concerne la Croatie.

16 (Intervention de l'Huissier.)

17 Je ne sais pas si les cartes que je vais vous fournir, qui sont en

18 couleur, vont apparaître sur le rétroprojecteur. Ici, vous avez le rouge

19 pour une majorité serbe, jaune pour la Croatie, pour les Croates.

20 Ce qui est remarquable, bien entendu, c'est que vers l'ouest… excusez-moi,

21 à l'ouest de la carte en général, mais en fait plutôt vers l'est ou vers

22 le centre de la Croatie, vous avez des zones où il y a une forte

23 prédominance rouge.

24 Même si vers l'est, vous voyez qu'il y a d'autres présences serbes, mais

25 pas de fortes présences, il n'y a pas de majorité qui se dégage

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1 clairement. Il y a des communautés mixtes et certaines où l'on trouve, et

2 ce n'est pas surprenant, une majorité croate.

3 Nous allons laisser cette carte sur le rétroprojecteur pendant un instant,

4 mais voici ce qui s'est passé:

5 Au début du mois d’août, la JNA commence à investir la zone de Baranja

6 dans le nord-est de la carte en Slavonie orientale, tout en accélérant, en

7 augmentant la cadence des attaques dirigées contre les villages croates de

8 la région.

9 Il y avait une pluralité croate dans la région. Il y avait davantage de

10 Croates que d'autres appartenances ethniques, mais la JNA a remis le

11 contrôle aux Serbes locaux qui ont fini par être dirigés par Goran Hadzic.

12 Et c'est ainsi qu'a commencé une campagne de terreur. L'Acte d'accusation

13 en parle. Il y a eu des arrestations arbitraires, des détentions

14 arbitraires, des assassinats en masse, des expulsions, des destructions de

15 biens; et ce fut le fait de paramilitaires, de forces locales serbes et

16 parfois de la JNA elle-même. C'est ainsi que se forme cette réalité de

17 forces conjointes, alliées agissant de concert.

18 Les paramilitaires qui font partie de ces forces alliées vont démontrer

19 qu'elles ont des liens étroits avec le MUP de Serbie, avec les proches

20 associés de l'accusé. Et l'accusé va les soutenir pendant des années, ils

21 ont des liens étroits avec l'accusé lui-même.

22 Les Croates ont fait le blocus de la caserne de la JNA vers la mi-

23 septembre et ceci explique peut-être ce qui s'est passé par la suite. Que

24 s'est-il passé? La JNA venant d'ailleurs avec l'aide des Serbes locaux, a

25 agi dans cinq directions afin de parvenir au démantèlement et à la défaite

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1 totale de la Croatie. Même si cet objectif de la JNA n'était pas

2 nécessairement celui de l'accusé à l'époque. J'ai déjà parlé de cette

3 divergence d'intérêt que j'ai synthétisée.

4 Je vais maintenant demander que l'on place sur le rétroprojecteur la carte

5 n°3.

6 (Intervention de l'huissier.)

7 Celle-ci vous montre les régions autonomes serbes qui furent déclarées.

8 Mais j'utilise cette carte pour une autre raison, même si elle ne reprend

9 pas les flèches qui nous intéressent.

10 En temps utile, nous apprendrons qu'il y a eu à l'époque des attaques

11 venant de Serbie vers la Slavonie Orientale. C'est la partie qui se trouve

12 en gras à droite. Il y a bien sûr dans cette zone la ville de Vukovar.

13 Des attaques ont été dirigées vers la Slavonie occidentale, depuis le nord

14 de la Bosnie -c'est la partie que vous voyez au milieu- qui avaient pour

15 objectif de couper les voies d'accès menant en Slavonie.

16 Il y a eu des attaques qui sont parties de l'ouest de la Bosnie vers

17 Karlovac et la frontière slovène pour couper Zagreb de la côte.

18 Et puis, il y a eu des attaques de Knin sur Zadar et Sibenik proches de la

19 côte qui avaient pour objectif la côte et pour objectif également de

20 couper la Dalmatie méridionale du reste. Nous reviendrions sur ces

21 éléments dans un instant.

22 Enfin -ce n'est pas indiqué, mais vous connaissez bien la topographie du

23 terrain-, il y a eu des attaques depuis le Monténégro et l'est de

24 l'Herzégovine qui ont été dirigées sur Dubrovnik.

25 Vous voyez Skabrnje près de Zadar? Là, il y a un incident saillant. Ratko

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1 Mladic, qui était alors chef d'état-major du 9e Corps de la JNA, a exécuté

2 une menace qu'il avait formulée et il a détruit les deux villages qui se

3 trouvaient dans cette région. Sans aucune justification, il a assassiné 45

4 Croates d'âge avancé, et 26 personnes ont été tuées au cours des mois qui

5 ont suivi.

6 Ratko Mladic était alors commandant de la JNA, supposée neutre, mais il y

7 avait également l'intervention de Milan Martic qui était commandant de la

8 milice rebelle serbe, et tous deux ont parlé publiquement de leur pleine

9 et entière coopération, voire de leur intégration.

10 Ces deux hommes, Mladic et Martic, vont par la suite tirer profit des

11 décisions prises par le présent accusé et par d'autres aussi qui ont

12 participé à ces décisions. Mladic allait devenir le commandant des Serbes

13 de Bosnie, Martic, lui, allait devenir le chef politique des Serbes de

14 Croatie. Et c'est cela qui a donné le feu vert à des hommes dont on

15 connaissait déjà les actes inévitablement.

16 Dubrovnik, la Vieille Ville, plus de 1.000 pilonnages sans d'autres

17 raisons apparentes que la volonté d'intimider ou d'effectuer des

18 représailles, là aussi, plus de 40 civils ont été tués. La Chambre devra

19 déterminer, en temps utile, s'il était possible de justifier ces attaques

20 ou si c'était simplement l'expression du mépris et des actions

21 disproportionnées ou si c'était là l'intention simple des auteurs de ces

22 actes criminels dont est responsable l'accusé.

23 Vukovar, c'est un exemple de la façon dont des pertes énormes ont été

24 subies. Rappelez-vous, cet hôpital avait été vidé de ses patients et 200 à

25 300 hommes blessés ont été exécutés.

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1 C'est un exemple de la façon dont, au fil du temps, la JNA a pris la

2 décision fatale de coopérer avec ceux qu'on appelait souvent des

3 "volontaires", mais qui n'avaient aucune place dans l'armée, de coopérer

4 avec des paramilitaires comme "Arkan".

5 Des limites de temps ont été imposées dans notre affaire, ce qui est tout

6 à fait naturel, si bien que nous sommes obligés de faire un choix parmi

7 les charges, mais ceci ne devrait pas nous mener à des conclusions

8 incorrectes et donner une mauvaise impression.

9 Vukovar et Dubrovnik, ce sont des villes -on le sait- qui ont fait l'objet

10 d'attaques. Mais d'autres villes ont été attaquées: Zadar, Osijek,

11 Vinkovci -qui se trouvent en Slavonie orientale- et il y a d'autres

12 petites villes qui ont été attaquées également.

13 Il y a également le fait que les événements, de triste mémoire, qui ont eu

14 lieu à Vukovar et Dubrovnik ne doivent pas faire oublier ce qui s'est

15 passé dans les villages environnants où des villages ont été pillés,

16 détruits, la population a été contrainte de fuir. Il est possible qu'on ne

17 relate pas l'histoire de ces hommes et de ces femmes, mais il ne faut pas

18 cependant les oublier.

19 Bien entendu, il n'existait aucune raison justifiant que des bandes de

20 criminels telles que celle d'"Arkan" participent de la manière que l'on

21 sait à cette guerre. Ce sont des bandes, des groupes qui ont -nous le

22 montrerons- bénéficié du soutien continu de l'accusé, ce qui indique bien

23 son intention criminelle.

24 Et il est indéniable, comme pourra nous le dire un témoin d'une réunion

25 avec Cyrus Vance, que l'accusé a vu porter à sa connaissance dans les

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1 termes les plus vigoureux qui soient, il a vu porter à sa connaissance les

2 faits dont s'étaient rendus coupables les hommes d'"Arkan".

3 En septembre, pendant que ces attaques avaient lieu, les Serbes de Bosnie

4 ont, quant à eux, mis en place des districts autonomes qui couvraient la

5 majorité du territoire de Bosnie. C'était la même chose que ce que les

6 Serbes avaient mis en place en Croatie, et vous aurez à ce sujet une idée

7 des éléments de preuve relatifs aux contacts qui existaient entre l'accusé

8 et les Serbes de Bosnie.

9 Je vais bientôt cesser de parler de la Croatie et passer à un autre sujet.

10 Mais il faut, je pense, souligner que beaucoup des crimes qui ont eu lieu

11 en Croatie, ont eu lieu vers la fin des combats, et, en tout cas, ce sont

12 des crimes qui n'avaient absolument rien à voir avec des objectifs

13 militaires quels qu'ils soient. C'était des crimes "tout simplement".

14 Par exemple, ceux qui ont eu lieu à l'hôpital de Vukovar, le massacre de

15 Vocin au moment du retrait des Serbes, les tueries qui ont eu lieu à

16 Skabrnje après le cessez-le-feu, ainsi que le pilonnage de Dubrovnik avant

17 le cessez-le-feu.

18 Nous avons maintenant atteint le mois d'octobre 1991, un mois sinistre, où

19 l'on peut discerner clairement un système, une ligne de conduite

20 délibérée.

21 La JNA avait commencé à incorporer des "volontaires" -j'en ai déjà parlé-,

22 la JNA a commencé à coopérer de manière très étroite avec "Arkan". Et nous

23 constaterons qu'autour de Dubrovnik, il y avait des officiers de la JNA,

24 qui non seulement ont toléré mais ont mené et dirigé le pillage et la

25 destruction de plusieurs villages pendant que le pilonnage aveugle se

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1 poursuivait et continuait à faire de nombreuses victimes.

2 Toute apparence de paix en Bosnie, à l'époque, était trompeuse.

3 Nous montrerons au moyen de conversations téléphoniques interceptées, que

4 les dirigeants des Serbes de Bosnie soutenaient la guerre en Croatie en

5 envoyant des volontaires et des recrues.

6 Le SDA a finalisé son plan de prise de pouvoir en imposant la séparation

7 ethnique, et Karadzic a mis en garde les Musulmans en disant que ceux-ci

8 allaient "disparaître".

9 Nous prendrons connaissance d'éléments de preuve documentaires qui nous

10 montreront que les Serbes se préparaient à prendre le pouvoir, et que ceci

11 avait lieu au même moment où l'on menait à bien les préparatifs aux fins

12 de la séparation ethnique. Ce qui est inconcevable, on pourra le voir au

13 moyen de cartes, sans vastes mouvements de population.

14 A Belgrade, le bloc serbe a abandonné toute légalité et a pris le contrôle

15 du pouvoir sous le contrôle effectif de l'accusé, comme pourra le dire M.

16 Mesic, entre autres.

17 On pourra voir se dessiner ce système dans lequel s'inscrivaient les

18 activités sur le terrain, aussi bien en Croatie qu'en Bosnie. Et la

19 Chambre a déjà connu ce genre de fait, puisque c'est ce qui s'est répété

20 au Kosovo plusieurs années plus tard.

21 On voit ainsi les forces serbes encercler, pilonner des villages. (Souvent

22 la JNA est concernée.) Ils entrent dans les villages; souvent avec les

23 forces territoriales, la police ou les unités paramilitaires. Parfois, ils

24 tuent certains des habitants, parfois tous les habitants. On utilise des

25 tactiques de terreur pour faire fuir la population dont on ne veut plus,

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1 on expulse les survivants, on pille les maisons, on détruit les villages

2 au moyen d'explosifs ou en y mettant le feu.

3 On voit donc ici un processus global qui est utilisé comme une arme pour

4 atteindre un objectif simple et unique et qui implique le meurtre de

5 nombreuses personnes.

6 Bien entendu, la question qui se pose à la Chambre de première instance

7 est de savoir qui détenait, qui employait cette arme, qui avait le moyen

8 d'exercer son influence sur cette opération, aussi bien en ce qui concerne

9 la période couverte par l'Acte d'accusation que pendant d'autres périodes.

10 Nous avançons quant à nous que la manière systématique et organisée dont

11 les attaques ont eu lieu contre la population civile non serbe prouve

12 qu'il existait une stratégie préparée avec soin et qui s'inscrivait dans

13 un plan global avec la collaboration de cet accusé.

14 Je vais demander maintenant que l'on présente la carte n°4.

15 (Intervention de l'Huissier.)

16 Les ambitions des Serbes en Croatie n'ont pas été entièrement suivies

17 d'effet. On voit ici, en bleu, les zones qui ont été déclarées

18 indépendantes, mais, en rouge, nous avons les zones où, en fait, ils sont

19 parvenus à amener à bien leur objectif d'occupation.

20 Pour ce qui est de la Bosnie, nous avons des éléments d'information qui

21 émanent du recensement et qui montrent la réussite des Serbes de Bosnie

22 dans leur opération, mais nous n'avons pas d'information de ce type pour

23 la Croatie après la guerre, parce qu'à ce moment-là, les gens étaient

24 revenus. Mais ici, sur cette carte, on voit la mesure dans laquelle ils

25 sont parvenus à modifier l'équilibre entre les différentes communautés

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1 ethniques.

2 Je vais maintenant demander, s'il vous plaît, que l'on présente la carte

3 n°5, une carte de Bosnie-Herzégovine.

4 (Intervention de l'Huissier.)

5 Nous avons ici des légendes qui sont semblables. On peut voir pour chaque

6 région les populations qui représentent la majorité: rouge pour les

7 Serbes, vert pour les Musulmans, et bleus pour les Croates. Et puis, il y

8 a aussi des zones où il n'y avait pas de majorité précise qui se

9 dessinait. C'est donc une carte extrêmement variée.

10 Comme on peut le voir, la carte qui se trouve en haut de la feuille –je

11 vous demande s'il vous plaît de faire un gros-plan sur cette carte- nous

12 montre la position en 1991.

13 Veuillez, s'il vous plaît, placer ce transparent sur la carte. Vous n'en

14 disposez pas dans votre jeu de documents, mais c'est un transparent sur

15 lequel a été reproduite la carte n°2.

16 (Intervention de l'Huissier.)

17 Etn bien entendu, je mettrai à la disposition de la Chambre ce

18 transparent.

19 On voit ici la composition de l'ensemble des groupes ethniques au début de

20 1991. Et ce qui est manifeste, en dehors du fait qu'il y avait une immense

21 variété dans la composition de la population, c'est que bien qu'il y ait

22 une zone largement habitée par les Serbes, qui se trouve à l'ouest et au

23 centre de la carte, il n'y a cependant pas de liaison entre cette zone et

24 la Serbie, puisqu'on constate, lorsque l'on place les cartes l'une sur

25 l'autre, qu'il y a un hiatus où l'on trouve Brcko.

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1 Et si l'on regarde l'est de cette carte, qui nous montre cette région, si

2 on regarde la frontière est, on voit une zone verte, et on voit qu'ici la

3 population musulmane est en majorité.

4 On ne peut donc pas raisonnablement avancer que les résidents de ces zones

5 orientales ni d'ailleurs les résidents de la zone environnante, qui est en

6 rouge, on ne peut pas dire que ces personnes-là souhaitaient quitter le

7 territoire.

8 Voici donc la situation telle qu'elle se présente en Bosnie et en Croatie.

9 Merci. Vous pouvez me rendre mon transparent.

10 (Intervention de l'Huissier.)

11 Voici donc la situation globale.

12 Parlons maintenant de la Bosnie.

13 Les crimes qui sont reprochés à l'accusé en Bosnie comportent le crime de

14 génocide, visé à l'Article 4 du Statut.

15 C'est un crime qui provoque de grandes émotions de la manière dont se le

16 sont appropriées les personnes qui ont souffert de crimes extrêmement

17 graves. Et c'est un crime -il faut s'en souvenir-, un crime qui peut

18 parfois entraîner des souffrances humaines moindres que les crimes qui ne

19 peuvent être qualifiés de génocide. C'est pourquoi, en tant que

20 Procureurs, nous devons être extrêmement prudents lorsqu'il s'agit de

21 déterminer quels éléments de preuve peuvent établir le crime de génocide

22 ainsi que le droit qui s'applique en la matière. Bien entendu, il

23 appartiendra à la Chambre de décider si les charges, qui sont présentées

24 dans l'Acte d'accusation à ce sujet, constituent un crime de génocide, ou

25 bien si nous avons ici plutôt affaire à des activités de persécution avec

Page 10200

1 destruction d'une partie de la population. Mais je le répète, bien

2 entendu, si on regarde la gravité des crimes au niveau de l'être humain,

3 il n'est pas sûr que l'un soit plus grave que l'autre.

4 A la fin de la présentation de nos éléments de preuve, nous affirmerons:

5 -que l'accusé avait l'intention de détruire en partie la communauté des

6 Musulmans de Bosnie afin d'atteindre les objectifs de son entreprise

7 criminelle là où les persécutions n'étaient pas suffisantes pour lui

8 permettre d'atteindre l'objectif recherché; ou bien, à défaut, nous

9 affirmerons que le génocide était une des conséquences naturelles et

10 prévisibles de l'entreprise criminelle conjointe qui a été menée pour

11 faire partir de manière permanente et par la force les non-Serbes du

12 territoire qui se trouvait sous leur contrôle;

13 -ou encore que M. Milosevic a été complice et qu'il savait que certains

14 des auteurs principaux étaient en train de commettre des actes de génocide

15 et qu'il a pris des mesures qui ont assisté à ces actes;

16 -ou bien encore que l'accusé, en tant que supérieur, savait ou avait des

17 raisons de savoir que des actes de génocide étaient en train d'être

18 commis.

19 En tout cas, l'accusé avait un rôle influent sur tous les membres

20 participants à cette entreprise criminelle commune. Il a utilisé son

21 contrôle et son influence sur des éléments de la JNA ou du MUP ou de la VJ

22 ou sur des hommes politiques de la Republika Srpska ainsi que sur des

23 dirigeants militaires de cette même Republika Srpska.

24 En tout cas, il a utilisé les ressources abondantes dont il disposait pour

25 garantir l'exécution efficace de ces projets toujours dans le cadre de ce

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1 plan global et général. Il a joué un rôle fondamental dans la

2 planification, l'organisation et le financement de ce plan. On peut dire

3 qu'il a donc été un participant absolument essentiel de cette entreprise

4 criminelle, dans la mesure où, sans lui, ces entreprises criminelles ou

5 cette entreprise criminelle était pratiquement inconcevable.

6 Parlons brièvement des crimes qui lui sont reprochés et des faits.

7 Les régions autonomes ici, que je vais vous montrer dans quelques instants

8 sur une carte, ont été, en septembre 1991, déclarées autonomes, donc.

9 Et nous vous présenterons des éléments de preuves détaillés au sujet de

10 certaines municipalités. Dans les municipalités, on a vu se reproduire les

11 mêmes événements.

12 Dans certaines municipalités, les non-Serbes avaient déjà été tellement

13 intimidés qu'ils n'ont présenté aucune résistance, et à cet endroit, les

14 forces serbes ont pu simplement prendre le contrôle de la région.

15 Dans d'autres régions, ils ont rencontré une certaine résistance, mais une

16 résistance souvent faible, et les forces serbes -composées de la JNA, des

17 unités spéciales du MUP- ont mené à bien des attaques sans tenir compte du

18 respect pour la vie humaine.

19 Et dans ces deux cas de figure, la population civile a été soumise à des

20 actes d'expulsions, d'emprisonnements, de tortures, de violences diverses.

21 Parfois, la population s'est vue contrainte de porter des brassards du

22 simple fait qu'elle n'était pas serbe; elle a été victime de diverses

23 persécutions; les gens se sont vus licenciés; on a assisté à des

24 plastiquages de mosquées et d'églises.

25 Il y a des facteurs significatifs qui indiquent la participation de

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1 l'accusé. Ils sont les suivants. C'est que dans certaines zones, la

2 participation des forces impliquait, signifiait que l'accusé y exerçait

3 une influence. Et nous avançons que l'accusé a eu une participation avérée

4 dans cette entreprise criminelle conjointe.

5 Je vais parler, puisque nous avons la carte nous les yeux, de deux

6 municipalités particulières et qui vont représenter la part du lion de la

7 présentation des moyens à charge de l'accusation dans cette affaire.

8 Vous vous souviendrez qu'au départ on avait inclus 47 municipalités dont

9 les charges reprochées à l'accusé. Dans un souci d'économie des moyens

10 judiciaires, nous avons décidé de nous pencher en détail que sur certaines

11 de ces municipalités et il y a d'autres municipalités sur lesquelles nous

12 passerons plus brièvement.

13 Et, enfin, il y aura une troisième catégorie de municipalités pour

14 lesquelles nous ne présenterons que des données démographiques.

15 La carte que vous avez maintenant sur le rétroprojecteur nous montre,

16 montre quelles sont nos intentions. En bleu foncé, vous avez ce que nous

17 appelons les "municipalités prioritaires", c'est-à-dire des municipalités

18 pour lesquelles nous donnerons des éléments de preuve complets et

19 exhaustifs. En bleu clair, vous avez les municipalités pour lesquelles

20 nous présenterons uniquement les éléments de preuve les plus importants et

21 pour voir la responsabilité de l'accusé. Et les municipalités rayées sur

22 la carte, ce sont des municipalités pour lesquelles nous ne présenterons

23 que des éléments de preuve plus limités. Nous allons cependant, comme vous

24 le voyez, traiter d'un bon nombre de municipalités.

25 Je vais commencer par parler de la vallée de Drina qui trouve à l'est.

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1 J'ai déjà parlé des SAO. Et il sera peut-être important pour la Chambre de

2 savoir quelles étaient les zones autonomes serbes. Vous les voyez ici:

3 Krajina, Bosnie du Nord, Semberija, Romania, Birac et Herzégovine.

4 Et la Chambre constatera qu'à l'ouest, Bihac ne se trouvait même pas dans

5 une de ces zones. Les municipalités de la vallée de la Drina, Zvornik,

6 Bratunac, Srebrenica, Visegrad ont été le théâtre des crimes les plus

7 atroces, mais ne faisaient pas partie de ces municipalités déclarées. Vous

8 vous souviendrez que, dans la carte 5, on voit très bien qu'il n'y a pas

9 de majorité serbe dans ces municipalités.

10 Dans la vallée de la Drina, je commence par Bijeljina, Zvornik, Bratunac,

11 Srebrenica, Visegrad, on trouve des municipalités qui ont la chose

12 suivante en commun: il y avait une minorité serbe. Sauf peut-être à

13 Bijeljina.

14 On savait d'ailleurs… En janvier 1992, l'accusé lui-même a produit une

15 carte à ce sujet, il était clair que les habitants de ces zones n'étaient

16 nullement intéressés à l'idée de se joindre à un Etat serbe. Ces

17 municipalités ont été prises au début de la guerre avec participation

18 serbe et avec participation des collaborateurs les plus proches de

19 l'accusé lui-même.

