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1 (Mardi 8 octobre 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 32.)
3 (Audience publique.)
4 (Le témoin, M. Djuro Matovina, est déjà dans le prétoire.)
5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, vous avez la
6 parole.
7 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Djuro Matovina, par l'accusé M.
8 Milosevic.)
9 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, dans le courant de la
10 journée d'hier, à l'occasion de l'interrogatoire principal, vous avez
11 parlé de Jovan Raskovic et vous avez dit qu'il avait exercé une influence
12 considérable sur la population serbe, à savoir qu'il avait été le
13 fondateur du Parti démocratique serbe.
14 Je ne l'ai pas personnellement connu, mais je suis au courant des
15 déclarations qu'il a faites. Vous affirmez qu'il avait soutenu l'idée de
16 la Grande Serbie; cela n'est pas exact. Quand est-ce que Jovan Raskovic a,
17 en fait, parlé de Grande Serbie?
18 M. Matovina (interprétation): Dans mes dires d'hier, j'ai parlé de ses
19 interventions, de ses discours à l'occasion du Parti démocratique serbe à
20 Slatina et, sur un plan plus vaste, en Slavonie. J'ai dit que ses
21 discours, ses interventions laissaient clairement entendre qu'il était
22 favorable à la réalisation du projet de la Grande Serbie.
23 Question: Mais a-t-il mentionné, l'avez-vous entendu mentionner une Grande
24 Serbie quelconque?
25 Réponse: Eh bien, la presse en a parlé et c'est une chose notoirement
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1 connue que de parler de ce qu'il avait avancé dans ses discours.
2 Question: Mais savez-vous que Jovan Raskovic n'a jamais parlé de Grande
3 Serbie?
4 Réponse: Je ne le sais pas.
5 Question: Et par exemple à Vukovar, le 22 juillet ou à l'occasion du
6 discours que vous avez mentionné vous-même, il avait affirmé que les
7 Serbes n'allaient jamais prendre les armes, n'allaient jamais armer les
8 enfants d'autrui, mais seront toujours disposés à mettre en péril le
9 régime oustachi et ce ne sont donc pas des discours anti-Croates mais
10 anti-Oustachis. Je ne sais pas si vous vous souvenez de la chose?
11 Réponse: Je ne suis pas au courant de ce discours.
12 Question: Mais cela avait été la teneur de la plupart de ses discours tels
13 que nous les avons lus dans la presse ou entendus dans les autres médias;
14 donc, pas anti-Croates comme cela a fait été affirmé, mais anti-Oustachis.
15 Est-ce que vous vous souvenez de cela?
16 Réponse: J'ai dit que je n'ai pas eu vent de ce discours à Vukovar.
17 Question: Bien, mais est-il exact de dire que la campagne électorale ou
18 préélectorale en Croatie début 1991 avait comporté une grande quantité
19 d'iconographies qui ont ravivé tout ce qui avait été la Croatie de Ante
20 Pavelic entre 1941 et 1945. Est-ce que vous vous souvenez de cela,
21 Monsieur Matovina?
22 Réponse: Je n'ai pas pris part à cette campagne au large de la Croatie.
23 J'ai dit que je me trouvais à Slatina et, à l'époque, je ne faisais pas de
24 politique, j'étais policier. J'ai déjà dit hier quelles étaient les
25 fonctions que j'ai assumées.
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1 Question: Bien. Mais savez-vous quelle avait été la teneur de cette
2 politique s'agissant de l'attitude à l'égard des Serbes? Est-ce que c'est
3 bien la nécessité de tuer un tiers, de chasser, d'expulser un tiers et de
4 convertir au catholicisme le dernier tiers? Etes-vous au courant?
5 Réponse: Je ne suis pas au courant des positions prises par des individus,
6 mais je ne pense pas que cela ait, à quelque moment que ce soit, été une
7 politique officielle.
8 Question: Fort bien. Mais est-ce que vous vous souvenez par exemple du
9 fait qu'en avril 1990 -et ça, c'est une chose que vous avez pu voir dans
10 les médias croates- l'île croate de Hvar se réveillait avec des graffitis
11 disant que la Croatie va jusqu'à Zemun, que Zemun, c'est la Croatie? Vous
12 êtes au courant de la chose?
13 Réponse: Non, je vaquais à mes affaires.
14 Question: Mais savez-vous que Ivica Racan, le Premier ministre actuel en
15 Croatie, en février 1991, a déclaré lui-même que le HDZ était un parti
16 dont les intentions étaient dangereuses?
17 Réponse: Oui, je suis au courant de cette déclaration. Mais les
18 déclarations des hommes politiques sont des déclarations qui sont
19 utilisées dans des circonstances particulières, comme cela est d'ailleurs
20 toujours le cas.
21 Question: Mais vous souvenez-vous du fait que Dalibor Brozovic, l'un des
22 six membres de la présidence de la Croatie de l'époque, dont le Président
23 avait été Franjo Tudjman, dans chacun de ses discours aux citoyens croates
24 en Bosnie-Herzégovine, avait promis l'échiquier à Romanija et la frontière
25 de l'Etat croate sur la Drina?
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1 Réponse: Je ne suis pas au courant des discours de M. Brozovic, je ne suis
2 pas au courant de ses opinions politiques et je sais très peu de choses à
3 son sujet de façon générale.
4 M. Milosevic (interprétation): Vous ne savez pas grand-chose. Du moins,
5 c'est ce que vous nous dites. Mais est-ce que vous savez au moins que ce
6 damier rouge et blanc avait été le drapeau qui avait été choisi 50 ans
7 après la guerre par les autorités croates et que c'était le même drapeau
8 qui avait été choisi par les autorités et le pouvoir de Ante Pavelic
9 pendant l'Etat indépendant croate de la Deuxième Guerre mondiale?
10 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez déjà fait
11 valoir ceci plusieurs fois, et nous n'allons pas vous autoriser à répéter
12 toujours la même chose.
13 M. Milosevic (interprétation): C'est bon, Monsieur May.
14 Monsieur le Témoin, vous souvenez-vous du rapport du mois d'avril 1990 qui
15 émane de l'agence Reuters, du 27 avril 1990, qui parle des élections en
16 Croatie et qui a caractérisé le HDZ comme étant un parti extrêmement
17 nationaliste? Est-ce que vous vous en souvenez?
18 M. Matovina (interprétation): Je n'ai pas lu les rapports de Reuters, et
19 je ne m'aventurerai pas à faire des appréciations politiques pour ce qui
20 est des élections et des dires des différents partis.
21 M. Milosevic (interprétation): Mais serait-il exact de dire que c'est
22 précisément la région de la Slavonie occidentale, dont vous êtes
23 originaire qui a subi, qui porte de nombreuses cicatrices du fait des
24 crimes perpétrés sous le drapeau dont je viens de parler tout à l'heure?
25 Et je vais parler par exemple des événements du 13 janvier 1942, nouvel an
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1 orthodoxe, lorsqu'il y a eu massacre de la population civile lorsque les
2 Oustachis de Slatina avaient encerclé le village de Kometnik près de Vocin
3 et ont massacré 250 habitants. Est-ce que, puisque vous avez vécu en
4 Slavonie occidentale, …
5 M. le Président (interprétation): Un instant. D'après l'interprétation,
6 nous parlons ici de janvier 1994. Est-ce bien la date que vous avez
7 mentionnée?
8 M. Milosevic (interprétation): Non, je parlais de janvier 1942.
9 M. le Président (interprétation): Et quelle est la question que vous
10 posez?
11 M. Milosevic (interprétation): J'avais demandé à M. Matovina, étant donné
12 qu'il a résidé précisément en Slavonie occidentale, s'il était au courant
13 de ces cicatrices et s'il sait que ces événements avaient été présents
14 dans la conscience des gens lorsque le mouvement oustachi s'est
15 revitalisé?
16 M. Matovina (interprétation): Je suis né en 1949 et je sais ce qui s'est
17 passé dans l'Histoire de par les études d'histoire. Je sais, et il est
18 vrai qu'il y a eu des crimes; il en a été question de façon publique et
19 jamais aucun crime n'est passé sous silence.
20 Question: Il n'est pas exact de dire qu'aucun crime n'a été passé sous
21 silence mais, enfin, peu importe. Est-ce que vous vous souvenez du fait
22 qu'en Croatie, en 1990, des changements constitutionnels ont été adoptés?
23 Je ne vais pas tous les citer, mais n'est-il pas exact d'affirmer que les
24 Serbes se sont vu supprimer leur statut de peuple constituant en Croatie?
25 Est-ce que vous vous en souvenez?
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1 Réponse: Je ne sais pas à quoi vous vous référez. Il existe une
2 Constitution et il est clairement précisé, dans cette Constitution, quels
3 sont les droits de chacun des peuples. Je ne vais pas m'aventurer à
4 interpréter les dispositions constitutionnelles.
5 Question: Très bien. Mais est-ce que vous vous souvenez, étant donné que
6 vous avez participé à la vie publique à l'époque, que les autorités
7 croates n'ont tenu compte d'aucun amendement au projet d'amendement émis
8 par les Serbes, s'agissant notamment des propositions de la part des
9 Serbes allant dans le sens de la conservation de leur statut
10 constitutionnel dont ils avaient bénéficié pendant toute la période de
11 1945 à 1990, au fil de toutes les Constitutions adoptées?
12 Réponse: Je pense que cela n'a pas été adopté, qu'un compromis a été
13 trouvé et qu'une solution de ce genre existe effectivement dans la
14 Constitution.
15 M. Milosevic (interprétation): Très bien. Mais dites-moi, serait-il exact
16 de dire que tout ce qui s'est passé, donc allant… partant des symboles
17 jusqu'à l'armement illicite des formations paramilitaires en Croatie, a
18 non seulement encouragé le nationalisme en Croatie, mais également le
19 fascisme ainsi qu'une attitude discriminatoire à l'égard des Serbes en
20 Croatie? Dites-moi si cela était notoirement connu aussi.
21 M. le Président (interprétation): Il n'est pas nécessaire de répondre à
22 cette question parce que ce sont, en fait, des paroles négatives
23 générales. Votre question suivante?
24 M. Milosevic (interprétation): Mais serait-il exact de dire que la
25 campagne électorale début 1990 avait annoncé une attitude ou des
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1 intentions de pogrom de la part des partis nationalistes à l'égard des
2 Serbes et à l'égard de la solution du statut des Serbes en Croatie?
3 M. Matovina (interprétation): Vous n'avez pas raison, Monsieur Milosevic.
4 Question: Soit, mais que vous pouvez-vous dire au sujet de la mise en
5 place, de la création de ce rassemblement de la garde nationale en sa
6 qualité de formation armée, chose qui avait été anticonstitutionnelle?
7 J'espère que vous savez que la Cour constitutionnelle de Yougoslavie avait
8 jugé comme anticonstitutionnelle la décision de créer des formations de ce
9 type?
10 Réponse: Je ne suis pas au courant d'une telle décision de la Cour
11 constitutionnelle.
12 Question: Bien. Mais savez-vous qu'en 1990, la Croatie a commencé à
13 s'armer de façon illicite?
14 Réponse: La Croatie a dû se défendre de l'agression dont elle était
15 menacée d'un jour à l'autre et qui s'est révélée être justifiée…, ce qui
16 s'est avéré être justifié, par la suite.
17 Question: Mais savez-vous que ces armes et ces munitions avaient été
18 illicitement distribuées tout au large de la Croatie, et que ces armes ont
19 été distribuées uniquement à la population croate et notamment aux membres
20 du HDZ? Est-ce que cela est exact? En votre qualité de policier, vous
21 devriez le savoir.
22 Réponse: Je ne sais pas qu'il y a eu armement illicite. Vous venez de dire
23 tout à l'heure vous-même qu'a été mis en place un rassemblement de la
24 garde nationale, et la police croate, ultérieurement, avec le
25 rassemblement de la garde nationale, a constitué les forces armées de la
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1 République de Croatie.
2 Question: Mais vous souvenez-vous au moins d'une chose notoire en
3 Yougoslavie, à savoir que la présidence de la Yougoslavie, le 9 janvier
4 1991, donc tout au début de l'année 1991, avait décidé de supprimer toutes
5 les formations armées illicites; et, à la demande du gouvernement de la
6 Croatie, elle a prolongé ce délai de suppression des forces armées de 48
7 heures, à savoir que le nouveau délai avait été le 21 janvier? Est-ce que
8 vous vous souvenez de la chose? Est-ce que vous vous souvenez des
9 événements qui ont suivi?
10 Réponse: La présidence avait adopté une décision de cette sorte mais, en
11 même temps, la JNA a armé la population serbe et l'a préparée à
12 l'insurrection armée.
13 Question: Est-ce que vous savez que la JNA n'a armé personne? Elle n'a
14 juste fait que mobiliser les conscrits. Le savez-vous?
15 Réponse: J'en ai parlé hier.
16 Question: Dans votre interrogatoire principal, vous avez dit hier que les
17 Serbes ont quitté de leur propre gré la police. Or, on sait fort bien que
18 ces autorités croates nouvelles ont d'abord nettoyé le ministère de
19 l'Intérieur de tous les Serbes et des Croates qui n'étaient pas favorables
20 à ces autorités et ont procédé à la réorganisation et au renforcement des
21 effectifs. Il a été créé alors 18 administrations de la police aux fins de
22 couvrir le territoire de la Croatie toute entière.
23 Est-ce que vous maintenez votre assertion au terme de laquelle les Serbes
24 ont, par eux-mêmes, de leur plein gré, quitté ces effectifs, ces forces-
25 là, ou ont-ils au contraire été chassés de la police?
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1 Réponse: Je maintiens mon assertion et je sais que personne n'a été
2 licencié, personne n'a été chassé. La police avait, à l'époque, été la
3 seule force armée à la disposition de la Croatie et la Croatie, l'Etat
4 croate avait un droit légitime qui est celui de renforcer ces effectifs de
5 la police.
6 M. Milosevic (interprétation): Bien. Vous n'êtes donc pas au courant de
7 ces licenciements massifs des services publics, de la police, des médias,
8 des entreprises?
9 M. le Président (interprétation): Avant que vous ne répondiez à cette
10 question, je dois vous reposer la question: est-ce qu'il y a eu des
11 licenciements massifs ou pas, à votre connaissance?
12 M. Matovina (interprétation): Non, il n'a pas eu de licenciements; les
13 particuliers s'en allaient d'eux-mêmes. Pour autant que je sache, là où je
14 vivais, où je travaillais, personne n'a été licencié selon ces critères,
15 les critères dont a parlé M. Milosevic.
16 M. Milosevic (interprétation): Mais vous souvenez-vous du fait qu'à
17 Pakrac, on a modifié la composition nationale des effectifs de la police,
18 chose qui a été à l'origine de conflits entre les citoyens serbes et la
19 policeN C'est dans votre voisinage?
20 Réponse: C'est dans mon voisinage, mais je sais qu'avant l'attaque du
21 poste de police de Slatina, il y a eu une attaque sur le poste de police à
22 Pakrac.
23 Question: Oui, mais si les Serbes étaient majoritaires dans la police, ils
24 ne s'étaient pas attaqués à eux-mêmes: donc il n'y a pas eu à attaque, il
25 y a eu une protestation.
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1 Réponse: Il y a eu une attaque et il y a eu une prise du poste de police à
2 Pakrac.
3 Question: Mais savez-vous que la police croate, le 17 août, dans
4 l'intention d'empêcher la tenue du référendum serbe dans les villes où les
5 Serbes étaient en majorité, la police s'est efforcée de confisquer les
6 armes, ce qui a donné lieu à la mise en place de barrages routiers et de
7 barricades?
8 Réponse: Non, il n'était point nécessaire de confisquer les armes, alors
9 que celles-ci se trouvaient dans les postes de police. Cela n'avait été
10 qu'un alibi pour procéder aux attaques contre les postes de police.
11 Question: Bien. Mais dans votre déposition, vous dites bien que les
12 insurgés s'étaient attaqués aux postes de police en Croatie et
13 s'efforçaient de prendre de force les postes de police où se trouvaient
14 les armes et les munitions.
15 Pouvez-vous nous expliquer que les Serbes s'étaient attaqués aux polices
16 et aux postes de police où il y avait pratiquement 85% d'effectifs
17 d'origine ethnique serbe? Est-ce que cela ne vous paraît pas peu logique,
18 Monsieur Matovina?
19 Réponse: J'ai parlé hier de la chronologie des attaques contre les postes
20 de police à Knin, Banovina, Petrinja, Pakrac, Slatina, puis Obrovac,
21 Benkovac où les policiers serbes étaient en majorité. Et lorsqu'ils ont
22 mis en place ce pouvoir des SAO-Krajina, ils ont placé des barrages
23 routiers et cette région-là a été coupée du reste du territoire de la
24 République de Croatie.
25 Question: Quand vous parlez de ces attaques, est-ce que vous parlez non
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1 pas d'attaques contre les postes de police, mais de protestation de
2 citoyens du groupe ethnique serbe, en raison de la modification forcée ou
3 violente de la composition ethnique des effectifs de police?
4 Réponse: Non. Il ne s'agit pas de cela et il ne s'agit pas de ce dont vous
5 êtes en train de parler.
6 Question: Vous dites dans votre déposition que les tensions montaient,
7 qu'il y avait eu un soulèvement à Knin et qu'il y avait des attaques
8 lancées contre les postes de police de Petrinja, Knin, Daruvar et que la
9 police était la seule force armée de Croatie. Et vous dites qu'en 1990,
10 85% des policiers étaient des Serbes et les Croates n'étaient que 15%. En
11 d'autres termes, ils s'attaquaient eux-mêmes, n'est-ce pas?
12 Réponse: J'avais parlé de la structure nationale au sein du poste de
13 police de Slatina. Ce chiffre-là a trait au poste de police en question.
14 S'agissant des autres postes de police, la situation était analogue. Au
15 niveau du ministère, le rapport des forces était 65 à 70% par rapport à
16 30%, quoique les Serbes en Croatie n'aient pas été un groupe ethnique
17 majoritaire.
18 Question: Vous affirmez donc que c'était un pourcentage qui prévalait pour
19 la Croatie toute entière ou alors pour les régions où les Serbes étaient
20 en majorité?
21 Réponse: Dans ces régions-là, le rapport était encore plus défavorable.
22 Question: Bien. Vous nous avez parlé hier de l'attaque lancée contre votre
23 poste de police et vous avez démenti cela par vous-même: vous avez affirmé
24 par la suite que les chefs du SDS, les chefs de file du SDS -et, en fait,
25 ce n'étaient pas des chefs de file du SDS, mais des manifestants qui
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1 avaient manifesté- avaient demandé au chef du poste de police, Kresimir
2 Libl, des garanties aux termes desquelles les armes ne sortiront pas du
3 poste de police. C'est bien exact?
4 Réponse: Cela avait été la raison, le motif, l'alibi -comme vous voulez-
5 qui était avancé parce que personne n'avait l'intention d'emporter les
6 armes où que ce soit. Nous ne nous attendions pas à cette attaque. Nous
7 avons réussi à rassembler le nombre nécessaire d'hommes pour empêcher
8 l'accès de ces masses militantes au poste de police et la prise du poste
9 de police parce que nous savions, nous nous étions rendu compte de ce que
10 cela donnait lorsque le poste de police était pris, tel le cas de Knin,
11 Pakrac et les endroits où l'on a posé des barricades et où les autorités
12 croates ne fonctionnaient plus.
13 Question: Serait-il exact de dire, Monsieur Matovina, que les
14 protestations, les manifestations dont vous parlez étaient dues à une
15 crainte, à l'appréhension que les gens avaient de voir le HDZ s'emparer
16 des armes qui se trouvaient au poste de police?
17 Réponse: Il n'en était pas question. Qui, au niveau du poste de police,
18 donnerait des armes de service au HDZ? Personne n'avait aucune intention
19 de le faire.
20 Question: Bien, Monsieur Matovina. Mais n'est-il pas exact d'affirmer que
21 les seules requêtes, les seules exigences de ces manifestants, de ces
22 citoyens avaient été de ne pas sortir les armes des postes de police? Et
23 n'est-il pas exact de dire que ces manifestants avaient manifesté par peur
24 de pogroms qui avaient menacé les citoyens serbes, chose qui s'est avérée
25 exacte par la suite? C'est vrai ou pas?
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1 Réponse: Ce n'est pas vrai. Au dernier moment, on a empêché l'accès de ces
2 masses militantes au poste de police et la prise du poste de police.
3 Question: Monsieur Matovina, il s'agissait de manifestations devant le
4 poste, il ne s'agissait pas d'une attaque contre le poste. Vous dites
5 qu'il s'agissait d'une grande masse de personnes et, s'ils avaient eu
6 l'intention d'accéder au poste de police, ils auraient accédé au poste de
7 police; c'est ce qui découle de vos propres dires.
8 Réponse: Non, ils ne pouvaient pas y accéder parce que c'était le seul
9 poste de police attaqué et qu'on a réussi à défendre. Les autres postes de
10 police attaqués, à l'époque, ont été pris et, suite à la prise de ces
11 postes de police, on a vu comment le pouvoir a été exercé là-bas après.
12 Question: Bien, Monsieur Matovina. Vous avez dit vous-même qu'ils étaient
13 armés, qu'il y avait eu beaucoup de gens -bien entendu, vous n'avez pas vu
14 ces armes-, et personne n'a été blessé et personne n'a tiré un seul coup
15 de feu. Donc il n'y a pas eu d'attaque; c'est bien vrai, Monsieur
16 Matovina?
17 Réponse: J'ai dit que l'on a renversé la voiture individuelle de Mesaros
18 Mate et qu'on avait poignardé cet homme. On lui avait sauvé la vie au prix
19 de gros efforts de quelques-uns d'entre nous. Et j'ai dit que cette masse
20 de militants avait également ouvert le feu et, une fois que cette masse
21 s'était retirée, il y avait devant le poste de police plusieurs centaines
22 de douilles de balles qui avaient été tirées. Par conséquent, la masse en
23 question avait des armes.
24 Question: Bien. De là à savoir si la masse avait des armes ou pas, je ne
25 vais pas m'aventurer à parler de douilles, parce que c'est une chose dont
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1 j'ignore pratiquement tout. Mais, d'après ce que de vous avez dit, il
2 découle que personne ou presque personne n'a été blessé. Et, s'agissant de
3 la voiture renversée, cet homme s'était lancé dans la masse, il s'est
4 précipité intentionnellement dans la masse -beaucoup de témoins le
5 confirmeront- et il a blessé bon nombre de personnes en le faisant. Est-ce
6 que vous vous souvenez de la chose?
7 Réponse: Il est vrai qu'il est passé au travers de cette masse de gens, et
8 son objectif, comme je l'ai dit hier, c'était d'arriver au plus vite au
9 centre médical où sa femme malade se trouvait. Et, jusque là, il était
10 plutôt inhabituel de voir une telle masse de gens sans annonce aucune,
11 sans organisation aucune, se trouvant sur voie, la route principale ou
12 dans la rue principale et que la circulation soit bloquée en ville.
13 Question: Monsieur Matovina, vous connaissez mieux votre ville que moi-
14 même -je n'y suis jamais allé-, mais certains de vos concitoyens qui ont
15 participé à la chose affirment qu'il lui aurait été plus près de passer
16 par d'autres rues pour aller au centre médical plutôt que de passer par
17 l'endroit où il y avait cette grande masse. Il s'était lancé sur la masse
18 à grande vitesse, il a blessé plusieurs personnes, un grand nombre de
19 personnes. Vous vous en souvenez?
20 Réponse: Non, il n'allait pas si vite, il n'a pas blessé autant de gens;
21 du moins, personne n'avait demandé d'assistance médicale. Maintenant, de
22 là à savoir pourquoi il n'avait pas emprunté des rues pour contourner la
23 masse, je ne le sais pas.
24 Question: Mais est-ce que vous avez entendu parler quelque part de cas où
25 il y aurait eu des meetings et quelqu'un qui voudrait se lancer forcément
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1 dans la masse qui est rassemblée pour le meeting?
2 Réponse: Il y a des cas différents. Je n'ai pas… Il y a des choses
3 différentes qui arrivent.
4 Question: Mais parlons d'autre chose. Est-ce que vous vous souvenez d'une
5 décision pour ce qui est de bloquer les casernes de la JNA en Croatie et
6 des décisions d'attaquer? Il y avait dans la deuxième moitié du mois
7 d'août 1991 une décision qui a été prise de s'attaquer aux unités de la
8 JNA et cette décision a été réalisée le 14 septembre 1991. Vous souvenez-
9 vous de la chose?
10 Réponse: Eh bien, j'en ai parlé hier. Je crois que vous parlez de la
11 décision à laquelle on s'était référé en désignant cela "Accord entre
12 gentlemen", à savoir à l'amiable, où le Gouvernement de la République de
13 Croatie avait convenu avec la JNA de quitter, de façon pacifique, les
14 infrastructures et les localités qui avaient été mises à sa disposition.
15 Question: Mais, est-ce que vous vous souvenez que du 6 mai au 25 juillet,
16 en Croatie, il a été enregistré 126 cas d'attaque contre les membres de la
17 JNA et les casernes de la JNA, et la seule raison pour ce faire avait été
18 que le fait que ces casernes et ces hommes étaient stationnés en Croatie
19 sur la partie croate du territoire yougoslave? Vous en souvenez-vous?
20 Réponse: Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de ces faits-là, mais
21 je sais que dans l'opinion publique, en Croatie, les gens étaient
22 mécontents de la JNA. Il s'était avéré que ce n'était pas leur armée,
23 étant donné que cette armée yougoslave, dans les événements, s'était
24 rangée d'un côté particulier.
25 Question: Le témoin précédent avait dit que chaque fois que la JNA
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1 apparaissait quelque part, elle séparait les deux parties belligérantes et
2 qu'elle ne prenait pas parti. Mais laissons ceci de côté, peut-être
3 quelqu'un d'autre pourra en parler.
4 Est-ce que vous vous souvenez de ceci? Le 31 octobre 1991, 15 villages ont
5 été nettoyés dans la municipalité de Grubisno Polje. Nous parlons ici de
6 15 villages serbes.
7 Réponse: Je ne sais pas. J'ai dit que, pendant tout ce temps, moi, je me
8 trouvais à Slatina. Ce qui s'est passé dans d'autres zones, dans d'autres
9 régions, je ne sais pas. Ne me posez pas de question à ce propos parce que
10 je n'ai pas de renseignements.
11 M. Milosevic (interprétation): Ici, vous avez fait état d'autres régions
12 également, mais enfin est-ce que vous vous souvenez du fait que, le 13
13 décembre 1991, plus de 100 localités de la municipalité de Podravska
14 Slatina avaient été nettoyées; il y avait notamment Slavonska Slatina.
15 Ceci s'est passé le 13 décembre 1991: je suppose que vous êtes au courant?
16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Matovina?
17 M. Matovina (interprétation): Je ne sais pas. Je ne suis pas au courant de
18 cela.
19 Hier, j'ai déclaré que cette fois-là, les unités paramilitaires s'étaient
20 retirées et qu'une partie de la population s'était retirée également des
21 zones que j'ai mentionnées hier.
22 M. le Président (interprétation): Vous étiez le chef de la police, vous
23 vous trouviez à Slatina. Si une centaine de localités faisant partie de la
24 municipalité avaient été nettoyées, est-ce que vous n'auriez pas été au
25 courant de ce fait?
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1 M. Matovina (interprétation): A l'époque, je me trouvais à Slatina.
2 J'étais l'assistant du chef du poste de police, alors que M. Milosevic,
3 lui, au moment de poser sa question, m'a demandé si j'étais au courant de
4 Daruvar, Orahovica, Pozega et moi, j'ai parlé de la zone de Slatina, là où
5 j'étais l'assistant du chef de la police.
6 Je peux vous dire qu'il est exact effectivement qu'il y a eu un retrait de
7 la population avec les unités paramilitaires, et ce, jusqu'à la ligne
8 Pozega-Kamensko-Pakrac jusqu'à la zone qui avait été établie par la suite
9 des Nations Unies, le NPA, et pour ce qui est notamment de Daruvar, je ne
10 sais pas de quoi il parle.
11 M. le Président (interprétation): Apportons une précision. Veuillez parler
12 uniquement de la région dont vous êtes au courant, en l'occurrence
13 Slatina. Et vous dites qu'une partie de la population s'était retirée. La
14 question qui vous a été posée est celle-ci: est-ce qu'il y a eu un
15 nettoyage ethnique de cette population? En d'autres termes, est-ce que la
16 population était contrainte et forcée -nous parlons bien sûr de la
17 population serbe-, contrainte et forcée à partir?
