Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Mardi 19 novembre 2002.) 

  2   (L'audience est ouverte à 9 heures 3.)

  3   (Audience publique avec mesures de protection.)

  4   (M. Babic est dans le prétoire.)

  5   M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, c'est à vous.

  6   (Interrogatoire principal du M. Babic par Mme Uertz-Retzlaff.)

  7   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  8   M. le Président (interprétation): Oui?

  9   M. Milosevic (interprétation): Etant donné cette pièce à conviction au

 10   sujet de laquelle le témoin a dit que cela avait rédigé par M. Martic, je

 11   pense qu'au travers du témoignage de ce témoin, on ne saurait verser ce

 12   type-là de pièces à conviction. Pour plusieurs raisons: d'abord, ce n'est

 13   pas son document à lui; deuxièmement, il ne sait pas: il pense seulement

 14   que c'est Martic qui l'a signé; troisièmement, sur ce document, il ne

 15   figure pas le cachet qui appartiendrait à l'organe qui se trouve en en-

 16   tête, mais à la municipalité de Knin; et quatrièmement, je pense qu'un tel

 17   document devrait être procuré par les bons soins d'un organe compétent. Et

 18   peut-être cela pourrait-il être représenté comme pièce à conviction au

 19   travers du témoignage d'un autre témoin, mais pas au travers du témoignage

 20   de ce témoin-ci.

 21   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, nous avons souvent

 22   par le passé et suffisamment statué à ce sujet, à savoir que, s'agissant

 23   des documents, nous acceptons leur versement au dossier suivant leur

 24   valeur. Et s'agissant de leur valeur, leur valeur, on la déduit du

 25   document lui-même, de ce qu'on peut lire sur ce document.

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  1   Comme vous savez, ici, il n'y a pas de règle qui s'applique aux preuves

  2   par ouï-dire. L'argument que vous nous présentez en disant que le témoin a

  3   reconnu la signature de Martic, l'en-tête, le cachet, etc., il s'agit de

  4   détails sur lesquels vous pourrez interroger le témoin.

  5   Oui, continuez.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  7   Bonjour, Monsieur le Témoin.

  8   M. Babic (interprétation): Bonjour.

  9   Question: Monsieur le Témoin, hier, vous avez évoqué le document qui vient

 10   d'être mentionné par M. Milosevic ce matin. Il s'agit d'une demande

 11   présentée par Milan Martic au ministre de la Défense de Serbie, M.

 12   Simovic, en date du 18 septembre 1991.

 13   Maintenant, j'aimerais vous présenter un autre document: il s'agit de la

 14   pièce 352, intercalaire 4.

 15   (Intervention de l'huissière.)

 16   Nous avons ici un document qui émane du ministère de la Défense de Serbie

 17   en date du 1er novembre 1991; on fait ici mention d'un rapport relatif à

 18   l'aide aux régions serbes en Croatie.

 19   Si vous examinez l'en-tête de ce document, le cachet qui y figure, pouvez-

 20   vous nous faire des observations? Est-ce que cela ressemble à ce dont vous

 21   vous souvenez, à ce que cela doit être?

 22   Réponse: Oui, l'en-tête et le cachet sont ceux qui ont été utilisés dans

 23   l'administration de la République de Serbie.

 24   Question: Et comme signataire de cette lettre, on voit "Adjoint au

 25   ministre, général de division Branislav Kuzmanovic".

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  1   Savez-vous si cet homme, à l'époque, occupait ce poste? Et le connaissiez-

  2   vous?

  3   Réponse: Il est devenu l'adjoint du ministre Simovic, mais je ne sais pas

  4   vraiment quel avait été son nom et prénom. Mais c'est l'adjoint que

  5   j'avais rencontré chez Simovic. Je ne sais plus s'il s'appelait

  6   Kuzmanovic, mais il existait un dénommé Kuzmanovic à l'époque.

  7   Question: Dans cette lettre, le général Kuzmanovic demande que les

  8   éléments suivants soient mis à l'ordre du jour de la réunion du

  9   Gouvernement de la République de Serbie, et il s'agit de faire rapport sur

 10   l'aide apportée aux régions serbes en Croatie.

 11   Savez-vous si, à l'époque, effectivement, il s'agissait d'une question qui

 12   était débattue au sein du Gouvernement serbe?

 13   Réponse: Je ne sais pas si cela avait été le sujet des débats, mais je

 14   crois avoir parlé de la façon dont les autorités compétentes, à savoir les

 15   ministres et les présidents des assemblées municipales, s'adressaient pour

 16   avoir de l'aide, obtenir de l'aide en Serbie.

 17   Question: Et en novembre 1991, avez-vous demandé une aide? Ou, dans les

 18   mois qui ont précédé, est-ce que le gouvernement de la Région autonome a

 19   demandé une aide au ministère de la Défense?

 20   Réponse: A partir du mois de septembre et du mois d'octobre, oui, on a

 21   demandé de l'aide.

 22   Question: Merci. Je vais maintenant demander à l'huissière de me permettre

 23   de vous montrer un autre document. La pièce qui se trouve à l'intercalaire

 24   n°5 de la pièce 352.

 25   Une fois encore, c'est un document qui émane du ministère de la Défense de

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  1   Serbie, qui s'adresse au Gouvernement de la République de Serbie. Et

  2   l'objet de ce document, c'est un rapport sur l'aide à fournir aux régions

  3   serbes en Croatie. Avez-vous eu l'occasion d'examiner ce document fort

  4   complexe pendant les conversations que vous avez eues à La Haye?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: A cette époque, en novembre 1991, et dans la période qui a

  7   précédé, est-ce qu'une assistance a été fournie, comme cela est décrit au

  8   paragraphe 1 du présent rapport?

  9   Réponse: L'assistance a été fournie, en effet. Mais de là à savoir dans

 10   quelle envergure cela s'est fait, je ne saurais vous dire.

 11   Question: Veuillez, s'il vous plaît, examiner l'annexe n°5 de ce rapport.

 12   Je vous prie de m'excuser. En fait, il s'agit de l'annexe n°4, qui

 13   s'intitule "Totalité de l'aide requise pour les zones serbes en Croatie".

 14   Et on voit que cela représente un montant total de 1,2 milliard de dinars.

 15   Est-ce que vous savez, à l'époque, en 1991, combien cela représentait de

 16   deutsche marks?

 17   Réponse: Mais il me serait difficile de vous le dire à présent, à savoir

 18   me rappeler le taux de change de l'époque. Non, je ne saurais pas vraiment

 19   vous le dire en marks.

 20   Question: Monsieur le Président, Morten Torkildsen, notre expert au Bureau

 21   du Procureur, a examiné ces chiffres et il a constaté que le taux de

 22   change officiel à l'époque avec le mark était de 13 DM; ce qui fait que

 23   cette somme représente un total de 92 millions de DM ou environ 30 à 31

 24   millions, presque 31 millions de DM sur le marché noir.

 25   Veuillez, s'il vous plaît, maintenant vous rapporter à l'annexe n°5. Nous

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  1   avons ici un tableau dans lequel figurent les membres de la TO, de la

  2   Défense territoriale, dans les régions autonomes. Et je voudrais vous

  3   demander uniquement vos observations sur la région de la Krajina et pas

  4   sur les autres régions autonomes.

  5   On voit ici l'ensemble de la totalité des effectifs pour Knin, la zone

  6   opérationnelle de Knin. Cela représente 12.000 personnes, 5.800 personnes

  7   pour la zone opérationnelle de Lika; et pour la région de Kordun et

  8   Banija, cela représente 20.000 personnes. Est-ce que cela correspond à ce

  9   dont vous vous souvenez?

 10   Réponse: Cela est exact, d'après les plans, les plannings établis par le

 11   QG de la SAO Krajina, pour ce qui est des effectifs. Mais je dois

 12   souligner qu'à ma connaissance, pour ce qui est de la zone opérationnelle

 13   de Knin, les effectifs avaient été placés sous le commandement du Corps

 14   d'armée de Knin. Mais les chiffres avancés sont exacts, si l'on se penche

 15   sur les plannings d'effectifs établis par le commandement des forces

 16   armées de la Krajina.

 17   Question: Veuillez, s'il vous plaît, maintenant, examiner l'annexe 6 de ce

 18   rapport. Là aussi, j'aimerais que vous vous intéressiez aux colonnes qui

 19   ont trait à la zone opérationnelle de Knin, à celle de Lika ainsi qu'à

 20   celles de Kordun et Banija. Ici, nous avons le total des sommes

 21   nécessaires au paiement de la solde de ces militaires. Et si vous examinez

 22   ces chiffres, pouvez-vous nous dire si, pour les zones concernées, ils

 23   vous semblent corrects?

 24   (Le témoin examine le document.)

 25   Réponse: Oui. D'après les calculs des effectifs ou afférents aux

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  1   effectifs, comme prévu dans la colonne n°1, ces chiffres-là devraient être

  2   bons.

  3   Question: Maintenant, si l'on examine les annexes 1 et 2, on voit qu'il

  4   s'agit d'une liste des équipements nécessaires en matière de transmission

  5   et dans d'autres domaines. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous faire part

  6   de vos observations à ce sujet, au sujet de ces équipements, de ces

  7   éléments? Est-ce qu'on en avait vraiment besoin?

  8   Réponse: C'étaient les besoins prévus par les plannings pour le système de

  9   la Défense territoriale de la SAO de la Krajina.

 10   Question: Savez-vous qui a dressé ce plan relatif à l'équipement

 11   nécessaire pour la Région autonome de la Krajina? Qui a établi ce plan,

 12   cette liste?

 13   Réponse: D'après ce que j'en sais, à partir du mois d'octobre, les besoins

 14   dans les plannings ont été faits par le QG de la Défense de la SAO Krajina

 15   et notamment par son chef, donc le chef d'état-major, le colonel Dusan

 16   Kasun.

 17   Question: Revenons d'abord au rapport lui-même. A la page 2, on dit la

 18   chose suivante -je cite-: "Etant donné qu'il n'existe pas de motif

 19   juridique, c'est-à-dire que cette aide et ces besoins ne font pas l'objet

 20   d'une loi, nous proposons que ces questions fassent l'objet d'une

 21   réglementation en adoptant un décret approprié et ceci est

 22   particulièrement adapté, étant donné que ces besoins sont importants et

 23   qu'ils vont probablement croître à l'avenir, et que d'autres ministères

 24   sont confrontés à des problèmes dans leurs domaines de compétence

 25   respectifs".

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  1   Et ensuite, nous avons une liste de ministères. Est-ce que vous savez si

  2   divers ministères du gouvernement serbe ont été approchés de la sorte et

  3   avez-vous connaissance d'un décret quelconque?

  4   Réponse: Je sais que l'on s'était adressé à d'autres ministres au sein du

  5   gouvernement de Serbie aux fins d'obtenir de l'aide pour la Krajina, mais

  6   je ne suis pas au courant de décret ou de groupe au sein du Gouvernement

  7   de la Serbie qui aurait été censé en débattre.

  8   Question: Est-ce que quelqu'un de la Krajina a eu une discussion avec M.

  9   Simovic à ce sujet, au sujet de ces besoins, au sujet de ces questions de

 10   financement?

 11   Réponse: Oui, il y a eu des entretiens avec le général Simovic. Ces

 12   entretiens ont été conduits également par le Président du gouvernement,

 13   soit le Premier ministre de la SAO de Krajina.

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges, j'ai une question que je souhaiterais poser à huis clos partiel.

 16  (Huis clos partiel à 9 heures 21.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 17   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

 18   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, au moment où on a

 19   identifié ces besoins, est-ce que vous étiez à la tête de la Défense

 20   territoriale de la Région autonome de la Krajina et est-ce la raison pour

 21   laquelle vous êtes en mesure de nous faire part de vos observations sur

 22   cette question?

 23   M. Babic (interprétation): Oui, en ma qualité de Premier ministre,

 24   j'étais à la tête de la Défense territoriale; j'en étais le chef civil.

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci. Nous pouvons retourner en

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  1   audience publique.

  2   (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 22.)

  3   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

  4   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je souhaiterais maintenant présenter

  5   à l'huissière la pièce extraite…, le document extrait de la pièce à

  6   conviction 352 et qui se trouve à l'intercalaire n°6.

  7   (Intervention de l'huissière.)

  8   Il s'agit d'une lettre de Milan Martic, ministre de l'Intérieur de la RSK,

  9   adressée au ministère de l'Intérieur de Serbie ainsi qu'au ministre

 10   Sokolovic, lettre en date du 10 février 1992.

 11   Je vous demande d'examiner la signature, le cachet, l'en-tête. Est-ce que

 12   vous pouvez nous dire s'il s'agit d'un document original?

 13   M. Babic (interprétation): Oui.

 14   Question: Dans cette lettre, il est fait référence à des fonds qui sont

 15   nécessaires et on incite le ministre Sokolovic à faire jouer son influence

 16   sur le ministre Zebic pour obtenir ces sommes, et on fait mention d'une

 17   somme de 38 millions de dinars. Je signale à l'attention des Juges que,

 18   d'après M. Torkildsen, ceci représentait sur le marché noir environ

 19   330.000 deutschemarks.

 20   Pouvez-vous nous faire des observations au sujet de cette lettre? Est-ce

 21   que la teneur de cette lettre est exacte?

 22   Réponse: Oui. Cette lettre correspond aux circonstances et à la situation

 23   qui étaient celles de l'époque.

 24   Question: Donc voici… J'en ai fini des documents que je souhaitais évoquer

 25   avec vous dans ce contexte.

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  1   Est-ce que la police et la Défense territoriale ont été intégrées au sein

  2   de la République serbe de la Krajina à un moment donné? Vous nous avez dit

  3   qu'au début, ils étaient financés… Le financement se faisait de manière

  4   externe. Est-ce qu'au bout d'un certain temps, ils ont été incorporés au

  5   budget?

  6   Réponse: C'est en 1992 que l'on a commencé à mettre en place un budget de

  7   la République de Krajina serbe plus stable. Pour ce qui est de la SAO de

  8   Krajina, son budget était défaillant.

  9   Question: Quand le budget de la RSK existait, est-ce que toutes les

 10   dépenses de la police étaient financées par le budget, ou bien est-ce

 11   qu'on a continué à voir des fonds venir de l'extérieur pour financer la

 12   police?

 13   Réponse: Oui. Il y a eu des paiements en espèces et des versements de

 14   dotation vers le budget de la République de la Krajina serbe, en

 15   provenance de la République fédérale de Yougoslavie.

 16   Question: Est-ce que tous les frais de l'armée, toutes les dépenses

 17   relatives à l'armée, étaient financés par le budget de la RSK ou bien est-

 18   ce que leur financement provenait d'autres sources?

 19   Réponse: Le budget de la République de la Krajina serbe couvrait en partie

 20   les besoins de l'armée. Et pour ce qui est du reste, le budget était doté,

 21   avait donc bénéficié de dotations de la part du gouvernement de la

 22   République fédérale de Yougoslavie. Une autre partie de ces fonds

 23   matériels était procurée de façon distincte. La plupart des officiers de

 24   l'armée de la République de la Krajina serbe avaient été financés en

 25   direct par l'état-major général de l'armée de Yougoslavie.

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  1   Question: Je voudrais vous présenter un exemple de budget; ceci nous

  2   permettra de mieux saisir les proportions.

  3   Il s'agit de l'intercalaire n°7 de la pièce 352.

  4   (Intervention de l'huissière.)

  5   Il s'agit du budget de novembre 1994. Avez-vous eu le temps de passer en

  6   revue ce document quand vous vous êtes entretenu avec le Procureur à La

  7   Haye? Est-ce que vous connaissez, maintenant, ce document?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Avez-vous eu l'occasion de voir des budgets de ce type et celui-

 10   ci en particulier, pendant les événements?

 11   Réponse: Oui. Il y avait eu des rapports de présentés, tant aux sessions

 12   du gouvernement qu'aux sessions de l'assemblée du Parlement. Donc aux

 13   sessions du gouvernement et du Parlement de la Krajina.

 14   Question: Je souhaiterais que vous examiniez les chiffres qui figurent

 15   dans la liste des revenus de la RSK et j'aimerais avoir vos observations

 16   sur la base de votre connaissance des budgets des années précédentes.

 17   J'aimerais, s'il vous plaît, que vous compariez les proportions du revenu

 18   venant des impôts et des revenus venant de la RFY. Je voudrais savoir si

 19   les revenus, les recettes venant des impôts étaient supérieures,

 20   inférieures ou égales aux années précédentes, aux années précédant 1994.

 21   Monsieur le Témoin, au début nous avons… à la deuxième page, nous avons un

 22   tableau où sont indiquées les recettes et les dépenses; on y a collé un

 23   intercalaire jaune.

 24   Réponse: Ici, ce sont les dépenses.

 25   Question: J'aimerais que vous vous référiez uniquement au tableau

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  1   principal, celui où on résume la totalité des chiffres. Je ne veux pas que

  2   vous examiniez les tableaux plus détaillés. Et j'aimerais que vous

  3   examiniez les recettes qui découlent des impôts, de la perception des

  4   impôts. Et ensuite, on voit également qu'il est fait mention des fonds

  5   additionnels provenant de la RFY. Et la question que j'avais à vous poser

  6   à ce sujet avait trait au budget des années précédentes.

  7   Je voudrais savoir, à ce moment-là, dans les années précédentes quelles

  8   étaient les proportions, le rapport entre les recettes venant des impôts,

  9   de la perception des impôts et les recettes venant de fonds fournis par la

 10   RFY?

 11   Réponse: Le gros des recettes provenaient de la RFY.

 12   Question: Est-ce que cela signifie que, dans les années précédentes, le

 13   financement assuré par la RFY était encore supérieur à celui qu'il était

 14   en 1994?

 15   Réponse: Oui, certainement. Bien plus important. C'était l'époque de la

 16   situation de l'état de guerre, des conflits armés; et les besoins

 17   afférents à la conduite des combats étaient bien plus importants, et les

 18   recettes dans la Krajina se trouvaient être nettement inférieures.

 19   Question: Maintenant, si on regarde le budget tel qu'il se présente, on

 20   voit qu'il y a un poste qui s'intitule "Prêts venant de la Banque

 21   nationale de RSK". Est-ce que les déficits budgétaires étaient financés

 22   par des prêts venant de la Banque nationale de la RSK?

 23   Réponse: C'est exact. C'était l'une des modalités du financement du

 24   budget. D'après ce que j'en sais, cela venait du fonctionnement de la

 25   planche à billets de la Banque nationale de Yougoslavie.

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  1   Question: D'où la Banque nationale de la RSK trouvait-elle son argent?

  2   Réponse: Cela provenait de la part de la Banque nationale de Yougoslavie.

  3   Question: Et vous dites que l'on émettait de la monnaie, que l'on faisait

  4   fonctionner la planche à billets; est-ce qu'il s'agissait donc d'argent,

  5   de billets qui étaient imprimés et envoyés directement à cet endroit par

  6   la Banque nationale de Yougoslavie?

  7   Réponse: Oui, c'est exact, c'est ce type d'argent qui nous parvenait.

  8   Question: Est-ce que la Banque nationale de la RSK était une institution

  9   indépendante?

 10   Réponse: Cela avait pratiquement fonctionné comme une filiale de la Banque

 11   nationale de Yougoslavie.

 12   Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous avons ici des

 13   chiffres en dinars. Et, s'agissant de ces chiffres, M. Torkildsen n'a pas

 14   été en mesure de nous donner l'équivalent en deutschemarks, car le taux de

 15   change officiel était un dinar pour un deutschemark, et il n'a trouvé

 16   aucune information relative à la valeur du change sur le marché noir. Si

 17   bien que la seule chose que nous puissions vous dire, c'est que,

 18   officiellement, ce montant correspondait exactement au même montant en

 19   deutschemarks, mais uniquement sur le plan officiel.

 20   Monsieur le Témoin, est-ce que la RSK ou est-ce que la SAO aurait pu

 21   exister sans le soutien de la Serbie ou de la Yougoslavie?

 22   Réponse: Non, en aucun cas. La SAO de Krajina et de la RSK étaient,

 23   économiquement et financièrement, tout à fait dépendantes de la Serbie.

 24   Question: Maintenant, j'aimerais que vous vous rapportiez à la page

 25   suivante. Nous avons une page où il y a les rentrées budgétaires, les

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  1   recettes. Ensuite, nous avons les moyens de production sur la page

  2   suivante, les dépenses, ce à quoi étaient consacrées les dépenses, et on

  3   voit les chiffres consacrés au financement de l'armée et de la police.

  4   Est-ce que si l'on fait l'addition de ces deux postes, ils représentent à

  5   peu près les deux tiers de la totalité du budget?

  6   Réponse: C'est exact.

  7   Question: Est-ce que cela correspond aux proportions dont vous vous

  8   souvenez à l'époque?

  9   Réponse: Oui, je me souviens parfaitement des proportions, et le gros des

 10   fonds étaient destinés essentiellement pour ces besoins-là. Et même à

 11   l'époque où il n'y avait pas de conflit armé, il y avait l'état de guerre

 12   ou l'état de guerre imminent qui requérait l'affectation de fonds

 13   importants pour payer les gens qui se trouvaient au sein des unités et qui

 14   ne travaillaient pas.