20 C'est et ce sont des personnes telles que Ojdanic ou bien des agents de la

21 DB des forces serbes de police qui ont pris ces municipalités.

22 M. Robinson (interprétation): Monsieur Nice, quel est le nombre total de

23 municipalités sur lequel seront présentés des éléments de preuve plus

24 complets que de simples données démographiques?

25 M. Nice (interprétation): Actuellement, le total est de 14 municipalités

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1 en bleu foncé, 24 en bleu clair.

2 M. Robinson (interprétation): Cela fait donc un total de 38?

3 M. Nice (interprétation): Oui.

4 M. Robinson (interprétation): Sur combien?

5 M. Nice (interprétation): Sur 47.

6 Oui mais, bien entendu, s'agissant des municipalités en bleu clair, nous

7 ne présenterons que des éléments de preuve partiels. Et, bien entendu,

8 nous avons travaillé sur cela pendant le mois qui nous a été accordé pour

9 nous préparer, mais il est possible que nous affinions encore la

10 présentation de nos moyens pour ce volet de l'affaire.

11 Maintenant, je reviens à la vallée de la Drina, où on a vu des expulsions

12 massives et les exécutions massives. L'autorité a été mise entre les mains

13 du SDS.

14 Les représentants d'organisations internationales et de la presse

15 internationale ont pu faire état de nombreux crimes, donc l'accusé était

16 au courant.

17 A Visegrad même, on a vu des éléments paramilitaires en provenance de

18 Serbie, on a vu des tueries massives, des personnes ont été brûlées vives.

19 Et on a même vu le colonel Jovanovic s'adresser à quelques milliers de

20 Musulmans réunis dans un stade de football et les informer donc que les

21 Aigles blancs -de triste réputation- se trouvaient sous son commandement.

22 Ces forces étaient entrées en ville suite à des tensions qui s'étaient

23 exacerbées entre les Serbes et les Musulmans à cause de ce que les

24 Musulmans avaient fait. Mais, pour l'accusation, ce sont des crimes

25 atroces qui ont été commis.

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1 Bosanski Samac a été pris par les forces spéciales serbes du MUP, le 17

2 avril, sous le commandement de Simatovic, avec la participation de la JNA

3 et de la police. Le SDS a pris le pouvoir et a mis en place des mesures de

4 persécution manifestes et a obligé les non-Serbes à porter des brassards

5 et toutes sortes d'agissements.

6 Brcko, j'en ai déjà parlé, cela se trouvait entre dans des zones dominées

7 par les Serbes, mais c'est une zone où on trouvait beaucoup de Musulmans.

8 Cette zone a été attaquée par des forces serbes, des unités

9 paramilitaires, des unités locales serbes, des membres de la JNA. On a vu

10 là des opérations de nettoyage ethnique, des exécutions sommaires. Tout

11 ceci mené par les forces spéciales du MUP serbe.

12 La Bosnie occidentale maintenant. On l'appelle parfois la Krajina de

13 Bosnie. Trois municipalités ont été ciblées dans le cadre d'une campagne

14 de persécution ou de nettoyage au début de l'été 1992.

15 Bosanska Krupa a été attaquée par la JNA et d'autres forces serbes. On a

16 assisté à des arrestations massives, à des exécutions, à des opérations de

17 nettoyage.

18 Prijedor a fait l'objet de nettoyage. Les hommes ont été envoyés aux camps

19 -de triste réputation- d'Omarska, Keraterm, Manjaca, Trnopolje. On a vu

20 des exactions très graves se produire ainsi que des exécutions massives, à

21 Sanski Most aussi, où il y avait beaucoup de Musulmans, la JNA avec la

22 Défense territoriale et la police locale a été impliquée dans des

23 exécutions massives, dans des arrestations dans des camps comme à

24 Prijedor. On a vu des expulsions massives se produire et les non-Serbes

25 qui restaient ont été exécutés par "Arkan" et par ses hommes. "Arkan"

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1 s'étant incorporé de manière effective à la DB serbe.

2 Sarajevo, maintenant. L'accusé a déclaré à la Chambre qu'il s'était opposé

3 au long bombardement qu'a subi Sarajevo entre 1992 et 1995.

4 Cependant, alors que publiquement il déclarait son opposition aux attaques

5 contre la population civile de Sarajevo, au même moment, l'armée de

6 Yougoslavie payait les officiers qui commandaient les forces responsables

7 de cette attaque. Et l'accusation va présenter des éléments de preuve

8 attestant de ce soutien financier, soutien aux officiers de la VRS, y

9 compris le général Galic qui a commandé le Corps Romanija de Sarajevo de

10 septembre 1992 à août 1994.

11 Ces campagnes, il faut s'en souvenir, et leurs conséquences et les

12 souffrances de la population, se sont poursuivies pendant tout le conflit

13 armé, malgré la présence de la Forpronu sur le territoire de 1992

14 jusqu'aux Accords de Dayton en 1995.

15 Bien entendu, on ne saurait faire un résumé des événements qui ont eu lieu

16 en Bosnie sans évoquer, en quelques mots, les zones de sécurité ou les

17 enclaves de cette région. Les campagnes militaires menées par la JNA et

18 l'armée de la Republika Srpska en 1992 ont eu pour conséquence de

19 contraindre les civils musulmans à se réfugier dans des zones du

20 territoire que l'on a bientôt qualifiées d'enclaves ou de zones de

21 sécurité à Bihac, Gorazde, Srebrenica et Zepa. Toutes les routes d'accès

22 dans ces enclaves étaient contrôlées par l'armée des Serbes de Bosnie. Les

23 autorités politiques et militaires serbes de Bosnie ont délibérément

24 empêché l'arrivée de ravitaillement en biens médicaux et en nourriture

25 dans ces enclaves. Les habitants de ces enclaves ont été soumis aux

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1 attaques des tirs embusqués; et toutes ces activités nous pouvons les

2 prouver. Tout cela avait pour objectif de créer "une situation

3 insupportable d'insécurité totale" pour que les habitants de ces enclaves

4 n'aient plus aucun espoir de survie.

5 Un instant, je vous prie.

6 Des agences d'aide humanitaire et d'autres agences internationales ont pu

7 décrire les négociations très intenses qui se sont menées avec les

8 dirigeants serbes de Bosnie et les dirigeants de Serbie dont l'accusé qui

9 est devant vous pour obtenir accès aux enclaves. Mais, même lorsque

10 l'accès était accordé, les convois d'aide humanitaire subissaient toutes

11 sortes de contraintes et de modes de harcèlement ainsi que des exigences

12 déraisonnables de la part des soldats sur le terrain. Donc les enclaves se

13 sont transformées de plus en plus en camps retranchés avec un grand nombre

14 de Musulmans pris au piège dans des zones de faibles superficies bien

15 définies.

16 Les éléments de preuve montreront que le logement était rare et que de

17 nombreuses personnes se sont trouvées sans toit à moins de devoir vivre

18 dans des conditions très précaires sur le plan sanitaire et sur le plan du

19 nombre de personnes par habitation.

20 Les gens avaient faim, ils cherchaient désespérément des vivres, ils

21 avaient peur de circuler à l'extérieur, peur d'être frappés par des

22 pilonnages aveugles ou des balles de tireurs isolés. Les hôpitaux étaient

23 surpeuplés, compte tenu du grand nombre de blessés par obus ou par balle

24 de tireurs embusqués. Le personnel médical surchargé de travail, les

25 amputations étaient routinières, pratiquées sans anesthésie. Et la

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1 population ne savait pas où s'enfuir. Elle n'avait pas de moyens de

2 s'enfuir. Un témoin l'a fait remarquer: "La pression créée parmi la

3 population civile était que l'enclave, dans laquelle celle-ci se trouvait,

4 ne pouvait pas supporter cette tension et que la mort de toutes les

5 personnes placées dans cette enclave était inéluctable".

6 Srebrenica et Zepa ont finalement été reprises par l'armée VRS au cours de

7 l'été 1995. Les autres enclaves sont restées sous le contrôle du

8 gouvernement bosnien pendant toute la guerre.

9 S'agissant de Srebrenica en tant que telle, l'enclave a été créée en 1993.

10 Des attaques ont eu lieu sur cette enclave. De temps en temps, l'armée

11 yougoslave intervenait. Et, au fur et à mesure de ces étapes, les

12 opérations contre Srebrenica de la part de l'armée de Bosnie-Herzégovine

13 se sont accrues; elles ont abouti en juillet 1995 à la décision prise par

14 Karadzic et Mladic de balayer, de détruire totalement l'enclave de

15 Srebrenica avec tous les hommes qu'elle contenait. Aucun doute bien

16 entendu -le rapport néerlandais peut le confirmer et il sera versé au

17 dossier- aucun doute à cet égard.

18 L'accusé était lié à Srebrenica de deux façons très importantes. L'armée

19 yougoslave a poursuivi son soutien à la VRS. Nous aurons par exemple

20 l'exemple de Krstic, le commandant d'une unité de la VJ, qui, lors de son

21 arrestation, portait une carte d'identité sur lui -qui sera versée au

22 dossier et servira de pièce à conviction. L'accusé est également lié à

23 Srebrenica par la présence, la participation et l'action des forces serbes

24 du MUP, de la police aux événements à Srebrenica et dans les environs.

25 Et pendant tout ce temps, l'armée yougoslave, qui avait succédé à la JNA,

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1 donc la VJ désormais, a pu être vue commettant des crimes comme ceux

2 qu'elle avait commis avant dans le reste de la Bosnie-Herzégovine, et ceci

3 en rapport avec la VRS. Pendant toute la guerre, ces situations se sont

4 poursuivies avec appui à l'armée sans réelle interruption. Sans le soutien

5 des forces serbes de Bosnie, il n'aurait pas été possible aux forces en

6 question de poursuivre leurs bombardements de Sarajevo, les attaques

7 menées sur les enclaves n'auraient pas pu être perpétrées, pas plus que le

8 génocide de Srebrenica.

9 Des pièces à conviction seront versées au dossier pour prouver tous ces

10 faits. Elles seront très complètes. On voit que l'ordre donné en novembre

11 par Ratko Mladic joue un rôle important dans ces pièces à conviction.

12 Je demande qu'on le place sur le rétroprojecteur.

13 Bien sûr, il y aura plusieurs pages, Monsieur le Président, Messieurs les

14 Juges, de pièces que vous pourrez examiner. Vous pourrez disposer

15 également d'un document datant du 17 novembre.

16 Sous le paragraphe D, à une certaine page, nous voyons les instructions

17 données au Corps de l'armée yougoslave.

18 Je cite-: "A partir de ces positions actuelles, le gros des forces devra

19 en permanence défendre Visegrad, Zvornik et le corridor, et le reste des

20 forces se répartira dans la région de Podrinje, pour épuiser l'ennemi, lui

21 infliger les pertes les plus lourdes possibles et le contraindre à quitter

22 les enclaves de Bihac, Zepa et Gorazde avec la population musulmane qui

23 s'y trouve."

24 Ces mots ne peuvent pas, ne pourraient pas, n'auraient pas pu être plus

25 clairs.

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1 (M. Nice annonce qu'il va ralentir un peu dans l'intérêt du travail de

2 l'interprète.)

3 Outre l'évolution des événements, auxquels l'accusé a contribué et sur

4 lesquels il a influé, la Chambre pourra entendre parler du soutien

5 personnel fourni aux Serbes de Bosnie à partir du moment de la création de

6 cette entité par l'armée serbe de Bosnie, dont les instructions venaient

7 de Belgrade. Les officiers de cette armée étaient payés par Belgrade;

8 12.000 officiers étaient en action en juillet 1992.

9 Un programme de financement et d'autres incitations ont permis aux

10 officiers d'encourager les officiers de l'armée yougoslave, de la VJ à

11 servir dans les rangs de la VRS, l'armée de la Republika Srpska, l'armée

12 des Serbes de Bosnie. Un système a donc été mis au point pour éviter toute

13 discorde au sujet du calcul des pensions de retraite et d'autres

14 émoluments touchés par ces officiers, et un accord a donc été conclu sur

15 ce point entre la VRS, l'armée des Serbes de Bosnie, et la VJ, l'armée

16 yougoslave.

17 La formation, l'entraînement étaient également octroyés. L'armée

18 yougoslave continuait à jouer un rôle important dans la formation de

19 l'armée des Serbes de Bosnie. Nous avons le cas d'un officier de l'armée

20 des Serbes de Bosnie, transféré en Serbie pour y suivre une période de

21 deux années de formation, c'est-à-dire formation dispensée par la VJ à

22 l'époque, et non la VRS. Ce n'est qu'un exemple qui montre bien le

23 changement d'affectation de ces deux forces.

24 Et même durant la période de fermeture de la frontière, nous aurons des

25 éléments de preuve qui nous montreront qu'en août 1994, par exemple, des

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1 instillations militaires de la République fédérale yougoslave ont été

2 mises à la disposition de l'entraînement des hommes de la VRS. Bien

3 entendu, il n'y avait pas d'activité militaire ouverte directement

4 visible, mais même après le retrait technique de la JNA, l'armée est

5 retournée participer à des campagnes en de nombreuses occasions.

6 Il y a eu donc appui et soutien. Et il est intéressant de constater que

7 l'accusé, dans les charges retenues contre lui par le Tribunal de

8 Belgrade, en avril 2001, a admis ouvertement le niveau de soutien

9 important qu'il avait accordé à l'armée des Serbes de Bosnie, soutien qui,

10 dans son pays, est considéré comme ayant permis le détournement de moyens

11 financiers importants hors de la République fédérale.

12 Donc s'agissant du soutien et de l'appui apporté à l'armée des Serbes de

13 Bosnie, le général Mladic a dit que 90% des munitions d'infanterie

14 utilisées avaient été fournies par la JNA et la VJ, et que, après le

15 retrait technique de ces dernières, plus de 11.000 tonnes d'équipements

16 militaires ont été encore fournies par la VJ aux Serbes de Bosnie. Ce qui

17 signifie des centaines de camions qui, sans doute, ont dû faire l'aller-

18 retour en franchissant la frontière serbe.

19 Et, bien entendu, la Chambre d'appel de ce Tribunal dans l'affaire Tadic a

20 admis l'importance du rapport existant entre ces deux armées. On y trouve

21 les mots suivants -je cite-: "Les forces armées de la Republika Srpska

22 étaient considérées comme agissant sous le contrôle global et au nom de la

23 République fédérale yougoslave". Cela se trouve au paragraphe 162 de

24 l'arrêt de la Chambre d'appel du Tribunal.

25 Cartes géographiques 8 et 9 à présent, je vous prie.

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1 (Intervention de l'Huissier.)

2 Les Juges de cette Chambre trouveront sur la carte n°5 un certain nombre

3 d'éléments, sur lesquels je reviendrai dans quelques instants; mais en

4 tout cas, nous y trouvons les municipalités primordiales comme nous avons

5 l'habitude de les appeler.

6 Un mot manque, en anglais, dans la légende. Il faut lire en anglais:

7 "Milosevic Trial related area". Le mot "Trial" donc manquait dans la carte

8 14.

9 Maintenant, si nous regardons les différents éléments de la carte 8, nous

10 voyons d'abord en bas la répartition en groupes ethniques en 1991 avec

11 différentes couleurs: le vert, le rouge, etc. Et au bas de la carte, nous

12 voyons les zones qui n'avaient aucun intérêt à redevenir serbes.

13 Et, en 1997, le rouge vous montre quelle était la situation de ce point de

14 vue. D'ailleurs, la ligne maintenant existe sur la carte, celle qui a été

15 décidée suite à la conclusion des Accords de Dayton, avec donc la

16 répartition telle qu'elle a été déterminée à Dayton du pouvoir entre la

17 Republika Srpska et la fédération. Nous y reviendrons dans quelques

18 instants.

19 Est-ce donc de cette façon que la campagne de nettoyage ethnique a été

20 réalisée? Nous en entendrons bien sûr parler par un certain nombre de

21 témoins, Messieurs les Juges, tout en soulignant que ce Tribunal n'a aucun

22 rôle politique, bien entendu, et qu'il n'est pas destiné à s'occuper ou à

23 expliquer le rôle politique de l'accusé durant la conclusion des Accords

24 de Dayton et la définition de cette frontière qui est apparemment

25 respectée par les deux communiqués. Donc, quoi qu'il en soit, sur ce plan,

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1 des participants et des observateurs à ces événements viendront vous

2 parler de leurs souvenirs: M. Eagleburger en particulier. Et ils vous

3 parleront des crimes révélés; crimes dont l'accusé que vous avez devant

4 vous est en particulier responsable.

5 Nous verrons donc un certain nombre d'éléments de preuve. Les éléments de

6 preuve s'agissant de l'accusé que vous avez devant vous proviennent de

7 sources diverses. Et il convient de pas perdre de vue le fait que les

8 criminels -et il arrive parfois que des hommes politiques jouent leur rôle

9 d'hommes politiques et s'avèrent par la suite avoir été des criminels-

10 mais en tout état de cause ils ne laissent pas derrière eux des preuves

11 destinées à des tribunaux; ils ne laissent pas de papiers derrière eux.

12 L'accusé, que vous avez sous les yeux, oeuvrait à partir d'un bureau qui,

13 très curieusement, était assez vide. Il traitait avec des individus en

14 privé, de façon à ce que les autres ne sachent pas ce qu'il avait pu dire

15 à telle ou telle personne. Mais ces individus -et nous parlons ici de

16 personnes qui pourraient témoigner- que nous considérons donc comme des

17 témoins potentiels et que l'on peut classer en plusieurs catégories en

18 créant des cercles concentriques à partir de l'accusé; cercles qui

19 s'éloignent de l'accusé progressivement.

20 Donc en prenant d'abord les personnes les plus proches de lui, les

21 personnes qui appartiennent au cercle intérieur, nous trouvons par exemple

22 le président Lilic, ex-président que nous entendrons très bientôt, nous

23 trouvons également M. Mesic, nous trouvons des gens dont les témoignages

24 seront intéressants de bout en bout pour les Juges de cette Chambre.

25 Et puis ensuite, nous avons d'autres personnes dans ce même cercle

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1 intérieur, des personnes qui avaient leur propre intérêt les poussant à

2 servir mais peut-être qui étaient plus enclines à respecter la vérité. Et

3 tous ces témoins du cercle le plus intérieur, notamment ceux dont

4 l'intérêt était de servir, sont des pierres que l'on retourne une par une

5 pour se rapprocher de la réalité des actes de l'accusé.

6 Ensuite, dans l'un des autres cercles plus éloignés de témoins, on trouve

7 des commandants militaires à différents niveaux, des responsables

8 politiques à différents niveaux, des collaborateurs qui pourront nous

9 donner quelques éléments de vérité, qui pourront nous dire quelles étaient

10 les limites de la vision de l'accusé, mais ils ne pourront pas faire toute

11 la lumière car ils ne savent pas tout, d'abord, et puis certains détails

12 donc leur sont restés obscurs.

13 Mais le cercle de témoins suivant jettera davantage de lumière sur la

14 personnalité même de l'accusé, et ces témoins permettront donc d'examiner

15 les crimes plus en détail. Enfin, nous arrivons au cercle le plus

16 extérieur de témoins où l'on trouve des gens qui seront entendus par la

17 Chambre, peut-être un peu moins longtemps ou peut-être par transmission de

18 documents écrits, des gens qui parleront des crimes commis mais qui ne

19 pourra pas parler beaucoup de l'accusé car ils n'ont pas croisé sa route

20 directement. Et puis, nous aurons des témoins qui vous donneront une

21 vision de la réalité vue sous un autre angle; et notamment un témoin qui

22 pourra vous dire presque toute la vérité au sujet de l'homme qui se trouve

23 devant vous.

24 Je souligne cela car l'une des tâches les plus difficiles et les plus

25 importantes qui incombent aux Juges de cette Chambre consiste à ensuite

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1 rassembler les éléments de preuve émanant de sources diverses, à

2 rassembler les petites parties de ce tout. Et ils seront aidés en cela par

3 des experts, des témoins experts qui vous permettront de mieux comprendre

4 comment et pourquoi l'accusé a agi comme il l'a fait.

5 Et c'est donc l'ensemble de toutes ces positions, l'ensemble de ces points

6 de vue qui vous rapprochera de la vérité et vous permettra de conclure à

7 la culpabilité de l'homme que vous avez devant vous.

8 Je reviens maintenant, si vous le voulez bien, quelques instants à une

9 catégorie particulière de témoins, c'est-à-dire ceux qui appartiennent à

10 ce cercle intime dont j'ai parlé tout à l'heure, le premier cercle.

11 Est-ce qu'il ne faudrait pas les citer à la barre, simplement parce qu'ils

12 risquent de pas dire la vérité ou toute la vérité? On peut imaginer, bien

13 sûr à titre d'hypothèse, que l'un d'entre eux se voit poser telle ou telle

14 question et qu'il réponde, qu'il témoigne en exerçant son jugement

15 personnel. Nous demanderons à la Chambre, dans ce cas, chaque fois que

16 cela est possible, d'ailleurs nous l'avons déjà fait avec nos témoins

17 précédents, nous demanderons aux Juges de cette Chambre -lorsque des

18 témoins de ce cercle intime seront entendus- d'accepter d'en entendre le

19 plus grand nombre possible, car nous ne savons pas ce que diront ces

20 personnes.

21 Et nous faisons confiance aux Juges de cette Chambre pour apprécier,

22 d'après les dires de ces témoins, le lieu où la vérité doit être

23 recherchée. Nous faisons confiance donc au fait que si ces témoins

24 acceptent de venir et de s'asseoir sur la chaise des témoins dans ce

25 Tribunal, le contre-interrogatoire pourra permettre de confronter leur

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1 position à la réalité et que certaines contre-vérités pourront être

2 prouvées.

3 Il ne faut pas que les témoins puissent échapper à la nécessité de

4 témoigner. Mais, bien entendu, dès lors qu'ils seront entendus par le

5 Tribunal, il importe qu'ils disent la vérité et sinon toute la vérité, en

6 tout cas, la plus grande vérité possible.

7 J'aimerais maintenant que nous revenions à la carte géographique n°5.

8 (Intervention de l'Huissier.)

9 Et que l'on puisse voir en même temps sur cette page la carte du haut et

10 la carte du bas. L'une des deux se retrouve en carte n°8, d'ailleurs.

11 Donc, vous entendrez des statistiques, des statistiques qui vous parleront

12 de décès, qui vous parleront de déplacements de population entre la

13 Croatie et la Bosnie, mais on ne voit pas sous forme graphique, on ne voit

14 pas directement l'importance de ces chiffres, de ces statistiques.

