Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Vendredi 18 octobre 2002.) 

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 03.)

  3   (Audience publique.)

  4   (Le témoin, M. Jovan Dulovic, est déjà dans le prétoire.)

  5   (Matières relatives aux éléments de preuve.)

  6   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

  7   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, si je puis me

  8   permettre, avant le début de l'interrogatoire, j'aimerais vous informer au

  9   sujet de ce qui s'est passé avec l'enquêteur.

 10   Un enquêteur du Bureau du Procureur a parlé à la femme de M. Dulovic hier

 11   et ce matin; et la nature de la menace qui pèse sur Mme Dulovic est la

 12   suivante: c'est un appel téléphonique qui a été adressé à un membre de la

 13   famille de M. Dulovic et qui a utilisé un langage injurieux et insultant

 14   pour menacer cette personne. Je tiens à dire que le ministre Mihaljovic et

 15   Nenad Milic sont immédiatement intervenus sur cette question, et je pense

 16   que ceci a sans doute eu pour effet de freiner un peu les choses. A

 17   Belgrade, on sait que des menaces ont été proférées contre M. Dulovic,

 18   c'est la raison pour laquelle nous avons demandé un huis clos.

 19   J'inviterai la Chambre, dans la mesure où elle le juge utile, à

 20   reconnaître en public l'engagement de M. Mihaljovic qui a garanti que tout

 21   témoin coopérant avec le Tribunal et comparaissant devant le Tribunal

 22   bénéficiera des mesures de protection nécessaires en cas de menaces.

 23   M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons examiner la

 24   question.

 25   Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

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  1   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Jovan Dulovic, par l'accusé M.

  2   Milosevic.)

  3   M. Milosevic (interprétation): Nous nous sommes arrêtés sur cette

  4   déclaration que vous avez faite au Tribunal.

  5   Les auteurs de crime sont considérés comme inconnus, mais vous avez

  6   mentionné une certaine Dragica. Et en page 5 de votre déclaration

  7   préalable, vous dites ce qui suit -je cite-: "Je n'ai jamais appris le nom

  8   de famille ou le prénom exact de cette femme et je ne sais pas où elle se

  9   trouve, mais je sais qu'elle était très connue, à cette époque, dans cette

 10   partie du Vukovar." (Fin de citation.)

 11   Donc même lorsqu'il est question de cette autre personne, vous ne savez

 12   pas non plus de qui il s'agit. Dans ces conditions, est-il anormal, à

 13   votre avis, que les instances judiciaires aient mené une enquête au sujet

 14   de ces personnes dont l'identité était inconnue, afin de permettre leur

 15   identification?

 16   M. Dulovic (interprétation): Je ne suis pas rentré dans ces questions.

 17   J'ai dit ce que j'avais à dire et je maintiens ce que j'ai dit, à savoir

 18   que Dragica était connue de tous; elle est originaire de Novi Sad. Je ne

 19   sais pas ce qu'a dit M. Sljivancanin ou ce qu'ont dit d'autres personnes,

 20   mais il est très facile de confirmer qui a fait cela et sur l'ordre de qui

 21   il l'a fait.

 22   Question: Monsieur Dulovic, vous connaissez sans doute les explications

 23   qui ont été fournies dans cette affaire, à savoir que ce groupe de

 24   prisonniers provenait des rangs de la population et il s'agissait de

 25   citoyens armés qui constituaient une foule en furie. Personne ne justifie

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  1   leur meurtre, mais des armes ont été utilisées pour les… des armes ont été

  2   enlevées aux soldats qui les possédaient et ce n'est pas l'armée qui a

  3   fait cela. Je pense qu'il est clair à vos yeux que ce qui s'est passé, que

  4   ces explications sont claires à vos yeux, à moins qu'elles ne le soient

  5   pas?

  6   Réponse: Il ne m'appartient pas de dire ce qui est clair ou ce qui ne

  7   l'est pas. J'ai dit ce que je savais, ce que j'ai entendu et découvert, et

  8   je sais que ces personnes ont circulé en liberté pendant des mois après

  9   cette affaire.

 10   Question: De quelles personnes parlez-vous: les personnes de la région ou

 11   d'autres personnes? Vous dites que vous ne les connaissez pas et cette

 12   femme, vous dites que vous n'avez pas réussi à déterminer son prénom et

 13   son nom de famille; est-ce que vous parlez de ces personnes?

 14   Réponse: Les personnes dont je parle sont les personnes qui ont commis ces

 15   actes.

 16   M. Milosevic (interprétation): Il n'est pas clair, à vos yeux, que ceci

 17   n'a pas été le fait du commandant Sljivancanin ou du général Mrksic? Vous

 18   dites dans votre déclaration préalable…

 19   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, encore une fois vous

 20   tirez partie de l'occasion qui vous est donnée pour polémiquer et

 21   présenter votre thèse. Il n'appartient pas au témoin d'interpréter des

 22   éléments de preuve; c'est à nous que revient cette tâche.

 23   Vous pouvez demander au témoin ce qu'ont dit ces gens, bien sûr, mais ce

 24   qui est clair ou ne l'est pas relève des éléments de preuve et il

 25   appartient au Tribunal d'en décider; ce n'est pas une question à poser au

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  1   témoin.

  2   M. Milosevic (interprétation): Très bien, Monsieur May.

  3   Monsieur Dulovic, vous dites dans votre déclaration préalable que vous

  4   n'avez pas vu Mrksic au cours de votre séjour à Vukovar. "J'ai entendu

  5   -dites-vous- qu'il se trouvait à Negoslavci; c'est la seule chose que j'ai

  6   entendue. Je n'ai pas non plus parlé à qui que ce soit de ce sujet".

  7   Savez-vous que Mrksic n'était même pas en Slavonie, à l'époque, il était à

  8   Belgrade?

  9   M. Dulovic (interprétation): J'ai dit que je n'ai pas vu Mrksic, mais que

 10   j'ai entendu dire qu'il se trouvait à Negoslavci.

 11   M. Milosevic (interprétation): Très bien. Monsieur Dulovic, voyons un peu

 12   où nous en sommes. Je cherche à retrouver votre autorisation de séjour,

 13   votre permis de séjour.

 14   M. le Président (interprétation): Quel document? Le document de Vukovar?

 15   C'est la pièce à conviction 342, intercalaire 1.

 16   M. Milosevic (interprétation): Oui, oui, à Vukovar. A Vukovar. Voilà,

 17   voilà, je l'ai.

 18   M. le Président (interprétation): Attendez que ce document soit remis au

 19   témoin. Un instant, je vous prie.

 20   (Intervention de l'huissier.)

 21   M. Milosevic (interprétation): Monsieur Dulovic, dans le texte de cette

 22   autorisation il est indiqué que votre séjour à l'endroit en question est

 23   autorisé entre le 9 octobre et le 9 novembre. C'est bien cela?

 24   M. Dulovic (interprétation): Je n'ai pas reçu le bon document.

 25   (Intervention de l'huissier.)

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  1   Question: On lit en haut de la page: "Secrétariat fédéral à la défense

  2   populaire. Administration chargée de l'éducation morale, etc., etc.

  3   Politika Belgrade, etc." Tout cela est écrit.

  4   Donc vous étiez autorisé à rester sur place du 9 octobre au 9 novembre, un

  5   mois autrement dit. Et vous témoignez ici au sujet d'événements qui se

  6   sont déroulés, alors que vous n'étiez pas là-bas, n'est-ce pas?

  7   Réponse: Non, ce n'est pas le cas.

  8   Question: Alors, qu'est-ce qui est exact?

  9   Réponse: D'abord, il est écrit un peu plus loin que cette autorisation est

 10   valable y compris après cette date, dans des conditions exceptionnelles.

 11   Et on voit la signature du commandant Petkovic et Aso.

 12   Ensuite, depuis le mois de mai, lorsqu'on avait une carte de presse -en

 13   tout cas, c'était le cas au début-, c'est seulement par la suite qu'une

 14   autorisation spéciale a été demandée, et donc c'est à ce moment-là que

 15   j'ai été contraint de me procurer une autorisation.

 16   Question: Monsieur Dulovic, vous avez réalisé un film de propagande dont

 17   vous avez tiré un extrait. Quand avez-vous tourné ce film?

 18   Réponse: En 1995 ou 1996, je crois.

 19   M. Milosevic (interprétation): Donc plusieurs années après ces événements,

 20   vous avez réalisé ce film dont vous avez extrait certaines séquences. Eh

 21   bien, voyez-vous, j'ai ici sous les yeux une transcription de cette

 22   conversation avec Sljivancanin qui n'était pas très claire, et je n'ai pas

 23   très bien compris, mais il est écrit ici:

 24   "-M. Nikola Borsinger: Non, je suis...

 25   -M. Sljivancanin: Quel est le problème?

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  1   -M. Borsinger: J'ai été habitué à une meilleure coopération avec la JNA

  2   que celle que je bénéficie aujourd'hui.

  3   -M. Sljivancanin: Interprète-moi "mieux qu'aujourd'hui", mais de quoi

  4   s'agit-il?

  5   -M. Borsinger: Le colonel connaît tous les problèmes.

  6   -M. Sljivancanin: Mais il n'y a aucun problème, c'est seulement…

  7   -M. Borsinger: Voici le colonel.

  8   -M. Sljivancanin: Je sais simplement qu'il y a quelques civils…. Quel est

  9   le problème, s'il vous plaît? Expliquez-moi le problème?

 10   -M. Borsinger: Le problème, c'est que je vois des soldats marchant dans la

 11   rue, je vois des camions qui arrivent. Regardez! Regardez par là-bas.

 12   -M. Sljivancanin: Eh bien, je viens de rouvrir le pont à la circulation.

 13   -M. Borsinger: Ce pont n'était pas ouvert à la circulation.

 14   -M. Sljivancanin: Parce que j'ai entendu qu'on tirait des coups de feu là-

 15   bas. Est-ce que vous avez entendu, Messieurs?

 16   -M. Borsinger: Mes collègues se trouvaient là-bas.

 17   -M. Sljivancanin: Je vous en prie, Messieurs, ce qui m'intéresse

 18   uniquement, ce sont les gens qui étaient dans la cave et que mes soldats

 19   ont protégé. On s'en est occupé. Si le fait que mes jeunes soldats qui ont

 20   18, 19, 20 ans sont en train de mourir ne vous intéresse pas, vous n'êtes

 21   pas bienvenu ici, Monsieur. Ce soir encore, mes hommes sont morts ici. Et,

 22   Monsieur, ici, c'est la guerre.

 23   -M. Borsinger: Je sais.

 24   -M. Sljivancanin: Et nous nous sommes efforcés de vous garantir une

 25   sécurité pleine et entière et la possibilité de circuler en paix, alors

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  1   que vous me parlez de problèmes. Si cela ne vous plaît pas, je vous en

  2   prie, retournez où vous voulez! Cela me fait honte que vous vous

  3   comportiez de cette façon à mon égard! Tout ce que vous avez demandé, je

  4   vous l'ai garanti."

  5   (Fin de citation.)

  6   M. le Président (interprétation): Mais ce n'est pas une question en bonne

  7   et due forme. Qu'est-ce que vous essayer de prouver en parlant de cette

  8   séquence du film? De quoi parlez-vous?

  9   M. Dulovic (interprétation): Vous confondez...

 10   M. le Président (interprétation): Il appartient à la Chambre de déterminer

 11   ce qui est prouvé, mais le témoin peut parler des conditions dans

 12   lesquelles cette conversation s'est déroulée.

 13   Que s'est-il passé, Monsieur Dulovic, exactement?

 14   M. Dulovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 15   l'accusé fait une confusion au sujet de ce film. Je n'ai pas participé à

 16   la réalisation de ce film. Il n'a pas écouté attentivement lorsque la

 17   question a été discutée dans ce prétoire, c'est un extrait d'un autre

 18   film.

 19   M. Milosevic (interprétation): Très bien. Je parle de l'extrait où l'on a

 20   vu Sljivancanin, c'est l'extrait que je souhaite évoquer; cela importe peu

 21   qu'il soit extrait de votre film ou pas. En tout cas, c'est vous qui avez

 22   fourni cette séquence.

 23   Alors, quel est l'objet de ma question? Quel est le but que je poursuis en

 24   parlant de cette conversation? Eh bien, je le fais parce que je ne vois

 25   rien dans cette conversation…

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  1   M. le Président (interprétation): Ecoutez, c'est encore une polémique.

  2   Vous pouvez discuter avec nous. Le témoin ne peut pas répondre à la

  3   question. C'est simplement une séquence qui a été diffusée dans le

  4   prétoire.

  5   Mais je vous en prie, ne perdez pas de vue, Monsieur Dulovic, que nous

  6   vous demandons ce qui s'est passé ce matin-là entre le représentant de la

  7   Croix-Rouge et le commandant Sljivancanin. Pouvez-vous nous aider sur ce

  8   point?

  9   M. Dulovic (interprétation): Oui. D'abord, je n'ai pas participé au

 10   tournage du film dont il est question ici. C'est une autre équipe de

 11   télévision qui a tourné ce film. J'ai écouté M. Sljivancanin; il y avait

 12   d'ailleurs d'autres phrases où il apportait des explications à ce

 13   représentant de la Croix-Rouge en lui disant que nous nous trouvions dans

 14   une zone de guerre, qu'il y avait une guerre qui était en cours, qu'il y

 15   avait des Oustachis en armes à cet endroit, quelque chose de ce genre-là.

 16   Quant à la séquence dont il vient d'être question, je n'étais pas avec lui

 17   à ce moment-là, lorsque ce qu'on voit sur cette séquence a été enregistré.

 18   M. le Président (interprétation): Un instant.

 19   Que les choses soient claires: lorsque vous dites qu'il ne voulait pas

 20   laisser passer le représentant de la Croix-Rouge, est-ce que ce

 21   représentant de la Croix-rouge demandait un accès quelconque à l'hôpital?

 22   M. Dulovic (interprétation): C'était à l'entrée de l'hôpital, pas dans

 23   l'hôpital mais devant le bâtiment, à cinq ou six mètres de l'entrée. C'est

 24   une autre scène. Je parle de celle dont il est question ici dans la

 25   séquence dont il vient de d'être discuté.

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  1   M. Milosevic (interprétation): Etes-vous en train de dire, Monsieur

  2   Dulovic, que cette scène dont il vient être question n'a rien à voir avec

  3   votre témoignage?

  4   M. Dulovic (interprétation): Non, ce n'est pas exact. Cela a quelque chose

  5   à voir avec mon témoignage, mais la scène a duré beaucoup plus longtemps.

  6   J'ai simplement dit ce que j'ai entendu lorsqu'il a parlé. Il criait, le

  7   commandant Sljivancanin était assez énervé à ce moment-là.

  8   Quant aux détails de la conversation avec le représentant de la Croix-

  9   Rouge, je ne les connais pas, mais il a crié ce que j'ai cité devant tout

 10   le public et à l'adresse du public parce qu'il y avait pas mal de

 11   journalistes autour de lui.

 12   Question: Il criait donc pour être entendu par le public en expliquant que

 13   ses soldats avaient été tués et qu'il faisait tout ce qui lui était

 14   demandé.

 15   Réponse: C'est l'impression que j'ai eue.

 16   M. Milosevic (interprétation): Très bien. Revenons maintenant sur le film

 17   dont j'ai parlé tout à l'heure, à savoir le film de propagande que vous

 18   avez réalisé en 1995, d'après ce que vous dites.

 19   M. le Président (interprétation): Un instant. Il est possible qu'une

 20   critique implicite soit sous-entendue dans cette question. Il faut donc,

 21   Monsieur le Témoin, que vous ayez la possibilité de répondre à cela.

 22   Est-ce une bonne manière de refléter la situation que d'utiliser ces

 23   termes ou pas: film de propagande?

 24   M. Dulovic (interprétation): C'est ici que j'ai vu ce film pour la

 25   première fois, ou, pour être plus précis cette scène, cette séquence.

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  1   Peut-être a-t-elle été diffusée également à la télévision, mais je ne sais

  2   pas qui l'a tournée.

  3   M. le Président (interprétation): Il y a sans doute un malentendu, très

  4   compréhensible d'ailleurs. Si je comprends bien ce que dit l'accusé, il

  5   parle du film plus long que vous avez réalisé, le film au sujet des

  6   "Guêpes jaunes". Je crois que c'est de ce film que parle l'accusé et il le

  7   qualifie de film de propagande.

  8   M. Dulovic (interprétation): Non, c'est inexact. Ce film reflète la

  9   vérité, il rend compte de ce que j'ai vu de mes yeux et de ce qui s'est

 10   passé dans la salle d'audience lors du procès des "Guêpes jaunes". Il y a

 11   également une interview de Vojin Vuckovic, et d'autres séquences.

 12   Mais la séquence dont il vient d'être question, ce n'est pas moi qui l'ai

 13   tournée; le réalisateur l'a montée à partir de documents publics. Donc je

 14   n'ai pas discuté du sujet avec lui; je veux parler de cet extrait ou l'on

 15   voit le commandant Sljivancanin.

 16   M. Milosevic (interprétation): Monsieur Dulovic, vous avez parlé dans

 17   votre déposition d'une coopération que j'aurais eue, en 1991 ou 1992, avec

 18   Vojislav Seselj. Comme vous le savez, ce dernier était dans l'opposition.

 19   J'aimerais donc que vous commentiez cette lettre venant de lui, que j'ai

 20   reçue par le truchement de mes collaborateurs et qui traite de vous ainsi

 21   que d'un autre journaliste de "Vreme".

 22   Je ne vais pas donner lecture de l'intégralité de la lettre, même si elle

 23   est écrite à la main et qu'elle ne fait même pas une page, ce qui veut

 24   dire qu'elle fait à peine un tiers de page imprimée.

 25   Je cite: "Ils invoquent tous les deux de prétendues déclarations de ma

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  1   part, de prétendues déclarations faites après les faits. Et sans doute au

  2   cours d'une féroce guerre de propagande entre le Parti serbe et un autre

  3   parti lors des moments que j'ai passés hors de prison. Ces déclarations

  4   sont le fait de protagonistes passionnés à un conflit politique, qui se

  5   font concurrence et qui, en aucun cas, ne s'approchent même de la vérité."

  6   (Fin de citation.)

  7   Plus loin, nous lisons: "Je cite M. Milosevic: Je vous rappelle que nous

  8   nous sommes rencontrés pour la première fois à la fin février 1992, lors

  9   de la réunion de l'Assemblée nationale de Serbie et nous nous sommes

 10   contentés de nous serrer la main." (Fin de citation.)

 11   Ce qui est vrai. Lorsque je suis arrivé au Parlement, j'ai serré la main

 12   des personnes qui étaient près de moi physiquement et des députés qui

 13   étaient autour de moi.

 14   La suite du texte se lit comme suit -je cite-: "Nous n'avons pas parlé

 15   ensemble." (Fin de citation.)

 16   Bien sûr, ceci est vrai.

 17   Je cite: "Notre première conversation a eu lieu en mai 1992, de façon

 18   anonyme. Elle traitait des élections fédérales qui approchaient. Nous

 19   n'avons pas discuté des opérations de guerre ou de l'envoi de volontaires.

 20   Le Parti radical serbe a envoyé tous ses volontaires dans les unités de la

 21   JNA et ils se sont tous retrouvés dans la caserne de Bubanj Potok. Tous

 22   ces volontaires étaient des soldats de l'armée régulière, de la JNA, et le

 23   fait qu'ils aient servi en temps de guerre est enregistré dans leur livret

 24   militaire. Un nombre limité de volontaires a été versé dans les rangs de

 25   la Défense territoriale en Slavonie, dans la Région autonome serbe de

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  1   Slavonie, de Baranja et du Srem occidental et, plus tard, dans les rangs

  2   de l'armée de la Republika Srpska.

  3   Le Parti radical serbe n'a jamais eu de formations paramilitaires.

  4   Je suis prêt, Monsieur Milosevic, à témoigner fidèlement des événements

  5   qui se sont déroulés pendant la guerre. Et je suis surpris que le

  6   Procureur de La Haye me considère comme impossible à atteindre. Dès que je

  7   recevrai une convocation officielle, je viendrai. Respectueusement vôtre,

  8   Vojislav Seselj". C'est signé et daté d'aujourd'hui.

  9   M. le Président (interprétation): Ce que Vojislav Seselj dit dans cette

 10   lettre et vient d'être lu, je ne suppose pas que le témoin puisse le

 11   commenter, mais nous allons lui poser la question.

 12   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, deux choses.

 13   D'abord, je demande que cette lettre soit enregistrée et, si M. Milosevic

 14   ne souhaite pas la verser au dossier, le Procureur demande qu'elle soit

 15   conservée. Il y a deux raisons à cela, je pense que c'est un élément de

 16   preuve important, compte tenu de ce qu'il contient.

 17   M. le Président (interprétation): Je dois vous dire que, jusqu'à présent,

 18   nous n'avons pas eu pour habitude d'admettre au dossier les diverses

 19   déclarations que M. Milosevic a utilisées dans son contre-interrogatoire.

 20   Pour la très bonne raison que ce ne sont pas des éléments de preuve, ce

 21   sont simplement des documents qu'il soumet.

 22   Et il y a un danger à les verser au dossier, dirais-je, parce que vous

 23   souhaitez simplement que ces documents soient enregistrés, mais il se peut

 24   qu'il y en ait un très grand nombre. De toute façon, nous allons

 25   réfléchir.

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  1   M. Groome (interprétation): Ce que je souhaite dire, Monsieur le

  2   Président, s'agissant de ce document en particulier, c'est que je

  3   m'inquiète de savoir comment M. Seselj a su que ce témoin témoignait

  4   aujourd'hui, alors que nous sommes à huis clos? Cette séquence vidéo a été

  5   diffusée à huis clos et nous avons une réponse de M. Seselj dans les 24

  6   heures. Ceci me préoccupe un peu, notamment au vu des événements d'hier.

  7   M. le Président (interprétation): Bien. Monsieur Milosevic, pouvez-vous

  8   nous aider sur ce point?

  9   M. Milosevic (interprétation): Je vous en prie, Monsieur May.

 10   D'abord, je répondrai à vos questions uniquement lorsque je m'exprimerai

 11   en tant que témoin, mais également aujourd'hui. Respectez vos propres

 12   règles, je vous prie.

 13   Et pour ne pas prolonger les débats, je ne lirai pas le début de cette

 14   lettre, mais elle dit ce qui suit -je cite-: "Cher Monsieur Milosevic, je

 15   suis ébahi par les faux témoignages de deux journalistes de "Vreme", Jovan

 16   Dulovic et un autre journaliste, qui ont prouvé depuis longtemps qu'ils

 17   sont des agents des services de renseignement occidentaux". (Fin de

 18   citation.)

 19   Ensuite, il poursuit en disant ce que j'ai lu: "il parle des déclarations

 20   faites prétendument après les faits, à l'époque d'une féroce guerre de

 21   propagande, à l'époque où des affrontements intenses opposaient le Parti

 22   socialiste serbe et le Parti radical serbe qui m'attaquait. Et bien sûr,

 23   il a souhaité me faire autant de mal qu'il l'a pu avec ses déclarations".

 24   Donc voilà ce qu'il dit s'agissant de ces deux témoins: "Ce qui est

 25   important ici, c'est qu'il n'y a aucun fondement aux histoires qu'a

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  1   raconté ce témoin au sujet des volontaires. Je n'ai vu cet homme pour la

  2   première fois qu'un an plus tard et nous avons parlé pour la première fois

  3   de façon plus prolongée encore ultérieurement. Le sujet de notre

  4   conversation était les élections; nous n'avons jamais discuté d'affaires

  5   gouvernementales ou de membres de l'opposition et de l'envoi de

  6   volontaires".

  7   Ceci est une remarque qui porte sur les deux témoins entendus récemment et

  8   je peux vous fournir cette lettre pour que vous l'examiniez. La voici.