 15   Question: Vous avez dit que la Banque nationale de Yougoslavie fournissait

 16   des fonds considérables et qu'il s'agissait en fait de billets qui

 17   venaient juste d'être imprimés. Mais qui contrôlait cette Banque nationale

 18   de Yougoslavie? Le savez-vous?

 19   Réponse: Sur un plan juridique formel, les institutions de la République

 20   fédérale de Yougoslavie. En réalité, le Président de la République de

 21   Serbie.

 22   Question: Comment se fait-il que vous le sachiez?

 23   Réponse: Eh bien, parce que c'est chez le Président de la Serbie que l'on

 24   allait, depuis la Krajina, pour les besoins tant financiers que matériels,

 25   et c'est lui qui transmettait par la suite les ordres au gouverneur, au

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  1   Premier ministre, et ainsi de suite.

  2   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, pourrais-je

  3   poser une question à huis clos partiel?

  4  (Huis clos partiel à 9 heures 37.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

  5   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, vous-même êtes-

  7   vous allé voir M. Milosevic pour lui demander une aide en matière de

  8   financement?

  9   M. Babic (interprétation): Oui, à plusieurs reprises.

 10   Question: Pouvez-vous nous parler de la première fois où vous êtes allé le

 11   voir? Pour quelle raison? Et quelle a été l'issue de cette visite?

 12   Réponse: La première fois où je suis allé là-bas pour des questions

 13   financières, cela avait été ma troisième rencontre avec le Président de la

 14   Serbie. Et je suis allé chez lui en raison de problèmes auxquels se

 15   confrontait l'usine de vis à Knin. En effet, les comptes de cette usine se

 16   trouvaient bloqués en raison d'une dette d'environ 60 millions de dinars;

 17   c'est une dette que l'usine avait à l'égard de la Banque de Split. Et je

 18   suis allé voir le Président de Serbie pour nous demander de l'aide afin

 19   que cette usine obtienne la somme nécessaire au paiement de sa dette. Le

 20   Président de la Serbie nous a promis ce montant-là, et l'opération a été

 21   réalisée. Je crois savoir que l'usine avait obtenu quelque 40 millions de

 22   dinars pour couvrir ses dettes.

 23   Question: Et quand ceci a-t-il eu lieu? Quand êtes-vous allé le voir?

 24   Réponse: En décembre 1990.

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous dites l'avoir rencontré à

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  1   plusieurs reprises au sujet de ces questions de financement. Pouvez-vous

  2   nous parler des autres rencontres de ce type?

  3   M. Babic (interprétation): Eh bien, je suis allé concrètement parlant

  4   vers la mi-1993 au sein d'une grande délégation provenant de la République

  5   serbe de la Krajina, et je suis allé là-bas en ma qualité de maire de la

  6   municipalité de Knin. Il y avait le Premier ministre, le commandant de

  7   l'armée, les maires des différentes municipalités. C'était la fois où on

  8   avait demandé une assistance plus importante de la part du Président de

  9   Serbie, M. Milosevic. Il y avait à cette réunion le Premier ministre de la

 10   Serbie, M. Nikola Sainovic, et il avait promis que ces besoins matériels

 11   et financiers allaient être couverts.

 12   M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, il s'agit d'une usine de

 13   vis, qui produisaient des vis. De quel type d'usine s'agissait-il

 14   exactement? Est-ce qu'elle avait un lien quelconque avec la production

 15   d'armes?

 16   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez entendu la question du

 17   Juge? Veuillez répondre, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin.

 18   M. Babic (interprétation): C'était une usine de production de vis.

 19   Dans le courant de l'année 1991, elle avait fourni des services mineurs

 20   pour les besoins de l'armée, la fabrication de grenades à main et du

 21   matériel pour la fabrication d'un train blindé que Franko Simatovic était

 22   en train de faire construire au niveau de la gare. Mais d'après ce que je

 23   sais, ce n'étaient pas de gros services ou d'importants services destinés

 24   à satisfaire les besoins de l'armée.

 25   Question: Monsieur le Témoin, encore une question: M. Milosevic vous a-t-

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  1   il jamais, au cours d'une réunion, dit qu'il était effectivement à la

  2   tête, responsable de la Banque nationale serbe ou de l'administration

  3   serbe?

  4   Réponse: La chose se sous-entendait tout simplement. C'était la position

  5   qui était la sienne.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En avril 1995, avez-vous eu une

  7   discussion avec M. Milosevic, discussion au cours de laquelle vous avez

  8   évoqué la situation à Knin et l'aide que pourrait éventuellement obtenir

  9   Knin?

 10   M. Babic (interprétation): En avril 1995, je me suis entretenu à trois

 11   reprises avec le Président Milosevic. Début avril, je m'étais entretenu au

 12   sujet d'opérations militaires réalisées par l'armée du HVO sur les

 13   territoires en arrière-fond de Knin, en Bosnie-Herzégovine. Cette fois-là,

 14   il m'avait dit au sujet du soutien comme suit: qu'il n'était pas exact de

 15   dire qu'il y avait 300.000 hommes dans la Krajina face à quatre millions

 16   de Croate, mais qu'il y avait derrière les gens de la Krajina la totalité

 17   des moyens logistiques de la Serbie.

 18   M. Robinson (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, pouvez-vous revenir à

 19   la question que vous avez posée au témoin? Quand vous lui avez demandé si

 20   M. Milosevic lui avait jamais indiqué qu'il était en charge de la Banque

 21   nationale et de l'administration serbe, le témoin a répondu que cela

 22   allait de soi, qu'il était inutile de le dire, que c'était son attitude.

 23   J'estime qu'il convient de poser des questions supplémentaires au témoin

 24   pour préciser la chose.

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, effectivement. Et je

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  1   souhaiterais en profiter pour vous signaler que, s'agissant de ce qui

  2   vient d'être dit par le témoin, au paragraphe 95 du résumé et au

  3   paragraphe 267, on parle des sujets que je suis en train d'évoquer

  4   maintenant. J'ai réuni ces deux paragraphes afin d'éviter toute redite.

  5   Monsieur le Témoin, vous avez entendu l'intervention de M. le Juge

  6   Robinson. Quand je vous ai posé une question au sujet de M. Milosevic,

  7   pour savoir s'il vous avait indiqué qu'il était à la tête de la Banque

  8   nationale, de l'administration serbe, vous avez fait référence à une

  9   observation qu'il a faite et vous avez dit… Ou plutôt, vous avez dit que

 10   la Serbie était derrière vous, le système serbe était derrière vous.

 11   Qu'est-ce que vous entendez exactement par là?

 12   M. Babic (interprétation): Cela signifiait que la Serbie, ou plutôt

 13   que la Krajina avait les hommes qu'il fallait pour les combats. Et

 14   s'agissant des moyens matériels et techniques, ces derniers seraient

 15   fournis par la Serbie.

 16   Question: Et quand vous dites que ça allait sans dire, le fait que M.

 17   Milosevic était à la tête de l'administration serbe et de la Banque

 18   nationale, sur la base de quels éléments pouvez-vous dire cela? Pourquoi

 19   est-ce que cela va sans dire?

 20   Réponse: Eh bien, pour tout problème qui ne pouvait être résolu avec les

 21   ministres compétents, le Premier ministre ou le gouverneur, on allait voir

 22   le Président Milosevic et, suite avec l'entretien avec lui, la chose, la

 23   question serait tranchée.

 24   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons retourner en audience

 25   publique.

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  1   M. Kwon (interprétation): Un instant, je vous prie.

  2   Monsieur le Témoin, en tant que Président de Serbie, M. Milosevic aurait

  3   pu vous déclarer: "Vous bénéficiez du soutien plein et entier du peuple

  4   serbe.". Mais je voudrais savoir de quelle manière ceci a un lien avec le

  5   contrôle qu'il aurait eu sur la Banque de la Yougoslavie. Pouvez-vous nous

  6   donner des raisons plus précises à ce sujet? Pouvez-vous expliciter votre

  7   pensée?

  8   M. Babic (interprétation): Eh bien, le Président Milosevic exerçait

  9   son contrôle sur toutes les institutions de la République de Serbie. Et en

 10   avril 1992… depuis avril 1992, il avait contrôlé également les

 11   institutions de la République fédérale de Yougoslavie. Le Président de la

 12   République fédérale de Yougoslavie à l'époque, M. Zoran Lilic, disait de

 13   lui-même que c'était… enfin, il avait l'habitude de dire pour soi-même

 14   qu'il était une personne à la disposition du Président Milosevic. C'est

 15   ainsi que toutes ces institutions fonctionnaient.

 16   M. Kwon (interprétation): Merci.

 17   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons retourner en audience

 18   publique.

 19   (Audience publique avec mesures de protection à 9 heures 47.)

 20   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

 21   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous venez de parler du Président

 22   Lilic. Quand a-t-il fait ces observations, à savoir qu'il était à la

 23   disposition du Président Milosevic?

 24   M. Babic (interprétation): C'était en 1994, début 1995. Je l'ai vu

 25   sortir de la présidence de Serbie, du palais de la présidence de Serbie,

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  1   de chez M. Milosevic. Il était en train de dire bonjour, devant moi, à M.

  2   Borislav Mikelic, Président du gouvernement, Premier ministre de la

  3   Krajina à l'époque; je savais qu'ils étaient proches, personnellement

  4   proches l'un de l'autre. Et Mikelic lui avait demandé: "Comment allez-

  5   vous?", "Comment ça va?", plutôt. Et parlant de lui-même, il a dit: "Je

  6   suis une personne mise à disposition".

  7   Question: J'aimerais vous présenter encore un certain nombre de documents

  8   financiers.

  9   Le premier, vous le trouverez dans la pièce 352, à l'intercalaire 13. Non,

 10   plutôt 15.

 11   (Intervention de l'huissière.)

 12   Nous avons ici une demande venant du ministère des Finances de la RSK en

 13   date du 19 juin 1992, une requête adressée au conseil exécutif fédéral, au

 14   secrétariat fédéral chargé des Finances, ainsi qu'à la Banque nationale

 15   yougoslave. On demande ici le paiement d'une somme de 12,9 milliards de

 16   dinars. Il est également précisé que cette somme doit être versée au

 17   compte dont on donne le nom pour le budget de la République de la Krajina

 18   serbe.

 19   Est-ce que c'est un compte postal ou un compte qui faisait partie du

 20   système SDK? Ou est-ce que c'est un compte bancaire?

 21   Réponse: C'est un compte afférent au budget, au sein de la SDK.

 22   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Maintenant, je vous demande

 23   d'examiner l'en-tête, la signature. Pouvez-vous nous dire s'il s'agit d'un

 24   document authentique?

 25   M. Babic (interprétation): Oui. Il s'agit d'une lettre du ministre des

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  1   Finances, Vojin Peuraca, qui était à l'époque ministre des Finances de la

  2   République de la Krajina serbe.

  3   M. le Président (interprétation): Oui, Madame Higgins?

  4   Mme Higgins (interprétation): Très brièvement, je souhaiterais intervenir.

  5   Peut-être est-ce dû à la formulation de la question par le Procureur.

  6   Bien entendu, le témoin peut nous faire des observations au sujet du

  7   cachet qu'il peut voir ici, mais on se peut se demander s'il peut nous

  8   faire des observations au sujet de l'authenticité du document, puisque

  9   nous avons ici une copie. Sans doute, y a-t-il un petit problème au sujet

 10   de la formulation utilisée par le Procureur.

 11   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

 12   M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff?

 13   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez parlé de la signature: est-

 14   ce que vous reconnaissez la signature?

 15   M. Babic (interprétation): Oui, c'est la signature que j'ai pu voir à

 16   plusieurs reprises avant.

 17   Question: Et maintenant, si vous examinez l'en-tête de ce document, est-ce

 18   qu'il s'agissait d'un en-tête utilisé par le gouvernement de la RSK à

 19   l'époque?

 20   Réponse: C'est la forme de l'intitulé que l'on utilisait.

 21   Question: Monsieur Torkildsen, je vous le signale, a pu déterminer que

 22   l'équivalent de cette somme en deutschemarks sur le marché noir était

 23   d'environ de 11 millions de deutschemarks.

 24   Bien. Document suivant: vous le trouverez à l'intercalaire 13 de la pièce

 25   352.

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  1   (Intervention de l'huissière.)

  2   Nous avons ici une lettre du ministère de la Défense de la RSK, adressée

  3   au ministère de la République de Serbie. On fait ici référence à une

  4   réunion qui a eu lieu le 12 novembre 1992, en présence du Président

  5   Milosevic et de divers autres participants dont les noms figurent au

  6   paragraphe 1 de la lettre.

  7   Si vous examinez les noms des participants -Goran Hadzic, Zdravko Zecevic,

  8   Mile Martic, Stojan Spanovic, Vojin Peuraca et Bosko Bozanic-, est-ce que

  9   ces personnes occupaient les postes qui sont indiqués ici dans ce document

 10   à l'époque?

 11   Réponse: Oui, c'étaient les postes qu'ils occupaient à l'époque.

 12   Question: Avez-vous eu connaissance de la tenue de telles réunions en

 13   novembre 1992?

 14   Réponse: Non.

 15   Question: Est-ce que cette réunion n'a pas eu lieu ou bien est-ce que vous

 16   n'étiez pas au courant?

 17   Réponse: Je n'étais pas au courant de la réunion.

 18   Question: Maintenant, si vous examinez l'en-tête, le cachet, la signature,

 19   pouvez-vous nous faire part de vos observations?

 20   Réponse: Oui. On voit le cachet de la République de la Krajina serbe,

 21   Mission de représentation à Belgrade, le ministre Spanovic; je ne suis pas

 22   sûr pour la signature. Mais le cachet est celui de l'époque; cela

 23   correspond à celui qui avait été utilisé à l'époque.

 24   Question: Le gouvernement de la RSK disposait-il effectivement d'un bureau

 25   à Belgrade à l'adresse qui est indiquée ici? Et est-ce que nous avons ici

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  1   l'en-tête utilisé dans ce bureau?

  2   Réponse: Cela correspond pour ce qui est du cachet. Le gouvernement avait

  3   une mission de représentation à Belgrade et c'est le cachet de cette

  4   mission de représentation.

  5   Question: Dans cette lettre, au paragraphe 2, à la première page, on peut

  6   lire -je cite-: "Le Président Milosevic a accepté le concept visant à

  7   créer un système de défense de la Krajina qui reposerait sur environ

  8   23.000 personnes travaillant dans la police, dont 5.000 dans les forces

  9   régulières et 18.000 dans les brigades, qui constitueraient l'essentiel

 10   des forces de l'armée en temps de paix et assureraient la sécurité des

 11   frontières de la Krajina. On estime qu'il ne faut pas réduire ce chiffre

 12   et qu'il convient de trouver un système de financement, car ces hommes

 13   doivent continuer à servir au sein de l'armée en tant que professionnels.

 14   Il a été accepté que la planification du financement de l'armée et des

 15   besoins de la police devraient commencer immédiatement, comme cela a été

 16   le cas en 1992, par le truchement du ministère de la Défense de la RSK et

 17   du ministère de la Défense de la République de Serbie." (Fin de citation.)

 18   Monsieur le Témoin, existait-il un tel concept en matière de défense et

 19   est-ce qu'il y a eu financement de la… comme cela est indiqué dans cette

 20   lettre?

 21   Réponse: Le conseil de la défense existait, en effet. Ce concept a été mis

 22   sur pied en décembre 1991 et il a été financé de cette façon.

 23   Question: Et ensuite, on peut lire dans la lettre la chose suivante –je

 24   cite-: "Le Président Milosevic a déclaré que les fonds nécessaires à la

 25   maintenance des équipements devaient être planifiés par le biais de

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  1   l'armée de la Yougoslavie, qu'il apporterait son concours à ce fait et que

  2   l'armée de Yougoslavie devait financer les officiers d'active et les

  3   civils qui resteraient en Krajina. Tous les besoins financiers en matière

  4   de défense devraient être planifiés par l'intermédiaire du ministère de la

  5   Défense." (Fin de citation.)

  6   Est-ce que les choses se sont déroulées de la sorte?

  7   Réponse: C'est ainsi que ça s'est déroulé.

  8   Question: Savez-vous si M. Milosevic a donné son accord à ce concept, s'il

  9   l'a appuyé?

 10   Réponse: C'est ainsi que les choses ont fonctionné. Je sais pour ce qui

 11   est de certains cas, notamment pour certains commandants de l'armée qui

 12   allaient également directement voir M. Milosevic. Donc le système

 13   fonctionnait de la sorte.

 14   Question: Monsieur le Président, Messieurs les Juges, nous reviendrons sur

 15   cette question un peu plus tard au cours de la déposition du témoin, quand

 16   nous parlerons des questions d'ordre militaire.

 17   Document suivant. Je souhaiterais qu'il soit présenté au témoin. Il se

 18   trouve à l'intercalaire 17 de la pièce 352.

 19   (Intervention de l'huissière.)

 20   Il s'agit d'une demande qui émane de la RSK, du ministère des Finances;

 21   requête adressée à la Banque nationale de Yougoslavie. On demande ici le

 22   paiement d'une somme de 5 millions de dinars.

 23   Pouvez-vous nous faire part de vos observations après avoir examiné la

 24   signature, le cachet et l'en-tête de ce document?

 25   Réponse: Oui, c'est la façon que nous avions de communiquer, dont avait

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  1   l'habitude de se servir le ministre des Finances, M. Ratko Veselinovic.

  2   Question: Oui, merci.

  3   J'en arrive au document suivant: intercalaire 18. C'est une lettre, de

  4   nouveau, qui est envoyée par la Banque nationale de la RSK au gouverneur

  5   national de la Banque nationale de Yougoslavie, en rapport avec une

  6   demande de liquidité de 10 milliards de dinars, et cette lettre date du 24

  7   juillet 1995.

  8   Je vous demande une nouvelle fois de nous faire les observations que vous

  9   pourrez faire au sujet du cachet, de l'en-tête de cette lettre et de la

 10   signature.

 11   Réponse: Oui. Ici, nous voyons "Pavo Marjanovic", gouverneur de la Banque

 12   nationale de Yougoslavie, donc gouverneur de la Banque nationale de la

 13   République serbe de Krajina, qui communiquent ensemble, de la façon

 14   normale à l'époque. Je sais également qu'il s'agit ici d'une demande tout

 15   à fait précise, puisqu'elle est mentionnée dans la lettre.

 16   Question: Cette demande a-t-elle été acceptée? Est-ce que les choses se

 17   sont passées comme indiquées ici?

 18   Réponse: Je ne sais pas, car plusieurs jours plus tard la Banque nationale

 19   de RSK a été évacuée, à Knin.

 20   Question: Document suivant: intercalaire 19 de la pièce à conviction 352.

 21   C'est une lettre qui provient de la République serbe de Krajina, du

 22   ministère de l'Intérieur, en date du 5 novembre 1993 et adressée au MUP,

 23   ministère de l'Intérieur donc de la République de Serbie.

 24   Pouvez-vous nous faire les observations que vous pourrez au sujet de l'en-

 25   tête de cette lettre, de son cachet et de sa signature?

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  1   Réponse: Oui. Ceci est un document qui pouvait être établi par le chef de

  2   la police ou plutôt, de la sécurité publique au sein du ministère de

  3   l'Intérieur de Krajina, Nebojsa Pavkovic. Mais je ne suis pas sûr de

  4   connaître et donc de reconnaître sa signature.

  5   Question: S'agissant maintenant de la teneur de cette lettre qui traite du

  6   fait que des salariés du MUP de la Republika Srpska ont franchi la

  7   frontière pour entrer en République de Serbie afin d'escorter un transport

  8   d'argent de Belgrade à Knin, est-ce que l'argent était bien transporté

  9   comme cela est indiqué dans cette lettre? Le savez-vous?

 10   Réponse: Oui, des liquidités étaient transportées qui provenaient de la

 11   Banque nationale yougoslave et également des sommes qui provenaient du

 12   ministère de l'Intérieur ou de l'armée et qui, donc, étaient censées

 13   satisfaire les besoins de ces deux entités.

 14   Question: Lorsque vous dites "les besoins de ces deux entités", vous

 15   parlez des institutions ou des personnes? S'agit-il de l'armée et du

 16   ministère de l'Intérieur en tant qu'institutions?

 17   Réponse: Je pense aux institutions, oui, le ministère de l'Intérieur et

 18   l'armée.

 19   Question: Cette pratique consistant à faire venir des sommes dans ces

 20   conditions depuis la Serbie vers la Krajina, a été mise en vigueur, mise

 21   en oeuvre à quelle époque?

 22   Réponse: Entre 1991 et 1995. Y compris en juillet 1995, je sais que le

 23   commandant Mrksic, accompagné d'officiers de l'armée serbe, a apporté de

 24   cette façon de l'argent jusqu'à l'armée de la République serbe de Krajina;

 25   donc l'argent venait de Belgrade.

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  1   Question: Dernier document: intercalaire 20 de cette pièce.

