Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 1er octobre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 01.)

3 (Audience publique.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?

6 M. Nice (interprétation): Je vais demander à ce que l'on fasse entrer le

7 témoin.

8 M. le Président (interprétation): Avant cela, examinons d'abord les pièces

9 à conviction, s'il vous plaît.

10 M. Nice (interprétation): Je vais vous expliquer ce qu'il en est,

11 s'agissant des pièces à conviction.

12 La Chambre a reçu, je crois, quatre classeurs qui se divisent en deux

13 catégories distinctes. Je vais simplement demander au témoin de nous

14 parler de la première catégorie de pièces, c'est-à-dire deux classeurs. En

15 fait, si l'on regarde ces deux classeurs, cela donne une idée fausse du

16 volume de pièces. Il ne faut pas penser que ce volume soit si important

17 parce qu'en fait il y a une pièce à conviction qui est extrêmement

18 volumineuse et il va falloir décider s'il conviendra de la produire dans

19 son intégralité ou non. Mais il serait peut-être injuste que de ne la

20 produire qu'en partie. Il s'agit de l'intercalaire n°6 du document C2954.

21 Si on regarde les deux premiers volumes, c'est-à-dire la catégorie 1 de

22 documents, ce ne sont pas des documents aussi nombreux qu'on pourrait le

23 croire. C'est au sujet de ces documents que je vais interroger le témoin.

24 La deuxième catégorie de pièces à conviction se présente sous forme de

25 deux classeurs et je ne vais pas poser de questions au témoin à ce sujet.

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1 Je vais seulement lui demander d'authentifier certains documents, parce

2 qu'il sera peut-être possible de demander à certains témoins de nous

3 parler plus en détail de certains documents.

4 Généralement, l'authentification n'est pas quelque chose que nous faisons

5 systématiquement. Nous le faisons uniquement lorsque les documents sont

6 contestés, mais étant donné que le témoin sera en mesure d'authentifier un

7 très grand nombre de documents, il conviendra de le faire avec lui. Et

8 cela se fera sous la forme d'une seule question.

9 Est-ce que vous avez parcouru les documents qui se trouvent dans ces deux

10 autres volumes? Est-ce que ces documents sont authentiques? Voilà.

11 M. le Président (interprétation): Et ceci inclut les documents qui nous

12 ont été remis, n'est-ce pas, documents remis dans une chemise? Je crois

13 qu'il s'agissait des pièces à conviction en annexe du compte rendu

14 d'audience.

15 M. Nice (interprétation): En fait, moi, je m'apprêtais uniquement à

16 utiliser les documents dans les classeurs et, éventuellement, à signaler

17 qu'on en avait parlé dans le compte rendu d'audience, qu'ils figuraient

18 dans le compte rendu d'audience.

19 M. le Président (interprétation): Comme je l'ai déjà dit, nous avons lu le

20 compte rendu d'audience, donc inutile d'y passer trop de temps.

21 M. Nice (interprétation): J'essaierai au maximum d'éviter de poser des

22 questions de nature générale, mais je pense tout de même qu'il faut donner

23 une idée du contexte dans lequel nous nous situons. Le témoin va ici nous

24 parler de questions de manière détaillée, plus que dans l'autre affaire où

25 il était intervenu.

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1 M. le Président (interprétation): Et le témoin sera avec nous également

2 demain?

3 M. Nice (interprétation): Oui.

4 M. le Président (interprétation): Une autre chose: hier, j'ai demandé une

5 carte. Vous savez que, pour le Kosovo, nous disposions d'un atlas fort

6 utile. Il ne sera peut-être pas possible d'obtenir un document semblable

7 pour cette partie du procès, mais peut-être pourrions-nous avoir une carte

8 avec les différentes municipalités clairement indiquées.

9 M. Nice (interprétation): Il y a plusieurs semaines, voir plusieurs mois

10 que j'ai demandé à ce qu'un atlas, ou une carte semblable, soit présenté

11 pour le procès. Sinon, nous nous servirons sans doute de cartes routières

12 ou de volumes de cartes routières.

13 Mais nous sommes toujours en train de voir si nous ne pouvons pas trouver

14 un atlas semblable à celui du Kosovo; je vous tiendrai au courant.

15 M. le Président (interprétation): Merci.

16 M. Nice (interprétation): Peut-on faire entrer le témoin, s'il vous plaît?

17 M. le Président (interprétation): Oui.

18 M. Milosevic (interprétation): Selon le programme qui m'a été communiqué,

19 le témoin qui a été interrogé hier a été interrogé, comme il a été dit par

20 la partie adverse, entendu dans le programme pendant 6 heures. Or il a été

21 interrogé pendant 8 heures.

22 Le témoin prochain, Stjepan Mesic, devait, selon le programme, être

23 interrogé pendant 10 heures. Tout d'un coup, je vois que, subitement, cela

24 se réduit à 4 heures ou à 4 heures et demie, au maximum. Ce qui n'est pas

25 sans semer une confusion, étant donné les documents volumineux et étant

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1 donné le temps qui m'a été imparti pour contre-interroger ce témoin.

2 Je crois que cette pratique est inadmissible. Ces quatre gros classeurs

3 m'ont été remis hier, hier après-midi, dans la soirée, après avoir

4 travaillé ici. J'entends dire maintenant la façon dont tout cela a été

5 communiqué, mais il me semble que ce n'est pas la façon correcte de

6 procéder.

7 Bien entendu, je ne me vois pas handicapé grandement par tout cela, car le

8 témoin qui vient est, à tout point de vue, problématique, étant donné le

9 rôle criminel qui a été le sien dans la destruction de la Yougoslavie.

10 M. le Président (interprétation): Nous ne sommes pas ici pour entendre les

11 observations que vous avez à faire au sujet du témoin.

12 S'agissant de vos observations au sujet de la procédure, je vais y

13 répondre de la manière suivante. En premier lieu, il y a une question

14 d'exactitude dans vos propos. D'après mes notes, nous avons eu besoin de 6

15 heures et 10 minutes pour l'interrogatoire principal du premier témoin. Il

16 convient de le signaler au compte rendu d'audience.

17 Deuxièmement, si l'interrogatoire principal de ce témoin dure moins

18 longtemps que prévu, eh bien, tant mieux; il faut s'en réjouir.

19 Troisièmement, ces documents vous ont été communiqués au préalable. Vous

20 les aviez ces documents avant et vous aurez ce soir également la

21 possibilité d'examiner les documents pour voir si certains n'étaient pas

22 présents dans ceux qui vous avaient été communiqués avant, puisque demain

23 vous pourrez contre-interroger le témoin.

24 Et d'autre part, nous avons déjà parlé de la raison pour laquelle nous

25 avions décidé de faire vernir ce témoin avant de terminer la déposition de

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1 l'autre. Mais faisons maintenant entrer le témoin.

2 M. Milosevic (interprétation): J'ai une autre question à soulever qui n'a

3 rien à voir avec cela. Il m'a été remis hier un programme nouveau alors

4 que votre suggestion a été faite, à savoir que les programmes devaient

5 s'échelonner dans les délais prévus.

6 Après ce témoin, qui viendra maintenant, Stjepan Mesic, nous voyons au

7 programme, Djuro Matovina, qui lui était à la 40e ou 41e place d'après le

8 programme. Vous pouvez le vérifier d'après le programme qui était prévu

9 pour cette année. Après lui, viendrait Slavko Kucuk. Lui n'a pas été prévu

10 pour témoigner au cours de cette année-ci. Il n'était pas sur la liste des

11 témoins.

12 Pour l'un et l'autre témoin, il me faudra creuser dans ces 125.000 pages

13 pour rechercher les documents parce que vous devez tout de même compter

14 que je sois en mesure de consulter tous les documents de ce vaste ensemble

15 de témoins. Et je crois que cette pratique devrait être abandonnée une

16 fois pour toutes.

17 M. le Président (interprétation): Nous nous pencherons sur la question des

18 témoins suivants en temps utile, mais passons tout de suite à l'audition

19 du témoin de ce matin.

20 (Le témoin, M. Stjepan Mesic, est introduit dans le prétoire.)

21 Je vais demander au témoin de prononcer la déclaration solennelle.

22 M. Mesic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

25 (Le témoin s'exécute.)

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1 (Interrogatoire principal du témoin, M. Stjepan Mesic, par M. Nice.)

2 M. Nice (interprétation): Veuillez, s'il vous plaît, décliner votre

3 identité, vos nom et prénom.

4 M. Mesic (interprétation): Je n'entends pas.

5 Question: Vos nom et prénom, s'il vous plaît?

6 Réponse: Stjepan Mesic.

7 Question: Monsieur Mesic, êtes-vous actuellement Président de la

8 République de Croatie? Est-ce que votre parcours, qui est de notoriété

9 publique, nous montre que vous avez été Premier ministre de Croatie en

10 1990, membre du parti HDZ, premier vice-président, puis Président de la

11 RSFY. Au cours des événements qui nous intéressent ici, vous avez été

12 également président du Parlement entre 1992 et 1994. Vous avez quitté le

13 parti du HDZ en 1994.

14 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

15 Est-ce bien exact?

16 Réponse: Exact.

17 Question: La raison pour laquelle vous avez quitté le parti du HDZ en

18 1994, quelle était-elle en quelques mots, Monsieur Mesic?

19 Réponse: Oui, vous venez de dire exactement qu'une fois que j'ai quitté le

20 HDZ, j'ai fondé un autre parti: les Démocrates indépendants de Croatie.

21 Question: Mais qu'est-ce qui vous a incité à quitter le HDZ, à cause de

22 quoi au sein du HDZ? En une phrase!

23 Réponse: Je n'étais pas en accord avec la politique qui menait vers le

24 partage de la Bosnie-Herzégovine. Je n'approuvais pas non plus la

25 politique qui poursuivait un faux modèle de privatisation et j'ai voulu

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1 voir dans son fonctionnement un Etat de droit.

2 Question: Passons maintenant à la modification du statut des provinces de

3 Kosovo et de Vojvodine en 1989 et dans les années qui ont suivi. Je pense

4 que nous pouvons évoquer ce sujet assez rapidement.

5 Les modifications dans le statut d'autonomie de ces provinces, de ces deux

6 provinces: comment y est-on parvenu, comment cela s'est-il déroulé et de

7 quelle manière ceci a-t-il un lien avec l'accusé ici présent?

8 Réponse: La Vojvodine et le Kosovo constituaient deux provinces autonomes

9 en tant qu'éléments constitutifs de la Fédération, tout comme l'ont été

10 les six autres Républiques. Pendant longtemps, la Serbie ne se voyait pas

11 contente du statut dont jouissaient les provinces et, après l'avènement au

12 pouvoir de Slobodan Milosevic, on avait opté pour supprimer le statut des

13 provinces de Vojvodine et de Kosovo, choses ayant été faites: ont été

14 destitués les dirigeants de la Vojvodine et du Kosovo. Le statut de ces

15 deux provinces a été modifié. Pratiquement, à moins de parler en des

16 termes formels, ces deux provinces ont cessé d'être les éléments

17 constitutifs de la Fédération.

18 Question: Vous nous dites que les dirigeants du Kosovo et de la Vojvodine

19 ont été changés. Est-ce que ce changement –et si nécessaire, donnez-nous

20 les noms-, est-ce que ces changements ont été effectués pour mettre à la

21 tête de ces provinces des gens qui étaient plus favorables, moins

22 favorables à l'accusé ou bien qui étaient complètement indépendants de

23 lui?

24 Réponse: Cette affaire a été organisée de sorte que des meetings ont été

25 organisés. On appelait cela une "révolution anti-bureaucratique". Il

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1 s'agissait de meetings, de réunions, de rassemblements sur une vaste

2 échelle en Vojvodine, au Kosovo et, plus tard, au Monténégro également,

3 qui visaient à destituer les dirigeants politiques qui avaient opté pour

4 l'autonomie, destituer également les dirigeants politiques qui optaient

5 pour la Constitution de 1974 et pour faire venir des dirigeants politiques

6 qui conviendraient à Slobodan Milosevic.

7 Question: Nous avons déjà eu des informations et entendu parler de

8 l'accession au pouvoir de l'accusé qui s'est passée à peu près à la même

9 époque. Cependant, une question à ce sujet, sur un sujet précis. Le

10 discours prononcé à Gazimestan, quel effet a-t-il eu? A-t-il eu un effet

11 quelconque sur des personnes telles que vous-même ou telles que les

12 personnes avec qui vous étiez en contact?

13 Réponse: Après le discours à Gazimestan, tenu par Slobodan Milosevic, il

14 s'était avéré tout à fait clair ce que souhaitaient les nouveaux

15 dirigeants politiques de la Serbie. On avait même annoncé la possibilité

16 d'une bataille armée. Il a été dit qu'on devait faire des préparatifs, de

17 toutes catégories, pour militer sans faire exception d'un combat armé.

18 Voilà, c'était la première fois qu'on entendait quelqu'un mentionner en

19 Yougoslavie une option de guerre, de faire la guerre. Et moi, comme tant

20 d'autres, j'ai compris qu'en fait, on préparait un réalignement, une

21 restructuration de la Yougoslavie qui ne devait plus être fédérée, comme

22 d'ailleurs le préconisait et l'a établi la Constitution de 1974.

23 Question: Et dans les circonstances qui existaient à l'époque, est-ce que

24 cette phrase "on ne peut pas exclure les conflits armés", est-ce que cette

25 phrase a eu un impact sur ce que les gens se sont imaginé à ce moment-là

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1 de ce qui allait se produire?

2 Réponse: Cette phrase a, en quelque sorte, mobilisé les masses; les masses

3 qui, elles, avaient soutenu la politique menant vers la disparition de la

4 Yougoslavie. Car la Yougoslavie en tant que Fédération, nous pouvons la

5 concevoir sous forme d'une chaîne où les républiques et les provinces

6 constituent les anneaux de la chaîne, les chaînons de la chaîne. Une fois

7 un chaînon détruit, la chaîne ne fonctionne plus. En d'autres termes,

8 cesse de fonctionner la Fédération elle-même. Ce qui voulait dire qu'on

9 s'avançait vers la fin de cette ex-Yougoslavie telle qu'elle avait été

10 établie préalablement.

11 Je me dois de faire quelques explications de cela. La Yougoslavie a

12 présenté trois facteurs d'intégration: l'un était en la personne de Tito,

13 le second était la Ligue des communistes et le troisième facteur était

14 constitué par l'armée. Tito, lui, disparaît; le parti, lui, disparaît. Il

15 restait encore évidemment à renverser l'armée.

16 Le tout donc indiquait qu'il a fallu détruire la Yougoslavie telle qu'elle

17 avait été établie aux termes de la Constitution de 1974.

18 Question: Je passe maintenant à un autre sujet, à savoir votre première

19 rencontre avec l'accusé. En quelle année cela s'est-il passé?

20 Réponse: J'ai pu suivre l'accusé au cours de cette époque de son avènement

21 au pouvoir; à savoir depuis la huitième réunion du Comité central de la

22 Ligue des communistes; ensuite, en passant par le renversement des

23 dirigeants politiques du Kosovo, de la Vojvodine et du Monténégro. Je l'ai

24 suivi jusqu'au moment où j'ai pu le rencontrer personnellement, à savoir

25 lors de ma venue à Belgrade, lorsque l'assemblée de Zagreb m'avait délégué

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1 en qualité de membre de la présidence de la Yougoslavie.

2 Question: Et où l'avez-vous rencontré pour la première fois en tête-à-

3 tête, en personne? Où, s'il vous plaît?

4 Réponse: Une fois que j'ai été élu, une fois que d'importantes pressions

5 avaient été exercées contre Slobodan Milosevic pour qu'il y consente, à

6 savoir que la Croatie -cette fois-ci en ma personne- devait avoir sa place

7 au sein de la présidence collégiale de la Yougoslavie parce qu'il y avait

8 une importante pression exercée par le bloc serbe au sein de la

9 présidence, ce qui était l'oeuvre de Milosevic, pour que je sois évincé,

10 pour que je sois exclu de la présidence collégiale -encore que j'ai été

11 délégué, élu à cette fonction par la Sabor, l'Assemblée croate- et pour

12 faire venir quelqu'un d'autre. Chose impossible de toutes façons parce

13 qu'il y avait une réglementation mise en place, au moyen de laquelle tout

14 devait être fait ainsi, sans modification aucune.

15 Or c'est la Communauté européenne qui a ensuite exercé une pression pour

16 que je sois élu. Et Milosevic m'a fait venir dans son cabinet, de concert

17 avec le Président Tudjman. C'est là que nous avons eu une première

18 entrevue.

19 Question: De ce qu'il a dit lors de cette première rencontre, de quoi vous

20 souvenez-vous?

21 Réponse: Eh bien, il y avait deux thèmes à l'ordre du jour, le premier

22 portant sur la question du Kosovo, car nous avons voulu savoir comment

23 trancher ce problème qui n'a pas été sans peser lourdement sur l'ensemble

24 de la Yougoslavie. Fallait-il y trouver une solution politique? Quant à

25 lui, Milosevic a dit: "Vous autres, vous ne connaissez pas les Albanais.

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1 Il faut bien les frapper sur le nez et, les Albanais une fois obéissants,

2 la question sera résolue".

3 Un second thème, c'était qu'avec la disparition de la Yougoslavie, il y

4 aurait le retour de Musulmans -enfin, il s'agissait de ceux qui étaient

5 partis pour la Turquie et dans d'autres pays- et qu'environ 500.000 hommes

6 de cette catégorie-là seraient de retour au Kosovo; ils seraient

7 susceptibles de modifier entièrement la composition ethnique de la région,

8 ce qui, d'après lui, aurait pu entraîner de graves problèmes pour

9 l'ensemble des pays qui composaient la Yougoslavie à cette époque-là. A

10 l'appui de ce qu'il venait de dire, il nous a offert une documentation sur

11 laquelle les meilleurs experts et spécialistes en matière de démographie

12 avaient été engagés pour faire des recherches. Et sur ce, je dis que la

13 Turquie connaît un taux d'accroissement important. Il me semble tout de

14 même peu vraisemblable de voir 500.000 hommes de retour. Mais Tudjman,

15 lui, a pris tous ces documents-là pour les porter à Zagreb.

16 Question: Est-ce que le Président Tudjman a semblé approuver la teneur de

17 ces rapports ou pas?

18 Réponse: Il n'a pas fait beaucoup de commentaires. Il a lu ces documents

19 -lecture à haute voix, lecture silencieuse-, il les a regardés. Lorsqu'il

20 a apporté tous ces documents à Zagreb, lorsque nous nous étions réunis au

21 sommet politique du pays, il a sorti ces documents pour dire: "Voilà, ici

22 nous avons des experts de réputation mondiale qui préconisent qu'avec la

23 disparition de la Yougoslavie, environ 500.000 Musulmans seraient de

24 retour". Il s'agissait de ceux qui étaient partis de Bosnie-Herzégovine,

25 de Macédoine, du Monténégro, de Sandzak, de cette région qui se trouve en

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1 Serbie.

2 Il n'a pas remis ces documents à quiconque pour les lire. Il a dit tout

3 simplement que ces documents étaient l'œuvre d'experts qui habitaient

4 Belgrade, qu'il s'agissait d'experts de Serbie, mais en les présentant

5 comme des gens qui avaient une réputation internationale, juste pour

6 apporter un peu plus de poids, pour conférer plus de poids à ces

7 documents.

8 Question: Passons maintenant à la création du parti SDS en Croatie ainsi

9 qu'à la mise en place des districts autonomes serbes.

10 Je vais vous demander en quelques phrases, aussi rapidement que possible,

11 de nous dire dans quelles circonstances on a vu l'apparition de ces

12 districts autonomes serbes. Parlez-nous également de l'influence

13 éventuelle de l'accusé sur le parti SDS en Croatie.

14 Réponse: Quant à moi, je suis tout à fait convaincu du fait qu'aucune

15 Yougoslavie confédérale ou fédérative ne convenait à Milosevic. Ce qui

16 l'intéressait lui, c'était une grande Serbie qui aurait dû naître sur les

17 décombres de la Yougoslavie. En ce cas-là, la minorité serbe en Croatie

18 devait avoir un rôle à jouer. Voilà la raison pour laquelle il y avait des

19 rassemblements politiques qui se tenaient, tout comme en Serbie, dans les

20 municipalités où la population serbe était majoritaire.

21 Dans la foulée, je dois dire qu'en ma qualité de Premier ministre de la

22 République de Croatie, lors des tout premiers malentendus que nous avons

23 eus avec certains dirigeants municipaux et des élus, j'avais demandé

24 d'obtenir une réunion avec tous les maires, tous les présidents

25 municipaux. Je les ai tous convoqués. Ils s'étaient mis d'accord pour

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1 venir. Je leur ai dit: "Ecoutez, nous devons voir quels sont les problèmes

2 que nous devons résoudre à table, mais pas à des rassemblements

3 politiques. La rue ne peut apporter aucune solution à des problèmes de ce

4 genre-là", leur ai-je dit. Tous s'étaient mis d'accord avec moi, sauf

5 Milan Babic qui, lui, était président de la municipalité, le maire de

6 Knin. Lui, n'était pas présent.

7 Je crois que Knezevic, le secrétaire de sa municipalité, m'a dit à son

8 tour que Babic était à Belgrade, qu'il était chez Milosevic et, tant que

9 Babic ne serait pas de retour, il n'était pas en mesure de nous dire quoi

10 que ce soit, mais que, personnellement, lui, il était plutôt en faveur

11 d'une telle réunion. Peu importe où la réunion tenait être tenue: à

12 Plitvice, à Zagreb ou ailleurs.

13 Etant donné que le secrétaire de la municipalité ne me répondait toujours

14 pas, pendant que le temps passait, deux ou trois jours plus tard, j'avais

15 appelé la mairie; le secrétaire était à l'autre bout du fil pour me dire

16 que le Président Babic était de retour et qu'il avait interdit tout

17 contact avec moi et avec le Gouvernement croate, aux élus et aux

18 représentants de la mairie, de la municipalité, et qu'il ne pouvait pas y

19 avoir de réunion du tout.

20 C'est ce dont d'ailleurs j'ai pu m'apercevoir. Je n'ai pu voir Babic, mais

21 c'était un prélude à la décision prise par eux sur l'autonomie

22 territoriale de la région où la population serbe se trouvait en majorité.