  9   M. le Président (interprétation): Est-ce que ceci, les propos de M. Seselj

 10   ont été abordés en public?

 11   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, la séquence vidéo a été

 12   diffusée à la fin de l'interrogatoire principal, hier, à huis clos. Je

 13   peux vérifier, Monsieur le Président.

 14   M. Kwon (interprétation): C'était le 16 octobre, jour 110, et je suppose

 15   que c'était en public.

 16   M. Groome (interprétation): La première séquence vidéo, la séquence de

 17   Vukovar a été diffusée le premier jour.

 18   M. le Président (interprétation): Il s'agit de la vidéo de Seselj qui a

 19   été diffusée vers la fin du témoignage du témoin.

 20   M. Groome (interprétation): Je m'en souviens, Monsieur le Président, mais

 21   je vérifie mes notes.

 22   M. Kwon (interprétation): Pouvez-vous vérifier page 11.680 du compte rendu

 23   d'audience?

 24   M. Groome (interprétation): Bien, Monsieur le Juge.

 25   M. Kwon (interprétation): Ligne 21.

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  1   M. le Président (interprétation): La Greffière d'audience indique que

  2   cette déposition a sans doute été faite en public et que la séquence vidéo

  3   n'est pas conservée sous scellés. C'est sans doute exact, mais ne perdons

  4   pas de temps sur ce sujet, nous pouvons le vérifier plus tard.

  5   Un instant, Monsieur Milosevic. Il est demandé que ce document soit versé

  6   au dossier. Donc la première question, je vous la pose, Monsieur

  7   Milosevic. Avez-vous une objection?

  8   M. Milosevic (interprétation): Parlez-vous de la lettre de M. Seselj?

  9   M. le Président (interprétation): Oui.

 10   M. Milosevic (interprétation): Oui, vous pouvez l'avoir. Vous pouvez

 11   l'avoir, bien sûr, pas de problème.

 12   M. le Président (interprétation): Un instant. Avant de traiter du sujet,

 13   nous allons décider si nous admettons ou pas ce document.

 14   Monsieur Dulovic, vous êtes assis patiemment pendant que tout ceci se

 15   passe. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez dire à ce sujet? Vous avez

 16   la possibilité de répondre.

 17   M. Dulovic (interprétation): Tout d'abord, ce film avait été un film

 18   documentaire. Ça a été tourné en tant que film documentaire. Deuxièmement,

 19   lorsqu'on parle de l'armée et des volontaires, je tiens à dire que j'ai

 20   fait des recherches en ce sens et je sais de façon tout à fait fiable que

 21   les membres du Parti radical de M. Seselj se présentaient en tant que

 22   volontaires; ils se présentaient au niveau des comités locaux du Parti

 23   radical et c'est là qu'on établissait des listes de noms. Ces noms ont,

 24   par la suite, été envoyés vers le siège du MUP de la République pour

 25   vérification.

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  1   Je ne sais pas ce que l'on vérifiait. Est-ce qu'on vérifiait qu'il y avait

  2   des dossiers, des casiers judiciaires? S'agissait-il de criminels ou pas?

  3   Ou quelque chose d'autre?

  4   Par la suite, ces listes étaient restituées aux comités municipaux qui,

  5   eux, envoyaient aux volontaires des convocations, du moins aux volontaires

  6   dont la souscription était acceptée. Par la suite, ces volontaires étaient

  7   dirigés vers un terrain d'entraînement, un polygone militaire près de

  8   Belgrade qui s'appelle "Bobanj Potok"; ces volontaires ont, pendant un

  9   certain temps, reçu une formation de combat en qualité de soldats. Puis,

 10   de là, l'Etat leur assurait un transfert jusqu'à l'endroit où on avait

 11   besoin d'eux en tant que ce soldats, puis on leur donnait des armes.

 12   Ce que j'ai pu voir moi-même, c'est par exemple un événement à Vukovar où

 13   il y avait ledit Kameni, le chef de l'une de ces unités qui se trouvait à

 14   proximité et qui avait un commandement à elle, à savoir un chef. Mais si

 15   besoin était, on avait recours à eux pour certaines opérations. Cela ne

 16   signifie toutefois pas qu'ils ne se rendaient pas de façon autonome, je

 17   dirais même sans contrôle aucun de la part de l'armée, pour faire ce

 18   qu'ils ont fait.

 19   M. Milosevic (interprétation): Monsieur Dulovic…

 20   M. Dulovic (interprétation): Juste un moment, je vous prie. J'ai omis,

 21   tout à l'heure, de dire qu'aucune visite médicale n'avait été ménagée à

 22   l'intention de ces hommes-là, ce qui fait -j'en suis sûr- que j'ai vu que

 23   l'on acceptait des gens qui ne sauraient être admis dans l'armée suite à

 24   examen psychiatrique; et il y a eu des gens de ce genre.

 25   Question: Monsieur Dulovic, vous avez dû voir n'importe quoi sur les

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  1   champs de bataille. Mais parlant des volontaires dans l'armée populaire

  2   yougoslave, c'étaient alors des soldats de l'armée populaire yougoslave et

  3   non pas des membres d'unités paramilitaires. Et M. Seselj dit que le Parti

  4   radical serbe n'avait jamais disposé de formations paramilitaires.

  5   Réponse: Ce n'est pas exact.

  6   Question: Bien, vous savez probablement mieux. Moi, je vous dis ce qui est

  7   écrit ici.

  8   Et vous souvenez-vous du fait que la position de notre Etat a, de tout

  9   temps, été très catégoriquement opposée aux formations paramilitaires

 10   parce qu'on avait jugé que c'étaient des pilleurs purs et simples et non

 11   pas des combattants?

 12   Réponse: Je ne serai pas d'accord avec vous.

 13   M. Milosevic (interprétation): Bien, Monsieur Dulovic, ne perdons pas de

 14   temps. Je voudrais que vous preniez note du fait que nous avons perdu

 15   beaucoup de temps de façon tout à fait inutile, et ceci en débats que je

 16   n'ai pas occasionnés. Je voudrais donc que vous en teniez compte dans le

 17   calcul du temps qui m'est imparti.

 18   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous n'allez pas

 19   vous en tirer aussi facilement que cela, parce que ces genres de

 20   commentaires ne sont pas du tout adéquats. Ce sont des questions

 21   importantes que vous, vous avez soulevées; c'est vous qui avez donné

 22   lecture de la lettre de Seselj. Ne soyez pas étonné si on demande des

 23   éclaircissements. Vous n'aimez peut-être pas la réponse qui est donnée par

 24   le témoin, mais c'est ce qu'il dit dans sa réponse.

 25   La Chambre va voir si elle va déclarer recevable au dossier cette lettre

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  1   ou pas.

  2   (Les Juges se concertent sur le siège.)

  3   Nous n'allons pas admettre cette lettre au dossier; cependant, nous allons

  4   lui donner une cote d'identification puisqu'une question a été soulevée.

  5   On a demandé si elle avait été obtenue ou pas dans certaines circonstances

  6   au moment où le témoignage se faisait à huis clos; il se peut que ce soit

  7   vrai, mais le contraire peut l'être aussi. Nous allons donc attribuer à ce

  8   document une cote d'identification, mais dans un but très restreint.

  9   Un instant, un instant, Monsieur Milosevic. Attendez que la Greffière

 10   d'audience donne la cote.

 11   Mme Anoya (interprétation): Ce sera la cote d'identification de la défense

 12   55.

 13   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

 14   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne voulais perdre notre

 15   temps. J'avais demandé à mes collaborateurs de poser la question à M.

 16   Seselj pour ce qui est de savoir quand et où il a accordé une interview de

 17   ce genre parce que cela doit forcément être erroné. Il est impossible

 18   qu'il ait parlé de la chose alors qu'à l'époque, je ne connaissais pas du

 19   tout cet homme-là. Par conséquent…

 20   M. le Président (interprétation): Oui, oui. Il faudra que ce soit nous qui

 21   tirions une conclusion au vu des moyens de preuve. Voulez-vous ajouter

 22   quelque chose? Vous voulez fournir une autre explication?

 23   M. Milosevic (interprétation): Mais c'est pour ça que je le dis; il n'est

 24   point nécessaire de faire des enquêtes pour savoir si c'était en session

 25   publique ou à huis clos. Mais j'avais été stupéfait de voir que quelqu'un

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  1   était en mesure de raconter des stupidités et des énormités de la sorte;

  2   j'avais donc voulu que l'on dise si cette interview a été accordée ou pas

  3   et vous venez d'entendre son explication.

  4   Ça date de la période des conflits entre le Parti radical serbe et le

  5   Parti socialiste de Serbie et il ne visait qu'à causer des dégâts, les

  6   plus grands dégâts possibles à son adversaire politique. Je ne connaissais

  7   pas cet homme-là à l'époque. Et il affirme lui-même qu'il n'avait pas

  8   disposé de formations paramilitaires.

  9   Par conséquent, mon objection, Monsieur May, concernant le temps dépensé

 10   n'était pas dû au fait que les réponses du témoin ne me plaisaient pas,

 11   mais c'était dû au fait de voir mon temps épuisé et de me voir me priver

 12   d'autres questions que je voulais poser. Cela avait juste une corrélation

 13   avec le temps dépensé et cela n'avait pas de corrélation avec le fait

 14   d'aimer ou de ne pas aimer ses réponses.

 15   Monsieur Dulovic, vous êtes revenu par la suite à Belgrade?

 16   M. le Président (interprétation): Un instant, la Greffière veut

 17   intervenir.

 18   Mme Anoya (interprétation): Ce sera la pièceD55, code d'identification

 19   "confidential", sous pli scellé.

 20   M. Groome (interprétation): Je relève, aux fins du dossier d'audience, que

 21   M. Milosevic vient de nous dire qu'après les événements d'hier matin et vu

 22   les craintes exprimées par le témoin, apparemment, il y a des craintes les

 23   plus extrêmes à propos de certaines choses qu'il a dites hier. Et

 24   apparemment, ceci aurait été communiqué à cette personne même.

 25   M. le Président (interprétation): Je ne vais pas me lancer dans cette

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  1   interprétation et je ne vais pas enquêter. Il se peut que M. Milosevic ait

  2   parlé à ses associés à la fin de la première journée du témoignage de ce

  3   témoin, qui était en audience publique.

  4   Poursuivez, Monsieur Milosevic.

  5   M. Milosevic (interprétation): Eh bien, quoi qu'il advienne à huis clos ou

  6   en session publique, j'ai le droit de poser des questions. Quand on

  7   affirme que telle chose s'est passée, j'ai le droit de demander pourquoi

  8   untel a affirmé telle chose, s'il l'a affirmée, et j'ai bien le droit de

  9   déterminer si ce qu'il a affirmé est vrai ou pas.

 10   Et il ne s'agit pas de M. Dulovic ni de qui que ce soit d'autre. Il s'agit

 11   d'une interview d'une personne à qui on avait posé la question et on lui a

 12   posé la question de savoir ce qui s'était passé effectivement.

 13   Monsieur Dulovic, dites-nous, je vous prie, vous avez mentionné notamment

 14   une personne, puis une deuxième personne en corrélation avec ce qui s'est

 15   passé à Vukovar, notamment au niveau d'Ovcara. Puis vous êtes revenu à

 16   Belgrade -peu importe à quelle date-, mais un jour, vous êtes revenu à

 17   Belgrade, au bout de cinq, dix ou quinze jours. Peu importe.

 18   Une fois arrivé à Belgrade, est-ce que vous êtes allé présenter,

 19   communiquer, faire une notification de ce qui vous a été dit auprès de

 20   quelque autorité?

 21   M. Dulovic (interprétation): Non.

 22   Question: Bien, Monsieur Dulovic. Mais en votre qualité de journaliste en

 23   matière judiciaire, vous n'ignorez pas que, lorsque quelque chose ne va

 24   pas bien, que quelque chose cloche, vous êtes tenu de présenter la chose

 25   aux instances concernées?

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  1   Réponse: Ces instances étaient sur le terrain; il serait stupide de leur

  2   faire notification de quelque chose alors qu'ils étaient présents sur

  3   place.

  4   Question: Est-ce que vous estimez que l'armée a quelque chose à avoir avec

  5   cet événement?

  6   Réponse: Je ne considère rien du tout. J'ai dit ce que j'ai vu et c'est

  7   autre chose que de me demander ce que je pense personnellement.

  8   Question: En page 6 du dernier paragraphe, vous dites, tout de suite après

  9   la présentation de ces événements, vous dites qu'un ordre est arrivé pour

 10   ce qui est du désarmement de tous les volontaires?

 11   Réponse: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vous feriez bien de mieux lire ce

 12   qui est écrit.

 13   Question: Voilà comment s'énonce le dernier paragraphe, page 6 sur un

 14   total de 11.

 15   "Le jour d'après, on a donné ordre à tous les volontaires de restituer les

 16   armes.

 17   Réponse: Exact. L'opération de Vukovar est terminée: on n'a plus besoin

 18   d'eux. Il fallait qu'ils restituent leurs armes et qu'ils rentrent chez

 19   eux. C'est ce que j'ai compris: ce n'est pas le fait de les désarmer, mais

 20   ils devaient restituer les armes qui leur avaient été confiées, ce qui n'a

 21   rien à voir avec les événements afférents à Ovcara.

 22   Question: Moi, je les ai placés en corrélation parce que cela figure dans

 23   le paragraphe suivant, après l'endroit où vous mentionnez Ovcara. Vous

 24   dites que ce jour-là, il a été donné l'ordre à tous les volontaires de

 25   restituer leurs armes.

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  1   Réponse: Cela n'a rien à voir l'un avec l'autre.

  2   Question: Bien, bien, Monsieur Dulovic. Je ne fais que constater le fil du

  3   récit dans votre déclaration préalable et je me suis dit que cela avait

  4   été une réaction par rapport aux instances dont vous avez parlé sur le

  5   terrain.

  6   Réponse: Votre supposition est erronée.

  7   Question: Mais comment savez-vous qu'il n'y a pas eu de réaction?

  8   Réponse: Eh bien, parce que toutes les unités autour de Vukovar, qui

  9   n'avait rien à voir avec ce qui s'est passé, étaient tenues de restituer

 10   de leurs armes, étant donné qu'ils n'avaient plus besoin de ces armes, il

 11   n'y avait plus eu de combat.

 12   Question: C'est maintenant que vous expliquez cela. Dans la déposition, il

 13   est dit autre chose.

 14   Réponse: Mais non, il n'est pas dit autre chose!

 15   Question: Je vous en prie, ne perdons pas notre temps.

 16   Vous avez parlé d'échange. Est-ce que vous savez qu'un échange est

 17   intervenu en mars 1992, au moment où 41 personnes ont été confiées par la

 18   partie croate et on leur a confié un groupe de 380 membres des formations

 19   paramilitaires croates, étant donné que l'armée a accepté d'échanger tous

 20   contre tous, pour calmer, pour apaiser la situation. Cet échange a eu lieu

 21   fin mars 1992.

 22   Savez-vous donc à ce sujet tout ce qui a été fait avec les personnes qui

 23   avaient été arrêtées?

 24   Réponse: Non.

 25   Question: Donc je ne vais pas vous poser de question là-dessus. C'était

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  1   essentiellement des civils; il y avait même des femmes parmi eux. La

  2   personne la plus jeune avait 24 ans, la personne la plus âgée avait 73

  3   ans. Je ne vais pas vous donner lecture donc, mais il serait bon que vous

  4   vous renseigniez un peu là-dessus. Peut-être alors serait-il plus

  5   difficile pour vous de parler du bon traitement dont les Serbes avaient

  6   bénéficié à Vukovar.

  7   Réponse: Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est eux qui l'ont dit.

  8   Question: Très bien, Monsieur Dulovic. Et vous n'ignorez pas en votre

  9   qualité de journaliste en affaire judiciaire, en matière judiciaire, que

 10   trois témoins diront des choses différentes. J'ai trop peu de temps à ma

 11   disposition, il faut que je me réfère aussi à une partie de votre

 12   témoignage, celle relative à la Bosnie. Vous avez suivi les événements de

 13   Zvornik et vous expliquez que vous êtes arrivé à Zvornik, les choses

 14   étaient dangereuses, la situation était dangereuse et que vous êtes

 15   retourné immédiatement à Mali Zvornik. Puis vous dites que pour

 16   l'essentiel, là-bas, il y avait des formations paramilitaires.

 17   Vous dites également que par la suite donc vers le 10 mai, il y avait eu

 18   un panneau, une inscription "Republika Srpska" dessus. Et puis, vous avez

 19   vu des membres de la police fédérale et de la police de la République de

 20   Serbie. La police de la République de Serbie, j'imagine que vous ne l'avez

 21   vu qu'au passage frontière, n'est-ce pas, Monsieur Dulovic?

 22   Réponse: C'est une question?

 23   Question: La police de la République de Serbie, c'est une police que vous

 24   n'avez pu voir qu'au passage frontière, oui ou non?

 25   Réponse: Si là où je les ai vus, c'était un passage frontière, c'est bien

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  1   le cas.

  2   Question: Mais le pont sur la Drina entre Mali Zvornik et Zvornik,

  3   j'imagine. Enfin, il n'est pas contesté que Mali Zvornik est en Serbie et

  4   que Zvornik se trouve en Bosnie. Je ne dirai pas Veliki Zvornik à la

  5   différence de Mali Zvornik, parce qu'il ne s'appelle pas "Veliki Zvornik";

  6   c'est Zvornik, et Mali Zvornik en traduction: "Petit Zvornik".

  7   Réponse: Je ne savais pas qu'il s'agissait là d'un passage frontière.

  8   Personne n'avait demandé mon passeport.

  9   Question: Je ne vais pas dire "passage frontière", si vous le voulez. Eh

 10   bien, c'était le pont qui reliait la Serbie et la Bosnie-Herzégovine?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Donc, ce n'est que sur ce pont que vous avez pu voir la police

 13   de la République de Serbie. Vous n'en avez pas vu de l'autre côté, en

 14   Bosnie-Herzégovine?

 15   Réponse: Oui, je n'ai pas pu voir ceux qui étaient sur le pont, en Bosnie

 16   également.

 17   Question: Mais est-ce que vous avez vu des policiers de la République de

 18   Serbie de l'autre côté?

 19   Réponse: En uniforme, vous voulez dire?

 20   Question: Des policiers, des nôtres, de Serbie, les avez-vous vus en

 21   Bosnie-Herzégovine?

 22   Réponse: Non. Non.

 23   Question: Je voulais juste tirer les choses au clair. Vous vous trouviez

 24   donc, et eux aussi, sur le territoire de la République de Serbie; c'était

 25   d'ailleurs leur tâche de se trouver là. Or, vous dites qu'ils ne

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  1   permettaient à personne portant des armes, de venir en Serbie. Que

  2   pouvaient-ils faire?

  3   Réponse: Eh bien, c'est absolument vrai. Ce n'est pas contesté ni

  4   contestable.

  5   Question: Est-ce que c'est à ce moment-là que vous avez appris qu'à

  6   Zvornik il y avait beaucoup de criminels et de bandits, et qu'il était

  7   dangereux pour vous de vous rendre là-bas?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Est-il logique que la police en Serbie sur le pont qui relie la

 10   Serbie à la Bosnie -Bosnie où il y a eu beaucoup de violences- eh bien,

 11   que cette police ne permette pas qu'on vienne en Serbie avec des armes? Et

 12   indépendamment du fait que ce soit là encore une Yougoslavie et qu'on

 13   n'ait pas eu besoin de passeport -là, vous avez raison-, eh bien, la

 14   police a tout le même le droit de ne pas laisser passer quelqu'un si

 15   celui-ci est suspect ou s'il ne sait pas expliquer ce qu'il vient chercher

 16   en Serbie?

 17   Réponse: Oui, absolument vrai. Mais il y a un détail très important: ils

 18   n'ont pas laissé passer Vojin Vuckovic et les siens, à savoir les membres

 19   de l'Unité de Seselj au sujet desquels vous dites vous-même qu'elle avait

 20   été sous l'égide de la JNA. Donc cette unité-là, s'agissait-il de pilleurs

 21   ou pas? Je ne le sais pas, mais c'était des membres d'une unité "Zute

 22   Ose", à savoir les "Guêpes jaunes", sous le commandement du commandant

 23   Dusan Vojin Vuckovic qui avait été, comme il l'avait dit, instructeur au

 24   sein de la police fédérale.

 25   Question: Ecoutez, Monsieur Dulovic, je ne vous ai pas dit moi-même qu'il

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  1   avait été sous l'égide de la JNA. Ces membres des "Guêpes jaunes" ont été

  2   mis aux arrêts par la police fédérale. Est-ce que vous comprenez que la

  3   police fédérale avait procédé aux arrestations des membres des "Guêpes

  4   jaunes" ?

  5   Réponse: Bien longtemps après la fin des conflits.

  6   Question: Combien de temps?

  7   Réponse: Plusieurs années après.

  8   Question: Vous avez dit que le procès de Vuckovic a eu lieu en 1996?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Et partant du fait que ce procès a eu lieu en 1996, on doit

 11   pouvoir s'imaginer que quelqu'un a eu l'idée pour des raisons plutôt

 12   formalistes ou politiques, d'entamer un procès en 1996. C'est

 13   l'interprétation que vous faites?

 14   Réponse: Non, l'interprétation que je suis en train de faire, c'est qu'il

 15   fallait montrer que nous, en Serbie, nous sommes également en mesure de

 16   juger des criminels de guerre. Ça avait été un échec total.

 17   Question: Donc quelqu'un a eu l'idée de l'affaire en 1996, n'est-ce pas?

 18   Réponse: Oui, c'est exactement comme cela que ça s'est passé.

 19   Question: Très bien, Monsieur Dulovic. J'ai ici un document judiciaire

 20   "République de Serbie, ministère public de Sabac", parce que c'est là que

 21   ça s'est passé, il s'agissait du juge d'instruction du Tribunal du

 22   district de Sabac. On dit ici qu'il y a notification et plainte pénale

 23   pour ce qui est de Vuckovic Dusko surnommé "Repic", on dit ensuite le nom

 24   de son père et de sa mère. Puis, on dit quelles sont les choses dont on

 25   l'accuse, etc., etc. On dit que, pendant la guerre civile en Bosnie-

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  1   Herzégovine en violation des règles du droit humanitaire international

  2   pendant les conflits, il a procédé à des meurtres et tortures de

  3   population civile. Et on indique "encore".

  4   Ainsi, le 10 juin 1992, à la maison de la culture de Celopek où l'on avait

  5   détenu plusieurs civils originaires de Divic, il avait torturé ces civils

  6   en organisant des matchs de boxe en promettant de garder la vie sauve au

  7   plus fort.

  8   Puis il a coupé l'oreille de Enes Cikaric, puis il a tiré avec un fusil de

  9   petit calibre sur deux personnes. Il a tué deux personnes et il avait

 10   poignardé des blessés dans la zone du cœur. Il a ainsi privé de leur vie

 11   17 personnes. Ces personnes ont été transportées, transférés vers une

 12   carrière de graviers; et il avait emmené 4 personnes pour aller les

 13   chercher, il a tué ces 4 avec un fusil de petit calibre. Donc il a été

 14   accusé de 21 meurtres auxquels des tortures avaient précédé. Ça, c'est une

 15   chose dont vous êtes au courant?

 16   Réponse: Oui, tout à fait. Dans les détails, même.

 17   M. Milosevic (interprétation): Donc… Mais je crois qu'il y a un tout petit

 18   détail que vous n'avez pas remarqué. La date, c'est l'année 1993, Monsieur

 19   Dulovic, et non pas l'année 1996. Et personne, en 1996, n'a eu l'idée de

 20   poursuivre des criminels mais déjà, en 1993, à cette date, comme je vous

 21   l'ai indiqué…

 22   Je voudrais que l'huissier se saisisse de cette pièce à conviction.

 23   Et ceci est non seulement vrai, mais cela va nous illustrer la fiabilité

 24   de témoin qui nous a affirmé à cinq reprises que ça s'est passé que 1996.