18 M. Matovina (interprétation): La population serbe n'a pas été contrainte à
19 partir par les autorités croates; elle est partie de son plein gré, avec
20 une partie des insurgés serbes et des unités qui étaient établies, mises
21 en place sur les lieux.
22 M. Milosevic (interprétation): Cela veut dire que d'eux-mêmes ils ont pris
23 la décision de partir et d'abandonner ces centaines de localités se
24 trouvant sur le territoire de ces municipalités. Est-ce bien cela que vous
25 voulez dire?
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1 Mais, du coup, dites-moi ceci -vous l'avez dit vous-même-: le 14
2 septembre, l'armée croate a pris le contrôle de la totalité de ce
3 territoire. D'après ce que vous savez, d'après les renseignements que vous
4 avez, combien de combats a-t-il fallu, pendant combien de temps se sont-
5 ils arrêtés pour prendre le contrôle de cette population serbe?
6 M. Matovina (interprétation): Non, la population serbe n'a pas du tout été
7 expulsée. Le 14 septembre, que s'est-il passé? Après le retrait et après
8 cet ordre, les unités paramilitaires, accompagnées par la population, sont
9 donc parties et les autorités croates ont pris le contrôle de la région.
10 Question: Au moins, vous êtes d'accord avec la date que j'ai donnée: 14
11 décembre 1991. Je vous dis que c'est à cette date que 100 localités ont
12 été vidées; vous, vous parlez uniquement de Slatina, ici.
13 Dites-moi, dans tous ces combats, la prise de contrôle de la région,
14 pourquoi est-ce précisément le 13 que cela s'est passé? Déjà l'armée
15 croate avait pris le contrôle le 14. Alors, pourquoi avez-vous fait
16 l'exception de Vocin? Pourquoi avez-vous ignoré Vocin, alors que 100
17 localités avaient été vidées et que vous-même, selon vos propres dires,
18 vous avez affirmé que ces gens dont vous dites qu'ils auraient été tués,
19 qu'ils auraient été des victimes, que ces gens aient été des victimes pas
20 seulement à Vocin, mais aussi dans d'autres localités? Pourquoi avoir mis
21 de côté, avoir écarté Vocin de cette centaine de localités?
22 Réponse: Hier, j'ai parlé d'une région qui relevait de l'ancienne
23 municipalité de Slatina. J'ai parlé des localités où des crimes ont été
24 commis au moment du retrait des unités paramilitaires.
25 M. Milosevic (interprétation): Mais dites-moi ceci, alors: qu'est-ce que
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1 la Serbie avait à voir, et même la JNA -la Serbie ne commandait pas la
2 JNA-, qu'est-ce que la Serbie avait à voir avec ces événements, notamment
3 à Vocin que vous avez présentée comme étant un exemple?
4 M. Matovina (interprétation): Pourquoi vous me posez cette question? Vous
5 le savez vous-même!
6 M. le Président (interprétation): Ne vous demandez pas pourquoi cette
7 question vous est posée. Est-ce que vous avez observé une participation
8 quelconque de la JNA, ou une participation quelconque serbe par rapport à
9 ce qui s'est passé à Slatina? Pourriez-vous nous aider sur ce point?
10 M. Matovina (interprétation): Je vous l'ai déjà dit. L'armement général
11 des unités insurgées avait été organisé par la JNA. Des préparatifs
12 avaient été effectués par les officiers de commandement. Il y avait eu la
13 mobilisation et un entraînement supplémentaire.
14 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, dans ce rapport
15 d'enquête que vous avez soumis hier, j'ai eu l'occasion de le parcourir
16 rapidement, mais cet examen sommaire m'a suffi pour me faire une idée de
17 la question. Littéralement, tout le monde sans aucune exception, toutes
18 les personnes qui ont fait l'objet d'un rapport judiciaire, étaient de
19 façon exclusive vos propres citoyens, des citoyens de votre région. Je
20 suppose que ce n'est pas contesté, puisque c'est écrit dans ce rapport
21 judiciaire. Et par la suite…
22 M. le Président (interprétation): Sérions les problèmes. Voyons d'abord ce
23 qu'il en est de ce rapport d'enquête. Je suppose que nous parlons ici...
24 Madame Uertz-Retzlaff, pourriez-vous nous aider sur ce point? Je suppose
25 qu'il s'agit du rapport évoqué par l'accusation, rapport qui énumère une
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1 série de suspects? Il s'agit de l'intercalaire 5 de la pièce 334, c'est
2 bien cela?
3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, ce sont en
4 fait les poursuites intentées par le ministère public d'Osijek et qui
5 concernent Cetekovac.
6 M. le Président (interprétation): Effectivement.
7 Monsieur Matovina, ce qui vous est présenté et soumis comme question,
8 c'est que les suspects nommés dans ce rapport… -je regarde l'écran pour
9 reprendre la question- ont dit que tous ces suspects étaient des habitants
10 de votre région et non pas des Serbes de Serbie. Veuillez répondre à cette
11 question.
12 M. Matovina (interprétation): Il est exact de dire que toutes les
13 personnes qui ont fait l'objet de rapports judiciaires ou d'enquêtes et
14 qui ont été présumées coupables du massacre de Cetekovac, dans la région
15 de Slatina, étaient des gens qui avaient été mobilisés dans des formations
16 paramilitaires. C'étaient des hommes qui avaient été dotés d'armes de la
17 JNA et ils portaient même la tenue de la JNA, ils portaient le type
18 d'uniforme utilisé par les forces de réserve. Nous avons des témoins
19 oculaires qui ont fait des déclarations à ce propos.
20 S'agissant de l'autre partie de la liste qui reprend le nom des personnes
21 appartenant à ces "Aigles blancs" ou des personnes qui venaient de Serbie
22 dont nous avons parlé hier, je peux dire qu'il n'y a pas eu de rapports
23 dressés contre eux, d'enquêtes diligentées, puisque nous n'avions que
24 leurs noms sans autre détail. A l'époque, il n'y avait pas de
25 communication avec la Serbie, par conséquent, il n'a jamais été possible
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1 d'établir quelle était l'identité de ces hommes.
2 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Mais si vous regardez un peu plus
3 loin, ce que vous dites est juste puisqu'il est indiqué ici -noir sur
4 blanc- que ce sont des habitants de la localité, de la région.
5 Et dans ce même rapport, vous dites cependant: "Description des faits: ils
6 ont écrit 50 symboles des quatre S, des graffitis selon lesquels tout est
7 serbe, et puis on indiquait Tudjman, et puis on retrouve le graffiti
8 indiquant le nom de Vuk Draskovic". Alors, Grand Dieu, qu'est-ce que la
9 Serbie a à voir avec tout ceci? Pourriez-vous me le dire?
10 M. Matovina (interprétation): Mais c'étaient des slogans, des graffitis
11 qu'on trouvait sur la façade de bon nombre de bâtiments le 31 mai 1990, et
12 ceci était vrai aussi dans plusieurs villages où, à la veille de la
13 création du SDS, cette propagande avait été effectuée.
14 Question: Fort bien. Monsieur le Témoin, sur cent localités qui avaient
15 été évacuées le 13 décembre 1991, vous n'en avez trouvé qu'une, celle de
16 Vocin, et vous dites ici que ce sont les Serbes qui ont commis un
17 massacre. Alors que vous souvenez tout à fait bien qu'il y a eu une
18 explosion à Vocin, un entrepôt où étaient stockés des explosifs et des
19 munitions a été dynamité. Je ne sais même pas d'où venaient ces explosifs
20 ni ces munitions; en tout cas, il est un fait que tout a été détruit dans
21 la région ou dans la zone qui entourait l'entrepôt et qu'il y a eu
22 quelques blessés.
23 Réponse: Je ne suis pas au courant de cette explosion. Tout ce que je
24 sais, c'est qu'à Vocin et dans les villages avoisinants, il y a eu une
25 destruction complète au moment de la retraite.
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1 Question: Mais vous parlez de quoi? Vous parlez de l'explosion sur
2 laquelle il y a des données. Et, vous l'avez dit hier, il n'y avait qu'un
3 seul endroit à Vocin qui avait été dynamité ou plastiqué mais, en fait,
4 c'était un entrepôt où il y avait un arsenal, si vous voulez, où il y
5 avait des explosifs et des munitions et personne n'est en mesure d'établir
6 les causes, l'origine de tout cela.
7 Réponse: Oui, effectivement, on a posé des explosifs et il existait là
8 tout un stock d'explosifs alors que les autres maisons aux alentours ont
9 été aussi plastiquées et incendiées.
10 Question: C'était donc un bâtiment utilisé pour stocker des munitions et
11 c'est comme cela que ça s'est passé?
12 Réponse: Ça a été plastiqué précisément le jour de la retraite et le jour
13 du massacre qui s'est produit cette nuit-là à Vocin, dans la nuit du 12 au
14 13 décembre 1991.
15 Question: D'accord. Mais est-ce que vous vous rendez compte, puisque c'est
16 vous-même qui l'avez dit, que le 14 décembre, c'était l'armée croate qui
17 s'était emparée de toutes ces régions? Est-ce que vous vous rendez compte
18 que tout ceci s'est passé au cours des combats qui vous ont opposés, vous,
19 dans ces conflits locaux, sur tous ces territoires, pendant l'offensive de
20 l'armée croate? Ce sont vos propres dires. Ceci s'est passé le 13 et le
21 14, l'armée croate a pris le contrôle de la totalité de la région, n'est-
22 ce pas?
23 Réponse: Mais, vous voyez…
24 Question: Mais il n'y a pas de coïncidence au niveau du temps et tout ceci
25 milite contre vous. Le 13, c'est la veille de la prise de contrôle par les
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1 Croates.
2 Réponse: Laissez-moi apporter un éclaircissement. Dans le dossier, on a
3 même un rapport judiciaire qui a été déposé par ministère public de la
4 Republika Srpska à Banja Luka et qui est dressé contre plusieurs personnes
5 qui avaient dynamité l'église Notre-Dame à Vocin, et ils ont qualifié ceci
6 de "dégâts occasionnés à une propriété d'autrui".
7 Cependant, dans certaines déclarations de témoins, nous avons des
8 indications selon lesquelles ce sont des gens tout à fait différents qui
9 sont les auteurs.
10 Question: Moi, je ne vais pas commencer à essayer de savoir qui est
11 responsable et sur quoi cela portait. Je voulais que vous m'expliquiez
12 ceci, puisque vous, à l'inverse de moi, vous avez pu rassembler des
13 renseignements. Et dites-moi que c'était bien là une offensive lancée par
14 l'armée croate qui a entraîné un conflit entre les autorités croates et la
15 population serbe, n'est-ce pas?
16 Réponse: Je pense avoir été clair. Dès hier et aujourd'hui encore, ce
17 matin, je vous ai expliqué clairement comment ces événements se sont
18 produits.
19 Question: D'accord. Mais, en tant que policier, êtes-vous au courant des
20 événements qui se sont produits dans la région de Pakrac, à Pakrac Polje
21 et de la liquidation des Serbes, liquidation en masse à Pakracka Poljana
22 et à Marino Selo? Et, à Marino Selo, le 9 de ce mois, en 1991, il y avait
23 eu plusieurs morts, n'est-ce pas? Il y avait un camp aussi qui avait été
24 établi à Pakracka Poljana?
25 M. Matovina (interprétation): Je n'ai jamais été à Pakrac, je n'en sais
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1 rien.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais savez-vous que du 11 octobre jusqu'au
3 29 mars 1992, nous parlons bien sûr du 11 octobre 1991 jusqu'au 29 mars
4 1992, dans votre région, plusieurs centaines de Serbes ont été liquidés?
5 Ils venaient d'une centaine de localités. Il s'agit là de villages, à
6 l'exception de la zone de Pakrac qui se trouvait dans un endroit où, en
7 fait, il n'y a pas eu de conflits armés. Ce sont des lieux qui sont à
8 l'extérieur du lieu où se trouvait le conflit. Hier, lorsque j'ai énuméré
9 les villages, vous avez dit qu'il n'y avait pas de conflit.
10 M. le Président (interprétation): Mais quelle est la question que vous
11 posez?
12 Monsieur Matovina, ce qu'on vous soumet comme hypothèse ici, c'est ceci:
13 vous avez déjà parlé des cent localités, nous n'allons pas y revenir, mais
14 ce qu'on dit ici, c'est qu'entre le 11 octobre 1991 et le 29 mars 1992,
15 dans votre région à vous -c'est ce qui est dit-, plusieurs centaines de
16 Serbes ont été liquidés. Pourriez-vous nous aider sur ce point?
17 M. Matovina (interprétation): Non, non, ce n'est pas exact. Et je ne suis
18 pas du tout au courant de cela. Pour chaque événement dont on apprenait
19 l'existence -et j'en ai déjà parlé hier-, chaque fois, au cas par cas,
20 nous avons réagi, nous avons institué une procédure légale qui commençait
21 par l'identification des témoins jusqu'à la capture des auteurs et je ne
22 sais rien à propos de ce que ce monsieur nous dit.
23 M. Milosevic (interprétation): Fort bien. Prenons la région plus large de
24 Slavonie occidentale. Est-ce que vous êtes courant, puisque là il n'y
25 avait personne qui aurait pu les protéger, des dizaines de milliers de
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1 Serbes qui étaient en charrettes, en toutes sortes de véhicules, sont
2 partis de la zone de Pakrac et de Slatina et dans d'autres endroits où ils
3 constituaient la population majoritaire?
4 M. Matovina (interprétation): Je vous ai dit que je n'étais pas sur place
5 à l'époque. Et vous avez sans doute en tête ces événements au cours
6 desquels la population et l'armée, ou plutôt des membres des formations
7 paramilitaires, se repliaient de la région. Mais moi, je n'étais pas là.
8 Il m'est donc impossible d'en parler; je n'étais pas en Slavonie
9 occidentale.
10 M. Milosevic (interprétation): Mais est-ce que vous savez qu'à partir du
11 mois de juin 1991 jusqu'au mois d'août 1992, 193 localités ont subi une
12 purification ethnique totale? Nous parlons ici de 183 villages et de dix
13 villes.
14 M. le Président (interprétation): Vous l'avez déjà dit. On vous a déjà dit
15 qu'il ne suffit pas de proférer des allégations par rapport à la partie
16 adverse, que ceci ne représente pas un moyen de défense en tant que tel.
17 Est-ce que vous avez d'autres questions s'agissant des pièces produites
18 par le biais de ce témoin?
19 M. Milosevic (interprétation): Mais ces questions portent sur sa
20 déposition. Je vous rappelle, Monsieur May, que le témoin précédent,
21 puisqu'il n'était pas d'accord avec moi au sujet des chiffres dont je
22 disposais lorsque j'ai parlé de 183 villages, rappelez-vous, il a dit que
23 ce n'était pas 183, mais 165 villages; comme si 165 rendait le crime moins
24 grave.
25 Monsieur le Témoin, vous avez entendu parler de cette "Opération Bljesak",
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1 "Opération Eclair"? Savez-vous combien de Serbes ont été tués à cette
2 occasion?
3 M. Matovina (interprétation): Non, je ne le sais pas.
4 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous…
5 (L'interprète n'a pas saisi le début de la question.)
6 … en Slavonie occidentale?
7 M. Matovina (interprétation): "L'opération Eclair" était une opération de
8 l'armée croate qui impliquait aussi le blocus de la route allant de
9 Lipovac à Zagreb. Il y a eu des pourparlers, des négociations qui ont
10 capoté, ce sur quoi ils ont commencé à bloquer la route dans toute la
11 région. Mais plus loin, à partir de Slatina, moi, je ne suis pas allé et
12 je n'ai pas participé à "l'Opération Eclair"; je ne peux pas vous dire
13 comment elle a été effectuée et ce qui s'est passé.
14 M. Milosevic (interprétation): Mais il n'est pas contesté que ça s'est
15 passé en Slavonie occidentale, dont vous étiez originaire, et maintenant
16 vous nous dites ne rien en savoir. Alors, après tout, c'est quand même là
17 que vous travaillez?
18 M. Matovina (interprétation): Mais c'est un fait notoire, on sait que
19 finalement, les autorités croates ont débloqué la région. Je ne le nie
20 pas.
21 Question: Savez-vous combien de personnes ont été tuées à ce moment-là et
22 combien de milliers de maisons ont été détruites?
23 Réponse: Je vous l'ai dit: je n'ai pas participé à cette opération Eclair.
24 J'ai passé tout ce temps à Slatina; je ne sais pas comment cette opération
25 s'est effectuée. Et il est certain, il est encore plus certain que je ne
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1 peux pas vous donner de renseignements sur les détails que vous me
2 demandez.
3 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Est-ce que vous vous souvenez
4 qu'au début de 1991, les dirigeants de ce qui était alors la RSFY, de la
5 Yougoslavie, ont tenté d'intervenir comme arbitre dans la résolution du
6 conflit qui opposait Knin et Zagreb, mais que tous ces essais et
7 tentatives ont échoué parce que la Croatie ne cessait de continuer son
8 armement, d'accroître ses effectifs de police, le corps de la garde
9 internationale…
10 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous être de la moindre
11 assistance, en votre qualité de chef de la police de Slatina, pour nous
12 dire si des tentatives déployées par les dirigeants de la RSFY ont échoué,
13 alors qu'ils essayaient de jouer le rôle d'arbitre dans cette question?
14 Pouvez-vous nous aider sur ce point?
15 M. Matovina (interprétation): Vu sur cet angle, je peux vous dire ce que
16 j'ai fini par apprendre en tant que citoyen ordinaire.
17 M. le Président (interprétation): Oui, oui. Nous parlons ici de votre
18 connaissance générale que vous avez en tant qu'habitant de la région: est-
19 ce bien à ce titre-là?
20 M. Matovina (interprétation): Oui, c'est exact.
21 M. le Président (interprétation): Inutile de poser des questions à des
22 citoyens ordinaires à propos de ce qu'ils savent ou ne savent pas; nous
23 allons entendre comme témoins des participants et, en temps utile, nous
24 allons examiner les documents concernés.
25 Passez à un autre sujet.
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1 M. Milosevic (interprétation): D'accord. Ne parlons donc pas des
2 dirigeants de l'Etat.
3 Question concrète: vous souvenez-vous d'un événement qui s'est produit à
4 Borovo Selo, au cours duquel des Serbes avaient accepté d'enlever des
5 barrages routiers afin que la situation revienne à la normale? Et, au
6 moment convenu, la police était entrée dans le village avec deux bus, deux
7 véhicules remplis, dont un véhicule civil, ce qui était contraire à
8 l'accord. Et au lieu d'aider la population, ils sont sortis de leurs
9 voitures, de leurs véhicules et ils ont commencé à tirer partout dans le
10 village.
11 Est-ce que vous vous souvenez de ce crime-là?
12 M. le Président (interprétation): Donnez-lui le temps de répondre.
13 Est-ce que vous êtes au courant de cet événement-là en particulier?
14 M. Matovina (interprétation): Je m'en souviens. Je n'étais pas sur les
15 lieux, mais je me souviens. D'ailleurs, cela a été rapporté par les médias
16 les plus importants: un crime a été commis à cet endroit contre des
17 policiers croates qui étaient arrivés dans le village. Je suis au courant.
18 M. le Président (interprétation): Là encore, c'est quelque chose que vous
19 avez lu dans les journaux: c'est bien cela?
20 M. Matovina (interprétation): Oui, c'est cela et je suis informé en tant
21 que citoyen.
22 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, question suivante.
23 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, en tant que citoyen,
24 savez-vous que, selon les chiffres du recensement de 1981, dernier
25 recensement pour lequel l'intégralité des chiffres a été divulguée à la
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1 population, Novska, Orahovica, Pakrac, Slatina, votre municipalité
2 Slavonska Pozega, Virovitica et bien d'autres municipalités étaient des
3 municipalités à majorité démographique absolue serbe? Et ces localités
4 étaient au nombre de 251? Etes-vous au courant de cela?
5 M. Matovina (interprétation): Je ne sais pas, mais en ce qui concerne les
6 mouvements de population liés à Slatina, j'en ai déjà parlé hier.
7 M. Milosevic (interprétation): Vous n'êtes donc pas au courant du fait
8 qu'en 1990 et 1991, ainsi qu'en 1992, tous ces villages ont été
9 ethniquement nettoyés: vous ne savez rien de tout cela?
10 M. le Président (interprétation): Nous en avons déjà parlé. Alors, à moins
11 que vous n'ayez une question différente à poser au témoin, nous allons
12 mettre un terme à ce contre-interrogatoire. Il ne sert à rien de perdre
13 notre temps.
14 M. Milosevic (interprétation): Je dispose encore d'une demi-heure,
15 Monsieur May, que vous m'avez attribuée hier, pas avec une extraordinaire
16 bonne volonté d'ailleurs, mais j'ai l'intention de l'utiliser, cette demi-
17 heure.
18 M. le Président (interprétation): Ne la gaspillez pas par d'incessantes
19 répétitions.
20 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas remarqué que j'ai répété quoi
21 que ce soit, mais vous êtes sans doute plus au fait que moi.
22 Monsieur le Témoin, page 4, sixième paragraphe de votre déclaration: vous
23 dites que des habitants ont été regroupés, vous dites qu'il s'agit de
24 renforts destinés aux rebelles et que ces hommes criaient des slogans de
25 ce genre: "Nous n'allons pas livrer notre police. Vive la Yougoslavie!
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1 Ceci est notre police." (Fin de citation.)
2 Dans votre déclaration, vous confirmez en fait que les habitants serbes de
3 votre ville se sont déclarés favorables à la Yougoslavie. Donc cette
4 partie de votre déclaration dit bien qu'ils ne souhaitaient pas que le HDZ
5 leur retire leurs armes pour armer ses propres membres.
6 Est-ce que ceci est clair finalement, Monsieur Matovina?
7 M. Matovina (interprétation): J'ai parlé des slogans criés par les
8 habitants qui s'étaient regroupés autour du commissariat de police et ça,
9 c'est exact. J'ai dit que les militants, dans cette masse de gens, ont
10 essayé d'entrer par effraction et j'ai donné tous les détails au sujet de
11 ce rassemblement.
12 Question: Est-il exact que, comme on le lit en page 5 paragraphe 2 de
13 votre déclaration, il n'y a pas eu de réaction de la part de la caserne où
14 se trouvaient les soldats de la JNA, donc que la JNA ne souhaitait pas
15 prendre partie pour l'un ou pour l'autre, ne souhaitait pas intervenir?
16 Réponse: C'est exact. A ce moment-là, la JNA n'a pas réagi.
17 Question: Vous parlez de certains documents retrouvés dans la caserne,
18 etc.
19 Est-il exact que vous-même, personnellement, vous n'avez retrouvé aucun
20 des documents dont il a été question ici?
21 Réponse: Ce n'est pas moi, personnellement, qui ai retrouvé l'un
22 quelconque de ces documents. Mais, lorsque les casernes ont été mises sous
23 le contrôle de l'armée croate, on y a retrouvé des documents d'où il
24 ressortait clairement qui étaient les réservistes de nationalité serbe qui
25 avaient été rappelés pour un entraînement complémentaire, et quelles
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1 étaient leurs spécialités.
2 J'ai déjà dit que je n'ai pas travaillé, je n'étais pas chargé
3 spécifiquement de cette affaire. Il y avait 20 agents de police qui était
4 concernés et je n'ai fait que participer à la constitution de ce dossier.
5 Donc ce n'est pas moi qui ai mené toutes les enquêtes en personne; nous
6 avons tous travaillé ensemble.
7 Quant aux documents qui ont été retrouvés, il y en a un qui montre bien
8 que les réservistes ont été appelés et entraînés dans la caserne, et
9 qu'ils ont reçu des armes.
10 Question: Monsieur Matovina, êtes-vous en train de dire -et, en fait, cela
11 se passait depuis des décennies de la même façon-, est-ce que vous êtes en
12 train de décrire la façon dont les réservistes étaient de temps en temps
13 convoqués pour un séjour à la caserne, que bien sûr on leur donnait des
14 armes et qu'ils se livraient à un certain nombre d'exercices
15 d'entraînement?
16 Bien sûr, on leur donnait des armes pour ces exercices, pour ces
17 manœuvres; en fait, c'est tout ce que vous avez décrit jusqu'à présent.
18 Cela se passait en 1980 de cette façon, en 1970, en 1960 et au moment où
19 chacun accomplissait son service militaire. Comment peut-on entraîner
20 autrement des réservistes?
21 Réponse: Oui, c'était de cette façon que les choses se passaient avant, en
22 effet. Cependant, une fois que cet entraînement a été terminé et que les
23 armes ont été distribuées, les réservistes ne sont pas retournés chez eux,
24 cette fois-là. Ils se sont rendus dans certaines régions où, un peu plus
25 tard, ils ont pris le contrôle de ces régions dans le cadre d'unités
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1 illégales qui avaient déjà été créées, et ce, contre les autorités
2 croates.
3 Question: Avez-vous expliqué, il y a quelques minutes, que les réservistes
4 de la Défense territoriale, à moins que vous ne leur donniez un autre nom,
5 ont quitté la région, accompagnés des membres de leur famille, c'est-à-
6 dire qu'ils sont retournés chez eux et qu'ils ont quitté leur région sous
7 la pression d'une éventuelle attaque de l'armée croate qui a pris le
8 contrôle de la région le 14 décembre, selon vos propres dires? Est-ce que
9 c'est vrai ou pas, Monsieur Matovina?
10 Réponse: J'ai parlé de la mobilisation qui était en cours; j'ai également
11 dit ce qui se passait dans les casernes lorsque cet entraînement a
12 commencé et lorsque la mobilisation a été décrétée. Ça, c'était en mars et
13 en avril; et les choses se sont intensifiées en mai et en juin. J'ai donné
14 la chronologie des événements. J'ai dit que l'armée insurgeait s'étendait
15 sur le territoire croate et cela s'est vu également dans la région dont je
16 parle.
17 Question: Vous rappelez-vous que le 23 janvier 1991, lorsque le
18 secrétariat fédéral à la Défense nationale disait le contraire de ce que
19 vous dites? A savoir qu'il y avait intervention militaire et surtout pas
20 contre la Croatie, des pressions importantes ont été exercées contre des
21 membres de la JNA et contre des unités de la JNA, ainsi que contre des
22 installations militaires gardées par des hommes en armes. Que des attaques
23 terroristes ont été lancées contre l'armée et ses soldats, et que l'armée
24 a dit que si la Croatie ne démantelait pas ces unités armées, elle agirait
25 conformément aux décisions de la présidence yougoslave, présidence
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1 collective, et qu'elle augmenterait le niveau de préparation au combat de
2 ses hommes jusqu'à un niveau suffisant pour garantir l'application du code
3 de procédure pénale, c'est-à-dire l'application de la loi. C'était une
4 procédure qui était prévue dans la loi. Vous rappelez-vous cela?
5 Réponse: Encore une fois, en tant que citoyen je peux dire que la JNA a
6 exprimé des exigences tout à fait fermes mais qu'elle n'a pas respecté les
7 droits des peuples de l'ex-Yougoslavie à déclarer leur indépendance, leur
8 autonomie.
9 Question: Monsieur Matovina, puisque dans votre déclaration vous dites que
10 la garde croate n'a été créée qu'en 1991 –vous le dites en page 6,
11 deuxième paragraphe de votre déclaration préalable-, savez-vous qu'en fait
12 il est inexact que les membres de la ZNG -comme il est convenu de les
13 appeler- ont fait leur apparition en mai 1991, en fait?
14 Réponse: Peut-être en d'autres localités. Mais à l'endroit dont je parle,
15 c'est à ce moment-là que la Brigade de la garde a été créée, donc au mois
16 d'octobre. L'armée croate n'était pas présente à cet endroit-là à ce
17 moment-là, mais il y avait une unité, peut-être pas plus, de la garde
18 patriotique croate qui était présente.
19 Question: Vous avez dit que le 4 août, l'armée avait ouvert le feu sur le
20 commissariat de police; vous le dites en page 7 de votre déclaration. Un
21 peu plus loin, vous dites que les officiers de la JNA, quelques jours plus
22 tard, se sont rendus au poste de police pour vérifier ce qui s'était passé
23 et qu'à ce moment-là, ils vous ont dit avoir tiré car ils pensaient que le
24 MUP s'apprêtait à attaquer la caserne. Or, il s'est donc agi d'un incident
25 qui a provoqué leur visite chez vous, visite destinée à leur permettre de
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1 vous dire quelles étaient leurs intentions et leurs regrets car en fait,
2 ils n'avaient pas du tout l'intention d'agir de cette façon, n'est-ce pas?