23 Question: Une fois que Babic a fait ce voyage à Belgrade, a-t-on expliqué

24 d'une façon ou d'une autre qui était derrière la position adoptée par

25 Babic?

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1 Réponse: Le 17 août, lorsque les routes ont été fermées dans pas mal de

2 municipalités, lors de ce que l'on a appelé la "Révolution des troncs

3 d'arbre", il est devenu tout à fait manifeste que ce qui se passait était

4 une tentative de sécession d'une partie de la Croatie. L'armée soutenait

5 cette tentative; elle est venue en renfort. Malgré les tentatives pour que

6 les troncs d'arbre soient enlevés des routes un peu partout en Croatie,

7 ces tentatives ont donc été vouées à l'échec, car l'armée ne s'y est pas

8 jointe.

9 Moi, je suis tout de même allé à Belgrade, mais je n'étais plus Premier

10 ministre; je suis donc allé à Belgrade pour assurer la vice-présidence de

11 la présidence fédérale. J'y ai reçu des informations des gens qui

12 m'étaient encore fidèles à Belgrade, qui m'ont dit que Babic et d'autres

13 venus de Knin se réunissaient avec Milosevic et Boro Jovic, tous deux

14 membres de la présidence de Yougoslavie représentants la Serbie.

15 J'ai dit à Boro Jovic que, si des Croates de Serbie venaient me voir, je

16 les recevrais parce que j'étais leur représentant à la présidence. Et

17 donc, lorsque quelqu'un venait de Croatie, je lui disais gentiment que je

18 pensais qu'il devait me recevoir parce que je représentais les habitants

19 de la République de Croatie. Il a donné son accord à cela. C'est ainsi que

20 Babic et moi-même, nous nous sommes retrouvés dans le cabinet de Boro

21 Jovic; il a simplement dit que les questions d'autonomie étaient

22 importantes à ses yeux et qu'il fallait discuter de la nature des

23 républiques et voir exactement quelle était la nature réelle du problème,

24 en s'asseyant autour d'une table pour discuter. Il a souri et a dit qu'il

25 y aurait un Etat d'ici peu.

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1 J'ai répondu que les dommages seraient très importants, qu'ils allaient

2 tout perdre et que lui n'allait même plus avoir un cabinet où travailler.

3 Je crois que c'est exactement ce qu'il s'est passé.

4 M. Nikolic (interprétation): Monsieur le Président, nous allons maintenant

5 passer à une pièce à conviction qui se trouve à la fin du volume 1 que

6 vous avez sous les yeux. Messieurs les Juges, il s'agit de la pièce C2954,

7 intercalaire 16.

8 C'est un nouveau système d'intercalaires que nous devons à Mme Dicklich et

9 M. Reid. Je les remercie pour cela. Mais il n'y a pas correspondance

10 complète de la numérotation des pages. Il faut donc que Mme l'huissière

11 nous aide à retrouver les numéros de page pour ces pièces à conviction.

12 Je pense que nous pourrions agir de la façon suivante: je demanderai à Mme

13 l'huissière de prendre chaque pièce à conviction pour la poser sur le

14 rétroprojecteur, en commençant par la page 1, afin que le témoin puisse

15 examiner ces différentes pages.

16 (Intervention de l'huissière)

17 Oui, nous allons regarder toute la pièce à conviction.

18 M. le Président (interprétation): La pièce devrait donc obtenir une cote.

19 M. Nice (interprétation): Si l'on pouvait donner une cote à l'ensemble de

20 la pièce avec un certain nombre de numéros d'intercalaires pour

21 identification des pièces distinctes; ceci pourrait être très bon, je

22 pense. Ensuite, on pourrait enlever les intercalaires qui ne seraient pas

23 utilisés.

24 Mme Ameerali (interprétation): Pièce de l'accusation 328.

25 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup. Maintenant, regardons

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1 l'intercalaire 16, pièce à conviction 328 de l'accusation. Nous la voyons

2 sur le rétroprojecteur, nous n'avons pas besoin de traduction pour le

3 moment.

4 Donc Monsieur Mesic, nous voyons qu'il s'agit d'une réunion tenue le 12

5 juillet, réunion de la présidence de la République socialiste fédérative

6 de Yougoslavie. Nous constatons -en tout cas, je peux le voir en

7 traduction anglaise- qu'il s'agit du compte rendu officiel de cette

8 réunion.

9 Alors, une partie du document nous apprend les choses suivantes: nous

10 voyons le nom des personnes présentes et les postes occupés par ces

11 personnes à l'époque.

12 Vous-même, Président; Branko Kostic, vice-président; les membres de la

13 présidence -et j'utilise leurs patronymes pour aller plus vite-:

14 Tupurkovski, Jovic, Bogicevic, un autre Kostic qui s'appelle Jugoslav

15 Kostic, et Bajramovic. En dehors des personnes présentes, il y avait le

16 président du Parlement fédéral, Slobodan Gligorijevic, le président Ante

17 Markovic et le ministre de la Défense, Veljko Kadijevic. Ainsi que Loncar,

18 Petar Gracanin, et l'assistant au ministère de la Défense fédéral,

19 l'amiral Brovet, et l'ambassadeur du ministère des Affaires étrangères,

20 Zivojin Jazic, ainsi qu'Anton Stari et d'autres.

21 Donc c'est bien la réunion à laquelle se rapporte ce compte rendu assez

22 volumineux, n'est-ce pas?

23 M. Mesic (interprétation): Oui, c'est exact.

24 Question: J'espère que le changement de façon de procéder ne gêne pas Mme

25 l'huissière.

Page 10527

1 Je pense que le témoin dispose de la version complète de ce document en

2 croate et nous pourrons, pour notre part, examiner la version anglaise. Je

3 pense que M. Mesic trouvera à chaque fois le passage dont je parle en

4 croate. Mais le reste du document devrait lui être donné également pour

5 qu'il puisse voir en même temps l'ensemble des pages.

6 Monsieur Mesic, je vous demanderai de donner un instant à Mme l'huissière

7 pour qu'elle reconstitue l'intégralité de la pièce.

8 (Intervention de l'huissière.)

9 Madame l'huissière, veuillez m'apporter ce document, je vais vous montrer.

10 Bien. Je viens de voir la version croate. J'aimerais à présent que mon

11 assistante remette à Mme l'huissière une version en anglais et je prie Mme

12 l'huissière de bien vouloir placer sur le rétroprojecteur la page 69. Donc

13 page 69 de la version anglaise sur le rétro projecteur; Monsieur Mesic, il

14 s'agira de la page 82 dans votre document. Nous verrons de quelle façon

15 vous enregistriez les événements historiques à l'époque.

16 Donc je vous demande de vous reporter en page 82 de votre version. Pour

17 nous, il s'agit de la page 39.

18 Monsieur Mesic, avez-vous parlé lors de cette réunion de la "révolution

19 des troncs d'arbre" qui avait commencé à Knin et je vous réfère

20 précisément au milieu de la page sur l'écran: "Je pense que les intentions

21 étaient parfaitement claires et, afin d'empêcher des affrontements

22 interethniques, l'armée en est venue à séparer les deux parties.

23 Messieurs, il n'y a pas deux parties en Croatie: il y a le Gouvernement

24 croate et ceux qui s'opposent à ce Gouvernement. Si nous acceptons ceci

25 comme étant un fait, nous pourrons résoudre le problème sur le principe.

Page 10528

1 Permettez-moi de dire très ouvertement que nous assistons à l'impérialisme

2 serbe dont le but est de créer une Grande Serbie sur les débris de la

3 Yougoslavie. C'est la raison pour laquelle les milieux grands serbes n'ont

4 aucun intérêt à défendre les Serbes vivants en Croatie, en Bosnie ou

5 n'importe où ailleurs. Si tel était le cas, nous regarderions et verrions

6 ce que prévoit la Constitution croate. La déclaration sur les minorités,

7 sur les Serbes en Croatie et sur les minorités, parce que les Serbes y

8 sont traités distinctement". (Fin de citation.)

9 Et un peu plus loin, vous dites ce qui suit –je cite-: "Voyons si les

10 Serbes ont moins de droit que les Croates en Croatie. Ceci impliquerait de

11 défendre les Serbes en Croatie, mais ce n'est pas ce qui est recherché.

12 Messieurs, ce qu'ils veulent, ce sont des territoires. Ils veulent saisir

13 une partie du territoire croate et leurrer l'armée pour qu'elle le fasse

14 avec eux. C'est qui explique la mobilisation des Serbes en Serbie et au

15 Monténégro, et le déploiement des chars à la frontière. Les réservistes

16 serbes viennent dans les casernes en Croatie et les chars envahissent Beli

17 Manastir et d'autres frontières. Et maintenant, ils veulent leurrer

18 l'armée pour lui faire faire leur travail.

19 Donc nous nous retirerons de Slovénie, mais nous ne permettrons pas aux

20 observateurs d'entrer en Croatie. Et nous mettrons la Croatie à genoux.

21 Oui, ceci est possible, mais seulement par une guerre terrible qui versera

22 des flots de sang. La Croatie ne cèdera jamais un millimètre de terrain à

23 la Serbie. Ceci devrait être clair une fois pour toutes: il ne peut pas y

24 avoir de région autonome serbe de Krajina". (Fin de citation.)

25 Et un peu plus loin, vous dites -je cite-: "Ceci est possible entre les

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1 Serbes et les Croates en Croatie avec des observateurs, si nécessaires,

2 internationaux, yougoslaves". (Fin de citation.)

3 Pour gagner du temps, j'en arrive aux paragraphes de conclusion à la page

4 suivante, en haut de la page.

5 Un tout petit peu plus haut. Merci, Madame l'Huissière.

6 Je cite: "…que les Serbes sont constamment terrorisés". (Fin de citation.)

7 S'agissant des allégations que l'on trouve dans cette page, vous dites un

8 peu plus loin –je cite-: "Pas un seul exemple n'est donné de la police qui

9 aurait quoi que ce soit à voir avec quelqu'un en raison de son

10 appartenance ethnique". (Fin de citation.)

11 Et parlant de Knin, vous dites –je cite-: "La police est intervenue à

12 Knin, à Obrovac, à Benkovac. Seulement une fois des groupes armés de

13 citoyens ont occupé les postes de police en saisissant les armes. A

14 Pakrac, un groupe d'hommes armés a fait prisonniers dix policiers, occupé

15 le poste de police et déclaré que l'on se trouvait en SAO de Krajina".

16 (Fin de citation.)

17 Monsieur Mesic, ce sont donc les mots utilisés lors de cette réunion. Est-

18 ce bien un récit exact et correspondant aux faits de l'époque de ce qui

19 s'est passé?

20 Réponse: Oui, c'est ce qui s'est passé, et c'est ce que j'ai dit lors de

21 la réunion de la présidence.

22 Question: Nous passons maintenant à la version anglaise, page 74.

23 Est-ce qu'un peu plus tard, vous avez dit ce qui suit: "Eh bien, dans

24 cette crise qui était sous les projecteurs, la JNA a continué à jouer son

25 rôle en séparant les parties en présence et en empêchant le développement,

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1 l'évolution des affrontements interethniques. En d'autres termes, les

2 Aigles blancs, Dusan Silni et Bozur, vous pouvez continuer à venir en

3 Croatie parce que l'armée vous défendra, parce que vous êtes partis au

4 combat. Et nous allons donc envahir une nouvelle fois la Krajina. L'armée

5 doit se retirer dans ses casernes et ne défendre que les frontières

6 internationales de l'Etat". (Fin de citation.)

7 Pouvez-vous nous expliquer, en quelques mots, Monsieur Mesic, nous donner

8 en quelques mots quelques détails sur cette phrase?

9 Réponse: Au sein de la présidence de Yougoslavie, j'insistais pour que

10 l'armée retourne dans ses casernes et qu'elle ne joue pas de rôle

11 politique, qu'elle ne joue pas le rôle d'arbitre politique. La Serbie,

12 c'est-à-dire Slobodan Milosevic, cependant, souhaitait que l'armée divise,

13 sépare les deux parties en présence. Mais il n'y avait pas deux parties.

14 Il y avait ceux qui attaquaient, qui envahissaient les postes de police

15 -des choses sont devenues très évidentes de ce point de vue par la suite,

16 qui donc essayaient de mettre en place les frontières de la Grande Serbie,

17 depuis Virovitica jusqu'à Karlovac et Karlobag.

18 Si vous regardez tous ces actes de provocation qui ont eu lieu, ils

19 avaient pour but très, très manifestement d'établir les frontières de la

20 Grande Serbie. C'était évident à l'époque, mais c'est devenu plus évident

21 lorsqu'on a vu le travail qu'était censé réaliser l'armée. Parce que

22 Milosevic a dit -je cite-: "Laissons partir la Slovénie". Mais nous savons

23 qu'il a dit aussi que cette volonté était motivée par le fait qu'il n'y

24 avait pas de Serbe en Slovénie.

25 Donc lorsqu'il s'est agi de la Croatie, il a dit: "Laissons partir la

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1 Croatie. Permettons-lui de se séparer de la Yougoslavie, mais ce ne sera

2 pas le cas des Serbes qui resteront en Croatie". Donc le territoire sur

3 lesquels vivaient les Serbes, selon lui, devait demeurer en Yougoslavie.

4 Les Croates pouvaient donc partir, mais sans le territoire habité par les

5 Serbes.

6 Ce territoire n'était pas en fait uniquement habité par des Serbes; il y

7 avait d'autres habitants également, mais les Serbes constituaient dans ces

8 régions la majorité. En fait, tout cela, c'était un subterfuge, car le but

9 poursuivi consistait à acquérir le soutien de l'opinion publique

10 internationale, de l'opinion publique en Yougoslavie, mais également de

11 tromper les Serbes en Croatie.

12 Les Serbes de Croatie étaient nécessaires pour allumer la mèche afin que

13 la guerre puisse ensuite se transférer sur le territoire de Bosnie-

14 Herzégovine. Et, s'agissant de la Croatie, tout territoire pris à la

15 Croatie serait ajouté à celui de la Grande Serbie. Les Serbes de Croatie

16 ont été trompés parce que Milosevic leur a dit que tous les Serbes

17 habiteraient dans un seul et même Etat, et que tel était leur droit parce

18 qu'ils avaient le droit à l'autodétermination; et il trompait le monde

19 parce qu'il disait qu'il se battait pour la Yougoslavie alors qu'en fait,

20 il faisait tout pour la détruire.

21 La Constitution de 1974 stipulait que les Républiques correspondaient à

22 des Etats et que le droit à l'autodétermination revenait aux Républiques;

23 donc ce droit à l'autodétermination signifiait la possibilité de demeurer

24 au sein de la Fédération ou de s'en séparer. Le problème ne pouvait pas se

25 résoudre par la force. La tromperie, c'est que des promesses ont été

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1 faites aux Serbes, en leur disant qu'ils demeureraient dans un seul et

2 même Etat à ce moment-là, alors que la communauté était organisée sur un

3 modèle confédéral où les Républiques correspondaient à des Etats.

4 Question: J'aimerais que nous passions maintenant à la page 89 en anglais,

5 107-108 en croate, Monsieur Mesic. Et nous en arrivons donc au retrait de

6 l'armée et de ceux qui étaient venus de l'extérieur avec des armes.

7 Au milieu de la page -c'est toujours vous qui parle-, vous dites ce qui

8 suit -je cite: "Je vous assure que, si l'armée se retire dans ses casernes

9 et si tous ceux qui sont venus de l'extérieur retournent avec leurs armes

10 dans les lieux d'où ils sont venus, quels que soient ces lieux, si les

11 autorités croates accordent l'amnistie à tous ceux qui ont participé à

12 tout cela, il n'y aura pas de problème et pas de crise.

13 Si nous continuons comme ceci à séparer les parties en présence, comme

14 s'il y avait deux Etats en Croatie, l'un étant la SAO de Krajina, et

15 laissez-moi paraphraser, parce que je l'ai écrit quelque part, laissez-moi

16 paraphraser ce qu'ont dit Martic et Babic -je cite-: 'Nous avons le plein

17 soutien de l'armée populaire yougoslave et nous faisons tous deux la même

18 chose, à savoir défendre la Yougoslavie'. Ils défendaient la Yougoslavie,

19 mais ils n'ont fait aucune mention du fait qu'ils détruisaient la Croatie.

20 Par ailleurs, ils disent que la Serbie, c'est-à-dire les autorités serbes

21 appuient la Krajina avec toutes les mesures susceptibles d'être prises".

22 (Fin de citation.)

23 La citation que l'on trouve dans le passage dont je viens donner lecture,

24 est-elle bien attribuée à Martic et Babic? Et est-elle exacte?

25 Réponse: Elle est exacte. Il fallait en fait provoquer un conflit, ensuite

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1 amener l'armée pour se placer entre les deux parties et les séparer, et

2 ce, de façon très prévisible afin d'établir les nouvelles frontières. Tel

3 était leur intérêt, et c'est ce qu'ils ont fait.

4 C'est la raison pour laquelle, lors de cette réunion, j'ai dit que si une

5 République demandait de l'aide, les autres Républiques ou organes fédéraux

6 devaient apporter cette aide, et que tout problème de ce type ne pouvait

7 se résoudre autrement que par une solution politique.

8 Question: Merci. Si nous regardons maintenant le bas de la page 89 en

9 anglais, page 89 dans la version anglaise, encore une de vos

10 interventions, Monsieur Mesic, et je vous prierai maintenant de lire à

11 voix basse la dernière phrase qui sera traduite avec l'aide des

12 interprètes.

13 Pour dire donc quel est le contexte, j'explique que Kadijevic a demandé,

14 avant la citation que je vais faire: "Quand Babic a-t-il dit cela?" Et

15 vous répondez: "Appuyer la SAO de Krajina avec toutes les mesures

16 susceptibles d'être prises. Ce sont les mots utilisés par eux et pas par

17 moi. Ils disent également que les autorités de Serbie les appuient

18 financièrement et par toutes sortes d'autres moyens. Les autorités serbes

19 devraient dire: 'Nous n'avons rien à voir avec vous, c'est à vous qu'il

20 appartient de régler les problèmes ici; c'est le seul endroit où vous

21 pouvez les résoudre'".

22 Et j'arrête ma lecture ici, Monsieur Mesic, en vous demandant de lire en

23 croate la dernière phrase de ce passage afin qu'il n'y ait absolument pas

24 le moindre risque d'erreur de traduction, si nous partons du texte

25 anglais, lui-même déjà traduit.

Page 10534

1 Réponse: Il dit donc que "la Serbie ou plutôt les officiers de Serbie

2 soutiennent toutes les mesures prises en SAO de Krajina." Et puis, Veljko

3 Kadijevic demande: "Quand Babic a dit cela?"

4 Question: Monsieur Mesic, la dernière phrase simplement avec "Ali", elle

5 commence par "Ali, mislim…", la dernière phrase de votre intervention.

6 Réponse: "Cela dit, je pense que tout cela, c'est parler dans l'oreille

7 d'un sourd." (Fin de citation.) Parce que, quoi que nous fassions, cela

8 n'avait aucune influence: Milosevic, lui, avançait dans la réalisation de

9 son plan.

10 Question: Merci, merci, cela suffira, Monsieur Mesic.

11 Monsieur le Président, je suppose que vous avez pu constater la nuance de

12 traduction et la légère différence entre la traduction écrite en anglais

13 et ce que vient de dire oralement le témoin.

14 Très bien. J'aimerais maintenant que nous passions à la page 205 en

15 anglais, en laissant donc cette page 89 avec laquelle nous en avons

16 terminé; 205 en anglais, et vous, Monsieur Mesic, page 226 en croate.

17 Je vous demanderai votre commentaire sur ce qui a été dit par vous, mais

18 également sur ce qu'a dit Veljko Kadijevic à ce stade.

19 Veljko Kadijevic dit ce qui suit -je cite-: "Cette question doit être

20 résolue immédiatement. C'est une question importante. Vous vous trompez

21 lourdement si vous pensez que la question se résoudra avec le retrait de

22 l'armée à présent et que vous pouvez ensuite passer à la solution des

23 problèmes. Alors, il y aura une terrible effusion de sang. Pourquoi agir

24 de la sorte? Nous devrions pouvoir trouver une solution pacifique.".

25 Et vous répondez à cela -je cite-: "Une partie du territoire croate est en

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1 train d'être saisi." Kadijevic rétorque: "Cela ne sera pas le cas.".

2 Et nous voyons une note manuscrite dans la marge qui se lit comme suit:

3 "Qu'avez-vous fait pour régler le problème de Knin?"

4 Ensuite, vous dites -je cite-: "Cette partie du territoire a déjà été

5 saisie ou est en train d'être saisie. Des villages croates sont incendiés

6 et nettoyés. Donc une partie du territoire est en train d'être saisie.".

7 Kadijevic répond: "'Stipe', tu veux la guerre?" Vous répondez: "J'essaie

8 d'empêcher la guerre." Il rétorque: "Si tu veux vraiment empêcher la

9 guerre, pourquoi n'acceptes-tu pas les décisions?" Ce à quoi vous

10 répondez: "Je devrai abandonner une partie de la Croatie."

11 Avez-vous un commentaire à faire, plus détaillé, au sujet de tout cela

12 puisque nous en sommes arrivés au moment où les positions des uns et des

13 autres se dégagent plus clairement?

14 Réponse: Oui, c'est tout à fait clair. L'armée est arrivée après des

15 provocations antérieures. L'armée a saisi des territoires et il est devenu

16 tout à fait clair que les responsables serbes payaient ceux qui étaient en

17 train d'agir. Donc c'est la Serbie elle-même qui agissait par le biais de

18 l'armée parce qu'on ne peut pas imaginer un groupe terroriste qui se

19 saisit de chars, d'armes détenues par l'armée.

20 Donc, il y avait action concertée entre l'armée, la Serbie et la région

21 connue sous le nom de Krajina. Et cette action concertée devait réaliser

22 le travail, c'est-à-dire établir les nouvelles frontières de la grande

23 Serbie.

24 Question: Merci.

25 Avant de passer à un sujet plus général, j'aimerais que nous traitions de

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1 quelques documents. J'aurais besoin de votre aide, Madame l'huissière.

2 Monsieur le Président, c'est un exercice qui va nous prendre quelque

3 temps, mais ce sera le seul. D'abord, pièce à conviction C341,

4 intercalaire 4 dans les classeurs des Juges.

5 Tels qu'aient été vos efforts, Monsieur Mesic, nous sommes en train de

6 regarder une carte géographique, et cette carte révèle-t-elle que les SAO,

7 régions autonomes serbes, même si elles ne correspondaient pas tout à fait

8 au contour souhaité, ont bien été saisies par les Serbes? Cela ne

9 correspondait pas à tout ce qu'ils voulaient, mais, tout de même, ce sont

10 des régions saisies par les Serbes?