  2   (Intervention de l'huissière.)

  3   C'est une nouvelle lettre de Milan Martic, ministre de l'Intérieur de

  4   Knin, qui est envoyée au bureau du Président de la République de Serbie,

  5   M. Milosevic, au Premier ministre de la République de Serbie, M. Nikola

  6   Sainovic, et au ministre de l'Intérieur, M. Zoran Sokolovic. Cette lettre

  7   porte la date du 28 avril 1993 et il s'agit encore une fois d'une demande

  8   de financement.

  9   Pouvez-vous commenter cette lettre: d'abord, en rapport avec l'en-tête, le

 10   sceau et la signature et ensuite au sujet de la teneur de cette lettre?

 11   Réponse: Oui. L'en-tête montre que cette lettre vient du ministère de

 12   l'Intérieur de la République serbe de Krajina. Le sceau correspond à ce

 13   ministère et la signature est celle de Milan Martic, que j'ai déjà vue.

 14   Question: Etes-vous au courant du fait qu'en avril 1993, un financement

 15   complémentaire s'est avéré nécessaire, comme indiqué ici?

 16   Réponse: Oui. L'état de conflit armé régnait entre la Krajina et la

 17   Croatie à l'époque.

 18   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci. Monsieur le Témoin, nous

 19   n'allons plus parler maintenant de financement, mais de la situation de la

 20   SAO de Krajina en décembre 1990.

 21   M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, c'est un point

 22   sur lequel nous ne pouvons pas passer rapidement; vous en tiendrez compte,

 23   je pense. Il importe de passer rapidement sur les fondements de ces

 24   documents.

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Le premier document que j'aimerais

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  1   vous soumettre, en rapport avec la SAO de Krajina, la création de cette

  2   Région autonome, correspond à l'intercalaire 26 de la pièce 351.

  3   Je vous demande de répondre par oui ou par non, si vous voulez bien.

  4   Ce rapport date-t-il bien du 30 avril 1991 et est-il en rapport avec la

  5   vérification des mandats des membres de l'assemblée de la Région autonome

  6   de Krajina, à la date que j'ai déjà indiquée?

  7   M. Babic (interprétation): Oui.

  8   Question: Intercalaire 29 de cette même pièce à conviction: nous y

  9   ajoutons d'ailleurs l'intercalaire 36.

 10   (Intervention de l'huissier.)

 11   L'intercalaire 29: est-ce un document datant du 30 avril 1991, Assemblée

 12   de la SAO de Krajina, ratification du président du conseil exécutif de

 13   cette SAO de Krajina?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Le deuxième document est-il bien la décision de la SAO de

 16   Krajina, en date du 29 mai 1991, proclamant le statut de la SAO comme loi

 17   constitutionnelle?

 18   Monsieur le Président, dans la traduction anglaise, il y a une erreur, car

 19   c'est la date du 29 juin 1991 qui est indiquée dans la version traduite en

 20   anglais alors que, dans l'original en BCS, il s'agit bien du mois de mai.

 21   Le document suivant sera l'intercalaire 37 de cette même pièce: 37.1 et

 22   37.2.

 23   (Intervention de l'huissière.)

 24   S'agit-il des lois constitutionnelles de la SAO de Krajina en date du 29

 25   mai 1991 et de la loi amendant le droit constitutionnel de la SAO de

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  1   Krajina?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Et le changement fondamental est-il le changement de

  4   dénomination du "conseil exécutif" de la SAO de Krajina qui devient

  5   "gouvernement"?

  6   Réponse: C'est cela.

  7   Question: Nous avons déjà vu le statut original de la SAO où il est fait

  8   référence au droit de la Croatie et de la République fédérale yougoslave.

  9   Y a-t-il désormais une modification apportée à tout cela? Et n'est-il plus

 10   fait mention dans ce document que du droit de la RFY?

 11   Réponse: Oui, les changements importants concernent le statut, c'est-à-

 12   dire donc la définition du gouvernement. Et puis, dans la SAO de Krajina,

 13   il y a création constitutionnelle de cette zone autonome serbe de Krajina

 14   qui, constitutionnellement, est définie comme faisant partie de la

 15   République fédérale de la Yougoslavie.

 16   Question: Document suivant: intercalaire 38.

 17   Est-ce bien une loi relative au gouvernement de la Région autonome serbe

 18   de Krajina?

 19   (Intervention de l'huissière.)

 20   Réponse: Oui, c'est cela.

 21   Question: Document suivant: intercalaire 40.

 22   Est-ce bien une loi relative au ministère de la SAO de Krajina?

 23   (Intervention de l'huissière.)

 24   Réponse: Oui.

 25   Question: Je vous demanderai de bien vouloir vous rapporter à l'article 6

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  1   de ce document où il est question du ministère de la Défense. Nous lisons:

  2   "Le ministère de la Défense traite de questions administratives relatives

  3   à la planification et à l'organisation des questions militaires relatives

  4   au service militaire obligatoire, à l'organisation de la protection civile

  5   et à d'autres questions."

  6   Et à l'article 7, nous voyons la liste des tâches et compétences du

  7   ministère de l'Intérieur. C'est bien cela?

  8   Réponse: Oui.

  9   Question: Document suivant: intercalaire 42 de cette même pièce. Est-ce

 10   bien la loi relative aux tribunaux de la SAO de Krajina? Je vous demande

 11   si cette loi est bien datée du 29 mai 1991.

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Trois documents suivants maintenant: intercalaire 43,

 14   intercalaire 52 et intercalaire 53 de la pièce 351.

 15   (Intervention de l'huissier.)

 16   Ces trois documents portent, pour le premier, à la loi relative à

 17   l'application des règlements de la République de Serbie dans la Région

 18   autonome serbe de Krajina, le deuxième document est une décision du

 19   gouvernement de la SAO de Krajina, datant du 1er août 1991 et relative à

 20   l'application de la loi aux organisations politiques de la République de

 21   Serbie. Le troisième document est une décision du gouvernement de la SAO

 22   de Krajina, datant du 1er août 1991 et portant sur l'application de la loi

 23   aux Affaires internes de la République de Serbie.

 24   Pouvez-vous nous dire pourquoi il est fait référence ici de la République

 25   de Serbie et pas au droit de la RFY?

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  1   Réponse: Parce qu'il n'était pas nécessaire de mentionner le droit de la

  2   RFY, puisque, s'agissant de l'application de ce droit, il y avait

  3   continuité, il n'y avait pas eu interruption par rapport à la République

  4   fédérative de la Yougoslavie, quant aux lois qui ont cessé d'être en

  5   vigueur en Krajina et qui étaient les lois de l'ancienne République

  6   socialiste de Croatie et pour lesquelles une nouvelle loi n'a pas été

  7   adoptée en SAO de Krajina. Donc c'est à cause de cela que, compte tenu des

  8   besoins législatifs, il s'avérait nécessaire dans ces cas particuliers

  9   d'appliquer les droits de la République de Serbie.

 10   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

 11   Juges, la série de documents suivants concerne la nomination d'un certain

 12   nombre de personnes à leur poste et je pense qu'il n'est même pas

 13   indispensable de soumettre ces documents au témoin.

 14   M. le Président (interprétation): Nous pourrons les lire nous-mêmes.

 15   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Il s'agit de l'intercalaire

 16   49.5, intercalaire 49.14, intercalaire 49.3.

 17   M. le Président (interprétation): 49? Ah! C'est le deuxième classeur.

 18   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, oui, c'est le deuxième classeur.

 19   Donc intercalaire 49.5, 49.8, 49.9, 49.10, 49.14 et c'est tout.

 20   Mais j'aimerais également interroger le témoin à présent quelques instants

 21   à huis clos partiel, Monsieur le Président. Pour que tout soit clair, je

 22   veux parler de l'authentification de ces documents.

 23   (Huis clos partiel à 10 heures 18.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 24   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur le

 25   Président.

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  1   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, pendant votre

  2   interrogatoire à Belgrade, avez-vous fourni un grand nombre de documents

  3   relatifs à la SAO, au RSK et au fonctionnement de ces deux entités?

  4   M. Babic (interprétation): Oui.

  5   Question: La plupart de ces documents étaient signés par vous-même ou par

  6   vos collègues, membres des gouvernements de ces deux institutions, n'est-

  7   ce pas?

  8   Réponse: C'est cela.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bien. Nous pouvons revenir en

 10   audience publique.

 11   (Audience publique avec mesures de protection à 10 heures 19.)

 12   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à nouveau en public, Monsieur le

 13   Président.

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'aimerais maintenant soumettre au

 15   témoin l'intercalaire 63 de la pièce 351. C'est un document qui porte la

 16   date du 26 octobre 1991 et qui est une décision relative au début du

 17   travail dans des conditions de guerre.

 18   Je vous demande à quel moment la guerre a effectivement commencé au sein

 19   de la SAO de Krajina? Etait-ce ce jour-là ou plus tôt?

 20   M. Babic (interprétation): Les affrontements armés ont commencé en

 21   Krajina à la mi-1990 et la guerre en tant que telle au mois d'août 1991,

 22   date à laquelle l'armée populaire yougoslave a participé massivement aux

 23   opérations armées.

 24   Question: Le document suivant que je voudrais vous soumettre est

 25   l'intercalaire 59 de cette même pièce.

Page 12991

  1   Non, en fait, nous n'avons pas besoin de discuter de ce document; nous

  2   pouvons passer à autre chose.

  3   J'ai une question maintenant au sujet du document suivant que je voudrais

  4   vous soumettre, à savoir l'intercalaire 61 de cette même pièce 351. C'est

  5   bien, n'est-ce pas, une décision nommant à leur poste un certain nombre de

  6   membres d'une commission destinée à créer un programme pour trouver une

  7   solution s'agissant du statut constitutionnel de la Région autonome serbe

  8   de Krajina au sein de la future Union du peuple yougoslave. Ce document

  9   porte la date du 21 novembre 1991.

 10   Pouvez-vous nous expliquer pourquoi cette commission a été créée et quelle

 11   était sa tâche?

 12   Réponse: C'était une époque où se déroulaient les grandes conférences sur

 13   l'ex-Yougoslavie et, à ce moment-là, il y avait une conférence en cours à

 14   La Haye; un certain nombre de changements avaient déjà été adoptés sur le

 15   territoire de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Dans ces

 16   conditions, la SAO de Krajina était censée, elle aussi, définir sa

 17   position.

 18   Question: Oui. En fait, il y a un autre document qui accompagne celui-ci

 19   et que j'aimerais vous soumettre en même temps. Il s'agit de

 20   l'intercalaire 62 de cette même pièce, à savoir la loi sur les affaires

 21   intérieures.

 22   (Intervention de l'huissière.)

 23   J'aurai une question à vous poser au sujet de l'article 30 de cette loi.

 24   L'article 30 se lit comme suit: "Le ministère de l'Intérieur coopère avec

 25   les organes chargés des affaires internes au sein de la Fédération et

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  1   d'autres Républiques et leur apporte son aide pour accomplir les tâches

  2   qui relèvent de leurs compétences. Les rapports et la coordination entre

  3   les organes du ministère de l'Intérieur de la Fédération et ceux des

  4   autres Républiques reposent sur les droits et les tâches définis par la

  5   loi, etc." (Fin de citation.)

  6   Quelles sont les autres Républiques auxquelles il est fait référence dans

  7   cet article 30?

  8   Réponse: Avant tout, la République de Serbie.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. J'en ai terminé avec ces

 10   documents, mais j'aurais une question générale à vous poser qui porte sur

 11   tous les documents.

 12   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

 13   M. Milosevic (interprétation): Je pense qu'il est vraiment absurde de voir

 14   un juriste demander de qui il est question dans un texte officiel, un

 15   texte législatif où le mot "plusieurs autres Républiques" est mentionné.

 16   Et alors, ce malheureux témoin répond: "Avant tout, la République de

 17   Serbie". Je suppose que ce qui est écrit dans ce texte est tout à fait

 18   clair et qu'il n'est pas nécessaire de demander des explications à ce

 19   sujet.

 20   Ceci est un document où il est dit que le ministère de l'Intérieur de

 21   l'entité représentée par ce témoin coopère avec le ministère de

 22   l'Intérieur d'autres Républiques; c'est tout à fait clair.

 23   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, vous aurez la

 24   possibilité de commenter ceci lorsque votre tour viendra. Veuillez laisser

 25   le témoin répondre.

Page 12993

  1   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, une question

  2   encore, s'agissant de cet article 30 de la loi dont nous venons de parler:

  3   avec quelles autres République la RSK coopérait-elle?

  4   M. Babic (interprétation): A cette époque-là, avec la Serbie et le

  5   Monténégro car il n'y avait pas d'autres Républiques avec lesquelles elle

  6   aurait pu coopérer dans le contexte défini par cet article de la loi.

  7   Question: S'agissant des définitions et des lois dont nous venons de

  8   parler, je vous demande qui a rédigé, qui a mis par écrit ces définitions

  9   et ces lois?

 10   Réponse: Risto Matkovic et Boro Rasuo.

 11   Question: Monsieur le Témoin, j'aimerais maintenant que nous parlions

 12   rapidement de la loi relative à la défense qui était en vigueur en SAO de

 13   Krajina. Est-ce vous qui avez fourni ces textes de loi durant vos

 14   entretiens avec le Procureur à Belgrade et à La Haye?

 15   Réponse: S'agissant des lois relatives à la défense, j'ai remis un texte

 16   dont la teneur ne correspond pas à la loi et qui a été adopté en SAO de

 17   Krajina le 1er août 1991.

 18   Question: Monsieur le Président, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de

 19   soumettre ces documents au témoin, nous pouvons simplement y faire

 20   référence. C'est une loi relative à la défense populaire en RSFY depuis

 21   1981; ceci se trouve à l'intercalaire 21 de la pièce 352.

 22   Ensuite, nous avons la loi qui amende la loi relative à la défense

 23   populaire parue au Journal officiel de la RFY en 1991. Il s'agit de

 24   l'intercalaire 22.

 25   Puis, nous avons la loi serbe de la défense datant du 21 juillet;

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  1   intercalaire 24; puis, l'intercalaire 23 qui est le décret de mise en

  2   vigueur de la loi sur la défense de la République de Serbie sur le

  3   territoire de la RSK à partir d'août 1991.

  4   Et à l'intercalaire 25, nous trouvons un autre document dont j'aimerais

  5   discuter avec vous, cette fois-ci. Donc intercalaire 25 de la pièce 352.

  6   J'aimerais qu'on soumette ce document quelques instants au témoin.

  7   (Intervention de l'huissière.)

  8   Il s'agit d'une lettre envoyée au Président de l'assemblée municipale qui

  9   l'informe que, conformément à la loi relative à l'application du droit, de

 10   la loi sur la défense de la République de Serbie sur le territoire de la

 11   SAO de Krajina, le chef de la TO est bien le Premier ministre. Est-ce ce

 12   document que vous avez remis au Bureau du Procureur, Monsieur?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: En Krajina, vous aviez à votre disposition la loi fédérale sur

 15   la défense datant de juillet 1991. Comment avez-vous obtenu ce texte?

 16   Réponse: Vous voulez parler de la loi sur la défense de la République de

 17   Serbie?

 18   Question: Oui.

 19   Réponse: Nous l'avons reçue de M. Slobodan Milosevic, par fax. Donc nous

 20   l'avons reçue du Président du cabinet de la République de Serbie.

 21   Question: Vous l'aviez demandée par fax? Comment se fait-il que ce texte

 22   vous est parvenu?

 23   Réponse: Oui, nous avons demandé à ce cabinet de nous l'envoyer par fax.

 24   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous parlé avec M. Milosevic à

 25   ce sujet? Ou vous êtes-vous contenté de parler aux personnes présentes

Page 12995

  1   dans le bureau?

  2   M. Babic (interprétation): J'ai parlé à la secrétaire de M. Milosevic.

  3   Je lui ai demandé de demander au Président s'il nous était possible

  4   d'obtenir ce document.

  5   M. Kwon (interprétation): Etait-ce la seule façon possible pour vous

  6   d'obtenir la loi de Serbie à l'époque?

  7   M. Babic (interprétation): C'était une façon d'obtenir rapidement ce

  8   texte de loi sans subir les délais de la poste et sans attendre une

  9   recherche du journal officiel.

 10   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, si vous avez encore

 11   un commentaire, je crois que nous pouvons nous en passer.

 12   M. Milosevic (interprétation): Non, non, non, c'était simplement…

 13   M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre 20 minutes.

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, j'ai

 15   simplement une question en rapport avec ce document, après quoi j'en aurai

 16   terminé.

 17   Monsieur le Témoin, à l'époque où vous avez demandé ce texte de loi de la

 18   défense serbe, ce document était-il déjà adopté ou était-il en cours

 19   d'examen?

 20   M. Babic (interprétation): L'assemblée de la République de Serbie

 21   l'avait adopté et ce document devait être encore signé par le Président de

 22   la République. Il était en cours de signature par le Président.

 23   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Très bien, Monsieur le Président.

 24   M. le Président (interprétation): Suspension pendant 20 minutes.

 25   (L'audience, suspendue à 10 heures 32, est reprise à 10 heures 55.)

Page 12996

  1   M. le Président (interprétation): Poursuivez.

  2   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

  3   Monsieur le Témoin, au début de votre déposition vous avez mentionné les

  4   médias serbes et l'importance qu'ils avaient à l'époque. Comment les

  5   médias serbes ont-ils évoqué la situation des Serbes en Yougoslavie, en

  6   particulier des Serbes en Croatie dans les années 1990/1991?

  7   M. Babic (interprétation): Ces médias ont, non seulement, suivi les

  8   événements en cours et qui avaient concerné les Serbes sur le territoire

  9   de l'ex-Yougoslavie, plus particulièrement sur le territoire de la

 10   Croatie, mais avaient pris part à la confection de l'opinion publique

 11   concernant ce qui se passait.

 12   Au fur et à mesure que les tensions politiques avaient monté sur le

 13   territoire de l'ex-Yougoslavie, et plus particulièrement les conflits

 14   politiques survenant en Croatie vers le début de l'année 1990 et dans le

 15   courant de cette année-là, les rapports présentés par les médias en Serbie

 16   ont suivi ce qui se passait de façon tout à fait particulière, et

 17   spécialement à Belgrade l'on avait suivi les événements en procédant à des

 18   parallèles avec ce qui s'était passé dans le passé. Ces parallèles, avec

 19   les événements passés révolus, concernaient notamment la Deuxième Guerre

 20   mondiale, période à laquelle les nazis, les Oustachis avaient perpétré bon

 21   nombre de crimes contre les Serbes et des pogroms sur le territoire de

 22   l'ex-Etat indépendant de Croatie.

 23   Je dois dire que cet échelonnement des événements et le rappel de ce qui

 24   s'était passé de par le passé s'était accompagné d'initiatives politiques

 25   en provenance de Belgrade, mais on allait même un pas de l'avant, on

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  1   faisait un pas de l'avant pour créer une opinion publique en rappelant ce

  2   qui s'était passé dans le passé pour mettre en place la défiance à l'égard

  3   de ce qui se passait en Croatie et le nouveau gouvernement mis en place en

  4   Croatie.

  5   Question: Comment le gouvernement croate était-il présenté?

  6   Réponse: Pour ce qui est de cette description du gouvernement croate, cela

  7   dépendait de l'époque où l'on faisait la description médiatique, en

  8   passant donc d'un gouvernement analogue au gouvernement oustachi. Puis au

  9   moment de l'éclatement des conflits, on avait carrément parlé de pouvoir

 10   oustachi, de pouvoir génocidaire.

 11   Question: Est-ce qu'il a été dit quoi que ce soit au sujet des intentions

 12   du gouvernement croate, en ce qui concernait la population serbe vivant en

 13   Croatie?

 14   Réponse: Oui. En particulier, vers le début de l'année 1991, on avait

 15   affirmé que le gouvernement croate avait l'intention de commettre un

 16   nouveau génocide à l'égard des Serbes en Croatie, et notamment sur le

 17   territoire de Knin et de ses environs.

 18   Question: Est-ce qu'il a été dit quoi que ce soit au sujet de la

 19   population croate et de ses relations avec les Serbes? Pouvaient-ils

 20   continuer à exister?

 21   Réponse: Il y avait davantage de potentiel pour ce qui est de la mise en

 22   place d'une vie distincte, d'une vie de façon séparée des uns des autres.

 23   Question: Est-ce que les médias serbes de Belgrade et de Serbie ont

 24   présenté, de manière déformée, les événements se déroulant en Croatie?

 25   Réponse: On pourrait dire que les événements ont été exagérés pour qu'ils

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  1   soient rendus plus dramatiques qu'ils ne l'étaient en réel.

  2   Question: Est-ce que cette façon de présenter les événements a eu un

  3   impact, quel qu'il soit, sur la population serbe en Croatie?

  4   Réponse: Oui, un impact très grand. Ce rapport avait engendré la défiance

  5   à l'égard du gouvernement croate, puis carrément de l'hostilité.