3 C'est exact?
4 Réponse: C'est exact. En fait, ce n'est pas le même jour qu'ils sont
5 venus.
6 Question: Le lendemain?
7 Réponse: Oui, ils sont venus le lendemain pour vérifier ce qui s'était
8 passé. Mais compte tenu de l'importance de l'attaque contre ce poste de
9 police, compte tenu des parties du bâtiment qui ont été prises pour cible
10 et compte tenu de l'heure de l'attaque, il ressort que la JNA avait des
11 intentions tout à fait évidentes.
12 M. Milosevic (interprétation): Nous avons déjà parlé de cela hier. Très
13 bien. Vous dites que, d'une distance de 50 mètres, ces hommes n'ont pas pu
14 voir qu'il y avait des policiers non loin d'eux. Vous avez dit que la nuit
15 était déjà avancée, qu'ils ne voyaient donc pas, à une distance de 50
16 mètres, s'il y avait des policiers en vue. Mais vous dites qu'ils se sont
17 emparés de la caserne le 16 décembre. Alors, comment expliquez-vous que le
18 commandant Babic, chef de la caserne, ait été envoyé à Bjelovar en tant
19 que prisonnier de guerre, si vous dites qu'il n'y a pas eu de combats ce
20 jour-là et qu'un homme a pu même revenir le lendemain pour récupérer son
21 revolver? Comment se fait-il que le commandant ait été fait prisonnier de
22 guerre?
23 M. Matovina (interprétation): Le commandant n'a pas été prisonnier de
24 guerre. Malgré le fait que la JNA a ouvert le feu sur le poste de police,
25 il n'a jamais répondu de ses actes. Il a personnellement demandé à être
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1 emmené à Bjelovar, accompagné de deux autres hommes. On les a mis à bord
2 d'autobus qui étaient prêts à partir et les trois hommes ont été remis en
3 liberté le même jour. Donc rien de spécial ne s'est passé, mais c'est
4 exactement ce que je voulais dire. Le lendemain, en effet, un homme est
5 arrivé; il circulait en toute liberté et il venait chercher son revolver.
6 Ce simple événement montre bien…
7 M. le Président (interprétation): Vous en avez déjà parlé.
8 M. Milosevic (interprétation): Monsieur Matovina, vous dites que, d'une
9 part, les soldats sont rentrés chez eux; ensuite, vous dites qu'ils ont
10 emporté leurs armes pour rejoindre je ne sais trop quels rebelles
11 insurgés. Alors, qu'est-ce qui est vrai? Quelle est la version exacte?
12 M. Matovina (interprétation): Je vais vous expliquer. Il y avait des
13 soldats qui étaient des appelés, qui faisaient donc leur service
14 militaire, et eux sont rentrés chez eux rejoindre leurs familles un peu
15 partout en Croatie ou en Yougoslavie. Alors que pour d'autres, les autres
16 dont j'ai parlé, il s'agissait de réservistes provenant de la région de
17 Slatina qui ont été mobilisés, entraînés et armés par la JNA.
18 Question: Très bien. Savez-vous que les membres du MUP de Croatie et de la
19 garde patriotique, la ZNG, le 21 septembre déjà, ont massacré 13 soldats
20 de la JNA à Karlovac?
21 Réponse: Je peux parler de cela simplement par ce que j'en sais en tant
22 que citoyen. Encore une fois, j'ai lu des articles à ce sujet dans les
23 journaux au sujet de ce qui s'est passé, mais je ne connais pas les
24 détails.
25 M. Milosevic (interprétation): Savez-vous combien de centaines d'attaques
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1 ont été lancées contre la JNA après conclusion de l'accord?
2 M. le Président (interprétation): Non, Monsieur Milosevic. Nous ne pouvons
3 parler que de ce à quoi le témoin peut répondre.
4 M. Milosevic (interprétation): Très bien.
5 Monsieur le Témoin, vous témoignez ici de ce qui s'est passé à Cetekovac
6 le 4 septembre 1991, mais vous n'étiez pas dans le village lorsque
7 l'incident s'est produit, n'est-ce pas?
8 M. Matovina (interprétation): Non, je n'y étais pas, mais j'ai expliqué
9 hier quelle était la chronologie des événements.
10 Question: Ça, c'est un autre problème. Vous n'avez pas été témoin oculaire
11 d'une seule des choses qui se sont produites là-bas?
12 Réponse: Je n'ai pas été témoin oculaire des événements qui se sont
13 produits là-bas, en effet, pas à ce moment-là, mais pour le reste…
14 Question: Très bien. Je vous demande si vous avez vu ce qui s'est passé;
15 et vous ne l'avez pas vu. Vous n'avez pas vu qui a tué 22 hommes dont les
16 corps ont été retrouvés au mois de septembre. C'est bien exact, n'est-ce
17 pas?
18 Réponse: Je n'ai pas vu ce qui s'est passé, mais j'ai parlé à des témoins
19 des événements, qui se trouvaient sur place, et je les ai rencontrés
20 quelques heures à peine après les événements.
21 Question: Très bien. En page 9, paragraphe 4 de votre déclaration, vous
22 dites -je cite-: "Je pense que l'attaque est due à des unités spéciales,
23 parce qu'elle était dirigée par Boro Lukic. C'était un capitaine de
24 réserve de l'Unité spéciale de sabotage de la JNA." (Fin de citation.)
25 Alors, est-il exact que ce que vous dites là est simplement une hypothèse
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1 de votre part quant à l'identité de la personne qui a tué toutes ces
2 victimes? Vous ne savez rien de particulier ou de précis à ce sujet,
3 n'est-ce pas?
4 Réponse: Le peloton spécial était responsable de l'attaque. Pour ça, j'ai
5 reçu des témoignages à ce sujet, même de membres de ce peloton qui, plus
6 tard, ont été interrogés par la police ou, en tout cas, ont pu être
7 entendus par des inspecteurs de police et des personnes qui enquêtaient
8 sur l'affaire, parce que cette affaire ne s'est pas terminée en un jour;
9 elle a duré plusieurs années selon la disponibilité des témoins. Et je
10 parle bien là de personnes qui ont participé à l'attaque.
11 Question: Très bien. En page 8, paragraphe 3 de votre déclaration, vous
12 dites que les archives des forces paramilitaires -comme vous les dénommez-
13 ont été retrouvées à Zvecevo, qu'un plan militaire de l'attaque du village
14 de Cetekovac a été découvert.
15 Etiez-vous présent lorsque ces archives ont été ouvertes? Avez-vous vu
16 l'un quelconque de ces documents? Pouvez-vous nous expliquer plus en
17 détail quelles sont les personnes qui ont vu ces plans?
18 Réponse: Les documents ont été découverts par des membres de l'armée
19 croate et pratiquement tous ces documents, en tout cas une grande majorité
20 d'entre eux ont été remis à la police; ils sont conservés encore
21 aujourd'hui dans les locaux de la police. J'ai vu personnellement ces
22 documents. Une partie d'entre eux étaient des photocopies et ont été
23 annexés aux dossiers dans lesquels je travaillais.
24 Personnellement, j'ai vu le plan de l'attaque sur Cetekovac, prévue
25 conformément à toutes les règles militaires, c'est-à-dire que le gros de
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1 l'attaque devait venir des flancs, des côtés et, pour le reste, l'armée
2 intervenait comme d'habitude.
3 Question: Très bien. Alors, vous parlez de ces documents: parlez-vous de
4 la liste de documents établie par la police croate, ainsi que de certaines
5 listes où l'on voit un sceau de la police croate? C'est bien de ces
6 documents que vous parlez?
7 Réponse: J'ai déjà expliqué hier, s'agissant de cette liste, qu'il
8 s'agissait simplement d'une espèce d'index des documents qui avaient été
9 remis et que le sceau de la police croate avait été apposé sur ces
10 documents par la suite, car ces documents sont des photocopies et que les
11 originaux sont conservés à Slatina, dans les locaux de la police. Donc le
12 fait d'apposer ce sceau sur les photocopies permet d'en confirmer
13 l'authenticité, la conformité.
14 Question: Monsieur Matovina, sur la photocopie que nous avons vue hier, le
15 sceau est également photocopié: il ne s'agit pas d'un sceau apposé en
16 original sur une photocopie pour confirmer quoi que ce soit?
17 Réponse: C'est possible parce que tous ces documents ont été photocopiés
18 un certain nombre de fois, plus d'une dizaine de fois, je dirais.
19 Question: Vous avez parlé hier du Détachement de "Papuk" et vous avez
20 déclaré que ce Détachement avait été le digne successeur de la 12e Brigade
21 de Slavonie, qui avait participé à la Deuxième Guerre mondiale. Ce sont
22 bien vos propos, n'est-ce pas?
23 Réponse: Oui, c'est une déclaration qui m'a été faite par des membres de
24 cette unité qui ont participé à la rébellion, au soulèvement armé. En tout
25 cas pour certains d'entre eux. Le témoignage de ces hommes consistait à
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1 dire que le détachement avait été créé afin de respecter la tradition
2 s'agissant de la libération des zones où elle opérait. Je n'en sais pas
3 plus.
4 Question: Vous dites que "cette formation a respecté la tradition de la
5 12e Brigade de Slavonie, qui s'était battue au cours de la Deuxième Guerre
6 mondiale". Je vous lis les mots exacts qui sont écrits. Contre qui cette
7 12e Brigade a-t-elle combattu durant la Deuxième Guerre mondiale?
8 Réponse: La 12e Brigade de Slavonie, c'était une brigade de partisans.
9 Elle s'est battue contre les fascistes au cours de la Deuxième Guerre
10 mondiale.
11 Question: Contre les Allemands et les Oustachis, n'est-ce pas?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Très bien. Ecoutez, puisque vous dites que vous n'avez rien vu
14 et que vous ne savez rien personnellement, je vous rappelle ce qui figure
15 en page 9 de votre déclaration où on lit ce qui suit: "60 soldats ont
16 pénétré dans le village avec un appui de l'artillerie et au moins 160
17 soldats ont encerclé le village". (Fin de citation.)
18 Sur quels faits et sur quels chiffres vous appuyez-vous pour citer ce
19 nombre de soldats impliqués et d'où pouvez-vous décrire tout ce que vous
20 dites, tout ce que vous décrivez dans votre déclaration écrite? Alors
21 qu'il y a à peine quelques instants, vous nous avez dit que vous n'aviez
22 rien vu personnellement?
23 Réponse: Toutes ces informations que je donne reposent sur des
24 déclarations de témoins ayant survécu. Je l'ai déjà dit.
25 Question: Donc c'est simplement sur la base de ce que vous ont dit des
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1 gens qui se trouvaient sur place ou sur la base de ce que vous ont dit des
2 gens qui prétendent avoir entendu ce qui s'est passé que vous parlez?
3 Réponse: Je m'appuie sur ce que m'ont dit quelques personnes, peu
4 nombreuses, qui ont réussi à se cacher et à survivre. Ou plutôt fuir le
5 village. Dix personnes ou plus ont assisté à l'incident, l'ont vu de leurs
6 yeux, sans être remarquées. D'ailleurs, ces personnes sont censées venir
7 témoigner ici.
8 Question: Très bien. Mais vous pensez que le but de l'attaque était
9 d'expulser, de chasser les Croates de la région? Dites-moi alors, pourquoi
10 les Croates ne sont-ils pas partis, puisque l'attaque de la caserne a été
11 si violente et si fructueuse?
12 Réponse: J'ai parlé des conséquences de l'attaque et de ce qui s'est passé
13 ou, en tout cas, de ce qui était censé se passer. Quant à ce qui était
14 censé se passer, je ne le sais pas exactement. La description que j'ai
15 donnée montre, de toute évidence, quelles étaient les intentions qui ont
16 présidé à cette attaque.
17 Question: C'est pour cela que je vous interroge parce que ces intentions,
18 d'après ce que vous dites, étaient de chasser les Croates. Pourquoi ne
19 sont-ils pas partis? Vous avez dit que l'intention était d'expulser les
20 Croates, alors cette intention n'a pas été traduite dans les faits. Or,
21 cette attaque a été très brutale, elle a fini par prendre fin. Pourquoi
22 est-ce que les Croates ne sont pas partis puisque, selon ce que vous
23 dites, leur intention était de partir?
24 Réponse: Il est tout à fait naturel qu'après l'attaque contre le village,
25 puisque le village était toujours sur la ligne de front et que la police
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1 croate ainsi que les membres du Corps de la garde croate ont été envoyés
2 sur les lieux, ils ont empêché de nouvelles attaques contre le village et
3 le village était non loin de la grande route de Podravina, il ne faut pas
4 l'oublier; c'était le dernier objectif dont il fallait s'emparer car le
5 but était de couper la route menant en Slavonie orientale.
6 Question: Très bien, Monsieur Matovina. Mais j'appelle votre attention sur
7 ce qui figure en page 9, avant-dernier paragraphe de votre déclaration et
8 je vous lis ce qui suit -je cite-: "Il est vrai que les résultats de
9 l'enquête ont établi que les événements que vous décrivez à Cetekovac, à
10 ces événements ont pris part des voisins, des parents et certains se
11 trouvent parmi les victimes", n'est-ce pas?
12 Réponse: Oui, en effet, les réservistes ont été mobilisés, armés et
13 entraînés; ils portaient les uniformes de la JNA et les cadres provenaient
14 des villages de Balinci et de Cojlug. Certains d'entre eux ont été
15 reconnus par des membres de leurs familles parmi les victimes lors de
16 l'inhumation à Cetekovac.
17 Question: Monsieur Matovina, comme je crois le comprendre, vous étiez
18 vous-même réserviste d'une façon ou d'une autre, et si vous ne l'étiez
19 pas, je suis sûr que vous savez qu'au moins 10, 15 ou peut-être 20 ans
20 auparavant, 20 ans avant ces événements, les réservistes étaient très
21 couramment appelés pour participer à des manœuvres militaires dans le
22 cadre d'une éventuelle mobilisation; ils portaient un uniforme, ils
23 l'emportaient chez eux ensuite. L'uniforme des forces de réserve était
24 distribué à tous les membres des unités de la JNA. Vous êtes au courant de
25 cela?
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1 Réponse: Oui, c'est vrai qu'ils disposaient de leur équipement, des
2 uniformes et du reste de l'équipement, mais ils n'emportaient jamais leurs
3 armes -ils n'étaient pas autorisés à le faire- et n'emportaient pas non
4 plus quelque élément susceptible de permettre de faire la guerre.
5 Question: Avez-vous vu quiconque distribuer des armes à ces hommes? Vous
6 parlez de création d'unités paramilitaires; avez-vous vu des membres de la
7 JNA distribuer des armes? L'armée avait émis des ordres très stricts selon
8 lesquels les unités paramilitaires ne devaient pas être autorisées et
9 devaient être désarmées en cas de création. Donc avez-vous vu des gens qui
10 prétendent avoir armé ces formations?
11 Réponse: J'ai parlé du départ du convoi, 40 camions à peu près portant de
12 l'équipement militaire en provenance de la caserne de Nasice destinés à la
13 zone insurgée; j'ai parlé de la distribution de ces armes, j'ai dit cela
14 hier. J'ai parlé aussi de l'assassinat d'un Serbe dont le patronyme était
15 Kokic; il a été tué lors d'une inhumation parce qu'il ne voulait pas
16 prendre les armes. Et plus tard, il a donc été vérifié qu'il ne voulait
17 pas prendre les armes et qu'il s'apprêtait à tout rapporter à Slatina, à
18 dire tout ce qu'il savait à Slatina. Cependant, il a été tué alors qu'il
19 marchait vers Slatina. Donc voilà les faits et les chiffres, s'agissant de
20 la distribution d'armes et la participation de la JNA à l'armement des
21 unités paramilitaires.
22 Question: Comment savez-vous que ces armes ont été distribuées et à qui?
23 Réponse: Eh bien, il y a eu plusieurs témoins; des gens qui plus tard sont
24 revenus à Slatina, et ont dit que, pendant la nuit après l'arrivée du
25 convoi, une distribution d'armes massive a eu lieu. Jusqu'à ce moment-là,
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1 une partie des armes avait déjà… certaines armes avaient déjà été achetées
2 par les gens de la région et des distributions avaient déjà eu lieu, de la
3 part des officiers et des commandants qui avaient reçu les équipements
4 nécessaires pour organiser l'entraînement.
5 M. Milosevic (interprétation): Je vous ai demandé, je vous ai interrogé au
6 sujet d'événements précis, ce que la Serbie avait à voir avec ça. Je vous
7 demande maintenant quel est votre témoignage au sujet des événements dont
8 vous venez de parler. Qu'est-ce que la République de Serbie peut avoir à
9 faire avec tous ces événements?
10 M. le Président (interprétation): Ça, c'est une question qu'il nous
11 appartient de déterminer.
12 M. Milosevic (interprétation): Je demande au témoin…
13 M. le Président (interprétation): Vous avez déjà interrogé le témoin, il a
14 déjà répondu, il a identifié des Serbes.
15 Est-ce que les amici ont des questions?
16 M. Kay (interprétation): Dix minutes à peu près.
17 M. le Président (interprétation): Bien. Suspension: une demi-heure.
18 (L'audience, suspendue à 10 heures 55, est reprise à 11 heures 29.)
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay, vous avez la parole.
20 (Questions de l'amicus curiae, M. Kay, au témoin, M. Djuro Matovina.)
21 M. Kay (interprétation): Monsieur Matovina, je vais maintenant vous poser
22 quelques questions portant sur une partie de votre déposition, en ce qui
23 concerne plus particulièrement le 14 décembre 1991.
24 Vous avez dit que les Serbes avaient quitté votre région, votre région de
25 Slatina, de leur plein gré.
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1 M. Matovina (interprétation): Oui, allez-y.
2 Question: Qu'est-ce que vous vouliez dire par là? Est-ce que vous vouliez
3 parler de la population civile serbe?
4 Réponse: J'entendais la population serbe et les unités armées qui ont
5 quitté avec eux cette région et qui les avaient en fait forcés à les
6 suivre.
7 Question: Je voulais vous poser des questions à propos de la population
8 civile serbe. Vous voulez dire par là: des femmes, des enfants, des
9 familles qui quittaient leurs foyers?
10 Réponse: Oui, il s'agissait de gens qui se trouvaient sur les territoires
11 provisoirement, temporairement occupés. Là où les autorités croates
12 avaient exercé leur pouvoir, les gens sont majoritairement restés sur
13 place.
14 Question: Vous dites que ces Serbes se trouvaient sous occupation
15 temporaire. Vous voulez parler d'une occupation par des unités rebelles
16 serbes? Qu'est-ce que vous voulez dire exactement par là: occupation
17 temporaire?
18 Réponse: En effet, j'entends là le contrôle temporaire exercé par ces
19 unités serbes insurgées, qui avaient contrôlé donc ces territoires-là. Et
20 sur ces territoires, il ne s'était pas exercé de pouvoir croate, donc
21 aucune institution n'avait été détenue par les autorités croates à ce
22 moment-là.
23 Question: Ces gens, dans quelle direction sont-ils partis? Je parle ici de
24 nouveau de la population civile serbe.
25 Réponse: J'ai déjà dit qu'ils s'étaient dirigés vers Pakrac où,
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1 ultérieurement, il y a eu une zone protégée par l'ONU, le long de la route
2 Pozega-Pakrac jusqu'à Okucani et en direction de la Bosnie. Et une autre
3 partie est s'en est allée vers la Bosnie directement.
4 Question: Nous parlons de quel chiffre ici? Est-ce que vous avez trouvé
5 des données chiffrées qui nous préciseraient la quantité de personnes
6 civiles qui partaient?
7 Réponse: Je ne sais pas de quel chiffre il s'était agi, s'agissant des
8 personnes originaires de ces villages, mais je dirais que la majorité s'en
9 est allée.
10 Question: Nous allons maintenant examiner les documents dont la pièce 327,
11 intercalaire 13. Et plus exactement, les annexes 57 et 58.
12 Rappelez-vous, nous avons examiné les documents qui comportaient le nom ou
13 la signature de Munja. Vous avez dans votre déposition parlé d'un certain
14 Vukelic.
15 Est-ce que ces documents peuvent être soumis au témoin? Merci.
16 (Intervention de l'huissier.)
17 Réponse: Oui, il s'agit d'une liste des membres de ce Détachement de
18 Zvecevo, avec les noms, prénoms, grades, numéros d'immatriculation
19 militaire...
20 Question: Permettez-moi de vous interrompre. Il est inutile d'examiner
21 cette partie-là. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le document qui se trouve
22 à l'annexe 57. C'est le premier document où l'on trouve le nom et la
23 signature de Munja, ainsi qu'un cachet ou tampon. Il porte la date du 14
24 novembre 1991.
25 (Intervention de l'huissier.)
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1 Vous l'avez maintenant sous les yeux, je pense?
2 Réponse: Oui.
3 Question: On voit le chiffre 57 dans le coin supérieur droit. Je vois ce
4 nom, le nom de Munja. Mais vous, vous avez parlé d'un autre document dont
5 vous avez dit qu'il y avait une mention manuscrite apportée, avec le nom
6 de Vukelic.
7 Première chose: est-ce que vous, vous avez participé à l'enquête
8 diligentée sur cette question évoquée dans ces documents?
9 Réponse: Comme je l'ai déjà indiqué, il y avait là une vingtaine
10 d'employés qui sont intervenus. Ils ont étudié ces archives émanant du
11 commandement de cette Unité de Zvecevo; ils ont fourni ces rapports et ces
12 éléments de preuve au procureur public. Avec les entretiens, avec certains
13 membres des unités en question, il a été révélé le fait que, derrière ce
14 surnom de Munja, il y avait la personne de Vukelic Veljko; c'est ce qui a
15 été porté sur cette page.
16 Question: En interprétation, j'ai entendu qu'on utilisait le pronom
17 personnel au pluriel "nous", mais moi, je vous pose la question à vous,
18 personnellement. Est-ce que c'est une question qui a fait l'objet d'une
19 enquête dont vous étiez au courant et à laquelle vous avez participé?
20 Réponse: Oui, je suis l'un des participants à l'enquête qui a été conduite
21 et je suis au courant de celle-ci.
22 Question: Nous examinons toujours ce document en date du 14 novembre 1991,
23 document qui comporte la signature, et là où l'on trouve la signature de
24 Munja, on trouve aussi un cachet. Pourriez-vous nous dire ce qu'il
25 représente?
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1 Réponse: D'après ce que je puis voir, on voit "SAO Krajina, Slavonska
2 Pozega" et les autres parties du cachet ne sont pas si lisibles sur ce
3 cachet, mais je crois qu'il y a une inscription disant "République
4 socialiste de Yougoslavie". Et l'autre partie, je n'arrive pas à la
5 déchiffrer parce qu'il s'agit ici d'une photocopie.
6 Question: C'est un cachet officiel que vous reconnaissez ou qui vous est
7 connu?
8 Réponse: Ce cachet avait été en utilisation officielle sur les territoires
9 sous occupation temporaire. On peut le retrouver sur toute une série de
10 documents autres.
11 Question: Examinons maintenant le document repris à l'annexe... excusez-
12 moi, à la fin de l'annexe 58. Il porte la date du 5 novembre 1991. Et là,
13 on trouve cette mention manuscrite: "Vukelic est celui qui se dissimule
14 derrière Munja ou sous le nom de Munja.". Vous le voyez?
15 S'agissant de Vukelic, est-ce que vous avez un lien, un rapport quelconque
16 avec cet homme? Est-ce que vous le connaissez, par exemple?
17 Réponse: Je l'ai connu, en effet, alors qu'il avait occupé avant la guerre
18 les fonctions de secrétaire du comité à Slatina. Puis il avait été le
19 directeur du secrétariat chargé de la Défense nationale.
20 Question: Vous avez dit qu'il avait des liens très étroits avec la JNA et
21 vous l'avez accusé de collaborer avec les Serbes et de leur distribuer des
22 armes. D'où tenez-vous cette information? Pourquoi avez-vous tenu ces
23 propos?
24 Réponse: Non, je ne l'ai pas accusé d'avoir distribué quoi que ce soit.
25 J'avais parlé de la collaboration entre la JNA et le bureau ou le
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1 secrétariat chargé de la Défense nationale; j'avais dit que cette
2 coopération avait été étroite, quotidienne et qu'il s'était occupé de la
3 convocation des réservistes et des jeunes gens pour le service militaire.
4 Il s'est occupé de la formation militaire, de la tenue à jour des
5 registres militaires et de toutes les autres tâches qui sont effectuées
6 par ce secteur chargé de la défense et qui font partie des tâches civiles.
7 J'ai également dit que dans les premières journées du soulèvement, de
8 l'insurrection, il avait quitté ce territoire-là et était passé vers le
9 territoire qui était passé sous le contrôle des Serbes.
10 Question: Par conséquent, en matière de distribution d'armes, vous ne
11 dites rien contre cet homme, pour ce qui est du fait d'armer la population
12 locale; est-ce bien exact?
13 Réponse: J'avais dit de façon explicite qui avait armé la population et
14 comment cette distribution d'armes avait été faite. De là à savoir quelles
15 avaient été les fonctions réelles exercées par l'intéressé sur les
16 territoires insurgés, je ne peux pas en parler, je n'étais pas là-bas.
17 Mais partant des documents que nous avons ici, on peut voir qu'il avait
18 occupé des fonctions imminentes aux niveaux militaire et civil de ces
19 structures politiques.
20 Question: Je vous remercie. Passons à autre chose, plus exactement à la
21 question du 4 août 1991. Vous avez décrit le poste de police de Slatina,
22 vous avez dit que celui-ci avait été attaqué par la JNA. Cet événement
23 s'est produit à 23 heures, à peu près au moment où se fait la relève de la
24 police ou de l'équipe de police.
25 (Intervention de l'Huissier.)
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1 Dans le compte rendu d'audience, on nous dit que la JNA se trouvait à 50
2 kilomètres de distance; je ne sais pas si c'est exact ou pas, parce qu'on
3 a cité un autre chiffre. Pourriez-vous nous aider sur ce point?
4 Réponse: Il s'agit de 50 mètres et non pas de 50 kilomètres.
5 Question: Voilà, je n'avais pas d'autres questions sur ce point.
6 Une toute dernière question. Nous allons maintenant aborder la pièce 334,
7 intercalaire 6, 7 et 8.
8 (Intervention de l'Huissier.)
9 Il s'agit de trois rapports médicaux qui ont été présentés par votre
10 intermédiaire et qui font partie de vos dossiers d'enquête.
11 Intercalaire 6. On y trouve des détails concernant un individu qui a eu
12 des ecchymoses, des coupures constatées par le médecin; il s'agissait de
13 lésions corporelles. Est-ce bien exact?
14 Réponse: Oui, c'est exact. Il s'agit du policier Bozickovic Darko,
15 originaire de Vocin.
16 Question: Intercalaire 7. Le médecin a examiné ce patient-ci. Serait-il
17 exact de dire que le médecin n'a constaté aucune lésion, aucune blessure
18 au moment de cet examen?
19 Réponse: Ce citoyen avait demandé des soins médicaux et dans sa
20 déposition, il a précisé qu'il avait été tabassé à Vocin. Il a indiqué le
21 nom de ceux qui l'ont fait: Mile Bolic, appelé "Kristus", et un policier
22 qui a fui le poste de police de Slatina et qui a rejoint les rangs de la
23 police de Vocin, Goran Bjelobrk.
24 Question: Veuillez répondre à ma question, parce qu'ici, on dit: "Le type
25 de blessure ne peut être établi". C'est bien ce que dit le rapport, n'est-
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1 ce pas?
2 Réponse: Cette constatation figure ici, mais je sais personnellement que
3 ce citoyen a souffert de séquelles et il en souffre de nos jours encore.
4 Question: Intercalaire 8, il s'agit d'un autre patient examiné par le
5 médecin. Quand on voit le type de blessure, le rapport dit que "ce type de
6 blessure ne peut pas être établi vu le temps qui s'est écoulé depuis
7 l'événement". Est-ce bien exact?