11 Réponse: Oui, effectivement. Ce sont des régions qui ont été saisies et

12 désormais contrôlées par les Serbes. Cela n'est pas la totalité des

13 régions qu'ils souhaitaient saisir, mais dans ces secteurs-là, ils ont

14 pris le contrôle.

15 Question: Merci.

16 Un autre sujet à présent rapidement: le SDS et son action en Croatie.

17 Quel rôle a joué le SDS de façon générale en Croatie et quelles ont été

18 ces actions, les actions des Serbes de Croatie? Je veux parler des Serbes

19 radicaux et non radicaux.

20 Réponse: Au début, lorsque le SDS a été créé, on n'avait pas l'impression

21 que ce parti allait se lancer dans un radicalisme échevelé. On avait

22 l'impression que ce parti se battait pour une autonomie culturelle. Mais,

23 au fil du temps, on a pu se rendre compte que Belgrade manipulait ce parti

24 -je veux donc parler du régime de Slobodan Milosevic et de personne

25 d'autre- et que donc le SDS de Croatie n'agissait que dans le cadre

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1 d'actions destinées à aller dans le sens de la Grande Serbie, dans le sens

2 de la création d'un territoire nettoyé, c'est-à-dire où il n'y aurait plus

3 d'habitants non serbes.

4 Et dans les zones où le SDS a pris le pouvoir, il a été tout à fait

5 manifeste que les habitants non serbes étaient nettoyés. C'était une forme

6 d'organisation qui était censée apporter en dot la Grande Serbie et donc

7 de nouveaux territoires.

8 Question: Merci. Je vais maintenant revenir plus en détail sur la question

9 de la présidence de la République fédérale, la RSFY.

10 Vous nous avez déjà parlé de cela de façon générale, vous nous avez parlé

11 d'un changement de composition de la présidence qui a entraîné

12 l'apparition d'un bloc serbe.

13 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, les noms que l'on trouve au

14 paragraphe 8 n'ont pas été vérifiés par moi, mais ils sont connus de tous

15 et je pense que nous n'avons pas besoin de les lire oralement maintenant.

16 Passons, si vous le voulez bien, au paragraphe 9 directement.

17 Nous savons que le système de la présidence était un système tournant. Il

18 était donc prévu que le Président de la présidence occupe ses fonctions

19 pendant un an, et je vous demande si Borisav Jovic est entré en fonction

20 le 15 mars 1990 avec vous en tant que vice-Président?

21 Réponse: Oui, Borisav Jovic est entré en fonction à ce moment-là, mais pas

22 moi en tant que vice-président parce que l'Assemblée du Parlement a

23 reporté sa décision, donc son choix à plusieurs reprises, et ce, pendant

24 plusieurs mois. Donc, je n'ai pas pu entrer en fonction au moment prévu.

25 Question: S'agissant de Borisav Jovic, comment agissait-il? Est-ce qu'il

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1 agissait indépendamment de qui que ce soit ou est-ce qu'il agissait de

2 concert avec quelqu'un?

3 Réponse: Borisav Jovic ne jouissait d'aucune autonomie, d'aucune

4 indépendance. Tout ce qu'il faisait, il le faisait de concert et avec

5 accord de Slobodan Milosevic. Voilà pourquoi je plaisantais souvent pour

6 dire que toutes les fois où il a fallu prendre des décisions, Borisav

7 Jovic d'abord quittait le lieu de la réunion en s'excusant et, à sa

8 sortie, je lui disais toujours: "Dis bonjour à Milosevic". Et lorsqu'il

9 était de retour, lorsqu'il avait reçu les instructions suivant lesquelles

10 il devait agir, eh bien, il l'a fait. Et c'est selon ces actes que

11 votaient ensuite les représentants, le restant des représentants du bloc

12 serbe. Et toutes les fois où il était de retour, je lui ai dit: "Dis donc,

13 tu as dit bonjour à Milosevic?" Ce qui n'était pas sans le vexer, mais

14 c'est dans ce sens qu'on travaillait.

15 Question: Est-ce qu'il a jamais contesté ce que vous avanciez, à savoir

16 que vous agissiez selon les instructions de l'accusé?

17 Réponse: Non, il ne me l'a pas dit, mais ce sont les gens de mon

18 personnel. Toutes les fois où il sortait dehors, il appelait Milosevic.

19 Question: Est-ce que l'on pourrait passer au 12 mars 1991, à la fin de

20 l'année passée par Jovic et à l'examen d'une éventuelle déclaration de

21 l'état d'urgence? Quelle était l'attitude des membres de la présidence par

22 rapport à cela et par rapport à Kadijevic?

23 Réponse: Il était tout à fait clair que le sommet même de l'armée, avec à

24 sa tête le secrétaire de la défense nationale, Veljko Kadijevic, s'était

25 mis d'accord avec Milosevic, c'est-à-dire avec les sommités du pouvoir de

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1 la Serbie de procéder à un état d'urgence. Cela voulait dire qu'il fallait

2 donner carte blanche à l'armée, c'est-à-dire décider là où elle se

3 proposait d'agir.

4 Evidemment, cela n'a pas été adopté à la présidence, cela n'a pas été sans

5 troubler le bloc serbe. Il y en a eu qui ont démissionné, parmi lesquels

6 Borislav Jovic et Nenad Bucin, le représentant du Monténégro.

7 Quant à lui, Milosevic a mandé par le biais d'une chaîne de télévision

8 que, par cet acte-là, la Yougoslavie cesse de fonctionner, qu'aucune

9 décision prise par la présidence ne soit retenue et que la Serbie se

10 prépare à former ses propres forces armées. Cela en d'autres termes

11 voulait dire que Milosevic avait annoncé un coup d'Etat.

12 C'est que la Serbie supprime tout acte de loyauté à l'égard de la

13 présidence fédérale légitime, cela veut dire qu'on s'engageait dans la

14 destruction définitive de la Yougoslavie.

15 Pourquoi a-t-on définitivement renoncé à cette action? Je ne peux faire

16 que des hypothèses là-dessus.

17 Aussitôt après cette annonce faite -cette déclaration de l'autre-, je suis

18 intervenu sur une chaîne de télévision pour dire que rien de spécial ne

19 s'était passé. Il y a des membres de la présidence collégiale qui ont

20 démissionné. Certaines Républiques ont pratiquement perdu leurs

21 représentants, d'autres ont été désignés à leur place.

22 Moi, en tant que Président, j'assume tout mon rôle. La présidence

23 fonctionnera encore et toujours.

24 Durant les quelques jours qui ont suivi, Borislav Jovic était de retour

25 comme si de rien n'était. Prétendument, l'Assemblée de la République ne

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1 lui a pas donné son accord quant à sa démission. Et tout a continué de

2 fonctionner.

3 Question: Oui, un certain nombre de questions à vous poser maintenant.

4 Nous allons maintenant vous demander un peu plus de détails à ce sujet,

5 Monsieur Mesic.

6 Tout d'abord, s'agissant de la démission de Jovic et de la démission des

7 autres: est-ce que c'est quelque chose qui a été spontané ou qui a été

8 préparé à l'avance? Est-ce que vous êtes en mesure de le dire ou pas?

9 Réponse: Ce n'est pas possible que cela ait été spontané. Il n'y avait pas

10 d'approche morale quelle qu'elle soit. Il a simplement exécuté une

11 mission. Il était évident que, lorsqu'il n'y avait pas d'état d'urgence,

12 Milosevic a dit qu'il n'y avait pas de Yougoslavie et que la Serbie devait

13 s'occuper de ses propres intérêts. C'était donc un scénario qui avait été

14 prévu.

15 M. Nice (interprétation): Maintenant, j'aimerais que nous nous penchions

16 sur une déclaration qui a été faite par l'accusé le 16 mars; c'est la

17 seule autre pièce à conviction sur laquelle nous allons passer un certain

18 temps. Nous disposons de transcriptions de cette pièce, de cette

19 déclaration. Le témoin a eu récemment l'occasion d'étudier cette pièce.

20 (Intervention de l'Huissière.)

21 Intercalaire n°29, dans le volume 2.

22 Et je voudrais demander, s'il vous plaît, à la régie de bien vouloir

23 lancer la cassette. Je remercie l'huissière.

24 C'est l'intercalaire n°29, Monsieur le Président.

25 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la liasse n°2 de la

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1 catégorie 1 du document?

2 M. Nice (interprétation): Oui.

3 (Le Président cherche le document.)

4 (Diffusion et interprétation de Milosevic dans la vidéo.)

5 "La Yougoslavie connaît sa dernière étape, l'ultime étape de son agonie.

6 La présidence ne fonctionne plus depuis longtemps. Les prétendus efforts

7 faits ne sont qu'œuvre morte. Ce n'est pas un pas en avant, c'est un pas

8 en arrière. Car même la vérité grossière est toujours meilleure que toute

9 illusion et subterfuge.

10 La Yougoslavie est restée sans présidence. Elle ne reste pas pour autant

11 sans travailleurs, sans paysans, sans ces millions d'hommes et femmes qui

12 ont travaillé avec assiduité et honnêteté, et qui se sont occupés de la

13 préservation de leur pays et de leur famille. Des millions de ces gens

14 honnêtes ne laisseront pas à l'écart leur propre pays, ne le laisseront

15 pas tomber.

16 Pour ce qui est de la Serbie, elle ne le fera pas, elle ne l'a jamais

17 caché. Avec un sentiment de profonde conviction et fierté, la Serbie le

18 réaffirme.

19 Le blocus de la présidence de la RSFY, le plan de la destruction de la

20 Yougoslavie entre dans sa dernière phase, au détriment des intérêts vitaux

21 des gens tant en Serbie qu'en Yougoslavie. A la place d'une Fédération

22 démocratique qui, au peuple serbe tout comme à d'autres peuples, devrait

23 permettre une vie dans la paix et sur un pied d'égalité dans un Etat

24 unitaire, les forces de coalition anti-serbes se proposent de mener à bien

25 la dislocation de la Yougoslavie.

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1 La Yougoslavie existe et ne saurait être abolie par des actes arbitraires,

2 par une politique de fait accompli, car les intérêts réels, qui sont ceux

3 de la liberté, de la démocratie et de la force des peuples qui y vivent,

4 se portent garants de sa préservation. Par un sabotage direct de son

5 propre décret portant sur le désarmement des unités paramilitaires, la

6 présidence de la RSFY a permis la création de nouvelles unités

7 paramilitaires qui permettent la création de nouvelles menaces pour tous

8 les peuples de Serbie et de Yougoslavie.

9 Au sein de la présidence de la RSFY, qui assume le commandement suprême

10 des forces armées, sur scène se trouvait organisé le blocus de la fonction

11 de l'armée populaire yougoslave. Celle-ci ayant pour devoir de protéger le

12 peuple contre la guerre, guerre de conquête ou civile.

13 La présidence de la Yougoslavie a tout fait pour que ses propres ordres ne

14 soient jamais exécutés et pour que la sécession de certaines républiques

15 et de certaines régions de Yougoslavie soit effectuée par une combinaison

16 de manoeuvres politiques, d'obstructions, d'actes et incidents, au lieu de

17 suivre une voie pacifique menant vers le respect de tout droit à

18 l'autodétermination.

19 Par sa démission en sa qualité de Président de la Yougoslavie et des

20 forces armées yougoslaves, le Dr Borisav Jovic n'a pas accepté le blocus

21 du sommet du pouvoir du pays à ce moment critique du pays. Je considère,

22 étant donné les circonstances, que la démission de Borisav Jovic est

23 l'acte d'un homme responsable qui ne veut pas contribuer au démantèlement

24 de son pays, qui se révolte contre l'obstruction de l'Etat. Etant donné la

25 nouvelle situation en vigueur, je tiens à annoncer que la République de

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1 Serbie ne reconnaîtra aucune décision de la présidence de la RSFY car,

2 dans les circonstances actuelles, toute décision ainsi prise serait

3 illégitime.

4 Une telle présidence agissant ainsi en faveur de la désintégration de la

5 Yougoslavie ne saurait faire admettre aucune démission, non plus que la

6 démission de Borisav Jovic qui devrait avoir comme conséquence directe une

7 démission de ma part.

8 [Correction de l'interprète: Je n'accepterai pas, m'en tenant à la

9 Constitution yougoslave, que Borisav Jovic, s'il devait démissionner,

10 transfère son pouvoir sur moi, s'agissant du travail d'une présidence qui

11 a choisi de prôner la désintégration de la Yougoslavie.]

12 J'espère que l'opinion publique, en Yougoslavie et ailleurs, finira par

13 comprendre qu'aucun patriote ne saurait accepter la légitimité d'un chef

14 d'Etat qui agit contre les intérêts et contre la Constitution de son pays.

15 J'exige que le Parlement de la Serbie, à sa première réunion, prenne

16 décision portant relèvement et démission de ses fonctions de Rizo

17 Sapundzija en tant que membre de la présidence de la RSFY. Etant donné les

18 émeutes à Sandzak et au Kosovo, et à Metohija, j'ai ordonné la

19 mobilisation des réservistes des forces de sécurité et la création

20 d'unités complémentaires.

21 J'ai demandé au Gouvernement de la République de Serbie de procéder à tout

22 préparatif pour former de telles forces dans des volumes et des tailles

23 capables de garantir la protection des intérêts de la République de Serbie

24 et du peuple serbe.

25 J'invite tous les partis politiques, en ce moment difficile, à établir

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1 leur pleine coopération, et qu'ils mettent à l'écart tout différend et

2 toute différence qui les distingue. Et cela, dans l'intérêt de la Serbie.

3 Etant donné les circonstances ainsi créées en Yougoslavie, je considère

4 qu'il ne faut pas ordonner un état d'urgence. Toutes les institutions

5 régissant la vie dans la République doivent continuer à fonctionner

6 normalement. Les citoyens doivent savoir que la République de la Serbie

7 est capable de protéger tous les intérêts et toutes les institutions de

8 son peuple.

9 La République de Serbie, le peuple serbe et les citoyens serbes se

10 lèveront contre tout acte de dislocation/dissolution de notre patrie.

11 A l'heure où nous sommes, nous devons faire preuve de fermeté pour

12 défendre notre patrie, comme nous l'avons fait tant de fois par le passé.

13 Je suis certain que l'esprit de liberté dont le peuple serbe se trouve

14 animé finira par triompher des forces anti-serbes coalisées qui font leur

15 apparition en Serbie et en Yougoslavie. C'est notre devoir. C'est la

16 sagesse, le courage et surtout le patriotisme de tous les habitants de

17 notre République et de la Yougoslavie sont mis à l'épreuve aujourd'hui. A

18 partir de ce moment-là, nous devons passer cette épreuve.

19 Je crois bien en la victoire de l'unité en Serbie et à la victoire des

20 forces qui rendront la sérénité à la population, aux mères et aux

21 enfants".

22 (Fin de la diffusion vidéo.)

23 M. Nice (interprétation): (Hors micro.)

24 Je remercie les interprètes du travail qu'ils viennent de faire et je les

25 assure que je parlerai très lentement dans les minutes qui vont suivre et

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1 pour mes questions à venir.

2 On pourrait vous poser beaucoup de questions au sujet de ce que l'on vient

3 d'entendre, Monsieur Mesic, mais, quant à moi, je n'en aurai que quelques-

4 unes.

5 Vous avez expliqué les circonstances dans lesquelles ce discours avait été

6 prononcé, à savoir que la présidence avait refusé de proclamer un état

7 d'urgence qui aurait justifié l'établissement d'une sorte d'état de

8 guerre, si l'on peut qualifier cela de cette manière, et que ceci s'était

9 fait en direct à la télévision. Ce discours a été prononcé à la

10 télévision. Je crois que vous-même vous avez parlé à la télévision, mais

11 que vous n'avez pas été encore à ce jour en mesure de retrouver les images

12 de ce discours.

13 M. Mesic (interprétation): C'est exact.

14 Question: On peut constater que le discours commence par une intervention

15 au sujet de la République fédérale, au sujet de décisions prises ou pas

16 prises, au sujet de la démission de Jovic qui était justifiée. Et ensuite,

17 on parle de la Serbie et des Serbes.

18 Pour vous, quelle était la nature de ce discours? Est-ce que c'est un

19 discours normal, si l'on peut dire, ou bien est-ce qu'il y a quelque chose

20 qu'on peut lire en filigrane?

21 Réponse: Il est tout à fait clair qu'il ne s'est pas agi ici de sauver la

22 Yougoslavie, mais plutôt qu'il s'est agi de s'engager dans le

23 développement de la destruction de la Yougoslavie pour rendre

24 opérationnelle cette destruction.

25 Milosevic dit que la Serbie n'adoptait plus les décisions prises par la

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1 présidence fédérale, par conséquent, n'adoptait plus, elle ne respectait

2 plus non plus la Constitution de la RSFY. Par la suite, il dit que lui

3 n'admettrait pas une présence de la Serbie au sein de la présidence de la

4 Yougoslavie, encore que la Constitution l'y oblige; car si un membre de la

5 présidence représentant la Serbie, à savoir en la personne de Borisav

6 Jovic, quitte les rangs de la présidence tant qu'un nouveau membre n'aura

7 été délégué, le Président de la Serbie devait -ainsi le prévoit les

8 réglementations- être membre de la présidence; il devait se rendre aux

9 réunions de la présidence. Lui, par contre, dit qu'il ne se propose pas

10 non plus d'observer la Constitution de la RSFY. Et ainsi de suite.

11 L'énumération faite par lui de ces différents éléments, à savoir mobiliser

12 les forces armées, etc., allait jusqu'à menacer les autres parties de la

13 Yougoslavie. En d'autres termes, c'est lui qui a fait l'annonce de la

14 dislocation/dissolution de la Yougoslavie.

15 Mais de quoi s'agit-il, en fait? Permettez-moi de vous le dire brièvement.

16 La Croatie et la Yougoslavie, soutenues par la Bosnie-Herzégovine et par

17 la Macédoine, ont proposé une Constitution fédérale, car le modèle tel

18 quel ne pouvait plus être soutenu. C'est ce que j'ai toujours dit: trois

19 facteurs de cohésion dont j'ai parlé n'étaient plus en place; par

20 conséquent, ce n'était que la confédération qui était possible.

21 Or voilà que, jusqu'à ce jour, la Serbie n'a toujours pas répondu à notre

22 suggestion portant sur une confédération, qu'il a fallu par exemple, comme

23 nous l'avons dit, aller par voie de consensus, sans employer des forces

24 armées et sans nous imposer des solutions inadmissibles. Nous n'avons pas

25 voulu que la Slovénie et la Croatie deviennent l'objet des manipulations

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1 faites par Milosevic avec la Vojvodine et le Kosovo. Or lui, pour sa part,

2 il voulait avoir une Fédération ferme et solide.

3 Voilà ce que j'avais à dire à titre d'éclaircissement. On en parlera

4 encore pour dire que les confédérations sont intenables. Voilà que même en

5 Amérique, il y avait une confédération. Oui, exact, bien sûr, il y avait

6 une confédération, mais qui ne s'est pas désagrégée, elle a été détruite.

7 Le fait que cette confédération a bien fonctionné, eh bien, la preuve en

8 est qu'elle a fait la guerre pendant trois années avec succès.

9 Question: Il y a un autre détail que je n'ai pas encore abordé et qui

10 figure au paragraphe 10 du résumé de vos déclarations. Lorsque la

11 présidence a refusé de proclamer l'état d'urgence, Kadijevic a-t-il dit

12 quoi que ce soit au sujet de ce que les Serbes allaient faire?

13 Réponse: Eh bien, ce qui s'était passé à la réunion par la suite, je dirai

14 qu'il y avait une situation tendue. On reprochait à Bogic Bogicevic d'être

15 Serbe et, sans représenter la Serbie mais la Bosnie-Herzégovine, qu'il

16 n'avait pas voté du côté des Serbes. Lui a répondu tout simplement qu'il

17 n'était pas Serbe, qu'il se considérait comme Bosniaque. Il était là pour

18 servir les intérêts de sa République.

19 Par conséquent, la situation était difficile. Je m'attendais pour ma part

20 à voir Milosevic entreprendre des démarches beaucoup plus graves, choses

21 faites d'ailleurs.

22 Question: Kadijevic a-t-il dit quoi que ce soit d'important au sujet d'un

23 plan serbe, de plans serbes et de l'armée serbe?

24 Réponse: A ce moment-ci, je n'arrive pas à me remémorer ses paroles à lui,

25 mais elles étaient tout à fait en harmonie avec ce qui a été dit par

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1 Borisav Jovic.

2 M. Nice (interprétation): Bien. Maintenant, je souhaiterais que nous

3 examinions une pièce à conviction qui émane de la même époque, volume 1,

4 catégorie 1.

5 M. le Président (interprétation): Oui, pièce 328.

6 M. Nice (interprétation): Oui, 328, intercalaire 15, il s'agit de la pièce

7 2935.

8 Bien. Je vais demander à ce qu'on vous remette la version en croate ou en

9 BCS, et je vais demander à l'huissière de bien vouloir placer la première

10 page sur le rétroprojecteur.

11 Vous constatez que nous avons ici un document de mars 1991 qui vient de

12 Anton Stari, secrétaire général -on le voit en bas de la page- et qui vous

13 est adressé, à vous, en tant que vice-président de la présidence, poste

14 que vous occupiez encore. On dit: "Veuillez trouver ci-joint le texte

15 d'une déclaration du commandement suprême de l'état-major des forces

16 armées de la RSFY".

17 Ensuite, si nous passons la page suivante, nous avons un document qui

18 émane de l'état-major du commandement suprême et on peut y lire la chose

19 suivante: "Veuillez trouver ci-après une déclaration de l'état-major du

20 commandement suprême qui résulte de l'évaluation exhaustive de la

21 situation, qui découle de la décision prise par la présidence de la RSFY

22 de ne pas accepter les mesures proposées."

23 Ensuite, on peut y lire: "…que ces mesures auraient pour objectif de

24 prévenir tout conflit entre les différents groupes ethniques." Ensuite, on

25 peut lire: "…que lorsqu'on a choisi les conditions et les mesures

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1 présentées dans cette déclaration, on a pris en compte le fait que la

2 proposition n'avait pas été acceptée, mais cependant cela n'empêchait pas

3 les forces armées et le commandement suprême en tant que responsable

4 suprême de la sécurité et de la survie du pays de mener à bien leurs

5 responsabilités et leurs fonctions."

6 On peut ensuite lire que l'état-major du commandement suprême insiste sur

7 le fait que ceci doit être signalé publiquement afin de maintenir l'ordre

8 public et que l'état de préparation au combat de certaines des unités va

9 être augmenté suivant l'évolution de la situation.