15 Cela étant, la carte du haut, et je vous ai dit qu'en Croatie les chiffres

16 du recensement n'étaient pas disponibles, mais sur la carte du haut, vous

17 voyez mieux, je pense, l'aspect humain de cette répartition ethnique dans

18 la région en Bosnie avant le conflit et la carte du bas vous montre une

19 image peut-être plus soignée.

20 Vous y voyez très clairement les endroits où les Serbes étaient

21 majoritaires, vous y voyez très clairement également les endroits où les

22 Musulmans étaient majoritaires, ainsi que ceux où les Croates étaient

23 majoritaires; les zones peuplées majoritairement de Croates et de

24 Musulmans ayant été imposées par la division qui s'est produite entre ces

25 deux groupes, comme les Juges de cette Chambre le savent déjà.

Page 10217

1 Donc des milliers de personnes et l'accusé que vous avez sous les yeux se

2 satisfont peut-être du caractère soigné sur le plan graphique des cartes

3 que nous sommes en train de voir, mais cet aspect soigné des cartes est le

4 résultat de milliers de meurtres, d'un nombre incalculable d'actes

5 inhumains et d'actes de nettoyage ethnique qui ont été commis.

6 Si la carte de Croatie pouvait vous être montrée sous les deux formes que

7 l'on voit ici pour la Bosnie, vous y trouveriez la présentation graphique

8 de la même inhumanité. Et les Juges devront se pencher sur ces actes.

9 M. le Président (interprétation): Nous levons la séance pendant 20

10 minutes.

11 (L'audience, suspendue à 10 heures 20, est reprise 10 heures 44.)

12 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic.

13 (Déclaration de la défense, par l'accusé M. Milosevic.)

14 M. Milosevic (interprétation): Je commencerai d'ailleurs par un problème

15 technique, si vous voulez bien, Monsieur May. J'aimerais un

16 éclaircissement sur ce plan.

17 En effet, vous m'avez limité mon temps de parole, vous m'avez accordé 3

18 heures maximum. Il est actuellement 10 heures 45 exactement, et je tiens à

19 constater que si nous comptons le temps qui me reste jusqu'à la fin de

20 l'audience d'aujourd'hui, il me manquera encore 20 minutes. Je tiens donc

21 à ce que ces 20 minutes qui me manqueront aujourd'hui soient bien prises

22 en compte et qu'elles me soient accordées demain matin au début de

23 l'audience.

24 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous disposerez effectivement

25 du temps qui vous a été imparti.

Page 10218

1 M. Milosevic (interprétation): Bien. Avant de commencer à parler,

2 j'aimerais que l'on diffuse une cassette. Je demande à la régie de bien

3 vouloir diffuser cette cassette.

4 (Diffusion sans interprétation de la cassette.)

5 (La cassette vidéo montre une personne qui parle allemand. L'interprète ne

6 parle pas cette langue.)

7 M. le Président (interprétation): Arrêtons la diffusion de cette cassette

8 pour un instant. Inutile d'avoir cette diffusion si nous n'avons pas de

9 traduction! Nous n'avons pas de traduction.

10 M. Milosevic (interprétation): Mais je suppose que vous recevez

11 l'interprétation à partir du serbe, car cette déclaration de Simon

12 Wiesenthal est sous-titrée en serbe, et les interprètes peuvent très

13 facilement lire ce que dit Simon Wiesenthal. Pour le reste, il s'agit

14 d'une déclaration assez courte, et le texte a été traduit en anglais,

15 sinon d'ailleurs en néerlandais.

16 M. le Président (interprétation): Nous allons nous enquérir auprès des

17 interprètes pour savoir si cela est faisable ou pas.

18 Les interprètes peuvent-ils nous dire si nous sommes en mesure d'agir

19 comme le suggère l'accusé, à savoir qu'il y ait traduction à partir des

20 sous-titres?

21 Merci. Fort bien. Nous pouvons recommencer la diffusion de cette cassette.

22 (Diffusion et interprétation à partir des sous-titres de la cassette.)

23 "Je sais, je sais. Il y a Neumann:

24 Hitler est entré en Croatie, et après la guerre, il a été condamné en

25 Yougoslavie à 20 ans de prison. Ensuite, il est retourné, il a écrit un

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1 livre au sujet de ses conversations avec Artukovic et d'autres. Ils m'ont

2 dit: 'Nous avons un problème avec les Serbes: un tiers d'entre eux doit

3 mourir, un tiers doit se convertir au catholicisme et un tiers doit rester

4 en vie'.

5 C'était le programme qui était le leur. Leur programme, les objectifs du

6 HDZ ne constituent qu'une reprise des points de vue de la République

7 indépendante de Croatie des Oustachis. Mais ils oublient que cet état

8 n'était pas seulement l'état de quisling, mais que c'était également

9 l'expression de la volonté croate de disposer d'un Etat croate dans le

10 cadre des intérêts de l'Allemagne d'Hitler qui voulait introduire un

11 nouvel ordre en Europe et créer de nouvelles frontières. La création d'un

12 Etat croate indépendant n'était donc pas uniquement un caprice de la part

13 de cette puissance, c'était quelque chose qui dépendait d'autres facteurs.

14 "J'ai vu cela un peu partout, à Munich, à Paris, ailleurs". La guerre

15 n'était pas finie, la guerre n'a pas pris fin. Ils ne se sont jamais

16 sentis vaincus". Et je vais utiliser une expression de Zagorje, "les

17 étrangers", en disant que "nos amis les Serbes, que nous essayions de

18 convaincre, ont également été vaincus". Ils n'ont jamais dépassé la

19 Vojvodine, ils ont dévoré la Vojvodine, ils ont dévoré le Monténégro. Ils

20 sont tout à fait prêts à dévorer la Bosnie-Herzégovine, et maintenant ils

21 veulent commencer à dévorer la Croatie.

22 Est-ce que nous allons autoriser cela? Nous sommes croates, est-ce que

23 nous ne sommes pas capables de porter les armes? Et à cette fin, dans ce

24 but, je dis 'Pro patria'!"

25 Les nôtres, certains particuliers en Croatie, sont ici avec certains qui

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1 n'ont pas toujours été amis de la Croatie et qui nous disent que nous

2 sommes coupables de la guerre. J'ai répondu à l'époque et je continue à

3 répondre qu'il n'y aurait pas eu de guerre si nous ne nous étions pas

4 écartés de notre objectif qui consistait à créer une Croatie indépendante

5 et autonome. C'est notre devoir qu'il ne faut pas perdre de vue.

6 Quels qu'ils soient, qu'ils soient hommes, femmes, âgés ou jeune, c'est la

7 Djihad, c'est-à-dire l'engagement sur la voie de l'intérêt musulman. C'est

8 l'ordre de Dieu qui nous est donné, c'est pour nous une obligation

9 humaine. L'armée fédérale yougoslave qui maintient le pays dans son

10 intégrité est actuellement aux mains de ceux qui veulent le démantèlement.

11 Lors d'un meeting à Split, en mai 1991, les manifestants ont défié les

12 soldats, et ont jeté le corps d'un homme décédé dans la rue.

13 Ceci correspond aux prévisions de l'agence centrale de renseignements

14 américaine, la CIA a dit, en octobre à peu près que -je cite-: 'La

15 Yougoslavie risquait un démantèlement dû à la violence dans un délai de

16 six mois à partir de la parution du rapport en question, mais personne n'a

17 fait attention à ce rapport'.

18 En juin 1991 cependant, James Baker, le secrétaire d'Etat, a décidé de

19 faire une tentative pour éviter le désastre. Il a pris l'avion de

20 Belgrade, capitale de la Yougoslavie, afin d'y rencontrer les dirigeants

21 des six Républiques. Et il a dit que: "Aucun d'entre vous ne devrait

22 prendre de mesures qui ne seraient pas acceptées par les autres".

23 Cependant, Milan Kucan et Franjo Tudjman dirigeants de la Slovénie et de

24 la Croatie pensaient pouvoir laisser de côté les déclarations du

25 secrétaire d'Etat. Ils ont déclaré leur indépendance le 25 juin, c'est-à-

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1 dire quelques jours à peine après cette visite parce qu'ils savaient

2 pouvoir compter sur le soutien du ministre des Affaires étrangères

3 allemand, Genscher et sur Aloïs Smok (phon.).

4 Le cycle de la violence qui allait ensuite détruire la Yougoslavie a

5 commencé avec le Président slovène Milan Kucan qui a ordonné à ses troupes

6 de se saisir des postes frontières avec l'Autriche et l'Italie. Les

7 drapeaux yougoslaves ont été descendus pour être remplacés par les

8 drapeaux slovènes. Le fait de descendre ces drapeaux c'était la fin d'un

9 pays reconnu internationalement. Je ne pense pas que Belgrade s'attendait

10 un seul instant à ce que ceci soit une résistance voilée. Genscher a

11 franchi la frontière pour rejoindre M. Tudjman. Et pour maintenir les

12 frontières fédérales, l'ordre a été donné de tirer sur les effectifs

13 yougoslaves, même sur ceux qui n'avaient pas de munitions. Cette

14 organisation internationale dirigée par l'Allemagne était que Markovic

15 ordonne le retrait de la Slovénie sans essayer de contrer les forces

16 séparatistes. Les dirigeants slovènes ont fait un gros effort de relations

17 publiques; des journalistes étrangers ont été gardés, occupés dans un

18 sous-sol par des briefings qui suggéraient que la Slovénie avait vaincu la

19 quatrième armée la plus forte d'Europe.

20 Il y a eu des reportages extensifs, notamment des briefings assez bizarres

21 de ce qui se passait en Slovénie. Ce qui s'est passé en Slovénie, c'est

22 que la Slovénie a déclaré l'indépendance et a établi des postes sur la

23 route. On voyait sur la télévision ce qui semblait être l'armée yougoslave

24 ayant des agissements violents contre les slovènes alors que les Slovènes

25 déclaraient l'indépendance. La presse étrangère a été manipulée et ceci a

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1 donné le ton de ce qui allait suivre en Bosnie et en Croatie.

2 La JNA a été sans cesse présentée comme étant une force d'occupation

3 dominée par les Serbes, mais la réalité est tout à fait autre. Veljko

4 Kadijevic, chef d'état major était mi-croate mi-serbe. Zvonko Zurjevic

5 était croate. Et Stane Brovec, commandant de la défense navale, était lui-

6 même slovène. Si l'on pensait qu'il était possible d'avoir une séparation

7 de la Slovénie sans une guerre, les Américains à l'inverse des Allemands

8 étaient d'un avis tout à fait différent: "Nous disons que s'il n'y a pas

9 un démantèlement pacifique en Yougoslavie, cela va provoquer une

10 formidable guerre. Malheureusement, il y a eu démantèlement non pacifique

11 et ceci par la déclaration unilatérale d'indépendance de la Slovénie et de

12 la Croatie".

13 Le fait que ces deux républiques se sont saisis des postes-frontières, ce

14 qui était un acte de force et qui était une violation des principes

15 internationaux. Cependant, les puissances européennes et les Etats-Unis,

16 en fin de compte, ont reconnu la Slovénie et la Croatie pour terminer la

17 reconnaissance de la Bosnie et puis les ont admis comme étant indépendants

18 aux Nations Unies. Mais le problème, c'était qu'il y a eu une déclaration

19 unilatérale, l'indépendance et l'usage de la force pour parvenir à cette

20 indépendance davantage que des négociations pacifiques qui auraient dû

21 aboutir à cette indépendance.

22 Alors que la plupart des pays d'Europe, y compris la France et

23 l'Angleterre s'opposaient à ce démantèlement de la Yougoslavie, il n'y a

24 que les Américains qui ont eu la force de s'opposer à l'Allemagne. Les

25 Etats-Unis pensaient que l'Allemagne allait être en partie responsable de

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1 l'incorporation de l'Europe orientale parce que c'était un intérêt de

2 l'Allemagne qui avait ces pays comme voisins et c'était aussi le pays le

3 plus puissant d'Europe qui avait les moyens de le faire. Au cours de la

4 période qui a suivi la guerre, l'Allemagne voulait une fois de plus -et

5 c'était manifeste-, elle voulait recoloniser la Yougoslavie, recoloniser

6 les Balkans et les Etats-Unis se sont joints, se sont associés à cette

7 politique allemande parce qu'elle avait besoin de cette influence

8 allemande pour stabiliser l'Europe Orientale et l'Europe Centrale grâce à

9 cette Union européenne. Et sous forme d'alliance potentielle avec les

10 Etats de l'ex-URSS mais il y avait un pays qui faisait obstacle, un pays

11 important en l'occurrence la Yougoslavie.

12 Le poids de l'histoire. Tous les citoyens de Croatie étaient au départ

13 divisés; voulaient-ils rester en Yougoslavie ou pas? Les séparatistes se

14 sont basés sur les éléments les plus extrêmes qui étaient des reliquats

15 des Oustachis pro-nazis. Comme le dit Rosenthal, un journaliste du

16 "New York Times", l'avait dit, il n'y avait pas d'exécutants plus prêts au

17 cours de la Deuxième Guerre mondiale à soutenir la cause allemande que les

18 Croates; et maintenant, ils reviennent 50 ans plus tard de ce qui aurait

19 eu dû être leurs tombes définitives: l'Allemagne nazis.

20 Hitler voyait en la Yougoslavie une création officielle et artificielle

21 plus exactement de ce traité de Versailles tant haï qui avait mis un terme

22 à la Première Guerre mondiale et, pour mettre un terme à ce traité, il a

23 établi un Etat fantoche, une Croatie grande et agrandie qui allait inclure

24 la Bosnie-Herzégovine.

25 Sous le patronage des Allemands, il y a eu une occupation de la Bosnie et

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1 il y avait une aile musulmane qui était très forte qui était représentée

2 au point de vue international par le Mufti de Jérusalem et il avait bien

3 sûr des avis opposés, anti-occidentaux, et il a été amené à Sarajevo et

4 lynché par des foules enthousiastes.

5 Après la fin de la guerre, la Croatie et la Bosnie n'ont jamais été

6 dénazifiées. Il y avait encore l'esprit de fraternité qui devait prévaloir

7 entre les peuples.

8 A la suite la mort de Tito qui avait longtemps été le dirigeant de la

9 Yougoslavie en 1980, les immigrés d'extrême droite, des organisations ont

10 placé des annonces dans les journaux, notamment dans le New York Times,

11 disant que la Yougoslavie n'allait pas survivre et a proposé quelque chose

12 qui ressemblait à cet Etat indépendant de Croatie, Etat nazi de la

13 Deuxième Guerre mondiale.

14 Arrivés l'année 1990, alors que le communisme s'effondrait en Europe

15 orientale, les séparatistes croates ont placé leurs espoirs dans un ancien

16 général communiste, Franjo Tudjman, qui avait été emprisonné pour excès de

17 nationalisme par Tito dans les années 70. Je l'ai rencontré peu de temps

18 après, alors que Tito était toujours vivant. Il défendait la cause et on

19 pourrait s'attendre… Non, il y a ces Serbes horribles qui nous oppriment.

20 Ce sont eux qui sont responsables de tout.

21 Tudjman a reçu une aide substantielle de l'extérieur de la Croatie dans le

22 cadre de ses pouvoirs. Les services secrets allemands ont été très actifs

23 en Croatie dans toute la Yougoslavie. Ils essayaient dans les années 80 de

24 lancer des passerelles entre ce qu'on appelait les communistes nationaux

25 -Mesic, Tudjman en Yougoslavie- ainsi que les organisations revanchardes

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1 des Oustachis qui vivaient dans la diaspora croate, parmi tous ces gens

2 qui avaient du poids, de l'influence, et qui avait échappé à l'Etat

3 fantoche de 1945.

4 Pour être plus utile, pour en venir à bout, c'était un programme xénophobe

5 qui ne posait aucun problème. Ce qui était difficile, c'est d'essayer de

6 vendre cette cause à l'Occident. Il y est parvenu en partie parce qu'il y

7 avait un bon lobby très effectif, beaucoup plus effectif et efficace que

8 le lobby serbe. Et il y est parvenu parce qu'en partie il a dissimulé sa

9 détention.

10 Tudjman a souvent embarrassé ses partisans les plus ardents, tel que le

11 chancelier Helmut Kohl. Par exemple, il avait écrit un ouvrage qui

12 minimisait les crimes commis par les Oustachis en affirmant que

13 l'holocauste était largement exagéré. "Grâce à Dieu, ma femme n'est pas

14 serbe ni juive", a-t-il dit à un journaliste. Il a choisi une réplique de

15 l'échiquier, cet emblème, pour en faire le drapeau national. C'est ce qui

16 était venu des camps de concentration de la Deuxième Guerre mondiale où

17 les Tziganes et les Juifs avaient été exterminé.

18 Avec l'aide de Ruder & Finn, société de relations publiques très influente

19 américaine, il a essayé de présenter une image déformée de la réalité.

20 Dans cet article, Tudjman promet qu'il n'y aura pas de purge à l'encontre

21 de la population serbe si elle se sépare de la Yougoslavie. Tudjman a dit

22 que "la Croatie, c'était pour les Croates", c'était sa devise initiale, et

23 cela voulait dire que les personnes qui n'étaient pas Croates -il y en

24 avait beaucoup: il s'agissait de Serbes, de Yougoslaves- eh bien, ces gens

25 étaient en fait des citoyens qui ne méritaient plus de l'être.

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1 Quelques six mois avant l'éclatement du conflit, les Serbes qui avaient

2 des postes de pouvoir au gouvernement, dans les médias, dans la police, se

3 sont trouvés l'objet d'une purge; leurs maisons ont été dynamitées dans

4 des villes comme Zagreb, Zadar et Dubrovnik. Pour la première fois depuis

5 la Deuxième Guerre mondiale, les Serbes se trouvant dans la Croatie

6 Orientale ont commencé à franchir à nouveau le Danube. Les Serbes qui

7 travaillaient dans les villes croates avaient l'obligation de signer des

8 serments de fidélité et, plus tard, ils ont été congédiés.

9 Le Président de la République de Croatie, Franjo Tudjman, nous a donné

10 l'autorisation pour la première fois de former des unités non armées sous

11 les hospices du HDZ.

12 Expulsion des Serbes en Croatie. Il y a Tomislav Mercep, un haut

13 représentant du parti de Tudjman du HDZ qui intervient. Plus tard, il sera

14 identifié par des rapports de police comme étant un des deux dirigeants

15 croates qui avaient dirigé des escouades de la mort qui avaient assassiné

16 des centaines de civils serbes en Slavonie orientale autour de Vukovar et

17 d'Osijek au cours de l'automne 1991. Il n'y a pas eu beaucoup de

18 couverture médiatique en Occident sur cet homme, mais il était en fait au

19 centre de la guerre qui a éclaté en Slovénie et à l'origine des conflits

20 qui ont déclenché la guerre en Croatie.

21 Il y avait Branimir Glavac de Osijek. A l'inverse de membres plus discrets

22 du parti au pouvoir du HDZ, Glavac n'a fait aucun secret du fait qu'il

23 s'identifiait avec les Oustachis de la Deuxième Guerre mondiale et il a

24 bien accueilli le retour des Oustachis dans le pays: "Sentez-vous libres

25 de dire que vous rentrez, que vous êtes Oustachis et fiers de l'être".

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1 Il y avait d'autres forces familières à l'œuvre. Osijek est devenu le

2 centre qui a attiré les forces fascistes, parmi elles les skinheads

3 britanniques, les néo-fascistes allemands et autrichiens ainsi que des

4 adeptes de Jean-Marie Le Pen.

5 Demain, nous partirons pour Zagreb pour obtenir des ordres… l'armée croate

6 régulière. Nous allons avec la force de défense croate qui dépend du Parti

7 du droit croate et donc nous partirons quelque part sur le front en

8 Slavonie, je suppose.

9 Les Etats-Unis qui ont vite adopté la politique "Allemagne des Balkans"

10 ont ignoré l'histoire contemporaine et ont offert une explication simple

11 pour les conflits qui avaient éclaté surtout dans cette partie peuplée

12 surtout de Serbes appelée "la Krajina".

13 Richard Holbrooke avait passé les premières années de la guerre en

14 Yougoslavie en tant qu'ambassadeur américain en Allemagne et il donne

15 l'avis des Américains: "Les Serbes ont commencé cette guerre, ils sont la

16 cause première de cette guerre".

17 Ceux qui ont essayé d'empêcher la guerre n'avaient pas le même avis: Lord

18 Carrington. En Croatie et même en dehors de la Croatie, les Serbes se

19 souvenaient parfaitement de ce qui s'était passé en 1941 et 1942, au

20 moment où Hitler avait déclaré la Croatie comme étant "un Etat fantoche

21 indépendant". Et on se souvient parfaitement des horreurs qui s'y sont

22 produites, de l'assassinat des Serbes; un nombre considérable de Serbes

23 ont été assassinés à l'époque, des centaines de milliers.

24 Personnellement, je pense qu'il est tout à fait compréhensible de voir ce

25 qui s'est passé au moment où la Croatie a déclaré son indépendance et a

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1 promulgué une nouvelle Constitution sans sauvegarder les 60.0000 Serbes

2 qui vivaient toujours en Croatie.

3 A ce moment-là, les Serbes étaient tout à fait perturbés par la chose;

4 c'est normal, c'est dû en partie à l'ignorance. Personne n'a pris la peine

5 de regarder l'histoire pour replacer les évènements dans leur contexte

6 historique et pour voir pourquoi les Serbes qui vivaient en Krajina et les

7 Serbes qui vivaient en Bosnie-Herzégovine, pourquoi ces Serbes vivaient

8 là. C'est à cause de l'expérience acquise au cours de l'histoire et ils se

9 sont trouvés sous le régime de Zagreb ou de Sarajevo.

10 Pour essayer d'éviter le désastre, la Communauté européenne a organisé une

11 conférence inter-gouvernementale en 1991 avec à sa tête un diplomate

12 britannique, Lord Carrington, afin de trouver un compromis entre ceux qui

13 voulaient se séparer de la Yougoslavie et ceux qui voulaient la garder

14 entière.

15 Le problème, c'est qu'il y avait des frontières administratives ou

16 internes qui avaient été mises au point par Tito en 1943 et qui laissaient

17 un tiers de la population serbe en dehors de la Serbie, surtout en Bosnie-

18 Herzégovine et en Croatie.

19 Alors que la Yougoslavie glissait vers la guerre civile en 1991, il y a eu

20 deux référendums le même jour en Croatie. Les électeurs croates ont voté

21 en toute majorité pour se séparer, à l'exception des Serbes de souche,

22 surtout ceux de la Krajina, qui ont surtout vécu pour le maintien en

23 Yougoslavie.

24 Les négociateurs de la Communauté européenne étaient favorables à un

25 compromis qui aurait permis à la Croatie de quitter la fédération

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1 yougoslave mais aurait permis aussi aux régions où il y avait une majorité

2 serbe de rester en Yougoslavie ou d'obtenir une indépendance ou une

3 autonomie substantielle. Les Serbes qui vivaient dans un Etat croate

4 indépendant se seraient vus garantir leur pleine citoyenneté et la

5 protection de leurs droits civiques.