8 Réponse: Oui, cela y figure. Toutefois, ce citoyen, Doric Kresimir -j'en
9 ai parlé hier-, est un chauffeur dans une entreprise à Slatina; il souffre
10 de séquelles durables suite à ces passages à tabac.
11 M. Kay (interprétation): Je vous remercie.
12 Je n'ai plus de question à vous poser, Monsieur le Témoin.
13 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff?
14 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Djuro Matovina, par
15 Mme Uertz-Retzlaff.)
16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Parlons de ces deux dernières
17 personnes, notamment d'Anton Simic. Quelles sont les séquelles durables
18 dont il souffre encore?
19 M. Matovina (interprétation): D'après ses dires -et c'est une personne que
20 j'ai contactée souvent-, il souffre de stress post-traumatique et il
21 semble souffrir de symptômes d'invalidité qui ne peuvent pas être
22 déterminés à 100%. Et je crois savoir qu'il avait demandé que l'on
23 établisse une documentation médicale pour déterminer les séquelles dont il
24 souffrait.
25 Question: En ce qui concerne Kresimir Doric?
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1 Réponse: Monsieur Doric, de même, s'était plaint à plusieurs reprises. Je
2 connais personnellement l'un et l'autre: l'un travaille à Slatina et je le
3 rencontre seulement un peu plus souvent.
4 Question: J'ai encore une question à vous poser. Vous avez parlé des
5 appels militaires, tels qu'ils se faisaient avant la guerre, ainsi qu'en
6 1990. J'aimerais un éclaircissement sur deux points à cet égard.
7 Lorsqu'il y avait appel ou convocation des réservistes au cours des années
8 qui ont précédé la guerre -ici, je ne parle pas de 1991-, est-ce que tous
9 ces réservistes étaient appelés indépendamment de leur origine ethnique?
10 Réponse: C'est exact. Avant la guerre, on faisait appel aux réservistes
11 autant serbes que croates, et aux membres des autres groupes ethniques.
12 Cela dépendait essentiellement de leur spécialité militaire, de leur
13 appartenance à telle ou telle autre unité, pour déterminer quelles étaient
14 les formations complémentaires à faire subir aux membres de ces unités.
15 Donc là, on ne faisait pas de distinction, on faisait appel aux uns et aux
16 autres.
17 Question: Et en 1991, est-ce qu'il y a une différence? Est-ce qu'on n'a
18 pas appelé tout le monde?
19 Réponse: En 1991, on a fait appel exclusivement aux Serbes, ceci par les
20 bons soins de la JNA. C'étaient les Serbes qui avaient déjà fait partie
21 des unités de ce que l'on avait désigné par Défense territoriale.
22 Question: Encore une question. Avant la guerre, en 1991, au cours des
23 années précédentes, lorsque l'entraînement, la formation était terminée,
24 que faisait-on des armes?
25 Réponse: Les armes restaient dans les entrepôts de la Défense territoriale
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1 et ces entrepôts-là se trouvaient dans l'enceinte des casernes. La JNA
2 exerçait un contrôle sur ces entrepôts. Avant la guerre, personne
3 n'emportait son arme chez lui et il en allait de même des équipements de
4 combat.
5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je n'ai plus de question à poser,
6 Monsieur le Président. Je vous remercie.
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Matovina, ceci met un terme à
8 votre déposition. Merci d'être venu en tant que témoin au Tribunal pénal
9 international. Vous pouvez désormais disposer.
10 M. Matovina (interprétation): Je vous remercie.
11 (Le témoin, M. Djuro Matovina, est reconduit hors du prétoire.)
12 (Questions relatives à la procédure.)
13 M. le Président (interprétation): Oui, nous allons appeler à la barre le
14 témoin suivant.
15 Monsieur Nice?
16 M. Nice (interprétation): Je crois qu'il faudra changer le siège pour
17 tenir compte de la situation du témoin. Il a besoin d'une chaise un peu
18 surélevée.
19 M. le Président (interprétation): Dans l'intervalle, jeudi, apparemment,
20 le prétoire est libre l'après-midi. Donc nous allons siéger l'après-midi
21 de jeudi également.
22 Est-ce que cela vous pose des problèmes, Monsieur Nice?
23 M. Nice (interprétation): Est-ce que je peux m'adresser à votre juriste
24 par la voie habituelle?
25 M. le Président (interprétation): S'il y a des difficultés, bien sûr, nous
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1 allons en être saisis. Mais, ceci mis à part, il faut essayer de pouvoir
2 entendre le plus grand nombre possible de témoins.
3 M. Nice (interprétation): Bien sûr.
4 M. le Président (interprétation): Combien de temps va durer la déposition
5 de ce témoin?
6 M. Nice (interprétation): Deux séances pour l'interrogatoire principal.
7 Puis-je aborder quelques questions d'intendance?
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Kay veut intervenir.
9 M. Kay (interprétation): Désolé de vous interrompre, mais la question des
10 heures d'audience, je pense que ceci préoccupe l'accusé.
11 En l'espace d'une demi-journée, lorsque nous siégeons de 13 heures à 13
12 heures 45, l'accusé a plus de temps libre, ce qui lui permet de mieux se
13 préparer à sa défense. Et il a aussi, si vous voulez, un certain répit des
14 rigueurs de l'audience. Alors que si l'audience dure toute la journée, il
15 a moins de temps pour avoir des interruptions qui lui sont personnelles,
16 par exemple pour aller prendre l'air un peu. Et ceci étant, une journée
17 entière, vu son état de santé, n'est pas à préconiser.
18 M. le Président (interprétation): Oui, nous avons tenu ceci à l'esprit,
19 mais nous n'allons pas siéger ni vendredi ni le lundi d'après, ce qui
20 revient à dire que ceci, en fait, est à l'aube de ses vacances.
21 M. Kay (interprétation): J'ai simplement fait valoir l'argument de
22 l'accusé.
23 M. le Président (interprétation): En règle générale, nous tenons compte de
24 ces difficultés lorsque nous décidons de siéger l'après-midi; c'est une
25 des questions que nous devons garder à l'esprit et nous le ferons
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1 d'ailleurs à l'arrière aussi. Mais, comme je vous l'ai dit, nous sommes
2 bientôt au moment d'une pause, le problème est donc moins urgent.
3 Pour ce qui est de ce que dit M. Nice, nous allons étudier la question en
4 temps utile pour tenir compte de ce que vous avez dit.
5 M. Kay (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, il y a autre chose, le
7 Greffe vient de m'en informer. Apparemment, l'accusé aura quelque
8 difficulté; il doit rencontrer ses associés juridiques au Tribunal, je
9 suppose au cours d'un de ces après-midi. Nous allons peut-être rendre une
10 ordonnance pour l'autoriser à le faire après l'audience ou au cours de la
11 journée.
12 M. Nice (interprétation): En attendant l'arrivée du témoin, parlons des
13 cartes. Nous avons commandé ces atlas, je suppose, en suffisamment
14 d'exemplaires pour répondre aux besoins de tout un chacun. Nous allons
15 peut-être attribuer une cote provisoire à cet atlas, et puis, lorsque nous
16 aurons les copies suffisantes, cette cote deviendra permanente.
17 (Le témoin, M. Nikola Samardzic, est introduit dans le prétoire.)
18 M. le Président (interprétation): Oui. Est-ce que vous pouvez veiller à ce
19 qu'il y en ait suffisamment pour la Chambre et son personnel?
20 M. Nice (interprétation): Nous avons commandé dix exemplaires. En effet,
21 je me suis rendu compte que le Monténégro n'y est pas repris, dans cet
22 atlas; ce n'est pas très utile. Et puis, j'ai quelques autres cartes en un
23 seul exemplaire pour peut-être avoir la même démarche.
24 M. le Président (interprétation): Une cote, pour le moment?
25 Mme Anoya (interprétation): Il s'agira de la pièce de l'accusation 336.
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1 M. Nice (interprétation): Merci.
2 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de prononcer
3 sa déclaration solennelle. Le témoin n'a pas besoin de se lever.
4 M. Samardzic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 (Interrogatoire principal du témoin, M. Nikola Samardzic, par M. Nice.)
7 M. Nice (interprétation): Monsieur, veuillez décliner votre identité.
8 M. Samardzic (interprétation): Nikola Samardzic.
9 M. Nice (interprétation): Monsieur Samardzic parle plusieurs langues dont
10 l'anglais, Messieurs les Juges, mais nous avons estimé, vu les
11 circonstances, qu'il était préférable de déposer, en tout cas pour
12 l'essentiel de sa déposition, dans la langue maternelle.
13 Nous allons peut-être utilement parler de certains éléments de géographie
14 sans plus tarder. Il y a deux cartes supplémentaires, dont nous allons
15 obtenir suffisamment d'exemplaires pour en faire une pièce permanente. Je
16 vais peut-être demander qu'il y ait octroi d'une cote temporaire et que
17 ces cartes se retrouvent dans le dossier des cartes.
18 Mme Anoya (interprétation): Je pense qu'il s'agit de la pièce 333.
19 M. Nice (interprétation): Oui, apparemment, ceci a déjà été mentionné.
20 M. le Président (interprétation): Vous parlez de ce classeur. Est-ce qu'il
21 n'a pas déjà reçu une cote? La pièce 326.
22 M. Nice (interprétation): Nous allons peut-être poser la pièce 323.
23 Mme Anoya (interprétation): C'est la pièce de l'accusation 333.
24 M. Nice (interprétation): Nous voyons cette partie de la côte comprise
25 entre Dubrovnik et un autre point plus au sud.
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1 Monsieur Samardzic, nous voyons cette partie de la côte de l'ex-
2 Yougoslavie qui s'étend de Dubrovnik. Plus au sud, nous voyons la ville ou
3 le village de Igalo. On ne voit pas la baie de Kotor. Les indications ne
4 sont pas très claires sur cette carte -c'est pour cela d'ailleurs que nous
5 allons avoir une carte plus claire-, mais nous voyons qu'il y a une
6 frontière entre la Croatie et le Monténégro. Bien sûr, il y a Cavtat et
7 Dubrovnik sur le territoire Croate et, apparemment, ceci va par la baie de
8 Kotor, n'est-ce pas? Enfin, la frontière traverse la bouche de la baie de
9 Kotor?
10 M. Samardzic (interprétation): La moitié, la partie médiane de l'entrée
11 dans la baie de Kotor.
12 M. Nice (interprétation): Nous allons peut-être remonter pour voir
13 davantage de la carte. Vous voyez que cette côte du Monténégro descend
14 vers le sud-est et puis, on a Podgorica, connue sous le nom de Titograd;
15 l'ancienne capitale de Cetinje. Et puis, au sud, on voit Bar, une ville ou
16 un village qui est indiqué par ce bout bleu.
17 M. le Président (interprétation): Est-ce une carte des municipalités ou
18 est-ce une autre carte?
19 M. Nice (interprétation): C'est une autre carte, produite hier, je pense.
20 M. le Président (interprétation): Je voudrais pouvoir obtenir les cartes
21 dans le bon ordre, qu'on nous montre la carte des municipalités.
22 Apparemment, maintenant vous faites état d'une carte qui contient
23 davantage d'éléments que les éléments que nous avons dans l'autre cas, des
24 municipalités.
25 M. Nice (interprétation): C'est exact. Et je crois comprendre que cette
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1 carte est déjà versée au dossier. Je voudrais que vous ayez davantage de
2 détails que ce qui se trouve dans la carte des municipalités, pour des
3 raisons qui apparaîtront au cours de la déposition.
4 M. le Président (interprétation): Cette nouvelle carte va contenir le
5 Monténégro?
6 M. Nice (interprétation): Seulement une partie du Monténégro,
7 malheureusement. Suffisamment pour que vous compreniez, Messieurs les
8 Juges.
9 M. le Président (interprétation): Fort bien.
10 M. Nice (interprétation): Ne vous préoccupez pas de ceci. Ce serait utile
11 d'examiner cette carte pour expliquer les données géographiques aux Juges.
12 Ici, nous avons une carte pour laquelle nous allons demander une cote
13 provisoire puisque nous n'avons pas suffisamment d'exemplaires; une fois
14 que nous en aurons, nous pourrons en avoir une copie définitive. Pendant
15 que ceci vous est soumis, je vous pose une question à propos de la baie de
16 Kotor -c'est comme ça comme l'appelle, n'est-ce pas?- mais en fait c'est
17 un élément géographique tout à fait frappant. Quelquefois, on le décrit
18 sous le nom de "fjord" parce que ce lieu ressemble à un fjord norvégien,
19 qu'il présente la même configuration.
20 C'est vraiment une vue spectaculaire et une avancée tout à fait
21 spectaculaire dans les montagnes, dans le massif montagneux, ce qu'on
22 appelle "la montagne noire du Monténégro", est-ce exact?
23 M. Samardzic (interprétation): Oui, c'est exact. Cette baie de Kotor est
24 cernée de grandes montagnes, notamment Orjen et Lovcen qui sont des
25 montagnes qui font quelque 2.000 mètres d'altitude; c'est très abrupt au-
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1 dessus de la mer. Cela ressemble effectivement aux fjords norvégiens; vous
2 avez raison.
3 M. Nice (interprétation): Nous allons légèrement déplacer la carte vers la
4 gauche et, plus tard, je vais vous poser des questions à propos. Mais,
5 pour le moment, disons ceci: sur la gauche, tout à fait à la gauche de
6 cette carte, on voit une péninsule, n'est-ce pas?
7 Pourriez-vous nous l'indiquer sur le rétroprojecteur? Monsieur l'Huissier
8 va vous aider à le faire. Prenez le pointeur et indiquez-nous sur le
9 rétroprojecteur… Pas sur l'écran, Monsieur. Sur le rétroprojecteur…
10 Réponse: Oui, ici.
11 Question: On voit une péninsule: c'est quelle péninsule?
12 Réponse: Cette péninsule s'appelle Prevlaka. Il y a un pic qu'on appelle
13 le "Pic abrupt", "Ostri Rt".
14 Question: Nous allons revenir à cette péninsule. On voit qu'elle clôt la
15 baie de Kotor, autre élément géographique.
16 Prenons votre vie: vous êtes né à Ledenice, en 1935. Or Ledenice -et c'est
17 classique pour une carte-, on voit que Ledenice se trouve sur une partie
18 du nord-ouest, celle qu'on ne trouve pas, qu'on ne voit pas sur la carte;
19 elle est coupée. C'est là que vous êtes né et que vous avez grandi.
20 Je vais poser quelques questions qui guident le témoin sur ce point.
21 En 1982, vous avez été nommé représentant de la Chambre yougoslave de
22 commerce en Australie. Vous avez ouvert un bureau à Sidney en juin 1983.
23 Cinq ans plus tard, vous vous êtes installé à Brisbane; et là, vous avez
24 préparé la contribution de la Yougoslavie à l'Exposition mondiale de 1988
25 et, à la fin de cette année-là, vous êtes entré au Monténégro.
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1 Ceci ne se trouve pas dans le résumé, mais je précise que vous êtes devenu
2 parlementaire du Parlement monténégrin et, en juillet 1990, vous avez été
3 élu au poste de représentant monténégrin auprès de la Chambre fédérale des
4 Républiques, puisque chaque République choisissait, sélectionnait son
5 représentant, qui allait devenir membre de cette Chambre fédérale.
6 Vous connaissez plusieurs langues: le russe, l'espagnol, l'italien,
7 l'anglais et, pour d'autres raisons, vous avez été dès lors nommé ministre
8 des Affaires étrangères du Monténégro, le 16 février 1991.
9 Vous avez démissionné de ce poste le 26 mai 1992 puisque, officiellement,
10 vous avez été remplacé au Parlement à ce poste le 31 juillet 1992.
11 Est-ce que ce récit de votre vie et de vos activités correspond à la
12 réalité?
13 Réponse: Tout au fait, tout à fait. Mais ce n'est pas toute ma biographie,
14 mais l'essentiel se trouvent résumé là, oui.
15 Question: Je comprends bien que tout n'a pas été dit.
16 L'autre chose qui risque d'apparaître au cours de votre déposition, c'est
17 qu'au départ, vous étiez un capitaine. Vous étiez un marin, vous êtes
18 devenu capitaine, et à un moment donné, vous êtes devenu directeur d'une
19 grande entreprise de transport maritime en ex-Yougoslavie. Vous pourrez
20 nous en parler davantage et vous pourrez parler de vos réussites
21 commerciales et du fait que cette entreprise a été reprise par d'autres.
22 Pour autant, bien sûr, qu'on vous pose des questions à ce propos.
23 (Le témoin acquiesce de la tête.)
24 Si ce que je dis est exact, nous pouvons passer à autre chose.
25 Réponse: Oui, oui.
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1 Question: Je vais vous demander maintenant d'aborder rapidement quelques
2 sujets…
3 Réponse: C'est cela.
4 Question: …avant d'arriver au cœur même de votre déposition, à la partie
5 centrale de celui-ci.
6 Vous avez participé au Gouvernement du Monténégro, mais aussi au
7 Gouvernement républicain. Vous étiez au centre de ces institutions et il
8 se peut que vous ayez eu vent de certaines informations émanant de
9 diverses sources, au fil du temps. Je vais vous demander d'aider les Juges
10 sur plusieurs points et, ce faisant, dans la mesure du possible, vous
11 allez préciser quelles sont vos sources, d'où vous tenez ces
12 connaissances, si c'est quelque chose que vous avez vu ou entendu vous-
13 même ou si c'est quelque chose qui relève de l'ouï-dire, venant d'une ou
14 de plusieurs personnes, ou si c'est simplement des choses que vous avez
15 apprises dans l'exercice de vos fonctions gouvernementales.
16 M'avez-vous compris?
17 Réponse: Oui, les choses sont tout à fait claires.
18 Question: Première chose, je pense que vous pourrez d'abord nous aider sur
19 quelque chose d'assez bref. Comment qualifiait-on les Croates? Quelle
20 était la qualification négative qu'on leur donnait quand on prétendait
21 qu'il y avait des rapports entre eux et un passé fasciste? Quand et où
22 êtes-vous devenu au courant de cette qualification qu'on connaît, qu'on
23 donnait aux Croates et qui vous dérangeait?
24 Réponse: Eh bien, les traces de la Deuxième Guerre mondiale sont restées
25 présentes sur le territoire de la Yougoslavie tout entière, là où il y a
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1 eu une guerre fratricide et où cette Croatie oustachi avait commis bon
2 nombre de crimes à l'égard du peuple serbe en Croatie et en Bosnie. Mais
3 en même temps, les Chetniks de Draza Mihajlovic ont commis tout autant de
4 crimes.
5 Question: Je vais vous interrompre lorsque vous vous écartez de la
6 question. J'espère que vous comprendrez que je ne le fais pas par manque
7 de respect du tout.
8 Réponse: D'accord.
9 Question: Dites-nous simplement, et nous parlons ici d'une histoire
10 contemporaine, assez récente, à quel moment vous avez été perturbé par la
11 façon dont on caractérisait les Croates, notamment en faisant référence à
12 leur passé?
13 Réponse: Eh bien, cela m'a notamment préoccupé à mon retour d'Australie en
14 1989, vers le début de cette année. Et avec "la révolution anti-
15 bureaucratique", que l'on désignait comme telle, au Monténégro, en janvier
16 1990, et je dirais que cela c'était déjà manifesté pendant la mission que
17 j'avais accompli en Australie, durant les années 80, bon nombre de gens
18 avaient jugé que les Croates dans leur ensemble étaient oustachis.
19 Toutefois, je n'ai jamais pu être d'accord avec une assertion de ce genre.
20 Question: D'après l'expérience que vous avez acquise, la façon dont on
21 présentait les Croates, en disant d'eux qu'ils étaient des Oustachis, est-
22 ce que cela était en rapport quelconque avec un objectif politique de la
23 part de ceux qui les qualifiaient de la sorte?
24 Réponse: En effet, il y avait un mouvement politique autre que l'on
25 identifiait et l'autre mouvement visait à la mise en place d'une Grande
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1 Serbie pour redresser les torts qui avaient été commis à l'égard du peuple
2 serbe, et cette conception-là à l'égard des Croates était réchauffée et
3 ravivée au fur et à mesure que la crise yougoslave s'intensifiait.
4 Question: Quelques mots à propos de quelque chose que vous avez déjà
5 effleuré, à savoir cette révolution anti-bureaucratique.
6 Essayez, en l'espace de quelques phrases, de nous dire comment ceci vous a
7 frappé, ce que cela représentait, ce à quoi cela se résumait.
8 Réponse: Vers la fin des années 80, notamment après ce que l'on entendait
9 par la 8eSession du comité central de la Ligue des communistes de
10 Yougoslavie, Slobodan Milosevic avait été agréé par toutes les forces
11 nationalistes en Serbie et au Monténégro en grande partie, de même qu'en
12 Bosnie-Herzégovine, en sa qualité de grand leader de chef pour la mise en
13 place d'une Grande Serbie.
14 Ce mouvement ne s'est pas créé du jour au lendemain, cela s'est effectué
15 au fur et à mesure de l'évolution de la crise et c'est ce qui a contribué
16 à la désintégration de la Yougoslavie.
17 Ce mouvement avait pris des formes variées. Cela a commencé avec des
18 manifestations d'abord dans les rues et on avait désigné cela par
19 "révolution anti-bureaucratique". Puis, ensuite, on a modifié les
20 autorités de la Vojvodine et du Kosovo; on a pratiquement supprimé les
21 autonomies de ces deux provinces en Serbie et on a procédé de façon
22 analogue, par la suite, pour le Monténégro.
23 Pour ce qui est du Monténégro, la différence a consisté dans le fait qu'on
24 avait mis à profit le mécontentement des ouvriers et on avait présenté
25 cela comme étant des manifestations sociales, alors que cela avait été en
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1 fait un putsch politique.
2 On a remplacé la direction politique et la tentative de cette révolution
3 anti-bureaucratique et l'avènement du peuple, ainsi appelé, on avait
4 essayé de les répercuter en Bosnie et en Croatie, et en Slovénie tout
5 autant, et on n'a pas réussi.
6 Question: J'aimerais maintenant vous amener à parler d'un sujet bien
7 particulier, un meeting organisé à Podgorica au Monténégro, le 10 janvier
8 1989. Pouvez-vous nous en parler, en une phrase à peu près?
9 Réponse: Les groupes déjà organisés, qui n'étaient pas originaires
10 seulement de Podgorica et du Monténégro, mais de Serbie également avec des
11 éléments chetniks provenant du Monténégro, avaient mis à profit le
12 mécontentement des ouvriers, notamment le mécontentement d'une grande
13 entreprise qui s'appelait "Radoje Dakic".
14 Ils ont organisé de grandes manifestations à Podgorica. Plus de 100.000
15 personnes se sont rassemblées et avaient exigé la révocation de la
16 direction du Monténégro. Cette direction a présenté des démissions. Et il
17 s'est fait l'avènement d'une ère nouvelle au Monténégro; c'est ce que l'on
18 avait désigné par "révolution anti-bureaucratique", alors que cela n'avait
19 rien à voir avec de l'anti-bureaucratie. Cela avait été en fait organisé
20 par des éléments originaires de Belgrade et par des gens qui étaient
21 également originaires du Monténégro.
22 Question: J'aimerais maintenant que nous parlions de l'apparition sur la
23 scène de deux jeunes gens, très jeunes, si l'on pense aux postes qu'ils
24 ont occupés désormais, je veux parler de Momir Bulatovic et de Milo
25 Djukanovic.
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1 Quelques phrases, s'il vous plaît, au sujet de leur apparition sur le
2 devant de la scène.
3 Réponse: Momir Bulatovic avait été un assistant d'un professeur à
4 l'université de Podgorica. Et, pour autant que je m'en souvienne, il avait
5 été secrétaire du comité de la Ligue des communistes à l'université. Il
6 est participant à cette révolution anti-bureaucratique. Nous pouvons voir
7 cela dans les enregistrements vidéo et dans tout ce qui a été enregistré
8 depuis l'époque.
9 Alors que Milo Djukanovic n'a pas pris part à ces événements: il avait été
10 favorable à la voie nouvelle tracée par M. Milosevic. Et il avait été
11 membre du comité central de cette Ligue des communistes de la grande
12 Yougoslavie de l'époque. Il avait pris part au dialogue avec les membres
13 du comité central de Croatie et il a certainement été remarqué par M.
14 Milosevic comme étant un cadre de qualité. Ce sont deux jeunes gens qui
15 ont, de façon évidente, été exploités dans cette révolution anti-
16 bureaucratique au cours de laquelle -et je me dois de le dire, étant donné
17 le nombre d'années qui se sont écoulées- Milo Djukanovic a compris entre-
18 temps l'erreur qu'il a commise; et il s'est retourné contre la politique
19 de M. Milosevic. Et, de nos jours, il conduit une politique tout à fait
20 contraire à celle de Slobodan Milosevic; mais, à l'époque, il avait été
21 l'un de ceux qui l'avaient suivi.
22 Question: Donc, pendant la période où ces deux hommes sont arrivés au
23 poste de Président et de Premier ministre, puisque cela ne figure pas
24 encore au compte rendu d'audience, j'aimerais que vous nous donniez une
25 idée de l'âge qui était le leur à l'époque où ils ont pris leurs
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1 fonctions, s'il vous plaît?
2 Réponse: Eh bien, Milo Djukanovic est né en 1962. Et lorsqu'il est devenu
3 Premier ministre, il avait 28 ans. Momir Bulatovic est quelque peu plus
4 âgé; je crois qu'il est de cinq ou six ans son aîné. Je ne sais pas au
5 juste.
6 Ils ont pris des fonctions, non pas tout de suite après le 10 janvier,
7 mais ils se sont emparés des "vraies" fonctions, des "bonnes" fonctions
8 avec les élections, vers la fin de cette même année; donc pas en janvier
9 mais en décembre de l'année 1989. C'est donc vers cette période-là que le
10 Monténégro a eu de véritables élections parlementaires avec plusieurs
11 partis qui y ont pris part. Et le Parti de la Ligue des communistes
12 existait encore. Ils ont gagné donc sur cette liste-là, sur cette liste
13 électorale-là. Et l'Assemblée, le Parlement pluripartite les a élus à ces
14 fonctions: l'un a été élu Président de la présidence...
15 M. Nice (interprétation): Merci, merci. Vous avez déjà parlé de la Grande
16 Serbie. J'aimerais à présent que l'on soumette au témoin la pièce à
17 conviction 326, intercalaire 3.
18 (Intervention de l'huissier.)
19 Monsieur l'Huissier, je vous prie. Si cela convient à tout le monde, que
20 le témoin utilise notre carte; cela ira plus vite. C'est donc une carte
21 géographique.
22 Monsieur le Témoin, nous avons entendu d'autres témoins s'exprimer sur le
23 même sujet, mais j'aimerais maintenant que nous sachions ce que vous
24 pensez de cette ligne que l'on voit tracée sur la carte, et de sa
25 signification eu égard au conflit dont nous discutons ici.
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1 Réponse: Ici, nous voyons une ligne allant de Karlobag jusqu'à Virovitica.
2 Et, selon le mouvement nationaliste qui s'est développé vers la fin de
3 l'année 1989 et tout au début de l'année 1990, l'objectif avait été de
4 mettre en place une Grande Serbie.
5 On avait expliqué cela de façons variées: sauvegarder la Yougoslavie,
6 préserver la Serbie; et certains étaient favorables au fait de passer
7 outre cette ligne, certains voulaient s'arrêter là, mais, d'une manière
8 générale, c'est la ligne du chauvinisme "grand serbe". Ils voulaient faire
9 partie de la Grande Serbie: donc la Bosnie, une grande partie de la
10 Croatie et le Monténégro. A l'époque, on avait également estimé que la
11 Macédoine devait également en faire partie.
12 Question: Lorsque vous dites que c'était un sujet de discussion, je vous
13 demande dans quelle mesure ce sujet était un sujet de débat public? Qui
14 parlait de cela parmi les représentants politiques ou les interlocuteurs?
15 Réponse: Eh bien, de cette création de la Grande Serbie, il en avait été
16 question, tant parmi les hommes politiques que parmi les gens ordinaires.
17 A l'époque de la révolution anti-bureaucratique, tant en Serbie qu'en
18 Vojvodine, au Monténégro et ailleurs, et au Kosovo. Ont pris part à ces
19 débats les hommes politiques, les intervenants dans le domaine de la
20 culture et les gens ordinaires.
21 Donc cette ligne de Karlobag à Virovitica et la mise en place d'une Grande
22 Serbie, ainsi que le slogan "Tous les Serbes dans un même Etat", cela
23 avait été une idéologie fasciste, mais qui était devenue omniprésente.