  6   Question: Pour ce qui est de la population croate, vous nous avez dit

  7   qu'elle éprouvait de l'hostilité, qu'ils éprouvaient de l'hostilité et de

  8   la méfiance envers le gouvernement croate. Mais quelle était leur attitude

  9   envers la population croate elle-même?

 10   Réponse: C'était un rapport indirect, à savoir ceux qui soutenaient un

 11   gouvernement de ce genre étaient très semblables à ce gouvernement.

 12   Question: Y a-t-il eu dans les médias un événement particulier qui vous a

 13   particulièrement touché?

 14   Réponse: Eh bien, tous les textes qui évoquaient le passé me faisaient de

 15   l'impression, pour ce qui me concerne. Et même dans une interview que

 16   j'avais accordée, j'ai évoqué moi-même ce passé. Les journalistes

 17   m'avaient, en fait, demandé de faire une rétrospective s'agissant du

 18   passé; et ce qui avait fait de l'effet sur moi, c'était la présentation,

 19   la diffusion des intentions du gouvernement des ministres croates à

 20   l'égard des Serbes; c'était un moment qui m'avait fait le plus peur et qui

 21   avait généré en moi-même une attitude hostile à l'égard de ces autorités

 22   croates.

 23   Question: Avez-vous visionné ce qu'on appelle la "cassette Spegelj"?

 24   Savez-vous de quoi il s'agit?

 25   Réponse: Oui. C'était là un film qui a été diffusé à la télévision de

Page 12999

  1   Belgrade. On a vu Spegelj, Bojkovac; ce sont des ministres au gouvernement

  2   croate. Et il y avait été question de leurs intentions à l'égard des

  3   Serbes, à l'égard de l'armée, à l'égard de Knin.

  4   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, l'accusation

  5   souhaiterait que l'on puisse visionner quelques extraits de la cassette

  6   Spegelj –il s'agit de la pièce à conviction 352, intercalaire 170-, si

  7   vous en donnez l'autorisation.

  8   M. le Président (interprétation): Oui.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): La cabine technique dispose de la

 10   cassette et sait quelles parties il convient de montrer. On peut

 11   commencer.

 12   (Diffusion et interprétation de la cassette vidéo.)

 13   "Il y avait deux ou trois hommes qui devaient être chargés de liquider

 14   physiquement…"

 15   (L'interprète précise que c'est inaudible.)

 16   (Fin de la diffusion de la cassette.)

 17   Interprète: La cabine française s'excuse, mais c'était complètement

 18   inaudible.

 19   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous disposez de la traduction en

 20   anglais de ce que nous entendons sous le même intercalaire. Je pensais

 21   d'ailleurs qu'on entendrait une traduction venant des cabines, car je

 22   pensais qu'on avait remis aux cabines le document.

 23   M. le Président (interprétation): Les interprètes nous font savoir qu'ils

 24   ont du mal à suivre, à entendre. Je ne sais pas s'ils disposent de la

 25   traduction ou pas?

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  1   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Mais ils l'ont, Monsieur le

  2   Président!

  3   M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez passer un

  4   extrait, un nouvel extrait? Voyons si on peut passer à la partie suivante.

  5   Si les interprètes ne peuvent travailler, on abandonnera.

  6   Partie suivante.

  7   (Début et interprétation de la cassette vidéo.)

  8   "-Organiser deux ou trois hommes pour liquidation.

  9   -Réponse: Liquidation physique?

 10   -Q: Oui".

 11   L'interprète: Cela demeure inaudible. Les interprètes ont besoin de la

 12   cote du document pour pouvoir suivre le transcript.

 13   (Arrêt de la diffusion de la cassette vidéo.)

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est toujours impossible?

 15   M. le Président (interprétation): Apparemment, c'est impossible. Nous

 16   disposons ici d'un transcript qui permet de suivre ce qui est dit en

 17   anglais.

 18   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je pense qu'il n'est pas utile

 19   d'insister. Puisque vous disposez de la traduction de la transcription en

 20   anglais, cela devrait suffire. Le seul problème, bien entendu, c'est que

 21   le témoin, lui, ne dispose pas de ce texte.

 22   Avez-vous visionné cette cassette au Bureau du Procureur pendant votre

 23   séjour à La Haye?

 24   M. Babic (interprétation): Oui, j'ai visionné des parties de cet

 25   enregistrement.

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  1   Question: Et est-ce que M. Spegelj, dans cette cassette, fait référence au

  2   fait que des membres de la JNA aient été tués, et en particulier au fait

  3   qu'il convient de résoudre le problème de Knin en massacrant les gens?

  4   Est-ce qu'il l'a dit?

  5   Réponse: C'est bien ce qu'il a dit.

  6   Question: Qui a réalisé cette vidéo? Le savez-vous?

  7   Réponse: Lorsque cela a été diffusé, on a dit que c'étaient les services

  8   d'information du secrétariat fédéral à la défense de la République

  9   socialiste fédérative de Yougoslavie. Et, par la suite, on a dit que cela

 10   avait été fourni par les bons soins du KOS, service de contre-espionnage

 11   militaire.

 12   Question: Est-ce que le général Spegelj, puisque c'était son poste à

 13   l'époque, a nié avoir tenu de tels propos, notamment lorsqu'il a parlé du

 14   fait de tuer des membres de la JNA et des gens de Knin?

 15   Réponse: Les médias ont communiqué son démenti. Je pense qu'il avait nié

 16   la chose.

 17   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Cette cassette a-t-elle été diffusée

 18   plusieurs fois ou une seule fois? A quel moment?

 19   M. Babic (interprétation): Je sais que cela a été diffusé vers le 25

 20   janvier et je sais que des journaux ont publié des textes à ce sujet. Je

 21   pense que cela a été diffusé à plusieurs reprises, mais je n'ai pas suivi

 22   à chaque fois; je ne l'ai vu que la première fois.

 23   M. le Président (interprétation): En quelle année était-ce, s'il vous

 24   plaît?

 25   M. Babic (interprétation): En 1991, vers le 25 janvier 1991.

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  1   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Cette vidéo a-t-elle eu un impact sur

  2   la population serbe en Croatie, en particulier sur la population à Knin?

  3   M. Babic (interprétation): Oui. Après la diffusion de cet

  4   enregistrement, il y a eu des meetings en masse de protestation, non

  5   seulement contre Spegelj mais contre le gouvernement croate, et de soutien

  6   à la Yougoslavie et le gouvernement populaire yougoslave. Cela a influé

  7   sur les gens de façon que les gens qui avaient apporté leur soutien au

  8   gouvernement croate avaient été jugés comme étant les ennemis du peuple

  9   serbe; et une grande appréhension s'était installée vis-à-vis de ce que la

 10   Croatie allait faire.

 11   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez déjà parlé d'une interview

 12   que vous avez accordée aux médias. Mais je voudrais obtenir de votre part

 13   des informations supplémentaires à ce sujet. Je pense que, pour ce faire,

 14   nous devrions passer à huis clos partiel.

 15   (Huis clos partiel à 11 heures 11.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 16   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

 17   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais maintenant demander à

 18   l'huissière de bien vouloir me donner l'intercalaire 26 de la pièce 352.

 19   Il s'agit d'une interview que vous avez donnée en janvier 1991 au magazine

 20   "Nin".

 21   (Intervention de l'huissière.)

 22   Il s'agit d'une interview qui a été signée par Stefan Grubac. Est-ce que

 23   cet homme vous a effectivement interviewé et comment se fait-il que vous

 24   connaissiez effectivement cette personne?

 25   Réponse: Oui, il m'avait interviewé. Il a fait pas mal d'interviews avec

Page 13003

  1   moi dans le courant de la deuxième moitié de l'année 1990 et dans le

  2   courant de 1991. Il était devenu proche. Je tiens à dire qu'il est

  3   originaire des environs de Denis, qui se trouve en Dalmatie. C'était donc

  4   devenu l'un de mes proches, et ceci dans le sens d'une communication

  5   fréquente pour ce qui est des suggestions de sa part, pour ce qui concerne

  6   la façon dont je devais tenir des discours. Il m'avait demandé aussi de

  7   rédiger une déclaration qui avait été lue au meeting contre les meetings

  8   tenus par l'opposition, donc meeting du parti SPS tenu à Belgrade. Une

  9   fois, il avait demandé…

 10   Question: Monsieur le Témoin, nous y viendrons. Je voulais simplement

 11   savoir comment il se fait que vous le connaissiez et je voudrais savoir

 12   s'il avait des contacts avec M. Milosevic. Le savez-vous?

 13   Réponse: Ce que je sais, c'est qu'il avait eu des contacts avec des

 14   collaborateurs de Milosevic et des amis intimes de M. Milosevic.

 15   Question: De qui voulez-vous parler?

 16   Réponse: Il s'agit de personnes qui faisaient partie du cercle familial,

 17   de la famille Milosevic. Il y avait une personne du conseil exécutif de la

 18   Gauche yougoslave unie, une femme dont je n'arrive plus à me souvenir du

 19   nom, mais je me le rappellerai tout à l'heure. Il allait jusqu'au cabinet

 20   de M. Milosevic, il avait des contacts avec le chef de cabinet de M.

 21   Milosevic, le dénommé "Goran". Il me disait que le chef, le patron me

 22   demandait de faire une déclaration contre M. Vuk Draskovic, qui était le

 23   chef, l'un des chefs de l'opposition à l'époque.

 24   Question: Cela signifie-t-il que M. Gruban ait eu une influence sur vous-

 25   même, sur vos propos? Quand et avec quelle fréquence?

Page 13004

  1   Réponse: Oui, oui.

  2   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Ici, dans cet entretien à la page 2

  3   en anglais, M. Gruban parle de vous, il parle de la Région autonome de la

  4   Krajina et de M. Milan Babic, son chancelier. Est-ce que, dans ces

  5   interviews ou les articles qu'il vous consacrait, il parlait de vous comme

  6   étant un chancelier?

  7   M. Babic (interprétation): Eh bien, il cherchait à me donner plus

  8   d'importance que j'en avais réellement. Et c'est dans ce sens-là qu'il

  9   s'était servi de ce terme de "chancelier".

 10   M. Kwon (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, je ne suis pas très bien:

 11   est-ce que nous parlons de M. Gruban ou de M. Grubac?

 12   M. Babic (interprétation): Grubac.

 13   M. Kwon (interprétation): Oui, merci.

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): A la dernière page, à la page 7 du

 15   texte en anglais, vous verrez le nom: Stefan Grubac.

 16   M. Kwon (interprétation): Oui, mais quand on regarde l'écran, on voit le

 17   nom de Gruban.

 18   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous le répète: si vous vous

 19   reportez à la page 7, vous constaterez qu'il s'agit de Stefan Grubac.

 20   Monsieur le Témoin, y avait-il dans votre entourage d'autres journalistes

 21   venant de Serbie et "qui vous glorifiaient", pour reprendre vos propres

 22   termes?

 23   M. Babic (interprétation): Eh bien, il y avait eu beaucoup de

 24   journalistes. Je pense que je devais, j'étais contraint: on me demandait

 25   tout le temps des déclarations, des commentaires, des commentaires

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  1   relatifs à tout événement survenu. Notamment Krste Bjelic, vers la moitié

  2   1990, avait été correspondant de la télévision de Belgrade à Knin et il

  3   demandait constamment des déclarations; il se vantait même d'avoir fait de

  4   moi-même un homme politique.

  5   Question: Vous dites qu'il se vantait d'avoir fait de vous un homme

  6   politique. Quand a-t-il tenu ces propos?

  7   Réponse: Dans le courant de l'année 1991.

  8   Question: Monsieur Krste Bjelic, est-ce que c'était un proche de M.

  9   Milosevic?

 10   Réponse: En 1991, il est devenu rédacteur en chef du programme

 11   informatique de la télévision de Belgrade, une maison qui était

 12   directement placée sous le contrôle de M. Milosevic. Je dirais même qu'en

 13   plaisantant, une fois, il m'avait dit que c'était moi-même qui avais

 14   participé à la nomination ou fait en sorte que Krste Bjelic soit nommé

 15   rédacteur en chef de la télévision de Belgrade, grâce à mes bonnes

 16   relations avec M. Milosevic.

 17   Question: Quand vous a-t-il dit cela? Quand M. Milosevic vous a-t-il dit

 18   cela?

 19   Réponse: Dans le courant de 1991, à l'occasion de l'une de nos rencontres.

 20   Question: Et, dans cette interview que nous venons d'évoquer, que vous

 21   avez donnée à M. Grubac, à la dernière page, vous faites référence à un

 22   certain élément suite à une question qui vous est posée par le

 23   journaliste: "Les Serbes sont arrêtés ces jours-ci et pas les Croates. Qui

 24   participe à ces activités de gangsters en Croatie?". Et vous répondez en

 25   faisant référence au régime policier oustachi, à la botte des dirigeants

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  1   croates.

  2   Est-ce que cela signifie que vous aviez adopté ce type de rhétorique dont

  3   vous nous avez parlé et dans vos propres dires, dans vos propres propos?

  4   Réponse: Oui.

  5   Question: Et sur cette même page -deux questions plus loin- vous parlez de

  6   M. Slobodan Milosevic en disant -je cite: "Il est le Président de tous les

  7   Serbes pas seulement de Serbie, et il bénéficie du soutien de tous les

  8   Serbes." (Fin de citation.)

  9   Est-ce que c'était bien le cas à l'époque?

 10   Réponse: C'est ainsi qu'il se présentait. Il promettait aux Serbes son

 11   plein soutien et les Serbes lui ont fait confiance. Je lui avais fait

 12   confiance personnellement aussi.

 13   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous n'avons plus besoin de ce

 14   document. Nous pouvons maintenant retourner en audience publique.

 15   Mme Anoya (interprétation): Je souhaiterais, s'il vous plaît, que

 16   l'accusation nous indique quels intercalaires doivent être versés sous

 17   scellés, en particulier pour ce qui est de l'intercalaire 26.

 18   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, cet intercalaire doit être versé

 19   sous scellés.

 20   (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 21.)

 21   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

 22   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous nous avez dit… Non, je reformule

 23   ma question.

 24   Qui contrôlait les médias serbes?

 25   M. Babic (interprétation): Les médias en Serbie étaient sous le

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  1   contrôle du Président Milosevic.

  2   Question: Comment faisait-il pour contrôler les médias? De quelle façon?

  3   Réponse: Il avait deux possibilités à sa disposition, par le biais des

  4   institutions de la République de Serbie qu'il contrôlait au travers de son

  5   parti SPS, et personnellement par le truchement des rédacteurs en chef

  6   dans les médias. Concrètement parlant, moi, je suis notamment au courant

  7   de la deuxième des façons.

  8   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Que savez-vous de cette deuxième

  9   possibilité pour lui de contrôler les médias par le truchement de ceux qui

 10   occupaient des fonctions?

 11   M. Babic (interprétation): Je sais qu'il plaçait, qu'il nommait et

 12   qu'il révoquait les directeurs de la radio et télévision, qu'il

 13   contrôlait, qu'il nommait les directeurs, les rédacteurs en chef par

 14   exemple du quotidien "Politika".

 15   M. Robinson (interprétation): Pouvez-vous nous parler de la structure des

 16   médias s'agissant des propriétaires des organes de presse? Est-ce que

 17   c'était plutôt sous propriété privée ou publique?

 18   M. Babic (interprétation): Non, c'était de la propriété publique.

 19   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez parlé du quotidien

 20   "Politika", s'agissait-il à l'époque d'un journal de premier plan?

 21   M. Babic (interprétation): Oui, c'est un quotidien, un journal

 22   politique qui se trouve en tête de file.

 23   Question: Comment savez-vous que M. Milosevic nommait les rédacteurs en

 24   chef et ceux qui occupaient des fonctions au sein de ce journal ou de ce

 25   quotidien de premier plan? Si c'est nécessaire, nous pouvons passer à huis

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  1   clos partiel. Je ne suis pas sûre que cela le soit.

  2   Réponse: J'ai personnellement entendu certains directeurs dire qu'ils

  3   étaient placés là par le Président Milosevic. Et j'ai entendu le Président

  4   Milosevic dire qu'il avait placé telle et telle personne aux fonctions de

  5   directeur.

  6   Question: Quand M. Milosevic vous a-t-il dit qu'il nommait personnellement

  7   des directeurs et qui a-t-il nommé?

  8   Réponse: Au mois de mars. Et il s'agissait du directeur de la télévision

  9   de Belgrade. Quand je dis "mois de mars", j'entends l'année 1991.

 10   Question: Est-ce ce qu'il vous a dit?

 11   Réponse: Oui, en personne.

 12   Question: En mars 1991 ou alors à une autre date?

 13   Réponse: En mars 1991.

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, je

 15   souhaiterais demander un bref huis clos partiel pour que le témoin puisse

 16   s'exprimer plus librement.

 17   (Huis clos partiel à 11 heures 26.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 18   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

 19   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, quels directeurs,

 20   quels rédacteurs en chef vous ont dit personnellement qu'ils étaient sous

 21   l'influence ou qu'ils avaient été nommés par M. Milosevic?

 22   M. Babic (interprétation): Je me souviens, en effet, Zivorad Minovic

 23   le directeur de "Politika" m'a dit en 1995 que le Président Milosevic

 24   savait pourquoi il le gardait à ces fonctions de directeur de "Politika"

 25   au côté de Dragan Hadzi Antic qui occupait les fonctions de rédacteur en

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  1   chef de "Politika".

  2   Et s'agissant de Zivorad Minovic, je l'ai connu pour la première fois à un

  3   cocktail tenu après les élections, en novembre 1991; c'était une réception

  4   chez le Président Milosevic et c'était vers le nouvel an de 1991. J'avais

  5   été, début février 1991, invité de "Politika".

  6   M. Kwon (interprétation): Vous faites référence au fait que ce directeur

  7   affirmait avoir été nommé par le Président Milosevic. Normalement, qui est

  8   censé nommer ce directeur, si ce n'est pas M. Milosevic, à l'époque?

  9   Monsieur Milosevic l'a-t-il nommé en sa qualité de Président, de façon

 10   tout à fait légitime, ou bien sommes-nous face à un autre cas de figure?

 11   M. Babic (interprétation): Monsieur le Juge, cela se passait

 12   autrement. Le Président de la République n'avait pas d'attributions lui

 13   permettant de nommer les directeurs des maisons d'édition ou des médias;

 14   le directeur était censé être élu par le conseil de cette maison d'édition

 15   ou le conseil ouvrier de cette entreprise médiatique, après concours

 16   public.

 17   M. Robinson (interprétation): Est-ce que ceci était précisé clairement

 18   dans un texte, une loi, un règlement?

 19   M. Babic (interprétation): Oui, cela était réglementé par la

 20   législation.

 21   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous nous dites que juridiquement, ce

 22   n'était pas à M. Milosevic de désigner les directeurs ou les rédacteurs en

 23   chef. Mais dans ces circonstances, comment pouvez-vous nous dire que c'est

 24   lui qui les a nommés? De quelle façon est-il intervenu dans ce processus?

 25   M. Babic (interprétation): C'est lui qui détenait le pouvoir en

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  1   Serbie. Et, par le biais de la Serbie ou par le biais de personnes se

  2   trouvant en Serbie, il détenait le pouvoir au niveau de la Yougoslavie

  3   également. Il était Président du parti au pouvoir pendant un certain temps

  4   et, par la suite, il était le chef réel de ce parti au pouvoir. Et ce

  5   parti exerçait le pouvoir à l'assemblée de la République de Serbie, dans

  6   la majorité des municipalités de cette République de Serbie.

  7   Question: Le parti avait-il son mot à dire lorsqu'il s'agissait de nommer

  8   un directeur ou un rédacteur en chef?

  9   Réponse: Suivant la procédure, c'étaient les conseils ouvriers qui

 10   décidaient. L'Etat, à savoir les municipalités, avait un droit de

 11   contrôle, un droit de suivi ou de surveillance; c'est ce qu'on appelait

 12   "le suivi ou la surveillance des instances sociales".

 13   Question: Vous est-il arrivé d'être présent au moment où M. Milosevic a

 14   donné des instructions aux dirigeants des médias ou à des rédacteurs en

 15   chef? Et je pense à des médias aussi bien… pour les médias, je pense aussi

 16   bien à la télévision qu'au journal "Politika".

 17   Réponse: Une fois, vers le 23 janvier, à l'occasion d'une rencontre que

 18   j'ai eue chez le Président Milosevic, il est personnellement allé voir la

 19   secrétaire, sa secrétaire, pour lui dicter un texte de communiqué et

 20   appeler une personne dans le journal "Politika" aux fins de faire publier

 21   ce texte. Je n'arrive plus à me remémorer d'autres situations.

 22   Au sujet du directeur de la télévision, en 1991, il avait dit, suite aux

 23   exigences de l'opposition demandant que le directeur M. Mitevic, à

 24   l'époque, soit révoqué ou donne sa démission… Je n'arrive plus maintenant

 25   à me souvenir du nom de ce nouveau directeur -ce n'était pas un nom

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  1   caractéristique pour la Serbie, je m'en souviendrais-, mais il a dit que

  2   son père avait été du parti de Ljotic, donc il n'aurait aucune raison

  3   d'être contre lui, à présent.