6 Dans la ville, la capitale, Zagreb, le président croate semblait réticent

7 à l'idée d'accepter ce compromis qui aurait pu empêcher un conflit

8 militaire majeur, mais l'Allemagne a dit qu'elle allait reconnaître la

9 Croatie et la Slovénie à l'intérieur de ces frontières administratives

10 avant la fin 1991 et il n'y aurait pas de compromis.

11 Les Serbes étaient amers. Le premier acte de cette Allemagne réunie allait

12 être de séparer la Yougoslavie en au moins trois Etats indépendants, et

13 les Serbes de Yougoslavie en trois Etats indépendants.

14 Une occasion essentielle de diviser la Yougoslavie par des moyens

15 pacifiques a été menacée par l'action des Allemands. Il y a eu donc cette

16 conférence constitutionnelle qui a échoué parce que les six Républiques

17 voulaient leur indépendance, et il devenait clair qu'il allait y avoir une

18 guerre civile en Bosnie. C'est ce qui s'est passé.

19 Peres de Cuellar, secrétaire général des Nations Unies, a envoyé une

20 lettre vigoureuse aux dirigeants allemands, les mettant en garde de pas

21 reconnaître la Croatie et la Slovénie parce que ceci allait mener au

22 désastre. Il y avait une pression qui s'exerçait du parti par le parti de

23 Kohl et par le lobby qu'il y avait dans le sud de l'Allemagne. En Bavière

24 surtout. C'était une telle pression qu'il était difficile de poursuivre

25 une politique sans manifester ce soutien.

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1 Au moment où commence la guerre, le public allemand avait été préparé par

2 les attaques répétées contre les Serbes notamment par le biais du

3 "Frankfurt Allgemeine Zeitung". Peter Hanke se rappelle de la façon dont

4 Goebbels avait qualifié la race juive, vu ce qui se passait à ce moment-là

5 dans son pays. Vous avez la presse allemande représentée par excellence

6 par le "Frankfurter Allgemeine Zeitung" qui montre la vie(?).

7 Moi, je parlais aux Allemands au ministère des Affaires intérieures. On ne

8 l'appelait plus le "Frankfurter Allgemeine Zeitung", mais le "Zagreb

9 Allgemeine Zeitung". C'était un groupe de pression très puissant, très

10 influent, et je crois que c'est un facteur très déterminant. Le soutien

11 des Allemands au séparatisme croate a reçu un accueil inhabituel, des

12 remerciements manifestés à la télévision de Zabreg, à la télévision d'Etat

13 croate.

14 Ce cabinet de consultants en relations publiques, Ruder Finn, a permis à

15 Tudjman de mieux manipuler l'opinion publique; et ceci est apparu

16 clairement dans la façon dont la guerre a été couverte, notamment à

17 Dubrovnik, lieu privilégié de vacances pour les touristes allemands.

18 Avec sa firme de relations publiques américaine, le gouvernement croate a

19 pu convaincre le reste du monde que l'essentiel de la ville de Dubrovnik

20 était détruit par les Serbes au cours de l'automne 1991. L'opinion

21 publique a été portée à croire que l'attaque de Dubrovnik n'était pas

22 quelque chose de précipité mais était l'œuvre de la volonté la plus

23 négative, la plus délibérée.

24 Les forces croates ont attaqué la baie de Kotor et d'Otok et puis ont été

25 repoussées en subissant de fortes pertes. Les cibles, en dehors de la

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1 vieille ville, ont été touchées. C'étaient surtout des hôtels dont on

2 avait fait des casernes, dont les forces croates avaient fait des

3 casernes. A l'inverse de ce qui a été dit dans les reportages, peu de

4 dégâts ont été infligés à la Vieille Ville. On avait dit que 15.000 obus

5 avaient plu sur la ville: "On aurait pu détruire la ville en deux heures".

6 Or, elle n'a pas été détruite.

7 Peter Most, du "Washington Post", a rendu visite à la Vieille Ville

8 plusieurs mois après la fin des combats et il a trouvé Dubrovnik dans un

9 état pratiquement intact. Ceux qui se sont rendus sur des lieux où avait

10 régné le chaos, nous ne savons pas où ils sont, nous ne pouvons pas

11 communiquer avec les gens. Et il y a eu de la part des Croates un effort

12 orchestré, de la part des médias slovènes, allemands aussi, pour présenter

13 cette attaque comme étant une attaque des Byzantins contre la

14 civilisation.

15 L'Allemagne était déterminée à diriger la communauté internationale,

16 européenne plus exactement, pourtant réticente, afin que soient reconnues

17 ces Républiques séparatistes et que ceci entraîne le démantèlement de la

18 Yougoslavie.

19 Le fait de reconnaître la Yougoslavie, c'était quelque chose d'important.

20 Cela a fait l'objet de débats intenses au Parlement britannique. John

21 Major avait dit que "le prix à payer allait être fort".

22 Les Français avaient besoin de l'aide de l'Allemagne pour stabiliser leur

23 devise, et ils ont abandonné leur opposition à l'idée du séparatisme.

24 Les Etats-Unis étaient la seule puissance suffisamment forte pour

25 s'opposer à l'Allemagne. Elle a commencé à trembler, à hésiter.

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1 Eagleburger, secrétaire d'Etat, qui avait autrefois était ambassadeur

2 américain en Yougoslavie et qui parlait serbo-croate, connaissait les

3 écueils de la guerre, s'il y avait reconnaissance de la Croatie avant

4 qu'un accord soit établi entre les différents groupes ethniques.

5 Je pense que la leçon principale qui se pose ici c'est ceci: lorsqu'on on

6 est impliqué dans une affaire telle que celle-ci, alors que vous avez

7 derrière vous mille ans d'histoire, il faut comprendre quels sont les

8 risques qui peuvent se produire. Cela peut être assez dur de part et

9 d'autre.

10 Ici, on allait de nouveau sacrifier la paix à la pacification intérieure.

11 Il y avait bientôt les élections américaines. "Et effectivement", dit

12 Eagleburger, "c'était devenu une grosse question de politique intérieure,

13 parce qu'en puissance nous avions une grosse communauté croate surtout; et

14 M. Bush a perdu les élections parce que les gens étaient frustrés des

15 retards excessifs à leurs yeux pour ce qui est de la Croatie".

16 L'Allemagne encourageait la cessation armée de la Slovénie et de la

17 Croatie, mais c'est surtout l'étincelle a été allumée par Zimmerman.

18 On a insisté du côté des Européens pour que soient reconnus la Bosnie

19 ainsi que les deux autres Etats. C'était cela l'accord et c'est cela qui a

20 déclenché la guerre actuelle. Guerre qui, de l'avis des dirigeants

21 européens, aurait pu être évité puisque, effectivement, les Serbes de

22 Bosnie représentaient en fait la majorité en Bosnie, mais vu le haut taux

23 de natalité des Musulmans, ils sont devenus le groupe prédominant.

24 C'est une situation difficile à avaler par les Serbes. Et les Serbes l'ont

25 dit clairement dès le début: ils n'étaient pas prêts à accepter une

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1 situation où il y aurait eu une Bosnie indépendante en vertu de la

2 Constitution qui s'appliquait alors. Et effectivement, en vertu de cette

3 Constitution d'alors, il était illégal qu'Izetbegovic déclare son

4 indépendance. En effet, toute modification constitutionnelle de cette

5 ampleur devait obtenir l'aval des trois parties.

6 En privé, les dirigeants européens s'inquiétaient des liens étroits

7 qu'avait Izetbegovic avec l'Iran, s'inquiétaient de la possibilité de voir

8 naître un Etat fondamentaliste ou intégriste dans cette Union européenne.

9 Effectivement, bien avant d'arriver au pouvoir en Bosnie, Izetbegovic

10 avait des liens avec les Iraniens.

11 Dans son ouvrage, James Baker dit que Zimmerman l'avait fortement

12 encouragé à reconnaître la Bosnie, mais la reconnaissance de la Bosnie

13 défiait les normes diplomatiques les plus élémentaires. Pour qu'il y ait

14 reconnaissance d'un pays, il faut qu'il y ait plein et entier contrôle de

15 son territoire, des frontières clairement délimitées, une population

16 stable. Or, pas une seule de ces conditions essentielles existait en

17 Bosnie en février 1991 au moment où Zimmerman a fait la recommandation

18 qu'il a faite.

19 Des analystes du renseignement américain prévoyaient que ceci allait

20 entraîner la guerre. Même les Allemands ont pensé que la reconnaissance de

21 la Croatie pouvait être une erreur grave.

22 Nous avons entendu des opinions différentes au début de 1992. Lorsque les

23 Américains ont soutenu la reconnaissance de la Bosnie, nous, en Europe,

24 nous pensions qu'il importait d'abord d'établir un cadre destiné à toute

25 la région.

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1 Lord Carrington a essayé d'éviter la catastrophe en nommant Jose

2 Cutilheiro, le Président portugais, à la tête d'une mission destinée à

3 trouver un terrain commun avant la reconnaissance de l'indépendance de la

4 Bosnie. "Je lui ai demandé de se rendre à Sarajevo pour discuter avec les

5 représentants des trois partis bosniaques afin de voir s'il était possible

6 de trouver un accord dans le cadre d'un Etat indépendant bosniaque mais

7 intégré, c'est-à-dire une espèce de cadre dans lequel les trois entités

8 demeureraient ensemble. Cela prévoyait la création de trois cantons sur le

9 modèle de la Suisse."

10 Ceci, je crois, a été la dernière tentative pour essayer de préserver la

11 Bosnie, avant le début réel de la guerre.

12 "Si l'Accord de Lisbonne avait été adopté" comme l'a écrit le journaliste

13 britannique Misha Glenny plus tard, "la guerre n'aurait sans doute pas

14 éclaté". Mais deux jours après la signature de cet accord, suite à sa

15 rencontre avec Warren Zimmerman, ambassadeur américain, Izetbegovic a

16 changé d'avis et a renié sa signature. Izetbegovic a retourné sa veste

17 comme il l'a fait d'ailleurs à plusieurs reprises. Selon le "New York

18 Times", il était admis qu'Izetbegovic avait signé avec réticence cet

19 accord afin d'obtenir l'indépendance et la reconnaissance de la Bosnie.

20 Plus d'un an après le début de la guerre en Bosnie, Izetbegovic a admis

21 que le contenu de ce plan n'était pas mauvais. Mais on lui pose alors la

22 question de savoir: "S'il n'était pas mauvais, pourquoi vous n'avez pas

23 signé?" On lui a posé la question, on lui a demandé s'il n'acceptait pas

24 de voir ce que les Américains allaient faire pour lui. Ce qui sous-

25 entendait que les Américains pouvaient l'aider et qu'il n'était pas

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1 nécessaire pour lui d'accepter le plan Cutilheiro et de suivre les

2 Européens, mais qu'il pouvait, tout de même, aller dans le sens d'un Etat

3 indépendant bosniaque uni, donc ça c'était un tournant majeur.

4 L'administration américaine, le gouvernement américain a déclaré qu'il

5 pensait "la proposition inacceptable". Il n'y a donc pas eu d'accord entre

6 les Serbes, les Musulmans et les Croates et les trois parties ont commencé

7 à se mobiliser pour la guerre.

8 La Communauté européenne a voté sur l'insistance américaine pour la

9 reconnaissance de la Bosnie, le 6 avril, tout comme elle l'avait fait pour

10 la Croatie et pour la Slovénie. Et comme un journaliste du "New-York

11 Times" l'a écrit plus tard: "Ceci était très proche d'un acte de

12 négligence criminelle sur le plan politique". En fait, la reconnaissance

13 internationale et le début de la guerre en Bosnie ont été simultanés,

14 c'est-à-dire que la reconnaissance de l'indépendance a mis le feu aux

15 poudres et a entraîné la guerre. Les images montrent la région de Maglaj

16 en Bosnie.

17 "Allah Akbar! Dieu est grand! Nous en appelons au Djihad, la guerre

18 sainte. Allah Akbar! Dieu est grand! Nous en appelons au Djihad, la

19 guerre sainte."

20 La foule scande "Djihad! Djihad! Djihad!"

21 (Discours en arabe.)

22 Réponse de la foule: "Allah Akbar! Dieu est grand!"

23 (Suite du discours en arabe.)

24 Réponse de la foule: "Allah Akbar! Dieu est grand. Al Djihad, appel à

25 la guerre sainte."

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1 Quelques mots prononcés en serbo-croate (inaudible.) par Izetbegovic.

2 La foule répond "Allah Akbar! Dieu est grand!".

3 La décision de notre part de ne pas prendre par partie dans cette guerre

4 est une décision à laquelle nous nous sommes tenus fermement, et nous

5 avons l'intention de continuer à le faire. Au moment où William Perry, le

6 Secrétaire à la Défense américain, a témoigné devant le congrès en juin

7 1995 en disant que les Etats-Unis n'allaient pas prendre parti dans le

8 conflit yougoslave, toute une série d'opérations militaires secrètes

9 d'aide aux forces musulmanes bosniaque étaient déjà commencées.

10 Très loin au-dessus de l'île de Brac en Bosnie, les Américains s'apprêtent

11 à envoyer les UVES, véhicules militaires américains, pour aider aux

12 opérations, et un mois avant le témoignage de William Perry disons que les

13 Américains n'allaient pas prendre parti.

14 A ce moment-là, les zones majoritairement peuplées de Serbes prétendument

15 protégées par les Américains ont été attaquées par surprise par les

16 Croates. Un massacre de la population civile serbe de l'ouest de cette

17 région s'est produit, et des dizaines de milliers d'habitants ont traversé

18 le pont pour se rendre en Bosnie. Selon les sources croates, le nombre

19 d'attaquants était de mille, l'église croate affirme que des dizaines de

20 milliers de civils ont été tués, mais les responsables américains n'ont

21 pas rendu compte des atrocités, pas plus d'un meurtre d'un soldat

22 américain, parce que les Américains étaient profondément engagés dans le

23 raid militaire.

24 Au Conseil de sécurité des Nations Unies, des sanctions sont demandées

25 contre la Croatie, et ces demandes ont toujours été bloquées par Madeleine

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1 Allbright, représentante américaine. Six mois plus tôt, en novembre 1994,

2 le département d'Etat et le département de la Défense américain avaient

3 approuvé un contrat entre un groupe de généraux quatre étoiles à la

4 retraite et le gouvernement croate.

5 Un orateur, sur les images, dit: "Les Croates ont payé et ce financement a

6 été autorisé par le Pentagone. J'ai reçu constamment des rapports

7 d'officiers américains qui voulaient continuer une certaine activité

8 pendant leur retraite, et ont été envoyés en tant que conseillers auprès

9 des militaires du gouvernement bosniaque. Ils aidaient également l'armée

10 croate et étaient actifs sur le terrain.

11 Les généraux à la retraite décrivent un certain nombre de mercenaires,

12 membres d'une compagnie privée, comme des professionnels militaires qui

13 ont donc été intégrés aux forces de Bosnie.

14 Techniquement, dans les secteurs nord et sud, il y avait protection par

15 l'ONU, mais dans le secteur ouest qui était la zone prétendument protégée

16 pour les Serbes de Bosnie, cette zone a été détruite, ce qui a eu de

17 conséquences sur la Bosnie voisine. Lord Owen a écrit qu'en acceptant la

18 destruction du secteur ouest par le gouvernement, les Américains avaient

19 -je cite-: "donné le feu vert aux Serbes de Bosnie pour attaquer

20 Srebrenica et Zepa". Lorsque le bus du dirigeant paramilitaire Naser Oric

21 a attaqué à partir de Srebrenica, la zone de Visnjica, c'était le début

22 de l'attaque généralisée sur la ville."

23 Un orateur, dans le film, dit: "Chacun sait bien que Oric a lancé un

24 certain nombre d'attaques sur la zone censée être démilitarisée aux

25 alentours de Srebrenica, de l'enclave de Srebrenica qui était peuplée par

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1 des Serbes, et ce après un certain nombre d'avertissements qui disaient

2 qu'il ne fallait pas continuer en raison des dangers impliqués à Oric. Et

3 plusieurs milliers de ces soldats ont traversé le territoire tenu par les

4 Serbes pour pénétrer ensuite à Srebrenica et Zepa.

5 Les femmes et les enfants musulmans de Srebrenica ont été placés à bord

6 d'autobus conduits par des représentants des forces serbes pour être

7 envoyés en sécurité à Tuzla. Mais entre 1.000 et 2.000 hommes musulmans

8 ont été capturés par les Serbes qui leur reprochaient leur participation

9 aux massacres dus à Naser Oric. Un soldat croate qui prétend avoir

10 combattu auprès des forces serbes de Bosnie a témoigné à La Haye avoir

11 pris part à l'exécution de 1.200 Musulmans, même si le nombre de cadavres

12 retrouvés sur le site n'était que de 200.

13 Madelein Allbright, ambassadeur américain, a cependant gonflé les chiffres

14 pour décrire les pertes subies à Srebrenica comme inestimables. Selon le

15 Comité international de la Croix-Rouge, des milliers d'hommes musulmans

16 prétendument portés disparus ont été découverts dans les rangs de l'armée

17 musulmane près de Tuzla.

18 Un reporteur du "Washington Post" dit que plus de 4.000 Musulmans armés

19 avaient fui une ville toute proche pour intégrer les rangs de ces unités

20 militaires. Ceci a été confirmé par la suite dans un certain nombre

21 d'articles de presse.

22 La secrétaire Madeleine Allbright a beaucoup insisté sur l'utilisation de

23 8.000 à 10.000 hommes musulmans, hommes et jeunes gens, prétendument

24 exécutés à Srebrenica par les Serbes. Il n'y a rien qui nie, qui vienne à

25 l'encontre de ces chiffres officiellement.

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1 Un orateur du film dit que, cette année-là, un grand nombre de Serbes

2 civils a été assassiné. D'autres sources prétendent qu'Oric connaissait le

3 projet, qu'il ne voulait pas discuter très longtemps avec la SFOR.

4 Mehovic a affirmé que Izetbegovic avait parlé de sa rencontre avec

5 Clinton. Hakija nous a parlé de l'offre faite par Clinton qui proposait

6 que des Chetniks pénètrent dans Srebrenica et qu'une intervention

7 militaire s'en suive.

8 Il a demandé ce que son interlocuteur en pensait. Nous avons rejeté cette

9 proposition parce que nous pensions que c'était scandaleux de tuer des

10 milliers de personne pour cela.

11 Cependant, l'idée de Clinton proposant une attaque des troupes serbes

12 contre Srebrenica, entraînant par la suite un massacre destiné à justifier

13 une intervention militaire, malgré le fait qu'elle semblait tout à fait

14 ridicule, a bien correspondu à la réalité dans les termes utilisés par

15 Hakija.

16 Un rapport d'une délégation américaine indique que le Président

17 Izetbegovic a déjà infirmé que l'intervention de l'OTAN en Bosnie-

18 Herzégovine était possible, mais ne pouvait se produire que si les Serbes

19 pénétraient dans Srebrenica.

20 Le Président Izetbegovic a nié avoir prononcé de tels mots. Il n'admet pas

21 avoir demandé l'avis américain sur ce genre d'accord. Nous avons parlé

22 alors d'un échange. L'offre consistait à remplacer Srebrenica par un autre

23 endroit et nous avons rejeté les deux projets. Des négociations ont suivi,

24 destinées à entraîner une modification des cartes géographiques afin que

25 la Bosnie puisse intégrer les zones musulmanes situées le long de la

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1 Drina.

2 Au cours de l'année qui a suivi et d'attaques très meurtrières dans la

3 région de la Krajina bosniaque, le 1er août 1995 en particulier, les

4 troupes croates ont lancé une attaque importante sur la population serbe

5 de la Krajina dans les secteurs nord et sud.

6 C'était une opération à laquelle à peu près 100.000 soldats croates ont

7 participé, si je ne m'abuse, avec des chars, des avions, de l'artillerie

8 et toute sorte d'équipement.

9 Alors qu'officiellement on niait toute participation à ce que les Croates

10 ont appelé 'l'Opération tempête', les forces américaines soutenaient

11 activement ces opérations sanguinaires de nettoyage ethnique.

12 Les équipements américains utilisés pour bloquer les communications avec

13 les Serbes, à un moment critique, l'ont été de façon à ce que le

14 commandement et le contrôle ne puissent plus s'exercer dans ce secteur, et

15 ceci est montré dans un certain nombre de documents parlant des raids

16 réalisés dans les installations militaires de Krajina serbe par des avions

17 de l'aviation américaine avec assistance de radars et d'autres systèmes

18 techniques. Le pilonnage de Knin a été une erreur de bombardement voulue

19 destinée à hâter le départ de ce qui restait de Serbes dans la région et

20 ce, contre une population qui n'avait pas d'armes. Des gens sont arrivés

21 et ont assisté au massacre, ils en ont témoigné, ils en ont parlé devant

22 les caméras. On voit la population dans Knin qui prend la fuite.

23 Ayant annoncé le nettoyage ethnique, les planificateurs militaires

24 américains ont aidé la Croatie à le réaliser dans la plus grande opération

25 de nettoyage ethnique de la guerre jusqu'à ce jour. Il semble que

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1 l'incident le plus important ait eu lieu au cours des tout premiers jours:

2 170.000 personnes ont pris la route, ce nombre a très rapidement atteint

3 le nombre de 200.000. C'était un véritable fleuve humain qui se déplaçait

4 le long des routes. Un général américain à la retraite a confirmé que les

5 Américains ont participé et aidé à la mise en oeuvre de cette attaque.

6 La Croatie ne souhaitait pas intervenir militairement dans le secteur

7 ouest, pas plus que dans le nord ou dans le sud, mais le gouvernement

8 américain a approuvé complètement le plan croate pour toute la région.

9 Roger Cohen, du "New York Times", a cité un journaliste de l'armée

10 américaine qui confirmait qu'un général avait rencontré son homologue

11 croate quelques jours à peine avant le début l'opération "Désert", pour en

12 parler longuement. La tactique utilisée, lors de cette attaque contre la

13 Krajina, a été exactement la même que celle qui a été utilisée durant

14 l'opération "Tempête du désert".

15 Donc la thèse américaine, la doctrine militaire américaine était la même:

16 on attaque sur plusieurs fronts à la fois, à l'aide d'attaques éclair. Et

17 il est intéressant de constater que, en Croatie, l'opération a été appelée

18 "Opération tempête" par analogie sans doute avec "Tempête du désert".