 25   M. Dulovic (interprétation): Je n'ai pas affirmé, j'avais dit que je

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  1   pensais que c'était le cas puisque ça s'était passé il y a longtemps.

  2   M. le Président (interprétation): Nous allons examiner la question. Quant

  3   à savoir l'importance que revêt la différence entre 1993 et 1996, nous

  4   verrons. Oui, nous allons verser ce document au dossier.

  5   (Intervention de l'huissier.)

  6   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, mais la finalité de ce que je

  7   viens de dire, ce n'est pas seulement la date de 1993 ou 1996; cela

  8   illustre l'exactitude du témoignage. Mais la finalité, en fin de compte,

  9   c'est le fait que la Serbie a jugé des personnes pour la perpétration de

 10   ce type de délit. Il en avait tué 17, il en avait tué par la suite 4 de

 11   façon brutale, avec les tortures et tout le reste. Donc il est évident que

 12   personne n'avait eu l'intention de dissimuler quoi que ce soit lorsqu'il

 13   s'agissait de ce type d'accusé.

 14   M. le Président (interprétation): Quelle sera la cote, Madame la

 15   Greffière?

 16   Mme Anoya (interprétation): Pièce de la défense D56 confidentielle, sous

 17   pli scellé donc.

 18   (Les Juges se concertent sur le siège.)

 19   M. le Président (interprétation): Oui, poursuivez.

 20   M. Milosevic (interprétation): Tirons ceci au clair. Vous avez donc vu les

 21   "Guêpes jaunes"? C'était une unité paramilitaire ordinaire qui n'avait

 22   rien à voir avec l'armée ou les forces de la police de la Republika Srpska

 23   ni avec l'armée de la Republika Srpska, n'est-ce pas?

 24   M. Dulovic (interprétation): Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est

 25   que ces hommes étaient en tenue régulière de camouflage, portaient tous

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  1   des armes, et ressemblaient… avaient l'apparence, l'aspect d'une armée

  2   officielle. A l'exception des cheveux qui n'étaient pas bien coiffés et

  3   des couvre-chefs qu'ils avaient.

  4   Question: Fort bien, Monsieur Dulovic.

  5   J'ai cru comprendre ce que vous avez dit de la façon suivante: les Serbes,

  6   là-bas, avaient pris le contrôle de Zvornik et il n'y avait eu aucune

  7   violence, il n'y avait eu aucun danger. C'est ce que vous vouliez dire

  8   dans le cadre de votre déposition, si je l'ai bien comprise?

  9   Réponse: Non, vous n'avez pas bien compris. Ce n'est pas exact. Ce n'est

 10   pas ce que j'affirme.

 11   Question: Alors, dites-moi: comment les affrontements se sont-ils produits

 12   à Zvornik? Est-ce que vous êtes au courant des violences commises contre

 13   les Serbes en Bosnie-Herzégovine, après que la décision ait été prise

 14   d'abandonner le plan Cutilliero, après que l'armée régulière croate ait

 15   lancé un raid sur la région en traversant la rivière, après avoir tué des

 16   civils? Ceci a été le fait des forces armées croates et musulmanes?

 17   Réponse: Moi, je n'étais pas là au moment où tout ceci a commencé; je

 18   n'étais pas sur les lieux. Je ne sais pas ce dont vous parlez.

 19   Question: Eh bien, je vais me contenter de mentionner quelques éléments

 20   seulement en ce qui concerne la municipalité de Zvornik, puisque vous y

 21   étiez et c'est là-dessus que porte votre déposition. Ici, c'est une longue

 22   liste de personnes qui ont été tuées. Je vais me contenter de ne donner le

 23   nom que des femmes, des femmes qui ont été tuées pendant la période où

 24   vous étiez vous-même à Zvornik, Monsieur Dulovic.

 25   Par exemple: Stojanka Grujic, Gornje Baljkovica, municipalité de Zvornik;

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  1   son mari s'appelait Uros, elle était née en 1936, elle a été tuée début

  2   mai 1992. Vous, vous êtes arrivé le 10; elle a été tuée le 9, au moment où

  3   l'armée musulmane s'était emparée de son village, avait lancé une attaque

  4   sur son village. Son corps a été trouvé près du village.

  5   Puis il y Mica Zaric, 56 ans, tuée le 6 mai, au moment où les Musulmans

  6   ont attaqué Gornja Baljkovica.

  7   Julka Kojic; elle a été tuée, elle avait 67. Elle a été tuée, elle aussi,

  8   début mai 1992.

  9   La suivant est N. Mitrovic; elle a été tuée. Son mari s'appelait Bora;

 10   elle venait du village de Srpski Nezuk, municipalité de Zvornik. Elle a

 11   été tuée le 6 mai par des membres des forces armées musulmanes.

 12   Et puis, une autre dame s'appelant Mitrovic, 45 ans, tuée aussi par les

 13   forces musulmanes dans le village de Gornji Ba, tuée le 6 mai, et ainsi de

 14   suite.

 15   Je me contente donc de donner lecture du nom des femmes qui ont été tuées.

 16   J'en ai une autre ici: N. Savic, femme de Milos Savic, du village de

 17   Boskovici, municipalité de Zvornik, tuée le 5 mai 1992, au moment de

 18   l'attaque musulmane sur son village. Savic Simka, de Gornja Boljkovica, 65

 19   ans, tuée le 9 mai, au moment de l'attaque musulmane sur son village.

 20   Il y en a beaucoup d'autres de ces femmes tuées, reprises sur cette liste.

 21   Je ne peux pas lire tous les noms, mais dans cette liste de personnes

 22   tuées, on trouve 118 hommes tués dans la municipalité de Zvornik à elle

 23   seule. Or vous affirmez, s'agissant de cette municipalité, que c'étaient

 24   les Serbes qui avaient attaqué des Musulmans innocents et puis auraient

 25   provoqué une guerre.

Page 11863

  1   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous avez vu une quelconque

  2   de ces femmes qui auraient été tuées, Monsieur Dulovic?

  3   M. Dulovic (interprétation): Non. Non, je crois que ceci s'est passé dans

  4   certains villages et moi, je ne suis pas allé dans ces villages; j'étais

  5   tout à fait ailleurs. Je n'étais pas là où ces personnes ont été tuées.

  6   M. Milosevic (interprétation): Fort bien, Monsieur Dulovic.

  7   Je vous dis notamment qu'ici, il y a beaucoup de noms, mais j'ai 118 noms

  8   de Serbes tués dans la municipalité de Zvornik et j'ai cru comprendre,

  9   d'après vos dires, que vous aviez dit que les Serbes étaient allés là pour

 10   tuer les Musulmans?

 11   M. le Président (interprétation): Quelle est votre réponse, Monsieur

 12   Dulovic? Est-ce bien ce que vous avez dit?

 13   M. Dulovic (interprétation): Non, jamais.

 14   M. Milosevic (interprétation): Monsieur Dulovic, nous avons ici… Est-ce

 15   que vous êtes au courant de ces tueurs du côté musulman? Est-ce que vous

 16   avez entendu parler de l'un quelconque de ces tueurs? Est-ce que vous avez

 17   entendu parler des crimes qu'ils ont commis à l'encontre de la population

 18   serbe de la municipalité de Zvornik, puisqu'on parle de Zvornik?

 19   Réponse: Moi, je parle de la ville même de Zvornik, pas de la

 20   municipalité. En effet, celle-ci inclut plusieurs villages. Or moi, je ne

 21   parle que de certains quartiers de la ville en plus.

 22   Question: Mais j'ai toute une liste de personnes tuées à Zvornik même et

 23   elles sont nombreuses.

 24   Mais la question que je vous pose est celle-ci: est-ce que vous avez

 25   entendu parler de tout cela?

Page 11864

  1   Réponse: Non.

  2   Question: J'ai ici sous les yeux 38 noms. Le nom d'auteurs de crimes

  3   commis contre les Serbes dans la municipalité de Zvornik à elle seule; 38

  4   noms. Mais puisque vous n'avez pas entendu parler, je ne vais pas les

  5   citer.

  6   Hajrudin Mesic, surnommé "Labud", de Teocak: il a organisé l'assassinat de

  7   civils dans la municipalité de Zvornik entre mai 1992 et août 1993?

  8   Réponse: Non, je n'en ai pas entendu parler.

  9   Question: Bon. Il me faudrait trop de temps pour donner lecture de tous

 10   ces 38 noms, puisque vous dites que vous n'avez entendu parler de personne

 11   qui aurait commis des crimes dans la municipalité de Zvornik.

 12   Réponse: Non, on n'en parlait pas à l'époque. Peut-être qu'on en a parlé

 13   plus tard.

 14   M. Milosevic (interprétation): Mais, Monsieur Dulovic, vous affirmez ici

 15   qu'il y a eu des crimes musulmans dans la municipalité de Zvornik, dont

 16   vous parlez, et vous dites que c'est le résultat de la propagande serbe,

 17   que ce ne serait pas le résultat des faits que je vous soumets.

 18   M. le Président (interprétation): Vous parlez de quelle partie de sa

 19   déposition?

 20   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, j'ai entendu ce témoin dire

 21   ici, dans ce prétoire, au micro… -je ne peux pas vous donner le numéro de

 22   la ligne ni son passage précis-, mais j'ai entendu dire de ce témoin qu'il

 23   n'y avait rien, que c'était simplement de la propagande serbe et que ce

 24   serait une façon pour les Serbes d'attiser la guerre.

 25   M. le Président (interprétation): Maintenant, vous ne parlez plus de

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  1   Zvornik même, mais de façon générale: c'est bien cela? En effet, il est

  2   vrai que le témoin a parlé de façon générale de la propagande serbe et de

  3   la façon dont celle-ci incitait. Ce que le témoin a dit finalement, cela

  4   revenait à dire qu'on incitait, que cette propagande incitait à la guerre,

  5   ou essayait d'instiller la peur chez les gens, que c'était uniquement de

  6   la propagande. Voulez-vous poser des questions à ce propos?

  7   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, je ne comprends pas. Pour

  8   inciter des gens à faire quelque chose, si on publie que des personnes

  9   âgées, des femmes, des civils, des paysans ont été tués, les gens sont

 10   libres.

 11   Libre à eux de publier ce qu'ils veulent: est-ce qu'on peut ordonner à qui

 12   que ce soit, à un journal, de pas imprimer, de ne pas publier telle ou

 13   telle chose.

 14   M. le Président (interprétation): Mais ce qui était dit, c'est que

 15   c'étaient des récits qui n'étaient pas véridiques, qui n'étaient pas

 16   conformes à la réalité. C'est cela qu'on a dit.

 17   Est-ce que vous avez d'autres questions à poser? Si vous avez des

 18   questions à poser à ce témoin à ce propos, faites-le.

 19   M. Milosevic (interprétation): Je lui ai posé une question: je lui ai

 20   demandé comment il pouvait affirmer que tout ceci ne s'était pas passé.

 21   Quand je dis tout ceci, je parle de ce que je viens de lire et que cela

 22   aurait été le produit d'une imagination serbe, quelque chose qui aurait

 23   été monté de toutes pièces par les Serbes; or la situation était

 24   radicalement différente.

 25   M. Dulovic (interprétation): Eh bien, c'est une interprétation tout à fait

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  1   erronée de mes dires. Je n'ai pas nié. J'ai simplement dit que je n'étais

  2   pas au courant de ces victimes dont vous avez parlé. Lorsque j'ai évoqué

  3   la question de la propagande, je parlais, de façon générale, de la

  4   propagande qui avait été lancée. Il y avait de l'euphorie.

  5   Je ne veux pas vous donner d'exemples maintenant, mais beaucoup de choses

  6   ont été écrites dans les journaux. On a dit qu'en Bosnie, les animaux au

  7   zoo étaient nourris avec des enfants serbes, des nourrissons serbes, que

  8   des enfants étaient tués parce qu'il manquait de l'oxygène quelque part

  9   ailleurs. Il y a eu ce genre d'inventions d'envergure considérable qui

 10   étaient destinées à attiser, à alimenter l'extrémisme nationaliste qui a

 11   provoqué ce que nous savons qui l'a provoqué.

 12   Question: Vous savez que la politique des politiques était tout à fait

 13   différente. Je vous donne un exemple de la zone dont vous êtes originaire.

 14   Vous êtes allé à Mali Zvornik, territoire serbe, de l'autre côté de la

 15   Drina. Vous avez dit qu'à l'époque, elle avait une largeur d'environ 50

 16   mètres.

 17   Réponse: Moi, je n'ai pas mesuré exactement, mais c'est à peu près ça: le

 18   fleuve a cette largeur à cet endroit.

 19   Question: Donc à Mali Zvornik -si la Drina fait 50 mètres de largeur, peu

 20   importe: elle pourrait faire 150 mètres, peu importe sa largeur à cet

 21   endroit-là-, mais au moment que vous évoquez, il y avait 20% de Musulmans

 22   qui vivaient.

 23   La population de Mali Zvornik comptait 20% de Musulmans. Or ce chiffre n'a

 24   jamais diminué. Bien au contraire, il a augmenté, puisque certains

 25   Musulmans ont traversé la rivière pour passer en territoire serbe. Or rien

Page 11867

  1   ne leur est arrivé, à aucun d'entre eux, lorsqu'ils se sont trouvés en

  2   territoire serbe.

  3   Et il y a plus d'arrivées à Mali Zvornik aujourd'hui, de Musulmans

  4   j'entends, qu'il y a dix ans. Je pense qu'il y en avait plus aussi qui

  5   arrivaient en 1986, après la signature d'accords de paix de Dayton; il y

  6   avait plus de Musulmans, à ce moment-là, qu'au début de la guerre en 1991.

  7   Est-ce que vous savez tout cela? Est-ce que vous êtes au courant de ça,

  8   Monsieur Dulovic?

  9   Réponse: Non.

 10   Question: Donc vous ne savez rien à ce propos?

 11   Réponse: Je ne dis pas que ce n'est pas vrai, mais je ne suis pas au

 12   courant. C'est la première fois que j'entends parler de ceci et c'est de

 13   votre bouche.

 14   M. Milosevic (interprétation): Mais qu'aurait été la cause de tout ceci,

 15   alors qu'à quelques centaines de mètres à peine, de l'autre côté de la

 16   Drina, on aurait dit que les Serbes incendiaient des maisons musulmanes,

 17   alors qu'on n'a jamais essayé de faire ce genre de choses en République de

 18   Serbie même?

 19   M. le Président (interprétation): Vous ne cessez de faire ceci, vous ne

 20   cessez de polémiquer, d'argumenter. Les témoins viennent parler de ce

 21   qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont entendu; or, vous essayez d'argumenter

 22   avec eux. C'est une perte de temps; vous gâchez, vous gaspillez le temps

 23   du Tribunal.

 24   Demandez à ce témoin ce qu'il a vu, ce qu'il a entendu; c'est là-dessus

 25   que porte votre déposition. On ne veut pas entendre votre argument selon

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  1   lequel les Serbes ou les Musulmans auraient fait ceci ou cela; ce n'est

  2   pas là-dessus que le témoin dépose.

  3   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, ce témoin "hic et nunc", si

  4   vous l'entendiez et vous l'avez écouté il y a deux minutes, a dit que ce

  5   qui avait été organisé, c'était une campagne médiatique destinée à attiser

  6   la haine contre les Musulmans. C'est un mensonge patent parce que si une

  7   telle campagne avait existé, comment peut-il expliquer que 50 mètres plus

  8   loin, de l'autre côté de la Drina, pas un seul Musulman, pas un seul

  9   Bosnien n'a été touché et qu'ils sont même venus de l'autre côté pendant

 10   cinq ans?

 11   M. le Président (interprétation): Posez-lui une question à propos de cette

 12   campagne. Il dit que c'est une campagne de propagande qui répandait des

 13   mensonges, où des mensonges étaient concoctés pour attiser la haine de la

 14   population. Si vous dites que cela n'est pas vrai, si vous dites notamment

 15   qu'il n'y a pas eu…

 16   Un instant, s'il vous plaît. Si vous dites qu'il n'y a pas eu de rumeur

 17   propagée selon laquelle on nourrissait les animaux avec des enfants, si

 18   vous dites que ce n'est pas vrai, eh bien, dites-le au témoin; soumettez-

 19   le au témoin, dites-lui que c'est erroné.

 20   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, les journaux de tous bords

 21   ont écrit toutes sortes de choses ignominieuses, et moi, je ne vais pas en

 22   parler. Je me contente de demander à ce témoin s'il peut recadrer ces

 23   faits dans un contexte logique, au regard des affirmations qu'il a

 24   portées, des allégations, à savoir qu'on essayait d'attiser la guerre

 25   contre les Musulmans. Or, il n'est rien arrivé aux Musulmans pendant la

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  1   guerre. En fait, ici on peut parler de 70.000 réfugiés musulmans pendant

  2   la guerre.

  3   Est-ce que vous êtes au courant de cela, Monsieur Dulovic?

  4   M. Dulovic (interprétation): Non.

  5   M. Milosevic (interprétation): Il a bien répondu, il a dit non.

  6   M. le Président (interprétation): Laissez-le répondre. Avez-vous une autre

  7   question?

  8   M. Milosevic (interprétation): Mais votre réponse a été non, n'est-ce pas?

  9   J'ai une autre question.

 10   M. Dulovic (interprétation): La première fois, je vous ai dit non. Mais

 11   qu'est-ce que je sais? Est-ce que je peux lire?

 12   M. le Président (interprétation): Arrêtons, arrêtons. Il y a une certaine

 13   confusion dans l'esprit du témoin.

 14   Est-ce que vous voulez lui poser une autre question? Essayons de passer à

 15   un autre sujet, puisque vous avez peu de temps.

 16   M. Milosevic (interprétation): Je lis le compte rendu d'audience, là.

 17   Je vous ai posé une question précise à ce propos, à propos de l'absence de

 18   propagande contre les Musulmans, puisque les Musulmans n'ont rien subi, il

 19   n'a pas été touché à un seul Musulman en Serbie; donc ça n'aurait pas été

 20   le cas s'il y avait cette propagande. Et de fait, nous avons accueilli

 21   70.000 réfugiés de Bosnie pendant la guerre.

 22   M. le Président (interprétation): A quoi sert-il de répéter ce que vous

 23   avez déjà dit? Vous tenez des discours, maintenant.

 24   (Le micro de M. Milosevic n'est pas branché.)

 25   Monsieur Milosevic, on vous a dit à plus d'une reprise qu'un contre-

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  1   interrogatoire ne sert pas à soumettre une thèse. Bien sûr, vous pouvez le

  2   faire, mais ne perdez pas le temps de la Chambre par des polémiques

  3   incessantes.

  4   Est-ce que vous avez une question à poser à ce témoin?

  5   M. Milosevic (interprétation): Monsieur Dulovic, savez-vous qu'autour de

  6   Mali Zvornik –là, nous parlons du territoire de la République de Serbie et

  7   j'estime que je suis responsable de ce territoire de Serbie, puisque

  8   j'étais le Président de la Serbie-, savez-vous que dans les environs de

  9   Mali Zvornik il y a quelques villages qui sont uniquement musulmans et

 10   que, dans ces villages, pas un seul habitant n'a jamais été perturbé,

 11   alors que la Drina n'a qu'une largeur de 50 mètres, et que sur l'autre

 12   rive, il y avait une guerre civile qui faisait rage?

 13   M. Dulovic (interprétation): Je ne suis pas au courant.

 14   Question: Savez-vous qu'il y a aussi une mosquée à Mali Zvornik, puisqu'il

 15   y a des Musulmans qui y habitent, et que cette mosquée n'a jamais été

 16   endommagée, pas plus qu'elle n'aurait vu ses murs couverts de graffitis ou

 17   quoi que ce soit?

 18   Réponse: Je sais qu'il y avait une mosquée à cet endroit et qu'elle était

 19   gardée par des policiers.

 20   Question: Est-ce que vous trouvez ça logique? Trouvez-vous logique qu'il

 21   faille surveiller cette mosquée alors qu'à 50 mètres, sur l'autre rive, il

 22   y avait des assassinats graves, il y avait des exactions, il y avait des

 23   troubles?

 24   Réponse: J'ai seulement dit ce que j'ai vu. Il ne me revient pas de penser

 25   ou de dire ce que je pense.

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  1   Question: Fort bien, Monsieur Dulovic.

  2   Avez-vous la moindre information à propos de l'attaque menée par les

  3   forces armées musulmanes sur Kamenica, Gornje Kamenica et sur le fait que

  4   beaucoup de personnes ont été assassinées? Cette attaque avait à sa tête

  5   Esad Mehmedovic, un ancien policier, Suljagic, ainsi que Esad et Mehmed

  6   Grebic.

  7   Etes-vous au courant de cela?

  8   Réponse: Je ne sais même pas où se trouve cet endroit et je n'y suis

  9   jamais allé.

 10   Question: Savez-vous ce qui s'est passé sur la route allant de Zvornik à

 11   Sehovici? Les forces musulmanes ont attaqué une colonne de véhicules à cet

 12   endroit. Dans cette colonne se trouvaient des civils serbes.

 13   Réponse: Non.

 14   Question: Douze ont été tués. Il y avait notamment parmi les victimes une

 15   femme enceinte; elle a été grièvement blessée. Est-ce que vous êtes au

 16   courant de cela? Est-ce que vous vous souvenez de cet événement?

 17   Réponse: Non. Non, non, je ne suis pas du tout au courant.

 18   Question: Avez-vous la moindre information concernant une attaque? Enfin,

 19   ce sont tous des villages tout proches de Zvornik, dans les environs de

 20   Zvornik; Boljkovica aussi. Là, 14 civils serbes ont été tués; je ne vais

 21   pas donner lecture de leurs noms, mais je les ai. Avez-vous entendu parler

 22   de cela?

 23   Réponse: Non.

 24   Question: Il y avait bien sûr du pillage, le bétail a été emmené, ce genre

 25   de choses?

Page 11872

  1   Réponse: Non. Non, je n'étais pas là sur le terrain.

  2   Question: Etes-vous au courant de Snagovo, du fait qu'il y a eu assassinat

  3   massif de populations civiles par les Musulmans? Et que certains hommes

  4   ont été castrés, il y a eu mutilation et tortures à Zvornik et aux

  5   alentours? Avez-vous été mis au courant de cela?

  6   Réponse: Non. Moi, je me suis trouvé à Zvornik, mais très peu de temps.

  7   Par conséquent, je n'ai pas eu l'occasion d'entendre parler de tout cela.

  8   Question: Avez-vous notamment entendu parler de l'assassinat de Mihajlo

  9   Pantic? C'était un Serbe; il y avait 90 ans et il a été tué de trois

 10   balles.

 11   Réponse: Je n'ai pas entendu parler de cela parce que je n'étais pas là.

 12   Question: Bon. Avez-vous, d'une quelconque façon, entendu parler

 13   d'assassinats dans la municipalité de Zvornik, assassinats et meurtres

 14   commis dans la municipalité? Avez-vous entendu parler de ce qu'ont fait

 15   des unités qui avaient à leur tête Naser Oric de Srebrenica? Savez-vous

 16   combien de massacres ils ont commis dans la municipalité de Zvornik?

 17   Réponse: Non.

 18   Question: Mais vous voyez: ici par exemple, vous dites que le 10 mai, vous

 19   étiez à Zvornik.

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: Le 5 mai, il y a eu un massacre massif de la population civile,

 22   juste aux abords de Zvornik, à Boskovici, Dragoslava Cvijetic a été tuée,

 23   Spasojevic Stanka; ce sont des femmes qui ont été tuées. Peut-être qu'on

 24   ne reconnaît pas le fait que ce sont des femmes à entendre leurs noms.

 25   Draga Lukic, Milosava Kostic, Draga Tesic, et ainsi de suite.

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  1   Il y avait beaucoup de femmes parmi ceux qui ont été tués le 5 mai, et

  2   vous n'en avez pas du tout entendu parler alors que vous étiez à Zvornik

  3   le 10, cinq jours l'événement?