  4   Question: Est-ce que certain de ces rédacteurs en chefs vous ont dit avoir

  5   reçu des instructions de M. Milosevic en personne?

  6   Réponse: Non.

  7   Question: Avez-vous eu des contacts avec M. Rade Brajevic et pouvez-vous

  8   nous dire de qui il s'agit?

  9   Réponse: Rade Brajevic était rédacteur en chef du journal quotidien, du

 10   quotidien "Vecernje Novosti". Je l'ai rencontré à plusieurs reprises suite

 11   à 1990, tant à Knin que dans les bureaux de "Vecernje Novosti", ainsi que

 12   dans le cabinet du Président Milosevic.

 13   Question: Ce quotidien, "Novosti", est-ce que c'est un quotidien qui a une

 14   grande circulation? Est-ce que c'est un quotidien d'Etat, qui appartient à

 15   l'Etat?

 16   Réponse: Oui, c'était un quotidien de l'Etat. Je ne sais pas qui en avait

 17   été le fondateur, je n'en suis pas sûr. Je sais que l'entreprise "Borba",

 18   qui était un établissement, une institution fédérale, en était

 19   propriétaire. Et d'une certaine façon, ce journal a disposé d'une certaine

 20   autonomie à l'égard de son fondateur "Borba". Maintenant, de là à savoir

 21   qui en avait au juste été le fondateur, je n'en suis pas tout à fait

 22   certain. Mais c'était, au demeurant, une entreprise publique.

 23   Question: Est-ce que vous vous êtes entretenu avec M. Brajevic au sujet

 24   d'une interview que vous aviez accordée en 1994 et qui n'avait pas été

 25   publiée?

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  1   M. Babic (interprétation): Une fois que nous nous étions rencontrés au

  2   cabinet du Président Milosevic, il m'avait invité à être l'invité de son

  3   journal pour que ces journalistes fassent une interview avec moi. Ils

  4   avaient fait des interviews indépendamment de cette invitation auparavant,

  5   bien sûr. Et d'après moi…

  6   M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, tout ceci ne nous

  7   fait pas beaucoup avancer.

  8   Veuillez avancer un petit peu plus rapidement, Madame Uertz-Retzlaff.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons revenir en audience

 10   publique.

 11   (Audience publique avec mesures de protection à 11 heures 35.)

 12   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

 13   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que les médias parlaient

 14   également de Milan Martic? Si c'est le cas, de quelle manière?

 15   M. Babic (interprétation): Oui, et plus particulièrement après avril

 16   1991.

 17   Question: Comment était-il présenté dans les médias? Est-ce que lui aussi

 18   était "glorifié", pour reprendre vos propres termes, en parlant d'une

 19   autre personne?

 20   Réponse: Oui, on avait glorifié son rôle dans la Krajina.

 21   Question: Monsieur le Témoin, quand la Yougoslavie a commencé à se

 22   désintégrer, est-ce qu'il existait un objectif, un objectif principal,

 23   essentiel pour les Serbes en Yougoslavie?

 24   Réponse: La discussion, les débats au sujet de l'avenir de la Yougoslavie

 25   étaient devenus très intenses dans le courant de l'année 1990. Il y avait

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  1   deux approches, deux options qui étaient notamment présentes. L'une des

  2   options était l'approche politique adoptée par la Serbie disant que la

  3   Yougoslavie devait être aménagée en guise de fédération rigide. L'autre

  4   approche avait été celle de la Croatie et de la Slovénie pour en faire des

  5   Etats indépendants, faire des Républiques des Etats indépendants, ou faire

  6   une confédération. Les Serbes avaient opté en faveur de la variante

  7   politique présentée par Belgrade, à savoir de faire du pays une fédération

  8   au sens strict du terme. Et au cas où la fédération se désintégrerait, les

  9   Serbes étaient censés avoir le droit de rester vivre dans un seul et même

 10   Etat.

 11   C'est ce que le Président Milosevic disait lui-même d'ailleurs. Il disait

 12   que les Serbes ne sauraient vivre dans quatre Etats différents, dans une

 13   situation de confédération et que les Serbes pour leur part allaient

 14   forcément rester pour vivre dans un même Etat.

 15   Question: Vous dites que M. Milosevic a tenu ces propos. Quand l'avez-vous

 16   entendu dire cela?

 17   Réponse: En janvier 1991. Il l'avait déclaré personnellement.

 18   Question: Et à quelle occasion?

 19   Réponse: A l'occasion de rencontres personnelles. Mais cela avait été le

 20   discours public des structures dirigeantes à Belgrade.

 21   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je souhaiterais présenter au témoin

 22   un document extrait de la pièce 352, qui se trouve à l'intercalaire 27.

 23   M. Kwon (interprétation): Monsieur le Témoin, avant cela, je voudrais

 24   savoir si vous avez jamais entendu parler de ou si vous connaissez cette

 25   notion de Grande Serbie?

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  1   M. Babic (interprétation): C'est une question qui est clairement

  2   expliquée par Borislav Seselj, le président du Parti radical serbe.

  3   M. Kwon (interprétation): Est-ce que cela est différent de l'idée de voir

  4   tous les Serbes vivre dans un même Etat, propos qui sont attribués à M.

  5   Milosevic? Est-ce qu'il s'agit du même concept, de la même notion ou bien

  6   est-ce quelque chose de différent?

  7   M. Babic (interprétation): Du point de vue des notions, c'est

  8   différent, mais du point de vue des teneurs, cela se ressemble fort.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): De quelle manière exactement? Quelles

 10   étaient les analogies?

 11   Réponse: Eh bien, le concept du Président Milosevic sous-entendait la

 12   nécessité pour les Serbes, en plus de la Serbie et du Monténégro… Donc,

 13   dans cet Etat, en en plus de la Serbie et du Monténégro et des Serbes

 14   vivant sur ces territoires, il faudrait que dans cet Etat, il y ait

 15   également d'englobés les Serbes de Bosnie-Herzégovine et de Croatie.

 16   Seselj, lui, avait formulé les choses de façon différente. Il disait que

 17   la Grande Serbie devait avoir ses frontières sur la ligne, sur l'axe

 18   Karlobag-Ogulin-Karlovac-Virovitica, chose qui correspond à peu près à

 19   l'option avancée par le Président Milosevic.

 20   Question: Je souhaiterais rebondir sur ce que vous venez de dire en vous

 21   présentant une pièce à conviction; il s'agit d'une carte, pièce 326,

 22   intercalaire 3.

 23   (Intervention de l'huissière.)

 24   Nous avons une ligne noire. Que représente-t-elle, s'il vous plaît?

 25   Réponse: Eh bien, cela constitue l'axe en faveur duquel s'était employé

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  1   Borislav Seselj pour dire que cela devait représenter les frontières de la

  2   Grande Serbie.

  3   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): La frontière occidentale de l'Etat

  4   envisagé par M. Milosevic, où se serait-elle trouvée?

  5   M. le Président (interprétation): Attention à la façon de formuler la

  6   question: il faut d'abord demander s'il y avait des frontières, parce que

  7   c'est la première fois qu'on avance une suggestion de ce genre de la part

  8   du témoin. Mais laissez le témoin répondre, s'il vous plaît, Madame Uertz-

  9   Retzlaff.

 10   Monsieur le Témoin, pour vous, que signifiait cette notion de "tous les

 11   Serbes dans un Etat"? Qu'est-ce que cela signifiait pour vous?

 12   M. Babic (interprétation): D'après ce que j'ai cru comprendre, cela

 13   signifiait que les Serbes de Croatie, les Serbes de Bosnie-Herzégovine

 14   avaient le droit de faire partie de l'Etat au sein duquel se trouverait la

 15   Serbie.

 16   M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on n'a jamais présenté des

 17   propositions, des suggestions quant à la localisation des frontières de

 18   cet Etat?

 19   M. Babic (interprétation): Borislav Jovic, à la télévision, vers le 10

 20   septembre 1990, a expliqué de quelle façon les choses devaient être

 21   réalisées et il avait parlé des municipalités en tant qu'unités

 22   territoriales qui étaient censées faire partie de cet Etat, Etat qui

 23   serait une fédération ferme, rigide, et qui serait créé par réaménagement

 24   de la Yougoslavie de l'époque.

 25   Seselj était le seul à parler de cette ligne de la frontière, ou de cet

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  1   axe de la frontière allant de Karlobag, Ogulin, Karlovac, Virovitica. Le

  2   Président Milosevic, lui, avait parlé du principe aux termes duquel les

  3   Serbes se trouvant sur le territoire de quatre Républiques devraient se

  4   retrouver dans un même Etat, et il disait qu'ils avaient le droit de se

  5   retrouver dans ce même Etat.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci de placer la carte sur le

  7   rétroprojecteur.

  8   (Intervention de l'huissière.)

  9   Monsieur le Témoin, je ne sais pas si cette carte peut vous être d'une

 10   quelconque utilité ou si nous devons nous servir d'une autre carte, mais

 11   j'aimerais qu'au moyen du pointeur vous nous indiquiez les zones où

 12   résidaient les Serbes en Croatie. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous

 13   l'indiquer?

 14   M. le Président (interprétation): Ne perdons pas de temps, Madame Uertz-

 15   Retzlaff, nous le savons; nous avons entendu déjà des témoignages à ce

 16   sujet. Veuillez passer à autre chose.

 17   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bien.

 18   Monsieur le Témoin, j'avais demandé à l'huissière de vous présenter un

 19   document. Il s'agit d'une proclamation qui vient du groupe de travail

 20   chargé de la préparation du plan d'unification de la Republika Srpska, de

 21   la Krajina et de la Republika Srpska. Au bas de ce document…

 22   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic, qu'avez-vous à

 23   dire?

 24   M. Milosevic (interprétation): Etant donné que je suis certain du fait que

 25   ce témoin-ci, et même s'agissant des circonstances dans lesquelles il est

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  1   en train d'intervenir, ne saurait pas lui-même confirmer cette frontière

  2   imaginaire.

  3   M. le Président (interprétation): Pourquoi ne le laissez-vous pas parler?

  4   Non, mais où voulez-vous en venir? Vous pourrez lui poser des questions;

  5   le moment viendra, bientôt. Mais poursuivons.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Connaissez-vous ce groupe de travail?

  7   M. Babic (interprétation): Oui.

  8   Question: A la première page, on trouve un paragraphe que je vais vous

  9   lire -je cite-: "L'objectif et l'engagement des Serbes consistaient à

 10   vivre dans un Etat conjoint avec le reste de la nation serbe et ils

 11   savaient que seul ce type d'Etat pouvait leur assurer une protection

 12   contre un nouveau génocide et garantir l'égalité et la liberté nationale."

 13   (Fin de citation.)

 14   Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous donner vos commentaires au sujet de ce

 15   passage que je viens de lire?

 16   Réponse: Cela avait trait aux raisons principales pour lesquelles il

 17   s'avérait être indispensable de voir les territoires serbes se réunir pour

 18   constituer un seul et même Etat.

 19   Question: Qu'est-ce que cela signifie? Ici, on voit "pour leur assurer une

 20   protection contre un nouveau génocide et garantir la liberté nationale,

 21   l'égalité"; est-ce que cela était vraiment nécessaire?

 22   Réponse: A l'époque, il n'était plus nécessaire de parler du génocide

 23   parce que la République de la Krajina serbe et la Republika Srpska avaient

 24   déjà été créées.

 25   Question: L'objectif et l'engagement clair des Serbes de vivre dans un

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  1   Etat commun, à partir de quel moment a-t-on utilisé cette notion et

  2   jusqu'à quand? Ce document du groupe de travail date de mai 1995. Est-ce

  3   qu'on a retrouvé cette thèse pendant toute la période?

  4   Réponse: Depuis le début de 1991, c'est la thèse qui avait été agréée par

  5   le Président Milosevic, thèse aux termes de laquelle les Serbes devaient

  6   vivre dans un seul et même Etat. Et pour ce qui est de la République de la

  7   Krajina serbe et de la Republika Srpska, c'était une thèse qui était

  8   d'actualité en 1995 également.

  9   Question: Je souhaiterais vous lire une autre partie du document. Je cite:

 10   "Une sécession unilatérale et contraire à la Constitution des Croates et

 11   des Musulmans de l'ex-Croatie et de l'ex-Bosnie-Herzégovine a été menée à

 12   bien afin de détruire l'Etat yougoslave commun pour mettre un terme à

 13   l'identité juridique et légale de l'Etat et à sa continuité, et pour

 14   priver le peuple serbe du statut de nation constituante afin d'en faire

 15   une minorité humiliée, privée du droit à l'autodétermination." (Fin de

 16   citation.)

 17   Pouvez-vous nous faire des observations au sujet de ce que je viens de

 18   lire? De quelle manière le peuple serbe serait-il ainsi privé de son droit

 19   à l'autodétermination et de quelle manière le peuple serbe… pourquoi le

 20   peuple serbe allait-il être une minorité humiliée?

 21   Réponse: Eh bien, on estimait que si les Serbes en Croatie et en Bosnie-

 22   Herzégovine acceptaient de voir la Croatie et la Bosnie-Herzégovine

 23   devenir des Etats indépendants, cela ferait qu'ils perdraient leur statut

 24   de peuple constitutif, statut dont ils avaient bénéficié dans les

 25   constitutions en vigueur jusque-là. Et dans ce cas-là, ils ne

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  1   disposeraient plus du droit, en leur qualité de peuple, de s'unifier, de

  2   s'unir avec les autres parties du peuple serbe, les segments de la Nation

  3   serbe dans les Républiques autres dans lesquelles ils vivaient, et ils

  4   deviendraient donc de ce fait minorité nationale ou segment constitutif

  5   d'autres nations.

  6   Question: Est-ce que circulait l'idée qu'il serait humiliant pour le

  7   peuple serbe de se trouver en situation de minorité dans un Etat?

  8   Réponse: Oui.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Qui a été à l'origine de cette

 10   notion?

 11   M. Babic (interprétation): Tout d'abord, cette thèse est venue de

 12   Belgrade. On disait que les Serbes étaient un peuple constitutif, non pas

 13   dans la République qui était la leur, mais qu'en Yougoslavie ils avaient

 14   le droit à l'autodétermination, ils avaient le droit de rester dans un

 15   seul et même Etat et qu'ils ne sauraient être réduits au statut de

 16   minorité nationale. C'est une thèse qui avait été appuyée par les leaders

 17   politiques des Serbes en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. C'est une thèse

 18   qui a été vastement, amplement acceptée par les citoyens du groupe

 19   ethnique serbe tant en Croatie qu'en Bosnie-Herzégovine, et en Serbie

 20   également d'ailleurs.

 21   M. Robinson (interprétation): La question portait précisément sur l'idée

 22   d'humiliation qui était censée devoir être vécue par les Serbes s'ils

 23   devenaient une minorité. Je ne crois pas que vous ayez répondu très

 24   directement à cette question. La question qu'on vous a posée, Monsieur,

 25   c'était: qui a conçu cette idée, comment est-ce qu'elle a vu le jour?

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  1   M. Babic (interprétation): On estimait que si les Serbes perdaient

  2   leur statut de peuple constitutif en Croatie ou en Bosnie-Herzégovine, ils

  3   acquéraient la position de minorité nationale. Et ce sont deux concepts

  4   différents, parce qu'un peuple a le droit de se séparer du reste de

  5   l'Etat, alors qu'une minorité nationale ne jouit pas de ce droit.

  6   M. Robinson (interprétation): Mais qui estimait cela: les Serbes de

  7   Belgrade ou les Serbes de Croatie et de Bosnie-Herzégovine?

  8   M. Babic (interprétation): C'était une idée répandue à Belgrade, en

  9   Croatie et en Bosnie-Herzégovine.

 10   M. Kwon (interprétation): Et vous avez admis cette idée à l'époque, n'est-

 11   ce pas?

 12   M. Babic (interprétation): Oui.

 13   M. Kwon (interprétation): Avez-vous une réflexion différente, aujourd'hui?

 14   M. Babic (interprétation): Aujourd'hui, je pense différemment parce

 15   que cette thèse était une thèse ethno-égoïste qui a débouché sur des

 16   affrontements inter-ethniques, sur le démantèlement du pays, sur des

 17   violences, sur toutes les atrocités qui ont été vécues pendant la guerre.

 18   Cette thèse a été la tombe des peuples yougoslaves. C'est ce que je pense

 19   aujourd'hui.

 20   M. Kwon (interprétation): Merci.

 21   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, vous avez dit que

 22   les Serbes de Serbie, de Bosnie-Herzégovine et de Croatie partageaient

 23   cette idée à l'époque. Est-ce que cela signifie que M. Milosevic

 24   partageait également cette idée? Et si oui, comment l'a-t-il fait savoir?

 25   M. Babic (interprétation): Oui.

Page 13021

  1   Question: Je n'ai pas entendu d'interprétation. Avez-vous répondu à la

  2   question?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Vous est-il arrivé de discuter avec M. Milosevic de la

  5   proposition défendue par les Croates, à savoir le projet de confédération?

  6   Et quelle a été sa réponse à cela?

  7   Réponse: Durant les entretiens des Présidents de la présidence des

  8   Républiques d'ex-Yougoslavie qui se sont déroulés en avril, mai et au

  9   début juin, donc durant l'une de ces réunions j'en ai parlé avec lui. Je

 10   lui ai demandé si la Serbie et la Croatie pourraient créer une

 11   confédération, et il m'a répondu: "Je n'en veux pas. Ils n'ont qu'à

 12   partir. Moi, je ferai cela avec la Grèce. Autrement dit, je créerais une

 13   confédération ou quelque chose d'autre avec la Grèce."

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

 15   Juges, pour aller plus vite, j'annonce que nous disposons de plusieurs

 16   documents qui portent sur les travaux du groupe de travail chargé de

 17   l'unification de la Republika Srpska et de la RSK pendant la période

 18   allant de 1995 jusqu'à la fin du moment où l'unification de tous les

 19   Serbes était évoquée.

 20   Donc je vous demanderais de lire ces documents, car je pense qu'ils

 21   parlent d'eux-mêmes et qu'ils n'ont pas besoin d'être authentifiés par le

 22   témoin puisqu'ils sont en rapport avec des activités officielles.

 23   M. le Président (interprétation): Pouvez-vous nous donner les cotes en

 24   intercalaire?

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, oui. Il s'agit toujours donc de

Page 13022

  1   la pièce 352, intercalaires 28, 29, 30. Je reprends donc: intercalaires

  2   27, 28, 29, et il y a un document qui est une lettre dans laquelle il est

  3   fait mention de la convention yougoslave, d'une convention yougoslave qui

  4   s'est intéressée au droit à l'autodétermination. C'est un sujet qui a déjà

  5   été abordé par le témoin.

  6   Nous avons ici un document que j'aimerais soumettre au témoin, qui traite

  7   d'une question assez similaire, mais elle fera l'objet de questions de ma

  8   part. Il s'agit de l'intercalaire 31 de cette pièce 352. C'est une lettre

  9   envoyée par Andjelko Maslic, secrétaire général de la présidence de la

 10   RSFY, à Milan Martic le 21 février 1992. Elle porte sur une proposition de

 11   mettre un point à l'ordre du jour qui serait un rapport sur la discussion

 12   d'une proposition d'adoption d'une loi relative à l'exercice du droit du

 13   peuple à l'autodétermination.

 14   Monsieur le Témoin, est-ce que selon cet ordre du jour ce sujet a été

 15   discuté lors de cette réunion?

 16   M. Babic (interprétation): Je ne sais pas, mais je sais que la loi en

 17   question a été discutée pendant longtemps, le projet de loi en tout cas;

 18   en fait, depuis août 1990. Et puis, il y a eu une conférence organisée en

 19   Yougoslavie par les parties présentes lors de la réunion du 4 juillet

 20   1991, donc la deuxième convention… La conférence a été organisée en

 21   Yougoslavie le 4 janvier 1991, avec participation à la IIe Convention, en

 22   février 1992, de ces personnes. Mais je ne suis pas sûr des dates. En tout

 23   cas, je pense que c'était en février 1992.

 24   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, il y a encore

 25   deux documents dont j'aimerais que nous discutions, mais que nous n'avons

Page 13023

  1   pas besoin de soumettre au témoin, à mon avis. Il s'agit de l'intercalaire

  2   32 et de l'intercalaire 33 de la même pièce, qui traitent toujours de

  3   l'unification de certains territoires pour qu'ils constituent un seul et

  4   unique Etat.

  5   Pendant vos entretiens avec le représentant du Bureau du Procureur à La

  6   Haye, avez-vous eu l'occasion d'entendre la diffusion d'écoutes?

  7   M. le Président (interprétation): Ah! Nous passons aux écoutes?

  8   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Président, car il y

  9   est également question de la création d'un Etat serbe unique et de

 10   l'aspect que pourrait revêtir cet Etat.

 11   M. le Président (interprétation): Il y a des objections à l'admission de

 12   ces écoutes.

 13   Pouvons-nous traiter de cela maintenant?

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je pense qu'il serait préférable que

 15   ce soit M. Nice qui présente ses arguments à ce sujet.