19 La façon dont ces forces ont été déployées et utilisées rend compte du

20 mode d'entraînement dont avaient bénéficié les hommes; un mode

21 d'entraînement très efficace qui répondait tout à fait à la politique

22 militaire américaine. Des officiers américains et canadiens ont identifié

23 le commandant albanais Agim Sekujc comme responsable du massacre de civils

24 serbes. Cet officier voulait des mises en accusation contre le commandant

25 de l'artillerie, en particulier le commandant de l'opération, et même

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1 contre le Président croate Tudjman pour son rôle dans cette affaire.

2 Le commissaire de l'Union européenne fait remarquer que 10.000 civils

3 serbes sont portés disparus dans ce flot de réfugiés qui a quitté la

4 Krajina suite à l'attaque des Croates; la plupart d'entre eux ont fini

5 dans des fosses communes. Lorsque vous arriviez dans un village, vous y

6 trouviez le cimetière et toutes sortes de noms, très nombreux, 90% des

7 noms indiquant quelle était l'origine de ces personnes.

8 Quelquefois, je pense à ce qui s'est passé là, je pense aussi au rôle des

9 Américains dans la préparation de cette armée. Je me suis rendu compte

10 qu'éduquer les soldats était un rôle important et que cela aurait dû être

11 un rôle dévolu à la démocratie, mais que ce rôle a été dévoyé.

12 Je ne pense pas que les Américains aient établi le rapport entre ces

13 crimes de guerre incroyables, qui se sont passés récemment en Krajina, et

14 le fait que l'armée croate a été entraînée et conseillée par la direction

15 militaire américaine précédente, si l'on peut dire. En fait, ce sont des

16 complices du massacre lié au nettoyage ethnique des Serbes en Croatie, et

17 ce, ils l'ont été pendant de nombreuses années.

18 Je pense que nous devons revenir en arrière et nous rendre compte que

19 certains principes ont été dévoyés; principes qui étaient censées résoudre

20 les problèmes plutôt que les créer.

21 Le département d'Etat présente des sources, reprises par le "New York

22 Times" et David Binder, son reporter, selon lesquelles le feu vert à

23 l'opération "Tempête'" est venu de l'envoyé américain Richard Holbrooke,

24 qui s'est rendu à Zagreb pour rencontrer le Président croate Franjo

25 Tudjman, deux jours avant l'attaque.

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1 Au début, Holbrooke insistait pour empêcher l'opération "Tempête", mais,

2 dans ses mémoires des négociations de Dayton, il admet avoir encouragé

3 cette opération finalement; opération qui a conduit à l'épuration des

4 Serbes et à leur départ de leurs foyers en Krajina. Si vous lisez les

5 mémoires de Holbrooke, vous voyez qu'il encourage le gouvernement croate

6 de toutes les manières possibles à lancer cette opération.

7 Ayant bloqué les négociations américano-européennes pour les accords de

8 Bosnie, le gouvernement Clinton encourage l'offensive militaire commune de

9 la part des forces croates et musulmanes dans l'ouest de la Bosnie. Comme

10 l'opération "Tempête", cette offensive a été dirigée contre des civils

11 serbes, destinée à les chasser de chez eux.

12 Le nettoyage ethnique effectué par le gouvernement a déjà été dénoncé.

13 Dans son ouvrage, publié à la fin de la guerre, Richard Holbrooke écrit

14 qu'il a même servi de conseiller aux forces croates quant aux villes

15 serbes de Bosnie qu'il convenait d'attaquer. Ces attaques ont eu lieu au

16 moment pratiquement où les réfugiés de l'opération "Tempête" étaient en

17 train d'être découverts dans des fosses communes en Bosnie occidentale.

18 L'année suivante, après les Accords de Dayton, une fosse commune contenant

19 des civils serbes a été découverte à Mrkonjic Grad, et à ce moment-là, en

20 1996, c'était la plus grande fosse commune découverte due à la guerre en

21 Bosnie.

22 Avec les Musulmans et les Croates, et leur attaque en Bosnie durant l'été

23 et l'automne 1995, les soldats américains ont commencé à intervenir

24 ouvertement contre les Serbes. Tout cela était nécessaire. Et un incident

25 s'est produit dans les zones de sécurité. Le 28 août 1995, une explosion a

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1 eu lieu sur le marché de Markale à Sarajevo, tuant de très nombreux

2 innocents et fournissant un prétexte aux bombardements de l'OTAN.

3 Selon le "Times" de Londres, des enquêteurs français et britanniques ont

4 déclaré que l'obus provenait de positions tenues par les Musulmans à

5 Sarajevo, mais que des officiers américains n'ont pas tenu compte de leur

6 point de vue.

7 Ce qui est important, à l'époque, c'est que quelques heures après cela,

8 après cette réplique incroyablement massive de la part de l'OTAN, on a pu

9 constater qu'elle avait été orchestrée puisqu'elle a eu lieu en quelques

10 minutes à peine. L'OTAN a lancé ses avions pour attaquer les positions

11 serbes très peu de temps après. Donc l'excuse était toute trouvée.

12 J'ai étudié l'incident de Markale-1 et Markale-2 pendant longtemps. J'ai

13 étudié la scène de l'incident, que j'ai montrée à un certain nombre

14 d'enquêteurs, de professionnels avec lesquels j'ai discuté, et je suis

15 persuadé qu'il y a eu deux explosions dues aux forces musulmanes.

16 Contourner le Conseil de sécurité des Nations Unies, qui avait pouvoir

17 légal d'agir en Bosnie, c'est ce qu'ont fait les Américains lorsqu'ils ont

18 choisi leurs cibles serbes en Bosnie. Certaines d'entre elles commandées

19 par des commandants musulmans fournis par eux.

20 Nous sommes intervenus dans la guerre, nous avons pris le parti des

21 Musulmans, nous sommes devenus la force de bombardement contre les Serbes

22 censés avoir commis des atrocités, et ces atrocités avaient précédemment

23 et prétendument été commises au sol, ce qui permettait une attaque

24 aérienne.

25 Ce qui m'a frappé, c'est que mes amis de l'époque du Vietnam, ont en

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1 quelque sorte pris parti contre l'intervention militaire américaine qui se

2 préparait. Pour le gouvernement Clinton, l'intervention en Bosnie était

3 une possibilité de justifier la poursuite de l'intervention de l'OTAN et

4 de la domination américaine sur l'Europe.

5 Le problème de l'OTAN au début des années 1980 consistait simplement à

6 mettre un terme à sa mission. Elle avait pour but de protéger l'Europe

7 Occidentale contre une expansion éventuellement agressive de la part de

8 l'Union soviétique, et, en toute logique, l'OTAN aurait dû mettre un terme

9 au rôle joué par elle à la fin de cette époque.

10 Les Balkans étaient devenus otages des Américains en fait, et l'Amérique

11 voulait continuer à dominer l'Europe. Des responsables américains de haut

12 rang ont pris des positions politiques au sein du gouvernement. Je pense

13 que le désastre d'aujourd'hui est le résultat d'erreurs politiques, je

14 pense que nous avons reconnu trop rapidement ces Républiques et leur

15 indépendance."

16 (Fin de la diffusion et de l'interprétation de la vidéo.)

17 M. Kwon (interprétation): Monsieur Milosevic, avant d'aller plus loin,

18 pourriez-vous nous dire quelle est la source, l'origine de cette cassette?

19 Est-ce une cassette originale ou une compilation?

20 M. Milosevic (interprétation): Comme vous pouvez le voir, il y a toutes

21 sortes de déclarations faites par des représentants occidentaux très

22 divers et uniquement d'ailleurs des personnalités très importantes. Donc,

23 il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une compilation; une compilation

24 destinée à illustrer en quelques images la situation, et que j'ai pu

25 obtenir.

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1 M. Kwon (interprétation): Est-ce que vous pourriez plus tard soumettre aux

2 Juges de cette Chambre une copie de cette cassette?

3 M. Milosevic (interprétation): Il en existe plusieurs exemplaires, cela ne

4 sera pas un problème de la soumettre à la Chambre.

5 (Hors micro.)

6 La question du droit international pour ce qui est de la crise yougoslave,

7 le seul sujet internationalement protégé avait été en fait la Yougoslavie.

8 En sa qualité de membre des Nations Unies, elle avait été le seul

9 titulaire d'une subjectivité en matière de droit international. Et donc,

10 sur ce territoire-là, il n'est point question de guerres -au pluriel- qui

11 ont été conduites mais une seule guerre contre la Yougoslavie.

12 Cette guerre a été encouragée et dirigée de la part des plus grandes

13 puissances du monde contemporain. Et ceci en prenant appui sur des alliés

14 à l'intérieur du pays, à savoir des noyaux nationalistes et séparatistes

15 avec la présence prédominante des forces qui avaient été battues pendant

16 la Seconde Guerre mondiale.

17 Cette guerre a été conduite par tous les moyens: par les médias, par des

18 moyens économiques et des moyens militaires. Cette guerre a d'abord été

19 conduite par une campagne décennale dans les médias, moyennant abus sur

20 des mass médias. Puis avec intervention politique qui avait pour visée la

21 mise en place d'Etats indépendants à partir des Républiques yougoslaves.

22 Ensuite, avec une campagne décennale et des sanctions économiques qui

23 avaient été déployées contre la République fédérale de Yougoslavie, qui

24 avaient pu être qualifiées de génocide uniquement. Et, pour finir, par une

25 agression militaire dans le courant de l'année 1995 contre la Republika

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1 Srpska. Puis au cours de l'opération "Tempête" -comme nous l'avons vu tout

2 à l'heure– avec la participation des effectifs de l'OTAN dans le courant

3 du plus grand nettoyage ethnique qui ait jamais été enregistré, ainsi

4 qu'en 1999 contre la République fédérale de Yougoslavie.

5 Donc, cette grande campagne médiatique, économique, politique et militaire

6 pour briser la Yougoslavie et pour recomposer les Balkans, est truffée de

7 manipulations pour ce qui est des soi-disant, des prétendus génocides

8 réalisés par les Serbes, qui doit être… finit par être couronnée par cet

9 Acte d'accusation erroné. Et ce, pour parachever le rôle historique et la

10 vision historique qui avait été la leur et pour camoufler l'objectif qui

11 est celui d'intervenir au niveau de l'histoire, à savoir pour dire que par

12 un procès en justice, et par là, des voies juridiques, il est possible de

13 camoufler, de dissimuler les manipulations. Et ceci pour camoufler

14 l'anéantissement décennal de tout ce qui avait constitué la Yougoslavie et

15 aux fins d'annihiler la responsabilité de ceux qui en sont véritablement

16 responsables.

17 C'est pourquoi je me propose de dire que ce Tribunal illégal n'existe pas

18 dans un domaine juridique, il existe dans les domaines des médias. Et, par

19 son existence même, il constitue un moyen de guerre qui se perpétue, un

20 moyen politique contre le peuple serbe moyennant médias et politique;

21 c'est ce qui est d'ailleurs utilisé comme moyen contre des petits pays

22 tout au large du monde. Cela s'est identifié avec l'hégémonie et cela ne

23 vise pas à la mise en place d'un monde mieux organisé, plus humanisé.

24 La première des agressions a d'ailleurs montré que ce concept était un

25 moyen pour maîtriser les Etats et pour s'emparer de leurs ressources.

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1 C'est un moyen du néocolonialisme, ce processus qui s'est entamé avec la

2 chute du mur de Berlin n'est pas terminé, il a encore cours dans une

3 confusion énorme dans le domaine du droit, de la politique, de l'histoire,

4 de la philosophie. Ce nouvel ordre mondial que l'on annonce est un

5 désordre en fait mondial, et la première phase post-guerre froide s'est

6 terminée par un chaos. Et, dans ces résultats négatifs, il convient de

7 compter l'anéantissement de la Yougoslavie.

8 Les messages du style de celui de Clinton disant que "les Serbes sont

9 coupables pour ce qui est d'avoir causé deux guerres mondiales", cela se

10 ramènerait à dire que les Allemands n'ont la responsabilité d'aucune de

11 ces guerres. Donc c'est un pouvoir de falsification du passé et du

12 présent, et cela menace de devenir un modèle qui servirait d'exemple pour

13 ce qui est de modeler l'avenir. Ce message du Président de l'Amérique, en

14 sa qualité de leader mondial -quand je dis "leader mondial", je parle des

15 Etats-Unis, pas de Clinton- ce peut être utilisé comme métaphore pour ce

16 qui est d'une campagne décennale de mensonges et ne saurait la

17 concurrencer; ce que nous a dit l'autre partie, la partie adverse ce matin

18 et ce qu'elle a proposé dans ses allégations. Et le message en question

19 est d'autant plus absurde et d'autant plus indigne si l'on sait que c'est

20 précisément dans ces deux guerres-là, aux termes pour lesquels, selon

21 Clinton, ce serait les Serbes qui seraient responsables et qui diraient

22 que c'est la Yougoslavie, et les Serbes qui font obstacle à la réalisation

23 de nouveaux intérêts; et ces intérêts ne sous-entendent pas l'existence

24 d'une Yougoslavie libre et indépendante. Et c'est par son développement et

25 son esprit de liberté que cela constitue un mauvais exemple, qu'il

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1 convenait de briser et de transformer en pays tiers-mondiste et au-delà,

2 de la faire revenir à l'âge de la pierre.

3 Donc il n'y avait pas de tâche plus primordiale pour la Serbie et pour

4 tous les autres pays qui tiennent à la liberté que ce n'est la lutte

5 contre les mensonges. C'est la raison pour laquelle, j'imagine, que je

6 considère que ce Tribunal illégal en dépit des restrictions pour ce qui

7 est de la diffusion de l'évolution du procès deviennent le champ de

8 bataille sur lequel se conduit le combat contre les Serbes et pour la

9 démonisation (sic) de ces Serbes. Et contrairement aux intentions de ces

10 créateurs, cela détermine leur responsabilité et pas la mienne. Et ma

11 responsabilité est celle d'un peuple épris de liberté.

12 Cet Acte d'accusation est erroné:

13 1) parce qu'il ne s'agissait pas d'agression ni en Serbie ni en Bosnie

14 mais d'une guerre civile;

15 2) parce que dans cette guerre, dans les deux cas pour la population serbe

16 en Croatie et la population serbe en Bosnie cela avait été une guerre

17 défensive;

18 3) l'Acte d'accusation est absurde pour ce qui est de sa signification

19 formelle et matérielle. Parce qu'on accuse la Serbie, et moi-même en sa

20 qualité de Président, pour une guerre civile qui a eu lieu en Croatie en

21 Bosnie, alors que la Serbie n'avait pas été partie prenante en guerre, pas

22 plus que la République fédérale de Yougoslavie, ni contre la Croatie ni

23 contre la Bosnie-Herzégovine. Au contraire, ce sont les Serbes, les

24 Présidents de la Croatie et de Bosnie, à savoir Tudjman et Izetbegovic et

25 le Président de la présidence de la Yougoslavie à l'époque, à savoir

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1 Stjepan Mesic, qui avait entamé la guerre contre la Yougoslavie et, par

2 voie de conséquence, contre les Serbes qui étaient citoyens de Croatie et

3 citoyens de Bosnie-Herzégovine. Et ceci, moyennant tout d'abord un acte de

4 sécession violent et opposé au droit. Et les violences en Croatie ont

5 commencé avant même la proclamation de l'indépendance.

6 Je précise qu'il s'agissait d'acte anticonstitutionnel, il n'est pas

7 contesté que la Serbie avait aidé les Serbes en Croatie et en Bosnie à

8 survivre. Ce qui est absurde, c'est ce que vous considérez comme étant

9 logique, à savoir que les Américains, le Vatican, l'Arabie Saoudite,

10 l'Autriche, la Turquie, les Afghans et les autres aident les Croates et

11 les Musulmans, mais il n'était pas logique que les Serbes aident les

12 Serbes à survivre là où ils vivaient.

13 Nous avons entendu ce matin des explications disant que nous avions

14 financé et aidé les Serbes. Des Serbes ont donc aidé des Serbes, et ceci

15 constituerait un crime. Mais pourquoi ne constituerait-il pas un crime que

16 de dire que le Vatican avait donné de l'argent, moyennant la banque du

17 Vatican, pour l'achat d'armes à l'attention de la Croatie? Et alors, étant

18 donné que la Serbie avait aidé des Serbes, c'est moi le criminel, alors

19 que le Vatican a aidé des Croates, pour ce qui est de procéder à une

20 sécession violente, il leur a acheté des armes pour ce faire, le Pape

21 demeure le Saint-Père.

22 Et nous les avons aidés aux fins qu'il n'y ait pas eu une fois de plus

23 génocide perpétré contre les Serbes sur les mêmes territoires pendant la

24 Deuxième Guerre mondiale par les mêmes forces, mais cette fois-ci sous le

25 patronat de Hitler et de Mussolini. Une fois qu'on voyait trois Oustachis…

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1 à l'époque à laquelle on voyait trois Oustachis emmener mille Serbes pour

2 les égorger et qu'il n'y avait personne pour s'opposer à la chose, et à

3 l'occasion de tout cela, la Serbie et moi-même avons déployé toute notre

4 influence pour ce qui était d'aboutir à la paix, et c'est pourquoi j'avais

5 affirmé que cet Acte d'accusation -il y a quelques mois de cela, lorsque

6 vous avez entamé ce procès- devait être considéré comme étant absurde

7 parce qu'il me revient à la Serbie et à moi-même le mérite d'avoir établi

8 la paix et non pas d'avoir entamé une guerre.

9 Etant donné que la Serbie et la République fédérale de la Yougoslavie

10 n'avaient pas été parties prenantes dans cette guerre civile, ni de par

11 des notions de droit ni de par des notions de fait, elles ne sauraient

12 être accusées de ce qui s'était passé.

13 En fin de compte, le Conseil de sécurité –seul organe de l'organisation

14 mondiale compétent pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité dans le

15 monde- avait formulé des appréciations à ce sujet-là. Aucune de ces

16 résolutions ou communiqués présidentiels ou décisions aux positions

17 officielles n'a nommé la République fédérale de Yougoslavie comme étant un

18 agresseur.

19 D'autre part, par exemple, le 4 février 1994, le Conseil de sécurité a

20 adopté un communiqué présidentiel avertissant la Croatie qu'elle

21 s'opposerait à des conséquences très graves si, dans un délai de deux

22 semaines, elle ne retirait pas ses unités régulières de la Bosnie-

23 Herzégovine.

24 Et on affirme également, ou plutôt on condamne le Chancelier Kohl qui

25 avait dit que la Croatie avait promis qu'elle n'interviendrait pas contre

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1 ses premiers voisins et qu'elle l'avait fait. C'était un scandale qu'il

2 fallait condamner. Mais cela s'est résumé à des condamnations verbales,

3 alors que la Yougoslavie -alors qu'il n'y avait aucun fondement pour ce

4 faire- a été exposée à des sanctions et a fait bien entendu l'objet d'une

5 intervention militaire.

6 S'agissant de la guerre civile en Bosnie-Herzégovine, elle a commencé au

7 moment où elle a eu "majorisation" des entités constitutionnelles. Vous

8 avez entendu ce qu'a dit Lord Carrington concernant le référendum sur

9 l'indépendance, qui a été fait indépendamment et outre la volonté du

10 peuple serbe, et ceci en dépit du fait que, d'après cette même

11 Constitution, la Bosnie-Herzégovine était constituée de trois peuples.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, les interprètes nous

13 disent qu'ils ont du mal à vous suivre. N'oubliez pas les interprètes

14 lorsque vous intervenez.

15 M. Milosevic (interprétation): Bien. J'ai brièvement cité et j'imagine que

16 je n'ai pas causé trop de problèmes.

17 Il y a donc eu reconnaissance provisoire d'un Etat mis en place partant

18 d'une décision qui n'était pas légitime, étant donné qu'elle n'avait pas

19 été appuyée par les trois populations en présence. Et cette décision avait

20 constitué une énorme menace pour ce qui est du peuple serbe en Bosnie-

21 Herzégovine aux fins de le faire devenir un peuple ou une population

22 d'ordre inférieure en Bosnie-Herzégovine.

23 Vous avez vu de quoi avaient l'air les Moudjahidine là-bas et combien ils

24 étaient nombreux sur ce champ de bataille nouvellement créé au sein de

25 l'Europe, et vous avez vu bon nombre d'autres choses qui vous étaient

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1 accessibles. Mais j'y reviendrai, je me propose d'y revenir plus tard.

2 Dans le courant de cette guerre en Bosnie-Herzégovine, il est arrivé vers

3 la Serbie et le Monténégro, pour chercher abri là-bas, plusieurs centaines

4 de milliers de citoyens de Bosnie-Herzégovine. Parmi ces citoyens-là, il y

5 avait plusieurs dizaines de milliers de Musulmans. Et s'il était vrai que

6 la Serbie avait été agresseur, ces milliers de citoyens musulmans

7 n'auraient pas eu l'idée de chercher protection en Serbie même. Et

8 certaines unités musulmanes, même lorsqu'elles avaient été coincées par

9 l'armée de la Republika Srpska en Bosnie de l'Est, avaient traversé la

10 Drina pour chercher refuge en Serbie; et cette Serbie ne les a pas

11 renvoyées là-bas mais avait oeuvré de façon tout à fait humaniste, les

12 avait habillés, nourris et leur a permis de passer par le biais de la

13 Croix-Rouge internationale pour se diriger vers des pays tiers.

14 En l'une de ces occasions ou des occasions de ce genre, lorsque j'avais

15 accepté que toute une brigade musulmane -de 850 personnes- traverse la

16 Drina pour chercher refuge en Serbie, j'avais écris une lettre à

17 Izetbegovic. Je ne vais pas vous donner lecture de toute cette lettre,

18 mais je vais vous lire un tout petit passage disant:

19 "Vos soldats n'ont pas été accueillis ici comme des ennemis, mais comme

20 des hommes, comme des voisins que les circonstances ont poussés vers des

21 tragédies de guerre, et ce, contrairement à leur propre volonté. Vous

22 n'ignorez pas que nous avons hébergé en Yougoslavie des centaines de

23 milliers de réfugiés, dont plusieurs dizaines de milliers sont des

24 compatriotes à vous, et tous ces gens-là font l'objet d'un traitement

25 identique et font l'objet de nos soins de notre part.

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1 Il faut beaucoup plus de courage et de force pour décider de conclure la

2 paix, plutôt que de courage et de détermination pour initier une guerre.

3 Aussi vous prierai-je de prendre une décision de ce genre dans l'intérêt

4 de votre propre population et de toutes les populations qui vivent sur le

5 territoire de l'ex-Yougoslavie.

6 Je prie également le général Mladic et la direction de la Republika Srpska

7 de mettre un terme à la guerre et d'entamer immédiatement des négociations

8 et des pourparlers avec les représentants de votre armée".