10 Ensuite, on peut lire sur la page suivante, deuxième paragraphe: "…que

11 l'armée populaire yougoslave continuera à garder les frontières pour

12 prévenir tout péril et n'autorisera aucun changement jusqu'à ce qu'un

13 accord soit trouvé, conformément à la Constitution."

14 En premier lieu, je souhaiterais, s'il vous plaît, que vous nous fassiez

15 vos observations au sujet de l'état-major du commandement suprême et,

16 deuxièmement, qu'avez-vous à nous dire au sujet du document en tant que

17 tel, Monsieur Mesic?

18 M. Mesic (interprétation): L'état-major du commandement suprême est en

19 fait une institution illisible, car l'état-major du commandement suprême

20 ne pouvait être établi qu'en cas de guerre ou qu'en cas de guerre

21 imminente. Etant donné que ce n'était ni l'un ni l'autre des cas, l'état-

22 major du commandement suprême ne pouvait pas être mis sur place ni activé.

23 Pendant tout ce temps-là où j'ai pu travailler au sein de la présidence,

24 je n'ai pas pu apprendre qui étaient les membres de cet état-major du

25 commandement suprême. Mais il a été dit que l'armée augmenterait d'un cran

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1 la capacité et la combativité de l'armée suivant les évaluations de la

2 situation, etc.

3 C'est quelque chose dont l'armée n'a pas été investie. Ce n'est autre

4 chose qu'un putsch militaire. Ce n'est pas un acte en vertu de la

5 Constitution mise en place et en vigueur en Yougoslavie à cette époque-là.

6 M. le Président (interprétation): Le moment est bien choisi pour faire une

7 pause, j'imagine. Et j'ai l'impression, Monsieur Nice, que vous allez en

8 terminer ce matin, de toute manière.

9 M. Nice (interprétation): Oui. D'ailleurs, pour ce qui est du reste de

10 l'interrogatoire principal, nous allons aller plus vite parce que nous

11 avons beaucoup moins de pièces à conviction à examiner et que cela ira

12 beaucoup plus vite.

13 M. le Président (interprétation): Merci.

14 Monsieur Mesic, nous allons maintenant faire une pause de 20 minutes.

15 Je vais maintenant vous dire ce que je dis à tous les témoins, à savoir

16 qu'il faut que vous absteniez de parler à quiconque de votre déposition

17 avant que celle-ci ne soit terminée. Et quand je dis quiconque, je pense

18 également aux membres de l'équipe du Bureau du Procureur.

19 Pause de 20 minutes.

20 (L'audience, suspendue à 10 heures 32, est reprise à 10 heures 56.)

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, allez-y.

22 M. Nice (interprétation): Monsieur Mesic, après la démission et après la

23 ré-institution de Jovic, vous nous dites que deux membres de la présidence

24 ont été remplacés. Je voudrais savoir si les deux qui ont été remplacés

25 étaient ceux qui soutenaient Jovic ou qui étaient opposés à Jovic.

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1 M. Mesic (interprétation): Malheureusement, je n'ai pas capté votre

2 question dans l'ensemble.

3 Question: Suite à la démission et au retour de Jovic, nous nous dites que

4 deux membres de la présidence ont été remplacés. Je voudrais savoir si

5 ceux qui ont été remplacés étaient des gens qui soutenaient Jovic ou qui

6 étaient opposés à Jovic?

7 Réponse: L'un d'eux a été démis de ses fonctions, Riza Sapundzija, le

8 représentant du Kosovo; Nenad Bucin, quant à lui, a donné sa démission;

9 lui, il était le représentant du Monténégro.

10 Riza Sapundzija, lui, pensait qu'il ne pouvait pas être démis de ses

11 fonctions par qui que ce soit. Il était le représentant du Kosovo. Or

12 Milosevic a tout simplement dissous l'Assemblée du Kosovo et il a cru

13 pouvoir cette fois-ci suivre sa conscience lors de la mise aux voix.

14 Or, comme on a pu le voir, Milosevic a ordonné à l'Assemblée, au Parlement

15 serbe de démettre de ses fonctions Riza Sapundzija. Ce qui a été fait. Et

16 c'était Sejdo Bajramovic qui a été envoyé pour être membre de la

17 présidence collégiale, qui lui n'a jamais été élu par qui que ce soit au

18 Kosovo.

19 Question: A peu près à cette époque, en 1991 -essayez s'il vous plaît de

20 répondre par oui ou par non à mes questions afin de gagner du temps-, je

21 voudrais savoir si, à peu près à cette époque, des organes subsidiaires de

22 la présidence tels que le conseil chargé de la protection de l'ordre

23 constitutionnel ou le ministère de la Défense, est-ce que cela

24 fonctionnait normalement, tout cela?

25 Réponse: Oui, dans la mesure du possible autant que pouvait se faire, le

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1 conseil fonctionnait, mais la présidence étant bloquée, ces instances ont

2 été bloquées également lorsqu'elles ont été élues par la présidence.

3 Question: Est-ce qu'il est arrivé un moment où ces institutions ont cessé

4 de fonctionner normalement ou ont cessé de fonctionner complètement?

5 Réponse: Oui, on nous communiquait les procès-verbaux de ces différentes

6 instances. Faute de quorum, il ne s'agissait que d'opinions émises par ses

7 membres, mais toutes les fois où on a pu avoir le quorum, nous avons tout

8 de même, en tant que représentants de la présidence, pu recevoir des

9 procès-verbaux également.

10 Question: Passons à la mi-juin. Pièce 328, volume 1, onglet 2, pièce 152.

11 (Intervention de l'huissière.)

12 Veuillez, s'il vous plaît, remettre la version en BCS à M. Mesic, et la

13 première page de la version en anglais du document sur le rétroprojecteur.

14 Deux questions. Première question au sujet de ce document -cela va être

15 assez bref. Nous avons ici un document –on peut le voir en bas-, qui a été

16 signé par vous-même, en tant que Président. Vous aviez été en mesure -nous

17 y reviendrons plus tard- d'occuper le poste de Président. Vous avez donc

18 signé en tant que Président.

19 Et la décision que nous voyons indique la chose suivante -je cite-:

20 "Toutes les unités armées sur le territoire de la RSFY -à l'exception des

21 unités de la JNA et des unités des polices régulières en temps de paix, à

22 savoir la police-, toutes ces unités seront démobilisées au plus tard à

23 minuit le 18 juillet 1991". Et, en marge, on peut lire l'annotation

24 suivante: "Mesic n'est pas d'accord".

25 Pouvez-vous nous expliquer en quelques phrases de quoi il retourne ici?

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1 Réponse: Ici, il s'agit d'une exigence émise en vue du désarmement du

2 rassemblement de la garde nationale qui faisait partie intégrante et

3 régulière de la police de Croatie. En effet, cette partie de la police

4 correspondrait aux Carabinieri en Italie et ces effectifs étaient créés

5 chez nous. C'était également une instance exécutive; c'était le

6 rassemblement la garde nationale. C'est ce que nous avons voulu obtenir en

7 vertu de cet ordre-là, de cette décision-là. Il a fallu obtenir le

8 désarmement de ces unités.

9 Moi, j'ai dit que les formations paramilitaires illicites devaient être

10 désarmées, pas celles qui ont été considérées comme légales. Je dois

11 ajouter seulement que, pour ce qui est de la Croatie, notamment le

12 rassemblement de la garde nationale, la Croatie avait demandé un

13 approvisionnement d'armes, car les armes de ces unités avaient été

14 obsolètes. Il s'agissait des armes produites par la Serbie, par le biais

15 du secrétariat fédéral aux Affaires intérieures.

16 Pourtant, la Croatie n'a jamais pu obtenir une telle autorisation. Par

17 conséquent, de façon tout à fait légale, la Croatie pouvait se procurer

18 des armes lorsque celles-ci n'existaient pas en Yougoslavie et ces armes

19 pouvaient être évidemment d'ailleurs.

20 Question: A peu près à la même époque, est-ce qu'on a pris une décision au

21 sujet de la Slovénie et du retrait de la JNA de Slovénie?

22 Réponse: Exact. Il s'agissait de dire que, par une action militaire, il a

23 fallu rétablir le régime sur les frontières austro-yougoslaves, dans le

24 territoire de la Slovénie. La Slovénie a pu établir son contrôle de

25 certains postes-frontières. La décision a été prise à Belgrade en vue

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1 d'une action militaire pour rétablir le contrôle des frontières.

2 Ceci ne relevait pas des prérogatives de l'armée, l'armée devait pas

3 s'engager dans des actions de ce genre-là; ce n'était qu'une provocation:

4 2.000 soldats, qui étaient engagés pour rétablir le contrôle des

5 frontières, ne pouvaient pas faire grand-chose, étant donné que la Défense

6 territoriale de la Slovénie avait livré une résistance importante. Il me

7 semble que c'était bien un prétexte pour que l'armée entame son retrait

8 depuis la Slovénie. J'ai été le seul à voter contre cette proposition à la

9 réunion de la présidence, c'est-à-dire que j'étais contre le retrait de

10 l'armée de la Slovénie, car j'ai dit que, si l'armée yougoslave se

11 retirait de la Slovénie et de la Croatie, de Bosnie-Herzégovine et des

12 autres République, j'étais d'accord là-dessus. Mais je n'étais pas

13 d'accord de voir l'armée se retirer uniquement de la Slovénie. De toute

14 évidence, ceci était loin de pouvoir plaire à l'armée et à Milosevic. Il

15 n'en avait pas encore la moindre idée.

16 Question: Et comment interprétez-vous… De quelle manière avez-vous réagi

17 au retrait des forces de Slovénie? Comment voyiez-vous cela en rapport

18 avec le démantèlement de la Yougoslavie de manière plus générale?

19 Réponse: Quant à moi, il m'a été tout à fait clair le fait que le retrait

20 de l'armée de la Slovénie était le début de la disparition de la

21 Yougoslavie et n'était autre chose que la préparation à la formation d'une

22 Grande Serbie.

23 Or, évidemment, il était tout à fait clair que la question posée était de

24 savoir qui se portait garant de ces frontières: c'était l'armée

25 yougoslave.

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1 Question: Je résume le paragraphe 13. Nous sommes toujours en train de

2 nous pencher sur certaines actions, sur certaines caractéristiques de la

3 présidence et il est arrivé un moment où le terme de "présidence-croupion"

4 est entré dans le langage quotidien à son sujet.

5 Quand est-ce qu'on a commencé à utiliser cette phrase?

6 Réponse: L'armée yougoslave a bloqué les voies de communication en

7 Croatie. L'armée yougoslave a imposé le blocus des aéroports également. Je

8 n'ai pas pu joindre Belgrade, mais j'étais prêt à convoquer la réunion de

9 la présidence à un autre endroit, auquel était capable de se rendre chacun

10 des membres de la présidence. Et je considérais que le meilleur endroit,

11 le plus convenable, était celui de Brioni.

12 J'avais convoqué une réunion de la présidence à cette fin-là. Mais voilà

13 que le bloc serbe s'y est opposé. Par conséquent, cette réunion ne pouvait

14 pas les avoir, eux.

15 Or, d'après la Constitution, il était prévu que lorsque le Président

16 n'était pas en mesure de convoquer une réunion de la présidence, ceci

17 pouvait être fait par le vice-président. Or moi, j'ai été capable de le

18 faire, mais pas à Belgrade. Voilà une tentative de mener à bien ce coup

19 d'Etat; je dirais un coup d'Etat rampant.

20 Et maintenant, on était dans une phase finale du putsch, à savoir la

21 "présidence-croupion" ne devait être composée que du bloc serbe où il y

22 avait Branko Kostic, représentant du Monténégro, qui devait assumer, en

23 tant que vice-président, la fonction de Président, en vue de prendre des

24 décisions qui sont parfaitement illicites et sans légitimité aucune. En

25 d'autres termes, ils vont pratiquement imposer par là l'état d'urgence.

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1 Question: Et c'est à peu près à quel moment que la "présidence-croupion"

2 s'est imposée? On y reviendra en détail plus tard lorsque nous nous

3 pencherons sur ce qu'il est advenu de votre présidence à vous, mais quand

4 est-ce que cette "présidence-croupion" a vu le jour?

5 Réponse: A peu près un mois après que personne n'a répondu à mon appel de

6 se rendre à la réunion de présidence de Brioni.

7 Question: Au cours de cette période, nous parlons toujours de 1991, de

8 l'été de 1991, je voudrais savoir, si au cours de cette période, le

9 Gouvernement croate s'est prononcé d'une manière ou d'une autre au sujet

10 de la mise en place de l'activation du quartier général du commandement

11 suprême, un organe que nous avons évoqué il y a quelques instants?

12 Réponse: Le Gouvernement croate et le Président de la Croatie, le Dr

13 Franjo Tudjman, ont réagi. Ils n'ont pas adopté la réalisation de ce plan

14 portant établissement de l'état-major du commandement suprême, du simple

15 fait que cette institution était illégale.

16 Question: Est-ce que leurs griefs ont été exprimés d'une manière

17 officielle? Est-ce qu'on en a gardé trace?

18 Réponse: Oui, ceci a été bien noté. Je crois qu'on peut avoir accès à de

19 tels documents.

20 Question: Restons sur cette période de l'été 1991. Je voudrais savoir si

21 vous vous êtes entretenu avec Kadijevic au sujet de son attitude envers

22 l'accusé?

23 Réponse: Il est intéressant de voir que, moi, en ma qualité de Président

24 de la présidence de la RSFY, je n'arrivais jamais à obtenir une réunion

25 avec le général Kadijevic, ministre de la Défense nationale, qui lui

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1 devait venir par exemple dans mon bureau pour nous entretenir. Ce n'est

2 qu'à des réunions de la présidence que nous avons pu nous rencontrer.

3 Or, pour ma part, je voulais que les problèmes soient réglés par des

4 moyens politiques. Je voulais faire en sorte que l'armée soit exclue de la

5 nécessité de résoudre la question politique dans laquelle s'était trouvée

6 la Yougoslavie. Et moi, j'avais annoncé ma venue au bureau du général

7 Kadijevic, ministre de la Défense nationale. Et c'est ainsi qu'il m'a reçu

8 à plusieurs prises dans son cabinet.

9 Et lorsque je lui ai dit, par exemple, pourquoi on le voyait travailler

10 pour le compte de Milosevic et à la faveur des plans de ce dernier, il a

11 dit: "Ecoute, personne ne peut faire mieux en Serbie. Tous les autres sont

12 pires que Milosevic."

13 Sur ce, je lui ai dit que l'armée oeuvrait suivant les plans de Milosevic

14 lorsque celui-ci trace les frontières de la Grande Serbie. Lui, en

15 réponse, a dit: "Tant que je suis en vie, l'armée yougoslave sera à la

16 défense et protégera la Yougoslavie." Je lui ai dit: "Mais qui sait si tu

17 seras toujours en vie? On est en train de créer la Grande Serbie. La

18 Grande Serbie n'a pas besoin d'une armée yougoslave, l'armée yougoslave se

19 voit "serbisée"; ce ne sera qu'une armée serbe au sein de laquelle tu ne

20 représenteras plus rien."

21 Question: Est-ce qu'il a contesté votre interprétation des événements de

22 l'époque?

23 Réponse: Non. Non. De façon opiniâtre, il a réitéré que l'armée ne faisait

24 que désengager les forces en conflit; ce qui n'était pas vrai. L'armée a

25 armé, provisionné et organisé des soldes pour ceux qui, dans la pratique,

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1 s'opposaient aux institutions du pouvoir de l'autorité croate en place.

2 Question: Vous étiez Président à ce moment-là. Nous reviendrons plus tard

3 à la période exacte pendant laquelle vous avez été Président, mais vous

4 étiez Président de la présidence. Je voudrais savoir qui ou quoi était à

5 la tête des forces armées aux termes de la Constitution.

6 Réponse: Aux termes de la Constitution, c'était la présidence de la

7 Yougoslavie qui assumait le commandement suprême des forces armées; le

8 Président de la présidence en étant, en quelque sorte, la

9 personnification.

10 Question: Comment a réagi Kadijevic aux tentatives que vous avez faites en

11 tant que Président de la présidence, tentatives pour intervenir et avoir

12 une influence sur les activités de la JNA?

13 Réponse: Etant donné que je persévérais à obtenir le retrait de l'armée

14 dans ces casernes, le général Hadzic, chef d'état-major de l'armée

15 yougoslave, et le ministre Kadijevic n'y réagissaient pas vraiment, c'est-

16 à-dire qu'ils ne l'ont jamais accepté. Ils n'ont fait que traduire dans

17 l'acte ce qui leur a été ordonné par Slobodan Milosevic pour devenir une

18 armée serbe. Les Slovènes, les Croates, les Albanais, les Bosniens étaient

19 déjà sortis de l'armée yougoslave, c'était pratiquement l'armée serbe. On

20 la faisait passer sous l'intitulé de l'armée yougoslave; ce n'était

21 pratiquement qu'une armée serbe, loyale jusqu'à la fin à Slobodan

22 Milosevic.

23 Question: Passons maintenant au paragraphe 18 qui traite d'un incident

24 bien particulier qui a eu lieu précédemment: la rencontre de

25 Karadjordjevo. Vous n'avez pas assisté à cette rencontre.

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1 Je voudrais savoir si vous avez eu des informations, quelles qu'elles

2 soient, au sujet de son organisation imminente? Avant donc qu'elle n'ait

3 lieu.

4 Réponse: Cela est exact, mais étant donné que les organes de la soi-disant

5 Krajina faisaient des provocations sans cesse et, dans toutes ces

6 provocations, les représentants des services de contre-espionnage, de KOS,

7 participaient pour prévenir la venue de l'armée, j'ai dit à Borisav Jovic

8 et lui ai demandé: "Pourquoi font-ils ça? Pourquoi se mettent-ils à armer

9 les Serbes? S'ils continuent à le faire, il y aura une catastrophe; parce

10 que 10% de Serbes dans l'ensemble de la population ne saurait jamais

11 résister aux Croates. Cette fois-ci, vous faites un mauvais service, vous

12 faites quelque chose qui est tout à fait préjudiciable à vos nationaux en

13 Croatie. Borisav Jovic a dit: "Ce ne sont pas les Serbes de Croatie qui

14 nous intéressent. C'est la Bosnie-Herzégovine qui nous intéresse, à savoir

15 que nous sommes intéressés par 66% du territoire de Bosnie-Herzégovine qui

16 avait toujours été un territoire serbe et qui le demeurera".

17 Je lui ai dit: "Si vous n'êtes pas intéressé par le territoire de Croatie,

18 si vous n'êtes pas intéressé par les citoyens de Croatie non plus,

19 mettons-nous à table pour essayer d'identifier les problèmes, pour essayer

20 d'y trouver une solution par des moyens politiques. Veux-tu que Tudjman et

21 moi, Slobodan Milosevic et toi, nous nous mettions tous à table pour voir

22 de quoi il s'agit? Mais laissons le problème de la Bosnie à l'ONU pour

23 être réglé. Parce qu'on sait très bien que, définitivement, la Bosnie-

24 Herzégovine était un élément constitutif de la Fédération".

25 Il l'a dit: "Oui, je suis d'accord avec toi sur cela, mais je dois avoir

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1 l'opinion de Milosevic".

2 Par la suite, quelque temps après, il m'a dit que, où qu'il se trouve dans

3 le pays ou à l'étranger, celui-ci s'y rendrait à la réunion.

4 Je me suis rendu à Zagreb pour dire tout cela à M. Tudjman. Lui aussi, il

5 s'était mis d'accord, d'accord pour qu'on se retrouve à quatre à une

6 réunion.

7 Pourtant, cette réunion n'a jamais eu lieu. Tudjman m'a dit: "Je te dirai

8 peut-être quel serait le moment le plus opportun de tenir cette conférence

9 pour que tu puisses en parler à deux autres de Belgrade".

10 Tudjman ne s'est évidemment jamais manifesté et la réunion n'a jamais eu

11 lieu. Mais, lorsque j'étais de retour à Zagreb, nous avons pu avoir une

12 réunion au sommet des dirigeants politiques et Tudjman a dit: "Nous allons

13 maintenant aller à une réunion de Karadjordjevo parce que lui voulait voir

14 Milosevic, entre quatre yeux, pour savoir ce qu'eux voulaient.

15 Pourtant, Tudjman ne m'a pas emmené moi, Milosevic n'a pas emmené Borisav

16 Jovic; et voilà comment ils se sont trouvés en tête-à-tête tous les deux.

17 Ce dont ils ont parlé, je ne pourrais pas vous en parler avec certitude,

18 moi, mais je ne pourrais vous transmettre avec certitude que ce qui m'a

19 été dit par Tudjman après son retour de Karadjordjevo. Nous avons attendu

20 toute une longue journée jusqu'à ce qu'il revienne de Karadjordjevo.

21 Disons que Tudjman était toujours pour que la Bosnie-Herzégovine demeure

22 intégrale. C'est dans cet ordre d'idée que se voyait son engagement en

23 faveur de la Bosnie-Herzégovine, même avant les événements.

24 Mais, après leur réunion, il a changé d'opinion, et cela complètement: de

25 toute évidence, il s'est fait persuader par Milosevic de la manière dont

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1 on pouvait procéder pour partager la Bosnie.

2 Tudjman m'a dit: "Nous obtenons les frontières des "banats", des

3 "banovine" de 1938, en plus Cazin, Kladusa et Bihac. Pour ajouter que

4 Milosevic m'a dit: "Franjo, tu n'as qu'à prendre Cazin, Kladusa et Bihac;

5 c'est la Croatie turque, je n'en ai guère besoin".

6 Après quoi, évidemment, tout a pris un autre cours. Fikret Abdic a

7 proclamé le district autonome de la Bosnie occidentale et on s'est rendu

8 compte du fait que quelque chose était fait sur ce plan également.

9 Question: Avant que je ne passe à un autre sujet, une question: je

10 voudrais savoir au bout de combien de temps on a commencé à parler dans la

11 presse ou dans les médias de ce qui avait peut-être été discuté à

12 Karadjordjevo?

13 Réponse: Pendant assez longtemps, on ne savait pas en public ce dont il a

14 été discuté à la réunion de Karadjordjevo. Mais on pouvait y voir plus

15 clair d'après ce qui s'était passé sur le terrain en Bosnie-Herzégovine.

16 Par la suite, fut proclamée la Republika Srpska. D'autre part, les

17 Croates, eux, ont proclamé "l'Herceg-Bosna". Ce qui laissait deviner que

18 ce n'était autre chose que le démantèlement de la Bosnie-Herzégovine.