  4   Réponse: Oui, c'est logique, logique que je n'ai pas du tout entendu

  5   parler de cela: les nouvelles se propageaient lentement, les gens

  6   s'occupaient de leurs affaires personnelles. Moi, j'en ai pas entendu

  7   parler. Ce n'était pas un sujet dont on parlait à l'époque.

  8   Question: Très bien. Alors, de quoi parlait-on, si l'on ne parlait pas des

  9   crimes?

 10   Examinez ceci: mois d'avril. Remontons d'un mois dans le temps. Avant

 11   votre arrivée à Zvornik, quand est-ce que vous êtes arrivé la première

 12   fois à Zvornik?

 13   Réponse: C'est dit dans le texte.

 14   Question: Mais je ne peux pas le trouver dans le texte.

 15   Réponse: Avril.

 16   Question: Quelle date?

 17   Réponse: Je l'ai dit, j'avais les documents sur moi, je ne m'en souviens

 18   pas pour le moment. Je pense que là aussi, c'était le 10 avril.

 19   M. Milosevic (interprétation): Le 10 avril, et puis c'est le 10 mai?

 20   M. Dulovic (interprétation): Oui, c'est comme ça.

 21   M. le Président (interprétation): Le témoin a dit "10 mai". Passons à

 22   autre chose. Ici, ce n'est pas un examen de bonne mémoire ou de capacité

 23   de rétention.

 24   M. Milosevic (interprétation): Je ne mets pas à l'épreuve la capacité de

 25   mémoire de ce témoin. J'ai dans mes notes ce que j'ai écrit à propos de

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  1   son arrivée, par exemple. J'ai ici des éléments qui portent sur ce qui

  2   s'est passé le 17 avril 1992, des événements très graves: un grand nombre

  3   de personnes ont été tuées, toujours dans la municipalité de Zvornik,

  4   village de Rastusnica.

  5   Avez-vous entendu parler de cette attaque menée par les forces musulmanes?

  6   M. Dulovic (interprétation): Non. Non, à l'époque, quand je me trouvais à

  7   Zvornik, ce dont on parlait, c'était l'affrontement entre le commandant de

  8   la Défense territoriale et une forte formation paramilitaire. L'homme qui

  9   était en la tête de cette formation, c'était un homme de Seselj, disait-

 10   il; c'était Cele. C'est de cela qu'on parlait à l'époque. Il ne m'était

 11   pas possible de m'entretenir avec les gens de ce qui se passait parce que

 12   ce sujet-là, que je viens d'évoquer, était plus urgent.

 13   Question: D'accord, mais qu'est-ce qui est plus urgent, Monsieur Dulovic,

 14   que de telles tueries, le massacre de civils sur toute la municipalité de

 15   Zvornik? Ne me dites pas qu'il est plus important de savoir si un bandit

 16   se dispute avec un autre. Vous dites que vous avez déjeuné avec cet homme

 17   et que l'entretien a duré plusieurs heures, n'est-ce pas?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Est-ce que vous avez pensé que c'était la chose la plus urgente

 20   qu'il fallait faire: déjeuner avec cet homme pendant plusieurs heures,

 21   pour discuter de tout cela? C'était plus urgent que tout ce que je viens

 22   de vous citer là?

 23   Réponse: Ce qui était de plus urgent pour moi, c'était de savoir ce qui se

 24   passait à Zvornik et qui étaient les protagonistes.

 25   Question: Et vous pensiez qu'une telle source serait fiable? Ou partiez-

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  1   vous du principe que cette source voulait plutôt vous donner sa version

  2   des événements, de la façon qui lui était la plus commode? Un tel criminel

  3   est-il, à vos yeux, une source fiable?

  4   Réponse: Je me suis contenté de transmettre ici ce que cet homme m'avait

  5   dit.

  6   Question: D'accord. Fort bien, Monsieur Dulovic. Je ne vous pose pas de

  7   questions en ce qui concerne chacun de ces noms, chacune de ces personnes,

  8   je vous ai dit combien de personnes étaient concernées. Mes questions

  9   portent sur l'ensemble de la situation.

 10   Est-ce qu'il vous est arrivé d'obtenir des renseignements concernant ce

 11   nombre considérable de civils tués dans la municipalité de Zvornik?

 12   Laissons les noms des femmes des autres de côté. Est-ce qu'il vous est

 13   arrivé d'apprendre ce qui est s'était passé? Est-ce qu'il vous est arrivé

 14   d'écrire à propos de ces pertes civiles et des auteurs de ces crimes dans

 15   la municipalité de Zvornik?

 16   Réponse: Ça, c'est ce que faisait le correspondant local.

 17   Question: Qui était-il?

 18   Réponse: Mais le correspondant en question.

 19   Question: Mais vous étiez le correspondant de "Politika Ekspres", n'est-ce

 20   pas?

 21   Réponse: Non, à l'époque, j'étais journaliste et j'étais attaché au siège

 22   de la rédaction. Vous avez des correspondants qui étaient dans toutes les

 23   différentes villes de Yougoslavie.

 24   Question: D'accord. Mais si vous étiez journaliste attaché à la rédaction,

 25   vous allez quelquefois sur le terrain. A ce moment-là, est-ce que vous

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  1   êtes un envoyé spécial, n'est-ce pas, faisant un reportage sur le terrain?

  2   Réponse: On pourrait le dire comme ça, mais tout est fonction du sujet

  3   concerné.

  4   Question: Fort bien. Alors quel était le sujet qui vous concernait? Quel

  5   était le sujet d'actualité pour vous, au moment où vous étiez à Zvornik?

  6   Est-ce que vous deviez parler de qui s'affrontait parmi ces criminels ou

  7   deviez-vous parler de ce qui se passait?

  8   Réponse: Ça, c'était une décision prise par moi et par le rédacteur en

  9   chef qui voulait savoir ce qui se passait à Zvornik.

 10   Question: D'accord. Est-ce qu'il vous est jamais arrivé d'apprendre quoi

 11   que ce soit à propos de ces fosses communes, dans la municipalité de

 12   Zvornik, 50 kilomètres au sud, dans le village de Kamenica. Est-ce qu'il

 13   vous est arrivé d'en entendre parler, à fortiori d'en parler? Je suppose

 14   que vous n'avez jamais écrit d'articles à ce propos.

 15   Réponse: Jamais je n'en ai entendu parler et jamais je ne me suis trouvé

 16   sur les lieux.

 17   Question: Bon, bon, Monsieur Dulovic. Ici, vous avez expliqué, assez

 18   longuement d'ailleurs, que Zeljko Raznatovic alias "Arkan" était membre du

 19   ministère fédéral de l'Intérieur. Pour en apporter la preuve, vous avez

 20   mentionné le fait qu'à l'occasion du procès que vous avez suivi un

 21   certificat aurait été montré. Il portait sur un emprunt ou un prêt et ceci

 22   était censé apporter la preuve de l'appartenance de "Arkan" au ministère

 23   fédéral de l'Intérieur, c'est bien cela?

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Et puis, on a fait de la surenchère. Et puis, on a parlé d'un

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  1   chiffre de plusieurs milliers de dollars. Nous sommes à ce moment-là dans

  2   les années 80. Les taux de conversion de devises variaient bien sûr, mais

  3   ça représentait sans doute à l'époque 3.000 dinars pour un dollar; ce qui

  4   veut dire que si vous aviez 3.000 dollars, ça devait faire 9 millions de

  5   dinars. Pourquoi est-ce que je perdrais mon temps à vérifier ceci, s'il

  6   suffit de consulter les listes de conversion de devises qui étaient du

  7   domaine public à l'époque? Vous pouvez obtenir ce renseignement vous-même.

  8   Savez-vous qui était le ministre de l'Intérieur, dans les années 80, en

  9   Yougoslavie?

 10   Réponse: J'ai oublié, je ne sais plus.

 11   M. Milosevic (interprétation): Est-ce que vous vous souvenez que c'était

 12   Stane Dolanc, qui était un dirigeant slovène, et c'est lui qui était à la

 13   tête du MUP?

 14   M. Dulovic (interprétation): Oui.

 15   M. le Président (interprétation): Nous allons faire une pause.

 16   Mais, auparavant, aidez-nous sur ce point, Monsieur Groome. Nous avons

 17   plusieurs requêtes, nous avons plusieurs propositions de pièces pour

 18   versement au dossier concernant le témoin n°36. Je crois qu'il est sur la

 19   liste. Peut-être pourriez-vous savoir nous dire quand est-ce qu'il est

 20   prévu de l'entendre?

 21   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, je pense qu'il s'agit

 22   du 29 ou 30 de ce mois-ci.

 23   M. le Président (interprétation): Ce n'est donc pas son tour maintenant,

 24   tout de suite après?

 25   M. Groome (interprétation): Non, non, pas du tout.

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  1   M. Milosevic (interprétation): Puis-je dire quelque chose?

  2   M. le Président (interprétation): Oui, allez-y.

  3   M. Milosevic (interprétation): Je n'ai aucun aperçu, aucune liste pour ce

  4   qui est des témoins qui viendront comparaître, exception faite des deux

  5   témoins suivants. Je suis au courant des deux témoins suivants. L'un…

6   comment s'appelle-t-il? (expurgé) qui vient après ce témoin-ci, et le suivant

  7   c'est un certain (expurgé).

  8   M. le Président (interprétation): Oui, oui, un instant, un instant,

  9   Monsieur Milosevic.

 10   Monsieur Groome, est-ce que vous pouvez nous aider. L'accusé devrait

 11   disposer d'une liste plus longue que celle-ci, donc je vous demanderais

 12   d'y veiller pour que les noms des témoins qui seront entendus cette

 13   semaine et toute la semaine prochaine figurent sur cette liste. Nous

 14   suspendons, maintenant, pendant 20 minutes.

 15   (L'audience, suspendue à 10 heures 32 est reprise à 10 heures 55.)

 16   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

 17   M. Milosevic (interprétation): Donc nous allons reprendre là où nous avons

 18   interrompu tout à l'heure. Vous constatez donc que Zeljko Raznatovic

 19   "Arkan" a été à un certain moment fonctionnaire du ministère fédéral de

 20   l'Intérieur, et ça c'était dans les années 80. Il y a eu ce procès à ce

 21   moment-là et avant il était donc fonctionnaire. Et puis, maintenant, on

 22   constate cela. Alors, qu'est-ce que cela peut faire s'il était

 23   fonctionnaire du ministère de l'Intérieur dans les années 80? Qu'est-ce

 24   que cela fait? Quel sens cela a-t-il?

 25   M. le Président (interprétation): C'est à nous de dire si cela à un sens

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  1   quelconque, pas au témoin.

  2   M. Milosevic (interprétation): Mais vous rappelez-vous qu'à ce moment-là,

  3   à la tête de ministère de l'Intérieur, se trouvait Stane Dolanc, un

  4   dirigeant slovène, qui était à l'époque un dirigeant de ce ministère?

  5   M. Dulovic (interprétation): Oui, je m'en rappelle.

  6   Question: Au cours de l'interrogatoire principal on vous a demandé… Je

  7   vous demande pour commencer si Vuckovic est bien ce "Cele" dont vous avez

  8   parlé?

  9   Réponse: Non.

 10   Question: Qui est Vuckovic?

 11   Réponse: Vojin Vuckovic et son frère Dusan Vuckovic étaient une formation

 12   armée.

 13   Question: Bien. Ecoutez, moi, ce qui m'intéresse c'est de faire la clarté

 14   sur un point particulier. On vous a demandé s'il avait un quelconque

 15   rapport avec des organes gouvernementaux, des instances gouvernementales

 16   de la Yougoslavie ou de la Serbie. Et, à cette question, vous avez répondu

 17   qu'à un certain moment il avait été employé comme instructeur en affaires

 18   militaires par le SUP fédéral? C'est bien cela?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Est-ce que cela prouve un lien? Prenez par exemple un

 21   instructeur anglais qui travaille au SUP fédéral pour enseigner l'anglais

 22   ou un professeur de français ou un professeur de mathématiques qui donne

 23   des cours par exemple, est-ce que cela prouverait que l'homme en question

 24   a un rapport quelconque avec les instances gouvernementales?

 25   Réponse: Oui.

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  1   Question: Donc cela signifie que si l'on a un infirmier qui travaille dans

  2   un hôpital et cet hôpital est un hôpital d'Etat, il a quelque chose à voir

  3   avec les instances gouvernementales?

  4   Réponse: Cette comparaison n'est pas appropriée.

  5   Question: Bien, bien, Monsieur Dulovic. Mais en dehors du fait que cet

  6   homme aurait été employé par le SUP en tant qu'instructeur, vous n'avez

  7   rien d'autre qui indique un rapport quelconque entre lui et les instances

  8   gouvernementales?

  9   Réponse: Je dispose de mes observations.

 10   Question: Eh bien, qu'avez-vous observé par rapport à cette relation?

 11   Réponse: Avec les autorités de Sabac quand il a été jugé là-bas.

 12   Question: Quelle était la nature de ses relations?

 13   Réponse: Il a approché le président de la Chambre et il s'est passé

 14   quelque chose de tout à fait inhabituel, à savoir qu'ils ont chuchoté tous

 15   les deux dans cette salle d'instance.

 16   Question: Est-ce que cet homme a été condamné?

 17   Réponse: Il a été condamné avec sursis.

 18   Question: Donc il n'est pas allé en prison?

 19   Réponse: Vojin Vuckovic n'a pas été emprisonné.

 20   Question: L'homme qui a tué 17 personnes, c'est bien de lui que vous

 21   parlez?

 22   Réponse: Non, je parle de Vojin Vuckovic, le frère aîné.

 23   Question: Moi, ce qui m'intéresse, c'est celui qui est accusé de meurtre.

 24   Réponse: Vous parlez de celui qui a été accusé le 17 mai.

 25   Question: Oui, oui.

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  1   Réponse: Il a été condamné à sept ans de prison en première instance. Je

  2   ne sais pas s'il est toujours en prison ou si d'ailleurs il a fait de la

  3   prison à quelque moment que ce soit.

  4   Question: Vous ne savez pas quel a été le jugement en appel?

  5   Réponse: Non.

  6   Question: Très bien. J'ai mis par écrit une réponse que vous avez faite à

  7   une question concernant vos sources d'informations. Vous avez dit que vous

  8   avez appris quelque chose de la bouche de gens dont vous supposiez qu'ils

  9   savaient, donc il s'agissait d'une supposition de votre part, n'est-ce

 10   pas?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Estimez-vous que des renseignements recueillis de cette façon,

 13   de la bouche de personnes, dont vous supposez qu'elles savent quelque

 14   chose, peuvent être considérés comme des renseignements sérieux?

 15   Réponse: Tout dépend de mon appréciation personnelle.

 16   Question: Estimez-vous que lorsque vous parlez avec un criminel comme ce

 17   "Cele" et qu'il vous raconte quelque chose, estimez-vous que ce qu'il vous

 18   a raconté constitue des informations valables?

 19   Réponse: Dans ce cas concret, je pense que c'était le cas.

 20   Question: Bon, mais écoutez…

 21   Réponse: Il était convaincant.

 22   Question: Supposez-vous que quelqu'un qui tue et pille ne peut pas mentir?

 23   Ou bien pensez-vous qu'il est vraisemblable qu'il puisse mentir également;

 24   parce que s'il tue et pille, comment peut-il dire la vérité?

 25   Réponse: Pas toujours.

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  1   Question: Vous avez dit à un certain moment, en parlant de votre voyage à

  2   Uzice, que vous avez donc fait ce voyage, quels autres journalistes vous

  3   ont accompagné dans ce voyage à Zvornik et Visegrad?

  4   Réponse: Bojana Marjanovic, ma collègue.

  5   Question: Seulement elle?

  6   Réponse: Et le chauffeur.

  7   Question: Très bien. Vous avez annoté sur la carte l'endroit à partir

  8   duquel vous avez vu des maisons brûlées de l'autre côté de Drina.

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Bien. Monsieur Dulovic, savez-vous, puisque vous avez emprunté

 11   ce chemin que de l'autre côté de la Drina, qu'il y a des monts assez

 12   élevés et des forêts très épaisses et que donc vous n'aviez aucune chance

 13   de voir les maisons brûlées depuis l'endroit où vous vous trouviez, et que

 14   vous avez annotées sur la carte?

 15   Réponse: Ce n'est pas exact.

 16   Question: Ma supposition est-elle exacte: à savoir que c'est plus tard que

 17   vous vous êtes rendu dans tous ces endroits pour vérifier ce qui s'était

 18   passé à quel endroit et que vous n'avez pas fait ce voyage à ce moment-là

 19   parce que c'était impossible?

 20   Réponse: C'est une supposition de votre part. Il était possible d'y aller,

 21   et ce que j'ai dit est exact.

 22   Question: Bien.

 23   Réponse: Parce que la fumée monte très haut.

 24   Question: Oui, mais vous voyez sur la carte quelle est la distance et vous

 25   voyez à quelle hauteur se trouve le village dont vous parlez?

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  1   Réponse: Ces villages –et j'en ai parlé-, ce sont des gens qui étaient sur

  2   la rive du côté serbe de la Drina qui m'en ont parlé. Ils regardaient ce

  3   qui se passait et quand j'ai demandé ce qui s'était passé, ils m'ont dit

  4   que cela s'était passé dans tel ou tel village, Redzeci, Djapici,

  5   Krasnopolje, Rzine, Lonjin.

  6   Question: Je vois la carte en ce moment même et je vois l'annotation que

  7   vous avez apposée. Et je constate qu'il y a dans cette région une centaine

  8   de villages, pour la seule petite portion de la carte que vous avez

  9   fournie. Et Redzici se trouve au milieu de cette carte?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: C'est bien de cela que vous parlez, n'est-ce pas, Monsieur

 12   Dulovic?

 13   Réponse: Oui, ce village a été mentionné.

 14   Question: Bon. Et vous affirmez que c'est à partir de cet endroit que vous

 15   avez pu voir des incendies de l'autre côté?

 16   Réponse: Ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est vous qui dites que je

 17   l'affirme.

 18   Question: Mais ce n'est pas moi qui ai apporté cette carte de Redzici;

 19   c'est vous qui avez parlé de Redzici et d'incendies.

 20   Réponse: Moi, je ne connaissais pas le terrain. J'ai demandé aux gens ce

 21   qui se passait et ils m'ont dit que les villages dont j'ai donné les noms

 22   étaient en feu.

 23   Question: Bon, Monsieur Dulovic, ceci suffit à montrer la fiabilité de vos

 24   propos.

 25   Réponse: Ce sont des gens qui possèdent des fermes dans ces coins-là et

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  1   qui connaissent chacune des maisons qui m'en ont parlé. Et je ne parle

  2   même pas des villages de l'autre côté de la Drina.

  3   Question: Est-ce que vous parvenez à plusieurs kilomètres de distance?

  4   Réponse: Je ne sais pas.

  5   Question: Et en plus, cela se trouve en haut de collines?

  6   Réponse: Je ne sais pas.

  7   Question: Très bien, Monsieur Dulovic.

  8   Encore une question au sujet des notes que vous avez prises au sujet de ce

  9   qu'a dit M. Seselj lorsqu'il était à Vukovar. Avez-vous publié un article

 10   sur ce sujet?

 11   Réponse: Je ne me souviens pas.

 12   Question: Mais je suppose, si vous preniez des notes, que lorsque vous

 13   preniez des notes c'était en général dans le but d'écrire?

 14   Réponse: Oui, mais je ne me souviens pas si j'ai mentionné cela dans le

 15   texte. Je devrais vérifier.

 16   Question: Bien. Vous dites que la politique qui prévalait consistait à

 17   nettoyer l'armée de ses cadres non serbes; c'est bien ce que vous avez

 18   dit?

 19   Réponse: Je ne pense pas m'être exprimé ainsi. Il faudrait que vous me

 20   relisiez ce passage.

 21   Question: Je crois qu'au cours de l'interrogatoire principal -je ne sais

 22   pas à quel endroit exactement ou à quel moment- il me semble que vous avez

 23   dit qu'il existait une tendance à nettoyer l'armée de ses cadres non

 24   serbes. Avez-vous dit cela ou pas?

 25   Réponse: Ce n'est pas moi qui ai dit cela.

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  1   Question: Bien. Mais êtes-vous au courant du fait que ce même Taso Enes

  2   qui était colonel et ensuite général était un Musulman?

  3   Réponse: Je ne sais pas s'il est musulman.

  4   Question: Vous pensez que le prénom Enes est un prénom serbe?

  5   Réponse: Je ne veux rien penser du tout. Je ne sais pas s'il est musulman

  6   ou pas.

  7   Question: Bien. Mais savez-vous par exemple que, y compris durant

  8   l'agression de l'OTAN en 1999 -bien sûr, cette période est plus longue que

  9   cela- à ce moment-là, à la tête du service de sécurité militaire, c'est-à-

 10   dire occupant une des fonctions les plus sensibles qui soient, notamment

 11   en temps de guerre, qu'à ce poste on trouvait le commandant Geza Farkas,

 12   un Hongrois?

 13   Réponse: Oui, je sais.

 14   Question: Savez-vous combien d'autres postes importants étaient occupés

 15   par toutes sortes de gens qui n'étaient pas de nationalité serbe, à

 16   l'époque?

 17   Réponse: Mais je ne sais pas pourquoi vous racontez cela, alors que les

 18   mots consistant à dire que l'armée devait être nettoyée de ses cadres non

 19   serbes ne sont pas des mots que j'ai prononcés, moi. Ce n'est pas une

 20   conclusion que j'ai tirée moi-même. C'est quelque chose qui a été dit par

 21   un homme qui avait des formations paramilitaires sous ses ordres; il

 22   s'agit de votre ami Vojislav Seselj.

 23   Question: Monsieur Dulovic, c'est un fait bien connu que Seselj était mon

 24   opposant et pas mon ami.

 25   Réponse: En tout cas, il était lié à vous, il était votre ami.

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  1   Question: Il a écrit une lettre en rapport avec votre témoignage; il a

  2   estimé que c'était de son devoir d'agir ainsi. Je n'en tirerai pas la même

  3   conclusion que vous.

  4   Mais vous avez parlé d'un télégramme. Y a-t-il des éléments, dans ce

  5   télégramme, qui indiqueraient qu'il existait un rapport légal et tout à

  6   fait correct, dirais-je, de l'armée par rapport à certains éléments dont

  7   vous avez parlé?

  8   Voilà, je vais vous lire ici ce que j'ai sous les yeux; c'est un

  9   télégramme. On lit: "Adjoint du commandant, lieutenant-colonel Milan

 10   Eremija".

 11   Et au milieu de la page, il parle –je cite- d'un "certain nombre

 12   d'éléments qui affectent négativement le moral des unités", entre autres.

 13   Et il parle également d'un traitement correct à l'égard des prisonniers.

 14   Est-ce que cela indique qu'il y avait, dans l'armée, une atmosphère qui

 15   avait un effet positif sur les hommes? Est-ce que cela n'indique pas qu'il

 16   y avait un comportement tout à fait correct à l'égard de ceux que l'on

 17   combat au cours d'une guerre? Ne pensez-vous pas que ceci contredit ce que

 18   vous avez dit?

 19   Réponse: Il ne m'appartient pas de traduire ce télégramme, ce document.

 20   Question: Vous l'avez soumis à la Chambre, donc je suppose que vous l'avez

 21   fait avec une intention précise?

 22   Réponse: Que celui qui sait interpréter ce texte le fasse!

 23   Question: Bon. Ensuite, il est proposé que des mesures soient prises pour

 24   améliorer le moral des troupes. Et au nombre de ces mesures, il n'y a pas

 25   de numéro inscrit, mais en première place on trouve ce qui suit: "Que l'on

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  1   procède régulièrement au désarmement des unités paramilitaires, des

  2   soldats d'"Arkan" et des Chetniks notamment, ainsi que de "l'Unité de

  3   Dusan Silni", et que les organes de la République de Serbie participent à

  4   cette opération."