9 C'est ce type de lettre que j'ai également adressée au général Mladic.

10 Les Serbes en Croatie -pour en revenir au contexte plus large- ainsi que

11 les Serbes en Bosnie, en Republika Srpska, en Krajina, les Serbes en

12 Croatie et les Serbes en Yougoslavie, à aucun moment de la crise

13 yougoslave, n'ont remis en question le droit de la population croate ou

14 musulmane ou quelque population autre -population constitutive de la

15 Yougoslavie- à l'autodétermination. Et cette autodétermination inclut sans

16 aucun doute le droit à la sécession.

17 La guerre en Croatie et en Bosnie n'avait, par conséquent, aucun sens,

18 aucune signification et aucune justification pour ce qui est de la

19 réalisation du droit de ces peuples-là à l'autodétermination jusqu'à la

20 sécession. Parce que ce droit n'avait été contesté à personne, mais la

21 cause avait été le crime perpétré contre les Serbes et la persécution de

22 600.000 Serbes -c'est Carrington qui a mentionné au moins 600.000 Serbes-

23 qui avaient été expulsés des territoires qu'ils avaient occupés et qui

24 avaient été les leurs, dans les territoires administrativement délimités

25 par ces frontières de l'époque; les frontières de la République de Croatie

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1 et de Bosnie-Herzégovine.

2 Et la visée avait été de faire de ces citoyens serbes des citoyens de

3 deuxième ordre pour ce qui est de l'Etat de Bosnie-Herzégovine qui devait

4 devenir une République islamiste.

5 De surcroît, je crois qu'on n'a pas eu le temps de vous traduire

6 convenablement parce que les choses avaient été dites rapidement –je ne

7 fais pas de reproche aux interprètes- mais Tudjman sur la place Banje

8 Lasic avait déclaré, -je cite-: "Il n'y aurait pas eu de guerre si la

9 Croatie ne l'avait pas voulu".

10 Mais nous avons estimé que, seulement par la guerre, nous étions en mesure

11 de combattre pour l'indépendance que la Croatie.

12 C'est la raison pour laquelle nous avons conduit une politique de

13 négociations mais, parallèlement aux négociations, nous avons armé nos

14 propres unités. Si nous n'avions pas procédé de la sorte, nous n'aurions

15 pas réalisé notre objectif.

16 Et Stjepan Mesic, que vous avez vu à la télévision très brièvement, au

17 niveau du Parlement croate, parce qu'il avait été jusque là président de

18 la présidence de la République socialiste fédérative de Yougoslavie le 5

19 décembre 1991, il a donc déclaré une chose célèbre.

20 Il a dit -je cite: "Je pense avoir accompli ma mission. Il n'y a plus de

21 Yougoslavie." (Fin de citation.)

22 Maintenant, si cela est ajouté à un fait qui est notoirement connu, à

23 savoir la déclaration islamique d'Alija Izetbegovic où il a dit: "Entre la

24 foi islamique et les Etats non islamiques et institutions non islamiques,

25 il ne saurait y avoir de paix et de co-existence."

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1 Vous avez vu, vous avez entendu crier à la guerre sainte, au Djihad; je

2 crois alors que toute personne qui ne serait pas forcément bien

3 intentionnée, mais qui serait juste honnête, devrait comprendre avec

4 netteté de quoi il s'était agi. Donc les Serbes en Yougoslavie n'avaient

5 remis en question le droit d'aucun peuple à l'autodétermination.

6 Nous avons estimé, nous estimons de nos jours que le droit à

7 l'autodétermination revient également au peuple serbe, et tout ce qui lui

8 a été enlevé par la force ou par la violation de ce droit ne saurait avoir

9 aucune valeur au terme du droit international, ne saurait être reconnu

10 sous quelque pression internationale que ce soit. Et ce faux Acte

11 d'accusation redit aux Serbes tous les droits de l'homme, tout le droit à

12 l'existence, le droit à l'autodéfense parce qu'en Croatie et en Bosnie-

13 Herzégovine les Serbes avaient défendu les territoires sur lesquels ils

14 avaient vécu pendant des siècles.

15 Charles Boyd, que nous avons vu dans une autre déclaration faite tout à

16 l'heure, qui avait été adjoint du commandant américain pour l'Europe a

17 écrit ce qui suit dans la revue "Foreign Affairs" du mois de septembre,

18 septembre/octobre 1995 -je le cite: "L'image populaire de cette guerre,

19 c'est celle d'une expansion serbe incessante impitoyable. Ce que les

20 Croates appellent le territoire, leur territoire qui n'est pas occupé,

21 c'est un territoire occupé depuis des siècles par les Serbes. Et ceci vaut

22 également pour l'essentiel des terres serbes en Bosnie, alors que les

23 médias occidentaux parlent souvent des 70% de la Serbie occupés par les

24 rebelles serbes.

25 En bref, les Serbes n'essaient pas de conquérir de nouvelles terres, de

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1 nouveaux territoires, les Serbes essaient uniquement de conserver ce qui

2 était déjà à eux." (Fin de citation.)

3 Et le 23 juillet 1993, le co-président de la conférence internationale sur

4 l'ex-Yougoslavie, Lord Owen, en rejetant toute possibilité d'intervention

5 militaire en Bosnie-Herzégovine -intervention sur laquelle avaient assisté

6 les faucons de Clinton- a expliqué ce rejet de l'intervention militaire

7 par les termes suivants -je cite: "Il est très difficile d'intervenir dans

8 une situation qui n'est pas une agression." Et il ajoute: "Cela a toujours

9 été un conflit entre les Serbes de Bosnie, les Croates de Bosnie et les

10 Musulmans de Bosnie. Et l'ex-secrétaire d'Etat américain Henry Kissinger,

11 dans son article du 17 mai 1993, dit entre autres et je cite une fois de

12 plus: "En Bosnie-Herzégovine, il y a une guerre civile. Il n'existe pas de

13 groupes ethniques bosniens et la communauté internationale a commis une

14 erreur immense pour avoir reconnu cette République. Il s'agit d'une triple

15 guerre civile et non pas d'une invasion faite par Etat voisin contre un

16 Etat souverain. La Croatie et la Serbie apportent un soutien à leur

17 compatriote en Bosnie, et la pire des erreurs de la tragédie bosniaque

18 avaient été la reconnaissance internationale de l'Etat bosniaque sous une

19 autorité musulmane, et ce suivant aveuglement le précédent créé par la

20 reconnaissance allemande de la Croatie. Et c'est ainsi que la communauté

21 internationale a transformé toutes ces Républiques de l'ex-Yougoslavie en

22 Etats indépendants." Et ainsi de suite.

23 Je vous ai donné citation de deux Américains et d'un Britannique, pour ne

24 pas dire anglais, parce que David Owen était d'origine du Pays de Galles.

25 Mais il y a bon nombre d'autres Français, Russes, Hindous, Grecs,

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1 Italiens, Américains, Allemands qui avaient publiquement reconnu l'état

2 réel des choses.

3 Bon nombre de personnes vont avoir ici même l'opportunité de vous faire

4 entendre leur opinion, à la différence de la pratique des faux témoins,

5 des témoins secrets cités par l'accusation.

6 Mais je cite cela pour argumenter une affirmation de ma part, à savoir que

7 la vérité, la vérité vraie concernant la guerre civile en Croatie et en

8 Bosnie-Herzégovine devait être connue par ce qui avait été les preneurs de

9 décisions. Toutefois, les canonnades assourdissantes de cette guerre

10 médiatique avaient interdit à toute vérité de se frayer un passage.

11 Vous avez vu à la télévision un extrait qui dit qu'il s'était agi d'une

12 propagande bien organisée, bien payée et bien financée.

13 Et, comme je n'ai pas suffisamment le temps pour le faire, je vais

14 illustrer la chose en vous donnant un seul exemple en reliant la chose

15 avec ce que vous avez vu à la télévision, à savoir le recrutement de Ruder

16 & Finn. Cette société a joué un rôle particulier dans la "démonisation"

17 des Serbes pour illustrer les assertions. James Heart qui était directeur

18 de cette société Ruder & Finn avait parlé d'une augmentation dramatique de

19 l'appui en faveur d'une intervention américaine. Et, comme Jacques

20 Merlinot l'a affirmé en avril 1993, il avait dit que sa société avait

21 manipulé l'opinion publique. Cela avait été un grand succès, étant donné

22 que le président croate Tudjman avait été très imprudent dans son rôle,

23 dans son livre "Bespuca".

24 Et le président bosnien Izetbegovic avait également de sérieux problèmes

25 avec son image parce que son livre avait parlé de trop d'appuis de la part

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1 d'un pays islamique. D'autant plus que le passé de la Croatie et de la

2 Bosnie avaient été marqués par un très grand antisémitisme qui avait été

3 reconnu et qui est illustré par des dizaines de milliers de juifs disparus

4 dans les camps de détention. C'est ce qui explique l'intolérance de la

5 part de ces organisations juives à l'égard des Croates et des Musulmans.

6 Il dit que cela avait été un défi pour nous que de retourner la situation

7 et nous avons réalisé un coup de maître. Comment ont-ils réalisé ce coup

8 de maître? Eh bien, "Newsday" a publié des récits de Roy Gutman disant

9 qu'il y avait des camps de la mort serbes, et ces camps n'ont jamais

10 existé. Il a tout de suite reçu un prix Pulitzer pour cela.

11 Par la suite, il s'est avéré que la chose était fausse, mais on a pu ainsi

12 mobiliser des organisations juives importantes: le comité juif américain

13 et le congrès juif américain. Et il dit que le succès avait été incroyable

14 parce que ces organisations juives avaient abondé dans le sens des

15 Musulmans, donc "nous avons pu facilement promulguer, enfin faire des

16 Serbes des criminels et des vilains".

17 Et on lui a demandé "Mais comment avez-vous fait si vous n'aviez pas de

18 preuve pour ce que vous affirmiez?". Merlinot a répondu: "Tout ce que vous

19 aviez, c'était cet article dans le "News Day". Il avait répondu donc:

20 "Notre tâche n'avait pas consisté en la vérification des informations.

21 Nous avions une tâche à accomplir et nous l'avons fait; nous ne sommes pas

22 payés pour moraliser".

23 Cependant, il est tout à fait clair que Ruder & Fin n"a pas remporté le

24 succès qu'elle a remporté pour la façon magistrale, peut-on dire, dont

25 elle a présenté toutes ces manipulations. Ce que cette société a fait de

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1 plus efficace, ce qui lui a donné la suprématie sur les autres médias

2 occidentaux qui, sur la suggestion de ceux qui tiraient les fils

3 politiques à Washington, à Bonn ou au Vatican et ailleurs ont permis de

4 créer un climat anti-serbe qui avait commencé à agir plusieurs mois avant

5 la société Ruder & Finn, eh bien, aucune de ces déclarations n'a été

6 vraiment admise simplement parce que Ruder & Finn était une entreprise

7 aussi magistralement talentueuse, mais parce qu'avant la déclaration des

8 pays islamistes, le but était de se tourner vers quelqu'un qui pouvait

9 être pris pour cible facilement, et, dans ce cas précis, il s'est agi des

10 Serbes.

11 De cette façon, en agissant ainsi, ils se sont vengés de ce qui s'était

12 passé dans la Deuxième Guerre mondiale au cours de laquelle dans les

13 territoires occupés dans les Balkans, seuls les Serbes ont réussi, au prix

14 de leur vie, à les défendre contre le Pogrom; ils le savent eux-mêmes. En

15 tout cas, ceux qui ont parlé avec moi ont exprimé leur honte à son égard

16 et j'espère que certains viendront ici pour en témoigner.

17 En effet, c'est grâce à cette énorme aide des Serbes aux Juifs sur la base

18 de la fraternité humaine et pas forcément de la fraternité entre Etats que

19 certains Juifs ont pu être sauvés.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le moment est venu

21 de suspendre l'audience quelques instants. Nous levons donc l'audience

22 pour 20 minutes.

23 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 37.)

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

25 M. Milosevic (interprétation): Donc, ce courant de communications

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1 monopolistes a été largement financé par des groupes humanitaires

2 également comme "Médecins sans frontière", des groupes humanitaires comme:

3 "Les femmes en noir", des groupes de défense dans les droits de l'homme

4 "Humans Rights Watch", ainsi que d'autres organisations.

5 Vous avez pu voir sur la vidéo George Kenney, dirigeant des affaires

6 yougoslaves au département d'Etat américain, qui dit: "La condamnation de

7 génocide se répète inlassablement s'agissant de la Bosnie, au point

8 qu'apporter des preuves n'est plus pertinent. Et le gouvernement

9 américain, selon lui, ne dispose d'aucune preuve de quelque génocide que

10 ce soit, et tout lecteur de la presse peut voir l'absence de preuve,

11 indépendamment des spéculations sans fin qui glace le sang dans les

12 veines.

13 Michael Parenti est l'auteur d'un ouvrage que j'ai remis au Tribunal il y

14 a quelques mois, je ne sais pas si vous y avez prêté attention, mais on y

15 retrouve un grand nombre de données qui vont dans le même sens. Cependant,

16 pour illustrer la façon dont on peut falsifier l'histoire, la façon dont

17 on peut diffuser des mensonges, je vais demander la diffusion d'une autre

18 cassette de quelques minutes à peine, très courte donc, qui vous permettra

19 de voir comment tout cela a été créé et quelles en ont été les

20 conséquences. Je demande la diffusion de cette cassette et, avant cela, je

21 vous indique qu'au début, vous constaterez que sur le CD qui montre la

22 chronologie du XXe siècle, on voit donc au début le symbole de 1992 et on

23 trouve à ce moment-là ce récit inventé de toutes pièces au sujet des soi-

24 disant camps de la mort en Bosnie-Herzégovine.

25 Je demande maintenant la diffusion de la vidéo.

Page 10262

1 (Diffusion de la vidéo.)

2 Vous voyez ici le CD "Chronique du XXe siècle". Ici, vous voyez défiler

3 les années. On arrive à 1992. Je demande qu'on ouvre donc 1992, et vous

4 voyez les images, notamment cette photo qui est entrée dans l'Histoire

5 dans le domaine de la fabrication de preuves. Vous voyez cette image qui a

6 fait le tour du monde et qui est censée prouver l'existence de camps de

7 concentration?

8 (Diffusion de la vidéo.)

9 C'était le journaliste allemand qui a eu des premiers doutes à propos de

10 ces fameuses images montrées par ITN, il a dit: "Regardez certains

11 journaux, la plupart des médias occidentaux. Non seulement il n'y a pas

12 vraiment de divergences d'avis en matière de politique extérieure, mais on

13 retrouve les mêmes phrases qui sont répétées partout. On retrouve les

14 mêmes images avec les mêmes légendes".

15 Ces images de ITN ont perturbé ce journaliste et, si on les regarde de

16 plus près, on remarque quelque chose. ITN affirme que les Bosniens étaient

17 emprisonnés derrière des fils de fer barbelés. Pourquoi est-ce que le fil

18 barbelé était attaché de leur côté de la frontière? Ils auraient pu

19 l'arracher avec leurs ongles.

20 Il a dit que les photographies avaient été montées de toutes pièces vus

21 les angles pris par les caméras. Il est allé à Trnopolje pour s'en rendre

22 compte lui-même. Et là, il a vu ce camp de concentration qui n'avait

23 jamais existé. Sur les lieux, Dijkman a pu constater ce qui avait été

24 fait. Les reporters, Penny Marshall et son équipe, se trouvaient dans un

25 enclos qui avait été transformé avec des fers barbelés tout autour.

Page 10263

1 Et de là, ils ont pris des photographies des réfugiés qui étaient

2 manifestement à l'extérieur, de l'autre côté de la clôture.

3 Au cours de sa visite, Dijkman a fait un tracé des bâtiments tels qu'ils

4 se présentaient le jour de la visite de l'équipe de ITN. Il y avait une

5 grange transformée, un bâtiment réservé aux réfugiés et un centre ouvert

6 d'accueil. Un lieu de loisirs près du centre des réfugiés et la partie

7 enclose de l'intérieur depuis laquelle l'équipe d'ITN a filmé ces images,

8 de même que ce fil barbelé, ce fil utilisé pour des poulaillers notamment.

9 On voit qu'il se trouvait du côté des prisonniers de Trnopolje.

10 "Il y a eu des conversations, des entretiens avec des représentants de la

11 Croix-Rouge et nous avons à ce moment-là franchi une file de personnes qui

12 allaient se faire enregistrer. On a décidé de ne pas filmer dans ce lieu

13 ouvert. Au contraire, Penny Marshall a décidé d'aller dans un lieu, un

14 enclos, depuis lequel elle a filmé ces images. Et on avait en bas de la

15 clôture un peu de fil aux mailles larges et au-dessus des fils barbelés.

16 L'équipe ITN a été filmée alors qu'elle se déplaçait, et les deux équipes

17 se sont trouvées à l'intérieur de la zone enclose occupées à filmer les

18 réfugiés. Il y avait des barils, il y avait des différents objets qu'il

19 fallait franchir.

20 Penny Marshall a essayé de parler aux premiers réfugiés, mais en vain car

21 elle ne parlait pas serbo-croate. Elle a cherché quelqu'un qui parlait

22 anglais, et quelqu'un a dit: "Voilà, cet homme parle anglais". Monsieur

23 Bosanac de l'équipe yougoslave a filmé la conversation qu'a eu Penny

24 Marshall avec cet homme. Et puis ces images, on les a montrées à la

25 télévision yougoslave. Il y a eu une traduction de la conversation en

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1 anglais. C'est celle que vous entendez:

2 "-R: Certains dorment ici.

3 -Q: Est-ce qu'on vous maltraite?

4 -R: Non, on nous traite bien. Je n'ai pas été combattant et je me sens

5 bien en sécurité et les autres vont bien.

6 -Q: Mais cet homme est très maigre!

7 -R: Mais tous les gens ne sont pas pareils.

8 Voix off: Penny Marshall avait installé ses caméras derrière les fils

9 barbelés. Elle était positionnée. Elle voulait trouver quelque chose qui

10 allait vraiment vendre son reportage, le faire connaître dans le monde

11 entier. Il y a eu une conversation avec cet homme, vu de l'angle de notre

12 caméra."

13 Pour montrer ce qu'il en était, voici un petit diagramme qui vous montre

14 la position. Vous avez l'équipe en bleu de l'ITN; nous, nous sommes

15 l'équipe en rouge. Et comme les équipes étaient distantes de quelques

16 mètres, nous avons pris la scène, filmé la même scène, mais sous un angle

17 différent. Et quelquefois, nous avons eu dans notre objectif les membres

18 de l'équipe ITN.

19 Voici ce qui se dit:

20 "-Q: Bonjour, je suis de l'équipe ITN. Combien de personnes y a-t-il ici?

21 -R: Il ne se passe rien de mal, mais il fait chaud, très chaud.

22 (Bande son à peine audible.)

23 Non, non.

24 -Q: Est-ce que vous êtes un combattant?

25 -R: Non. Je pense que nous sommes tout à fait en sécurité.

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1 -Q: Mais cet homme est très maigre.

2 (Note de l'interprète: C'est en fait la répétition de l'extrait qui avait

3 été interprété auparavant.)

4 -R: Tout le monde est pareil.

5 -Q: Où sont les femmes, les enfants?

6 -R: C'est un camp de réfugiés.

7 -Q: Où voulez-vous aller?

8 -R: (Il hausse les épaules.)

9 Voix off: La matière brute était présente, et, au moment du montage,

10 Marshall et ses associés se sont dit que cela pouvait donner quelque chose

11 de parfait pour monter l'image d'un camp de la mort."

12 Oui, il faut rétrécir, couper l'image, et vous l'avez.

13 Ce sont ces âpres combats en Bosnie qui avaient privé ces hommes de leur

14 foyer.

15 Ces images de Penny Marshall ont parcouru le monde.

16 Nous allons vous montrer comment Penny Marshall s'est servi de ce matériel

17 pour présenter des images commodes pour les journalistes de la presse

18 écrites.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 Elle commence par ceci: Voilà, prenons un plan fixe de ces deux-ci, et

21 puis on va placer en dessous la première page du "Nouvel observateur", et

22 remarquez la différence dans l'angle pris par la caméra, puisque leur

23 équipe tournait plus de la gauche. C'est la raison pour laquelle nous,

24 dans nos images, nous avons trois hommes, alors qu'elle, dans les images

25 qu'elle montre, il n'y en a que deux.

Page 10266

1 Revenons à la cassette.

2 Nous allons reprendre le déroulement des images comme l'a fait l'équipe

3 ITN. Prenons l'homme en bleu, en tee-shirt bleu. Arrêtez!

4 Coupons à droite. Agrandissons l'image. Maintenant, on va ajouter l'homme

5 qui se trouve à droite, celui qui était en noir et blanc. Maintenant, on

6 va effacer la couleur à gauche. Et puis maintenant, on va faire la fusion

7 de l'image avec un court téléobjectif. On va prendre un peu de retrait et

8 on va remettre la couverture du "Nouvel Observateur". On va agrandir

9 l'image de couverture du "Nouvel Observateur".

10 Scannons, comparons. Le tour est joué. Un cauchemar nazi!

11 Reprenons l'image qui défilait de cet homme qui se tournait vers Penny.

12 Coupons à gauche, à droite. Reprenons la tête de cet homme.

13 "L'Humanité dimanche". Prenons cette page de couverture. Reprenons l'image

14 mobile. Regardons. Coupons à gauche, à droite. Agrandissons.

15 Reprenons le magazine "Novo" avec cette même image.

16 Voix off: Les docteurs miracles de ce monde ont réussi un tour de maître.

17 Ils auraient tourné quelques images montrant un camp de concentration avec

18 tous les attributs que celui-ci doit comporter.

19 Aux Etats-Unis, Bill Clinton et George Bush rivalisaient pour savoir qui

20 était celui qui avait le mieux révélé les atrocités soi-disant serbes

21 grâce à ces images de Trnopolje. Au cours de la campagne électorale de

22 1992, Clinton s'est servi de ces images pour exiger que George Bush

23 bombarde immédiatement les Serbes et pour ne pas être en compte au cours

24 d'un discours télévisé. George Bush a comparé ce camp au camp nazi de la

25 mort.

Page 10267

1 M. Kwon (interprétation): Pourriez-vous nous donner une fois de plus la

2 source de cette cassette?

3 M. Milosevic (interprétation): Je le ferai.

4 M. le Président (interprétation): Etait-ce le film yougoslave que nous

5 avons vu?

6 M. Milosevic (interprétation): Il s'agit de gens qui ont témoigné.

7 Certains sont yougoslaves, certains ne le sont pas. Le dénommé Dijkman

8 vous explique qu'il est le rédacteur en chef du journal "Novo". Il a été

9 le premier à avoir des doutes et du reste, vous savez que Paddy Ashdown

10 avait parlé de ces camps lorsqu'il avait été invité par les autorités de

11 la Republika Srpska à se rendre sur le territoire de la Republika pour

12 essayer d'en trouver un, et il n'en a trouvé aucun, il n'a pas trouvé de

13 camp de concentration. Il a trouvé...