 16   M. le Président (interprétation): Très bien. Je pense qu'il est préférable

 17   de traiter de la question immédiatement. Nous pourrons d'ailleurs y

 18   revenir en temps utile le cas échéant.

 19   Monsieur Nice, nous avons entendu un certain nombre d'objections. Je vous

 20   demande un instant.

 21   Ce qui nous manque encore, c'est l'annexe aux dernières écritures que vous

 22   avez déposées. Pourrions-nous l'obtenir maintenant?

 23   M. Nice (interprétation): Excusez-moi, je me renseigne.

 24   Il faudra sans doute quelques minutes pour retrouver cette annexe.

 25   M. le Président (interprétation): Très bien. Poursuivons pendant cette

Page 13024

  1   recherche. Bien entendu, les Juges ont besoin de ce document.

  2   Pouvons-nous donc maintenant traiter des arguments qui nous ont été

  3   soumis?

  4   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, peut-être

  5   puis-je vous aider en rapport avec cette annexe, car en fait c'est une

  6   pièce à conviction: il s'agit de la pièce 353, intercalaire 1. On y trouve

  7   la déclaration du témoin et les écoutes en question. Donc l'annexe figure

  8   à ce niveau et son versement au dossier devait être demandé un peu plus

  9   tard.

 10   M. le Président (interprétation): L'annexe, c'est donc la déclaration qui

 11   vient de nous être remise? Bien, très bien. Nous l'avons maintenant.

 12   M. Robinson (interprétation): Dans votre réponse aux observations

 13   formulées par les amici curiae s'agissant de ces écoutes, Monsieur Nice,

 14   vous dites que vous allez soumettre en annexe la loi qui autorisait les

 15   écoutes; or c'est cela qui nous manque.

 16   M. Nice (interprétation): Très bien. Je vais voir ce que nous pouvons

 17   faire. Nous prévoyions que ce sujet serait abordé lors de la troisième

 18   partie de la journée; donc nous sommes un peu pris de court. Ce document

 19   arrive, mais il n'est pas immédiatement disponible.

 20   M. le Président (interprétation): Bien. Comme je le disais, sur cette

 21   question, nous disposons des observations formulées par les amici, nous

 22   avons vos écritures initiales -je parle de celles du Procureur-, donc les

 23   observations des amici et notamment un calendrier des cassettes audio;

 24   nous avons la réponse du Procureur: vous faites référence au jugement

 25   Kordic de février 2000.

Page 13025

  1   En fait, dans l'échange d'arguments entre nous, nous n'avons pas besoin de

  2   vous dire tous les documents dont nous disposons, mais j'aimerais que

  3   chacun puisse agir le plus rapidement possible dans ce débat et j'aimerais

  4   bien sûr que l'accusé ait la possibilité de s'exprimer également.

  5   En tout cas, nous commencerons par les arguments des amici; ensuite, nous

  6   passerons à l'accusé et le Procureur pourra répondre.

  7   Madame Higgins, voulez-vous ajouter quelque chose à vos écritures en

  8   réponse à ce que le Procureur a déjà dit?

  9   Mme Higgins (interprétation): Monsieur le Président, je ne souhaite pas

 10   ajouter d'argument nouveau, mais j'aimerais souligner certains des

 11   arguments qui, dans la réponse écrite du Procureur, à mon avis, n'ont pas

 12   été traitées.

 13   Deux questions se posent: la première question, c'est l'authenticité et la

 14   fiabilité des éléments de preuve; la deuxième question, c'est l'aspect

 15   légal de la question. J'aimerais d'abord, en quelques mots, parler de

 16   l'authenticité et de la fiabilité.

 17   Monsieur le Président…

 18   M. Kwon (interprétation): On vous demande de ralentir votre débit.

 19   Mme Higgins (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Juge.

 20   Pour qu'un élément de preuve soit acceptable par ce Tribunal, il faut

 21   qu'il ait une valeur probante et qu'il soit pertinent. Et les amici, bien

 22   sûr, se penchent de très près sur le problème de la fiabilité. La question

 23   de savoir si, oui ou non, des écoutes sont fiables, a été examinée par les

 24   amici qui estiment que le Procureur n'a pas établi le fondement permettant

 25   de verser ces écoutes au dossier, à ce stade.

Page 13026

  1   La Chambre de première instance ne sait pas encore comment, où ou quand

  2   les écoutes ont été faites; il n'y a pas de preuve de la continuité à cet

  3   égard. Nous ne savons même pas comment ces écoutes ont été datées ou si

  4   elles proviennent d'une source fiable. Et l'authenticité est donc, bien

  5   sûr, une question très importante s'agissant de ces éléments.

  6   Le fait que le Procureur déclare que ces écoutes donnent une idée plus

  7   globale des choses, sera débattu pendant le procès pour déterminer si

  8   elles peuvent aider la Chambre de première instance à se prononcer sur un

  9   certain nombre de points. Mais avant que la Chambre ait entendu ces

 10   éléments de preuve quant à la façon dont les écoutes ont été enregistrées,

 11   conservées et transcrites, nous pensons…

 12   M. le Président (interprétation): C'est ce que vous dites dans votre

 13   argumentation, ce n'est pas votre point de vue. Vous êtes en train de

 14   présenter des arguments.

 15   Mme Higgins (interprétation): Oui, bien sûr, Monsieur le Président, je

 16   vous prie de m'excuser.

 17   Donc l'argument des amici consiste à dire que ces documents ne devraient

 18   pas être admis pour le moment, puisque la fiabilité de cet élément de

 19   preuve n'est pas encore appréciée. Le Procureur est en droit de dire qu'un

 20   certain nombre de facteurs doivent être pris en compte pour évaluer la

 21   fiabilité de ces éléments de preuve et que l'un, bien sûr, est la

 22   reconnaissance vocale qui a déjà été discutée.

 23   Si ce témoin utilise les éléments de preuve en question, donc des écoutes

 24   de conversations auxquelles il n'a pas participé, la Chambre doit se

 25   convaincre que ces écoutes sont bien authentiques. Le Procureur a établi

Page 13027

  1   que le témoin reconnaît les voix, ou en tout cas a une idée assez bonne de

  2   la nature des personnes qui parlent. Le Procureur a déjà déclaré que ce

  3   témoin connaît très bien la situation dont il est question dans ces

  4   écoutes.

  5   Cependant, un autre élément qui a été évoqué dans les écritures est le

  6   suivant, à savoir: parce qu'un témoin connaît assez bien les événements

  7   dont il est question dans des conversations, est-ce que cela signifie

  8   nécessairement que les conversations sont authentiques ou que les voix des

  9   personnes en question appartiennent bien à ces personnes?

 10   M. le Président (interprétation): Le témoin peut en parler dans sa

 11   déposition. Il peut dire: "Je connais ou je ne connais pas M. X" et "Je

 12   reconnais ou je ne reconnais pas sa voix".

 13   Maintenant, il nous appartient bien entendu d'apprécier, une fois que nous

 14   aurons entendu la déposition du témoin, ce qu'il en est exactement, si le

 15   témoin est en droit de dire ce qu'il dit ou pas, dans le contexte dans

 16   lequel les conversations se situent.

 17   Il ne s'agit pas ici d'identification de la voix en tant que telle, il

 18   s'agit de reconnaissance. Le témoin déclare: "Je connais ces personnes, je

 19   sais que c'est la voix de cette personne que l'on entend." Et ensuite, le

 20   problème d'appréciation par nous se pose.

 21   Mme Higgins (interprétation): Même si le témoin reconnaît les voix, il

 22   peut se faire que ces voix ne soient pas authentiques, qu'elles ne soient

 23   pas celles des personnes auxquelles il est prétendu qu'elles

 24   appartiennent. Il peut y avoir imitation de la voix. Donc ce n'est pas le

 25   seul point à examiner à cet égard, Monsieur le Président. Bien sûr, le

Page 13028

  1   témoin peut dire qu'il reconnaît les voix mais ensuite, la Chambre devra

  2   se prononcer.

  3   Monsieur le Président, j'aimerais maintenant traiter du problème de

  4   l'aspect légal des choses. L'accusé, M. Milosevic, a déclaré que le

  5   Procureur devait apporter la preuve de la légalité de tout cela. Sa

  6   position consiste à dire que ces écoutes n'ont pas été obtenues selon les

  7   voies légales; les autorisations n'ont pas été soumises aux Juges de cette

  8   Chambre dans le calendrier gardé confidentiellement par le Procureur.

  9   Cependant, de l'avis des amici, il est permis de se demander si le

 10   Procureur possède effectivement les autorisations originales et le carnet

 11   original des écoutes. Il n'est pas tout à fait certain que ces documents

 12   soient en sa possession et que les autorisations aient été fournies selon

 13   les voies légales. Et le témoin ne peut pas être interrogé sur des

 14   dispositions légales en rapport avec la loi, en tout cas pas sur ces

 15   autorisations.

 16   A nouveau, nous affirmons que le fondement n'a pas été établi, s'agissant

 17   de la fiabilité et de l'aspect légal de ces documents.

 18   Finalement, Monsieur le Président, un autre point en rapport avec

 19   l'application de l'Article 95 du Règlement. Le Procureur a demandé aux

 20   Juges de cette Chambre de rendre une décision selon laquelle l'Article 95

 21   ne s'applique pas aux communications interceptées en temps de guerre. Les

 22   amici déclarent, pour leur part, que cette décision ne devrait pas couvrir

 23   de façon générale toutes les écoutes et qu'il convient de se pencher sur

 24   ces écoutes au cas par cas.

 25   Monsieur le Président, voilà donc l'argumentation des amici. Et j'aimerais

Page 13029

  1   appeler votre attention sur les éléments figurant au paragraphe 13 de nos

  2   écritures à cet égard. A ce stade, nous pensons que les écoutes ne doivent

  3   pas être admises; elles ne peuvent qu'être enregistrées à des fins

  4   d'identification jusqu'à ce que les fondements soient apportés. Voilà,

  5   Monsieur le Président, ce que je voulais vous dire.

  6   M. le Président (interprétation): Merci.

  7   Monsieur Milosevic, vous avez la parole.

  8   M. Milosevic (interprétation): En quelques mots, Monsieur May, j'ai déjà

  9   indiqué qu'il était inacceptable d'admettre ces documents en tant

 10   qu'éléments du dossier. Il s'agit de conversations interceptées qui ont

 11   été obtenues de façon illégale. Il s'agit de montages de conversations.

 12   Et j'ajouterai qu'il y a un autre document matériel qui vient à l'appui de

 13   mes dires car j'ai eu la possibilité de lire des comptes rendus d'audience

 14   et on constate qu'une partie de ces conversations sont hors contexte et

 15   qu'elles ne respectent donc pas la logique d'une conversation normale.

 16   Par conséquent, je ne peux pas passer sans revue toutes les écoutes, bien

 17   entendu -je n'en ai d'ailleurs pas l'envie-, pour vous citer un exemple,

 18   mais il est tout à fait manifeste qu'il s'agit de montages.

 19   Troisièmement, s'agissant de l'authenticité, je pense que ce témoin peut

 20   parler de l'authenticité de sa conversation avec une personne avec

 21   laquelle il s'est entretenu, mais je vois qu'il n'y a pas de conversation

 22   dans ces écoutes où il me parle à moi. En revanche, il est présumé que des

 23   transcriptions de ces conversations avec des tiers figurent dans ces

 24   documents. Mais je ne vois pas comment il peut confirmer l'authenticité

 25   d'une conversation entre moi et une tierce personne quelle qu'elle soit.

Page 13030

  1   Donc, s'agissant de l'authenticité et de l'aspect légal de ces écoutes et

  2   s'agissant des éléments de conversation montés dans ces écoutes, ceci est

  3   tout à fait manifeste; et j'estime que, pour des raisons de principe, il

  4   serait inacceptable d'admettre ces éléments en tant qu'éléments de preuve

  5   constitutifs du dossier de ce procès.

  6   Quant à la teneur de ces écoutes, elle ne me préoccupe pas; je ne vais pas

  7   en parler maintenant. Il vous appartiendra de vous prononcer à cet égard.

  8   M. Nice (interprétation): Monsieur le Président il y a très peu de choses

  9   à ajouter s'agissant de ce qui vient d'être dit.

 10   Enregistrer des pièces à conviction aux fins d'identification uniquement

 11   et remettre à plus tard leur versement au dossier est une méthode qui, à

 12   notre avis, n'est pas la meilleure et qui ne devrait pas remplacer le

 13   cours habituel des choses qui consiste à verser au dossier un certain

 14   nombre de pièces à conviction au moment où le versement est demandé, puis

 15   à en étudier et à en apprécier le poids plus tard selon la catégorie

 16   d'éléments de preuve dont il est question.

 17   Bien sûr, enregistrer aux fins d'identification pour appréciation

 18   ultérieure est très facile, par exemple s'agissant de la provenant des

 19   écoutes lorsque la provenance existe, peut être citée ou lorsqu'on pense

 20   qu'elle existe, qu'elle est définie, on peut enregistrer la pièce à des

 21   fins d'identification avant de discuter plus en détail de la provenance

 22   pour en apprécier le poids.

 23   Lorsque la preuve de l'identification de la voix existe, lorsqu'elle a été

 24   admise ou en tout cas lorsque des arguments satisfaisants ont été apportés

 25   à ce sujet, et que ces arguments sont admis par l'une ou l'autre des

Page 13031

  1   parties, il ne reste plus que l'appréciation et le poids à accorder à cet

  2   élément de preuve qu'il convient de déterminer.

  3   Lorsqu'on sait donc d'où provient la pièce, quel est le contenu de la

  4   conversation, quand le témoin l'a confirmé, lorsque des éléments existent

  5   pour en prouver l'authenticité, je pense qu'il ne reste plus qu'à

  6   apprécier le poids et que la pièce peut être versée au dossier. Pour le

  7   reste, ce témoin peut reconnaître en tout cas 50 de ces écoutes par la

  8   voix et je pense que cela suffit à identifier les participants à la

  9   conversation.

 10   Mais verser au dossier ces écoutes maintenant et remettre à plus tard

 11   l'appréciation du poids à accorder à cette pièce permet, suite à

 12   l'argumentation, de s'occuper de l'ensemble des écoutes et pas seulement

 13   d'une cinquantaine.

 14   Bien entendu, la provenance et le rapport entre la nature de la

 15   conversation et d'autres éléments constitutifs de la pièce à conviction

 16   sont importants. Si l'accusé admet cette possibilité, s'il admet que dans

 17   certains cas il peut y avoir des conversations authentiques, même si dans

 18   d'autres il insiste pour affirmer que ce sont des montages, certaines

 19   peuvent être enregistrées en tout cas. Un grand nombre d'éléments de

 20   preuve donc pourraient être versés au dossier de cette façon et il n'y a

 21   aucune raison d'en remettre le versement au dossier à une date ultérieure.

 22   Je me souviens d'un problème qui s'est posé dans l'affaire Kordic où un

 23   élément de preuve a été exclu par la Chambre d'appel sur un argument

 24   différent, d'ailleurs. Je pense que l'argument a été admis comme bon par

 25   les deux Chambres, la Chambre de première instance et la Chambre d'appel.

Page 13032

  1   Mais, dans ce cas particulier, si la Chambre d'appel a finalement rejeté

  2   cet élément de preuve c'est parce qu'elle savait que des éléments

  3   supplémentaires devaient être fournis en première instance, qui ne l'ont

  4   pas été, et qui auraient permis de mieux apprécier la valeur de la pièce.

  5   Bien sûr, nous avons répondu à la partie adverse en affirmant quels

  6   étaient nos arguments. La Chambre peut se pencher sur nos écritures.

  7   Mais pour être tout à fait parlant, je dirai que limiter dès le départ la

  8   disponibilité d'éléments de preuve pour appréciation du poids de ces

  9   éléments à une date ultérieure ne me paraît pas la meilleure façon de

 10   procéder. Ces écoutes peuvent être admises maintenant, il n'y a aucune

 11   raison de remettre en cause leur légalité, même si la source du document

 12   n'est pas immédiatement disponible pour des raisons dont nous allons

 13   parler plus tard. Ces écoutes devraient être admises maintenant et leur

 14   poids apprécié plus tard.

 15   M. le Président (interprétation): 20 minutes de pause ou plus si

 16   nécessaire.

 17   (L'audience, suspendue à 12 heures 20, est reprise à 12 heures 46.)

 18   M. le Président (interprétation): La Chambre de première instance en est

 19   arrivée à la conclusion suivante: nous estimons qu'a priori, et sur la

 20   base d'un premier examen, ces écoutes sont admissibles et sont

 21   acceptables. Cependant, nous pensons que nous devrions bénéficier et

 22   obtenir plus d'informations sur la manière dont ces écoutes ont été

 23   réalisées et sur leur provenance. Si bien qu'à ce stade du procès, nous

 24   allons leur attribuer une cote aux fins d'identification et ordonner

 25   qu'elles soient présentées et auditionnées.

Page 13033

  1   M. Robinson (interprétation): Vous avez fait référence au droit à un

  2   système de sécurité d'Etat. Je suis assez sûr qu'il s'agit d'une loi, en

  3   fait, qui autorise ce type d'écoutes qui normalement est une dérogation au

  4   droit à la vie privé et ceci dans l'intérêt de la sécurité nationale. Ceci

  5   est d'ailleurs reconnu par le droit international, rien dans ce document

  6   cependant ne l'indique.

  7   D'ailleurs, je n'arrive pas bien à voir si l'on fait référence ici à des

  8   réglementations qui sont rendues au titre de cette loi ou pas. Il serait

  9   donc utile que vous nous fournissiez des éléments supplémentaires relatifs

 10   à cette loi. Cela me fournirait les informations nécessaires pour savoir

 11   si cette écoute a été réalisée dans l'intérêt de la sécurité nationale.

 12   M. Nice (interprétation): Nous allons nous y atteler.

 13   M. le Président (interprétation): Et gardez à l'esprit que nous avons

 14   besoin de détails supplémentaires s'agissant de la provenance de ces

 15   écoutes. Pour l'instant, nous n'avons que l'autorisation relative à ces

 16   écoutes.

 17   M. Nice (interprétation): Oui. Nous allons vous fournir des éléments

 18   relatifs à la provenance à ce sujet. S'agissant de la loi elle-même, je

 19   vais, en temps utile, vous communiquer des informations à ce sujet.

 20   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, souhaitez-vous

 21   intervenir?

 22   M. Milosevic (interprétation): Nous venons de recevoir cet avenant qui

 23   comporte la réponse relative à ces écoutes, à ces conversations

 24   interceptées. Et si j'ai bien compris, cela comporte ce qui a fait l'objet

 25   de la question de M. Robinson.

Page 13034

  1   D'après ce que j'en sais, d'après la Constitution de la Bosnie-

  2   Herzégovine, ce type d'attributions pour ce qui est de faire des

  3   exceptions quant au droit à la vie privé, seul la présidence de Bosnie-

  4   Herzégovine a des attributions de cette nature-là et en aucun cas le

  5   ministre de l'Intérieur.

  6   Je sais qu'en Serbie de telles attributions n'appartenaient qu'à la Cour

  7   suprême, en Bosnie-Herzégovine, la présidence aussi.

  8   Donc cela ne peut servir de base pour ce qui est de la légalité de ces

  9   écoutes interceptées et je ne sais pas quelle est l'identité de cette

 10   personne née à Savnik et résidant à Sarajevo, décision concernant mise

 11   sous écoute de cette et conversation, mais je tiens à dire qu'il n'y a pas

 12   de fondement pour ce qui est de la légalité.

 13   Autre chose que je voulais dire, cela concerne ce que M. Nice disait à

 14   propos des sources.

 15   Les renseignements au niveau des sources ne confirment pas en aucun cas la

 16   légalité de la façon dont ces écoutes ont été procurées ou ont été

 17   obtenues.

 18   Troisièmement, M. Nice nous a expliqué ici tout à l'heure que le témoin,

 19   ici présent, était en mesure de reconnaître des voix. Quand bien même vous

 20   accepteriez d'admettre ces écoutes, ces entretiens interceptés, il

 21   faudrait que ce témoin reconnaisse devant vous toutes ces voix et non pas

 22   que vous preniez comme étant prouvée l'affirmation de l'accusation aux

 23   termes desquelles ces dizaines de voix interceptées, ces 52 conversations

 24   interceptées ont été reconnues, comme quoi la partie adverse et le témoin

 25   ont convenu que cela était reconnu. Donc si l'on admet des éléments de

Page 13035

  1   preuve, si on les verse au dossier, il faut qu'on les présente ici; on ne

  2   peut pas les verser au dossier sans qu'ils soient présentés. Par

  3   conséquent…

  4   M. le Président (interprétation): Monsieur Milosevic, ne continuons pas

  5   interminablement sur ce sujet. Vous avez entendu notre décision. Ces

  6   cassettes à ce stade de la procédure vont se voir attribuer un numéro

  7   d'identification. Nous allons ensuite les écouter et, ce faisant, le

  8   témoin nous expliquera, si c'est le cas, s'il reconnaît et comment il se

  9   fait qu'il reconnaît les voix qui figurent sur ces enregistrements. Nous

 10   entendrons en temps utile ces éléments de preuve; de plus, nous allons

 11   entendre des éléments relatifs à la loi, au droit ce qui a été demandé par

 12   le Juge Robinson.