24 Si vous me demandez de savoir d'où cela venait, cela venait de Slobodan
25 Milosevic qui s'était fait leader de ce mouvement. Tous les partis
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1 nationalistes de la Serbie, y compris l'église orthodoxe, avaient accepté
2 cet homme-là pour leader aux fins de mettre en place un Etat de la sorte.
3 M. Nice (interprétation): Merci. J'aimerais maintenant que nous parlions
4 d'un autre sujet: à savoir les relations unissant l'accusé et d'autres
5 membres de la présidence fédérale.
6 Sur ce sujet, je vous demanderai de bien vouloir d'abord nous expliquer en
7 termes généraux, expliquer en termes généraux à l'intention de la Chambre,
8 quelles sont les sources de votre savoir, c'est-à-dire sur quoi vous vous
9 appuyez, ce qui vous permet de parler des rapports unissant l'accusé aux
10 autres membres de la présidence?
11 M. Samardzic (interprétation): A l'époque, avant le démantèlement de la
12 Yougoslavie, il y avait huit membres de la présidence, à savoir un
13 représentant de six Républiques et deux représentants originaires des
14 provinces autonomes.
15 Au cours de ce démantèlement, de cette désintégration, quatre membres de
16 la présidence se sont complètement alignés sur la politique de Slobodan
17 Milosevic; il s'agissait des représentants de la Serbie, de la Vojvodine,
18 du Kosovo...
19 M. le Président (interprétation): Monsieur Samardzic, je me vois contraint
20 de vous interrompre un instant. Je vous demanderai, si vous le voulez
21 bien, de vous contenter de répondre à la question, à savoir quelles sont
22 les sources d'information dont vous disposez sur ce sujet? Ce que nous
23 avons besoin d'apprendre, c'est ce qui vous permet de témoigner sur ce
24 sujet particulier.
25 M. Samardzic (interprétation): Eh bien, les sources…, mes sources sont
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1 variées. Tout d'abord, si vous le voulez bien, il y a Slobodan Mil…
2 M. le Président (interprétation): Etiez-vous présent avec lui? L'avez-vous
3 rencontré, ce genre de chose?
4 Monsieur Nice, peut-être pourriez-vous préciser votre question?
5 M. Nice (interprétation): Oui, oui, Monsieur le Président.
6 Monsieur le Témoin, voyez-vous, nous avons besoin d'entendre ce que vous
7 direz suite à votre participation à certains événements, donc des choses
8 que vous avez vues, entendues… Ou alors, si vous avez parlé avec
9 quelqu'un, il faut que vous disiez qui est la personne avec qui vous avez
10 parlé et encore que vous disiez également si vous faites des déductions.
11 C'est un peu difficile de relater les choses de cette façon lorsqu'on a
12 été au cœur des événements mais, si vous le pouvez, je vous demanderai de
13 bien vouloir préciser comment il se fait que vous pouvez parler des
14 rapports entretenus par l'accusé et les autres membres de la présidence
15 fédérale?
16 M. Samardzic (interprétation): Quatre membres de la présidence dont j'ai
17 fait mention tout à l'heure s'alignaient complètement sur ce que disait et
18 sur ce que voulait M. Milosevic. On pouvait le voir à partir de la presse,
19 de la télévision…
20 M. le Président (interprétation): Essayons de reprendre.
21 M. Nice (interprétation): Oui, Monsieur le Témoin, mais cela correspond à
22 des choses que nous avons apprises par ailleurs. Monsieur Samardzic,
23 j'aimerais que vous nous disiez ce qui vous permet de parler, de commenter
24 le détail des choses. Quels sont les hommes que vous connaissiez et quels
25 étaient les rapports entre eux et l'accusé?
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1 M. Samardzic (interprétation): Bien entendu, à l'époque, j'étais ministre
2 honoraire du Monténégro et j'avais la possibilité d'apprendre des choses,
3 d'entendre de la bouche de Momir Bulatovic et de Branko Kostic, de Jovic,
4 de Bajramovic, ce qu'ils disaient. Donc c'était complètement sur la ligne
5 de ce que demandait Slobodan Milosevic, et eux ne faisaient que répondre à
6 ses souhaits.
7 Et ensuite, pour ce qui est des événements à La Haye...
8 Question: Bien, merci. Nous parlerons des événements de La Haye un peu
9 plus tard. Mais s'agissant de ce que M. Bulatovic vous a dit lui-même, je
10 vous demande si ce qu'il vous a dit, il vous l'a dit une seule fois ou si,
11 par hasard, il vous l'aurait redit à plusieurs reprises. Et si oui, à
12 quelle fréquence vous l'a-t-il dit?
13 Réponse: Cela arrivait à l'occasion de conversations spontanées, lorsque
14 nous soulevions des questions variées. Et à chaque fois, l'on avait à
15 l'esprit le fait que ces quatre membres-là de la présidence se
16 comportaient de façon tout à fait conforme aux souhaits de Slobodan
17 Milosevic. Alors, de là à pouvoir vous dire de quelle date il s'était agi,
18 je ne pourrais le faire, mais cela s'est fait à plusieurs reprises. Donc
19 mes connaissances n'émanent pas seulement de ce que j'ai entendu dire de
20 la bouche de Momir Bulatovic, mais cela provient également des
21 comportements à l'occasion, par exemple, des rencontres avec Kostic, avec
22 leur comportement à La Haye. Donc cela montrait bien qu'il s'agissait des
23 quatre…
24 Question: Bien. Bien, nous aborderons cette partie de votre déposition en
25 temps utile; je veux parler des événements de La Haye. Mais pour le
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1 moment, je m'efforce de mener cette déposition dans l'ordre chronologique.
2 Alors, pourrions-nous parler maintenant de Nenad Bucin et de ce qui lui
3 est arrivé? Quelles étaient les fonctions de cet homme, à une certaine
4 époque?
5 Réponse: Il avait été, à l'époque de la Yougoslavie socialiste, à des
6 fonctions éminentes au Monténégro. Et au moment de la "révolution anti-
7 bureaucratique", il s'était aligné de façon évidente sur la politique de
8 Slobodan Milosevic. Mais en même temps et d'après moi, parce que je l'ai
9 connu personnellement –nous sommes originaires de la même région-, c'était
10 un homme honnête et il avait foi en ce que disait Slobodan Milosevic. Et
11 lorsque, dans une des crises, Milosevic avait exigé des quatre membres de
12 la présidence qui étaient les siens de démissionner, ils avaient
13 démissionné de la présidence. Et lorsqu'une fois de plus, Slobodan
14 Milosevic leur avait demandé de retourner à la présidence, Bucin a refusé.
15 Il avait conservé sa dignité et il a dit: "J'ai démissionné et je n'y
16 retournerai pas.". Donc à ce moment-là, il avait désobéi à Slobodan
17 Milosevic et depuis...
18 Question: Une seconde! Une seconde. Vous venez de dire deux choses au
19 sujet de ce qu'a fait l'accusé lorsqu'il a exigé d'une part la démission,
20 et d'autre part la reprise de fonction. Quelle est la source d'information
21 qui est la vôtre dans ces deux éléments de votre déposition? Quelqu'un
22 vous a-t-il dit cela ou avez-vous assisté, avez-vous pu constater cela
23 d'une façon ou d'une autre? L'avez-vous entendu dire? L'avez-vous conclu?
24 Réponse: Je ne l'ai ni vu ni conclu; c'est ce que j'ai entendu dire de la
25 part…, de la bouche des dirigeants monténégrins, notamment de la bouche de
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1 Momir. J'ai donc appris que Slobodan avait demandé leur démission et puis
2 que, par la suite, il leur avait demandé de retourner. Ils ont tous obéi,
3 sauf Bucin qui a refusé de retourner.
4 Question: Branko Kostic a, par la suite, occupé certaines fonctions à la
5 présidence. Selon la Constitution monténégrine, sur les instructions de
6 qui était-il censé agir dans ce rôle qui était le sien à la présidence
7 fédérale?
8 Réponse: Je dirai tout de suite que Kostic a remplacé Bucin, étant donné
9 que Bucin ne voulait plus exercer ses fonctions. Et en sa qualité d'homme
10 devenu ultra nationaliste et grand Serbe, quoique Monténégrin, il a été
11 placé ou nommé aux fonctions de président de la présidence.
12 A l'époque, dans cette présidence de la Yougoslavie, il était censé
13 recevoir des instructions de la part du Parlement. En sa qualité de membre
14 de la présidence, il était censé recevoir ses instructions de la part du
15 Parlement du Monténégro; c'est donc ce que prévoyait la Constitution. Les
16 Constitutions des autres Républiques et provinces disaient la même chose
17 pour ce qui était de leurs représentants au sein de la présidence de la
18 Yougoslavie.
19 Question: Je vous interroge à présent sur la base de ce que vous savez de
20 ce qui se passait à l'époque au parlement monténégrin. Alors, dans la
21 réalité, a-t-il effectivement appliqué les décisions du Parlement?
22 Réponse: Non, il n'est jamais venu au Parlement monténégrin pour soumettre
23 un rapport ou recevoir des instructions de l'assemblée. Ce qu'il faisait,
24 il le faisait sur ordre de Belgrade et, pour être plus précis, sur ordre
25 de M. Milosevic. C'est de cette façon qu'il a opéré. Il venait à Titograd
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1 ou Podgorica, comme vous voudrez, chaque fois qu'il fallait améliorer les
2 choses. Chaque fois, par exemple, qu'une décision du Parlement était
3 appliquée, qui ne correspondait pas tout à fait à ce que voulait Belgrade.
4 M. Nice (interprétation): J'aimerais que nous parlions d'un détail relatif
5 à cet homme, Kostic. Un incident est-il survenu dans le village de Borovo
6 Selo, en mai 1991, incident au cours duquel un ou plusieurs policiers
7 croates ont été tués?
8 M. Samardzic (interprétation): Oui. Des policiers croates ont été tués ce
9 jour-là et, selon moi -en tout cas, c'est ma conviction profonde-, c'est
10 cet incident qui a marqué le début de la guerre fratricide en Yougoslavie,
11 avec l'apparition des formations paramilitaires organisées par la JNA.
12 Tout a commencé avec la tuerie de ces policiers qui représentaient le
13 nouveau pouvoir.
14 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, pouvez-vous poser des
15 questions pertinentes, je vous prie?
16 M. Nice (interprétation): Kostic a-t-il semblé avoir un point de vue
17 particulier par rapport à ces meurtres? L'a-t-il fait et, si oui, comment
18 l'avez-vous appris? Dans quelles conditions avez-vous appris sa position à
19 cet égard?
20 M. Samardzic (interprétation): C'était à la télévision. Il est venu rendre
21 visite aux formations paramilitaires qui avaient tué ces policiers. En
22 fait, il est venu les encourager, mais il n'est pas allé rendre visite aux
23 familles des victimes. En tant que membre de la présidence, il avait pour
24 tâche d'aller rendre visite aux victimes parce qu'il représentait la
25 République du Monténégro, mais également la Yougoslavie en tant que membre
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1 de la présidence.
2 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?
3 M. Milosevic (interprétation): Il y a quelques jours, Monsieur May, vous
4 avez dit que les témoins ne devaient parler que d'événements auxquels ils
5 avaient participé en personne ou de choses qu'ils avaient vues de leurs
6 yeux. Or le témoin que nous entendons ici parle de choses qu'il a apprises
7 dans les journaux ou d'informations qu'il a reçues suite à des
8 conversations avec diverses personnes...
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, je vais vous
10 interrompre. Il peut témoigner au sujet de conversations auxquelles il a
11 participé, car nous admettons ce genre de témoignages. Mais je suis tout à
12 fait d'accord pour dire que l'entendre parler de ce qu'il a vu à la
13 télévision ne peut aider personne.
14 M. Milosevic (interprétation): Quel rapport a-t-il avec Borovo Selo?
15 M. le Président (interprétation): La question, c'était la réaction de M.
16 Kostic à cet incident, mais le témoin vient de dire qu'il a vu cela à la
17 télévision, Monsieur Nice, et n'importe qui peut venir parler de ce qu'il
18 a vu à la télévision.
19 M. Nice (interprétation): Oui, mais il a vu cet homme répondant au nom de
20 Kostic faire quelque chose qui avait une certaine importance, qui méritait
21 des protestations. Et il l'a vu de ses yeux.
22 M. le Président (interprétation): Si le témoin a encore des choses a dire
23 à ce sujet, qu'il le fasse, mais je ne suis pas sûr que cela nous soit
24 d'une grande insistance.
25 M. Nice (interprétation): Oui, j'ai encore une question à oser au témoin.
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1 Monsieur le Témoin, vous dites avoir vu cela à la télévision. Mais est-ce
2 que la télévision montrait Kostic en train de féliciter les paramilitaires
3 ou bien est-ce un reporter qui relatait ce qui s'était passé?
4 M. Samardzic (interprétation): A la télévision, on a dit que Kostic, en
5 tant que membre de la présidence, était venu rencontrer tous ses hommes et
6 il les a encouragés en leur disant qu'ils se battaient contre des
7 séparatistes, contre ceux qui voulaient détruire la Yougoslavie et des
8 choses analogues.
9 Mais il y a une chose que j'ai oublié de dire en rapport avec cet incident
10 et qui ne vient plus de la télévision. Dans cette même période, quelques
11 jours après l'incident, Momir Bulatovic m'a envoyé à Zagreb. La guerre
12 n'avait pas encore éclaté. On était encore au mois de septembre. Donc il
13 m'a demandé d'intervenir pour prier les dirigeants croates de lever
14 l'embargo sur le pétrole qui frappait le Monténégro.
15 En effet, en raison de la politique menée par le Monténégro, le pétrole
16 n'arrivait plus jusque chez nous, en provenance de Croatie grâce à
17 l'entreprise INA. J'ai donc rencontré ce jour-là au moins huit
18 représentants de la Croatie, qui étaient tous complètement ahuris de voir
19 Kostic aller féliciter et encourager ceux qui avaient tué les policiers
20 croates à Borovo Selo.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur Samardzic, avez-vous vu cet
22 incident à la télévision ou bien est-ce simplement quelque chose que
23 quelqu'un vous a relaté? Il y a une différence. Comprenez-vous ce que je
24 vous demande? Avez-vous vu un film où l'on voyait Kostic en train de faire
25 ce que vous venez de décrire ou avez-vous vu simplement à la télévision un
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1 journaliste qui disait que les choses s'étaient passées ainsi?
2 M. Samardzic (interprétation): On voyait à la télévision Kostic rencontrer
3 ceux qu'il appelait des "combattants" à Borovo Selo. On n'a pas vu les
4 images de l'accrochage, on n'a pas vu ces hommes frapper et tuer les
5 policiers croates, mais on a vu Kostic après les événements; parce que
6 Kostic n'était pas là au moment de l'affrontement, il n'est venu qu'une
7 fois que les dommages étaient faits, il est venu rendre visite à ces
8 hommes.
9 M. le Président (interprétation): Et vous avez vu cela à la télévision,
10 n'est-ce pas? C'est bien ça?
11 M. Samardzic (interprétation): Je ne comprends pas ce que vous voulez dire
12 en parlant de télévision. A la télévision, on a vu Kostic.
13 M. le Président (interprétation): Mais c'est très simple: je vous demande
14 si vous avez vu la scène que vous relatez à la télévision ou si vous avez
15 simplement entendu un journaliste rendre compte de ces événements. La
16 différence est significative.
17 M. Nice (interprétation): Je pense qu'il ne me faut plus qu'une seule
18 question pour terminer l'interrogatoire sur ce point.
19 Monsieur le Témoin, tout ceci a été porté à l'attention de Bulatovic, si
20 je ne m'abuse. Je vous demande de répondre simplement par oui ou non à la
21 question suivante: a-t-il, à quelque moment que ce soit, publiquement
22 condamné ces commentaires de Kostic?
23 M. Samardzic (interprétation): Non, il n'a pas exprimé de condamnation en
24 public, mais il était mécontent. Devant moi, il a condamné ce qui s'était
25 passé. Devant moi, donc dans une conversation privée, il l'a fait, mais en
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1 public il ne l'a pas fait.
2 Question: Merci. J'aimerais maintenant que nous passions à un autre sujet
3 qui correspond au paragraphe 11 du résumé de votre déposition. Il y sera
4 question de la circulation d'armements par le port de Bar. Nous avons vu
5 où se trouvait Bar sur la carte et la baie de Kotor a, dans l'histoire,
6 joué un grand rôle sur le plan portuaire, mais, à l'époque dont nous
7 parlons, c'est Bar qui était le port le plus important de la région et du
8 Monténégro, n'est-ce pas?
9 Réponse: Oui, Bar est le premier port du Monténégro.
10 Question: Des armes arrivaient-elles au port de Bar? Je vous demande de
11 répondre par oui ou par non, s'il vous plaît.
12 Réponse: Oui, des armes sont arrivées à Bar.
13 Question: Comment avez-vous appris cela? Nous parlerons d'abord de la
14 source d'autres informations avant de parler de l'information en tant que
15 telle. Comment l'avez-vous appris?
16 Réponse: J'ai vu des bateaux et j'ai parlé aussi au directeur du port qui
17 m'a dit qu'il y avait des armes à Bar. J'ai également entendu des
18 dirigeants monténégrins, notamment Bulatovic, qui parlaient de six ou sept
19 bateaux amarrés dans la baie -six ou sept, oui, je crois- d'un tonnage
20 supérieur à 10 tonnes. Je ne sais pas s'ils étaient tous emplis d'armes
21 mais, en tout cas, il y avait des armes à bord de certains de ces navires.
22 Voilà quelle est la source de mes connaissances à ce sujet.
23 Question: Avez-vous découvert la provenance de ces armes?
24 Réponse: Non, je ne l'ai pas découvert. Ces armes venaient de quelque
25 part, mais je ne sais pas d'où parce que je n'ai rien à voir avec tout
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1 cela.
2 Question: Très bien. Avez-vous découvert quelle était la destination de
3 ces armes? Ou bien où l'on envoyait ces armes? Et si oui, comment l'avez-
4 vous appris?
5 Réponse: Non, je ne peux pas confirmer la destination de ces armes. A
6 l'époque, je ne pouvais que supposer que ces armes sont allées en
7 direction de la Bosnie ou de la Croatie, et, pour être plus précis, en
8 direction des lieux où les combats se préparaient et où ils ont ensuite
9 effectivement eu lieu. Mais je ne participais pas à tout cela, donc je ne
10 peux pas dire avec une totale certitude ce qu'il est advenu de ces armes.
11 En tout cas, ces armes ont été débarquées.
12 Question: Qui, au sein du gouvernement, était responsable de la
13 distribution de ces armes?
14 Réponse: Au sein du gouvernement, c'est le ministère de l'Intérieur qui
15 s'occupait de ces armes, mais il me faut souligner que l'armée yougoslave
16 a également eu affaire à ces armes. Donc la chose s'est sûrement passée
17 sous le contrôle de l'armée yougoslave, le ministère de l'Intérieur du
18 Monténégro apportant son aide à l'armée.
19 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, il existe donc ce
20 classeur de pièces à conviction que nous utiliserons pour l'audition de ce
21 témoin. On y trouve un certain nombre de documents avec des intercalaires
22 numérotés. Je demande que l'on donne une cote au classeur; après quoi,
23 nous prendrons les documents un par un.
24 Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, la carte de la baie de
25 Kotor sera la pièce à conviction de l'accusation 337 et le classeur la
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1 pièce à conviction 338.
2 M. Nice (interprétation): Monsieur le Président, nous préparons la
3 première pièce à conviction qui devrait être remise au témoin selon les
4 modalités habituelles. Mais je prierai également M. l'huissier de placer
5 quelques instants la pièce en BCS sur le rétroprojecteur pour commencer,
6 donc l'original, puis de remettre cet original au témoin et de le
7 remplacer sur le rétroprojecteur par la version anglaise, car j'ai une
8 observation à faire au sujet de cette pièce, qui n'a rien à voir avec le
9 témoin.
10 Je crois comprendre que la presse a quelquefois un peu de mal à nous
11 suivre dans la présentation des documents, puisque nous allons un peu
12 vite. Donc les journalistes n'ont pas toujours la possibilité de tirer
13 toute la substance des différentes pièces que nous montrons. J'ai leurs
14 préoccupations à cœur et donc, sans retarder la procédure, je demanderai
15 que l'on résume rapidement, dès que l'on place une pièce sur le
16 rétroprojecteur, tout ce qui peut éventuellement être erroné.
17 Donc d'abord, l'original sur le rétroprojecteur, puis l'original devra
18 être remis au témoin et remplacé par la version anglaise sur le
19 rétroprojecteur.
20 Monsieur Samardzic, il s'agit d'un document émanant du secrétariat fédéral
21 de l'Intérieur, donc ministère de l'Intérieur de Belgrade au niveau
22 fédéral, daté du 13 juillet 1991, et qui rend compte d'une réunion tenue à
23 Bar, dans le port de Bar, en raison de l'arrivée d'une grande quantité
24 d'armes. Il y a quelques extraits de ce document sur lesquels j'aimerais
25 que nous nous concentrions.
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1 Ce document commence par les mots suivants –je cite-: "Le 26 juillet 1991,
2 une réunion s'est tenue à Bar et les représentants du ministère fédéral de
3 l'Intérieur ont participé à cette réunion, ainsi que les représentants du
4 MUP, ministère de l'Intérieur du Monténégro." (Fin de citation.)
5 Puis nous trouvons, quelques phrases plus tard, le passage suivant –je
6 cite-: "La tâche en cours qui consiste à transporter et à entreposer
7 30.000 tonnes de substances dangereuses (armes, munitions et équipements
8 militaires), en transit par le port de Bar." (Fin de citation.)
9 Au paragraphe suivant, on trouve un paragraphe souligné qui commence par
10 les mots suivants et se lit comme suit –je cite-: "Par ailleurs, ils
11 prétendent fermement que toutes les mesures nécessaires ont été prises
12 pour entreposer ces produits en toute sécurité, produits qui ont reçu un
13 traitement spécial et sont gardés dans une partie distincte du port de
14 Bar, sous la surveillance constante des services de sécurité coopérant
15 avec le centre de sécurité de Bar." (Fin de citation.)
16 Et un peu plus bas dans la page, autre passage souligné, après "Arrivée de
17 la deuxième partie du chargement", nous lisons les mots qui suivent –je
18 cite-: "La deuxième partie du chargement ne devrait pas être transportée
19 jusqu'à Bar avant l'arrivée complète de la livraison. Et la destination
20 ultérieure de ce chargement ne doit en aucun cas se situer sur le
21 territoire de la Yougoslavie ou dans l'un des pays voisins." (Fin de
22 citation.)
23 Si nous regardons cette page et que nous vous demandons vos commentaires,
24 si vous en avez, je commencerai par vous prier de lire ce document, de
25 tourner la page également et vous voyez, en fin de page suivante –je
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1 cite-: "Le SUP ainsi que d'autres instances responsables devront suivre la
2 mise en œuvre des mesures nécessaires et des actions nécessaires pour le
3 succès de cette entreprise sur le plan de la sécurité." (Fin de citation.)
4 Et puis, un peu plus loin, nous lisons les mots suivants: "Pour que
5 l'évaluation du point de vue de la sécurité soit faite, il faut que des
6 représentants de la JNA participent à la sécurisation du port de Bar tant
7 que ces produits sont encore entreposés ou en cours de livraison." (Fin de
8 citation.)
9 Donc je vous ai fait parcourir l'ensemble de ce document. Je vous demande
10 ce que ce document vous révèle, Monsieur Samardzic, et s'il y a quelque
11 chose qu'on peut y trouver qui va au-delà de ce que nous avons lu?
12 M. Samardzic (interprétation): Ce document révèle que l'armée participait
13 aux transactions d'armement, ainsi que le ministère fédéral de l'Intérieur
14 et le centre de sécurité au niveau de la République qui se trouvait à Bar.
15 Il s'agit d'un département spécial des services de sécurité de l'Etat que
16 l'on trouvait dans le port de Bar, ou plutôt dans la ville de Bar, et qui
17 organisait donc les livraisons et les transits de produit dans le port de
18 Bar en accord avec la douane, etc.
19 Toutes ces instances travaillaient ensemble et dans ce document, nous
20 voyons que l'objet était d'assurer la sécurité pleine et entière de la
21 livraison pendant le stockage de ces armes dans les entrepôts de Bar. Je
22 dois souligner que le port de Bar a des installations d'entreposage
23 parfaites donc, selon les dispositions figurant dans ce document, il était
24 possible d'entreposer ces armes.
25 Je ne savais pas que ces entrepôts existaient mais, une fois que j'ai eu
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1 connaissance du document, j'ai vérifié et j'ai vu que ces entrepôts
2 existaient, mais je ne sais pas exactement où les armes étaient gardées.
3 En tout cas, un certain Vasiljevic –"Maître Jezda", comme on l'appelait-
4 s'est occupé de tout cela; c'était un des amis de Slobodan Milosevic et il
5 a beaucoup parlé, il s'est beaucoup vanté de son travail un peu
6 particulier et du fait qu'il s'était enrichi sans doute dans des affaires
7 comparables.
8 M. le Président (interprétation): Nous nous écartons beaucoup du document.
9 M. Nice (interprétation): Je vais passer au paragraphe 12, à présent, du
10 résumé de la déposition du témoin.
11 Monsieur, est-ce que vous avez, au moins une fois, eu quelque chose à voir
12 avec M. Krajisnik ou Mme Plavsic? Et si oui, en quelle compagnie?
13 M. Samardzic (interprétation): Eh bien, je les ai vus à Bar, très
14 brièvement. Monsieur Djukanovic m'avait rencontré à Budva et demandé de
15 l'accompagner jusqu'à Bar où il devait rencontrer des dirigeants de
16 Bosnie, mais je ne pense pas que ce soit un élément de preuve d'une
17 quelconque importance parce que c'était une rencontre privée dans un
18 restaurant, en fait dans une cafétéria, pendant les mois d'été. Cela s'est
19 passé en public, dans un lieu public. Je ne crois pas pouvoir en dire bien
20 davantage sur ce sujet.
21 Question: Pouvez-vous nous aider sur le sujet suivant: quel a été le sujet
22 de la conversation?
23 Réponse: Non, je répète que j'ai simplement salué les personnes présentes.
24 Koljevic a pris la parole immédiatement en disant que l'on voulait créer
25 un Etat serbe en Bosnie; c'est la seule chose que j'ai entendue, mais je
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1 ne peux pas confirmer que d'autres sujets aient été abordés en particulier
2 parce que j'ai quitté les lieux.
3 Simplement, j'ai reconnu ces personnes parce que je les avais déjà vues à
4 la télévision; c'étaient des gens très connus. Je ne suis pas resté
5 longtemps. Je ne crois pas, d'ailleurs, que Djukanovic soit resté
6 longtemps lui non plus et je ne pense pas qu'il y ait eu de discussions
7 importantes ce jour-là, parce que c'était simplement un café à l'air libre
8 et à l'extérieur, en public.
9 Question: Merci. Et le Koljevic dont vous venez de parler, est-ce bien
10 Nikola Koljevic, c'est cela?
11 Réponse: Oui, il s'est suicidé plus tard. C'était l'un des idéologues de
12 l'Etat serbe de Bosnie.
13 Question: Très bien.
14 Réponse: Il était venu à cette réunion.
15 Question: Y avait-il un représentant politique croate, Hrvoje Kacic?
16 Réponse: Oui, professeur de l'université de Zagreb, expert en droit
17 maritime, qui venait de Dubrovnik et qui, durant la crise yougoslave, est
18 devenu un dirigeant croate au niveau politique, pour autant que je m'en
19 souvienne.
20 Question: Très bien. Encore une question sur ce sujet. Après quoi, je vous
21 ré-interrogerai au sujet de la pièce à conviction dont nous parlions tout
22 à l'heure. Mais parlons encore un peu de M. Kacic.
23 Avez-vous parlé avec lui au cours du deuxième semestre 1991? Quelque chose
24 a-t-il été prévu au cours de cette conversation?