  5   Estimez-vous que cette mesure, cette proposition est également

  6   l'illustration d'une attitude correcte de la JNA à l'égard des événements

  7   que vous dites avoir observés sur le terrain?

  8   M. Dulovic (interprétation): Il ne m'appartient pas d'interpréter ces avis

  9   très divers, ou ces interprétations du document.

 10   M. le Président (interprétation): Il convient de noter pour le compte

 11   rendu d'audience que l'accusé fait référence à la pièce à conviction 342,

 12   intercalaire 11.

 13   Vous pouvez poursuivre.

 14   M. Milosevic (interprétation): Monsieur May, moi, j'ai l'intercalaire 11

 15   après ce document. Mais je suppose que vous avez un classeur mieux

 16   organisé que le mien; en général, ce qu'on me donne n'est pas très bien

 17   organisé. Moi, je l'ai à l'intercalaire 10, mais je suppose qu'il n'y a

 18   pas de danger de confusion, car il n'y a qu'un seul télégramme dans ces

 19   documents.

 20   Monsieur Dulovic, vous dites ne parler que de ce que vous avez vu. Je vous

 21   demande, par conséquent, si vous vous souvenez, Monsieur Dulovic -et je ne

 22   parle pas que de la frontière vers la Slavonie orientale, donc de la

 23   frontière avec le territoire de Serbie, mais je parle aussi du territoire

 24   situé à l'intérieur- avoir vu un certain nombre de points de contrôle

 25   policiers où les gens étaient arrêtés, les véhicules fouillés, pour voir

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  1   s'il y avait des armes ou pour voir s'il y avait le moindre indice

  2   d'activité criminelle ou de pillage? Et que ces points de contrôle ont

  3   fonctionné tout le temps, qu'il n'y avait pendant la guerre, dans ces

  4   territoires affectés par la guerre, une seule route dépourvue de barrage

  5   routier? Et que ces barrages, ces points de contrôle étaient contrôlés par

  6   la police, qui fouillait les gens pour essayer de voir s'il y avait

  7   éventuellement la moindre trace de présence criminelle ou d'action

  8   criminelle? Vous vous rappelez cela?

  9   M. Dulovic (interprétation): Non.

 10   Question: Vous ne vous rappelez pas?

 11   Réponse: Non.

 12   Question: Vous n'avez pas franchi de tels points de contrôle?

 13   Réponse: J'ai franchi un point de contrôle, qui me semblait un point de

 14   contrôle régulier, sur l'autoroute menant de Belgrade à Zagreb.

 15   Question: Monsieur Dulovic, dites-moi, s'il vous plaît, si à quelque

 16   moment que ce soit et à quel endroit que ce soit, vous avez vu en Serbie

 17   une quelconque formation paramilitaire?

 18   Réponse: Je ne sais pas où j'aurais pu en voir?

 19   Question: Moi non plus.

 20   Réponse: A Belgrade, je n'en ai pas vu et, d'ailleurs, je ne sais pas ce

 21   que sont les formations militaires et ce que sont les formations non

 22   militaires. Et je ne sais pas si elles sont armées ou pas. J'ai dit que

 23   ces hommes recevaient leurs armes uniquement lorsqu'ils allaient sur le

 24   terrain, lorsqu'ils allaient loin de l'endroit où ils vivaient.

 25   Question: Bon. Vous avez relaté les événements survenus devant l'entrée de

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  1   l'hôtel à Visegrad, lorsqu'un officier de la JNA, de l'armée yougoslave, a

  2   arrêté un homme qui, d'après vous, était membre d'une formation

  3   paramilitaire, qui avait brisé la porte d'entrée de l'hôtel et pénétré en

  4   trombe dans l'hôtel?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: Avez-vous vu quoi que ce soit que l'armée aurait fait qui

  7   n'était pas correct, qui n'était pas en accord avec le règlement militaire

  8   ou la discipline militaire, et que vous pourriez nous rapporter?

  9   Réponse: Oui.

 10   Question: Qu'avez-vous vu, Monsieur Dulovic?

 11   Réponse: Sur la route de Trpinska Cesta, j'ai vu un char et, sur les

 12   tourelles de ce char, sur les côtés, étaient accrochés des skis, ce qui

 13   était un peu surprenant.

 14   Question: Puisque vous dites avoir vu le cadavre d'un vieil homme non loin

 15   de Visegrad, était-ce sur les bords de la Drina, en tout cas sur les bords

 16   d'un cours d'eau?

 17   Réponse: Oui, oui, mais ce n'était pas la Drina.

 18   Oui, j'ai vu le cadavre d'un homme. Ses mains étaient entravées dans le

 19   dos, il avait un bâillon en chiffon sur la bouche, il était près du cours

 20   d'eau. Il y avait là des officiers réservistes et également un médecin

 21   d'Uzicka Pozega avec qui j'ai parlé. Le cadavre se trouvait à quelques

 22   mètres à peine de chez nous.

 23   Et je lui ai demandé ce qui s'était passé; on m'a répondu que l'homme

 24   avait été étranglé. C'était un Musulman. J'ai demandé comment…

 25   Question: Oui, oui, j'ai entendu tout cela.

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  1   Réponse: Alors, pourquoi vous me reposez la question?

  2   Question: Je voulais vous demander si vous aviez vu ce vieil homme qui

  3   avait été étranglé. Très bien. Je suppose que le médecin avait pu vérifier

  4   qu'il y avait eu étranglement. Donc si ces questions sont posées, c'est

  5   uniquement à des fins d'observation.

  6   Mais permettez-moi de vous poser la question suivante: ceci s'est passé

  7   dans les environs de Visegrad. Est-ce qu'il y a eu un autre cadavre: celui

  8   d'un homme pour lequel quelqu'un savait de quelle façon cet homme avait

  9   été tué? Avez-vous vu quelqu'un d'autre qui a été tué au cours de ces

 10   actions que vous avez décrites lors de votre voyage à Visegrad aux abords

 11   de la ville? Avez-vous vu quelque chose de particulier se passer?

 12   Réponse: Pour la première fois, en avril, lorsque j'ai voulu pénétrer dans

 13   Zvornik depuis l'autre côté, donc pas depuis le côté serbe, j'ai vu le

 14   long de la rivière Drina plusieurs cadavres qui gisaient là. Je n'ai pas

 15   pu établir s'il s'agissait d'hommes ou de femmes ou découvrir quoi que ce

 16   soit au sujet de leur identité, de leur appartenance ethnique, de leur

 17   âge, de leur sexe, etc. J'ai vu cela mais c'était de l'autre côté et les

 18   gens qui étaient de l'autre côté l'ont vu aussi.

 19   Question: Bien, je comprends. Depuis le territoire serbe, de l'autre côté

 20   de la Drina, vous avez vu plusieurs cadavres et vous ne savez pas quel

 21   était leur sexe, leur appartenance ethnique, etc. Vous les avez vus sur

 22   les rives de la rivière en territoire de Bosnie-Herzégovine, n'est-ce pas?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Bon. Plus tard, lorsque vous êtes revenu le 10 mai, si j'ai bien

 25   compris ce que vous avez dit, c'est à ce moment-là que vous avez vu des

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  1   chars et des pièces d'artillerie à Veliki Zvornik. Et puis, vous avez

  2   parlé de ce panneau où était écrit Republika Srpska , n'est-ce pas?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Bon. Savez-vous qu'à ce moment-là l'armée de la Republika Srpska

  5   avait déjà été créée et que la République fédérale de Yougoslavie avait

  6   adopté une nouvelle Constitution avec composition du pays, avec

  7   appartenance au pays de la Serbie et du Monténégro le 27 avril 1992. Je

  8   suppose que vous vous souvenez de cela? Cela avait été proclamé.

  9   Réponse: Je ne me souviens pas. Ce dont je me se souviens, c'est que le

 10   chef d'un de ces chars, le commandant qui était donc de l'autre côté sur

 11   le pont du côté musulman, j'ai parlé avec lui lorsque je suis passé à côté

 12   de lui et ce char appartenait à l'armée yougoslave.

 13   Question: Savez-vous qu'après la proclamation de la Constitution de la

 14   République fédérale yougoslave, donc après le 27 avril, il a été décidé

 15   que tous les citoyens de la République fédérale yougoslave qui font partie

 16   de l'armée populaire yougoslave ont pour devoir de venir sur le territoire

 17   de la République fédérale yougoslave?

 18   Réponse: Je ne sais pas. Moi, je me souviens de ce que j'ai vu et des

 19   conversations que j'ai eues.

 20   Question: Bien. Etes-vous informé de ce fait, qui est tout à clair et net:

 21   durant l'existence de la Grande Yougoslavie de la RSFY, la JNA relevait de

 22   la totalité de la Yougoslavie; à partir du moment où la République

 23   fédérale yougoslave a été créée, les ressortissants du Monténégro et de la

 24   Serbie qui constituent la République fédérale yougoslave ont été extraits

 25   des territoires situés hors de la République fédérale yougoslave -tout

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  1   comme c'était le cas pour ceux qui étaient en Serbie et au Monténégro et

  2   qui venaient d'autres régions de la RSFY précédemment- ils ont dû

  3   retourner dans leur République. Est-ce que vous êtes au courant de ce

  4   fait?

  5   Réponse: Je dois dire une nouvelle fois, parce que vous vous concentrez

  6   sur ce que j'ai dit, et ce que j'ai dit avoir vu et entendu. Mais la seule

  7   chose dont je veux parler, c'est ce que j'ai vu et entendu. Ce que vous

  8   racontez, je n'en ai pas la moindre idée. La seule chose que je sais,

  9   c'est ce que j'ai vu et entendu.

 10   M. Milosevic (interprétation): Bon. Donc vous n'avez pas la moindre idée

 11   du fait qu'après la création de la RFY les ressortissants...

 12   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, le témoin vous a

 13   répondu. Passons à autre chose.

 14   M. Milosevic (interprétation): Je n'ai plus de questions. Monsieur May,

 15   j'ai respecté le délai qui m'avait été imparti.

 16   M. le Président (interprétation): Oui.

 17   Maître Tapuskovic, vous avez la parole.

 18   (Questions de l'amicus curiae, M. Tapuskovic, au témoin, M. Jovan

 19   Dulovic.)

 20   M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je vais

 21   m'efforcer d'en terminer avec mes questions en 10 à 12 minutes.

 22   Monsieur Dulovic, vous avez dit qu'à partir de mai 1991 et jusqu'en

 23   novembre 1991, donc pendant six ou sept mois, avec quelques petites

 24   interruptions, vous étiez pratiquement en permanence en Slavonie

 25   orientale, vous êtes allé dans différents villages et dans des villes pour

Page 11893

  1   voir ce qu'il se passait?

  2   M. Dulovic (interprétation): Oui.

  3   Question: Pendant cette période, donc jusqu'à l'obtention par vous de

  4   l'autorisation dont nous avons parlé, il ne fallait pas jusqu'à ce moment-

  5   là d'autorisation pour circuler sur le terrain?

  6   Réponse: Au début, non.

  7   Question: Merci. Ensuite, vous avez obtenu cette autorisation, que l'on

  8   trouve à l'intercalaire 1, Monsieur le Président, et qui concerne comme

  9   cela est écrit dans le document la période qui va du 9 octobre au 9

 10   novembre et vous êtes resté quelques jours de plus, n'est-ce pas?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Est-ce que pendant toute cette période -je parle de la période

 13   où vous aviez une autorisation et de celle dont vous n'en aviez pas

 14   besoin- il y avait dans cette période d'autres journalistes ou d'autres

 15   observateurs d'organisations internationales dans cette région, notamment

 16   durant les mois pendant lesquels vous aviez besoin d'une autorisation?

 17   Réponse: Il y avait des journalistes et je me souviens qu'il y avait des

 18   internationaux. Vous savez… Ah oui, je ne parviens pas à me souvenir des

 19   dates. C'était à Borovo Selo, il y avait là des étrangers qui devaient

 20   conclure un accord avec Goran Hadzic au sujet d'un échange, ou plutôt

 21   s'organisaient avec les officiers de liaison au sujet d'un cessez-le-feu à

 22   venir.

 23   Question: Monsieur Dulovic...

 24   Réponse: Henri Vermeer, c'était le nom d'un de ces hommes et c'était un

 25   envoyé de M. Van den Broek.

Page 11894

  1   Question: Merci. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si pendant cette

  2   période, donc y compris durant le mois qui va jusqu'au 12 novembre, il y

  3   avait quelqu'un qui a permis à des journalistes, à des observateurs

  4   étrangers et du pays de suivre les événements dans cette région de

  5   Slavonie orientale?

  6   Réponse: Eh bien, la plus grande partie du temps, nous pouvions suivre les

  7   événements.

  8   Question: Merci, c'est ce qui m'intéressait.

  9   Maintenant, je vais vous demander la chose suivante: le 9 octobre, quand

 10   vous avez reçu cette autorisation et que vous êtes arrivé sur le terrain,

 11   où se trouvait l'armée yougoslave? A quelle distance de la ville de

 12   Vukovar ou, pour être plus précis, du centre de Vukovar?

 13   Réponse: Il me faudrait une carte.

 14   Question: Je vous en prie.

 15   Réponse: Par exemple, depuis Borovo Selo, les soldats étaient aux confins

 16   de Borovo Selo; pas dans la direction de Vukovar, mais dans la direction

 17   opposée. Je parle d'une unité de chars. Donc il y a Borovo Selo et puis,

 18   la ligne de chemin de fer, un aéroport, un terrain de sport et de nouveau

 19   un hameau, Borovo Naselje. Mais je ne sais pas vraiment….

 20   Question: Mais c'était dans la région? A quelle distance de la ville?

 21   Réponse: De la ville, vous dites? Eh bien, je ne sais vraiment pas.

 22   Question: A quelle distance de Borovo Selo?

 23   Réponse: Eh bien, je n'ai jamais parlé de distance. Il faudrait regarder

 24   la carte pour vérifier.

 25   Question: Mais l'armée n'était pas dans la ville, n'était pas au centre de

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  1   la ville?

  2   Réponse: Quelle ville?

  3   Question: La ville de Vukovar.

  4   Réponse: Je n'étais pas à Vukovar. J'étais à Borovo Selo, dans les

  5   environs de Vukovar.

  6   Question: Mais à quelle distance cela se trouve-t-il?

  7   Réponse: Je ne sais pas, je ne ferai que supposer.

  8   Question: Très bien. Passons à autre chose, Monsieur Dulovic. Vous avez

  9   dit hier que vous aviez entendu de la bouche d'un officier de l'armée

 10   yougoslave quelles étaient les unités qui se trouvaient à Vukovar?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Ce même officier vous a-t-il dit quelles étaient les unités

 13   croates qui se trouvaient dans la ville même de Vukovar?

 14   Réponse: Non, non.

 15   Question: Merci. Eh bien, puisque vous avez reçu l'autorisation de voir

 16   tout ce qui se passait de ce côté-là, êtes-vous parvenu à obtenir un

 17   laissez-passer pour entrer dans la ville même et voir ce qui se passait

 18   dans la ville?

 19   Réponse: Je n'ai pas essayé d'entrer en ville. Mon collègue reporter, le

 20   correspondant de "Vecernje Novosti", a essayé de rentrer en ville et il a

 21   été tué. Ils ont retrouvé son cadavre. En d'autres termes, il n'était pas

 22   possible d'entrer à Vukovar.

 23   Question: Donc celui qui a essayé d'entrer en ville a été tué, c'est bien

 24   cela?

 25   Réponse: Oui, il a été tué par des membres de la Défense territoriale. Il

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  1   y avait beaucoup de tirs dans ce secteur, tout le monde tirait sur tout et

  2   sur n'importe quoi; personne ne savait ce qui se passait, il y avait des

  3   hommes en uniforme, en civil, des vêtements de toutes sortes.

  4   Question: Comment savez-vous qu'il a été tué par des membres de la Défense

  5   territoriale et pas par quelqu'un d'autre? Comment savez-vous qu'il n'a

  6   pas été touché par une balle perdue?

  7   Réponse: Le lieutenant de l'unité de chars, Borisa Doknic, m'en a parlé,

  8   ainsi que de nombreux autres officiers.

  9   Question: Très bien. Merci.

 10   Maintenant, Monsieur Dulovic, lorsque l'armée était loin du centre de

 11   Vukovar, dans les environs de la ville, est-ce que des tentatives ont été

 12   faites pour trouver une solution pacifique et mettre fin au conflit et

 13   empêcher la multiplication des victimes?

 14   Réponse: Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre; il y a eu des tentatives

 15   de ce genre, pour autant que je m'en souvienne.

 16   Question: Merci. Maintenant, passons à autre chose. Ce qui m'intéresse,

 17   c'est la chose suivante: vous avez dit qu'il y avait des coups de feu qui

 18   venaient de la ville en réplique à une attaque. Donc lorsque ces gens

 19   étaient attaqués, ils rétorquaient et tiraient. Ce qui m'intéresse, c'est

 20   de savoir quelle était la puissance du tir. Est-ce que la puissance du tir

 21   en réplique était la même que celle de l'attaque?

 22   Réponse: C'est difficile à dire. J'observais la situation depuis les

 23   abords mêmes de Borovo Selo, de l'autre côté de la ligne de chemin de fer.

 24   Il y avait… Nous étions plusieurs à observer ce qui se passait.

 25   Nous avons vu nos chars, donc des chars serbes, qui se dirigeaient dans la

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  1   direction de Borovo Naselje; c'est un lieu qui se trouve encore plus près

  2   de Vukovar, après la piste d'atterrissage, l'aéroport. Il y avait

  3   plusieurs chars, une dizaine, et lorsqu'ils ont pris la direction de

  4   l'aéroport, les Croates ont utilisé des mortiers et commencé à pilonner.

  5   Un grand nombre de personnes ont péri dans ces tirs de mortiers.

  6   Question: Qui a péri: des civils ou des soldats?

  7   Réponse: Il n'y a pas de civils, Monsieur Tapuskovic, il n'y a pas de

  8   civils dans une attaque de ce genre, lorsque les chars sont en train

  9   d'avancer. C'étaient des soldats, c'étaient des réservistes ou quelque

 10   chose de ce genre, je ne sais pas exactement. Mais l'attaque a été arrêtée

 11   et il y a eu des réactions par tirs de mortiers et les membres de

 12   l'infanterie qui suivaient les chars ont subi ces pertes humaines.

 13   Certains des chars ont sauté sur des mines et ont donc été arrêtés de

 14   cette façon, mais ils sont tous revenus. L'attaque a avorté. Et lorsqu'ils

 15   se sont retirés, une fois que les forces se sont retirées, les tirs de

 16   mortiers ont cessé. Donc c'est un exemple du genre de choses que l'on

 17   pouvait voir là-bas.

 18   Question: Est-ce que les choses se passaient toujours de la même façon?

 19   Réponse: Non, pas toujours; cela s'est passé deux ou trois fois. En fait,

 20   des tentatives de ce genre ont été faites à plusieurs reprises. Badza, le

 21   commandant de la Défense territoriale, je l'ai entendu de la bouche de

 22   certaines personnes, a donné des ordres pour que ce genre d'offensive ne

 23   soit plus lancée; parce que des pertes humaines étaient toujours subies en

 24   grand nombre.

 25   M. Tapuskovic (interprétation): Dans votre déposition, vous avez dit…

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  1   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Tapuskovic?

  2   M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez dit dans votre déposition que

  3   des obus étaient tirés. Quelle était la nature de ces obus?

  4   M. Dulovic (interprétation): Pour l'essentiel, des obus de mortiers. Oui,

  5   parce que c'étaient les plus efficaces. Et je ne sais pas s'ils avaient

  6   des pièces d'artillerie de plus gros calibre. Par la suite, j'ai entendu

  7   dire qu'ils n'en possédaient pas.

  8   Question: Donc vous pourriez dire à peu près que dans ces ripostes aux

  9   attaques qui ont été lancées, à l'occasion donc des ripostes en provenance

 10   de Vukovar, combien de soldats il a péri, du moins à peu près, d'après ce

 11   que vous avez pu voir arriver?

 12   Réponse: Je ne saurai vous le dire.

 13   Question: Et à peu près?

 14   Réponse: Pas à peu près non plus.

 15   Question: Donc ce que Sljivancanin avait dit sous nos yeux, à partir de

 16   l'enregistrement vidéo et qui disait donc que de jeunes soldats avaient

 17   péri, c'était exact?

 18   Réponse: Mais la chose n'est pas contestée du tout.

 19   M. Tapuskovic (interprétation): Mais sauriez-vous nous dire combien de

 20   personnes à peu près...

 21   M. le Président (interprétation): Mais quelle est la finalité. Il s'agit

 22   peut-être d'un malentendu, peut-être avez-vous mal compris la chose? Ce

 23   que j'ai compris, c'est que Sljivancanin avait empêché les membres de la

 24   Croix-Rouge d'accéder à l'hôpital et c'est depuis l'hôpital qu'on avait

 25   évacué des gens. C'est là la substance même de cette partie du témoignage.

Page 11899

  1   M. Tapuskovic (interprétation): Vous avez entendu M. Sljivancanin dire

  2   dans cet entretien que des jeunes gens étaient en train de périr. Ce que

  3   je voulais faire entendre à la Chambre, c'est qu'à l'occasion du feu

  4   ouvert en riposte, en provenance de Vukovar, il y avait eu beaucoup de

  5   soldats qui avait péri.

  6   C'est la chose que j'avais voulu laisser entendre aux Juges de la Chambre.

  7   A savoir qu'il y avait des obus et du feu d'infanterie qui était ouvert de

  8   l'autre partie. Cela n'a aucune corrélation avec le reste de ce que

  9   Sljivancanin a fait. Sljivancanin avait affirmé qu'il y avait des jeunes

 10   gens en grand nombre qui avaient péri. Il avait dit… le témoin Dulovic

 11   n'en a pas parlé hier. J'ai estimé qu'il était important de préciser que

 12   beaucoup de gens étaient tombés. C'était là mon intention.

 13   M. le Président (interprétation): Et quand bien même cela serait exact, ce

 14   qui s'est passé par la suite à Ovcara, bien entendu, ne saurait en aucun

 15   cas être justifié, si véridique comme affirmé, à savoir qu'il y a eu des

 16   tueries de soldats.

 17   M. Tapuskovic (interprétation): Monsieur le Président, je suis l'une des

 18   personnes qui en est profondément convaincue. Ce que je voulais justement

 19   faire savoir, c'est qu'à Vukovar, il y avait des gens qui tombaient pour

 20   rien. Il y a probablement eu ces événements; je ne désire pas le

 21   contester. C'est une horreur que tout citoyen de la Yougoslavie a très mal

 22   vécu.

 23   Donc ne doutez pas des positions qui sont les miennes et qui sont

 24   identiques aux vôtres. Mais je voudrais que, dans le contexte du

 25   rapprochement des forces armées de Vukovar, que l'on sache ce qui s'est

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  1   passé pour qu'on ait une vue d'ensemble sur le problème entier. Par

  2   contre, ce qui s'est passé à Ovcara, personne ne le conteste et je suis le

  3   dernier à le contester. La seule chose que j'avais souhaité faire, c'est

  4   qu'on en débatte de la façon la plus appropriée qui soit.

  5   Messieurs les Juges, le témoin Dulovic est venu témoigner ici. Il a passé

  6   six mois dans cette région, peut-être davantage encore. Ce que je voulais

  7   savoir, c'est comment se faisait-il que le témoin Dulovic n'ait pas appris

  8   la chose.

  9   Je ne conteste pas qu'il y ait eu des victimes du côté des Croates;

 10   personne ne le conteste, mais comment se fait-il, s'il avait séjourné là-

 11   bas en sa qualité de reporter, comment n'a-t-il pas pu constater que

 12   d'autres personnes avaient péri? Je ne parle pas des groupes ethniques,

 13   mais je viens de vous dire qu'il n'y avait pas seulement des Croates, mais

 14   qu'il y avait des uns, des autres et des tiers, et que beaucoup de gens

 15   avaient péri.