14 M. le Président (interprétation): Mais nous supposons que cette

15 compilation a été réalisée par vous et par votre équipe.

16 M. Milosevic (interprétation): Vous pouvez considérer que cela a été

17 préparé à mon intention par mes collaborateurs, mais ce sont là des faits

18 indubitables parce qu'il y a un nombre innombrable de témoins qui

19 pourraient vous confirmer qu'il s'agissait que d'un camp de réfugiés où

20 l'on pouvait entrer et sortir en toute liberté, un centre de réfugiés. Et

21 vous avez entendu cet homme dire qu'il se sentait en sécurité et que la

22 seule chose qui le dérangeait, c'étaient les chaleurs du mois d'août.

23 Je tiens toutefois à vous rappeler autre chose, à savoir lorsque j'ai cité

24 les quelques personnes en me référant à Kissinger, à Owen, je l'ai fait

25 pour affirmer que ceux qui avaient tiré les ficelles savaient très bien de

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1 quoi il s'agissait. Il ne s'agissait pas d'une méconnaissance de la

2 vérité, mais il s'agissait d'intérêts. La guerre civile en Yougoslavie a

3 été initiée, la survie de la Yougoslavie avait été de façon évidente

4 contraire aux intérêts stratégiques des USA, de l'église catholique, de

5 l'Allemagne et de bien d'autres.

6 Il était clair pour le Vatican quelles étaient les conséquences auxquelles

7 il fallait s'attendre. Il fallait... Cela apparaît dans l'encyclique du

8 Pape Sentissimo Anno (phon.) de 1991 qui parle de l'autonomie des pays

9 communistes et de l'indépendance des pays socialistes de l'époque qui

10 risquait de causer des tragédies graves et des conflits. Et il avait parlé

11 de la nécessité de la mise en place de structures qui seraient à même

12 d'arbitrer au niveau des conflits survenant entre les nations. Etant donné

13 qu'après l'éclatement de la guerre en Bosnie-Herzégovine en 1992, le

14 Vatican avait demandé un arbitrage militaire de l'occident. Il était clair

15 à quoi il se référait, et il s'agit d'une traduction italienne de

16 l'Encyclo Sentissimo Anno (phon.) de Milan 1991.

17 Il n'est pas contesté que l'Allemagne a été la première à reconnaître la

18 Croatie, en sa qualité de pays indépendant. Il en va de même pour ce qui

19 est du Vatican. Et tout ceci n'aurait pas pu se faire sans le rôle

20 principal joué par l'Amérique et l'administration de Clinton, dont on se

21 souviendra pour ce qui est des crimes perpétrés sur le territoire européen

22 50 ans après la Deuxième Guerre, et ce, contre des alliés qui avaient été

23 des alliés américains dans les deux premières guerres mondiales.

24 Et, pour la politique américaine, l'islamisme avait la priorité, ceci en

25 raison de leur rôle pour ce qui est de la déstabilisation de l'Asie

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1 centrale soviétique où gisent d'énormes réserves pétrolières.

2 Deuxièmement, parce que l'intégrisme islamique est une arme non

3 conventionnelle pour la destruction de l'ex-URSS et de la Chine en partie.

4 On sait quelles sont les déclarations de certains leaders pour ce qui est

5 de la transversale allant du mur de Chine jusqu'à la mer Adriatique.

6 Et c'est en Bosnie qu'il avait coûté le moins cher pour l'Amérique pour

7 couper l'intégrisme, parce que les vies serbes et les intérêts serbes

8 n'avaient pas compté, ils n'avaient aucun poids dans la balance. Je ne

9 pense pas qu'après le 11 septembre, aux yeux de Clinton, des vies

10 américaines n'aient fait le poids, pas plus qu'avant.

11 Je ne puis préciser combien de milliers de Moudjahidine qui sont inspectés

12 par Izetbegovic, comme on l'a vu sur la vidéo, ont pris par la suite

13 effectivement part aux activités terroristes contre l'Amérique. Mais ce

14 que je puis affirmer en toute certitude, c'est que l'Amérique sous Clinton

15 a permis à l'Iran et à l'Arabie Saoudite d'armer ces assassins. La

16 politique de Clinton a ouvert un champ de bataille européen, un nouveau en

17 Europe pour ce qui est de l'intégrisme islamique. C'est un avant pas ou un

18 pas précurseur de ce qui s'est passé en date du 11 septembre.

19 Ici, je ne voudrais pas perdre trop de temps pour vous fournir tout cela,

20 mais je vais le verser au dossier: c'est une source non serbe, mais

21 croate, où l'on parle d'un directeur de camp de détention en Croatie; et

22 il y a une liste de Moudjahidine qui sont détenus, qui ont été emprisonnés

23 par l'armée croate. Il y a l'Algérie, la Tunisie, l'Arabie Saoudite, le

24 Qatar, la Turquie, le Pakistan, le Koweït. Donc c'est là, il y a là des

25 photocopies de pièces d'identité, des cartes militaires. Et on voit par

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1 exemple les grades: un général Ganel Gamal originaire d'Egypte, compagnie

2 spéciale, affectation particulière émanant du quartier général. Et ces

3 unités spéciales ont perpétré les crimes pour lesquels on a accusé par la

4 suite les Serbes de les avoir commis.

5 Je ne me fais toutefois pas d'illusion pour ce qui est de croire que la

6 partie d'en face va accuser Clinton et les Américains, et Holbrooke, pour

7 ce qui est du nettoyage ethnique de centaines de milliers de Serbes en

8 Croatie ou du massacre de 500.000 Serbes dans la Fédération musulmane.

9 Je pense, par contre, qu'il est difficile de passer outre le fait que ce

10 sont précisément les USA et leurs citoyens qui ont ouvert les portes à ce

11 qui s'est passé en date du 11 septembre. Et je voudrais qu'ils viennent

12 ici répondre à certaines de mes questions et nous expliquer certains

13 faits.

14 Quand je le dis, je tiens à préciser qu'il s'agit de l'administration de

15 Clinton, et je veux croire que l'administration précédente ne se serait

16 pas aventurée à perpétrer un crime pareil contre les Serbes.

17 Indépendamment des intérêts stratégiques qui étaient les leurs, je ne

18 pense pas qu'ils seraient allés si loin, ils seraient restés sur des

19 moyens politiques.

20 Je fonde mon opinion sur les déclarations du ministre des Affaires

21 étrangères Baker, l'américain James Baker, qui dit que "le fait que la

22 Slovénie et la Croatie avaient unilatéralement déclaré l'indépendance et

23 qu'elles s'étaient servies de la force pour le faire, a provoqué la guerre

24 civile". Il affirme que la position des USA devait être maintenue, à

25 savoir "qu'il convenait de sauvegarder l'intégrité de la Yougoslavie"; et

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1 cela avait été soutenu par 32 membres de l'OSCE, tous avaient soutenu la

2 chose. Et il est une fort mauvaise chose de ne pas avoir maintenu cette

3 position-là au-delà des limites jusqu'auxquelles nous avons gardé cette

4 position.

5 C'est la politique de Clinton qui a changé les choses. Nous avons entendu

6 Powell dire ce qu'il nous a dit en fin de vidéo. Et nous avons entendu

7 Holbrooke qui s'est efforcé de garder le pas avec les positions prises par

8 son chef, par son supérieur, ceci notamment pour ce qui est de sa

9 déclaration qui n'a aucune signification au terme de laquelle les Serbes

10 seraient les fautifs et responsables des deux guerres mondiales,

11 notamment. Et il n'y a aucun doute que Holbrooke, en sa qualité

12 d'ambassadeur américain en Allemagne, ait joué un rôle particulier pour ce

13 qui est de cette politique. Et nous avons entendu dans la vidéo que des

14 Américains haut placés avaient été inspirateurs et "perpétrateurs" de ce

15 qui s'était passé sous la politique de Clinton.

16 Nous avons vu ce qui s'était passé au niveau de l'attaque de la Krajina et

17 au niveau de ce qu'a souffert la Republika Srpska, notamment sa partie

18 occidentale.

19 Maintenant, pour ce qui est de recomposer les Balkans, on a toujours

20 désigné Belgrade comme étant le berceau de tout ce qu'il y a de mal. Mais

21 on ne s'est pas penché sur ce qui se passait effectivement dans les

22 Balkans, mais on s'est penché sur la façon dont il fallait présenter les

23 choses dans les médias. Mais tous n'étaient pas obéissants. Je pense que

24 nous n'allons pas pouvoir recomposer l'Histoire cette fois-ci, comme il

25 n'est pas possible de recomposer la vérité sur les crimes perpétrés par

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1 l'OTAN, cela n'a pas pu être fait par Mme Del Ponte qui avait affirmé

2 qu'elle n'avait aucun fondement pour ce qui était de l'ouverture d'une

3 enquête contre l'OTAN, parce que l'on réouvrira à chaque fois l'une des

4 questions clés, à savoir la question de la conscience humaine et à savoir

5 la question de l'acceptation de la vérité quand il y a prépondérance de la

6 force et de l'utilité au détriment d'arguments réels.

7 Le rôle de l'Allemagne, dans la décomposition de la Yougoslavie, est bien

8 connu. Je ne vais donc pas apporter d'explications précises, le temps

9 viendra pour ces explications, mais je tiens tout de même à souligner

10 l'intérêt allemand et les liens entre l'Allemagne et l'église catholique

11 ainsi que le rôle particulier de Genscher et de Kinkel, dont l'inspirateur

12 Naumann, en 1915, a déjà publié un livre intitulé "Europe centrale" qui

13 était le projet montrant comment une grande partie du continent européen

14 pouvait être organisé autour du pouvoir allemand.

15 Un an plus tard, il a publié un autre livre intitulé "La Bulgarie et

16 l'Europe centrale" dans lequel il préconise un contact territorial entre

17 l'Autriche-Hongrie et la Bulgarie après la fin de la Première Guerre

18 mondiale.

19 Naumann est celui qui a défini les Serbes comme -je cite-: "Un facteur de

20 perturbation important".

21 On peut se demander en quoi réside ce facteur de perturbation ou de

22 déstabilisation. Est-ce qu'il s'agit de combattre les grandes puissances

23 dans l'intérêt de sa liberté? Est-ce que cela qui est défini ainsi?

24 Aujourd'hui, nous sommes face à la même situation. Nous voyons tous les

25 faux qu'on nous présente, nous voyons la position prise par Holbrooke, qui

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1 vont dans le même sens.

2 Pour revenir, pour résumer, si nous pensons donc à l'expansion de

3 l'intégrisme islamiste, dont les "frontières sanglantes", comme le dit

4 Samuel Huntington, "vont de l'Indonésie et de la Somalie jusqu'à la

5 Bosnie" -c'est ce qu'il dit dans son ouvrage publié en 1996-, et si l'on

6 pense également aux intérêts du Pape qui préférerait que l'Allemagne et

7 les Etats-Unis soient les deux grandes puissances exclusives, eh bien,

8 lorsqu'on tient compte de tout cela, on se rend compte qu'il n'y a pas,

9 dans l'Histoire, un seul exemple où l'on a vu un petit peuple entraîné à

10 ce point dans la tourmente des intérêts de toutes les grandes puissances.

11 Et en dépit de cela, il a été difficile d'anéantir un grand pays européen

12 bien connu, membre des Nations Unies -je parle de la Yougoslavie-, et il

13 s'est avéré, y compris impossible, en dehors du recours à la force et en

14 dehors de crimes très graves de parvenir à cet anéantissement. D'où la

15 guerre, dont ont été victimes tous les peuples yougoslaves.

16 Et dans les discussions menées un peu partout sur la planète, dans ces

17 faux qui ont vu le jour un peu partout, c'est le peuple serbe qui a été

18 ciblé comme étant le coupable.

19 Les caractéristiques de cette guerre ressemblent beaucoup à celles de la

20 guerre menée par les Oustachis et les nazis de Croatie contre les Serbes

21 durant la Seconde Guerre mondiale. Et Carrington le savait très bien; on

22 l'a accusé à un certain moment d'être trop favorable aux Serbes, et il a

23 répondu: "Ceci n'a pas de sens".

24 Il n'était pas facile de déterminer qui était bon ou mauvais. Quand les

25 Slaves ont prononcé, ont proclamé leur indépendance, ils n'ont pas donné

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1 aux Serbes, dans le pays où ils vivaient -et ils étaient au nombre de

2 600.000-, ils ne leur ont donné aucune garantie. Il était compréhensible

3 qu'à cause de cela, les Serbes se soient inquiétés, surtout si l'on pense

4 à la sauvagerie des Oustachis au cours de la Deuxième Guerre mondiale".

5 Et puis, il ajoute: "Nous étions à deux pas d'un règlement du problème de

6 la Krajina et de la Slavonie; mais à ce moment-là, la communauté

7 européenne, à la fin de 1991, a décidé de reconnaître la Slovénie et la

8 Croatie. La Croatie a obtenu ce qu'elle cherchait, la Slovénie aussi, et

9 par la suite ces deux pays n'ont plus insisté pour que les pourparlers de

10 paix se poursuivent. Et ce qui était très important, c'était également

11 d'accorder la même chose à d'autres, notamment à la Bosnie-Herzégovine,

12 mais Izetbegovic ne s'est prononcé en faveur de rien d'autre que

13 l'indépendance alors qu'il savait très bien que cela signifiait le début

14 de la guerre. Genscher a demandé très fermement l'indépendance de la

15 Bosnie; tous les autres étaient contre".

16 J'en ai terminé sur ce point. En 1993, en avril, le "New York Times"

17 publie une interview de Cyrus Vance dans le bâtiment des Nations-Unies qui

18 dit que: "La reconnaissance faite trop tôt de la Croatie et de la Bosnie-

19 Herzégovine par l'Allemagne et les Etats-Unis a conduit à la guerre".

20 Rosenthal, en 1994, rédacteur en chef du "New York Times" dit dans son

21 éditorial que, pendant l'hiver de 1991 et pendant l'année 1992, les

22 Occidentaux par leurs actes ont entraîné les Balkans dans la guerre. Ceci

23 a mené au fait qu'une guerre civile est devenue imminente en Bosnie-

24 Herzégovine où les Musulmans n'ont jamais représenté une nation, mais

25 simplement une unité administrative au sein de la Yougoslavie". Et il

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1 poursuit en disant que: "Le conflit en Yougoslavie a été causé précisément

2 par une reconnaissance prématurée de l'indépendance bosniaque et croate

3 sous pression extérieure".

4 Lord Owen, le 12 novembre 1995, dit dans une interview accordée à un

5 journal espagnol -je cite-: "J'ai le plus grand respect pour les Etats-

6 Unis, mais ces dernières années, la diplomatie américaine est responsable

7 d'une guerre très longue en Bosnie. Si Washington avait soutenu le plan de

8 paix de 1993, un grand nombre de morts aurait pu être évité. Donc ce n'est

9 pas simplement une opinion que j'exprime mais des faits sur lesquels je

10 tiens à mettre l'accent.".

11 Je vais sauter ce qu'a dit Cyrus Vance en d'autres occasions, pour me

12 contenter de mentionner l'explication de Samaras, un ex-ministre des

13 Affaires étrangères grec, présent le 16 décembre 1991 à la réunion de la

14 Communauté européenne et qui, le 20 novembre 1992, dans le journal

15 "Elephterros Typos" explique ce qui s'est passé.

16 "Le ministre des Affaires étrangères allemand, Genscher", affirme Samaras,

17 "déclare le 16 décembre au soir: 'Si à 11, nous déclarons que nous allons

18 voter sur l'indépendance, l'Allemagne va reconnaître la Bosnie et la

19 Croatie en tant qu'Etats à part entière. Cela ne fait aucun doute. Si les

20 autres ne sont pas capables de mettre en cause l'intégrité yougoslave,

21 c'était inévitable, et c'est exactement ce qui s'est passé'."

22 Toutes les autres nations -et les Américains notamment- ont accepté cette

23 décision allemande par la suite. Les Anglais, les Français et les autres,

24 d'après Samaras qui étaient donc présents à cette réunion de la Communauté

25 européenne pour représenter la Grèce, tous ces Etats qui étaient un peu

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1 réticents au départ ont été contraints d'accepter la décision allemande et

2 Bulent Encevic, ancien Premier ministre turc dit, pour sa part, qu'il

3 aurait fallu conserver la Yougoslavie, que la Turquie pouvait essayer

4 d'empêcher le démantèlement de cette fédération balkanique. Il blâme

5 l'Allemagne pour ce démantèlement.

6 La Yougoslavie était un pays de la région avec lequel nous avions

7 d'excellents rapports dans les Balkans. "Il nous servait également", c'est

8 ce qu'a dit Encevic, "à nous étendre éventuellement vers l'Occident".

9 Muntas Ozal, ministre des Affaires étrangères turc, déclare: "Nous

10 croyons que les Allemands ont fait erreur car l'ex-Yougoslavie était un

11 modèle de coexistence entre nationalités différentes. L'Europe a fait

12 erreur en anéantissant ce modèle et c'est seulement maintenant qu'on voit

13 tout ce qu'a signifié cette décision".

14 Elisabeth Kopp, ancien ministre du gouvernement suisse, experte en

15 fédéralisme déclare: "Cela, je ne l'ai jamais compris. C'était une erreur

16 et c'était une erreur due à un homme en dépit d'une politique que je

17 respectais grandement. Je parle de Hans Genscher. La communauté

18 internationale est responsable d'avoir reconnu l'indépendance de ces pays

19 sans avoir au préalable réglé le problème des minorités. Elle a fait

20 erreur également car elle a agi sans coordination. Cela ne pouvait que se

21 terminer de façon tragique. La Communauté européenne et d'autres pays ont

22 fait une grave erreur.

23 Quant à Kissinger, il dit, le 8 septembre 1996, lorsque l'indépendance de

24 l'Etat bosniaque a été déclarée: "Cela n'a pas entraîné le développement

25 du pays mais une guerre civile".

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1 Ici, dans ce prétoire, on a entendu dire que c'était moi qui étais la

2 cause de cette guerre civile.

3 Les Musulmans bosniaques sont, en fait -et je parle de la partie

4 extrémiste de leur direction-, c'est cette partie extrémiste de la

5 direction des Musulmans de Bosnie qui a fait le plus de mal aux Musulmans

6 de Bosnie. En effet, les grandes puissances, et en particulier, les Etats-

7 Unis ont fait semblant de s'intéresser à leurs intérêts, alors que cela

8 leur a servi de paravent pour un comportement tout à fait contraire à

9 l'égard d'autres Musulmans et d'autres pays musulmans. Je parle là du

10 comportement assez classique des grandes puissances.

11 Les dirigeants des Musulmans de Bosnie ont en fait, dans la réalité,

12 trahis leurs intérêts car les Musulmans de Bosnie vivaient en paix avec

13 les Serbes de Bosnie. Ils avaient une existence normale. Et cette

14 politique, qui a entraîné la guerre, a provoqué intentionnellement un très

15 grand nombre de morts. Je répète "intentionnellement". Donc cela n'est pas

16 étonnant qu'il y ait eu un grand nombre de Musulmans enrôlés dans l'armée

17 de la Republika Srpska. Ils ne se sont certainement pas engagés dans cette

18 armée pour tuer des Musulmans mais pour se défendre contre un mal commun,

19 c'est-à-dire l'extrémisme islamique qui a fait la preuve qu'il était une

20 arme très puissante pour la déstabilisation de la région, et, à l'avenir,

21 de plus en plus une arme destinée à déstabiliser y compris le continent

22 européen.

23 Je dispose ici d'un document qui montre très clairement la façon dont

24 cette politique extrémiste, intégriste, d'Izetbegovic et de son parti

25 allait à l'encontre de toute possibilité de paix qui aurait pu résulter

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1 des pourparlers tripartites menés lors des rencontres de la communauté

2 européenne sous la direction de Vance-Owen d'abord, et ensuite de

3 Stoltenberg. Je veux parler d'une lettre provenant du siège du parti

4 d'Izetbegovic, signée par son secrétaire Hasan Cengic, sur le papier

5 utilisé par ce parti pour les grandes occasions avec un tampon et une

6 signature.

7 En janvier 1993, c'est la date que l'on voit sur le document, cette lettre

8 est adressée au Parti de l'action démocratique, c'est-à-dire à la

9 direction des Musulmans de Bosnie à Trebinje sur le territoire de la

10 Republika Srpska. Et le thème est défini comme suit -je cite-:

11 "Instructions relatives au ménagement de Trebinje".

12 Ensuite, on lit –je cite-: "Compte tenu du fait que la situation en

13 Bosnie-Herzégovine devient, d'un instant à l'autre, plus hasardeuse sur le

14 plan de la sécurité, que la situation se complique, notamment en raison de

15 l'adoption des documents de Genève par Karadzic et sa clique à Pale, il

16 est nécessaire, afin de répondre aux aspirations de notre pays, la Bosnie-

17 Herzégovine, de se renforcer et de prendre les mesures suivantes sur le

18 terrain des municipalités. D'abord par le biais de nos militants, tous les

19 Musulmans, et notamment les plus aisés, il faut se déplacer vers le

20 Monténégro. Deuxièmement, les biens meubles et immeubles doivent être

21 partiellement vendus, etc. Troisièmement, il faut exercer une pression et

22 une contrainte contre les Musulmans qui n'agissent pas conformément à cet

23 ordre et à ses instructions".

24 Il y a encore beaucoup de choses dans cette lettre, mais je n'ai pas le

25 temps de tout lire.

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1 On lit ensuite: "avec mes salutations respectueuses, etc., secrétaire du

2 SDA: Hasan Cengic".

3 Je demanderai le versement au dossier, de ce procès, de cette lettre. Les

4 Juges pourront la lire dans son intégralité.

5 Donc, c'est sur la base de cela que le conseil municipal du SDA en

6 Republika Srpska à Trebinje a émis une invitation dans laquelle on lit ce

7 qui suit -je cite-: "Les Serbo-Chetniks et leur dirigeant Karadzic tentent

8 de nous empêcher de mener à bien nos intentions et trompent le public en

9 général, à Genève et ailleurs, en déclarant une fausse loyauté à l'égard

10 des Musulmans de Trebinje sous la dictature des Serbo-Chetniks et de leur

11 clique militaire."

12 Ensuite, ils demandent à chacun de quitter la région: "Le minimum que nous

13 pouvons demander, c'est que tous les Musulmans quittent ce qu'il est

14 convenu d'appeler 'l'armée de la Republika Srpska', et il est de notre

15 devoir de partager le sort vécu par la totalité de notre peuple, nation

16 composée de toutes les familles, de nos familles, et de tous les autres

17 habitants qui doivent partir pour le Monténégro", etc., etc.