 13   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En fait, Monsieur le Président, nous

 14   n'avons pas l'intention de procéder à l'audition de ces cassettes, parce

 15   que cela nous prendrait quelque deux journées.

 16   Nous allons nous consacrer, nous allons entendre quelques brefs extraits

 17   de ces cassettes et nous entrerons plus dans les détails de la discussion

 18   des transcripts de ces cassettes. Et pour certaines de ces écoutes, nous

 19   allons simplement demander leur versement sans entrer dans les détails.

 20   Voilà, la manière dont nous avons l'intention de procéder.

 21   M. le Président (interprétation): Nous disposons des transcriptions, des

 22   diverses écoutes auxquelles vous souhaitez vous référer, si j'ai bien

 23   compris?

 24   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

 25   M. le Président (interprétation): Ce que vous devez faire dans chaque cas

Page 13036

  1   si vous souhaitez qu'ultérieurement ces pièces soient versées au dossier

  2   par le truchement de ce témoin, ce qu'il faut que vous fassiez, c'est

  3   demander au témoin d'identifier les voix, s'il a dit pouvoir le faire, et

  4   ensuite, nous donner les éléments sur la base desquels il est à même de

  5   les identifier ces voix.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Certes, mais je vais d'abord

  7   interroger le témoin au sujet de la procédure que nous avons adoptée en

  8   écoutant ces écoutes.

  9   Monsieur le Témoin, pendant les discussions que vous avez eues avec le

 10   Procureur, ici à La Haye, avez-vous eu l'occasion d'écouter quelque 50

 11   communications téléphoniques interceptées?

 12   M. Babic (interprétation): Oui.

 13   M. Kwon (interprétation): Pendant deux jours?

 14   M. Babic (interprétation): Cela a duré plusieurs jours: deux jours et

 15   un troisième jour; donc à quatre reprises. Cela a duré assez longtemps. Et

 16   si l'on mettait le tout bout à bout, cela ferait deux bonnes journées.

 17   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous écouté ou entendu

 18   l'intégralité de ces enregistrements pour chacune des conversations

 19   interceptées? Avez-vous entendu chacune d'entre elles dans son intégralité

 20   et les avez-vous suivies sur la transcription fournie?

 21   Réponse: Oui, j'ai tout écouté. J'ai suivi la transcription pour la

 22   plupart; pour certaines conversations, je n'avais pas de transcription:

 23   certaines m'ont été passées et on m'a fourni pour elles la transcription

 24   ultérieurement.

 25   Question: Avez-vous lu la transcription en même temps que vous écoutiez

Page 13037

  1   les enregistrements? Avez-vous fait une comparaison entre ce que vous

  2   entendiez et ce que vous lisiez?

  3   Réponse: Oui, j'écoutais et je suivais sur la transcription lorsque celle-

  4   ci avait été mise à ma disposition.

  5   Question: Avez-vous fait des remarques au sujet de la véracité de la

  6   transcription? Avez-vous identifié des erreurs? Les avez-vous signalées?

  7   Réponse: Non, pour ce qui est de l'exactitude, la transcription était tout

  8   à fait fidèle. J'ai commenté les voix: la clarté, le timbre de la voix. Je

  9   reconnaissais la voix des uns et des autres; parfois, là où les choses

 10   n'étaient pas claires, je l'ai précisé.

 11   Question: En écoutant ces conversations, en entendant ces voix, avez-vous

 12   signalé quelles voix vous avez reconnues et est-ce que ceci a été

 13   répertorié dans un document?

 14   Réponse: Oui. J'ai indiqué quelles étaient les voix que j'avais reconnues.

 15   Cela est enregistré dans un document qui m'a été présenté à la fin et j'y

 16   ai apposé ma signature. J'ai paraphé chaque page et, à la fin, j'ai signé.

 17   Question: Je souhaiterais que soit présenté au témoin l'intercalaire n°1

 18   de la pièce 353.

 19   (Intervention de l'huissière.)

 20   S'agit-il du document qui a été réalisé en votre présence et qui fait

 21   référence aux conversations interceptées, que vous avez écoutées, et où il

 22   est indiqué les voix que vous avez reconnues?

 23   Réponse: Oui, c'est bien ce document.

 24   Question: Avez-vous avalisé ce document? Vous dites que vous l'avez signé,

 25   mais est-ce que vous l'avez vérifié quand on vous l'a présenté?

Page 13038

  1   Réponse: Oui, oui. Les 50 alinéas ont été examinés par mes soins et, à

  2   chaque fois, j'avais fait une petite halte pour me remémorer la

  3   conversation que j'avais entendue, parce que ceci s'est fait à la fin, au

  4   bout de toutes ces conversations interceptées. Ce n'est que par la suite,

  5   donc tout à fait au bout, que j'ai signé ce document.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

  7   Juges, nous souhaiterions demander le versement au dossier de la

  8   déclaration faite par le témoin et nous souhaiterions le faire sous

  9   scellés.

 10   M. le Président (interprétation): Bien.

 11   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je souhaiterais maintenant demander à

 12   la cabine technique de passer une partie d'une de ces conversations.

 13   M. le Président (interprétation): Un instant. Les Juges ont besoin de se

 14   consulter.

 15   (Les Juges se consultent sur le siège.)

 16   M. Robinson (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, nous venons de parler

 17   de la méthode que vous avez semblé avoir l'intention d'utiliser.

 18   Si j'ai bien compris, vous allez vous appuyer sur la déclaration écrite

 19   faite par le témoin, dans laquelle il dit avoir reconnu un certain nombre

 20   de voix sur les enregistrements qu'il a écoutés, qu'on lui a fait écouter

 21   au Bureau du Procureur pendant une période de plusieurs jours. Je

 22   comprends bien la difficulté que représenterait l'écoute ici même de 50

 23   cassettes, 50 enregistrements, mais il en va ici de la question de la

 24   fiabilité, du poids accorder à ces éléments de preuve.

 25   Nous avons, en tout cas, besoin de savoir comment il parvient à

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  1   reconnaître ces voix; c'est le minimum. Et j'imagine que nous devrions

  2   entendre au moins un ou deux enregistrements.

  3   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Sur la plupart des cassettes, sur la

  4   plupart des enregistrements, on entend les mêmes interlocuteurs, à savoir

  5   MM. Milosevic et Karadzic; si bien qu'il ne nous a pas semblé nécessaire,

  6   pour chaque enregistrement, de revenir sur la question de la

  7   reconnaissance des voix.

  8   Nous allons parler de chacune des personnes reconnues par le témoin, nous

  9   allons lui en parler pendant sa déposition et nous allons évoquer la

 10   plupart des conversations interceptées, ceci au moyen des transcriptions.

 11   Nous allons écouter 13…, à peu 13 de ces enregistrements. Seul un des

 12   enregistrements sera passé dans son intégralité car il s'agit souvent de

 13   conversations longues et qui comportent des passages qui ne nous

 14   intéressent pas. Voilà du moins la façon dont nous nous proposons de

 15   procéder.

 16   M. le Président (interprétation): Ce dont vous devez nous convaincre, bien

 17   entendu, c'est que le témoin est effectivement en mesure de reconnaître

 18   ces voix. Donc comment, dans quelles circonstances… Comment connaît-il la

 19   personne qui s'exprime, depuis combien de temps la connaît-il, etc.? Tout

 20   ceci jouera un rôle pour déterminer le poids à accorder à ses

 21   déclarations.

 22   Bien. Allez-y.

 23   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander à la cabine

 24   technique de bien vouloir passer le premier enregistrement qui se trouve à

 25   l'intercalaire n°42 dans le classeur des écoutes. Et nous n'allons en

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  1   entendre qu'une partie.

  2   M. le Président (interprétation): Mais ici, j'ai une liste des

  3   enregistrements qui vont être passés, qui vont être écoutés. Est-ce qu'on

  4   va l'utiliser ou pas? Ce serait fort utile.

  5   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Sur cette liste, vous voyez le numéro

  6   de la cassette qui se trouve sur la colonne de gauche, avec le numéro de

  7   l'intercalaire.

  8   M. le Président (interprétation): Oui, mais on commence avec quel

  9   intercalaire?

 10   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Intercalaire n°42.

 11   M. le Président (interprétation): Mais où est-ce que cela se trouve dans

 12   la liste qui m'a été remise et dans les enregistrements qui m'ont été

 13   communiqués?

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il s'agit de l'onglet n°42, dans la

 15   colonne de gauche.

 16   M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, je voudrais que

 17   vous regardiez le document que j'ai sous les yeux.

 18   Veuillez, s'il vous plaît, Madame l'Huissière, le remettre au Procureur.

 19   (Intervention de l'huissière.)

 20   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je pensais que vous faisiez référence

 21   à la déclaration dans laquelle nous faisons figurer les onglets.

 22   M. le Président (interprétation): Veuillez avoir l'amabilité de bien

 23   vouloir m'écouter. Ce n'est pas ce dont je parlais.

 24   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En fait, il s'agit uniquement de ceux

 25   qui vont être écoutés dans le prétoire et l'ordre dans lequel on va les

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  1   écouter. Ce document est destiné à vous aider.

  2   M. le Président (interprétation): Oui, et c'est tout ce que j'ai besoin de

  3   savoir. Veuillez, s'il vous plaît, me remettre mon document.

  4   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je ne savais pas à quel document vous

  5   faisiez référence.

  6   M. le Président (interprétation): Si vous nous remettez des documents pour

  7   nous aider, à ce moment-là il faut suivre l'ordre qui est indiqué dans ces

  8   documents, en nous disant: "Eh bien, voilà l'ordre des documents, des

  9   enregistrements qu'on va entendre, etc.". Ça, ça peut nous être

 10   véritablement d'une très grande utilité.

 11   Allez, continuons maintenant.

 12   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il s'agit de la première écoute qui

 13   figure dans le petit classeur que vous m'avez remis. Nous n'allons écouter

 14   qu'un extrait qui se trouve à la page 5 dans la version en anglais.

 15   (Diffusion du premier extrait.)

 16   "Si ça vient, les troubles vont commencer et ils vont s'en aller. Mais il

 17   faut que nous sécurisions l'Herzégovine. Il faut dire que l'état de fait

 18   est le suivant: la Yougoslavie défend ses territoires et nous allons

 19   traiter de la chose.

 20   -M. Milosevic: Nous devons défendre notre peuple, les gens qui vivent sur

 21   ces territoires.

 22   -Nous ne voulons rien prendre qui ne nous appartienne, c'est essentiel

 23   pour nous.

 24   -M. Milosevic: Oui, s'ils sont…

 25   -M. Karadzic: C'est essentiel pour nous et personne ne peut…

Page 13042

  1   -M. Milosevic: S'ils s'embourbent à cet endroit, il y aura des manières,

  2   il y aura des façons. On va laisser le centre de la Sava, bien que ces

  3   gens disent que ce centre, demain, ils ne l'attaqueront pas, du moins de

  4   nom. Mais si c'est vraiment nécessaire, à ce moment-là il faudra les

  5   attaquer.

  6   -M. Karadzic: Mais je ne sais rien au sujet de ce centre, Sava.

  7   -M. Milosevic: C'est Radoslav Petrovic.

  8   -M. Karadzic: Ecoute, appelle-moi comme on en avait convenu et on

  9   discutera.

 10   -M. Milosevic: Juste avant 3 heures, d'accord?

 11   -M. Karadzic: D'accord.

 12   -M. Milosevic: Salut".

 13   (Fin de la diffusion.)

 14   Monsieur le Témoin, quelles voix avez-vous entendues et avez-vous

 15   reconnues, si vous en avez reconnues? Qui sont ces gens qui s'expriment

 16   ici?

 17   M. Babic (interprétation): J'ai d'abord reconnu la voix de Radovan

 18   Karadzic et l'autre voix était celle de Slobodan Milosevic. Je dois vous

 19   dire qu'il y a eu beaucoup plus de bruitage dans les écouteurs que lorsque

 20   j'ai écouté cet enregistrement la première fois. La première fois,

 21   l'enregistrement était bien plus net. Cette fois-ci, nous avons eu un

 22   bruitage, un bruit de fond assez important.

 23   Question: Monsieur le Témoin, à combien de reprises avez-vous rencontré M.

 24   Milosevic pendant ces événements et est-ce que vous connaissiez bien sa

 25   voix?

Page 13043

  1   Réponse: 30… 30 et quelque fois. Des rencontres personnelles… et il y

  2   avait cinq, voire même dix entretiens téléphoniques avec Slobodan

  3   Milosevic.

  4   Question: Et pour ce qui est de M. Karadzic, je voudrais savoir à combien

  5   de reprises vous l'avez rencontré pendant ces événements et si vous lui

  6   avez également parlé au téléphone.

  7   Réponse: Oui. Je me suis entretenu personnellement avec lui à plusieurs

  8   reprises, une dizaine de fois; peut-être même plus d'une dizaine de fois,

  9   au téléphone.

 10   Question: Avez-vous reconnu clairement les voix? Ou est-ce que vous avez

 11   le moindre doute?

 12   Réponse: J'ai clairement reconnu les voix.

 13   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que le

 14   témoin a sous les yeux la transcription en BCS? Est-ce qu'on pourrait la

 15   lui remettre?

 16   (Intervention de l'huissière.)

 17   Monsieur le Témoin, dans cette conversation que nous venons d'entendre, on

 18   fait référence au fait qu'il faut sécuriser le Herzégovine jusqu'à

 19   Dubrovnik; on dit qu'il faut savoir que la situation de fait, c'est que la

 20   Yougoslavie défend son territoire et que tout cela dépend de l'accord

 21   qu'on peut trouver. Mais à quoi fait-on ici référence dans ce passage? De

 22   quoi parlent MM. Milosevic et Karadzic?

 23   M. Babic (interprétation): Ils sont en train de parler de la chose

 24   suivante: il restera en Yougoslavie les territoires qui, suite à la

 25   désintégration, se trouveraient factuellement parlant en Yougoslavie, donc

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  1   qui seraient détenus par la Yougoslavie au moyen de la JNA comme des

  2   territoires lui appartenant.

  3   M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je voudrais une

  4   précision. On vous a demandé à combien de reprises vous avez rencontré M.

  5   Karadzic; vous avez répondu: "Je me suis entretenu avec lui au téléphone à

  6   plusieurs reprises, une dizaine de fois, voire plus; et je lui ai

  7   également parlé au téléphone". Il y a peut-être eu une erreur dans la

  8   transcription de vos propos.

  9   Pourriez-vous préciser votre réponse: à combien de reprises lui avez-vous

 10   parlé au téléphone et à combien de reprises l'avez-vous rencontré en

 11   personne?

 12   M. Babic (interprétation): Je l'ai rencontré en personne plus d'une

 13   dizaine de fois et je me suis entretenu au téléphone à plusieurs reprises

 14   avec lui.

 15   M. le Président (interprétation): Merci. Madame Uertz-Retzlaff, c'est à

 16   vous.

 17   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il est fait référence ici à la

 18   situation de fait: vous dites que cela désigne les territoires que la

 19   Yougoslavie va conserver grâce à la JNA. Mais qu'est-ce que cela veut dire

 20   cette "situation de fait"? Quel est le lien avec la JNA?

 21   M. Babic (interprétation): Eh bien, cela est en corrélation parce que

 22   l'armée populaire yougoslave avait réparti ses effectifs sur des

 23   territoires qui étaient censés faire partie de cette Yougoslavie, de cette

 24   Fédération, de cet Etat fédéral nouvellement constitué, nouvellement créé,

 25   de cette nouvelle Yougoslavie. Donc cette situation de fait devait être

Page 13045

  1   placée sous le contrôle de la JNA. Et c'était le territoire tenu par la

  2   JNA qui, en vertu de ce qu'a dit Slobodan Milosevic, devrait être le

  3   territoire de ce qui resterait en Yougoslavie ou de ce qui constituerait

  4   le territoire de cette nouvelle Yougoslavie.

  5   Question: Est-ce que, vu le contexte de la conversation -on parle ici d'un

  6   événement qui s'est déroulé au centre Sava-, est-ce que donc ces éléments

  7   vous permettent de dire à quel moment cette conversation téléphonique a eu

  8   lieu? Vous pouvez vous référer à la transcription de la communication

  9   téléphonique ou aux autres éléments qui figurent.

 10   Réponse: Si vous le permettez, j'aimerais bien lire.

 11   (Le témoin lit le document.)

 12   C'était en automne 1991.

 13   Question: Comment le savez-vous?

 14   Réponse: Eh bien, partant du contexte concernant les négociations

 15   relatives à la Yougoslavie et partant du rôle joué par les autres pays

 16   européens, et de la tenue de cette conférence sur la Yougoslavie.

 17   Question: Est-ce que vous parlez là des négociations Carrington, du plan

 18   Carrington? A quelles négociations faites-vous référence?

 19   Réponse: Non, pas à Carrington: j'entends là la Conférence de La Haye.

 20   Question: Et quand a-t-elle eu lieu?

 21   Réponse: Elle avait été préparée en septembre 1991; les sessions plénières

 22   ont eu lieu trois ans octobre 1991 et en novembre toujours 1991.

 23   Et, pratiquement parlant, la conférence s'est tenue jusque là. Il y a eu

 24   plusieurs rencontres dans le courant de l'année 1992, qui plus est.

 25   Question: Et quand MM. Milosevic et Karadzic parlent de l'état de fait, de

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  1   la situation de fait s'agissant de la JNA sur le terrain, en octobre 1991,

  2   sur quel territoire de Croatie se trouvait la JNA?

  3   Réponse: Elle se trouvait sur le territoire de la SAO Krajina, sur le

  4   territoire de la Slavonie occidentale, de la Slavonie orientale et dans la

  5   région de Dubrovnik.

  6   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, j'en ai fini

  7   des questions que je souhaitais poser au témoin au sujet de cette écoute.

  8   Maintenant, je voudrais parler, sans qu'on n'écoute, de l'intercalaire 28

  9   tel que vous le trouverez dans le classeur; il est nécessaire de fournir

 10   au témoin un exemplaire de cette transcription.

 11   Monsieur le Témoin, avez-vous eu l'occasion d'écouter deux…

 12   M. le Président (interprétation): Madame Higgins, est-ce qu'il y a

 13   vraiment un argument que vous souhaitez soulever maintenant? Car s'il y a

 14   trop d'interruptions, ceci nuit à la fluidité du procès?

 15   Mme Higgins (interprétation): Très brièvement. Si l'accusation souhaite

 16   s'appuyer sur ces écoutes, à ce moment-là il conviendrait d'en écouter au

 17   moins un bref extrait.

 18   M. le Président (interprétation): Non, nous n'avons pas le temps d'écouter

 19   50 enregistrements. Oui, Madame Uertz-Retzlaff.

 20   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous eu l'occasion d'écouter

 21   deux conversations au cours desquelles Karadzic et Milosevic parlent des

 22   premières mesures à prendre en vue de la séparation ou de la

 23   désintégration de la Yougoslavie? Et s'agit-il là de l'une de ces deux

 24   conversations?

 25   M. Babic (interprétation): Oui, j'ai écouté l'une de ces

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  1   conversations, en effet.

  2   Question: Ici, à la page 1, on voit M. Milosevic dire la chose suivante

  3   -je cite: "Vous voyez qu'ils essaient de s'en tirer, et ils font tout cela

  4   exactement comme on l'avait prévu". Karadzic répond: "Oui, c'est exact."

  5   Et ensuite Milosevic répond: "Oui, exactement de la manière dont nous

  6   l'avions prévue."

  7   Ensuite, Karadzic parle de nouveau et dit -je cite: "Ma seule crainte,

  8   c'est qu'il obtienne une carte blanche de la part de l'armée, à savoir que

  9   l'armée le soutienne." (Fin de citation.)

 10   Mais de qui ou de quoi parle-t-il ici? Quel était le plan dont il parle?

 11   Réponse: Le plan avait consisté à contraindre la Slovénie et la Croatie à

 12   quitter la Yougoslavie, et s'agissant d'une partie de la Croatie prise par

 13   la JNA et placée sous le contrôle des Serbes, eh bien, cette partie était

 14   censée rester au sein de la Yougoslavie. Et là, il est question d'une

 15   modalité ou d'un concept aux termes desquels cette Yougoslavie nouvelle

 16   réaménagée partant des restes de ce qui avait été la Yougoslavie à

 17   l'époque, c'était donc là une modalité aux termes de laquelle la Slovénie

 18   et la Croatie, en sus des autres qui ne voulaient pas rester en

 19   Yougoslavie, seraient contraints à quitter la Yougoslavie, et que ceux qui

 20   resteraient constituent cette Yougoslavie nouvelle.