 16   Ce que je voulais donc demander à M. Dulovic, c'est comment il se faisait

 17   qu'il n'ait pas eu connaissance de ce qui était arrivé aux Serbes?

 18   M. Dulovic (interprétation): Les sources officielles ne voulaient pas en

 19   parler à l'époque. C'était là chose logique parce que, s'il y avait eu des

 20   morts -en effet, il y en a eu-, cela ne sonnerait pas bien aux oreilles du

 21   public, d'après l'opinion de qui de droit. Et aussi, le nombre de ces

 22   victimes-là n'avait pas été accessible à l'opinion publique et personne ne

 23   fournissait officiellement des renseignements de ce type aux journaux et

 24   aux médias.

 25   Question: Mais vous avez interviewé tous ces gens-là, vous vous êtes

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  1   entretenu sur bon nombre de sujets, vous avez entendu parler de victimes

  2   croates? Comment se fait-il que vous n'ayez pas eu vent des victimes des

  3   autres groupes ethniques? C'est ça que je voulais vous demander.

  4   Réponse: Pendant la guerre?

  5   Question: Non, pas pendant la guerre: pendant la période qui a précédé le

  6   siège de Vukovar, à savoir entre le mois de mai et le mois d'octobre.

  7   Réponse: Non, je n'ai pas pu l'apprendre.

  8   Question: Merci. Je voulais également vous demander la même chose au sujet

  9   de Bosanska Krajina. Vous nous avez dit que vous avez séjourné là-bas

 10   pendant un mois, comme expliqué tout à l'heure, à savoir sur le territoire

 11   de la Bosnie, n'est-ce pas?

 12   Réponse: Non.

 13   Question: Mais combien de temps avez-vous passé là-bas?

 14   Réponse: Je suis allé deux fois en Bosnie.

 15   Question: Et vous vous êtes entretenu avec les gens là-bas?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Vous avez été à Zvornik qui se trouvait sous le contrôle de la

 18   Défense territoriale. Vous a-t-il été possible de vous rendre sur le

 19   territoire sous le contrôle des effectifs musulmans?

 20   Réponse: Je ne sais pas sous quel contrôle cela avait été. Mais, à Zvornik

 21   même, les effectifs qui se trouvaient à Zvornik ne permettaient pas

 22   d'aller plus loin, vers d'autres villages à l'extérieur de Zvornik.

 23   Question: Bien. Je vais mener à terme cet interrogatoire pour ne pas

 24   retenir davantage l'attention de la Chambre.

 25   Comment se fait-il que vous n'ayez rien entendu? Et vous vous êtes

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  1   entretenu avec bon nombre de gens, vous êtes allé là-bas pour parler d'un

  2   conflit, tel que vous l'avez décrit; vous êtes allé là-bas pour apprendre

  3   ce qui se passait. Vous avez parlé d'une mosquée qui avait été détruite,

  4   vous avez parlé des victimes musulmanes, mais vous n'avez rien dit sur les

  5   rumeurs… ou plutôt -je me reprends- vous n'avez pas eu d'entretien avec

  6   vos interlocuteurs concernant des victimes. Avez-vous eu connaissance des

  7   victimes du côté serbe?

  8   Réponse: Il y en a certainement eu.

  9   Question: Mais qu'en savez-vous? Est-ce que vous vous êtes renseigné à ce

 10   sujet?

 11   Réponse: On m'a relaté cela.

 12   Question: Mais que vous a-t-on relaté?

 13   Réponse: Je ne me souviens pas. Je pense avoir publié cela.

 14   M. Tapuskovic (interprétation): Merci, Messieurs les Juges.

 15   M. le Président (interprétation): Monsieur Groome, à vous.

 16   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Jovan Dulovic, par M.

 17   Groome.)

 18   M. Groome (interprétation): Je voudrais que l'on montre au témoin la pièce

 19   342, intercalaire 1.

 20   Dans l'attente du document, je voudrais vous demander la chose suivante.

 21   Monsieur Milosevic vous avait posé des questions concernant la période de

 22   temps couverte par l'autorisation de séjours à Vukovar. Est-ce que vous

 23   avez obtenu une prolongation de l'autorisation en question, telle que

 24   présentée à la Chambre?

 25   Je demanderai à M. l'huissier de se déplacer vers le témoin pour placer le

Page 11903

  1   document en question sur le rétroprojecteur.

  2   (Intervention de l'huissier.)

  3   M. Dulovic (interprétation): Oui.

  4   Question: Et cette prolongation, comment était-elle inscrite sur ce

  5   permis?

  6   Réponse: Après écoulement de cette période, je suis allé dans la ville

  7   même. Je ne me souviens plus au juste où exactement. Vers un bureau de

  8   presse de l'armée, j'avais trouvé une personne qui avait été chargée de la

  9   délivrance de ces permis. C'était un commandant, son grade était celui de

 10   commandant; je crois qu'il s'appelait Popovic. Il m'a rédigé un texte en

 11   disant que le permis continuait à être valide. Donc il avait prolongé sa

 12   validité au-delà du 9 octobre.

 13   Question: Monsieur Dulovic?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Je demanderais que l'on place ceci sur le rétroprojecteur. Et

 16   veuillez nous indiquer, Monsieur le Témoin, l'endroit où se trouve cette

 17   indication?

 18   (Le témoin indique l'endroit à l'aide du pointeur.)

 19   Réponse: Il faudra peut-être, Monsieur l'Huissier, que vous déplaciez le

 20   document.

 21   Question: Monsieur le Témoin, est-ce que vous indiquez le coin intérieur

 22   gauche du document?

 23   Réponse: Ici, c'est écrit: "Le permis continue à être valide. (Il est fait

 24   exception à l'ordre du secrétariat fédéral à la défense.)".

 25   Il y a là le sceau de l'armée et aussi la signature de ce commandant. Ce

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  1   qui fait que j'étais tout à fait capable ou autorisé à y rester sans

  2   limitation. Il y a deux cachets, qui plus est: ici, il y a le poste

  3   militaire 923 et ici le cachet d'un autre poste militaire. Donc à deux

  4   instances officielles, on m'a accordé la chose.

  5   Question: Au cours de cette période, vous aviez d'autres permis, vous

  6   aviez davantage que les deux permis que vous avez montrés ici dans ce

  7   prétoire et produits par la même occasion?

  8   Réponse: Oui, oui.

  9   Question: Est-ce que vous aviez un permis vous autorisant à être à

 10   Zvornik, le 10 avril 1992? Est-ce que vous aviez réussi à obtenir cette

 11   autorisation avant d'aller à Zvornik?

 12   Réponse: Le 10 avril?

 13   Question: Oui, la première fois où vous êtes allé à Zvornik?

 14   Réponse: Lorsque j'ai, pour la première fois, essayé d'accéder à la ville

 15   de Zvornik.

 16   Question: Excusez-moi, je n'étais pas exact. Quand vous avez essayé

 17   d'entrer dans Zvornik.

 18   Réponse: Oui, là aussi j'avais obtenu un permis, mais à ce moment-là rien

 19   n'y faisait, il n'était pas possible d'accéder à Zvornik. Tout simplement,

 20   il ne laissait personne passer par le pont.

 21   Question: Monsieur Milosevic, vous a demandé si on vous avait empêché

 22   d'exercer votre fonction de journaliste, si on vous interdisait l'entrée

 23   dans Zvornik, en dépit du fait que vous aviez ce permis. Est-ce que pour

 24   vous c'était une entrave à l'exercice de votre profession?

 25   Réponse: Absolument. Il y a eu des localités, peut-être pourrais-je même

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  1   m'en souvenir, mais il y avait des localités où aucun permis n'était

  2   valide. Et j'entends par là que, même disposant d'un permis, on ne pouvait

  3   pas y aller pour voir, pour aller s'entretenir ou quoi que ce soit

  4   d'autres.

  5   Question: Etes-vous au courant, vous personnellement, d'autres endroits où

  6   en dépit du fait que vous aviez un permis on ne vous avait pas autorisé à

  7   entrer sur les lieux, dans une zone par exemple où l'armée yougoslave

  8   était présente?

  9   Réponse: Je ne sais pas. Je n'arrive pas à m'en souvenir, exception faite

 10   de Zvornik. Pour la première fois, je n'arrive pas à m'en souvenir.

 11   Question: Autre domaine sur lequel portera ma question, c'est celui-ci: M.

 12   Milosevic, vous avait demandé si vous n'aviez jamais été témoin d'actes de

 13   la JNA, que vous auriez jugé inappropriés; et puis vous avez relevé une

 14   observation concernant un char.

 15   Revenons, si vous le voulez bien, sur Visegrad. Quand vous vous y

 16   trouviez, d'abord sur les fortifications de l'armée yougoslave puis dans

 17   la ville, est-ce que vous vous êtes forgé une opinion? Est-ce que vous

 18   avez pu établir s'il leur était possible à l'armée yougoslave d'entrer

 19   dans la ville plus tôt qu'elle ne l'a fait?

 20   Réponse: Oui. A l'époque, où j'étais arrivé là-bas moi-même -et je l'ai

 21   dit, la ville avait une apparence de ville fantôme-, je n'ai vu qu'un

 22   homme en train de travailler dans son jardin et j'avais l'impression que

 23   la ville était complètement déserte. C'était plutôt étrange, parce que

 24   l'armée en puissance était censée entrer moyennant combat dans une ville,

 25   une ville abandonnée.

Page 11906

  1   Question: Merci, Monsieur Dulovic. Peut-on montrer au témoin la pièce de

  2   la défense 56, et plus exactement la dernière page de cette pièce, afin

  3   que le témoin puisse voir la signature de la personne qui a apposé sa

  4   signature à la dernière page?

  5   (Intervention de l'huissier.)

  6   Veuillez examiner la signature et le nom de la personne que l'on trouve à

  7   la dernière page. Pouvez-vous lire ce nom pour nous?

  8   Réponse: Oui. Il est question du ministère public du district et l'on

  9   parle de M. Branko Njegovan. Je me suis entretenu avec ce procureur à

 10   Sabac. J'ai même fait une interview avec lui.

 11   Question: Vous avez donc eu une interview avec ce procureur. Est-ce qu'on

 12   le voit sur cette cassette dont on a vu un extrait? Il s'agissait de la

 13   pièce de l'accusation P342, intercalaire 13. Il s'agissait de l'Unité des

 14   "Guêpes jaunes".

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: Quelle est la question que vous avez posée à M. Njegovan dans le

 17   cadre de cette interview que vous avez recueillie auprès de lui?

 18   Réponse: Eh bien, j'ai fait cette interview il y a longtemps; l'interview

 19   même était relativement courte. Et je n'arrive vraiment pas à me rappeler

 20   ce que je lui avais demandé. Je lui ai posé plusieurs questions.

 21   Question: Monsieur le Président, peut-on montrer au témoin la pièce de

 22   l'accusation P342, intercalaire 13, page 14? Excusez-moi, page 24.

 23   (Intervention de l'huissier.)

 24   Monsieur le Témoin, je vous demande d'examiner une transcription de cette

 25   interview, d'en prendre connaissance pour voir si ceci ravive vos

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  1   souvenirs. Oui, nous avons la version en serbe. En fait, la version en

  2   serbe et la version en anglais se trouvent sur la même page; ça va de la

  3   page 25 à la page 25, bas de la page 24, et le texte se poursuit à la page

  4   25.

  5   (Le témoin lit le document.)

  6   Est-ce que vous voyez la rubrique "Branko Njegovan"?

  7   Réponse: Oui.

  8   Question: Est-ce que ceci vous rappelle la teneur de l'interview que vous

  9   avez eue avec ce procureur?

 10   Réponse: Je me suis penché sur la première page et il y a constamment une

 11   erreur. On dit "Jovan Dulic"; mon nom est Dulovic. En fait, c'était moi.

 12   Oui, oui, je reconnais.

 13   Question: Pourriez-vous résumer ce qu'a dit le procureur? Excusez-moi, je

 14   reviens à ma question initiale: quelle est la question que vous avez posée

 15   au procureur?

 16   Réponse: J'avais un acte d'accusation dans les mains -l'acte d'accusation

 17   concernait les frères Vuckovic- et j'avais demandé au procureur pourquoi

 18   il n'y avait rien, dans cet acte d'accusation, concernant l'expulsion de

 19   civils de l'agglomération civile Divic vers Celopek, vers la Maison de la

 20   Culture où l'on avait placé en détention des civils originaires de

 21   Celopek?

 22   Question: Lui avez-vous également demandé pourquoi aucun des survivants

 23   n'avait été appelé à comparaître au cours du procès intenté contre ces

 24   deux hommes?

 25   Réponse: Probablement. Oui, oui, je m'en souviens maintenant. En fait, il

Page 11908

  1   n'y avait pas de témoins pour témoigner de ce qu'avait fait Vuckovic

  2   Dusan, celui qui avait le surnom de "Repic". Il y avait là-bas un gardien

  3   qui avait, me semble-t-il, été interrogé, mais pas à Sabac, mais il ne

  4   voulait en aucun cas venir témoigner lorsque Dusan Vuckovic avait ouvert

  5   le feu et tué ces 17 civils originaires de Divic, dans la Maison de la

  6   Culture de Celopek. La chose s'était prolongée.

  7   Question: Monsieur Dulovic, excusez-moi, mais ma question était plus

  8   précise. Je vous ai demandé quelle était, d'après les dires du procureur,

  9   la raison pour laquelle il n'avait cité à la barre en tant que témoins

 10   aucun des survivants, dans le cadre de ce procès intenté contre ces deux

 11   hommes?

 12   Réponse: Eh bien, il n'avait soi-disant pas pu entrer en contact avec eux,

 13   si mes souvenirs sont bons. Et si cela figure ici, j'aimerais bien jeter

 14   un coup d'œil. Enfin, je crois qu'il avait dit qu'il ne pouvait pas entrer

 15   en contact avec les témoins.

 16   Question: J'appelle votre attention à la ligne 8 de la page 25.

 17   Réponse: Oui, oui, c'est cela.

 18   M. Groome (interprétation): Et est-ce que vous avez également parlé avec

 19   un des survivants qui vous a dit qu'il serait prêt à témoigner par vidéo

 20   ou par cassette vidéo, mais que ces personnes n'avaient pas été contactées

 21   par M. Njegovan?

 22   M. Dulovic (interprétation): Je ne me souviens que de mon entretien avec

 23   un architecte, M. Himza Tulic. Lui s'était trouvé à Zvornik et il était

 24   l'homme n°1 à l'établissement chargé de l'urbanisme. Il se trouvait en

 25   Autriche. C'est lui qui m'avait parlé de tous ces crimes commis à Zvornik.

Page 11909

  1   Il avait mentionné les frères Vuckovic et bon nombre d'autres, tant

  2   criminels que victimes, par leurs noms et prénoms. Mais je ne peux pas

  3   m'en rappeler, il faudrait que je consulte.

  4   Et la question, c'était quoi?

  5   M. le Président (interprétation): Monsieur Dulovic, je crois que nous

  6   avons compris la quintessence de ce que vous vouliez dire.

  7   M. Groome (interprétation): J'ai encore quelques dernières questions à

  8   vous poser; elles portent sur la grande quantité de crimes, crimes

  9   horribles d'après leur description, celle qui a été faite par M.

 10   Milosevic.

 11   Monsieur Milosevic vous a demandé si vous étiez au courant de ces crimes

 12   et du fait qu'ils faisaient partie du contexte dans lequel vous vous

 13   trouviez.

 14   Ma question est la suivante: pendant tout le temps que vous avez passé à

 15   Ulica Nova en présence de la JNA, de la Défense territoriale de Vukovar,

 16   des Hommes de Seselj et d'autres paramilitaires, est-ce qu'il vous est

 17   arrivé dans ce lieu, dont vous avez dit que c'était un centre de

 18   commandement, est-ce que vous avez entendu l'un quelconque de ces hommes

 19   parler des crimes, des atrocités qui vous ont été présentés par M.

 20   Milosevic, aujourd'hui, ici, à l'audience?

 21   M. Dulovic (interprétation): Je pense qu'on ne me l'avait pas dit à

 22   l'époque, du moins je ne m'en souviens pas. Mais cela ne m'étonnerait pas

 23   parce que c'était une partie de Vukovar appelait "Sajmiste", qui était

 24   habitée par une population serbe. Ils sont restés tout le temps là-bas et,

 25   d'après leur récit à eux, les Croates ne sont pas du tout venus, n'ont pas

Page 11910

  1   du tout eu d'intervention sur ce secteur de Sajmiste auquel appartient

  2   cette Ulica Nova 81. De là à savoir s'ils le savaient ou pas, je ne peux

  3   pas vous le dire, mais je ne me souviens pas que l'on m'ait parlé de cela.

  4   Question: Lorsque vous avez interviewé des Serbes qui s'étaient trouvés

  5   piégés à Vukovar, est-ce qu'ils ont parlé de ces atrocités décrites par M.

  6   Milosevic et qui ont été commises contre des Serbes? Est-ce que ces gens-

  7   là, à qui vous avez parlé, vous ont relaté certaines choses?

  8   M. Dulovic (interprétation): Non, non, certainement pas. On ne m'a pas

  9   décrit les choses telles que reprises par Monsieur Milosevic.

 10   M. Groome (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Dulovic.

 11   Je n'ai plus de question à poser au témoin, Monsieur le Président.

 12   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

 13   M. Milosevic (interprétation): Cette question relative à l'entretien avec

 14   le Procureur n'avait pas été soulevée à l'occasion de l'interrogatoire

 15   principal. Et compte tenu de ce fait, j'estime que j'aurais le droit de

 16   poser quelques questions au témoin sur ce sujet-là.

 17   M. le Président (interprétation): Mais ces questions ont découlé du

 18   document que vous avez présenté au témoin. Et, dans l'ensemble, je pense

 19   qu'il faut s'en tenir à une règle selon laquelle il faudra tôt ou tard

 20   mettre un terme à l'interrogatoire du témoin, l'audition de celui-ci.

 21   Nous allons peut-être faire une exception, ici, en l'espèce. Il vous est

 22   autorisé de poser des questions à ce propos, mais vous avez au maximum

 23   deux ou trois minutes, vous n'allez pas pouvoir ratisser large.

 24   (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, M. Jovan Dulovic, par

 25   l'accusé M. Milosevic.)

Page 11911

  1   M. Milosevic (interprétation): Je n'ai pas l'intention de ratisser large

  2   et de poser toutes les questions que j'aimerais poser mais je voudrais

  3   tirer au clair quelque chose.

  4   Quand il s'agit de ce procès, étant donné que vous avez été rapporteur

  5   judiciaire pendant très longtemps, j'imagine que vous n'ignorez pas le

  6   fait que les autorités en Serbie et en Yougoslavie, à l'époque et à

  7   présent, se fondaient sur un principe du partage du pouvoir et qu'il y

  8   avait un pouvoir exécutif, législatif et judiciaires, et que le pouvoir

  9   judiciaire n'est pas tenu de répondre de ce qu'il fait aux autorités

 10   législatives?

 11   M. Dulovic (interprétation): Ça, c'était vrai, mais sur papier seulement.

 12   Le pouvoir judiciaire n'a jamais été indépendant, tout comme le pouvoir

 13   législatif. Tout était placé sous l'autorité du pouvoir exécutif.

 14   Question: Non, moi je vous affirme le contraire. Et, dans ce cas concret,

 15   dans ce qui fait partie du pouvoir exécutif, la police donc, la police a-

 16   t-elle arrêté les auteurs du crime? A-t-elle présenté des informations

 17   partant desquelles on voyait qu'il avait tué 17 personnes puis 4 autres

 18   personnes et qu'auparavant il les avait torturées? Si la police avait donc

 19   fourni toutes ces informations-là au pouvoir judiciaire…

 20   Réponse: Et, mon Dieu, il n'y a plus eu de témoin!

 21   Question: Monsieur le Témoin, Monsieur Dulovic, je vous pose une question.

 22   Etant donné qu'il n'y a pas un seul président du Tribunal et aucun juge en

 23   Yougoslavie qui pourraient dire qu'ils ont fait l'objet d'une intervention

 24   quelconque pour ce qui est de la façon dont ils devaient juger, des cas

 25   comme cela, il n'y en a pas eu.

Page 11912

  1   Donc, est-ce que vous pensez que le pouvoir exécutif, avec toutes les

  2   preuves à l'appui figurant à l'acte d'accusation, s'est emparé de

  3   l'individu, l'a mis aux arrêts et l'a confié aux autorités judiciaires.

  4   Oui ou non?

  5   Réponse: Les procureurs publics en Serbie, pour ce qui est du règne de

  6   l'accusé, eh bien, ces procureurs publics étaient absolument liés par la

  7   politique et par ce que le pouvoir exécutif leur servait: à savoir, leur

  8   disait ce qu'il fallait poursuivre en justice, quels sont les actes

  9   d'accusations à dresser ou pas. Ils étaient donc inféodés à ce pouvoir et

 10   l'accusé le sait pertinemment bien.

 11   Question: Monsieur Dulovic, si nous partons de cette hypothèse...

 12   Réponse: Ce n'est pas une hypothèse, c'est pendant des années que…

 13   Question: Est-ce que le procureur public, dans ce cas-là, a dressé un acte

 14   d'accusation? Est-ce que dans ce cas concret il a dressé un acte? Et vous

 15   l'avez dans les pièces jointes; dans cet acte d'accusation, il est précisé

 16   que cet homme a torturé des gens, il en tué 17 puis il en a tué 4 autres.

 17   Il a été accusé et confié au tribunal.

 18   M. le Président (interprétation): Ce sera votre dernière question,

 19   Monsieur Milosevic.

 20   Oui, Monsieur Dulovic, voulez-vous répondre?

 21   M. Dulovic (interprétation): Oui, je veux répondre.

 22   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ce procès, c'était ce qu'il y

 23   avait de plus honteux de ce que j'ai pu voir en 40 ans et plus. Une telle

 24   chose n'est jamais arrivée. Par exemple, à ce procès, il y avait un

 25   témoin, une Musulmane, qui avait été violée par le dénommé "Repic". Devant

Page 11913

  1   le Tribunal, elle a dû répondre en pleurant à toutes les questions

  2   éhontées qui ont été posées par le juge chargé de l'affaire, pour ce qui

  3   est de décrire le viol dans tous ses détails.

  4   D'après notre Code pénal, un procès pour viol dans la pratique est un

  5   procès à huis clos, parce qu'on estime que le public n'est pas nécessaire

  6   et n'est pas souhaitable. Ici, la salle d'audience était pleine de public

  7   et la victime a dû répondre dans tous les détails, de façon éhontée, sur

  8   la façon dont elle a été violée.

  9   Et c'est ça l'expérience et la justice dont est en train de parler M.

 10   Milosevic. Elle a dû revenir trois fois pour raconter le même récit au

 11   Tribunal. Ce que je voulais dire, c'est que cette femme qui a été victime

 12   a été humiliée dans une mesure des plus effarante. C'est ce que j'avais à

 13   dire.

 14   M. le Président (interprétation): Nous devons en terminer. Il est

 15   impossible de poursuivre de la sorte. Vous avez eu le temps de poser vos

 16   questions.

 17   Monsieur Dulovic, ceci met terme à votre déposition. Merci d'être venu la

 18   faire devant le Tribunal pénal international. Vous pouvez désormais

 19   disposer.

 20   (Le témoin, M. Jovan Dulovic, est reconduit hors du prétoire.)

 21   M. le Président (interprétation): Nous allons maintenant faire une pause

 22   de 20 minutes.

 23   (L'audience, suspendue à 12 heures 06, est reprise à 12 heures 33.)

 24   (Audience publique avec mesures de protection.)

 25   (Le Témoin C-1141 est déjà dans le prétoire.)