19 Encore qu'au début...

20 Question: Certes, mais ce que je voulais vous demander, et il suffira de

21 me donner une date, je voulais simplement savoir quand la teneur de ce qui

22 a été discuté à Karadjordjevo et la réunion de Karadjordjevo a été connue

23 publiquement? Je veux dire, quand est-ce qu'on a commencé à en parler dans

24 les journaux ou à la télévision? Très longtemps après?

25 Réponse: Cette réunion a eu lieu fin mars 1991, alors qu'on commence à

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1 discuter sur ce thème bien plus tard. Peut-être un an, un an et demi après

2 cette réunion.

3 Question: Et quand on a commencé à en parler publiquement, est-ce que

4 l'accusé, à ce moment-là, a contesté ou a nié le fait qu'il y ait eu des

5 discussions de ce genre à Karadjordjevo?

6 Réponse: Ne serait-ce que par en juger d'après ce que j'ai pu lire, celui-

7 ci a toujours nié les conversations de Karadjordjevo portant sur le

8 partage de la Bosnie. Pourtant, sur le terrain, la situation se présentait

9 tout à fait autrement. Cela laissait croire que de telles conversations

10 avaient bien eu lieu.

11 A l'appui, la preuve en est que les commissions chargées d'établir de

12 nouvelles cartes, chargées de l'aménagement, je dirais, architectural du

13 territoire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine, eh bien, ces

14 commissions-là ont bien travaillé pour élaborer tout ce travail.

15 Smilja Abramov, pendant la guerre, se rendait à Zagreb; des représentants

16 de la Croatie se rendaient en retour à Belgrade. Il s'agissait de réunions

17 secrètes, mais la nouvelle a filtré tout de même en public que des

18 commissions en la matière étaient chargées de travailler à Zagreb et à

19 Belgrade. Il y en avait parmi les membres de la commission qui avaient

20 donné leur démission parce que, tout simplement, ils ne pouvaient pas

21 adopter cette façon de penser et de travailler.

22 Question: Bien. Nous venons de parler de la présidence, de ses actions, de

23 ces actions. En temps utile, nous parlerons de la présidence croupion.

24 Maintenant, nous allons nous pencher plus en détail sur votre rôle en tant

25 que Président dans le cadre de cette présidence.

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1 Nous avons déjà largement traité du sujet, mais une question: en 1991,

2 vous souveniez-vous du jour où vous avez pu prendre vos fonctions, où vous

3 êtes entré en fonction?

4 Réponse: Le 15 mai 1991.

5 Question: Et en fait, en raison de certaines actions, à quel moment avez-

6 vous effectivement été en mesure de prendre vos fonctions?

7 Réponse: Seulement après un laps de temps de deux mois. Car le bloc serbe

8 a empêché mon élection. D'après le règlement de l'élection, il était dit

9 que le Président devait être élu, mais l'ensemble de ces dispositifs, de

10 ce mécanisme a été tel qu'on ne pouvait faire élire personne d'autre sauf

11 la personne qui s'était fait déléguer par sa République. Et cela en ce qui

12 concerne les fonctions de président ou de vice-président. Il s'agissait

13 d'un automatisme. Malgré tout, le tout a été bloqué par le bloc serbe.

14 Question: Mais quand vous avez pris vos fonctions, vous êtes resté

15 Président, et ceci est de notoriété publique, jusqu'au 5 décembre 1991. Et

16 dans le cadre de ces fonctions, vous auriez dû passer la plupart de cette

17 période à Belgrade. Mais je voudrais savoir à quelle période, à quel

18 moment vous avez en fait quitté Belgrade? A quelle date?

19 Réponse: C'était vers la mi-septembre. Il n'y avait plus aucune

20 possibilité de fonctionnement normal à Belgrade.

21 Question: Est-ce que vous aviez des inquiétudes au sujet de votre sécurité

22 personnelle à ce moment-là?

23 Réponse: Oui. Oui, j'étais tout de même préoccupé quant à ma sécurité. Je

24 dois dire que tous ces professionnels chargés de sécuriser le

25 fonctionnement étaient à Belgrade, mais il y en avait d'autres qui étaient

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1 venus de Zagreb. J'étais relativement en sécurité, à savoir j'étais

2 certain de ne pas pouvoir être tué, car ceci ne serait autre chose que

3 l'aveu d'un putsch d'Etat. C'était la raison de ma sécurité à mes yeux.

4 Question: Vous nous avez déjà parlé des efforts que vous avez entrepris

5 pour arriver à réunir la présidence de manière efficace en dehors de

6 Belgrade. Je vais vous demander, s'il vous plaît, d'examiner un certain

7 nombre de documents qui vont nous permettre de comprendre ce qui se

8 passait.

9 Pièce 328, volume 2, intercalaire 20, document C3001.

10 (Intervention de l'huissière.)

11 Je vais demander à ce qu'on vous remette la version originale et l'anglais

12 sur le rétroprojecteur.

13 C'est un document en date d'octobre 1991. On peut voir, au bas de la page,

14 que c'est un document qui émane d'Anton Stari, dont j'ai déjà parlé, le

15 secrétaire général. C'est un document qui émane de la présidence.

16 Le document nous dit la chose suivante, à savoir qu'il y a eu une séance

17 le 1er octobre. On peut lire la chose suivante: "Nous vous informons par

18 la présente qu'en vertu des Articles 23 et 25 du Règlement de la procédure

19 de la RSFY, le vice-président, le Dr Kostic, a convoqué la 144e séance de

20 la présidence le 2 octobre.".

21 S'agissant de l'ordre du jour de cette réunion, on peut lire la chose

22 suivante: "Certaines questions pertinentes dans le domaine de la défense

23 nationale". Ensuite, on peut lire que "les membres de l'état-major du

24 commandement suprême -on retrouve une fois de plus cet organisme- vont

25 participer à cette séance".

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1 Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous faire part de vos observations au sujet

2 de ce document qui vous a été remis, je crois, par Anton Stari?

3 Réponse: J'ai pu recevoir cette convocation à la réunion rien que pour

4 pouvoir s'occuper de l'apparence, c'est-à-dire le putsch a déjà été

5 effectué, le bloc serbe était le maître de la situation; et rien que pour

6 avoir un prétexte, j'ai reçu cette convocation à la réunion où il a été

7 dit que des membres de l'état-major du commandement suprême seraient

8 également convoqués à cette réunion. Je disais bien qu'il s'agissait d'une

9 instance illégale: ces gens-là n'avaient rien à faire à cette réunion.

10 Question: Est-ce donc la présidence-croupion qui est en train de

11 fonctionner ou pas à ce moment-là?

12 Réponse: Oui, il s'agit bien de la présidence-croupion dont les décisions

13 ne pouvaient lier personne. Car la présidence-croupion ne jouissait pas du

14 quorum et donc, quelles que soient les décisions prises par elle, sur tout

15 le territoire de la Yougoslavie, ces décisions ne pouvaient pas être

16 appliquées.

17 M. Nice (interprétation): Pièce suivante, je vous prie.

18 M. Kwon (interprétation): Monsieur Mesic, je vous prie, on voit en haut à

19 gauche sur ce document une note manuscrite. J'aimerais savoir de qui est

20 l'écriture que l'on voit ici?

21 M. Mesic (interprétation): "La séance est levée à 18 heures. Envoyer plus

22 tard." (Fin de citation.)

23 Je pense que c'est Anton Stari, mais je ne suis pas sûr.

24 M. Kwon (interprétation): Merci. Mais il y avait une autre note en marge

25 dans un autre document où il était dit que vous n'étiez pas d'accord avec

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1 la décision. Ça, c'est bien vous qui l'aviez écrit, n'est-ce pas?

2 Je ne me rappelle plus du numéro d'intercalaire dans le document que nous

3 avions vu avant.

4 M. Mesic (interprétation): Oui, excusez-moi. Mais s'agissant de la

5 remarque que nous lisons ici, elle a pu être écrite soit par mon

6 collaborateur soit par Anton Stari. Quant à moi, il m'arrivait très

7 souvent d'avoir un point de vue différent, une divergence d'opinion, car

8 je n'étais pas d'accord avec pas mal de décisions.

9 M. Kwon (interprétation): Merci.

10 M. Nice (interprétation): Pièce suivante: pièce 321, document C3201,

11 intercalaire 23.

12 (Intervention de l'huissière.)

13 Nous sommes donc quelques jours plus tard, le 3 octobre… Excusez-moi, en

14 fait, ce n'est pas quelques jours plus tard.

15 On lit la date de 1993 dans le document, mais je pense que c'est une

16 erreur car nous sommes toujours en 1991. Et nous voyons à la lecture du

17 texte, du corps du document, que c'est bien à cette date que nous nous

18 trouvons.

19 Il conviendrait donc d'amender la mention faite sur la version anglaise à

20 cette page.

21 Donc, document qui provient d'Anton Stari, qui vous est adressé en tant

22 que Président de la présidence. Il traite de la séance tenue le 3 octobre

23 1991, au cours de laquelle la présidence a adopté des décisions de travail

24 et des méthodes de prise de décisions pour la présidence à l'époque, dans

25 une période de menace de guerre immédiate.

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1 Et un peu plus loin, nous lisons: "S'agissant de la mise en oeuvre de

2 cette décision, il a été décidé que tous les membres de la présidence

3 seraient informés que la présidence doit tenir une session permanente à

4 Belgrade, étant donné la situation de menace de guerre imminente. En

5 conséquence, il est impératif que les membres de la présidence soient

6 présents à Belgrade, si possible, ou en tout cas à une distance réduite de

7 Belgrade de façon à pouvoir commencer à travailler au plus tard deux

8 heures après avoir été convoqués. Compte tenu de ce qui précède, il est

9 nécessaire de prendre des mesures par le biais de votre bureau et du chef

10 du protocole, s'agissant de vous-même, de façon à ce que vous puissiez

11 venir à Belgrade." (Fin de citation.)

12 Et puis la phrase suivante se lit comme suit –je cite-: "Il a également

13 été décidé lors de cette séance que les membres de la présidence qui sont

14 absents seront informés de cette décision à leur arrivée à Belgrade et que

15 cette décision ne peut pas leur être transmise par fax, compte tenu de son

16 niveau de confidentialité." (Fin de citation.)

17 Vous avez reçu ceci à un certain moment et c'est Anton Stari qui vous l'a

18 envoyé. Pouvez-vous faire d'autres commentaires sur ce document, Monsieur

19 Mesic?

20 M. Mesic (interprétation): Ceci est la preuve que cette décision avait

21 pour but d'exclure les représentants de la Croatie, de la Slovénie, de

22 Bosnie-Herzégovine et de Macédoine du travail réalisé au sein de la

23 présidence. Le représentant de la Bosnie-Herzégovine se trouvait à

24 Belgrade à ce moment-là, donc il a pu participer, mais les représentants

25 slovènes et croates n'ont pas pu participer. Il n'y avait aucun moyen pour

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1 ces deux Républiques d'être présentées, et c'était l'intention qui

2 existait au départ. La "présidence-croupion" ne pouvait donc prendre

3 aucune décision obligatoire pour tout le monde.

4 Question: Vous avez expliqué les efforts faits par vous pour convoquer des

5 réunions ailleurs. Etes-vous en train de dire qu'il aurait été possible

6 pour l'ensemble de la présidence de se rencontrer en d'autres endroits,

7 comme par exemple l'île de Brioni?

8 Réponse: Tout le monde pouvait effectivement se réunir à Brioni.

9 Question: Nous revenons maintenant quelques jours en arrière. Pièce 328

10 dans la liasse des documents, intercalaire 19, document C2998.

11 (Intervention de l'huissière.)

12 Nous verrons donc de quelle façon vous abordiez le problème à l'époque.

13 Il s'agit d'une communication datant 30 septembre, signée par vous,

14 adressée à Anton Stari, secrétaire général. Vous aviez tous les deux de

15 fréquentes communications.

16 Je lis le texte -je cite-: "En rapport avec la convocation illégale d'une

17 séance de la présidence de la RSFY, je vous demande d'informer toutes les

18 personnes convoquées de mon opposition. Je suis prêt à convoquer une

19 réunion de la présidence de la RSFY en quelque lieu que ce soit, sous

20 condition que ce lieu puisse être atteint par des moyens de transport.

21 Je vous prie d'informer également les membres de la présidence du fait que

22 le Président n'est pas empêché de remplir ses fonctions pendant une longue

23 période si la JNA l'empêche d'accéder à Belgrade. La participation à cette

24 réunion illégale de la présidence doit être considérée comme une

25 participation a un putsch militaire." (Fin de citation.)

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1 Quels étaient les obstacles qui vous empêchaient d'aller à Belgrade ou

2 ailleurs en Serbie?

3 Réponse: L'armée yougoslave avait bloqué toutes les routes et tous les

4 aéroports. Je ne pouvais donc pas faire le voyage de Zagreb à Belgrade. Je

5 pouvais cependant aller à Brioni puisque Brioni m'était accessible. Et

6 l'île de Brioni était accessible à tous les autres représentants

7 également.

8 Question: Est-ce que vous avez obtenu une réaction de la part de la

9 "présidence-croupion" à la suggestion faite par vous, selon laquelle la

10 présidence avait en fait participé à un putsch militaire?

11 Réponse: Je n'ai pas entendu de commentaires de la part la présidence,

12 mais il était tout à fait évident que la "présidence-croupion" appliquait

13 les décisions de Slobodan Milosevic exclusivement.

14 Question: Au paragraphe 22 du résumé, nous allons donc parler plus en

15 détail de la présidence croupion.

16 Avez-vous appris que les règles et procédures à suivre par la présidence

17 étaient en cours de modification, et ce, à l'instigation du bloc serbe ou

18 de la présidence croupion?

19 Réponse: Oui, je l'ai appris, car mon conseiller se trouvait à Belgrade et

20 il m'informait de tout ce que faisait la présidence croupion, y compris

21 s'agissant de ce règlement de la présidence. Or ce qui était fait à cet

22 égard correspondait tout à fait à ce que l'armée avait déjà commencé, en

23 accord avec M. Milosevic, et cela consistait en fait à mener à bien un

24 coup d'Etat.

25 Question: Maintenant, nous passons à la pièce 328, volume 1, intercalaire

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1 12, pièce à conviction C2911. Je devrais d'ailleurs plutôt parler de

2 document C2911 plutôt que de pièce, car il ne s'agit pas encore d'une

3 pièce.

4 (Intervention de l'Huissière.)

5 C'est un document que vous avez vu à l'époque et qu'on vous a montré à

6 nouveau récemment lorsque vous vous prépariez à votre déposition ici.

7 C'est une proposition qui, je crois, n'est pas datée et qui propose

8 d'amender les règles de procédure applicables à la présidence de la RSFY.

9 Réponse: Oui, c'est exact. Tout ceci a été fait, comme on le voit ici,

10 dans le but d'exclure le Président du travail de la présidence.

11 Question: Je regarde le document, je regarde celui que vous avez entre les

12 mains et je vois un certain nombre de lignes sur le texte et le mot

13 "SKR22", ou plutôt les lettres et chiffres "SKE22". Est-ce que vous

14 reconnaissez cette annotation et l'écriture?

15 Réponse: Oui, c'est toujours la même écriture. Page 22. Il est donc dit,

16 page 22, qui signifie qu'il s'agit d'une page d'un document plus complet.

17 Question: Il est dit dans ce paragraphe du texte, qu'après la page 22, un

18 nouveau paragraphe devrait être ajouté au texte, stipulant que, dans le

19 cas où le président de la présidence ne convoque pas une réunion dans les

20 délais prévus, le vice-président convoquera cette réunion.

21 Au paragraphe suivant, nous lisons -je cite-: "Si le vice-président ne

22 peut pas non plus convoquer la réunion, un membre de la présidence, qui en

23 a fait la demande, peut consulter les autres membres au sujet de la tenue

24 de cette réunion. Et si une majorité des membres de la présidence se

25 dégage en faveur de la proposition, la réunion de la présidence est

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1 convoquée et est présidée par celui qui l'a convoquée.". (Fin de

2 citation.)

3 Avez-vous des commentaires à faire au sujet de ces propositions de

4 modifications, d'amendements à la Constitution, et de leurs objectifs?

5 Réponse: Il s'agissait d'amendements proposés pour le règlement de la

6 présidence de la RSFY. Et il est tout à fait manifeste que l'intention

7 consistait uniquement à modifier la première partie, en conservant la

8 deuxième partie telle quelle. Il ressortirait donc de cela qu'une autre

9 personne que le Président aurait pu convoquer les réunions de la

10 présidence, ce qui n'était absolument pas prévu jusque là.

11 Question: Nous en sommes toujours à l'automne et au début de l'hiver 1991,

12 mais maintenant nous parlons plus généralement de questions financières.

13 Pouvez-vous nous aider, je vous prie, en nous disant ce que vous saviez du

14 financement de la JNA. Il se faisait sur quel budget? Et qui contrôlait ce

15 budget? D'abord, comment est-ce que la JNA était financée?

16 Réponse: L'armée populaire yougoslave était financée à partir du budget

17 fédéral. C'était une partie de son financement. On parlait à l'époque de

18 sources de financement fédéral; et la Croatie et d'autres Républiques

19 étaient opposées à ce mode de financement car certains estimaient que les

20 financements devaient provenir des Républiques. L'autre partie du

21 financement de la JNA venait de contributions provenant des Républiques,

22 et la troisième partie de l'économie d'un système économique particulier à

23 l'armée. En effet, l'armée possédait ses entreprises, ses fermes un peu

24 partout en Yougoslavie.

25 Question: Y a-t-il eu un moment où la contribution de la Croatie au budget

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1 de la JNA, donc en tant que contribution d'une République au budget de la

2 JNA, y a-t-il eu un moment où cette contribution a cessé?

3 Réponse: La Croatie a pris cette décision au moment où l'armée était au

4 service de l'agresseur dans le but de créer la Grande Serbie. La Croatie a

5 donc estimé qu'elle ne pouvait plus continuer à financer une armée qui

6 travaillait à ses dépens.

7 Question: Est-ce que cela a conduit à la nécessité d'obtenir des emprunts

8 pour financer l'armée? Et si oui, d'où sont venus ces emprunts, ces prêts?

9 Réponse: Il était certain que l'armée s'était trouvée dans une situation

10 difficile sur le plan financier, car elle s'était mise au service de M.

11 Milosevic et du concept de la Grande Serbie en pensant qu'elle obtiendrait

12 une espèce de sponsor permettant que cette institution très massive puisse

13 continuer à vivre.

14 Et puisque les Républiques étaient considérées comme ne finançant pas

15 suffisamment cette très grande armée, il a fallu entrer dans une situation

16 de recherche de crédits. C'est ce qui s'est fait en faisant appel à des

17 émissions de titres supplémentaires et à la recherche de crédits aussi

18 bien auprès de la Banque nationale qu'à l'étranger.

19 Question: S'agissant de la Banque nationale de Yougoslavie, qui était

20 censé agréer les emprunts destinés à la JNA?

21 Réponse: C'était le conseil des gouverneurs de la Banque nationale.

22 Question: A l'époque dont nous parlons, c'est-à-dire à la mi-1991, fin

23 1991, le représentant croate siégeait-il toujours au conseil des

24 gouverneurs de la banque ou pas?

25 Réponse: Non, la Croatie n'avait plus de représentant au conseil des

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1 gouverneurs.

2 Question: Qui contrôlait le conseil des gouverneurs dont l'agrément était

3 nécessaire pour approuver un emprunt destiné à la JNA?

4 Réponse: Le contrôle sur la banque nationale et ses fonctionnaires était

5 exercé par M. Milosevic, tout comme, d'ailleurs, il exerçait son contrôle

6 sur l'armée populaire yougoslave.

7 Question: Pouvez-vous nous aider sur le plan suivant, Monsieur Mesic, en

8 tout disant quelles étaient les réserves en devises étrangères que

9 possédait la banque nationale yougoslave à la mi-1991?

10 Réponse: Pour mes besoins, j'ai obtenu en fait deux informations: d'abord,

11 qu'il existait 8 milliards de dollars en réserve de devises étrangères, et

12 une autre information selon laquelle ces réserves en devises étrangères se

13 seraient montées à 12 milliards de dollars. Et puis, un peu plus tard,

14 j'ai obtenu une troisième information dans laquelle le chiffre de 10

15 milliards de dollars en devises étrangères était mentionné. Donc je

16 suppose que la vérité doit se situer à mi-chemin.

17 Question: Par qui étaient fournies ces réserves?

18 Réponse: Les réserves en devises étrangères étaient à l'étranger, mais

19 aussi à la banque nationale, et la Fédération avait le droit de les

20 utiliser; je parle des ministères, du conseil exécutif, du ministère des

21 Finances et du conseil exécutif de la Fédération. Et une partie de ces

22 fonds avait été dépensée, donc, dans la pratique, nous n'avions pas le

23 contrôle des modalités selon lesquelles ces fonds étaient dépensés.

24 J'ajouterai d'ailleurs un mot à cet égard: il ne s'agissait pas, lorsque

25 nous parlons de ces réserves en devises étrangères, de fonds budgétaires

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1 destinés uniquement à nous, mais également à certaines institutions para-

2 étatiques, telles que la Chambre de commerce et d'autres institutions

3 comparables.

4 Question: Mais qui fournissaient ces fonds? D'où venait l'argent? Etait-il

5 fourni par des Etats, par les régions autonomes? Par qui?

6 Réponse: Dans leur majorité, ces fonds provenaient de la Croatie. Car il

7 s'agissait de devises qui résultaient de l'activité touristique du pays;

8 et la Croatie était de toutes les républiques et de toutes les régions

9 autonomes la république la plus active et la plus efficace dans ce domaine

10 particulier; je veux parler de l'industrie touristique.

11 Question: Et pendant la guerre, ainsi qu'après la guerre, à quoi a servi

12 cet argent?

13 Réponse: Cet argent n'a pu être utilisé que pour mener la guerre ou pour

14 financer l'entourage de M. Milosevic.

15 Question: Parlons maintenant d'une rubrique, d'un poste de dépense

16 particulier. Savez-vous comment étaient financés les salaires, les soldes

17 de l'armée de la Republika Srpska et de la République de la Krajina serbe,

18 la RSK?