25 Réponse: Oui, j'ai rencontré Kacic à La Haye en septembre 1991, lorsque la
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1 conférence sur la paix avait déjà commencé, sur la paix en Yougoslavie,
2 parce que la guerre était très imminente. Je l'ai donc rencontré et, très
3 inquiet, il a commencé en me disant que l'armée populaire yougoslave
4 s'apprêtait à attaquer Dubrovnik en force. Je ne l'ai pas cru à ce moment-
5 là; je considérais que ce n'était que de la propagande, des mensonges. Je
6 croyais, à l'époque, que l'armée yougoslave n'allait pas attaquer
7 Dubrovnik.
8 Question: Très bien. Revenons maintenant à la réunion de Bar dont nous
9 avons parlé tout à l'heure. Vous avez déjà dit qu'elle avait eu lieu au
10 cours de l'été 1991.
11 Etes-vous capable de dater plus précisément cette rencontre en nous
12 donnant un mois, par exemple, ou même un jour dans un mois?
13 Réponse: De quelle réunion parlez-vous, de quelle rencontre?
14 Question: La rencontre dont nous parlions tout à l'heure, la rencontre
15 dans un café avec Krajisnik et Plavsic. Pouvez-vous nous dire au cours de
16 quel mois cette rencontre a eu lieu?
17 Réponse: C'était durant l'été 1991. La guerre n'avait pas encore commencé
18 en Yougoslavie, mais elle menaçait. On voyait des difficultés se profiler
19 à l'horizon et tout cela semblait annoncer un conflit. Moi-même et
20 d'autres ne pensions pas qu'il y aurait effusion de sang, mais la crise
21 était réelle en Yougoslavie. Mais je ne me souviens pas quel mois nous
22 étions. Je me souviens que c'était l'été, que je portais des vêtements
23 d'été quand je suis allé avec Djukanovic à Bar, pas d'ailleurs pour
24 rencontrer ces personnes, mais pour faire un tour à Bar.
25 M. Nice (interprétation): Très bien. J'aimerais maintenant que nous
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1 parlions du 7 septembre.
2 M. le Président (interprétation): Peut-être est-ce le moment de la pause?
3 M. Nice (interprétation): Nous allons maintenant aborder un sujet qui nous
4 amènera au-delà de 13 heures.
5 M. le Président (interprétation): Très bien. C'est sans doute le moment de
6 la suspension.
7 Monsieur Samardzic, nous allons donc suspendre pendant une heure et demie
8 jusqu'à 14 heures 30 et je vous demanderai de revenir dans le prétoire à
9 14 heures 30.
10 Je vous rappelle, comme je le fais à l'intention de tous les témoins,
11 qu'il vous est interdit de parler de votre déposition à qui que ce soit
12 jusqu'à la fin de celle-ci et que vous ne devez donc pas davantage en
13 discuter avec les membres du Bureau du Procureur.
14 Je vous demanderai de bien vouloir revenir ici à 14 heures 30.
15 M. Samardzic (interprétation): Merci.
16 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 36.)
17 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Nice?
18 M. Nice (interprétation): Avant de reprendre la déposition, ce ne serait
19 pas un problème pour le Bureau du Procureur d'avoir une séance de travail
20 jeudi après-midi. Nous avons un témoin, pour ce qui est de cet après-midi,
21 et les difficultés que je pourrais avoir personnellement seront surmontées
22 dans la mesure où l'interrogatoire principal sera mené par quelqu'un
23 d'autre. Et fin de l'après-midi aujourd'hui, nous aurons des copies de
24 l'exemplaire de l'atlas.
25 M. le Président (interprétation): Nous aurons une séance jeudi après-midi.
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1 M. Nice (interprétation): Nous en étions au 7 septembre. Si vous le voulez
2 bien, nous allons passer quelques semaines pour revenir à une réunion qui
3 s'est tenue à Igalo. Les Juges de la Chambre se souviendront peut-être
4 qu'Igalo se trouve dans la baie de Kotor même, près de Herzeg-Novi; nous
5 allons revoir ceci sur la carte dans un instant. Est-ce que vous vous
6 souvenez de la date de la réunion?
7 M. Samardzic (interprétation): Oui, le 16 septembre 1991.
8 Question: Et qui assistait à la réunion?
9 Réponse: Le Président Milosevic, le Président Tudjman, le général
10 Kadijevic, le général Adzic et moi-même au-devant du Gouvernement du
11 Monténégro; j'avais été leur hôte dans la résidence du maréchal Tito.
12 Question: Y avait-il des représentants de la communauté internationale?
13 Réponse: Oui. La réunion a eu lieu parce qu'ils étaient censés rencontrer
14 Lord Carrington, donc Lord Carrington avait été présent également.
15 Question: Est-ce que vous avez remarqué quelque chose, par exemple en ce
16 qui concerne l'attitude du général Kadijevic?
17 Réponse: Ils ont tenu cette réunion assez longue pour ce qui est de
18 l'établissement de cessez-le-feu sur ces secteurs, et ils ont fait leur
19 réunion dans la grande salle. J'étais à côté, mais j'ai pu entendre le
20 dialogue principal se dérouler entre le Président Milosevic et le
21 Président Tudjman. Il apparaissait avec évidence que les deux généraux
22 présents avaient fait allégeance au Président Milosevic; ils n'écoutaient
23 que lui. Pendant le déjeuner, j'ai pu voir Kadijevic et Adzic qui étaient
24 là-bas pour assister et pour se placer aux ordres de ce que disait le
25 Président Milosevic. Si vous voulez que je le dise, je puis vous dire ce
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1 qui a été raconté pendant le déjeuner et je le ferai avec plaisir; mais si
2 vous n'y tenez pas, je ne le ferai pas.
3 Question: Je résumerai les faits dans un instant. Mais est-ce que vous
4 avez entendu le général exprimer un avis contraire à l'avis de l'accusé, à
5 un moment donné?
6 Réponse: Certainement pas! D'après ce que j'ai vu, et je le répète, ces
7 gens-là, quoique occupant des fonctions militaires très élevées, n'étaient
8 placés qu'aux ordres du Président Milosevic. Et si vous le permettez, je
9 dirai qu'à un moment donné, pendant le déjeuner, j'ai raconté au général
10 Kadijevic un événement datant de la Deuxième Guerre mondiale en langue
11 serbe; et en chuchotant, il m'a dit: "Raconte cela à Lord Carrington.",
12 redoutant de façon évidente la possibilité que Milosevic l'entende me
13 demander cela.
14 J'ai raconté ce récit à Lord Carrington. Les deux Présidents l'ont
15 entendu. Même Franjo Tudjman avait été d'accord avec ce qui a été raconté.
16 Et le Président Milosevic, vivement troublé, a dit: "Il n'en a pas été
17 ainsi. Regardez le général Adzic; huit membres de sa famille ont été tués
18 par les Oustachis, et les récits afférents aux Oustachis et aux Chetniks
19 disant que c'était la même chose, que les uns valaient les autres, eh
20 bien, cela n'était pas le cas". Alors que le récit disait, en langue
21 monténégrine, que les Chetniks et les Oustachis se valaient et qu'ils
22 n'allaient pas marier l'un l'autre parce qu'ils se ressemblaient trop.
23 Mais enfin, la chose a été racontée dans un dialecte monténégrin, et le
24 Président Milosevic a été beaucoup troublé.
25 Question: Je crois que je vais revenir aux paragraphes 15 et 16. Nous
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1 allons peut-être les aborder plus tard pour respecter l'ordre des
2 événements, l'ordre chronologique. C'est vrai aussi pour le paragraphe 17.
3 Vous avez déjà longuement évoqué la position adoptée par Djukanovic, mais
4 pourriez-vous dire ceci aux Juges: pendant combien de mois à peu près vous
5 êtes-vous trouvé à des fonctions gouvernementales, sous une forme ou sous
6 une autre, avec eux? Je parle de Djukanovic et de Bulatovic.
7 Réponse: J'ai été élu membre du gouvernement à une session du Parlement
8 tenue le 16 février 1991 et j'ai occupé ces fonctions jusqu'au 26 mai
9 1992. Mais, officiellement, j'ai été révoqué à la session du Parlement du
10 Monténégro le 31 juillet 1992. J'ai été pratiquement à ces fonctions
11 pendant un an et demi.
12 Question: Et au cours de cette période, à l'exception de l'un ou l'autre
13 incident sur lesquels nous reviendrons, est-ce que vous avez eu l'occasion
14 de voir l'un ou l'autre de ces hommes prendre des décisions qui étaient
15 contraires à ce qu'aurait préconisé l'accusé, si vous connaissez les
16 préférences de l'accusé?
17 Réponse: Il y avait eu une décision de prise contrairement au souhait du
18 Président Milosevic et il y avait les conclusions du 4 et du 7 octobre.
19 Et, au début de la guerre, pour ce qui est du moins du Monténégro, cette
20 guerre a commencé le 1er octobre. Donc ils avaient essayé de trouver une
21 solution…
22 Question: Permettez-moi de vous interrompre. Il est peut-être plus simple
23 que vous en parliez lorsque nous aurons examiné certains évènements.
24 Le 1er octobre 1991, je pense que ce jour-là il y a eu une réunion
25 extraordinaire du Gouvernement du Monténégro, n'est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, le 1er octobre au soir, il y a eu une session extraordinaire
2 et une session qu'ils avaient désignée comme étant une "session élargie".
3 Question: Qui y participait et de quoi a-t-on parlé?
4 Réponse: Je suis arrivé tardivement à cette session. Je n'y étais pas au
5 début mais vers la fin, parce que le Président Bulatovic m'avait envoyé
6 avec Lord Carrington et son adjoint visiter Cetinje. Et j'étais choqué en
7 arrivant parce que je n'avais jamais vu de session pareille.
8 Il y avait quelques huit militaires, trois ou quatre généraux en uniforme
9 de guerre, et ils étaient assis à la tablée, là où nous avions nos
10 sessions du gouvernement. Il y avait la direction politique du
11 gouvernement et ce n'était pas là des membres du gouvernement. Et
12 l'assemblée était présidée par le Président Bulatovic.
13 Question: Et de quoi a-t-on discuté?
14 Réponse: Comme je l'ai dit, j'avais été surpris, choqué. Ils ont dit que
15 la Croatie s'attaquait au Monténégro, que 30.000 Oustachis se lançaient à
16 l'attaque du Monténégro pour prendre la baie de Kotor. C'est le Président
17 Bulatovic qui l'a dit, alors que le général Strugar a confirmé. Pour
18 finir, je dirai que la session visait à déterminer comment il nous fallait
19 nous organiser pour la défense. Mais, en réfléchissant par la suite, je
20 crois que l'objectif avait été celui d'organiser au mieux la mobilisation,
21 et la direction monténégrine était là pour organiser au mieux la
22 mobilisation des Monténégrins pour les envoyer au front.
23 Question: Pouvez-vous nous aider éventuellement sur ce qu'ont dit
24 certaines des personnes participant à cette réunion? Est-ce qu'à l'époque,
25 le ministre de la Défense du Monténégro était un certain Bozo Babic?
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1 Réponse: Oui, il y avait lui, il était ministre de la Défense du
2 Monténégro.
3 Question: Est-ce que vous vous souvenez de ce qu'il aurait dit
4 éventuellement à cette réunion ou à l'une des réunions qui aurait eu lieu
5 à ce moment-là, s'agissant du recours à la force et des objectifs
6 poursuivis?
7 Réponse: Je ne l'ai pas entendu parler à cette réunion. Je crois qu'il
8 était intervenu avant que je n'arrive dans cette salle, parce que j'étais
9 là-bas à Cetinje avec M. Vejsens (phon.) et il n'a pas pris la parole. Par
10 la suite, il a pris la parole à d'autres réunions. Le 4 juillet… Pardon,
11 pas juillet, octobre. Et le 7 octobre, il avait pris la parole également.
12 Question: Pourriez-vous nous dire ce qu'il a dit, à quelque réunion que ce
13 soit?
14 Réponse: Il avait dit qu'il fallait défendre le pays, qu'il nous fallait
15 nous organiser, que le Monténégro était attaqué, que les Croates voulaient
16 prendre la baie de Kotor. Et il n'y avait pas que le général Babic qui le
17 disait; c'était la façon dont le gouvernement voyait les choses et une
18 grande partie de la population, du peuple croyait bien que nous étions
19 attaqués. La propagande était terrible en faveur de la guerre. Et les plus
20 fervents dans cette propagande avaient été la radio et la télévision de
21 Titograd et la presse.
22 Question: Est-ce qu'il était question du territoire jusqu'auquel irait la
23 JNA s'il y avait effectivement recours à la force armée?
24 Réponse: Non. En ce moment-là, au tout début de la guerre, on disait que
25 les Croates nous attaquaient et qu'il fallait se défendre. Par la suite,
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1 il a été question dans cette propagande que tous les Serbes devaient vivre
2 dans un seul et même Etat, qu'on ne pouvait pas admettre de partage ou de
3 division, qu'il fallait rassembler ces territoires, les unifier.
4 Je tiens à assurer ce Tribunal que cela peut paraître contradictoire, mais
5 il en a été ainsi: d'une part on disait qu'on allait se défendre, et
6 d'autre part, on disait "jusqu'à quelle étendue ou jusqu'à quelle taille
7 ira la portée de l'Etat, les frontières de l'Etat".
8 Question: Et quelle était votre attitude à vous, votre conception, vous
9 qui étiez ministre des Affaires étrangères à l'époque? Et de quelles
10 informations disposiez-vous de la part des militaires?
11 Réponse: J'étais au début pris de court lors de cette session du 1er
12 octobre. Et je dois avouer que j'étais complètement stupéfait. Comme il y
13 avait là des généraux, j'ai été éduqué dans ma vie de sorte à respecter
14 l'armée yougoslave parce qu'étant enfant, encore, j'ai retenu la façon
15 dont l'armée de libération nationale s'était constituée pendant la
16 Deuxième guerre. Et je n'y croyais pas, j'ai même affirmé à Kacic que cela
17 n'arriverait jamais et j'avais affirmé à M. Vejsens (phon.) qu'il n'y
18 aurait pas de guerre, alors que la guerre avait en fait déjà commencé. Et,
19 ce jour-là, j'ai dit: "S'ils nous ont attaqués, il faudra bien se
20 défendre". Mais c'était un mensonge: personne ne nous avait attaqués, du
21 moins pour ce qui est de Dubrovnik.
22 J'ai fait par la suite tout ce que je pouvais, tout ce qui était en mon
23 pouvoir, absolument tout, sans tenir compte de la politique officielle du
24 Monténégro, ni de la Serbie, ni d'ailleurs de la Yougoslavie qui existait
25 encore, mais j'avais, de toutes mes forces, exigé qu'on cesse la guerre et
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1 qu'on trouve des modalités pour rétablir la paix.
2 Je tiens à souligner que l'initiative que nous avons prise avec le
3 Gouvernement croate avait été initiée par mes propositions à l'intention
4 de Bulatovic; je dois dire qu'il a tout de suite accepté cela.
5 Question: Fort bien. Il y a eu une première réunion le 1er octobre. Là, on
6 fait référence à 30.000 personnes -je ne sais pas comment on les a
7 décrites- qui attaquaient le Monténégro.
8 Est-ce qu'après cette première réunion, ce sujet d'une attaque par 30.000
9 Croates a-t-il été soulevé, évoqué à une autre occasion?
10 Réponse: Eh bien, il y a eu une rechute. Le 1er octobre, Bulatovic l'a dit
11 et cela a été confirmé par Strugar. Par la suite, dans les rapports et
12 diffusé par la télévision, on a vu que les Croates n'étaient pas arrivés
13 dans la baie de Kotor, mais que nous étions arrivés jusqu'à Dubrovnik. On
14 a cessé de parler de 30.000 Croates et on a commencé à parler des combats
15 qui se déroulaient autour de Konavle et de Dubrovnik. Il ne pouvait plus
16 être question de 30.000 assaillants si les unités de l'armée yougoslave
17 étaient entrées sur le territoire de Dubrovnik.
18 M. Nice (interprétation): Vous constaterez, Monsieur le Témoin, que
19 certaines de mes questions permettent une réponse concise. Je comprends
20 que vous vouliez donner des réponses circonstanciées, mais quelquefois je
21 vous demanderais d'écourter vos réponses quand c'est possible de le faire.
22 Maintenant, nous allons examiner certaines pièces. Quelles sont les cotes?
23 Je suis désolé de ne pas avoir indiqué la cote.
24 M. le Président (interprétation): 338.
25 M. Nice (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.
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1 Pièces 338 et plus exactement l'intercalaire 2, Monsieur le Témoin.
2 Il est peut-être plus facile que nous, nous remettions un exemplaire parce
3 que ce document n'est pas dans une liasse. Examinez rapidement ceci -une
4 copie sera placée sur le rétroprojecteur- et la version BCS pour le
5 témoin.
6 Nous voyons un ordre donné par la présidence. On voit que le document est
7 strictement confidentiel et qu'il a trait au 2 octobre.
8 Monsieur l'Huissier, veuillez remettre le document au témoin. En anglais,
9 on voit clairement qu'il s'agit d'un ordre signé par le président de la
10 présidence, M. Momir Bulatovic, en application de certains articles de la
11 loi sur la défense populaire. On dit ceci: "Le 2 octobre 1991, entre 15 et
12 17 heures, il faudrait effectuer la mobilisation d'une unité spéciale de
13 la police de la taille d'une compagnie renforcée, qui sera chargée
14 d'exécuter les opérations de combat dans le conflit, dans la guerre qui se
15 déroule sur la frontière entre la République du Monténégro et la
16 République de la Croatie".
17 On ajoute ceci: "Avec des unités de la JNA et de la Défense territoriale,
18 cette unité exécutera des tâches précises militaires et de police,
19 conformément au plan de mission à mettre au point par le commandement
20 opérationnel sur le front de Dubrovnik. Un haut officier de police sera
21 désigné par le ministère de l'Intérieur et aura le commandement direct de
22 cette unité." (Fin de citation.)
23 On parle ici d'un front de Dubrovnik, de gens qui se défendent eux-mêmes.
24 Qu'en pensez-vous?
25 Réponse: Il s'agissait là d'une guerre de conquête, d'une guerre injuste
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1 contre la Croatie, une guerre où le Monténégro s'est couvert de honte,
2 parce qu'il s'était joint à la politique de l'armée yougoslave et de
3 Slobodan Milosevic. Et cette honte pourra difficilement être lavée dans
4 les siècles à venir. Parce que, dans l'histoire du Monténégro, jamais rien
5 de plus honteux n'a été fait que cette attaque sur Dubrovnik.
6 Permettez-moi, Messieurs les Juges, de dire ce qui suit encore. Dubrovnik
7 est une ville qui, pendant mille ans, avait fait l'objet d'accords tacites
8 entre toutes les parties belligérantes qui ont défilé dans les Balkans
9 pour ce qui est de ne pas l'attaquer et de ne pas faire la guerre là-bas.
10 Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le général Peko Dapcevic, général
11 quatre étoiles des Unités partisanes, avait demandé au général commandant
12 les forces alliées en Italie de faire en sorte que les avions survolant
13 l'Adriatique évitent de survoler Dubrovnik pour qu'il n'y ait pas de
14 bombes qui tomberaient accidentellement sur Dubrovnik. Et c'est ce qui…
15 Question: Permettez-moi de vous interrompre, Monsieur le Témoin. Le
16 contexte historique est intéressant et peut s'avérer pertinent. Cependant,
17 je vais essayer de le circonscrire jusqu'au moment où sa pertinence
18 apparaîtra au plein jour.
19 Je reviens à la question que j'avais posée. A l'époque, au moment où il y
20 a eu cette mobilisation, est-ce qu'il y avait un front à Dubrovnik? Est-ce
21 que Dubrovnik était une ville, un lieu où il y avait des attaques, où il y
22 avait des combats?
23 Réponse: Personne n'a attaqué personne depuis Dubrovnik; Dubrovnik n'a
24 fait que se défendre. L'armée yougoslave s'est emparée des territoires
25 autour de Dubrovnik, mais elle ne s'est pas emparée de la ville de
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1 Dubrovnik; elle a pris l'aéroport de Cilipi qui se trouve à quelque 16
2 kilomètres de Dubrovnik. Les unités de la JNA sont allées jusqu'à Ston, au
3 nord, et en même temps l'armée yougoslave a bombardé, a pilonné Sibenik,
4 Zadar et Split. Ce qui fait que, lorsque l'on considère les choses
5 aujourd'hui, on voit que l'objectif avait consisté à s'emparer d'un
6 territoire des plus grands le long du littoral, pour ne pas parler de la
7 catastrophe qui s'est déroulée autour de Vukovar.
8 Question: Avant de passer à l'examen du document suivant, vous venez de
9 mentionner d'autres villes qui, d'après ce que vous saviez à l'époque, ont
10 été bombardées ou pilonnées sur la côte croate. Aujourd'hui, qu'êtes-vous
11 en mesure de nous dire en ce qui concerne les rapports existant entre les
12 villes bombardées et cette ligne triangulaire que nous avons vue
13 auparavant, aujourd'hui, sur la carte?
14 Réponse: Il apparaît avec évidence que toute l'opération autour de
15 Dubrovnik avait pour visée la conquête de territoires le long du littoral
16 en Croatie jusqu'à Karlobag. On a pilonné des villes jusqu'à Karlobag et
17 au-delà de Karlobag, tel que cela est le cas de Rijeka et Pula, ils n'ont
18 pas été pilonnés.
19 Deuxièmement, il est une épopée honteuse au niveau de ce champ de bataille
20 autour de Dubrovnik pour l'armée yougoslave. On voulait assassiner
21 l'esprit du Monténégro, anéantir ce qui constituait l'âme de l'armée
22 populaire yougoslave qui s'était couverte de gloire pendant la Deuxième
23 Guerre mondiale. Je pense que c'est très important de le dire en anglais.
24 Question: Je comprends l'importance que ceci revêt pour vous et peut-être
25 pour l'Histoire, mais, si vous l'acceptez, je vais peut-être vous guider
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1 pour aborder des points qui sont d'un intérêt particulier pour les Juges.
2 Au nord de Karlobag, est-ce que vous avez constaté qu'aucune ville se
3 trouvant au nord de Karlobag n'a été attaquée, dans le cadre de ces
4 opérations, par des forces qui venaient de l'est ou du nord-est? Est-ce
5 que, d'après ce que vous savez, il y a eu aussi des attaques organisées au
6 nord, sur la côte?
7 Réponse: Pour ce qui est du segment nord de la Croatie, les combats ont eu
8 lieu autour de Vukovar. Mais à l'époque, je n'étais pas très au courant de
9 ce qui se passait vers Vukovar; j'étais beaucoup plus au courant de ce qui
10 se passait autour de Dubrovnik. Mais il apparaissait avec évidence que là-
11 bas aussi, l'objectif de l'armée yougoslave se réduisait à une stratégie
12 consistant en la prise de la partie nord de la Croatie, à savoir la
13 Slavonie et le Srem occidental, pour arriver jusqu'à une frontière aux
14 alentours de Virovitica ou à peu près vers Virovitica. Donc sans parler
15 d'Osijek et de Vukovar.
16 Question: Nous allons maintenant examiner la pièce suivante. Nous sommes
17 toujours à l'examen de la pièce 338, mais cette fois-ci c'est
18 l'intercalaire 3. Nous allons poser l'original sur le rétroprojecteur.
19 "République de Monténégro, ministère de l'Intérieur".
20 Vous allez examiner l'original; vous voyez qu'il est signé de la main de
21 Pavle Bulatovic. C'est un ordre rédigé le 1er octobre. Je vais demander à
22 M. l'huissier de remettre l'original au témoin.
23 Nous allons voir ce que dit la traduction en anglais. Il s'agissait d'un
24 ordre se résumant à ceci: "Le 2 octobre 1991, entre 15 heures et 17
25 heures, une unité spéciale de la police…".
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1 Mais peut-être que je n'ai pas le bon document?
2 Réponse: Vous avez le bon document.
3 Question: Oui, je vous demande de me remettre ce document, Monsieur
4 l'Huissier. Non, c'est le bon document, effectivement. Oui, remettez-le au
5 témoin: c'est le bon document.
6 "Le 2 octobre, entre 15 heures et 17 heures, une unité spéciale de la
7 police sera mobilisée et aura pour mission d'effectuer des opérations de
8 combat dans le conflit armé sévissant sur la frontière entre la République
9 du Monténégro et la République de Croatie. Cette unité sera renforcée à
10 l'aide de membres de la section spéciale, de l'unité spéciale et des
11 policiers du centre de sécurité de Titograd" –ça, c'est le deuxième
12 paragraphe- "et cette unité se trouvera sous le commandement direct du
13 ministère adjoint au service de la sécurité publique".
14 Paragraphe suivant: "Après la formation, cette unité sera dotée des armes
15 d'infanterie nécessaires"; ceci est précisé.
16 Enfin, dernier paragraphe: "Cette unité aura pour mission d'effectuer des
17 tâches de combat de caractère militaro-policier, conformément au plan de
18 mission qui sera établi par le commandement opérationnel du théâtre de
19 guerre de Dubrovnik".
20 Avez-vous des commentaires à faire en sus de ce que vous avez déjà dit eu
21 égard à Dubrovnik? S'il n'y a pas de commentaires supplémentaires, nous
22 passerons sans plus tarder à la pièce suivante.
23 Réponse: Oui, je puis dire ce qui suit: je n'avais pas vu ces documents
24 auparavant, je les ai vus ici. Mais j'étais conscient du fait que cette
25 mobilisation avait cours suite à l'ordre du Président Bulatovic et du
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1 ministre Bulatovic. C'était évident, tous les citoyens pouvaient s'en
2 rendre compte. Mais les documents en question, je n'avais pas la
3 possibilité de les voir; j'entends les documents que vous venez de
4 montrer. Il apparaît avec évidence que des efforts énormes ont été
5 déployés pour procéder à la mobilisation des Monténégrins pour le front en
6 direction de la Croatie.
7 Question: Pourriez-vous nous dire combien d'hommes ont été mobilisés au
8 Monténégro et combien sont partis pour le front de Croatie?
9 Réponse: Je ne sais pas vous dire exactement, je n'étais pas au courant.
10 Je n'ai pas travaillé directement pour ce qui est des tâches de
11 mobilisation, ce n'étaient pas mes tâches. Mais, d'après ce que j'ai ouï-
12 dire, on a mobilisé plus de 30.000 combattants dont la plupart avaient été
13 certainement envoyée vers le théâtre de guerre de Dubrovnik. Mais c'est ce
14 que j'ai ouï-dire, ce n'est pas une donnée officielle. Ce que je sais,
15 c'est que l'on a mobilisé partout où on pouvait le faire, et on a mobilisé
16 à tour de bras les hommes qui étaient en âge de combattre et c'est ce
17 qu'on faisait ces jours-là.
18 M. Nice (interprétation): Est-ce qu'il y avait des unités paramilitaires
19 qui avaient été organisées? Et si tel était le cas, à quelles instances, à
20 quels organes étaient-elles subordonnées?
21 M. Samardzic (interprétation): Oui, il y avait des unités paramilitaires;
22 et, comme on peut le voir d'après ce document émanant du Président
23 Bulatovic, elles étaient subordonnées à l'armée yougoslave. Le
24 commandement était unifié. C'est donc cette armée yougoslave qui
25 commandait les unités paramilitaires. Ces unités paramilitaires étaient
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1 organisées comme l'a signé Pavle Bulatovic, donc elles étaient constituées
2 de membres de la police et des unités spéciales. Je dois dire que les
3 responsables du parti populaire s'étaient employés en faveur de
4 l'organisation d'unités particulières sous leur influence pour rejoindre
5 les unités de l'armée yougoslave au niveau des théâtres de guerre de
6 Dubrovnik.
7 M. Kwon (interprétation): Monsieur Nice, intercalaire 2, on trouve dans ce
8 document une expression, "Front de Dubrovnik". A l'intercalaire 3, on
9 parle d'un "théâtre de guerre de Dubrovnik". Or, je constate dans la
10 version en BCS que l'on utilise le même terme. Pourriez-vous tirer ceci au
11 clair? Peut-être avec l'aide des interprètes?
12 M. Nice (interprétation): Je crois que c'est là une question qu'il nous
13 faut poser aux interprètes. Merci d'avoir relevé cela, Monsieur le Juge.
14 Nous allons placer l'original en BCS de l'intercalaire 2, et nous allons
15 demander aux interprètes d'avoir l'obligeance de lire les deux derniers
16 termes; c'est le chiffre romain II. Je remercie d'avance les interprètes.
17 "Dubrovacka ratiste". Cela peut être traduit en français comme étant
18 "théâtre de combat" ou "théâtre de guerre".