Page 11914

  1   M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de donner

  2   lecture de la déclaration solennelle.

  3   Témoin C-1141 (déclaration): Je déclare solennellement que je dirai la

  4   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur. Veuillez

  6   vous asseoir.

  7   Monsieur Groome, vous avez la parole.

  8   M. Groome (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  9   Avant de commencer, je dirai ceci: il y a une partie de la déposition du

 10   témoin qui concerne plus directement les chefs d'accusation de l'Acte

 11   d'accusation, paragraphe 8. Je pense que nous pouvons aborder les autres

 12   points de façon sommaire.

 13   Et avec votre autorisation, je guiderai des questions qui guideront le

 14   témoin pour ce qui des premiers paragraphes de résumé.

 15   M. le Président (interprétation): Et s'il y a des points susceptibles de

 16   porter à polémique, revenez à la façon habituelle de poser des questions.

 17   Mais pour ce qui est des questions non polémiques, guidez le témoin.

 18   M. Groome (interprétation): Je vais demander à ce qu'on passe à huis clos

 19   partiel pour l'identité du témoin et quelques questions de détail.

 20   M. le Président (interprétation): Aux fins du compte rendu, je pense qu'il

 21   faudra donner le pseudonyme du témoin.

 22   M. Groome (interprétation): Il s'agit du témoin C-1141.

 23   M. le Président (interprétation): Merci.

 24   (Huis clos partiel à 12 heures 37.)

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 15   (Audience publique avec mesures de protection à 12 heures 40.)

 16   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à nouveau en audience publique.

 17   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin C-1141, dites-nous, si vous

 18   le voulez bien, combien il y a de villages dans la municipalité de

 19   Hrvatska Dubica?

 20   Témoin C-1141 (interprétation): Eh bien, pour ce qui est de cette ex-

 21   municipalité de Hrvatska Dubica -et pourquoi dis-je "ex", c'est parce que

 22   quand je suis arrivé à Hrvatska Dubica la municipalité a été dissolue et a

 23   commencé à faire partie de Kostajnica-, dans l'ex municipalité de Hrvatska

 24   Dubica, il y avait quatre villages.

 25   Question: Comment s'appelaient-ils ces villages?

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  1   Réponse: Ces villages s'appelaient Zivaja, Cerovljani, Bacin et Slabinja.

  2   Question: Et quels étaient parmi ces villages celui où il y avait surtout

  3   des Croates qui y habitaient?

  4   Réponse: Bacin et Cerovljani.

  5   Question: Quels étaient les villages où ils avaient surtout des Serbes qui

  6   y habitaient?

  7   Réponse: Zivaja et Slabinja.

  8   Question: Et est-ce qu'à Hrvatska Dubica il avait un quartier où il y

  9   avait pratiquement une répartition à part égale entre Serbes et Croates?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Et est-ce que c'était là le village même de Hrvatska Dubica?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Avant 1990, quels étaient les rapports existants entre Serbes et

 14   Croates, comment pourriez-vous les qualifier?

 15   Réponse: Vous voulez que je sois bref ou vous voulez un descriptif?

 16   Question: Bref, s'il vous plaît.

 17   Réponse: En bref, les relations étaient normales et tout le monde vivait

 18   bien ensemble; il n'y avait pas de haine.

 19   Question: Savez-vous, de façon approximative, à quel moment est intervenu

 20   un changement dans ces rapports? A quel moment avez-vous décelé ce

 21   changement à Hrvatska Dubica?

 22   Réponse: En 1990, lorsqu'il y a eu les élections pluripartites, il y a eu

 23   à Dubica plusieurs partis.

 24   Question: Serait-il exact de dire que, s'agissant des rapports entre les

 25   deux communautés ethniques et au fur et à mesure que ce rapport s'est

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  1   détérioré, les deux partis ont commencé à s'armer et à se mobiliser en vue

  2   d'un éventuel conflit?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Est-ce qu'il est arrivé un moment où des paramilitaires venant

  5   de la République de Serbie sont arrivés à Hrvatska Dubica?

  6   Réponse: Ça, je ne le sais pas.

  7   Question: Est-ce que vous, à un moment donné, vous avez quitté Hrvatska

  8   Dubica?

  9   Réponse: Oui. Oui.

 10   M. Groome (interprétation): Quand êtes-vous parti? Je vous demande

 11   simplement une date pour le moment?

 12   Témoin C-1141 (interprétation): Le 13 septembre, on a miné… on a fait

 13   sauter le pont de Hrvatska Dubica; et je crois que c'était un jeudi, le 14

 14   septembre, que j'ai appris ce qui était arrivé. Mon épouse, je l'ai

 15   envoyée vers Zagreb, mais moi je suis resté à la maison.

 16   M. le Président (interprétation): Nous parlons de quelle année, s'il vous

 17   plaît? Pouvez-vous l'établir?

 18   M. Groome (interprétation): On parle de quelle année, Monsieur le Témoin?

 19   Témoin C-1141 (interprétation): Je parle de l'année 1991.

 20   Question: Vous avez emmené votre femme à Zagreb, et après êtes-vous rentré

 21   à Hrvatska Dubica?

 22   Réponse: Moi, je ne suis pas allé à Zagreb, je suis resté à la maison. Et

 23   ce jeudi-là, le vendredi et le samedi soir, je suis resté. Puis je suis

 24   allé à Dubica toujours, mais dans un hameau, à quelques deux kilomètres de

 25   là. C'est là que résidait un de mes amis qui travaillait avec moi à

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  1   l'école. J'y suis allé en mobylette.

  2   Une fois arrivé chez lui, je l'ai trouvé là-bas avec son père et une femme

  3   âgée que je ne connaissais pas. Ils étaient en train de se préparer, ils

  4   étaient en train de charger quelque chose à bord de la remorque du

  5   tracteur. Je leur ai demandé ce qui se passait, et ils m'ont dit qu'il

  6   fallait qu'ils s'en aillent. J'ai laissé la mobylette chez eux, dans la

  7   cave; et avec lui, son père et cette femme âgée, nous sommes tous montés à

  8   bord de ce tracteur, et nous sommes allés à Kutina, il faisait nuit.

  9   Question: Par la suite, à un moment donné, êtes-vous rentré à Hrvatska

 10   Dubica en passant par la Bosnie?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: A quel moment l'avez-vous fait?

 13   Réponse: Le 2 octobre 1991.

 14   Question: Auparavant, vous nous avez expliqué qu'on avait fait sauter le

 15   pont. Dans quel état le pont se trouvait-il lorsque vous êtes rentrés ce

 16   jour-là?

 17   Réponse: Une partie du pont était écroulé mais on pouvait traverser quand

 18   même, parce que des espèces de madriers ou de planches très larges avaient

 19   été placées; on descendait une planche pour remonter par une autre

 20   planche.

 21   Question: Vous êtes rentré dans votre village à ce moment-là. Est-ce que,

 22   cette fois là, vous avez vu des forces armées dans le village et aux

 23   alentours?

 24   Réponse: Il n'y en avait pas dans le village, mais à l'extérieur, oui, en

 25   direction de la rivière, la Sava. C'était à quatre ou cinq kilomètres de

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  1   là. Il y avait une forêt. C'était Cerovljani et Zivaja. En fait, cela

  2   s'étire depuis Jasenovac, cette forêt -c'est une vraie forêt- et la

  3   rivière Sava. C'était là que se trouvait la ligne de front, si je puis

  4   m'exprimer ainsi.

  5   Question: Est-ce que vous avez vu des membres de l'armée populaire

  6   yougoslave qui auraient fait partie de cette force armée?

  7   Réponse: Ce que j'ai vu, c'étaient des réservistes en uniforme vert olive.

  8   C'étaient des réservistes dont je connaissais certains, c'étaient des gens

  9   du coin.

 10   Question: C'étaient des réservistes de la JNA?

 11   Réponse: Oui.

 12   Question: Avez-vous vu des membres de la police de la SAO de Krajina sur

 13   les lieux?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Avez-vous vu des forces paramilitaires, quelles qu'elles soient,

 16   à ce moment-là?

 17   Réponse: A part les réservistes et la police, je n'ai vu personne d'autre.

 18   Question: Savez-vous où se trouvait le quartier général de la police de la

 19   SAO de Krajina, dans votre région?

 20   Réponse: Je sais vous le dire: dans la vieille école, parce qu'entre-

 21   temps, on a construit une nouvelle école. Dans cette vieille école, il

 22   avait été créé un domaine agricole, dans les locaux mêmes de cette vieille

 23   école.

 24   M. Groome (interprétation): Qui était à ce moment-là le commandant de la

 25   police locale, de la brigade de la police locale plus exactement?

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  1   Témoin C-1141 (déclaration): Je ne sais pas au juste. Ils avaient été

  2   deux: Radunovic Veljko et son fils Stevo. A mon avis, c'étaient eux qui

  3   commandaient. Je connaissais l'un et l'autre.

  4   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

  5   M. Milosevic (interprétation): Il faudrait déterminer d'abord s'il y avait

  6   véritablement une brigade de la police, parce qu'il me semble qu'une

  7   brigade, c'est une formation importante pour une petite localité.

  8   M. le Président (interprétation): Lorsque vous aurez l'occasion de

  9   procéder au contre-interrogatoire, vous pourrez poser la question.

 10   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin C-1141, pourriez-vous nous

 11   dire combien il y avait de membres dans cette police locale de votre

 12   région?

 13   Témoin C-1141 (déclaration): Une trentaine… 31, 32, je ne sais pas trop.

 14   Question: Veuillez vous concentrer sur la journée du 20 octobre 1991. Vous

 15   souvenez-vous de l'endroit où vous trouviez ce matin-là?

 16   Réponse: Je m'en souviens. J'étais chez moi.

 17   Question: C'était quel jour de la semaine? Vous en souvenez-vous?

 18   Réponse: C'était un dimanche, au matin, vers 8 heures et demie.

 19   Question: Est-ce qu'à un moment donné, vous êtes allé chez un voisin pour

 20   emprunter une tasse de lait?

 21   Réponse: Oui.

 22   Question: Et qu'est-ce qui s'est passé pendant que vous étiez chez votre

 23   voisin?

 24   Réponse: Eh bien, pendant que cette femme âgée était en train de me verser

 25   du lait, dans la maison, sa fille se trouvait à l'extérieur, dans le

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  1   jardin. Tout à coup, elle est rentrée en trombe dans la maison.

  2   Question: Est-ce qu'elle a dit quoi que ce soit au moment où elle est

  3   entrée dans la maison?

  4   Réponse: Quand elle est rentrée, elle m'a dit: (expurgé)

  5   (expurgé).

  6   Question: Je vais vous demander de ne pas mentionner de nom ni de surnom

  7   pendant que nous sommes en audience publique, ni d'informations de nature

  8   à révéler votre identité.

  9   Est-ce que vous êtes sorti de chez votre voisin?

 10   Réponse: Oui.

 11   Question: Pourriez-vous nous dire ce que vous avez vu au moment où vous

 12   êtes sorti?

 13   Réponse: Lorsque je suis arrivé jusqu'à la porte ou plutôt à ma maison, la

 14   petite porte d'entrée au niveau de la clôture métallique, j'ai été

 15   accueilli par un jeune gaillard qui avait une pèlerine parce qu'il

 16   pleuvait. Il y avait un camion derrière lui. Il m'a demandé si c'était

 17   bien ma maison; je lui ai dit que oui. Il m'a dit: "Prépare-toi. Nous

 18   allons ensemble au foyer des sapeurs-pompiers pour une réunion".

 19   Question: Monsieur le Témoin C-1141, dites-nous, est-ce que sur le côté du

 20   camion il y avait une inscription quelconque?

 21   Réponse: Oui, il y avait une inscription qui disait "Milicija - SAO

 22   Krajina", à savoir "Police de SAO Krajina".

 23   Question: Mis à part l'homme que vous venez de décrire, cet homme qui vous

 24   a parlé, est-ce qu'il y avait d'autres hommes qui étaient présents à ce

 25   moment-là?

Page 11923

  1   Réponse: Oui. Dans le camion, il y avait un jeune homme, un chauffeur, qui

  2   était au volant du camion.

  3   Question: Est-ce que ces deux hommes avaient un uniforme, portaient un

  4   uniforme, d'après ce que vous avez pu juger? L'un ou l'autre d'ailleurs?

  5   Réponse: Eh bien, comme il pleuvait, celui qui m'a accueilli, qui n'était

  6   donc pas dans le camion, il avait une espèce de pèlerine, je ne sais pas,

  7   quelque chose de ce genre. Pour ce qui est de l'autre, je n'ai pas pu voir

  8   s'il avait un uniforme puisqu'il était dans le camion.

  9   Question: L'homme vous a dit: "Préparez-vous parce qu'on va au foyer ou à

 10   la brigade des sapeurs-pompiers pour avoir une réunion". Qu'est-ce que

 11   vous avez fait après cela?

 12   Réponse: Je suis rentré chez moi, j'ai mis un blouson, j'ai pris un

 13   couvre-chef, je suis ressorti, j'ai fermé à clef la maison et le portail

 14   de la clôture. Et je suis monté à bord du camion. En fait, je lui ai

 15   d'abord dit que je pouvais venir à pied, que je savais venir tout seul. On

 16   m'a dit: "Non, non, il pleut. Il vaut mieux que tu viennes avec nous en

 17   camion".

 18   Donc je suis monté à bord et à l'intérieur, il y avait quatre femmes

 19   âgées. Elles étaient assises sur une sorte de banc en bois, je ne sais

 20   comment le qualifier ou le décrire. Le camion était couvert d'une bâche

 21   et, comme je l'ai dit, il pleuvait. Il est venu tout de suite après ma

 22   voisine, celle qui m'avait donné du lait, et sa fille. Puis sont arrivés

 23   d'autres voisins, une femme et son mari, les deux étant des retraités.

 24   Question: Monsieur le Témoin, vous dites qu'"ils sont venus". Est-ce que

 25   ça veut dire qu'ils sont montés à l'arrière du camion, là où vous vous

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  1   trouviez déjà?

  2   Réponse: Non, ils ne sont pas montés, ils les ont aidés à monter. Ce

  3   soldat avait aidé ces vieilles femmes à monter à bord du camion.

  4   Question: Est-ce qu'à un moment donné, le camion est parti de l'endroit où

  5   il se trouvait, près de chez vous, pour aller ailleurs?

  6   Réponse: Non. Une fois que nous étions montés, il a roulé puis, avant

  7   d'arriver au foyer des sapeurs-pompiers, il s'est arrêté à plusieurs

  8   endroits. Et à chaque arrêt, il montait des personnes, des vieillards et

  9   des vieilles femmes.

 10   Question: Avant d'arriver à la brigade des sapeurs-pompiers, combien de

 11   personnes sont montées à l'arrière du camion? Pourriez-vous nous le dire

 12   de façon approximative?

 13   Réponse: Eh bien, lorsque nous sommes arrivés à cette caserne de sapeurs-

 14   pompiers, j'ai compté et j'ai vu que nous étions environ 23.

 15   Question: Toutes les autres personnes qui étaient dans le camion, est-ce

 16   que vous les avez reconnues? Est-ce que c'étaient des personnes qui

 17   vivaient dans le même quartier que vous?

 18   Réponse: Oui, tous étaient de Dubica, je les connaissais, bien sûr.

 19   J'avais enseigné à leurs enfants et à leurs petits-enfants.

 20   Question: Vous êtes arrivé à la caserne des sapeurs-pompiers. Qu'est-ce

 21   qui s'est passé, à ce moment-là?

 22   Réponse: Nous sommes descendus du camion, il pleuvait toujours, et nous

 23   nous sommes mis devant la caserne des sapeurs-pompiers, sous l'espèce

 24   d'auvent. Au bout de cinq à dix minutes, je ne sais pas exactement, mais

 25   aussitôt après il est arrivé un autocar en provenance de Dubica, lui

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  1   aussi, il amenait depuis un quartier de Dubica des vieilles femmes et des

  2   vieillards. Eux étaient moins nombreux que nous-mêmes, je ne sais pas vous

  3   dire exactement, mais peut-être étaient-ils 15 ou 16.

  4   Question: Pourriez-vous nous dire à quelle heure vous êtes arrivé à la

  5   caserne des pompiers?

  6   Réponse: Il devait être vers 8 heures 30, plus ou moins. Plutôt 9 heures;

  7   enfin, entre 8 heures et demie et 9 heures.

  8   Question: Est-ce que, à un moment donné, vous êtes entré dans la caserne

  9   des pompiers?

 10   Réponse: Lorsque ces vieillards et ces vieilles femmes sont descendus,

 11   ceux qui se trouvaient dans le car, on est resté un peu de temps ensemble.

 12   Puis, juste après 9 heures, il est arrivé une femme et un homme en armes.

 13   Ils nous ont dit d'entrer dans la caserne de ces sapeurs-pompiers et, une

 14   fois entrés, il n'y avait plus de sortie.

 15   Question: Mis à part ces deux personnes que vous venez de décrire et dont

 16   vous avez dit qu'ils étaient en armes, est-ce qu'il y avait d'autres

 17   personnes armées, à ce moment-là, à proximité de la caserne?

 18   Réponse: Non. C'étaient des gardes. Il y avait trois fois deux gardes qui

 19   alternaient, qui se relevaient dans la journée. Bien sûr, tous portaient

 20   des armes.

 21   Question: Vous venez de parler des gardes. Est-ce que vous avez été en

 22   mesure de reconnaître leurs uniformes, au singulier ou au pluriel?

 23   Réponse: Des uniformes vert olive.

 24   Question: Est-ce que, pour vous, cela voulait dire qu'ils appartenaient à

 25   une unité bien précise?

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  1   Réponse: Oui.

  2   Question: Quelle unité, selon vous?

  3   Réponse: Je ne sais pas comment elle s'appelait, mais le QG de cette unité

  4   se trouvait à Zivaja. Le commandant de ce QG ou de cette unité ou…

  5   -comment s'appelait-elle, déjà? Je ne sais plus si c'était un bataillon

  6   ou… Peu importe-, c'était une personne que je ne connaissais pas, un homme

  7   d'un âge moyen.

  8   Question: Est-ce que ces gardes, c'étaient en fait des militaires ou des

  9   policiers?

 10   Réponse: Des militaires. Parce qu'ils étaient en vert olive.

 11   Question: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée approximative du

 12   nombre de personnes qui se retrouvaient à la caserne des pompiers après

 13   avoir été rassemblées, ramassées dans toute la région?

 14   Réponse: 53.

 15   Question: Avez-vous une idée de l'âge de ces personnes?

 16   Réponse: Tous avaient plus de 60 ans, exception faite d'un jeune homme. Je

 17   ne sais pas comment, mais il avait une jambe cassée ou il traînait la

 18   jambe ou il avait du mal à marcher. Sa jambe portait un plâtre. Lui était

 19   plus jeune que nous, les autres étaient tous âgés.

 20   Question: Mis à part ce jeune homme, qui était la personne la plus jeune

 21   dans ce groupe?

 22   Réponse: Ça, je ne sais pas vous le dire. Moi-même, j'étais à l'époque

 23   plus jeune que ces vieillards et ces vieilles femmes, enfin...

 24   Question: Pourrez-vous nous donner une idée approximative du nombre

 25   d'hommes et du nombre de femmes qu'il y avait dans le groupe?

Page 11927

  1   Réponse: Eh bien, ils devaient être à égalité. Il se peut qu'il y eût un

  2   peu plus de femmes.

  3   Question: Pourriez-vous nous dire quelle était la composition ethnique de

  4   ce groupe de 53 personnes?

  5   Réponse: Il y avait des Serbes, des Croates et des Musulmans, mais la

  6   majorité, c'étaient des Croates.

  7   Question: Monsieur le Témoin, quelle est votre appartenance ethnique à

  8   vous?

  9   Réponse: Je suis serbe.

 10   Question: Les personnes qui avaient été rassemblées à la caserne des

 11   pompiers, est-ce qu'ils étaient libres de la quitter cette caserne, de

 12   partir?

 13   Réponse: Non. Non.

 14   Question: Vous nous avez dit qu'on vous avait dit que vous deviez aller à

 15   la caserne des pompiers en vue d'une réunion, mais est-ce qu'il n'y a

 16   jamais eu une telle réunion?

 17   Réponse: Eh bien, lorsqu'on ramassait les autres et lorsqu'ils sont venus

 18   chez moi, sur le chemin de l'aller, on avait affirmé qu'il allait y avoir

 19   une réunion mais jamais il n'y a eu de réunion.

 20   Question: Vous nous avez dit que ces 53 personnes n'avaient pas le droit

 21   de partir. Qu'est-ce que vous avez observé de façon plus précise qui vous

 22   permettait d'affirmer que ces personnes n'avaient pas la liberté de

 23   quitter la caserne des pompiers?

 24   Réponse: Eh bien, comme il y avait des relèves de gardes, les deux

 25   premiers gardes une fois entrés, ont donné lecture des noms parce qu'ils

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  1   avaient une liste, quelqu'un leur avait donné cette liste. Ils ont donné

  2   lecture de ces noms, j'ai compté jusqu'à 53, j'étais le cinquante

  3   troisième. Puis, ils sont ressortis, ils ont refermé la porte à clef et

  4   l'un des gardiens allait derrière, vers le contre bas de cette caserne, et

  5   l'autre se tenait devant.

  6   Question: Y avait-il des toilettes dans la caserne des pompiers?

  7   Réponse: Non. Ou plutôt oui, mais on ne pouvait pas accéder aux toilettes

  8   partant de là. Il fallait sortir, faire le tour du bâtiment et aller aux

  9   toilettes.

 10   Question: Et les personnes se trouvant à l'intérieur du bâtiment, avaient-

 11   elles été autorisées à sortir de celui-ci pour aller aux toilettes?

 12   Réponse: J'ai vu que certaines personnes qui voulaient aller aux toilettes

 13   cognaient contre la porte. Le gardien ouvrait, il demandait ce qu'on

 14   voulait et il faisait sortir la personne en question, fermait la porte à

 15   clef une fois de plus et l'emmenait probablement vers les toilettes en

 16   faisant le tour du bâtiment puis revenait, ouvrait la porte et refermait à

 17   clef par la suite.

 18   Donc ceux qui avaient demandé de sortir pour aller aux toilettes, on les

 19   faisait sortir.

 20   Question: Ce jour-là, à un moment donné, avez-vous eu une dispute, une

 21   querelle avec un des gardes?

 22   Réponse: Je n'ai pas eu une dispute ni une querelle, mais j'étais sorti

 23   vers 5 heures, 5 heures et demie. En fait, j'avais reconnu le gardien qui

 24   se trouvait là, devant. (expurgé)

 25   (expurgé)

Page 11929

  1   (expurgé). Il m'a fait sortir, il a

  2   refermé la porte à clef, et la pluie n'avait pas arrêté de tomber.

  3   Mais nous étions là au contre(bas de l'escalier, encore sous l'auvent

  4   formé par le toit. Alors, il m'a demandé de savoir ce que je voulais, je

  5   lui ai dit qu'il pouvait me laisser partir à la maison parce que j'avais

  6   l'impression qu'il n'y aurait pas de réunion et que la nuit allait bientôt

  7   tomber. En plus, j'étais pauvrement vêtu et je risquais d'avoir froid. Il

  8   m'avait dit de rester, il ne fallait pas partir parce que quelqu'un allait

  9   venir et que nous allions avoir cette réunion et que, par la suite, nous

 10   allions tous pouvoir partir.

 11   Dans le courant de cet entretien…

 12   Question: Avant que vous ne poursuiviez, j'aimerai établir ceci. Vous avez

 13   dit avoir une discussion avec ce garde, cette discussion a commencé entre

 14   17 et 17 heures 30, c'est bien cela?

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: Et vous étiez arrivé à la caserne où vous étiez entré vers 9

 17   heures du matin?