19 Réponse: Etant donné que les officiers, les sous-officiers et un grand

20 nombre des soldats de l'armée venaient de l'armée yougoslave, c'était

21 l'armée yougoslave qui les payait. Elle a d'ailleurs continué à les payer,

22 y compris après la disparition de ce qu'il était convenu d'appeler

23 "l'armée de Krajina", puisque ces hommes-là sont partis dans l'armée de

24 Bosnie-Herzégovine. Et donc, c'est la Serbie qui apportait officiellement

25 son soutien plein et entier à ces soldats, à ces armées.

Page 10575

1 Question: Pièce 328. Volume 1 de pièce à conviction, intercalaire 1.

2 (Intervention de l'huissière.)

3 Document C78, c'est le document que nous allons maintenant examiner et qui

4 date maintenant de l'époque des faits.

5 Comme on peut le voir, il porte la date de la fin septembre 1991. Vous

6 étiez donc à Zagreb à ce moment-là. Vous ne pouviez plus voyager à

7 destination de Belgrade. C'est un document émanant d'Anton Stari, adressé

8 à vous-même et aux autres membres de la présidence, qui établit le point 3

9 de l'ordre du jour de la séance prévue de la présidence, le 1er octobre.

10 Il est donc question de la proposition du conseil exécutif fédéral, selon

11 laquelle la présidence propose à l'assemblée une loi sur les sources de

12 financement de certains besoins de la Défense nationale.

13 Je cite: "En application de ce qui suit, le secrétariat fédéral à la

14 Défense nationale a proposé qu'un nouveau paragraphe soit ajouté après le

15 paragraphe 2 de l'article 2 du projet de loi.

16 Ce nouveau paragraphe se lit comme suit -je cite-: "Tant que ne seront pas

17 définis les fonds selon les dispositions 2, paragraphe 2, du présent

18 article, la Banque nationale yougoslave est autorisée à procéder à des

19 paiements avancés à la Fédération afin de financer l'armée populaire

20 yougoslave". (Fin de citation.)

21 Donc il s'agit bien ici, n'est-ce pas, de la banque dont vous avez dit

22 qu'elle était contrôlée par l'accusé? C'est bien ça, Monsieur Mesic?

23 Réponse: C'est exact.

24 Question: Nous pouvons maintenant passer au Volume 2 des pièces à

25 conviction, intercalaire 28.

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1 (Intervention de l'huissière.)

2 Le document daté du 1er octobre, donc à peu près la même période.

3 Je ne vais pas lire l'ensemble du document pour ne pas perdre de temps,

4 mais on voit en dernière page que ce document est signé par le vice-

5 président Branko Kostic et c'est un projet de procès-verbal relatif à une

6 réunion déjà tenue.

7 Je vous demanderais, Madame l'Huissière, de vous rendre en page 7 de la

8 version anglaise de ce document. Les numéros se trouvant en bas de page.

9 Dans l'original, Monsieur Mesic, donc le texte que vous avez, vous-même,

10 sous les yeux, ceci correspond à la page 5.

11 Nous voyons, dans cette page, un titre, point 3, et nous lisons ensuite ce

12 qui suit -je cite-: "Sur proposition du conseil exécutif fédéral, la

13 présidence de la RSFY a discuté d'un projet de loi relatif aux sources de

14 financement de certains besoins de la défense nationale". (Fin de

15 citation.)

16 Ensuite, nous voyons que la présidence entérine le projet de loi, sous

17 réserve que la nuance -que l'on trouve à l'article 2-, dans un nouveau

18 paragraphe, soit ajouté après le paragraphe 2, et que donc la Banque

19 nationale puisse procéder à des paiements avancés destinés à la

20 Fédération.

21 Et puis, il est dit que: "Les membres de la présidence Tupurkovski et

22 Bogicevic ont demandé à exprimer leurs positions sur le projet de loi, un

23 peu plus tard, c'est-à-dire le lendemain, après avoir consulté leur

24 République. Le Dr Tupurkovski, membre de la présidence, a fait savoir

25 qu'il était d'accord avec la proposition, alors que M. Bogicevic n'a

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1 toujours pas fait connaître sa position".

2 Monsieur Mesic, je vous demande s'il apparaît que cette modification était

3 réellement prévue comme devant être appliquée?

4 Réponse: En fait, ceci montre bien et est la preuve que la guerre était

5 financée par la Banque nationale. Je parle de la guerre menée par l'armée

6 yougoslave dans le but de créer une Grande Serbie.

7 Question: Très bien. Maintenant, avec toutes ces actions en cours,

8 j'aimerais que nous voyions quelle a été votre réaction à tout cela. Nous

9 devons revenir à une pièce du volume 1, intercalaire 6, donc volume 1,

10 pièce 328, document C251.

11 (Intervention de l'huissière.)

12 La date est illisible, mais nous voyons qu'il s'agit d'un communiqué de

13 presse. Et ce qui nous intéresse, ce sont les deux premiers paragraphes.

14 Il est question d'une séance de la présidence de la RSFY, présidée par

15 Kostic, et qu'au moment où l'ordre du jour est établi -il y a quelques

16 mots illisibles-, il est fait observer que "La situation dans le pays doit

17 être discutée dans sa globalité en mettant l'accent sur la Bosnie-

18 Herzégovine parce que les principaux représentants des Républiques sont

19 absents, compte tenu que la présidence pensait qu'ils accepteraient la

20 proposition de tenue d'une réunion de la présidence à Sarajevo. Le membre

21 de la présidence Bogicevic a proposé que la présidence se réunisse à

22 Sarajevo, ce qui n'a pas été accepté. Il en est conclu que la situation

23 politique et sur le plan de la sécurité en Bosnie-Herzégovine doit être

24 discutée avec la direction, avec les dirigeants de cette République, dès

25 que possible".

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1 Et puis, nous lisons ensuite ce qui suit -je cite-: "La présidence a été

2 informée par les départements fédéraux responsables que la situation sur

3 le plan politique et sur le plan de la sécurité dans le pays est

4 extrêmement difficile et même dramatique, et que le danger de voir éclater

5 une guerre civile existe entièrement.".

6 Nous passons donc ensuite à la page suivante pour y lire un seul

7 paragraphe qui se trouve au milieu de la page -je cite-: "Par ailleurs, la

8 présidence de la RSFY a établi que le travail de pratiquement toutes les

9 institutions fédérales est également bloqué. Le travail de l'assemblée de

10 la RSFY a été rendu impossible. Le conseil exécutif fédéral est en crise

11 depuis quelque temps du point de vue de ses effectifs et de son

12 fonctionnement.

13 La présidence de la RSFY a décidé de tenir des réunions élargies

14 auxquelles participeront les principaux dirigeants au niveau fédéral et au

15 niveau des Républiques afin de discuter des conditions d'un accord de

16 cessez-le-feu, du fonctionnement des institutions fédérales et des

17 initiatives prises à ce jour au sujet de l'avenir de la Yougoslavie ainsi

18 que des résultats obtenus aujourd'hui par le travail de la conférence

19 internationale sur la Yougoslavie". (Fin de citation.)

20 Pouvez-vous nous aider sur le point suivant? Je veux parler de la date

21 vraisemblable de ce communiqué, qui, je crois, n'est pas daté. Et ensuite,

22 pouvez-vous commenter les passages dont je viens de donner lecture?

23 Réponse: Je crois que ceci date du mois d'octobre, également à en juger

24 par le contenu.

25 Question: Vos observations, si vous en avez, sur les passages dont je

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1 viens de donner lecture? Ou bien ces passages parlent-ils d'eux-mêmes?

2 Réponse: Ils parlent d'eux-mêmes. Aucune nécessité de les commenter.

3 Question: Nous pouvons maintenant passer au document suivant: intercalaire

4 7, volume 1 des pièces à conviction. Pièce 328, document C253.

5 Nous sommes toujours à peu près à la même période, mais ce document est

6 daté: il porte la date du 1er octobre. Est-ce un document que vous avez vu

7 avant de venir témoigner ici? Oui ou non?

8 Réponse: Oui, je l'ai déjà vu.

9 Question: Nous constatons qu'il s'agit d'un rapport émanant des forces

10 armées et plus précisément de l'état-major du commandement suprême établi

11 à Belgrade à la date du 1er octobre. Ce rapport est destiné au président

12 de la République de Croatie ainsi qu'à d'autres personnes. Il y est

13 stipulé que "les autorités et les formations armées de la République de

14 Croatie ignorent complètement tous les accords de cessez-le-feu conclus".

15 Et au paragraphe suivant, nous lisons ce qui suit -je cite-: "Au lieu

16 d'être levé, le blocus des unités militaires ne fait que se renforcer. Les

17 membres de l'armée sont privés d'eau et de nourriture qui, normalement,

18 sont fournies aux prisonniers de guerre en application des conventions

19 internationales".

20 Il est dit ensuite que "il s'agit d'un crime de sang-froid commis contre

21 les membres de la JNA, alors que l'opinion nationale et mondiale est au

22 courant de cela, qu'il s'agit donc de mauvais traitements, de harcèlements

23 qui ne peuvent être tolérés".

24 Et un avertissement suit, qui vient donc du commandement suprême, mais il

25 concerne la propriété des installations militaires par l'armée populaire

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1 yougoslave. Il est question d'un danger de destruction immédiate de ces

2 installations d'importance vitale pour la République de Croatie.

3 Je vais citer le passage qui suit -je cite-: "Pour toute installation

4 attaquée qui est la propriété de l'armée populaire yougoslave, elle sera

5 immédiatement détruite par nous, alors qu'elle est d'une importance vitale

6 pour la République de Croatie." (Fin de citation.)

7 Et également -je cite-: "Pour toute caserne attaquée qui est la propriété

8 de la JNA, celle-ci sera détruite immédiatement par nous dans la ville où

9 la garnison se trouve. Dans le même temps, la population civile est

10 prévenue du fait qu'elle doit se retirer de ces lieux en temps utile."

11 (Fin de citation.)

12 Je n'ai pas besoin d'en lire davantage. Que pouvez-vous dire de ce

13 document qui date du 1er octobre 1991?

14 Réponse: En tout état de cause, ce n'est pas un avertissement, mais un

15 ultimatum. Il appelle à des représailles pour toute installation détruite

16 ou plutôt pour toute installation détruite ou reprise d'une installation

17 de l'armée populaire yougoslave, installation d'importance vitale pour la

18 Croatie dans la ville où se trouve la garnison. Eh bien, dans ce cas, elle

19 sera détruite. C'est tout à clair, c'est un ultimatum et donc la marque

20 d'un coup d'Etat militaire qui est en cours.

21 Question: Nous voyons que ceci est adressé au Président de la Croatie, M.

22 Tudjman, puisque c'était lui qui présidait à l'époque. Bien sûr, nous

23 voyons que ce texte est également adressé à d'autres instances de la

24 Croatie.

25 Le Président Tudjman s'est-il plaint de ce qui se passait sur son

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1 territoire ou sur votre territoire à ce moment-là?

2 Réponse: Le Gouvernement croate et le Président de la Croatie ont pris

3 toutes les mesures nécessaires pour que toutes les parties concernées

4 soient mises au courant de ce qui se passait et du rôle joué dans les

5 événements par l'armée yougoslave. Nous voyons cet ultimatum, nous voyons

6 qu'il provient de l'état-major du commandement suprême.

7 Je mets l'accent, encore une fois, sur le fait que cette institution, le

8 commandement suprême était illégal et que ceci faisait donc partie d'un

9 plan et d'un scénario établi, mis au point par l'entourage de Slobodan

10 Milosevic.

11 Question: Nous pouvons maintenant revenir au volume 2. Je vous prie de

12 m'excuser de ces allers et retours constants entre les deux volumes de

13 pièces à conviction.

14 Donc un document dans lequel on trouve votre réaction, intercalaire 21,

15 document C3009, pièce à conviction 106 dans l'affaire Dokmanovic. C'est un

16 document signé par vous et adressé à la présidence à Belgrade.

17 Vous avez été invité à participer à la 144e séance de la présidence de la

18 RSFY, convoquée illégalement comme vous le dites au début de ce document.

19 Et vous dites que le vice-Président et des membres du bloc serbe sont en

20 train de participer à un putsch militaire dans le but d'obtenir, par une

21 manipulation intentionnelle et illégale, que la présidence prenne une

22 décision pour rendre légal des décisions illégales et anti-

23 constitutionnelle prises par l'armée.

24 Vous exprimez votre surprise quant au fait que Bogicevic et Tupurkovski

25 participent à ce putsch et, à la fin de la lettre, vous dites –je cite-:

Page 10582

1 "Je dois souligner qu'une fois de plus, cette même armée populaire

2 yougoslave, JNA, qui cherche à placer la question de son financement à

3 l'ordre du jour, empêche en plaçant des chars sur les grandes routes et en

4 bloquant le trafic aérien, empêche donc le Président légal et légitime de

5 la présidence de la RSFY de participer aux réunions de la présidence."

6 (Fin de citation.)

7 Est-ce que vous avez envoyé cette protestation?

8 M. Mesic (interprétation): C'est exact. Je souligne dans la lettre que

9 j'ai reçu un coup de téléphone de Bogicevic qui me disait avoir décidé de

10 ne plus participer au coup militaire. Il me disait qu'il participerait

11 simplement aux séances de la présidence pour voir ce qui s'y passait.

12 Quant à Vasil Tupurkovski, j'ai écrit à une lettre à Gligorov de Macédoine

13 pour lui demander si Tupurkovski participait au coup d'Etat militaire et

14 Gligorov m'informe que Vasil Tupurkovski n'y participe plus et non plus

15 aux réunions de la présidence.

16 M. Nice (interprétation): Vous nous dites votre position dans ce document,

17 vous nous dites quelle est votre interprétation du rôle de l'accusé.

18 Nous allons maintenant examiner le document suivant, intercalaire 22,

19 volume 2 de la pièce à conviction 328, document C3017, où l'on trouve

20 votre opinion à l'époque. Il s'agit d'un document qui a été utilisé comme

21 pièce 108 dans l'affaire Dokmanovic.

22 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, nous aimerions plus

23 d'ordre dans la façon dont les pièces sont traitées. Est-ce que les pièces

24 Dokmanovic doivent être versées au présent procès?

25 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il serait peut-être bon de le faire

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1 si l'on y trouvait des passages qui n'ont pas été utilisés auparavant et

2 qui le seront par nous. Donc peut-être pourrait-on donner une cote

3 différente à ces documents dans notre affaire.

4 Mme Ameerali (interprétation): Pièce à conviction 329.

5 M. Nice (interprétation): Ce document, donc intercalaire 22 de notre pièce

6 328, est une lettre datant du 2 octobre, adressée à M. Perez de Cuellar,

7 qui était alors secrétaire général des Nations Unies.

8 Vous dites que vous faites suite à l'ultimatum adressé à la République de

9 Croatie, ce qui est bien la preuve que l'armée fonctionne de façon

10 autonome, en tout cas hors des institutions existantes.

11 C'est un document que vous avez déjà vu précédemment, n'est-ce pas,

12 Monsieur Mesic?

13 M. Mesic (interprétation): Oui, il s'agit d'un document authentique.

14 Question: Peut-on dire que l'armée…

15 Un peu plus loin, vous dites: "L'armée, en bloquant les routes et en

16 empêchant le transport aérien, a créé un blocus qui m'empêche de

17 participer aux réunions légales et légitimes de la présidence de la RSFY

18 puisque je suis empêché de venir à Belgrade. L'agression dont sont

19 responsables la Serbie et l'armée yougoslave, armée qui n'est plus que

20 serbe, ne peut être arrêtée qu'en admettant la nouvelle réalité parce

21 qu'il est évident que la Yougoslavie, telle qu'elle est utilisée

22 aujourd'hui, n'existe plus. Le régime serbe de Slobodan Milosevic a

23 renversé la Fédération yougoslave. La seule solution, actuellement, réside

24 dans la reconnaissance des nouvelles entités à l'intérieur de leurs

25 frontières parce qu'autrement, ce sera la guerre, le crime et la

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1 destruction qui se poursuivront, et le feu de la guerre qui a déjà

2 commencé à brûler dans le dernier bastion bolchevique, la Serbie de

3 Slobodan Milosevic, s'étendra à l'Europe tout entière. Faites quelque

4 chose pour arrêter la guerre en Yougoslavie parce que vous êtes celui qui

5 peut le faire". (Fin de citation.)

6 Donc nous voyons ici que vous exprimez votre position de l'époque vis-à-

7 vis de l'armée comme n'étant plus que serbe, et votre position consiste

8 également à penser que l'accusé a démantelé la Fédération yougoslave.

9 M. Mesic (interprétation): C'est ce que j'ai dit notamment, mais j'ai dit

10 aussi que l'incendie de la guerre pourrait embraser d'autres parties de la

11 Yougoslavie. Car si les objectifs serbes et ceux de M. Milosevic sont

12 poursuivis, alors là il s'agirait bien d'un incendie de guerre qui risque

13 et qui ne tardera pas d'embraser l'Europe.

14 M. Robinson (interprétation): Le Secrétaire général a dû vous être

15 reconnaissant de la confiance que vous lui exprimiez. Est-ce que vous avez

16 reçu une réponse à cette lettre?

17 M. Mesic (interprétation): Non, mais j'ai pu rendre visite au Secrétaire

18 général en lui disant qu'une force internationale devrait être envoyée.

19 Chose qui sera faite plus tard. Mais je considère, pour ma part, que la

20 force internationale n'était venue qu'au moment où il fut avéré clair que

21 Milosevic avait une option de guerre, et que lorsqu'il a fallu vraiment

22 comprendre que si aussi la force internationale s'était interposée à la

23 frontière entre la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la Serbie, il n'y

24 aurait pas eu de guerre. Malheureusement, l'intervention de la communauté

25 internationale s'est fait beaucoup trop tardive.

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1 M. Nice (interprétation): Est-ce que vous aviez terminé, Monsieur le Juge

2 Robinson?

3 M. Robinson (interprétation): Oui.

4 M. Nice (interprétation): Nous avons vu dans un document qu'on parlait

5 d'une présidence-croupion, et il a été dit que cette présidence organisait

6 des conférences de grande envergure. Est-ce que ça a été effectivement le

7 cas? Est-ce qu'il y avait d'autres membres allégués ou légitimes qui

8 participaient à ces réunions?

9 M. Mesic (interprétation): A plusieurs reprises, des réunions de la

10 présidence ont été tenues auxquelles Bogic Bogicevic et Vasil Tupurkovski

11 avaient pris part mais, après mon intervention, ceux-ci ne venaient plus

12 pour prendre part aux travaux de la présidence-croupion. Ce qui n'était

13 autre chose que, pratiquement, acte fait du fait qu'il y avait un putsch

14 militaire de Milosevic qui s'était fait par l'intermédiaire de l'armée.

15 M. Nice (interprétation): Je m'excuse, nous allons encore changer de

16 volume. Volume 1, intercalaire 1...

17 M. le Président (interprétation): Oui, mais le moment est venu de faire

18 une pause de 20 minutes.

19 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 38.)

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, c'est à vous.

21 M. Nice (interprétation): Nous en sommes au paragraphe 28 du résumé de la

22 déclaration du témoin.

23 Monsieur Mesic, je vais maintenant vous demander de bien vouloir examiner

24 avec moi le document figurant à l'intercalaire n°13 du volume 1 de la

25 pièce 328, documents C2916.

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1 (Intervention de l'huissière.)

2 Il s'agit du procès-verbal de la 144e séance de la présidence; il s'agit

3 d'un projet de compte rendu. Je vais demander à l'huissière de bien

4 vouloir placer la première page avec du texte sur le rétroprojecteur.

5 C'est la page 2 en anglais.

6 Nous voyons ici, Monsieur Mesic, que Branko Kostic a présidé la réunion.

7 On peut voir qui y était, y compris Jovic. A l'ordre du jour, on voit que

8 l'on a traité, au point 1, d'un accord pour assurer la continuité du

9 travail de la présidence et reposant sur les conclusions adoptées lors de

10 la 143e session de la présidence au sujet de l'état de menace de guerre

11 éminente.

12 Un détail avant de poursuivre l'examen de ce texte: la modification,

13 l'amendement du règlement de procédure et de preuve, qui en était chargé

14 sur la base de votre expérience dans ce domaine? Qui normalement était

15 chargé de modifier, d'amender les règlements de procédure de ce style?

16 M. Mesic (interprétation): Ceci devait être le travail des services de la

17 présidence, avec à sa tête Anton Stari.

18 Question: Qui était le moteur qui était l'impulsion derrière ces

19 changements, d'où venait l'idée de ces changements? Est-ce que vous le

20 savez?

21 Réponse: Ces changements ont été suggérés par Branko Kostic. Lui ne

22 faisait autre chose que de traduire dans l'acte ce que lui demandait,

23 exigeait Slobodan Milosevic.

24 Question: Si nous regardons l'ordre du jour, nous voyons donc le point que

25 j'ai déjà lu, et ensuite on peut lire au point 2: "Affaires courantes et

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1 actuelles relatives à la défense du peuple".

2 On peut lire la chose suivante -je cite-: "La présidence a noté qu'elle

3 avait analysé la situation interne en matière de politique et de sécurité

4 lors de sa 143e séance, le 1er octobre, et a conclu de façon unanime que

5 nous étions menacés par une guerre civile totale et que le pays se

6 trouvait menacé par une guerre imminente. Et sur la base de la conclusion

7 ci-dessus, la présidence a noté que les conditions étaient remplies pour

8 que la présidence commence à travailler et à fonctionner comme c'est prévu

9 par la Constitution en cas de menace éminente de guerre."

10 A la page suivante, on voit un certain nombre de points, mais nous allons

11 tout de suite passer au point 2 pour gagner du temps. Cependant, je

12 devrais peut-être signaler qu'en haut de la page, on constate qu'un membre

13 slovène de la présidence a été exclu du commandement des forces armées.

14 On peut lire ensuite que "la présidence va par la suite se rencontrer à

15 Belgrade". Et on peut lire plus loin que "la présidence a écouté et adopté

16 le rapport du général Kadijevic au sujet de la situation dans les points

17 de crise."

18 Et ensuite, un peu plus loin: "À cet égard, la présidence a conclu que les

19 services spécialisés de la présidence devaient analyser les décrets et les

20 lois adoptés, recommander au Président une éventuelle modification de ces

21 décrets ou lois."

22 Bien. Cette déclaration relative à une menace de guerre, pouvez-vous nous

23 la commenter, Monsieur Mesic? Pouvez-vous nous faire des commentaires sur

24 ce document? Avez-vous des observations à faire? Si ce document se passe

25 de commentaire, si vous estimez qu'il n'est pas justifié d'y ajouter

Page 10588

1 quoique ce soit, nous passerons à autre chose.