18 Ensuite, d'autres choses sont dites dans ce document.

19 Est-ce que cela ne vous rappelle pas ce qui s'est passé au Kosovo? Si

20 c'est le cas, tout ce que je peux dire, c'est que je crois que le public,

21 de façon générale, doit être informé de cela de la meilleure façon qui

22 soit.

23 Comment est-ce qu'une armée pourrait être responsable d'un génocide contre

24 son propre peuple? Je ne dis pas qu'il n'y a pas eu de crimes de guerre;

25 il y a bien sûr eu des crimes de guerre dans les trois camps. Mais ce que

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1 je viens de lire signifie que le climat nécessaire n'existait pas et

2 aucune mesure n'a été prise en vue d'un génocide à ce moment-là.

3 Les victimes, les gens qui sont tombés au cours de la guerre contre la

4 Yougoslavie étaient des gens innocents dans les trois camps, dans les

5 trois groupes ethniques. Ils ont été poussés dans ces conflits, dans cette

6 guerre en raison d'intérêts étrangers, des intérêts de pays tiers, mais

7 cela avec la coopération de leurs dirigeants qui ont conduit à la guerre.

8 En Croatie et en Bosnie-Herzégovine, la guerre a été imposée à la

9 population. En Croatie, les gens pensaient qu'ils étaient désormais sous

10 la protection des Etats-Unis, par le biais d'une solution politique, parce

11 qu'on leur avait promis protection et règlement de tous les problèmes par

12 des biais politiques. Jusqu'à l'arrivée des Nations Unies sur leur

13 territoire, ils se sont défendus eux-mêmes. Il s'agissait d'une défense

14 indispensable mais, à partir de ce moment-là, aucune action militaire n'a

15 plus été entreprise, à partir de l'arrivée des Nations Unies.

16 Je dispose ici de notes au moment où Cyrus Vance est venu me voir, en date

17 du 31 décembre 1991, donc un peu avant 1992, et il a obtenu de ma part un

18 plein soutien pour envoyer les Casques bleus en Croatie sur les frontières

19 séparant la Croatie et la Bosnie-Herzégovine. Ceci est un fait qui, en

20 même temps, est bien une preuve directe de l'intervention de la communauté

21 internationale en Croatie dans les évènements qui se sont produits ensuite

22 en Bosnie-Herzégovine également.

23 Nous n'avons pas simplement donné un soutien verbal aux Casques bleus,

24 mais nous leur avons officiellement accordé l'autorisation de pénétrer sur

25 le territoire. Et à Genève en 1992, du 10 au 13 janvier, lorsqu'il était

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1 devenu tout à fait clair que le plan serait accepté, les forces musulmanes

2 le 16 janvier ont attaqué la municipalité serbe de Bratunac et ont lancé

3 une offensive généralisée avec massacre de la population civile. Par

4 ailleurs, dans les environs de Bratunac, la population a été massacrée

5 dans 70 villages serbes qui ont été incendiés.

6 S'agissant de la façon dont le problème a pu être surmonté, je reprends la

7 carte qui vous a été soumise par M. Nice. On voit bien sûr cette carte les

8 endroits où se trouvaient des territoires d'où ont été expulsés les Serbes

9 qui y vivaient. Mais M. Nice n'a pas eu l'idée de vous dire que ces

10 territoires étaient des zones protégées par les Nations Unies. Et je

11 suppose que le Conseil de sécurité, de l'envoyé spécial Cyrus Vance n'a

12 pas décidé de créer ces zones protégées dans le cadre d'une solution

13 politique, mais parce que les Serbes s'étaient emparés de certaines

14 parties du territoire de l'Etat croate et qu'une solution politique devait

15 donc être trouvée.

16 C'est de cette façon que les choses se sont passées. Une solution

17 politique était attendue par tous. Carrington en a parlé, je l'ai cité, il

18 y a quelques instants; il a dit qu'une "telle solution était imminente".

19 S'agissant maintenant des Serbes de Bosnie-Herzégovine, ils avaient

20 accepté le plan Cutilheiro du Président portugais adopté lors de la

21 Conférence de paix sur la Yougoslavie, et ceci s'est produit avant le

22 début des conflits en Bosnie-Herzégovine. Ma position officielle en Serbie

23 consistait à dire que si un accord devait être adopté, il fallait qu'il le

24 soit en tout état de cause par les trois parties, par les trois peuples.

25 Et lors d'une visite en Turquie, j'ai parlé de tout cela. J'ai dit que je

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1 considérais que nous ne devions pas nous mêler de cela, que c'étaient eux

2 qui avaient négocié, que c'étaient eux qui avaient créé, élaboré cette

3 solution et que la seule position acceptable c'était que la solution en

4 tout état de cause défende les intérêts des trois peuples constitutifs de

5 la Yougoslavie.

6 Et dans mes entretiens avec Vance, le 4 mars -entretien qui a été

7 reproduit clairement par la presse- et à l'occasion de quoi il a été

8 précisé que seule la solution politique basée sur le consensus des trois

9 peuples constituants ne serait constituée de fondement pour la

10 réglementation du statut de cette République. Et à cette occasion-là

11 également, je m'étais employé en faveur de la continuation la plus proche

12 possible de la conférence sur la Bosnie-Herzégovine.

13 Et pour finir, on en était arrivés au cinquième round de ces négociations,

14 on avait signé ce qu'on avait appelé "le plan de Cutilheiro". Je ne puis

15 m'attarder davantage sur ce plan, parce que le temps est très limité, mais

16 je voudrais souligner le fait que l'élément le plus important de ce plan

17 avait consisté en la transformation de la Bosnie d'Etat unitaire en Etat

18 multiethnique, avec des mesures pour prévenir toute domination ou

19 prédominance d'un groupe ethnique sur les deux autres.

20 Les Serbes avaient accepté le plan en question. Ils avaient accepté la

21 création d'une Bosnie autonome, indépendante, mais à condition d'en

22 constituer un élément sur pied d'égalité.

23 Et il y a une déclaration de Radovan Karadzic qui a été transmise juste

24 après la signature de cet accord. Il a précisé que tout un chacun avait

25 perdu la possibilité de dominer, mais a obtenu la possibilité de pas se

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1 voir transformer en minorité nationale. De quelle ambition "grand Serbe"

2 peut-on parler ici alors?

3 Ce qui est intéressant, en réalité, c'est qu'au même moment, le porte-

4 parole du parti d'Izetbegovic, le Parti de l'action démocratique, parce

5 qu'Izetbegovic avait été l'un des signataires de ce plan de Cutilheiro,

6 qui est venu confirmer, il s'appelait Irfan Arjanovic et -je cite: "Que le

7 Parti de l'action démocratique se trouvait satisfait par le dernier des

8 accords obtenus pour la situation en Bosnie."

9 Et, s'agissant de la possibilité de voir le Parlement serbe rejeter

10 l'accord obtenu sous l'égide de Cutilheiro, il aurait dit: "Que ce serait

11 de la folie", et il se demanderait, il se poserait la question dans ce

12 cas-là "Qui était en train de tromper la communauté internationale et le

13 président de la conférence internationale?". Mais il n'avait pas pu se

14 douter du fait qu'une idée de ce genre allait survenir dans le laboratoire

15 musulman et que c'est la partie serbe qui allait faire preuve de sagesse.

16 Et c'est Izetbegovic, suite à la signature, très vite après qu'il a retiré

17 sa signature de ce document, et il l'a fait -nous l'avons d'ailleurs vu à

18 partir du témoignage sur l'enregistrement vidéo après l'entretien qu'il a

19 eu avec l'ambassadeur américain à Belgrade Warren Zimmerman et sur

20 incitation de ce dernier- c'est donc ainsi que ce plan salutaire est tombé

21 à l'eau, avant même qu'il n'ait été déployé quelque part que ce soit en

22 faveur de sa mise en œuvre. Et c'est ainsi qu'a commencé la guerre.

23 Cutilheiro, lui-même avait été surpris par Izetbegovic, et a déclaré

24 qu'ils avaient opté en faveur de l'option belligérante, et c'est à eux

25 qu'ils revenaient d'assumer la responsabilité.

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1 Malheureusement, les maîtres de la guerre, et nous le voyons actuellement

2 ici aussi, la responsabilité en est attribuée aux Serbes et à moi-même en

3 personne, bien entendu, ce qui rend l'absurde tout à fait complet.

4 Après renouvellement des tentatives vers la fin de l'année 1992, et j'ai à

5 ce sujet un enregistrement de la réunion avec Vance et Owen, le 6 janvier

6 1993 à Belgrade, où il figure ma déclaration disant: "Je suis convaincu

7 qu'il n'y a pas de sortie à la crise sans qu'il y ait respect de l'égalité

8 en droit de toutes les populations en Bosnie-Herzégovine." C'est la raison

9 pour laquelle je crois que la seule issue est une cessation momentanée de

10 toutes les inimitiés, et par la suite pourparlers fondés sur le respect

11 des intérêts de toutes les nationalités en présence. C'est la seule

12 condition et la seule possibilité de maintenir la paix. Il est de notre

13 devoir d'apporter notre soutien à toutes les solutions de paix qui sont

14 susceptibles de porter des fruits.

15 Cette disponibilité a d'ailleurs été confirmée également à Genève. Et nous

16 avons vu, par ailleurs, partant de tous les éléments et notamment la

17 déclaration que j'ai citée et qui émane d'Owen, aux termes de laquelle

18 Izetbegovic avait résisté à la mise en place de ce plan de Vance-Owen qui

19 est dans les hésitations des Américains. Et même Kinkel en février 1993,

20 le 4 février 1993 avait demandé à Clinton d'exercer des pressions pour ce

21 qui est de l'acceptation de ce plan, en soulignant que les conséquences de

22 son rejet seraient graves.

23 Malheureusement, le soutien a fait défaut. Et on a pu voir, partant de ce

24 que j'ai cité comme extrait de ce document, qu'il n'avait rien d'autre à

25 l'esprit, si ce n'est une Bosnie-Herzégovine unitaire conçue comme étant

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1 un Etat fondamentaliste, intégriste. Et il n'y avait pas seulement les

2 dires de la Déclaration islamique qui disaient ce qu'il en serait.

3 Dans la guerre contre la Yougoslavie, il a été abusé de l'hétérogénéité

4 ethnique de cette Yougoslavie, et la Bosnie, que tous s'accordaient pour

5 appeler la Yougoslavie en plus petit, la chose pouvait à tout moment être

6 abusé ou faire l'objet d'abus.

7 Depuis le congrès de Berlin, en 1998 jusqu'aux bombardements des positions

8 serbes par les forces de l'OTAN, les ingérences étrangères en Bosnie, dans

9 les conflits religieux ou ethniques, avaient toujours été expliquées par

10 des besoins d'intervention humanitaire, mais la présence des troupes

11 étrangères en Bosnie avait toujours cherché à réaliser des intérêts

12 impérialistes et hégémoniques étrangers. Et si l'on avait souhaité

13 effectivement l'apaisement des conflits, il avait toujours fallu veiller

14 au maintien de l'équilibre ethnique et de l'égalité en droit.

15 Et cette égalité en droit sous-entendait pour chacun des peuples en

16 Bosnie-Herzégovine de bénéficier du statut de peuple constituant dans un

17 Etat souverain ou leurs droits seraient réalisés.

18 Dans le plan de Cutilheiro, il avait été tenu compte des intérêts de toute

19 entité constituante, et il avait été précisé qu'il ne saurait être admis

20 que quelque peuple que ce soit, soit ramené à un statut de minorité

21 nationale. Et c'est ce que viennent confirmer les Accords de Dayton. Parce

22 que chaque fois qu'il y a eu perturbation de l'équilibre ethnique, il y a

23 eu des conflits; et chaque fois qu'on a tenu compte des intérêts des trois

24 parties constituantes, il a pu être abouti à une solution pacifique. Ce

25 sont les accords de Dayton qui ont reconnu le droit de chacun des trois

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1 peuples à avoir un Etat commun dans le respect des intérêts de toutes ces

2 parties constituantes.

3 Il n'y avait pas qu'Izetbegovic qui avait été de mauvaise foi, mais aussi

4 la Communauté européenne, de façon évidente! Parce qu'ici, précisément, à

5 La Haye, au Palais de la paix, le 7 septembre 1991, avec toutes les

6 cérémonies diplomatiques, on a entamé une conférence sur l'ex-Yougoslavie

7 et on a donné lecture de la déclaration émanant de la Communauté

8 européenne. Il y est fait constatation catégorique disant que la

9 Communauté européenne n'allait pas reconnaître quelque modification que ce

10 soit des frontières si celles-ci venaient à être faites ou être opérées

11 par des moyens non pacifiques.

12 Je n'ai plus le temps de citer -parce que le temps vole, le temps s'écoule

13 très vite pour citer donc toutes les positions-, mais je dirais que toutes

14 ces déclarations abondent dans le sens de ce que j'ai dit à l'époque pour

15 ce qui est de la politique et des positions de la Serbie qui illustrent

16 nos efforts pour ce qui est d'un traitement sur pied d'égalité des trois

17 peuples en présence.

18 J'ai ici le texte de toutes ces interventions. Nous aurons l'opportunité

19 et le temps de les placer dans l'opinion publique.

20 Nous avons apporté notre soutien à cinq plans, et à la Conférence des

21 ministres européens, la dernière des phrases que j'ai prononcées avait été

22 celle de dire: "Messieurs, au moment où vous adopterez une attitude

23 identique à l'égard de tous les acteurs du drame yougoslave, eh bien, ce

24 sera là une décision de paix".

25 Cela avait été la position de la Serbie, cela avait été la position qui

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1 était la mienne et la position qui, à mon avis, avait été seule conforme

2 aux principes proclamés dans toute cette affaire. Et je le pense encore

3 aujourd'hui.

4 Par conséquent, en Yougoslavie, il ne s'était pas agi d'une désintégration

5 ou d'un démantèlement, mais c'est une sécession qui a donné naissance à

6 des crimes, en dépit des principes de la sauvegarde, de l'intégrité

7 territoriale et de la préservation des principes de l'acte final

8 d'Helsinki. Ce qui fait que les alliances entre les intervenants

9 extérieurs et intérieurs ont opté en faveur d'une sécession pour

10 démanteler, ou comme forme de démantèlement de cette Yougoslavie.

11 Et dans les alliances qui se sont faites, on a fait fi du droit des

12 peuples à l'autodétermination, et on a adopté des positions qui faisaient

13 des frontières administratives des frontières d'Etat souverain, alors que

14 les droits à l'autodétermination étaient liés à chacun des peuples. Cela

15 n'avait pas été valide pour le peuple serbe. Alors que la Yougoslavie,

16 elle, avait été créée, à l'époque, par une libre décision et association

17 des peuples constituants. Et jusqu'en fin 60, l'effigie de la Yougoslavie

18 était constituée de cinq flambeaux qui avaient les Serbes, les Croates,

19 les Slovènes, les Monténégrins et les Macédoniens. Et quand le sixième

20 peuple a obtenu le statut de peuple, il y a eu un sixième flambeau

21 installé après les années 60 pour symboliser la mise en place d'une

22 sixième nation proclamée à l'époque seulement, qui avait été la nation de

23 cette communauté musulmane.

24 Et cette campagne allemande, pour ce qui est de la reconnaissance de la

25 Slovénie et de la Croatie, je vais citer une lettre de Van den Brock qui

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1 avait appelé cela comme étant la lettre qui a sonné le glas de l'ex-

2 Yougoslavie, il avait dit que: "Cela risquait d'être l'étincelle qui

3 risquait de mettre le feu aux poudres en Bosnie-Herzégovine".

4 Une intervention politique venue de l'extérieur avait favorisé le droit à

5 l'autodétermination de façon sélective. Dans le cas de la Yougoslavie, les

6 Etats de la communauté européenne avaient stimulé le concept

7 antidémocratique, avaient stimulé la violation de toutes les normes du

8 droit international et du droit national.

9 Le Président français François Mitterrand, dans sa déclaration du 3

10 septembre 1992, a dit à la télévision que: "La communauté internationale

11 assumait une certaine partie des responsabilités pour le conflit en

12 Yougoslavie. Il a exprimé le regret de l'Europe pour ce qui est du fait

13 d'avoir pu voir l'Europe ne pas vouloir se mettre à défendre les normes

14 légales en place. Et ainsi de suite.". Il avait donc compris, pour sa

15 part, qu'il avait fait recours à la violence et non pas au droit; c'est la

16 raison pour laquelle il a exprimé ce regret, malheureusement trop tard.

17 Et, entre-temps, dans l'opinion publique mondiale, dès le début de la

18 crise yougoslave, il a été imposé un préjugé sur le plan géopolitique,

19 culturel, en soulignant les différences qui existaient entre l'Occident et

20 l'Orient, et ces différences avaient pour frontière quelque part entre la

21 Serbie et la Croatie.

22 Bien entendu, personne ne s'est opposé à la chose, comme du reste à

23 l'époque Hitler avait adopté une plate-forme identique. Qui prête

24 maintenant attention au Traité de Versailles? C'est des années 30, cela

25 n'a plus été qu'un papier émanant d'un château en France. Et, au bout de

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1 50 ans, on a pu voir que le fascisme a de nouveau pris naissance, le

2 mouvement Oustachi également, tout comme un demi-siècle auparavant

3 lorsqu'il a été créé un Etat indépendant croate en sa qualité de créature

4 fasciste, et cette République libre et indépendante qui s'était installée

5 avec l'assistance de l'Allemagne, du Vatican, et au maximum de

6 l'émigration Oustachi des Croates à l'étranger…

7 Et vous avez pu voir dans la vidéo comment on a dit merci en chantant:

8 "Danke Deutschland", "Merci Allemagne", et on a édifié un monument à Hans

9 Dietrich Genscher qui était encore vivant et qui était ministre des

10 Affaires étrangères allemand et cela à Brac. Et le Vatican s'est exprimé

11 pour ce qui était de son rôle.

12 Maintenant, c'est la raison pour laquelle il y a cet Acte d'accusation en

13 Croatie et en Bosnie. Eh bien, la raison en est simple, autant que pour le

14 Kosovo: c'est que vous n'avez pas, vous ne détenez pas la vérité et vous

15 devez l'inventer, manipuler, comme vous devez forcément présenter de faux

16 témoins. Et pour tous ceux qui ne comprendraient pas encore: est en train

17 de se dévider la bobine qui mènera à la vérité, que cette vérité finira

18 bien par se faire jour, indépendamment des falsifications historiques que

19 j'ai citées en exemple et indépendamment des assertions qui se sont

20 fondées, notamment sur la réalisation d'intérêts et non pas sur l'ordre

21 réel des choses.

22 En sus de l'argumentation incontestable que j'ai avancée et dont vous

23 devriez être conscients, si tant est que vous croyez véritablement

24 accomplir votre tâche consciencieusement, je tiens à dire que vous avez

25 accepté la réalité de telles accusations comme cela est dit ici -je cite-:

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1 "Slobodan Milosevic a participé à une entreprise criminelle conjointe dans

2 tel et tel paragraphe aux fins d'éliminer par la force la population non-

3 serbe du tiers du territoire croate, territoire que l'on avait voulu

4 mettre sous domination serbe". Et ainsi de suite.

5 Donc, en dépit de tous les faits à avancer -et je tiens à dire que nous

6 avons en ces années-là-, avant même que ces crimes soient perpétrés, en

7 présence des Nations Unies nous avions donc encouragé la normalisation des

8 relations entre Knin et Zagreb et nous avions estimé que cette

9 normalisation allait ouvrir la voie à une solution politique. Par exemple,

10 le 30 novembre 1994, le gouvernement de la Krajina serbe à Knin avait

11 adopté un paquet d'accords pour ce qui est de la coopération avec la

12 République de Croatie, et elle avait fait preuve, une fois de plus,

13 qu'elle était favorable à la politique de paix et de coopération avec la

14 communauté internationale.

15 Puis, une fois de plus, le 11 janvier 1995, dans la base de la Forpronu à

16 l'aéroport Pleso de Zagreb, il a été entamé une nouvelle série

17 d'entretiens avec le gouvernement de la Croatie et de la Krajina serbe qui

18 s'est soldée par un désaccord. Les pourparlers ont eu lieu à huis clos, et

19 ont pris part Lord Owen et Stoltenberg. Il y avait à la tête de la

20 délégation Borislav Mikelic et Hrnoje Sarinic à la tête de la délégation

21 croate.

22 Le même mois, le 24 donc de ce même mois, en 1995, Stoltenberg est venu me

23 voir et nous avons constaté ensemble que, avec les efforts déployés par le

24 groupe de contact, nous allions accélérer le processus de paix parce que

25 nous avions favorisé le déroulement de ces processus entre Knin et Zagreb.

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1 Et ainsi de suite et ainsi de suite.

2 Il n'est donc guère possible de parler de tous ces éléments à la fois,

3 mais il ne fait pas l'ombre d'un doute que ce qui est écrit ici est

4 contraire à la vérité, tout à fait faux.

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, l'heure de la

6 suspension est venue.

7 M. Milosevic (interprétation): Une chose seulement encore.

8 Je regrette beaucoup que, dans les conditions dans lesquelles je me

9 trouve, je sois forcé de prendre des notes à la main pour ce que j'ai dit.

10 Je ne puis évaluer le temps qui m'est nécessaire pour la présentation du

11 strict minimum qui me permettrait de toucher seulement à certains sujets,

12 à certains volets, et, si je consulte le reste de mes notes, je crois que

13 les 20 minutes que votre planning initial avait prévues à mon intention...

14 M. le Président (interprétation): Nous allons vous accorder une demi-heure

15 demain matin. Cela devrait suffire.

16 M. Milosevic (interprétation): Ne serait-il pas possible, Monsieur May, de

17 m'accorder une première partie, à savoir jusqu'à la première pause, de 9

18 heures à 10 heures et demie, et j'essaierai, moi, de concentrer cela en

19 une heure et demie? Je crois que nous avons consacré beaucoup de temps ici

20 sur des questions qui n'ont que peu de signification. Et ce que j'ai à

21 dire est, à mon avis, très important.

22 (Les Juges se concertent sur le siège.)

23 M. le Président (interprétation): Vous disposerez de trois-quarts d'heure.

24 Ceci devrait suffire pour faire valoir vos arguments. Vous aurez bénéficié

25 de davantage des trois heures qui avaient été imparties au départ.

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1 Remarquons que vous avez un temps beaucoup plus long que celui accordé à

2 l'accusation.

3 Est-ce que je peux parler à la Greffière d'audience?

4 (Le Président s'entretient avec Mme Ameerali.)

5 L'audience est suspendue.

6 (L'audience est suspendue à 13 heures 48.)

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