 18   Réponse: Oui.

 19   Question: Vous avez parlé de 53 personnes, excusez-moi?

 20   Réponse: Non, à 17 heures 30, pas à 5 heures 30. Je parle de l'après-midi,

 21   enfin de la soirée.

 22   Question: Effectivement. Entre le temps qui s'est écoulé depuis le moment

 23   où vous êtes entré dans la caserne et le moment ou entre 17 heures et 17

 24   heures 30 vous avez eu cette discussion avec le garde, est-ce que toutes

 25   ces 53 personnes ont été gardées ensemble dans la caserne?

Page 11930

  1   Réponse: Non.

  2   Question: Est-ce qu'à un moment donné, certaines personnes ont été

  3   autorisées à partir?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont été autorisées

  6   à quitter la caserne?

  7   Réponse: Six.

  8   Question: Pourriez-vous nous dire dans quelles circonstances ces personnes

  9   ont été autorisées à partir?

 10   Réponse: Quelqu'un est venu et avait demandé qu'on les fasse sortir. J'en

 11   ai vu un. L'une de ces personnes, je l'avais vue, enfin de celle qui était

 12   venue. Je l'ai vue par la fenêtre, cette personne était devant la caserne

 13   des sapeurs pompiers. Le gardien est resté devant et il a fait sortir

 14   cette personne; et ces six personnes sont toujours en vie.

 15   Question: J'aimerais maintenant attirer votre attention sur ce moment où

 16   vous avez eu une discussion avec le garde. Quelque chose de particulier

 17   s'est-il passé pendant cette discussion avec le garde?

 18   Réponse: Oui. J'ai dit au garde: "Ecoute-moi, j'ai froid, si tu ne me

 19   laisses pas partir, je vais m'en aller. Et si je dois le faire par la

 20   force, je partirai de toute façon, tu n'as qu'à me tirer dans le dos!". Il

 21   a fait tout ce qu'il a pu, il a fait tout ce qu'il a pu et il a commencé à

 22   pleurer. Il m'a dit: (expurgé)

 23   (expurgé). Et il m'a dit

 24   encore: "Ne t'en va pas pendant que je suis de garde", ce qui veut dire

 25   qu'il craignait, si je partais, lorsque la relève arriverait, qu'il y ait

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  1   un appel.

  2   Entre-temps, une voiture est arrivée, j'ai vu les phares. Elle s'est

  3   arrêtée à une cinquantaine de mètres de la caserne, devant un bâtiment. En

  4   face de ce bâtiment, se trouvait la vieille poste. Et quelqu'un qui… un

  5   homme qui ne portait pas de couvre-chef est sorti de cette voiture. Il

  6   portait également une espèce de veste imperméable, je ne sais pas

  7   exactement ce que c'est. Mais en fait, cette personne a fait un signe. Les

  8   autres n'ont rien dit, mais ils ont fait un signe au gardien pour

  9   l'appeler.

 10   Moi, j'attendais à côté de l'escalier pendant que le garde est allé voir

 11   cet homme. Il est donc allé jusqu'à la voiture, ils ont discuté ensemble.

 12   Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit. Le garde est ensuite revenu et voilà

 13   ce qu'il a dit: "Va vers la voiture, cet homme veut te rencontrer". J'ai

 14   obtempéré, je suis allé jusqu'à la voiture et j'ai reconnu… Est-ce que

 15   j'ai déjà dit le nom? J'ai reconnu Janjeta.

 16   Question: Est-ce qu'il y a une bonne raison pour que vous hésitiez à

 17   prononcer ce nom?

 18   Réponse: Eh bien, non, non. Non, non, il n'y a aucune raison. Je n'ai pas

 19   mentionné de nom jusqu'à présent.

 20   Question: Dites-nous qui était la personne qui se trouvait à côté de la

 21   voiture?

 22   Réponse: C'était aussi un de mes élèves mais, par la suite, j'ai entendu

 23   dire -en tout cas, c'est ce qu'on racontait- qu'il était probable qu'il

 24   ait été le chef d'équipe des gardiens. Moi, je ne sais pas si c'était vrai

 25   ou pas, mais c'est ce que j'ai entendu dans les récits de tierces

Page 11932

  1   personnes.

  2   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, pouvons-nous passer à

  3   huis clos partiel quelques instants?

  4   M. le Président (interprétation): Oui.

  5   (Huis clos partiel à 13 heures 14.)

  6  (Expurgé)

  7  (Expurgé)

  8  (Expurgé)

  9  (Expurgé)

 10  (Expurgé)

 11  (Expurgé)

 12  (Expurgé)

 13  (Expurgé)

 14  (Expurgé)

 15  (Expurgé)

 16  (Expurgé)

 17  (Expurgé)

 18  (Expurgé)

 19  (Expurgé)

 20   (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 15.)

 21   Mme Anoya (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

 22   nous sommes de nouveau en audience publique.

 23   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, cette personne qui était à

 24   côté de la voiture, est-ce qu'elle vous a dit quelque chose au sujet du

 25   fait que vous étiez en détention dans cette caserne de sapeurs-pompiers?

Page 11933

  1   Témoin C-1141 (interprétation): Cette personne ne m'a rien dit de

  2   particulier, mais m'a demandé ce dont j'avais discuté avec le gardien.

  3   Moi, j'ai répondu très simplement que j'avais demandé au gardien de me

  4   laisser rentrer chez moi pour que je puisse me changer, parce que la nuit

  5   arrivait et il commençait à faire froid. Et à cela, il a ajouté: "Mais

  6   qu'as-tu dit d'autre au gardien?".

  7   Moi, j'ai dit: "Je n'ai rien dit d'autre" et il a insisté. Encore une

  8   fois, il a dit: "Mais qu'est-ce que tu lui as encore dit?". Apparemment,

  9   le gardien aurait dit à cet homme que j'avais annoncé au gardien que

 10   j'allais m'évader si on ne me laissait pas partir. Alors moi, j'ai dit:

 11   "Oui, j'ai dit au gardien que s'il ne me laissait pas partir, j'allais de

 12   toute façon partir, de gré ou de force".

 13   Il m'a, à ce moment-là, ordonné de m'asseoir dans la voiture et je me suis

 14   assis dans la voiture.

 15   Question: Vous a-t-il emmené quelque part dans cette voiture?

 16   Réponse: J'ai pris place dans la voiture, et lui est retourné voir le

 17   gardien. A son retour, il s'est assis dans la voiture et il m'a emmené sur

 18   la route qui va vers Kostajnica.

 19   Question: A un certain moment, êtes-vous sorti de la voiture?

 20   Réponse: Je ne suis pas sorti de la voiture, mais c'est lui qui, un

 21   kilomètre à peu après la caserne des sapeurs-pompiers, a fait demi-tour et

 22   il a repris le chemin inverse, donc en direction de ma maison. D'abord, il

 23   est passé devant la caserne, ensuite il a continué jusqu'à ma maison.

 24   Il faisait déjà nuit lorsque nous sommes arrivés devant ma maison. Il a

 25   éteint le moteur, arrêté la voiture et il m'a dit ce qui suit: "Surtout,

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  1   ne passe pas la nuit chez toi." Ça, c'était la première chose. Et,

  2   deuxièmement, il m'a dit: "Et surtout, ne dis jamais à personne que tu

  3   étais avec moi si jamais on t'attrape".

  4   Question: Etes-vous resté chez vous, cette nuit-là?

  5   Réponse: Non. Non.

  6   M. Groome (interprétation): Où êtes-vous allé? Mais ne nous dites pas le

  7   nom de la personne que vous êtes allé retrouver. Simplement, donnez-nous

  8   une idée générale de l'endroit où vous êtes allé.

  9   Témoin C-1141 (interprétation): Je suis allé dans les montagnes; nous, on

 10   appelle ça des montagnes. Ma maison, en effet, se trouve tout en bas, près

 11   de la rivière. Moi, je suis monté sur la colline en traversant une forêt;

 12   je n'ai pas emprunté la route. Donc j'ai grimpé et je suis arrivé jusqu'à

 13   la maison de quelqu'un avec qui je m'entends très bien et qui s'entend

 14   toujours très bien avec moi aujourd'hui, qui est vivante encore

 15   aujourd'hui, cette personne.

 16   Il y avait un éclairage à l'avant de la maison. Moi, je me suis arrêté

 17   devant la façade. Et à l'arrière de la maison, il y avait des champs de

 18   maïs. Je suis arrivé jusqu'à la clôture, tout près de la maison, et je

 19   suis entré dans le champ de maïs.

 20   M. le Président (interprétation): Avec le respect que je dois au témoin,

 21   nous n'avons pas besoin de tant de détails.

 22   M. Groome (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

 23   M. le Président (interprétation): Essayons d'avancer un peu plus vite pour

 24   en arriver au cœur du problème.

 25   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, à un certain moment, avez-

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  1   vous essayé de vous évader et avez-vous été arrêté par la police locale,

  2   oui ou non?

  3   Témoin C-1141 (interprétation): Oui.

  4   Question: Lorsque vous avez été placé en détention au poste de police,

  5   avez-vous été frappé et interrogé?

  6   Réponse: Oui, mais ils ne m'ont pas frappé.

  7   Question: Que vous est-il arrivé?

  8   Réponse: Rien ne m'est arrivé. On m'a interrogé. Je suis resté deux jours

  9   et deux nuits dans la même pièce. L'accusation principale à mon encontre

 10   était le fait que je m'étais enfui de la caserne, et puis on pensait aussi

 11   que j'avais des armes, que je cachais des armes à la maison; et on m'a

 12   beaucoup accusé aussi de ne pas avoir accepté d'adhérer au parti SDS.

 13   Question: A un certain moment, avez-vous quitté la région de Hrvatska

 14   Dubica?

 15   Réponse: Oui.

 16   Question: En dehors des 53 personnes dont vous avez déjà parlé, vous avez

 17   dit que six personnes étaient parties, alors que vous-même étiez dans les

 18   locaux de la caserne des pompiers. C'est bien cela?

 19   Réponse: Oui, c'est cela. Oui.

 20   Question: Avez-vous appris plus tard que trois autres personnes avaient

 21   été autorisées à quitter la caserne des pompiers, après votre départ de la

 22   caserne?

 23   Réponse: Oui. Oui, oui.

 24   Question: J'aimerais appeler votre attention sur les mois de mars et avril

 25   1997. Etiez-vous présent lors de l'exhumation d'un certain nombre de

Page 11936

  1   cadavres à Bacin?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Cette exhumation a-t-elle permis d'exhumer les corps d'un

  4   certain nombre de personnes qui étaient avec vous dans la caserne des

  5   pompiers, le 20 octobre?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Monsieur, avez-vous établi une liste, à l'intention du Bureau du

  8   Procureur, des personnes qui se trouvaient dans la caserne des pompiers et

  9   qui ne sont pas parties, donc qui ne faisaient pas partie du groupe de

 10   six, pas plus que du groupe de trois qui sont partis, donc des gens qui

 11   sont restés dans la caserne des pompiers? Avez-vous établi une telle

 12   liste?

 13   Réponse: Oui.

 14   M. Groome (interprétation): Monsieur le Président, je demande que cette

 15   pièce à conviction soit enregistrée et remise au témoin.

 16   (Intervention de l'huissier.)

 17   Il n'y a pas de classeur dans le cadre de l'audition de ce témoin, car

 18   nous ne lui soumettrons qu'une seule pièce.

 19   Mme Anoya (interprétation): Cette pièce sera enregistrée sous la cote 344,

 20   pièce du Procureur. Confidentielle, donc conservée sous scellés.

 21   M. Groome (interprétation): Monsieur, j'aimerais que vous jetiez un coup

 22   d'œil à cette pièce à conviction 344 de l'accusation. C'est un document de

 23   trois pages. Je vous demande si c'est bien la liste que vous avez établie

 24   et sur laquelle on trouve les noms des personnes qui sont restées dans la

 25   caserne des pompiers?

Page 11937

  1   Témoin C-1141 (déclaration): Oui.

  2   Question: Pouvez-vous nous donner une idée de la composition ethnique de

  3   ce groupe de 43 personnes dont les noms figurent sur votre liste,

  4   personnes qui sont restées dans la caserne des pompiers?

  5   Réponse: Deux Serbes et les autres étaient des Croates.

  6   Question: Savez-vous personnellement ce qu'il est advenu de certaines des

  7   personnes dont les noms figurent sur cette liste, étant entendu que

  8   certaines de ces personnes ont été tuées et que leurs cadavres ont été

  9   exhumés plusieurs années plus tard, à Bacin?

 10   Réponse: Le dimanche soir, lorsque j'ai réussi à quitter la caserne des

 11   pompiers, eux sont restés dans la caserne. Mais tôt le matin, le

 12   lendemain, on les a entassés à bord d'un autobus et on les a emmenés dans

 13   la direction de Kostajnica, sur la route. A quatre ou cinq kilomètres de

 14   Dubica, à Bacin, près de la rivière, on les a fait descendre et on les a

 15   tous abattus. Ces 43 corps ont été exhumés.

 16   Question: Monsieur, avez-vous vu cela de vos yeux ou s'agit-il d'une

 17   information que vous avez apprise de la bouche d'un tiers?

 18   Réponse: Je n'ai pas assisté à cela personnellement parce j'étais en

 19   fuite, j'étais dans la montagne. Mais de l'autre côté, sur l'autre rive de

 20   la rivière, en Bosnie, il y a un village qui se situe au maximum à une

 21   distance d'un kilomètre par rapport à l'endroit où toutes ces personnes

 22   ont été abattues. Certains des habitants de ce village ont raconté à

 23   l'époque, et continuent encore à raconter aujourd'hui, qu'ils ont entendu

 24   des coups de feu et des cris, des gémissements.

 25   M. Groome (interprétation): Je n'ai pas d'autre question pour ce témoin.

Page 11938

  1   Merci, Monsieur.

  2   M. Robinson (interprétation): Monsieur Groome, j'aimerais simplement

  3   expliciter un peu les circonstances dans lesquelles le témoin est monté à

  4   bord d'un camion. Vous savez?

  5   M. Groome (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.

  6   M. Robinson (interprétation): Dans quelles conditions exactes est-il monté

  7   à bord de ce camion? Est-il monté à bord de ce camion volontairement ou

  8   l'a-t-il fait sous la contrainte?

  9   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez dit dans

 10   déposition, il y a un instant, que vous avez proposé d'aller à pied

 11   jusqu'à la caserne des pompiers. Estimez-vous que vous auriez eu la

 12   liberté d'y aller à pied si vous l'aviez souhaité?

 13   Témoin C-1141 (déclaration): Je pense que je n'aurais pas pu le faire.

 14   M. Groome (interprétation): Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu ou

 15   ce qu'on vous a dit qui vous a permis de conclure que vous étiez privé de

 16   votre liberté et que vous étiez obligé de voyager avec ces deux hommes à

 17   bord du camion?

 18   Témoin C-1141 (déclaration): Ils ont dit que nous allions à un entretien

 19   et que nous ne devrions pas y aller à pied, parce qu'il fallait être sûr

 20   que tout le monde soit présent, tous ceux qui étaient encore en attente,

 21   parce que c'était une réunion importante, un entretien important. Donc je

 22   suis monté à bord du camion -j'ai dit: "Ça va!".

 23   M. Robinson (interprétation): Pouvez-vous demander au témoin qui est donc

 24   d'appartenance ethnique serbe de quelle façon il a été traité pendant le

 25   voyage?

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  1   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez entendu la

  2   question de M. le Juge. Pouvez-vous nous dire en tant que Serbe comment

  3   vous avez été traité alors que vous étiez en détention au sein d'un groupe

  4   majoritairement composé de Croates?

  5   Témoin C-1141 (interprétation): La cause principale, c'est que fin juin,

  6   début juillet, j'avais refusé de devenir président du parti SDS. A mon

  7   avis, c'est la raison principale de tout cela. Eux ont distribué des armes

  8   aussi, mais moi je n'ai pas pu obtenir une arme parce qu'ils étaient

  9   suspicieux à mon égard. Et à l'époque, comme j'ai continué à le faire par

 10   la suite, je me suis toujours opposé à un certain comportement dont

 11   j'estimais qu'il n'était pas correct des actes que je jugeais inconvenant.

 12   Mais eux, et notamment les chefs, n'ont pas apprécié et donc ils se sont

 13   comportés à mon égard comme ils se sont comportés.

 14   Question: Pourriez-vous décrire plus précisément le type de comportements

 15   que vous avez pu voir et auxquels vous vous êtes opposé?

 16   Réponse: Eh bien, j'étais contre les pillages. J'étais contre les

 17   déplacements de population, parce que tout simplement ils faisaient de

 18   leur propre initiative des choses. Je parle de ces habitants de la région,

 19   ces miliciens de la Région autonome serbe de Krajina. Je ne sais même pas

 20   comment ils s'appelaient à l'époque. Mais en tout cas les habitants

 21   n'osaient même plus bouger à l'époque, ils n'osaient plus bouger de chez

 22   eux pendant tout l'été. Tout le monde était terriblement effrayé.

 23   M. Groome (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Juge.

 24   M. Robinson (interprétation): Le témoin connaît-il les autres Serbes qui

 25   étaient dans la caserne des pompiers avec lui?

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  1   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, connaissez-vous les autres

  2   Serbes qui étaient avec vous dans la caserne des pompiers?

  3   M. Robinson (interprétation): Et le témoin pourrait-il dire pour quelle

  4   raison il se trouvait là?

  5   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, le Juge Robinson vous

  6   demande si vous savez pour quelle raison les autres Serbes qui ont été

  7   placés en détention dans la caserne des pompiers avaient leur nom sur la

  8   liste et ont été amenés à cet endroit?

  9   Témoin C-1141 (interprétation): Ça, je ne saurais pas vous le dire. Ils

 10   ramassaient tout le monde. Mais il y a une chose que je peux dire: c'est

 11   qu'une personne qui n'a jamais revêtu l'uniforme, et quand j'ai refusé de

 12   prendre la direction du SDS, c'est cette personne, plus jeune, qui a été

 13   nommée à ce poste. Donc il était dirigeant du SDS. Et quand après toute

 14   cette histoire, j'ai réussi à m'enfuir en direction de Bosanska Dubica,

 15   cet homme m'a vu devant les bâtiments des eaux et forêts, j'étais debout

 16   devant le bâtiment. Il m'a vu, il s'est arrêté à côté de moi et il m'a

 17   raconté un certain nombre de choses, notamment qu'il avait donné l'ordre

 18   que l'on efface mon nom de cette liste. Alors, je lui ai répondu: "Mais

 19   pourquoi seulement mon nom? Pour quelle raison cette liste a été

 20   établie?". Mais, en tout cas, c'est de cette conversation que j'ai conclu

 21   que lui savait que cette liste avait été dressée et toutes les personnes

 22   dont les noms figuraient sur la liste ont été emmenées jusqu'à la caserne

 23   de pompiers.

 24   M. Groome (interprétation): Merci.

 25   M. Kwon (interprétation): Monsieur le Témoin, j'aimerais vous poser

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  1   quelques questions au sujet des dix autres personnes remises en liberté en

  2   dehors de vous. Ces personnes étaient-elles toutes serbes ou y avait-il

  3   des Croates parmi elles?

  4   Témoin C-1141 (interprétation): Il y avait aussi des Croates, des

  5   Musulmans et également des Serbes.

  6   M. Kwon (interprétation): Etes-vous en mesure de nous dire pour quelle

  7   raison ces personnes ont été relâchées?

  8   Témoin C-1141 (déclaration): Ça, je ne saurais pas le dire. Quelqu'un est

  9   venu les chercher, mais qui? Ça, je ne le sais pas. Et cela ne s'est pas

 10   passé en une seule fois, cela a duré toute la journée.

 11   Il y a un exemple que je pourrais vous donner, c'est quelque chose que

 12   j'ai vu de mes yeux. Une personne, un Serbe est arrivé, et c'est un homme

 13   qui était marié à une Croate; son épouse avait un frère, un peu bossu, qui

 14   était balayeur de rue à Bosanska Dubica. Eh bien, l'homme dont je vous

 15   parle a fait sortir le frère de sa femme, etc. Il y a un jeune homme qui

 16   est venu ici et qui a fait sortir une serveuse, c'était une serveuse au

 17   café du coin. Donc ça, je l'ai vu mais le reste je ne l'ai pas vu.

 18   M. Kwon (interprétation): Merci.

 19   M. Groome (interprétation): Monsieur le Témoin, sur cette liste, pièce à

 20   conviction de l'accusation 344, la liste sur laquelle figurent les 43 noms

 21   des personnes qui ont finalement ont été tuées, combien de personnes dont

 22   les noms figurent sur cette liste n'étaient pas croates?

 23   Je vous en prie, n'hésitez pas à lire la pièce à conviction que vous avez

 24   sous les yeux.

 25   (Le témoin lit le document en question.)

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  1   M. Kwon (interprétation): Si je me souviens bien, le témoin a dit qu'il y

  2   avait deux Serbes parmi ces 43 personnes. C'est bien cela?

  3   Témoin C-1141 (déclaration): Les voilà!

  4   M. Groome (interprétation): Je vous prie de prononcer des noms.

  5   Témoin C-1141 (déclaration): Oui, oui, ils sont là. Deux, oui.

  6   M. Groome (interprétation): Merci.

  7   Plus de question, Monsieur le Président.

  8   (Les Juges se concertent sur le siège.).

  9   M. le Président (interprétation): Contre-interrogatoire lundi matin. Nous

 10   n'allons pas commencer maintenant.

 11   Monsieur Milosevic, vous disposerez d'une heure pour ce contre-

 12   interrogatoire, comme cela a été le cas pour les autres témoins parlant

 13   des crimes lors de la première partie du procès. Ce qui fait donc un peu

 14   plus de temps que l'accusation.

 15   Lundi matin…

 16   (Interruption de M. Milosevic.)

 17   M. Milosevic (interprétation): …

 18   M. le Président (interprétation): Que se passe-t-il, Monsieur Milosevic?

 19   M. Milosevic (interprétation): Bien sûr que je vais poser la question à ce

 20   témoin, mais ne vous semble-t-il pas absolument absurde de faire venir des

 21   témoins de ce genre pour dire quelque chose de négatif à mon encontre?

 22   Quel rapport est-ce que je peux avoir et d'ailleurs quel rapport peut

 23   avoir n'importe quel Serbe avec les événements que ce témoin vient de

 24   relater? On peut aussi bien prendre quelqu'un dans la rue, n'importe où.

 25   M. le Président (interprétation): Nous entendrons vos arguments lorsque

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  1   vous les présenterez en temps utile, mais il n'est pas utile d'insulter le

  2   témoin, de quelque façon que ce soit.

  3   Si vous êtes d'accord avec la déclaration préalable du témoin et que vous

  4   ne souhaitez pas que le témoin soit appelé à la barre, vous pouvez le

  5   faire savoir et cela permettra de disposer d'un élément de preuve en

  6   gagnant du temps.

  7   Maintenant, si vous voulez procéder au contre-interrogatoire dans les

  8   conditions habituelles, bien sûr, vous pourrez le faire. Comme vous le

  9   savez, un article du Règlement nous permet d'admettre au dossier un

 10   document en l'absence de contre-interrogatoire. Il n'y a donc aucune

 11   nécessité à être insultant à l'égard du témoin.

 12   Monsieur le Témoin C-1141, comme vous venez de l'entendre, je vous

 13   demande, s'il vous plaît, de bien vouloir revenir dans ce prétoire lundi

 14   matin. Je pense que ce sera à 9 heures.

 15   On me dit que c'est bien le cas. Donc je vous demande de revenir lundi

 16   matin et je vous demande également de veiller, pendant les suspensions

 17   d'audience, à ne parler à personne du contenu de votre déposition. Lorsque

 18   je dis "personne", cela concerne également les membres du Bureau du

 19   Procureur.

 20   Monsieur Milosevic, nous suspendons maintenant. Lundi matin, dans ce même

 21   prétoire.

 22   (L'audience est levée à 13 heures 38.)

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