2 Réponse: Je pense de ma part que le document parle de lui-même. Ce n'était

3 qu'une suite donnée au putsch qui a été entamé et qui trouvait toute sa

4 réalisation.

5 Question: Dans ces conditions, nous allons passer à une déclaration faite

6 pour ce même général Kadijevic le 3 octobre, intercalaire 14, pièce 328,

7 pièce C2918. C'est une déclaration faite par le secrétaire à la défense

8 nationale. Je ne vais pas en donner lecture dans sa totalité pour gagner

9 du temps.

10 Mais on voit un peu sa manière de s'exprimer ici. D'abord, au cinquième

11 paragraphe, première page, on peut lire la chose suivante -je cite-: "Le

12 régime fasciste de Croatie affirme que nous avons occupé un tiers du

13 territoire croate au nom de la Serbie, tandis que des individus et des

14 groupes dans d'autres parties du pays, aveuglés par le nationalisme et la

15 soif du pouvoir à tout prix, nous traitent de traître." (Fin de citation.)

16 Cette utilisation du terme de "fascistes", adossé au terme de "Croatie",

17 qu'est-ce que cela traduit de l'état d'esprit, de la démarche de celui qui

18 a rédigé ce texte, Kadijevic?

19 Réponse: On voulait compromettre les autorités croates. Certes, il devait

20 y avoir des phénomènes en Croatie qui ne correspondaient pas pour autant

21 aux autorités croates elles-mêmes, qui ne convenaient pas aux intérêts de

22 la Croatie. Or ces phénomènes ne pouvaient pas être éliminés par le pur et

23 simple emploi de l'armée, par la destruction de villes entières et par des

24 tueries.

25 Question: Poursuivons la lecture de ce document. On part de la première

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1 page qui se poursuit à la deuxième page -je cite-: "Conformément à la

2 décision de la présidence, nous avons agi en ayant un seul objectif: c'est

3 d'empêcher un conflit ethnique sanglant et empêcher une répétition du

4 génocide à l'encontre du peuple serbe. Et dans cet objectif, nous avons

5 engagé nos forces principales dans les zones de crise. Nous avons

6 également envoyé dans ces zones des forces venant d'autres garnisons en

7 Croatie et venant d'autres parties du pays, qui ont été utilisées par les

8 autorités oustachies locales comme prétexte pour mettre en place un blocus

9 général des garnisons dans d'autres parties de la Croatie et qui a duré

10 quelques jours. Certaines des garnisons ont été occupées par la force avec

11 des méthodes qui ont toutes les caractéristiques de génocide.

12 Ce qu'on a actuellement en République de Croatie, c'est du néonazisme, et

13 cela représente la plus grande menace qui soit pour les Serbes en Croatie,

14 mais c'est aussi en opposition directe aux intérêts vitaux de peuple

15 croate et de tous les autres peuples sur le sol de la Yougoslavie.

16 Actuellement, l'armée ne désire rien d'autre que d'établir le contrôle

17 dans les zones de crise, de protéger la population serbe contre la

18 persécution et l'extermination, et de libérer les membres de l'armée

19 populaire yougoslave ainsi que leur famille.

20 Une condition préalable à cela, c'est de défaire les forces oustachies.

21 Nous maintenons notre position, maintes fois réitérée, selon laquelle

22 toutes les questions politiques doivent être résolues par la voie du

23 dialogue."

24 Ensuite, il poursuit en utilisant une terminologie, il utilise une

25 terminologie issue de la Seconde Guerre mondiale en parlant de génocide,

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1 mais il affirme d'autre part qu'"il souhaite résoudre les problèmes par la

2 voie du dialogue".

3 Sur la base de votre expérience, est-ce qu'ils ont essayé de résoudre les

4 problèmes qui se présentaient par la voie du dialogue?

5 Réponse: Si l'emploi de chars, de lance-roquettes multiples et d'avions

6 est considéré comme étant les moyens de dialogue, alors ce dialogue a été

7 fort efficace.

8 Question: Avez-vous des observations à faire sur ce vocabulaire qui nous

9 rappellent la Seconde Guerre mondiale?

10 Réponse: Je voudrais souligner tout simplement le fait que c'était une

11 tentative de compromettre la Croatie, car ce texte nous permet de voir

12 qu'à aucun moment, par un seul trait de sa plume, le général Kadijevic ne

13 fait mention du fait qu'un quelconque croate aurait été menacé où que ce

14 soit, alors que des villes entières et des villages ont été détruits,

15 leurs résidents expulsés. Or le général Kadijevic souhaite, lui, protéger

16 prétendument la population serbe: lui, il veut tout simplement établir les

17 autorités serbes et les pouvoirs serbes sans parler une seule seconde d'où

18 se trouvaient les ressortissants croates, les non-Serbes, etc. Il a donc

19 fait autre chose que d'être en fonction des idées de Slobodan Milosevic,

20 c'est-à-dire au service de la formation de la Grande Serbie.

21 M. Nice (interprétation): Passons au lendemain, le 4 octobre, volume 1,

22 intercalaire 11 de la pièce 328, pièce C2905.

23 (Intervention de l'huissière.)

24 Le procès-verbal de la 145e séance.

25 M. le Président (interprétation): Est-ce que cet ordre un petit peu

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1 excentrique de classement des pièces à conviction a une raison quelconque?

2 M. Nice (interprétation): La raison est tout à fait justifiée et la

3 logique de ceux qui ont préparé ces liasses était irréprochable. Il s'agit

4 de présenter les documents dans l'ordre. Vous pourriez nous dire qu'on

5 pourrait avoir un autre ordre, mais afin d'être sûrs de ne pas s'y perdre,

6 nous avons choisi cette manière de classer les documents. Nous essayons au

7 maximum de classer les documents pour qu'ils reflètent l'ordre des

8 événements et l'ordre des pièces. D'ordinaire, nous nous efforçons d'avoir

9 un seul classeur, mais parfois il y a des impondérables. Nos

10 collaborateurs font ce qu'ils peuvent et ils ont procédé de la sorte en

11 l'espèce dans le souci d'aider la Chambre.

12 Ce document, c'est un projet de procès-verbal de la 145e séance. Monsieur

13 Mesic, nous n'allons pas l'examiner dans son intégralité, mais nous allons

14 examiner les points 1,2 et peut-être 4.

15 Au point 1, on peut lire la chose suivante: "Suite à une proposition du

16 Secrétariat fédéral à la Défense nationale et en vertu de l'article 316,

17 la présidence a adopté l'ordre relatif à la mobilisation partielle afin de

18 renforcer les commandements, les états-majors, les unités, les

19 institutions des forces armées, pour garantir que l'armée soit prête au

20 combat afin de pouvoir assurer ses missions et ses fonctions conformément…

21 (Interruption.)

22 Cet ordre doit prendre effet le jour de sa publication."

23 Ensuite, on peut lire: "Sur la base de ce qui précède, le Secrétariat

24 fédéral devra préparer un rapport sur la mobilisation qui sera communiqué

25 à la présidence.".

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1 Point 2. Je vais -je l'ai dit- donner lecture d'une partie du point 2 et

2 ensuite d'ensuite d'une partie du point 4 -je cite-: "Le vice-président a

3 informé la présidence des documents relatifs au commandement et au

4 contrôle des forces armées de la RSFY qu'il a signés en l'absence du

5 Président de la présidence. A cet égard, il a été conclu que le vice-

6 président de la présidence continuerait à signer des documents de ce type

7 en l'absence du Président et qu'il en informerait la présidence par la

8 suite. De plus, la présidence a été informée qu'en l'absence du président,

9 le vice-président avait signé des décrets relatifs à l'attribution de

10 décorations à du personnel d'active.".

11 Et on peut lire ensuite que: "La présidence a conclu que le vice-président

12 continuerait à signer des décrets de ce type.".

13 Et ensuite, on parle de différentes sanctions pour démettre de leurs

14 fonctions divers membres de l'armée.

15 Page 4, point 4, C et D: "Le secrétaire général de la présidence a informé

16 la présidence que le Président Stjepan Mesic avait organisé le 4 octobre

17 une réunion, une séance à Brioni. Les membres de la présidence qui ont

18 participé à cette réunion ont demandé au secrétaire général d'informer le

19 Président que, suite à la décision, les séances de la présidence

20 continueraient à avoir lieu à Belgrade.".

21 Et au point D, on peut lire que "la présidence a été informée de la teneur

22 de la note venant du service du protocole de la présidence, y compris une

23 demande venant du bureau du Président, pour fournir un avion des services

24 aériens du Gouvernement fédéral afin d'emmener le Président à Strasbourg.

25 La présidence a signalé que la visite et l'intervention du Président de la

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1 présidence devant le Parlement européen à Strasbourg requérait

2 l'approbation de la présidence qui déterminerait la nature du discours qui

3 serait prononcé au nom de la présidence.

4 Monsieur Mesic, tout ceci se passait pendant que vous étiez à Zagreb, mais

5 vous aviez le désir de vous rendre à d'autres endroits qui étaient

6 accessibles aux autres membres de la présidence.

7 Est-ce que vous avez véritablement bénéficié de tous les droits qui sont

8 ceux d'un Président, oui ou non?

9 M. Mesic (interprétation): Ce texte nous permet de voir clairement qu'il

10 ne m'a pas été possible de me rendre à la réunion de Belgrade, le tout

11 étant au service des objectifs poursuivis par Milosevic. Voilà la raison

12 pour laquelle cette présidence-croupion a été mise en place pour mener à

13 bien toutes les décisions demandées par Milosevic et on savait très bien

14 ce qu'on a demandé dans ces décisions.

15 Question: Merci. Nous allons maintenant passer au résumé, au rôle joué par

16 la JNA. Nous en avons déjà parlé. Vous nous avez dit, Monsieur Mesic, que

17 la JNA était favorable à l'accusé. Vous avez parlé des trois éléments

18 constituants de la JNA et vous nous avez expliqué que seule la JNA

19 subsistait.

20 Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer un peu plus en détail

21 pourquoi la JNA était favorable à l'accusé? Quels étaient les sentiments

22 qui circulaient au sein de la JNA au sujet de son avenir, par rapport à la

23 désintégration de la Yougoslavie?

24 Réponse: Premièrement, Tito a disparu de la scène politique et de la vie

25 elle-même. Ce facteur était un important facteur de cohésion et il a fait

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1 défaut par la suite. Son charisme à lui était un facteur d'intégration

2 également.

3 Le second facteur de cohésion était la Ligue des communismes, parti

4 pluriethnique et lequel parti a été brisé par Slobodan Milosevic pour

5 pouvoir notamment assurer la réalisation de ses objectifs de guerre. Voilà

6 pourquoi il lui a fallu un parti militant et il n'avait pas besoin d'un

7 autre facteur d'intégration.

8 Voilà pourquoi il voulait faire partir de l'armée tous ceux qui n'étaient

9 pas en mesure de réaliser ses objectifs de guerre. A savoir, on a expulsé

10 les Slovènes, les Bosniens, les Albanais, les Macédoniens, les Croates et,

11 par conséquent, l'armée a pratiquement été transformée en une armée serbe

12 qui, dans l'obéissance parfaite et stricte de la discipline, poursuivait

13 et réalisait ce que le sommet militaire lui demandait. Or le sommet

14 militaire, lui, ne suivait que les suggestions de Slobodan Milosevic.

15 Question: Précédemment, paragraphe 30, à la fin des années 80, avant que

16 nous ne parlions de la période qui nous intéresse, aviez-vous une idée de

17 la manière dont la JNA envisageait les changements à venir? Est-ce que

18 c'était avec sérénité ou dans un autre état d'esprit?

19 Réponse: Dans la proposition d'un consensus confédéral, la Croatie et la

20 Slovénie optaient pour la proclamation des républiques en tant qu'entités

21 indépendantes, en tant que sujets internationalement reconnus, pour

22 procéder ensuite à la signature d'un accord portant confédération.

23 Dans cet accord et par cet accord, on devait réglementer les affaires qui

24 devaient être en commun, qui assurait les paiements et les finances de

25 quoi, suivant quel système de parité, etc. Nous n'avons jamais reçu de

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1 réponse à cela. L'armée a été intéressée à avoir un sponsor comme je viens

2 de le dire dans une bonne partie de ma déposition ici.

3 L'armée a vu un bon sponsor en Slobodan Milosevic, croyant que celui-ci

4 était en mesure de prendre le gros du territoire yougoslave et que ceci

5 aurait pu être tout à fait suffisant pour maintenir le vaste, l'énorme

6 mécanisme de l'armée. Voilà pourquoi l'armée se plie aux exigences de

7 Slobodan Milosevic dès le début même pour mener à bien et réaliser tous

8 ses objectifs.

9 Question: Venons-en maintenant aux événements qui ont eu lieu sur le

10 territoire croate. Les témoins qui ont assisté aux faits en tant que tels,

11 nous en parlerons plus en détail mais, cependant, je voudrais savoir s'il

12 y a eu des incidents au cours desquels des non-Serbes ont eu à souffrir

13 sur le sol croate?

14 Réponse: L'armée yougoslave participait en toutes choses; je veux dire

15 plutôt cette partie organisée de l'armée à pouvoir le faire ainsi. Je me

16 précise: il s'agissait du KOS, service de contre-espionnage.

17 Toutes les fois où il y a eu un incident, des représentants et agents du

18 KOS, ceux du général Vasiljevic s'étaient déjà trouvés sur le terrain pour

19 d'abord provoquer des accidents et des incidents et conflits; après quoi,

20 l'armée devait intervenir pour prétendument désengager les parties

21 impliquées dans les conflits.

22 Tout cela était beaucoup trop transparent, on pouvait le deviner, cousu de

23 fil blanc presque, à savoir que Slobodan Milosevic et les sommets

24 militaires étaient prêts à leurrer la communauté internationale, l'opinion

25 publique de Croatie et mettre la Croatie à genoux. C'était tout à fait

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1 visible dans et par la provocation qui a eu lieu à Pakrac.

2 Question: Justement, j'y viens, paragraphe 32. En une phrase puisque nous

3 en avons déjà parlé, Pakrac et Plitvice sont des exemples de ce que vous

4 venez de nous expliquer, n'est-ce pas?

5 Réponse: En termes concrets, à Pakrac, il y avait une mutinerie d'une

6 partie de policiers qui ont désarmé l'autre partie des policiers qui ont

7 fait preuve de loyauté au ministère de l'Intérieur de la Croatie. Le

8 ministère de l'Intérieur a envoyé des renforts pour désarmer ceux qui

9 étaient pratiquement en défection et qui ont pratiquement essayé de saper

10 le travail du poste de police. Et les services de l'Intérieur ont pu

11 rétablir l'ordre. C'est ce qui a eu lieu. En tout Etat de droit normal, la

12 police est là pour rétablir l'ordre public.

13 Personne n'a été blessé, il n'y avait pas de tués. Or, pour des raisons

14 qui ne me sont pas tout à fait compréhensibles, on voyait l'armée

15 intervenir sur place, faisant sortir une vingtaine de chars et des

16 militaires qui, prétendument, devaient maintenant séparer les forces en

17 conflit. Mais il n'y a pas de forces en conflit. On parle par exemple de

18 conflit interethnique, mais il ne s'agit pas de conflit interethnique

19 lorsque les policiers loyaux étaient par leur majorité des Serbes. Et il y

20 en avait d'autres parmi ceux qui ont attaqué le poste de police. Il

21 s'agissait donc d'un conflit entre plusieurs groupes de policiers, et tout

22 a été réglé en vertu de la loi et suivant la loi. Il a fallu voir l'armée

23 établir le contrôle sur la soi-disant frontière Karlovac-Virovitica-

24 Karlobag.

25 Question: Veuillez, s'il vous plaît, répondre à la question suivante par

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1 oui ou par non. Est-ce que la JNA a joué un rôle quelconque dans

2 l'armement du SDS et d'autres radicaux serbes? Oui ou non, s'il vous

3 plaît. Si vous avez une connaissance sur la chose.

4 Réponse: L'ensemble des armements était de provenance des garnisons de la

5 JNA.

6 Question: Merci. Volume 2, nous allons observer et examiner rapidement une

7 déclaration que vous avez faite à l'époque. Onglet 17, pièce 328, document

8 2965.

9 (Intervention de l'huissier.)

10 On voit comment vous décriviez les événements à l'époque. Ce qui

11 m'intéresse, c'est le dernier paragraphe dans les deux versions, deuxième

12 page. La première page nous montrant qu'il s'agit d'une déclaration que

13 vous avez faite dans une salle publique à Belgrade, le 4 août 1991.

14 Et voici ce que vous dites -je cite-: "La paix n'est pas désirée. Ceux qui

15 en parlent le plus ne la veulent vraiment pas. Cette guerre a été annoncée

16 il y a trois ans, et maintenant cette annonce est suivie d'effet. Le

17 slogan, c'est: "Tous les Serbes dans un seul pays". Mais il ne s'agit pas

18 des droits des Serbes en Croatie, mais il s'agit de souder tous les

19 territoires avec la Serbie. Différents groupes en Croatie ont été armés et

20 attaquent les autorités croates; ils sont financés et armés par diverses

21 sources. Les villages qui comptent environ 50 maisons, disposent de 20 à

22 30 canons automatiques, de mortiers et de diverses armes.

23 Le problème est plus grave qu'il n'apparaît au premier abord. De nombreux

24 groupes qui suivent une formation et qui ont été armés viennent en

25 Croatie, ils incendient des villages entiers, ils tuent les gens, ils

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1 attaquent les patrouilles de contrôle de la circulation de la milice. La

2 ville de Brinje vient d'être bombardée. Et ils veulent que les exilés qui

3 viennent de ces villes partent pour pouvoir agrandir le territoire qui

4 relève de Serbie. Les parties au conflit auraient dû accepter l'accord qui

5 n'entraînera le fait que le territoire ne sera pas agrandi. L'armée ne

6 peut pas résoudre un seul problème en étant présent.

7 Monsieur Mesic, est-ce que c'est une déclaration que vous avez faite en

8 août 1991, et est-ce que c'est exact et conforme à la réalité?

9 Réponse: C'est exact, ce sont mes paroles à moi. C'était ma déclaration.

10 Question: Nous allons essayer de passer plus rapidement. Et nous allons

11 examiner, directement sur le rétroprojecteur, la pièce C340 qui se trouve

12 sur l'intercalaire n°3 de la liasse de cartes 326. Il s'agit d'une carte

13 du territoire avec la ligne Karlobag-Karlovac-Virovitica.

14 Cette ligne noire, est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'elle signifie,

15 s'il vous plaît?

16 Réponse: Il s'agit notamment de ce tracé ainsi conçu qui devait

17 correspondre à la frontière de la Grande Serbie, Virovitica-Karlobac-

18 Karlovag; c'était une tentative de réaliser cette frontière. Voilà

19 pourquoi il est intéressant de voir où tous ces incidents ont eu lieu,

20 notamment en vue de la réalisation de cette frontière.

21 Question: Merci. Passons maintenant à un document relatif à ce que

22 savaient les généraux Kadijevic et Hadzic: document 4278.

23 (Intervention de l'huissier.)

24 Il s'agit, Monsieur Mesic, d'un document qui émane de vous-même, qui a une

25 certaine importance dans ce qui nous intéresse ici. Je ne vais pas en

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1 donner lecture dans son intégralité parce que le temps nous est compté.

2 Mais vous avez envoyé ce document au secrétariat fédéral, à la défense

3 nationale à Belgrade.

4 Et, au milieu de la première page, vous parlez la destruction de villes,

5 vous parlez de villages qui ont été incendiés, qui étaient incendiés au

6 quotidien. Vous parlez également du fait que l'armée fonctionne en dehors

7 du contrôle des institutions; ce qui signifie qu'il y a eu effectivement

8 un coup d'état militaire.

9 Six lignes plus loin, vous dites que "l'armée arme des renégats et leur

10 assure une protection". Vous dites que "l'armée tolère les Serbes ou

11 tolère une telle mobilisation au sein de la Défense territoriale et vous

12 dites que ces unités opèrent sous le commandement de la JNA".

13 Page suivante, un seul exemple que je vais vous donner, vous parlez du

14 général Vasiljevic qui transporte Milan Martic qui avait été capturé en

15 Bosnie-Herzégovine et pour lequel un mandat d'arrêt avait été décerné au

16 titre des crimes qu'il avait commis à Knin. Et vous dites qu'il a été

17 traité comme un héros.

18 Ensuite, à la dernière page, troisième page, on voit ce que vous avez

19 ordonné en tant que Président de la présidence. Vous avez ordonné à toutes

20 les unités de retourner dans leurs casernes dans les 48 heures; et pour

21 une région bien précise, vous avez dit que les unités devaient retourner

22 dans leurs casernes dans les 72 heures. Vous dites ensuite que "tous les

23 commandants militaires qui ne tiendront pas compte de cet ordre ou qui y

24 désobéiront se placeront en dehors de la loi".

25 Quel a été l'effet de cet ordre? Je voudrais savoir: est-ce qu'il a été

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1 suivi d'effet? Quelles ont été les conséquences de cet ordre? Est-ce qu'il

2 y en a eu?

3 Réponse: L'ordre que j'ai donné découlait de l'accord auquel je fais

4 référence, l'accord portant sur le cessez-le-feu. L'armée avait le devoir

5 de réaliser l'ordre, d'exécuter l'ordre parce que l'accord était en

6 vigueur. Or l'armée ne s'est pas prononcée là-dessus. Des déclarations ont

7 été plutôt faites que l'armée ne faisait autre chose que de faire valoir

8 la Constitution; ils ne faisaient autre chose que d'être à l'écoute de

9 Slobodan Milosevic. C'est ce que j'ai dit à plusieurs reprises ici.

10 Question: Mais nous voyons, en lisant cet ordre, que vous les informez de

11 ce qui se passe en Croatie. Vous les en notifiez?

12 Réponse: Oui. Oui, c'est exact. Encore qu'ils étaient bien placés pour le

13 savoir.

14 Question: Bien. Nous allons maintenant passer à un autre document que nous

15 allons examiner rapidement: intercalaire n°18, pièce 328, document C2990,

16 qui est daté du même jour et qui est envoyé à la présidence elle-même.

17 (Intervention de l'huissière.)

18 C'est un document qui a été rédigé par Kadijevic. Voyons ce qu'il a à

19 dire. Deuxième page, paragraphe 2. On voit ici comment il a réagi aux

20 accusations qu'ils affirment que vous faites.

21 Deuxième page -je cite-: "L'accusation selon laquelle la JNA mène une

22 guerre non déclarée, une guerre larvée contre la République de Croatie est

23 insultante. La JNA opère conformément à des décrets", etc.