19 M. Kwon (interprétation): Je vous remercie.
20 M. Nice (interprétation): Avec la participation de paramilitaires et vue
21 celle-ci, est-ce que des renseignements ont circulé permettant de savoir
22 si des crimes, des exactions avaient été commis dans le cadre de cette
23 guerre par ceux qui venaient du Monténégro?
24 M. Samardzic (interprétation): La plupart de la population de Konavle,
25 donc les alentours de Dubrovnik, a fui Konavle pour Dubrovnik, exception
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1 faite de Cavtat. Et des nouvelles nous parvenaient, les nouvelles
2 couraient vite: à savoir qu'une partie des soldats se lançaient dans des
3 pillages sauvages dans la région de Konavle. Il s'agissait de villages aux
4 alentours de Dubrovnik. Et, là-bas, les gens qui ont beaucoup travaillé,
5 ont construit de belles maisons, et ces gens-là vivaient bien. Puis, il y
6 a eu pillage de ces biens et on a commencé à emporter des biens, et cela a
7 été fait tant par l'armée que par des individus; ils avaient pillé dans
8 les maisons les objets de valeur tels que les postes de télévision et
9 autres matériels. Puis, après, ils tiraient des obus dans les maisons,
10 vers les maisons pour dissimuler les pillages. Et c'était évident.
11 Question: Très bien. Merci, merci, nous reviendrons sur le sujet des
12 pillages en tant que sujet spécifique plus tard. Et très bientôt,
13 d'ailleurs.
14 Mais ces événements étaient connus. Y a-t-il eu des dirigeants politiques,
15 et si oui, lesquels, qui sont allés sur le front, si vous le savez? Et,
16 dans ce cas, quelle a été l'attitude qu'ils ont manifesté aux soldats
17 qu'ils y ont trouvés?
18 Réponse: Branko Kostic est allé fréquemment sur le front; on le voyait à
19 la télévision. Je dois dire que je n'y suis pas allé une seule fois.
20 D'ailleurs, personne ne m'a invité à y aller, et je n'y serais pas allé de
21 toutes façons. Quant à ceux qui allaient rendre visite aux soldats, ils
22 avaient, bien sûr, un comportement amical. On voyait leur image à la
23 télévision et dans les journaux qui montrait qu'ils avaient un
24 comportement très amical et qu'ils étaient là pour encourager les soldats
25 qui se battaient. C'est ce que montrait la télévision.
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1 On voyait cela également dans les journaux, journaux officiels et journaux
2 de l'opposition, on voyait des photos de Bulatovic et de Kostic sur le
3 front.
4 M. Nice (interprétation): Seselj a-t-il eu un rôle quelconque, à cette
5 époque, dans la campagne?
6 M. Samardzic (interprétation): Oui, un rôle important et très négatif.
7 Seselj prétendait être un dirigeant chetnik; il a reçu d'ailleurs ce titre
8 d'un Chetnik, criminel de guerre, Djujic, qui a immigré après la Deuxième
9 Guerre mondiale. Sur le théâtre des combats à Dubrovnik, il est allé
10 rendre visite à des unités composées d'hommes qui maintenaient la
11 tradition de la Deuxième Guerre mondiale.
12 Je voudrais d'ailleurs revenir sur ce point-là. La 5e Brigade, héritière
13 de la tradition de Kovacevic, qui était une tradition de la Deuxième
14 Guerre mondiale, c'est une honte qu'il ait été rencontré, qu'il y ait eu
15 une rencontre entre lui et Seselj.
16 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous demanderai
17 de vous limiter à répondre aux questions.
18 M. Nice (interprétation): Avant d'en arriver à l'aspect général de la
19 campagne menée à Dubrovnik, j'aimerais que nous parlions de quelqu'un qui
20 avait une importance politique dans un parti, éventuellement.
21 Bozidar Vucurovic, maire de Trebinje, avait-il un rôle politique
22 quelconque au sein d'un parti? Et si oui, lequel, a l'époque?
23 M. Samardzic (interprétation): Ce maire était avant un chauffeur de camion
24 de Trebinje. En fait, c'est un charlatan des milieux ruraux qui est devenu
25 quelqu'un de très important à l'époque. Il a organisé les unités venues de
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1 Herzégovine orientale pour qu'elles attaquent Dubrovnik et son rôle a
2 consisté à nuire à Dubrovnik. Son rôle en tant que criminel est un rôle
3 très important. Il se moquait de la destruction de Dubrovnik.
4 Question: Enfin, répondez par oui ou non à la question que je vais vous
5 poser maintenant.
6 Avez-vous entendu quoi que ce soit au sujet de l'utilisation qui était
7 faite des prisonniers sortis de prison durant cette campagne? Répondez par
8 oui ou par non.
9 Réponse: J'ai entendu parler de cela, mais je ne suis pas en mesure de le
10 confirmer, car je ne l'ai pas vu. Mais j'ai entendu dire qu'ils avaient
11 été utilisés, je l'ai entendu dire.
12 Question: Pouvez-vous nous dire qui vous a informé de cela? Et, d'après
13 les sources dont vous disposez, pouvez-vous nous dire qui les a remis en
14 liberté?
15 Réponse: J'ai entendu des amis à moi de Kotor, de Budva et de Titograd me
16 parler de cela. Maintenant, qui les a remis en liberté? Je ne sais pas,
17 mais il est très facile de conclure que c'est la direction de la prison
18 qui les a libérés, s'ils ont été remis en liberté.
19 Question: Nous avons déjà parlé de la réunion du 1er octobre, et
20 j'aimerais que maintenant nous parlions du 4 octobre, donc quelques jours
21 plus tard. Une réunion s'est-elle tenue le 4 octobre?
22 Réponse: Oui, une réunion du Gouvernement et une réunion du Parlement, le
23 4 et le 7 octobre.
24 Question: Vous rappelez-vous précisément ce qui s'est passé le 4,
25 exactement?
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1 Réponse: Il y a eu le 4, mais il y a eu aussi le 7. En tout cas, nous
2 avons entrepris d'obtenir une discussion entre le Parlement et l'Assemblée
3 croate, le Sabor croate, au sujet de nos propositions.
4 La discussion a été très animée, car il y avait divers points de vue; il y
5 en avait qui voulaient aller de l'avant sans négocier avec la Croatie,
6 mais le Parlement a décidé d'entamer des négociations avec la Croatie. Il
7 a été décidé que le Monténégro devait négocier avec la Croatie afin
8 d'obtenir la fin des combats à Dubrovnik. Cette initiative était soutenue
9 par le Président Bulatovic, ainsi que par Djukanovic, chef du
10 Gouvernement.
11 Question: Avez-vous obtenu des rapports sur la situation sur le terrain?
12 Réponse: Non, je n'ai pas reçu de rapport particulier. D'ailleurs, nous ne
13 recevions pas de rapport de façon générale, à l'époque. Mais le débat
14 faisait rage dans les médias, à la télévision, dans les journaux, de sorte
15 que nous savions exactement jusqu'où étaient arrivées nos unités, les
16 territoires qu'elles contrôlaient et ceux qu'elles ne contrôlaient pas.
17 Il est probable que Bulatovic a reçu d'autres rapports. Moi,
18 personnellement, je ne recevais pas les rapports des généraux; eux, par
19 contre, en recevaient sans doute, mais il n'était pas nécessaire d'en
20 recevoir, car toute la population était au courant et savait très bien
21 jusqu'où étaient arrivées les unités de la JNA et quelles étaient les
22 villes tenues par elle.
23 Question: Très bien, merci.
24 Pièce 338, intercalaire 4. Après la réunion du 4 octobre et avant celle du
25 7, cette lettre a-t-elle été envoyée?
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1 Je demanderais que l'original en cyrillique soit placé sur le
2 rétroprojecteur. Entre-temps, j'explique que c'est une lettre émanant du
3 Gouvernement de la République de Serbie, avec la signature de Dragutin
4 Zelenovic, et datée du 5 octobre.
5 (Intervention de l'Huissier.)
6 Maintenant, nous pouvons voir la version anglaise.
7 Le texte se lit comme suit -je cite-: "Le Gouvernement de la République de
8 Serbie, lors de sa réunion du 4 octobre, a été informé du danger pour la
9 population civile et la ville de Dubrovnik, qui représente une partie de
10 l'histoire serbe et croate, ainsi qu'un monument magnifique du patrimoine
11 culturel mondial. Votre décision d'installer des unités paramilitaires
12 "les Légions noires", et un grand nombre de mercenaires étrangers dans une
13 ville d'une valeur historique et culturelle inappréciable et de lancer une
14 attaque armée sur les localités d'Herzégovine et de Boka Kotorska à partir
15 de cet endroit représente une action contraire à la civilisation,
16 inhumaine et indigne. Nous espérons que vous vous rendez compte de cela et
17 que vous utiliserez toutes les forces à votre disposition pour arrêter les
18 destructions de Dubrovnik afin que la ville ne soit pas détruite comme
19 d'autres l'ont été.
20 Vous adressant cette lettre aux fins de mettre un terme aux destructions
21 de Dubrovnik, le Gouvernement de la République de Serbie exprime sa
22 conviction ferme que tous les membres de l'armée yougoslave et toutes les
23 troupes de la Défense territoriale déploieront tous les efforts possibles
24 pour protéger cette ville historique."
25 (Fin de citation).
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1 Signé par le Président Dragutin Zelenovic et envoyé, ou en tout cas
2 adressé au Gouvernement de la République de Croatie.
3 Alors, sans rentrer dans les détails historiques, je vous demanderai de
4 vous limiter à la signification de cette lettre quant à ce qu'elle indique
5 des événements en cours à l'époque, donc je vous demande vos commentaires
6 au sujet de cette lettre.
7 Réponse: Eh bien, le 5 octobre, c'est l'époque de l'opération et de la
8 guerre aux environs de Dubrovnik. Ce document est extraordinairement
9 cynique, un cynisme comparable à celui de Goebbels, car cette lettre
10 stipule que la Défense territoriale et l'armée yougoslave veulent défendre
11 Dubrovnik alors que c'étaient ces forces qui attaquaient Dubrovnik. Il n'y
12 a pas de cynisme plus grand. Et en même temps, cette lettre fait savoir
13 que c'est le Monténégro et l'armée yougoslave qui se battent là-bas et que
14 l'armée yougoslave ne prend pas part aux combats.
15 C'est le but de Slobodan Milosevic, par cette lettre, qui émane d'un
16 membre du gouvernement de ce même Président Milosevic, de faire participer
17 le Monténégro et de lui faire porter la culpabilité de ces combats à
18 Dubrovnik.
19 Le Premier ministre serbe sait bien ce que font la Défense territoriale et
20 l'armée yougoslave à l'époque, même s'il ne participe pas personnellement
21 à ces actions. Et cette lettre traite de sujets que je connais très bien.
22 J'ai entendu le ministre Jovanovic dire, à plusieurs reprises, que c'était
23 l'armée monténégrine qui participait aux combats à cet endroit et pas
24 l'armée yougoslave. Ce qui est le comble du cynisme!
25 Question: Séance extraordinaire du 7 octobre. Pouvez-vous nous dire quels
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1 ont été les sujets discutés lors de cette réunion?
2 Réponse: Des sujets très semblables à ceux du 4 octobre. Le Parlement a
3 pris la décision de négocier avec la Croatie et, dans la première phrase
4 qui est très importante et que je tiens à souligner, il est dit que
5 l'Assemblée, le Parlement du Monténégro a décidé d'accepter la volonté du
6 peuple croate d'avoir un Etat indépendant.
7 Je dois souligner ici qu'en dehors de la guerre, en dehors des souffrances
8 vécues à l'époque, le Monténégro a été le premier à reconnaître, avec la
9 Slovénie, l'indépendance croate, même s'il l'a fait de façon officieuse.
10 C'est peut-être contradictoire à tout ce qui se passait, mais c'est la
11 vérité. Ce document existe, un document qui le prouve, et vous le
12 possédez.
13 M. Nice (interprétation): D'autres questions ont-elles été évoquées lors
14 de cette réunion qui n'avaient pas été débattues spécifiquement par le
15 passé? Et si oui, pouvez-vous nous en parler?
16 M. Samardzic (interprétation): Oui. Ce jour-là, il a été décidé, en dehors
17 de la décision du Monténégro de soutenir l'indépendance croate -qui était
18 contraire à la politique de Slobodan Milosevic, ce qui montre bien que les
19 dirigeants Monténégrins ont essayé de sortir de ses griffes-, eh bien, ces
20 négociations avec la Croatie devaient donc débuter. Le Dr Kacic a écrit à
21 ce sujet de façon détaillée dans le dernier ouvrage qu'il a publié en
22 langue anglaise et en langue croate.
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Nice, pouvons-nous avancer, je
24 vous prie, et nous en tenir à ce que sait le témoin?
25 M. Nice (interprétation): Nous allons maintenant passer à d'autres
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1 documents qui parleront de Prevlaka. Il peut être utile, je pense, que
2 nous regardions maintenant la carte pièce à conviction 336. Je viens
3 d'indiquer que nous allons ensuite examiner un certain nombre de documents
4 traitant de Prevlaka. Ce sujet a-t-il été abordé lors de la réunion du 7
5 octobre?
6 M. Samardzic (interprétation): Réunion, oui. Exactement. Nous avons pris
7 Prevlaka comme un motif, une base de discussion avec la Croatie pour
8 arriver à une espèce de paix. Il est impossible d'aller contre une armée
9 aussi puissante qui tient tout entre ses mains, mais Prevlaka a été la
10 base des négociations.
11 Question: Très bien, très bien.
12 Pourrions-nous placer le document sur le rétroprojecteur? Un peu plus bas,
13 je vous prie. Oui, merci.
14 Nous voyons, n'est-ce pas, Monsieur Samardzic, sur cette carte, la
15 péninsule de Prevlaka en vert et en noir, nous voyons la frontière
16 séparant la Croatie du Monténégro avec, à l'est, un canal qui -je suppose
17 que vous en conviendrez- est tout à fait suffisant pour permettre à des
18 bateaux de franchir cette passe pour entrer dans les eaux monténégrines.
19 Mais, en tout cas, on voit bien cette espèce de canal qui contourne le
20 Monténégro et s'ouvre sur la baie.
21 Je vous demande, en quelques mots -vraiment, pas plus d'une phrase-, de
22 nous dire quelle était la proposition qui a été faite par vous au nom des
23 Monténégrins à l'adresse de la Croatie au sujet de cette frontière. Mais
24 une phrase simplement. Les Juges n'ont pas vu cela encore et il convient
25 de les aider à comprendre la situation de la façon la plus simple qui
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1 soit. Quelle était-elle?
2 Réponse: Notre proposition consistait à modifier la frontière pour que
3 Prevlaka appartienne au Monténégro, mais tout cela dans le cadre d'un
4 accord amical avec la Croatie, basé sur la reconnaissance de la Croatie et
5 pas suite à une guerre. Nous voulions discuter de Prevlaka dans le cadre
6 de la discussion de cet accord; et c'est la proposition que nous avons
7 faite, au nom du Monténégro, au Parlement croate.
8 Question: Donc cela aurait eu pour conséquence de modifier la frontière,
9 que l'on voit ici en pointillés, donc de la déplacer pour que ça devienne
10 une ligne allant directement vers le sud, c'est bien cela?
11 Réponse: Oui, de façon à ce que l'entrée de Boka Kotorska soit entièrement
12 monténégrine et pas partagée avec la Croatie. C'était notre proposition
13 mais, dans le cadre d'un accord amical avec la Croatie et nous l'avons
14 fait savoir par écrit.
15 Question: J'aimerais maintenant que nous examinions la pièce à conviction
16 338, intercalaire 5. On y trouve un certain nombre de documents.
17 En ce moment, je ne demanderai pas qu'on les place tous sur le
18 rétroprojecteur, car je pense que cela prendrait trop de temps. Donc je
19 demande que l'on remette les originaux au témoin et que la première page
20 de la version anglaise, simplement, soit placée sur le rétroprojecteur.
21 (Intervention de l'Huissier.)
22 Vous voyez ce document, n'est-ce pas, qui vient de l'Assemblée de la
23 République du Monténégro, en date du 12 octobre? Elle est adressée aux
24 représentants du Parlement croate, et signée par le Dr Risto Vukcevic,
25 Président de l'assemblée monténégrine.
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1 Nous lisons ce qui suit -je cite-: "Prière de trouver ci-joint
2 l'initiative destinée à définir la frontière maritime et terrestre
3 séparant la République du Monténégro de la République de Croatie, par voie
4 d'accord, sur proposition de l'Assemblée de la République du Monténégro.
5 Nous espérons que le Parlement croate donnera son aval à notre initiative
6 et entamera des négociations." (Fin de citation.)
7 Une copie destinée à Lord Carrington et une autre à Hans Van den Broek.
8 Document suivant, je vous prie. Nous essaierons d'aller assez vite.
9 Donc, le document émane de Titograd ou Podgorica -c'est son autre nom-, le
10 8 octobre, "l'initiative", au paragraphe 1, ligne 3. Je crois que je
11 ferais mieux de lire le texte.
12 Nous lisons ce qui suit: "Tenant compte de la décision de la République de
13 Croatie de devenir un Etat souverain et indépendant, l'Assemblée de la
14 République du Monténégro considère qu'une telle décision, en dehors des
15 questions juridiques et autres qu'elle pose, modifie le statut de la
16 frontière entre la République du Monténégro et la République de Croatie
17 par rapport à ce qu'elle est actuellement." (Fin de citation.)
18 Ensuite, un certain nombre de détails.
19 Paragraphe suivant, ligne 2 -je cite-: "La frontière existante de la
20 péninsule de Prevlaka nuit à l'instauration d'une frontière juste et
21 rationnelle dans les eaux territoriales. Et par conséquent, des
22 corrections mineures sont considérées comme nécessaires." (Fin de
23 citation.)
24 Page suivante, je demande l'aide de l'huissier, paragraphe 3 -je cite-:
25 "Le Monténégro n'a aucun intérêt à rechercher des conflits futurs, des
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1 destructions ou des pertes de vies humaines dans la zone frontalière avec
2 la République. La population de ces zones a vécu en paix et dans le
3 respect mutuel depuis des siècles, indépendamment des systèmes politiques
4 en place. C'est la raison pour laquelle cette zone est une zone
5 touristique renommée dans le monde entier pour la beauté de votre
6 Dubrovnik et de notre baie de Kotor." (Fin de citation.)
7 Plus loin -je cite-: "Dans un effort énergique pour rétablir des relations
8 amicales dès que possible, nous nous adressons par conséquent au Parlement
9 de Croatie avec cette initiative destinée à régler toutes les questions en
10 suspens, y compris la question mentionnée ci-dessus de la frontière
11 terrestre et maritime par voie de négociations. Si le Parlement croate
12 devait accepter cette initiative, des contacts doivent être pris avec M.
13 Nikola Samardzic et avec le ministre des Affaires étrangères du
14 Monténégro."
15 Document suivant, je vous prie. L'historique de l'initiative est détaillé.
16 Deuxième paragraphe -je cite-: "L'assemblée a affirmé que la République du
17 Monténégro n'est pas en guerre avec la République de Croatie, et qu'elle
18 n'a aucune prétention territoriale à l'égard de cette République. Les
19 réservistes du Monténégro provenant de Dubrovnik et de l'Herzégovine sont
20 membres de la JNA qui est la seule instance responsable pour ce
21 déploiement. Nous ne pouvons, par conséquent, accepter le point de vue du
22 Parlement croate selon lequel le Monténégro a attaqué la République de
23 Croatie. Au contraire, le Monténégro a pour but de promouvoir la paix dans
24 des relations amicales et de bons voisinages avec la Croatie." (Fin de
25 citation.)
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1 Ensuite, il y a des commentaires sur le tourisme et l'économie liée au
2 tourisme maritime.
3 Paragraphe suivant, nous voyons qu'il est question de la baie de Kotor qui
4 est très vaste avec une ligne côtière qui constitue 30% de la totalité de
5 la côte.
6 Ensuite, il est question de frontières et des explications sont apportées
7 quant aux modifications proposées de celles-ci.
8 Page suivante, je vous prie. Dans ce même document, nous voyons qu'il
9 vient du Monténégro, adressé à la Croatie -je cite-: "Il est impossible de
10 nier que des circonstances aggravantes ont accentué la psychose de guerre
11 dans une grande partie de la population monténégrine. Celle-ci estime que
12 le Monténégro risque d'être lésé si Prevlaka appartient à un autre Etat et
13 si une armée étrangère est stationnée à cet endroit." (Fin de citation.)
14 Dernier paragraphe -je cite-: "Ce qui précède montre clairement que le
15 Monténégro n'a aucune prétention territoriale, mais souhaite simplement
16 qu'un accord soit obtenu quant à la restauration d'une paix durable." (Fin
17 de citation.)
18 Le problème incluait-il Prevlaka, ou Prevlaka a-t-elle simplement été
19 utilisée comme base militaire, Monsieur Samardzic?
20 Réponse: Vous me le demandez?
21 Question: Oui.
22 Réponse: Ces documents que vous venez de lire n'ont pas été écrits par moi
23 personnellement; ils ont été approuvés par le Président Bulatovic et par
24 le Premier ministre Djukanovic. L'objectif consistait à entamer des
25 négociations avec les Croates afin de mettre un terme à la guerre, ce qui
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1 était beaucoup plus important que Prevlaka.
2 Tout ce qui est écrit ici est vrai et, malheureusement, en contradiction
3 avec la situation parce que la guerre était en cours à Dubrovnik et les
4 troupes marchaient sur Karlobag. C'est en tout cas ce qui était prévu.
5 Cependant, ces documents correspondent à ce qui se passait réellement.
6 Question: Monsieur Samardzic?
7 Réponse: Les Croates…
8 Question: Monsieur Samardzic, nous allons regarder les restes de documents
9 qui constituent cette pièce à conviction, mais je souhaite quelques
10 détails pour les Juges.
11 Prevlaka a-t-elle servi à l'époque pour stationner des installations
12 militaires: oui ou non?
13 Réponse: Oui, il y avait une base militaire à cet endroit; rien d'autre.
14 Question: Pendant la Deuxième Guerre mondiale, c'était une prison où
15 étaient enfermés les antifascistes. Cela, c'était pendant la Deuxième
16 Guerre mondiale. Autrement, avant la Deuxième Guerre mondiale, pendant le
17 Royaume de Yougoslavie et par la suite, ainsi que pendant la Yougoslavie
18 de Tito, c'était une base militaire.
19 M. Milosevic (interprétation): Autre partie de la pièce à conviction? Je
20 demande l'aide de l'huissier.
21 Monsieur le Président, ceci est une pièce importante qui se compose de
22 plusieurs pages.
23 Maintenant, nous parlons de Titograd. Date du 8 octobre, provenant de
24 l'Assemblée, "Conclusions de la séance du 7 octobre".
25 Je cite: "L'Assemblée a mandaté la délégation de la République du
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1 Monténégro pour qu'elle insiste dans son travail à venir sur l'orientation
2 principale pour la République du Monténégro, à savoir le fait que toutes
3 les divergences en Yougoslavie peuvent et doivent être réglées par des
4 négociations politiques. La délégation de la République du Monténégro
5 s'oblige à insister sur les accords futurs qui régleront les relations en
6 Yougoslavie, qui doivent être résolus de cette façon pour garantir et
7 défendre l'égalité des droits, pleine et entière, de tous les citoyens de
8 toutes les Républiques et de toutes les nationalités." (Fin de citation.)
9 Paragraphe 3 -je cite-: "Oblige la délégation de la République du
10 Monténégro à s'ouvrir à quelque initiative susceptible de permettre une
11 solution juste et respectueuse des principes de la crise yougoslave." (Fin
12 de citation.)
13 Ensuite, paragraphe 5 -je cite-: "Des dispositions doivent être prises
14 pour régler les rapports en Yougoslavie et correspondre aux conclusions du
15 Comité des affaires constitutionnelles de l'Assemblée de la République.
16 L'Assemblée de la République estime que ses principes fondamentaux sont à
17 la base de l'initiative et constituent une bonne base pour la recherche
18 d'une solution optimale en vue de dispositions à prendre à l'avenir." (Fin
19 de citation.)
20 Peut-être pourriez-vous regarder les deux dernières pages et nous
21 reviendrons sur les sujets évoqués?
22 Enfin, un autre document…
23 M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic?
24 M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas de document non plus. Jusqu'à
25 présent, les documents étaient soumis dans un certain ordre, ce qui est
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1 déjà pas mal par rapport à hier, mais je ne trouve pas celui-ci.
2 M. le Président (interprétation): Nous allons en demander une autre copie.
3 Peut-on en avoir une autre copie?
4 M. Nice (interprétation): Oui.
5 Donc, le 15 octobre; je pense que le document du 15 octobre manque, mais
6 nous allons le retrouver.
7 Donc réponse envoyée le 15 octobre par le représentant du Parlement de la
8 République de Croatie, adressée au président de l'Assemblée du Monténégro.
9 Nous n'en lirons que quelques passages.
10 Deuxième paragraphe, première page -je cite-: "Je suis sûr que le climat
11 aurait été plus favorable à des discussions et à un dialogue si votre
12 initiative avait été proposée avant l'agression contre la République de
13 Croatie, en provenance du territoire du Monténégro."
14 Dans ses conclusions du 8 octobre, le Parlement croate n'a pas déclaré la
15 République du Monténégro comme agresseur, mais bien la République de
16 Serbie et la JNA, ou ce qu'il en reste.
17 Ensuite, sans nuire à la teneur du document, je vais un peu plus loin; on
18 trouve le paragraphe 3 du document qui montre que le Monténégro n'a aucun
19 intérêt à chercher des conflits futurs ou des destructions, des pertes de
20 vie humaine dans la zone frontalière avec la République de Croatie, mais
21 que l'espoir, la paix et des relations de bon voisinage sont espérés.
22 M. Samardzic (interprétation): J'aimerais obtenir le document en serbo-
23 croate.
24 Question: Non, ce n'est pas celui-ci. Je n'ai pas le document en serbo-
25 croate.
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1 Des photocopies sont en train d'être faites. Monsieur le Président, il est
2 possible que ce document n'existe pas en BCS. Nous devrons donc, si vous
3 le permettez, poursuivre avec la version anglaise et je m'enquerrai de la
4 traduction dès que possible.
5 Vous pouvez suivre en anglais, Monsieur Samardzic?
6 Réponse: Oui, je peux le faire.
7 Question: Merci. Nous allons revenir à la page où nous étions déjà, vers
8 la fin de cette phrase; c'est un paragraphe assez court.
9 Vous parlez de certaines circonstances qui aggravent la situation de
10 guerre. Au tout dernier paragraphe, vous dites: "Nous acceptons dès lors
11 votre dernier paragraphe afin que des contacts directs soient établis.
12 Nous invitons la personne que vous avez désignée, M. Nikola Samardzic,
13 parlementaire à rendre visite à Zagreb, à venir avec ses associés dans les
14 meilleurs délais, sans tarder." (Fin de citation.)
15 Une seule question après cette sélection de documents divers. D'après ce
16 que vous avez pu en juger, la démarche adoptée par le Monténégro en vue de
17 trouver une solution négociée, notamment pour ce qui est d'une négociation
18 portant sur la question des frontières, est-ce que vous estimez que
19 c'était quelque chose de sincère, cette démarche adoptée par le
20 Monténégro? Vous, étiez-vous sincère?
21 Réponse: J'avais été absolument sincère. Et j'ai lutté de toutes mes
22 forces pour que ces négociations soient acceptées, qu'elles débutent et
23 que ce soit par le biais de ces négociations-là qu'on aboutisse à un
24 cessez-le-feu et qu'on interrompe l'agression contre Dubrovnik.
25 Je crois pouvoir croire que Momir Bulatovic, quoique devant suivre la
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1 politique de Milosevic, se rendait forcément compte de là où cela nous
2 conduisait; je crois qu'il avait souhaité sincèrement la chose. Il avait
3 approuvé ce qui a été rédigé et M. Domljan, Président du Parlement croate,
4 nous avait répondu. Il avait été décidé, entre autres, que je me rende à
5 Zagreb comme prévu et, au dernier moment, la chose a été stoppée;
6 j'imagine que cela a été stoppé par Belgrade.
7 Question: Est-ce qu'on a donné une raison quelconque pour justifier de
8 l'interruption ou du fait que votre visite a été arrêtée?