 21   Question: Un peu plus bas, on lit la chose suivante, M. Karadzic dit:

 22   "J'imagine qu'il y a des informations venant de l'état-major général,

 23   selon lesquelles ils ne laisseront pas la Croatie et la Slovénie le

 24   faire." Et ensuite, M. Milosevic répond: "C'est la raison pour laquelle je

 25   prépare cet amendement pour le permettre de le faire."

Page 13048

  1   A quoi fait-on ici référence, le savez-vous?

  2   Réponse: Il est question d'Ante Markovic, le Premier ministre du

  3   gouvernement fédéral et de ses rapports avec l'état-major général de la

  4   JNA. Cela signifie que M. Markovic n'avait pas été favorable à la

  5   possibilité de voir la Slovénie et la Croatie faire sécession et quitter

  6   la Yougoslavie. Et M. Milosevic, lui, avait recherché, proposé des

  7   solutions légales pour que cela puisse se faire.

  8   Question: Quand vous avez écouté cette conversation, avez-vous reconnu les

  9   voix de MM. Milosevic et Karadzic?

 10   Réponse: Oui, en effet.

 11   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bien. Maintenant j'aimerais que nous

 12   passions à l'intercalaire n°24.

 13   (Intervention de l'huissière.)

 14   Il s'agit une fois encore d'une conversation entre M. Milosevic et M.

 15   Karadzic. Ici encore, on parle de cette même question, la question de la

 16   séparation, et qui va passer en premier ou s'y livrer en premier.

 17   Monsieur le Président, je souhaiterais que nous passions rapidement à huis

 18   clos partiel pour quelques instants, car il y a une question ici qui est

 19   évoquée et qui a trait au témoin. Mais… En fait, je me suis trompée, il ne

 20   s'agit pas ici d'une conversation entre M. Karadzic et M. Milosevic, il

 21   s'agit d'une conversation entre M. Karadzic et une femme dont on ignore

 22   l'identité.

 23   (Huis clos partiel à 13 heures 25.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 24   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Témoin, quand vous avez

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  1   écouté cette conversation entre M. Karadzic et une femme -dont on ignore

  2   le nom-, au début de cette conversation, on parle…

  3   Est-ce que nous sommes bien à huis clos partiel? Oui.

  4   On parle de vous et on lit la chose suivante: "Le bureau du rédacteur en

  5   chef connaissait probablement la dernière déclaration de Milan Babic et

  6   concernant également l'unification de la SAO de la Krajina et de la

  7   Bosanska Krajina." De quoi parle-t-on ici?

  8   M. Babic (interprétation): Eh bien, je crois qu'il s'agit d'événements

  9   qui ont eu lieu à Banja Luka. Il s'agissait de la préparation et de la

 10   signature d'un contrat de coopération entre la SAO de Krajina et la Région

 11   autonome de Bosanska Krajina.

 12   Question: Cette conversation téléphonique est censée avoir eu lieu le 24

 13   juin 1991. Quand avez-vous essayé d'obtenir l'unification de la SAO de la

 14   Krajina et de la Bosanska Krajina? Est-ce que c'était à la même époque?

 15   Réponse: A l'époque, oui.

 16   Question: Et M. Karadzic s'est-il opposé à ce processus d'unification que

 17   vous essayiez de mettre en oeuvre?

 18   Réponse: Oui, il s'était opposé de façon énergique à la chose le 27 juin

 19   1991. Et c'est ce qui a constitué la suite des événements de Banja Luka

 20   dont il est question dans la transcription en question.

 21   Question: Plus tard, M. Karadzic a-t-il adopté cette même idée de

 22   l'unification des deux Krajina?

 23   Réponse: Il avait été favorable à l'idée de l'unification de la SAO

 24   Krajina avec les territoires qu'il contrôlait en Bosnie-Herzégovine, à

 25   savoir en Republika Srpska, dans le courant des années 1992, 1993, 1994 et

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  1   1995. Et en juin 1991, il avait parlé de l'annexion ou de l'adjonction des

  2   territoires de la SAO Krajina à l'Etat futur que les Serbes allaient créer

  3   sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine.

  4   Question: Oui, mais nous ne voulons pas entrer dans les détails s'agissant

  5   de ces événements ayant eu lieu ultérieurement. Pourquoi s'y est-il opposé

  6   à ce moment-là et quelles raisons expose-t-il à cette femme avec qui il a

  7   cette conversation?

  8   Réponse: Il a dit que l'heure n'était pas venue de le faire, que le moment

  9   n'était pas bien choisi pour ce faire.

 10   Question: Et pourquoi? Quelle était la raison invoquée pour dire que ce

 11   n'était pas le moment?

 12   Réponse: Eh bien, parce que, tout simplement, il voulait que l'opinion

 13   publique, notamment l'opinion publique internationale, ne vienne pas à

 14   interpréter les événements en Bosnie et Croatie, sur le territoire de

 15   l'ex-Yougoslavie, comme étant des événements qui auraient été occasionnés

 16   ou suscités par la partie serbe. Mais il voulait que cela soit présenté

 17   comme le résultat des activités et actions déployées par les autres

 18   parties, à savoir les Croates et les Musulmans.

 19   Question: Dans cette conversation avec cette femme, vers la fin, M.

 20   Karadzic, lorsque la personne lui demande: "Mais, à ce moment-là, la SAO

 21   de la Krajina ne resterait pas au sein de la Croatie mais resterait en

 22   Yougoslavie?", M. Karadzic répond -je cite-: "Non, la SAO de la Krajina ne

 23   se sépare pas de la Yougoslavie, mais c'est la Croatie qui se sépare de la

 24   Yougoslavie. Et la SAO de la Krajina reste au sein de la Yougoslavie."

 25   (Fin de citation.)

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  1   Est-ce ce que vous vouliez dire, ce à quoi vous faisiez référence?

  2   Réponse: Oui, c'est le concept dont j'avais parlé, en effet.

  3   Question: Avez-vous reconnu la voix de M. Karadzic?

  4   Réponse: Oui, lorsqu'on m'a fait écouter cet enregistrement.

  5   Question: Et la voix féminine, vous ne l'avez pas reconnue?

  6   Réponse: Non. Cela me rappelle la voix de quelqu'un, mais je n'ai pas pu

  7   reconnaître.

  8   Question: Sur la base du contexte, êtes-vous en mesure de dire si cette

  9   femme est une journaliste qui interviewe M. Karadzic?

 10   Réponse: Oui, oui, c'était une journaliste, et je n'arrivais pas à me

 11   souvenir de qui il s'agissait. C'était une personne qui avait demandé une

 12   interview ou plutôt une déclaration de sa part concernant ces événements-

 13   là.

 14   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Bien. Maintenant, je souhaiterais

 15   passer à un autre sujet qui a trait à l'objectif que nous avons évoqué un

 16   peu plus tôt: un Etat pour tous les Serbes.

 17   Ma question est la suivante: lorsque l'idée de cet Etat pour tous les

 18   Serbes a vu le jour, qu'est-ce qui était prévu pour les non-Serbes au sein

 19   de ce territoire? Est-ce que cette partie de la question a été abordée par

 20   M. Milosevic?

 21   Oui, Monsieur le Président, nous pouvons retourner en audience publique.

 22   (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 52.)

 23   Mme Anoya (interprétation): Audience publique.

 24   M. Babic (interprétation): Eh bien, en disant que les peuples sont

 25   partie constituante de la Fédération, ce qui fait qu'il découle de là le

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  1   droit de prendre des décisions, et le peuple serbe ayant le droit de

  2   participer aux décisions de sauvegarde de la Fédération yougoslave, ce

  3   sont des discussions qui ont été discutées en public dans le courant des

  4   années 1991 et 1992. Toutefois, dès le mois de juin 1991, il avait été

  5   clairement précisé que les Serbes avaient la volonté de rester dans un

  6   seul et même Etat.

  7   Question: Oui, certes, mais ce n'était pas ma question. Moi, je vous ai

  8   demandé si M. Milosevic avait dit quoi que ce soit au sujet de ceux qui

  9   n'étaient pas serbes et qui vivaient sur ce territoire. A-t-il dit quoi

 10   que ce soit à leur sujet?

 11   Réponse: Je ne me souviens pas qu'il est fait état des non-Serbes.

 12   Question: Nous avons déjà parlé de M. Vojislav Seselj. Lui, qu'a-t-il dit?

 13   A-t-il fait des déclarations au sujet des non-Serbes sur le territoire

 14   auquel il a attribué une frontière occidentale?

 15   Réponse: Il en a parlé, et il a conduit activement une politique qui

 16   visait à faire en sorte que les Croates déménagent de ces territoires,

 17   notamment des territoires en Vojvodine. Il disait que cet Etat futur,

 18   cette grande Serbie ne serait qu'un Etat serbe uniquement.

 19   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur Seselj avait-il son propre

 20   parti? Et, si c'est le cas, quel était le nom de ce parti?

 21   M. le Président (interprétation): Nous le savons déjà, Madame Uert-

 22   Retzlaff. Inutile de poser ce genre de question.

 23   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Est-ce que le parti de M. Seselj

 24   était en concurrence avec le SPS ou est-ce qu'il existait des liens entre

 25   ces deux partis?

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  1   M. Babic (interprétation): Le plus souvent, il y avait des rapports de

  2   partenariat. Il y a eu toutefois une période en 1993 à l'occasion de

  3   laquelle ces partis s'étaient trouvés opposés l'un à l'autre sur la scène

  4   publique. Mais auparavant, ils avaient été des partis formant une

  5   coalition, le parti de M. Seselj étant le parti qui avait apporté son

  6   soutien au SPS, le parti de M. Milosevic.

  7   Question: Milosevic soutenait-il Seselj ou la JNA soutenait-elle Seselj?

  8   Si c'est le cas, qu'en savez-vous?

  9   Réponse: Pour autant que je le sache, Milosevic avait fait l'éloge

 10   publiquement de M. Seselj en disant que c'était là un patriote.

 11   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Seselj est-il venu en Krajina pour

 12   rendre visite à ces volontaires qui se trouvaient en Krajina?

 13   M. Babic (interprétation): Oui, il venait là-bas.

 14   M. Milosevic (interprétation): Monsieur le Président?

 15   M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Milosevic?

 16   M. Milosevic (interprétation): Je pense que la question n'est pas

 17   correctement posée. On a demandé si les volontaires de Seselj se rendaient

 18   en Krajina, alors qu'on n'a pas établi auparavant si Seselj avait eu des

 19   volontaires.

 20   M. le Président (interprétation): D'autres témoins nous ont dit qu'il

 21   avait envoyé des volontaires. Mais écoutons ce que le témoin a à dire à ce

 22   sujet, ce qu'il peut nous dire sur la base de ce qu'il sait lui-même.

 23   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Avez-vous vu Seselj en Krajina?

 24   Savez-vous comment il est venu et qui a organisé sa venue?

 25   M. Babic (interprétation): Seselj est venu à plusieurs reprises sur le

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  1   territoire de la SAO de la Krajina. Je me souviens fort bien de ses

  2   déplacements, notamment celui du 2 mai 1992. Puis, je ne sais pas au juste

  3   si c'était fin décembre ou début janvier, fin décembre donc 1991 ou début

  4   janvier 1992, l'époque à laquelle il était venu inspecter ces volontaires;

  5   il me l'a dit personnellement. Je ne sais pas comment il était venu, mais

  6   je sais qu'il est rentré en hélicoptère avec l'organisation de ce

  7   transport de la Krajina vers la Serbie, dû aux bons soins du ministre

  8   Marko Njegovanovic, ministre de la Défense.

  9   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il convient que nous passions

 10   rapidement à huis clos partiel pour une question très précise.

 11   (Huis clos partiel à 13 heures 38.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 12   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

 13   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Comment avez-vous appris que le

 14   ministre de la Défense, Marko Njegovanovic, avait fourni cet hélicoptère?

 15   M. Babic (interprétation): Eh bien, à l'occasion de cette visite,

 16   Vojislav Seselj était venu dans mon bureau, et c'est de mon téléphone

 17   qu'il avait appelé Marko Njegovanovic pour lui demander un hélicoptère

 18   parce qu'il n'osait pas faire le voyage en voiture en traversant la

 19   Bosnie. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle il avait demandé un

 20   hélicoptère.

 21   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pouvons retourner en audience

 22   publique.

 23   (Audience publique avec mesures de protection à 13 heures 39.)

 24   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes en audience publique.

 25   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur Karadzic a-t-il jamais parlé

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  1   des idées qui étaient les siennes s'agissant des Musulmans en Bosnie-

  2   Herzégovine?

  3   M. Babic (interprétation): Oui, j'ai appris cela au mois de juillet

  4   1991. Il avait dit qu'il allait les chasser et les entasser dans les

  5   vallées des rivières, et ce, aux fins de rattacher les territoires serbes

  6   en Bosnie-Herzégovine les uns aux autres.

  7   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

  8   Juges, je fais référence ici dans mes questions au paragraphe 161 du

  9   résumé de la déclaration du témoin.

 10   Il est nécessaire que nous passions maintenant à huis clos partiel, car

 11   nous allons évoquer une conversation très particulière entre le témoin et

 12   d'autres personnes.

 13   (Huis clos partiel à 13 heures 40.) [Confidentialité levée par une ordonnance de la Chambre]

 14   Mme Anoya (interprétation): Nous sommes à huis clos partiel.

 15   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Quand et où, Monsieur le Témoin, M.

 16   Karadzic a-t-il tenu ces propos disant qu'il voulait chasser les Musulmans

 17   dans les lits des rivières?

 18   M. Babic (interprétation): Il l'a dit dans le courant du mois de

 19   juillet, vers la mi-juillet et cela s'est fait dans le cabinet de M.

 20   Slobodan Milosevic en sa présence.

 21   Question: Qui était présent? Quel était l'objectif de cette réunion?

 22   Réponse: Il y avait le Président Milosevic, Radovan Karadzic et moi-même.

 23   La finalité de cette réunion avait été la suivante: j'ai été invité,

 24   convié par M. Milosevic à venir. Ensuite, M. Karadzic m'a dit

 25   personnellement, devant lui, pourquoi nous ne devions pas à ce moment-là

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  1   procéder à l'unification de la SAO Krajina avec la Région autonome de la

  2   Bosanska Krajina. C'était après l'assemblée de Bosansko Grahovo, en date

  3   du 27 juin 1991. C'est à ce moment-là que Karadzic m'avait exposé son

  4   concept relatif à la Bosnie, et ceci en présence de M. Milosevic.

  5   Question: Qu'a-t-il dit exactement au sujet des Musulmans et au sujet des

  6   hommes politiques concernés en Bosnie?

  7   Réponse: Eh bien, il avait expliqué la chose en disant que l'heure n'était

  8   pas encore venue et en me critiquant l'un et l'autre, Milosevic et

  9   Karadzic. Karadzic, lui, avait dit qu'il gardait Alija Izetbegovic dans sa

 10   petite poche, à savoir qu'il pouvait lui régler ses comptes à tout moment,

 11   mais que le moment n'était pas encore de le faire, parce que les Serbes ne

 12   devaient pas être rendus coupables et on s'attendait à ce que Alija

 13   Izetbegovic fasse le premier faux pas politique et que ce serait là le

 14   moment de lui régler ses comptes. Il avait dit par la suite que les

 15   Musulmans, il allait les entasser, les chasser vers les lits de rivière et

 16   qu'il allait relier entre eux tous les territoires serbes de la Bosnie-

 17   Herzégovine. Il a dit aussi qu'il n'était pas certain s'il allait oui ou

 18   non leur prendre, leur ôter Zenica.

 19   Question: Milosevic a-t-il eu une réaction quelconque à cette observation?

 20   Réponse: Il m'a dit de ne pas être têtu et de ne pas gêner les choses, de

 21   ne pas gêner Radovan.

 22   Question: Quand M. Karadzic a tenu ces propos en disant qu'il allait

 23   pousser les Musulmans dans les vallées des rivières, est-ce qu'il avait à

 24   sa disposition une armée lui permettant de le faire, lui permettant de

 25   régler les comptes? Ou quoi?

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  1   Réponse: C'est à partir de la suite de l'entretien, à cette occasion-là,

  2   que j'ai compris qu'il avait une armée. A la fin de l'entretien, le

  3   Président Milosevic avait demandé où est-ce qu'il fallait disposer les

  4   effectifs de l'armée. Et il avait à sa disposition la police ou une partie

  5   de la police de la Bosnie-Herzégovine qui a été organisée de façon à

  6   devenir un partenaire à son parti au pouvoir, et avec le soutien de Jovica

  7   Stanisic, le chef de la sûreté de l'Etat de Serbie.

  8   Question: Monsieur le Témoin, nous évoquerons dans un autre contexte, un

  9   peu plus tard, cette question.

 10   Vous venez de nous dire que M. Milosevic avait demandé où l'armée devait

 11   être déployée. Quant a-t-il posé cette question et de quelle armée

 12   parlait-il?

 13   Réponse: Cela s'est fait à la fin de cet entretien vers la mi-juillet de

 14   l'année 1991, donc à la fin de cet entretien que nous avons eu à

 15   l'intérieur de son cabinet. Et il avait à l'esprit la JNA, il a toujours

 16   parlé de la JNA. Il disait: "Jusque-là, la JNA vous protègera"; il l'avait

 17   affirmé à plusieurs reprises à moi-même, à mon intention, lorsque nous

 18   avons eu des contacts personnels. Et cette fois-ci, il avait dit qu'il

 19   allait disposer des effectifs de l'armée à tel ou tel endroit. Donc il

 20   disposait de l'armée, il ordonnait à l'armée.

 21   Question: S'agissait-il d'une question rhétorique ou a-t-il vraiment voulu

 22   obtenir de vous-même et de M. Karadzic votre opinion sur cette question?

 23   Réponse: Je crois qu'il avait adopté une certaine attitude. Il voulait

 24   tout simplement dire qu'il avait le contrôle de l'armée, qu'il avait des

 25   plans et qu'il était en train de réfléchir aux territoires sur lesquels il

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  1   fallait disposer les troupes. C'était l'attitude qu'il avait adoptée.

  2   Et si nécessaire, je puis vous décrire dans le détail cette partie-là de

  3   l'entretien afférent à l'attitude en question. Lorsque nous nous

  4   apprêtions à sortir, il m'avait dit: "Attendez un moment". Il est allé

  5   vers son bureau de travail, il est revenu en tenant un papier dans sa

  6   main, il s'est campé debout, fermement, et il a demandé: "Où voulez-vous

  7   que je dispose les troupes?", Radovan Karadzic a tout de suite répondu:

  8   "Sur les frontières de la Croatie". Milosevic n'a pas fait de commentaire,

  9   il a lancé un regard dans ma direction et moi, j'ai dit: "Dans la Krajina,

 10   pour protéger la Krajina". Et il a dit en réponse: "Bien". Puis il nous a

 11   dit au revoir. Il n'a pas fait de commentaires.

 12   Question: Toujours en ce qui concerne cette conversation, est-ce vous

 13   étiez censé aller quelque part? Est-ce que vous êtes allé quelque part en

 14   compagnie de M. Karadzic après cette conversation?

 15   Réponse: Oui, Karadzic m'avait dit: "Nous allons ensemble vers Celina,

 16   c'est une localité à proximité de Banja Luka où il avait convoqué une

 17   réunion des militants de son parti, militants originaires de la Région

 18   autonome de Bosanska Krajina; il s'agissait là d'un groupe de gens qui

 19   avait pris part à la prise des décisions concernant l'unification de la

 20   SAO de Krajina et la Bosanska Krajina pour leur dire qu'il ne fallait pas

 21   le faire et pourquoi il ne fallait pas le faire. Je me souviens très bien

 22   qu'à cette occasion-là...

 23   Question: Monsieur le Témoin, il va bientôt falloir en finir pour

 24   l'audience d'aujourd'hui. J'ai seulement une dernière question à vous

 25   poser au sujet de cette conversation.

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  1   Cette visite à Celina ensuite a-t-elle été évoquée devant M. Milosevic et

  2   a-t-il exprimé une opinion quelconque sur le bien-fondé de cette visite?

  3   Réponse: Oui, il fallait que j'aille là-bas avec Radovan et que je me

  4   présente là-bas -c'était son opinion- pour que les choses soient tout à

  5   fait résolues.

  6   Question: Résolues de quelle manière?

  7   Réponse: Que les gens dans la Bosanska Krajina ne fassent pas obstacle à

  8   Karadzic, que moi-même je ne fasse pas obstacle. Il fallait qu'il m'amène

  9   devant tous ces gens-là pour bien leur indiquer clairement que cette

 10   option n'était pas la bonne option au moment donné.

 11   Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je m'excuse, j'ai pris plus de temps

 12   que prévu, mais je voulais en terminer avec cette série de questions.

 13   M. le Président (interprétation): Nous allons suspendre l'audience.

 14   Je souhaiterais vous rappeler, Madame Uertz-Retzlaff, que vous avez déjà

 15   utilisé la moitié du temps qui vous est imparti. Je vous demande d'y

 16   réfléchir pour ce qui est de la suite de vos questions.

 17   Monsieur le M. Babic, nous vous retrouverons ici même demain à 9

 18   heures. Merci.

 19   (L'audience est levée à 13 heures 50.)

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