24 Et paragraphe 3: "La JNA n'est pas responsable des victimes humaines",

25 etc.

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1 Paragraphe 6: "Il n'existe aucune preuve à l'appui de l'affirmation faite

2 par le Président de la présidence selon laquelle de nombreux commandants

3 de l'armée ne sont pas sous le contrôle des commandements suprêmes", etc.

4 Bien. On voit ici, n'est-ce pas, qu'il était au courant des griefs que

5 vous aviez exprimés, Monsieur Mesic?

6 Réponse: Oui, certes, il était au courant. Et tout cela faisait partie

7 d'un scénario qu'il a fallu réaliser.

8 Question: Merci.

9 Autre sujet maintenant, rapidement.

10 Les groupes paramilitaires qui opéraient sur le territoire croate:

11 connaissiez-vous à l'époque l'existence de ces groupes et connaissiez-vous

12 le nom de certains de ces groupes?

13 Réponse: Bien entendu, nous savions que ces groupes étaient en train de se

14 former, qu'ils étaient en train de s'armer et qu'ils avaient le soutien

15 logistique de la Serbie. Finalement, ils se sont regroupés en Serbie. Une

16 partie d'entre eux se sont regroupés en Croatie, mais une autre partie en

17 Serbie. Ils sont arrivés avec des armes et la Serbie n'a rien fait pour

18 arrêter ceux qui sont allés tuer en Croatie et dévaster les villes

19 croates.

20 Question: Sur le territoire croate, ces groupes agissaient-ils isolément

21 ou étaient-ils subordonnés à d'autres groupes? Qu'en est-il exactement?

22 Réponse: Il est tout à fait clair que ces groupes étaient subordonnés au

23 commandement de l'armée yougoslave, car c'est ensemble qu'ils

24 accomplissaient leur tâche; tout comme ils l'avaient déjà fait avant

25 d'ailleurs.

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1 Question: Pouvez-vous nous donner le nom de certains des groupes

2 paramilitaires dont vous connaissiez l'existence à l'époque? Si vous ne

3 pouvez pas le faire, tant pis, mais si vous le pouvez, je vous prie de

4 donner ces noms.

5 Réponse: La garde serbe, Dusan Silni, les hommes de Bozhur. Ils arrivaient

6 avec des dénominations diverses, mais ils arrivaient en tant que formation

7 armée. Donc il n'est pas permis de dire que la Serbie ignorait que l'armée

8 était en train de se mobiliser et qu'elle traversait, qu'elle franchissait

9 la frontière croate, avec des armes et très bien préparée pour détruire

10 des villes croates.

11 Question: Paragraphe suivant: Dubrovnik. L'attaque de Dubrovnik à

12 l'automne 1991 a eu lieu alors que vous étiez encore Président de la

13 présidence, même si vous étiez empêché de vous rendre à Belgrade. Avez-

14 vous participé à un convoi humanitaire que l'on a appelé le "convoi de

15 l'aide" ou parfois le "convoi Libertas"?

16 Réponse: C'est exact, j'ai fait partie de ce convoi, un convoi maritime

17 qui impliquait la participation d'un ferry important appelé Slavija et de

18 40 à 50 navires de taille plus petite. Il avait pour tâche d'apporter de

19 l'aide humanitaire à Dubrovnik, parce que Dubrovnik était encerclée,

20 totalement assiégée à partir de la terre et de la mer. Le seul moyen

21 d'aider la ville consistait à arriver par la mer avec suppression, levée

22 du blocus dû à l'armée yougoslave.

23 J'ai négocié pendant trois jours afin que cette aide humanitaire puisse

24 parvenir à Dubrovnik. L'agresseur a vu les destructions subies par

25 Dubrovnik et cette ville n'avait jamais été attaquée dans l'histoire. Les

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1 murailles de la ville n'avaient jamais été attaquées jusqu'à cette

2 dernière guerre due à Slobodan Milosevic.

3 Question: Les efforts accomplis par vous pour accéder à Dubrovnik, vous

4 dites qu'il vous a fallu un temps assez long pour les mener à bien.

5 Comment est-ce que finalement vous êtes parvenu à vos fins? Est-ce que

6 vous avez pu parler à la personne responsable ou pas?

7 Réponse: J'ai parlé à l'amiral Brovet à partir du bateau et à d'autres

8 responsables également et au général Zec. J'ai dit qu'il fallait laisser

9 passer le convoi, car il s'agissait d'aide humanitaire. Mais Brovet et Zec

10 nous ont ordonné de nous rendre à Zelenika, au Monténégro avec le convoi

11 afin que les bateaux puissent être inspectés. Après quoi, nous

12 reviendrions à Dubrovnik.

13 Ceci, bien sûr, impliquait des efforts très importants et nécessitait du

14 temps. Nous ne pouvions pas l'accepter. J'ai donc exercé des pressions

15 pour que le convoi puisse passer. L'amiral Brovet m'a dit qu'il y avait

16 des canons sur les bateaux. Ma réponse a été: "Amiral, ces canons sont

17 dans votre imagination. Permettez-nous d'arriver jusqu'à Dubrovnik pour

18 apporter l'aide humanitaire." Et finalement, ils nous ont autorisés à

19 passer et nous avons apporté cette aide humanitaire à Dubrovnik. Mais,

20 avant cela, l'armée a inspecté les bateaux pour vérifier l'absence de

21 canons sur ces bateaux.

22 Question: Avant l'autorisation accordée par l'amiral, qui vous permettait

23 d'aller jusqu'à Dubrovnik, ne vous a-t-il pas demandé un certain temps

24 pour avoir une communication téléphonique ou par radio, afin de parler à

25 des tiers, ou bien est-ce que vous ne vous rappelez pas?

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1 Réponse: Je communiquais avec l'amiral Brovet par radio. Mais avant de me

2 répondre, il s'écartait toujours de ce poste de radio, manifestement pour

3 communiquer avec le général Kadijevic qui était la seule personne qui

4 pouvait lui communiquer les intentions de Slobodan Milosevic, dans le

5 cadre de ce qui faisait partie de son projet de guerre.

6 Question: Vous avez passé un jour, si je ne m'abuse, un jour à peu près à

7 Dubrovnik?

8 Réponse: Oui, c'est exact.

9 Question: Avez-vous vu un quelconque signe de défense à Dubrovnik, si vous

10 en avez vu? Et j'aimerais également que vous nous disiez très précisément

11 la date de votre arrivée à Dubrovnik?

12 Réponse: La Croatie avait une défense très faible, des armes légères

13 seulement. Il était donc très difficile de défendre Dubrovnik. Mais il

14 était absolument invraisemblable que l'on reproche aux habitants de

15 Dubrovnik de vouloir attaquer qui que ce soit et notamment le Monténégro.

16 Ça, c'était une pure idiotie.

17 Question: Je vous demanderai rapidement d'examiner deux documents de la

18 pièce 328, donc Volume 2. D'abord, un document que l'on trouve à

19 l'intercalaire 24, le document C3035 qui est également pièce à conviction

20 109 dans l'affaire Dokmanovic.

21 (Intervention de l'Huissière.)

22 Ce document est une lettre, dont vous êtes l'auteur, datée du 3 octobre et

23 adressée à Perez de Cuellar, Secrétaire général des Nations Unies. Vous

24 vous adressez à lui.

25 Madame l'Huissière, je vous demanderais de placer la version en anglaise

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1 sur le rétroprojecteur. Excusez-moi. Merci beaucoup.

2 Vous vous adressez donc à lui au nom des Forces démocratiques de

3 Yougoslavie, en tant que Président du pays. Vous mentionnez la république

4 agressive de la République de Serbie, dont vous dites qu'elle a détruit

5 l'ordre constitutionnel.

6 Au paragraphe suivant, vous dites avoir été informé par le maire de

7 Dubrovnik -et vous décrivez la ville- du fait que la ville est devenue la

8 victime de la barbarie et un nouveau symbole de l'incapacité de la

9 communauté internationale d'empêcher les forces d'agression et des forces

10 totalitaires d'attaquer, de molester et de détruire une société

11 démocratique.

12 Vous plaidez auprès de Perez de Cuellar pour que les Nations Unies ne

13 reproduisent pas ce qui s'est passé entre les deux guerres mondiales, et

14 qu'une décision résolution immédiate soit prise et des mesures efficaces

15 en vue d'arrêter la poursuite de la guerre.

16 La question que je vous pose est la suivante: est-ce que vous avez obtenu

17 une réponse à cette lettre que vous avez envoyée à Perez de Cuellar, ou

18 est-ce que la réponse que vous pouvez faire correspond à celle dont vous

19 avez déjà parlé, en réponse à la question qui vous était adressée par le

20 Juge Robinson il y a quelques instants?

21 Réponse: Même réponse. La réponse est la même.

22 Question: Les trois derniers documents, que la Chambre voudra sans doute

23 voir de plus près, se trouvent tous dans le volume 1 des pièces à

24 conviction. Donc pièce 328.

25 Le premier d'entre eux correspond à l'intercalaire 8, document C380.

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1 Là encore, il est question de Dubrovnik. Ce document est un appel

2 provenant du centre de campagne anti-guerre de Dubrovnik. Un peu plus tard

3 -la date est celle du 5 novembre-, ce document est adressé à la

4 présidence, à tous les membres de la présidence en personne, au général

5 Kadijevic, au Président Tudjman, à l'accusé, à Alija Izetbegovic et au

6 Président du Monténégro. Et ce document fait donc suite à un meeting, lors

7 du marathon anti-guerre pour Dubrovnik, de Belgrade, qui a eu lieu à

8 Belgrade le 30 octobre.

9 Dans cet appel, l'attention est appelée sur le fait que la population de

10 Dubrovnik est traitée en infraction aux conventions internationales. On y

11 voit les bases de la nécessité d'une application des Conventions de Genève

12 et du protocole additionnel aux Conventions de Genève. Il est dit

13 également un certain nombre de normes ont été transgressées et que les

14 habitants de Dubrovnik ne sont absolument pas coupables du fait qu'ils

15 sont devenus tous ensemble otages de certains qui poursuivent des buts,

16 des objectifs injustes. On y dit également que Dubrovnik et d'autres

17 secteurs sont des territoires occupés.

18 Et dans la deuxième page, la paix et le respect des droits humains

19 élémentaires sont exigés ainsi qu'un terme à une expansion du conflit.

20 Alors ce qui m'intéresse, c'est de savoir où ce document est allé? Avez-

21 vous reçu un exemplaire de ce document ou, en tout cas, saviez-vous qu'il

22 était envoyé à l'époque, Monsieur Mesic? Vous étiez toujours techniquement

23 membre de la présidence. En fait, techniquement, vous étiez Président

24 encore, et ce, pendant encore un mois.

25 Réponse: J'ai reçu ce document, j'en ai eu connaissance. J'étais très

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1 heureux lorsque je l'ai reçu parce que j'ai pensé: "Eh bien, au moins une

2 partie des gens à Belgrade est opposée à l'option la guerre de Slobodan

3 Milosevic".

4 Question: Vous avez parlé plus tôt ce matin de votre première rencontre

5 avec l'accusé. Combien de rencontres en tête-à-tête avez-vous eues avec

6 lui au total, en tout cas approximativement durant l'année 1991?

7 Réponse: Il m'est difficile de dire combien de rencontres en tête-à-tête

8 j'ai eues avec lui. Chaque fois qu'il y avait réunion de la présidence ou

9 lors de rencontres informelles, des rencontres avaient lieu. Ou encore

10 lorsque des dîners ou des déjeuners étaient organisés, tout cela donnait

11 lieu à la possibilité d'avoir un entretien informel et des conversations

12 informelles avec lui.

13 Il m'est donc impossible de vous dire exactement à combien de reprises je

14 l'ai rencontré, mais en tout cas j'ai été largement en mesure d'apprécier

15 le caractère et les objectifs que poursuivait Slobodan Milosevic.

16 Question: Quelques détails d'abord avant de parler de la façon dont vous

17 avez formé votre point de vue.

18 A-t-il parlé de façon précise de l'attitude qui était la sienne à l'égard

19 des Serbes vivant hors de la frontière de la Serbie?

20 Réponse: Oui, il affirmait toujours qu'il ne pouvait pas permettre que

21 plus de 2,5 millions de Serbes existent et vivent en dehors des frontières

22 de la Serbie, si la Yougoslavie devait disparaître. Et là, je reviens à

23 quelque chose dont j'ai parlé à plusieurs reprises, à savoir qu'il était

24 d'accord pour permettre à la Croatie et à la Slovénie de quitter la

25 Yougoslavie, mais il voulait que la partie de Croatie peuplée par des

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1 Serbes demeure au sein de la Yougoslavie. Disant cela, il faisait une

2 interprétation erronée de la Constitution, car les éléments constitutifs

3 de la Fédération étaient des Républiques qui avaient le droit à

4 l'indépendance. Or cela, il n'a jamais voulu le comprendre ou n'a pas pu

5 le comprendre, à moins qu'il ne l'ait réellement pas compris.

6 Question: Lors de ces rencontres que vous avez eues avec lui, enfin dans

7 la période où vous aviez des rencontres avec lui, certains représentants

8 de certains groupes ethniques avaient-ils déjà souffert? Et cela aurait-il

9 pu exiger une réaction de sa part?

10 Réponse: Il en était informé, donc il aurait pu être renoncé à l'option de

11 guerre, parce qu'il savait ce qu'il se passait sur le terrain, mais il n'a

12 pas agi de la sorte; il n'a pris aucune décision, aucune mesure pour

13 arrêter la guerre. Il a tout subordonné à ses objectifs de guerre et il

14 s'est servi de ces collaborateurs dont il avait absolument besoin pour

15 obtenir ce qu'il voulait avant de s'en débarrasser. Il n'a cessé d'œuvrer

16 pour la réalisation de son option de guerre.

17 Question: Est-ce qu'il a, à quelque moment que ce soit, exprimé ou révélé

18 une quelconque préoccupation liée aux souffrances de la population? L'a-t-

19 il fait en votre présence à quelque moment que ce soit?

20 Réponse: Non, je ne l'ai jamais vu montrer le moindre signe d'un

21 quelconque sentiment. Il n'était habité que par les objectifs qu'il

22 poursuivait.

23 Question: J'aimerais maintenant que nous parlions de points de vue autres

24 que le vôtre, toujours dans cette même période. D'abord deux documents

25 s'agissant de cela; le premier: le document C240, intercalaire 4.

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1 (Intervention de l'huissière.)

2 Ce document nous présente une résolution adoptée par le Sénat américain et

3 élaboré par Robert Dole, dirigeant de la minorité républicaine et par M.

4 Pell, Président du comité des affaires politiques étrangères. Ce document

5 est daté du 12 septembre 1991 et, comme vous pouvez le constater, il

6 condamne la politique d'agression armée menée en Yougoslavie par l'accusé,

7 les auteurs de ce document comptant pleinement sur la communauté

8 européenne dans son rôle de médiateur et demandant au gouvernement de

9 mettre la question à l'ordre du jour de la commission chargée de la

10 sécurité et de la coopération en Europe, qui devait avoir une conférence à

11 Moscou.

12 Ensuite, nous trouvons également dans ce document une condamnation de la

13 JNA. S'agissant de cette réaction, avez-vous eu la moindre participation à

14 son élaboration ou a-t-elle été adoptée sans que vous y ayez participé de

15 quelque façon que ce soit?

16 Réponse: Cette résolution a été adoptée sans que j'y aie la moindre

17 participation, en dehors du fait que j'informais, bien sûr, les

18 institutions internationales ce qui se passait en Croatie. J'ai eu grand

19 plaisir à voir adopter cette résolution, car j'ai compris que les

20 responsables internationaux avaient finalement compris que ce qui se

21 passait sur le territoire de l'ex-Yougoslavie n'était pas une guerre

22 destinée à maintenir la Yougoslavie en place, mais plutôt une agression

23 due à Milosevic et dirigée contre certains, dans le but de créer la Grande

24 Serbie.

25 Question: Maintenant, un document que l'on trouve à l'intercalaire 5 qui

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1 est le texte d'une allocution prononcée par M. James Baker, le 25

2 septembre, devant le Conseil de sécurité. Comme nous le voyons en lisant

3 le texte -je cite-: "Nous nous sommes réunis aujourd'hui en raison de

4 crise l'escalade de la crise en Yougoslavie, crise qui se transforme en

5 guerre ouverte. Toutes les nations yougoslaves sont menacées par des

6 conflits violents et des problèmes économiques et sociaux très graves, et

7 une dégradation rapide est visible sur le plan des Droits de l'homme et

8 des libertés." Etc. Et, un peu plus loin, nous lisons: "Nous sommes

9 également préoccupés par l'effet délétère que tout ceci peut avoir sur les

10 pays voisins.

11 Au paragraphe suivant, nous lisons: "Plusieurs parties en présence en

12 Yougoslavie ont contribué à la tragédie qui se déroule dans ce pays. Nous

13 avons lancé des avertissements à ce sujet au mois de juin, donc plusieurs

14 mois avant les événements actuels. Des actes unilatéraux, y compris de la

15 part des Républiques n'ont pas rendu la situation plus facile, mais, au

16 contraire, ont pratiquement enlevé toute sa force à l'option de

17 négociations pacifiques en créant de nouvelles difficultés dans la

18 solution de cette situation tragique en Yougoslavie, ce qui rend le

19 problème encore plus complexe." (Fin de citation.)

20 Un peu plus loin, nous lisons -je cite-: "Même si beaucoup de sang a déjà

21 été versé, il est temps que toutes les parties s'obligent à régler leurs

22 différences personnelles par la voie pacifique. Un cessez-le-feu doit être

23 respecté." (Fin de citation.)

24 Un peu plus loin, nous lisons –je cite-: "Cependant le Gouvernement de

25 Serbie et l'armée yougoslave sont les entités toutes particulières sur

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1 lesquelles pèse la majeure partie de la responsabilité de l'avenir très

2 noir qu'ils proposent aux populations yougoslaves, à moins que le bain de

3 sang ne s'arrête et que les événements violents actuels changent de cap

4 instantanément.". (Fin de citation.)

5 Et plus loin –je cite-: "Il est clair que l'armée fédérale n'est pas un

6 garant neutre du cessez-le-feu en Croatie.". (Fin de citation.)

7 A la page suivante, nous lisons -je cite-: "Au contraire, l'armée fédérale

8 yougoslave appuie activement les forces locales serbes en violation du

9 cessez-le-feu provocant la mort de citoyens dans la vie, etc.".

10 Et un peu plus loin: "L'objectif manifeste des Serbes est d'aller vers une

11 Grande Serbie". (Fin de citation.)

12 Je vous demande si vous avez participé à la création par M. Baker de ce

13 jugement qui a été le sien à l'époque, ou bien s'il s'est formé ce

14 jugement indépendamment?

15 Réponse: Monsieur Baker pouvait constater par lui-même ce qui se passait

16 en ex-Yougoslavie, je n'ai pas eu besoin de l'influencer par mes opinions.

17 Question: Deux autres questions, je vous prie, Monsieur Mesic, qui sont de

18 nature technique toutes les deux. Je vous demande d'abord si alors que

19 vous vous prépariez à venir témoigner ici, on vous a montré d'autres

20 volumes de pièces à conviction, simplement pour que vous les authentifiiez

21 et voir si certains de ces documents pourront donc être utilisés par

22 d'autres témoins?

23 Réponse: Oui j'ai vu ces documents, je les ai examinés et j'ai déclaré

24 qu'ils étaient authentiques en tous points.

25 M. Nice (interprétation): Je ne souhaite pas surcharger la Chambre par de

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1 trop nombreux documents, mais je rappelle qu'ils pourraient être

2 enregistrés à des fins d'identification, à moins qu'il n'y ait des

3 objections quant à leur authenticité.

4 J'en arrive à ma deuxième question technique.

5 M. le Président (interprétation): Une cote devrait être donnée.

6 Mme Ameerali (interprétation): Il s'agira de la pièce 330 enregistrée à

7 des fins d'identification.

8 M. Nice (interprétation): Ces pièces se trouvent donc dans les deux

9 classeurs.

10 Deuxième question technique ou semi-technique, Monsieur Mesic: vous avez

11 fait un certain nombre d'observations et prononcé des jugements pendant

12 votre déposition; est-ce qu'en 1991, vous aviez les mêmes jugements? Est-

13 ce que vous les avez rendus public? Est-ce que vous les avez fait publier

14 dans la presse, par exemple, ou est-ce qu'ils ont été diffusés à la

15 télévision ou à la radio?

16 M. Mesic (interprétation): Mes interviews et mes allocutions publiques

17 étaient à la disposition des médias et de tous les membres de la

18 présidence. L'opinion publique yougoslave connaissait donc bien mes

19 opinions à l'époque.

20 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

21 dis cela pour la raison suivante. En effet, je dispose d'un certain nombre

22 d'articles de presse on l'on retrouve des observations faites par M.

23 Mesic, et il pourrait y avoir des circonstances inattendues où ces

24 documents pourraient être pertinents au cours des contre-interrogatoires.

25 Je ne souhaiterais pas que l'on tire profit de ce que l'accusé pourrait

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1 faire de ces articles.

2 Je ne vais pas demander le versement au dossier de ces articles de presse

3 datant de l'époque, qui surchargeraient encore le nombre déjà important

4 des pièces à conviction, mais je souhaite simplement faire référence à

5 cette liasse d'articles qui datent de 1991, où l'on retrouve également des

6 propos de l'accusé.

7 J'aimerais également, par ce que je viens de dire, rappeler à la Chambre

8 les observations faites par l'accusé ce matin, s'agissant du moment où il

9 a reçu les différents documents que l'on trouve dans ces classeurs. Et il

10 y a une troisième catégorie de documents dont les témoins pourront traiter

11 un peu plus tard pour aider la Chambre.

12 C'est tout ce que je voulais demander à ce témoin. Je n'ai plus de

13 questions.

14 M. le Président (interprétation): Très bien. Contre-interrogatoire demain.

15 Maître Kay, nous n'avons pas parlé de la question de Me Wladimiroff. Nous

16 avons actuellement la traduction du texte bulgare et j'espère que nous

17 pourrons en traiter plus tard. Nous y reviendrons donc jeudi. J'aimerais

18 que vous transmettiez le message.

19 M. Kay (interprétation): Certainement.

20 M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur Mesic, je vous demande

21 de revenir dans ce prétoire à 9 heures, demain, pour la suite de votre

22 déposition.

23 (Le témoin, M. Stjepan Mesic, est reconduit hors du prétoire.)

24 (L'audience est levée à 13 heures 43.)

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