9 Réponse: On a dit, officiellement, que je ne pouvais pas me déplacer vers
10 Zagreb parce qu'il fallait faire le voyage vers La Haye. D'après ce que je
11 vois, cela a été envoyé le 15. Le 17, nous avons reçu une proposition de
12 Lord Carrington, et je suis allé à La Haye plutôt que d'aller à Zagreb. On
13 m'avait dit: "Ne va pas à Zagreb, on t'arrêtera là-bas, tu seras tué là-
14 bas".
15 Je ne prêtais pas trop attention à ce que l'on me disait; je voulais aller
16 à Zagreb parce que tout ce qui avait été convenu et négocié, a été
17 également négocié avec le Dr Kacic avec qui j'étais en contact permanent.
18 Et nous ne visions pas autre chose que d'en arriver, de quelque façon que
19 ce soit, à la paix.
20 Question: Avant d'en arriver à quelques jours d'octobre suivant, toujours
21 au cours de la même année, dites-moi deux choses, mais rapidement: dans le
22 cadre de Dubrovnik et de la campagne de Dubrovnik, est-ce qu'on a parlé de
23 quelque chose, à l'époque, qu'on appelait "République de Dubrovnik"? Et si
24 on en parlait, est-ce que c'était quelque chose de sérieux?
25 Réponse: Oui, il avait été question de la République de Dubrovnik, et une
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1 grande campagne a été déployée pour faire en sorte que Dubrovnik soit
2 prétendument libérée et devienne une sorte de République de Dubrovnik
3 indépendante dans le sillage de la Grande Serbie. Et c'est là que les
4 combats ont commencé. Cela a été orchestré par les milieux militaires, par
5 le KOS, les services de contre-espionnage.
6 Le Parti populaire, l'organisation pro-Chetniks qui avait été mise en
7 place ces jours-là, en ces temps-là, avait été très favorable à la
8 création de cette République de Dubrovnik. Et dans la ville de Cavtat, on
9 avait rédigé la chose dans les journaux; des gens étaient venus me voir
10 pour savoir si on pouvait faire en sorte que cette République de Dubrovnik
11 soit établie. Chacun parlait, bien sûr, ou représentait des intérêts qui
12 étaient les siens. Et je sais qu'il y a eu des discussions, des récits
13 concernant la création d'une République indépendante de Dubrovnik; il y en
14 a eu pas mal, ces jours-là.
15 Question: Est-ce qu'on en a jamais discuté? Je veux parler de vous avec
16 Jokic ou Strugar.
17 Réponse: Je connais Jokic parce qu'il avait été dans la marine de guerre
18 et il venait souvent alors qu'il était commandant de la zone de Boka, de
19 la marine de guerre. Il venait souvent dans mon bureau, peut-être pas
20 souvent mais il venait, de toute façon. Et je le connaissais auparavant
21 déjà. Je l'ai vu à la session du 1er octobre.
22 Mais ce que je voulais dire maintenant, c'est qu'il est arrivé la chose
23 suivante. Pendant ces opérations de combat, je ne me souviens plus de la
24 date, ça devait être fin octobre ou début novembre, ou lorsque les choses
25 ne se passaient pas si bien pour l'armée yougoslave à Dubrovnik, il est
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1 arrivé trois Anglais, trois employés de l'Union européenne; c'étaient des
2 citoyens du Royaume-Uni, de toute façon. Ils m'avaient demandé de les
3 aider à établir le contact avec le général Strugar et l'amiral Jokic; ils
4 avaient parlé de noms et prénoms. Ils avaient été envoyés vers moi par
5 quelqu'un du gouvernement.
6 Je ne savais pas, pour ma part, où se trouvaient Strugar et Jokic, à ce
7 moment-là. J'ai réussi à retrouver Jokic et Strugar par le biais du
8 ministère de l'Intérieur du Monténégro, et je me suis entretenu avec Jokic
9 pour lui dire que ces messieurs-là demandaient après lui pour négocier en
10 vue du rétablissement de la paix. Ils ont accepté cette entrevue et ils
11 ont commencé à m'interroger pour savoir s'il serait possible d'organiser
12 la mise en place d'une République de Dubrovnik. C'est eux qui m'ont
13 demandé la chose; c'est Jokic et Strugar qui m'ont posé la question; ils
14 voulaient que je leur explique la chose au téléphone. Eux, ils étaient sur
15 le front et moi, j'étais au bureau à Titograd.
16 Je leur ai dit: "Oubliez la chose complètement, c'est impossible. C'est
17 une mauvaise chose, une mauvaise solution. Et si vous voulez du bien pour
18 votre armée et pour votre pays, il faut que vous oubliiez la chose
19 complètement. C'est une idée chauviniste qui portera préjudice au peuple
20 serbe en particulier". C'est ce que je leur ai dit, et eux, depuis le
21 front, s'étaient intéressés sur la possibilité de mettre en place une
22 République de Dubrovnik parce qu'ils avaient commencé à avoir des doutes,
23 parce qu'ils avaient commencé à se rendre compte que la population de
24 Dubrovnik ne voulait pas en entendre parler.
25 M. Nice (interprétation): Est-ce que, à l'époque, vous avez été informé
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1 d'éléments permettant de croire que les citoyens de Dubrovnik eux-mêmes
2 souhaitaient se séparer de la Croatie?
3 M. Samardzic (interprétation): Il n'en est pas question. Pas un seul
4 habitant de Dubrovnik, un vrai résident de Dubrovnik, de cette génération-
5 là du moins, n'avait fait preuve de quelque intention ou de quelque
6 souhait que ce soit de se dissocier de la Croatie. C'est un mensonge,
7 c'est de la propagande. La République de Dubrovnik a cessé d'exister en
8 1797.
9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Poursuivez, Monsieur
10 Nice.
11 M. Nice (interprétation): Nous en arrivons au Plan Carrington, au rôle
12 joué par Jovic, Kostic, Bulatovic, vous-même et l'accusé par rapport à ce
13 plan. Nous allons également parler de la visite que vous avez effectuée à
14 La Haye.
15 Monsieur Samardzic, il serait -me semble-t-il- logique que vous fassiez un
16 récit concis des événements, y compris le récit ou, plus exactement, le
17 résumé de votre discours. Nous allons le voir tel que versé en annexe à
18 une pièce. Parce que si vous donnez trop ou trop peu de détails, je me
19 verrai forcé de vous interrompre.
20 Nous avons déjà évoqué la visite que vous aviez prévue en octobre et du
21 fait qu'elle avait fait été annulée. Veuillez rappeler à la Chambre de
22 première instance en quoi consistait le Plan Carrington. Et puis, parlez-
23 nous de la participation du Monténégro dans le cadre de ce plan.
24 M. Samardzic (interprétation): Après bon nombre de négociations concernant
25 le rétablissement de la paix, on en est arrivé au sein de la Communauté
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1 européenne que les parties au conflit en Yougoslavie ne sauraient
2 s'entendre et Lord Carrington, le 17 octobre, a fait parvenir à toutes les
3 Républiques ou plutôt aux présidents de toutes les Républiques, donc à six
4 présidents un plan concernant la solution de la crise en Yougoslavie et
5 concernant le rétablissement de la paix.
6 En bref, je dirai que les Républiques fédérales de la Yougoslavie étaient
7 censées devenir des Etats indépendants et des membres des Nations Unies.
8 Elles étaient libres de s'associer en association d'Etats indépendants si
9 elles voulaient être plusieurs à être associées et, si elles le
10 désiraient, elles pouvaient s'associer entre elles. Il était prévu un
11 statut particulier pour les minorités nationales et, en avenant, il avait
12 été clairement précisé que cela avait trait à la minorité serbe en
13 Croatie, à la minorité croate en Serbie, à savoir aux résidents de ce qui
14 avait été la Krajina serbe, SAO-Krajina -comme on l'appelait à l'époque-,
15 région serbe autonome. Et on avait prévu à leur intention des droits qui
16 étaient ceux d'un Etat indépendant: à savoir une police, des pouvoirs
17 judiciaires, leur propre économie, un système d'éducation, un système
18 fiscal à part, donc tout sauf l'armée. Et cette armée croate ne devrait
19 pas se retrouver le long des frontières de ce territoire, mais des
20 représentants de la communauté internationale.
21 C'était à cela que se réduisait le plan de Lord Carrington. Cela nous a
22 été présenté à 6 heures le 17 octobre. Et le Président Bulatovic a tout de
23 suite fait polycopier la chose et a demandé que soit rassemblé le
24 Parlement du Monténégro. Et, sur les six Républiques, le seul Parlement à
25 avoir débattu de la chose…, le Parlement du Monténégro a débattu. Cela a
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1 été diffusé et retransmis par la télévision; cela avait pu être vu en
2 Serbie et en Croatie peut-être, et en Bosnie, de même qu'en Macédoine, et
3 il avait été question de prendre une décision pour l'acceptation de ce
4 plan ou pas.
5 Et moi, comme vous l'avez dit, ma présentation ou l'idée que j'avais
6 présentée était celle d'accepter de suite le plan de Lord Carrington.
7 Parce que si cela n'était pas le cas, le peuple serbe s'aventurerait dans
8 le plus grand des malheurs et dans le plus grand des désespoirs.
9 J'ai souligné également que si nous n'acceptions pas le plan de Lord
10 Carrington, nous provoquerions des sanctions de la part des Nations Unies
11 et la mise en place d'un cordon sanitaire autour du pays.
12 J'ai dit tout cela. J'ai également dit que nous ne saurions gagner cette
13 guerre parce que le moral de notre armée et le moral de nos gens sur les
14 champs de bataille était très bas parce que c'était une guerre injuste et
15 nous n'étions pas en mesure de gagner cette guerre.
16 Je leur ai également dit que lorsque la Grande-Bretagne faisait la guerre,
17 le fils du Premier ministre allait en guerre alors que nos Présidents et
18 nos Premiers ministres cachaient leurs fils, les envoyaient à l'étranger
19 et que c'étaient les pauvres qui allaient faire la guerre.
20 J'ai dit tout cela et j'ai failli me faire tabasser ce soir-là; on m'a
21 traité de "traître". Les spectateurs ultra-nationalistes étaient entrés au
22 Parlement et ils voulaient vraiment me tabasser. Et, au Monténégro, je
23 précise bien, nous avons été les seuls à avoir un débat de 7 heures du
24 soir jusqu'à 7 heures du matin. A 7 heures et quart, nous avons pris un
25 avion spécial…
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1 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il faut en terminer ou
2 écourter.
3 Monsieur Samardzic, je sais que ce n'est pas facile pour vous, mais nous
4 sommes dans un Tribunal; veuillez vous contenter de répondre à la question
5 posée.
6 M. Nice (interprétation): Effectivement, je l'ai déjà expliqué au témoin.
7 Je lui avais laissé le soin de poursuivre parce que, pour obtenir ce même
8 niveau d'informations, j'aurais besoin de poser plusieurs questions, et
9 donc d'avoir plusieurs réponses.
10 Je pense que maintenant nous pouvons demander le versement au dossier d'un
11 résumé de son discours. Je pense qu'il s'agit… A la pièce 6, quelque part
12 je l'ai ratée, je pense que nous pourrons aborder la question plus tard,
13 le moment est peut-être venu de faire une pause, mais...
14 M. le Président (interprétation): Nous allons poursuivre jusqu'à 16 heures
15 15, si ceci ne dérange pas les interprètes.
16 M. Nice (interprétation): Fort bien.
17 Prenons l'intercalaire 6, toujours de la pièce 338, pour dresser un
18 contexte plus complet. Cette lettre émane du Dr Vukcevic, elle est en date
19 du 16 octobre. Remettons l'original au témoin.
20 (Intervention de l'Huissier.)
21 Et la version en anglais sera, elle, posée sur le rétroprojecteur.
22 Le document précédent était en anglais, n'existait pas en BCS, mais comme
23 d'habitude lorsque nous avons les deux documents, nous avons une technique
24 particulière ici. Lorsqu'il n'y a pas de traduction en BCS, nous avons le
25 document dans une des deux langues du Tribunal. Voilà, vous avez le
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1 document. Parlons-en.
2 Monsieur le Président, il accuse réception de la lettre.
3 Et puis, premier paragraphe, c'est l'Assemblée de la République du
4 Monténégro qui parle: "Notre influence sur la JNA est assez limitée. Nous
5 faisons de notre mieux dans la zone de Dubrovnik pour essayer de calmer la
6 situation et il semblerait qu'il y ait tout du moins une amorce de retrait
7 de la part des unités de la JNA. Nos efforts déployés auprès de l'armée
8 seraient beaucoup plus efficaces si les actions individuelles entreprises
9 contre ces soldats cessaient.
10 Chaque meurtre de soldat de la JNA, chaque soldat blessé rend nos efforts
11 auprès de l'armée encore plus difficiles, et la tentative que nous avons
12 entreprise pour réduire la psychose de guerre encore plus complexe. Nous
13 pensons que les premiers résultats apparaissent, puisque les représentants
14 militaires sont d'accord avec les autorités de Dubrovnik pour réparer le
15 matériel permettant l'approvisionnement en eau et en électricité.
16 Nous avons interprété l'arrivée des unités de la JNA à Cavtat et à
17 Zvekovica comme étant un accord entre la JNA et les représentants des
18 autorités de Dubrovnik, avec l'intervention des observateurs
19 internationaux. Nous faisons l'impossible pour aider la population de la
20 région de Dubrovnik et pour diminuer pour les conséquences des opérations
21 de guerre.
22 Le lendemain, 17 octobre, l'Assemblée du Monténégro va siéger et, le
23 lendemain, 18 octobre, il y aura une conférence de paix à La Haye où les
24 délégations seraient dirigées par les représentants des Républiques ou des
25 Etats.
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1 Monsieur Samardzic, notre parlementaire et ministre des Affaires
2 étrangères, ne peut pas venir à Zagreb demain ou le lendemain du fait de
3 ses obligations. (Fin de citation.)
4 Est-ce bien la lettre qui motive votre absence auprès de la Croatie?
5 M. Samardzic (interprétation): Oui, on m'a avancé ces raisons-là parce
6 qu'on m'avait dit qu'il fallait bien aller vers La Haye. C'est ce qui
7 apparaît de ce courrier. Mais il est évident qu'on a empêché, depuis un
8 autre endroit, mon déplacement vers Zagreb. La réunion, la rencontre de La
9 Haye semblait être plus importante, et je devais accompagner le Président
10 Bulatovic.
11 Question: Très bien. Examinons le document suivant. C'est un résumé que
12 vous avez établi; il faudra lui attribuer une date. Je crois que vous
13 prenez pour ce faire la forme d'une télécopie en anglais ou quelque chose
14 qui y ressemble.
15 En fait, c'est le résumé de votre discours. Vous dites qu'il n'y a pas de
16 traître, vous acceptez la proposition de Lord Carrington qu'il n'est pas
17 possible de gagner cette guerre, que ce n'est pas Lord Carrington qui a
18 détruit la Yougoslavie, mais ce sont ses dirigeants qui l'ont fait. Vous
19 dites que le moral est bas. Vous faites référence aux familles riches qui
20 passent leur temps à la plage; vous faites allusion à la famille royale
21 anglaise. Vous parlez du souci d'arrêter les violences, des sanctions des
22 Nations Unies si on ne parvient pas à le faire et de la nécessité de
23 négocier.
24 Pourriez-vous nous dire à quel moment vous avez préparé ce résumé de votre
25 discours: l'avez-vous fait récemment ou il y a un certain temps?
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1 Réponse: A l'époque, c'est une partie du texte que j'ai rédigé à
2 l'occasion du blocage des navires de "Jugooceanija" qui avaient été
3 stoppés en raison des actions dans des ports des USA; sept navires
4 notamment.
5 Question: C'est tout ce que je veux savoir. Ma question était de savoir à
6 quel moment vous aviez préparé ce document.
7 Passons maintenant à autre chose et parlons du Plan Carrington. A la suite
8 des discussions, vous étiez tous censés venir à La Haye. Nous en sommes
9 bien arrivés à ce stade, n'est-ce pas? Comment vous êtes-vous déplacés?
10 Vous êtes arrivés en avion, mais avec qui avez-vous voyagé?
11 Réponse: Avec le Président Bulatovic et les hommes de sécurité, les gardes
12 du corps qui ont pris un petit avion pour voyager directement de Titograd
13 à La Haye.
14 Question: Est-ce que Bulatovic a dit quoi que ce soit à propos des
15 négociations auxquelles il se préparait à participer?
16 Réponse: Oui, nous allions à La Haye pour dire oui ou non. C'est ainsi
17 qu'on nous avait posé la question avec le plan de Lord Carrington. Et nous
18 avions tenu une session pendant toute la nuit au niveau du Parlement. Il
19 hésitait encore dans l'avion, mais du fond de son cœur, je crois qu'il
20 était favorable au plan de Lord Carrington et il avait estimé que c'était
21 là la seule issue à la situation. Mais il avait redouté le Président
22 Milosevic, il ne savait pas à ce moment-là comment le Président Milosevic
23 allait intervenir et réagir.
24 Question: Au moment même de la réunion, est-ce que les gens ont eu
25 l'occasion d'intervenir quant au fond, quant à la substance même de ce
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1 plan. Si ce fut le cas, quel était l'ordre prévu pour les interventions?
2 Réponse: La coutume établie avait été celle de faire en sorte que les
3 représentants des Républiques présentent leurs positions dans l'ordre
4 alphabétique; en d'autres termes, d'abord, c'était la Bosnie; selon
5 l'alphabet anglais, la Serbie venait en avant-dernière position, avant la
6 Slovénie. Et il en a été de même en session plénière.
7 Mais permettez-moi de dire ce qui suit: quand nous sommes arrivés à La
8 Haye, nous avons rencontré Lord Carrington et il s'était préoccupé du fait
9 de voir la Croatie accepter le plan. Il ne s'était pas douté que la Serbie
10 allait le rejeter. Ce qu'il redoutait, c'est que le Président Tudjman ne
11 le rejette.
12 Question: Au moment où les interventions ont commencé, qui a pris la
13 parole en premier lieu?
14 Réponse: C'est le Président Milosevic.
15 Question: Quelle fut son attitude par rapport au plan?
16 Réponse: Son attitude avait été de le rejeter vigoureusement. Il avait dit
17 qu'il n'était pas d'accord et il a dit à peu près ce qui suit: "Les
18 Croates ont le droit de s'en aller et de créer un Etat à eux. Mais s'ils
19 ont ce droit, les Serbes en Croatie ont le même droit: celui de faire
20 partie de leur Etat de la Serbie et la Yougoslavie." C'est la raison pour
21 laquelle il n'avait pas été d'accord avec le plan de Lord Carrington pour
22 ce qui est de faire laisser les Serbes en Croatie.
23 M. Nice (interprétation): De quelle façon cet avis a-t-il été exprimé:
24 avec modération ou pas? Je parle de l'avis exprimé par l'accusé.
25 M. le Président (interprétation): Laissez le témoin terminer. Laissez le
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1 temps au témoin de répondre à cette question.
2 M. Milosevic (interprétation): Mais il y a des documents qui existent, il
3 y a des procès-verbaux. Je ne comprends pas pourquoi on re-raconterait ce
4 que j'ai dit alors que cela existe dans les procès-verbaux de cette
5 Conférence internationale, d'un mot à l'autre. Pourquoi avons-nous besoin
6 de son interprétation à lui? Je ne me suis pas entretenu avec lui à titre
7 privé!
8 M. le Président (interprétation): Il peut déposer à ce propos et, si ce
9 n'est pas exact, vous pourrez le contredire grâce à ce procès-verbal au
10 moment où ce document, sans nul doute, pour autant qu'il existe, sera
11 versé au dossier.
12 Poursuivez.
13 M. Milosevic (interprétation): Mais je n'ai pas à lui donner lecture du
14 procès-verbal. Le procès-verbal, il peut le lire lui-même.
15 M. le Président (interprétation): Oui.
16 M. Nice (interprétation): Pourriez-vous répondre à la question, Monsieur
17 le Témoin: de quelle façon, modérée ou pas, l'accusé a-t-il agi? Comment
18 s'est-il comporté au moment où il a pris la parole pour exprimer l'avis
19 qu'il a exprimé?
20 M. Samardzic (interprétation): Je pense avoir répondu.
21 Il a dit, en gros, que la Croatie avait le droit de créer un Etat
22 indépendant, mais que les Serbes en Croatie avaient le même droit, un
23 droit égal, celui de vivre dans un Etat à eux et que c'est la raison pour
24 laquelle ils ne pouvaient pas accepter le plan de Lord Carrington. Et il a
25 vigoureusement rejeté ce plan de Lord Carrington.
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1 Et je serais d'accord avec le Président...
2 Question: Nous parlons de la façon dont les gens ont voté, notamment dont
3 M. Bulatovic a voté et ce qui s'est passé à ce moment-là. Pourriez-vous
4 nous en parler?
5 Réponse: Après l'intervention du Président Milosevic, les autres ont pris
6 la parole dans l'ordre alphabétique et ont accepté le plan de Lord
7 Carrington dans sa totalité. Les Croates avaient été particulièrement
8 satisfaits et ils n'avaient pas besoin de rejeter le plan puisque le
9 Président Milosevic l'avait rejeté.
10 Bulatovic a accepté le plan et cela a mis en colère le Président
11 Milosevic; il s'est levé de sa chaise et il est passé derrière nous pour
12 nous dire: "Je vous en donnerai du Monténégro indépendant et souverain!".
13 Et quand il dit: "Je vous en donnerai", chez nous, cela était une menace
14 grave, parce que, quoique officiellement nous ayons été sur pied
15 d'égalité, parce qu'il devait franchir 20 ou 30 mètres -entre nous, il y
16 avait la délégation monténégrine-, il s'était déplacé, il avait contourné
17 la délégation macédonienne pour arriver à la délégation monténégrine, pour
18 nous menacer pour avoir rompu la discipline qu'il avait mise en place.
19 Question: Et cette réunion s'était terminée avec l'accusé qui votait en
20 faveur du plan, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, il fallait voter en levant la main; et le fait de lever la
22 main avait suffi et, seul, par son discours, le Président Milosevic avait
23 rejeté le plan présenté par Lord Carrington.
24 Je crois devoir ajouter qu'il n'a fait que prolonger la guerre, continuer
25 la guerre au lieu de choisir la paix telle que proposée par la Communauté
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1 européenne. Et c'est ainsi qu'il a amené le peuple serbe et les autres
2 peuples de Yougoslavie à une grande tragédie.
3 Question: Fort bien. Vous êtes retourné au Monténégro. Est-ce que vous
4 êtes rentré avec M. Bulatovic?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Est-ce qu'à un moment donné, M. Bulatovic a changé d'avis?
7 Réponse: Oui, il a changé de position dès que nous sommes rentrés au
8 Monténégro.
9 Permettez-moi d'ajouter qu'après la réunion, nous avons eu un entretien
10 avec le Président Tudjman, après la réunion plénière, toujours à La Haye.
11 Nous avons eu cette réunion avec le Président Tudjman et je crois qu'il
12 faudrait dire quelques mots là-dessus également.
13 Question: Annoncez le sujet, si vous le voulez bien, avant que nous ne
14 vous demandions de le faire.
15 Mais quel a été le sujet de la discussion, tout d'abord?
16 Réponse: Le rétablissement de la paix entre le Monténégro et la Croatie,
17 donc faire en sorte qu'il n'y ait plus de guerre. Et il avait été question
18 de Prevlaka.
19 S'agissant de mon déplacement vers Zagreb, nous en avions parlé avec le
20 Président Tudjman, parce que nous avions essayé d'organiser cela, M. Kacic
21 et moi-même, ainsi que le Président Tudjman. Le Président Bulatovic a
22 accepté et nous avions convenu d'en discuter avant que de prendre
23 respectivement l'avion, nous pour Titograd et eux pour Zagreb.
24 Question: Etait-ce une réunion fructueuse? Est-ce qu'elle s'est tenue dans
25 un esprit de compromis avec le Président Tudjman ou pas?
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1 Réponse: Oui, tout à fait.
2 Le Président Bulatovic et le Président Tudjman avaient convenu qu'il ne
3 fallait plus faire la guerre, que la question de Prevlaka pouvait être
4 résolue. Et je crois que le Président Tudjman avait dit ce qui suit: "S'il
5 n'y avait pas eu de guerre, Prevlaka n'aurait pas posé de problème. Et si
6 les rapports entre le Monténégro et la Croatie avaient été ceux du temps
7 de Njegos et de Ban Jelacic, il n'y n'aurait rien à se reprocher. Mais
8 maintenant, je n'ai plus le droit de vous donner Prevlaka. Nous pouvons en
9 parler, nous pouvons négocier, mais la décision sera prise par le
10 Parlement, par le Sabor". C'est de cela que parle le Dr Kacic dans son
11 livre.
12 Question: Nous avons sans doute le temps de parler du sujet suivant, à
13 savoir: pourquoi M. Bulatovic a changé d'avis aussitôt après son retour au
14 Monténégro?
15 Mais, tout d'abord, connaissez-vous les circonstances dans lesquelles il a
16 changé d'avis? Est-ce que c'est lui-même qui vous l'a dit ou quelqu'un
17 d'autre? En avez-vous discuté avec lui? Dites-nous ce qui s'est passé.
18 Réponse: Le lendemain de notre arrivée à Titograd, Kostic et Jovic avaient
19 fait le déplacement vers Titograd pour discipliner le Monténégro. Ils
20 avaient été envoyés de façon évidente par le Président Milosevic, et ils
21 ont dit à Bulatovic qu'il fallait qu'il change d'avis.
22 Je n'étais pas présent à la réunion: il y avait le Sommet du Monténégro.
23 Donc ils étaient quelques-uns à cette réunion et Bulatovic a été
24 contraint, j'entends contraint d'accepter de lever la main et de dire,
25 d'admettre qu'il s'était trompé et qu'il avait fait une erreur.
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1 Question: Avez-vous vu Kostic et Jovic à Podgorica ou Titograd?
2 Réponse: Non, je ne les ai pas vus personnellement, mais on m'a dit qu'ils
3 étaient là et je savais qu'il y avait une session en cours dans le même
4 bâtiment.
5 Et j'ai vu, de par les effectifs de la police qu'ils avaient renforcé les
6 mesures de sécurité autour du bâtiment, et tout le reste, qu'il y avait
7 une situation d'exception, comme si la guerre avait commencé à Titograd,
8 tant il y avait de policiers à ce moment dans les rues de Titograd.
9 Question: Comment avez-vous appris que ce sont eux qui l'ont poussé à
10 changer d'avis? Est-ce que quelqu'un vous l'a dit? Si oui, qui?
11 Réponse: Oui, c'est le Président Bulatovic lui-même qui me l'a dit.
12 Question: Est-ce qu'il vous a parlé des conditions qui lui avaient été
13 soumises par ces deux hommes?
14 Réponse: Mais qu'il fallait rejeter le plan de Lord Carrington et
15 d'accepter une initiative nouvelle que l'on avait appelée "L'initiative de
16 Belgrade" au terme de laquelle il convenait d'organiser un nouvel Etat
17 fédéral avec, dans sa composition, la Serbie et le Monténégro. Et on a
18 commencé à débattre de cette initiative de Belgrade. Cinq jours plus tard,
19 le 23 octobre, il a été question de cela au Parlement.
20 M. Nice (interprétation): Nous allons en parler, nous le ferons sans doute
21 demain. Mais est-ce que M. Bulatovic a dit ce qui pourrait lui arriver
22 s'il refusait de changer l'avis qu'il avait adopté s'agissant du Plan
23 Carrington?
24 M. Samardzic (interprétation): Il m'a dit que Jovic avait été catégorique
25 en disant qu'il allait faire venir quelqu'un d'autre s'il ne voulait pas
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1 changer d'avis. Et, dans cette situation, faire venir quelqu'un d'autre,
2 cela signifiait perdre sa vie très facilement. Donc quand on dit "faire
3 venir quelqu'un d'autre", cela entendait cette possibilité-là également;
4 et c'est ce que Bulatovic m'a dit que Jovic lui avait dit.
5 M. le Président (interprétation): Nous allons lever l'audience.
6 Monsieur Nice, vous avez encore besoin de combien de temps?
7 M. Nice (interprétation): Une demi-heure, je dirai, à peu près.
8 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
9 Monsieur Samardzic, veillez à être présent dans le prétoire pour
10 poursuivre votre déposition demain à 9 heures 30.
11 (L'audience est levée à 16 heures 17.)
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